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n°6 avril 2007 1 Qu’un Musée de la Résistance et de la Déportation, qui traite aussi des Droits de l’Homme, présente une expo- sition sur le génocide des Arméniens ne devrait étonner personne. Certes les faits sont établis, y compris par une loi de la République 1 , mais il reste toujours utile d’y revenir. Pourquoi? Parce qu’ils sont imprescriptibles et participent de l’histoire de l’humanité, que partout dans le monde le peuple arménien entretient avec ferveur leur mémoire, et qu’en cette année de l’Arménie, le moment est opportun de les rappeler. L’occasion est bonne, aussi, d’exprimer notre solidarité aux milliers d’Isérois qui, demeurant fidèles à leur origine arménienne, de Vienne à Grenoble, combattent les négationnistes et veulent que l’histoire serve. Pour cela, nous disposions de deux ouvrages. Le pre- mier fera date dans l’historiographie du génocide car jamais encore son processus n’avait été étudié avec autant de rigueur et d’exhaustivité. Il s’agit du livre de Raymond Kévorkian, publié en 2006 aux Editions Odile Jacob : Le génocide des Arméniens. Le second, un volumineux manuscrit en arménien, conservé depuis peu par la Direc- tion du patrimoine de la Ville de Saint-Martin-d’Hères, contient les mémoires de Yervant Der Goumcian, rescapé du génocide et réfugié en Isère en 1926. Raymond Kévor- kian semblait tout désigné pour les traduire. Il accepta et nous lui en sommes très reconnaissants. L’exposition Le génocide arménien – Un Martinérois raconte, s’inspire de ces deux livres à la fois, des tribula- tions d’un arménien ottoman, dont la parution coïn- cide avec l’inauguration de l’exposition, autant que de la somme que constitue le « livre-monument » de Raymond Kévorkian. Ainsi la grande histoire et la petite se croi- sent et se complètent, livrant une représentation nouvelle de l’extermination des Arméniens d’Asie Mineure et de ses conséquences. La décision, nous le savons, est prise par le sultan Abdülhamid II, relayée et mise froidement à exécution par les responsables du mouvement Jeunes- Turcs. Mais elle n’apparaît pas ex-nihilo, explique Raymond Kévorkian. Elle relève, nous dit-il, d’une idéo- logie qui mûrit lentement au cours du XIX e siècle et fait valoir que seuls les plus forts seront victorieux, dans la sélection naturelle où sont sensées s’affronter les races humaines. Ces théories racistes, nationalistes et [ ] Réalisée autour du témoignage de Yervant Der Goumcian, l’exposition Le génocide des Arméniens, un Martinérois raconte, porte un éclairage historique et politique origi- nal sur les conditions et les conséquences du génocide des Arméniens. L’arrivée au pouvoir du gouvernement Jeune-Turc, les persécutions envers la population armé- nienne, les déplacements de populations, les exactions dont elles sont victimes, sont autant d’éléments de la tragique histoire arménienne que rappelle l’exposition. Rencontre avec Raymond Kévorkian, spécialiste de l’his- toire arménienne et traducteur des mémoires de Yervant Der Goumcian RÉSISTANCE & DROITS DE L’HOMME édito Journal du Musée de la Résistance et de la Déportation & de la Maison des Droits de l’Homme Dans le cadre de l’Année de l’Arménie en France, la Direction de la Culture et du Patrimoine du Conseil général de l’Isère et le Service du Patrimoine de la Ville de Saint-Martin-d’Hères ont décidé de faire traduire de l’arménien et de co-éditer les mémoires de Yervant Der Goumcian, rescapé du génocide des Arméniens, réfugié en France, dans la région grenobloise en 1926. interview Le génocide des Arméniens Un Martinérois raconte Manifestation organisée dans le cadre d'Arménie, mon amie. Année de l'Arménie en France 1- CF la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915

Résistance & Droits de l'Homme n°6

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Journal du Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère

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Qu’un Musée de la Résistance et de la Déportation, quitraite aussi des Droits de l’Homme, présente une expo-sition sur le génocide des Arméniens ne devrait étonnerpersonne. Certes les faits sont établis, y compris par uneloi de la République1, mais il reste toujours utile d’yrevenir. Pourquoi ? Parce qu’ils sont imprescriptibles etparticipent de l’histoire de l’humanité, que partout dansle monde le peuple arménien entretient avec ferveur leurmémoire, et qu’en cette année de l’Arménie, le momentest opportun de les rappeler. L’occasion est bonne, aussi,d’exprimer notre solidarité aux milliers d’Isérois qui,demeurant fidèles à leur origine arménienne, de Vienneà Grenoble, combattent les négationnistes et veulent quel’histoire serve.

Pour cela, nous disposions de deux ouvrages. Le pre-mier fera date dans l’historiographie du génocide carjamais encore son processus n’avait été étudié avec autantde rigueur et d’exhaustivité. Il s’agit du livre de RaymondKévorkian, publié en 2006 aux Editions Odile Jacob :Le génocide des Arméniens. Le second, un volumineuxmanuscrit en arménien, conservé depuis peu par laDirec-tion du patrimoine de la Ville de Saint-Martin-d’Hères,contient les mémoires deYervantDer Goumcian, rescapédu génocide et réfugié en Isère en 1926.Raymond Kévor-kian semblait tout désigné pour les traduire. Il acceptaet nous lui en sommes très reconnaissants.

