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P r i x : 10c. — 1re Série.1. JOURNAL DES OUVRIERS. Ce journal paraît Ions les dimanches matin. — S'adresser, pour toutes com- munications et réclamations, au bureau du journal, rue de Seine, 57. — É c r i r e FRANCO. : Dimanche 2 avril 1848. Aux citoyens ouvriers de Paris etdesFaubourgs. A propos des élections. CITOYENS, J'avais résolu, en déposant les armes après les journées de février, de consacrer, dans un coin obscur, le reste de mes jours au service de ma patrie. Je croyais, — l'idée était d'un homme naïf, je n'en disconviens pas, — que les intrigants n'o- seraient plus jamais venir insulter à la majesté d'une nation républicaine, par leur présence, leur ambition et leurs mensonges ; que les pro- priétaires terriens et les capitalistes vaincus dans leur représentant suprême, prendraient part à la REVOLUTIONNAIRE L'ACCUSATEUR

REVOLUTIONNAIRE - Nantes · nuit du 24 février tandi, qus lee plus heureus x d'entre nou mangeaiens du pai t en dt u cheval dans les rues qu, beaucoue npe mangeaien riet n du tout

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P r i x : 10c. — 1re Série. N° 1.

J O U R N A L DES O U V R I E R S .

Ce journal paraît Ions les dimanches ma t in . — S'adresser, pour toutes com-municat ions et réclamations, au bureau du journal , rue de Seine, 57. — É c r i r e FRANCO.

:Dimanche 2 avril 1 8 4 8 .

Aux citoyens ouvriers de Paris et des Faubourgs. A propos des élections.

CITOYENS,

J'avais résolu, en déposant les armes après les journées de février, de consacrer, dans un coin obscur, le reste de mes jours au service de ma patrie.

Je croyais, — l'idée était d 'un homme naïf, je n 'en disconviens pas, — que les intrigants n 'o-seraient plus jamais venir insulter à la majesté d 'une nation républicaine, par leur présence, leur ambition et leurs mensonges ; que les pro-priétaires terriens et les capitalistes vaincus dans leur représentant suprême, prendraient part à la

REVOLUTIONNAIRE

L'ACCUSATEUR

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Révolulion, ou tout au moins assisteraient calmes et résignés aux réformes sociales dont ils n 'ont pu comprimer l'explosion.

Le contraire arrive. Depuis un mois j 'ai pu compter le nombre des ennemis de la Républi-que; il est immense, et la ruse, l'adresse, la sub-tilité de ces scélérats est effrayante. Dans ce même mois, j 'ai vu aussi notre bonhommie, notre crédulité, notre timidité. C'est pourquoi je me suis décidé aujourd'hui à sortir dans la rue, l 'arme du journalisme à la main, car je ne veux pas ; que nous les bons, les petits, les simples, on nous fasse marcher de nouveau, comme un t rou-peau de moutons et d'imbéciles, sous le bâton des viédases ; je ne veux pas qu'on nous remette sous le joug, comme une paire de bœufs, pour que nous soyons traînés encore, durant des siè-cles, dans ce sillon de l 'usure, stérile et froid, tout boueux cependant de nos larmes.

Ouvriers de tous états,

Délaissés d'autrefois, souverains désormais, Venez à moi, connaissons-nous et agissons de

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concert, comme des hommes libres, égaux et, frères.

C'est, la première fois dans le monde que nous, les travailleurs, nous comptons comme des hom-mes dans une société ; auparavant on nous clas-sait comme des machines à faire des maisons, des meubles, des habits ou du pain. Il n'est donc pas étonnant que nous ne sachions pas la politique sur le bout du doigt, et que nous ne puissions pas en parler encore comme des maîtres. Mais n'ayons pas honte de notre ignorance ; avec un peu de bonne volonté, en étudiant un peu tous les jours, les ouvriers, grâce .au bon sens et à la droiture du cœur qu'ils possèdent, deviendront, s'ils veulent, les maîtres des maîtres.

A l 'œuvre donc. Toute la question est là : étu-dions, apprenons. S'instruire est le premier de-voir du républicain ; soyons dignes de la liberté et de la République.

Ouvriers,

Mes amis et mes frères, C'est pour aider à votre instruction que ce

journal est fondé; il n ' a d'autre but que de sou-

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tenir la jeune République française et de main-tenir dans le bon chemin le char de la Révolution.

