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BIOCHIMIE, 1971, 53, 3-8. Revue gGnGrale R6pression catabolique 1970, par Agn6s ULLMANN. D~partement de Biologie Mol~culaire, lnstitut Pasteur, Paris. On d6signe sous le nora de r6pression catabo- lique le fait qu'en pr6sence de glucose (ou d'autres glucides rapidement m6tabolisables) la synthbse de nombreux syst~mes enzymatiques se trouve plus ou moins fortement inhib6e. I1 faut souligner que les syst6mes sensibles heet effet (parfois d6si- gn6 sous le nora d'effet glucose) sont pour la plupart, sinon lous, impliqu6s dans les premi6res 6tapes de la d6gradation des substances organi- ques m6tabolisables par les bact6ries. La grande majorit6 de ces syst6,mes est inductible. A notre connaissance aucun systbme r6pressible n'est sou- mis h l'effet glucose. Alors que l'6tude des syst6mes sp6cifiques d'induction ou de r6pression a fail de tr6s grands progrbs depuis une vingtaine d'ann6es, le ph6nom6ne de r6pression catabolique, d6cou- vert il y a d6jh 70 ans, demeurait presque totale- ment inexpliqu6, encore qu'il ait 6t6 l'objet de tr6s nombreux travaux. Plusieurs d6courvertes faites depuis 19,68 ont maintenant renouvel6 cet ancien probl6me sans qu'on puisse encore cependant proposer une interpr6tation qui rendrait compte de tousles faits connus. Le nombre et l'impor- tance des r6sultats obtenus depuis deux ans justi- fient cependant la br6ve raise au point que nous pr6sentons ici. Le but de cette revue n'est pas d'analyser en d6tail tousles travaux publi6s on non, mais plut6t de r6smner l'6tat aetuel du probl6me et de faire le point des questions qui restent ~ r6soudre. II y a au moins trois questions qu'on peut se poser concernant la r6pression catabolique : I -- Quels sont les syst6mes et les facteurs qui sont impliqu6s clans le ph6nom6ne ? II -- Quel est le lieu d'action de la r6pression catabolique, /L quel niveau mol6culaire agit-elle et quelle est l'6tape de la synth6se prot6ique qui est touch6e ? III- Quel est le m6canisme mol6culaire de cette r6pression .9 ] 11 esl connu depuis longtemps (voir les revues MAGASANIK 19'61 et 1970) [1] que l'ampleur de la r6pression catabolique d6pend non seulement de la nature de la source de carbone, mats aussi de celle de ]a source d'azole. Le plus haul degr6 de r6pression est obtenu dans des conditions ou la source de carbone est rapidement m6tabolis6e tandis que la source d'azote est utilis6e lentement, done dans des conditions off l'aeeumulation des m6tabolites du sucre est favoris6e. Ces faits eonduisaient h supposer que eertains des m6tabolites form6s au cours de la d6gradation ties glueides 6talent les agents de cette r6gulation, agissant pcut-6lre en rant que cor6presseurs. Cette hypoth6se n'est pas exclue par les recherehes r6eentes, mais elles sont envisag6es dans une lumi6re toute nouvelle depuis qu'il est 6tabli que le 3'5'AMP cyclique semble jouer un r61e impor- tant dans ce ph6nom6ne. C'est h MAKMAN et SUTHERLAND (1965) [2] que l'on dolt la ddcouverte de la prdsence de ce nucl6otide chez les bact6ries. Ils avaient en outre observ6 que la concentration intracellulaire du 3'5'AMP cyclique diminue dramatiquelnent si les bact6ries sont mises en pr6sence de glucose. Par contre, dbs que le sUCrE est 6puts6 la concentra- tion du nucl6otide augmente. Cette observalion n'eut pas de suite pendant trois ans. En 1968 ind6pendamment, ULLMANN et MONOD [3], et PERLMAN et PASTAS [4] d6cou- vraient que le 3'5'AMP cyclique est capable d'anta- goniser la r6pression catabolique. I1 semble que tousles syst6mes enzyanatiques susceptibles h eette r6pression soient d~r6prim6s par I'AMP cyelique. En revanche, le nucl6otide semble n'avoir aueune action sur les syst~mes non r6pressibles par eette vote (observations non publi6es). Ces observations sugg6rent par eons6quence tr6s fortement, sans toutefois le d6montrer rigoureusement, que I'AMP cyelique est un facteur essentiel dans la r6gulation des syst6mes sensibles h la r6pression catabolique.

