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Les sources de Composés Organiques Volatils (COV) dans les mégapoles : l'exemple contrasté de Paris et Pékin Cécile Gaimoz, Valérie Gros et Bernard Bonsang LSCE, Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement éclairages 10 sur notre futur commun éclairages 10 sur notre futur commun Comme ces émissions sont constituées d’un grand nombre de composés très réactifs (tels que les alcènes et les com- posés aromatiques), elles ont un im- pact majeur sur la formation d’ozone, polluant et gaz à effet de serre. Au plan des stratégies scientifiques, cette recherche confirme l’utilité d’outils totalement indépendants et complémentaires des données d’inven- taires d’émissions, tels que les modèles sources-récepteur dans l’évaluation de la qualité de l’air. Enfin on notera que ce travail témoigne bien du fait que la dérive des émissions inquiète scientifiques et responsables chinois qui investissent aujourd’hui dans les questions d’environnement négligées jusqu’ici et qui sont loin d’apparaître comme « un problème de riches ». Perspectives Cette recherche constitue un travail préliminaire qui est repris dans le pro- jet européen MEGAPOLI (Megacities, Emissions, urban, regional and Global Atmospheric POLlution and climate effetcs, and Integrated tools assessment and mitigation, http://megapoli.dmi. dk), dont les objectifs sont triples : déterminer l’impact de la pollution émise par les mégapoles sur la pol- lution de l’air locale, régionale et globale ; quantifier les rétroactions des rejets de polluants des mégapoles sur le climat local et régional ainsi que sur le changement climatique global ; développer des outils d’intégration qui serviront à la prédiction des émis- sions polluantes des mégapoles. R2DS Ile-de-France est un réseau de recherche sur le développement soutenable. Il a été créé en 2006 comme GIS CNRS à l’initiative du Conseil régional de l’Ile-de-France dans le but de favoriser la recherche sur le développement soutenable. Il réunit aujourd’hui 19 universités, grandes écoles et établissements publics de recherche. www.r2ds.centre-cired.fr Le LSCE est une unité mixte de recherche (UMR 1572) entre le CNRS, le CEA et l’Université de Versailles Saint-Quentin (UVSQ), localisé sur deux sites (Saclay et Gif-sur- Yvette). Avec 250 personnes dont 150 permanents, le LSCE fait partie de l’Institut Pierre Simon Laplace (IPSL). Trois axes de recherche y sont développés : - l’étude des mécanismes de la variabilité naturelle du climat à différentes échelles de temps et les interactions entre activité humaine, environnement et climat ; - l’étude des processus intervenant dans le cycle de composants clés tels que le carbone, les gaz à effet de serre et les aérosols qui interagissent avec le climat ; - la géochronologie et l’analyse de géomarqueurs, basées sur une palette de techniques appliquées à l’étude passée et présente de la géosphère et de ses relations avec le climat. Le LSCE est associé au Prix Nobel de la Paix 2007 obtenu par l’ancien vice-président américain Al Gore et le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), IPCC en anglais. Plusieurs chercheurs du LSCE ont participé comme auteurs principaux ou comme contributeurs/relecteurs à la rédaction du dernier rapport du GIEC. www.lsce.ipsl.fr À l’échelle planétaire, la modifica- tion de la composition chimique de l'air dont on