C'est pour vous que j 'écris, travailleurs de tous états, croyez-le bien. Venez me voir, me soute-nir, m'encourager, Venez parler avec moi de l 'a-venir et de la grandeur de la République ; vos sentiments , vos désirs, vos pensées, sont sacrés pour moi, apportez m'en l'expression ; plus sacrés sont vos intérêts, venez les débattre; je répéterai tous les vœux de vos âmes républicaines et révo-lutionnaires.

Aujourd'hui recevez le premier conseil de vo-tre sincère ami, et ses premiers reproches,

A propos des élections de la garde et de la re-présentation nationale.

Voyez-vous ce qui se passe ?

Tous les scélérats, les sots, les ignorants, les va-niteux, les avares, les impudiques, les menteurs, les calomniateurs, les gens sans-aveu, ni foi, ni loi (et qui pourtant voudraient faire les lois d 'une République!) sont en mouvement, intriguent, ca-balent , et sont sur le point d'arriver aux grades

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supérieurs de la garde nationale et aux bancs de

la Constituante. Et c'est votre faute, rien que votre faute.

Les constitutionnels, Les réformistes, Les légitimistes, Les napoléonistes, Tous ces gens en istes, dont la liste ne finit

pas, s 'entendent comme des filous et nous esca-moteront notre République, si vous n'y prenez garde.

Je ne dis pas qu'ils nous subtiliseront le nom, l 'apparence, l 'extérieur; non, non , ils sont trop fins pour cela ; ils nous laisseront le semblant, mais ils nous confisqueront le fond, l'essentiel.

Ils ont pour eux tous ces républicains qui, sous Louis-Phi l ippe, faisaient de l'opposition parce qu'ils ne croyaient pas la République si prochaine, mais qui, maintenant qu'elle est pro-clamée, ont une peur du diable, ne demandent que la paix et le repos, et ne peuvent pas croire que la Révolution ait d 'autre but que de substi-tuer plusieurs petits souverains à un roi.

Ils ont pour eux :

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Les hommes d'affaires perfides, à l'esprit étroit et au cœur glacé,

Les banquiers aux doigts crochus, Les rentiers et. les notaires poltrons, Les boutiquiers filous, Les manufacturiers aventureux de l'argent

d'autrui, Les nobles imbéciles et vantards, Les jésuites et les cagots, Les hommes de lettres et les journalistes fa -

méliques, Les professeurs gommés de science, Toute la séquelle des avocats et des avoués

sans foi, sans probité, sans honneur, habituée à filer des phrases comme un ver à soie file son cocon, en laissant le milieu vide,

Toute la bande des écoliers, ces piliers de cafés qui croient en savoir p lus , après quelques inscriptions de droit ou de médecine, que vos braves et laborieux vieillards à barbe blanche et à qui on décrète des remerciements pour des services qui n'ont pas été rendus par eux, mais par vous qu'on oublie,

Tous ces bourgeois qui font manger à la cui-sine l'ouvrier, ce mal mis, aux mains noires,

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à la voix rauque, ce grossier, ce tape-dur qui n'est bon qu'à faire des barricades et à mourir pour la France.

/

Ils ont pour eux : Les indécis, les indifférents, Les richards parvenus par le vol, l 'usure, la

bassesse, l 'intrigue et la corruption, Les gueux qui ont envie de parvenir et de

s 'enrichir, Les coquins de haute volée, fonctionnaires et

employés de tous les services publics, qui se sont hâtés de faire adhésion entre les mains du Gou-vernement provisoire,

Et les coquins subalternes. Ils ont enfin pour eux : Tous ces chipeurs de gros emplois qui ont com-

mencé la course aux places dans cette sombre nuit du 24 février, tandis que les plus heureux d'entre nous mangeaient du pain et du cheval dans les rues, que beaucoup ne mangeaient rien du tout, que tous nous regardions avec anxiété l'horizon clans la crainte d 'un nouveau et plus sanglant combat contre les régiments nos frères,

Tous ces ambitieux, héros de toutes les barri -cades, qu'on n'a vus nulle part , qui se sont fait

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part de tout , comme une bande de voleurs : « A toi ceci, à moi cela, » et dont le Gouverne-ment ne peut plus se débarrasser tant ils sont fortement attachés aux émoluments de leurs em-plois,

Tous ces bourgeois ridicules de la sotte mais instructive journée des bonnets à poil.