Répression catabolique 1970

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BIOCHIMIE, 1971, 53, 3-8. Revue gGnGrale

R6pression catabolique 1970,

par Agn6s ULLMANN.

D~partement de Biologie Mol~culaire, lnstitut Pasteur, Paris.

On d6signe sous le nora de r6pression catabo- lique le fait qu'en pr6sence de glucose (ou d'autres glucides rapidement m6tabolisables) la synthbse de nombreux syst~mes enzymatiques se trouve plus ou moins fortement inhib6e. I1 faut souligner que les syst6mes sensibles h e e t effet (parfois d6si- gn6 sous le nora d'effet glucose) sont pour la plupart, sinon lous, impliqu6s dans les premi6res 6tapes de la d6gradation des substances organi- ques m6tabolisables par les bact6ries. La grande majorit6 de ces syst6,mes est inductible. A notre connaissance aucun systbme r6pressible n'est sou- mis h l'effet glucose. Alors que l '6tude des syst6mes sp6cifiques d ' induc t ion ou de r6pression a fail de tr6s grands progrbs depuis une vingtaine d'ann6es, le ph6nom6ne de r6pression catabolique, d6cou- vert il y a d6jh 70 ans, demeurait presque totale- ment inexpliqu6, encore qu'il ait 6t6 l 'objet de tr6s nombreux travaux. Plusieurs d6courvertes faites depuis 19,68 ont main tenan t renouvel6 cet ancien probl6me sans qu'on puisse encore cependant proposer une interpr6tat ion qui rendra i t compte de t o u s l e s faits connus. Le nombre et l ' impor- tance des r6sultats obtenus depuis deux ans justi- fient cependant la br6ve raise au point que nous pr6sentons ici.

Le but de cette revue n'est pas d 'analyser en d6tail tous les t ravaux publi6s on non, mais plut6t de r6smner l'6tat aetuel du probl6me et de faire le point des questions qui restent ~ r6soudre.

II y a au moins trois questions qu 'on peut se poser concernant la r6pression catabolique :

I - - Quels sont les syst6mes et les facteurs qui sont impliqu6s clans le ph6nom6ne ?

II - - Quel est le lieu d 'action de la r6pression catabolique, /L quel niveau mol6culaire agit-elle et quelle est l '6tape de la synth6se prot6ique qui est touch6e ?

I I I - Quel est le m6canisme mol6culaire de cette r6pression .9

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11 esl connu depuis longtemps (voir les revues MAGASANIK 19'61 et 1970) [1] que l 'ampleur de la r6pression catabolique d6pend non seulement de la nature de la source de carbone, mats aussi de celle de ]a source d'azole. Le plus haul degr6 de r6pression est obtenu dans des condi t ions ou la source de carbone est rapidement m6tabolis6e tandis que la source d'azote est utilis6e lentement, done dans des condit ions off l ' aeeumulat ion des m6tabolites du sucre est favoris6e.

Ces faits eonduisaient h supposer que eertains des m6tabolites form6s au cours de la d6gradation ties glueides 6talent les agents de cette r6gulation, agissant pcut-6lre en rant que cor6presseurs. Cette hypoth6se n'est pas exclue par les recherehes r6eentes, mais elles sont envisag6es dans une lumi6re toute nouvelle depuis qu'il est 6tabli que le 3'5'AMP cyclique semble jouer un r61e impor- tant dans ce ph6nom6ne.

C'est h MAKMAN et SUTHERLAND (1965) [2] que l 'on dolt la ddcouverte de la prdsence de ce nucl6otide chez les bact6ries. Ils avaient en outre observ6 que la concentra t ion intracel lulaire du 3'5'AMP cyclique d iminue dramat iquelnent si les bact6ries sont mises en pr6sence de glucose. Par contre, dbs que le sUCrE est 6puts6 la concentra- t ion du nucl6otide augmente.

