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DigitalResources SIL eBook 67 Cognition et apprentissage Revue de la littérature scientifique relative notamment aux minorités ethnolinguistiques Patricia M. Davis

Revue de la littérature scientifique relative …...Patricia M. Davis 1 Introduction: Survol des théories de l’apprentissage Pendant des siècles, les intellectuels ont réfléchi

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DigitalResources SIL eBook 67

Cognition et apprentissageRevue de la littérature scientifique relative notamment aux minorités ethnolinguistiques

Patricia M. Davis

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Cognition et apprentissage

Revue de la littérature scientifique relative notamment aux minorités ethnolinguistiques

Patricia M. Davis

SIL International®

2017

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SIL e-book 67

© 2017 SIL International

ISSN: 1934-2470

Édition préliminaire, 1991; deuxième edition, 2014; traduction française, 2017

Traduction française du Cognition and Learning: A Review of the Literature

with Reference to Ethnolinguistic Minorities, première edition 1991

Nous remercions l'équipe de traducteurs bénévoles du S.T.A.F. (Service de Traduction Anglais-Français)

Illustrations : Sean Scott Usage conforme à la politique d'utilisation équitable : Les ouvrages publiés sur SIL e-Books (SILEB) sont destinés aux recherches universitaires et à l’enseignement. On peut en reproduire des extraits, gratuitement et sans autorisation, à des fins de recherche ou d’enseignement, sous réserve de respecter l’usage loyal. En revanche, il est formellement interdit de rééditer ou de faire un usage commercial des SILEB ou des documents de ce site sans le consentement écrit du ou des détenteurs du droit d’auteur.

Redacteur-en-chief Eric Kindberg

Directeur de publication

Becky Quick

Services de production Lois Gourley, Director

Margaret González Bonnie Waswick Barbara Alber

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Table des matières

Préface Remerciements Introduction : Survol des théories de l’apprentissage

Quelques définitions Quelques importantes théories de l’apprentissage émises au 20ème siècle Limites de cet ouvrage Intérêt de cette étude

Chapitre 1 : Les théories développementales Introduction La programmation génétique La théorie de Piaget

Les stades du développement humain selon Piaget Le stade des opérations concrètes Le stade des opérations formelles

Applications dans les sociétés occidentales Applications aux minorités ethnolinguistiques Les équilibrations successives Les conséquences pédagogiques Application

Chapitre 2 : Le behaviorisme Les principaux thèmes behavioristes L’utilité de cette théorie pour l’enseignement Les réactions Application

Chapitre 3 : Les théories du traitement de l’information Introduction Les idées fondamentales L’apprentissage passif – David P. Ausubel L’importance d’un apprentissage qui a du sens

Les concepts intégrateurs La leçon : le stockage des informations et leur rappel Une aide pour les pédagogues Application La théorie des schémas – Richard C. Anderson

Le concept de schéma Des conséquences importantes Application

Le traitement de l’information - Robert Gagné La séquence des processus internes selon Gagné La hiérarchie des connaissances L’importance du concept de hiérarchie Les catégories d’apprentissage La conception d’un enseignement permettant d’améliorer l’apprentissage

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Application La Théorie de l’Apprentissage Social – Albert Bandura

Condensé de la théorie de Bandura La contagion de l’exemple Les catégories de modèles La façon efficace de montrer l’exemple Le renforcement L’auto évaluation et le choix des amis L’évitement du sentiment de culpabilité

Les mécanismes qui impliquent la restructuration cognitive Les mécanismes qui voilent ou dénaturent la relation entre actions et effets. Les mécanismes qui déshumanisent la victime Les mécanismes qui déplacent la responsabilité

Conseils pour les enseignants Application

Chapitre 4 : Les styles d’apprentissage et les méthodes d’enseignement Introduction

Quelques mots sur la terminologie L’evolution des recherches

Des tests fiables La définition que Witkin donne des styles cognitifs

Les caractéristiques dominantes La différenciation psychologique Les variations culturelles et sociales

Les caractéristiques du groupe Les facteurs déterminants L’aptitude à se développer

Les styles d’apprentissage et L’éducabilité Tests de Quotient Intellectuel (Q.I.) La discrimination scolaire Les domaines d’apprentissage affectés

Le contenu social Le renforcement L’organisation L’acquisition de concepts La saillance des indices

Les rôles attendus des adultes et des enfants Quelques autres styles d’apprentissage La prédominance d’un hémisphère

En classe Les caractéristiques des élèves Un exemple de classe holistique. Les techniques pédagogiques holistiques

Enseignement et stratégies d’apprentissage IC/ID Plan d’un cours holistique

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La formation des enseignants L’organisation et l’évaluation du cursus

Le développement bicognitif Considérations supplémentaires

Mises en garde Application

Chapitre 5 : La théorie du constructivisme social Introduction

Les concepts fondamentaux L’idée maîtresse du raisonnement de Vygotsky Le discours intérieur Les limites du constructivisme social La zone de proche développement Les conséquences

Application Appendice A : Exemple d’un concept intégrateur

Le concept d’époque Contexte La structure cognitive préexistante Le concept intégrateur : objectif comportemental visé Le concept intégrateur : (de type comparatif) Le concept intégrateur en tant que concept Le contenu de la leçon Analyse Conclusion

Appendice B : Autres Sources Complémentaires Enseignement et évaluation des apprenants holistiques Les stratégies d’enseignement holistiques Le développement bicognitif Lectures complementaires en francais

References bibliographiques

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Préface

Dans cet ouvrage, l’auteur passe en revue la littérature scientifique sur la cognition et l’apprentissage, notamment en ce qui concerne les minorités ethnolinguistiques. Le chapitre 1 porte sur les théories développementales, le chapitre 2 résume le behaviorisme, le chapitre 3 examine les théories du traitement de l’information, le chapitre 4 expose les différents styles d’apprentissage, en particulier le style global ou holistique. Pour finir, le chapitre 5 examine les bases de la théorie du constructivisme social.

La bibliographie citée, même si elle n’est pas exhaustive, réunit les principales références parues sur le sujet jusqu’en 1991, ainsi que quelques ouvrages plus récents. Les traducteurs se sont permis d’ajouter, pour le lecteur francophone, une liste complémentaire d’ouvrages en français, non cités dans le texte anglais. Afin de présenter avec le plus d’exactitude possible le point de vue des auteurs mentionnés, nous nous sommes efforcés de trouver les textes source et de les citer. Les recherches entreprises pour cet ouvrage ont été, à l’origine, menées à une époque où les pédagogues s’intéressaient particulièrement au traitement de l’information et aux styles d’apprentissage. Leurs découvertes ont posé les bases de la plupart des pratiques pédagogiques actuelles.

Ce livre, en tant qu’étude longitudinale, retrace comment la pensée actuelle en matière de cognition et d’apprentissage s’est construite. Il contient également une multitude d’idées pour les pédagogues confrontés aux difficultés propres aux classes dans d’autres cultures que la leur. À notre connaissance, c’est le seul livre qui réunit ces informations en un seul volume.

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Remerciements

Je remercie le Professeur Mark Seng de l’Université du Texas à Austin pour m’avoir initiée à la psychologie de l’éducation. Le Professeur Gary McKenzie, de la même université, m’a aimablement permis d'écrire le chapitre 1 dans le cadre d’un travail demandé dans son cours, puis a gracieusement pris le temps de me faire part de ses remarques.

Je suis très reconnaissante à Earle et Dorothy Bowen, Beth Graham, Steven Harris, Judith Lingenfelter, Atilano Valencia, ainsi qu’à divers éditeurs et collègues de SIL International, qui ont consenti à ce que je cite de longs extraits de leurs ouvrages au chapitre 4.

Je remercie également les Dr Olive Shell et Diane Schallert qui ont donné de leur temps pour relire mon manuscrit et le commenter. Je remercie les Dr Manuel Ramírez III, Dolores Cardenas et Judith Lingenfelter pour leurs commentaires, ainsi que ma collègue Diane Quigley pour son aide concernant les références bibliographiques. Je remercie Mary Ruth Wise et le personnel de SIL International en charge des publications pour leur assistance éditoriale. Stephen Walter m’a aidée à la fin en informatique pour la première édition tandis que Sean Scott ont généreusement fait des illustrations utiles.

À chacun, j’adresse un sincère merci. Nous remercions l'équipe de traducteurs bénévoles du S.T.A.F (Service de

Traduction Anglais-Français), Wycliffe France, 25 rue de l'Isle, 26000 Valence (France) Patricia M. Davis

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Introduction:

Survol des théories de l’apprentissage

Pendant des siècles, les intellectuels ont réfléchi aux mystères de la cognition humaine et ont cherché à comprendre comment les êtres humains acquièrent des connaissances et s’en servent. Parmi les recherches entreprises en Occident durant ces 100 dernières années, il y a deux éléments qui sont particulièrement utiles dans notre étude : les constantes universelles et les variations culturelles. Peu à peu et non sans hésitations, il a été compilé un corpus d’informations qui enrichit notre connaissance et fait l’objet d’applications importantes pour ceux qui enseignent des élèves d’autres cultures que la leur.

Quelques définitions

Dans cette étude, nous présentons des informations émanant du champ de la psychologie de l’éducation. La psychologie est l’étude du comportement de l’être humain et de la façon dont il acquiert une expérience (Lefrancois, 1988, p. 4). La psychologie de l’éducation traite donc du comportement et de l’expérience dans le contexte de l’enseignement et de l’apprentissage.

Les théories de l’apprentissage font partie de la psychologie générale. L’apprentissage se définit comme un changement de comportement suite à l’expérience (Lefrancois, 1988, p. 11). Les théoriciens de l’apprentissage cherchent à expliquer, à prédire et à influencer la part du comportement liée à l’acquisition de connaissances.

Selon Lefrancois (1988, p. 7), deux métaphores, ou deux modèles, représentent en grande partie la façon dont les principaux psychologues considèrent l’être humain : 1) Le modèle mécaniste envisage l’être humain comme comparable, de bien des

manières, à une machine. On peut prédire son comportement et ses réponses sont fortement influencées par l’environnement.

2) Le modèle organiciste considère les êtres humains comme ressemblant plutôt à des organismes dynamiques, actifs, curieux, qui sont gouvernés plus par des forces internes que par des stimulations externes. (Lefrancois, 1988, p. 7) La cognition, selon le Trésor Informatisé de la langue française, dérive du latin

cognitio, « action de connaître ». Ce terme désigne l’acte et le processus amenant à la connaissance. Il inclut aussi les niveaux de conscience et de jugement ainsi que le résultat de l’acte de connaître. La cognition est inextricablement liée à l’apprentissage. À mesure que les êtres humains font de nouvelles expériences, ils acquièrent de nouvelles connaissances. Quand celles-ci modifient le comportement, nous disons qu’ils ont appris par l’expérience.

La cognition est également liée à la connaissance, définie par le Trésor Informatisé de la langue française comme « action ou fait d’apprendre quelque chose par l’étude et (ou bien) la pratique » ainsi que comme « résultat de cette action ou de ce fait : compétence en quelque chose, expérience de quelque chose, connaissance ou savoir acquis(e) ». Par conséquent, quand nous percevons une nouvelle information et la mémorisons, elle s’ajoute à nos connaissances.

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Quelques importantes théories de l’apprentissage émises au 20ème siècle

Cette chronologie récapitule l’évolution des théories de l’apprentissage.

Au 20ème siècle, les premiers théoriciens de l’apprentissage ont vu l’apprentissage sous l’angle du développement (ex. Baldwin 1894 ; Hall 1917, 1920). Par la suite, Jean Piaget a poussé plus loin leurs conceptions et les a précisées. Les théoriciens des théories développementales affirment que la faculté de raisonnement d’un individu (sa capacité de comprendre, d’inférer, de réfléchir et donc d’apprendre) s’accroît à mesure que le calendrier génétique permet une maturation du cerveau. Par la suite, d’autres théories de l’apprentissage, dérivant des modèles mécanistes et des modèles organicistes, ont été proposées.

C’est ainsi que du modèle mécaniste découle le behaviorisme, également connu sous le nom d’apprentissage par stimulus-réponse. Cette approche a été rendue célèbre par Thorndike, Pavlov, J. B. Watson et Skinner. Elle a prédominé en Occident des années 1930 aux années 1960. Elle a été, au début, le fondement de l’enseignement assisté par ordinateur.

Les théories du traitement de l’information, qui prédominent chez les psychologues de l’éducation depuis les années 1960, découlent, elles, du modèle organiciste. Celui-ci porte sur la manière dont le cerveau traite l’information et a servi à bâtir toutes ces

Théories développementales 1900___Baldwin___Hall___Levinson___Erickson__Piaget___________________________________________

La faculté de raisonnement s’accroît à mesure que le calendrier génétique permet au cerveau de se développer.

Behaviorisme Début des années 1900_Pavlov___Thorndike___Watson___Skinner________________________ Comprendre et contrôler les comportements élémentaires au moyen de séquences stimulus-réponse.

Théories des styles d’apprentissage Les années 1940_Witkin, Cohen, Kolb, Kogan, Myers-Briggs_____________ Comprendre de quelles manières les gens préfèrent apprendre.

Théories du traitement de l’information Les années 1950___Ausubel___R.C. Anderson___Gagné___________________________ Comment le cerveau traite l’information.

Théorie de l’apprentissage social Les années 1960_____________Bandura____________________________________ Apprendre en imitant des exemples et des modèles.

Théorie du Constructivisme social Les années 1980___Vygotsky_________________________________________ Apprendre par le dialogue.

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théories et ces modèles. Les psychologues de l’éducation issus du courant « traitement de l’information », tout en travaillant chacun de leur côté, ont utilisé les contributions des uns et des autres et, donc, leurs théories se recoupent. Dans ce tour d’horizon, nous allons présenter quelques-uns des concepts les plus importants, à peu près dans l’ordre chronologique selon lequel ils ont été développés.

Les théories des styles d’apprentissage existent parallèlement aux autres théories, depuis les années 1940. Elles aident les enseignants à comprendre quel est le style d’apprentissage que leurs élèves préfèrent et à l’employer.

Un modèle à part, appelé : théorie de l’apprentissage social, a été proposé par Albert Bandura. Cette théorie décrit comment la plupart de nos apprentissages les plus importants se font par l’observation de comportements modèles. Bandura met l’accent sur le rôle important du comportement modèle pour que l’enseignement et l’apprentissage soient bons.

Depuis les années 1980, la théorie du constructivisme social, proposée d’abord par le psychologue russe Lev Vygotsky, est largement acceptée par les pédagogues occidentaux. Le constructivisme social considère que toute connaissance se construit socialement. Ce que Vygotsky veut dire par là, c’est que l’apprentissage a lieu par le dialogue avec les autres et que les individus améliorent leur compréhension en échangeant des idées et en discutant des informations. Pour Vygotsky, la parole aide la pensée, non l’inverse.

Limites de cet ouvrage

Chaque théorie de l’apprentissage contient des idées importantes pour les enseignants et les parents. Cependant, les principales théories sont très riches et il est impossible de tout dire sur elles dans ce bref survol. Nous avons donc choisi les éléments importants pour l’enseignement à des élèves d’autres cultures. En faisant cela, nous réduisons la charge informative à des proportions gérables, mais courons le risque de déformer la pensée des théoriciens ou de la détailler insuffisamment. C’est pourquoi, même si nous nous sommes efforcés de présenter avec exactitude chaque idée, nous invitons les lecteurs à étudier les textes source indiqués dans les références.

Les références citées dans ces chapitres ne sont pas exhaustives. On peut trouver dans n’importe quel manuel de psychologie ou de développement personnel des informations sur ces mêmes sujets. Nous avons, cependant, fait l’effort de citer les textes source et les autorités en la matière afin que les lecteurs aient accès aux informations originelles.

Lorsqu’on écrit un livre de cette nature, on se demande comment désigner les groupes ethnolinguistiques, notamment parce qu’au fil des ans les termes considérés comme acceptables deviennent péjoratifs. Dans cet ouvrage, j’ai pris en considération la façon dont les populations autochtones parlent d’elles-mêmes et j’ai alterné entre « Amérindiens », « minorité ethnolinguistique », « groupe ethnolinguistique », « société minoritaire », « minorité ethnique », « minorité », « population », « autochtone » et « Aborigène », en m’efforçant toujours d’utiliser ces termes avec respect. Le mot « communauté » n’a pas été employé, car, en Europe, il a de plus en plus une connotation très négative, surtout dans le contexte séculier.

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Intérêt de cette étude

Comprendre les principes présentés ici permettra d’appliquer des principes pédagogiques efficaces lors de l’enseignement d’une matière, même dans une autre culture que la sienne.

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Chapitre 1

Les théories développementales

Introduction

Les théories développementales de l’apprentissage considèrent que les tâches que l’individu peut accomplir sont apprises au fur et à mesure de son développement mental, émotionnel et physique. Ce processus de maturation se déroule lentement et en continu, mais il est souvent décrit, par commodité, comme une progression par stades.

De nombreuses personnes ont contribué aux études développementales. Voici quelques exemples.

Certains théoriciens développementaux, comme le psychologue américain Levinson (Levinson, 1978, p. 57 ; Dacey, 1982, p. 74–79 ; New Encylopaedia Britannica, 1988, p. 721), classent les stades dans l’ordre chronologique : stade pré-adulte (de la naissance à 22 ans), stade jeune adulte (de 17 à 45 ans), stade adulte intermédiaire (de 40 à 65 ans), stade adulte avancé (de 60 à 85 ans), stade adulte très avancé (après 80 ans). La transition d’un stade à l’autre dure quelques années pendant lesquelles les deux stades coexistent.

Le psychanalyste Erick Erickson (1978, p. 25 ; Dacey, 1982, p. 38–55) décrit le cycle de la vie sous forme de huit stades caractérisés par leurs exigences psychosociales. Un stade est une période et, à chaque stade, la personne doit faire face à une « crise », c'est-à-dire une tâche décisive pour son développement psychologique. Par exemple, ses besoins internes et les exigences de la société l'obligent à prendre une décision et une nouvelle direction. L’individu doit résoudre la tâche correspondant à chaque stade afin de réussir à aborder le suivant (Dacey, 1982, p. 39). Ceux qui sont en mesure d’accomplir les différentes activités caractéristiques des stades du développement obtiennent les résultats attendus et mènent une vie plus épanouie.

Stade Période et âge

Crise psychosociale

Attentes

1. Nourrisson 0–1 1/2 ans

Confiance / Méfiance

Sécurité et optimisme ; espérance, capacité à faire confiance

2. Petite enfance 1–1/2–3 ans

Autonomie / honte et doute

Volonté propre ; confiance en soi

3. Âge du jeu 3–5 ans

Initiative / culpabilité

Détermination ; initiative

4. Âge scolaire 5–12 ans

Travail / infériorité

Motivation ; capacité à prendre l’initiative et à mener à bien une tâche

5. Adolescence 12–18 ans

Identité et rejet Fidélité ; bonne intégration / trouble identitaire

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6. Jeune adulte l8–25 ans

Intimité et solidarité / isolement

Amour ; capacité à entretenir des relations intimes

7. Adulte 25–65 ans

Générativité / égocentrisme et stagnation

Attention (soins aux autres) ; utilité pour soi et pour la société

8. Vieillissement 65+

Intégrité personnelle/ désespoir

Sagesse ; sentiment d’intégrité personnelle ; satisfaction de ce qu’on a fait dans la vie

(d’après Erickson, 1978, p. 25)

La programmation génétique

Les toutes premières recherches sur le sujet ont été menées par les psychologues américains James Mark Baldwin et G. Stanley Hall. Baldwin propose une théorie décrivant le développement de l’enfant sous forme de stades qu’il appelle « réactions circulaires », « accommodation » et « adaptation » (Baldwin, 1894 ; Dworetzky, 1987, p. 226). Hall postule que les stades de développement du cerveau humain ont une origine génétique (1917, p. 1–6, 234–237 ; 1920, p. 7–18, p. 449–454). Ces stades sont1 : • Le stade « simiesque », où le sujet ne peut pas comprendre des idées abstraites mais

apprend par récompense et punition ; • Le stade « sauvage », où le sujet ne peut pas comprendre d’idée abstraite mais

apprend par l’exemple et l’imitation ; • Le stade « rationnel », où le sujet peut comprendre des idées abstraites et est

capable d’apprendre par la découverte. Hall a orienté ses recherches vers l’expérience commune (par exemple « c’est quoi

les nuages ? ») plutôt que vers la connaissance scolaire. Comme il pensait que le développement mental pouvait être entravé si on le forçait prématurément, il recommande donc de n’enseigner les grandes idées qu’à partir de l’adolescence, moment où, selon sa théorie, les gènes et l’instinct naturel auraient automatiquement développé chez les élèves des facultés de raisonnement supérieures. Ces points de vue rejoignent l’enseignement de Darwin sur l’évolution physique et sociale.

Les théories de la programmation génétique et de l’évolution sociale ont fait l’objet d’un vif intérêt lors de la découverte des Aborigènes d’Australie. Saisissant l’occasion d’une recherche interculturelle, une expédition est partie pour le détroit de Torres (Rivers, 1901). Là, les chercheurs ont interprété « l’absence, chez les Aborigènes, de possessions matérielles, comme un signe d’appauvrissement culturel (avec son 1 Hall s’est inspiré de la façon de penser en vigueur à son époque pour choisir le nom de ces stades.

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inévitable corollaire, l’infériorité intellectuelle) au lieu de la considérer comme le résultat voulu d’une bonne adaptation des chasseurs-cueilleurs » (Klich et Davidson, 1984, p. 157).

Cette interprétation négative semblait en effet ne pas tenir compte du tout de ce que : (1) aux tests de River en 1901, les Aborigènes ont parfois eu des scores supérieurs aux autres insulaires d’origine non aborigène ; (2) d’autres chercheurs ont observé chez les Aborigènes des compétences peu communes pour pister les animaux et les chasser (Klich et Davidson 1984, p. 158–59) ; (3) l’anthropologue Lévi Strauss, étudiant l’organisation familiale des Aborigènes, constate qu’elle est « tellement en avance sur le reste de l’humanité que, pour comprendre le système complexe de règles qu’ils ont élaboré, nous devons avoir recours à tous les raffinements des mathématiques modernes » (cité dans Franklin, 1976, p. 9). En accord avec la théorie de Hall, on considérait qu’il était probable que le développement intellectuel des Aborigènes se soit définitivement arrêté. « L’attention que le sauvage porte de préférence aux choses concrètes qui l’entourent pourrait constituer un obstacle à un plus grand développement mental. » (Rivers, 1901, p. 45). De même, Porteus (1933, p. 32) émet l’idée que les Aborigènes souffraient probablement d’« un développement plus lent pendant toute la période de croissance ou, ce qui est plus plausible, un arrêt de la croissance de leur cerveau plus précoce que chez les Européens ».

Ces conclusions apparaissent injustifiées au vu des résultats de certains tests de Porteus lui-même, au cours desquels certains Aborigènes ont égalé leurs pairs occidentaux (1931, p. 401). Porteus conclut néanmoins qu’« une race dite primitive comme celle des Australiens peut être très bien adaptée à son environnement et doit donc être considérée comme intelligente. Mais en même temps, il est sûr qu’ils ne s’adaptent pas à un environnement civilisé. » (1931, p. 376).

La théorie de Piaget

Recherchant des informations plus précises sur les sociétés non occidentales minoritaires, les chercheurs ont commencé à orienter leurs études en utilisant le modèle de développement cognitif de Jean Piaget. Piaget était un brillant universitaire suisse qui, à vingt-deux ans, a obtenu un doctorat en sciences naturelles (zoologie) et, à trente ans, a publié environ vingt-cinq articles sur les mollusques et sur des sujets connexes. (Lefrancois, 1988, p. 180). Il a aussi étudié la psychologie, la psychopathologie, la logique et l’épistémologie (l’étude de la nature des connaissances).

En 1920, il travaille, au laboratoire de Binet à Paris, sur la standardisation de certains tests mentaux en collaboration avec Théodore Simon, co-inventeur avec Alfred Binet du test d’intelligence pour les enfants qui porte leur nom. Dans son approche de ce travail, Piaget est influencé par les publications de Baldwin et par sa formation à l’observation et à la description biologiques (Dworetzky, 1987). Il est fasciné de découvrir que des enfants du même âge donnent souvent les mêmes réponses incorrectes aux questions, et il se met à examiner la manière dont la pensée se construit chez les enfants et en quoi ceux-ci perçoivent le monde différemment au cours des différents stades de leur développement. Ses recherches reposent sur deux problématiques : (1) quelles caractéristiques permettent aux enfants de s’adapter à leur environnement ? (2) quelle est la façon la plus simple, la plus juste et la plus utile pour

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classifier le développement de l’enfant ? (Lefrancois, 1988, p. 180). Pour Piaget, tout développement humain est une adaptation à l’environnement et celle-ci est rendue possible par l’assimilation (utilisation d’une réponse déjà acquise) ou par l’accommodation (modification d’une réponse pour satisfaire le nouveau besoin).

Comme le but de Piaget était de découvrir les principes universels régissant le développement, ses recherches ont porté sur l’expérience commune et non sur les connaissances scolaires, car cela aurait pu fausser les résultats. Son questionnement a pris la forme d’entretiens portant sur des choses concrètes. Finalement, il a proposé une théorie puissante, aux facettes multiples, qui traite de l’intelligence et de la perception (Piaget, 1972a ; Hunt, 1961 ; Seagrim et Lendon, 1980), et qu’il est difficile de résumer sans la déformer ni en donner une vision simpliste (Flavell 1977, p. 6). Elle relie sa conception de l’intelligence, prise comme produit de l’adaptation biologique, à des questions théoriques d’épistémologie2. Elle est unique dans la littérature scientifique de l’époque.

La contribution de Piaget, d’après l’Academic American Encyclopedia (1986, p. 287–288), concerne quatre grands domaines : (1) Les stades généraux du développement intellectuel, depuis la naissance jusqu’à l’âge adulte (ex. Piaget 1972a ; Ginsburg et Opper, 1979) ; (2) L’étude du développement de la perception (ex. Piaget, 1976) ; (3) La façon dont l’enfant parvient à comprendre des concepts scientifiques tels que le temps et l’espace (ex. Piaget, 1954) ; (4) Les questions d’épistémologie théorique (ex. Piaget, 1971). Au passage, il aborde la plupart des facettes du fonctionnement humain : le langage (1926), la causalité (1930), le temps (1946a), la vélocité (1946b), le mouvement (l946b), le jugement et le raisonnement (1928), la logique (1957b), le nombre (1952 ; Piaget et al., 1981), le jeu (1951), l’imitation (1951), la physique (1957a). (Lefrancois, 1988, p. 179)

Les ouvrages de Piaget sont ardus. Il est plus facile de lire ce qu’en disent des auteurs tels que Ginsburg et Opper (1979). Quoiqu’il en soit, bien que Piaget ait commencé par être un biologiste et un naturaliste, ses écrits (plus de 50 livres) ont profondément marqué la psychologie développementale contemporaine. Selon Lefrancois, Piaget est « sur le plan mondial le chercheur le plus prolifique et le plus influent en matière de développement de l’enfant » (1988, p. 180).

Les stades du développement humain selon Piaget

Piaget est surtout connu pour sa classification du développement cognitif en quatre stades très détaillés et comprenant de nombreuses subdivisions. En voici un bref résumé (d’après Dworetzky, 1987, p. 228 ; Lefrancois, 1988, p. 184) : 1. Le stade sensorimoteur (0 à 2 ans) où l’apprentissage consiste à étendre les

systèmes sensoriel et musculaire. Il se subdivise principalement en : 1er stade (0 à 1 mois) : activité réflexe ; 2ème stade (1 à 4 mois) : exploration de soi ;

2 Épistémologie : étude de la nature des connaissances.

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3ème stade (4 à 8 mois) : coordination et ouverture vers l’extérieur ; 4ème stade (8 à 12 mois) : comportement intentionnel ; 5ème stade (12 à 18 mois) : expérimentation ; 6ème stade (18 à 24 mois) : combinaisons mentales et résolution de problèmes.

2. Le stade préopératoire (2 à 7 ans) où l’apprentissage est censé se faire par l’expérimentation, principalement avec des objets. Cette période comporte deux parties :

Le stade pré-conceptuel (2 à 4 ans) : émergence d’idées, encore générales et mal formées ; développement des fonctions symboliques comme l’acquisition du langage ; raisonnement transductif et syncrétique, animisme (considérer les choses et les phénomènes comme étant vivants) ;

Le stade intuitif (4 à 7 ans) : l’enfant tend à se concentrer sur un aspect à la fois ; il aboutit à des conclusions intuitives ; l’égocentrisme (l’enfant voit tout à partir de lui-même et croit que les autres voient la situation de son point de vue à lui) ; l’animisme continue.

3. Le stade des opérations concrètes (7 à 11 ans) où la compréhension est liée à l’expérience, mais où un certain symbolisme interne commence à être utilisé. L’enfant applique des opérations logiques à des problèmes concrets et comprend les nombres. Il a acquis la conservation du nombre, de la longueur, de la masse, de la surface ou du volume (ex. même si la forme d’une boule de pâte change, il sait que la quantité ou le poids sont invariables). Il construit également progressivement les concepts de réversibilité, de sériation et de classification.