Voilà la tourbe de vos ennemis ; voilà ceux que vous avez

A craindre, A combattre, A. chasser, Parce que, dès l 'abord, vous ne leur avez pas

montré les dents et pas dit de se tenir en repos.

Veillez donc avec soin maintenant , puisque vous avez une fois déjà manqué à votre devoir.

Attaquez, Et expulsez du sanctuaire Ces larves immondes qui se sont échappées de

leur fange, et qui ont osé pénétrer dans le temple. Car, si vous ne débusquez pas ces hommes '

patiemment, courageusement, un à un, de leurs positions, savez-vous ce qu'ils feront?

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Si vous ne fermez pas chez eux tous ces gens qui courent partout, qui entrent eu tous lieux, à toute heure, dans les ministères, à l 'Hôtel-de-Ville, dans les mairies, malgré les consignes des factionnaires qu'ils t rompen t , qui violent l'accès des bals et l ' intérieur des ménages, qui se mul-tiplient parmi vous, autour devons et chez vous, savez-vous ce qui arrivera ?

Si vous donnez votre confiance à ces impos-teurs qui sacrent maintenant le nom de Louis-Philippe après avoir adoré ce grand bon-Dieu de l 'usure, de l'assassinat et de l'inceste, savez-vous où ils vous mène ron t ,

Ces républicains farouches qui crient plus fort que nous : « Vive la République! », qui font dans les clubs, chaque soir, des motions ab-surdes, saugrenues, odieuses, et qui n 'ont d'au-tre intention que de « tuer les principes et le patriotisme par les principes et le patriotisme poussés jnsqu'à l'exagération »,

Ces purs démocrates qui se présentent tou-jours avec l 'appui du Gouvernement provisoire, comme si un gouvernement pouvait appuyer per-sonne sans blesser et tuer la liberté d'élection, comme si un ministre républicain avait des

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créatures, des satellites, une-cour, tout de même qu'un roi,

Ces valets, toujours au service de quelqu'un, qui voudraient bien nous traîner dans la boue et abaisser jusqu'à leur turpitude la dignité de nos fronts républicains.

Eh bien, répondez, savez vous leurs intentions, leurs vues, leurs espérances, leurs secrets et in-fâmes désirs?

Ils comptent bien , ils sont sûrs , ils se font fort de rejeter peu à peu, bataillons par batail-lons, votre innombrable et glorieuse armée, dans l 'abîme sombre des temps passés, dans la misère et dans la faim, dans l'esclavage du corps et dans la mort de l'esprit !

Ils enterreront une à une vos libertés nais- ' santés, et scelleront si bien le cercueil qu'il vous faudra encore trois jours de combats rien que pour soulever le couvercle de votre tom-beau.

Ils écriront une constitution dont il vous fau-dra couvrir de sang chaque page pour en anéan-tir l 'esprit et le souvenir.

Les bases antiques de la société ont été exhu-

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niées du sol français en février, en a o û t , ils les auront remises en place.

Ils vous feront leurs dupes , soit en parlant haut et fort, d 'un ton convaincu et profond, soit en vous morigénant comme des enfants t u rbu -lents, soit en s'adressant à tous les bons sen-timents de vos âmes : à propos, par exemple, de l'organisation du travail , il ne tarderont pas à vous dire, les larmes aux yeux, dès qu'ils auront vu ce fait qu'ils .ne soupçonnent pas même en-core :

— « Mais, nos chers frères, vous tuez tout le

commerce de détail. » Et vous aurez pitié des boutiquiers, qui préfè-

rent fainéantiser tout le jour dans un comptoir que de travailler dans un atelier, et vous con-sentirez à mourir pour que le détaillant conti-nue à s'engraisser de votre chair et de vos os.

Car vous êtes ainsi faits : vous êtes toujours prêts à donner votre âme, votre cœur, votre vie, tout ce que vous possédez, à qui en a envie ou caprice.

Craignez donc,

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Combattez donc, Chassez donc, Tous ces fourbes, ces impurs, ces méchants,

ces fripons, ces traîtres. Prenez garde : Aux circulaires qu'ils répandent , Aux professions de foi qu'ils débitent, Aux journaux qu'ils publient, parés d 'un titre

républicain, mais anarchistes en dessous, Aux discours des coquins qu'ils soudoient, Aux applaudissements mêmes qu'ils vous ar-

rachent par de faux-semblants de vertu et de pa-triotisme.

