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Revue de presse de La Grande Fracture de Joseph E. Stiglitz, Éditions Les Liens qui Libèrent.

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Revue de presse de La Grande Fracture de Joseph E. Stiglitz, Les Liens qui Libèrent. Relations presse : Agence Anne & Arnaud

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""Revue de presse de La Grande Fracture de Joseph E. Stiglitz, Éditions Les

Liens qui Libèrent.

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!Agence de presse

4/9/2015 Pour Stiglitz, la France et l'Europe face à "une forme d'intimidation" de l'Allemagne

http://information.tv5monde.com/en-continu/pour-stiglitz-la-france-subit-une-forme-d-intimidation-de-l-allemagne-50901 1/3

dette France Allemagne gouvernement USA croissance budget social

L'économiste Joseph Stiglitz lors d'un entretien avec l'AFP à Paris, le 31 août 2015afp.com - Eric Piermont

Le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz s'inquiète lundi dans un entretien avec l'AFP de voir la France subir une

"forme d'intimidation" de l'Allemagne, et exhorte la gauche, en Europe comme aux Etats-Unis, à réagir contre la

Pour Stiglitz, la France et l'Europe face à"une forme d'intimidation" del'Allemagne

31 AOÛ 2015 Mise à jour 31.08.2015 à 19:30 Par Aurélia END AFP © 2015 AFP

dans Accueil . Economie / finances

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4/9/2015 Pour Stiglitz, la France et l'Europe face à "une forme d'intimidation" de l'Allemagne

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montée des inégalités.

"Il y a une forme d'intimidation", juge l'économiste américain, grande figure de la critique de l'austérité avec

d'autres chercheurs tels que son compatriote Paul Krugman et le Français Thomas Piketty, à propos de l'influence

allemande sur la politique économique suivie par le président François Hollande.

Interrogé sur des déclarations de l'ancien ministre grec des Finances Yanis Varoufakis, selon lequel l'intransigeance

allemande face à la Grèce a pour but d'effrayer la France et de la convaincre de suivre la voie de la rigueur, le très

médiatique économiste américain répond : "je le crois".

"Le gouvernement de centre gauche en France n'a pas été capable de tenir tête à l'Allemagne", sur les orientations

budgétaires ou face à la crise grecque, regrette l'ancien chef économiste de la Banque mondiale et conseiller du

président américain Bill Clinton.

Pour M. Stiglitz, en pleine promotion de l'édition en français de son dernier ouvrage sur les inégalités ("La grande

fracture", éditions Les Liens qui Libèrent), la France "est de toutes les nations du monde celle qui a le plus fortement

embrassé le concept d'égalité", mais est désormais confrontée à un "vrai risque" de creusement des inégalités en

raison de ses choix budgétaires.

Pour l'économiste, prix Nobel en 2001 avec deux autres chercheurs pour des travaux sur les imperfections des

échanges d'informations sur les marchés, si la France affiche un important déficit public, elle n'en pratique pas

moins une politique d'austérité en bridant les dépenses publiques.

Il critique également cette "idée vraiment stupide selon laquelle baisser les impôts sur les entreprises stimulerait

l'économie", jugeant que cette "politique de l'offre" mise en oeuvre par Ronald Reagan aux Etats-Unis dans les

années 1980 est aujourd'hui "totalement discréditée". "Ce n'est même plus un sujet de débat pour les économistes,

seulement pour les Allemands et pour quelques personnes en France".

La baisse massive des charges et des impôts des entreprises est au coeur du Pacte de responsabilité et de solidarité

mis en place par M. Hollande.

- Obama décevant -

"Je ne comprends pas pourquoi l'Europe choisit cette voie aujourd'hui", commente M. Stiglitz, pour qui les élections

en 2017 en France et en Allemagne sont peu susceptibles de changer la donne.

L'universitaire dit cependant "espérer" un changement en Espagne, où des élections doivent se dérouler avant la fin

de l'année, après plusieurs années de rigueur budgétaire, mais sur fond de redémarrage de l'économie.

Une réussite en trompe-l'oeil selon M. Stiglitz, qui souligne que le taux de chômage espagnol est toujours très élevé :

"Le simple fait (que ce pays) survive est vu comme un succès".

4/9/2015 Pour Stiglitz, la France et l'Europe face à "une forme d'intimidation" de l'Allemagne

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dette France Allemagne gouvernement USA croissance budget socialPar Aurélia END

AFP© 2015 AFP

Mise à jour 31.08.2015 à 19:30

L'économiste ne cache pas sa déception face à la gauche au pouvoir ces dernières années, en Europe comme aux

Etats-Unis.

"Depuis 20 ans, les sociaux-démocrates manquent de confiance en eux. Que ce soit (Tony) Blair au Royaume-Uni,

(Gerhard) Schröder en Allemagne, et vous pourriez ajouter (Barack) Obama aux Etats-Unis. Tous ont soutenu les

banques, la dérégulation, et des accords commerciaux mauvais pour les salariés", déplore-t-il.