4. Le stade des opérations formelles (à partir de 12 ans) où l’apprentissage est fortement internalisé, symbolique et relativement détaché de l’expérience directe, de sorte que le raisonnement hypothétique devient possible et avec lui la généralisation, l’idéalisme et le raisonnement moral. À ce stade, les sujets peuvent résoudre des problèmes hypothétiques, faire des déductions complexes, tester des hypothèses qu’ils ont avancées. Ils peuvent aussi analyser la validité de différents modes de raisonnement, ce qui est alors le fondement de la recherche scientifique3.

Les pédagogues tenant de l’école piagétienne pensent que l’enseignement doit être adapté à l’âge et à la capacité mentale de l’enfant. Il ne faudrait donc pas, selon eux, présenter d’informations abstraites à des enfants tant qu’ils n’ont pas atteint le stade 11–15 ans, leur cerveau n’étant pas suffisamment développé pour les traiter. De nos jours, les pédagogues ne sont pas complètement d’accord avec cette idée. Les théoriciens développementalistes ont néanmoins sensibilisé les enseignants à la nécessité de prendre en compte l’âge des élèves lors de la préparation des leçons.

3 Piaget, 1972b, 1932 ; Dworetzky, 1987, p. 228 ; Lefrancois, 1988, p. 184–195 http://www.britannica.com/EBchecked/topic/459096/Jean-Piaget Accédé October 23, 2013.

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Les descriptions que Piaget fait des processus de maturation intellectuelle de l’enfant sont importantes pour les parents et pour les pédagogues. Nous nous concentrons ici sur le 3ème et le 4ème stade, car ils concernent les enfants d’âge scolaire et parce que, dans les systèmes scolaires de type occidental, la maîtrise des opérations formelles joue un rôle très important dans l’apprentissage.

La théorie piagétienne est différente de la programmation génétique de Hall. Pour Piaget, les enfants intègrent les informations à une structure cognitive existante, jusqu’à ce que le concept soit si bien établi qu’il permet de nouvelles formes de raisonnement. Piaget attribue donc la pensée à la connaissance, non à la génétique, et considère l’intelligence comme un processus en constante évolution fait d’interactions et d’adaptations à l’environnement. Le développement intellectuel aboutit à des changements de comportement (Lefrancois 1988, p. 182). Pour désigner les qualités intellectuelles qui gouvernent le comportement, il utilise la métaphore de « structure cognitive » (Lefrancois 1988, p. 183).

Dès 1966, Piaget (1974) a traité de la nécessité de faire des recherches interculturelles en psychologie génétique et certains chercheurs ont jugé important de se demander si les mêmes stades de développement observés dans les sociétés occidentales se retrouvent parmi les minorités ethnolinguistiques. Voici quelques exemples d’études menées pour tester les stades des opérations concrètes et des opérations formelles, qui sont les deux stades les plus pertinents pour l’enseignement.

Le stade des opérations concrètes

Entre 1959 et 1969, un certain nombre d’études se sont intéressées aux compétences entrant en jeu dans la capacité d’un sujet à considérer que le poids et la quantité se conservent, c’est à dire à reconnaître qu’une masse reste toujours la même en dépit de la variation de sa forme et de sa taille. Heron et Simonsson (1974, p. 335) donnent la liste des sept études les plus connues sur la conservation de la masse : à Aden : Hyde, 1959 ; au Nigeria : Price-Williams, 1961 ; à Hong Kong : Goodnow, 1962 ; au Sénégal : Greenfield, 1966 ; chez les Aborigènes d’Australie : de Lemos, 1969 ; en Papouasie Nouvelle Guinée : Prince, 1968 ; en Jamaïque et chez les Esquimaux canadiens et indiens : Vernon, 1969.

Le concept de conservation a suscité l’intérêt parce qu’il est proche des opérations formelles, le plus haut niveau de développement cognitif dans le schéma piagétien. On l’évalue en versant de l’eau dans des récipients de formes différentes ou en modifiant la forme d’une même boule d’argile. Les résultats des études menées durant cette période ont été très variés et certains des chercheurs, conscients que les variables culturelles non identifiées pouvaient influencer leurs constatations, ont exprimé des réserves sur la validité des résultats. Greenfield et Burner (1966, p. 94), par exemple, ont signalé que les enfants wolof du Sénégal devaient verser l’eau eux-mêmes pour éliminer la suspicion de « pratiques magiques » qui expliqueraient l’apparente inégalité des quantités d’eau dans leurs gobelets.

Dans une recherche de nature différente, de Lacey, faisant le compte-rendu d’une étude publiée pour la première fois en 1970, cherche à établir si l’aptitude classificatoire est liée à l’environnement. Il compare des enfants aborigènes d’Australie avec des enfants australiens d’origine européenne. Chez les Aborigènes, il remarque

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que « l’aptitude classificatoire est toujours directement et proportionnellement liée au contact avec les Européens et leur technologie » (1974, p. 363).

Bovet (1974, p. 313–334) signale des sujets faisant preuve de compétences cognitives intermédiaires. Elle émet l’hypothèse que le raisonnement serait meilleur pour des concepts associés à des activités fréquentes et pourrait même, contrairement à ce que certains croient, atteindre le niveau des opérations formelles. Ses tests, faits en arabe auprès d’enfants algériens non scolarisés et âgés de six à treize ans ainsi qu’auprès d’adultes analphabètes âgés de trente-cinq à cinquante ans, mesurent la conservation de la quantité avec des liquides et de la pâte à modeler, la conservation du poids avec des pains d’argile et la conservation des relations spatiales (longueur) avec des baguettes.

Lorsque le groupe algérien fut comparé à un groupe de contrôle formé d’enfants genevois, il est apparu une différence dans l’ordre d’acquisition des concepts de conservation.

Genve Algérie

Conservation de la quantité

Conservation du poids et de la longueur

Conservation de la quantité et de la longueur

Conservation du poids

7–8 ans 9 ans 9 ans 12–13 ans

Face aux mêmes activités que les enfants, les adultes algériens analphabètes n’ont eu aucune difficulté avec les concepts de conservation des quantités de liquides, mais les femmes, habituées à estimer le poids de la pâte à pain en la soupesant, ont eu du mal à évaluer le poids des objets en les regardant.

Dans ses commentaires sur les résultats, Bovet note l’influence du conditionnement dû à l’environnement (il n’y avait pas, dans cette culture, de récipients de taille standardisée comme des bouteilles de soda d’un litre et demi, par exemple). En réponse à sa question initiale, elle a conclu qu’on trouve en effet des niveaux supérieurs de cognition pour des activités pratiquées fréquemment.

Le stade des opérations formelles

En dépit de ces observations, la possibilité que des peuples ne disposant que d’une technologie rudimentaire puissent atteindre le stade du raisonnement abstrait a continué à faire l’objet de vives discussions. En Nouvelle Guinée, avec des tests logiques oraux et des tests formels empiriques, Were (1968, cité dans Dasen 1974, p. 412) n’a pas trouvé de trace de pensée formelle chez les sujets âgés de quatorze à seize ans. Lancy (1983, p. 119, citant Townshend, 1979) affirme qu’en Nouvelle-Guinée « aucune société n’a de jeux comportant des éléments qui sollicitent des habiletés de haut niveau pour la résolution de problème ou la mémorisation ». En ce qui concerne le système de classification en Nouvelle-Guinée, Lancy conclut que « les catégories existent bien, mais elles ne sont pas mutuellement exclusives : elles ne sont pas organisées en une hiérarchie et la mention du nom d’une catégorie n’incite pas à en donner des exemples » (1983, p. 116). Wilson et Wilson, après avoir évalué plus de

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cinq cents lycéens4 en Papouasie Nouvelle-Guinée, concluent qu’« au début de la classe de première,5 très peu d’élèves en sont au stade des premières opérations formelles, encore moins au stade des opérations formelles avancées » (1983, p. 8). Un quart environ des membres de chaque groupe évalué était, par contre, à un « niveau de transition » et arrivait ainsi à effectuer des opérations formelles dans certaines situations.

Ce résultat est faible, si on le compare aux trente pour cent des élèves américains de seize ans qui atteignent le stade des opérations formelles en fin de scolarité obligatoire (Shayer, Adey et Wylam, 1981). La cognition des jeunes Papous étudiés a néanmoins considérablement progressé au cours des un ou deux ans où ils suivaient des cours préparatoires à l’université (Wilson et Wilson, 1983, p. 9). Wilson et Wilson concluent que, bien que « l’environnement traditionnel des élèves de Papouasie-Nouvelle-Guinée ne favorise pas un développement cognitif optimal (en termes piagétiens), il y a une preuve certaine de développement significatif [...] ce qui indique la possibilité de surmonter les handicaps initiaux ». C’est ce que confirment Seagrim et Lendon (1980, p. 181) qui, après une vaste étude, concluent que, au terme d’une période d’immersion totale dans la culture blanche, les enfants aborigènes d’Australie sont capables d’égaler les enfants blancs dans toutes les épreuves piagétiennes alors que ceux qui ne connaissent que la culture aborigène en sont bien moins capables.

Pour résumer, les études, qui comparent des sujets qui ont été enseignés et des sujets dont ce n’est pas le cas, révèlent systématiquement un développement plus précoce ou plus rapide des capacités cognitives chez le groupe qui a fait le plus d’études.

Applications dans les sociétés occidentales

Le concept piagétien de développement cognitif sous forme de stades successifs a été très utile aux psychologues, aux pédagogues et aux parents. Sa théorie est présente dans les manuels de formation des enseignants (ex., Reilly et Lewis, 1983 ; Gallahue, Werner et Luedke, 1975 ; Dworetzky, 1987 ; Ginsburg et Opper, 1979 ; Lefrancois, 1988). Elle est un critère majeur pour évaluer l’adéquation du contenu pédagogique à chaque niveau scolaire. Comme de nombreuses études s’inspirent des écrits de Piaget et que certaines n’ont pas confirmé les découvertes de ce dernier, la littérature scientifique sur le sujet ressemble fort à un dialogue entre Piaget et ses confrères. Piaget révisait constamment sa théorie et l’étendait à mesure que de nouvelles informations apparaissaient. Par exemple, après 1932, il admet la nécessité « de comparer le comportement d’enfants venant de milieux sociaux différents pour faire la part de ce qui relève du social et de ce qui relève de l’individuel dans la construction de la pensée » (Vygotsky, 1962, p. 9).

4 Dans certains pays francophone, l’établissement qui accueille les trois dernières années d’école avant l’entrée à l’université s’appelle le lycée. 5 Dans les systèmes scolaires belge, congolais ou québécois, il s’agit de la 5ème secondaire.

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Quelques années plus tard, suite à des échanges avec le grand psychologue russe L. S. Vygotsky, Piaget reformule ses thèses pour faire du développement du langage une étape essentielle pour se représenter abstraitement des actions concrètes (Vygotsky, 1962, t 7, p. 9–24 ; Piaget, 1962). Il reconnaît aussi qu’un environnement stimulant tend à hâter l’âge auquel un enfant devient capable de penser en se servant d’opérations formelles (Piaget, 1972a, p. 6–8 ; Hunt, 1961, p. 346–347, 362–63).

Dans ses écrits de 1972, Piaget tient compte des différents rythmes de progression au cours des stades de développement, en particulier d’une culture à l’autre, reconnaissant que « selon leurs aptitudes et leurs spécialisations professionnelles, les enfants6 présentent souvent des différences concernant les domaines de fonctionnement auquel ils appliquent les opérations formelles » (1972a, p.1 ; voir aussi Inhelder, Sinclair et Bovet, 1974, p. 128). À cet égard, Piaget se distingue des premiers développementalistes qui attribuaient moins d’importance à la socialisation et à la transmission par l’éducation.

Voici quelques exemples parmi les études qui prolongent ou remettent en questions les conclusions de Piaget :

Hatch observe que de jeunes enfants manifestent souvent une conscience métalinguistique et qu’à cinq ou six ans ils savent déduire les règles d’une autre langue (1978, p. 14–15).

Donaldson constate que même de jeunes enfants peuvent avoir recours à la pensée abstraite, mais pas sous la forme exacte recommandée par Piaget (1978, p. 56–59).

Desforges et Brown citent des études dans lesquelles même des étudiants de troisième cycle universitaire échouent à certains tests de conservation. Ils en concluent que les stades piagétiens sont « seulement secondaires pour répondre à la principale question pédagogique, à savoir : pourquoi les enfants échouent-ils avec certains matériaux et réussissent-ils avec d’autres ? » (1979, p. 279).

Entwistle se réfère aux études ci-dessus et ajoute que les épreuves piagétiennes favorisent les personnes qui ont une pensée scientifique, mais ne prennent pas en compte la démarche intuitive. À son avis, même si l’absence de mise en œuvre des opérations formelles chez certains élèves peut s’expliquer par leurs compétences cognitives préalables, il ne s’agit pas d’une déficience, mais d’« un manque de connaissances ou d’expérience, ou [...] un faible intérêt pour la tâche proposée ou pour la matière étudiée » (1981, p. 173).

Christie (1982) et Graham (1986) ajoutent à cela une ignorance des finalités de l’école et des processus scolaires, ainsi qu’un manque de maîtrise du vocabulaire et de la façon de s’exprimer par rapport à ce qui est exigé en classe.

On doit aussi se demander si les notions (comme la conservation), qui se développent normalement avec une expérience croissante, doivent être assimilées (ou servir d’indicateurs) à l’aptitude au raisonnement intellectuel qui, elle, doit être enseignée et normalement ne s’apprend pas par l’expérience.

6 Par « enfant », Piaget désigne ici des jeunes de 11 à 15 ans et de 15 à 20 ans, en apprentissage (voir une référence au texte original dans http://www.erudit.org/revue/rse/1975/v1/n2-3/900014ar.pdf, page 1).

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Applications aux minorités ethnolinguistiques

Les études qui ont tenté d’appliquer la théorie piagétienne à d’autres cultures ont rencontré de multiples problèmes, en grande partie dûs à des biais non conscients et à une méconnaissance de la culture locale de la part des chercheurs, ce qui s’est traduit par des instruments d’évaluation inadéquats. McLaughlin (1976, p. 87–90) énumère les problèmes qui ont caractérisé les études interculturelles en Afrique. Il cite les variables imprécises, les facteurs culturels requérant des compétences particulières pour être interprétés ainsi que les difficultés à établir une comparaison juste et équitable entre cultures. Pour McLaughlin, tous les sujets mettent en œuvre des processus cognitifs de niveau supérieur, mais ne les appliquent pas aux mêmes situations.

Klich et Davidson (1984, p. 169–171) font la liste des points problématiques dans les nombreuses études menées en Australie. Cette liste vaut pour toute évaluation interculturelle : • La barrière de la langue ; (La plupart des tests ont été administrés en anglais à des

sujets qui le maîtrisait mal et dont la langue n’offrait pas de correspondance pour certains termes du test.)

• Les tests consistant à exécuter une tâche au lieu d’entretiens comme le faisait Piaget ;

• Les risques implicites lorsque des sujets d’une culture doivent répondre à des stimuli et à des procédures établies par des chercheurs d’une autre culture. Ceci englobe les situations de test inconnues des sujets ;

• L’incertitude quant à l’universalité du modèle piagétien ; • Le présupposé que la compétence cognitive dans la culture blanche et la

compétence cognitive dans la culture aborigène s’excluent mutuellement. Cherchant à identifier les fonctions abstraites derrière les modes d’organisation

d’informations culturellement différents, Klich et Davidson (1984, p. 182) se sont servis des travaux de Luria (1966a) en neuropsychologie. Luria considère les fonctions mentales supérieures comme des « systèmes fonctionnels organisés et complexes qui opèrent suite à des interactions entre des structures cérébrales différenciées ». Klich et Davidson ont mis au point une étude dont les résultats montrent que sur les onze tests administrés « aucune différence apparente dans la structure sous-jacente des fonctions cognitives de traitement des informations n’a pu être établie entre les enfants aborigènes ou non aborigènes qui ont participé à la recherche » (Klich et Davidson 1984, p. 164).

Les procédures de test rigoureuses et culturellement adaptées de Klich et Davidson comportent : • des consignes dans la langue vernaculaire ; • l’administration du test par l’enseignant aborigène habituel soit à des groupes, soit

en présence et à portée de voix d’autres aborigènes ; • des items d’entraînement pour s’assurer que l’enfant comprend chaque façon de

procéder ; • la possibilité pour l’enfant de choisir la personne suivante qui passera le test.

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Ces adaptations à la culture aborigène, combinées avec un affinement des tests suite aux études précédentes, laissent présager que les résultats de Klich et Davidson sont fiables et ces tests servent de modèle pour les chercheurs à venir.

Plus récemment, la recherche a porté sur la mémorisation, la mémoire visuelle, l’orientation, les jeux de cartes et l’agencement spatial et temporel. Ces études montrent que les Aborigènes d’Australie ont dans ces domaines des compétences clairement supérieures aux Européens (Klich et Davidson 1984, p. 172–76), mais sans mettre en œuvre les processus mentaux habituels auxquels un Occidental s’attendrait.

Les équilibrations successives

En 1974, Piaget développe sa théorie, affirmant que quatre facteurs principaux entrent en œuvre pour rendre l’enfant apte à avoir une pensée de plus en plus complexe : (1) la maturation ; (2) la capacité à organiser les informations par équilibration successive (c’est-à-dire, assimiler l’information et la ranger séquentiellement dans des structures mentales existantes) ; (3) la socialisation ; (4) la transmission par l’éducation et la culture (1974, p. 300–303).

Voyat (1983, p. 131), qui a mené des études approfondies sur soixante-et-onze enfants sioux âgés de quatre à dix ans, met en évidence l’apparition, dans l’ordre annoncé, des quatre stades de développement décrits par Piaget. Il montre aussi que la maturation exerce moins d’influence sur le développement cognitif que l’expérience concrète associée à un raisonnement déductif en cours de construction : « Ni les enfants oglala, ni les enfants genevois n’ont l’intuition de la conservation ou de l’espace ; ils les construisent » (1983, p. 134). Il fait la distinction entre les expériences physiques qui mènent à une abstraction directe découlant de l’objet (comme lorsqu’un enfant associe le concept de chaleur avec celui de feu) et les expériences logico-mathématiques qui désignent le résultat d’actions. La connaissance logico-mathématique est acquise par équilibration successive plutôt que par connaissance additive (comme lorsqu’un enfant parvient à comprendre le concept de fraction en regardant découper une pomme en plusieurs morceaux).

Étant donné que « bien des découvertes faites au cours de la vie d’un enfant ne lui sont pas transmises par l’éducation ou les relations sociales », Voyat (1983, p. 134–35) pense que l’équilibration (assimilation des informations et accommodation au sein des structures mentales déjà existantes) est le mécanisme clé du développement cognitif et de l’apprentissage organisationnel.

La théorie de l’équilibration peut aider à expliquer pourquoi des adultes faisant partie de sociétés minoritaires peuvent ne pas arriver à mettre en œuvre des notions de conservation de type occidental alors qu’ils font preuve d’autres types de raisonnement abstrait, tels que, par exemple, les calculs compliqués utilisés dans des jeux mathématiques comme le mankala, qu’on trouve dans de nombreuses cultures non occidentales et qui existaient bien avant l’arrivée des Blancs (Townshend, 1979, p. 794).

Les conséquences pédagogiques

En raison de tout ce qui précède, une question a continué à préoccuper les pédagogues. Puisque les membres de sociétés non technologiques sont capables d’abstraction et de

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raisonnement hypothético-déductifs, pourquoi nombre d’entre eux rencontrent-ils de grosses difficultés dans le cadre scolaire occidental ? (Les aborigènes d’Australie ne sont qu’un exemple.)

Malone pense que la plupart des minorités ethniques analphabètes le sont parce que, pour elles, l’alphabétisation n’est pas nécessaire. Tester le développement cognitif « peut être pertinent pour évaluer l’acculturation scientifique occidentale, non les processus psychologiques de base » (1985, p. 38). Malone cite des études qui ont montré que les élèves africains réussissaient mieux lorsque les tests étaient adaptés à des habitudes de déduction culturellement et écologiquement pertinentes : Cole et al., 1971 ; Ross et Millsom, 1970 ; Segall et al., 1966 ; Pollack, 1963 ; Berry, 1971 ; Jahoda, 1971.

Geoffrey Hunt (1989, p. 4–25) part du postulat que les cultures de chasseurs-cueilleurs, avec des systèmes de numération qui font seulement la distinction entre un et beaucoup, ainsi que les langues qui ont peu ou pas de connecteurs logiques, et peut-être peu d’expressions abstraites (quiconque, quelqu’un…), n’ont pratiquement pas besoin d’abstraction. Par contre, les concepts et la langue se développent dans d’autres domaines tels que les relations spatiales, domaines dans lesquels les Aborigènes surpassent largement les Européens. Cependant, tant que leurs capacités d’abstraction ne sont pas développées, les Aborigènes éprouveront de grandes difficultés à apprendre de nombreux concepts enseignés dans les écoles occidentales, surtout si les élèves restent dans un environnement où il n’y a pas besoin d’abstraction.

Tout le monde admet désormais que les facteurs environnementaux, familiaux et sociétaux jouent un rôle primordial dans le développement cognitif, en parallèle avec les processus de maturation normale, le développement du langage et les possibilités d’aller à l’école.

Piaget est respecté à juste titre pour ses contributions à la psychologie du développement. Bien qu’il soit mort avant d’avoir pu se pencher sur les processus en jeu dans l’apprentissage scolaire, il a ouvert la voie à l’idée actuelle que les connaissances acquises permettent le développement de l’intelligence et de la pensée abstraite.

Application

Les théoriciens développementalistes nous apprennent : • à comprendre que tout humain passe par des stades de développement ; • à respecter les différences individuelles basées sur les stades de développement ; • à être conscient des points forts et des limites des apprenants selon leur stade de

développement ; • à évaluer si l’élève est prêt ; • à donner une consigne adaptée au niveau de développement de l’apprenant ; • à être attentif au rôle de la culture dans les processus d’apprentissage ;

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Un exemple de l’application des théories de Piaget

La psychologue argentine Emilia Ferreiro décrit, dans l’étude suivante, les réflexions de jeunes élèves qui s’efforcent d’acquérir la lecture. Observez comment leurs hypothèses s’approchent de plus en plus de la réalité.

Extrait résumé de Ferreiro (E.), « Literacy Development: Psycho-genesis », dans Y. M. Goodman (éd.), How children construct literacy: Piagetian perspectives, Newark, DE, International Reading Association, 1990, p. 12–25.

Comment les enfants construisent leur aptitude à la lecture et à l’écriture : perspectives piagétiennes

Niveaux de compétence en lecture et en écriture classés par ordre d’apparition Premier niveau 1. Recherche de critères pour faire la distinction entre le dessin et l’écriture. (Ils

diffèrent par l’organisation des traits) 2. Découverte que :

a. les signes écrits sont arbitraires (les lettres ne reproduisant pas la forme des objets) ;

b. les signes écrits obéissent à un ordre linéaire. 3. Identification des signes écrits comme étant des substituts.

Les enfants qui grandissent dans un environnement où on lit beaucoup font en général cela durant leur troisième année.

4. Compréhension de la relation entre le dessin et l’écriture. (Principe organisateur : les lettres sont utilisées pour représenter des propriétés

que le dessin ne peut pas représenter.) 5. Recherche des conditions nécessaires à l’écrit : combien de lettres faut-il pour

faire un mot ? Principes internes atteints :

a. Principe de quantité minimale : s’il y a moins de trois lettres ce n’est peut-être pas un mot ;

b. Principe de variation qualitative interne : les lettres doivent être différentes. À ce stade, les enfants n’arrivent pas encore à faire les différences de sens. Deuxième niveau 1. Recherche de différences permettant d’expliquer les différentes interprétations.

Hypothèses : Y a-t-il plus de lettres si l’objet est gros ? Y a-t-il plus de lettres pour un groupe d’objets ? Y a-t-il plus de lettres pour une personne plus âgée ?

2. Détermination d’un nombre minimal et maximal de lettres pour les noms (entre trois et sept ?).

3. Davantage d’hypothèses sur ce qui fait la différence entre les mots. Des lettres différentes pour des mots différents (mais le nombre de lettres par

mot peut rester constant) ? Changer une ou deux lettres pour écrire un mot différent ? Changer la position des lettres dans le mot ?

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Troisième niveau 1. L’hypothèse syllabique : recherche de lettres identiques pour écrire des « séries de

sons » similaires. 2. L’hypothèse alphabético-syllabique : certaines lettres peuvent remplacer des

syllabes tandis que d’autres représentent des unités plus petites (phonèmes). 3. L’hypothèse alphabétique. La similarité des sons implique la similarité des lettres.

Des sons différents impliquent des lettres différentes. (Là les enfants essaient d’éliminer les irrégularités de l’écriture.)

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Chapitre 2

Le behaviorisme

Les approches behavioristes de l’apprentissage cherchent des moyens scientifiques et démontrables pour contrôler les comportements et les expliquer. Les chercheurs abordent la tâche du point de vue des sciences naturelles et de la manipulation du comportement externe (observable). L’être humain étant considéré comme une mécanique, une machine, les explications behavioristes tendent à ne pas prendre en compte les activités mentales. « L’apprentissage est expliqué par deux mécanismes : la contiguïté (simultanéité des stimulus et de leur réponse) et les effets sur le comportement (renforcement et punition). » Lefrancois, 1988, p. 29.

Les principaux thèmes behavioristes

Des chercheurs comme E. L. Thorndike (1905, 1931, 1949) en viennent à voir l’apprentissage comme la formation de connexions ou de « liens » entre stimuli et réponses (1905, p. 202). Ivan Pavlov (1927) découvre que les animaux apprennent grâce aux répétitions et aux récompenses. Après avoir reçu à de nombreuses reprises de la nourriture juste après un son de cloche, le chien de Pavlov salivait chaque fois qu’il entendait une cloche, anticipant la nourriture, même si elle n’était pas encore là. Cette forme simple de réflexes conditionnés s’appelle le conditionnement classique. Pavlov et les chercheurs à sa suite sont devenus des spécialistes pour concevoir une méthode d’apprentissage constituée de petites étapes concrètes se succédant dans une difficulté croissante.

J. B. Watson (1913, 1930) étend ce concept et développe la théorie du behaviorisme. Pour lui, si, à force de répétitions systématiques et identiques, on établit de fortes connexions chez l’apprenant, ce dernier devrait produire automatiquement la réponse désirée chaque fois qu’il rencontrera le stimulus approprié (par exemple, une question ou un problème). Watson garantissait même que si on lui confiait douze très jeunes enfants dans un cadre adéquat, il pouvait former n’importe lequel au métier qu’il voudrait : médecin, avocat, artiste... mendiant ou voleur (1930, p. 82). E. R. Guthrie (1935) a également réduit l’apprentissage à des descriptions de séquences stimulus-réponse.

B. F. Skinner (1953, 1968, 1969, 1971), dans sa théorie du conditionnement opérant, appelle renforçateurs positifs des expériences agréables, récompenses ou félicitations qui aident à former les connexions désirées, tandis que les expériences déplaisantes (punition) amènent les sujets à éviter les actions qui provoquent des conséquences indésirables. Skinner a également découvert qu’un programme continu de renforcement améliore le taux d’apprentissage mais qu’un programme de renforcement intermittent permet aux sujets de retenir plus longtemps ce qu’ils apprennent. Le comportement peut être aussi façonné par du renforcement négatif, c’est-à-dire en ignorant complètement une action. Ainsi le comportement, bon ou mauvais, disparaîtra vraisemblablement si, pendant un certain temps, la personne ne reçoit pas

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de récompense suite à son action. On peut éliminer (ou éradiquer) une réaction indésirable en enlevant tous les renforcements positifs qui lui sont liés.

L’utilité de cette théorie pour l’enseignement

Pendant de nombreuses années, la plupart des théories de l’apprentissage appliquées à l’éducation des enfants et à l’enseignement scolaire se sont appuyées sur ces concepts. Encore de nos jours, même si les parents et les enseignants peuvent ne pas être d’accord avec le système mécaniste de Skinner, ils trouvent néanmoins que, bien souvent, les individus manifestent un apprentissage quand on leur donne, de façon cohérente, le bon cocktail de pratiques répétées, de stimuli, de récompenses, de renforcements négatifs et de punitions. Souvent, les principes behavioristes donnent de bons résultats, notamment auprès de jeunes enfants et pour des tâches simples.

Par exemple, nous utilisons le stimulus-réponse pour enseigner à de très jeunes enfants à venir quand nous disons « viens » et à ne pas toucher quelque chose quand nous disons « non. » À l’école, on emploie les techniques de stimulus-réponse pour enseigner à lire : les débutants apprennent à dire « a » par exemple en voyant la lettre a. En mathématiques, on se sert de cartes éclairs (le stimulus) pour obtenir des réponses automatiques à des questions d’addition, de soustraction, de multiplication ou de division. Dans les révisions d’histoire, les enseignants donnent une date et les élèves citent l’événement correspondant. Dans les ateliers d’orthographe, l’enseignant donne un mot et les élèves l’épellent.

