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La France est-elle vraiment forte? Enjeux et analyse des sphères d’influence hexagonales Entretiens avec Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères et Abdou Diouf, secrétaire général de l’Organisation pour la Francophonie Revue APE Nr. 5 Avril 2012

Revue APE - n°4 - La France est-elle vraiment forte ? (avril 2012)

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Alors que les slogans autour de la France forte essaiment, quelle réalité recouvre un tel concept ?

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La France est-elle vraiment forte?Enjeux et analyse des sphères d’influence hexagonales

Entretiens avec Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères et Abdou Diouf, secrétaire général

de l’Organisation pour la Francophonie

Revue APE Nr. 5Avril 2012

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Cette revue est dédiée à Richard Descoings, dont nous venons d’ap-prendre le décès. Toute l’équipe te-nait à remercier ce directeur hors du commun, aux ambitions novatrices, sans lequel cette revue, et beaucoup d’autres projets associatifs à Sciences Po, n’auraient pas vu le jour.

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E d i t oChers lectrices et lecteurs,

Par ces temps de crises, soit-elles économiques, financières ou identitaires, se pose la question de l’avenir de l’Europe, comme nous avons pu l’analyser en détail dans la précédente revue. De là s’ensuit la remise en question de la position de nos pays, non seulement sur le plan interne, mais aussi sur le plan externe. Depuis la vague de décolonisation et les crises économiques qui s’enchaînent, l’Europe semble en dé-clin, du moins beaucoup craignent une perte d’influence sur la scène internationale. Peut-on encore parler d’un «leadership» français et européen? Faisons-nous la dif-férence dans les négociations internationales? La prévalence de l’Occident n’est-elle pas menacée par l’émergence de pays tels que la Chine, l’Inde ou le Brésil, géants économiques? Ces pays émergents vont-ils pouvoir transformer leur pouvoir, pour l’instant encore majoritairement économique, en véritable leadership politique?

Ainsi, nous nous sommes interrogés sur la rayonnance et la place de l’Europe, et plus particulièrement de la France dans le monde. Notre équipe, que je souhaite remercier pour le travail accompli tout au long de ce second semestre à Sciences Po, a interviewé de nombreux experts dans le domaine : M. Diouf, secrétaire général de l’Organisation pour la Francophonie, nous a éclairé sur l’influence de la langue et de la culture française dans le monde, M.Védrine, ancien ministre des affaires étrangères, nous a parlé de l’avenir d’une Union pour la Méditerranée, M. Klossa, directeur du think tank européen «EuropaNova», s’est exprimé à propos de la puissance industrielle européenne. Finalement, M. Pierre Lequiller, Président de la commission des affaires européennes à l’Assemblée nationale, nous a expliqué les liens qui unissent les Européens et plus particulièrement nos Parlements.

Par ailleurs, j’ai le plaisir de vous annoncer que, tout en parlant de francophonie, nous vous proposons, dans ce numéro, des articles rédigés en anglais grâce à notre nouvelle recrue qui vient tout droit de l’université d’Oxford et qui nous donne son point de vue sur la politique étrangère européenne. (Il existe bel et bien des Britan-niques qui s’intéressent à l’Europe.) Ainsi, nous espérons que ce quatrième numéro permettra de contribuer au débat sur la position de l’Europe et de la France dans le monde, à l’aube d’élections présidentielles qui vont redéfinir la direction de la France sur la scène internationale dans les prochaines années.

Bonne lecture à tous et bonne fin de semestre,

Sophie PornschlegelResponsable de la revue APE 2011-2012

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Sommaire Sommaire Sommaire Sommaire Sommaire SommaireFrance est-elle vraiment forte? Enjeux et analyse des sphères d’influence hexagonales

La francophonie

Asie-Pacifique, terre de défis pour la Francophonie.......................................................................................................................8Entretien avec M. Abdou Diouf, secrétaire général pour la francophonie ................................................................................10La « Françafrique » : histoire d’ influence ou conflit d’intérêt ?....................................................................................................15L’ exception culturelle française est-elle un mythe? .......................................................................................................................16

L’Union pour la Méditérranée

« La France a moins d’influence qu’ elle ne le croit dans l’ espace méditerranéen » : Entretien avec M. Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères ............................................................................................................................................18L’Union pour la Méditerranée est-elle un échec ?...........................................................................................................................21

La politique étrangère de l’UE

EEAS: restructured, reformed... redundant?....................................................................................................................................25Entretien avec M. Pierre Lequiller, président de la commission européenne à l’ Assemblée Nationale..................................28Too much aid? Europe’s role in developing sub-Saharan Africa...................................................................................................31

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Actualités

Les fleurs du mal hongrois ? Retour sur les réformes contestées du gouvernement Orban.....................................................35Focus : les principales réformes du Fidesz......................................................................................................................................38« Viktator » : le trublion de l’Union ?...............................................................................................................................................39

L’industrie dans tous ses Etats : où est l’Europe?............................................................................................................................42Délocalisations : le déclin de l’industrie française.........................................................................................................................43Guillaume Klossa, sur les chemins de traverse européens...........................................................................................................44

L’ Etat démocratique est-il le bon modèle au regard de l’histoire mondiale des révolutions politiques?...............................46

2012 et l’Europe : L’ Europe sera-t-elle encore taboue en 2012 ?.................................................................................................48

Rubrique juridique : Le Conseil constitutionnel déboute Marine Le Pen sur la publicité des parrainages...........................49

Rubrique Etudiant(e)s

Le portrait du mois : MM. Duhamel et Morin ..............................................................................................................................51Actualités AMAE/AMAP..................................................................................................................................................................54

Remerciements...................................................................................................................................................................................57

Sommaire Sommaire Sommaire Sommaire Sommaire Sommaire

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La France est-elle vraiment forte? Enjeux et analyse des sphères d’influence hexago-nalesLa francophonie

Asie-Pacifique, terre de défis pour la FrancophonieEntretien avec M. Abdou Diouf, secrétaire général pour la francophonie La « Françafrique » : histoire d’ influence ou conflit d’intérêt ?L’ exception culturelle française est-elle un mythe?

L’ Union pour la Méditérranée

« La France a moins d’influence qu’ elle ne le croit dans l’ espace méditerranéen » : Entretien avec M. Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères L’ Union pour la Méditerranée est-elle un échec ?

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A la différence de l’OTAN, de l’ONU ou de la plupart des organisations régionales, la Fran-cophonie est souvent mal connue du grand public français. Son projet, pourtant ambitieux, concentré sur la promotion des droits de l’Homme, de la démocratie et de l’Etat de droit, est sou-vent réduit à sa seule dimension linguistique. A cela s’ajoutent les soupçons persistants quant à sa dimension « néo-colonialiste ». Afin de mettre un terme à ces préjugés qui ternissent l’image de la Francophonie en France, ce numéro vous propose un entretien avec Monsieur Abdou Diouf, Secrétaire Général de la Francophonie et ancien Président du Sénégal, qui revient sur l’histoire, les actions et les ambitions de l’organisation. Un court article sur la région Asie-Paci-fique apporte un éclairage sur son projet. Enfin, l’article consacré à « la Françafrique » rappelle que les liens que la France entretient avec certaines de ses anciennes colonies ne doivent pas être confondus avec l’action de la Francophonie.

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Lors du sommet fondateur de Hanoi en 1997, sommet qui a vu l’adoption de la Charte de la Francophonie, l’OIF s’est fixée des objectifs ambitieux. De la promotion de la démocratie et de l’Etat de droit en passant par la gestion des conflits et le développement de la formation et de l’éducation, le projet mis en place dépasse largement la simple promotion de la langue française. Et de fait : le français n’est rien d’autre que le vecteur par lequel pourra se réaliser le projet de l’OIF, le ciment qui unit les pays qui ont le français en partage. Il s’agit d’un outil indispensable à la réussite du projet, mais d’un outil qui, seul, est insuffisant. En Asie du Sud-Est, région représentée à l’OIF par le Laos, le Cambodge et le Vietnam, le défi est de taille: malgré la période coloniale, le nombre de locuteurs français est évalué à moins de 0.5% dans l’ensemble de la péninsule. Cela en fait la région du monde avec le plus faible taux de francophones. Ce constat est alarmant pour l’organisation. Cela d’autant plus que ce chiffre est amené à diminuer dans les prochaines années, les principaux

ambassadeurs du français dans la région arrivant actuellement en fin de vie.

La mission de l’OIF en Asie du sud-est est donc avant tout de promouvoir l’apprentissage du français pour empêcher sa dispa-rition. Consciente de l’importance de l’enjeu et de sa difficulté, l’organisation francophone a installé un bureau permanent à Hanoi chargé de développer et de coordonner les initiatives en la matière. Compte-tenu de la progression constante de l’anglais, langue des échanges économiques par excellence, dans la région et de la proximité du géant chinois, le pari est loin d’être gagné d’avance. Mais le mouvement francophone espère que des pro-grammes tels que le « Valofrase» (valorisation du français en Asie du sud-est) qui réunit, autour de l’OIF, l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) et les gouvernements des trois pays concernés, la France, le Québec et la Communauté française de Belgique Wallonie-Bruxelles, permettront de faire mentir les pronostics. D’autant plus que le projet de l’OIF est un extraor-

Asie-Pacifique, terre de défis pour la Francophonie

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dinaire instrument de valorisation du français, la maîtrise de la langue ouvrant la porte à de nombreux avantages. L’OIF et les organismes qui travaillent à ses côtés (AUF, Assem-blée Parlementaire de la Francophonie et bien d’autres) proposent en effet des programmes en tout genre conférant à la langue une véritable valeur ajoutée. Parmi ces programmes nombreux et variés figurent notamment des formations d’excellence desti-nées aux locuteurs francophones. Au vu de leur qualité (parte-nariats avec l’Ecole Nationale d’Administration, opportunités de stages,...), il y a toutes les raisons de penser qu’ils sont de nature à inciter les étudiants de la région à apprendre le français ainsi qu’à convaincre les gouvernements de (ré)introduire cette langue dans les programmes scolaires. Car le but évident de ces pro-grammes ciblés est bel et bien de former des élites francophones.

Mais, aujourd’hui, le principal obstacle à la réussite du projet de l’OIF n’est pas son programme, ambitieux, ni ses moyens, géné-

reux et de qualité. Non. Son principal obstacle n’est autre que l’image qu’elle véhicule. Trop souvent, elle demeure associée à une forme de néo-colonialisme alors que jamais la Francophonie, née sous l’impulsion des pays du Sud, n’a eu une telle ambition. Le projet francophone est trop souvent mal perçu, mal compris, méconnu. La priorité de l’OIF devrait donc être de lutter contre cette image en investissant les médias, en renforçant le dialogue des cultures et en favorisant les échanges. Cela permettrait de donner aux programmes du mouvement francophone l’audience qu’ils méritent et d’effectuer ainsi un grand pas vers la réalisation de ses objectifs.

Alice Lala

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Entretien avec M. Diouf, Secrétaire gé-néral de l’Organisation pour la Franco-phonie

Nous avons choisi d’aborder trois sujets qui nous paraissent importants : La France et la francophonie, l’OIF au quotidien et l’avenir de la francophonie.

La France et la Francophonie

Tout d’abord, quel est selon vous le rôle qu’a initialement joué la France au sein de la Franco-phonie ?

Laissez-moi d’abord rappeler que la Francophonie est née hors de France, à l’initiative d’hommes du Sud. Le Président Léopold Sédar Senghor s’est battu contre vents et marées pour créer ce qu’il appe-lait un « Commonwealth à la française », bénéficiant aussi du soutien d’autres hommes d’Etat du sud dans son combat : Habib Bourguiba de la Tunisie, Hamani Diori du Niger et Norodom Sihanouk du Cambodge. A l’origine, la France ne faisait pas partie des initiateurs du projet. Mais quand l’Agence de Coopération technique et culturelle a vu le jour à Niamey le 20 mars 1970, la France figurait parmi les signataires du Traité. Il a fallu attendre 1986 pour que le Président Mitterrand organise le premier Sommet de la Francophonie, à Versailles, pour donner une dimension politique à la Fran-cophonie institutionnelle.

Ce rôle a-t-il évolué, et si oui comment ?

Bien sûr ! Si, à l’origine, l’idée de créer la Francophonie n’est pas venue de France, les autorités fran-çaises soutiennent depuis longtemps notre action. D’ailleurs, la France reste le premier contributeur de notre Organisation, et l’année dernière, grâce à la détermination du Président de la République française, les agents de l’Organisation internationale de la Francophonie ont été regroupés dans un nouveau siège que j’ai inauguré aux côtés du président Sarkozy.

A ce sujet, pensez-vous que les « réticences » initiales de la France pour une organisation fran-cophone internationale, qui ont été soulignées par vous-même à plusieurs reprises, soient au-jourd’hui pleinement surmontées ?

Bien entendu ! Je vais vous raconter une anecdote : quand j’ai rencontré Aimé Césaire, à Fort-de-France au mois de mars 2005, il m’a fait cette confidence : « Avant, j’étais contre la Francophonie parce que cela me paraissait être l’arme du colonialisme. Aujourd’hui, il y a tellement de diversité culturelle que l’hégémonisme est impossible. La Francophonie permet d’assurer une liaison entre les peuples et les cultures. » J’ajouterais ces mots du Président Senghor à propos de la langue française : « le français, ce trésor trouvé dans les décombres de la décolonisation »… le français n’appartient plus aux seuls Français mais à tous les peuples de la Communauté francophone.

Peut-on et a-t-on déjà pu considérer la Francophonie comme une sphère majeure d’influence de la France ?

Non, pas particulièrement. Pourquoi ne pas poser la question pour le Canada, le Québec, la Suisse ou la Fédération Wallonie-Bruxelles, et aux autres membres dans ce cas ? L’Organisation internatio-nale de la Francophonie est composée de 75 Etats et gouvernements et mène ses actions de manière indépendante.

Est-il vrai que la France est un des pays francophones où la Francophonie a le plus de mal à affirmer sa réalité ? Si oui, pourquoi ?

Je raconte souvent que dès 1986, lors du premier Sommet de la Francophonie à Versailles, j’avais déjà adressé un message au Président Mitterrand, lui demandant de faire en sorte que les Français deviennent aussi francophones que nous ! Depuis toujours, le message est passé moins facilement auprès de certaines élites françaises, même si les autorités sont pleinement engagées à nos côtés.

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Je pense que certains Français ne prennent pas notre combat comme une cause sacrée parce qu’ils ne se sentent pas mena-cés culturellement. Les autres peuples, au Nord comme au Sud, ont sans doute plus conscience des possibilités que leur offre une grande langue de communication internationale comme le fran-çais. Je cite toujours l’ exemple de nos pays d’Afrique francophone où la langue française nous a permis de nous comprendre et d’ accéder à la connaissance universelle. C’est une grande chance !

Votre vision de la Francophonie

Quelle vision avez-vous de la Francophonie ? Et quelle place la France y occupe-t-elle ?

La Francophonie développe un dialogue franc et ouvert entre pays riches, pays émergents et pays pauvres, entre pays de culture différente, de religion différente, avec des histoires diffé-rentes. Dans cette tâche, nous avons un atout de choix, qui est la langue que nos 75 Etats et gouvernements ont en partage, et les valeurs qu’ elle véhicule. La langue française est, pour nous, le moyen privilégié de nous rencontrer, de mieux nous connaître, de mieux nous comprendre, de travailler ensemble au service des plus démunis, et plus largement au service d’une certaine vision de l’homme, d’une certaine vision de la gestion du monde, du bien commun mondial. La France occupe une place importante au sein de notre Organisation, au même titre que nos autres Etats et gouvernements.

Pensez-vous que le concept de « Francophonie » ait évolué depuis 1970 ?

Certainement ! En un peu plus de quarante ans, la Francophonie s’ est cherchée et elle s’ est trouvée. Elle est devenue une orga-nisation forte, moderne, audacieuse, qui aborde les questions politiques et qui mène des projets concrets au bénéfice des po-pulations. En quarante ans d’ existence, la Francophonie insti-tutionnelle a largement rempli son contrat. Elle s’ est réformée, structurée dans le sens de plus d’ efficacité, de transparence, de rigueur, mais aussi de synergie entre ses différents acteurs pour mener à bien les missions qui lui ont été confiées.

Qu’est-ce qui vous a poussé à accepter la proposition des chefs d’Etat et de gouvernement de la Francophonie de devenir Se-crétaire général de la Francophonie ?

Juste après mon élection au poste de Secrétaire général, lors du Sommet de Beyrouth en 2002, un journaliste m’ a demandé si je n’avais pas l’impression de succéder une nouvelle fois au Pré-sident Senghor. Je pense qu’il y avait certainement un peu de cela. Il a été mon père spirituel et mon maître en politique. Il m’a également transmis cet amour et ce respect immense qu’il avait pour notre langue commune.

Au-delà du discours officiel, quels sont selon vous les princi-pales missions et les principaux enjeux pour la Francophonie dans la décennie qui vient ?

Lors du Sommet de Montreux, en octobre 2010, les chefs d’Etat et de gouvernement nous ont fixé des objectifs clairs. Je pense par exemple à la mise en œuvre d’une politique intégrée en faveur de la promotion de la langue française et concertée entre les diffé-rents acteurs : l’ Organisation internationale de la Francophonie (OIF), l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), TV5

Monde, l’Association internationale des maires francophones (AIMF) et l’Université Senghor d’Alexandrie, sans oublier l’As-semblée parlementaire de la Francophonie (APF). Je pense éga-lement à la place qu’ occupe la Francophonie dans les relations internationales et au rôle important qu’il nous faudra continuer à jouer pour atteindre une mondialisation plus juste et plus équili-brée. Un des axes de notre collaboration avec le Commonwealth est notamment de rappeler les priorités des pays du Sud avant chaque Sommet du G20, particulièrement dans le contexte de crise mondiale que nous connaissons. Je pense aussi au renfor-cement de la démocratie, de l’Etat de droit et des libertés qui restent au cœur de nos préoccupations et de nos actions. Je le dis d’autant plus que des changements politiques majeurs sont sur-venus dans certains de nos pays membres. C’est une chance à sai-sir pour dessiner les contours d’un avenir meilleur. A plus court terme, permettez-moi de signaler deux échéances importantes : le Forum mondial de la langue française se tiendra à Québec du 2 au 6 juillet prochain qui permettra aux forces vives de notre langue de se retrouver et d’ échanger. Quelques mois plus tard, en octobre, les chefs d’Etat et de gouvernement se retrouveront à Kinshasa (République démocratique du Congo) à l’occasion du 14e Sommet de la Francophonie.

L’OIF au quotidien, limites et légitimité

Au sein de la Francophonie, on trouve des pays aussi différents que l’Albanie, le Laos, le Bénin ou la Suisse. Comment gérer une telle diversité, surtout si l’on est conscients que la Franco-phonie doit traiter des collectivités qui ne sont pas des Etats reconnus au niveau international comme le Québec ?

C’est justement cette diversité qui fait notre richesse et qui consti-tue l’atout de notre Organisation ! Nous rassemblons, dans nos enceintes, de grands pays industrialisés membres du G8 comme la France et le Canada, mais aussi des pays appartenant ancien-nement au bloc de l’Est qui ont adhéré récemment à l’Union européenne, et des pays dit les moins avancés. Au delà d’une même langue qu’ils ont en commun, les pays francophones ont en partage une même vision du monde, les mêmes valeurs. Nous sommes conscients, cependant, qu’à côté de cette diversité fécon-dante, subsistent des disparités révoltantes, des fractures – éco-nomique, éducative, sanitaire, numérique, environnementale – qui vont en s’aggravant, sous l’effet même de la mondialisation. Cette dure réalité est là pour rappeler la Francophonie à son de-voir de solidarité, qui constitue le fil directeur de nos actions de coopération multilatérale en matière d’éducation, d’économie et de développement durable, mais aussi de nos interventions dans les domaines politique et diplomatique au service de la démocra-tie, des droits de l’Homme et de la paix. La solidarité est, donc, au cœur de notre action. Il ne s’agit pas seulement d’une solidarité Nord-Sud, d’ailleurs, mais aussi d’échanges entre pays du Sud, ou avec les pays émergents.

Les moyens dont dispose la Francophonie sont-ils suffisants pour garantir le succès de ses entreprises ? En un mot, la Fran-cophonie a-t-elle les moyens de ses ambitions ?

Ce sont les Etats membres qui donnent à l’OIF les moyens de mettre en œuvre les missions définies par les chefs d’Etat et de gouvernement lors des Sommets. Je pense également que la Francophonie a réussi le pari d’adapter ses ambitions à ses moyens. Nous veillons à ce que chaque centime dépensé profite à un maximum de bénéficiaires.

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Certaines des missions de l’OIF ne recoupent-elles pas celles de l’ONU et de l’UNESCO ? Comment gérer ces interférences ?