parle le plus au- jourd’hui est l’accroissement des te- neurs en gaz à effet de serre tels que le gaz carbonique ou le méthane, respon- sables de changements climatiques. La pollution atmosphérique dont dépend la qualité de l’air que nous respirons se situe à un niveau plus local : elle se traduit en milieu industriel ou ur- bain par des émissions de composés dits primaires, tels que les oxydes de soufre, les oxydes d'azote, les compo- sés organiques volatils (COV) et les particules, ainsi que par la production de composés dits secondaires tels que l’ozone, les composés oxygénés et les aérosols. L’augmentation et la concentration des activités humaines (transport, production industrielles, etc.) peuvent alors créer des « points sources » très denses d’émissions de polluants atmosphériques, ceci est parti- culièrement vrai dans les mégalopoles 1 en extension rapide. Les émissions de polluants à l’échelle locale peuvent s’étendre aussi aux échelles régionales voire continentales pour les polluants dont la durée de vie est suffisamment longue pour permettre leur transport à grande distance. Parmi les différents polluants émis par les mégapoles, les Composés Orga- niques Volatils (COV) émis par les activités humaines (échappements au- tomobiles, évaporation des essences, industries, chauffage, etc.) sont for- tement majoritaires. Certains ont un effet direct sur l’homme (par exemple effet cancérogène du benzène), et d’autres un effet indirect par leur parti- cipation aux mécanismes de formation des aérosols organiques secondaires et de l’ozone troposphérique, à la fois polluant et gaz à effet de serre. >>> Action financée par la Région Ile-de-France 1. Zones urbaines de plus de 10 millions d’habitants. Pour en savoir plus Airparif, 2009, « Bilan 2008 des émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre en Ile-de-France (sur la base de données des références de l’année de 2005) », www.airparif.fr Gaimoz C., 2009, « Caractérisation expérimentale des sources de composés organiques volatils dans deux mégapoles contrastées : Paris et Pékin », Thèse de doctorat de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Hopke P. K., 2000, « A guide to Positive Matrix Factorization. EPA Workshop proceedings materials from the workshop on UNMIX and PMF as applied to PM2.5 ». Lanz V. A., Hueglin C., Buchmann B., Hill M., Locher R., Staehelin J., Reimann S., 2008, « Receptor modeling of C2-C7 hydrocarbon sources at an urban background site in Zurich, Switzerland : changes between 1993-1994 and 2005-2006 ». Atmospheric Chemistry and Physics 8, 2313-2332. Niedojadlo A., Becker K. H., Kurtenbach R., Wiesen P., 2007, « The contribution of traffic and solvent use to the total NMVOC emission in a German city derived from measurements and CMB modelling », Atmospheric Environment 41, 7108-7126. Paatero P., Tapper U., 1994, « Positive matrix factorization: a non-negative factor model with optimal utilization of error estimates of data values », Environmetrics 5, 111-126. PNUE (Programme des Nations Unies pour l’environnement), 2008, « Rapport Jeux Olympiques de Beijing 2008. Un rapport environnemental ». Contacts auteurs > Cécile Gaimoz : [email protected] > Valérie Gros : [email protected] > Bernard Bonsang : [email protected] Coordination : Catherine Boemare Conception graphique : Hélène Gay Imprimé par impression durable janvier-mars 2011 janvier-mars 2011