Les réactions

Cependant, les pédagogues ont commencé à s’apercevoir que bien que le stimulus-réponse explique nombre de comportements humains et qu’il ait légitimement sa place dans l’éducation, le behaviorisme n’explique pas tous les phénomènes observés dans les situations d’apprentissage. On a commencé à s’intéresser à l’approche cognitive tandis que les théoriciens behavioristes continuaient d’étudier les possibilités d’apprentissage programmé à l’ère de l’informatique. De nos jours, tout l’enseignement assisté par ordinateur repose solidement sur les fondements que les chercheurs behavioristes ont posés. À l’occasion, observez comment des cours par ordinateur stimulent l’apprentissage au moyen de la répétition et des renforcements.

Application

L’approche behavioriste nous apprend : • L’intérêt de la répétition; • L’intérêt d’avoir de petites étapes, concrètes, dans un ordre progressif ; • L’intérêt des renforcements positifs et négatifs ; • L’intérêt d’un usage cohérent des renforçateurs durant le processus

d’apprentissage ;

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• La possibilité de corriger des habitudes et autres réactions indésirables, en ôtant les renforçateurs positifs qui leur sont liés ;

• Que des renforcements positifs immédiats et cohérents accélèrent l’apprentissage ; • Qu’une fois qu’un élément est appris, le renforcement intermittent en favorise la

rétention ; • À nous attendre à trouver des techniques utilisant la séquence stimulus-réponses

dans les cours par ordinateur.

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Chapitre 3

Les théories du traitement de l’information

Introduction

Vers 1960, parallèlement aux études menées par les chercheurs de l’école piagétienne, d’autres chercheurs ont commencé à s’intéresser aux processus mentaux à l’œuvre dans l’apprentissage scolaire, notamment à la façon dont l’éducation formelle peut faciliter un apprentissage similaire à l’apprentissage naturel que Piaget a observé. Cela a donné des théories qui, à ma connaissance, n’ont pas été testées dans des situations interculturelles. Toutefois, la nature de ces observations laisse à penser qu’elles sont universelles. C’est pourquoi, et vu qu’elles contiennent des notions utiles à ceux qui enseignent dans des minorités ethniques, nous les présentons dans ce chapitre.

Les théories du traitement de l’information s’occupent de questions relatives à la cognition, c'est-à-dire à l’action de connaître (Le François 1988, p. 21). Elles cherchent à expliquer comment le cerveau traite de nouvelles informations et les stocke. Nous allons recenser ici la terminologie commune à toutes les théories du traitement de l’information, avant de voir les principaux théoriciens et leurs découvertes majeures.

Les idées fondamentales

Les idées suivantes, ainsi que les termes utilisés, sont à la base des théories du traitement de l’information.

Concept : le concept, ou idée, est l’élément de base de l’apprentissage. Un concept est quelque chose qui est conçu par l’intelligence : une pensée, un condensé ou une idée générique issue de la généralisation de cas particuliers.

Toutes les théories de l’apprentissage partent du principe qu’une personne apprend quelque chose lorsqu’elle accumule des informations et les organise en un ensemble signifiant, c.-à-d. un concept. Cela peut concerner un seul élément, mais souvent il s’agit de plusieurs éléments entre lesquels on finit par voir un lien. On appelle élaboration d’un concept le processus par lequel on définit des éléments, on les comprend et on établit des relations entre eux.

L’élaboration des concepts : les concepts s’élaborent au fil de l’expérience. Pendant que nous avançons dans la vie, et particulièrement durant notre jeunesse, nous construisons, dans notre cerveau, des concepts relatifs au monde qui nous entoure, ce que sont les choses et ce qu’elles ne sont pas. Les sens (le toucher, l’ouïe, la vue, l’odorat et le goût) envoient des messages au cerveau et ce dernier les organise selon de nombreuses manières logiques.

Les modèles mentaux : les concepts prennent souvent la forme de modèles mentaux. Un modèle mental consiste en symboles mentaux organisés en une structure qui décrit l’élément ou les éléments représenté(s). Ces représentations mentales peuvent être visuelles ou verbales (McNamara, Miller, et Bransford, 1991, p. 490). L’étude, citée par ces auteurs (1991, p. 493–509) et par d’autres, indique qu’en général l’apprentissage et le rappel sont améliorés lorsque la personne a construit une représentation mentale claire.

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Un exemple : l’élaboration de concepts commence dès notre plus jeune âge. Nous sommes souvent allés en voiture. Nous avons appris à imiter son bruit et un jour on nous a dit « C’est une VOITURE. » Progressivement, nous avons construit ce concept dans notre cerveau : ce véhicule à quatre roues, c’est une VOITURE. En grandissant, ce concept VOITURE va se développer pour inclure différents modèles et nous en déduirons d’autres concepts. (Angelika Marsch, communication personnelle)

Selon cette théorie, une image correspondant à l’objet VOITURE s’est formée dans l’esprit de la personne et lui reviendra en mémoire chaque fois qu’elle entendra ce mot. Cependant, il se peut que, suite au contact avec de nombreux autres modèles de voitures, l’image associée à la première voiture évolue vers une image plus générique.

Les concepts organisateurs : l’esprit humain organise ses connaissances et utilise cette connaissance organisée pour intégrer de nouvelles informations. Ainsi, quand un nouvel élément attire notre attention, l’organisation existante offre une structure et la nouvelle donnée est réunie à d’autres éléments ayant des qualités similaires.

Glenys Waters donne deux exemples : 1. Mon neveu a récemment acheté un « whippet. »1 Je n’avais aucune idée de ce

qu’était un « whippet. » En parlant avec mon neveu et en voyant le chien, j’ai compris que c’était comme un lévrier, mais plus petit. J’ai également appris qu’il y a des courses de « whippets. » Ceci m’a permis d’ajouter « whippet » à la catégorie « chiens utilisés pour le sport et la course » dans ma connaissance organisée (Waters 1998, p. 3).

2. Quand j’étais jeune, les chiens d’aveugle étaient souvent des labradors. Mais plus tard, j’ai vu plusieurs bergers allemands guidant des aveugles ; j’ai ainsi adapté mes connaissances et ai ajouté la nouvelle information : « berger allemand » à ma structure de connaissances : « chien d’aveugle. » (Glenys Waters, 1998, p. 4).

Voyons maintenant comment, d’après les recherches de quatre des théoriciens les plus célèbres dans ce domaine, les concepts s’élaborent et s’organisent dans la structure mentale.

L’apprentissage passif – David P. Ausubel

David P. Ausubel, psychiatre et professeur de médecine bien connu, a mis toutes ses immenses compétences au service de l’étude des processus cognitifs impliqués chez les adultes dans l’apprentissage, de contenus verbaux significatifs, notamment en situation de classe. Il adopte le cours magistral, qu’il appelle apprentissage passif, car il considère que pour communiquer un grand nombre d’informations2 (1963, p. 19), c’est une méthode plus rapide et plus efficace que l’apprentissage par la découverte.

1 En français, il s’agit d’un « lévrier nain ». Contrairement à l’anglais, ce nom indique clairement de quoi il s’agit et le processus mental qu’a dû faire Glenys Waters n’aurait pas eu lieu chez un francophone. Comme, dans ce passage, l'important est le processus mental, nous avons gardé le mot anglais. 2 Ausubel ne traite que des cas où l’enseignement se fait dans la langue maternelle de l’élève.

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La terminologie d’Ausubel est assez complexe, mais les éléments principaux de sa théorie se trouvent dans de nombreux livres et articles (par exemple, Ausubel, 1963 et 1967 ; Ausubel, Novak, et Hanesian, 1978). En voici un bref résumé.

Tout le monde aime apprendre. Cette motivation intrinsèque nous pousse à explorer notre environnement et, en cas de succès, nous sommes récompensés par une satisfaction interne. Ce pilotage cognitif, comme le nomme Ausubel, est adapté à l’esprit humain qui a une extraordinaire capacité d’organisation et de catégorisation. Quand l’information lui parvient, le cerveau crée des catégories et organise l’information selon une hiérarchie, du plus général au plus spécifique. On appelle structures cognitives les ensembles de concepts ayant un lien.

L’importance d’un apprentissage qui a du sens

Selon la théorie d’Ausubel, l’apprentissage consiste à assigner une place à un concept dans la structure cognitive, puis à y associer plus d’informations. Cependant, il ne peut pas y avoir d’apprentissage sans signification. L’apprentissage signifiant se produit quand un individu relie un nouveau concept à un réseau de concepts apparentés, déjà emmagasinés dans l’esprit. Les ensembles de concepts associés s’appellent des structures cognitives.

L’intelligence se mesure par le nombre de concepts maîtrisés et l’efficacité avec laquelle les relations cognitives sont organisées. Plus une personne emmagasine de concepts dans sa tête, plus elle est capable d’apprendre parce qu’elle dispose de davantage de catégories auxquelles ancrer ou accrocher les informations nouvelles.

Les concepts intégrateurs

Pour faciliter l’acquisition de nouvelles informations, Ausubel (1960) introduit la notion de concept intégrateur, c'est-à-dire des explications qui aident à organiser les informations déjà connues et stockées dans la mémoire de l’apprenant et le préparent à recevoir des données nouvelles. Voici le processus :

L’enseignant est un expert de la matière qu’il enseigne. Il évalue tout d’abord le domaine et en choisit une partie pour la leçon. Deuxièmement, il identifie les concepts implicites dans le contenu choisi. Troisièmement, il évalue l’élève (idéalement, individuellement) pour déterminer ses connaissances sur le sujet.

Si l’élève connaît déjà les concepts de la leçon, l’enseignant le sensibilise simplement aux concepts dont il a besoin pour tirer profit du cours. Si l’élève ne connaît pas encore les concepts, l’enseignant a le choix entre : • créer un concept intégrateur comparatif, permettant de comparer le nouveau

concept à quelque chose déjà connu ; • créer un concept intégrateur explicatif : une explication orale des traits principaux

du concept. L’objectif est d’établir le nouveau concept en tant que catégorie dans la structure cognitive de l’élève. Un concept dont l’élève ne connaît rien deviendra une nouvelle catégorie. S’il

n’existe aucun autre concept auquel il peut le relier, l’élève devra lui assigner une place arbitraire dans sa structure cognitive et l’apprendre par cœur. Quand l’apprenant n’a rien à quoi raccrocher l’information, il faudra plus d’effort et de temps pour l’apprendre

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par cœur, jusqu’à ce qu’un réseau soit établi. Ausubel a toujours cherché à éviter l’apprentissage par cœur en préparant les élèves à l’aide de concepts intégrateurs.

Dès que l’enseignant est certain que l’élève comprend le concept de la même manière que son professeur et qu’ils ont tous les deux le même concept en tête, la leçon peut commencer.

La leçon : le stockage des informations et leur rappel

Au cours de la leçon, le stockage des nouvelles connaissances dans la structure cognitive s’appelle l’assimilation. Les éléments nouveaux sont rattachés à une catégorie déjà existante, le concept assimilateur. Si l’élément s’intègre parfaitement au groupe assimilateur, le processus d’accommodation s’appelle l’assimilation dérivative. S’il faut élargir quelque peu la catégorie pour l’adapter à de nouvelles connaissances, le processus s’appelle alors l’assimilation corrélative. Une connaissance incluse dans une catégorie peut, à son tour, contenir d’autres éléments, tout comme le classeur d’un bureau comporte des sections principales et des sous-sections, chacune avec ses dossiers propres. L’organisation des informations en catégories s’appelle la réconciliation intégrative. (Ausubel, 1963, p. 53, 77–78).

Pour expliquer comment s’effectue le rappel des informations, Ausubel postule que, lorsqu’on a besoin d’une donnée (par exemple, lors d’un examen), le cerveau va faire une recherche. L’élément recherché est localisé, dissocié de la structure cognitive qui l’environne, amené au seuil d’accessibilité et mis dans la mémoire de travail. Cependant, il arrive que les données soient si étroitement imbriquées dans un réseau, qu’on ne peut pas les en séparer pour en faire des éléments indépendants ou les amener au seuil d’accessibilité. Dans ce cas, on dit que l’élément a été oublié. Ausubel appelle cela l’assimilation bloquante (1963, p. 25–26).

Une aide pour les pédagogues

La théorie d’Ausubel contient un certain nombre d’éléments utiles aux pédagogues. S’appuyant sur la théorie piagétienne, Ausubel reconnaît que « les apprenants dont le développement cognitif n’a pas encore dépassé le stade concret sont significativement incapables d’intégrer dans leurs structures cognitives des relations entre deux ou plusieurs abstractions, sauf s’ils bénéficient peu avant, ou sur le moment, d’une expérience empirico-concrète (1967, p. 19). » Cependant, Ausubel a le sentiment qu’à partir des classes du second degré, les élèves peuvent saisir des relations de niveau supérieur entre des abstractions, surtout si on les aide par un « bon » cours magistral (1967, p. 19). Comme Ausubel se préoccupait des étudiants en médecine, tout à fait capables d’un raisonnement abstrait, il n’est pas allé plus loin.

Quand les enseignants comprennent l’importance des connaissances préalables dans le processus de compréhension et reconnaissent la nécessité, même pour les adultes, de disposer des savoirs de base utiles à la leçon, ils peuvent aider leurs élèves à apprendre. C’est dans ce but qu’Ausubel insiste sur la nécessité d’utiliser des concepts intégrateurs pour que les élèves localisent et emmagasinent plus facilement les nouvelles idées dans leur structure cognitive. Il fait plusieurs recommandations concernant la présentation des concepts intégrateurs (1967, p. 81–83) :

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• Présenter le concept intégrateur à un niveau d’abstraction supérieur à celui du nouveau contenu à apprendre (de manière à inclure tous les aspects de la nouvelle leçon) ;

• Développer le concept intégrateur de manière à présenter d’abord les notions les plus générales, avant d’opérer peu à peu des distinctions ;

• Déterminer clairement les similitudes et les différences entre le nouveau contenu et ce qui est déjà connu ;

• Relier le nouveau contenu aux idées établies. Les deux types de concept intégrateur d’Ausubel (1967, p. 83) peuvent être à la fois

simples et complexes. Les concepts intégrateurs comparatifs utilisent un exemple pour expliquer le

nouveau concept au moyen d’un élément déjà compris. Cela est surtout utile dans les cas où les élèves ne réaliseraient pas qu’ils connaissent déjà quelque chose sur le sujet.

Exemple simple : un émeu est un grand oiseau qui ressemble à une autruche. Les concepts intégrateurs explicatifs, eux, identifient les éléments essentiels du

nouveau concept au moyen d’une explication. Le concept va alors servir de groupe assimilateur pour les éléments présentés ensuite dans la leçon.

Exemple simple : Une catleya est une sorte d’orchidée. Exemple complexe : Le concept d’époque (voir appendice A) L’idéal, pour Ausubel, serait que l’enseignant élabore des concepts intégrateurs

correspondant exactement aux connaissances et aux lacunes de chaque élève. Cependant, dans les classes ayant beaucoup d’élèves, comme il n’est pas possible de tester et de faire un enseignement préparatoire pour chacun d’eux avant le cours, les enseignants devront faire des suppositions d’après leur expérience et leurs connaissances ou trouver des moyens de déterminer rapidement ce que la majorité de leurs élèves connaît sur un thème.

En cours particulier, ou en cours de soutien, l’enseignant peut s’aider d’un test préalable et se servir de concepts intégrateurs pour corriger les idées fausses qui n’auraient pas été identifiées. Les concepts intégrateurs sont particulièrement importants dans l’enseignement interculturel car les élèves peuvent ne pas disposer de catégories dans lesquelles placer ce qu’ils doivent apprendre. Ausubel procure à l’enseignant une méthode pour faire porter son cours sur le nouveau concept et donner aux élèves les informations dont ils ont besoin pour créer une catégorie pour ce concept.

Application

Ausubel nous apprend que : • les êtres humains aiment apprendre ; • l’information est emmagasinée dans une structure cognitive ; • le sens est fondamental pour l’apprentissage et la rétention ; • si un contenu doit être présenté rapidement, le cours magistral est plus efficace que

la méthode où l’élève découvre lui-même le concept ;

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• si on organise ce que sait déjà l’élève en vue de la nouvelle leçon, ce qui est enseigné aura du sens ;

• les structurants antérieurs sont particulièrement utiles aux élèves qui ne disposent d’aucune catégorie où placer les informations qu’ils doivent apprendre ;

• les structurants antérieurs peuvent être : o des comparaisons, o des explications ;

• on mémorise mieux un contenu lorsqu’il est ancré dans une structure cognitive comprenant de nombreux liens (associations).

La théorie des schémas – Richard C. Anderson

La théorie des schémas, développée par Richard C. Anderson, un psychologue de l’éducation réputé (Anderson, 1977 et 1978 ; Schallert, 1982), considère que les connaissances organisées forment un réseau complexe de schémas, c'est-à-dire de structures mentales abstraites (idées qui représentent la compréhension que quelqu’un se fait du monde).

Exemple : Un réseau de schéma

Le terme schéma a été introduit dans la psychologie de l’éducation moderne par Piaget en 1926 et se trouve aussi dans les écrits de Wertheimer, Bartlett, et Bruner (Anderson,

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1978, p. 67 ; 1977, p. 417). Anderson a trouvé ce concept de processus mental particulièrement judicieux. Il a adopté le terme assimilation de Piaget pour l’utilisation du schéma et le terme d’accommodation pour les modifications du schéma, mais il a élargi dans sa théorie le sens originel de schéma.

Le concept de schéma

Un schéma, au sens donné dans la théorie des schémas, représente un ensemble de connaissances génériques. Une catégorie générale (schéma) comprend des emplacements pour tous ses éléments constitutifs, ses caractéristiques. Les schémas sont imbriqués les uns dans les autres, à différents niveaux d’abstraction. Leurs relations sont représentées sous forme de réseaux (plutôt que de hiérarchies) ; ainsi, chaque schéma est relié à de nombreux autres. Par exemple, le schéma de quelqu’un pour « œuf » pourrait comprendre les composantes illustrées dans le diagramme ci-dessous.

Exemple : Schéma du concept « Œuf »

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Les schémas sont toujours organisés de façon pertinente. Ils sont extensibles et peuvent évoluer pour inclure d’autres variables et d’autres particularités, au fil des expériences de la personne. Certaines variables sont obligatoires ; d’autres non. Chaque schéma est imbriqué dans d’autres schémas et contient lui-même des sous schémas. Les schémas changent constamment en fonction des informations reçues. Ils peuvent être réorganisés lorsque des données entrantes demandent une restructuration. Les représentations mentales utilisées lors de la perception et de la compréhension évoluent suite à ces processus et se combinent pour former un ensemble plus vaste que la somme de ses parties (Anderson, 1977, p. 418–419).

Schallert, un disciple d’Anderson (1982, p. 24–25), considère que les enfants : 1. progressent clairement dans leur acquisition de métaconnaissances (conscience

de ce qu’ils savent personnellement, connaissances concernant les stratégies d’apprentissage, etc.) ;

2. font la preuve, entre cinq et sept ans, d’une compréhension de la structure des histoires ; (la capacité de construire des histoires de plus en plus complexes augmente par la suite.)

3. font évoluer les concepts vers une plus grande spécificité (en réduisant les concepts compris au départ de manière trop large) et une plus grande extension (en élargissant les concepts compris au départ de manière trop restrictive).

Les études portant sur des adultes ont principalement comporté des tests où les sujets devaient assimiler de nouvelles informations au moyen de schémas déjà établis. Schallert (1982, p. 26) se réfère à des études montrant que les gens comprennent mieux des concepts abstraits après avoir assimilé des informations concrètes et utiles à leur compréhension. Ces connaissances générales, également appelées connaissances préalables, constituent un cadre dans lequel la structure nouvellement créée peut s’insérer.

L’exemple suivant souligne l’importance des connaissances préalables : un jour, dans une salle informatique, j’ai entendu par hasard une conversation en anglais. L’anglais étant ma langue maternelle, j’ai été stupéfaite de constater que je ne comprenais absolument rien à cette discussion de 15 minutes, mis à part qu’il était question d’ordinateurs. Mes connaissances préalables n’englobaient ni les termes techniques, ni les concepts dont parlaient ces programmeurs en informatique. Ceci dit, je suis tout à fait capable d’employer dans une discussion les termes techniques des théories de l’apprentissage, car c’est un domaine pour lequel j’ai construit des schémas. Ceux qui connaissent moins ce domaine ne comprendront rien à cette discussion tant qu’ils n’auront pas développé leurs schémas, grâce aux explications et aux définitions du vocabulaire employé.

Ainsi, concernant l’interprétation des messages, la compréhension augmente à mesure que la pensée interagit avec le message et se sert des indices qu’il contient pour insérer les nouvelles données dans la structure existante des connaissances. Les connaissances que la personne possède déjà et son analyse du contexte influencent fortement ce processus (Anderson, 1978, p. 72). Cette interaction entre les connaissances nouvelles et anciennes, Anderson l’appelle l’instanciation (Anderson, Pitchert, Goetz, Schallert, Stevens et Trollip, 1976). Dans ce processus, deux méthodes, l’une « généralisante » et l’autre « particularisante, » servent à opérer une sélection parmi les variables possibles. Tout comme les expériences antérieures du sujet et la

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nouveauté du contenu, l’approche adoptée par le sujet influence à la fois l’encodage et le rappel. Cependant, toutes les inférences possibles ne font pas l’objet d’une instanciation. Le fait qu’un sujet établisse ou non une connexion dépend de l’importance du contenu pour l’interprétation qu’il est en train de construire (Schallert, 1982, p. 27–34).

Des conséquences importantes

En affirmant que les connaissances, les intérêts et l’expérience servent de structure d’ordre supérieur pour organiser les liens entre les schémas et l’interprétation du sens, la théorie des schémas a des conséquences importantes pour les pédagogues, notamment :

La faculté d’apprentissage repose plus sur l’existence d’une structure de schémas généraux (connaissance préalable) auxquels les nouvelles connaissances peuvent être associées, que sur les stades du développement. « La compréhension, et donc l’apprentissage et la mémoire dépendent de l’usage des schémas appropriés » (Anderson, 1977, p. 421). On peut attribuer de nombreuses difficultés d’apprentissage à des connaissances générales insuffisantes, en particulier dans des situations interculturelles.

Puisque les connaissances préalables sont indispensables à la compréhension de nouvelles informations, les bons enseignants analyseront les connaissances de leurs élèves et s’y référeront pour faciliter l’acquisition de nouvelles connaissances. Soit ils aideront leurs élèves à acquérir les connaissances préalables, soit ils leur rappelleront ce qu’ils savent déjà avant de leur présenter un nouveau contenu.

En aidant les élèves à développer de nombreuses connexions entre les schémas au lieu de se contenter d’un ou deux liens, on peut accroître progressivement leur compréhension. Une discussion, une chanson, un jeu de rôle, des illustrations, des aides visuelles et des explications sur l’application d’une connaissance sont autant de techniques utiles pour renforcer les connexions.

Les schémas abstraits suscitent chez les individus le besoin d’élaborer des scénarios concrets. En d’autres termes, la compréhension de messages abstraits dépend de la capacité d’un individu à instancier (à se représenter) des abstractions avec des représentations concrètes cohérentes avec le message (Anderson, 1977, p. 423–424). Cela diverge grandement de la conception antérieure selon laquelle, si le texte est abstrait, les processus mentaux utilisés pour celui-ci sont également abstraits.

Les schémas bien élaborés sont très facilement assimilables (Anderson, 1977, p. 421,429). Toutefois, plus un schéma peut couvrir de situations variées, moins il sera adapté à une situation dans toute la richesse de ses spécificités. Pour les enseignants, cela souligne l’importance d’accorder beaucoup de soin à la mise en place de concepts génériques. Une fois que les apprenants ont saisi un concept générique, ils sauront lui associer de nombreux éléments.

L’utilisation d’un schéma implique nécessairement de construire des interprétations parce que chaque situation comprend au moins quelques caractéristiques nouvelles. Le secret d’un transfert de connaissances réussi réside dans la bonne construction de ces interprétations. Par exemple, dans le diagramme illustrant le réseau d’idées pouvant être contenues dans le concept œuf, l’une des séries d’entrées

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(celle reliée à OISEAU) appartient à un niveau hiérarchique plus élevé que les autres. Lors de l’enseignement du concept œuf, une bonne interprétation du diagramme mentionnerait l’importance de cette catégorie-là.

À mesure que de nouvelles informations sont acquises, les schémas évoluent par extension, articulation et affinement progressifs. Cependant, un enseignement didactique aura rarement une influence sur les schémas les plus profonds (par exemple, ceux relatifs à la vision du monde). Plus le schéma est construit, moins il sera susceptible d’évoluer. Les études à ce sujet montrent que, lorsque l’acceptation de nouvelles informations nécessite une réorganisation cognitive majeure, les gens peuvent éprouver un fort conflit interne et tendent à s’opposer à cette réorganisation (Anderson, 1977, p. 424–425). (La personne perçoit les difficultés inhérentes à une réorganisation totale et a peur de renoncer aux convictions qui lui ont donné des repères toute sa vie). Cela concerne particulièrement les situations interculturelles d’enseignement et explique (d’un point de vue psychologique) pourquoi des messages nouveaux peuvent faire l’objet d’un fort rejet.

Les gens qui tiennent beaucoup à un certain schéma sont souvent enclins à tolérer et à assimiler dans leurs schémas de nombreuses preuves du contraire (telles que des incohérences et des contre-exemples évidents) (Anderson, 1977, p. 425). Même s’ils peuvent s’apercevoir que les nouvelles données sont plus logiques, ils peuvent choisir de camper sur leur position afin de ne pas avoir à réajuster des convictions profondément enracinées.

Un schéma a le plus de chances de changer quand quelqu’un identifie une difficulté dans sa position actuelle et se rend compte que le problème peut être réglé dans un schéma différent (Anderson, 1977, p. 427). Lorsque les preuves allant à l’encontre de l’ancienne position deviennent si convaincantes que celle-ci n’apparaît plus tenable, la personne peut alors adopter rapidement la nouvelle position. Cela est vrai pour tout changement de paradigme, qu’il soit séculier ou religieux.

Les personnes qui enseignent dans des classes d’une autre culture que la leur peuvent se servir des principes de la théorie des schémas pour identifier des concepts-clés, donner des informations de base avant la leçon, aider les élèves à faire le lien entre des idées pertinentes et les aider à en déduire des interprétations. Cette théorie leur permet également de mieux comprendre les élèves ayant des difficultés à assimiler un schéma qui va à l’encontre de leurs suppositions préalables.

Application

La théorie des schémas nous apprend que : • Les connaissances sont emmagasinées dans des réseaux appelés « schémas » ; • La connaissance préalable joue un rôle important dans l’apprentissage de nouveaux

concepts et on doit l’activer pour que des connexions se créent ; • Pour être mémorisées, les connaissances doivent s’ancrer par de nombreuses

connexions à un schéma ; l’enseignant doit donc utiliser différents moyens de communication : musique, jeux de rôles, jeux, supports visuels, présentation audio, exercices dans le cahier, etc. ;

• Les schémas bien élaborés permettent d’assimiler beaucoup de choses ;

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• Les schémas s’enrichissent et évoluent en fonction des informations reçues ; • Les schémas bien installés résistent au changement ; pour qu’un changement de

paradigme ait lieu, il faut d’abord une accumulation de preuves.

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Exemple : Application de la théorie des schémas

Leçon de CE2 [Ou troisième année de primaire] : les bonnes choses dans notre nourriture Objectif : Créer un nouveau schéma : la nourriture contient des éléments indispensables à une bonne santé. Moyens 1. Employer de nombreux moyens de communication pour faciliter la mémorisation

de la leçon. 2. Établir des connexions pour fixer les nouvelles connaissances dans l’esprit des

élèves. Matériel : Bananes plantains mures, couteau, cuillère, presse-purée, cuisinière, bols.

Plan de la leçon 1. Commenter l’image avec les enfants. Leur expliquer que la nourriture contient de

nombreuses substances qui nous aident à rester en bonne santé. Dans la banane plantain, par exemple, ce que nous voyons, ce sont les fibres alors qu’elle est essentiellement composée d’eau. En plus de l’eau et des fibres, elle contient une dizaine de substances, qui ont chacune un rôle particulier. Lire tous les noms de substances écrits dans la liste et parler du rôle de chacune. Expliquer que tous les aliments contiennent des fibres, de l’eau, des vitamines et des

sels minéraux. 2. Travail en groupe. Se laver les mains, peler les bananes plantain, les mettre dans la

marmite avec de l’eau. Les faire cuire sur la cuisinière.

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3. Pendant que les bananes cuisent, apprendre aux élèves le chant suivant sur l’air de Matsigenka lullaby :

1. A l’intérieur de ma banane 3. A l’intérieur de ma banane Il y a surtout de l’eau, Il y a de bonnes vitamines, Surtout de l’eau. De bonnes vitamines. 2. A l’intérieur de ma banane 4. A l’intérieur de ma banane Il y a des fibres délicieuses, Il y a aussi des sels minéraux, Des fibres délicieuses. Il y a aussi des sels minéraux.

4. Écraser les bananes plantains cuites, ajouter de l’eau et servir cette boisson. Expliquer que celle-ci est très nourrissante et qu’on la boit dans de nombreux pays.

5. Revoir les informations sur les tableaux et rechanter le chant. 6. Demander aux élèves de citer quatre éléments importants contenus dans les bananes

et dans tous les aliments.