L’exposition Le génocide arménien – Un Martinéroisraconte, s’inspire de ces deux livres à la fois, des tribula-tions d’un arménien ottoman, dont la parution coïn-cide avec l’inauguration de l’exposition, autant que de lasommeque constitue le « livre-monument » de RaymondKévorkian. Ainsi la grande histoire et la petite se croi-sent et se complètent, livrant une représentation nouvellede l’extermination des Arméniens d’Asie Mineure et deses conséquences. La décision, nous le savons, est prisepar le sultan Abdülhamid II, relayée et mise froidementà exécution par les responsables du mouvement Jeunes-Turcs. Mais elle n’apparaît pas ex-nihilo, expliqueRaymond Kévorkian. Elle relève, nous dit-il, d’une idéo-logie qui mûrit lentement au cours du XIXe siècle et faitvaloir que seuls les plus forts seront victorieux, dansla sélection naturelle où sont sensées s’affronter lesraces humaines. Ces théories racistes, nationalistes et

[ ]

Réalisée autour du témoignage deYervantDerGoumcian,l’exposition Le génocide des Arméniens, un Martinéroisraconte, porte un éclairage historique et politique origi-nal sur les conditions et les conséquences du génocidedes Arméniens. L’arrivée au pouvoir du gouvernementJeune-Turc, les persécutions envers la population armé-nienne, les déplacements de populations, les exactionsdont elles sont victimes, sont autant d’éléments de latragique histoire arménienne que rappelle l’exposition.Rencontre avec Raymond Kévorkian, spécialiste de l’his-toire arménienne et traducteur des mémoires de YervantDer Goumcian

RÉSISTANCE& DROITSDE L’HOMME

é d i t o

Journal duMusée de la Résistance et de la Déportation& de la Maison des Droits de l’Homme

Dans le cadre de l’Année de l’Arménieen France, la Direction de la Cultureet du Patrimoine du Conseil généralde l’Isère et le Service du Patrimoinede la Ville de Saint-Martin-d’Hères ontdécidé de faire traduire de l’arménienet de co-éditer les mémoires de YervantDer Goumcian, rescapé du génocide desArméniens, réfugié en France, dans larégion grenobloise en 1926.

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Le génocidedes ArméniensUn Martinérois raconte

Manifestation organisée dansle cadre d'Arménie, mon amie.Année de l'Arménie en France

1- CF la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissancedu génocide arménien de 1915

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Raymond Kévorkian, pouvez-vous nousdire quelques mots de votre parcours entant qu’historien chercheur, spécialistede l’histoire arménienne ? Quel est votretravail à la Bibliothèque Nubar et le rôlede cette institution ?Ma thèse de doctorat, soutenue en 1980,portait sur l’histoire culturelle des Armé-niens auxXVIe et XVIIe siècles. Elle a été sui-vie d’autres travaux, sur la même période,concernant l’histoire sociale, religieuse etdiplomatique, ainsi que des travaux de phi-lologie, comme le catalogue des manuscritsarméniens de la BNF. J’ai également montédes expositions didactiques sur le Livrearménien à travers les âges (Musée de laMarine de Marseille, 1985), Arménie 3000ans d’histoire (1988), Tapis et textiles armé-niens (1990).Je me suis aussi passionné pour l’histoiresur la longue durée. J’ai exprimé cette pas-sion dans deux expositions organisées parla BNF (Arménie, entre Orient et Occident,1996), où j’ai travaillé dix-sept ans, et parParis-Musées (Ani, capitale de l’Arménie enl’an 1000, 2001) et les livres-catalogues lesaccompagnant. Jeme suis tout spécialementintéressé à la notion d’échange entre les civi-lisations en suscitant une réflexion collec-tive sur cet élément moteur.C’est en prenant la direction de la Biblio-

thèque Nubar, en 1987, quej’ai été amené àm’intéresserà des sujets plus contempo-rains, d’abord à des ques-tions démographiques etsociales au tournant duXXe

siècle (Les Arméniens dansl’Empire ottoman, en colla-boration avec MichelPaboudjian), avec toujoursau cœur de mon travail lesproblèmes de territorialisa-tion. Par la suite, j’ai publiéplusieurs monographies

sur les violences de masse en milieuottoman (1997 et 1999) et des recueils desources. Plus récemment encore, j’ai entaméavec un collègue, des recherches sur la« reconstruction » du monde arménienaprès le Génocide (Les Arméniens, la quêted’un refuge (1917-1939), Beyrouth, Pressesde l’USJ, 2006). Le fait de travailler dans uneinstitution comme la Bibliothèque Nubarde l’UGAB, riche en fonds d’archives,m’a presque naturellement poussé vers lapériode contemporaine. On y accueille dureste la plupart des doctorants et chercheursqui travaillent sur des sujets d’actualité ouplus anciens. En quelque sorte, cet outilcontribue à irriguer les études arméniennes

et à dynamiser une vie culturelle : c’est enson nom que plusieurs expositions ont étéorganisées. La prochaine va se tenir à la CitéNationale de l’Histoire de l’Immigration,avec laquelle nous collaborons, de mêmeque l’Université Saint-Joseph de Beyrouth,phare de la francophonie au Liban.J’enseigne par ailleurs depuis deux ans, àl’Institut français de Géopolitique (Univer-sité Paris VIII), la géopolitique du « mondeturc » et du Caucase, où l’histoire se met auservice de la compréhension du présent.

Cette interview nous donne l’occasion derevenir sur la parution récente de votrelivre Le Génocide des Arméniens2, unlivre-monument essentiel pour comprendrele génocide des Arméniens.Quel a été l’objectif de ce travail ?Ma longue fréquentation des XVIe et XVIIe

siècles ottomans m’a beaucoup servi et, jel’espère, donné un peu de profondeurhistorique à ma réflexion. Ce que j’ai ditprécédemment de mon cursus laisse devi-ner que j’ai travaillé par étape, en publiantdes études sur des points précis concernantle sujet, comme pour me préparer àl’épreuve que constitue la rédaction d’un telouvrage. Préparation intellectuelle et aussipsychologique, afin de garder, autant quepossible, la distance nécessaire à l’étude d’un

objet aussi particulier qu’un génocide.L’objectif était de faire un bilan des nom-breux travaux qui ont été publiés sur legénocide des Arméniens au cours de cesdernières années, en y apportantmoi-mêmeune contribution originale grâce à la miseen œuvre de matériaux d’archives mécon-nus ou mal exploités. J’y ai adopté un partipris : traiter le dossier comme une questionintérieure ottomane, en négligeant ladimension internationale de la questionarménienne qui a déjà été abondammenttraitée. J’ai aussi décidé de privilégierl’examen des faits au niveau des élitesjeunes-turques et arméniennes qui sont lesprincipaux acteurs de l’événement, pourmieux comprendre comment le partijeune-turc se radicalise progressivement aupoint de mettre en œuvre un programmed’extermination de la population armé-nienne pour parvenir à son idéal de créa-tion d’un État-nation turc vidé des groupesnon-turcs.Bref l’idéologie jeune-turque, ins-pirée du darwinisme social, a été méthodi-quement démontée.La partie centrale de l’ouvrage vise à terri-torialiser le génocide, à l’examiner régionpar région, pour mieux dégager des leçonssur le processus génocidaire et les moyensmis en œuvre par exemple par l’Organisa-tion spéciale, le bras armé du Comité