Si M. Obama a selon lui été "pris en otage par les grandes multinationales", M. Stiglitz veut croire que tout peut

changer si un ou une candidat(e) démocrate l'emporte à la présidentielle américaine de 2016. "Tous les candidats du

parti démocrate vont dans le sens d'un programme (économique) progressiste. C'est une grande réussite."

Interrogé sur la Chine, dont les soubresauts boursiers donnent des sueurs froides au monde entier, il appelle à ne pas

"trop dramatiser".

"La bonne nouvelle est qu'il y a désormais une prise de conscience de la nécessité de réguler le marché financier" en

Chine, note M. Sitglitz. Pour le reste, Pékin "a presque 4.000 milliards de dollars de réserves de change. Cela lui

donne les moyens de soutenir la croissance", veut-il croire.

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4/9/2015 Peut-on enrayer l’aggravation des inégalités ? Avec Joseph Stiglitz - Information - France Culture

http://www.franceculture.fr/emission-l-invite-des-matins-peut-on-enrayer-l-aggravation-des-inegalites-avec-joseph-stiglitz-2015- 1/4

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17 minutes

Peut-­on enrayer l’aggravation des inégalités ?Avec Joseph Stiglitz 6

01.09.2015 -­ 07:39

"L'inégalité est un choix", avance Joseph Stiglitz dans son dernier livre, Lagrande fracture. Qui fait ce choix ? Comment enrayer la mécanique inégalitairequi parcourt nos sociétés ? Et comment éteindre les incendies économiques quinous menacent ?

Guillaume Erner reçoit l'économiste Joseph E. Stiglitz, prix Nobel d’économie ancien économiste en chef de la Banque

mondiale, ancien conseiller économique auprès de Bill Clinton, à l'occasion de la sortie de son livre La grande fracture : lessociétés inégalitaires et ce que nous pouvons faire pour les changer (Les Liens qui Libèrent).

Pour écouter la deuxième partie de l'émission : L'invité des Matins, deuxième partie

Extraits musicaux :

-­ "Somebody's love" de Sun Ra repis par le trio Yo La Tengo

La Revue des MatinsLa revue de presse de Nicolas Martin : horreur, malheur !

La revue musicale de Matthieu Conquet : Janáček -­ Dvořák, Sinfonietta et Nouveau Monde

La revue des images de Hélène Delye

La séquence des partenaires : la chronique de François Aubel en partenariat avec Le Figaro

du lundi au vendredi de 7h39 à 7h57 Durée moyenne : 17 minutes

L'Invité des Matinspar Guillaume Erner

Le site de l'émission

L'économiste Joseph E. Stiglitz © REUTERS

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Réalisation

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Peut-­on enrayer l’aggravation des inégalités

? Avec Joseph Stiglitz

01.09.2015 17 min.

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!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!Presse écrite

Date : 28 AOUT/03 SEPT 15

Pays : FrancePériodicité : Hebdomadaire ParisOJD : 155538

Page de l'article : p.71-72Journaliste : Joseph E. Stiglitz/ Hervé Nathan

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IL'économi e esty n sport demédiatiquecombat

PAR JOSEPH E. STIGLITZ

LA GRANDE FRACTURE dans la société américaine."Elle sépare les superriches - qu'on appelle parfoisles 'I %' - et tous les autres." Ici, à Wall Street,un manifestant parmi les 99 % le dame : "Dieu bénissel'Amérique de gauche."

Date : 28 AOUT/03 SEPT 15

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Joseph Stiglitz est sansdoute le seul économisteauteur d'un slogan reprislors des manifestationsde rue. « Nous sommes

les 99 % », du mouvement decontestation Occupy (qu'il s'agissede Wall Street, de Londres oud'ailleurs) lors de la crise de2008, est son invention. Ployantsous les lauriers (professeur àl'université Columbia, prix Nobel,il a aussi éclaire les conseillerséconomigues de Bill Clinton et amême une influence au Vatican...),l'homme est une exception -non seulement à cause de sestravaux (il est le représentantde l'école du néokeynésianisme),mais aussi parce qu'il a choisi lavoie de la vulgarisation engagée,forcément moins tranquille pourun universitaire. Le « 1 % » estainsi apparu à l'occasion d'unarticle commande par le magazinefashion Vanity Fair. Depuis lors,Stiglitz donne chaque mois unarticle au consortium ProjectSyndicale sur l'actualité politiqueet économique. Lin « papier »qui a souvent été un lumignon

dans la nuit noire néolibérale.Dénonciateur des inégalités,Stiglitz n'a pas pour autant unevocation de boutefeu. Dansla tradition de la « gaucheaméricaine », son propos n'estpas d'opposer les classes entreelles, mais plutôt de ressouder lasociété américaine. « Pourquoifaut-il se souder de la haussemassive cfe l'inégalité ? »s'interroge-t-il. Réponse : « Pourdes raisons morales mais aussiéconomiques. Parce que lanature de notre société et notresentiment d'identité nationalesont enjeu. Et même nos intérêtsstratégiques généraux. »Pour en sortir, il n'y a pasd'autre voie que la démocratieet la politique : « Ce n'est qu'enréformant notre démocratie - enfaisant en sorte que notre systèmede gouvernement rende descomptes à l'ensemble du peupleet reflète mieux les intérêts detous - que nous parviendronsà résorber la grande fractureet à rétablir aux Etats-Unis laprospérité partagée. » Et, enl'occurrence, ce qui est bonpour l'Amérique est bon pour lereste du monde. • HERVÉ NATHAN

