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RÉSUMÉ DES TÉMOIGNAGES ET CONCLUSIONS DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE DU TRIBUNAL RUSSELL SUR LA PALESTINE CONSACRÉE À GAZA – 24 SEPTEMBRE 2004
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RÉSUMÉ DES TÉMOIGNAGES ET CONCLUSIONS DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE DU
TRIBUNAL RUSSELL SUR LA PALESTINE CONSACRÉE À GAZA – 24 SEPTEMBRE 2004
Ce 24 septembre, des juristes et des représentants du monde associatif, médical et culturel se sont réunis à
l’Albert Hall à Bruxelles dans le cadre du Tribunal Russell sur la Palestine, un tribunal d’initiative populaire qui trouve son
origine dans les tribunaux d’opinion établis dans les années 60 en réaction à la guerre du Vietnam, pour examiner si des
crimes de guerre, de génocide et des crimes contre l’humanité ont été commis par l’armée israélienne au cours de
l’opération « Bordure protectrice ».
Tout au long de la journée, plusieurs témoins se sont succédés à la barre pour livrer leurs exposés sur cette dernière
opération militaire israélienne à Gaza, expliquer le contexte dans lequel celle-ci s’est inscrite, donner un éclairage sur les
complicités des tiers, notamment de l’Union européenne, et exposer les conséquences qui en découlent en matière de
droit international.
TÉMOIGNAGES
John Dugard, membre du Jury du Tribunal et ancien rapporteur des Nations Unies sur les droits de l’Homme dans les
Territoires Palestiniens, a tout d’abord rappelé que la bande de Gaza était un territoire sous occupation, soumise à un
siège qui représente une punition collective. Il a indiqué que toutes les parties au conflit devaient pouvoir répondre de
leurs actes, tout en clarifiant que le recours disproportionné à la force au cours de la dernière opération, en particulier le
nombre de pertes civiles qui en a résulté, justifiait que le Tribunal se focalise sur les crimes commis par Israël.
Paul Behrens, professeur en droit pénal et expert sur les questions de génocide, a ensuite expliqué qu’il était essentiel
de faire une distinction entre le génocide dans son acception juridique et la définition commune que les historiens ou
l’opinion publique peut lui attribuer. Il a notamment relevé que le génocide, d’un point de vue strictement juridique, repose
sur une volonté avérée de détruire physiquement ou biologiquement tout ou partie d’un groupe national, religieux,
ethnique ou racial. En ce sens, il a indiqué qu’il pouvait exister des éléments relevant du génocide dans la dernière
offensive israélienne à Gaza, mais que l’existence de doutes bénéficie à la partie incriminée.
Puis, Desmond Travers, un des auteurs du rapport « Goldstone » sur l’opération « Plomb durci » de 2008-2009, a
présenté les différents types de munitions auxquelles Israël a eu recours dans le cadre de l’opération « Bordure
protectrice ». Au total, ce ne sont pas moins de 720 tonnes de munitions qui ont été utilisés contre Gaza cet été et plus de
43.000 obus. M. Travers a également indiqué que lors de cette offensive, l’armée israélienne avait employé la doctrine
« Dahiyah », crée lors de la guerre au Liban en 2006, qui consiste à organiser une attaque disproportionnée pour créer un
souvenir durable des conséquences d’une résistance aux forces armées israéliennes.
David Sheen, journaliste au quotidien Haaretz, a quant à lui fait état de la montée d’un discours d’incitation à la haine et
au crime envers les Palestiniens au sein de la société israélienne. Il a démontré qu’aujourd’hui, il était devenu
« acceptable » d’avoir des positions ouvertement racistes en Israël, au point que certaines figures publiques majeures, y
compris issues des franges dites les plus « libérales », justifient le massacre de civils palestiniens. Il a par ailleurs indiqué
que cette rhétorique ne se limitait désormais plus à une certaine partie de l’opinion publique, mais qu’on le retrouvait à
différent échelons la société israélienne, des religieux aux responsables politiques, en passant par les journalistes et les
fans de football. Au total, 95% de la population israélienne a d’ailleurs approuvé les opérations militaires israéliennes de
cet été.
Suite à ces différents exposés, plusieurs témoins sont intervenus pour décrire avec précision la nature de nombreux
crimes commis par les forces armées israéliennes au cours de l’opération « Bordure protectrice ». Eran Efrati, ancien
sergent de l’armée israélienne et activiste, a décrit le cas de Salem Shamaly, un jeune Gazaoui de 20 ans, qui a été
froidement abattu par des snipers israéliens alors qu’il cherchait sa famille dans les décombres du quartier de Shujahiya.
Mohammed Omer a ensuite évoqué trois autres cas qui ont attesté d’un recours à la pratique des boucliers humains, à
des exécutions sommaires de civils, ainsi que d’une interdiction de déplacement aux ambulances et services de la Croix-
Rouge.
Au cours de l’après-midi, un message de deux témoins gazaouis empêchés, Ashraf Mashharawi et Raji Sourani, a
rappelé que le siège imposé sur la bande de Gaza empêchait presque tout mouvement de population. Puis, les exposés
poignants de Mads Gilbert, docteur norvégien actif à Gaza depuis 1981, et d’un collègue anesthésiste palestinien,
Mohammed Abou Arab, ont porté sur les attaques dont les infrastructures et le personnel médical ont fait l’objet. Ils ont
signalé que 17 des 32 hôpitaux de Gaza ont été détruits au cours de la dernière guerre et que 144 membres du corps
médical ont également été pris pour cible. Mads Gilbert a terminé son intervention en précisant qu’il n’a jamais vu de
militants palestiniens tirer des roquettes depuis des hôpitaux et qu’il était de toute façon insensé de croire que des
Palestiniens laisseraient des combattants agir de la sorte au péril des patients.