Il n’y pas d’interférences. L’approche qui anime la Francophonie par rapport à ses partenaires institutionnels est la complémen-tarité. La Francophonie agit là où elle a une valeur ajoutée par rapport aux autres organisations. D’une manière générale, nous avons pris l’habitude, entre organisations partenaires, de nous concerter et d’agir intelligemment ensemble, afin d’optimiser les résultats de nos actions.

Quelle carte la Francophonie peut-elle jouer sur le plan éco-nomique ? Faudrait-il créer une coopération économique renforcée au sein de l’organisation ?

Je vous rappelle que le Sommet à Hanoï, en 1997, a mis en exergue la dimension économique du devenir francophone et qu’une Conférence ministérielle s’est tenue en 1999 à Monaco pour traiter de finances, de développement et de commerce. Mais il a fallu attendre le Sommet de Montreux, en octobre 2010, pour que les chefs d’Etat et de gouvernement reconnaissent « le français en tant que langue technique, scientifique, économique et financière ». Cela me semble d’autant plus important qu’au-jourd’hui, la globalisation nous mène à une uniformisation des pratiques, des échanges et donc des langues.

L’avenir de la Francophonie

Quel rôle peut jouer, doit jouer, l’Afrique, continent qui ras-semble le plus de locuteurs francophones, dans le futur de la Francophonie ?

L’Afrique a toujours joué et jouera toujours un rôle primordial pour la Francophonie. Permettez-moi de préciser que le français est, soit la seule, soit une des langues officielles de 21 pays afri-cains membres de notre organisation. Maintenant, sur l’avenir de la Francophonie en Afrique, il est évident que le continent est un réservoir important et essentiel en termes de locuteurs. Sans compter l’Algérie, qui n’ est pas membre de l’OIF, l’Afrique totalise déjà plus de 100 millions de locuteurs de français Ce nombre pourrait même tripler, d’ après les évaluations, dans les quarante prochaines années, grâce à l’évolution démographique de l’Afrique et aux progrès de la scolarisation. Mais nous sommes là dans l’ ordre des projections et donc du virtuel. Pour que cette statistique se réalise, faut-il encore que les jeunes Africains conti-nuent d’ apprendre le français et qu’ils en éprouvent l’utilité. Ce qui impose aux responsables politiques un certain volontarisme et un courage politique. En ce qui nous concerne, nous sommes résolus à poursuivre notre action en faveur de l’enseignement du français et en français sur le continent africain.

La Francophonie porte des valeurs démocratiques fortes. La déclaration de Bamako et celle de Saint Boniface les retracent. Y-a-t-il selon vous une conception universelle de la démocra-tie valable toujours et partout ? Dans quelle mesure celle-ci doit-elle savoir s’adapter aux réalités nationales rencontrées ?

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Bien entendu ! La communauté francophone partage un en-semble de principes, et en particulier ceux de l’universalité et de l’indivisibilité des droits de l’Homme, de l’égalité et de la non-discrimination, du dialogue politique et de l’impératif démocra-tique, y compris dans les relations internationales. Mais je le dis souvent : la démocratie ne se décrète pas, elle se construit. L’Orga-nisation internationale de la Francophonie accompagne notam-ment la mise en place d’espaces de coopération professionnalisée dans les domaines du droit, de la médiation, de la régulation et des droits de l’Homme. Cette démarche s’est traduite par la créa-tion de réseaux institutionnels qui tous défendent le respect de l’Etat de droit. Vous le voyez, la Francophonie a, dès le début, adopté une approche à long terme centrée sur le développement d’ acteurs et d’institutions essentiels au processus démocratique et à l’état de droit, mais aussi sur l’instauration d’un environne-ment et d’une culture à même de permettre la pleine réalisation des droits et des libertés.

A titre d’illustration des élections importantes viennent d’avoir lieu dans l’un des pays majeurs de la Francophonie : la République démocratique du Congo où doit se tenir le pro-chain Sommet de la Francophonie. Le résultat de ces scrutins donne lieu à interprétations diverses. Vous avez appelé les parties prenantes à respecter le cadre constitutionnel. Mais quel jugement doit-on porter sur ces élections ? Faut-il retenir avant tout la performance que représente le fait qu’elles aient pu être organisées dans un pays si complexe ou au contraire les manquements observés dans le déroulement de ces scrutins?

Les élections présidentielle et législatives du 28 novembre 2011 en RDC avaient pour objectif de contribuer à la consolidation de la paix et de la démocratie dans ce pays. Elles ont effectivement été marquées par un certain nombre de difficultés clairement constatées par les observateurs, à la fois en amont des scrutins, mais aussi, concernant les élections législatives, en aval, dans le traitement des résultats. Je constate que les électeurs congolais,

en participant massivement à ces élections, ont voulu exprimer leur volonté de voir progresser la démocratie.

Si vous deviez définir la Francophonie en quelques mots, que diriez-vous ?

C’ est un espace de dialogue politique, culturel et économique entre des pays très différents qui ont en commun une langue et qui partagent une même vision du monde.

Enfin, quelles sont les priorités de la Francophonie pour les années à venir ? L’organisation a-t-elle vocation à s’étendre ?

La Francophonie est attractive et cela se traduit notamment par des candidatures déposées à notre porte. La décision revient aux chefs d’Etat et de gouvernement. Quant à nos priorités, elles restent axées autour des quatre grandes missions confiées à la Francophonie : promouvoir la langue française et la diversité culturelle et linguistique, promouvoir la paix, la démocratie et les droits de l’Homme, appuyer l’éducation, la formation, l’ ensei-gnement supérieur et la recherche, développer la coopération au service du développement durable. En outre, cette année, nous avons prévu deux grands rendez-vous: le Forum mondial de langue française, qui aura lieu à Québec en juillet et qui sera organisé conjointement par l’OIF et le gouvernement du Québec. Un des objectifs du Forum est de mettre en évidence à la fois le caractère universel de la langue française et son inscription dans des réalités et des pratiques modernes. Nous souhaitons que ce rendez-vous, qui s’adresse surtout à la société civile et aux jeunes, soit le plus participatif possible. L’ autre événement sera le XIVe Sommet de la Francophonie, organisé à Kinshasa (RDC) en oc-tobre 2012.

Nous en avons fini. Merci d’avoir pris le temps de répondre à ces questions.

Alice Lala et Marin Schaffner

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Sans vouloir heuter les moeurs ou vouloir remettre en question la francophonie, dont nous venons de voir les différents aspects, penchons-nous sur un autre sujet qui concerne plus particulièrement la politique afri-caine ainsi que les relations diplomatiques et même personnelles entre chefs d’Etats et de gouvernements. Penchons-nous sur la notion si complexe et controver-sée de «Françafrique» et sur l’avenir d’une politique africaine française plus «saine».

En 1995, lorsque Jacques Chirac a été élu Président de la Répu-blique française, Omar Bongo, alors Président du Gabon, lui a fait parvenir une liste composée de sept noms. Sur ces sept noms, cinq sont devenus ministres le lendemain.

Cette anecdote, c’ est Robert Bourgi, avocat et proche ami de feu d’Omar Bongo, qui la raconte, sans sourciller, à un journaliste.

Poursuivant son récit, il avoue avoir porté à plusieurs reprises des valises d’argent en provenance d’Etats africains au profit de Jacques Chirac. Il ajoute insidieusement que Dominique de Vil-lepin était au courant.

Nous sommes quelques mois avant l’élection présidentielle de 2007. Et Robert Bourgi vient d’être trahi par le Premier Ministre. Ce dernier, dans la course à l’investiture UMP, ne veut pas- plus - céder aux pressions de la « Françafrique ».Alors, d’un commun accord, Bongo, Bourgi et toute la « França-frique » reportent leur dévolu sur Nicolas Sarkozy.

La paternité de l’ expression « France-Afrique » est accordée à Félix Houphouët-Boigny, Président de la Côte-d’Ivoire.

Derrière ce mot, le souhait d’un certain nombre de dirigeants africains de conserver des relations privilégiées avec la France tout en accédant à l’indépendance.De manière plus polémique, le terme de « Françafrique » a très vite servi à désigner l’action néo-colonialiste de la France en Afrique.

Aujourd’hui encore, la politique africaine de la France échappe au ministère des Affaires étrangères et s’ élabore au sein de la cellule africaine de l’Elysée. Son fondateur, Jacques Foccart, le «Monsieur Afrique» du général de Gaulle puis de Jacques Chirac, a pris sous son aile un jeune homme à la fin des années 1980. Et ce successeur tout désigné n’ était autre que Robert Bourgi.

Avec la « Françafrique », un adage se vérifie : « Mais que le monde est petit ! » Pourtant la « Françafrique » des années 2000 est-elle vraiment toujours la même ? La poigne économico-politique ori-ginelle de la métropole sur ces anciennes colonies est-elle tou-jours autant d’actualité ?

La petite liste d’Omar Bongo à Jacques Chirac en 1995 montre que non. Les soupçons sur le financement par la Lybie de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 viennent renforcer le sen-timent d’un tournant : dorénavant, ce n’ est plus la France qui interfère dans les élections africaines, mais bel et bien les Etats africains qui ont leur mot à dire dans la vie politique française.

En regard de telles présomptions, quelle doit être la vocation d’une « politique africaine française » aujourd’hui ?

Marin Schaffner

Pour aller plus loinFrançafrique, 50 années sous le sceau du secret, un très bon docu-mentaire réalisé en 2010 par Patrick Benquet.Le voir : http://www.dailymotion.com/playlist/x1yk1a_benoitdan-donneau_francafrique-la-raison-d-etat/1#video=xgfapoEt se le procurer : http://boutique.francetv.com/francafrique.html

La « Françafrique » : histoire d’influence ou conflit d’intérêt ?

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Retour sur la création d’une conception de la culture « à la française »

L’ Association de l’Alliance française, née en 1883, a joué un rôle de premier plan dans la diffusion de la langue française à tra-vers le monde, et largement contribué à façonner la politique culturelle extérieure de la France. Car, ses concepteurs l’avaient bien compris, la culture est tout aussi susceptible de favoriser le rayonnement de la France à l’ étranger qu’une politique écono-mique ou industrielle.

Dans ce cadre, l’Alliance française a développé empiriquement une conception de la culture « à la française ». Pourtant, dans l’esprit de ses concepteurs, l’Alliance française était d’abord un instrument permettant d’accompagner la colonisation – les pre-mières alliances furent crées en Tunisie en 1882 à l’initiative de l’universitaire Pierre Foncin et de Pierre Cambon, Résident Général en Tunisie, puis en Indochine, au Soudan, ou encore à Madagascar. Dans ces contrées lointaines, elle devait simple-ment permettre la propagation de la langue française et donner concrètement les moyens à la métropole de former une petite administration locale. Cependant, le fait de dispenser l’appren-tissage de la langue française a progressivement transformé les publics étrangers en relais de la culture française.

Peu à peu, les Alliances françaises se sont institutionnalisées et organisées: aujourd’hui, la Fondation Alliance française reste une fondation de droit privé, mais elle a été reconnue d’utilité publique – ce qui a contribué à asseoir sa légitimité. L’action de la fondation s’inscrit désormais « dans le cadre de la politique linguistique et culturelle définie par le gouvernement français et mise en place par le ministère » des Affaires étrangères et européennes (MAEE). Selon les Etats, et conformément à des conventions cadres signées entre les agences locales et le MAEE, l’action des Alliances françaises complète, voire se substitue à l’action culturelle mise en place par les « services de coopéra-tion et d’action culturelle » (SCAC) des ambassades et consulats français.

Profitant du formidable réseau constitué par les Alliances – 1050 établissements –, la France possède ainsi une assise culturelle considérable sur les cinq continents, comparable à l’influence du British Council ou du Goethe-Institut allemand.

Une « exception culturelle » en déclin ?

Alors que l’influence des Alliances françaises à l’étranger n’est plus à démontrer, et que la France a prouvé son attachement au rayonnement de sa culture en se dotant dès 1920 d’un Service des

Œuvres Françaises à l’Étranger (remplacée en 1945 par la Direc-tion des Relations Culturelles et des Œuvres Françaises à l’Étran-ger), les tentatives de réforme de la politique extérieure culturelle de la France laissent toutefois un arrière-goût d’inachèvement. La loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État, prévoyait ainsi de remplacer l’association CulturesFrance par la création de l’Institut français. Ce dernier était pensé comme une agence unique, permettant la promotion de l’ensemble des composantes de la culture française dans le monde, dans les domaines des arts (architecture, spectacles vivants), de la littéra-ture, du cinéma, de la langue française ou de la science.

Les principaux objectifs de la réforme étaient d’améliorer la vi-sibilité de la diplomatique culturelle française – par la création d’une identité graphique commune (logo, couleurs...) - d’aug-menter les moyens de la diplomatie culturelle française, et enfin de rationaliser l’ ensemble des structures existantes (SCAC, Al-liances françaises, instituts culturels français…). Or, la réforme adoptée a été bien moins ambitieuse que celle envisagée à l’origine par le ministre de l’époque, Bernard Kouchner, car la plupart des structures resteront inchangées – la réforme a seulement permis la transformation de CulturesFrance en établissement public. La visibilité de l’Institut français, dont le premier président est l’ ex-ministre de l’Éducation Xavier Darcos, ne semble pas non plus, pour l’heure, suffisante.

Un rayonnement culturel à réinventer

En dépit d’un essoufflement certain de la politique culturelle française, rassurons-nous : la France reste une référence cultu-relle hors pair, sans égal à travers le monde. Il suffit de constater le foisonnement d’évènements culturels d’importance qui s’y dé-roulent, du Festival de Cannes, qui met le long-métrage à l’hon-neur, au Festival d’Avignon, pour ne citer que les plus connus et reconnus à l’international. La France a su exporter brillam-ment sa production cinématographique – en témoigne l’Oscar du Meilleur Acteur décerné à Jean Dujardin, et du Meilleur Film pour The Artist. Elle attire des hordes de touristes étrangers sé-duits par la quintessence de l’offre culturelle dans le monde, du Louvre à Versailles, du Mont Saint-Michel aux Châteaux de la Loire.

Plus récemment, des initiatives locales ont vu le jour, qui té-moignent d’une réelle volonté de réaffirmer l’ exception française sur le plan culturel. Lille fut reconnue « capitale européenne de la culture » en 2004 – un titre imaginé par le ministre de la culture Jack Lang en 1985 -, et lança en 2006 une saison culturelle excep-tionnelle, les « Bombaysers de Lille », qui se voulait un point de rencontre entre les cultures indienne et française. En 2013, Mar-

L’ exception culturelle française est-elle un mythe?

L’ expression « exception culturelle française » fut employée pour la première fois pour désigner l’action conduite par le premier Ministère de la Culture français, confié à André Malraux en 1959. La culture française rayonne alors dans le monde, grâce à une véritable politique de « diplomatie culturelle » développée dès la fin du XIXe siècle. Or, la culture française semble aujourd’hui s’ essouffler : d’autres lieux attirent désormais les amateurs d’ art – New York, Londres -, et les pays des cinq continents rivalisent d’ingéniosité pour mettre en avant leurs spécificités culturelles – l’exposition universelle de Pékin en est le meilleur exemple. L’ exception culturelle fran-çaise est-elle donc devenue une simple légende, ou a-t-elle encore de beaux jours devant elle ?

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seille sera la prochaine ville française à honorer la culture fran-çaise, car la cité phocéenne a été reconnue à son tour « capitale européenne de la culture ».

Paris a enfin fait part de son intention de présenter un projet d’ exposition universelle pour 2025, dans le cadre du « Grand Paris ». L’idée serait d’inviter chaque nation à investir à la fois les

monuments culturels existants – le Louvre, Versailles, le Grand Palais – et les nouvelles gares du Grand Paris, pour redonner de la magie à ces lieux. Selon le réalisateur Elie Chouraqui, qui sou-tient vivement le projet – la procédure de sélection se tiendra en 2017, « la France a besoin d’un grand projet comme celui-là pour susciter de la passion et bousculer un monde quelque peu désenchanté». La culture française a de l’avenir !

Capucine Capon et Amélie Roux

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Entretien avec Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires Etrangères : « La France a moins d’influence qu’elle ne le croit dans l’espace méditerranéen »La « mare nostrum » est un des fondements de notre conception européenne des échanges. Pourtant, la fécondité de cette notion semble discutable en ce début de XXIème siècle. « Surtout parce qu’on ne sait plus qui est désigné par ce nostrum », avance Hubert Védrine en guise d’introduction.En cela, un rapprochement des deux rives est « historiquement envisageable mais politiquement com-plexe ». Toute la question est donc celle du « comment s’unir ».

A ce titre, une Union Pour la Méditerranée est un projet théoriquement porteur de sens, « mais trop chimérique » pour vraiment aboutir. Selon Hubert Védrine, le Processus de Barcelone, lancé en 1995 par l’Union Européenne, n’est « pas un processus d’unification : c’est une vision du Nord qui n’a rien à voir avec ce que veut vraiment le Sud. »

Présentée comme une union avant tout énergétique, l’Union Pour la Méditerranée se confronte à une réalité qu’Hubert Védrine, très vite, met à jour : « L’énergie ce sont des accords bilatéraux entre pays, des stratégies d’entreprises, ou les marchés. Il n’y a pas de place pour une Union Pour la Méditerranée. »Ce constat, préambule de nos échanges, ne tarit pourtant pas tout un flot de questions sur l’avenir de l’espace méditerranéen.

Mais une Union Pour la Méditerranée (UPM) ne pourrait-elle pas alors se construire en tant qu’en-tité véritablement politique ?

Elle ne le peut pas. Cela a déjà échoué. L’idée d’UPM ne resurgira – si elle ressurgit – qu’au travers de grands projets à géométrie variable.

Vous avez pourtant déclaré dans votre rapport de 2007 au Président de la République que la poli-tique arabe de la France ne pourrait pas se faire au sein de l’Union Européenne. Face à la réticence notamment de l’Allemagne, l’Union Européenne pourra-t-elle être associée au développement de l’UPM ?

L’UPM ne va pas se développer. Chaque grand pays d’Europe continuera d’avoir sa propre politique vis-à-vis de chaque pays arabe. La seule opportunité maintenant est que les diplomaties européennes convergent.

La complexité de la mise en place d’une Union Pour la Méditerranée amène donc à imaginer d’autres modèles. Le concept de « politique arabe française » qui vous tient à cœur n’est-il pas, dans ce contexte, une réponse politique plus adaptée ?

Oui, autant l’UPM n’a pas marché, autant toutes les puissances – que ce soient les puissances euro-péennes, les États-Unis, la Turquie, Israël, etc. – continueront à avoir des « politiques arabes », bonnes ou mauvaises. La France doit continuer à avoir sa politique arabe, adaptée au nouveau contexte, pour accompagner les changements en cours.

On parle souvent des « liens historiques » qui unissent la France et les pays arabes. Mais ne s’agis-sait-il pas plutôt de « connivences » avec les régimes en place ?

Non, il y a aussi des liens anciens, réels, humains, entre les sociétés. En ce qui concerne les régimes, le monde entier s’ était adapté aux réalités et le fait à nouveau. Ce n’ est pas propre à la France.

La France n’a-t-elle cependant pas trop fait « le jeu » de régimes dictatoriaux durant des décennies pour pouvoir aujourd’hui repenser son influence dans le monde arabe ?

Non, pas plus que les autres pays occidentaux – cela dit, il y a eu des différences notables entre les attitudes des divers gouvernements, de droite ou de gauche en France. Il faut arrêter de croire que c’

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est la France qui faisait ces régimes. C’est faux ! Pas plus qu’ elle n’interfère dans les élections aujourd’hui.

Pour être plus concret, que penser par exemple de l’interven-tion de la France en Lybie en regard de la notion de « politique arabe » ?

Cela n’ est ni lié ni antinomique. Cela a été déclenché par la demande de la Ligue arabe et a été fait au nom de la « responsa-bilité de protéger » sur la base de la résolution 19.73 adoptée sans veto par le Conseil de Sécurité.

Justement, en abordant ici la place occupée par l’ONU dans la conduite des actions en Lybie, une question me vient à l’ esprit : peut-on considérer que la France a vraiment une influence dans les pays arabes ?

Moins qu’ elle ne le croit. Et cette remarque vaut pour l’Italie en Tunisie ou en Lybie, l’Espagne au Maroc ou en Algérie, les États-Unis ou la Turquie en Égypte, etc. Mais elle en a quand même une, indéniablement.

Comment peut-elle l’exercer alors ? Dans quel but, et avec quelles actions ?

Le but : accompagner le changement. Favoriser la démocratisa-tion. Comment : sans paternalisme ni ingérence.

Au sein de la « mêlée mondiale » que vous décrivez dans votre dernier livre, les acteurs ne sont-ils pas trop multiples pour qu’une « politique arabe » française ait un véritable impact ?