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Raymond Kévorkian 2007

La famille Der Goumcian, Varna(Bulgarie), printemps 1924, coll.Ville de Saint-Martin-d’Hères.

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central jeune-turc. Mais c’était aussi unemanière de restituer aux descendants desrescapés un peu de leur histoire familiale.On ne peut refaire l’histoire de chaque vic-time, mais l’on peut essayer de restituer lesort subi par chaque groupe, chaque convoide déportés, chaque région.

Vous avez également accepté de conduirel’édition des mémoires d’un rescapé dugénocide, Yervant Der Goumcian.Pouvez-nous décrire les phases deréalisation de ce travail ? Quels sont lesapports de ce témoignage à l’histoire ?Il existe des centaines de témoignages ou demémoires de rescapés, chacun apportant sapropre représentation des événements. Letémoignage de Yervant Der Goumcian aceci de particulier qu’il s’étend dans ladurée, jusqu’aux années 1950, englobantdans une volonté de conserver la mémoiredes événements l’avant génocide et l’aprèsgénocide, ce qui est très rare. La plupart destémoignages s’arrêtent aux portes de laFrance ou du pays d’accueil.Comme le manuscrit en trois volumes nefaisait pas moins de 1500 pages, il y avaitun choix à faire. Il était bien sûr hors dequestion de le résumer, mais plutôt d’endégager les parties les plus significativesdonnant à voir l’histoire du groupe. C’estdonc environ un tiers du texte original quia été sélectionné, traduit et annoté par messoins, avec l’aide précieuse des collabora-teurs de la Direction de la culture et dupatrimoine du Conseil général de l’Isère,en particulier d’Olivier Cogne, qui acoordonné le travail, et ceux du Service dupatrimoine de la Ville de Saint-Martin-d’Hères, en particulier de Pierre Vieuguet,son directeur.Quatre points forts se dégagent de l’œuvredeYervant Der Goumcian : son expérience,rare, à Bandırma, ville de garnison de lamerde Marmara, durant la Première Guerremondiale, où il survit alors que l’ensemblede la population arménienne a été dépor-tée ; l’ambiance pesante à Constantinople àla veille de l’entrée des Kemalistes en ville ;la vie des réfugiés arméniens en Bulgarie aulendemain de l’exode post-kémaliste ; sontémoignage sur le vif concernant les circons-tances de la formation de la communautéarménienne de Grenoble et ses environs. �

é d i t o ( su i t e )xénophobes culmineront bientôt dans le nazisme avecles terribles conséquences que l’on sait. Formés auxgrandes écoles de l’Europe occidentale, les Jeunes-Turcs,s’en inspirent pour défendre le turquisme. Et c’est alorsque toute cohabitation avec les autres groupes de l’AsieMineure leur devient intolérable. Première communauténon musulmane du pays, les Arméniens, en sont alors lesvictimes. Ainsi étudié, ce génocide se raccorde aux sui-vants, à celui des Juifs, des Cambodgiens, des Tutsis… etau idéaux nationalistes exacerbés qui les provoquent.Voilà qui devrait dissiper les doutes de ceux qui se deman-deraient encore si une exposition sur le génocide desArméniens a sa place dans un musée de la Résistance.

La famille Der Goumcian,Saint-Martin-d’Hères, printemps 1937, assiseau premier rang Hayrenitsa, belle-sœur deYervant, coll. Ville de Saint-Martin-d’Hères.

2- Paru aux éditions Odile Jacob en septembre 2006.