Défiez-vous,

Pesez avec soin les actions et les paroles, Provoquez des enquêtes, Allez aux éclaircissements, Et quand même vous n'aurez rien trouvé de

mauvais, défiez-vous encore,

Si vous voulez n 'être pas surpris et dupés. Car, sachez bien que tous ces hommes qui ont

vécu dans la fortune sous la royauté déchue, ont vécu dans la corruption, l'ont employée et y ont applaudi.

Ils ont reçu de leurs pères les germes de tous

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les vices et ont dans le sang l 'opprobre et la dé-loyauté.

Ils n 'ont été, ils ne sont vos amis en public que pour se moquer de vous au coin du feu, en-tre confidents et en famille.

Défiez-vous, défiez-vous, car tous les mauvais sont ligués pour introduire tous les démons par qui eux-mêmes sont possédés, dans le corps du petit enfant que vous avez tiré du sein de Dieu.

Croyez-moi, croyez ce cri d'alarme que je viens jeter auprès de vous :

« La patrie est en danger ! >» •

Ouvriers,

Vous, les seuls révolutionnaires de France, Vous, la vertu, la force et le salut du pays, Génie, bon sens, et instinct de la patrie, Source de toute grandeur, Aimables enfants, qui conviés pour la première

fois au banquet de la fraternité, entrez dans la salle des festins, dans l'universelle et infinie cité, dignes de tout amour, de toute estime, de tout respect, de toute admiration,

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Où êtes-vous? que faites-vous ? Êtes-vous donc

si sûrs de vous que vous n'ayez point a bouger?

Ah! défiez-vous aussi de votre confiance! . . . .

On dit que vingt mille seulement d 'entre vous sont allés se faire inscrire dans les mairies pour voter aux élections générales et vous laissez passer cette calomnie sans protester. 11 faut pourtant une protestation, une éclatante dénégation, un éner-gique démenti, car vos ennemis en tirent une conséquence affreuse :

C'est que vous n'êtes pas dignes de la liberté, et que vous n'êtes pas mûrs pour la République.

Réunissez-vous donc au plus tôt, sur la place de la Révolution et formez deux groupes, des in-scrits et des non-inscrits qui iront immédiatement se faire inscrire dans leurs mairies respectives.

AUX MAIRIES, AUX MAIRIES !

N'oubliez pas que, pour être électeur, il ne faut que trois conditions :

1° Être français, 2° Être âgé de vingt un ans,

3° Habiter le département de la Seine depuis

six mois.

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Ayez donc soin de vous munir : 1° De votre acte de naissance ; Et si vous ne l'avez pas , réclamez-le de suite

aux mairies qui sont obligées de le délivrer GRATIS ; 2° Des quittances de six mois de loyer, Soit que vous habitiez une maison dite bour-

geoise ou un hôtel garni ;

P u i s AUX MAIRIES, AUX MAIRIES!

Une fois inscrits,

Occupez-vous du choix des trente-quatre can-didats dont vous aurez à faire une liste pour les élections.

Inscrivez d'abord les noms de ceux des mem-bres du Gouvernement provisoire en qui vous avez le plus de confiance, mais faites un choix sévère.

Ajoutez quelques noms célèbres dans toute la France, comme ceux de Béranger, de Duménil-Michelet, gendre de l 'auteur du livre qui a Je plus contribué à la Révolution, de Raspail, l'ami du peuple 5

Mais, citoyens ouvriers, prenez garde que ces hommages dépassent le nombre 14,

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Et souvenez-vous qu'il faut que Paris envoie VINGT OUVRIERS A LA CONSTITUANTE.

Des ouvriers, des ouvriers ; voici mon deuxième

conseil :

VINGT OUVRIERS AU MOINS A LÀ CON-

STITUANTE.

J'ai entendu parler d 'une motion d 'un club qui voulait que la nomination de douze ouvriers ou du tiers des représentants fût exigible et for-cée. C'était une bêtise et une injure : une bêtise, parce que vous êtes une majorité immense qui peut tout ; une injure, parce que vous vous dé-clareriez mineurs pour la liberté et non émanci-pés, en agissant ainsi.

Moi, je ne vous conseille pas un tiers ; mais plus, bien plus de la moitié ; et voici pourquoi :

C'est que la Révolution française qui dure de-puis 1789 ne faisant pourtant que commencer, sera encore facilement emmaillottée et bâillon-née par les classes bourgeoises, si vous ne veillez vous-mêmes sur son berceau.