Non, cette mêlée ne doit pas nous conduire à abandonner nos politiques dans le monde arabe ou ailleurs! Le désordre serait encore plus grand.

Enfin, quels sont selon vous les scenarii envisageables à l’issue des élections présidentielles d’ une « politique arabe française » ?

Les contraintes sont fortes et la situation est mouvante. Ce n’ est pas dans ce domaine qu’il y aura les changements les plus spec-taculaires.

Térence Serbin et Marin Schaffner

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Avec 2.5 millions de km², la Méditerranée est l’un des espaces privilégiés de l’action extérieure de l’Union européenne. « Mer au milieu des terres », elle constitue aujourd’hui une frontière et un trait d’union entre le Nord et le Sud.

Elle est en effet le lieu de liens historiques ténus et souvent conflictuels : Mare Nostrum sous la domination romaine, elle est aussi le lieu des Croisades, des processus de colonisation et de décolonisation, ou encore du conflit israélo-arabe.

Ces liens ont persisté jusqu’à aujourd’hui grâce aux élargisse-ments de l’Union européenne et l’ahésion de la Grèce en 1981, de l’Espagne en 1986, de Chypre et de Malte en 2004. La Turquie a, elle, déposé sa demande d’adhésion en 1987, qui a été reconnue en 1999. Le Maroc bénéficie d’un « statut avancé », tandis que l’Union et Israël développe un partenariat de coopération dans de nombreux domaines.

La Méditerranée est aussi un enjeu géostratégique majeur pour l’Union européenne puisqu’ elle est, depuis l’ouverture du canal de Suez en 1869, un lieu de transit principal du commerce inter-national (20% du trafic pétrolier, 30% du trafic marchand). Elle est encore un enjeu démographique du fait du vieillissement de la population européenne et, par contraste, du dynamisme des pays du Sud. Elle est enfin un enjeu énergétique, puisque l’Algérie est par exemple le 4ème exportateur mondial de gaz.

C’est pour faire de la Méditerranée un espace de coopération que l’Union européenne a engagé, en 1995, le processus de Barcelone, récemment prolongé par le projet d’Union pour la Méditerranée. Il est néanmoins difficile d’y voir une pleine réussite.

Des balbutiements du Processus de Barcelone…

Le partenariat Euromed, dit « Processus de Barcelone », a été lancé en 1995 à Barcelone, à l’initiative de l’Union européenne, et notamment du président français Jacques Chirac, et de dix autres États riverains de la mer Méditerranée (Algérie, Autorité pales-tinienne, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Syrie, Tunisie et Turquie). L’ Albanie et la Mauritanie sont membres de l’Euro-med depuis 2007. Euromed rassemble ainsi les 27 États membres de l’UE et douze Etats du sud de la Méditerranée. La Libye y a un statut d’ observateur depuis 1999 et prépare son intégration depuis 2004 depuis que ses relatins avec l’UE se sont normalisés, avant le printemps arabe.

La déclaration de Barcelone, adoptée à l’issue de la conférence ministérielle euro-méditerranéenne des 27 et 28 novembre 1995, énonce ainsi les principaux objectifs de ce partenariat : construire ensemble un espace de paix, de sécurité et de prospérité parta-gée, promouvant notamment les droits de l’Homme. Pour y par-venir, elle prévoit des actions dans les domaines politique, éco-nomique, financier, culturel et social. Le processus visait encore à l’instauration d’une zone de libre-échange à l’horizon 2010. Depuis 2005, l’immigration et la lutte contre le terrorisme sont des domaines prioritaires du partenariat.La politique européenne de voisinage instaurée en 2004 a visé à

compléter et à renforcer le processus de Barcelone au moyen de plans d’action bilatéraux soutenus par tous les pays partenaires (dans ou hors Euromed).

L’UE a soutenu le processus de Barcelone à hauteur de 16 mil-liards d’euros entre 1995 et 2007. Les dix partenaires de l’UE bé-néficient, à travers le programme MEDA, de fonds de la Banque européenne d’investissement, pour un montant d’environ 2 mil-liards d’euros par an.

…A la tentative d’une Union pour la Méditerranée

Le 22 octobre 2005, à quelques semaines du 10ème anniversaire du processus de Barcelone, un appel est lancé pour que soit pris acte de l’enlisement du partenariat Euromed et pour la création d’une « Communauté du monde méditerranéen ».Alors candidat à la présidence française, Nicolas Sarkozy émet l’idée, lors d’un meeting à Toulon le 6 mai 2007, de créer une « Union pour la Méditerranée ». Celle-ci redonnerait un dyna-misme à la coopération entre les deux rives, tout en offrant une alternative sérieuse à l’adhésion de la Turquie dans l’UE.

Les négociations sont difficiles avec les autres États membres de l’UE. La Commission et le Parlement sont en effet irrités par le projet français, qui consacre l’échec du processus de Barcelone et marginalisait les institutions européennes. L’ Allemagne ex-prime, elle, ses vives réticences à ce que soient exclus du projet les membres de l’UE non-riverains de la Méditerranée. De nom-breux analystes estiment enfin préférable de relancer le dialogue euro-arabe dans le cadre des deux grands ensembles déjà exis-tants : l’Union européenne et la Ligue arabe. Sous la pression, le projet est alors révisé, marquant un certain recul de la diplomatie française.

L’initiative baptisée « Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée » est finalement lancée à Paris le 13 juillet 2008, dans le cadre de la présidence française de l’Union. Elle vise à donner un nouveau souffle au partenariat en le dotant d’une gou-vernance plus équilibrée et en renforçant sa visibilité.

L’UpM est une organisation internationale intergouvernemen-tale à vocation régionale. Elle rassemble l’ ensemble des Etats membres de l’UE et des Etats riverains de la mer Méditerranée, pour 44 membres au total.

Ses principaux objectifs sont d’ ordre énergétique et environne-mental : l’énergie solaire, la gestion de l’eau, la dépollution de la Méditerranée et la construction d’autoroutes maritimes et ter-restres. Des sujets moins consensuels tels que l’immigration, la nature politique des Etats membres ou le conflit israélo-palesti-nien ont en revanche été écartés. L’ omission de toute référence aux droits de l’Homme et à la démocratie dans la déclaration commune du 13 juillet 2008 a ainsi marqué une régression par rapport aux objectifs du Processus de Barcelone.

L’organisation est par ailleurs fondée sur une coprésidence entre un dirigeant de la rive nord, désigné selon les mécanismes de représentation en vigueur au sein de l’UE, et un dirigeant de la

L’Union pour la Méditerranée est-elle un échec ?

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rive sud, désigné par consensus dans les Etats concernés. Le pré-sident égyptien M. Moubarak et le président français M. Sarkozy ont ainsi été les deux premiers coprésidents. Un sommet doit être organisé tous les deux ans. En contrepartie de la présence du siège de l’organisation dans un pays du Nord, à Barcelone, le secrétariat général est revenu à un pays du Sud.

Le budget de l’organisation doit être assuré par le lancement du fonds Inframed par la Caisse des dépôts française et la Cassa de-positi e prestiti italienne, qui a pour objectif d’atteindre un mon-tant global de 600 millions d’euros. Les riches États du Golfe sont par ailleurs considérés comme des bailleurs de fonds potentiels.

Défis et limites de l’UpM

L’UpM demeure néanmoins un échec dans la mesure où elle n’a pas réussi à redynamiser le processus de coopération entre les deux rives de la Méditerranée.

Certaines tensions ont en effet vu le jour entre les pays européens et la France pour la définition des modalités d’organisation de l’UpM. La Commission européenne a ainsi un temps fait savoir qu’elle s’opposait à ce que Nicolas Sarkozy assure la présidence de l’UpM en plus de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. De même, la désignation de Mohammed Hosni Moubarak comme premier coprésident pour les pays du Sud a été critiquée par plusieurs capitales européennes.

Mais c’est essentiellement la rive sud qui est traversée par de nombreuses tensions, notamment entre pays arabes et Israël. La perspective de la présence d’Israël au sommet inaugural de Paris avait ainsi fortement agacé certains pays arabes. La Libye avait refusé de participer à l’organisation et a même organisé un mini-sommet du refus le 10 juin 2008 à Tripoli avec certains pays arabes. Le président algérien a, lui aussi, un temps entretenu le doute sur sa présence. Les autorités algériennes s’interrogeaient en effet sur la place de leur pays dans l’organisation alors que la France y avait beaucoup mis en avant le Maroc, la Tunisie et l’Égypte. Elles ont en outre vu d’un mauvais œil la visite de Nico-las Sarkozy en Israël en juin 2008.Outre la question israélo-arabe, les pays arabes sont eux-mêmes traversés par des rivalités et ne coopèrent que timidement. L’Union du Maghreb arabe, créée en 1988, n’a ainsi jamais abouti à des résultats substantiels.D’autres zones de tensions persistent enfin, entre le Maroc et l’Espagne, ou au sujet de Chypre, que l’UpM n’est pas de nature à apaiser.

Malgré ces tensions, le sommet de Paris avait néanmoins marqué un succès diplomatique pour la France, en offrant notamment un cadre favorisant la paix au Proche-Orient. La présence au sein de la même enceinte des chefs d’État ou de gouvernement d’Israël, de la Syrie, du Liban et de l’Autorité palestinienne a en effet illustré une volonté de dialogue pour résoudre les conflits au Proche-Orient. Le 12 juillet 2008, le président syrien Bachar el-Assad et le président libanais Michel Sleimane annonçaient au palais de l’Élysée leur intention de normaliser leurs relations diplomatiques en ouvrant une représentation diplomatique res-pectivement à Beyrouth et à Damas.

Ces promesses ont néanmoins été rapidement démenties, ainsi qu’en témoigne, le 23 janvier 2009, le président libyen Mouam-mar Kadhafi, qui estime que l’offensive israélienne en cours de-

puis décembre 2008 dans la bande à Gaza a « porté un coup à l’Union pour la Méditerranée ». Le projet, qui piétine déjà fin 2008, connaît en effet un tournant avec l’opération « Plomb durci » puisque, pour la première fois depuis le lancement du proces-sus Euromed, des pays arabes boycottent les réunions en signe de protestation. Le conflit au Proche-Orient a également mis à bas la stratégie de gestion de l’eau en faisant avorter les deux derniers sommets de l’organisation.

Enfin, l’UpM s’est discréditée pour ne pas avoir anticipé, ni da-vantage accompagné les « révolutions arabes ». Les chefs d’Etat poussés à la démission, notamment les présidents tunisien et égyptien, jouaient en effet un rôle prépondérant dans l’organi-sation. L’ organisation se révèle encore aujourd’hui incapable d’offrir un cadre de négociation et de coopération permettant de mettre fin aux répressions du gouvernement syrien.

L’ensemble de ces tensions et rivalités a jusque lors empêché la concrétisation des objectifs de coopération annoncés au sommet de Paris. L’Union pour la Méditerranée est par conséquent un échec.

Rayan Nezzar

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L’Union Européenne et les affaires étrangères

EEAS: restructured, reformed... redundant?

Entretien avec M. Pierre Lequiller, président de la commission européenne à l’Assemblée Nationale

Too much aid? Europe’s role in developing sub-Saharan Africa

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The New Organization

One could tentatively assert that the European Union is not re-nowned for its innovative names. With each new treaty, the offi-cial titles of the Union’s organization structures seem to get lon-ger and longer. Note especially, each body must have at least one reference to ‘European’ and to ‘Common’. Deviation from this would be most un-European. And un-Common. The Union’s foreign policy organizations offer an example of this phenome-non. Foucault reminds us that ‘discourse’ itself can be powerful tool to construct realities. One could tentatively suggest that the repetition of the terms actually indicates a sense of insecurity as to their actuality. Perhaps this was the motivation behind the appellations of the new ‘European External Action Service’? The body is supposed to ‘unite’ the Union in foreign policy matters and some might consider it offers an answer to Henry Kissinger’s quip, ‘When I want to speak to Europe, who do I call?’ Yet this reality is perhaps still a long way off as Member States continue to resist ‘European embassies’, national quarrels persist amongst the EEAS elite and charges of ambiguity are aimed at a number of its ‘services’.

In November 2009, the European Council appointed Catherine Ashton (a low profile left-wing British politician) to the newly created position of High Representative of the Union for Foreign Affairs and Security Policy, (no direct mention of the adjective ‘European’ but the noun ‘Union’ offers a solid alternative). Born out of the institutional innovation of the Treaty of Lisbon, the High Representatives competences include chairing the Foreign Affairs Council and acting as Vice-President of the European Commission. The High Representative is assisted by the Euro-pean External Action Service. The structure of this organiza-tion was highly debated during the first half of 2010, with the Council, the Commission and the Parliament all seeking to gain influence and oversight. In the final hurdle, Parliament managed to negotiate a series of changes to Ashton’s original plans put forward in March 2010; notably Parliament’s control over the service’s independent budget (approximately 475.8m Euros for 2011). The EEAS was formally launched in December 2010. Staff members were drawn from the Commission, the Council and Member State delegations, with an eventual headcount of around 5,400. 40% of these will be from the national level and the re-maining 60% consisting of permanent EU officials. The service will have its headquarters in Brussels but it will also consist of 136 delegations worldwide (taken over from the Commission’s former global representations). Formally, the HR is responsible for steering the Common Foreign and Security Policy (CFSP), though concrete decisions in this area must still be taken una-nimously in the Council. The Common Security and Defence Policy (CSDP) represent an important subsection of the CFSP. In order to facilitate a full functioning of this service, the EU’s crisis management structures therefore also form part of the EEAS and respond to the authority of the HR.

Supranational cohesion or National division?

Soon after the announcement of the positions of the EEAS in December 2010, the Quai d’Orsay was quick to express its disap-proval of the national weighting of the more senior positions.

Le Figaro reported the situation as a “bureaucratic battle of Tra-falgar”. Although the second highest position of Secretary-Ge-neral was allocated to French diplomat Pierre Vimont (former French Ambassador to Washington), concerns were expressed about other management posts. France argued that while it had only captured two of the 17 divisions and sub-divisions, a signi-ficant proportion had been allocated to pro-British, northern-European states. The limited representation of southern-Euro-pean was also relatively low. An examination of the organization chart perhaps moderates these claims in reality. The ‘Managing Directors’ (of five different regions and also of ‘Crisis Response’) consist of a further British and French representative, as well as a Greek, Italian, Swedish, Slovakian and Romanian. It is perhaps arguable that the other senior managers besides these are more weighted towards northern-European countries, but the bias seems slight.

However, in contrast to Treaty specifications regarding the Com-mission, no specific clause ensuring the ‘independence’ (with regard to their national bias) of the members of the EEAS exists. The legal basis for the EEAS is found in Article 27(3) TEU and on the 30th of October 2009, the Council adopted guidelines for its establishment. This document specifically states that an “appropriate presence of staff from Member States should be ensured”. Nevertheless, the subsequent paragraph indicates that the power of appointment lies with the HR. Although efforts are made to underline transparency and security, together with “a recruitment procedure...associating representatives of Member States, Commission and GSC”, there are not the same equiva-lent institutional checks and balances as exist for Commission appointments. Although the actual make-up of the service does not in fact seem overtly biased, it is perhaps understandable that these institutional arrangements (or lack thereof) provided fuel for cross-channel disputes.

Foreign diplomacy has long been a strong national feature of both British and French politics and it is understandable that du-ring the implementing stages both nations were fearful of losing this influence. France quickly announced that it would maintain its global network of embassies alongside the EU delegations and most of the larger Member States have followed a similar path. As the EU seeks to impress the world with a supranational presence, national fragmentation and old disputes continue in abundance. Moving forward two years, with the continued abun-dance of national delegations, it is difficult to state that much has improved.

The EU’s invisible woman?

The position of HR could provide a solution to these nationalistic rifts. Moreover, her in her capacity of appoint, Ashton is prima-rily responsible for ensuring a perception of balance. ‘Balance’ is a key feature of the new service as it seeks to tread a fine line between supranational representation without encroaching too far upon member state sovereignty.

In her capacities, it could be argued that Ashton operates almost as a double agent; on the one hand as the Foreign Affairs Council chair she must navigate member state interests and on the other

EEAS: restructured, reformed... redundant?

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hand in the Commission she must divest herself of national dis-courses and interests. For some, this might offer a solid solution in terms of coordination of foreign policy, which still remains a highly treasured competence of Member States and common action is subject to unanimous decision in the Council. The HR position could therefore create a dynamic link between the su-pranational and national, while also offering a liaison between the different institutions of the Union. At the time of her ap-pointment however, critics were sceptical. As a fairly obscure politician on the European stage and having little to no diplo-matic experience, critics voiced concern that her appointment represented efforts by the European Council to retain their na-tional authority in foreign policy rather than cede this to a united European structure.

Critics were quick to find fault with the Ashton’s leadership. Fol-lowing the devastating earthquake in Haiti in January 2010, the need for coordinated Union action was clear. Despite the Union approving 400 million euros worth of aid, Lady Ashton chose not to visit the country in the wake of the disaster. Parliamen-tary critics from the Greens and Centre-right parties voiced their concerns over this decision, suggesting that just as Hillary Clinton had represented the US at the scene, so Ashton should have been doing the same for Europe. Once these criticisms had started, it soon seemed as if the HR could do nothing right. Cri-tics suggested she was too slow to speak out about Tunisia and furthermore that she did not adequately represent the Union in relation to Mubarak’s fall in Egypt. Perhaps these criticisms are well-founded when they are directed at the inadequate sense of leadership provided by the HR. The new service required a real sense of direction; not because Europe is unfamiliar with international diplomacy, but rather because 27 member states were already all too familiar with this. What was required was a force which could begin to override these indivi-dual concerns. Granted, this was an insurmountable challenge. However, the position of the HR could have taken steps towards making such unification more of a realistic possibility. That Ash-ton seemed most aware of this lack of ‘force’ on behalf of the

EEAS was made evident by the allocation of 10 million euros in March 2011 to an external PR company charged with improving the ‘public image’ of the service. Critics were particularly scep-tical of this move, arguing that the EEAS already had access to the Commission’s communication’s directorate. Concerns were raised that unnecessary tax-payers money was being spent on duplicate services.

Yet with the EEAS coming under such criticism perhaps such ‘desperate measures’ are in order? In an increasingly unstable world, antics, perhaps such a boost is necessary? Particularly where European outsiders stand back in bewilderment at recent Member States negotiating antics and stock markets balk at the fragility of the euro, it is now even more pertinent that the Service and the HR provide some sort of concerted European ‘face’. This may not be a path directly out of the crisis. However, following early neo-functionalist thought with regard to Union integra-tion, perhaps which could hold the potential to encourage grea-ter integration? This plays with sovereign fire, certainly, but one cannot deny that the Service hold potential, in the dual identity of the HR, the combination of permanent EU and Member State officials, together with the real possibility of the construction of ‘European identity’ in some 136 locations worldwide. That this potential has not yet been capitalized upon does not mean hope should be forsaken for the future.

The CFSP and the application of power.

One final aspect of the EEAS which needs to be addressed if it is to have a real future is its modalities of power. Ashton has been frequently cited as aiming to emphasis the role of European ‘di-plomacy’ within the power discourses of the world stage. Some members of the political elite as well as academics would like to see Europe as a special ‘brand’ consisting of negotiation and peace-keeping, overall underlined by the emphasis that Europe remains a ‘civilian power’. Recent criticism however has taken to examining this term. On one level, it could be asked how ‘civilians’ are involved in CSFP

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decisions? The HR is elected by the European Council; this makes her an indirect appointee of the electorates of 27 Member States. However, there is no direct democratic link. CFSP and CSDP decisions are taken by unanimous decision by the Council; the Parliament (the only elected body in the Union) does not have clear oversight of the each and every decision. Whilst the process cannot be any means be labelled as ‘undemocratic’, this is clearly less ‘civilian’ in its functioning than the oft-applied term would suggest.

Secondly, critics have been quick to point out that the activities of the Union abroad do not always resemble ‘civilian diplomacy’. While the EEAS does not have a single ‘European military force’, aspects of the CSDP involve peace-keeping missions which by nature cannot be classified as civilian. The Union attaches great importance to its involvement in crisis management and CSDP missions have been carried out in various locations from Kosovo to Occupied Palestinian Territories, Guinea-Bassau, Georgia and numerous others. The stated goal of the Union in these missions is to ensure the support and re-building of civilian infrastruc-

tures such as the judiciary and police mechanisms, as well as sup-port humanitarian workers. Currently, in March 2012 the Ser-vice reports three on-going ‘military’ operations and one partial civilian-military venture. The former are in Bosnia-Herezgovina (troop strength 1230), Atalanta (troop strength, 771) and Soma-lia, (troop strength 130).