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IDÉES

de JosephE Stiglitz traduitpar Françoise Liseet Paul Chen aLes liens quiI berent 22 g

ul ne peut le n ieraujourd'hui il existeune grande fracture enAmerique Elle sépareles superriches - queI on appelle parfois le1%-et tous les autresLeurs vies sont diffé-rentes Ils n ont pas lesmêmes soucis, pas les

mêmes aspirations pas les mêmesfaçons de vivre Les Américains ordi-naires se demandent comment ilsvont payer la formation superieurede leurs enfants ce qui va se passersi un membre de la famille a unemaladie grave comment ils vontgerer leur retraite Dans les affresde la grande recession, des dizainesde millions se sont demande s ilsallaient pouvoir garder leur maisonDes millions n y ont pas réussi

Les membres du 1 % - et plusencore ceux du 01 % superieur -ont d'autres sujets de discussion letype de jet prive qu il faut acheter,le meilleur moyen de proteger dufisc leurs revenus (Que va t-il sepasser si les Etats Unis imposent ala Suisse la f in du secret bancaire ?

Ce sera au tour des îles Caïmans ?

LAndorre est-elle sûre ?) Sur lesplages de Southampton [villegiature de I upper class américaine],ils se plaignent du bruit que fontleurs voisins quand ils arrivent enhélicoptère de New York Ils ontpeur aussi de ce qui se passeraits ' i ls tombaient de leur perchoirCe serait de si haut Et a de raresoccasions, cela arrive

DES CAUSES POLITIQUESRécemment, j ai ete convie a undîner que donnait un membrebrillant et engage du 1% Conscientde la grande fracture notre hôteavait reuni des milliardaires, desuniversitaires et d autres personnespréoccupées par I inégalité Dans lebabil des premieres conversationsa bâtons rompus, j'ai entendu unsuperriche - qui devait ses heureuxdébuts dans la vie a la fortune qu'ilavait héritée - dialoguer avec I unde ses homologues d'un graveproblème les fainéants qui res-

L'Amérique n'est pas le paysde l'égalité des chances qu'elleprétend être. Elle offre despossibilités remarquables àcertains, et fort peu à d'autres.quillaient aux dépens des autresAméricains Apres quoi ils sontpasses sans transition a une dis-cussion sur les paradis fiscaux, sansmesurer apparemment l'ironie decet enchaînement Plusieurs foisdans la soiree on a invoque Marie-Antoinette et la gui l lot ine lesploutocrates reunis se rappelaientles uns aux autres les risques delaisser croître exagérément l'megalite «Souvenons nous de la guillo-tine ' » La formule donne le ton decette reception Et, par ce refrain,les convives reconnaissaient le bienfonde d un message central de celivre le niveau actuel de I inégalitéen Amerique n est pas inévitable

ll n'est pas le resultat des loisinexorab les de I economie lldépend des politiques que noussuivons et de la politique [ ]

Avant même d étudier en détailles statistiques du revenu - je lefera is plusieurs décennies plustard -, j 'avais le sentiment quel'Amérique n était pas le pays deI egalite des chances qu elle pré-tendait être< elle offrait des pos-sibilités remarquables a certains,maîs fort peu a d autres HoratioAlger (I) était un mythe, au moinsen partie Beaucoup d Américainsqui travaillaient dur ne réussiraientjamais Si je suis devenu economiste, ce n'était pas seulementpour comprendre l ' inégalité, ladiscrimination et le chômage maîsaussi, espérais je, pour agir contreces fléaux qui accablaient le paysLe chapitre le plus important de mathese de doctorat au MIT rédigéesous la direction de Robert Solow etde Paul Samuelson (qui tous deux

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JOSEPHE. STIGLITZ72 ans, né àGary (Indiana),professeurà l'universitéColumbia, prixNobel d'économieen 2001, avecGeorge Akerlof etMichael Spence.

auraient plus tard le prix Nobel),portait sur les déterminants de larépartition du revenu et de la for-tune. Présente en 1966 et publié en1969, ce texte, un demi-siècle plustard, sert encore fréquemment decadre aux reflexions sur le sujet. Leslecteurs potentiels d'une analysede l'inégalité étaient rares, dansle grand public et même chez leséconomistes. Le sujet n'intéressaitpas. Dans la profession, il suscitaitparfois une hostilité directe. Elle aperdure même quand l'inégalité acommencé à s'accroître nettementaux Etats-Unis, a l'époque où Rea-gan est devenu president Un éco-nomiste en vue de l'université deChicago, Robert Lucas, prix Nobel,l'a exprimée avec force : « Parmi lestendances qui nuisent a une sainepratique de la science économique,la plus séduisante et [.. ] toxique estla concentration sur les questionsde répartition. » Comme tant d'éco-nomistes conservateurs, il soutenaitque la meilleure façon d'aider lespauvres était d'accroître la tailledu gâteau économique national. Enattirant l'attention sur la minceurde la part que recevaient les défa-vorisés, estimait-il, on se détournaitde l'enjeu essentiel • comment fairegrossir le gâteau ?