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Les sources de Composés Organiques

Volatils (COV) dans les mégapoles :

l'exemple contrasté de Paris et Pékin

Cécile Gaimoz, Valérie Gros et Bernard Bonsang

LSCE, Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement

éclairages 10sur notre futur commun

éclairages 10sur notre futur commun

Comme ces émissions sont constituées d’un grand nombre de composés très réactifs (tels que les alcènes et les com-posés aromatiques), elles ont un im-pact majeur sur la formation d’ozone, polluant et gaz à effet de serre.

Au plan des stratégies scientifi ques, cette recherche confirme l’utilité d’outils totalement indépendants et complémentaires des données d’inven-taires d’émissions, tels que les modèles sources-récepteur dans l’évaluation de la qualité de l’air.

Enfi n on notera que ce travail témoigne bien du fait que la dérive des émissions inquiète scientifi ques et responsables chinois qui investissent aujourd’hui dans les questions d’environnement négligées jusqu’ici et qui sont loin d’apparaître comme « un problème de riches ».

Perspectives

Cette recherche constitue un travail préliminaire qui est repris dans le pro-jet européen MEGAPOLI (Megacities, Emissions, urban, regional and Global Atmospheric POLlution and climate effetcs, and Integrated tools assessment and mitigation, http://megapoli.dmi.dk), dont les objectifs sont triples :

déterminer l’impact de la pollution émise par les mégapoles sur la pol-lution de l’air locale, régionale et globale ;

quantifi er les rétroactions des rejets de polluants des mégapoles sur le climat local et régional ainsi que sur le changement climatique global ;

développer des outils d’intégration qui serviront à la prédiction des émis-sions polluantes des mégapoles.

R2DS Ile-de-France est un réseau

de recherche sur le développement

soutenable. Il a été créé en 2006 comme GIS

CNRS à l’initiative du Conseil régional de

l’Ile-de-France dans le but de favoriser

la recherche sur le développement soutenable.

Il réunit aujourd’hui 19 universités, grandes

écoles et établissements publics de recherche.

www.r2ds.centre-cired.fr

Le LSCE est une unité mixte de recherche

(UMR 1572) entre le CNRS, le CEA et

l’Université de Versailles Saint-Quentin (UVSQ),

localisé sur deux sites (Saclay et Gif-sur-

Yvette). Avec 250 personnes dont 150

permanents, le LSCE fait partie de l’Institut

Pierre Simon Laplace (IPSL). Trois axes de

recherche y sont développés :

- l’étude des mécanismes de la variabilité

naturelle du climat à différentes échelles

de temps et les interactions entre activité

humaine, environnement et climat ;

- l’étude des processus intervenant dans

le cycle de composants clés tels que

le carbone, les gaz à effet de serre et les

aérosols qui interagissent avec le climat ;

- la géochronologie et l’analyse de

géomarqueurs, basées sur une palette de

techniques appliquées à l’étude passée

et présente de la géosphère et de ses

relations avec le climat.

Le LSCE est associé au Prix Nobel de la Paix

2007 obtenu par l’ancien vice-président

américain Al Gore et le GIEC (Groupe d’experts

intergouvernemental sur l’évolution du climat),

IPCC en anglais. Plusieurs chercheurs du

LSCE ont participé comme auteurs principaux

ou comme contributeurs/relecteurs

à la rédaction du dernier rapport du GIEC.

www.lsce.ipsl.fr

À l’échelle planétaire, la modifi ca-tion de la composition chimique

de l'air dont on parle le plus au-jourd’hui est l’accroissement des te-neurs en gaz à effet de serre tels que le gaz carbonique ou le méthane, respon-sables de changements climatiques. La pollution atmosphérique dont dépend la qualité de l’air que nous respirons se situe à un niveau plus local : elle se traduit en milieu industriel ou ur-bain par des émissions de composés dits primaires, tels que les oxydes de soufre, les oxydes d'azote, les compo-sés organiques volatils (COV) et les particules, ainsi que par la production de composés dits secondaires tels que l’ozone, les composés oxygénés et les aérosols. L’augmentation et la concentration

des activités humaines (transport, production

industrielles, etc.) peuvent alors créer des «

points sources » très denses d’émissions de

polluants atmosphériques, ceci est parti-culièrement vrai dans les mégalopoles1

en extension rapide. Les émissions de polluants à l’échelle locale peuvent s’étendre aussi aux échelles régionales voire continentales pour les polluants dont la durée de vie est suffi samment longue pour permettre leur transport à grande distance.

