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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 2 153 décès survenant du 1 er au 28 e jour d’inclusion. Les patients étaient ventilés en volume contrôlé avec un volume courant de 6 ml/kg et une pression maximale de 30 cmH 2 O. Au sein de chaque groupe la PEP était appliquée selon une table prédéterminée combinant PEP et FiO 2 , afin d’obtenir une PaO 2 entre 55 et 80 mmHg pour la FiO 2 la plus basse. 549 patients avec une atteinte respiratoire aiguë ont été inclus (PaO 2 /FiO 2 < 300 mmHg). La PEP moyenne était significativement différente entre les deux groupes (8,3 ± 3,2 vs 13,2 ± 3,5 cmH 2 O). La mortalité au 28 e jour était comparable (24,9 % vs 27,5 %, p = 0,5), il en était de même pour le nombre de jour sans ventilation mécanique. Cette étude intéressante nous paraît cependant souffrir de quelques faiblesses. Malgré le tirage au sort, les deux popu- lations diffèrent par l’âge et le rapport PaO 2 /FiO 2 ! Le proto- cole a dû être modifié dans le groupe haut niveau de PEP après inclusion de 171 patients. L’auto – PEP n’est pas considérée. Enfin le niveau de PEP choisi est indépendant des propriétés mécaniques des poumons et de la relation pression-volume statique. Si bien que la conclusion des auteurs, considérant que le niveau de PEP n’influence pas la survie des patients en SDRA ventilés avec un volume cou- rant de 6 ml/kg et des pressions de plateau inspiratoire de 30 cmH 2 O, demanderait à être confirmée. Il reste en prati- que qu’au cours du SDRA, il est impératif d’appliquer un volume courant de 6 ml/kg avec un monitorage des pres- sions d’insufflation. Le meilleur rapport bénéfice risque du niveau de PEP, quant à lui reste encore une énigme. G. ROMERO CHU Tours. Revascularisation coronaire avant chirurgie vas- culaire : est-ce bien nécessaire ? Falls EO, Wards HB, Moritz TE, Goldman S, Krupski WC, Hooy F, Pierpont G, Santilli S, Rapp J, Hattler B, Shunk K, Jaenicke C, Thottapurathu L, Ellio N, Reda DJ, Henderson WG. Coronary artery revascularisation before elective major vas- cular surgery. N Engl J Med 2004;551:2795-804. L’incidence de cardiopathie ischémique est très élevée chez les patients opérés de l’aorte abdominale. Depuis des années, toute la stratégie d’évaluation pré-opé- ratoire de ces patients a été basée sur l’identification des patients à risque de développer des complications cardio- vasculaires au cours ou au décours de la chirurgie aortique. La pratique des scintigraphies au thallium sensibilisées par le dipyridamole puis les échos de stress avait pour objectif d’identifier les patients sans risque a priori, opérés sans autre procédure préalable et ceux qui présentaient des ano- malies, susceptibles de bénéficier d’une coronarographie et au décours d’une dilatation avec pose de stent ou d’un (ou plusieurs) pontages. Depuis quelques années cette pratique a été remise en question d’une part du fait d’un défaut de sensibilité des investigations pré opératoires vis-à-vis des lésions coronaires et d’autre part du fait de nouvelles pro- cédures (utilisation des thienopyridines : clopidrogel ou ticlopidine) après mise en place de stent qui retardait de plusieurs mois la chirurgie aortique. Cette étude multicen- trique nord-américaine a eu, dans ce contexte, pour objectif d’évaluer l’impact d’une revascularisation coronaire avant chirurgie coronaire. Sur une période de 4 ans et sur 14 hôpitaux, 5 859 patients ont été pressentis pour être inclus dans l’étude 4 669 ont été exclus du fait d’un risque cardiaque insuffisant (1 654) d’une revascularisation urgente (1 025), d’un pontage ou d’une dilatation coronaire préalable (626) et d’une patholo- gie sévère coexistante (731). Six cent trente-trois autres exclusions ont résulté d’un refus de participation ou de l’inclusion dans un autre protocole et 680 pour différentes autres raisons (coronaropathie non obstructive, coronaro- pathie inaccessible à une tentative de revascularisation). Les sténoses du tronc commun de la coronaire gauche ont été exclues car pontées systématiquement (54) ainsi que les patients ayant une fraction d’éjection du ventricule gauche inférieure à 20 % ou un rétrécissement aortique sévère. Cinq cent dix patients (9 % du total) ont été randomisés en 2 groupes selon qu’ils bénéficiaient ou non d’un pontage aorto-coronaire avant l’intervention aortique. 240 patients ont subi un ou plusieurs pontages aorto-coronaires et 141 une dilatation avec pose de stent. Le délai médian avant chirurgie vasculaire était de 48 jours après pontage et 41 jours après dilatation coronaire. Dix décès sont survenus dans le groupe revascularisation coronaire avant la chirur- gie vasculaire contre un seul dans l’autre groupe. Dans les 30 jours suivant la chirurgie aortique 7 décès sont survenus dans le groupe revascularisation coronaire (3 %) contre 8 dans l’autre groupe (3 %). Trois mois après l’intervention la fraction d’éjection était la même dans les deux groupes (54 ± 13 vs 55 ± 12 %). La durée d’observation médiane était de 2,8 [1,7 – 3,9] ans dans le groupe revascularisation et 2,6 [1,6 – 3,8] ans dans le groupe sans revascularisation. Sur cette durée, 70 décès sont survenus dans le premier groupe et 67 dans le second. Pour une durée d’observation médiane de 2,7 ans après ran- domisation la mortalité était donc de 22 % dans le groupe revascularisation et 23 % dans le groupe sans revascularisa- tion. Dans ce dernier groupe 8 % des patients ont bénéficié d’une revascularisation coronaire après chirurgie aortique. L’analyse per-protocole ne changeait rien à la mortalité res- pective (22 % vs 23 %). Les variables secondaires telles que le nombre d’infarctus du myocarde post-opératoire (11,6 vs