CERCLE VICIEUXf...] C'est pourquoi j'ai été ravi, en2011, de la proposition que m'a faiteVanity Pair : soumettre la questionau grand public L'article qui en arésulté, « Du 1 %, par le 1 %, pourle 1 % » [variation sur la célèbremaxime d'Abraham Lincoln • « Legouvernement du peuple, par lepeuple, pour le peuple . »], a eubeaucoup plus de lecteurs, et detres lom, que celui que j'avais publiédans Econometrica (2) quèlquesdécennies plus tôt Son analysedu nouvel ordre social - 99 % desAméricains étaient dans le mêmebateau • la stagnation - est devenuele slogan du mouvement OccupyWall Street : « Nous sommes les99 %. » ll exposait la these qu'ex-priment tous les articles repris ici,et mes écrits suivants s'il y avait

L'inégalité a contribuéà provoquer la crise, la crisea exacerbé les inégalitéspréexistantes. Leur aggravationa plombé l'économie.moins d'inégalité, nous serions pra-tiquement tous en meilleure pos-ture - même de nombreux membresdu 1 %. L'intérêt éclaire du 1 % estd'aider à construire une sociétémoins divisée. Je ne cherchais pas àdéchaîner une nouvelle guerre entreles classes maîs à créer un nouveausentiment de cohésion nationale :l'ancien s'était évanoui quand unegrande fracture s'était ouverte dansnotre sociéte

Malheureusement, la monteede l'inégalité le prouve : le modèleéconomique américain n'a pas étépayant pour de vastes composantesde la population. En termes réels- compte tenu de l'inflation -, lasituation de la famille américainetype est pire qu'il y a un quart desiecle Même le pourcentage depauvres a augmente. Bien quel'ascension de la Chine se caracté-rise par une forte inégalité et par undéficit démocratique, son économiea apporté davantage à la plupartde ses citoyens • elle a fait sortirde la pauvrete 500 millions de per-sonnes dans la période où la classemoyenne américaine subissait lastagnation Lorsque le modèle éco-nomique d'un pays ne sert pas lamajorité de ses citoyens, il a peude chances de servir d'exemple qued'autres voudront imiter. [...]

La crise financiere et l'mega-hté sont inextricablement mêlées •l'inégalité a contribué à provoquerla crise ; la crise a exacerbe lesinégalités préexistantes ; et leuraggravation a plombé l'économieet rendu encore plus diff ici le unereprise robuste. Pas plus que dansl'inégalité, il n'y avait de fatalité dansla profondeur ni dans la durée dela crise. De fait, la crise n'a pas étévoulue par Dieu Ce n'est pas uneinondation ou un séisme qui se pro-

duit une fois par siècle C'est quelquechose que nous nous sommes fait ànous-mêmes. Comme l'inégalité sansmesure, la crise est le résultat de nospolitiques et de notre politique. [...]

C'est un cercle vicieux : l'aggra-vation de l'inégalité économiquese traduit en inégalité politique,notamment dans le systeme poli-tique americain, qui donne à l'argentun pouvoir sans limites ; cette iné-galité politique accroît l'inégalitéeconomique. Maîs ce mécanismes'est encore renforcé quand de nom-breux citoyens américains ont étédéçus par le processus politique. Aulendemain de la crise de 2008, on adépense des centaines de milliardspour sauver les banques et très peupour aider les propriétaires en dif-ficulté Sous l'influence du secre-taire au Trésor Timothy Geithneret du président du Conseil econo-mique national Larry Summers - quiavaient tous deux compte parmi lesarchitectes des politiques de déré-glementation, en partie à l'originede la crise -, l'administration Obama,au départ, n'a pas accordé son sou-tien, on peut même dire qu'elle s'yest opposée, aux efforts pour fairerestructurer les prêts hypothécaires,ce qui aurait soulagé les millionsd'Américains victimes du credit pré-dateur et discriminatoire ides banques. Donc ne nousétonnons pas que tant degens aient envoyé les deuxpartis au diable ' •(1) Romancier americain duXIXe siecle dont les personnages passentde la misère a I extrême richesse par letravail et la frugalité (NOT)(2) Revue de Societe d econometneassociation internationale deséconomistes spécialises dans lesmathematigues et les statistiguesappligueesa I economie

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LE MONDE ECO & ENTREPRISEDate : 02 SEPT 15Pays : France

Périodicité : Quotidien Page de l'article : p.6Journaliste : Marie Charrel

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ECONOMIE & ENTREPRISE« Les inégalités résultent de choix politiques »Conjuguer croissance et équité est possible, juge l'économiste Joseph Stiglitz, citant l'exemple de Singapour

P our certains, c'est le maldu siècle. Depuis la crisedes subprimes, les iné-galités sont au cœur du

débat économique aux Etats-unis, où la publication du Capitalau XXIe siècle, le best-seller del'économiste français Thomas Pi-ketty (Seuil, 2013), a mis en lu-mière la panne de l'ascenseur so-cial. Cette semaine, le Prix Nobelaméricain Joseph Stiglitz, très cri-tique à l'égard des politiquesd'austérité, publie un nouvelouvrage sur le sujet, La GrandeFracture (Les Liens qui libèrent,448 pages, 25 euros).