C'est que tout le travail de la Constituante con-

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sistant à organiser la République, qui maintenant est fondée,

Si vous, les démocrates, n'êtes pas en ma-jorité,

La République ne sera pas démocratique, et tout sera à recommencer dans quelques années.

C'est que, si vous envoyez pour ce travail d 'or-ganisation des hommes d'affaires, des savants, des lettrés, à supposer même qu'ils soient de bonne foi et qu'ils agissent de tout cœur , ils s'appesanti-ront sur chaque détail si bien et si longtemps, qu'ils fausseront chaque principe de chaque loi dans ses articles, et qu'il n'y aura pas une loi qui ne soit à refaire au bout de quelque temps.

C'est qu'il y a assez longtemps que les gens in-struits font de mauvaises lois, et qu'il me semble impossible que les ignorants n'en fassent pas de meilleurs.

C'est qu'en vous, ignorants, petits et simples d'esprit, le doigt de Dieu agira d 'une façon plus manifeste.

VINGT OUVRIERS DONC A LA CONSTITUANTE.

Mais n'allez pas choisir parmi vous

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Des savants, Car vos savants ne savent rien ; Ni des poètes, Car, de tons les poëtes, vos poëtes sont les plus

ennuyeux ; Ni de ces espèces de maîtres d'école, qui font

la leçon à tout propos, et/qui sont plus pédants que tous les pédants ;

Ni de ces avocats de carrefour qui parlent toujours subtilement, si subtilement que le diable ne les comprendrait, pas ;

Ni des hommes qui ne soient pas bien près de la quarantaine,

Car l'expérience vous vient tard.

Nommez des ouvriers, D'un âge mûr , Pères de familles, Bons et vieux républicains, Oui soient réputés pour leur bon sens, leur

douceur, leur aménité et leur caractère paisible et réfléchi,

Et à qui on ne puisse rien reprocher ni pour la probité, ni pour les mœurs.

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En un mot, Nommez de braves gens, — Il n 'en manque pas parmi vous, — Qui assisteront à chaque séance, calmes, re-

cueillis, et avec ce mot divin sur les lèvres, pro-fond en eux jusqu'au cœur :

AIMONS-NOUS LES UNS LES AUTRES.

U n j o u r n a l d e saltimbanques politiques et l i t t é r a i r e s .

Citoyens, n'achetez ni ne lisez un certain jou r -nal qui s'intitule la Liberté, et qui n'est autre chose

Que le journal de son ex-Altesse Royale Mon seigneur le duc de. Montpensier, rédigé par le sieur Alexandre Dumas.

En veut-on la preuve? La voici : Le numéro du jeudi 30 mars contient DIX ar-

ticles de fond avant les nouvelles et faits divers. J'extrais du sommaire du journal les titres de

ces divers articles.

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ART. I. Respect à la propriété quand même. 11 s'agit des criailleries des propriétaires que les gens qui crèvent de faim ne peuvent pas payer. Voici l'opinion des journalistes de la Liberté et le conseil qu'ils donnent :

N'IMPOSEZ AUCUN SACRIFICE AUX GENS RICHES;

ILS SONT DÉJÀ BIEN ASSEZ MALHEUREUX.

ART. II. La paresse pire que l'assassinat. Les ate-liers sont fermés faute d'ouvrage ; les ouvriers se promènent parce que les ateliers sont fermés, et les bourgeois ont peur parce que les ouvriers se promènent. Le sieur Alexandre Dumas gourmande les ouvriers :

RENTREZ DANS VOS ATELIERS, DRÔLES.

ART. III. Les ouvriers de Paris électeurs. La Dé-mocratie pacifique ayant dit que vingt mille ou-vriers étaient seulement inscrits encore pour les élections, la Liberté jure ses grands dieux que tous sont inscrits, c'est-à-dire :

N'ALLEZ PAS VOUS FAIRE INSCRIRE, CITOYENS

OUVRIERS.

ART. IV. Les clubs et les journaux. Les clubs, la Révolution, et la liberté de la presse ont quelque peu ruiné le bon romancier des bour-geois ; aussi je lui pardonne volontiers ce mot de

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boutiquier de mauvaise humeur sous condition de ne plus rien entendre de pareil :

OUVRIERS, N'ALLEZ PAS AUX CLUBS.