Le traitement de l’information - Robert Gagné

Robert Gagné est un psychologue de l’éducation, perçu comme cognitiviste et associationniste du courant de l’apprentissage verbal. Il est connu pour son modèle du traitement de l’information. Selon les behavioristes, l’apprentissage ne serait qu’une suite de stimulus-réponses. Pour Gagné, en revanche, il s’agit d’une série de processus internes nécessaires pour percevoir, choisir, emmagasiner et rappeler des informations. Selon lui, ces processus s’appliquent à toute activité de mémorisation.

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La séquence des processus internes selon Gagné

Les processus de traitement de l’information sont définis par Gagné (1985, p. 76) de la façon suivante : 1. Les récepteurs sensoriels (yeux, oreilles, peau, etc.) reçoivent des stimuli ; 2. Ces stimuli se transforment en impulsions nerveuses qui sont transmises à ... ; 3. Un registre sensoriel qui filtre et élimine les stimuli inutiles tels que les bruits de

fond et qui retient les éléments devant être emmagasinés dans la mémoire (perception sélective) ;

4. Les signaux choisis sont envoyés dans la mémoire à court terme où ils sont conservés peu de temps : sensations auditives, paroles, images visuelles. Ils sont, soit : a. retenus quelques secondes ou éliminés (comme dans le cas d’un numéro de

téléphone qu’on compose et qu’on oublie aussitôt), b. soit encodés sur le plan sémantique (c’est-à-dire par des mots) et envoyés à...

5. La mémoire à long terme qui les stockera ; lorsqu’on fait appel à une information stockée, un processus de rappel se met en

marche. 6. Une recherche s’effectue dans la mémoire à long terme ; 7. L’information est retrouvée et envoyée dans la mémoire à court terme ; 8. De là, elle est envoyée dans un générateur de réponses qui ordonne au cerveau et

aux muscles de réagir ; 9. Pour finir : des effecteurs donnent la réponse nécessaire, ensuite l’organisme

chargé du traitement… 10. attend la réaction, ce qui fournira un renforcement et lui signalera si d’autres

réactions sont nécessaires. (Gagné, 1985, p. 71–77)

La hiérarchie des connaissances

Gagné a émis une théorie disant que toutes les connaissances sont hiérarchisées de façon ascendante (même si, dans ses écrits ultérieurs, il est moins certain de cette hiérarchisation et met plutôt l’accent sur les pré requis à partir desquels l’apprentissage se fait). Selon son schéma hiérarchique cependant, toutes les compétences intellectuelles et l’apprentissage suivent le schéma ci-dessous où, pour atteindre chaque niveau, il faut maîtriser les niveaux inférieurs.

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Explications :

Les associations sont les éléments de base à partir desquels est construit ce modèle. Une association, c’est tout simplement deux idées habituellement mises ensemble (Gagné, 1985, p. 23). Par exemple, les noms communs avec les objets correspondants : le mot « table » associé au meuble, « cheval » à l’animal, « arbre » au végétal, « mère » à la personne, « nourriture » à des choses à manger. Il existe aussi des associations de nature différente, comme par exemple « rose » avec l’odeur, « docteur » et « hôpital », « feu » et « danger », le chiffre « 1 » et la quantité « un ». Avec les associations, un stimulus donné déclenche une réponse ou une image mentale données.

Les chaînes sont des suites logiques d’associations, comme attacher ses chaussures, s’asseoir sur une chaise, souffler une bougie, se servir d’un crayon, bander une plaie, chanter une chanson, faire ses devoirs, conduire une voiture, utiliser un ordinateur ou écrire une rédaction. Les chaînes peuvent être simples ou complexes, mais pour réussir l’action, il faut exécuter les séquences dans l’ordre. (Gagné, 1985, p. 36–38).

Les différenciations sont les différences observées entre des propriétés et des objets légèrement différents. Cela veut dire que l’on reconnaît la distinction entre des concepts tels que « balle » et « ballon », « homme » et « femme », les nombres « un », « deux » et « trois » et les lettres « a », « b », « c ». Savoir discriminer les sons devient important quand on étudie une langue étrangère.

Différencier implique aussi de savoir faire la différence entre des propriétés comme « doux » et « dur » ; « rouge », « rouge foncé », « rouge léger » et « rose » ; « gentil », « généreux », « poli » et « pacifique » ; « grand », « plus grand », « le plus grand » ; « vert », « mûr », « pourri ». Reconnaître la différence entre un chat et un chien est une différenciation entre deux catégories. Faire la différence entre un chat domestique, un chat persan et un chat siamois est une différenciation à l’intérieur d’une catégorie.

Les concepts sont des idées abstraites formées chacune d’un réseau d’idées et de définitions. Exemples de concepts abstraits : la justice, la politique, la crise, la sympathie, la vieillesse, l’amitié, l’honneur, la rébellion, la gloire, l’autorité, la loyauté, la vertu. Vous remarquerez la façon dont chacun de ces concepts contient un réseau d’idées.

5. Règles d’ordre supèrieur 4. Règles 3. Concepts 2. Différenciations 1. Associations et chaînes (forms élémentaires de l’apprentissage) (Adapté de Gagné, 1985, p.55)

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Parmi les exemples de concepts contenant des définitions qui équivalent à une règle, il y a : un litre, qui représente une quantité de liquide égale à 100 millilitres ; un mètre qui équivaut à une longueur de 100 centimètres ; un pourcentage, qui représente une partie d’un certain objet ou d’une quantité ; une bibliothèque, qui désigne une pièce ou un édifice contenant des livres. Gagné (1985, p. 53) fait remarquer qu’il ne suffit pas de connaître la définition ou la règle inhérente au concept, mais qu’il faut savoir l’appliquer ou comprendre comment l’on se sert du concept.

Les règles (ainsi que les généralisations) établissent des principes valables dans de nombreux cas. Ceux-ci sont fréquemment des liens de cause à effet ou des corrélations.

Exemples : • règle scientifique : l’air chaud monte, l’air froid descend. • règle de mesures : 100 millilitres de liquide égalent un litre. • règle de grammaire : le verbe s’accorde avec son sujet en personne et en nombre. • règle mathématique : trois fois quatre égalent douze. • règle de conduite : si vous voulez que les autres vous traitent bien, traitez-les

bien.

Les règles d’ordre supérieur combinent des règles simples en un processus plus complexe. C’est le domaine où la résolution de problèmes se produit.

Exemple : Les connaissances requises pour résoudre un problème de mathématiques Question : combien vont me rapporter 2 000 dollars, si je les investis pendant trois ans à un taux d’intérêt de 3,75% ? Processus : (établi en appliquant le schéma de Gagné en partant du bas vers le haut.)

5. Savoir appliquer les règles d’ordre supérieur (combinaisons de règles) pour trouver la solution.

4. Règle : connaître la formule pour calculer le pourcentage.

3. Concept : - savoir comment les intérêts s’ajoutent aux investissements ; - connaître la méthode utilisée pour le paiement des intérêts ; - comprendre le système monétaire (en dollars) et l’addition, la soustraction, la multiplication, la division et les décimales. 2. Différenciation : - savoir la différence entre intérêt et investissement ; - comprendre la différence entre calculer des intérêts et calculer une aire ou un volume. 1. Associations : savoir les noms des nombres, leurs symboles et les quantités qu’ils représentent.

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Contrairement à Piaget, Gagné pensait que tout enfant peut comprendre n’importe quel principe, règle ou généralisation, si on lui a enseigné au préalable les connaissances pré requises (associations, différenciation et concepts). Une fois le concept compris, l’élève peut l’utiliser sans limitation. Cette idée, révolutionnaire lorsqu’elle fut exposée pour la première fois, est à présent mieux acceptée.

L’importance du concept de hiérarchie

Les enseignants, notamment en situation de mixité culturelle, supposent souvent à tort que les élèves connaissent les associations simples et les différenciations pré requises au nouveau concept ou à la nouvelle règle enseignés. En fait, il se peut que les élèves n’aient jamais entendu parler des informations des niveaux inférieurs, qu’ils aient mal compris le sujet ou que cela ne soit pas clair pour eux, ou encore qu’il leur manque des connaissances pour faire les différenciations nécessaires pour s’en sortir avec les règles d’ordre supérieur.

Chaque fois qu’un enseignant doit enseigner un nouvel élément, il devrait faire la liste des éléments des niveaux inférieurs inhérents au sujet et s’assurer que les élèves connaissent les pré requis avant d’enseigner ce qui était prévu ce jour-là.

Une grande partie de la confusion qui assaille ceux qui apprennent une langue seconde provient du manque d’éléments culturels permettant de faire les différenciations et les associations indispensables au sujet étudié.

Les catégories d’apprentissage

Gagné (Gagné, 1985, p. 47–48) a divisé les conduites humaines en cinq grandes catégories ou aboutissements d’apprentissage. • Les compétences intellectuelles : les connaissances procédurales, lesquelles incluent

la connaissance de la langue et autres activités symboliques. • L’information verbale : la connaissance déclarative ou capacité à formuler des idées

et des propositions. • Les stratégies cognitives : l’aptitude à organiser son propre apprentissage, sa

mémoire et sa pensée. Les stratégies cognitives incluent les techniques d’analyse et la résolution de problèmes.

• Les compétences motrices : la capacité organisée d’exécuter des mouvements comme conduire une voiture ou jouer au tennis.

• Les attitudes : les états mentaux qui influencent, chez un individu, le choix de ses actions. L’état de l’élève, ainsi que les conditions d’apprentissage, ont des effets différents

sur ces cinq catégories d’activités et affectent grandement les résultats. Selon Gagné, l’élève trouve de la motivation grâce à la motivation incitative

(l’usage de récompenses), la motivation pour la tâche elle-même (la satisfaction d’acquérir de nouvelles connaissances), la motivation pour atteindre des objectifs choisis (la recherche du succès) et en l’informant des objectifs (afin qu’il puisse faire correspondre ce qu’il fait aux attentes de l’enseignant). Le transfert de connaissances d’une situation à l’autre est obtenu par la généralisation du stimulus quand les stimuli

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sont similaires ou par la généralisation du concept. (Les stratégies cognitives, les règles classificatoires et les indices nécessaires au rappel de l’information jouent tous un rôle dans la généralisation du concept.) L’oubli est dû aux interférences, aux inhibitions et à l’extinction.

Pour Gagné, il est important de noter que lorsqu’un élève traite un nouveau contenu, comme indiqué ci-dessus, il acquiert de nouvelles structures mnésiques. Celles-ci permettent à l’apprenant de montrer ce qu’il a retenu et de changer sa façon de procéder (Gagné et White, 1978, p. 187).

La conception d’un enseignement permettant d’améliorer l’apprentissage

Selon Gagné (1985), voir aussi Gagné et Briggs (1979) et Gagné et Dick (1983), il existe une forte relation entre de bonnes techniques d’enseignement et l’ordre dans lequel le cerveau traite les informations. Gagné les schématise comme suit (les explications en italique sont de Patricia Davis) :

Processus d’apprentissage (dans la tête de l’apprenant)

Élément de la leçon (ce que l’enseignant doit faire)

Réceptivité - Attirer l’attention (nécessaire pour que l’apprentissage ait lieu).

Attente - Informer les apprenants de l’objectif (afin qu’ils visent un objectif précis).

Rappel dans la mémoire de travail

- Stimuler le rappel des connaissances préalables. (Poser des questions.)

Perception sélective - Présenter le contenu servant de stimulus (la leçon) avec tout ce qui peut marquer les apprenants et les aider à apprendre.

Encodage sémantique - Guider l’apprentissage. (Proposer une organisation logique, donner des exercices dirigés.)

Réponse ou Réaction - Obtenir de l’apprenant qu’il fasse un exercice seul. (Il est bon qu’il le fasse sans aide pour voir s’il maîtrise bien la leçon.)

Renforcement - Faire des commentaires aux apprenants (leur indiquer ce qu’ils font bien ou mal.)

Rappel et renforcements - Évaluer la performance. (Ce qu’a fait l’apprenant.) (Donner des exercices supplémentaires, des devoirs ou un contrôle. Le corriger dès que possible ; il est important de commenter le travail fait dans les plus brefs délais.)

Rappel et généralisation - Renforcer la rétention et le transfert (en donnant différents exercices et en faisant de révisions de temps à autre).

(d’après Gagné 1985, p. 246)

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Explication : Selon Gagné, on capte l’attention en utilisant un procédé quelconque, parfois une

simple phrase comme « Nous allons commencer », Cela informe les élèves que le cours va débuter et qu’il est temps d’écouter.

Les attentes dirigent l’attention des élèves vers les buts choisis afin qu’ils puissent se concentrer sur ces objectifs et soient motivés pour les atteindre. Il faut leur dire ce qu’ils doivent être capables de faire à la fin du cours ou bien leur faire lire le questionnaire final pour qu’ils sachent ce qu’ils doivent apprendre.

Le rappel des connaissances préalables dans la mémoire de travail se fait par des rappels et à l’aide des concepts intégrateurs. On peut aussi poser des questions qui aideront les élèves à organiser leurs idées.

La perception sélective est obtenue grâce à une présentation très claire du contenu de la leçon à l’aide d’objets ou d’illustrations. Le plan doit être rigoureux et conçu pour faire ressortir les informations importantes. L’enseignement doit être très vivant pour que les élèves perçoivent facilement son importance et sélectionnent les données importantes à mémoriser.

L’encodage fait référence à la forme sémantique (verbale), sous laquelle une donnée est mise en mémoire. L’enseignant peut poser des questions pour aider les élèves à formuler les concepts avec leurs propres mots. En donnant différents types d’exercices dirigés, il leur permettra de maîtriser le nouveau contenu et de l’emmagasiner en mémoire à long terme. Cette étape prolonge la leçon. Elle donne aux élèves l’occasion de consolider leurs connaissances et d’avoir une réponse claire à leurs questions.

On obtient la réponse d’abord à l’aide d’exercices (souvent oraux et en groupe) sous forme de questions, puis par des travaux individuels. L’enseignant pourra proposer des façons pertinentes d’organiser le contenu. Les exercices ou activités contribueront à fixer les nouvelles connaissances dans la mémoire.

Le renforcement se fait par des exercices supplémentaires (exercices systématiques, devoirs à la maison ou série de questions) avec une correction immédiate. Des études ont montré que la rétention est meilleure quand les enseignants ont trouvé un moyen permettant à chaque élève de répondre individuellement (soit en levant la main, soit en montrant la réponse sur sa feuille) au lieu d’avoir une réponse de groupe. L’apprenant doit pouvoir vérifier aussitôt si sa réponse est juste ou, sinon, quelle est la bonne réponse.

Le rappel et le renforcement s’obtiennent souvent en donnant aux élèves un moyen mnémotechnique (aide-mémoire) dont ils pourront se servir pour se rappeler une réponse. Il est aussi important de les habituer à répondre à des questions qui nécessitent le transfert et la mise en pratique des connaissances.

Quand les élèves semblent avoir appris le contenu enseigné, on les soumet à un contrôle officiel. Ce test va montrer tout ce dont ils arrivent à se souvenir. Revoir ensuite le contrôle en classe va aider les élèves à en fixer le contenu. Après le contrôle, il est important de réviser les concepts de temps à autres pour qu’ils ne soient pas oubliés.

Le rappel et la généralisation s’obtiennent en habituant les élèves à répondre à des questions qui nécessitent le transfert et la mise en pratique d’informations. Ces questions doivent être préparées avant le cours, en tenant compte d’autres sujets et

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événements connus de la classe. Pour favoriser la rétention à long terme, il y aura de temps à autre des révisions.

Pour les enseignants de classes multiculturelles, le déroulement de l’enseignement

selon Gagné donne un plan et une série de points-clés utiles pour améliorer l’efficacité de l’enseignement et accroître la réussite et la satisfaction de l’élève. McKenzie, un disciple de Gagné, a développé une version légèrement modifiée du plan et des stratégies pédagogiques de Gagné pour enseigner les différents types de connaissances (McKenzie, 1974, 1979, 1980).

Application

La théorie du traitement de l’information de Gagné nous apprend : • Comment la pensée traite l’information ; • La nécessité de présenter tous les éléments de base nécessaires avant d’aborder

l’enseignement à des niveaux de fonctionnement supérieurs dans la hiérarchie de l’information. Cela est important en particulier dans l’enseignement interculturel ;

• Que les enfants peuvent raisonner avec des concepts de niveau supérieur s’ils ont appris toutes les informations de base pré requises ;

• L’importance d’avoir des étapes pédagogiques qui correspondent à l’ordre dans lequel le cerveau traite les informations.

La Théorie de l’Apprentissage Social – Albert Bandura

Albert Bandura est psychologue de l’éducation. Béhavioriste au départ, il reconnaît que, dans de nombreux cas, l’anticipation d’un résultat avant même qu’il ne se produise suffit à motiver un comportement (au lieu de la récompense ou de la punition de celui-ci). Bandura est aujourd’hui considéré comme cognitiviste et il est à l’origine de la théorie de l’apprentissage social (Bandura 1963, 1965, 1977, 1986). Cette théorie cherche à expliquer comment il se fait que la société transmette si efficacement des mœurs, des valeurs et des compétences, alors même que les apprenants n’ont pas, le plus souvent, conscience d’avoir été enseignés.

Bandura décrit les processus mentaux inhérents à l’apprentissage social, d’une manière différente de Ausubel, Anderson et Gagné. Par ailleurs, comme sa théorie de l’apprentissage social se concentre sur les méthodes pédagogiques, certains pédagogues la considèrent plutôt comme une méthodologie éducative que comme une théorie de la cognition.

Condensé de la théorie de Bandura

La théorie de l’apprentissage social est perspicace et vaste ; Lefrançois (1988, p. 171) en a résumé les principaux points comme suit : • une grande partie de l’apprentissage humain consiste à observer, puis à imiter des

modèles symboliques ou le comportement des autres ;

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• nous apprenons à imiter les autres en obtenant des renforcements positifs. Lorsqu’on le fait, et grâce à des renforcements constants, ce comportement imitatif est durable ;

• l’imitation, ou l’apprentissage par l’observation, peut donc s’expliquer en termes de conditionnement.

La contagion de l’exemple

Bandura affirme que, dans la vie courante, « les gens apprennent la majeure partie de leurs comportements en observant ceux qui en donnent l’exemple » (1977, p. 22). Il souligne l’immense diversité des comportements bien imités : par exemple, les compétences linguistiques, les styles de vie, les attitudes, les émotions, les modes, les habitudes, les façons de faire (comment se raser ou faire le ménage), les comportements obéissant à des règles, les normes sociales et morales. Il reconnaît la forte influence des personnes importantes dans notre entourage (parents, héros sportifs…) et étudie l’énorme potentiel multiplicateur des modèles présentés dans les média (acteurs, personnalités de la télévision…). « Les exemples peuvent instruire, inhiber, désinhiber, faciliter, renforcer un stimulus et provoquer des émotions. » (Bandura 1977, p. 50).

Les publicités à la télévision inculquent souvent quelque chose par l’exemple. Voici un exemple hypothétique, quoique correspondant bien à la réalité :

On montre un 4x4 traversant un terrain accidenté alors que son conducteur est assis dans le véhicule climatisé. (Exemple instructif : le spectateur apprend quelles sont les performances du véhicule.)

Les vêtements et l’attitude du propriétaire du 4x4 indiquent que le véhicule est celui de Monsieur Tout-le-monde. (Désinhibiteur, au cas où la réaction initiale du spectateur serait que le véhicule est trop cher.)

La femme séduisante assise à côté du chauffeur montre que le véhicule apporte prestige et succès amoureux. (Renforcement du stimulus et éveil d’émotions.)

On voit le couple s’avancer vers un grand garage où ces 4x4 sont vendus à bas prix. (Facilitation : cela montre au spectateur comment acheter un nouveau 4x4.)

Une vidéo finale montre des amis déçus d’avoir acheté un modèle plus cher qui n’a pas les mêmes performances. (Inhibiteur : le spectateur apprend à se méfier des modèles plus chers.)

Les catégories de modèles

Le terme « modèle » peut se rapporter à une personne dont le comportement peut être perçu comme positif par quelqu’un qui essaiera de l’imiter. Cependant, des individus qui ne respectent ni les règles, ni les conventions, ni la morale peuvent aussi donner indirectement un fort enseignement. Leurs pairs, voyant les conséquences de leurs actes, décident souvent que cela ne vaut pas la peine de prendre de tels risques.

Les modèles exemplaires : Ceux qui manifestent un comportement, qu’il soit bon ou mauvais, sont appelés modèles exemplaires. Observer le choc et les regrets de ceux qui ont perdu des êtres chers dans des accidents causés par la conduite en état

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d’ivresse, par exemple, a fortement contribué à ce que, dans notre société, on accepte que, si l’on boit, on ne doit pas conduire.

Les modèles symboliques : Contrairement aux modèles vivants, ces modèles peuvent être des livres, des enseignements écrits, des photos, des images mentales, des personnages de bandes dessinées, dessins animés ou de films, des figures religieuses et des personnalités de la télévision.

Casimir, le sympathique dinosaure orange de la télévision française des années 1980, est un modèle symbolique qui enseigne des règles sociales aux jeunes enfants en leur montrant ce qu’est la gentillesse, l’adaptation aux besoins des autres et la prise en considération de leurs sentiments.

Lire dans un journal les problèmes rencontrés par un adolescent rebelle qui a été exclu de l’école ou a plongé dans la drogue peut avertir d’autres jeunes des risques d’un tel comportement.

La façon efficace de montrer l’exemple

L’exemple sera efficace s’il respecte les étapes que Bandura a identifiées. Dans la société, ce processus se produit naturellement. Si des enseignants veulent préparer un enseignement par l’exemple, ils devront suivre chacune des étapes suivantes :

1. Le processus attentionel : pour toucher l’apprenant, le modèle doit attirer l’attention (en étant séduisant, célèbre, en ayant du succès) ou être, d’une façon ou d’une autre, attachant et crédible. Les comportements exemplaires doivent également suivre un plan rigoureux, conçu pour attirer l’attention. Ils doivent être caractéristiques, attrayants, moyennement complexes (ni trop simples, ni trop difficiles), assez communs pour être pertinents et fonctionnels.

Les apprenants doivent être physiquement capables de recevoir les stimuli et de les imiter (inutile de montrer un film à des gens qui voient mal, par exemple !). Il faut qu’ils aient envie de le faire et soient convaincus que, s’ils essaient d’imiter l’action donnée en exemple, ils réussiront. (Reiser et Gagné, 1982, p. 499–512).

Par exemple, on demande souvent à des joueurs de basket-ball célèbres d’entraîner des enfants handicapés ou des jeunes. En tant que modèles, ils attirent l’attention grâce à leurs compétences et à leur succès. Quand ils entraînent le groupe à un niveau de difficulté adapté, la tâche n’est ni trop difficile ni trop facile, mais appropriée et utile à des enfants qui ont besoin d’avoir confiance en eux-mêmes. Le succès de leur entraîneur les encourage à croire qu’avec beaucoup de travail ils pourront eux aussi atteindre leurs objectifs.

2. Les processus de rétention. Pour que les élèves bénéficient du comportement montré, ils doivent se souvenir de ce qu’ils ont vu. Un encodage symbolique (habituellement, une explication verbale) aide les élèves à retenir une leçon. Une illustration marquante peut avoir le même effet, tout comme une répétition mentale, et une répétition (une mise en pratique) de l’action motrice.

Par exemple, l’émission télévisée éducative « 1, rue Sésame » pour les enfants, ou les séries télévisées pour adultes portant sur des leçons de cuisine, d’art ou d’exercice physique. Ces émissions sont préparées avec soin de façon à être intéressantes, avec des couleurs vives et des actions dont on se souvient facilement. On y trouve toujours une démonstration et, en plus des explications verbales, il peut y avoir des sous-titres. Les

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modèles sont attrayants et les sujets adaptés à chaque âge visé. Les images vives et les démonstrations rendent ces cours faciles à mémoriser et illustrent bien les principes de Bandura.

3. Les processus de reproduction motrice consistent à mettre en pratique le comportement montré, qu’il s’agisse d’être une bonne hôtesse, de faire un discours, de nager ou lancer correctement un ballon. Les techniques complexes telles que le billard, le golf ou la gymnastique acrobatique demandent une longue période de tâtonnements et d’améliorations par de l’autocorrection et des retours sur la performance.

4. Les processus motivationnels. Même si on a appris un comportement, on ne le met pas nécessairement en pratique. Tout dépend des conséquences observables. La récompense ou l’absence de récompense influencent la mise en pratique de façon positive ou négative. De plus, tout le monde n’a pas les mêmes goûts, ce qui fait que le comportement exemplaire n’est pas accepté par tous de la même façon. Il est donc important que les enseignants donnent des incitations qui sont des récompenses aux yeux des élèves.

Le renforcement

Les théoriciens de l’apprentissage social estiment qu’on apprend d’abord de façon symbolique un comportement et qu’on l’accepte avant de le reproduire. Trois sortes de renforcements encouragent l’apprentissage de nouveaux comportements et leur mise en pratique.

1. Le renforcement externe. Ce sont des récompenses que l’apprenant apprécie. Attention ! Une même récompense ne sera pas appréciée pareillement par tous (dans certains contextes, même un compliment bien-intentionné peut mettre mal à l’aise un élève), d’où l’exhortation à donner des récompenses jugées telles par ceux qui les reçoivent.

2. Le renforcement indirect. Les apprenants observent et tirent la leçon des conséquences, bonnes ou mauvaises, d’un acte sans avoir à les subir eux-mêmes. Si quelqu’un voit un comportement récompensé, il aura davantage tendance à l’accepter et à l’adopter. S’il voit un comportement puni, il aura davantage tendance à l’éviter. L’observation des conséquences établit des normes et peut modifier un comportement à peu près de la même façon que les conséquences vécues personnellement (Bandura, 1977, p. 117–118).

3. L’auto renforcement. Les gens tiennent fermement aux idées qui marchent pour eux. Ce sont les idées qui leur permettent d’évaluer leur propre comportement, établir leurs propres normes et se récompenser avec des récompenses à leur portée quand ils ont atteint leurs objectifs. L’exemple permet d’apprendre aux apprenants, de façon directe ou indirecte, à se fixer des normes et à s’encourager eux-mêmes par une récompense, une fois le but atteint (Bandura, 1977, p. 128–138).

Attention : l’auto renforcement est une fonction nécessaire et salutaire. Il permet de persévérer quand tout autre encouragement fait défaut. Toutefois, comme l’estime de soi est très liée à l’atteinte d’un but (Bandura, 1977, p. 140–142), l’auto renforcement devient dysfonctionnel si l’on place la barre trop haut ou si l’autopunition est excessive.

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L’auto évaluation et le choix des amis

Les conséquences extérieures auront un grand impact sur le comportement quand elles sont compatibles avec les valeurs déjà internalisées. Ainsi, les actes suivis d’une récompense externe procurent de l’autosatisfaction et les actes suivis d’une punition externe sont autocensurés (Bandura, 1977, p. 155). À cause de cela, les gens ont tendance à s’associer à ceux qui ont les mêmes normes de conduite, ce qui assure un soutien social à leur propre système d’auto renforcement.

L’évitement du sentiment de culpabilité

Si quelqu’un transgresse les normes éthiques de conduite qu’il a intériorisées, il se sent coupable. L’anticipation de ce sentiment suffit en général à détourner la personne d’actes répréhensibles. En effet, les gens aiment avoir une bonne image d’eux-mêmes et préfèrent s’engager dans des activités sources d’autosatisfaction. Selon Bandura, la barrière morale est très forte quand la conduite répréhensible est clairement liée à des effets préjudiciables pour les autres (Bandura, 1977, p. 155).

Les mécanismes qui impliquent la restructuration cognitive

Ceux qui, pour une raison ou une autre, se conduisent sciemment de manière répréhensible ont des mécanismes pour éviter de se sentir coupables. Voici ceux que Bandura (1977, p. 155–158) décrit :

La justification morale : les actes répréhensibles sont justifiés parce qu’ils servent à des objectifs prétendument valables : de nombreux actes de cruauté, par exemple, ont été opérés au nom de principes religieux, d’idéologies de pureté et de l’ordre social (1977, p. 156). Les Nazis ont exterminé des Juifs au nom de « la purification raciale ».

La comparaison palliative : on fait paraître dérisoires des actes répréhensibles en les comparant à des atrocités plus flagrantes ; « Ce que je leur ai fait n’est rien en comparaison avec ce qu’ils m’ont fait. »

L’euphémisation : la personne désigne des activités répréhensibles par un euphémisme qui les masque, diminue leur gravité, voire les rend respectables. « Une abondance de paroles, qui ne disent presque rien, vise à minimiser une conduite pernicieuse et à dédouaner de leurs actions ceux qui les commettent. » (1977, p. 156)

Les exemples sont multiples : les termes « pieux mensonges », « emprunter » (pour « voler »), « tombé du camion » (pour « voler »), « elle a fêté Pâques avant les Rameaux » au lieu de « elle a eu un enfant avant le mariage », « il a fait une bêtise » au lieu de « il a commis un délit ».

Les mécanismes qui voilent ou dénaturent la relation entre actions et effets.