This is not the place to discuss the integrity or purpose of such missions. Rather, reflection is needed as to how such missions affect the overall view of the Union’s foreign policy. It has been emphasised that a clearer view of this is needed. In the past, political elites have been eager to define European ‘soft power’ against the US more exceptional, aggressive interventionist na-ture. Whilst strong distinctions will continue to exist between EU and US ‘brands’ of foreign policy, it will be to the detriment of the Union’s activities and effectiveness if it does not fully ac-knowledge and define its capabilities. A movement away from the public discourse of ‘soft power’ and a more vocal acknowled-gement of the reality will be a crucial step for the future of this body.

Kimberley Botwright

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Comment la réforme constitutionnelle a modifié le rôle de la Commission européenne ?

Bien que le traité de Lisbonne ait introduit un renforcement très notable du rôle des parlements nationaux, notamment par le biais du contrôle de subsidiarité, c’est la réforme constitutionnelle de 2008 qui a renforcé directement les pouvoirs de la commission des affaires européennes. La réforme constitutionnelle, suivie par la réforme du règlement de l’Assemblée, a ainsi transformé en commission la Délégation pour l’Union européenne. Depuis la fin des années 70, l’importance croissante des questions liées à l’Europe avait impliqué la création d’une structure parlemen-taire spécifique. On l’avait appelée « délégation », notamment parce que le nombre des commissions avait été limité à six dans la Constitution de 1958, le général de Gaulle se méfiant de l’in-fluence des commissions, comme facteur d’instabilité gouverne-mentale. Cette dénomination était peu compréhensible. Les gens sur le terrain croyaient qu’il s’agissait d’une simple délégation, se rendant à Bruxelles, alors que la Délégation pour l’Union euro-péenne se réunissait déjà au minimum deux fois par semaine. En transformant la délégation en commission on a renforcé en même temps ses pouvoirs (examen de toutes les propositions de résolution, possibles observations sur des projets de loi, contrôle du principe de subsidiarité, transmission directe des textes par la Commission européenne). Le rôle de la commission a non seu-lement été accru par les textes mais aussi par la pratique. Elle a travaillé pour inscrire ses travaux au cœur du parlement natio-nal. La commission a aussi fait de grands progrès dans son tra-vail régulier avec les parlementaires européens, en les invitant à toutes ses réunions. Ils viennent régulièrement, mais peu nom-breux, car il y a des concomitances d’agenda difficiles à gérer ; donc on a décidé de les inviter lors de leur semaine de circons-cription , au cours de réunions conjointes avec la commission des affaires européennes du Sénat. On fait en sorte d’audition-ner régulièrement les ministres, d’organiser énormément de réunions conjointes avec les autres commissions - par exemple, avec la commission des finances sur les questions budgétaires, qui sont au cœur de l’actualité européenne-. Par ailleurs, à l’ini-tiative du président de l’Assemblée nationale, un débat en séance publique se tient préalablement à chaque Conseil européen. Au total la prise en compte de la dimension européenne a beaucoup progressé au sein de l’Assemblée.

Quelles sont les relations avec les autres Parlement nationaux (Cosac) ? Avez vous des liens particuliers avec le Bundestag ?

Nos liens sont extrêmement forts avec le Bundestag au ni-veau institutionnel (réunions communes fréquentes, missions conjointes, coordination en matière de contrôle de subsidiarité, système de visioconférence envisagé), et au niveau politique. En tant que parlementaire UMP, j’ai crée un club des 27 qui est une réunion des présidents des groupes qui appartiennent au PPE (quatre réunions en France et en Allemagne). Il y a des réu-nions régulières entre le président de l’Assemblée Nationale et le président du Bundestag, notamment dans le cadre du groupe conjoint sur la gouvernance économique. On a réussi à faire introduire dans le traité de stabilité l’idée d’une conférence bud-gétaire interparlementaire. Il est essentiel que les parlements nationaux soient associés à l’édification des piliers économiques de l’Union économique et monétaire. Ceux-ci ont été trop long-temps gravement lacunaire. Etant donné que l’on accepte un par-tage de souveraineté au niveau de l’Union, et encore plus dans le cadre de la zone euro, on doit renforcer l’association des parle-ments nationaux au travail commun. En pleine campagne élec-torale, personne, pas même Marine le Pen, ne crie à la perte de souveraineté à propos du traité de stabilité et, plus largement, de l’édification du gouvernement économique. Il faut faire attention à ce que le Parlement national soit associé. Par ailleurs, je me rends régulièrement à la COSAC, instrument utile qui regroupe tous les présidents de commission des affaires européennes et des représentants du Parlement européen. De plus, des réunions interparlementaires ont lieu à Bruxelles, notamment entre prési-dents des commissions et représentants du Parlement européen. La démocratie européenne doit s’enrichir d’un dialogue étroit entre le Parlement européen et les parlements nationaux. Ces derniers doivent exercer effectivement leurs pouvoirs.

Comment se traduisent ces délégations de pouvoirs au delà des questions budgétaires ?

Certains parlements nationaux disposent de prérogatives très contraignantes vis-à-vis de leur gouvernement, notamment dans les pays nordiques. Dans ces pays, aucun ministre ne se rend au Conseil des ministres de l’Union sans consultation a priori de leur commission des affaires européennes ; ils ont une marge de négociation très serrée. Dans notre système politique, on es-time que les ministres qui se rendent à Bruxelles seraient trop contraints par une sorte de mandat impératif, fixé par l’Assem-blée. Ce n’est pas notre tradition constitutionnelle. Nous nous trouvons dans un système présidentiel : c’est le président de la République, élu au suffrage universel qui dirige le pays. C’est ce qui fait que la France a une marge de négociation et d’initiative

Entretien avec le président de la Commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale

Pierre Lequiller, vous êtes député (UMP) des Yvelines depuis 1988 et incarnez un courant résolument euro-péen de la droite française. En effet, vous avez pris part en temps que parlementaire français à la Convention Européenne de 2002 à 2003 afin de rédiger le projet de la Constitution pour l’Europe qui s’est révélée être un échec. Dans le même temps, vous assumiez la vice-présidence du Parti Populaire Européen. Aujourd’hui, vous êtes président de la Commission des Affaires Européennes de l’Assemblée Nationale (CAEU). Merci d’avoir accepté de partager votre vision de l’Europe et de nous exposer le rôle joué par les parlementaires français dans l’Union européenne, notamment dans le contexte de crise actuelle. Vous pourrez nous éclairer sur les relations de subsidiarité entre le Parlement européen et le Parlement français.

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plus ample. On a ainsi réussi à aider la Grèce, alors que l’Alle-magne refusait au départ d’aider les pays de l’Union en difficulté (interdit par les traités, dont celui de Lisbonne). On a fait des progrès fantastiques en matière de gouvernance économique. C’est notre système institutionnel qui a permis au Président de la République, en plus de son talent, d’être tout le temps à l’ini-tiative, alors que la Chancelière doit toujours consulter son Par-lement.

Quel a été le rôle de la commission des affaires européennes dans la gestion de cette crise?

On a poussé énormément aux réformes, notamment sur la gou-vernance économique, et agit comme force de proposition pour la mise en place du mécanisme européen de stabilité (MES). Par la suite, notre commission aura aussi à surveiller la mise en œuvre de ce qui a été décidé. En ce qui concerne le MES, pare feu de 500 milliards d’euro, on devra contrôler ses utilisations. La commission sera amenée à délibérer à chaque fois qu’un mon-tant important sera en jeu, en lien étroit, bien sûr, avec la com-mission des finances. Sur le plan politique, on a eu beaucoup d’échanges avec des parle-mentaires des autres États membres, notamment avec les députés allemands. Le président de la CSU et celui de la CDU sont venus à Paris afin d’assister à des réunions de groupes et j’ai moi-même assisté à des réunions de groupe en Allemagne. Pour le volet

institutionnel, on a rendu visite ensemble à des pays candidats comme l’Islande ou la Croatie. De fait, globalement on n’a jamais fait autant de franco-allemand sur le plan parlementaire qu’en ce moment. La collaboration avec les parlementaires polonais est également très active, en particulier dans le cadre du triangle de Weimar.

En ce qui concerne le contrôle de subsidiarité, comment se situe la France par rapports aux autres parlements nationaux? Est ce que la France est plus sourcilleuse?

Non, notre commission n’est pas plus sourcilleuse que celles des autres parlements nationaux. Elle souhaite se situer avant tout dans une approche positive, comme force de proposition, tout en étant vigilante au respect des compétences de l’Union et des Etats.Une des particularités de notre commission est que le clivage droite-gauche y est très atténué. La plupart des décisions que nous prenons sont des décisions à l’unanimité ; nous sommes dans un cercle moins politique que dans l’hémicycle. On cherche sur chaque question l’intérêt de la France et celui de l’Europe. Nous avons une vision très européenne, nous ne sommes pas là pour nous opposer par principe à la Commission européenne! Cependant il est important que lorsqu’une commission d’un par-lement national est très européenne, comme la nôtre, elle sache parfois s’opposer aux initiatives de la Commission européenne,

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quand celle-ci va trop loin, ou pas assez loin, ou que ses proposi-tions sont inopportunes .

Est-ce que vous pouvez nous donner un exemple d’une oppo-sition de la commission des affaires européennes à un projet de la Commission européenne?

Sur la directive «accès à l’avocat», la commission a récemment adopté, par exemple, une résolution qui marque clairement notre opposition concernant en particulier l’accès à l’avocat pour les personnes simplement soupçonnées. Dans le droit français, on a accès à l’avocat dans le cadre de la garde à vue ; ici cela concerne-rait également les personnes simplement soupçonnées. De fait, on ne peut pas dire que la Commission européenne peut faire n’importe quoi, en tout cas quant à l’application du principe de subsidiarité, car désormais elle doit avoir l’aval des parlements nationaux. En tout état de cause, la Commission européenne est attentive elle-même à respecter le principe de subsidiarité, quand elle propose un texte.La position de notre commission est assez ouverte, si l’on com-pare aux parlements britannique ou tchèque qui utilisent sou-vent le principe de subsidiarité pour s’opposer aux propositions de Bruxelles. Comme nous le Sénat français est très vigilant en matière de subsidiarité, tout en ayant une approche très euro-péenne.

Justement, comment jugez-vous la place de la question euro-péenne dans le débat de l’élection présidentielle ?

Je pense que jamais une élection présidentielle ne sera autant marquée par les questions européennes. Que l’on soutienne ou non l’action du Président de la République, il faut admettre que jamais nous n’aurions fait de tels progrès sur l’Europe sans Nico-las Sarkozy. Il a tout le temps été à l’initiative. L’Allemagne a été également formidable, très positive, très européenne. Elle ne s’est pourtant pas trouvée dans une situation confortable, avec des

difficultés institutionnelles et un contrôle constitutionnel de la cour de Karlsruhe très étroit. La Cour est en effet très pointilleuse en ce qui concerne les droits du Bundestag. Grâce à Nicolas Sarkozy, on a traversé cette crise en réagissant vite. Pour moi, les propositions de François Hollande sont irrespon-sables: il est gravissime de s’abstenir sur la question du MES, qui concerne pourtant l’aide à la Grèce, à l’Espagne, à l’Italie... et irresponsable de vouloir renégocier un traité qui a été patiem-ment négocié avec vingt-cinq pays.

Vous vous estimez donc satisfait de la façon dans le couple franco-allemand a fonctionné?

On est passé tout près de la catastrophe en matière économique et financière, mais on a progressé ensemble très fortement, on a réussi à négocier à vingt-cinq pour le projet de traité de stabilité ; et la BCE a fait des choses extraordinaires, a mis sur la table 1000 milliards d’euros pour les banques, initiative à laquelle Madame Merkel était totalement opposée au départ. Jamais la coopération franco-allemande n’a aussi bien fonction-né, car jamais les difficultés n’ont été aussi grandes, et elles ont été franchies ensemble. L’ Allemagne, pays très attaché à la rigueur, qui garde toujours le souvenir de la crise de 1929, de l’hyperin-flation, avait accepté de sacrifier le mark pour l’euro au nom de la construction de l’Europe. Dans le même esprit, elle a eu une attitude de plus en plus ouverte sur la construction du gouverne-ment économique. Avoir fait évoluer la chancelière sur des sujets comme la participation de la BCE, la solidarité financière, c’est un succès fantastique de la diplomatie française! Et c’est un suc-cès majeur pour l’Europe.On a bien sur aussi bougé de notre côté. Ce sont des compromis nécessaires, pour faire avancer l’intérêt de tous.

Merci de nous avoir accordé cet entretien.

Aurélia Rambaud et Sophie Ranger

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Too much aid? Europe’s role in developing sub-Saharan Africa

For most, ‘Aid’ is an uncomfortable subject. When it is raised, it reminds us that the world is full of suffe-ring, that we exist in a period of monstrous economic imbalance and that, usually if we are honest, we pre-fer not to reflect on the subject. Nevertheless, it is one worth attending to, if only to ask whether, during a prolonged period of global recession, substantial eco-nomic aid is ‘worth it’? ‘Aid’ may come in a variety of forms; these include economic aid in the form of mul-tilateral and bilateral transfers and loans, humani-tarian assistance, disaster and poverty relief together with micro-level development projects, such as those conducted by localized NGOs. As students living and working in Europe, it forms part of our civic responsi-bility to examine the mechanisms in place for econo-mic assistance to Less Developed Countries (LDCs) and to ask questions about their effectiveness.

Economic development assistance

Economic development assistance has been a feature of the Eu-ropean institutions since their foundation. In 1957, Article 131 and 136 of the Treaty of Rome laid the foundations of the crea-tion of the “European Development Fund”, which would provide financial and technical assistance to developing countries. Ini-tially, these funds focused on African countries still under, or transitioning out of, European colonial rule. In 1975, the Lomé Convention was signed and in view of British accession, cer-tain commonwealth countries were to be included. This intro-duced the STABEX system, which would compensate associated developing countries for the shortfall in export earnings due to fluctuation in the prices or supply of commodities. Three more Conventions followed prior to the Cotonou agreement in 2000. As the agreements evolved, increasing emphasis was placed on the self-reliant development (especially of post-colonial states), as well as human rights, democracy and good governance.

At the turn of the century however, a variety of circumstances caused a fall in international donor support. Globally, this moved from 0.33% of donor’s GNP in 1988 to 0.23% in 1998. The new millennium and expiry of Lomé IV represented the optimum moment from the Union to re-assert both its commitment and focus in this area.

The Cotonou agreement sought to secure freer access to trade with unlimited entry in the Union market for 99% of ACP indus-

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trial goods. Aid packages are specifically negotiated for various regions and countries. The agreement emphasis the participation and dialogue between EU and ACP parliamentarian and this is facilitated by a bi-annual Joint Assembly. A “National Indicative Programme” also forms part of this structure; the Commission and the relevant ACP state mutually negotiate and set targets for human development, with the former institution pledging assis-tance accordingly. The EDF continues to play a strong role in financing development and the European Investment Bank also provides infrastructure loans.

The EDF, cash source?

The “Economic Development Fund” is the primary instrument of the Union’s economic assistance. Despite pressure from the European Parliament, the fund does not yet come under the Community’s general budget, although this latter may be used for certain more limited types of aid.. Resources are provided from individual Member States and the fund is subject to its own financial rules and committee management. The fund has a variety of instruments that include grants, risk capital and loans to the private sector. Cotonou aimed to make the instruments in the fund more flexible and increase the participation of ACP states. Currently, the 10th EDF covers the period from 2008-2013 with an overall budget of EUR 22 682 million. Out of this, EUR 21 966 million is allocated to ACP countries, EUR 430 million to the Commission for development projects and the remainder to OCT states. A shift in focus of the 10th EDF includes greater em-phasis on regional cooperation with a greater share of the budget than previous years, being allocated to this area. Member States remain free to engage in their own bilateral agreements and do so independently of the EDF.

The Treaty of Lisbon and Beyond

In 2009, with the Treaty of Lisbon, Europe’s institutions unde-rwent a face-lift. Aspects of this restructuring included the creation of the EEAS followed by the unveiling of a newly res-tructured Development and Cooperation Directorate-General (DevCo). The Treaty also gave a legal basis to the “eradication of poverty”, making it a Union objective. Acting as an interlocutor for the EEAS, it is the Union’s main development policy maker and driver. The service represents an amalgamation of two pre-vious Commission Directorates General (DG); DG Development and DG Europe Aid. Intended to be more ‘streamlined’, its ope-rations include policy design, human rights promotion, human development, food and poverty relief and finally economic and trade assistance. In relation to the latter, activities are macroeco-nomic, including budgetary assistance, tax development, as well as seeking to improve trade and regional integration. The finan-cial support of this service is drawn from the EDF but also from its management position of other institutions such as EIDHR (European Initiative for Democracy and Human Rights), the latter of was born out of a European Parliamentary decision to manage several budget lines under one structure.

The allocation of economic budget support to LDCs is subject to eligibility conditions such as a well-defined national reform po-licy, which should prevent funds being allocated to irresponsible governments. Furthermore, the service’s activities are subject to scrutiny by the EU’s Court of Auditors. Such features attempt to answer some of the concerns voiced by the tax-payer in recent

years. Due to the lack of control of the Union over the EDF’s bud-get, most significantly, the lack of the European Parliamentary oversight, tax-payer right raised concerns that precious resources are being irresponsibly spent without due recourse to civic moni-toring. The year 2005 was a significant one for aid and two key developments answered to this trend. The Paris Declaration for Aid Effectiveness by the international community represented a step in the right direction for ensuring coherent aid manage-ment. Correspondingly, campaigns such as ‘Make Poverty His-tory’ sought to re-galvanize public opinion and ‘generosity’. In the G8 conference that followed in the summer, G8 state leaders collectively agreed to a $50 billion boost to global aid levels, with EU member states aiming to reach a collective target of 0.56% GNI by 2010 and 0.7% by 2015. The summit conclusions also emphasised that Sub-Saharan Africa was also placed at the top of the ODA agenda as well as an agreed upon debt relief for the world’s 18 poorest countries.

To what end?

With such large promises being made from governments, it is the democratic right and responsibility of citizens to monitor the progress of these pledges. One analysis might centre on whether European governments the incentives of 2005. This involves two aspects; first the promise of more aid and secondly, of making it more effective.

The One DATA report is specifically dedicated to evaluating the Gleneagles pledges and goes some way to evaluating whether the promise of more aid has been forthcoming. Their statistics de-monstrate that although development assistance to sub-Saharan Africa in 2010 reached high, it still fell short of what was pro-mised in 2005. When analysing the Union, One focused only on the 15 countries that were also DAC (OECD) members. By 2010, this group had reached 0.44% GNI, representing an ambitious effort. This was largely made possible by contributions from Swe-den and the UK, whilst Germany and France in particular fell well-short of their targets. It is also notable, in light of the cur-rent economic climate, that the ODA annual figure represented only a 2% increase from 2009. It is indeed forecast that struggling European economies will not be able to meet their aid targets in the following years. As a result of this current, questions must be asked about the efficiency of such aid; is it worth it? Some studies have suggested that multi and bilateral aid can not only be ineffective but also potentially harmful. Loans in particular are criticised, as LDC countries borrow with little means of re-payment, mortgaging the future of younger generations. Instead of filling a well pro-moted “savings gap” (needed to kick-start economic growth), such loans might actually be used to service previous debt, engendering a vicious cycle. Critics also suggest that large and constant inflows of aid could affect the country’s ‘real exchange rate’ and hence the “competitiveness of its exports”. Aid causes increased domestic spending, increased inflation, higher ex-change rate, and therefore decrease in goods competitiveness. As sound economics views the export sector as key for growth, a shift away from this marks a dangerous trend. All this understood, how exactly should conscientious European citizens go about (realistically) evaluating “aid efficiency?” Des-pite the relative simplicity of the institutional mechanisms sug-gested in the preceding paragraphs, researching them proved far

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more time-consuming than originally anticipated. A major pro-blem is not the lack of information provided by the institutions and observers, but rather a vast over-production of information. Various reports and web pages (sometimes out-dated) detailing different life periods of European aid sprawl across the internet. Gathering information from these various sites is much akin to picking fruit; readers must be careful to distinguish the quality of the material they harvest. One ad hoc method to answer the ef-fectiveness question would be a simple comparison between the levels of aid donated against the statistical evolution of world po-verty. Under the auspice of measuring ‘Aid efficiency’, the World Bank conducts this type of examination. Their data demonstrates that the Net ODA received (per capita) in 2004 was $12.4 and by 2009 this had increased to $18.9. By comparison, the mor-tality rate of children under 5 (one exemplar poverty indicator) as measured per 1,000, in 2004 was 67.7 and by 2009 59.2. A calculation of the percentage differences between the respective figures for the five year interval demonstrates that whilst aid has increased by 66%, child mortality rates have only decreased by 0.85%.