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1878 : Traité de San Stéfano et de Berlin : premiers essais de concertation des puissanceseuropéennes en faveur des Arméniens de l’Empire ottoman.1894-1896 : Massacres “hamidiens” (300 000 victimes).1908 : Arrivée au pouvoir ottoman du parti Union et Progrès (Ittihad).1909 : Massacres d’Adana (30 000 victimes).Août 1914 : Mobilisation des tchétés (brigands) de l’Organisation Spéciale (secrète),sous la direction du Comité Central du parti Union et Progrès, présidée par le Dr BahaeddinChakir, l’un des théoriciens du génocide.3 août 1914 : Mobilisation générale. Les Arméniens membres de l’armée ottomane seront désarmésdès le début de l’année 1915 et progressivement exterminés.6 septembre 1914 : Mise sous surveillance des dirigeants politiques et communautaires arménienssur ordre du ministre de l’Intérieur, Mehmed Talât.Février 1915 : Le député arménien de Van, Vramian, envoie une note à Talât.24 avril 1915 : Arrestations, déportations, puis mises à mort de 650 intellectuels, religieux,enseignants, dirigeants politiques arméniens.Printemps-automne 1915 : Exécutions, déportations et massacres à travers toute la Turquie.À l’automne 1915, environ 800 000 Arméniens ont été exterminés (ou pour quelques milliersd’entre eux convertis à l’islam).24 mai 1915 : Avertissement des Alliés adressé à la Turquie, accusée de « crimes contre l’Humanitéet la Civilisation » envers les Arméniens.27 mai 1915 : La promulgation de « la loi provisoire de déportation des populations suspectes »est annoncée.10 juin 1915 : Promulgation de la loi des « biens abandonnés », autorisant la confiscation et la ventedes biens des déportés sous le prétexte de conserver les capitaux « en lieu sûr », afin de les« restituer » après la guerre. Le 26 septembre, une autre loi relative aux biens des déportés serapromulguée. Gwinner, directeur de la Deutsche Bank, résuma ainsi la loi «– 1. Tous les biens desArméniens sont confisqués, – 2. Le gouvernement empochera les crédits des déportés et paiera(ou non) leurs dettes ».Automne 1915-Automne 1916 : Deuxième phase du génocide en Syrie-Mésopotamie : «environ630 000 morts, dont près de 200 000 massacrés dans les régions de Ras ul-Aïn et de Deir Zor. »Novembre 1915 : La France s’engage « en accord avec les Alliés », à ne pas oublier « les souffrancesatroces des Arméniens », « lorsque viendra l’heure des réparations légitimes » et « à assurer àl’Arménie une vie de paix et de progrès » (Aristide Briand).31 octobre 1918 : Capitulation de l’Empire ottoman, signature de l’Armistice de Moudros.1ernovembre 1918 : Fuite vers l’Allemagne des principaux dirigeants jeunes-turcs.Juin 1919 : Le Grand Vizir déclare lors de la Conférence de la Paix qu’il s’est produit en Turquie« des méfaits qui feront trembler pour toujours la conscience de l’Humanité ».5 juillet 1919 : Verdict du « Procès des Unionistes » ; condamnation à mort par contumace d’IsmaïlEnver, Mehmed Talât, Ahmed Djemal et du Dr Ahmed Nazim par la cour martiale turque.Printemps 1920 : Formation du mouvement nationaliste turc sous la direction de Mustafa Kemal,visant à la préservation de l’intégrité territoriale de la Turquie. Création d’un contre-gouvernementà Ankara.10 août 1920 : Le Traité de Sèvres stipule dans un article que le « gouvernement ottomanreconnaît » aux puissances Alliées le droit de poursuivre en jugement et de punir les responsablesdes massacres et déportations.Septembre 1920 : Offensive kémaliste dans le Caucase. La République d’Arménie cède Kars,Ardahan, et le Mont Ararat.1921-1922 : Plusieurs criminels jeunes-turcs réfugiés à Berlin dont Mehmed Talât et BahaheddinChakir, sont exécutés par des militants arméniens. L’assassin de Talât, Soghomon Tehlirian, estacquitté à l’issue d’un procès qui s’est tenu à Berlin, reconnaissant la responsabilité turque dans legénocide.Février 1921 : Aristide Briand négocie à Londres l’abandon de la Cilicie à la Turquie.1er novembre 1921 : Libération par les Britanniques de 53 internés jeunes-turcs de Malte, pour laplupart impliqués dans la destruction des Arméniens.24 juillet 1923 : Le Traité de Lausanne ne fait mention ni de l’Arménie ni des Arméniens ni desmassacres ni des crimes contre l’Humanité, cédant aux exigences du régime kemaliste.

La chronologie du génocide des Arméniens

Colonne de déportés arméniens, 1915Coll. Bibliothèque Nubar de l’UGAB,Paris

Mehmet Talât PachaMinistre turc de l’Intérieur(1909-février 1917), principalresponsable des ordresd’extermination.Coll. Centre de documentation etd’information arménien de Berlin

Déportés arméniens dans les campsde Mésopotamie, 1916Coll. Centre de documentation etd’information arménien de Berlin

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UUnnee mméémmooiirreeppoouurr ll’’hhiissttooiirree

L’ouvrage Une mémoire arménienne quivient de paraître, à l’initiative de la Direc-tion du Patrimoine du Conseil général del’Isère et du Service du Patrimoine de la Villede Saint-Martin-d’Hères, est bien plus quele récit d’une vie. En écrivant, dans sa languematernelle, quelque 1 500 pages, YervantDer Goumcian a rédigé des pages d’histoirequi contribuent véritablement à unemeilleure connaissance du génocide desArméniens. Un témoignage que l’historienRaymond Kévorkian a rendu accessible parun remarquable travail d’édition, en faisantle choix des parties les plus significativesqu’il a traduites et commentées.Du village de Medz Nor Kiugh (alors dansl’Empire ottoman) où il naît en 1894, jus-qu’à son arrivée en France, et son installa-tion en Isère, dans les années 1920, Yervantconserve une mémoire étonnamment pré-cise des faits dans lesquels se mêlent l’his-toire familiale et celle de tous les Arméniensottomans confrontés aux massacres demasse que le gouvernement des Jeunes-Turcs organise entre 1915 et 1916. En pour-suivant son récit bien au-delà de l’exil, Yer-vant Der Goumcian livre également untémoignage d’un intérêt majeur sur lesconditions d’existence de la diaspora armé-nienne de la première génération et quimontre bien la permanence du lien com-munautaire. Un parcours de migrant qui futcelui de nombreux Arméniens réfugiés enFrance et qui atteste de la capacité d’inté-gration de cette population déracinée. Dans son œuvre qu’il qualifie lui-même de« Mémorial » (Hichadagaran), Yervant DerGoumcian su également préserver de nom-breuses archives, photographies ou encoredocuments officiels, comme autant detémoignages qui illustrent désormais le livreUne mémoire arménienne. Un ouvrage pour lequel on peut sans nuldoute exprimer qu’il a respecté le travail deson auteur et sa volonté de le rendre « utileaux écrivains arméniens ou aux histo-riens ». �

l a p u b l i c a t i o n

10 décembre 1894 : Naissance à Medz Nor Kiugh, un bourg arménien situé au sud-est du lac

d’Iznik, dans le vilayet de Bursa.

Août 1908 : Établissement, avec sa famille, à Bandırma, un port de la mer de Marmara, proche

de Bursa (Empire ottoman). Yervant est placé comme apprenti-bottier.

Automne 1914 : Yervant Der Goumcian obtient un certificat médical des autorités militaires

l’exemptant du service. Il survit comme musicien durant les années de guerre.