Cette observalion n 'eut pas de suite pendan t trois ans. En 1968 ind6pendamment , ULLMANN et MONOD [3], et PERLMAN et PASTAS [4] d6cou- vraient que le 3'5'AMP cyclique est capable d 'anta- goniser la r6pression catabolique. I1 semble que tous les syst6mes enzyanatiques susceptibles h eette r6pression soient d~r6prim6s par I'AMP cyelique. En revanche, le nucl6otide semble n 'avoi r aueune action sur les syst~mes non r6pressibles par eette vote (observations non publi6es). Ces observations sugg6rent par eons6quence tr6s fortement, sans toutefois le d6montrer r igoureusement, que I'AMP cyelique est un facteur essentiel dans la r6gulation des syst6mes sensibles h la r6pression catabolique.

4 Agnds Ul lmann .

Une remarque s ' impose h ce sujet : Pour obtenir une d6r6pression quasi totale, des concentrat ions d'AMP cycl ique tie l 'ordre de 5.10-3M doivent 6tre utilis6es. Ceci est tr6s troublant, m6me si on invoque des difficult6s de perm6ation. II faut d 'ai l leurs ment ionner que des exp6riences de per- m6ation effectu6es dans notre laboratoire (obser- vations non publi6es) indiquent que I'AMP cycli- que ajout6 au milieu de culture p6n6tre rapide- ment dans les bact6ries (E. colt K. 12) et que, au motHs en pr6sence de glucose, la concentra t ion intracel lulaire du nucl6otide est 6gale, sinon plus 61ev6e, que la concentra t ion externe. A d6faut de meil leures hypotheses, on est amen6 h supposer que I'AMP cycl ique a un effet tr6s multimol6- culaire.

Le niveau inlraccl lula i re de I'AMP cycl ique d6pend de trois facteurs :

a) sa synth6se ;

b) son m6tabolisme ;

c) son exclusion de la cellule.

a) La synth6se de I'AMP cycl ique est catalys6e par l 'ad6nyl cyclase. (iet enzyme a 616 mis en 6vi- dence darts E. colt par TAO et LIPMANN [5]. L'en- zyme a 6t6 purifi6 et caract6ris6 nmis aucun r6gu- lateur sp6cifique n'a 6t6 trouv6. Pourtant dans les cellules animales, ce sont les ad6nyl cyclases qui sont les cibles des diff6rentes actions hormo- Hales, donc sujettes h des r6gulations sp6cifiques. Fut-ce par simple analogie on s 'a t tendrai t que l 'ad6nyl cyclase d'E. colt soit un enzyme r6gula- teur. On ne peut d 'ai l leurs pas exclure la possibi- lit6 que l 'ad6nyl cyclase d'E. colt 6tudi6e in vitro ait pit i~tre << d6sensibilis6e >> par les m6thodes de purif ication utilis~es, ce qui expl iquera i t que les diff6rents m6canismes de contr61e ne soient plus ddcelables. Ce probl6me reste pos6. Si nous con- naissions los effecteurs des cyclases bact6riennes, c'est-h-dire les signaux qui d6clanchent la syn- th6se de I'AMP cyclique, certains aspects confus de la r6pression catabolique pourra ien t 6tre 61u- cid6s.

Une contr ibut ion importante a 6t6 apport6e par PERLMAN et PASTAN [6] concernant le r61e de l 'ad6nyl cyclase. Ils ont isol6 un mutant d'E. colt qui est d6ficient en cyclase. Ces bact6ries sont incapables de pousser sur des sucres dont le m6ta- bolisme est effectu6 par des enzymes sensibles h la r6pression catabolique. L 'addi t ion d'AMP cycli- que r6tablit la croissance du mutant. La ~-galacto- sidase est tr6s faiblenlent induite dans cette sou- che mats en pr6sence d'AM,P cycl ique sa synthbse cst presque complbtement d6r6prim6e. Ces obser-

vations peuvent 6tre consid6r6es comme apportant line confirmation tie l 'hypothbse selon laquelle la product ion intracel lulaire d'AMP cycl ique par l 'ad6nyl cyclase est effect ivement l 'un des r6gula- teurs norinaux de la r6pression catabolique.

b) La phosphodiest6rase, r enzyme qui d6grade I'AMP cycl ique en 5'AMP ne joue probablement pas un r61e impor tant dans la r6gulation du niveau de I'AMP cycl ique dans E. colt K. 12. MONARD, JANECEK et RICKENBERG [7] ont mis en 6vidence cet enzyme darts des extraits d'E. colt, mats la preuve de son activit6 darts les bact6ries intactes n'a pas pu 6tre apport6e.