The use of the word ‘only’ in this last sentence should be treated with caution. It raises one of the most difficult questions in rela-tion to ‘aid efficiency’; even if all this aid helps but a few, has it not been ‘worth it’? Perhaps one way of navigating around this situation is recognizing the difference between ‘efficiency’ and ‘effectiveness’. With regard to the latter, it is arguable that whilst

mortality rates may not have decreased as much as desired, they could potentially have decreased even less without out. Or worse still, mortality rates could have risen. Thus, it seems perverse to argue that aid, or rather some aid, is not effective. However, the real more focus therefore shifts to a question of ‘efficiency’; how can aid be made more efficient and increasingly effective? Seve-ral studies have examined the benefits of ‘Sector Investment Pro-grammes’ which seek to co-ordinate and manage aid from a va-riety of donors, channelling this into specific policy programmes evaluated and designed in conjunction with recipient countries. This represents a challenge for both donors and recipients, stem-ming from a fear of losing either full political or democratic control in negotiations and implementations. Nevertheless, such over-arching programmes would facilitate aid being used in the most efficient manner. The EU, as a supranational entity in itself, might play an important leadership role in this area. Already the re-formulating of the EEAS and the Union’s aid institutions suggests that greater efforts towards co-operation between 27 Member States are being attempted. Rather than being defeated by the increased bureaucracy this necessarily brings, the Union should utilize this experience to demonstrate the possibilities of aid co-ordination; just as does so within itself, so it might do so with other donors. This may prove to be an impossible vision, but as contentious citizens we cannot help but try and exert greater pressure for this kind of action.

Kimberley Botwright

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Actualités

Les fleurs du mal hongrois ? Retour sur les réformes contestées du gouvernement OrbanFocus : les principales réformes du Fidesz« Viktator » : le trublion de l’Union ?

L’industrie dans tous ses Etats : où est l’Europe?Délocalisations : le déclin de l’industrie françaiseGuillaume Klossa, sur les chemins de traverse européens

L’Etat démocratique est-il le bon modèle au regard de l’histoire mondiale des révolutions politiques?

2012 et l’Europe : L’Europe sera-t-elle encore taboue en 2012 ?

Rubrique juridique : Le Conseil constitutionnel déboute Marine Le Pen sur la publicité des parrainages

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« Une belle victoire pour l’opposition » : c’ est par un refrain très conventionnel, sinon convenu, que la presse européenne com-mente la nette victoire du Fidesz - la formation politique de Vik-tor Orban - aux législatives des 11 et 25 avril 2010. Le retour en force d’une droite que les médias situent volontiers sur la case « conservatrice » de l’ échiquier politique européen, après huit ans d’opposition sous un gouvernement socialiste, ne suscite pas pour autant de vives réactions. Certes, Viktor Orban est verte-ment critiqué par ses adversaires politiques, notamment socia-listes, mais il entretient également d’excellentes relations avec la plupart des membres du Parti Populaire Européen (PPE), dont il est l’un des vice-présidents. La conquête d’une majorité de plus des deux tiers au parlement magyar, en cette fin de printemps 2010, ne semble donc mériter ni excès d’honneur, ni indignité, dans une Europe toute affairée au redressement de son écono-mie.

La donne change cependant au cours de l’année 2011, avec l’exa-men au printemps d’un projet de nouvelle constitution, et l’adop-tion de lois aussi nombreuses que polémiques. Tandis que des opposants hongrois, au lendemain des réformes sur les médias, commencent à qualifier leur pays « d’Orbanistan », le site d’in-formation « myeurop » n’hésite pas à dénoncer la mise en place de véritables « camps de travail » en Hongrie lorsque le gouver-nement Orban propose de soumettre le versement d’allocations sociales à l’exécution de tâches d’intérêt général. L’ accentuation du rythme et de l’ampleur des réformes, qui culmine avec l’ adop-tion fin 2011 d’une nouvelle Constitution évoquant les « racines chrétiennes » de la nation hongroise et exaltant les valeurs de « travail, foyer, famille, santé et ordre », place désormais Viktor Orban au centre de virulentes critiques.

Au mois de décembre 2011, le ministre luxembourgeois des af-faires étrangères, Jean Asselborn, accuse déjà la Hongrie d’ être

« un gouvernement totalitaire qui se cache sous des oripeaux démocratiques », tandis qu’à la une du Monde du 2 janvier 2012, la caricature de Plantu passe résolument le cap de la suggestivité: pour une grande majorité d’Européens, la dérive fascisante de la Hongrie ne fait plus aucun doute, et les appels se multiplient pour une sanction ferme de la part de l’Union européenne.

Deux sérieux obstacles se dressent toutefois contre la mise au ban officielle du gouvernement de Viktor Orban. Le profond clivage entre les deux principales mouvances politiques euro-péennes, tout d’abord, qui explique l’empressement modéré de l’Union. La complexité des procédures de sanctions, ensuite, qui accordera un répit d’au moins quelques mois au premier ministre récalcitrant.

L’ idée d’une condamnation de la Hongrie pour violation du droit de l’Union est loin de faire l’unanimité à l’aube de l’année 2012, tant au niveau des institutions européennes que des différents Etats membres. L’ embarras de certaines formations politiques s’ explique en premier lieu par l’enracinement du Fidesz au sein du PPE, dont font notamment partie Viviane Reding et Manuel Barroso. Venu défendre sa Constitution devant le Parlement européen le 18 janvier, le premier ministre hongrois a été chaleu-reusement reçu par le français Joseph Daul, député UMP et chef du PPE, avant que le représentant de la Ligue du Nord italienne au Parlement, Mario Borghezio, ne lui assure qu’il serait « reçu en héros » en Padanie. Les parlementaires socialistes, libéraux et écologistes, à l’opposé, se disent vivement préoccupés par l’accu-mulation des réformes votées à Budapest et ses conséquences pour les libertés civiles. Le 16 février, outrepassant l’opposition du PPE, les députés du PSE ont donc confié à la commission par-lementaire chargée des libertés, de la justice et des affaires inté-rieures, le soin d’examiner la conformité au droit de l’Union des nouvelles lois controversées.

Les fleurs du mal hongrois ? Retour sur les réformes contestées du gouvernement Orban

Alors que les menaces de sanctions contre la Hongrie semblent se concrétiser avec le déclenchement d’une pro-cédure pour déficit excessif le mois dernier, qu’en est-il aujourd’hui de « l’affaire hongroise » ?

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Si le dossier hongrois a pu se révéler embarrassant pour le PPE et instiller une dimension hautement politique dans les débats du Parlement, les autres institutions européennes se sont rap-prochées plus clairement d’un consensus. A diverses reprises, Manuel Barroso a appelé les autorités hongroises à respecter les valeurs de l’Union et à les mettre en œuvre. Viviane Reding, vice-présidente en charge de la justice, veille attentivement à l’ évolution de la législation hongroise, notamment sur le statut des magistrats, tandis que Nelly Kroes, commissaire en charge de la société numérique, se montre particulièrement soucieuse du respect du pluralisme des médias et a exigé de Budapest des informations précises à ce sujet. De même, si à la mi-janvier, la Pologne et la Lituanie ont offert leur soutien à la Hongrie face à des réactions jugées excessives, il semble que les Etats membres partagent désormais une position commune sur les réformes hongroises.

Lecatalogue répressif des traités européens, assez réduit, regroupe essentiellement deux types de condamnations : les sanctions proprement politiques, prévues à l’article 7 TUE, et les sanctions économiques. Si les actions entreprises sur la base de l’article 7 TUE ont relativement peu de chances d’aboutir, l’éventualité de sanctions économiques ne fait plus guère de doutes.

Les Etats européens avaient déjà sanctionné le gouvernement FPÖ de l’autrichien Jorg Haider en 2000, non sur la base d’une action de la Communauté, mais d’une « réaction commune » exprimée à l’occasion d’une réunion diplomatique extraordinaire des « Quatorze ». Les insuffisances, tant politiques que symbo-liques, de ces sanctions, ont conduit à l’instauration d’un nouveau dispositif « répressif » au sein de l’Union. Certes impressionnant par les sanctions qu’il prévoit – suspension des droits découlant des traités, y compris du droit de vote au Conseil – le mécanisme de l’article 7 TUE n’a encore jamais servi, et les contraintes pro-cédurales dont il est assorti en rendent l’application peu aisée.

L’ article 7 TUE prévoit d’abord une phase précontentieuse durant laquelle l’Etat membre est invité à présenter ses observations. En cas de désaccord persistant, le Conseil, à une majorité des quatre cinquièmes, ou le Conseil européen, à l’unanimité, peuvent

constater un « risque clair de violation grave des valeurs » de l’Union. Sur la base de cette constatation, le Conseil peut enfin suspendre certains droits prévus par les traités par une décision à la majorité qualifiée. Il faut enfin rappeler que ce mécanisme n’ est utilisable que dans la double hypothèse d’un épuisement des autres voies de recours et de violations systématiques des arrêts de la CJUE. Une condamnation de la Hongrie au titre de l’article 7 TUE n’ est donc pas à l’ordre du jour.

La Commission a d’ ores et déjà opté pour le déclenchement de la procédure de recours en manquement, prévue aux articles 258-260 TFUE. Après un dialogue infructueux au sujet de la réforme des médias, de la magistrature et du statut du gouverneur de la banque centrale, elle a envoyé trois lettres de mise en demeure au gouvernement hongrois, avec un délai d’un mois pour exposer une solution précise et satisfaisante. Les réponses renvoyées le 17 février font l’ objet d’un examen à l’issue duquel, en cas d’in-satisfaction de la Commission, celle-ci pourra adresser un avis motivé à Budapest, ultime étape avant la saisine de la Cour de Justice. Pourtant, si les commissaires concernés se sont montrés résolus à mener à terme la procédure, les délais de jugement sont longs, et la condamnation par la CJUE, incertaine.

Les mécanismes de contrôle économique, qui se sont considéra-blement élargis au cours des derniers mois, peuvent également servir de base à l’infliction de lourdes sanctions financières sus-ceptibles d’influencer le gouvernement hongrois dans l’applica-tion de ses réformes.

Afin de rétablir l’équilibre dans leurs comptes publics et de préve-nir toute dégradation similaire à l’avenir, les Etats-membres ont récemment adopté un ensemble de mesures limitant drastique-ment leurs marges de manœuvre budgétaires. Ce « six pack », comprenant cinq directives et un règlement, et entré en vigueur le 13 décembre 2011, prévoit notamment la mise en place de procédures de sanctions plus rapides - les recommandations de la Commission à ce sujet étant désormais automatiques - et la création d’une procédure de surveillance macroéconomique et de correction des déséquilibres par la Commission et le Conseil.

Le Monde, à « la une » du 2 janvier 2012

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La Hongrie étant surveillée de près par les institutions euro-péennes, il est assez peu étonnant que la Commission ait engagé à son encontre une procédure de sanction pour déficit excessif. Elle pourrait ainsi être le premier Etat de l’Union à subir le gel des aides financières provenant des fonds de cohésion européens. Si la procédure, enclenchée le 22 février, suit son cours, et si le gou-vernement hongrois se montre incapable de présenter un budget au déficit inférieur à 3% de PIB avant le mois de juin, la sanction s’ élèvera à 495 millions d’euros, ce qui représente environ 60% des aides que la Hongrie reçoit de l’Union. Il est clair qu’au-delà de la nature économique de ces sanctions, ces dernières revêtent une dimension politique. La Hongrie a présenté à Bruxelles un déficit de seulement 3,25% du PIB, alors que le gouvernement espagnol, qui s’ est fixé un objectif de réduction du déficit à 5,8%, puis 5,3% du PIB pour cette année, ou même le gouvernement français, avec une prévision – optimiste – à 4,5% fin 2012, n’en-courent pas le risque de telles sanctions. Sur son site, la Commis-sion européenne assure même « qu’aucune procédure de déficit excessif ne sera lancée si le dépassement du seuil de déficit public de 3 % du PIB est considéré comme temporaire et exceptionnel et que le déficit demeure proche de la limite ».

La Hongrie est également dans une phase difficile de négocia-tions avec le Fonds monétaire international en vue de l’obtention d’un prêt de 15 à 20 milliards d’euros, dont elle a besoin pour le rétablissement de ses finances. Le FMI, en discussion avec la Banque mondiale et l’Union européenne à ce sujet, a d’ores et déjà annoncé que l’octroi d’un tel prêt serait soumis au constat préalable de « preuves tangibles » de la bonne volonté du gouver-nement hongrois.

Invité à s’ expliquer sur ses réformes et à corriger certaines dispo-sitions contraires au droit de l’Union, Viktor Orban s’ est jusqu’à présent contenté de prendre acte des demandes des institutions européennes, tout en réduisant l’essentiel des points de désaccord

à de simples « mesures techniques », voire de malentendus. S’il a récemment accepté de revenir sur certaines réformes, la Com-mission attend toujours des précisions sur les mesures que le gouvernement compte prendre dans les semaines – ou les mois – à venir.

Sauf effondrement brutal de l’ économie hongroise ou revi-rement inattendu de la stratégie de Viktor Orban, il est donc probable que le gouvernement hongrois cherchera à maintenir l’essentiel des réformes aujourd’hui en vigueur. Si certains points de désaccord persistent au sujet du respect du droit de l’Union, la question reste ouverte de savoir s’ils seront résolus sous la pres-sion du nouveau dispositif budgétaire européen et des institu-tions financières internationales.

Au-delà pourtant de ces considérations sur le respect des traités européens et des mécanismes diplomatiques, juridiques ou éco-nomiques assurant leur correcte application, se pose la question plus fondamentale de la cohésion de l’Union. Dans son discours du 2 février 2000, Romano Prodi lançait cet avertissement aux députés européens : « Lorsqu’un État membre est en difficulté, toute l’Union est en difficulté. Le devoir d’une institution supra-nationale forte n’ est pas d’isoler un de ses membres, mais de le lier indissolublement à ses valeurs ». Imposer le respect du droit de l’Union est une chose. Importante, certes, mais qui ne soulève pas de difficultés techniques considérables. Susciter l’adhésion des Etats et des peuples aux valeurs fondamentales de l’Union, au moyen d’un véritable projet démocratique européen, d’un modèle commun de croissance et de politiques efficaces d’inté-gration, en est une autre. Bien plus difficile, mais non moins es-sentielle, à l’heure où la crise et « l’affaire hongroise » menacent la « concorde européenne ».

Benoît Carval

Affiche du Jobbik : « Arrose avec abondance la belle fleur hongroise, pour qu’ elle ne disparaisse jamais des Carpates »

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11/25 avril 2010 : victoire du Fidesz aux législatives. Le parti remporte 52,73% au premier tour de scrutin et 263 sièges sur 386, soit plus des deux tiers

23 mai 2010 : accession de Viktor Orban au poste de premier ministre, pour la deuxième fois depuis sa dernière victoire en 1998

21 décembre 2011 : adoption d’une loi instaurant de lourdes amendes pour les médias en cas d’atteinte à l’intérêt public, l’ordre public et la morale

30 décembre 2011 : adoption d’une loi accroissant l’influence du gouvernement sur la banque centrale hongroise

1er janvier 2012 : entrée en vigueur de la nouvelle Constitution hongroise

2 janvier 2012 : manifestation antigouvernementale rassem-blant environ 70.000 participants

10 janvier 2012 : première admonestation de la Commission

européenne qui juge préoccupant l’état des finances publiques hongroises

14 janvier 2012 : manifestation anti-UE organisée par le Jobbik, le parti d’extrême-droite, à Budapest. Deux députés brûlent un drapeau européen

17 janvier 2012 : envoi de trois lettres de mise en demeure par la Commission au gouvernement de Viktor Orban

18 janvier 2012 : Martin Schulz, président PSE du Parlement européen, déclare que la condamnation de la Hongrie est désor-mais une « question ouverte »

21 janvier 2012 : manifestation pro-gouvernementale rassem-blant entre 100.000 et 500.000 participants à Budapest

24 janvier 2012: le Conseil des finances lance une procédure de sanction pour déficits excessifs

22 février 2012: la Commission européenne menace la Hongrie de geler les fonds de cohésion européens pour 2013

Médias

Les médias, tant hongrois qu’étrangers, étaient tenus depuis les réformes récentes de s’inscrire auprès d’une nouvelle autorité, dont les membres sont en majorité nommés par le pouvoir en place. La Cour constitutionnelle hongroise a cependant censuré les dispositions obligeant les médias, y compris les blogs, à pré-senter sous peine d’ amende une « information équilibrée » et à révéler leurs sources dans des affaires susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale. La nouvelle loi hongroise a donc soustrait les blogueurs ainsi que les médias installés à l’étranger du champ de contrôle et a remplacé le dispositif de condamna-tion pour outrage par l’interdiction d’incitation à la haine.

Justice

Le gouvernement hongrois a récemment choisi d’aligner le ré-gime de départ à la retraite des magistrats avec le régime général, ce qui implique un abaissement de l’âge de départ de 70 à 62 ans. Tandis que Viktor Orban défend cette réforme en la qualifiant de « simple mesure technique », l’opposition hongroise craint qu’elle ne mène à un « départ-renvoi » de 274 magistrats. Les institutions européennes soutiennent que la mesure contrevient au principe de non-discrimination en raison de l’âge.

Banque centrale

La loi et la Constitution hongroises contiennent des disposi-tions dont l’application est susceptible de porter atteinte à l’indé-pendance de la banque centrale hongroise. La Commission est notamment préoccupée par la possibilité laissée aux ministres d’assister aux réunions du conseil monétaire de la banque, ou des conséquences d’une éventuelle fusion de la banque centrale avec l’autorité de surveillance financière.

Protection des donnés

Le remplacement, au 1er janvier 2012, du Commissariat à la protection des donnés par la nouvelle Agence nationale pour la protection des données, semble présenter une double incompati-bilité avec le droit de l’Union. Tout d’abord, il a été mis un terme prématuré au mandat de l’ancien commissaire, dont l’indépen-dance se doit d’être garantie par la Hongrie. Non moins préoccu-pant, le premier ministre et le président ont désormais le pouvoir de récuser à leur guise la nouvelle autorité de surveillance.

Chronologie

Focus : les principales réformes du Fidesz

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Compte-rendu d’un entretien avec Mme Capelle Po-gacean, chargée de recherche au Centre des Etudes et de Recherches Internationales (CERI) de Sciences Po, spécialiste de la Hongrie et de la Roumanie.

Les multiples réformes entreprises par la majorité hongroise, cou-ronnées par l’adoption d’une nouvelle Constitution et défendues d’une manière volontiers provocatrice par le Premier Ministre, ont fait l’objet de virulentes critiques de la part des médias européens. Le manque de recul et la précipitation avec laquelle certains jour-naux ont traité l’actualité politique hongroise de ces derniers mois ont parfois conduit à des exagérations, des raccourcis trop rapides, voire à des erreurs sur la nature des réformes adoptées. C’est pré-cisément ce « dépassionnement » nécessaire au traitement de l’ actualité politique que recherche la revue A.P.E., afin de présen-ter à ses lecteurs une analyse critique de la situation hongroise. L’ensemble de l’équipe tient à remercier Mme Capelle-Pogacean du temps qu’elle a consacré à nous présenter le contexte historique, économique et sociologique de la Hongrie, ainsi que de ses pré-cieuses remarques sur le régime politique actuel. A l’heure où l’orage médiatique semble s’être apaisé, mais où les menaces de sanctions se concrétisent, une bonne connaissance des clefs du débat autour de la Hongrie de Viktor Orban est indispensable pour suivre les prochains épisodes du « feuilleton hongrois ».

La lecture de l’actualité récente fait craindre une détérioration préoccupante de la situation en Hongrie, voire une « fascisa-tion » du pays, comme cela a été suggéré par plusieurs médias. Est-ce vraiment le cas ? M. Orban est-il un dictateur en puis-sance ?

La nouvelle Constitution a effectivement modifié l’équilibre ins-

titutionnel dans le sens d’une centralisation accrue des pouvoirs, mais elle n’est cependant pas synonyme d’une « fascisation » de la Hongrie. De même, malgré son style provocateur, son carac-tère autoritaire et son messianisme national, Viktor Orban n’in-carne pas l’extrême-droite. Le traitement médiatique de la situa-tion hongroise s’est emballé au cours des derniers mois, ce qui a conduit à des « effets de loupe » et à des imprécisions regret-tables sur la conduite des réformes ou la personnalité du chef de la majorité au pouvoir. Des enquêtes parfois insuffisantes, la circulation « en boucle » des mêmes informations, ont nourri des exagérations et des inexactitudes. Plaquer des grilles de lecture inspirées de la situation politique de tel ou tel pays membre de l’Union européenne n’a pas aidé non plus à comprendre le pay-sage hongrois. En retour, ces exagérations ont alimenté un senti-ment de « citadelle assiégée » au sein de la population hongroise. Ces dernières semaines, certains médias ont toutefois adopté une approche plus critique, ce qui, au vu de l’importance des débats sur d’éventuelles sanctions contre la Hongrie, est assez satisfai-sant.