25 février 1919 : Mariage de Yervant avec Nevart Tchaker Hagopian à Bandırma.

16 mai 1920 : Naissance de leur fille Siranouch à Bandırma.

Août 1921 : Yervant abandonne la musique et ouvre une boutique de quincaillerie à Bandırma.

4 février 1922 : Décès de la mère de Yervant.

17 août 1922 : Yervant et sa famille fuient Bandırma pour Constantinople avant l’entrée des

troupes kemalistes dans la ville.

16 novembre 1922 : Les Der Goumcian obtiennent un visa pour la Bulgarie et quittent

Constantinople par bateau.

Novembre 1922 : Les Der Goumcian s’installent à Choumèn, une petite ville de Bulgarie.

Décembre 1923 : Les Der Goumcian s’établissent à Varna, sur la Mer Noire. Yervant assure le

quotidien en jouant le soir dans les tavernes du port.

8 février 1924 : Naissance de leur deuxième fille, Marie, à Varna.

1er mars 1926 : Décès du père de Yervant, le R. P. Goumsi, à Varna.

11 juillet 1926 : Départ pour la France de la famille Der Goumcian, grâce à un contrat de travail.

21 juillet 1926 : Arrivée à Marseille.

24 juillet 1926 : Installation à Lancey, en Isère.

3 août 1926 : Embauche de Yervant à la papeterie de Lancey.

7 octobre 1927 : Embauche de Nevart à la Biscuiterie Brun de Saint-Martin-d’Hères.

17 octobre 1927 : Embauche de Yervant à la Biscuiterie Brun de Saint-Martin-d’Hères.

Novembre 1927 : Installation des Der Goumcian à Saint-Martin-d’Hères.

Septembre 1939 : Yervant et Nevart sont licenciés de la Biscuiterie Brun.

Décembre 1946 : Embauche de Yervant dans l’usine de matière plastique Marbrosam de

Grenoble.

20 octobre 1947 : Le Journal officiel publie le décret de naturalisation de Yervant et Nevart Der

Goumcian.

27 novembre 1960 : Yervant part en retraite.

1962-1964 : Yervant rédige ses mémoires, soit 1 500 pages, en trois volumes.

2 mai 1976 : Décès de Yervant Der Goumcian à La Tronche, en Isère.

La vie de Yervant Der Goumcian en quelques dates

Photographie de YervantDer Goumcian, prise àBursa fin juillet 1917Coll. Ville deSaint-Martin-d’Hères

Yervant posant devantdes instruments demusique, Bandırma,printemps 1917, coll. Villede Saint-Martin-d’Hères

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l a p r o c h a i n e e x p o

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Le 26 octobre prochain, le Musée de la Résistance et de laDéportation de l’Isère / Maison des Droits de l’Homme consacrerasa prochaine exposition temporaire à la mémoire des chômeurs etprécaires de l’Isère de 1975 à aujourd’hui. Cette exposition estréalisée à l’initiative de l’association GALLO, dédiée à lareconnaissance et à la reconstruction de l’identité des chômeursde longue durée, avec le concours de deuxcinéastes-documentaristes, d’un photographe et d’un écrivain.

Rencontre avec Christian Devaux, 55 ans,fondateur de l’association GALLO et chô-meur de longue durée.

Comment est née l’idée d’une associationvisant à la reconstruction de l’identité deschômeurs de longue durée ?Elle découle de mon parcours profession-nel et personnel. J’ai travaillé dans quatreentreprises différentes au cours de ma vieet j’ai été licencié quatre fois pour raisonséconomiques. La première fois, j’avais déjà20 ans d’ancienneté, j’étais encore assezcostaud physiquement et moralement, jen’étais pas inquiet, je pensais retrouver dutravail. Mais non, on ne retrouve pas toutde suite alors j’ai cherché pendant deux ans,ça a été dur et puis j’ai retrouvé un travail,ça n’a duré qu’un an et puis même schéma,dernier rentré, premier sorti ! Deux expé-riences similaires ont suivi, jusqu’en 1991 etmon dernier licenciement, où quelquechose s’est cassé, cette fois-ci je n’avais plusenvie, je n’avais plus la force de recommen-cer. Je ne voulais plus aller à l’usine maisquoi faire d’autre, j’ai commencé à travaillerà partir de 16 ans, je ne sais pas faire autrechose. Je ne trouvais pas de solution, je tour-nais en rond, j’ai été bloqué psychologique-ment pendant de nombreuses annéesjusqu’au début des années 2000, à tel pointque des amies me disaient : « tu ne peux pascontinuer comme ça, tu vas au fond dugouffre, il faut que tu fasses quelque chose ». Au moment du mouvement de révolte deschômeurs en 1998, j’ai rencontré beaucoupde personnes dans la même situation que lamienne, sinon pire, des chômeurs de longuedurée sans reconnaissance, sans identité,psychologiquement détruits. Petit à petitest venue l’idée de créer une association dereconstruction de l’individu pour des gensqui subissent le chômage depuis longtemps,qui sont dans la précarité, être utile et parce biais là pourquoi ne pas créer sa propreactivité professionnelle.

Comment s’est concrétisé cette idée ? Ca a pris du temps, il a fallu que l’idéemûrisse dans ma tête et puis y a eu desdéclics dont un majeur, le décès soudaind’un ancien camarade de travail avec quij’avais travaillé plus d’une quinzained’années, qui a été licencié et qui a connu

par cette étiquette qu’on leur colle dechômeur et de parasite. Entre le passage àl’ANPE et le retour à l’emploi, il y a besoinde se retrouver, d’évacuer. Il y a beaucoupde chômeurs qui à l’heure actuelle ne vontmême plus aux convocations de l’ANPEparce qu’ils sont détruits, ils sont affaiblispsychologiquement, moralement, physi-quement, alors comment voulez-vous queces gens-là aient encore l’énergie d’aller àun entretien de l’ANPE et après qu’ils puis-sent essayer de discuter avec un employeurpour trouver un emploi ? Il faut d’abord queces gens là évacuent tout ce qui est malsainen eux : pourquoi ? Le combat quotidiend’un chômeur longue durée c’est quoi ?Comment je vais payer mon loyer ? Com-ment je vais me chauffer ? Comment je vaisme vêtir pour bien me présenter ? Com-ment je vais manger ? Comment je vais édu-quer mes enfants ? Comment je vais payermes factures ? Et quand on est passé par làet qu’on a fini sa journée, il nous arrivequand même parfois de penser commenton va chercher du boulot ?