Parmi les différents polluants émis par les mégapoles, les Composés Orga-niques Volatils (COV) émis par les activités humaines (échappements au-tomobiles, évaporation des essences, industries, chauffage, etc.) sont for-tement majoritaires. Certains ont un effet direct sur l’homme (par exemple effet cancérogène du benzène), et d’autres un effet indirect par leur parti-cipation aux mécanismes de formation des aérosols organiques secondaires et de l’ozone troposphérique, à la fois polluant et gaz à effet de serre. >>>

Action fi nancée par la Région Ile-de-France

1. Zones urbaines de plus de 10 millions d’habitants.

Pour en savoir plus

Airparif, 2009, « Bilan 2008 des émissions

de polluants atmosphériques et de gaz

à effet de serre en Ile-de-France (sur

la base de données des références de

l’année de 2005) », www.airparif.fr

Gaimoz C., 2009, « Caractérisation

expérimentale des sources de composés

organiques volatils dans deux mégapoles

contrastées : Paris et Pékin », Thèse

de doctorat de l’Université de Versailles

Saint-Quentin-en-Yvelines.

Hopke P. K., 2000, « A guide to Positive

Matrix Factorization. EPA Workshop

proceedings materials from the workshop

on UNMIX and PMF as applied to PM2.5 ».

Lanz V. A., Hueglin C., Buchmann B.,

Hill M., Locher R., Staehelin J.,

Reimann S., 2008, « Receptor modeling

of C2-C7 hydrocarbon sources at

an urban background site in Zurich,

Switzerland : changes between

1993-1994 and 2005-2006 ». Atmospheric

Chemistry and Physics 8, 2313-2332.

Niedojadlo A., Becker K. H., Kurtenbach

R., Wiesen P., 2007, « The contribution

of traffi c and solvent use to the total

NMVOC emission in a German city

derived from measurements and CMB

modelling », Atmospheric Environment 41,

7108-7126.

Paatero P., Tapper U., 1994, « Positive

matrix factorization: a non-negative

factor model with optimal utilization of

error estimates of data values »,

Environmetrics 5, 111-126.

PNUE (Programme des Nations Unies

pour l’environnement), 2008, « Rapport

Jeux Olympiques de Beijing 2008.

Un rapport environnemental ».

Contacts auteurs

> Cécile Gaimoz :

[email protected]

> Valérie Gros : [email protected]

> Bernard Bonsang :

[email protected]

Coordination : Catherine Boemare

Conception graphique : Hélène Gay

Imprimé par impression durable

janvier-mars 2011

janvier-mars 2011

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éclairages 10sur notre futur commun

La concentration de polluants dans l’atmos-

phère urbaine est déterminée par l’interac-

tion de divers facteurs où prédominent les sources d’émissions, la dynamique atmosphérique et les phénomènes cli-matiques et météorologiques. Aussi, afi n d’améliorer les connaissances sur le comportement des polluants et de rendre compte de leur rôle au sein de grandes zones urbaines, il est indispen-sable d’utiliser une approche capable d’en distinguer les diverses espèces (ce qu’on appelle la « spéciation») et d’identifi er puis de quantifi er leurs différentes sources d’émissions.

L’opinion publique sait peu à quel point les recherches mobilisent une communauté internationale tra-vaillant sur des contextes différents, pour mieux comprendre l’impact de l’homme sur la composition de l’at-mosphère2. Ce sont les acquis d’un tel travail que nous commentons ici.

Le contrasteentre deux mégapoles

Paris et Pékin ont été choisies pour le

contraste de leur situation, aussi bien du point de vue de leur position géogra-phique et climatique, que du niveau de développement technologique et économique : Paris, capitale d’un vieux pays industrialisé a une population de plus de 12 millions d’habitants avec son agglomération, alors que Pékin, capitale d’une puissance économique en devenir mais dont le revenu par tête restait en 2009 quatorze fois inférieur à celui de la France, a une population estimée à 17 millions d’habitants.

Deux campagnes de mesures sur le ter-rain, réalisées en mai-juin 2007 à Paris et en août 2007 à Pékin ont permis de caractériser et de comparer la pollution atmosphérique de ces deux villes3.

Enfi n, dans les deux cas, on a pu mettre en

évidence, grâce à l’étude de l’origine des

masses d’air, la contribution des émissions

continentales ou régionales sur les teneurs

et les sources de COV.