Au cours de ces derniers mois, les médias ont beaucoup parlé du Fidesz, le parti majoritaire dirigé par Viktor Orban. Com-ment définiriez-vous la situation politique hongroise, les rap-ports de forces entre les partis et les dynamiques à l’œuvre sur la scène politique du pays ?

Depuis la fin de la tutelle soviétique, la scène politique hongroise est fortement polarisée, bien plus qu’ en France, par exemple, ou que dans les autres pays de l’ancien « bloc de l’Est ». Un profond clivage sépare socialistes et conservateurs non seulement sur la scène politique, mais aussi dans le champ économique, culturel ou encore universitaire, se prolongeant jusqu’au sein des familles. Parallèlement, on assiste à un mouvement continu de désenga-gement politique de la population hongroise. Près de 55% des

« Viktator » : le trublion de l’Union ?

Viktor Orban exhortant les troupes soviétiques à quitter la Hongrie, à l’ occasion de la cérémonie d’inhumation d’Imre Nagy le 16 juin 1989

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citoyens hongrois ne se reconnaissent dans aucun parti, ce qui souligne le décalage croissant entre l’offre politique et les aspira-tions des citoyens.

A gauche du spectre politique hongrois figure le Parti socialiste hongrois, héritier de l’ancien Parti communiste. Au gouverne-ment entre 2002 et 2010, il a été décrédibilisé par l’éclatement en 2006, quelques mois après sa deuxième victoire législative, d’un grave scandale budgétaire, le premier ministre ayant admis qu’il avait menti « matin, midi et soir » à ses concitoyens au sujet des comptes publics du pays afin de remporter les élections. Un mouvement de spéculation sur le forint - la monnaie hongroise - ainsi que l’application de mesures impopulaires de redressement des comptes, contrepartie d’un prêt octroyé par le FMI en 2008, ont précipité la désagrégation du parti, nettement battu aux élec-tions de 2010.

Le Fidesz (« fédération des jeunes démocrates »), qui a largement profité en 2010 de l’effondrement des socialistes, assure donc aujourd’hui l’alternance. Rassemblant la droite conservatrice du pays, le Fidesz a raflé 263 des 386 sièges du Parlement hongrois et bénéficie donc d’une majorité de près de 70%. Ceci lui per-met d’adopter sans difficultés les réformes souhaitées par le gou-vernement de Viktor Orban, même si elles requièrent, à l’instar d’une réforme constitutionnelle, la majorité des deux tiers. Le Fidesz, bien que dirigé d’une main de fer par Viktor Orban, ne constitue cependant pas une masse politique homogène. Il est traversé de rivalités et de tensions internes d’autant plus puis-santes que la réduction à moitié du nombre de parlementaires à partir de 2014, menace l’avenir de nombreux élus de la majorité. Actuellement, la cote de popularité du Fidesz semble décroître légèrement, notamment au profit du parti d’extrême-droite.

Ce dernier, le Jobbik, prospère sur le fond d’antisémitisme, de sentiment « anti-roms » et d’anticommunisme d’une partie de la population hongroise. Présidé par Gabor Vona, un jeune pro-fesseur d’histoire, il séduit de plus en plus de jeunes, et s’appuie notamment sur une véritable sous-culture, vestimentaire et musicale notamment. Crédité de près de 20% des voix, le Jobbik semble aujourd’hui sur une pente ascendante, mais ses prises de positions sont néanmoins jugées trop radicales par une grande majorité de la population.

Ces dernières années, on a enfin assisté au développement d’un nouveau parti, le LMP (« une autre politique est possible »), de centre-gauche, d’inspiration écologique et libérale du point de vue des valeurs politiques, qui affiche un profil également cri-tique à l’égard des socialistes et des conservateurs.

Qui est Viktor Orban ? Quel est son parcours politique et son niveau de popularité aujourd’hui ? Quelles sont ses idées et ses ambitions politiques ?

Viktor Orban a fait une entrée éclatante en politique au mois de juin 1989. Agé d’à peine vingt-cinq ans, il a tenu, à l’occasion de la cérémonie d’inhumation de l’ancien premier ministre Imre Nagy (exécuté deux ans après la révolte hongroise de 1956) un discours courageux en faveur de la démocratie et du départ des troupes soviétiques. Dynamique, rebelle, il symbolise l’ ère nou-velle qui s’annonce avec la fin du communisme, et propose, avec ses jeunes compagnons politiques, une « troisième voie » libérale fondé sur le rejet des anciens communistes et des conservateurs. Son mouvement politique est baptisé le « Fidesz », ce qui signifie « l’alliance des jeunes démocrates » : les premiers statuts du parti

prévoient même que ses membres ne peuvent avoir plus de qua-rante ans !

Après le mauvais score réalisé aux élections législatives de 1994, le Fidesz glisse nettement à droite dans le spectre politique hon-grois. Cette évolution a été rendue possible par l’effondrement de la droite conservatrice chrétienne aux législatives de 1994, la libération de cet espace politique étant saisie comme une occa-sion de relance par Viktor Orban.

Malgré sa victoire aux élections de 1998, le Fidesz ne parvient pas à conserver sa majorité parlementaire, et subit encore deux défaites consécutives face aux socialistes en 2002 et en 2006.C’est donc après huit ans d’attente, et avec une écrasante majorité des sièges, que Viktor Orban accède au pouvoir. Ses marges de ma-nœuvre sont pratiquement illimitées, tandis que ses adversaires politiques sont dispersés et considérablement affaiblis. Dans ce contexte, le nouveau premier ministre, dont l’ambition est de faire naître une « nouvelle Hongrie », a mis en place un vaste chantier législatif destiné à réformer le pays en profondeur. En dix-sept mois, ce ne sont pas moins de 240 lois, sans compter la refonte complète de la Constitution en décembre 2011, que le Parlement, transformé en véritable « usine législative », a adopté sur proposition du gouvernement ou d’ élus de la majorité. Du-rant ses quatre années au pouvoir, Viktor Orban s’ était déjà posé en défenseur des classes moyennes, des minorités magyares hors de Hongrie et des valeurs chrétiennes traditionnelles. Depuis les élections, son objectif affiché est de reprendre en main le destin du pays par la création d’un million d’emplois en 10 ans, 300 000 d’ici 2014, la réduction de la dépendance économique vis-à-vis des acteurs internationaux et l’affirmation de valeurs nationa-listes.

Le style politique de Viktor Orban, qui n’hésite pas à lancer des accusations d’ingérence de la « gauche internationale » dans les affaires de son pays, n’a rien de consensuel et se caractérise par une forte dimension autoritaire. La plupart des réformes, adop-tées dans l’urgence, sont imposées sans consultation préalable des acteurs concernés et sans aucun dialogue. Certaines, dans le domaine de l’économie notamment, ne sont toutefois pas dépourvues de sens, telle l’instauration récente d’une « taxe de crise », qui a réparti les coûts de la crise financière en mettant les banques à contribution. De même, prises une à une, certaines des réformes intervenues dans le champ de l’organisation poli-tique, des systèmes sociaux, ou de l’éducation ne font pas naître d’inquiétudes majeures sur l’avenir démocratique de la Hongrie, même si elles peuvent être discutées. C’est plutôt l’accumulation de ces réformes adoptées dans un rythme accéléré, très souvent mal préparées, voire incohérentes, qui constitue aujourd’hui un sujet de préoccupation.

La nouvelle Constitution avec ses accents nationalistes et son interprétation très discutable de l’histoire hongroise en préam-bule, inquiète par son esprit – elle fut adoptée par les seuls élus du Fidesz – et par les possibilités qu’elle peut ouvrir de redéploie-ment - à la limite de la démocratie – du système des pouvoirs et contre-pouvoirs.

Il faut également souligner l’extraordinaire longévité politique de Viktor Orban, qui joue un rôle de premier plan sur la scène poli-tique hongroise depuis plus de vingt-deux ans, du jamais vu dans les pays de l’ancien bloc de l’Est. Orban dispose d’une majorité plus que confortable, mais il n’est pas certain qu’il se prépare à enfiler un costume de dictateur, après vingt-deux ans de vie poli-

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tique. En 2002, il avait reconnu sa défaite aux législatives et avait quitté le pouvoir. Enfin, la majorité du Fidesz, aujourd’hui écra-sante, devrait se réduire à l’avenir. Si Viktor Orban est réélu 2014, il ne disposera plus de marges de manœuvre aussi considérables.

Comment a évolué la situation économique hongroise de 1990 à nos jours ?

Depuis l’ouverture de son économie, dans les années 1990, au reste de l’Europe, la Hongrie est devenue très dépendante des investissements étrangers et du marché européen, en particu-lier de l’Allemagne, son premier partenaire commercial, qui absorbe près du tiers de ses exportations. Le secteur bancaire est notamment dominé par de grandes banques allemandes et autri-chiennes. La succession de plans de rigueur budgétaires, la crise du forint en 2008 et la progression constante du taux de pau-vreté, qui concerne désormais 12% de la population, ont achevé ces dernières années de porter le discrédit sur le modèle répu-blicain démocratique. Jusqu’à la chute du communisme, le plein emploi était la règle, et l’inactivité constituait même un délit. Au-

jourd’hui, le taux d’emploi, qui atteint à peine les 50% et compte parmi les plus faibles d’Europe, fait renaître chez certains un sen-timent de nostalgie vis-à-vis de l’ancien régime. Enfin, l’endette-ment massif de l’Etat, mais aussi des classes moyennes, dont les économies se sont volatilisées avec l’envolée du franc suisse (dans lequel étaient libellés la plupart des prêts immobiliers), participe au développement d’une profonde crise de confiance de la popu-lation hongroise et à des phénomènes de rejet de ce qui est perçu comme une « tutelle » de l’Union européenne ou du FMI. Dans les manifestations de ces dernières semaines, l’inscription sur les banderoles de slogans tels que « nous ne voulons pas être une co-lonie », est à cet égard particulièrement significative. Rappelons que la Hongrie, après avoir subi la domination multiséculaire des Ottomans et des Autrichiens, a été occupée, depuis la Seconde guerre mondiale, par les Allemands, puis par les Soviétiques. Les rêves de liberté et d’autonomie de 1989 sont aujourd’hui cruelle-ment déçus.

Benoît Carval

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Politique industrielle ou droit de la concurrence ?

Le droit à la concurrence a prévalu sur une potentielle politique européenne de l’industrie. Pourtant, les traités des Commu-nautés européennes avaient offert dès 1957 cette possibilité dès 1957. Sauf que les actions politiques concrètes en la matière sont restées sans suite, malgré les propositions de renforcement de la structure industrielle européenne formulées dès les années 1960. Le mémorandum de la Commission dit « Colonna », publié en 1970, prenait note de cet enjeu, constatant la vulnérabilité des entreprises européennes, petites, face à la taille des entreprises américaines, qui pénétraient alors le marché. Il proposait donc d’inciter à la concentration et à la coopération des industries eu-ropéennes, de créer pour cela un statut de société européenne et un brevet européen et enfin de définir des politiques sectorielles d’aides financières.

Si la concurrence est si importante aujourd’hui, c’est parce qu’elle est un aspect fondamental du marché intérieur tel qu’il a été conçu dans les traités, mais c’ est aussi un puissant outil pour infléchir les Etats jaloux de leur souveraineté en matière de poli-tique industrielle. Certains projets transnationaux ont bien été dessinés : le projet Unidata, porté entre autres par Siemens et Phillips en 1972, qui avait pour objectif de lancer une industrie informatique européenne et dont Valéry Giscard d’Estaing a ex-clu la participation française en 1975.

L’industrie dans tous ses Etats : où est l’Europe ?

L’ œil sur le marché intérieur

La Commission européenne a imprimé sa marque de gardien de la concurrence dans des secteurs peu institutionnalisés au niveau national : c’est ce qui explique par exemple son positionnement dans le secteur des télécommunications, où les premières direc-tives de libéralisation sont édictées pendant les années 1980. Ont suivi, durant cette décennie, une panoplie de règlements et de directives visant à démanteler les monopoles nationaux via l’éta-blissement d’autorités de concurrence et une législation complète encadrant les fusions d’entreprises.

L’ action de la Commission européenne se déploie surtout au ni-veau microéconomique, faute d’ être limitée dans ses prétentions au niveau macro. Les défis sont connus, identifiés dès les années 1990 : libérer le potentiel de croissance au niveau européen pour résoudre le problème de l’emploi. A la stratégie de Lisbonne, for-mulée en 2001 et jugée décevante car dispersée, succède désor-mais la stratégie « Europe 2020 », visant le même résultat. En attendant de composer avec les grandes puissances économiques mondiales sur un pied d’égalité, la Commission persiste dans la thématique du « marché intérieur », qui semble inépuisable. Mario Monti, l’actuel président du Conseil italien, avait remis en 2010 au Président de la Commission Barroso un rapport intitulé « A New Strategy for the Single Market ». Le « Single Market Act » est le résultat final de cette initiative, que la Commission, en la personne de Michel Barnier, souhaite faire approuver au Par-lement européen ainsi qu’au Conseil d’ici la fin de l’année 2012.

L’ avenir de l’industrie a fait son retour dans les médias et les programmes électoraux, pour faire le constat d’une impasse. Certains qualifient cette désindustrialisation d’inexorable, face à la compétitivité des pays émergents. D’autres expliquent qu’elle est le résultat de choix politiques intérieurs trop orientés vers les services. Troisième version, cette désindustrialisation était annoncée depuis le départ, compte tenu des traités européens qui ont été signés. L’Europe est présente dans chacune de ces versions. Mais en qualifier précisément la place reste un exercice délicat. La revue APE vous propose quelques éléments de réflexion, appuyés par les remarques de Guillaume Klossa dont vous trouverez le portrait et l’entretien dans les pages suivantes.

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Chiffrages

Pourtant, il a toujours été difficile de chiffrer précisément l’ampleur des « délocalisations » : les méthodologies statistiques à ce sujet sont en perpétuel perfectionnement. L’INSEE récolte les informations sur les entreprises dans sa base de données SIRENE ("Système Informatique pour le Répertoire des Entre-prises et de leurs Etablissements") et obtient des données sur le niveau d’emploi des entreprises via les « déclarations annuelles de données sociales » (DADS). Ensuite, elle recoupe les éven-tuelles réductions d’effectifs constatées avec des statistiques d’import-export, afin de vérifier l’hypothèse qu’une entreprise X a bien « délocalisé » sa production au profit, par exemple, d’une sous-traitance à l’étranger. L’INSEE a ainsi rapporté, sur la période 2002-2007, la destruction de 36 000 emplois par an en moyenne, tous secteurs compris. Sur la même période, ils ont été compensés par la création de 41 000 emplois.

Reste que, dans sa vue d’ensemble de l’économie française publiée en 2011 par l’INSEE, le repli de l’emploi est très accusé dans le secteur industriel et notamment dans les branches historiquement pourvoyeuses d’emplois que sont le textile, la métallurgie, ou la construction. En 2010, l’industrie occupait 3,1 millions d’emplois, soit 12,3% des emplois dans l’Hexagone. Contre 11 millions dans le tertiaire, soit 47,4% de l’activité fran-çaise, toujours d’après l’INSEE.

Sensibilité

En mars 2012, les plus grands constructeurs automobiles d’Eu-rope se réunissaient au salon de Genève pour faire le constat de leur surcapacité, suggérant que des restructurations sont encore à venir. Le sujet fait depuis les grands titres dans les journaux. Bien que la stricte activité de production n’emploie que 220 000 personnes en 2011, d’après la Chambre des constructeurs fran-çais d’automobiles, l’industrie automobile a toujours été soignée par le gouvernement français, qui accordait, en 2008, près de 9 milliards d’euros à la filière, d’après le journal Le Monde.

A ce type de chronique annoncée, les différents syndicats réa-gissent en qualifiant les décisions de délocalisation de « solution de facilité » et proposent l’alternative de mieux exploiter le capi-tal humain présent dans le pays. Car le tissu industriel français « s’appauvrit », à force de partager le savoir-faire de nos entre-prises locales avec de nouvelles unités de production localisées à l’étranger. C’est même le cas pour l’entreprise Apple : le fait de sous-traiter la fabrication du hardware fait perdre les usines américaines en technicité, au profit de l’Asie et en particulier de la Chine, d’après le New York Times.

Catherine Abouel El Khair

Délocalisations : le déclin de l’industrie française ?On illustre souvent la désindustrialisation française par les délocalisations d’unités françaises vers l’étranger, conduisant à des fermetures d’usines et à des licenciements.

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C’est lui qui a organisé la 4ème édition des Etats généraux de l’Europe du 10 mars dernier, à Sciences Po. Guil-laume Klossa a beaucoup à dire sur l’Europe, dont il connaît toutes les coutures. En 2008, il a été conseiller de Jean-Pierre Jouyet pour la présidence française de l’UE ainsi que du groupe Gonzalez de réflexion sur l’avenir de l’Europe au Conseil européen. Les responsabilités qu’il a exercées dans le monde de l’entreprise, en tant que vice-président du groupe McDonald’s et directeur Europe des activités digitales de la société de classifi-cation Bureau Veritas, ses engagements en faveur d’une meilleure diffusion de l’actualité européenne en tant qu’éditorialiste à la télévision et dans la presse écrite, lui ont permis de se forger un point de vue sur les enjeux européens. La revue APE a souhaité recueillir son opinion sur l’un des plus grands défis actuellement posé à l’Europe : l’avenir de son industrie. Son blog : http://www.guillaume-klossa.eu/

Guillaume Klossa, sur les chemins de traverse euro-péens

Votre parcours professionnel est riche, par sa diversité mais aussi cohérent, par le fil rouge qui le sous-tend : l’Europe. De quelle manière vos expériences ont-elles marqué votre connaissance du fonctionnement des institutions euro-péennes, et plus généralement, votre opinion sur le rôle de «l’Europe» dans nos sociétés?

Mon parcours m’ a permis de développer une assez large connais-sance de la réalité politique, économique, sociale et industrielle de l’Union et de certains de ses Etats, mais aussi des probléma-tiques de transformation de la société européenne et des orga-nisations. J’ai eu l’ occasion de rencontrer de nombreux acteurs du projet européen. Les institutions, l’Europe, n’ existent pas en soi, elles sont portées par les individus. Mes expériences dans le privé m’ ont conduit à toujours avoir en tête, dans mes missions publiques, le souci de la valeur ajoutée collective et des résul-tats concrets, mais aussi à penser mondial : l’entreprise ne peut pas ignorer le monde, ce que tentent trop souvent de faire les politiques. Dans un monde en pleine mutation avec de nouveaux équilibres en constitution, il faut repenser le fonctionnement de nos institutions et de nos entreprises, dans un esprit de plus grande réactivité et de coopération. C’est un atout pour être en situation d’apporter des idées qui soient réalistes et contribuer à faire évoluer l’Europe. Etre au cœur de la présidence française, en pleine crise géopolitique et économique mondiale au 2ème semestre 2008, m’a apporté une connaissance fine de la manière dont les institutions réagissent mais aussi de celle dont se font les interactions entre les Etats, entre eux-mêmes, mais aussi entre eux et l’Union. Ces expériences n’ ont sans doute pas été pour rien dans le fait qu’EuropaNova et ses experts ont proposé, dès le début 2009, la création d’un fonds monétaire européen visant à prévenir une possible crise des dettes souveraines mais aussi la mise en place d’un gouvernement économique de l’Eurozone capable de gérer les crises, de discuter les budgets, d’orienter et de mettre en œuvre une stratégie de coordonnée d’investissement pour créer les conditions d’une croissance durable en Europe.

Quant à l’Europe, ce ne peut être qu’un projet collectif que nous construisons en commun pour faire avancer l’idée de progrès, approfondir nos valeurs mais aussi continuer à peser dans le monde qui vient.

Vous pilotez actuellement la mission «Innovation et produc-tion en Europe» pour le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. En quoi consiste votre travail et quels sont les

défis immédiats à relever en France ?

Il s’agit de réfléchir collectivement et de faire des propositions d’intérêt général – un comité d’orientation comprenant de nom-breuses personnalités (Maria Joao Rodrigues, ancienne ministre du travail portugaise, l’économiste Michel Aglietta, le mathéma-ticien Cédric Villani, l’ancien député Philippe Herzog, l’indus-triel Yvon Jacob…) – quant à la manière d’accélérer l’innovation en France et en Europe. Car seule une industrie forte renforce la capacité d’innover, de créer de la croissance et donc de l’emploi. Il faut pour cela renforcer notre base de production industrielle. L’ enjeu, en France, est en particulier d’adapter le système de for-mation, de production et d’innovation à une concurrence mon-diale accélérée qui porte à la fois sur les prix et la qualité des produits. Pour cela, il faut des systèmes très coopératifs, enga-geant dans une même dynamique collective de transformation, les entreprises, les syndicats, l’Etat, le monde éducatif et de la recherche et, plus généralement, la société civile. Il faut que l’en-semble des acteurs collaborent entre eux dans l’intérêt commun du développement industriel et de l’emploi. C’est le cas en Suède, en Allemagne et même en Chine : ces pays possèdent une forte culture industrielle et de coopération. En France, l’esprit coopé-ratif est moins présent et je crois que c’est un des éléments qui explique le déclin industriel de notre pays.