Deux types d 'observat ions (non publi6es) sug- g~rent trbs fortement que la d6gradation de I'AMP cyclique par cette vote ne joue pas un r61e t)hysiologique :

1) Si les cellules sont cultiv6es en pr6sence d'AMP cyclique marqu6, la radioactivi t6 d6tcctable '/t l ' int6rieur des cellules se trouve uniquement sous forme d'AMP cyclique.

2) Un mutant ad6nine exigeant est capable de pousser aussi bien sur ad6nine que sur 5'AMP. Mats en pr6sence d'AMP cyclique, aucune crois- sance n'est observ6e. Comme on sait que rAMP cyclique p6nbtre dans les ccllules, la seule expli- cation du d6faut de croissance semble 6tre que ce nucl6otide n~est pas d6grad6.

c) T o u s l e s auteurs qui tentent d ' in terpr6ter la r6pression catabolique en termes d 'une r6gulation du niveau intracel lulaire de I'AMP cyclique sere- blent admettre que le ph6nom6ne d6couvert par MAKMAN et SUTHERUAN1) [2] y joue un r61e essentiel. Sans mettre en doute le r6sultat de ces anteurs le choix de la souche et les condit ions de culture ont cer ta inement eu un r61e d6terminant dans l 'obtention de ce r6sultat. Cette observation a 6t6 r6cemment confirnl6e (encore que d 'une fa~on beaucoup moins dramatique) par PASTAN et PERLMAN [8]. Mats trbs peu de donn6es qui pour- raient r6soudre ce problbme d'une mani6re satis- faisante ont paru clans la litt6rature. Ceci est certainemen.t dfi aux difficult6s que pr6sente le dosage de I'AMP cyelique.

Nous avons essay6 (en col laborat ion avec E. H. FISCHER, observations non publi6es) de t rouver une corr61ation entre le degr6 de la r6pression catabolique et la concentra t ion intracel lula i re de I'AMP cyclique. Dans des condit ions off le degr6 de la r6pression variai t d 'un facteur de 100, les variat ions du niveau de I'AMP cyclique ne d6pas- saient gu6re un facteur de 2, au maximun~ 5.

BIOCHIMIE, 1 9 7 1 , 53 , n ° 1 .

Rdpress ion catabol ique 1970.

Donc la question reste ouverte : y a-t-il une corr61ation entre le n iveau de la r6pression cata- bolique et la concentra t ion intracel lulaire de I'AMP cyclique ? T a n t qu 'on n 'a pas une r6ponse satisfaisante h cette question on ne peut pas affirmer que c'est le niveau intracel lulaire de I'AMP eyclique qui est l ' t lnique r6gulateur de ]a r6pression catabolique. I1 faut en outre observer que les concentrat ions intracelhdaires d'AM~ eyclique varient, selon les auteurs entre 2.10-6M

2.10-5M, c'est-h-dire que la concentra t ion (< phy- siologique )> d'AMP cyclique serait inf6rieure de deux h trois ordres de grandeur aux concen- trations de nucl6otide utilis6e pour provoquer la d6r6pression.

Concernant le mode d 'act ion de I'AMP cyclique la premibre question qui se pose est la nature du r6cepteur intracel lulaire du nucl6otide.

Deux groupes de chercheurs, ZUBAY, SCHWARTZ et BECKWITH [9~ d 'une part, et EMMER, de CnoM- BRU6OHE, PASTAN et PERLMAN [10] d'autre part, ont isol6 et purifi6 une prot6ine qui fixe I'AM,P cyclique avec une forte affinii6 (K d ---- 2 h 6.10-6M selon les auteurs). La prot6ine iso16e par ZU~AV et co11. porte le nom de CAP (¢ catabolite gene acti- vator protein ~>), celle purifi6e par le groupe de PASTAN s'appelle prot6ine CR (r6cepteur de rAM~P cyclique). I1 n'est pas 6tabli que les deux prot6ines soient identiques. Chacune des deux cependant stimule en pr6sence d'AMP cyclique la synth~se de ~-galactosidase dans un systbme in vitro (voir plus loin). SCHWAnTZ et BECKWITH [11] ont isol6 un mutant chez lequel la prot6ine CAP est absente. Ce mutant est incapable de pousser sur une s6rie de sucres et, comme chez les mutants <( ad6nyl cyclase n6gatifs >> ment ionn6s plus haut, ]e taux de synthbse de ~-galactosidase est tr~s faible. Mats chez ce mutant, I'AMP cyclique ne provoque aucune d6r6pression.