Ainsi Paris, en conditions anticyclo-niques, est fortement infl uencée par des émissions d’Europe du Nord-Est. Pékin reçoit les émissions du bassin de la province de Hebei située au sud-est, région qui concentre près de 100 millions d’habitants, de nombreuses activités agricoles, une part importante de l’activité industrielle chinoise ainsi qu’un trafi c intense.

Des résultats de modèles à des questions sur les inventaires

La comparaison des résultats aux données

d’inventaire d’émissions met en évidence

pour Paris une importante différence

entre nos résultats et les données issues

du dernier inventaire d’émissions locales

(élaboré par AIRPARIF)6. Ce dernier indique en effet que les principales émissions de COV sur Paris sont is-sues de l’utilisation de solvants alors qu’elles proviennent majoritairement du secteur des transports dans notre étude (certes réalisée sur une période de temps limitée), suggérant une nette surestimation des émissions de solvants

dans l’inventaire actuel. Cette conclu-sion avait déjà été révélée dans d’autres villes européennes (Niedojadlo et al., 2007 ; Lanz et al., 2008), ce qui laisse entrevoir un problème récurrent des inventaires d’émissions pour la source « usage de solvant ».

Ce résultat est une bonne illustration du jeu

compliqué, en sciences, entre modèles et

données : pas de modèles fi ables sans données, bien évidemment, mais en contrepartie, la cohérence imposée par les modèles force à détecter des failles dans des données que l’on croyait ro-bustes.

Conclusions

Ce type d’étude peut aider à orienter les discussions autour des politiques d’amélioration de la qualité de l’air à Paris et à Pékin et, de ce point de vue, malgré leur contraste en termes de nature des sources et des polluants, les deux villes ont des caractéristiques communes : nécessité d’une coordina-tion des efforts à des échelles locales et régionales, et fort impact des émissions liées au trafi c routier. >>>

Le premier résultat frappant qui émerge des données obtenues est l’écart

signifi catif entre les concentrations de COV

observées qui sont en moyenne trois fois

plus élevées à Pékin qu’à Paris, et pour des composés tels que le styrène, le benzène ou encore l’acétylène, jusqu’à dix, six et cinq fois plus importantes respectivement. Un autre élément de contraste, qui résulte des différences de modes de vie entre les deux villes, vient de l’importance des émissions de

COV à Pékin tout au long de la journée et

pour toutes les sources de COV confondues, indiquant la poursuite d’activités an-thropiques importantes pendant la nuit, contrairement à Paris.

Ce contraste est certes dû au fait que les deux mégalopoles ne se situent pas au même moment de leur cycle de dé-veloppement. Mais il refl ète aussi le fait

qu’elles se situent dans des contextes très

différents de politiques environnementales.

En France, suite à la mise en œuvre des politiques européennes, les émis-sions nationales ont diminué de près de 56 % entre 1988 et 2007 pour atteindre 1 199kt. En Chine, où le contrôle des émissions de COV est inexistant, celles-ci ont augmenté d’un facteur 4,2 de 1980 à 2005 pour at-teindre 16 500kt, augmentation direc-tement corrélée au développement du pays. Actuellement, les émissions en Chine sont quatorze fois plus impor-tantes qu’en France, alors qu’à la fi n des années 1980 elles l’étaient seulement deux fois plus.

Un enseignement particulièrement in-téressant concerne les teneurs en ben-zène — reconnu comme cancérogène — composé soumis à une directive européenne fi xant dès 2010 une va-leur limite en benzène de 5 µg/m3 en moyenne annuelle. À Paris, avec une médiane des concentrations de 0,9 µg/m3 et un maximum de 2,5 µg/m3, la

valeur limite n’a jamais été franchie pour la période considérée révélant l’effi cacité de la réglementation du taux de benzène dans les essences (1999). À Pékin en revanche, avec une mé-diane des concentrations observées de 5,9 µg/m3 pour cette espèce, la limite a été largement dépassée, avec près de 62 % des échantillons recueillis supé-rieurs à cette valeur, dont un maximum à 35,2 µg/m3, soit sept fois la norme européenne.