On cite beaucoup le modèle «ordolibéral» allemand, où l’Etat se contente de définir des règles d’encadrement de la concur-rence, par contraste au modèle français où l’Etat a tendance à diriger l’économie. Cette opposition est-elle toujours valide aujourd’hui, malgré les traités européens qui lient les deux pays sous les mêmes règles?

En France, l’Etat veut diriger. Mais il n’ en a ni seul les compé-tences, qui sont partagées avec l’Union européenne et nos par-tenaires, ni les moyens. Il doit à mon sens se concentrer sur ces missions, être un Etat stratège qui donne du sens, inscrit les ac-teurs et la société dans la durée. Il doit veiller à la compétitivité macroéconomique du pays et investir dans la formation, la R&D, les infrastructures collectives comme des centres de démonstra-tion industrielle ainsi que dans les projets sociétaux et industriels de demain. Les différences de culture entre la France et l’Alle-magne resteront encore un certain temps, elles sont d’abord et avant tout d’ordre culturel et cela n’a rien à voir avec les traités européens.

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L’Allemagne offrirait un cadre beaucoup plus propice à l’acti-vité économique et à l’innovation, grâce à sa structure fédé-rale et l’autonomie de ses Länder, à la culture du «réseau» associant centres de recherche, universités, syndicats et PME. Pensez-vous que la politique industrielle française, où l’Etat interagit d’abord avec les grandes entreprises, reste viable? Ne devrait-on pas remettre en question la structure unitaire, cen-tralisée, de l’Etat ?

Les Allemands ont pour eux un système qui leur permet de dé-finir rapidement des consensus dans des situations de crise ou de transformations majeures, par exemple l’unification du pays. C’est moins une culture du réseau qu’une culture de la coopé-ration et une vision de l’intérêt général qui passe par la promo-tion du tissu industriel. Ce système s’appuie sur l’apprentissage et la culture industrielle - caractéristique à la fois des dirigeants et des syndicats - qui sont extrêmement valorisées dans le pays mais une conscience de la responsabilité collective des organisations privées comme publiques dans la réussite du pays. A titre d’exemple, en Allemagne, les dirigeants d’une entre-prise sont collectivement responsables devant le conseil d’administration, le président n’ étant qu’un primus inter pares ; les syn-dicats participent, via leurs représentants, aux déci-sions stratégiques de l’en-treprise. En France, nous avons le culte du chef, le président est seul dans les faits responsable devant « son » CA. La structure ter-ritoriale française avec une seule grande métropole – Paris – et des industries très concentrées – est le résultat de plusieurs siècles d’histoire. Il est illusoire de croire que plus de décen-tralisation transformera rapidement la donne. Une décentralisation mieux adaptée à la réalité est sans doute nécessaire mais elle doit s’inscrire dans une transforma-tion d’ ensemble. Les Länder allemands, qui étaient auparavant des royaumes indépendants, ont une culture économique locale autonome forte depuis plusieurs siècles, avec des entreprises qui font preuve d’une vraie solidarité et d’un patriotisme local cer-tain. Le fédéralisme allemand n’ a donc fait que s’ asseoir sur une réalité antérieure.

L’Union Européenne, en particulier la Commission, réflé-chissent depuis longtemps à l’élaboration d’une stratégie industrielle pour l’Europe. Des initiatives paraissent réguliè-rement en ce sens: on peut par exemple citer la stratégie de Lisbonne de 2000, qui a pour but de favoriser l’émergence de nouvelles branches et de mieux soutenir l’esprit d’entreprise, Europe 2020... Quel est votre constat à ce sujet?

Beaucoup de bonnes analyses, beaucoup d’ambitions, une im-mense difficulté à passer à l’acte concrètement faute de volonté politique véritable, tant au niveau de la Commission – qui est mal organisée pour mener une telle politique - que des Etats. Il manque aussi les moyens juridiques et financiers, que j’estime insuffisants. Enfin, la réglementation en matière de contrôle des aides, subventions et concentrations est sans doute trop exces-sive.

Vous disiez, dans une interview au magazine Usine Nouvelle, que les Finlandais avait pour eux l’avancée dans les TIC, et les Alle-mands les énergies renouvelables. Quelles seraient les « niches » françaises, selon vous ?

Je ne parlais pas des niches, mais du fait qu’on observe qu’ un pays qui réussit économiquement a un projet industriel collectif, partagé à la fois par l’Etat, les entreprises, les syndicats, le monde

éducatif et de la recherche, ainsi que par les citoyens. Les Allemands, les Finlandais, les Chinois et maintenant les Bré-siliens ont à mon sens un tel projet. Les Américains redé-finissent le leur. A nous Fran-çais de définir le nôtre.

Vous parlez de la néces-sité d’un système de «coo-pération» pour créer une dynamique collective. On sait que l’Etat, en France, est un acteur qui se trouve au centre des négociations entre les partenaires sociaux. Comment expliquez-vous donc l’absence d’une culture de coopération en France ? Quelles sont aujourd’hui les plateformes de coopération existantes pour relever le défi de la croissance?

Je ne suis pas certain que la centralité de l’Etat dans les négociations soit une si bonne chose. Lorsque l’Etat est l’ar-bitre de dernier ressort, les partenaires sociaux peuvent

ne pas avoir intérêt à trouver des accords. En matière de socio-logie organisationnelle, quand votre base, à laquelle vous devez rendre des comptes, est très exigeante et ne veut pas céder, les dirigeants de votre organisation préféreront ne pas aboutir à un consensus afin de ne mécontenter personne. Ils savent qu’en der-nier ressort, un tiers décidera pour eux. On peut s’interroger sur la modernité d’un tel système.

Mais dans la pratique, la création des Etats généraux de l’indus-trie, de la CNI, le développement du travail en filière, les pôles de compétitivité sont autant d’éléments qui contribuent à plus de coopération. Manque peut-être à les inscrire dans un projet de société partagé par tous, et là c’est le cœur de métier du politique.

Propos recueillis par Catherine Abou El Khair

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L’histoire des Etats de l’Europe, de la chrétienté médiévale au projet d’Union européenne, dessine les contours d’un champ d’observation de l’énigme étatique, c’est-à-dire de l’institution po-litique toujours renouvelée de régimes précaires. La pensée ma-chiavélienne, tôt dans l’histoire du vieux continent, représente une découverte sensible du terme politique, pose la question du sens des mutations de l’Etat et remet en cause l’idée utopique d’une société politique consensuelle, transparente et indiffé-renciée. En somme, cette pensée nie la possibilité de l’existence d’un bon pouvoir, définitif, et adopte une vision dynamique de l’histoire des Etats. Ce point de vue ancien doit susciter l’inté-rêt d’ observateurs contemporains, car, bien après la Renaissance italienne, l’histoire des institutions politiques européennes a confirmé la thèse de Machiavel. C’est le sens du travail de Claude Lefort qui, dans son étude des totalitarismes, a montré les raisons de l’échec de la voie unique, de l’inscription dans le droit d’un ordre étatique définitif. L’œuvre de Claude Lefort permet de lire Machiavel au jour des problématiques actuelles liées au devenir de l’Etat. Quels enseignements doit-on tirer de l’expérience tota-litaire ? S’il n’y a pas de bon pouvoir, doit-on penser que l’Etat démocratique et libéral n’est pas une norme absolue ? Existe-t-il un bon modèle d’Etat ?Sans doute doit-on, avant tout, poser les termes de la discussion sur la base d’un texte traduisant la vision leforiste de l’œuvre de Machiavel :

« Le philosophe florentin avait, bien avant Marx, repéré la divi-sion de classes dans les sociétés historiques, mais il ne la faisait pas dériver d’un état de fait, l’état du développement des forces pro-ductives et de la division du travail. Sans ignorer les conditions économiques, il jugeait qu’elle se manifestait dans l’opposition de deux désirs : celui de commander, d’opprimer – le désir des grands, quelle que fût leur figure dans le cours de l’histoire – et celui de ne pas être opprimé – le désir du peuple. […] Comme vous le voyez, le Machiavel que j’ai interrogé, ce n’est pas celui dont la tradition nous fait le portrait, le théoricien des rapports de forces. Cette théorie, on ne saurait, si on le lit sérieusement, lui en imputer la paternité. Au reste, les Florentins de son époque la connaissaient, la prati-quaient et la formulaient avec délectation. Sans doute, il exploite leurs arguments, aime à les pousser jusqu’à des conséquences qui font scandale. Mais son procédé est ironique, au service d’une critique impitoyable des manœuvres mesquines de politiciens contemporains, occupés qu’ils lui paraissent à toujours museler le peuple et à éviter les risques qu’imposerait une grande politique, une vision des tâches de l’Etat. L’important à mes yeux, c’était que Machiavel dissipait l’illusion d’une société qui s’ ordonnerait sans division, et dissipait en même temps l’illusion qu’il pourrait y avoir un bon pouvoir, soit au-dessus des classes, arbitre des conflits, soit confondu avec le peuple entier, son incarnateur. L’important, c’est que Machiavel découvrait, vous disais-je, que la représentation n’est pas moins efficace que la force. C’est qu’il esquissait la for-

mule neuve d’un régime (qu’un prince ne pouvait faire sienne, mais dont il pouvait s’inspirer) dans lequel le pouvoir est inventif et la loi vivante parce qu’ils sont exposés à la revendication du peuple. Bref Machiavel m’ a instruit, il m’instruit toujours, parce qu’on trouve chez lui une triple critique : celle de la tyrannie, celle du conserva-tisme bourgeois au service d’intérêts oligarchiques, celle de l’idéa-lisme républicain ou démocratique qui masque la place du pouvoir et la permanence du conflit. »

Claude Lefort, « Repenser le politique », 1978, in « Le temps présent – Ecrits 1945-2005 », Belin, 2007

Dépasser l’aversion du conflit intra-étatique

La tradition politique classique pose l’aversion au conflit intra-étatique, niant sa fécondité. Au temps de l’Humanisme civique et de Machiavel, les républicains ne s’ écartent pas de cette vision dominante. Dans les temps modernes, même, le Droit naturel ainsi que le Marxisme mettent l’accent sur la mécanique conflic-tuelle en politique, pour mieux définir leur projet idéal de société indivise. Dans ces conditions, Machiavel introduit l’idée nouvelle de la nécessité d’un ordre fondé sur une division définitive. La discorde, que l’on cherche habituellement à supprimer ou que l’on nie à coup de déclarations, est naturellement liée aux rap-ports humains et politiques. Ce n’ est pas l’égalité des situations ou le règne du Droit qui fondent l’autorité de l’Etat, mais l’adhé-sion à un mode de division du social. L’Etat est un aménagement, une division entre gouvernants et gouvernés, entre « grands » et « peuple ». Ceux-ci entretiennent des relations telles qu’ils ne peuvent échanger leurs positions, ni réaliser un tout. La différen-ciation politique en société suppose une scission de celle-ci en deux moitiés que l’on ne pourrait recoller. Pour Machiavel, cette division ne calque pas sur une condition économique donnée, mais davantage sur le partage de deux types d’humeurs engagées dans un conflit : d’une part, il existe une volonté de domination et d’oppression ; d’autre part, il y a l’ expression de la liberté : la volonté de refuser cette domination. Le terme politique nait de la dialectique des rapports de subordination : il n’y aurait pas de gouvernants sans gouvernés, et inversement. A titre d’exemple, dans une principauté, le prince s’allie au peuple passif, au nom d’un intérêt commun qui doit limiter le désir de domination des grands. La République, cependant, permet l’expression aboutie de la liberté du peuple, car la traduction de ses désirs est per-mise par la loi. La discorde, ici, est bénéfique, elle est un principe dynamique, elle suppose aussi une certaine concorde. Mais cette entente ne vient pas nier la division des désirs reconnus par la raison. Pour Claude Lefort, une société qui nierait l’existence de ces désirs serait « mutilée ». La vie politique émerge du dialogue de ces «humeurs». Au croisement de ces désirs se place un tiers, une forme de régulateur. S’il n’est pas à distance de la passion

L’Etat démocratique est-il le bon modèle au regard de l’Histoire mondiale des Révolutions politiques? Claude Lefort, penseur politique et philosophe, connu pour sa réflexion sur les totalitarismes, propose une nouvelle forme de modèle politique dans la continuation de la philosophie de Machiavel. Churchill disait que la démocratie est le pire système de gouvernement, à l’exception de tous les autres qui ont pu être expérimentés dans l’histoire. Voici une analyse de cette pensée.

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politique, il a la charge d’ équilibrer le rapport politique. Il peut s’incarner dans un pouvoir personnel, ou dans des institutions républicaines compétentes pour contenir le désir des grands. Le rapport politico-juridique qui fonde l’Etat, au regard de l’his-toire, est bien précaire.

La République normative est-elle la forme juste de l’autorité politique?

La République est l’aboutissement d’une dynamique politique du conflit, non un acte déclaratifDans la continuité de cette systémisation, Machiavel propose une déclinaison des différentes formes de division du social. La République, par l’interaction approfondie qu’elle institutionna-lise entre gouvernants et gouvernés, nous apparait comme une norme. Mais, en toute cohérence, la République ne saurait s’im-poser comme le bon modèle d’organisation de l’Etat. Machia-vel pense que la Cité tend à réaliser la liberté, et qu’elle trouve à chaque fois la forme étatique appropriée pour atteindre l’objectif du jour. « La liberté, posée comme fin, implique la négation de la tyrannie, qu’elles que soient les variantes » : on ne saurait imposer à un peuple des gouvernants républicains. La République prend sens dans le cadre de l’exposition de la norme juridique aux mou-vements du conflit, qui est le trait dominant de cet esprit. La Ré-publique suppose que nul ne soit en position de déterminer par avance ce qu’est le bien commun, ou encore la nature du devenir de l’Etat.

La lecture leforiste de Machiavel éclaire l’échec des totalitarismes

et l’expansion du modèle démocratique dont la mutation est tou-jours en marcheCette pensée a le mérite de déconstruire successivement les images courantes du « bon pouvoir ». Le pouvoir démocratique, s’il n’est pas bon, peut cependant être pensé comme le meilleur. Par-là, on ruine la recherche d’un monde de représentations liées à l’idée du bon Etat. « La République la meilleure non seulement ne réussit pas, mais ne tend pas à supprimer le commandement, qui recèle toujours l’oppression ». C’est le moindre mal machia-vélien, qui résonne positivement dans l’esprit de nos contempo-rains éprouvés par l’expérience des totalitarismes. C’est dans ce mouvement de réflexion que s’inscrit le travail de Claude Lefort, qui porte un regard critique sur l’illusion de la liberté totale. La lecture antitotalitaire de Claude Lefort est propre à instruire les commentateurs contemporains sur bien des points. Elle nous détourne d’une « stratégie du moindre risque » qui consisterait à poser des plans pour les institutions politiques. Elle nous encou-rage à adopter une vision dynamique, quasi phénoménologique, de la liberté. On comprend pourquoi notre âge démocratique eu-ropéen ne cesse d’être interrogé. La défiance vis-à-vis du pouvoir conduit à penser à des formes nouvelles de justification de l’auto-rité. Aussi, sur le plan externe, la question demeure de savoir si les Etats démocratiques de l’Europe ont la tâche d’imposer leurs principes politiques au monde, par exemple en Afghanistan. Peut-on concevoir l’imposition de la liberté politique ? La pen-sée machiavélienne nous conduit à penser que rendre possible la libre détermination des peuples serait le meilleur moyen de réaliser la liberté.

Tristan Annoot

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2007 : l’Europe à tue-têteQue ressentent les hommes politiques lorsqu’ils discourent sur l’Europe, et quelle image donnent-ils à l’opinion publique? En février 2007, à Strasbourg, quelques mois donc avant les élec-tions présidentielles, Nicolas Sarkozy se posait comme un Euro-péen « de cœur, de raison, de conviction », estimant qu’il fallait « remettre de la volonté politique au cœur de l’Europe », cet « idéal » qu’il aurait fait sien. Pour Ségolène Royal en revanche, re-présentante d’un parti dans l’opposition depuis 2002, l’approche était plus mesurée : la candidate insistait à de multiples reprises, au cours du 1er trimestre de l’année 2007, sur les « réalisations concrètes » devant être à la source du projet européen, pour une Europe « qui fait ses preuves ». A l’image du conseil régional de Poitou-Charentes, qu’ elle préside. Quant à l’image d’Europe qui transparaissait alors du discours de Nicolas Sarkozy, elle res-semblait à une fascinante terra incognita, lieu d’ exercice de la politique étrangère et de la diplomatie. Dans les deux cas, c’ est comme si l’Europe était un prolongement de la vision person-nelle qu’avaient les candidats du pouvoir et de l’ action politique: parle-moi de l’Europe, et je te dirai qui tu es.

2012 : effet d’optiqueL’Europe est un thème où se révèlent les idéaux de l’homme politique, autant que ses représentations. En France, un impé-ratif demeure: parler d’Europe sous l’angle national. Prendre le contrepied assumé de cette approche et c’est risquer, sur le plan du discours et, surtout, de sa réception, d’être vite enfermé dans une impasse. Les mots s’appauvrissent, face à des arguments sou-verainistes, captant une palette de questionnements dans une armée de formules. Comment répondre à Philippe Séguin qui, dans un célèbre et long discours contre le traité de Maastricht, associait les positions européistes à « des vieilles obsessions post

hégéliennes qui annoncent toujours pour demain la fin de l’his-toire » ? L’indignation souverainiste a du coffre, sa voix porte loin. Les répliques affûtées sont rares : il reste à s’attacher, comme l’a récemment fait la candidate écologiste Eva Joly dans une émis-sion de grand public « On n’est pas couché » en février 2012, à « l’intelligence des Français ». Les avertir du « repli nationaliste et solitaire », « sur les valeurs historiques », qu’implique un tel discours.

Eviter l’angélisme apatrideEnfin, ne pas trop insister sur ce qu’ offrirait l’Europe à long-terme, si l’on poursuivait l’intégration européenne : des cultures nationales moins circonscrites et une standardisation de la mobi-lité, notamment celle du travail, au sein du continent. Effriter, aussi légèrement soit-il, le socle national, c’est s’ exposer à des jugements sévères de tous bords politiques et médiatiques. Aux communistes l’internationalisme. Pas aux socialistes, et surtout pas aux libéraux. Demander de renégocier les traités de disci-pline budgétaire, comme le souhaite actuellement François Hol-lande, est une position assez confortable sur le plan du discours: un peu d’Europe, mais pas trop. Plutôt réaliste, mais pas complè-tement. Reste à savoir si d’autres candidats, au-delà des frontières françaises, souhaiteraient eux aussi changer quelque chose en Europe.

Catherine Abou El Khair

L’Europe sera-t-elle encore taboue en 2012 ?Mettre l’Europe à son avantage, pour un parti politique et un politicien, demande de bien savoir composer entre le libre-arbitre cher aux souverainistes et le principe de réalité qui se trouve au centre du projet européen.

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Il avait en effet été saisi le 2 février 2012 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par Ma-rine Le Pen, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit par le cinquième alinéa du paragraphe I de l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel.

Aux termes de celui-ci, « Le nom et la qualité des citoyens qui ont proposé les candidats inscrits sur la liste sont rendus publics par le Conseil constitutionnel huit jours au moins avant le premier tour de scrutin, dans la limite du nombre requis pour la validité de la candidature. »

Dans le mémoire rédigé par son avocat et compagnon Louis Aliot, Marine Le Pen soutenait qu’ en imposant de rendre publics le nom et la qualité des maires parrainant un candidat à l’élection présidentielle, ces dispositions méconnaîtraient les principes d’égalité et de secret du suffrage. La publicité des parrainages se-rait encore de nature à dissuader les maires de présenter certains candidats et méconnaîtrait, par suite, le principe du pluralisme des courants d’idées et d’opinions.

Bien que la constitutionnalité des dispositions contestées avait déjà été validée par une décision de 1976, les juges de la rue Montpensier ont accueilli la QPC de Marine Le Pen en la regar-dant comme « nouvelle », du fait de l’introduction, par la révision du 23 juillet 2008, du principe constitutionnel de pluralisme des opinions à l’article 4 de la Constitution.Le Conseil a néanmoins rejetté les moyens soulevés par la QPC et a considéré qu’en instaurant une publicité des parrainages, le

législateur avait entendu favoriser la transparence de la procé-dure de présentation des candidats à l’élection présidentielle et que cette publicité ne saurait en elle-même méconnaître le prin-cipe du pluralisme des courants d’opinions.