r6presseur) ne sont impliqu6s dans la r6pression catabolique (ULLMANN et coll. [123). C'est le promoteur qui semble Ore la cible sp6cifique de cette r6pression. En effet, SILYERSTONE et coll. [13~ ont d6montr6 qu 'un mutant por tant une d616tion dans la r6gion du promoteur Lac est devenu insen- sible h la r6pression catabolique.

On a de s6rieuses raisons de penser que le promoteur est le site de l ' in i t ia t ion de la t rans- cript ion. Donc, il est permis de supposer que ]a r6pression catabolique interfbre avec 1' init iation de la t ranscr ip t ion et que l 'act ion de I'AM.P cyclique s 'exercerait au niveau du complexe d ' ini t ia t ion.

Les r6sultats obtenus par diff6rents groupes de chercheurs, ut i l isant des cellules intactes, ou bien des syst~mes in vitro, n 'on t pas encore abouti une conclusion d6finitive fi ce sujet.

Nous allons discuter d 'abord les r6sultats obte- nus avec les systbmes in vivo :

JACQUET et KEPES [14], ut i l isant des m6thodes cin6tiques, sont arriv6s h la conclusion que la r6pression catabolique se manifeste exclusivement au niveau de la t ranscr ip t ion et que I ' A I ~ cyclique exerce son action sur une 6tape tr6s pr6coce de la t ranscr ipt ion, probablement celle de l ' in i t ia t ion.

Une analyse plus d6taill6e a 6t6 effectu6e par CONTESSE et coll. [15], et ULLMANN et coll. [12], uti l isant un mutant beaucoup plus sensible h la r6pression catabolique que la souche sauvage : le taux de synthbse des enzymes de l 'op6ron Lac est diminu6 d 'un faeteur de 100 en pr6sence de glu- cose, mats elle est totalement d6r6prim6e par I'AMP cyclique. D'autre part, ce mutan t est inca- pable de pousser sur un tr6s grand nombre de sucres.

Dans les prochaines sections nous discuterons plus en d6tail les hypotheses concernant le r61e de la prot6ine CAP.

Diff6rents aspects de la r6pression catabolique ont 6t6 6tudi6s sur plusieurs syst~mes enzyma- tiques. Mats il est 6vident que pour la recherche de la cible de cette r6pression il fallait concentrer les efforts sur l 'op6ron lactose qui ~ l 'heure actuelle est le systbme le mieux connu. Parmi les trois 616ments g6n6tiques qui contr61ent l 'expres- sion de l 'op6ron lactose, il est possible d'affirmer que ni l 'op6rateur, n i l e gbne i (qui code pour le

CONTESSE et coll. [15] ont mesur6 chez ce mutant le taux de synth~se de I'ARN messager sp6cifique de l 'op6ron lactose en ut i l isant des techniques d 'hybr ida t ion ADN-ARN. Les auteurs observent que dans les condit ions de d6r6pression, le taux maximum de synthbse est at teint au b(mt de trois minutes et en trois 6tapes successives. Dans des condit ions de r6pression catabolique, cette cin6tique pr6sente un aspect totalement dif- f6rent : le taux de t ranscr ip t ion augmente dans les premieres vingt secondes qui suivent l ' induct ion , puts apr6s une d iminut ion tr~s consid6rable, un¢ nouvelle (( vague ~ de synth~se est atteinte au bout de 2 h 3 minutes. Fait remarquable : ]'AMP cycli- que ajout6 h n ' impor te quel moment r6tablit la

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6 Agn~s Ul lmann .

cin6tique normale de la synth6se du messager sp6- cifique.