ART. V. Mise en œuvre des élections. C'est-à-dire votez par rues, pour que nous puissions vous iso-ler, agir sur vous en secret, et vous influencer ou vous corrompre. |

LA CORRUPTION J COMME AVANT, S'IL v o u s PLAÎT.

ART. VI. Questions de discipline pour la garde nationale mobile, et sous ce titre ces mots : Ou-vriers, mes chers petits, mes bons amis, ne faites pas le moindre bruit , ni le moindre mouvement, pour que Paris ressemble de nouveau à un mort.

SILENCE DANS LES RANGS! POLISSONS!!! . . .

ART. V I I . Nul. • ART. VIII. Qu'est-ce que la République? Toutou

rien? Brochure par M. A. Weil. Réponse de M. AL Dumas : le sommeil.

CHUT ! DORMEZ, MES MIGNONS.

ART. SX. Journal de tous. Lettre de M. DE VATI-

MESNIL.

VIVENT LES JÉSUITES !

ART. X. Les patrons et les travailleurs. Lettre du citoyen Gille.

POINT D'ORGANISATION DU TRAVAIL.

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Voilà les hommes et les journaux à propos de qui je dis plus haut :

« Prenez garde « Aux journaux qu'ils publient, parés d'un ti-

« tre républicain, mais anarchistes en dessous. » Les voilà ces faux républicains, ces constitu-

tionnels, ces réformistes,' ces philippistes, ces lé-gitimistes ralliés, ces hommes d'adhésions qui ont peur pour leur fortune, qui ne veulent ni voir ni secourir notre misère, et nous conseillent de la cacher sous nos soupentes délabrées.

Ayons l'œil sur ces fourbes, sur ces traîtres, sur ces destructeurs de la Révolution et de la Ré-publique.

Qu'ils sachent que nous veillons sur eux, et qu'autant nous sommes prêts à les embrasser comme des frères, autant nous le serons toujours à les traiter en ennemis !

Le Peuple Constituant a publ ié , vendredi der-nier 31 m a r s , le rapport d 'un certain comité qui s'intitule Comité central des élections générales. Nous reproduisons ci-dessous les noms des can-

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didats à la représentation nationale que nous re-commande cette pièce curieuse, en ayant soin de signaler d'avance à nos lecteurs, par l'emploi des italiques dans l'impression, tous les choix qui nous semblent mauvais, inutiles, absurdes, dan-gereux. Nous reviendrons sur chacun des person-nages dans notre prochain numéro, et nous mo-tiverons notre refus d'aujourd'hui de les admettre à la Constituante. Que chacun fasse ses réserves et n'adopte d'opinion qu'après nous avoir lu.

Voici un extrait de la liste dudit comité central. Dupont (de l 'Eure), président du conseil. Lamartine, ministre des affaires étrangères. Àrago, ministre de la marine. — Marie, ministre

des travaux publics. — Armand Marrast, maire de Paris. — Garnie-Pagès, ministre des finances.

Albert , vice-président de la commission du travail.

Ledru-Rollin, ministre de l ' intérieur. F. Flocon, secrétaire. Louis Blanc, président de la commission du

travail.

Crèmieux, ministre de la justice. — Recurt, maire adjoint de Paris. — A. Cor bon, ouvrier sculpteur, rédacteur de l'Atelier. — Guinard, chef

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d'état-major de la garde nationale. — Danguy, ou-vrier compositeur, rédacteur de l'Atelier.

. Béranger. Carnot, ministre de l'instruction publique. Bethmont, ministre du commerce et de l'agricul-

ture. — Lamennais.

Leroy, ouvrier bijoutier, fondateur d 'une asso-ciation ouvrière.

Bûchez, maire-adjoint de Paris. Cavaignac, ministre de la guerre. J. Bastide, secrétaire général des affaires étran-

gères. •—David (d'Angers), maire. Savary, ouvrier cordonnier, rédacteur de la

Fraternité. Courtais, commandant de la garde nationale de

la Seine. — Charles Thomas, directeur du National. — Pagnerre, secrétaire général du Gouvernement provisoire. — Degousée, ingénieur civil.

Trélat, médecin. Launette, ouvrier ébéniste. Audry de Puyraveau.

Ph. Lebas, de l'Lnstitut. — D'Alton-Shée, etc.

Le propriétaire-rédacteur : DODHET-RATHAÏL.

Paris. — I m p r i m e r i e d'A. RENÉ, rue de Seine, 32.