Sa thèse : « Les inégalités sont àl'origine de la crise et freinent la re-prise des pays industrialisés », ex-plique l'économiste, de passage àParis. Tant qu'elles se creuseront,comme c'est le cas des deux côtésde l'Atlantique, le retour à unecroissance saine et dynamiquesera impossible. Et pour cause :lorsque les classes moyennes s'af-faiblissent, elles consommentmoins, privant ainsi l'activité del'un de ses moteurs. Une évolutionsouvent présentée comme une fa-talité. « C'est faux, s'insurge M. Sti-glitz. Les inégalités résultent dechoix politiques, et non d'une mon-dialisation échappant aux Etats,comme on l'entend parfois. »

L'économiste développe l'exem-ple de pays ayant réussi à conciliercroissance économique et équité,« parce qu'ils ont fait de ce doubleobjectif une priorité politique ». Hya les pays Scandinaves, toujourscités en modèle sur ces questions.Ou encore le Japon qui, malgréune démographie fléchissante, af-fiche des niveaux d'éducation etd'espérance de vie plus élevésqu'aux Etats-Unis.

Joseph Stiglitz donne aussi des

exemples plus surprenants,comme l'île Maurice. Lors de sonindépendance, en 1968, l'île nedisposait d'aucune ressource na-turelle, à part la canne à sucre, etaffichait un produit intérieur brut(PIB) par habitant inférieur à400 dollars. « Aujourd'hui, ce der-nier dépasse les 6 700 dollars, lessoins médicaux sont gratuits pourtous, 87 % des habitants sont pro-priétaires etla croissance est de 3%à 5 % par an depuis trente ans, dé-taille le Prix Nobel. Et cela, sansque le gouvernement ait fait explo-ser dette et dèficits publics. »

La recette du « miracle mauri-cien » ? D'abord, l'île a tout misésur l'éducation, offrant l'enseigne-ment gratuit jusqu'à la quatrièmeannée d'université. Grâce à cettemain-d'œuvre qualifiée, le gouver-nement a diversifié l'économievers le tourisme, la finance, le tex-tile et les nouvelles technologies.Et construit l'une des sociétés lesplus équitables et prospères d'Afri-que de l'Est, « même si tout n'y estpas parfait, bien sûr ».Autre exemple : Singapour. Là

encore, cette ancienne coloniebritannique disposait de peu deressources lors de son indépen-dance, en 1963. Un quart de sa po-pulation active était au chômage.Aujourd'hui, elle fait partie desdix pays affichant l'indice de de-veloppement le plus élevé aumonde - un indicateur prenanten compte le PIB par habitant, l'es-pérance de vie, le niveau d'éduca-tion et le niveau de vie.

Pour y parvenir, la cité-Etat a misl'accent sur la lutte contre les iné-galités. En intervenant dans lesnegociations entre travailleurs etentreprises pour tirer les salaires

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Périodicité : Quotidien Page de l'article : p.6Journaliste : Marie Charrel

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minimums vers le haut, parexemple. En investissant massi-vement dans l'innovation. En of-frant l'éducation pour tous.

Investir dans la rèchercheMais surtout, en mettant en placeun système de protection socialeinnovant : chaque citoyen contri-bue de façon progressive à un« fond de prévoyance » finançantl'épargne-logement, la santé, la re-traite et l'aide sociale minimale.« Chaque habitant a accès à uncompte lui permettant de voircomment il contribue, et ce à quoitt a droit : c'est un outil responsabi-lisant, évitant les surcoûts d'unEtat paternaliste et assurant la co-hésion sociale », dit M. Stiglitz.

Selon lui, les Etats-Unis ont plu-sieurs leçons à retenir de cesexemples. La première est que lalutte contre les inégalités doit êtreau cœur de l'ensemble des politi-ques publiques. Dans ce pays, celapourrait se traduire par une fisca-lité plus progressive et par la fixa-tion d'un salaire minimum. « Celarenforcerait une consommationnon basée sur la dette et la crois-sance », explique-t-il. La secondeest le rôle-clé de l'accès à l'éduca-tion. « L'enseignement supérieurest devenu si cher chez nous que deplus en plus d'Américains en sontexclus : c'est une machine à fabri-quer de la pauvreté affaiblissantnotre potentiel économique. »

La troisième, enfin, est l'impor-tance des investissements publicsdans la rècherche, indispensablespour enclencher l'investissementdes entreprises. Et pour alimenterl'innovation et les gains de pro-ductivité, aujourd'hui au pointmort. Sans ces derniers, les écono-mies développées pourraient biens'enfoncer dans une « stagnationséculaire », dit M. Stiglitz. A savoirune longue periode de croissancefaible, qui mettra les systèmes so-ciaux à rude épreuve. •

MARIE CHARREL

LES DATES

1943Naissance à Gary (Indiana) auxEtats-Unis.