Revascularisation coronaire avant chirurgie vasculaire : est-ce bien nécessaire ?

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 2 153décès survenant du 1er au 28e jour d’inclusion. Les patientsétaient ventilés en volume contrôlé avec un volume courantde 6 ml/kg et une pression maximale de 30 cmH2O. Au seinde chaque groupe la PEP était appliquée selon une tableprédéterminée combinant PEP et FiO2, afin d’obtenir unePaO2 entre 55 et 80 mmHg pour la FiO2 la plus basse.549 patients avec une atteinte respiratoire aiguë ont étéinclus (PaO2/FiO2 < 300 mmHg). La PEP moyenne étaitsignificativement différente entre les deux groupes(8,3 ± 3,2 vs 13,2 ± 3,5 cmH2O). La mortalité au 28e jourétait comparable (24,9 % vs 27,5 %, p = 0,5), il en était demême pour le nombre de jour sans ventilation mécanique.Cette étude intéressante nous paraît cependant souffrir dequelques faiblesses. Malgré le tirage au sort, les deux popu-lations diffèrent par l’âge et le rapport PaO2/FiO2 ! Le proto-cole a dû être modifié dans le groupe haut niveau de PEPaprès inclusion de 171 patients. L’auto – PEP n’est pasconsidérée. Enfin le niveau de PEP choisi est indépendantdes propriétés mécaniques des poumons et de la relationpression-volume statique. Si bien que la conclusion desauteurs, considérant que le niveau de PEP n’influence pasla survie des patients en SDRA ventilés avec un volume cou-rant de 6 ml/kg et des pressions de plateau inspiratoire de30 cmH2O, demanderait à être confirmée. Il reste en prati-que qu’au cours du SDRA, il est impératif d’appliquer unvolume courant de 6 ml/kg avec un monitorage des pres-sions d’insufflation. Le meilleur rapport bénéfice risque duniveau de PEP, quant à lui reste encore une énigme.

G. ROMERO

CHU Tours.

Revascularisation coronaire avant chirurgie vas-culaire : est-ce bien nécessaire ?

Falls EO, Wards HB, Moritz TE, Goldman S,

Krupski WC, Hooy F, Pierpont G, Santilli S, Rapp

J, Hattler B, Shunk K, Jaenicke C, Thottapurathu

L, Ellio N, Reda DJ, Henderson WG. Coronary

artery revascularisation before elective major vas-

cular surgery. N Engl J Med 2004;551:2795-804.