Ces exp6riences ont 6t6 interpr6t6es de la facon su ivan te : l'effet catabolique a comme r6sultat d 'une part de d iminuer la fr~quence d ' ini t ia t ion de la t ranscr ipt ion, et d 'autre part d'affecter la propagation de lap t ranscr ip t ion. Selon cette inter- pr6tation, par cons6quent, la r6pression catabo- lique entra inerai t non seulement une d iminut ion du taux de synth6se du messager, mais encore la synth6se d 'une notable propor t ion de messagers incomplets.

L'existence de cette << t ranscr ip t ion abortive >> due h l'effet catabotique a ~t6 d~montr6e par une approche diff6rente : si on inhibe l ' in i t ia t ion tie la t ranscr ip t ion par la r i fampicine , dans des con- ditions normales, le niveau du messager sp6cifique Lac reste constant pendan t trois minutes (le temps que la t ranscr ip t ion de l 'op6ron soit achev6e par les mol6cules 6hauch6es avant l ' addi t ion de l 'anti- biotique). L 'addi t ion de glucose en revanche pro- voque l 'arr6t quasi instantan6 de la t ranscr ipt ion, sugg6rant que l'61ongation des chaines de I'ARN messagcr pourrai t 6tre bloqu6e sous r6pression catabolique.

La mesure des taux de synth6se relatifs des enzymes de Fop@on lactose permet 6galement de mettre en 6vidence le caraet6re ~ abortif >> de la t ranscr ip t ion en r6pression catabolique. On salt que dans les condit ions les plus vari6es d ' induc- tion, les taux de synth6se de ~-galactosidase et transac~tylase sont parfai tement coordonn6s. Mats dans des condi t ions de tr~s forte r6pression cata- bolique, le taux de synth6se de la iransac6tylase (dernier enzyme de l 'op6ron) est inhib6 10 20 fois plus que celui de la [~-galactosidase. Ceci indique une lois de plus que sous l'effet catabo- lique, la t ranscr ip t ion de l 'op6ron est in ter rompue avant que ne soit termin6e la synth6se du messa- ger polycistronique. En pr6sence d'AMP cyclique, le rapport des taux de synth6se des deux enzymes redevient normal : la coordinat ion est r6tablie.

Beaucoup de recherches ont 6t6 faites pour trou- ver de bons systbnles in vitro qui t ranscr ivent fid61ement un messager sp6cifique ou qui aboutis- sent h l ' appar i t ion d 'une activit~ enzymatique. A l 'heure actnelle, le meil leur systbme est celui qui a 6t6 ntis au point par ZU~AY et coll. [16]. Malgr6 le grand nombre d ' ingr6dients qu'i l contient, ce syst6me a la grande vertu de synth6tiser in vitro de la ~-galactosidase. ZU~AY et coll. [9! l 'ont uti- lis~ pour 6tudier te m6canisme de la r6pression catabolique.

Un des r6sultats les plus remarquables c'est que I'AMP cyclique (h une concentra t ion de 10 -4 M) augmente la synthbse in vitro de la ~-galactosidase d 'un facteur de 20. C'6tait en effet la premiere preuve exp6rimentale que I'AMP cyclique affecte directement la synth~se prot6ique.

Ce syst6me paraissait favorable pour mettre en 6vidence la d6pendance de la synth~se de la ~-galactosidase ~ l '6gard de diff6rents factenrs. ZUBAY, SCHWARTZ et BECKWITH [9! en uti l isant un extrait p rovenant d 'une souche d6ficiente en fac- teur CAP (voir plus haut) ont pu ~tudier l'effet de la prot6ine CAP sur la st imulation de la synth6se de la ~-galactosidase. Ils ont obtenu une certaine st imulation, mats l'effet n'est pas tr6s spectacu- laire. EMMER et coll. [10] ut i l isant le m~me sys- t6me ont pu obtenir une st imulation beaucoup plus grande par la prot6ine CR.

I1 semble, d'apr~s ces r6sultats, que I'AMP cy- clique, conjointeinent avec une (ou plusieurs) autre prot6ine sp6cifique, 1)cut stimu'ler la syn- th6se in vitro de la ~-galactosidase. Ces exp6- riences cependant ne permett ra ient pas d ' identi- tier le niveau de l'effet : in i t ia t ion ou propagation de la t ranscr ip t ion ou de la t raduction.