Paul Mason, journaliste à Channel 4, a ensuite établi une liste des violations potentielles du droit international par les
différentes parties, notamment le bombardement disproportionné de zones civiles par Israël, l’établissement de « kill
zones », l’organisation d’attaques ciblées sur des maisons où l’armée savait pertinemment que plusieurs membres d’une
même famille allaient être tués. Il a également informé le jury sur les circonstances du bombardement d’une école de
l’UNRWA et le déluge de feu qui s’est abattu sur le quartier de Khuza’a.
Martin Lejeune, journaliste allemand, a poursuivi en exposant les dégâts infligés aux usines et zones industrielles de
Gaza. Selon ses relevés, plus de 70% des usines de Gaza ont été totalement détruites et citant un économiste
palestinien, il a rappelé qu’Israël n’attaquait pas seulement les civils, mais également le tissu économique gazaoui afin
que la population dépende de l’aide internationale.
Puis, Ivan Karakashian, chargé de plaidoyer à Defence for Children International-Palestine, est revenu sur le recours à
la pratique des boucliers humains, et plus spécifiquement sur des cas qui ont impliqué des mineurs. Il a mentionné celui
d’Ahmed Abu Ridda, utilisé comme bouclier et torturé pendant 5 jours, la famille Wahdan, dont les femmes et enfants ont
été bombardés après avoir servi de boucliers, et a rappelé que pendant la dernière opération, 10 enfants en moyenne ont
été tués par jour.
Max Blumenthal, journaliste, écrivain et blogger américain, a également énuméré de nombreux crimes commis par
l’armée israélienne au cours de « Bordure protectrice » et a insisté sur le fait qu’il fallait les analyser dans le cadre plus
large de l’idéologie sioniste et d’un colonialisme vieux de plus de 100 ans. Selon lui, il ne s’agit pas d’un conflit, mais
d’une conquête qui se cristallise autour d’une volonté de maintenir une majorité démographique juive, voire d’expulser
totalement la population arabe de la région.
Son exposé a été suivi d’une intervention d’Agnès Bertrand-Sanz, du bureau pour la politique au Moyen-Orient
d’ASPRODEV, qui a expliqué comment les Etats-Unis et l’UE avaient contribué à enterrer le rapport Goldstone et qui a
insisté sur l’importance des travaux du Tribunal pour que la Palestine adhère à la Cour Internationale de Justice.
Enfin, Michael Deas, coordinateur du comité européen BDS, a rappelé tous les succès engrangés par la campagne BDS
(Boycott-Désinvestissement-Sanctions) ces dernières années, souligné l’importance d’un embargo militaire sur Israël, de
même qu’une suspension des accords commerciaux avec Israël Il a finalement donné la parole au coordinateur du
Tribunal Russell sur la Palestine, Pierre Galand, qui a clôturé les travaux de la session en invitant le public à poursuive
les efforts fournis par les témoins en relayant le contenu des conclusions du Tribunal auprès de l’opinion publique, des
institutions et des décideurs.
CONCLUSIONS
Parmi les conclusions, disponibles sur le site du Tribunal Russell sur la Palestine
http://www.russelltribunalonpalestine.com/en/wp-content/uploads/2014/09/Summary-of-findings-1.pdf, soulignons que le
Tribunal a jugé qu’Israël s’était rendu coupables des crimes suivants :
Crimes de guerre : l’homicide intentionnel, la destruction de biens, non justifiée par des nécessités militaires et exécutée
sur une grande échelle; le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou
contre des civils qui ne participent pas directement part aux hostilités ; l’utilisation disproportionnée de la force, le fait de
diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement et des hôpitaux qui
ne sont pas des cibles militaires ; l’utilisation de Palestiniens comme boucliers humains ; le fait d’employer les armes,
projectiles, matières et méthodes de guerre de nature à causer des maux superflus ou des souffrances inutiles ou à
frapper sans discrimination en violation du droit international des conflits armés ; et l’utilisation de la violence dans le but
principal est de répandre la terreur parmi la population civile.
Crimes contre l’humanité : meurtre, persécution et extermination.
Le Tribunal a aussi mis en garde qu’il était possible que le crime de persécution devienne génocidaire. Il a déclaré qu’il
est reconnu que, dans des situations où des crimes contre l’humanité étaient commis en toute impunité et où l’incitation
directe et publique au génocide se manifestait dans tous les secteurs de la société, il était concevable que l’Etat ou les
individus choisissent d’exploiter ces conditions afin de perpétrer le crime de génocide.
Enfin, il a appelé Israël à respecter ses obligations en droit international et la Palestine à accéder sans délais au statut de
Rome de la Cour pénale internationale. Il a rappelé qu’il était du devoir des Etats tiers de coopérer afin de mettre fin à la
situation illégale qui découle de la situation d’occupation, du blocus et des crimes commis dans la Bande de Gaza. Il a
également appelé l’Union européenne à adopter des sanctions à l’encontre d’Israël, en ligne avec sa politique sur les
mesures restrictives, afin de poursuivre les objectifs de préservation de la paix, de renforcement de la sécurité
internationale et de respect des droits de l’homme. Le Tribunal a également appelé l’UE à exclure les entreprises
israéliennes d’armement des programmes de recherche européens.