Comment est né le projet de cette expositionqui sera présentée au Musée de laRésistance et de la Déportation de l’Isère ?Au fil des rencontres et notamment du par-tenariat que nous avons noué avec les Artsdu récit en Isère, petit à petit est venue l’idéequ’il fallait montrer toute cette énergie quia été dépensée par les chômeurs pour êtrereconnus, leur engagement pour combattreles idées reçues, leurs souffrances, leur pré-carité, leur identité, et pourquoi pas de créerun projet autour de la mémoire des chô-meurs de l’Isère de 1975 à nos jours. Grâceaux Arts du récit, j’ai eu l’opportunité derencontrer Jean Guibal, Directeur de la Cul-ture et du Patrimoine du Conseil général del’Isère, à qui j’ai raconté le projet que nousavions, nous avons « négocié » pendantdeux ans. Aujourd’hui le projet va voir lejour au Musée de la Résistance, il est sub-ventionné par le Conseil général de l’Isèreet par divers partenariats. Tout ceci a étéun long cheminement qui est loin d’être ter-miné, c’est quand même une sacrée aven-ture humaine parce que plein de gens sontvenus s’agripper à ce projet et à l’associa-tion elle-même. �

la précarité, les petits boulots, etc. Et de làest venue l’idée du nom de l’association, deson nom, Dominique Gallo, qui a donné leGroupement d’Activités Locales Libres etOuvertes. Au moment de ce décès, çafaisait déjà deux ans que j’avais cette idée decréer une association et cette disparition m’adonné de l’énergie, la force de ne pas bais-ser les bras. Alors j’ai pris mon bâton depèlerin comme on dit, et au lieu d’allerdémarcher les entreprises pour trouver duboulot, je suis allé voir les centres sociaux.J’ai pris rendez-vous avec l’ACEIPS qui estune association qui suit régulièrement desgens qui sont au chômage depuis très long-temps et qui veulent créer soit une entre-prise soit une association ou qui ont unprojet d’activité professionnelle. Je leur aiexpliqué mon projet, celui de créer une asso-ciation pour être utile aux chômeurs delongue durée et en même temps créer mapropre activité. On m’a dirigé vers un tra-vailleur social du Vieux Temple qui m’aécouté à peu près 2 heures. Ca faisait desannées que personne ne m’avait écouté àce point là, 2 heures. Et il m’a aidé. A côté,je continuais à avoir mes rendez-vous régu-liers, une fois par mois avec l’ACEIPS quielle m’a suivi pendant deux ans sur cettecréation d’association. Et petit à petit le pro-jet a progressé, j’avais un petit groupe decopains intéressé par l’association, qui seréunissait chez moi et avec qui on réfléchis-sait sur les statuts, les objectifs, les moyens,etc. L’association est née en septembre 2003.

Quels sont les objectifs de GALLO ?Nous avons d’abord créé un atelier d’écri-ture, puis un atelier d’expression orale, unatelier d’illustration, d’art graphique.Depuis l’association Gallo a fait son petitbout de chemin, nous avons dans les ateliersentre 8 et 12 personnes, il faut que ça restetrès humains, très confidentiel pour que lesgens reprennent confiance en eux. Il fautqu’il y ait un climat de confiance, de sym-pathie, de convivialité, pourquoi ? Parce quel’on estime que par rapport aux objectifs deGALLO, qui sont la reconstruction de l’in-dividu et sa reconnaissance en lien avec sescapacités, ses compétences, il faut qu’il y aitun sas de liberté de parole pour les chô-meurs de longue durée car ces gens-là sontcarrément déstructurés, carrément brisés

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B r è v e s

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Disparitionde Georges Bois-Sapin

Georges Bois-Sapin s’est éteint le 10novembre 2006 à son domicile d’Echirolles.Né à Grenoble le 14 septembre 1908, ilquitte l’école à 12 ans et commence à tra-vailler. Passionné de sport, il remporte en1927 un concours d’éducation physique etreçoit son prix, à Paris, des mains du Prési-dent de la République, Gaston Doumergue.Il devient moniteur d’Education physique,en 1929, au foyer départemental de la Côte-Saint-André, puis en 1935, il est nommédirecteur du Gymnase municipal de Gre-noble et professeur d’Education physiquedes écoles communales de la ville, poste qu’iloccupe jusqu’au 31 octobre 1967, date de saretraite. En octobre 1942, il intègre le mouvementCombat, puis l’année suivante l’ArméeSecrète, c’est d’ailleurs, chez lui au gymnasequ’a lieu la passation de pouvoir entre Sam

Job, initiateur de l’AS en Isère, recherché parla Gestapo, et Albert Reynier, futur préfet dela Libération, début août 1943. En 1943, il participe au pilonnage de lacaserne de Bonne en fournissant les explo-sifs. Très lié à Paul Vallier, chef des groupes-francs de Combat, il lui apporte aide et sou-tient logistique. Au cours de l’été 1944, ilconvoie lui-même des armes, du ravitaille-ment en direction des maquis de l’Oisans.A la libération, il est le chef des sections deréserve du secteur 1 (Oisans, Grenoble).Après la guerre, il se dépense sans compterau sein des associations, Combat, lesMédaillés, l’ANCVR, et du musée de la rueJean-Jacques Rousseau, afin de défendre lamémoire et les valeurs de la Résistance. Ilest nommé au grade de Chevalier de lalégion d’honneur. L’équipe du Musée, quia toujours beaucoup apprécié sa sincérité,garde de lui le souvenir d’un homme intègreet déterminé, sachant défendre sans conces-sion les valeurs de la Résistance. �

Grenoble, rue Berthe-de-Boissieux,14 septembre 1944 Georges Bois-Sapindevant le gymnase municipal, entouré,à sa droite d’Alexandre Percic, et à sagauche de François Ahatchitch,slovènes incorporés de force dansl’Armée allemande, ayant désertés àson initiative et servi successivementdans les compagnies Bernard etStéphane.Fonds Georges Bois Sapin, coll. MRDI

Depuis l’adoption en 1989 par l’Assembléegénérale des Nations Unies de la Conventioninternationale des Droits de l’Enfant, le 20novembre est devenu la Journée internatio-nale des Droits de l’Enfant. Une journéedédiée à la promotion et au respect des Droitsde l’Enfant mais également à la mise en pers-pective et la dénonciation de situations quivont à contre-courant de l’engagement prisunitairement en 1989. A cette occasion, en 2006, le Musée de laRésistance et de la Déportation de l’Isère /Maison des Droits de l’Homme avait reçule Docteur Daniel Halpérin, président del’association suisse des Amis de JanuszKorczak qui avait, lors d’une conférence,présenté la personnalité et l’action de JanuszKorczak, médecin-pédiatre, écrivain et pré-curseur de la Convention internationale desDroits de l’Enfant. En 2007, le musée sou-haite de nouveau réitérer son implication lorsde cette journée avec la création d’une expo-sition itinérante, en partenariat avec la Liguedes Droits de l’Homme et le service de laProtection de l’enfance du Conseil généralde l’Isère, qui permettra de retracer l’histoiredes Droits de l’Enfant, de s’intéresser auxhommes et aux femmes qui les premiers ontsu s’attacher à la reconnaissance de l’enfanten tant qu’individu et d’illustrer les actionscontemporaines et locales qui sont réaliséesquotidiennement au travers d’exemplesconcrets. �

La réactualisationde la salle consacréeà la Déportation

Si certaines présentations du Musée de laRésistance et de la Déportation de l’Isèreont été enrichies ou réaménagées au coursdes 13 dernières années, grâce aux progrèsde la recherche historique et aux apportsdes expositions temporaires, force est deconstater que l’espace dédié à la Déporta-tion est resté inchangé. Depuis 1994, pour-tant, de nouvelles connaissances ont étérassemblées, notamment dans le cadre dusoixantième anniversaire de la fin de laSeconde Guerre mondiale et de la libéra-tion des camps. La publication de l’ouvrage« Déportés de l’Isère » ou la réalisation dufilm « Ils ont survécu… », ont permis decapitaliser de nombreuses informations quidoivent être réinvesties dans les présenta-tions du musée. C’est pourquoi, le 9 février dernier, a étéréuni un groupe de travail afin de préparerconjointement avec les historiens et lesreprésentants des associations du mondede la Déportation, leur réaménagement,prévu dans le courant de l’été 2007. �

Ils ont survécu…les déportés rescapés, 1945-2005

Disponible en DVDIl y a soixante ans, le monde entier découvrait l’horreur du système concen-trationnaire nazi. La Libération des camps de concentration et d’extermina-tion révèle, en ce printemps 1945, le crime le plus effroyable qui n’ait jamaisété commis de toute l’histoire de l’humanité. Et des questions se posent, com-ment les déportés rescapés ont-ils vécu après cette horrible tragédie ? Commentsont-ils rentrés ? Quel accueil reçurent-ils ? Quand et comment ont-ils com-mencé à parler de leur expérience concentrationnaire ? Quels enseignements en tirent-ils et que veulent-ils que les générations d’aujourd’hui en retiennent ? A l’occasion du 60e anniversaire de la libération des camps, le Musée de la Résistance et dela Déportation de l’Isère a recueilli le témoignage filmé de vingt-trois déportés qui livrentleur histoire sur leur retour à la vie comme sur les stigmates qu’ils portent toujours del’expérience des camps.Après avoir accompagné, en 2004, l’anniversaire de la Libération, en produisant le film« Comme un vent de liberté », à propos de la libération de l’Isère, c’est à la mémoire de ladéportation que le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère dédie ce nouveautravail audiovisuel de 38 minutes. Ce film constitue ainsi le deuxième volet relatif aux condi-tions dans lesquelles les Isérois ont vécu la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le Muséeentend mettre cette mémoire à la disposition des générations suivantes. Une attention par-ticulière a été portée aux publics scolaires, dans la réalisation de cet outil audiovisuel, afinde permettre son exploitation par les enseignants. �

Le DVD est en vente à l’accueil du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère /Maison des Droits de l’Homme au prix de 10 €.

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Numéro 6 – avril 2007Directeur de Publication : Jean-Claude DuclosRédaction : Alice Buffet, Olivier Cogne, Jean-Claude Duclos, Jacques LoiseauConception, réalisation : Pierre Girardier. Crédits Photographiques : MRDIImprimeur : Imprimerie des Deux-Ponts. Tirage : 5 000 ex.Dépôt légal à parution. ISSN en cours

Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère / Maison des Droits de l’HommeOuvert tous les jours, de 9h à 18h, du 1er septembre au 30 juin (sauf mardi, de 13h30à 18h et samedi, dimanche de 10h à 18h) et de 10h à 19h, du 1er juillet au 31 août(sauf mardi, de 13h30 à 19h).