BECKWITH et coll. [171 out entrepris une s6rie d 'exp6riences pour obtenir une r6ponse h cette question, lls ont 6tudi6 la t ranscr ip t ion in vitro du messager lactose dans un syst6me off la traduc- t ion n 'a pas lieu. En uti l isant comme matrice des phages t ransducteurs qui ne cont iennent pas d'au- tres g~nes chromosomiques que ceux de l 'op6ron lactose et une pr6parat ion d'ARN polym6rase purifi6e et ils mesurent la quantit6 d'ARN synth~- tis6e. Ils obt iennent ainsi les r6sultats suivants :

a) En absence d'AMP cyclique et de la prot6ine CAP, les deux br ins de I'ADN sont transcri ts , ce qui est contraire h ce qui se passe in vivo. Dans ces condit ions la quantit6 d'ARN synth6tis6 sur le b r in correct ne d6passe pas 2 p. 100 de la synth6se totale.

b) La prot6ine CAP en pr6sence de I'AMP cycli- que augmente ]a t ranscr ip t ion du br in correct d 'un facteur de 0.

Ces r6sultats indiquera ient que I'AMP cyelique et la prot6ine CAP agissent au niveau de la trans- cription. Mats l ' in terpr6tat ion de ce r6sultat est loin d 'Ore claire, ainsi que Font montr~ les auteurs eux-mSmes de cet 616gant travail, en effec- tuant diff6rents contr61es. En effet, d 'une par t le 2'3'AMP cyclique (inactif in vivo) pr6sente 6gale- ment une certaine activit6 st imulatr ice et d 'autre par t I'ADN pr6par6 h par t i r d 'un mutant d616t6

BIOCHIMIE, 1971, 53, n ° 1.

Rdpression catabolique 1970.

dans le promoteur est t ranscr i t de la m6me facon qu'un A:DN provenant d 'une souche s auvage. Ce mutant est totalement insensible h la r6pression catabolique in vivo, mais dans le syst6me in vitro, il se comporte de la m6me fa~on h l '6gard de I'A~P cyclique et tie la prot6ine CAP que le type sauvage.

Ces observations montrent que dans des sys- t~mes in vitro le m6canisme de la t ranscr ip t ion et celui de sa r6gulation sont assez loin encore de reproduire le fonct ionnelnent in vivo.

- - I I I - -

En condit ions de r6pression catabolique I'AMP cyclique ajout6 agit en somme ~ la mani6re d 'un inducteur pl6iotrope. I1 d6r6prime s imultan6ment toas les systbmes soumis a l'effet glucose. Devant un tel ph6nom6ne et compte tenu de ce qu 'on sait aujourd 'hui sur les m6canismes de r6gulation sp6- cifiques, on est conduit h prendre en eonsid6ra- tion deux sch6mas d ' in terpr6tat ion :

- - R 6 g u l a t i o n n6gative (logiquement compara- ble ~ celle de l 'op6ron lactosE) ou

- - R 6 g u l a t i o n positive, comparable peut&tre celle des op6rons maltose ou arabinose.

I, 'ensemble des r6snltats, br i~vement r6sum6s ci- dessus, sugg6rent assez fortement l ' in tervent ion d'une r6gulation positive. La raison pr inc ipa le en est les propri6t6s des mutants CAP isol6s dans le laboratoire de BECKWITH. Une raison suppl6men- taire et inlportante repose sur nos connaissances sur le mode d 'action de I'ARN polym6rase et sa d~pendance ~ l '6gard de te r ra ins facteurs prot6i- ques sp6cifiques, tels que les facteurs o et • [18]. Comme nous ] 'avons vu, on a au moins un d6but de confirmation que les facteurs GAP ou CR pour- talent jouer un r61e analogue au niveau des pro- moteurs sensibles /t l'effet glucose.

Cependant il est clair que les propri6t6s de ees faeteurs telles qu'elles apparaissent des exp6- rienees in vitro sont loin encore d 'expliquer tous les ph6nom6nes de r6gulation catabolique, obser- v6s in vivo.