1967Doctorat en économie du Massa-chusetts Institute of Technology.

1997-2000Joseph Stiglitz est vice-présidentet économiste en chefde la Banque mondiale.

2001Prix Nobel d'économie.

La recettedu « miracle

mauricien » ?Lîle a misé surl'éducation et

a ainsi diversifiéson économie

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Joseph Stiglitz, Prix Nobel d'économie, à Paris, le IC juillet. GUIA BESANA POUR « LE M O N D E »

4/9/2015 Joseph Stiglitz : « L’Union européenne est en train de détruire son avenir »

http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/09/01/joseph-stiglitz-l-union-europeenne-est-en-train-de-detruire-son-futur_4742246_3234.html 1/3

Joseph Stiglitz : « L’Union européenne est en trainde détruire son avenir »Le Monde.fr | 01.09.2015 à 10h09 • Mis à jour le 01.09.2015 à 12h39 | Propos recueillis par Marie Charrel (/journaliste/marie-­charrel/)

Pourfendeur des politiques d’austérité en Europe, le Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz travaille

depuis des années sur les causes des inégalités économiques aux Etats-­Unis et sur leurs

conséquences, à la fois politiques et sociales. Le 2 septembre, il publie un nouvel ouvrage sur le

sujet, La Grande Fracture, aux éditions Les liens qui libèrent. Rencontre.

Vous expliquez dans votre ouvrage que les inégalités sont à l’origine de la crise de 2007.Pourquoi freinent-­elles aujourd’hui la reprise ?

D’abord, parce qu’elles sont souvent le résultat de rentes et de monopoles paralysant l’économie.

Mais, surtout, parce que les inégalités forment un terrible piège. Pour les Américains des classes

populaires disposant d’une mauvaise couverture santé et qui ont difficilement accès à l’éducation,

l’ascenseur social ne fonctionne plus. Ils ont peu de chance de voir leurs revenus augmenter. Or,

sans hausse des revenus, il n’y a pas de hausse de la consommation, ce qui affaiblit la croissance.

Avant la crise des subprimes, les dépenses des ménages américains étaient artificiellement — et

dramatiquement — gonflées par le crédit. Maintenant que ce levier a disparu, nous constatons les

ravages provoqués par les inégalités. Elles sont incompatibles avec une croissance saine.

Lire aussi : Les inégalités de revenus nuisent à la croissance (/economie/article/2015/06/15/les-­

inegalites-­de-­revenus-­nuisent-­a-­la-­croissance_4654546_3234.html)

Mais la récession elle-­même a accru les inégalités !

Oui, mais il ne faut pas se tromper : les inégalités ne sont pas une fatalité, elles sont le résultat de

choix politiques. Pour preuve, des Etats ont réussi à allier croissance et équité parce qu’ils ont fait

de ce double objectif une priorité.

C’est le cas des pays scandinaves, mais aussi de Singapour ou de l’île Maurice, qui a réussi à

diversifier son économie en misant sur l’éducation de sa population. Les Etats-­Unis ont beaucoup à

apprendre de ces exemples.

Vous appelez les Etats industrialisés, en particulier les Etats-­Unis, à investir dansl’innovation, les infrastructures, l’éducation. Comment faire, alors que les dettes publiquesatteignent des niveaux records ?

le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz publie, le 2 septembre, « La grande fracture », aux Éditions Les Liens quiLibèrent. Reuters /Shannon Stapleton

4/9/2015 Joseph Stiglitz : « L’Union européenne est en train de détruire son avenir »

http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/09/01/joseph-stiglitz-l-union-europeenne-est-en-train-de-detruire-son-futur_4742246_3234.html 2/3

C’est une très mauvaise excuse. Aux Etats-­Unis, les taux d’intérêts réels sont négatifs, et ils sont

très bas en Europe : la période n’a jamais été aussi propice à l’investissement. D’autant que les

investissements, dont il est ici question, alimenteront une croissance solide dans les années à venir

et donc, des recettes fiscales supplémentaires qui permettront d’équilibrer les comptes publics.

S’endetter pour construire l’avenir n’est pas un frein à la croissance. C’est ne pas le faire qui est un

cadeau empoisonné pour les générations futures.

Le monde va-­t-­il sombrer dans une « stagnation séculaire », à savoir, une longue période de

croissance faible ?

La stagnation séculaire a deux causes. La première est l’anémie de la demande mondiale,

notamment plombée par des politiques d’austérité injustifiées en Europe. La seconde tient aux

interrogations autour des innovations de ces dernières années.