L’incidence de cardiopathie ischémique esttrès élevée chez les patients opérés de l’aorte abdominale.Depuis des années, toute la stratégie d’évaluation pré-opé-ratoire de ces patients a été basée sur l’identification despatients à risque de développer des complications cardio-vasculaires au cours ou au décours de la chirurgie aortique.La pratique des scintigraphies au thallium sensibilisées parle dipyridamole puis les échos de stress avait pour objectifd’identifier les patients sans risque a priori, opérés sansautre procédure préalable et ceux qui présentaient des ano-

malies, susceptibles de bénéficier d’une coronarographie etau décours d’une dilatation avec pose de stent ou d’un (ouplusieurs) pontages. Depuis quelques années cette pratiquea été remise en question d’une part du fait d’un défaut desensibilité des investigations pré opératoires vis-à-vis deslésions coronaires et d’autre part du fait de nouvelles pro-cédures (utilisation des thienopyridines : clopidrogel outiclopidine) après mise en place de stent qui retardait deplusieurs mois la chirurgie aortique. Cette étude multicen-trique nord-américaine a eu, dans ce contexte, pour objectifd’évaluer l’impact d’une revascularisation coronaire avantchirurgie coronaire.

Sur une période de 4 ans et sur 14 hôpitaux, 5 859 patientsont été pressentis pour être inclus dans l’étude 4 669 ontété exclus du fait d’un risque cardiaque insuffisant (1 654)d’une revascularisation urgente (1 025), d’un pontage oud’une dilatation coronaire préalable (626) et d’une patholo-gie sévère coexistante (731). Six cent trente-trois autresexclusions ont résulté d’un refus de participation ou del’inclusion dans un autre protocole et 680 pour différentesautres raisons (coronaropathie non obstructive, coronaro-pathie inaccessible à une tentative de revascularisation). Lessténoses du tronc commun de la coronaire gauche ont étéexclues car pontées systématiquement (54) ainsi que lespatients ayant une fraction d’éjection du ventricule gaucheinférieure à 20 % ou un rétrécissement aortique sévère.

Cinq cent dix patients (9 % du total) ont été randomisés en2 groupes selon qu’ils bénéficiaient ou non d’un pontageaorto-coronaire avant l’intervention aortique. 240 patientsont subi un ou plusieurs pontages aorto-coronaires et 141une dilatation avec pose de stent. Le délai médian avantchirurgie vasculaire était de 48 jours après pontage et41 jours après dilatation coronaire. Dix décès sont survenusdans le groupe revascularisation coronaire avant la chirur-gie vasculaire contre un seul dans l’autre groupe. Dans les30 jours suivant la chirurgie aortique 7 décès sont survenusdans le groupe revascularisation coronaire (3 %) contre 8dans l’autre groupe (3 %).

Trois mois après l’intervention la fraction d’éjection était lamême dans les deux groupes (54 ± 13 vs 55 ± 12 %). Ladurée d’observation médiane était de 2,8 [1,7 – 3,9] ansdans le groupe revascularisation et 2,6 [1,6 – 3,8] ans dansle groupe sans revascularisation. Sur cette durée, 70 décèssont survenus dans le premier groupe et 67 dans le second.Pour une durée d’observation médiane de 2,7 ans après ran-domisation la mortalité était donc de 22 % dans le grouperevascularisation et 23 % dans le groupe sans revascularisa-tion. Dans ce dernier groupe 8 % des patients ont bénéficiéd’une revascularisation coronaire après chirurgie aortique.L’analyse per-protocole ne changeait rien à la mortalité res-pective (22 % vs 23 %). Les variables secondaires telles quele nombre d’infarctus du myocarde post-opératoire (11,6 vs

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 215414,3 %) d’accidents vasculaires cérébraux (0,4 vs 0,4 %) nevariaient pas entre respectivement les groupes revasculari-sés et non revascularisé.La revascularisation coronaire avant chirurgie aortique nemodifie donc ni la mortalité à long terme ni la mortalité àcourt terme non plus que l’incidence d’infarctus du myo-carde et la durée d’hospitalisation.Cette stratégie thérapeutique n’est donc plus de mised’autant qu’elle retarde la réalisation de l’acte chirurgicalsur l’aorte. Une stratégie d’optimisation du traitement médi-camenteux s’impose de plus en plus en substitution de laprécédente. À cet égard il faut observer que les relatifs bonschiffres de mortalité observés dans cette étude, quel quesoit le groupe, peuvent être mis en parallèle avec le fait que80 % des antiagrégants, 50 à 60 % des inhibiteurs del’enzyme de conversion et 60 à 70 % des statines. Ces der-nières, ainsi que les bêtabloquants ont un effet préventif surla survenue d’infarctus post-opératoire et sur la mortalité,démontré dans plusieurs études. Sachant que les anesthésis-tes sont réticents à l’utilisation per opératoire des bêtablo-quants, c’est dans cette direction que doivent maintenantporter les efforts pour améliorer la morbidité et la mortalitéaprès chirurgie aortique.