Quant au r61e de 1'AMP cyelique lui-m6me, si on ne peut douter qu' i l ne soit un 616ment tr6s important de cette r6gulation, r ien ne permet d'affirmer, bien au contraire, que d'autres m6ta- bolites n 'y soient impliqu6s qui pourra ien t par exemple jouer un r61e antagoniste de I'AMP cycli- que, soit au niveau m6me de la cible de ce nuel6o- tide, soit au niveau d'autres facteurs prot6iques qui resteraient h identifier.

Toutes ces hypoth6ses supposent que la r6pres- sion catabolique agit au niveau de la t ranscr ip- tion. Mais il n 'est pas exelu que les facteurs affec- tant la t raduct ion puissent jouer un certain r61e. La fixation de I'AMP cyclique sur le facteur de t ranslocat ion et la d6pendanee de cette inter- action h l '6gard du GTP parle en faveur de cette possibilit6 (KuWANO et SCnLESSlNGER [19]).

Concernant le m6eanisme d 'act ion de I'AMP ey- clique chez les bact6ries on e n e s t r6duit ~ des sp6eulations. Dans les cellules animales il semble que I'AMP cyclique soit l 'effecteur sp6cifique de diff6rentes prot6ine-kinases. Les derniers t ravaux de TAO, SALAS et LIPMANN [20] effectu6s sur la pro- t6ine-kinase des r6ticulocytes d6montrent que cette prot6ine est compos6e de deux sous-unit6s, l 'une portant l 'activit6 catalytique et l 'autre ayant la propri6t6 de fixer 1'AMP cyclique. La fixation de I'AMP cyclique sur la sous-unit6 r6gulatrice favorise la dissociation de la kinase, processus qui semble n6cessaire pour d6masquer les sites cata- lytiques de l 'enzyme.

Darts les systbmes bact6riens, les prot6ines qui ont une haute affinit6 pour I'AMP cyclique sont totalement d6pourvues d'activit6 kinasique. D'ail- leurs aucunc prot6ine kinase n 'a 6t6 raise en 6vi- dence chez les bact6ries. Certaines prot6ines bact6riennes peovent ~tre phosphoryldes en pr6- sence de kinases d 'orgine animale [21], mats en aucun cas il n 'a 6t6 d6inontr6 jusqu'h pr6sent que de telles phosphoryla t ions jouent chez les bact6- ries un r61e r6gulateur physiologique.

L'hypoth6se qui parait it l 'heure actuelle la plus vraisemblable est que les prot6ines CAP ou CR consti tuent des unit6s r6gulatrices au sein d 'un complexe comprenant sans doute d'autres fae- teurs. C'est ce que sugg~re notamulent le suce6s partiel ties exp6rienees rapport6es par le groupe de BECKWITtl.

Au total, la d6couverte de l'effet antagoniste de I'AMP cyclique 'h l '6gard de la rSpression catabo- lique a ouvert un nouveau chapitre dans l '6tude de ce probl6me demeur6 si longtemps en suspens. Mats l 'hypoth6se ne peut et ne dolt pas 6tre exclue • ~ l 'heure actuelle que d'autres effecteurs de faible poids mol6culaire ne jouent un r61e dans cette r6gulation, notamment comme antagonistes de I'AMP cyclique.

Remerciements.

Je tiens h remercier Monsieur Jacques MONOD pour l'aide inestimable qu'il m'a fournie tant au eours des discussions qui ont pr6e6d6 la r~daction de cette revue, qne par l'examen critique du manuscrit. Je

BIOCHIMIE, 1 9 7 1 , 53 , n ° 1.

8 Agnb.s U l l m a n n .

r e m e r e i e $ g a l e m e n t le Dr . J a n BECKWITH d ' a v o i r b i e n v o u l u n o u s c o m m u n i q u e r p a r p r d p u b l i c a t i o n u n ar t ic le rdcent .

Les r e c h e r c h e s ef fec tudes d a n s le D d p a r t e m e n t de Biologie Moldcula i re bdndf ic ient de l ' a i d e de la Ddld- g a t i o n G6ndra le ~t la R e c h e r c h e Sc ien t i f ique et Tech- n ique , d u Cen t r e N a t i o n a l de la R e c h e r c h e Scient i - f ique, des N a t i o n a l I n s t i t u t e s of Hea l th , d u C o m m i s - s a r i a t h l ' E n e r g i e A t o m i q n e et du Coll~ge de F r a n c e .

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