Pour l’instant, Facebook, Airbnb, l’économie collaborative ne génèrent pas de gains de productivité

aussi puissants que ceux de la révolution industrielle, et nous ne savons pas mesurer ce qu’elles

apportent au produit intérieur brut.

L’une de ces innovations finira-­t-­elle par changer la donne ? Impossible de le prédire, car, par

définition, ce genre de rupture est imprévisible.

Mais une chose est sûre : les Etats ont un rôle à jouer ici, en investissant dans la recherche pour

favoriser l’éclosion de ces innovations. Car le seul investissement des entreprises ne peut suffire.

Mais si cela ne se produisait pas ? Si aucune innovation ne relançait les gains de

productivité ?

Dans le fond, ce ne serait pas si dramatique, puisque les ressources de la planète sont limitées.

Nous pourrions très bien nous accommoder d’une croissance durablement faible, si elle

s’accompagne de politiques réduisant les inégalités.

Malgré la hausse des inégalités que vous dénoncez, l’économie américaine a progressé de

3,7 % au deuxième trimestre. Ce n’est pas si mal.

La reprise américaine est un mirage. Il est vrai que notre taux de chômage est bas (5,3 %), mais

nombre de demandeurs d’emploi sont sortis des statistiques. Il manque 3 millions d’emplois au

pays. La Réserve fédérale ne le comprend pas. Ses remèdes sont inadaptés.

La croissance de ces dernières années a été alimentée par la baisse du dollar, qui a un peu

regonflé notre compétitivité, et par la bulle boursière. Mais la baisse du dollar est derrière nous, et la

bulle boursière ne contribue à la consommation des ménages que très marginalement. Ce n’est pas

tenable.

Que faire pour alimenter une croissance saine aux Etats-­Unis ?

Les pistes sont nombreuses : investir dans la recherche, l’éducation, les infrastructures, favoriser

l’accès des Américains à l’enseignement supérieur. Instaurer un salaire minimal me paraît aussi une

bonne piste.

Ces dernières années, les profits ont augmenté de manière disproportionnée face aux salaires.

Cette distorsion du partage des revenus est source d’inégalité et affaiblit la croissance potentielle.

Une autre façon de la corriger serait de rendre notre fiscalité plus progressive et équitable. Il n’est

pas normal qu’un spéculateur soit aujourd’hui moins imposé qu’un travailleur.

Pourquoi le prochain président américain, s’il était démocrate, appliquerait-­il de telles

mesures si Barack Obama lui-­même ne l’a pas fait ?

Barack Obama a commis des erreurs. Mais, depuis, quelque chose a changé aux Etats-­Unis. De

nombreux politiques, notamment au Sénat, ont pris conscience qu’il y a urgence à s’attaquer au

problème des inégalités. Tous les candidats démocrates en ont fait leur priorité.

Parlons un peu de l’Europe. Le troisième plan d’aide à la Grèce sortira-­t-­il enfin Athènes de

l’ornière ?

Ce plan est la garantie que la Grèce va s’enfoncer dans une longue et douloureuse dépression. Je

ne suis pas très optimiste.

4/9/2015 Joseph Stiglitz : « L’Union européenne est en train de détruire son avenir »

http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/09/01/joseph-stiglitz-l-union-europeenne-est-en-train-de-detruire-son-futur_4742246_3234.html 3/3

La seule bonne nouvelle est que le Fonds monétaire international (FMI) milite désormais pour unallégement de la dette publique. Cela n’a pourtant pas empêché les créanciers d’Athènes d’adopterun programme d’aide ne disant pas un mot sur le sujet.

Pourquoi la dette est-­elle un sujet aussi sensible en Europe ?

Pour deux raisons. La première est qu’il y a confusion. La dette y est conçue comme un frein à lacroissance, alors qu’au contraire, elle est l’assurance de la prospérité future, lorsqu’elle sert àfinancer des investissements clés. Les Européens l’ont oublié.

Et pour cause : une partie de la droite du Vieux Continent alimente cette hystérie autour de la dettedans le but d’atteindre l’Etat providence. Leur objectif est simple : réduire le périmètre des Etats.

C’est très inquiétant. A s’enfermer dans cette vision du monde, l’obsession de l’austérité et la phobiede la dette, l’Union européenne est en train de détruire son avenir.

Lire aussi : Varoufakis : « La véritable cible du docteur Schäuble est la France et sonEtat-­providence » (/europe/article/2015/08/22/yanis-­varoufakis-­la-­veritable-­cible-­du-­docteur-­schauble-­est-­la-­france-­et-­son-­etat-­providence_4733532_3214.html)

Date : 02 SEPT 15

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Joseph Stiglitz :capturée par I

: « 99 % de la croissance% en haut de l'échelle »

Al'heure ou Francois IIollande contesse un rénoncement majeur endeclaiant « at,sume(r)pleinement », dans un

livre a paraitre demain (In é page 7),son « acceptation du traite europeen »Sarko? Mei kei, le prix Nobel d éconorme americain Joseph Stiglitzdresse un rèquisitoire des politiquesd'austérité Dans I entretien qu il aaccorde a l'Humanité a l'occasion desa visite en France pour promouvoirson nouveau livre la Gt aride Trac ture