Francis BONNET

Hôpital Tenon, Paris.

Il vaut mieux prendre les transports encommun en sortant de garde !

Extended work shifts and the risked motor vehicle

crashes among interns. Barger LF, Cade BE, Agas

NT, Cronin JW, Rosner B, Speizer FE, Czeisler

CA for the Harvard work hours, Health and

Safety group. N Engl J Med 2005;352:125-34.

Le repos de sécurité est appliqué en Francedepuis quelques années. Son objectif est de

faire en sorte que les médecins ayant passé plusieurs heuresà l’hôpital durant la nuit et de ce fait, privés de sommeil nesoient pas en charge du soin des patients.Cette mesure est particulièrement importante en ce quiconcerne le travail posté car il est bien démontré que la pri-vation de sommeil augmente le nombre d’erreurs médicalesqu’il s’agisse d’erreurs diagnostiques, d’erreurs de procédu-res ou d’erreurs de traitement. Les médecins de garde sontdonc amenés à rentrer chez eux à l’issue de leur travail denuit. Une étude nord-américaine qui a porté sur 2 737 rési-dents en première année d’internat (et en première lignedans l’administration des soins durant la garde dans le sys-tème nord-américain) encouraient un risque augmentéd’accident de la route lorsqu’ils utilisaient leur véhicule à

l’issue d’une garde. Le risque était 2,3 fois plus élevé pour lesaccidents et 5,9 fois pour les situations critiques, essentielle-ment accidentogènes. Chaque heure supplémentaire degarde augmentait ainsi de 9,1 % le risque d’accident et de16,2 % le risque de situation critique pré-accidentelle. Sur lapériode concernée (soit 17 003 mois d’exposition au risquepour 2 737 internes) 320 accidents sont survenus dont 133avec des conséquences certaines (médicales ou matérielles).Ceci est à rapporter au fait que dans 85 % des cas les internesdormaient moins de 4 heures durant leurs gardes. Quand onsait que les internes en manque de sommeil présentent dessignes électro-oculographiques de défaut d’attention témoi-gnant d’une fatigue profonde, ce résultat n’est pas surprenant.Les auteurs commentent le fait que si les internes vivaientautrefois à l’hôpital où ils faisaient de nombreuses heures,mais où également ils pouvaient se reposer, ce n’est plus lecas aujourd’hui. Ce changement de situation les expose ànouveau à un risque.Une recommandation simple consiste donc à encouragerl’utilisation des transports en commun ou le repos sur placeau décours d’une garde sans période de repos.

Francis BONNET

Hôpital Tenon, Paris.

Peut-on réduire la mortalité après fracture ducol du fémur ?

Mortality analysis in hip fracture patients: impli-

cations for design of future outcome trials. Foss

NB, Kehlet H. Brit J Anaesth 2005;94:24-9.

Le nombre de patients opérés après fracturedu col du fémur ne fait qu’augmenter du faitdu vieillissement de la population. Plus de30 % de ces patients ont aujourd’hui plus

de 85 ans ! En Europe, la mortalité après fracture du col estsupérieure à 10 % et la mortalité à 1 an est de l’ordre de225 %. De nombreuses études cliniques ont cherché àapprécier l’impact de telle ou telle technique d’anesthésiesur la mortalité après fracture du col et de ce point de vue,les résultats sont aujourd’hui assez décevants, ne permettantpas de privilégier une technique d’anesthésie plutôt qu’uneautre. D’autres facteurs interviennent plus vraisemblable-ment comme le délai avant intervention. Après la chirurgie,tout doit être entrepris pour permettre aux patients deretrouver une autonomie la plus complète possible, le plusrapidement possible. Comme pour la chirurgie viscérale, larécupération fonctionnelle rapide passe par la mise enœuvre de programmes de soins postopératoires incluant,mobilisation rapide, absence de drainage et de cathétérisme(vésical), lutte contre la douleur, nutrition orale etc. toute-fois l’impact de ces mesures est mal évalué même si au cours