Identifi er les sourcesde COV

Les inventaires d’émissions4 constituent bien sûr des données d’entrées pour les modèles de qualité de l’air. Cepen-dant leur élaboration, longue et coû-teuse, reste extrêmement diffi cile pour certaines familles de polluants, et ils

s’avèrent incomplets en termes de résolution

temporelle et de spéciation des composés. Pour aider à identifi er les sources et

Répartition par type de sources des émissions de COV et d'ozoneà Paris (gauche) et à Pékin (droite)

Echap. auto 30%

Echap. auto 51%

Evaporation 24%

Evaporation 13%Gaz nat. 14%

Gaz nat. 8%Solvant 12%

Solvant 14%Locale 11% Locale 4%

Bio. + Evap. 7% Bio. + Evap. 8%Comb. bois 2% Comb. bois 1%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

Contrib source PFO

54%64%

Paris

Echap auto 19% Echap auto 23%

Evaporation 16%Evaporation 20%

Industries 28% Industries 17%

GPL 14%GPL 13%

Gaz nat. 10%Gaz nat. 8%

Solvant 9 %Solvant 10%

Bio.+Evap. 4 % Bio.+Evap. 9%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

Contrib source PFO

35%43%

Pékin

leur répartition, il apparaît donc néces-

saire de disposer d’autres méthodes, telles

que l’utilisation de modèles mathématiques

de type « sources-récepteur ».

Le modèle utilisé dans cette étude (PMF ou Positive Matrix Factoriza-tion5) établit des relations entre les concentrations mesurées sur un site récepteur et les profi ls d’émissions des sources, en se focalisant sur le compor-tement des polluants aux sites récep-teurs à partir de données issues d’ob-servations. À partir des simulations du modèle PMF, sept principales sources de COV ont été identifi ées à Paris et dix à Pékin, dont cinq se trouvent être communes aux deux jeux de données [fi gure 1].

Les simulations montrent que les deux

mégapoles ont en commun le fait que les

émissions liées au trafi c automobile (les

échappements automobile et l’évaporation

des essences) sont la source dominante de

COV (54 % à Paris et 35 % à Pékin) et d’ozone troposphérique (64 % à Paris et 43 % à Pékin) pour les périodes considérées.

5. Cf. « Pour en savoir plus » : Paatero and Tapper, 1994.

6. En 2008, un travail de mise à jour du ca-dastre des émissions en Ile-de-France a été réa-lisé — sur les données 2005 — dans le cadre des travaux du plan régional de la qualité de l’air piloté par la Région (source : Airparif, cf. « Pour en savoir plus »).

2. Ce travail répondait à l’un des objectifs du projet AEROCOV (projet ANR, 2005-2008, coordonné par Valérie Gros), « Étude expéri-mentale des aérosols et composés organiques volatils dans les mégapoles : quantifi cation des interactions et des impacts ».

3. Elles ont exigé la mise en place de systèmes de mesures permettant une spéciation fi ne d’une large gamme de composés organiques volatils. Deux chromatographes en phase ga-zeuse couplés à un détecteur à ionisation de fl amme (GC-FID) ont permis la mesure de nombreux hydrocarbures primaires (alcanes, alcènes, alcynes, aromatiques). En complé-ment sur Paris, la mesure de COV fonction-nalisés (oxygénés, azotés, etc.) a été réalisée par un analyseur rapide basé sur la spectro-métrie de masse (PTR/MS ou spectromètre de masse à transfert de proton), les mesures ayant été prises en charge par le Max Planck Institut (Mayence, Allemagne).

4. Un inventaire d’émission est une évaluation de la quantité d’une substance polluante émise par un émetteur donné pour une zone géogra-phique et une période de temps donnée.

janvier-mars 2011