La décision du Conseil de ne pas remettre en cause le système de publicité des parrainages pourra trouver au moins deux séries d’ explications.

La première est relative à la place que le Conseil constitution-nel entend tenir dans les institutions. Il considère en effet tradi-tionnellement que la Constitution ne lui confère pas un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Il ne saurait dès lors que se borner à constater une contrariété manifeste entre des dispositions législatives et des droits et libertés garantis par la Constitution, ce qui exclut tout contrôle d’opportunité politique.

La seconde explication est d’ ordre pragmatique. Il n’est pas auda-cieux de penser que le Conseil s’est refusé à remettre en ques-tion le système actuel des parrainages car le gouvernement aurait alors dû en imaginer un nouveau à la hâte et à seulement deux mois du premier tour.

Bien que rejetée et au-delà des intérêts partisans qu’elle sous-ten-dait, cette QPC a au moins eu le mérite de mettre en lumière un archaïsme de notre droit électoral, que le prochain gouverne-ment sera probablement amené à réformer.

Rayan Nezzar

Le Conseil constitutionnel déboute Marine Le Pen sur la publicité des parrainagesLe Conseil constitutionnel a rendu, le 21 février 2012, une décision attendue sur la question de la publicité des parrainages pour l’élection présidentielle.

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Rubrique Etudiant(e)s

Le portrait du mois : MM. Duhamel et Morin

Actualités AMAP/AMAE

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Rencontre avec Pierre-Mathieu Duhamelet Denis Morin

Capucine Capon : Vous êtes tous les deux diplômés de Sciences po, quels souvenirs gardez-vous de cette institution ?

Pierre-Mathieu Duhamel : J’en garde de très bons souvenirs ! Même si Sciences Po s’ est beaucoup transformé et modernisé, je ressens toujours la même impression lorsque je traverse le hall d’ entrée. Rien n’a changé : ni les nuées d’étudiants envahissant la rue Saint-Guillaume, ni les cafés aux alentours.

Denis Morin : Pour ma part, j’ étais étudiant à HEC tout en étant à Sciences Po : je passais donc beaucoup de temps sur le campus de Jouy-en-Josas ou dans les transports, et finalement assez peu à Sciences Po ! Mais j’ en garde cependant le souvenir d’une grande ouverture d’esprit. C’ était un réel plaisir d’avoir des cours d’ « humanités », alors que les cours à HEC étaient très techniques.

P-M. D. : Cette grande ouverture d’ esprit était sans doute, déjà, l’un des atouts de Sciences Po. J’ai le souvenir d’avoir suivi un cours sur « la Guerre Froide vue dans la bande-dessinée » : cela ne m’ aura guère servi dans ma vie professionnelle, mais c’ était déjà la marque de Sciences Po de nous inciter à penser au-delà des sentiers battus. Je me souviens aussi d’excellents professeurs : Pierre Milza en cours de Relations internationales, ou encore Alain-Gérard Slama - qui enseigne toujours dans cette maison.

Amélie Roux : Après Sciences Po, vous êtes tous les deux entrés à l’ENA. Pourquoi avoir fait le choix du service public ? Gar-dez-vous des souvenirs particuliers de la scolarité à l’ENA ?

D. M. : J’ai toujours été plus attiré par l’univers du service public, qui sert à l’intérêt général et non au monde de l’entreprise. Après HEC et Sciences Po, comme plusieurs de mes camarades, l’entrée à l’ENA s’est présentée assez logiquement. J’ai cependant peu de souvenirs particuliers quant à la scolarité dispensée à l’ENA. Le classement de sortie était dans tous les esprits, aussi je me sou-viens surtout du stress de cette période.

C. C. : Et que pensez-vous du débat récurrent quant à la sup-pression du classement de sortie de l’ENA ?

P-M. D. : Nous sommes tous les deux d’avis que ce serait une erreur de supprimer ce classement sans réformer plus profondé-ment les conditions de sortie.

A. R. : M. Duhamel, vous avez été adjoint au maire de Bou-logne pendant six ans, et maire de Boulogne pendant un an : que vous a apporté cette expérience ?

P-M. D. : Cette expérience s’ est présentée assez naturellement pour moi. Mon père était élu municipal ; j’ai ainsi baigné dans l’ambiance de la vie politique locale dès mon plus jeune âge. Et,

de mon point de vue, le rôle du maire est passionnant : il permet d’avoir une emprise concrète sur les enjeux locaux, d’avoir un réel contact avec la population. Je ne souhaiterais exercer aucun autre mandat que celui de maire !

C. C : N’est-il pas difficile de confronter une culture adminis-trative technique aux vicissitudes politiques ?

P-M. D. : Au contraire ! La connaissance de la gestion publique et de l’ administration est une aide précieuse pour celui qui veut être maire. Cela permet de concilier de deux compétences, la dé-finition des politiques publiques d’une part, leur mise en œuvre d’autre part. En tant que haut fonctionnaire, on se demande sou-vent ce que l’on ferait à la place du décideur politique. Cette expé-rience m’a permis de dépasser le clivage entre administration et politique ; il s’agit alors d’ être à la disposition et à l’écoute de ses concitoyens, tout en ayant une fonction d’arbitrage entre les différents intérêts. A. R. : M. Morin, vous êtes actuellement rapporteur général de la formation interchambres de la Cour des comptes sur l’exécution du budget et des comptes de l’Etat. Pouvez-vous évoquer rapidement cette fonction ? Que pensez-vous de l’in-fluence croissante aujourd’hui de la Cour des comptes ?

D. M. : Ma fonction en tant que rapporteur général consiste à ani-mer sous l’autorité de son Président la formation interchambres permanente qui délibère sur toutes les productions de la Cour des comptes dans le domaine des finances publiques. C’ est une mission passionnante. Aujourd’hui, la Cour prend, en matière de finances publiques, de meilleures et de plus nombreuses déci-sions qu’il y a dix ans, notamment grâce à la LOLF et à la réforme constitutionnelle de 2008. Elle remplit bien son rôle de corps de contrôle indépendant, à tel point qu’elle est devenue un modèle dans l’Union européenne.

C. C : Y a-t-il une expérience au cours de votre vie profession-nelle qui vous a marqué plus que les autres ?

D. M. : Pour ma part, il s’agit de ma mission toute récente de di-recteur général de l’Agence Régionale de Santé en Rhône-Alpes. Après avoir passé beaucoup de temps en cabinet ministériel, cette expérience unique de terrain, avec la mise en œuvre d’une réforme attendue depuis longtemps, m’a procuré de grandes joies professionnelles. Je suis, il est vrai, un passionné de questions sociales.

P-M. D. : De mon côté, j’ai été marqué par mon poste de direc-teur général des douanes, très opérationnel, qui me mettait aux premières loges de la vie économique du pays dans son aspect légal comme dans sa forme illicite – la lutte contre la fraude ou

Pour ce nouveau numéro de la revue APE, nous avons rencontré Pierre-Mathieu Duhamel et Denis Morin, professeurs de finances publiques des étudiants du master Affaires publiques. Tous deux ont accepté de nous donner leur point de vue sur leur parcours professionnel, depuis Sciences po jusqu’aux postes les plus presti-gieux de l’administration.

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le crime organisé par exemple. C’était vraiment trépidant ! La fonction de Directeur du Budget m’a également passionné. On est vraiment sur le point de passage de toutes les décisions gou-vernementales. Le flux d’informations est exceptionnel et c’ est intellectuellement très enrichissant.

A. R : Vous enseignez les finances publiques à Sciences Po, que vous apporte l’enseignement ?

D. M. : Tout d’ abord, enseigner les finances publiques implique de formaliser sa pensée, afin de rendre claire et intelligible une matière complexe. Il s’agit également d’ être très à l’écoute de l’actualité quotidienne. Par ailleurs, même si le format du cours magistral s’y prête assez peu, l’ échange avec les étudiants est tou-jours très stimulant.

P-M. D.: J’ajouterai pour ma part que, n’ étant plus en contact quotidien avec les finances publiques, ce cours m’ oblige à entre-tenir mon stock de connaissances, à rester en prise sur les enjeux.

C. C. : Pourquoi avoir choisi d’enseigner dans un duo aux orientations politiques volontairement différentes ?

P-M. D.: Nous pensons que cela permet montrer à nos étudiants qu’il y a toujours un large choix de politiques publiques pos-sibles, bien qu’aujourd’hui le cadre budgétaire soit très restreint.

D. M. : Oui, et cela nous amène à parfois remettre en cause nos choix et nos orientations de cours. C’est également un format qui nous parait plus dynamique pour les étudiants. Parce qu’il faut bien le dire, c’est une matière qui peut sembler assez rébarbative.

C. C. : Avez-vous quelques conseils à donner aux étudiants de Sciences-Po pour la suite de leurs études ?

D. M. : Lorsque nous étions étudiants, Sciences Po était beau-coup moins tourné vers l’international. Aujourd’hui, toutes les filières sont ouvertes sur le monde et permettent de nombreux échanges. C’est une opportunité dont il faut profiter.

P-M. D. : C’ est vrai, quand j’y étais, Sciences Po était très « fran-co-français ». La compréhension et la connaissance concrète de l’Europe et du monde sont devenues indispensables.

C. C. : Et pour leur avenir professionnel ?

D. M. : Le service public ! C’ est un univers extrêmement varié, très stimulant sur le plan intellectuel et qui aborde dans la plu-part de ses domaines d’action des enjeux cruciaux.

P-M. D.: Oui, la fonction publique offre des horizons de carrières très différents et très intéressants. On peut y accéder rapidement à des responsabilités : c’est l’un des avantages du concours. Enfin, bien sûr si on n’a pas la fibre publique, il ne faut pas se forcer. De très belles opportunités existent également dans le secteur de l’audit, ou du conseil. L’important est de se connaître soi-même et de savoir où l’on veut aller.

A.R. : Pour finir, quelques questions sur vous… Quelles sont vos références littéraires ?

D. M. : J’apprécie beaucoup les livres d’histoire.

P-M. D.: Je suis également un grand lecteur de livres d’histoire.

Mais j’aime aussi les romans policiers. Récemment, j’ai lu la série des Enquêtes de Nicolas Le Floch’ de Jean-François Parot, qui réunit brillamment les deux genres.

C.C.: Avez-vous une cause qui vous tient particulièrement à cœur ?

D. M. : Je dirais l’ égalité. La France est aujourd’hui minée par des inégalités sociales, territoriales, qui souvent se cumulent, de sorte qu’une partie du pays caracole en tête, tient sa place dans la compétition internationale, tandis que d’autres territoires ou ca-tégories sociales peinent à suivre le mouvement ou sont déjà pré-carisés. En tant que directeur d’une Agence Régionale de Santé dans l’une des régions françaises les plus favorisées, cette fracture m’ est apparue encore plus béante et la lutte contre la précarité et les inégalités est certainement la cause politique majeure pour moi.

P-M. D.: Personnellement, l’éducation est la cause à laquelle j’ac-corde une grande importance. Cette question peut d’ailleurs être vue comme la racine des inégalités.

A. R.: Une figure politique qui vous inspire ?

P-M. D.: Aujourd’hui, je dirais Alain Juppé, qui est pour moi le plus grand homme d’État français du moment. Pour une figure plus historique, Richelieu.

D. M. : De mon côté, j’ai toujours du mal à dissocier la politique de l’ éthique. C’est pourquoi je suis frappé par des figures poli-tiques comme celles de Léon Blum ou Pierre Mendès France, bien qu’ils n’aient pu ni l’un ni l’autre inscrire leur action dans la durée.

C.C.: Le dernier film que vous avez vu ?

D. M. : Le film de Clint Eastwood sur J.Edgar Hoover.

P-M. D.: La Dame de Fer. Beaucoup ont critiqué le film dans sa volonté d’humaniser Margaret Thatcher, mais pour moi c’ est jus-tement son intérêt. Le film rend bien compte de cette personna-lité d’exception. Au fond, il me semble que c’est tout simplement une réflexion –réussie– sur la solitude de l’exercice du pouvoir.

Capucine Capon et Amélie Roux

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L’ année 2011-2012 s’ achève pour le master Affaires Publiques et il est l’heure de tirer un bilan de notre activité. Nous sommes fiers d’avoir été au service des étudiants et d’avoir eu la possibilité d’aider beaucoup d’entre vous dans votre développement univer-sitaire et professionnel. Pour l’AMAP, ces deux semestres universitaires furent particu-lièrement riches:

L’AMAP est devenue une association permanente inévitable pour l’administration et a notamment été la première association à signer sa convention de reconnaissance avec Sciences Po cette année.

Nous avons renforcé les liens avec les autres associations de mas-ters : nous travaillons désormais main dans la main avec l’AMAE et avons des relations continues avec les autres associations qui se sont notamment matérialisées lors la première soirée Master de l’histoire de Sciences Po.

Nos tables rondes-métiers ont été un grand succès cette année. Au total, ce sont 12 rencontres avec des professionnels, sur des sujets aussi variés que les concours administratifs, le mécénat culturel ou encore les métiers de l’ énergie, qui ont permis à cer-tains de découvrir plus concrètement les débouchés du master AP.

Les conférences ont franchi un nouveau cap, notamment par le biais de notre partenariat avec le Cercle Chersonèse. Les récep-tions d’ Anne Lauvergeon, Pierre Nora et Alaim Lambert reste-ront de riches moments.

Pour la première fois, la revue Affaires Publiques et Européennes va être imprimée à la hauteur de 100 exemplaires.

Enfin, la vie sociale du master n’ a pas été oubliée. Les deux pots de rentrée organisés au début de chaque semestre et les deux soi-rées ont connu un franc succès.

L’AMAP s’ est ainsi affirmée comme une association incontour-nable dans la vie du master. De nombreuses autres associations et projets collectifs nous contactent désormais afin de bénéficier de notre expérience et de notre organisation.

Les perspectives d’avenir sont plus prometteuses que jamais et nous avons donc besoin d’un investissement nouveau pour l’année 2012-2013. Ainsi l’équipe de l’AMAP sera entièrement renouvelée début septembre. Toutes les personnes du master Affaires Publiques souhaitant s’engager peuvent nous contacter dès maintenant en nous envoyant un message à [email protected].

Enfin, je tiens à féliciter toute l’équipe de la revue APE pour son travail formidable et tout particulièrement Sophie pour son dy-namisme!

Théophane de MonvallierPrésident de l’AMAP 2011-2012

Actualités de l’AMAP

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It’s been an intense beginning of the year for the new bureau AMAE. As a newly established official Sciences Po association, everything is still new and the admin is keeping us all busier than expected. Nevertheless, the incredible energy of this year’s pro-motion is energizing, with initiatives popping up literally eve-rywhere.

On top of our by-now established soirees around Paris (which featured last month a brave clubbing evening on a Friday which ended up being well successful despite the questionable rap-ping skills of the singer...), the AMAE has been proposing to its students a remarkable number of initiatives.

This year’s «projet associatif» on Belarus, the renowned ‘Belarus Project’, is organizing a staggering number of lectures, debates and roundtables to raise awareness on issues concerning the last dictatorship of Europe. If you want to know more about it, don’t forget to check out their website: belarus-project.eu .

Brand new are also the roundtables ‘Europagora’, which gather students of our masters around issues of common interest, on Europe and beyond, to discuss, share ideas, and why not, socia-lize in perfect Sciences-Po-geeks style. After an inspiring talk by the MEP Franziska Brantner and the annual conference of the Master within the framework of the «Etats Généraux de l’Eu-rope» (you can find the compte-rendu of the conference, «L’euro, bouc émissaire de la crise ?», published in Les Echos online), the AMAE is cooperating with Amnesty International Sciences Po for a roundtable on asylum seekers in Europe, and continuing with its flow of guests from Brussels, such as Antoine Colom-bani, young spokesperson for the Commissioner Almunia (com-petition).

Last, but not least, the projet associatif «Voyage du Master» has delivered a fantastic week-long trip to Brussels and Luxembourg in early March, featuring among other things visits to think tanks, institutions and consultancies, not to mention rivers of Belgian beer, an incredible Balkan night, unhealthy amounts of

Belgian fries and gauffres we are all still in the process of burning off, and just a wonderful, wonderful time for all- many thanks to the team which worked so hard to make it happen!

Don’t forget to follow us on Twitter (http://twitter.com/AMAE_SciencesPo) and Facebook (Amae Sciences Po) for the latest updates and for news about upcoming events, and don’t hesitate to contact us ([email protected]) for anything at all. New website coming up soon...

Anna Sciortino President of the AMAE 2011-2012

AMAE updates

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RemerciementsM. Diouf, secrétaire général de l’Organisation pour la Francophonie, pour avoir pris le temps de répondre à nos nombreuses ques-tionsM. Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères et professeur à Sciences Po, pour l’entretien accordé à Térence et Marin M. Lequiller, président de la commission européenne à l’Assemblée Nationale, pour l’entretien accordé à Aurélia et SophieM. Klossa, directeur du think tank «EuropaNova», qui a accepté de répondre à nos questions si rapidementMme Capelle Pogacean, chargée de recherche au Centre des Etudes et de Recherches Internationales (CERI) de Sciences Po, spécia-liste de la Hongrie et de la Roumanie, qui nous a accoré un entretien et fourni les informations afin d’écrire le dossier sur la HongrieM. Duhamel et M. Morin, qui ont accepté de nous raconter leurs parcours à Sciences PoThéophane Demonvallier et Anna Sciortino de l’AMAP et de l’AMAE pour leur soutien tout au long et l’année et particulièrement pendant ce deuxième semestreScarlett Jacquemont, responsable du service reprographie Sciences Po, sans laquelle cette revue n’aurait pas vu le jour en version papierAzim Akbaraly et toute l’équipe de la revue APE 2010-2011 pour leur soutien

ImpressumBenoît Carval (rédacteur, responsable relations externes), Térence Serbin (rédacteur, responsable relations internes), Capucine Ca-pon (rédactrice, responsable de la rubrique étudiante), Catherine Abou El Khair (rédactrice), Rayan Nezzar (rédacteur, responsable de la rubrique juridique), Marin Schaffner (rédacteur), Sophie Ranger (rédactrice, responsable communication), Aurélia Rambaud (rédactrice) Tristan Annoot (rédacteur), Amélie Roux (rédactrice), Alice Lala (trésorière, rédactrice) , Kimberley Botwright (rédac-trice), Sophie Pornschlegel (responsable de la revue)

Crédits PhotosTour Eiffel, How long is now, Bâteaux, Crépuscule, Carte du Monde, Champs Elysées, Méditerranée, Palmier, Commission euro-péenne, Parlement européen, Brandenburger Tor, Louvre, Turbo, 2012, Right, Le 27, Eglise, Pont-Neuf : Sophie PornschlegelM. Védrine , M. Diouf, MM. Duhamel et Morin, carte de la francophonie : libres de droits, caricature françafrique : www.etei-gnezvotreordinateur.com/la-francafrique/, Mme Ashton : dpa, http://www.merkur-online.de/nachrichten/politik/catherine-ash-ton-eu-aussenministerin-534982.html, Aide 1 : http://www.2011euchinayouth.eu/leading-way-development, Aide 2 : AFP/GettyDrapeaux hongrois : Bela Szandelszky/AP, http://www.guardian.co.uk/commentisfree/cifamerica/2010/aug/09/viktor-orban-hun-gary-imf, caricature Plantu : http://esbalogh.typepad.com/hungarianspectrum/2012/01/heroes-kings-saints-and-the-second-foun-der-of-the-hungarian-state.html?cid=6a00e009865ae5883301675ffcdc01970b, Orban : http://www.hu-lala.org/2012/01/09/vik-tor-orban-ou-la-revanche-de-la-%C2%AB-vraie-%C2%BB-hongrie/, Orban-Barroso : http://thecontrarianhungarian.wordpress.com/2011/12/21/barrosos-letter-to-viktor-orban/, Industrie 1 : http://www.delta-si.fr/references/par-secteurs-d-activites/catego-ry-27-industrie.html, Industrie 2 : http://www.photo-fotos.com/picture.php?/556/category/31, M. Klossa : http://finances.fr.msn.com/enquetes/economie/happy-birthday-mister-euro-malgr%C3%A9-tout?page=6#fbid=ez9eT59G0z7, M. Lefort : http://www.constellationsjournal.org/2011/01/claude-lefort-memorial.html, La Péniche : http://forum-scpo.com/forum-scpo/topic10638-a-quoi-ressemble-une-journee-typique-a-sciences-po-paris.html

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Le prochain numéro de la revue APE paraîtra au cours de l’année scolaire 2012/2013 sur le site www.revueape.fr et en version papier disponible à Sciences Po

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