Minimiser les conséquences : Justifier l’acte en lui accordant peu d’importance, par exemple : « Personne n’a souffert. » ; « Cela a seulement touché un petit groupe de gens. » ; « Pas besoin de leur rendre l’argent : ils sont riches. »

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Ignorer les conséquences, c’est négliger les effets néfastes de nos actions, notamment quand leurs conséquences n’affectent pas directement les personnes au pouvoir. Les gouvernements et l’industrie, par exemple, nient souvent la pollution de l’environnement ou les risques d’accident du travail jusqu'à ce qu’il y ait une crise sanitaire ou des accidents.

Mal interpréter les conséquences : Certains se persuadent eux-mêmes que personne ne va découvrir qu’ils ont fait de fausses déclarations d’impôt, ou bien qu’ils se sont enrichis en détournant des fonds ou encore qu’ils peuvent résoudre une mésentente en accusant à tort un collègue pour le faire licencier. En interprétant mal les conséquences de leurs actions, ils parviennent (au moins pour un temps) à ne pas tenir compte des effets négatifs de leur conduite et à éviter le sentiment de culpabilité.

Les mécanismes qui déshumanisent la victime

La déshumanisation : La déshumanisation consiste à attribuer à une personne, ou à un groupe de personnes, un statut inférieur à celui d’être humain. Pratiquement tout le monde réprouve la cruauté et excuse rarement son utilisation envers des personnes. Cependant, on considère les animaux comme insensibles et n’obéissant qu’à la force. Dans une société bureaucratique automatisée, urbanisée et très instable, les relations anonymes et impersonnelles sont fréquentes. Il est alors facile de considérer que les étrangers, ou ceux qui sont très différents, sont insensibles et primitifs. Une fois qu’une personne, ou un groupe, est déshumanisé, on peut tout lui faire subir ou presque. En 1850, on a déclaré que les esclaves des États-Unis n’étaient pas des êtres humains. En 1939, Hitler a dit la même chose pour les Juifs. Ces groupes ont ensuite été traités comme des animaux. (Adapté de Bandura, 1977, p. 156)

Rejeter la faute sur la victime : Les relations nuisibles comportent une série d’actions où les victimes reçoivent leur part de responsabilité. On peut toujours se focaliser sur un comportement non désirable de son adversaire et considérer cela comme la source du problème. Les victimes sont alors accusées d’être responsables de leur propre malheur. Le coupable excuse ses propres actions en reportant la faute sur la victime (1977, p. 158). On a entendu des épouses, qui ont tué leur mari violent, se justifier en disant : « C’était de sa faute. »

Les mécanismes qui déplacent la responsabilité

Le transfert. Les gens se comporteront d’une manière qu'habituellement ils réprouvent, si une autorité légitime approuve leur conduite et assume la responsabilité des conséquences. (Kelman, 1973 ; Milgram, 1974). En déplaçant notre responsabilité vers une autorité, on se décharge de sa propre responsabilité et des interdits qui lui sont associés. Des soldats peuvent justifier leurs crimes de guerre en disant qu’ils obéissaient à des ordres venant de leurs supérieurs.

La dilution. En divisant le travail, en répartissant la prise de décisions et en agissant collectivement, les gens peuvent avoir un comportement répréhensible sans s’en sentir personnellement responsables. Les gens agissent plus méchamment quand l’instrumentalité collective voile leur responsabilité (Bandura, Underwood et Fromson, 1975). C’est le cas des rites d’initiation (à une bande) ou du bizutage. Des écoliers

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peuvent se grouper pour harceler un enfant plus faible et se montrer plus insensibles collectivement que s’ils agissaient seuls.

Il faut que les enseignants sachent voir clair dans ces justifications d’actes répréhensibles pour aider les élèves à s’en rendre compte afin de les éviter.

Conseils pour les enseignants

Pour les enseignants, l’intérêt de la théorie de l'apprentissage social est de porter sur les stratégies d’enseignement et d’apprentissage qui ont fait leurs preuves dans le fonctionnement de la société. Montrer l’exemple est parfois le meilleur moyen d’enseigner certains comportements et de mettre en garde contre d’autres. En s’en inspirant, les enseignants en tireront un bénéfice. Pour que l’exemple réussisse, il faut cependant veiller à : • Attirer l’attention ; • Rendre l’apprentissage mémorable ; • Donner des occasions de le mettre en pratique ; • Dispenser des récompenses appropriées aux yeux des élèves.

On doit fixer des attentes d’efficacité. Bandura (1977, p. 80) conseille de montrer aux élèves qu’ils sont capables de réussir au moyen : • de tâches réalisées (en les aidant à les faire) ; • d’expériences indirectes (observer quelqu’un d’autre faisant l’action) ; • de persuasion verbale (leur dire qu’ils sont capables de le faire) ; • d’éveil de leurs émotions (les aider à vouloir faire la tâche).

Le renforcement, interne, externe et indirect entretient les comportements. Les élèves oublient un comportement quand il n’est plus renforcé. Il est possible de leur apprendre à se fixer des objectifs et à se récompenser par un auto renforcement approprié.

Pour les enseignants qui enseignent à des minorités ethnolinguistiques, montrer l’exemple est un excellent outil pédagogique, tout comme l’emploi de marionnettes, de jeux de rôles, de saynètes ainsi que l’exemple de visiteurs officiels, de certains parents, de notables et autres personnalités.

Application

La théorie de l'apprentissage social nous apprend : • L’universalité et l’importance de l’apprentissage par l’exemple ; • Les modèles qu’on peut utiliser pour enseigner ; • Le déroulement de la séquence pédagogique pour que l’exemple montré soit

efficace ; • Les types de renforcement à la disposition des enseignants ; • Les mécanismes que les gens utilisent pour justifier un comportement

répréhensible.

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Chapitre 4

Les styles d’apprentissage et les méthodes d’enseignement

Introduction

Les recherches de Herman A. Witkin et de ses associés, commencées dans les années 1940, sont à l’origine d’une l’école de pensée : les styles d’apprentissage.

Les styles d’apprentissage concernent la façon dont les gens abordent habituellement des tâches d’apprentissage. Il existe différents styles d’apprentissage : auditif, visuel, kinesthésique ou tactile (Constantinidou et Baker, 2002 ; Dunn et Griggs, 2003), mais notre chapitre portera sur les styles d’apprentissage cognitifs, c’est-à-dire les processus mentaux impliqués dans l’apprentissage.

Witkin et ses collègues ont identifié deux principaux styles d’apprentissage : la dépendance du champ et l’indépendance du champ (Cohen, 1968, 1969 ; Witkin, 1978, p. 2). Leurs découvertes ont suscité un vif intérêt parmi les pédagogues et, au fil des ans, d’autres styles d’apprentissage ont été proposés. Ils sont représentés ci-dessous comme les pôles d’un continuum :

Pour comprendre les contrôles cognitifs, Klein, Gardner et Schlesinger (1962) ont fait des recherches sur la tolérance à des expériences irréalistes. Kagan, Rosman, Day, Albert et Phillips (1964) ont étudié le traitement de l’information en fonction des attitudes analytiques ou réflexives. Pask (1976a ; 1976b) a amélioré les connaissances sur les apprenants holistiques, les apprenants analytiques et ceux qui fonctionnent selon les deux modes (à savoir les apprenants bicognitifs1 qui manifestent des compétences à la fois holistiques et analytiques). Dunn et Dunn (1978) ont étudié les éléments de l’environnement et les méthodes pédagogiques qui affectent nettement les apprenants n’ayant pas les mêmes styles d’apprentissage. Avec Price, ils ont élaboré cinq

1 Un apprenant bicognitif utilise les deux façons d’apprendre : le mode holistique et le mode analytique. L’un des deux modes est néanmoins souvent dominant.

Types de styles cognitifs Chercheur

Pensée convergente_____________ Pensée divergente Guilford 1950 Analytique___________________________Synthétique Tyler, 1965 Acuité_________________________________ Nivellement Tyler 1965 Séquentiel___________________________ Simultané Luria 1966a, 1966b Simplicité cognitive_____________ Complexité cognitive Kogan 1979, Bieri 1961 Par spécification__________________ Par généralisation Ausubel 1978 Par centration______________________ Par balayage Rice 1979 (Valencia, 1980–1981, p. 62–63)

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questionnaires permettant d’inventorier les styles d’apprentissage et d’identifier vingt-trois caractéristiques des différentes modalités d’apprentissage (Dunn, 1988, p. 306–307). Quant à Howard Gardner (1983), il a introduit le concept d’intelligences multiples.

Les chercheurs ne partent pas des mêmes bases théoriques et ils utilisent des termes différents ce qui fait que chaque étude apporte une contribution spécifique. Toutefois, leurs travaux ont un grand nombre de points communs. Le but de ce chapitre est de réunir les principaux thèmes apparaissant dans les ouvrages publiés sur l’apprentissage et l’enseignement dans les sociétés minoritaires, à commencer par les concepts centraux du modèle utilisé par Witkin et ses collègues, et qui seront complétés par des informations tirées d’autres modèles. Dans un domaine si vaste et complexe, aucune théorie sur l’apprentissage humain n’est définitive, mais la combinaison des théories nous permet de nous rapprocher de la vérité.

Quelques mots sur la terminologie

Les termes en usage pour décrire les fonctions cognitives comportent d’importantes nuances.

Le style cognitif se rapporte à la manière dont le cerveau d’une personne traite des données.

Le style d’apprentissage cognitif est la manière habituelle avec laquelle une personne apprend. Ce n’est pas la même chose que :

Le développement cognitif : capacité croissante du cerveau à traiter l’information et qui évolue avec les stades successifs de son développement.

Les stratégies d’apprentissage : techniques spécifiques utilisées pour favoriser l’apprentissage, telles que la démonstration ou la répétition en groupe.

Les modalités habituelles d’apprentissage : méthodes d’apprentissage et d’enseignement habituellement utilisées dans une société donnée.

Les lecteurs doivent bien identifier ces différences et utiliser les termes avec précision, car les publications scientifiques les confondent parfois.

Les chercheurs ont utilisé parfois des termes différents pour les deux styles principaux d’apprentissage que Witkin et ses collaborateurs appellent dépendance du champ et indépendance du champ :

Indépendant du champ ____________ Dépendant du champ Witkin, et al, 1969–1977 Analytique_______________________________ Relationnel Cohen 1969 Analytique ______________________________ Holistique Pask and Scott, 1972, Pask 1975 Indépendant du champ ____________ Sensible au champ Ramírez and Castañeda 1974 Analytique ______________________________ Global Kindell and Hollman 2003 (d’après Valencia, 1980–1981, p. 62–63, et al.)

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L’evolution des recherches

Des tests fiables

Après des années de travail, Witkin et ses collègues sont parvenus à mettre au point des tests qu’ils ont jugé fiables et qui permettent d’identifier les différences de style cognitif (Witkin, 1974, p. 103 ; 1976, p. 39–42 ; Witkin et al., 1977, p. 2–6). Les trois principaux tests sont : • Le test appelé Rod-and-Frame Test : on demande aux sujets de placer une tige

lumineuse à la verticale tandis qu’un cadre lumineux, seul point de référence dans une pièce totalement sombre, est en position inclinée ;

• Le test appelé le Body-Adjustment Test : on demande aux sujets, assis dans une pièce où tout est penché, de se tenir droits ;

• Le test appelé Embedded Figures Test (Test des figures imbriquées) : on présente des figures géométriques ; les sujets doivent ensuite les retrouver dans une figure plus complexe.

« Reproduit avec l’autorisation de l'éditeur, MIND GARDEN, Inc., www.mindgarden.com et tiré du Group Embedded Figures test par Herman A.Witkin, Philip K. Oltman, Evelyn Raskin et Stephen A. Karp, Copyright 1971, 2002 par Herman A. Witkin, et al. Reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur. »

Si le sujet arrive à accomplir ces tâches de façon satisfaisante, on dit qu’il est indépendant du champ (IC), puisqu’il est capable de percevoir les éléments en les isolant du champ organisé dont ils font partie. S’il n’y arrive pas, on dit qu’il est dépendant du champ (DC), puisque l’environnement exerce une influence sur sa perception des éléments constituants. Cependant, les résultats à ces tests montrent une

La tâche du sujet consiste à retrouver la figure de gauche à

l’intérieur de celle de droite.

Exemples de figures

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grande variabilité ; aussi Witkin et d’autres chercheurs en sont venus à concevoir la dépendance du champ et l’indépendance du champ comme les deux pôles d’un continuum sur lequel chacun peut être positionné.

Dépendance du champ________________________________________________Indépendance du champ Environnement

Les tests positionnent certaines personnes au milieu du continuum ; d’autres sont plus proches d’une des extrémités.

Certaines parties des tests d’intelligence déjà mis au point (par exemple le test d’assemblage de cubes du test de Wechsler et le test de dessin d’une personne, dans lequel on évalue des dessins représentant un être humain en comptant le nombre d’éléments représentés) se sont aussi révélés utiles pour mesurer la dépendance du champ.

Il faut noter que les tests de Witkin reposent beaucoup sur les sens physiques (ajustement du corps) et sur la discrimination visuelle (figures imbriquées). Cela présuppose que la façon dont un sujet accomplit ces actions concrètes révèle les types de processus mentaux utilisés lorsqu’il apprend. Les critiques jugent que ce présupposé est contestable et constitue une limitation sérieuse de la théorie de la dépendance du champ.

La définition que Witkin donne des styles cognitifs

Suite aux découvertes de Witkin, les styles cognitifs sont définis comme étant : […] les modes typiques de fonctionnement logique présents dans toutes les activités cognitives, c’est-à-dire dans les activités intellectuelles et perceptives. Ce sont […] des manifestations […] de dimensions encore plus larges du fonctionnement personnel, qui se retrouvent sous une forme similaire dans de nombreux domaines de l’activité psychologique. (Witkin, 1974, p. 99)

Messick l’exprime plus simplement : « Les styles cognitifs sont les différences individuelles constantes dans la manière d’organiser et de traiter l’information. » (Messick, 1978, p. 5) Ausubel et ses collègues ont confirmé cette définition (1978, p. 203).

Les caractéristiques dominantes

Dans un important article qui résumait les connaissances accumulées jusqu’à la date de sa rédaction, Cohen (1969, p. 844–852) a utilisé les termes analytique et relationnel pour décrire les styles cognitifs dépendants ou indépendants du champ. Les caractéristiques socio comportementales de chaque style étaient présentées en détail dans des tableaux. Par exemple :

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Analytique Relationnel Sensibilité aux parties d’objets Sensibilité aux caractéristiques

globales Attitude plus réfléchie Les réactions apparaissent plus

impulsives Grande concentration Dispersion Préférence pour une distance sociale

Préférence pour une intégration sociale

Fait beaucoup d’abstractions Fait peu d’abstractions Voit l’enseignant comme une source

Voit l’enseignant en tant que personne

d’information

Cohen (1969, p. 829) considérait les styles cognitifs comme des traits hautement individuels, indépendants des capacités innées, de la race, du sexe ou du statut socio-économique. Les styles cognitifs, cependant, ont un impact direct sur l’apprentissage (Cohen, 1968, p. 201).

Witkin (1978, p. 25–29) était d’accord avec les descriptions faites par Cohen. Il considérait l’IC et la DC comme des paramètres de traitement, des dimensions omniprésentes du fonctionnement individuel, bipolaires (c’est-à-dire se trouvant le long d’un continuum) et dont la valeur est neutre (c’est-à-dire qu’elles sont également valables et utiles). Les résultats de ses travaux montrent aussi que le style cognitif d’une personne tend à rester stable dans la durée et quel que soit le domaine (Witkin, 1978, p. 25–29 ; Witkin, Moore, Goodenough et Cox, 1977, p. 7, 15).

La différenciation psychologique

Witkin a introduit le concept de différenciation psychologique pour décrire les manifestations d’un style cognitif dans tous les domaines. « La différenciation renvoie à la complexité d’une structure d’un système psychologique […] Une plus grande différenciation se manifeste […] dans la division des activités psychologiques au sein de l’organisme […] » (1978, p. 15).

La différenciation se manifeste dans les processus individuels de structuration hiérarchique, dans le développement de mécanismes de contrôle des impulsions, dans la différenciation du moi et du non moi, et dans les degrés d’importance accordée aux référents internes ou externes dans le traitement de l’information. Lorsque les tests ont montré que les femmes étaient légèrement plus dépendantes du champ (DC) que les hommes, Witkin, Moore, Goodenough et Cox (1977, p. 7) ont attribué cela à la différenciation psychologique. On a observé de nombreux corrélats comportementaux de ce type. Par exemple, les personnes DC sont généralement plus attentives, expressives, chaleureuses et tournées vers les autres que leurs pairs qui tendent à être indépendants du champ. Ces derniers sont souvent plus tranquilles, analytiques et détachés (Witkin et al. 1977, p. 10–14). Ces différences influencent souvent le choix des activités (Witkin, 1976, p. 52–54). Par exemple, les personnes IC s’orienteront plutôt vers des carrières scientifiques ou techniques. Alors que les personnes

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dépendantes du champ auront tendance à s’orienter vers l’enseignement, la vente, la gestion du personnel, la psychologie ou la relation d’aide (Witkin, 1976, p. 47–57).

La personnalité humaine est cependant bien trop complexe pour être entièrement déterminée par une seule variable. Nous recommandons la prudence quant à l’importance accordée au facteur dépendance ou indépendance du champ lors de l’évaluation ou la définition de la personnalité et lors de l’observation du comportement [d’une personne].

Les variations culturelles et sociales

Selon Bertini, Pizzamiglio et Wapner (1986, p. 95), parmi toutes les théories cognitives, c’est celle de Witkin qui a été la plus documentée tant pour la société occidentale que sur le plan interculturel avant 1966 (Witkin, 1967). Bien qu’on reconnaisse que la DC/ID est une affaire individuelle, on a aussi observé, dans certaines cultures, une prédominance pour l’un ou l’autre mode de fonctionnement (Chapelle et Roberts, 1986, p. 29).

Les sociétés agraires ou autoritaires, qui ont en général une forte organisation sociale et ont des normes d’éducation très strictes, ont tendance à produire davantage de personnes dépendantes du champ. Les sociétés démocratiques et industrialisées avec des pratiques d’éducation plus souples tendent à produire plus d’indépendance du champ. (Hansen, 1984, p. 313, citant Witkin et Goodenough, 1981 et Berry, 1976)

Ainsi, beaucoup de citoyens des États-Unis sont indépendants du champ (Ramirez et Castañeda, 1974, p. 156), tout comme les Mende du Sierra Leone (Witkin, 1974, p. 106–108) et les Esquimaux (Witkin, 1974, p. 109–110). Les enfants mexico-américains tendent, eux, à être plus dépendants du champ (Ramirez et Castañeda, 1974, p. 79, p. 132–133), tout comme les afro-américains (Cox et Ramirez, 1981), les membres de certains groupes amérindiens d’Amérique du Nord (Pepper et Henry c. 1984, p. 4), les Aborigènes australiens (Harris, 1982), certaines minorités ethniques de la jungle péruvienne (Davis, 1987, p. 2) ainsi qu’au moins une des cultures ethniques des Philippines (Bulmer, 1983) et une du Ghana (Lingenfelter et Gray, 1981).

Les caractéristiques du groupe

Cohen (1969, p. 852–854) a décrit les différences d’organisation collective selon les styles cognitifs. Parmi celles-ci, elle a cité :

Caractéristiques du groupe

Analytique : organisé de façon formelle Relationnel : Fonctions partagées Les fonctions essentielles sont définies en bonne et due forme et partagées

Les fonctions essentielles sont liées aux statuts socio-économiques

L’individu se réserve le droit de refuser d’agir

L’individu ne peut pas refuser d’agir

Identification occasionnelle au groupe Forte identification au groupe

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Ramirez et Castañeda (1974, p. 132–133) donnent la liste suivante des variables qui influencent la sensibilité du champ chez les enfants mexico-américains : 1. Les pratiques parentales de socialisation (accent mis sur le respect de la famille,

l’autorité religieuse et politique) ; 2. Les caractéristiques du groupe (une société de type sensible au champ) ; 3. La langue dominante (espagnol) ; 4. L’enracinement dans la famille (forts liens maternels).

Par la suite, Hansen a étudié la relation entre la dépendance du champ et les résultats au test des « textes à trou »2 pour 286 adolescents représentant 6 cultures des îles du Pacifique. Le test des figures imbriquées (EFT) a montré « des différences frappantes entre les groupes échantillonnés, non seulement pour le niveau d’indépendance du champ, mais aussi dans la corrélation DI/IC et le sexe » (1984, p. 317). Chez les élèves hawaïens testés, on a trouvé, significativement, plus d’indépendants du champ que chez ceux des îles Samoa, Tonga, Tahiti et Fidji (que les élèves soient Fidjiens ou Indo-Fidjiens). Chez les hommes, il y avait significativement plus d’indépendants du champ que chez les femmes, sauf pour l’échantillon hawaïen.

Les facteurs déterminants

Se demandant pourquoi les sociétés tendent à être composées majoritairement de personnes avec les mêmes tendances à la dépendance ou à l’indépendance du champ, les chercheurs se sont lancés dans une nouvelle série d’études.

Seder (1957, cité par Witkin 1974, p. 106) a constaté que les différences cognitives des jeunes garçons juifs de New York dépendaient du degré de différenciation manifesté par leur mère. Les travaux de Seder ont été confirmés par Dawson (1963 et 1967), et Berry (1966a et b). Le premier a comparé deux groupes ethnolinguistiques de la Sierra Leone, les Temne et les Mende, chez qui la dépendance du champ est favorisée par une forte domination parentale. Le second a démontré que les Esquimaux ressemblent beaucoup aux Écossais concernant l’indépendance du champ, en raison, suppose-t-il, des attentes parentales ainsi que de l’environnement géographique qui oblige les garçons à développer une grande discrimination visuelle.

En examinant les études de cette époque, Witkin a conclu que le conditionnement social contribue à la dépendance ou à l’indépendance du champ. Le statut socio-économique n’affecte pas l’ID/DC. (1969, p. 691–701 ; 1974, p. 106–110, p. 116–117). Lingenfelter et Gray le confirment pour certaines sociétés où un style cognitif est plus apprécié que l’autre. Il en résulte que le style préféré se développe dans cette société tandis que le moins estimé est réprimé. Ils citent en exemple une expérience frappante :

2 Les tests des « textes à trous » servent à évaluer la compréhension écrite. On demande aux élèves de lire un paragraphe dans lequel un mot sur cinq (ou sur huit ou sur dix) a été remplacé par un blanc, selon le niveau de difficulté souhaité par l’enseignant. (Plus il y a de mots enlevés, plus le test est difficile.) Les élèves doivent remplir les blancs. S’ils retrouvent les mots exacts employés par l’auteur, c’est la preuve qu’ils ont bien compris le texte.

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Voici [...] le cas de deux jeunes micronésiens qui ont vécu pendant six ans au domicile de l’un des auteurs. Ces jeunes étaient apparentés, mais l’un avait tendance à être relationnel [R] alors que l’autre était plus analytique [A]. L’étudiant A a très bien réussi dans le système scolaire américain, car il était doué pour l’analyse et l’abstraction. L’étudiant R, bien qu’intelligent, a eu beaucoup plus de difficultés à comprendre les exigences des devoirs à l’université. Cependant, de retour en Micronésie, ce dernier s’est assez rapidement adapté et a fait honneur à son père. Sa capacité à saisir une situation dans son contexte l’a énormément aidé dans son travail. Par contre, l’étudiant A a eu beaucoup de difficultés à s’adapter aux exigences culturelles de la Micronésie, où son aptitude pour l’abstraction et les questions l’ont fait passer pour un « Monsieur-je-sais-tout » et où les personnes plus âgées n’apprécient pas du tout ses idées de changement. (1981, p.15–16)

En 1983, après plusieurs études transculturelles, Greenfield a conclu, non sans hésitation, que, dans le domaine de la formation de concepts, des systèmes où les catégories sont fermées (où les erreurs ne sont pas permises, car il n’y a qu’une réponse ou qu’un seul résultat considéré comme juste) font principalement appel à l’observation et à la démonstration. Les systèmes ouverts (où l’expérimentation est permise) sont enseignés, eux, par essais ou erreur, ce qui ouvre la porte à l’innovation mais aussi aux erreurs (1983, p. 128).

Cox and Ramirez (1981, p. 62–63) identifient trois facteurs qui influencent la manière dont les enfants apprennent à se comporter : la tâche, la situation et les contenus. Selon Cox et Ramirez, la manière dont les parents éduquent leurs enfants exerce, chez ces derniers, une influence primordiale sur l’installation de leur mode habituel d’apprentissage. Le style éducatif des parents est lui-même fortement influencé par les valeurs culturelles. Voici donc un schéma représentant les influences qui s’exercent.

Les valeurs culturelles

influencent Les pratiques de socialisation

qui influencent Les manières dont les enfants préfèrrent apprendre

Les études faites par Greenfield (1976, p. 322–333) au Mexique, parmi les Zinacantan du Chiapas, ont confirmé que, dans des situations multiculturelles, les recherches effectuées selon les méthodes occidentales (questions, explications verbales et raisonnement hypothétique) peuvent ne pas donner de résultats fiables, surtout s’il s’agit de sujets peu familiers. (Greenfield recommande, dans le cas de test où l’on pose des questions, que les consignes soient accompagnées d’exemples concrets clarifiant ce que la personne testée doit faire). De plus, elle souligne la nécessité de comprendre les idéaux culturels. À partir de là, on peut identifier la façon dont ces valeurs sont inculquées aux jeunes. Les méthodes et les stratégies utilisées pour diriger l’apprentissage et façonner le style cognitif dans la culture en question ne seront pas nécessairement conformes aux schémas de pensée occidentaux.

Laosa reconnaît que la communication du savoir-vivre à des enfants est propre à certaines cultures et tend à favoriser le développement de styles cognitifs particuliers, mais il signale le risque d’appliquer aux individus les résultats obtenus au niveau du groupe. Il soulève alors une autre question :

Si […] des styles cognitifs caractéristiques sont adaptés aux contextes écologiques et culturels dans lesquels vivent les groupes au sein d’une société, qu’advient-il de ces

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différences au cours de contacts avec d’autres cultures ou lors de changements sociaux ? Certains signes montrent que les styles cognitifs évoluent suite à l’acculturation […]. (1977, p. 28)

L’aptitude à se développer

Witkin (1974, p. 100–101) a décrit le processus mental comme passant par différentes étapes de développement allant de la perception globale d’un domaine à une perception organisée d’éléments distincts, mais où néanmoins une structure est imposée à l’ensemble. Les études que Greenfield a faites au Sénégal, parmi les Wolof en 1963–1964, le confirment (Greenfield et Bruner 1966, p. 104–105). Greenfield a testé la façon dont les différentes catégories d’enfants wolofs (ceux des campagnes qui n’allaient pas à l’école, ceux qui étaient scolarisés en brousse, ceux des villes) catégorisaient les concepts. Elle a constaté ceci :

[…] C’est toujours la scolarisation qui modifie la direction du développement des enfants et sa qualité. Les enfants Wolof scolarisés présentent, avec les enfants vivant dans le même village de brousse mais non scolarisés, plus de différences intellectuelles qu’avec ceux des villes du Sénégal, ou même de […] Brookline dans le Massachusetts. (1966, p. 104)

Greenfield et Bruner (1966, p. 104) mentionnent d’autres études menées au Congo belge (Cryns, 1962) et en Afrique du Sud (Biesheuvel, 1949) qui démontrent l’immense influence de la scolarisation.

Néanmoins, une étude ultérieure faite parmi les Zincantecan au sud du Mexique (Greenfield, Brazelton et Childs, 1989) n’a pas confirmé les résultats des premières recherches. La scolarisation n’a pas influencé le résultat de tests où les sujets devaient classer des objets ou représenter des motifs tissés (1989, p.38–39). En revanche, les différences reflétaient le niveau culturel et, dans une moindre mesure, le sexe du sujet.

Pour les Zinacantecan, la conservation des valeurs de leur culture est une priorité. Les enfants apprennent en commençant par observer, puis essayent d’imiter sous le contrôle constant de la mère ou d’un mentor qui intervient chaque fois que l’apprenant hésite, de sorte qu’il y a peu de possibilité d’erreur. De ce fait, les enfants pensent qu’il n’y a qu’une bonne façon de faire, la façon traditionnelle. La créativité et l’expression personnelle ne sont pas valorisées, mais au contraire, réprimées. Devant une nouvelle tâche demandant de l’ingéniosité, les enfants avaient tendance à être bloqués, car il ne leur était pas possible de faire autrement que selon la manière établie. La plupart des exceptions ont été trouvées parmi les garçons, car certains étaient autorisés à faire des expériences en-dehors de la société zinacantecan. Comme les Zinacantecan voulaient que ce soient ces jeunes qui résolvent les problèmes lors des transactions avec la société hispanique, ils ont souhaité que ceux-ci aient plus d’idées novatrices (1989, p. 42).