14 rue Hébert – 38 000 Grenobletél 04 76 42 38 53 – fax 04 76 42 55 89www.resistance-en-isere.frL’entrée dans les musées départementaux est gratuite.

a g e n d a

Cycle de conférences autour de l’exposition Legénocide des Arméniens, un Martinérois raconte

Mercredi 9 mai 2007 – 18h30Conférence-débatL’évolution de la mémoire du génocide dans ladiaspora arméniennePar Martine Hovanessian, anthropologue, chargée de recherches au CNRSL’une des conséquences du génocide fut de contraindre les rescapés àl’immigration. Ces Arméniens, qui vont essaimer dans plusieurs pays dumonde, au Proche-Orient mais aussi en Europe, en Amérique du Nord…composent aujourd’hui une diaspora dont l’identité continue de se définirpar l’histoire et, surtout, par celle du génocide.Archives départementales de l’Isère : 2, rue Auguste Prudhomme à Grenoble

Mercredi 6 juin 2007 - 18h30Conférence de Raymond Kévorkian autour de son ouvrage

Le génocide des ArméniensPar Raymond Kévorkian, historien, directeur de la Bibliothèquearménienne Nubar à ParisOrganisée par la Ville de Saint-Martin-d’Hères.Polytech’ Grenoble : 28, avenue Benoît-Frachon à Saint-Martin-d’Hères

Autres rencontresJeudi 14 juin 2007 – 18h30

Projection-débat

Le procès BarbiePar Jean-Claude Lescure, historien, Directeur de l’Ecole de journalisme deScience politique de Paris. Il a collaboré avec la chaîne de télévision Histoireoù il a assumé la responsabilité de préparer les émissions consacrées auxprocès de Klaus Barbie, Paul Touvier et Maurice Papon.Il a également été l’auteur de documentaires historiques pour France 2 et laCinq.En partenariat avec le B’nai Brit de GrenobleArchives départementales de l’Isère : 2, rue Auguste Prudhomme à Grenoble

Samedi 20 octobre – 15hPrésentation du film et du livreRésister, militerProlongeant l’exposition Rester libres ! projet a été fait de réaliser un film etun livre consacrés aux militants associatifs qui défendent et ont défendu, enIsère, les Droits de l’Homme et la liberté.Le programme de l’exposition Rester libres ! relie en effet la présence,aujourd’hui, en Isère, de près de trois cents associations engagées dans tousles champs de la solidarité à l’histoire longue des luttes pour la liberté dansles Alpes dauphinoises. Aussi, sa réalisation s’est-elle accompagnée d’uneimportante collecte de témoignages auprès de ceux qui animent ou ontanimé le tissu associatif local. Au-delà de l’utilisation première qui en a étéfaite dans l’exposition, l’idée d’un film et d’un livre consacrés aux luttescontemporaines pour les Droits de l’Homme en Isère s’est rapidementrévélée, afin de mettre à profit la grande richesse de ces entretiens filmés.Musée dauphinois : 30, rue Maurice Gignoux à Grenoble

b r è v e s

Disparition d’Henri Grouès. Abbé PierreSes actions dans la Résistance iséroise

Il naît le 5 août 1912 à LyonEn octobre 1940, il est aumônier à l’hôpital de la Mure,puis en 1941, aumônier d’un orphelinat à la Côte-Saint-André. Au mois de juillet 1942, il est nommé vicaire à lacathédrale Notre-Dame de Grenoble. Lors de la rafle desJuifs étrangers du 26 août 1942, il recueille nombred’entre-eux pourchassés par la police de Vichy.Grâce à ses relations, il les place chez des particuliers,dans des communautés, pensionnats, orphelinats, et leurprocure de fausses pièces d’identité. C’est une sœur deNotre-Dame-de-Sion qui lui fournit les formulaires decartes d’identité et lui apprend la fabrication de cesfausses cartes.Munis de ces faux papiers, l’abbé Pierre devient passeuret met en place des filières d’évasion par la Suisse. L’unde ses premiers sauvetages, en août 1942, le conduit prèsde Chamonix, la cordée passe par Montroc-le-Planet, lerefuge Albert 1er, le col du Tour et enfin la Suisse par leglacier du Trient.A l’automne 1942 il rencontre ZunioWaysman,“Gilbert”dans la Résistance, ingénieur chez Peugeot, organisateurde talent, il sera son premier aide-faussaire.Février 1943 : le S.T.O. : Comment soustraire tant dejeunes hommes à leur départ en Allemagne ? C’est alorsqu’il rencontreAndré Demirleau, charpentier àVoreppeet futur maire de cette cité, avec lequel il fonde le“Maquis-Palace”, au lieu-dit la Platelle, dans le massifde la Chartreuse. Toujours soucieux, d’informer, d’en-cadrer et de justifier les choix qui rassemblent les jeunesgens du“Maquis Palace”et d’autres maquis, l’abbé Pierrefonde alors un journal, l’Union Patriotique Indépen-dante (UPI), dont le premier numéro est tiré en avril1943, réalisé dans l’atelier du 24 place Grenette, où estégalement installé le laboratoire de faux-papiers.A l’été 1943, il fait émigrer le “Maquis Palace” au pla-teau de Sornin, au-dessus des Gorges d’Engins dans leVercors. Parallèlement à son activité “maquisarde”, ilcontinue son action de passeur, dans la nuit du 9 au 10novembre 1943, il fait passer en Suisse le plus jeune frèredu général, Jacques De Gaulle et son épouse, Jeanne.En cette fin d’année 1943, le maquis de Sornin démé-nage àMalleval, au sommet des gorges duNan, avec pourunique accès un sentier taillé dans la roche à pic.Le camp est financé par ZunioWaysman,“Gilbert”, aussiappelé l’ingénieur et ravitaillé parAndré Jullien,“Brian-çon”, futur chef du 5ème bureau du Secteur I de l’Isère.En janvier 1944, repéré et menacé d’arrestation, il quitteGrenoble pour Lyon, puis, en février, Paris, où il ren-contre Georges Bidault.L’abbé Pierre devient l’abbé Georges Houdin, étudianten théologie à l’Institut catholique.Il poursuit son action clandestine au sein de l’A.I.D.,Agence d’Information et de Documentation, en compa-gnie de Robert Comte.De nouveau traqué, il passe en Espagne à la fin mai 1944,puis en juin, Alger, sous le nom de Sir Harry Barlow.L’abbé Pierre n’est jamais venu au Musée de la Résistancemais des contacts sont établis avec ses exécuteurs testa-mentaires en vue de la publication commentée de laconférence qu’il donne à Paris en 1945 et dans laquelleil raconte sa résistance. �