Une expérience faite dans la forêt amazonienne au Pérou montre qu’on peut apprendre des stratégies concernant la DC/IC si celles-ci sont explicitées et présentées lentement. (Davis, 1981, p. 231–232). C’est ce que montre également une expérience faite au Ghana :

« Parmi les Bulsa, l’anglais était à la fois la langue officielle et la langue de prestige. Les enfants fréquentaient les écoles anglophones. Le taux d’abandon scolaire était élevé et, donc, le taux de poursuite des études était faible. En cherchant à utiliser la capacité

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des Bulsas à mémoriser de façon globale, Claire Gray a rédigé un nouveau manuel de lecture qui ne contenait que seize mots. Le manuel suivant ajoutait seulement l’équivalent de « C’est ». Certains mots clés étaient décomposés en syllabes, mais seulement ceux dont les syllabes, prises séparément, avaient un sens. Grâce à la signification des syllabes, les élèves ont vite compris la syllabation. Le 3ème manuel contenait des histoires toutes simples et élargissait leur vocabulaire à environ 80 mots, mais seuls quelques mots nouveaux étaient décomposés en syllabes. Le 4ème manuel montrait comment transférer la décomposition en syllabes à des mots dont les syllabes, prises seules n’avaient pas de sens. Les enfants avaient alors acquis l’analyse et la synthèse et ils ont progressé sans autres difficultés. »

À ce sujet, Pepper et Henry font remarquer que, bien qu’il soit souhaitable de tirer profit des styles d’apprentissage des élèves quand on leur présente de nouveaux concepts, il est aussi nécessaire de les aider à acquérir d’autres styles pour qu’ils continuent leur développement intellectuel. « Trop souvent, les élèves indiens progressent normalement ou brillamment dans une école « protégée » pour échouer, dès qu’ils la quittent […]. N’est-il pas de notre devoir de développer les styles d’apprentissage des élèves indiens […].pour éviter de les enfermer dans un certain moule ? » (Pepper et Henry, circa 1984, p. 18–19).

Les styles d’apprentissage et L’éducabilité

Tests de Quotient Intellectuel (Q.I.)

Ayant trouvé que les apprenants relationnels avaient tendance à avoir de moins bons résultats aux tests de Q.I., Cohen a fait une étude des mesures non verbales de l’intelligence. On pensait que les tests verbaux étaient les seuls à avoir une composante culturelle et que les tests non verbaux portaient uniquement sur le raisonnement logique. Or elle a trouvé que « la nature même de ces séquences logiques véhicule les aspects les plus liés à la culture de la classe moyenne ou à la façon « analytique » de penser ». (1969, p. 840)

Les résultats d’évaluation de soixante-six élèves de 3ème et de 2nde (14 à 16 ans), d’intelligence moyenne ou supérieure, confortent sa position. Les élèves plus intelligents, plus relationnels, ont eu de très faibles résultats (15ème au 20ème centile) à deux sous-tests du « Project Talent Achievement Inventory »3 mais ont eu de très bons résultats (90ème au 95ème percentile) pour deux séries de problèmes concrets. Cohen en a conclu que, pour bien apprendre et avoir de bons résultats, les élèves très relationnels ont besoin de concret et que le degré d’abstraction requis pour les tests de Q.I. joue en leur défaveur.

Comme les tests de Q.I. ne mesurent pas correctement les styles cognitifs, Witkin a proposé de les remplacer par une évaluation des styles cognitifs (1976, p. 70–71). 3 Litt. Projet talent : bilan des acquis

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La discrimination scolaire

Suite à ses recherches, Cohen a identifié une autre source de problème pour les apprenants relationnels. Les systèmes scolaires occidentaux étant fondés sur le modèle analytique (IC), l’apprenant relationnel (DC) a « peu de chance d’être gratifié dans le contexte scolaire, quelles que soient ses capacités naturelles et même s’il a les connaissances et l’expérience adéquates. » (Cohen, 1969, p. 830). De ce fait, les apprenants holistiques se sentent souvent frustrés et désavantagés. En utilisant une batterie de tests psychologiques, de tests linguistiques et de tests d’attitudes, Cohen (1968, p. 209) a identifié quatre catégories de réponses clairement différenciées : • Les élèves très relationnels : faibles résultats scolaires ou en deçà de leurs

possibilités ; • Les élèves très analytiques : bons résultats scolaires ; • Les élèves moyens sur le plan relationnel et analytique : résultats dans la moyenne ; • Les élèves très analytiques et très dépendants du champ : résultats moyens qui ont

montré des réponses conflictuelles et une certaine confusion. Les preuves de Cohen ont conforté la conclusion de Witkin, qui affirme que les

styles cognitifs sont influencés par les premières expériences vécues dans la famille et dans le groupe. Les tests de Cohen sur 500 élèves de 3ème (14–15 ans) n’ont cependant donné aucun signe d’un lien entre le style cognitif et les capacités naturelles (1969, p. 838).

Pepper et Henry identifient le handicap scolaire dont souffrent les apprenants DC amérindiens : « en règle générale, les élèves amérindiens apprennent plus vite lorsque l’enseignement va du concret vers l’abstrait, de la pratique à la théorie. Or, la plupart des écoles suivent le modèle américain d’origine européenne qui va de la théorie à la pratique » (circa 1984, p. 16).

Parlant des styles d’apprentissage traditionnels parmi les Aborigènes australiens, Harris (1982, p. 129–133) a établi une liste des caractéristiques qui apparaissent comme très relationnelles : • Un apprentissage informel, conduit par différents membres de la famille sur

plusieurs années et passant surtout par des moyens non verbaux, sans lieu conçu à cet effet ; c’est un processus inconscient issu des besoins vitaux ;

• L’observation et l’imitation (plutôt que des instructions verbales) ; • L’apprentissage par essais et erreurs (plutôt que par des instructions verbales) ; • Tourné vers les personnes (plutôt que vers les informations) ; • Un apprentissage de l’ensemble (plutôt que des parties) ou en faisant des

approximations jusqu’à obtenir un bon produit final (plutôt qu’en séquençant les compétences) ;

• L’acceptation de l’univers comme une chose « donnée » et non comme quelque chose à changer ou à manipuler ;

• L’utilisation de l’insistance et de la répétition au lieu de l’analyse comme méthode de résolution de problème ;

• Un évitement de la confrontation verbale ;

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• Un refus de poser des questions, surtout des questions rhétoriques ou dont la réponse est évidente, et des questions hypothétiques. Ces caractéristiques ont systématiquement eu pour conséquence les faibles résultats

des élèves aborigènes en comparaison avec leurs pairs européens. L’étude menée par Klich et Davidson (1984, p. 191) montre que cela n’a rien à voir avec l’intelligence innée. Dans cette étude, on a donné une batterie de onze tests à 76 enfants issus de deux groupes du fin fond du désert, au nord-ouest de l’Australie du Sud, et à 91 enfants australiens blancs de la région rurale du New South Wales. Ces chercheurs en ont conclu qu’aucune différence observable dans la structure sous-jacente aux fonctions de traitement cognitif ne pouvait être établie statistiquement entre ces enfants qu’ils soient aborigènes ou non aborigènes.

Les domaines d’apprentissage affectés

Witkin, Moore, Goodenough et Cox ont fait une revue des travaux sur les perceptions faits jusqu’en 1977 et ont énuméré les domaines d’apprentissage qui sont influencés par les styles cognitifs (1977, p. 17–27).

Le contenu social

Witkin et al. (1977, p. 18–19), citant des études faites par Ruble et Nakamura (1972), Crutchfield et al. (1958), Fitzgibbons et al. (1965), affirment, preuves à l’appui, que les sujets dépendants du champ, enfants comme adultes, arrivent mieux à assimiler et à utiliser les indices sociaux, à mémoriser les visages et à apprendre le savoir social entourant une tâche sur laquelle ils font porter leur attention.

Witkin en conclut : « les personnes dépendantes du champ se rappellent mieux ce qui a trait aux relations humaines […] Cela est dû au fait qu’elles font porter leur attention sur le contenu social. » Elles ont tendance à être meilleures dans les tâches ou les situations où il faut prendre en compte des indices sociaux (Ruble et Nakamura, 1972).

Dans le même esprit, Bulmer (1983, p. 24–30) cite une expérience faite aux Philippines auprès des Kalinga où les élèves n’ont progressé que lorsqu’on leur a procuré un certain cadre social. Chez les Kalinga, le but, ce sont les personnes. Les relations sont donc extrêmement importantes. En cas de désaccord, il faut faire appel à des médiateurs pour éviter de faire perdre la face à quelqu’un. Pour que les élèves soient heureux d’étudier, on ne doit pas les séparer et il faut qu’ils travaillent dans un groupe homogène, formé de leurs fréquentations habituelles au village. Le temps en classe doit être un temps social où les élèves sont libres de discuter de ce qui les intéresse. On doit leur permettre de se copier et de s’entraider. Personne ne doit être mis mal à l’aise ou humilié et on doit accepter des interruptions comme des cérémonies, des visiteurs, ou des travaux.

Harris (1982, p. 132) relate une expérience similaire, qui, selon lui, montre que, chez les Aborigènes australiens, l’apprentissage est tourné vers les personnes (souvent les parents proches) plutôt que vers les informations. Pendant deux mois, avec sa femme, il a aidé un directeur d’école lors d’un atelier d’écriture destiné à un groupe de jeunes femmes aborigènes. Lorsque le directeur est parti en vacances pour une semaine,

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les progrès des élèves ont pratiquement cessé. Pourtant elles continuaient à assister aux cours. Pensant que c’était peut-être un problème de langue, même si elles maîtrisaient plutôt bien l’anglais, les Harris ont demandé à un enseignant parlant la langue aborigène de les aider. Bien que les élèves et le nouvel enseignant s’entendaient bien, cela n’a guère changé à l’atelier. Celui-ci n’est revenu à la normale qu’au retour du directeur.

Harris (1980, p. 19) donne aussi un aperçu des types d’expériences collectives qui sont importantes pour des élèves dépendants du champ et tournés vers la tradition :

Il est courant dans la société aborigène, que des groupes fassent part de ce qu’ils ont appris, surtout entre groupes de pairs. Ainsi, un moyen d’apprendre de longs cycles de chants est de les chanter en groupe. De même, les cérémonies ou les cueillettes de nourriture s’apprennent pour l’essentiel en groupe. Les membres du groupe sont donc habitués à s’entraider. Une des raisons pour lesquelles les Aborigènes sont, comparativement à d’autres, moins ennuyés de faire des activités répétitives est qu’elles se passent au sein de groupes dont ils aiment faire partie. […] Un autre aspect important […] est que, le plus souvent, on donne la réponse à l’élève au lieu de le laisser batailler seul pour arriver à maîtriser chaque partie. Les enseignants d’élèves aborigènes devront décider si fournir les réponses est vraiment « tricher » ou est une mauvaise méthode pédagogique, ou, alors, si c’est tout simplement une autre façon d’atteindre, en fin de compte, le même but.

Le renforcement

« Comme les élèves apprenant de façon globale ont tendance à compter davantage sur des référents externes pour se définir, […] les élèves dépendants du champ seront plus susceptibles d’avoir besoin d’objectifs et de renforcements externes précis que ceux qui sont indépendants du champ » (Witkin et al., 1977, p. 19). Comme leur sécurité dépend de leur relation harmonieuse avec les autres, les personnes DC sont aussi plus sensibles à la critique. Witkin et ses collègues citent un nombre d’études dans lesquelles les sujets IC ont obtenus de meilleurs résultats que les enfants DC lorsque le renforcement était abstrait, mais si les récompenses étaient matérielles ou sociales, les enfants DC et IC avaient les mêmes résultats. En revanche, les personnes IC ont tendance à mieux apprendre quand la motivation est intrinsèque (1977, p. 19–20).

Rapportant des preuves provenant des Kalinga (dépendants du champ), un peuple des Philippines, Bulmer (1983, p. 29) écrit :

Le prestige obtenu est source d’une grande motivation pour l’alphabétisation et les gens voient, déjà dans la scolarité, un moyen d’obtenir du prestige. La réussite doit être reconnue et il est très important de donner des certificats et autres formes de reconnaissance, lors d’une cérémonie de remise de diplômes. Le fait que le superviseur des écoles publiques du district soit venu assister à Mallongo à notre cérémonie de remise de diplômes pour les adultes […] a beaucoup encouragé les adultes.

L’organisation

Selon Witkin et al. (1977, p. 21–22), les élèves IC ont tendance à imposer une structure aux contenus qui n’ont pas de structure intrinsèque manifeste. Ils créent eux mêmes des indices qui les aident à retenir ce qu’ils apprennent. Les élèves DC, eux, éprouvent plus de difficultés à apprendre les contenus dépourvus de structure, car ils n’inventent pas

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aussi facilement des solutions pour organiser ou unifier les concepts. Contrairement aux élèves IC, ils ne testent pas non plus des hypothèses. Ces auteurs font référence à une étude que Fleming et al. ont faite en 1968, dans laquelle les sujets devaient apprendre des mots qui soit allaient du plus général au plus spécifique (animal, vertébré, mammifère, veau), soit étaient dans l’ordre inverse (veau, mammifère, vertébré, animal). Dans les séries du premier type, le premier mot sert de titre ; l’hypothèse des chercheurs était que sans cet indice, les sujets DC auraient plus de difficultés pour la série partant de l’animal jusqu’au terme général. Comme prévu, les élèves DC se sont rappelés de moins d’exemples de cette série alors qu’ils ont eu les mêmes résultats que les sujets IC pour la série allant du plus général au plus spécifique.

Dans leur compte-rendu d’une étude faite par un de leur collègue, Walter Emmerich, Witkin et al. signalent que les enseignants trouvent que les élèves DC ont de meilleurs résultats quand on leur fournit un plan. « Une caractéristique du comportement des personnes dépendantes du champ est qu’elles ont davantage besoin que quelqu’un leur fournisse une structure » (1977, p. 23).

Greene (1972), cité par Witkin et ses collègues (1977, p. 23), rapporte un autre élément prouvant que les DC ont davantage besoin de structures fournies par d’autres :

Les thérapeutes choisissent nettement plus souvent une thérapie de soutien pour leurs patients DC et une thérapie modifiante pour leurs patients IC…Dans la thérapie de soutien, le thérapeute joue un rôle plus important en fournissant une structure pour le processus thérapeutique alors que dans une thérapie modifiante, le patient participe à la détermination du contenu et à l’avancement du processus.

Des individus, mais aussi des sociétés tout entières, manifestent de grandes capacités d’organisation. MacArthur a découvert que les Eskimos canadiens et les Amérindiens, deux sociétés de chasseurs-cueilleurs, « étaient plus IC, c'est-à-dire, plus aptes à imposer une structure dans les cas où il y a peu d’organisation intrinsèque (par exemple, pour un territoire non cartographié) en raison de leur mode de vie et de leur façon d’éduquer les enfants » (1968, cité dans More, 1984, p. 6).

Weitz « […] a étudié deux peuples amérindiens : les Algonkins et les Athapaskans. Dans ces deux peuples, elle a distingué des populations urbaines, transitionnelles et traditionnelles ainsi que des catégories homme/femme et personnes âgées/jeunes. Elle a trouvé que l’ensemble de la population a un score IC très élevé » (1971, cité par More, 1984, p. 6).

Ceci est apparemment contredit par une étude bien documentée sur les Aborigènes d’Australie dépendants du champ. Celle-ci démontre que ces Aborigènes sont exceptionnellement doués pour pister des animaux et s’orienter malgré l’immensité monotone, du moins aux yeux d’Occidentaux, des terres du centre de l’Australie.

Lewis s’est aperçu que, dans des conditions normales, les Aborigènes utilisent un « schéma topographique » complexe (Gibson, 1950) qui dépend essentiellement : de la connaissance de points de repères importants ; de la connaissance de l’ensemble des mythes associés à ces points de repères ; de l’utilisation de cartes mentales dynamiques […] (Lewis, 1976a dans Klich et Davidson, 1984, p. 172).

Lewis en a donc conclu que : L’excellent sens de l’orientation visuo-spatial des Aborigènes du désert peut être attribué à l’utilisation de processus de cartographie complexes suite à un « conditionnement

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terrestre » effectué au moyen de liens émotionnels et spirituels avec la terre qui est structurée par des réseaux d’évènements mythiques. (Lewis, 1976b dans Klich et Davidson, 1984, p. 173)

La capacité des Aborigènes du type DC à imposer une structure au désert semble être le résultat d’un apprentissage, exigé par la nécessité de survivre, qui s’appuie sur une vaste structuration (les points de repère) renforcée par des croyances religieuses.

L’acquisition de concepts

Les pédagogues acceptent deux modèles d’acquisition de concepts : le test d’hypothèses (l’apprentissage par essais/erreur) et l’approche passive (l’apprentissage par l’observation). Witkin et al. parlent d’une étude, faite par Nebelkopf et Dreyer (1973), qui invite à penser que les personnes IC testent très souvent des hypothèses alors que celles DC préfèrent l’approche passive. D’après leurs résultats, quand les personnes DC testeraient des hypothèses, elles « ne feraient pas des hypothèses à partir des mêmes éléments que les personnes IC » (Witkin et al., 1977, p. 24–25).

On trouve des preuves de l’utilisation de l’approche passive parmi certaines minorités ethniques du Pérou :

Dans certaines cultures [de la forêt tropicale] que nous connaissons, on apprend par l’observation. Les enfants observent leurs parents ou d’autres personnes, jusqu’à ce qu’ils pensent maîtriser les techniques concernées. Ils n’attendent pas d’explications et celles-ci leur sont rarement données. Cela n’empêche pas qu’en général l’enfant, dès sa première tentative, réussit très bien. L’échec est source de honte, car il montre qu’on a été orgueilleux et trop pressé. (Davis, 1981, p. 231)

Harris (1982, p. 130–131) dit que l’une des principales stratégies d’apprentissage chez les Aborigènes australiens est l’observation et l’imitation, non l’instruction explicite, qu’elle soit orale ou écrite. Par exemple :

M, quarante-cinq ans, et ses trois fils de onze, neuf et six ans, coupaient des arbres de dix à douze centimètres de diamètre, à l’écorce filandreuse, car M. voulait faire des didgeridoos4 pour les vendre dans le magasin d’artisanat. M s’approchait de chaque arbre sélectionné et l’examinait de bas en haut, cherchant des branches mortes ou des trous susceptibles d’indiquer qu’il était creux. Chacun de ses fils suivaient son regard, surtout les deux aînés qui se plaçaient souvent du même côté de l’arbre que M afin d’avoir le même point de vue. Quand tout en examinant l’arbre, M en faisait le tour, ses garçons l’imitaient parfois. M se parlait à lui-même de temps en temps, mais ne disait rien aux enfants. Chaque fois qu’un arbre tombait, ses fils se précipitaient pour voir s’il était creux. Une fois où M se reposait, chacun des deux aînés a essayé de couper un arbre, mais la hache était trop lourde pour eux et ils ont vite renoncé. Presque toutes les compétences pour survivre, tous les savoir-être et une bonne partie des compétences artistiques […] s’apprennent par l’observation et l’imitation […]. (les Aborigènes parlent beaucoup, mais leurs propos ont plus une fonction sociale qu’éducative.)

4 Instrument de musique aborigène, fait d’un long bois creux dans lequel le musicien souffle.

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Swisher et Deyhle (1987, p. 345–354) citent des exemples d’Amérindiens d’Amérique du nord qui préfèrent apprendre par l’observation, par la répétition mentale et en évitant la compétition. À l’école, la norme, ce sont des conversations à l’initiative des élèves et des contacts avec les enseignants. Les élèves réussissent mieux si on leur donne des explications personnalisées, rigoureuses et patientes, qui mobilisent leurs compétences visuelles très développées.

La saillance des indices

Witkin et al. (1977, p. 25–27) citent les études de Bruner et al. (1956), Goodenough (1976) ainsi que d’autres qui indiquent que les apprenants DC utilisent moins les indices disponibles dans un champ que les IC. Face à une nouvelle situation, les apprenants DC ont parfois également du mal à faire abstraction des indices inutiles, mais qui ont été pertinents pour d’autres situations passées. Pour améliorer l’apprentissage chez ces personnes, Witkin propose de leur donner des instructions qui les aident à chercher les indices pertinents et de les encourager à trouver d’autres manières de traiter les problèmes.

Les rôles attendus des adultes et des enfants

Le rôle qu’une société attend des adultes et des enfants a également un effet sur l’apprentissage.

Flinn (1992) explique qu’en raison des valeurs de la culture de l’atoll de Pula, en classe, il est indispensable d’être souple sur les horaires et d’être permissif.

Lipka (1991) décrit que, à la différence des coutumes pédagogiques occidentales, un cours eskimo yup’ik se caractérise par des ordres indirects et des réponses mesurées que l’enseignant donne calmement, d’une voix douce, en manifestant un grand respect pour les personnes, y compris pour les enfants, car c’est ce qui est attendu d’un adulte.

Deyhle et LeCompte (1994) ont identifié des différences importantes entre les Américains d’origine anglaise et les Navajos dans une école où les attentes envers les adultes et les enfants affectent manifestement les cours.

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Quelques différences culturelles dans les attentes concernant le rôle des adultes et des enfants

Américains d’origine britannique de 9 à 15 ans :

Navajo de 9 à 15 ans :

• sont toujours des enfants ; ils ne deviennent adultes qu’à l’âge d’au moins 18 ans

• sont en train de devenir des adultes ; ils deviennent adultes après la puberté

• sont trop immatures pour prendre des décisions

• doivent apprendre à prendre leurs propres décisions et à en assumer les conséquences

• ne savent pas ce qui est le mieux pour eux

• sont en train d’apprendre ce qui est le mieux pour eux

• doivent faire ce que les adultes leur demandent.

• ne doivent pas être forcés à faire quelque chose dont ils n’ont pas envie

Adultes américains d’origine britannique :

Adultes Navajos :

• sont responsables du comportement de leurs enfants

• ne contrôlent pas le comportement de leurs enfants

• doivent prendre de sages décisions pour leurs enfants

• ne doivent pas se mêler de ce que font ou décident les autres, même s’ils sont leurs enfants

• doivent amener leurs enfants à obéir à leurs instructions

• ne peuvent que donner des idées ou des conseils sur la conduire à tenir

• doivent empêcher l’activité sexuelle de leurs enfants

• doivent décourager l’activité sexuelle de leurs enfants

• doivent permettre les mêmes activités, professions ou rôles et avoir les mêmes attentes, quel que soit le sexe leurs enfants

• doivent encourager, chez leurs enfants, des activités, du travail, des rôles et des attentes selon leur sexe

• doivent montrer qu’ils s’occupent de leurs enfants en exerçant un contrôle sur eux

• doivent montrer qu’ils s’occupent de leurs enfants en respectant leur indépendance

Tiré de Deyhle (Donna) et LeCompte (Margaret), « Cultural differences in child development: Navajo adolescents in middle schools », Theory into Practice,* 1994, n° 33 (3), p. 156–166. Utilisé avec permission

* Litt. « Les différences culturelles dans le développement de l’enfant : les adolescents navajos au collège ». Mise en pratique de la théorie.

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Quelques autres styles d’apprentissage

Aux styles d’apprentissage déjà mentionnés, Witkin ajoute : le contrôle (strict/flexible), l’automatisation (forte/faible), la conceptualisation, la réflexion opposée à l’impulsivité (1978, p. 4). Ausburn et Ausburn ajoutent le visuel opposé à l’haptique (le tactile) (1978, p. 351).

Brown considère que la réflexivité et l’impulsivité (étroitement liées à la systématicité et à l’intuition), la tolérance ou non à l’ambiguïté, la catégorisation (restreinte/large) et l’ébauche opposée à l’enjolivement, bien que se soit des dimensions peu étudiées, sont de véritables styles cognitifs (1980, p. 89–98).

D’après More, la catégorie simultané/successif est utile pour comprendre les performances de certains enfants amérindiens qui, d’après les tests menés par Krywaniuk (1974), Das, Manos et Kanungo (1975), et Kaufman et Kaufman (1983) avaient de meilleurs résultats que les élèves blancs pour les mesures simultanées, mais plus faibles, pour les mesures successives. Les résultats préliminaires des tests menés par More et ses collègues en Colombie Britannique indiquent que « les élèves amérindiens sont comparativement meilleurs pour traiter simultanément des informations », ce qui suscite une question concernant l’enseignement syllabique de la lecture, dans lequel on insiste sur le traitement successif des informations (1984, p. 7).

Cahir (1981, p. 24), de son côté, identifie une dichotomie verbal/visuel dans le fonctionnement cognitif. Il considère cette dichotomie comme étant aussi importante que la DC/ IC. Il a découvert que dans certaines cultures, entre autres amérindiennes, les enfants sont plus réceptifs aux informations présentées visuellement qu’à celles données verbalement.

Quant à Ausubel (1967), il énumère également la plupart des catégories ci-dessus, accompagnant chacune de quelques explications, mais pour lui, « la dimension la plus importante du style cognitif en ce qui concerne l’apprentissage d’une matière (…) est la tendance des individus à fonctionner soit de façon holistique, soit de façon analytique, ou bien à se situer quelque part entre les deux extrêmes » (Ausubel et al., 1978, p. 204).

Les styles de fonctionnement inductif ou déductif dans l’apprentissage apparaissent très liées aux styles d’apprentissage globaux ou analytiques. Pour certains pédagogues, la dichotomie inductif/déductif reflèterait mieux le processus de pensée que les distinctions DC/IC, elle serait plus stable parmi les élèves et les enseignants et elle inclurait la dépendance et l’indépendance du champ (Dolores Cardenas, conversation privée). Ceci semble différer du lien établi par Piaget entre, d’une part l’apprentissage inductif et le stade des opérations concrètes, et d’autre part entre l’apprentissage hypothético-déductif et le stade des opérations formelles (Kolb, 1984, p. 25). De nos jours, les raisonnements abstraits font partie de l’enseignement inductif et déductif, dans le système scolaire aux États-Unis.

Après avoir testé plus de mille élèves dans la région de Seattle, Reinert (1976, p. 161) a identifié quatre manières d’assimiler de nouvelles informations. Il les considère comme des styles d’apprentissage et propose que les apprenants d’une langue étrangère tirent parti de leur style privilégié pour progresser : • En se représentant mentalement l’objet ou l’activité ; • En se représentant mentalement le mot épelé ;

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• En comprenant le sens à partir du son, sans aucune visualisation ; • En ressentant une réaction kinesthésique fugace, soit émotionnelle, soit physique.

La prédominance d’un hémisphère

Le travail de Witkin et Cohen a donné lieu à une explication physiologique des styles d’apprentissage : ces différences seraient dues aux spécialisations de chacun des hémisphères du cerveau. Selon le contrôle exercé par l’un ou l’autre des hémisphères, les individus auraient des tendances analytiques ou holistiques. Si l’hémisphère gauche prédomine, la personne tendrait à être analytique. Si c’est l’hémisphère droit, la personne serait davantage créative et holistique. La prédominance hémisphérique serait d’origine génétique.

Des tests neurologiques et psycho neurologiques effectués sur des patients atteints de lésions cérébrales ont montré une spécialisation cérébrale, du moins pour certaines fonctions.

Hémisphère gauche Hémisphère droit

Langage Relations spatiales Symbolisme et abstraction Représentations concrètes Perceptions précises de l’ordre chronologique ; Conscience du temps

Regroupement des parties en un tout ; perception des modèles et des structures

Séquençage Traitement simultané Analyse : comprendre point par point, une étape après l’autre

Analogie : voir les points communs, les ressemblances

Ce sujet a été traité par un si grand nombre de chercheurs et d’auteurs qu’il est impossible de donner la liste complète de leurs écrits. À titre d’exemple, on peut citer : Sperry, 1969 ; Ten Houten, 1971 ; Doyle, Ornstein et Galin, 1974 ; Krashen, 1976 ; Edwards, 1979 ; Fadley and Hosler, 1979 et 1983 ; McKeever et Dixon, 1981 ; Springer et Deutsch, 1981 ; Polich, 1982.

La plupart de ces études se sont avérées utiles, mais quelques temps après, elles ont suscité des questions. Albert et Obler (1978), en s’appuyant sur les résultats de la passation de leurs tests sur des sujets bilingues en Israël, ont prouvé que, alors que chez les sujets monolingues l’hémisphère droit semble contrôler le langage, chez les sujets bilingues et polyglottes, ce sont les deux hémisphères qui gèrent ce contrôle. Selon Levy, psychologue de l’université de Chicago, les deux hémisphères du cerveau ne fonctionnent pas indépendamment l’un de l’autre et il n’y a aucune preuve que les gens soient purement « cerveau gauche » ou « cerveau droit ». « Les sujets normaux ont […] un cerveau merveilleusement différencié, dans lequel chaque hémisphère apporte la contribution des facultés dans lesquelles il est spécialisé » (1985, p. 44). Chrisjohn et Peters, du département de psychologie de l’université de Guelph en Ontario au Canada, déclarent que « les penseurs les plus sérieux et les plus respectés dans ce domaine insistent par dessus tout, non pas sur le rôle de chaque hémisphère, mais sur

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l’importance de la collaboration des deux hémisphères pour contrôler le comportement » (Chrisjohn et Peters 1984, citant Kinsbourne, 1982).

Il semblerait donc que la théorie de la prédominance hémisphérique doive faire l’objet de réserves, vu que désormais, le fonctionnement du cerveau apparaît trop complexe et trop malléable pour être défini aussi catégoriquement.

En classe

Les caractéristiques des élèves

En classe, l’enseignant reconnaît les apprenants analytiques à leur aisance cognitive pour l’analyse. Ces élèves ont tendance à être focalisés sur la tâche. Face à un ensemble de faits isolés, les esprits analytiques aiment souvent chercher à comprendre et à leur imposer une structure organisatrice. En règle générale, ils sont doués pour disséquer un sujet ou un problème, pour ensuite en réorganiser les éléments en un tout. Ces apprenants ont tendance à réfléchir par étapes et à examiner les problèmes méthodiquement ; souvent, ils représentent leurs idées par des schémas, des symboles et des formules. En général, ils préfèrent trouver la solution plutôt qu’on la leur dise. Ils peuvent donc se sentir frustrés avec un enseignant qui les aide trop. Les détails les intéressent et ne les gênent pas. En général, ils sont assez rapides pour saisir de nouvelles connaissances, en tirer des généralités et les appliquer. Certains sont doués pour cibler un sujet précis afin de l’approfondir. En tant qu’individus, ils peuvent préférer travailler seuls par périodes ininterrompues. Ils ont parfois l’esprit de compétition et, souvent, détestent la désorganisation et l’imprécision.

Dans la même classe, l’enseignant reconnaîtra les apprenants holistiques à leur aptitude à avoir une vue d’ensemble et à travailler du tout vers les parties, du général au particulier. Les sujets holistiques ont besoin de comprendre le sens et la raison d’être de tout ce qu’ils apprennent ; une fois que cela est clair, ils ont tendance à être doués pour appliquer leurs connaissances à d’autres domaines d’étude. Ces apprenants apprécient d’avoir, au début de chaque nouvelle tâche, une rapide vue d’ensemble pour les orienter vers le sujet. S’ils n’ont pas cette vue d’ensemble ou s’ils sont surchargés d’informations sans disposer de temps pour les assimiler, ils peuvent se sentir frustrés. Comme ils s’efforcent d’intégrer chaque nouvelle information à l’ensemble de ce qu’ils connaissent déjà, leur réflexion est souvent vaste et complexe, parfois intuitive, et nécessite parfois du temps. Cependant, une fois qu’ils ont saisi un concept, on peut s’attendre à ce qu’ils manifestent, dans son application, des capacités considérables et de la créativité. Nombre de ces apprenants apprécient les illustrations visuelles accompagnées d’explications orales ; ils ont aussi tendance à vouloir voir des exemples et à être guidés avant de se lancer. Ils sont capables d’être visionnaires (généralisateurs), mais sont plus intéressés par les concepts et les tendances que par les détails. Sur le plan personnel, ils ont tendance à être sociables et coopératifs, sensibles à leur entourage et aux autres et, souvent, préfèrent travailler en groupe.

Bien entendu, on doit s’attendre à ce que les apprenants, qu’ils soient analytiques ou holistiques, manifestent un éventail d’intelligence et de créativité, conformément à ce qu’on trouve dans la population.

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Dans les sociétés occidentales, les méthodes d’enseignement ont, pour la plupart, été conçues pour les apprenants analytiques. Mais, progressivement, on met au point des stratégies d’apprentissage adaptées aux apprenants holistiques. Dans les pages suivantes, vous trouverez quelques principes d’enseignement holistique. D’autres sources d’informations sont recensées dans l’appendice B.

Un exemple de classe holistique.

Une anectode rapportée par Harris (1982, p. 136) illustre comment a été réalisé un programme d’apprentissage holistique :

J’aimerais maintenant montrer comment une méthode moderne s’est avérée efficace avec au moins un groupe d’adultes aborigènes. Cette méthode intégrait de nombreux processus d’apprentissage aborigènes et ceci sans que cela ait été le but, puisque, à l’origine, elle a été mise au point en France pour apprendre l’anglais à des hommes d’affaires internationaux. En 1977, la méthode audiovisuelle structuro-globale d’enseignement de l’anglais parlé […] a été utilisée à Milingimbi (Australie), pendant six semaines. Lors de cette formation, des Aborigènes ont été placés dans des situations simulées où ils pouvaient apprendre les dialogues-types nécessaires pour s’en sortir parmi les Australiens blancs. Grâce à l’usage répété de vidéos de dialogues, d’un magnétophone et d’une machine à intonation, les élèves ont réussi peu à peu (grâce à des mimes et des jeux de rôles) à oser s’exprimer en anglais. L’apprentissage s’effectuait dans un cadre où les relations interpersonnelles étaient importantes. Les élèves passaient la plupart de leur temps à essayer de parler à leurs camarades au moyen de groupes de mots et de phrases tirés du film qu’ils venaient de voir. Ils apprenaient ainsi, par une pratique constante, dans un environnement où ils n’étaient pas évalués, et donc ne pouvaient pas se sentir humiliés. L’échec était impossible, car l’élève pouvait mimer le dialogue s’il ne trouvait pas les mots. Il pouvait, de plus, choisir, dans une certaine mesure, le moment exact et la manière de répondre, même si dans les faits, il était porté par l’élan du groupe.

J’ai donné des cours aux adultes aborigènes, et j’ai assisté à des classes où plus personne ne venait après deux ou trois sessions. Par contre, au bout de six semaines avec trois heures de cours par jour, la plupart des hommes et des femmes du cours « All’s Well » étaient toujours passionnés. J’attribue cela à une motivation initiale très forte, à un enseignement très habile et à un processus d’apprentissage prenant bien en compte les manières d’apprendre des Aborigènes. Il y avait une loyauté envers le clan et le groupe, c.-à-d. une activité tournée vers les personnes ; les sessions étaient agréables, c.-à-d. étaient une fin en soi et n’étaient pas considérées comme des exercices ennuyeux en vue de finalités ultérieures ; il n’y avait pas de différence nette entre spectateurs et acteurs (ce qui trouve son équivalent lors des danses aborigènes). Beaucoup d’activités d’observation, de répétition, d’imitation, d’apprentissage par la pratique, d’essais et d’erreurs, étaient menées, le tout dans un contexte rassurant. Il n’y avait pas de devoirs sur table et le talent d’acteur des Aborigènes, associé à leur amour pour le spectacle, était utilisé au maximum. Il n’y avait pas d’interrogation directe, ni de menace sur le droit qu’éprouvent les Aborigènes à faire ce qu’ils veulent. Personne n’était mis mal à l’aise devant les autres et il n’y avait pas de longues explications. »

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Les techniques pédagogiques holistiques

Enseignement et stratégies d’apprentissage IC/ID

Pepper et Henry (1986, p. 58–59) font remarquer que les élèves amérindiens peuvent sembler désavantagés en classe, car ils développent des compétences dans d’autres domaines que ceux requis à l’école. Ces élèves apprennent plus vite quand l’approche est concrète et va de la pratique vers la théorie. Pepper et Henry recommandent donc les stratégies pédagogiques suivantes :

Stratégies pédagogiques susceptibles de convenir au style d’apprentissage des Amérindiens :

1. Privilégier les groupes où les élèves apprennent en s’entraidant plutôt que les classes traditionnelles.

2. Donner un fort pourcentage de projets à faire en groupe et un faible pourcentage de questions et de réponses orales.

3. Avoir des objets à manipuler et des activités permettant aux élèves de « sentir » et de « toucher ».

4. Mettre à leur disposition des salles de classes avec un agencement varié permettant la liberté de mouvements : étudier par terre, assis à une table, disposer les bureaux en petits groupes etc.

5. Donner une vue d’ensemble avant de segmenter l’apprentissage des compétences en petites étapes.

6. Proposer des activités fondées sur l’expérience. 7. Encourager beaucoup les apprenants. 8. Encourager la mobilité par des activités programmées. 9. Faire faire des exercices d’explicitation des valeurs. 10. Avoir recours au tutorat entre pairs et à l’enseignement des plus petits par les plus

grands. 11. Fournir aux élèves des images et des représentations de personnages, d’animaux,

des bandes dessinées, des figurines en bois, des maquettes, des modèles réduits, leur faire dessiner des cartes géographiques.

12. Utilisez des jeux de rôle et des saynètes imaginatives. 13. Organiser les ressources du centre d’apprentissage de façon à répondre aux besoins

de tous les élèves. 14. Encourager l’expression de points de vue personnels, sur des sujets sociaux ou toute

autre matière où plusieurs points de vue sont possibles. 15. Présenter les contenus nouveaux et difficiles avec des aides visuo-spatiales plutôt

que verbalement. 16. Utiliser des métaphores, des images, des analogies et des symboles plutôt que des

définitions comme celles d’un dictionnaire. 17. Utiliser les séries télévisées sur l’école et ses problèmes, comme « Classroom

20/20 » ou « News in Review ».*

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18. Organiser des séances de brainstorming et d’activités libres non limitées dans le temps

19. Prévoir des journées sportives et récréatives. 20. Utiliser des jeux pédagogiques. 21. Les jeux éducatifs conçus par les élèves sont particulièrement efficaces.

Extrait de: Pepper (Floy C.) et Henry (Steven L.), Social and cultural effects of Indian learning Style : Classroom implications, Canadian Journal of Native Education, 13(1), 1986, p. 59. Reproduit avec autorisation. * La première est une émission télévisée qui traite de l’école et des comportements des élèves, l’autre une émission canadienne sur des sujets d’actualités destinés aux jeunes.

Pour Herold, Ramirez et Castañeda (1974, p. 74–76), la traditionnelle salle de classe avec des rangées de bureaux convient probablement mieux à l’enseignement destiné à des élèves IC alors que les petits groupes d’activités autour d’une table sont plus adaptés aux élèves dépendants du champ.

Selon certains, les élèves apprennent mieux quand on les enseigne selon leur style d’apprentissage privilégié (Pask, 1975 ; Domino, 1971 ; Entwistle, 1981, p. 95–96). Pour Kogan (1979, cité par Valencia, 1980–1981, p. 65), des élèves DC apprendront mieux les mathématiques avec un enseignant DC. Selon Hansen et Stansfield (1982, p. 272), il faudrait faire davantage de recherches sur les interactions entre les styles cognitifs des élèves et des enseignants. Vous trouverez d’autres sources d’informations sur ce sujet dans l’appendice B.

Plan d’un cours holistique5

S’appuyant sur les travaux de Baumann (1984), Herold, Ramirez et Castañeda (1974) et sur l’expérience des formations données par SIL au Brésil (Wieseman, 1978) et en Angleterre, Kindell et Hollman ont élaboré un plan de leçon qui fait usage de stratégies pédagogiques globales. Créé pour enseigner la linguistique, ce modèle de leçon peut être utilisé pour des matières analytiques comme les mathématiques et les sciences. On peut également l’adapter à d’autres disciplines. Voici le plan : 1. Introduction : un survol rapide visant à donner aux élèves une idée claire du

contenu et du but de la leçon ; 2. Enseignement direct : les connaissances nouvelles sont présentées en partant du

tout vers le détail ; les démonstrations et les exemples sont des éléments importants de la leçon ; l’enseignant invite les élèves à poser des questions et fournit des explications d’une manière rassurante ; on ne s’attend pas à ce que l’élève fasse, intuitivement, des bonds dans l’apprentissage ;

5 Le terme « holistique » ou « global » suit la nomenclature utilisée par Kindell et Hollman, qui qualifient le style dépendant du champ de global et le style indépendant du champ de linéaire. Les auteurs préfèrent les termes global et linéaire parce que moins chargés de connotations péjoratives.

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3. Mise en pratique dirigée par l’enseignant : les élèves s’entraînent avec le professeur qui les guide et commente leur résultat ; le modèle doit être fidèlement reproduit ; on ne demande pas à l’élève de « faire des bonds » dans la compréhension ;

4. Exercices indépendants : les élèves s’exercent seuls ou en groupe, avec la possibilité de faire appel à l’enseignant si besoin est ; là encore, il faut suivre le modèle fidèlement ;

5. Application indépendante : les élèves appliquent les nouvelles connaissances de façon autonome et de préférence seuls ; ils devraient pouvoir à présent gérer des écarts par rapport au modèle et se servir de nouveaux concepts et de nouvelles manières de procéder.

(Kindell et Hollman, 2003, p. 30–32)

Le plan de Kindell et Hollman est très proche du modèle mis au point dans la jungle péruvienne pour les écoles bilingues de vingt-huit minorités ethnolinguistiques. Les cours de mathématiques, de sciences, d’histoire et de géographie suivent le plan ci-dessous, à partir du CE2 (3e année) : 1. Révision des leçons précédentes ; 2. Motivation : pour introduire la leçon, l’enseignant présente quelque chose

d’intéressant ; 3. Observation : les élèves observent le professeur qui enseigne, démontre, donne des

exemples, explique et répond aux questions ; 4. Élaboration : le professeur montre comment représenter les nouvelles

connaissances à l’aide de nombres, de diagrammes, de graphiques, de méthodes de rédaction des solution des problèmes ;

5. Expression : les élèves s’entraînent à suivre la méthode jusqu’à ce qu’ils puissent le faire seuls par écrit. La forme des questions reste la même jusqu’à ce qu’ils maîtrisent le modèle.

(Davis et Jakway, 1983, p. 82–86, traduit de l’espagnol)

Voir également Schooling (1984 et 1987) pour des conseils concernant la formation des traducteurs en langue maternelle et Sodeman (1987) sur l’utilité des cours magistraux et de la mémorisation dans les contextes interculturels.

Bowen et Bowen (1989) ont appliqué les recherches sur l’apprentissage global à l’enseignement des élèves des écoles bibliques africaines. Voici leur liste des méthodes utiles :

Tiré de Bowen (Earle) et Bowen (Dorothy), « Contextualizing teaching methods in Africa », Evangelical Missions Quarterly, n° 25 (3), juillet 1989, p. 270–275.

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Conseils pour enseigner aux apprenants holistiques

1. Exposer les grandes lignes du cours ; les élèves dépendants du champ doivent voir le plan du cours dans son ensemble parce qu’ils réfléchissent « globalement ».

2. Expliquer en quoi consiste le cours : ce que les élèves doivent apprendre et pourquoi. Donner clairement les objectifs du cours.

3. Identifier les points importants d’une leçon parce que les élèves dépendants du champ ne sont pas analytiques. On doit les entraîner à cela.

4. Les encourager souvent à faire des commentaires et leur donner fréquemment des encouragements.

5. Travailler de préférence sur de petites unités plutôt que sur des grandes, car les élèves dépendants du champ les maîtrisent plus facilement.

6. Les corriger fermement et les encourager beaucoup (ce qui peut s’avérer difficile pour l’enseignant indépendant du champ) parce que les élèves dépendants du champ sont plus sensibles que les élèves indépendants du champ aux louanges et aux critiques de leurs pairs et de leurs enseignants.*

7. Mettre l’accent sur les projets en groupe, les discussions à plusieurs et le travail à deux, c’est ce qui convient le mieux aux élèves africains. Travailler seul n’est pas l’idéal pour eux. Encourager les élèves à travailler, étudier et faire leurs devoirs ensemble. Bien sûr, les contrôles sont individuels.

8. Donner le cadre et les consignes adéquates pour les projets. 9. Fournir des manuels ou des polycopiés : les africains sont plus visuels qu’auditifs. Il

est peu judicieux de leur demander de prendre des notes. En dernier ressort, écrivez vos notes au tableau.

10. Utiliser de nombreux supports visuels, images, schémas et modèles, non seulement pour améliorer l’enseignement mais pour s’assurer que le message est reçu.

11. Donner des notes, des félicitations et des critiques, car les motivations externes renforcent plus l’apprentissage des élèves DC que les motivations internes. Dans les classes africaines, pour améliorer l’apprentissage, donner des notes plus souvent que d’ordinaire.

12. Se comporter comme un modèle et un exemple : les élèves apprendront comment se comporter, plus en observant notre conduite qu’en écoutant nos cours.

13. Donner des consignes claires et précises : les élèves dépendants du champ préfèrent faire les choses comme on leur montre, plutôt que de les faire à leur idée ; ne pas les frustrer en disant « faites comme vous voulez ».

14. Éviter les cours magistraux, c’est la méthode qui marche le moins avec les Africains ou alors prévoir de leur donner des polycopiés, des images, des exemples et des illustrations.

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15. Mettre le contenu du cours en relation avec des personnes et des situations de la vie réelle, parce que les Africains apprennent mieux un enseignement orienté vers les relations humaines.

16. Noter selon des critères : baser les notes sur ce que les élèves ont fait d’après des critères fixés d’avance, sans comparer leurs performances. La compétition est rarement profitable aux élèves dépendants du champ.

Cet article a été publié pour la première fois dans le numéro de juillet 1989 de la revue Evangelical Missions Quarterly (EMQ). Reproduit avec autorisation des auteurs. EMIS, Box 794, Wheaton, IL 60187. E-mail: [email protected], Website: www.emisdirect.com.

* Bien que les élèves DC apprécient d’être clairement corrigés et encouragés, certaines cultures interprètent facilement un commentaire négatif comme de la critique. Les enseignants doivent être sensibles aux normes culturelles et apprendre à corriger d’une manière culturellement acceptable.

La formation des enseignants

Les Occidentaux, qui forment des enseignants autochtones venant de sociétés largement holistiques, rencontrent souvent des difficultés.

Graham (1980a, p. 34–35) fournit des idées intéressantes tirées de son expérience australienne. Elle recommande en particulier de développer des relations en mettant en place des situations où Occidentaux et non Occidentaux travaillent en équipe d’égal à égal : en travaillant par groupe de plusieurs personnes ; en ayant, dans chaque équipe, des membres expérimentés qui montrent l’exemple aux autres, chacun dans sa spécialité ; en étant sensible à la communication non-verbale et aux indices culturels ; en utilisant la langue locale.

Graham a élaboré un guide de l’enseignant qui est adapté à la culture (1980b) ainsi qu’une liste de conseils pratiques destinés à favoriser une bonne communication interculturelle (1980a). Cette liste, reproduite ci-après, est valable pour de nombreux pays, en plus de l’Australie :

Liste de contrôle permettant une formation réussie des enseignants d’autres cultures.

1. Ayez au moins deux enseignants aborigènes dans le groupe, l’idéal étant d’en avoir trois ou quatre. Si vous travaillez avec un seul enseignant aborigène, invitez quelqu’un d’autre à se joindre au groupe. Avec le temps, cherchez à faire participer des parents aux sessions de discussions.

2. Prévoyez des temps de formation des enseignants ou des discussions ; ne les laissez pas au hasard. Il vous en faudra probablement trois par semaine.

3. Accordez au moins une demi-heure à chaque session ; la fin de la journée n’est pas toujours le meilleur moment.

4. Trouvez un endroit où les enseignants aborigènes soient à l’aise. L’idéal est parfois d’être assis par terre ou à l’ombre d’un arbre. Une tasse de thé ou une boisson fraîche aide souvent à créer l’atmosphère détendue dont vous avez besoin.

5. Pour instaurer le dialogue, prévoyez de faire quelque chose ensemble pour introduire une discussion. À partir de ce vécu commun, amenez le groupe à en tirer des enseignements.

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6. Ne terminez pas un sujet sans avoir trouvé comment appliquer les idées discutées. Cela demandera souvent de créer ou de recueillir des contenus adaptés, de mettre au point des jeux ou des livres racontant des histoires, de faire un plan de cours.

7. Évitez d’utiliser le « jargon » pédagogique sauf s’il est bien expliqué et régulièrement utilisé.

8. Accordez du temps aux enseignants aborigènes pour qu’ils puissent bien discuter le sujet dans leur langue avant de vous dire ce dont ils ont parlé.

9. La règle est : « Hâtez-vous lentement ». N’essayez pas d’enseigner trop de choses en trop peu de temps.

10. Laissez les enseignants illustrer certains points s’il s’avère difficile d’en faire des listes.

11. Traduire des concepts pédagogiques dans la langue vernaculaire prend du temps. Laissez leur le temps de bien comprendre et de faire des vérifications auprès de personnes telles que le linguiste local ou du personnel plus expérimenté.

12. Faites en sorte que les idées concernant le contenu proviennent d’une compréhension de la théorie. Une bonne théorie mènera à une bonne pratique.

13. Reprenez, dans les sessions de planification des programmes, les éléments acquis lors des sessions de formation des enseignants.

14. Dans la mesure du possible, partagez la direction avec des enseignants aborigènes plus expérimentés ou avec ceux qui ont déjà reçu des formations.

15. Si vous avez demandé à quelqu’un d’autre de diriger, ne reprenez pas la direction et ne faites pas les choses à sa place. Si vous sentez que vous allez intervenir, partez et laissez-le faire. Il vous fera un compte-rendu de ses activités plus tard.

16. N’ayez pas peur du silence : apprenez à vous détendre et à attendre que les autres parlent. Vous pouvez reformuler la question si nécessaire, mais ne donnez pas la solution. S’il n’y a toujours pas de réponse du groupe, proposez au groupe d’en parler dans sa langue, car les personnes n’ont peut-être pas compris la question et ont besoin de la clarifier.

17. Rappelez-vous que les Aborigènes utilisent beaucoup la communication non verbale. Apprenez à « l’entendre » vous aussi.

18. Apprenez à ne pas écouter uniquement les mots que les gens disent. Cherchez aussi à écouter les idées qu’ils essaient de faire passer. (Rappelez-vous qu’il est difficile d’exprimer des idées dans une langue seconde.)

19. Rappelez-vous que les gens apprennent plus de choses lorsqu’ils réfléchissent par eux-mêmes que lorsque quelqu’un les leur dit.

Extrait de Graham (Beth), « Starting where they are: Rethinking Aboriginal early childhood education », The Aboriginal Child at School, n° 9 (1), 1980a, p. 28–40. Reproduit avec permission

* Litt. « Partir de là où ils en sont : Repenser l’enseignement en langue maternelle des Aborigènes. »

À l’université, McEachern et Kirkness (1987) ont élaboré une formation modèle pour les enseignants amérindiens de Colombie Britannique. Ce cursus a les mêmes exigences que le diplôme normal (avec des différences dans l’ordre des cours), avec, en plus, des études amérindiennes et douze semaines de stage pour chacune des deux

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premières années, ceci afin de s’adapter aux élèves qui apprennent plus facilement par la pratique qu’en écoutant.

L’organisation et l’évaluation du cursus

Banks (1988, p. 273–292) énumère les orientations majeures des cursus d’enseignement multiethnique dans les grands systèmes scolaires. Il conseille entre autres que le programme multiethnique aide les élèves à développer des valeurs favorables au pluralisme ethnique, qu’il accroisse la capacité des élèves à prendre des décisions, qu’il améliore les capacités à participer à la société ainsi que le sens de l’efficacité politique, qu’il aide les élèves à interpréter les événements selon les points de vue de différentes ethnies.

Banks (1988, p. 293–301) recommande également un inventaire de l’éducation multiethnique intitulé Evaluation Guidelines for Multicultural-Multiracial Education6 (National Study of School Evaluation, 1973, p 25–33). Cette évaluation comprend des listes de critères :

- l’équilibre ethnique et racial du personnel ; - la conduite des enseignants et des directeurs ; - l’organisation et le regroupement scolaire ; - le cursus officiel ; - le matériel pédagogique ; - l’enseignement spécialisé.

Le développement bicognitif

Pour réussir les tâches du quotidien, chacun a besoin de faire appel à la fois aux raisonnements analytiques et aux raisonnements holistiques, chacun ayant ses intérêts et ses limites. C’est en faisant appel au raisonnement le plus approprié, qu’on est le plus efficace.

Pour être efficace et compétent dans les deux styles cognitifs, il faut intégrer [...] les domaines affectif et cognitif. L’objectif est que les enfants passent plus facilement d’un style à l’autre pour s’adapter aux exigences de plus en plus complexes de la vie […].Pour arriver à cela, il faut les aider à développer la capacité de tirer parti à tout moment des deux styles. (Castaneda et Gray, 1974, p. 206).

Comme les enseignants sont confrontés aux deux types d’élèves dans leurs salles de classe, Ramirez et Castaneda (1974, p. 150–151) recommandent aux enseignants de cultiver les deux styles pédagogiques afin de toucher tous les élèves et de stimuler le fonctionnement bicognitif. Ils considèrent comme inadapté le comportement IC qui exprime une rivalité et une indépendance excessives, alors que pour réussir, il faut aussi rivaliser avec soi-même, travailler de façon autonome, explorer un sujet et aborder des abstractions mathématiques et scientifiques. Les comportements DC

6 Litt. Directives pour l’évaluation de l’enseignement multiculturel et multiracial.

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inadaptés sont la distraction et la dépendance excessive de l’approbation de l’enseignant, alors que, pour réussir, les élèves DC doivent aussi travailler avec les autres, être sensibles aux sentiments des autres et à une grande variété d’indices, savoir apprendre en imitant des exemples.

Souvent, les gens ne comprennent pas un style cognitif opposé au leur et ont tendance à le mépriser et à le critiquer alors que chacun a besoin d’apprendre le respect mutuel ainsi qu’à cultiver les points forts de l’autre style.

Pour aider un élève à développer des compétences bicognitives, Herold, Ramirez et Castaneda (1974, p. 58) conseillent aux enseignants :

1. de regrouper les élèves, en adaptant l’enseignement à leur style privilégié ; 2. d’introduire progressivement le style mal connu (en les mettant avec des pairs de

ce style) ; 3. de travailler avec l’enfant et observer la façon dont il ou elle répond et acquiert le

nouveau comportement. Cela présuppose que l’élève comprenne ce qui est demandé et coopère.

Ausburn et Ausburn (1978, p 343–344) prônent d’aider les élèves, dont la façon de traiter les informations n’est pas compatible avec la tâche demandée, au moyen « d’une supplantation planifiée comportant ouvertement une modification des exigences de la tâche. » Cette supplantation comprendra : • La supplantation conciliante, qui se sert de la méthode d’apprentissage que l’élève

privilégie ; • La supplantation compensatoire, qui permet aux élèves de compenser leurs

carences concernant la tâche demandée en leur donnant la méthode qu’ils ne peuvent pas encore trouver seuls.

Ils proposent également trois étapes qui peuvent être utilisées dans la conception de la leçon :

L’analyse des tâches ; L’identification des élèves qui ont besoin de supplantation ; La planification de la supplantation appropriée (de conciliation ou de

compensation).

Pepper et Henry recommandent d’enseigner volontairement à travailler de façon bicognitive en présentant aux élèves d’abord la leçon dans leur style habituel, puis en la répétant dans le nouveau style. Une fois que les élèves se sont adaptés à ce nouveau style, Pepper et Harry recommandent de présenter la leçon dans le style habituel 65 pour cent du temps et dans le nouveau style 25–35 pour cent du temps. Les activités d’apprentissage et les contrôles devraient aussi être présentés dans les deux styles. Au fil du temps, les élèves s’habituent à travailler dans les deux styles (1986, p. 60).

D’autres informations sur ce sujet se trouvent dans l’Annexe B. Les chercheurs s’accordent pour dire que la tâche des parents et des enseignants est

de se servir des points forts des élèves pour ensuite, peu à peu, les aider à acquérir des compétences dans des domaines où ils sont moins bons.

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Considérations supplémentaires

Au vu des dates des ouvrages cités, les lecteurs constateront que l’étude des styles d’apprentissage cognitifs a fait l’objet d’un intérêt croissant et a atteint son apogée dans les années 1970 et 1980. Depuis lors, les styles d’apprentissage constituent une partie de la théorie de l’éducation. Ces recherches ont été très utiles aux apprenants holistiques, car elles ont prouvé que leur style d’apprentissage cognitif est valable (Cohen, 1969, p. 829), ce qui n’avait pas toujours été reconnu à cause de la tendance analytique de l’enseignement occidental.

Il existe de nombreuses preuves empiriques. Dans la famille de l’auteur, il y a deux étudiants holistiques, l’un en linguistique, l’autre en ingénierie. Tous deux sont de bons élèves, qui se sentent frustrés par les méthodes inductives utilisées en cours de linguistique et de mathématiques. Leur frustration perdure, même quand ils ont compris ce qui était enseigné. Les élèves, qu’ils soient holistiques ou analytiques, peuvent réussir avec les mêmes méthodes en langue étrangère, histoire, géographie et sciences sociales, mais, comme Ramirez et Castañeda (1974, p. 56–157) et Carnine (1990, p. 377), je pense que, si on veut réellement donner à tous les mêmes chances de réussite scolaire, on doit développer des approches adaptées aux élèves DC, du moins pour les matières les plus analytiques. On doit cependant enseigner aux élèves à se servir des deux styles afin qu’ils adaptent leur méthode à ce qu’ils doivent apprendre.

Mises en garde

Des mises en garde concernant la théorie de la DC/IC s’imposent. L’origine des habitudes d’apprentissage individuelles est sujette à controverse.

Selon la théorie de la prédominance hémisphérique, en vogue dans les années 1960 à 1980, les tendances analytiques ou holistiques dépendraient du taux de contrôle exercé par les hémisphères gauche et droit du cerveau. Comme les principaux neurologues avaient du mal à étayer cette théorie (Albert et Obler, 1978 ; Levy, 1985), d’éminents théoriciens de la psychologie de l’éducation ont orienté leurs études vers les mécanismes cérébraux universels, tels que ceux décrits par Ausubel, Anderson et Gagné. Bien que la plupart des psychologues de l’éducation s’accordent sur l’existence de différences dans les styles d’apprentissage, ils tendent, du moins pour le moment, à les attribuer au conditionnement (un processus de socialisation que chacun subit) plutôt qu’à la génétique.

Cox et Ramirez (1981, p. 61) nous avertissent que « le concept des styles cognitifs des minorités ethniques (ou d’autres élèves) est trop vite simplifié, mal compris ou mal interprété. Malheureusement, il a servi à stéréotyper les élèves venant des minorités ou à les enfermer encore plus dans des catégories plutôt qu’à identifier des différences individuelles pertinentes sur le plan pédagogique ».

Pour Malone, l’évaluation de la DC/IC n’est pas adaptée aux cultures orales où « les personnes n’ayant pas l’habitude des symboles abstraits, tels que des figures imbriquées, craignent leur manipulation ». Malone pense que « le concept de style cognitif nécessite une étude plus approfondie de la mythologie et de la philosophie de la vie qui orientent et filtrent la cognition dans les sociétés traditionnelles » (1985, p. 39–41).

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Ciborowski et Cole (1971) ont, quant à eux, identifié d’autres facteurs qui ont un rôle dans la formation des concepts : l’influence du langage sur l’encodage des perceptions en vue d’une utilisation ultérieure ; la mesure dans laquelle le langage est utilisé pour résoudre des problèmes. Concernant les influences déterminantes, l’expérience parmi les groupes ethnolinguistiques de la forêt tropicale péruvienne ne confirmerait pas la théorie selon laquelle la dominance parentale engendre inévitablement une dépendance du champ (Hansen, 1984, p. 313). En effet, dans cette région, la dépendance du champ semble plus forte dans les sociétés les plus permissives, alors que l’indépendance du champ est plus évidente parmi les Aguaruna, une société très structurée où les parents ont le devoir de guider et discipliner sévèrement les enfants.

Reid met en garde les enseignants contre « une mauvaise utilisation de l’évaluation du style d’apprentissage, de son diagnostic et des prescriptions qui y sont liées », du fait de « la complexité des variables agissant sur l’apprentissage, dans l’enseignement en général, et dans l’enseignement des langues étrangères en particulier » (1987, p. 102).

Pour McKenna (1984) et pour Widiger, Knudson et Rorer (1980), l’évaluation de la théorie de la DC/IC n’a pas été concluante. Widiger et al. constatent que les résultats de leurs évaluations indiquent qu’« il vaut mieux interpréter les mesures actuelles de la DC/IC comme des tests d’aptitude plutôt que comme des tests de style cognitif » (1980, p. 116). McKenna fait le compte rendu d’évaluations qui donnent à penser que les tests de dépendance du champ, tels que le test des figures imbriquées, « ne remplissent pas les critères qui permettraient d’évaluer le style cognitif à un niveau conceptuel, et qu’ils présentent, sur le plan empirique, des corrélations substantielles avec les tests standards d’aptitude » (1984, p. 593). Il recommande de poursuivre les évaluations pour éprouver la fiabilité test-retest et la convergence entre des mesures très variées du style cognitif.

McCarty, Wallace, Lynch et Benally (1991, p. 42–59) montrent que, pour la formation de concepts, l’important c’est le mode de questionnement, et non le style d’apprentissage. Des questions ouvertes sur des sujets qui les intéressaient ont permis à des élèves amérindiens, jusque là inhibés et normalement considérés comme des apprenants holistiques, de verbaliser et de faire des classifications avec beaucoup d’enthousiasme et de compétence.

Une des écoles de pensée rejette totalement l’Aptitude Treatment Intervention (ATI) (approches qui s’adaptent aux différences de chaque apprenant), pour plusieurs raisons, dont celles-ci : (1) plusieurs études contestent la fiabilité des méthodes d’évaluation des styles d’apprentissage ; (2) la corrélation entre les avantages de certains styles d’apprentissage et les résultats scolaires est faible ; (3) un enseignement correspondant aux styles d’apprentissage des élèves n’a qu’un impact très modéré sur la réussite scolaire (Carnine, 1990, p. 377) ; (4) il est impossible pour un enseignant très occupé de s’adapter à chaque élève.

Ceux qui pensent cela ont tendance à estimer que si l’enseignement est adéquat, tout le monde peut, avec la même efficacité acquérir les concepts enseignés. Au lieu de se préoccuper des différences individuelles, les enseignants devraient donc porter leur attention sur des stratégies efficaces pour tous et mettre dans la leçon tous les éléments nécessaires à chaque élève (comme ceux définis dans les étapes d’apprentissage de Gagné).

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Il faut donc avoir une position équilibrée. Même dans les cultures où la dichotomie entre apprenants analytiques et apprenants holistiques est nette, toutes les difficultés d’apprentissage ne sont pas attribuables aux différences de styles d’apprentissage. L’analyse des styles d’apprentissage n’est qu’un des outils de la panoplie de l’enseignant. Il est nécessaire de continuer les recherches empiriques au sein d’ethnies du monde entier pour répondre à des questions telles que :

1. Quel est l’effet du contact entre les cultures et du changement social sur les styles d’apprentissage ?

2. Dans les sociétés permissives, quels sont les facteurs qui donnent des apprenants holistiques ?

3. Quelles sont les mesures interculturelles qui aident le mieux les individus à apprécier les avantages d’un style d’apprentissage autre que le leur et qui les poussent à l’acquérir (c.à.d. à développer une performance bicognitive) ?

Application

La théorie des styles d’apprentissage nous enseigne : • À reconnaître qu’il y a de nombreuses façons d’apprendre ; • À reconnaître la validité de chaque style d’apprentissage, avec ses avantages et ses

inconvénients ; • À tirer le meilleur parti des avantages des styles d’apprentissage des apprenants ; • À aider les apprenants en leur présentant les informations de manière compatible

avec leur style d’apprentissage ; • À enseigner aux apprenants à se servir d’autres styles d’apprentissage ; • À aider les apprenants à organiser les concepts de façon pertinente ; • À être attentif aux cultures afin d’identifier leurs attentes traditionnelles en matière

d’apprentissage et d’enseignement.

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Chapitre 5

La théorie du constructivisme social

Introduction

Avant de s’intéresser à la psychologie expérimentale en 1924, Lev Vygotsky (1896–1934), célèbre intellectuel russe d’origine juive, a étudié la médecine, le droit, la philosophie, l’histoire et la littérature. Très vite, il a remis en question les positions des behavioristes comme Pavlov, pour lesquels « tout comportement est la somme de réflexes conditionnés » (Vygotsky, 1986, p. 19). Cela lui a valu d’être reconnu comme intellectuel de premier plan. De 1926 à 1930, ses recherches ont porté sur les mécanismes qui transforment les fonctions psychologiques naturelles en fonctions de niveau supérieur : mémoire logique, attention sélective, prise de décisions et compréhension du langage. Il a collaboré avec Alexandre Luria et d’autres psychologues russes (1986, p. 11–56).

Même si la théorie de Vygotsky concerne toutes les fonctions mentales supérieures, il s’est principalement intéressé au développement du langage en relation avec la pensée. Pour lui, l’apprentissage est dialogique par nature, c'est-à-dire qu’il se forme à travers la conversation : « les enfants résolvent des tâches pratiques en s’aidant de la parole » (1978, p. 26). Il en a donc conclu que toute connaissance est construite socialement.

La carrière professionnelle de Vygotsky a commencé alors que la Russie sortait de sa révolution contre le tsar. En ce temps-là, le marxisme accordait une grande importance aux idéaux socialistes de coopération et de partage, l’individu devant sacrifier ses désirs personnels au profit de l’amélioration de toute la société. Chaque triomphe personnel était perçu comme celui de la société. Les théories de Vygotsky reflétaient cette époque (R. Vasta, M. M. Haith et S. A. Miller, 1995). Vygotsky est mort de la tuberculose en 1934, au moment où les psychologues soviétiques commençaient à subir des pressions pour que les travaux de Marx, Engels et Lénine servent directement de fondements aux différentes branches de la psychologie. Les idées de Vygotsky ont été attaquées politiquement et il a fallu attendre 1962 pour que son livre soit publié en anglais sous le titre Thought and Language. Depuis lors, les concepts de Vygotsky se sont largement répandus en Occident et, à partir des années 1990, sa théorie du constructivisme social a été mise en pratique dans de nombreuses salles de classe.

Voici ce que David Barton (1994, p. 224) écrit à propos de Vygotsky : Le psychologue russe Vygotsky […] a travaillé dans les années 20 et 30. Il est mort en 1934. Ses travaux ne sont connus dans le monde anglophone que depuis la traduction d’un seul livre en 1962 et ce n’est que depuis la dernière décennie qu’ils sont pris au sérieux. Son influence est frappante sur des sujets où il est difficile de trouver des références de plus de cinq ans.

Les concepts fondamentaux

Les travaux de Vygotsky abordent de nombreuses questions que nous ne pouvons pas toutes étudier dans ce chapitre. Les concepts-clefs, cependant, sont les suivants :

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• On apprend deux fois : d’abord socialement, ensuite en intériorisant le savoir ; • Toute connaissance est construite socialement, c’est-à-dire que tout apprentissage

est un apprentissage en groupe ; • La pensée et le langage sont les clefs de la conscience humaine ; • Le langage aide la pensée et non l’inverse : « […] la pensée naît des paroles. Un

mot dépourvu de pensée est mort » (1986, p. 255).

L’idée maîtresse du raisonnement de Vygotsky

C’est en observant des enfants que Vygotsky (1978, p. 56–57) a abouti à ses conclusions sur la manière dont les concepts sont formés : 1. Un très jeune enfant essaie de saisir un objet ; 2. Sa mère s’en aperçoit et l’aide en plaçant l’objet à sa portée ; 3. Après avoir répété cette expérience à plusieurs reprises, le bébé n’essaie plus

d’attraper maladroitement l’objet mais le montre du doigt ; 4. La signification est née du contexte social des relations mère-enfant ; 5. Le bébé intériorise ensuite la signification ; 6. Très vite, le bébé va apprendre de sa mère les termes (paroles) correspondant à la

signification qu’il a déjà intériorisée. Il n’est pas libre de choisir le sens de ces mots. Les mots lui sont donnés par les adultes et servent de substituts aux concepts (1986, p. 122–123). Il est impossible pour l’enfant de découvrir tout seul leur sens.

Du point de vue du constructivisme social, on classe l’ensemble de l’échange entre la mère et le bébé dans la catégorie dialogue.

Ainsi, pour Vygotsky « la pensée et la parole s’avèrent être la clef de la nature de la conscience humaine […], un mot est un microcosme de conscience humaine » (1986, p. 256).

Les recherches de Vygotsky l’ont également conduit à affirmer que « faire semblant » et jouer (comme jouer à être une maman ou un bébé) favorisent le développement cognitif, puisque la situation imaginaire que les enfants ont ainsi créée les amène à adapter leur comportement à cette nouvelle situation. De plus, « lorsqu’ils imitent leurs aînés dans des activités culturellement marquées, les enfants se créent eux-mêmes des occasions de développement intellectuel et acquièrent un premier niveau de maîtrise de la pensée abstraite » (Vygotsky, 1978, p. 129). En grandissant, les enfants inventent des règles pour leurs jeux, ce qui est un autre progrès dans la complexité de la pensée (1978, p. 103).

Selon Vygotsky, tout comme les enfants développent leurs compétences orales, ils devraient aussi développer leurs compétences à l’écrit, afin que l’écriture devienne pour eux tellement utile et naturelle qu’elle fasse partie de leur façon de s’exprimer. « En fait, Il s’agit d’enseigner aux enfants la langue écrite et pas seulement à écrire les lettres de l’alphabet » (Vygotsky, 1978, p. 119).

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Le discours intérieur

Selon Vygotsky, pour que la pensée soit stimulée, il n’est pas toujours nécessaire de parler avec une autre personne. Il est aussi possible de dialoguer avec soi-même après avoir reçu des informations venant des autres. Un dialogue de cette nature favorise les processus de pensée et conduit à une nouvelle compréhension des choses. Il s’appuie toutefois sur l’analyse et la synthèse d’informations venant de l’extérieur, directement ou indirectement, par des moyens de communication tels que les livres et la télévision. Par conséquent, la connaissance qu’on développe est toujours construite socialement.

Les limites du constructivisme social

Le constructivisme social ne sait pas vraiment bien traiter les situations d’inspiration solitaire, les changements de paradigmes résultant d’une compréhension subite, hors de toute influence extérieure, par exemple la découverte de la gravité par Newton. Le concept de dialogue intérieur était, peut-être, une tentative d’explication de ces rares cas.

La zone de proche développement

Vygotsky reconnaissait que l’apprentissage est progressif et qu’il y a des connaissances qui sont juste au-delà de celles déjà acquises et que l’intelligence est prête à assimiler. Il a appelé ces zones d’apprentissage potentiel des zones de proche développement. Vygotsky a invité les enseignants à tirer profit de ces zones, chez leurs élèves, en identifiant ce qu’ils savent déjà, puis en leur enseignant ce qu’ils sont prêts à apprendre.

Les conséquences

S’il est vrai, comme l’a affirmé Vygotsky, que toute connaissance est construite socialement, à savoir qu’elle se développe lorsque les gens interagissent dans certaines situations, alors il devient capital de permettre aux élèves de parler et d’échanger des idées. Puisque la pensée se développe même en parlant dans des jeux, l’acte de parler est alors aussi important que l’acte d’écouter ce que disent les autres. Les parents doivent donc comprendre l’intérêt du jeu pour leurs enfants et les enseignants doivent créer, pour leurs élèves, le plus d’occasions possibles de dialoguer en classe.

Ce concept de dialogue, considéré par les disciples de Vygotsky comme fondamental dans toute situation, a encouragé les activités collectives et les groupes de travail dans les classes contemporaines et se montre particulièrement utile dans les sociétés où les relations humaines priment. On peut construire des cours autour d’activités d’apprentissage nécessitant des conversations ou des discussions pour résoudre les problèmes. Les groupes de discussion et les groupes de recherche se réunissent et exposent ensuite leurs conclusions. Les activités comme : parler d’un objet qu’on montre, raconter des histoires, faire des jeux de rôle, animer des marionnettes, échanger dans des débats et faire du théâtre, sont autant de moyens de stimuler la pensée et d’échanger des idées en s’exprimant verbalement. Au lieu de toujours

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demander aux enfants d’être silencieux, les enseignants devraient s’efforcer d’encourager les activités qui développent le langage et donc la pensée.

Le développement du langage devrait continuer chez les enfants jusqu’à ce que l’écriture de leurs pensées soit devenue un mode naturel d’expression. Les enfants peuvent apprendre à exprimer leurs idées avec des images et des mots, à créer des panneaux et des affiches, à écrire des messages pour eux-mêmes et pour les autres, à noter les résultats de leurs recherches (peut-être dans des schémas et des plans), à tenir le journal de leurs expériences et de leurs impressions, à écrire des histoires et des livres qui seront publiés en classe.

Application

Le constructivisme social nous enseigne : • La valeur du dialogue dans l’apprentissage ; • L’importance de laisser aux élèves la possibilité de jouer, de dialoguer et

d’exprimer des pensées par écrit ; • L’importance d’enseigner dans la « zone de proche développement ».

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Appendice A :

Exemple d’un concept intégrateur1

Le concept d’époque2

Contexte

Pendant plusieurs années, j’ai travaillé pour un programme scolaire bilingue et interculturel créé par le ministère péruvien de l’éducation pour les populations de l’Amazonie péruvienne. Un après-midi, un des enseignants stagiaires, un homme très intelligent venant d’un des groupes linguistiques les plus isolés, m’a regardée et m’a demandé : « Madame, qui est venu en premier : Jésus-Christ ou les Incas ? »

La structure cognitive préexistante

Les cultures amazoniennes sont des cultures orales. Leurs archives les plus anciennes sont gardées dans la mémoire des grands-parents. Les temps plus lointains forment, pour l’essentiel, un grand tout indéfini, avec une vague distinction entre le passé lointain et le passé très lointain évoquée parfois dans les discours et les légendes. Comme il était diplômé de l’enseignement secondaire, j’ai immédiatement compris que le problème de mon étudiant, ce n’était pas qu’il n’avait pas étudié les civilisations anciennes, ni eu connaissance de dates, mais qu’il ne disposait pas des outils conceptuels nécessaires pour aborder les époques anciennes. Même s’il avait appris à compter en années (1982, 1983, 1984, etc.) je me suis doutée qu’il ne faisait pas le lien entre ces chiffres et le passé lointain ou qu’il ne comprenait pas leur origine.

J’ai réussi à fournir une explication qui a tellement ravi l’étudiant et tous ses amis réunis autour de nous, qu’ils ont posé des questions pendant deux heures. Si j’avais su ce que je sais maintenant, j’aurais pu commencer mon explication avec un concept intégrateur déclaratif comme celui qui suit.

Le concept intégrateur : objectif comportemental visé

Le but de cette leçon est, qu’après la présentation du concept intégrateur, l’étudiant sache d’une part représenter sur une frise chronologique deux époques et d’autre part expliquer avec précision les choses suivantes : 1. Le temps est divisé en grands blocs, appelés époques ;

1 Cet exemple illustre l’idée d’Ausubel, qui conseille l’utilisation de concepts intégrateurs avant la présentation de nouveaux concepts. Voir chapitre 3. 2 Cet exemple est plus complexe que bien d’autres concepts intégrateurs qui pourraient être utilisés, mais il servira à illustrer la méthode de présentation.

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2. Les époques portent souvent le nom du peuple qui avait le pouvoir pendant cette période ;

3. Une époque couvre la durée de plusieurs générations ; 4. Certaines époques sont plus longues que d’autres.

Le concept intégrateur : (de type comparatif)

Considérons que le temps est comme une ligne qui a commencé il y a si longtemps que personne ne peut se souvenir de son début et qui se poursuit, dans le futur, plus longtemps que nous ne pouvons l’imaginer, comme ceci :

Voici notre place sur la ligne :

Avant nous, il y avait nos parents :

Avant nos parents, il y avait nos grands-parents et nos arrière-grands-parents : Et avant eux, il y avait nos ancêtres :

Les gens de votre peuple parlent « du temps de ton père » ou « quand ton grand-

père était en vie. » Cependant, dans d’autres pays, l’histoire écrite s’étend sur beaucoup plus d’années et rend compte des vies de tellement de personnes que nous devons découper le temps en périodes bien plus longues que les durées de vie des ancêtres dont nous nous souvenons. C’est pour cette raison que les gens ont commencé à diviser l’histoire en grands blocs, qu’on appelle périodes ou époques et qu’on leur donne souvent le nom des civilisations qui exerçaient le pouvoir en ce temps-là.

Nous pourrions par exemple répartir l’histoire de l’Amazonie en deux grandes époques :

Époque 1 Époque 2

Avant l’arrivée des Blancs Après l’arrivée des Blancs

Vos ancêtres ne comptaient pas en années, mais maintenant que vous le faites, vous pouvez voir que certaines époques sont longues et d’autres sont courtes. Par exemple,

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l’époque avant l’arrivée des Blancs dans la jungle est beaucoup plus longue que celle qui a commencé depuis la venue des Blancs.

Le concept intégrateur en tant que concept

Ce concept intégrateur part des connaissances historiques très limitées de l’étudiant, en lui rappelant le déroulement du temps et la succession des générations dans sa famille. On continue en utilisant ses connaissances pour lui faire comprendre que la durée de la vie humaine fait partie de périodes beaucoup plus longues.

Schéma 1. Structure cognitive préexistante.

(les lignes en pointillés représentent des relations vagues, qui ne sont pas clairement définies)

Jusque-là donc, j’ai simplement organisé les connaissances de l’étudiant. Puis, j’ai ajouté de nouvelles informations : le mot époque se rattache à de plus grandes périodes. C’est un nouveau mot pour l’étudiant, mais c’est aussi un nouveau concept car il désigne, comme un élément distinct, ce qui auparavant était une idée floue. La personne doit apprendre par cœur le mot de vocabulaire, mais elle apprend le concept par assimilation corrélative, puisqu’il s’agit simplement d’une extension de ses connaissances antérieures.

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Schéma 2. La structure cognitive après la présentation du concept intégrateur.

Le nouveau concept d’époque inclura toutes les périodes que les historiens (et toute autre personne) voudront définir. Celles présentées dans la leçon seront donc apprises par analogie et par assimilation dérivative.

La succession des époques, leurs noms et leurs différentes durées, tout cela fait partie du concept dès qu’il y a plusieurs époques et qu’il devient nécessaire de les distinguer entre elles. Une fois que l’étudiant a été sensibilisé à cela par le concept intégrateur, il comprendra leur occurrence dans la leçon, par analogie et par assimilation dérivative.

Comme l’étudiant a été averti que les années et les époques sont liées, il est possible d’enseigner le système utilisé pour compter les années en étendant l’information et par assimilation corrélative.

Les traits communs véhiculés par le concept intégrateur et la leçon sont : le passage du temps, le découpage du temps en époques, la dénomination des époques, la mesure du temps, et la subdivision d’une époque en générations.

Ce concept intégrateur exclut d’autres façons de voir l’histoire, telles que la succession d’inventions majeures, la mise au point d’écritures, la diffusion des langues ou l’extension du colonialisme.

Le contenu de la leçon

Nous avons des archives écrites datant de 4000 à 5000 ans, mais venant seulement de certaines parties du monde. Ce que nous connaissons, nous pouvons le répartir en grandes époques, selon les peuples qui étaient au pouvoir. C’est ce que nous avons fait quand nous avons établi deux périodes : avant et après l’arrivée des Blancs dans la jungle. Voici quelques grandes périodes de l’histoire (selon l’Encyclopédia Britannica, volume 14, 1988, p. 721–722) :

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Les années sont comptées à partir de la naissance de Jésus-Christ – avant (av. J.-C.) et après (ap. J.-C.)

Schéma 3. La Leçon.

Analyse

Le schéma 4 décrit ce qui s’est passé dans la structure cognitive des étudiants pendant la leçon. Ils sont maintenant prêts à comprendre toute information qui pourrait leur être donnée sur l’histoire ancienne et à la situer à peu près dans le temps.

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Schéma 4. Structure cognitive après présentation du nouveau contenu.

Conclusion

Vous connaissez maintenant : • Certaines des époques importantes de l’histoire ; • Les peuples qui avaient le pouvoir en ces temps-là ; • L’ordre dans lequel ces époques se sont succédées ; • Comment compter les années ; • Le fait que Jésus-Christ est venu avant les Incas.

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Appendice B :

Autres sources complémentaires

Le contenu des ouvrages suivants est également utile.

Enseignement et évaluation des apprenants holistiques :

Campbell (Linda), Campbell (Bruce) et Dickinson (Dee), Teaching and learning through Multiple Intelligences, Needham Heights, MA, Allyn and Bacon, 1996.

Carbo (Marie), Dunn (Rita) et Dunn (Kenneth), Teaching students to read through their individual learning styles, Englewood Cliffs, New Jersey, Prentice Hall, 1986.

Gardner (Howard), Frames of mind : The theory of multiple intelligences, New York, Basic Books, 1983. Les sept formes d’intelligences sont présentées : l’intelligence verbo-linguistique, l’intelligence logico-mathématique, l’intelligence kinesthésique, l’intelligence spatiale, l’intelligence musicale, l’intelligence interpersonnelle et l’intelligence intra-personnelle.

Gardner (R.), Holzman (P.), Klein (G.), Linton (D.) et Spence (D.), « Cognitive control : A study of individual consistencies in cognitive behavior », Psychological Issues IV, New York, International Press, 1959.

Hernandez (Hilda), Multicultural education : A teacher's guide to content and process, Columbus, Ohio, Merrill Publishing Company, 1989. Les pages 121 à 125 présentent un inventaire informel des styles d’apprentissage, ce qui donne un aperçu des styles d’apprentissage et des styles d’enseignement.

McCarthy (Bernice), The 4-mat system : Teaching to learning styles with right/left mode techniques, Barrington, Illinois, Excel, 1980.

Meister Vitale (Barbara), Unicorns are real : A right-brained approach to learning, Rolling Hills Estates, California, Jalmer Press, 1985. Cet ouvrage recense des idées pour enseigner les couleurs, la lecture, l’écriture, les opérations mathématiques, l’organisation, la grammaire, la musique. Il donne aussi les titres d’autres ouvrages.

National Association of Secondary School Principals, Student learning styles : Diagnosing and prescribing programs, Reston, Virginia, 1979.

National Study of School Evaluation, « Evaluation guidelines for multicultural-multiracial education », National Study of School Evaluation, Arlington, Virginia, 1973, p. 25–33.

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Les stratégies d’enseignement holistiques :

Baumann (James F.), « The effectiveness of a direct instruction paradigm for teaching main idea comprehension », Reading Research Quarterly, n° 20 (1), 1984, p. 93–115.

Hernandez (Hilda), Multicultural education : a teacher's guide to content and process, Columbus, Ohio, Merrill Publishing Company, 1989. Les pages 131 à 133, adaptées de Weinstein et Mayer (1986), donnent une liste de stratégies utiles pour les classes multiculturelles.

Herold (P. Leslie), Ramirez (Manuel III) et Castaneda (Alfredo), « Field sensitive and field independent teaching strategies », New approaches to bilingual, bicultural education, Austin, Texas, The Dissemination and Assessment Center for Bilingual Education, 1974, p. 65–76. Ces pages résument des différences importantes entre les cursus d’enseignement dépendants et indépendants du champ. Bien que les auteurs parlent du contexte américain, beaucoup de choses sont applicables aux cursus d’enseignement dans les pays en voie de développement.

Kauback (Brent), « Styles of learning among native children : A review of the research », Canadian Journal of Native Education, n° 11 (3), 1984, p. 27–37.

Kolb (David A.), Experiential learning : Experience as the source of learning and development, Englewood Cliffs, New Jersey, Prentice-Hall, 1984. Kolb étend l’application des principes de style d’apprentissage à son modèle d’apprentissage par l’expérience.

Ramirez (Manuel III) et Castaneda (Alfredo), Cultural democracy, bicognitive development, and education, New York, Academic Press, 1974. Ces auteurs ont observé et décrit des stratégies DC et IC d’apprentissage et d’enseignement, surtout parmi les étudiants hispanophones aux États-Unis. Voir plus particulièrement les pages 133 à 140.

Le développement bicognitif :

Davis (Thomas) et Pyatskowit (Alfred), « Bicognitive education : A new future for the Indian child? », Journal of American Indian Education, n° 15 (3), 1976, p. 14–21. Cet article aborde l’éducation bicognitive du point de vue de l’école Menominee (réserve Menominee, nord du Wisconsin, U.S.A.). Ces auteurs recensent huit concepts Menominee de soi et proposent un plan pour enseigner, de l’école maternelle à la fin du lycée, à la fois les connaissances indiennes et celles nécessaires à l’école et dans la société dominante.

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Silberman (Mel.), Active learning : 101 strategies to teach any subject, Needham Heights, MA, Allyn and Bacon, 1996.

Sternberg (Robert J.), « Thinking styles : Keys to understanding student performance », Phi Delta Kappan, n° 71 (5), 1990, p. 366–371. Sternberg traite des styles en termes de portées et de formes d’autogestion mentale. Il relève la tendance des enseignants et des écoles de récompenser les élèves dont les styles correspondent aux leurs. Il souligne également que les élèves ont besoin de développer leurs capacités à passer d’un style à l’autre.

Williams (Linda Verlee), Teaching for the two-sided mind, Englewood Cliffs, New Jersey, Simon and Shuster, 1983.

Williams traite des façons de penser et de la manière d’enseigner aux élèves à traiter ce qu’ils perçoivent.

Lectures complementaires en francais

Berchadsky (J.), « Le cognitivisme », Actes de Lecture, n° 48, décembre 1994. Chartier (D.), « Les styles d'apprentissage : Entre flou conceptuel et intérêt pratique »,

Savoirs, n° 2, février 2003, p. 7-28. Article consultable sur : URL : www.cairn.info/revue-savoirs-2003-2-page-7.htm. DOI : 10.3917/savo.002.0007.

Huteau (M.), « Un style cognitif : La dépendance-indépendance à l'égard du Champ », dans L'Année Psychologique, vol. 75, n°1, 1975, p. 197-262.

Lecomte (J.), « Lev Vygotski (1896-1934). Pensée et langage », revue « Sciences Humaines », n° 81, mars 1998.

Lemaire (P.), Psychologie cognitive, ed. De Boeck, Bruxelles, 1999, p. 543. Lieury (A.), Manuel visuel de Psychologie pour l’enseignant, Dunod, 2010. Piaget (J.) et Inhelder (B.), La psychologie de l'enfant, Quadrige, PUF, 2004.

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Références bibliographiques

Lectures complémentaires (anglais)

Academic American Encyclopedia, Danbury, Connecticut, Grolier, Inc., 1986. Albert (Martin L.) et Obler (Loraine K.), The bilingual brain : Neuro-psychological and

neurolinguistic aspects of bilingualism, New York, Academic Press, 1978. Anderson (Richard C.), « The notion of schemata and the educational enterprise », dans

Anderson (R C.), Spiro (R.J.), et Montague (W. E.) (eds.), Schooling and the acquisition of knowledge, Hillsdale, New Jersey, Lawrence Erlbaum, 1977, p. 415–431.

Anderson (Richard C.), « Schema-directed processes in language comprehension », dans Lesgold (Alan M.), Pellegrino (James W.), Fokkema (Spike D.) et Glaser (Robert) (eds.), Cognitive psychology and instruction, New York, Plenum Press, 1978, p. 67–82.

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