(éditions Les Liens qui libèrent),l'économiste dénonce uneEurope engluée dans Tailstente, dans laquelle « laFrance apeur » d'affronteil'Allemagne comme on I avu loi s de la crise grecquecet eté Un probleme économique qui de\ lent un

probleme démocratique,souligne le prix Nobel, quand

« les électeurs se disent partout ( )les gouvernements ont trahi » « Cestune autre logique qu'ûfaut suivre »,affirme encoie Joseph Stiglitz a propos du pacte de responsabilité deFrançois Hollande qui distribue desaides sans contreparties aux entreprises Tirant enseignement deI exemple grec, le prix Nobel, qui asoutenu le non d Alexis Tsipras aurefeiendum grec de juillet se prononce pour une rèforme de la zoneeuro, dans un sens plus « democrafigue » et « solidaire », et dit l'espoiique suscite en Im l'essor des luttesdes mouvements cito\ ens contre lesinégalités aux ktats Unis

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ECONOMIE

« La dèmocratie,arme contre la crise »

De passage à Paris pour la sortie de son dernier ouvrage, Joseph Sîiglirz, prix Nobel deconomie, relève queles inégalités sont au cœur de l'instabilité économique mondiale et développe ses propositions alternatives.

es inégalités que vous évoquezdans votre livre furent déjà le prin-cipal ingrédient du krach de 2007-2008. Est-ce que cela veut direqu'aucun enseignement n'en a étévraiment tiré depuis et que de

••m nouvelles crises du même typevont surgir?JOSEPH STiGLiTZ Je ne pense pas que nousavons résolu le problème de 2007-2008.Il y aura, il y a déjà une autre crise. Unedes raisons sous-jaceiites du krach fut lacroissance des inégalités et la baisse de lademande. Parce que les personnes quisont en haut de l'échelle dépensent finalement moins que ceux qui sont en bas.Cela a débouché sur une faible dynamiqueéconomique. La Réserve fédérale (labanque centrale des États-Unis) a dècidé,à l'époque, de contrebalancer cette fai-blesse en créant une bulle financière.Celle-ci a permis à 80 % des citoyens desÉtats-Unis de dèpenser HO % de leursrevenus. Mais ce n'était pas durable. Etfinalement la bulle a explosé. Les dégâtsrestent considérables. Les inégalités sesont accrues. Les personnes qui ont étéles plus affectées sont celles qui figurentau milieu et au bas de l'échelle sociale.Ainsi entre 2009 et 2012, 91 % de la crois-sance a été capturée par les I % les plusriches. Le reste des gens, les 99 %, n'ontpas vu la couleur de la reprise.

Est-ce qu'il n'y a pas de nouvelles bulles,Wall Street a battu à nouveau des recordsces derniers mois...JOSEPH STIGLITZ II y a une forte probabilitéde présence d'une nouvelle bulle. Le gouvainement a refusé de soutenir l'économie

avec des politiques fiscales favorisant lademande. II a privilégié la politique moné-taire (l'abaissement des taux d'intérêt etl'injection de liquidités bon marché) touten échouant sur la réglementation du secteurfinancier. L'objectif déclaré était de stimulerl'activité et l'investissement. Mais dans lesfaits les prêts aux PME-PMI sont restés endessous du niveau de 2007. L'argent ainsidéverse n'a pas conforté l'économie, si cen'est à la marge. Car la plupart des créditsbon marché ont été aspirés par les marchésfinanciers, avec, donc, la probable créationd'une nouvelle bulle..

Vous vous êtes fortement engagé contrel'austérité en Europe et le creusement desinégalités, vous avez soutenu publiquementAlexis Tsipras et le non au référendum grec.Quelles seront les conséquences du diktatdu 13 jui l let imposé aux dirigeants grecs?JOSEPH STIGLITZ Une récession plus dure etplus longue. Même le FMI dit que l'éco-nomie grecque va de nouveau se contrac-ter. Elle se situe déjà 25 % sous son niveaud'avant la crise. Le paquet de mesuresexigées risque d'être particulièrementfuneste à l'économie grecque. La choseétrange c'est que très normalement quandquelqu'un prête de l'argent, il met desconditions. Celles-ci permettent de s'as-surer que celui qui emprunte puisse rem-bourser. Mais dans le schéma retenu, lesEuropéens et la troïka ont imposé desconditions qui rendent le remboursementquasi impossible. Aujourd'hui l'Allemagneveut que le FMI soit présent dans ce pro-gramme mais le FMI ne veut pas en fairepartie s'il n'y a pas de restructuration dela dette. Le FMI et l 'Allemagne font partie

« LA QUESTION EST CELLE DE LA DEMOCRATIE DU XXIe SIECLE »

Dans son dernier livre,l'Américain Joseph Stiglitz,Prix Nobel d'économie,dénonce « un systèmepolitique qui a conçudes règles de marchéd/srordues, pour les richesef les grandes entreprises

à créer des inégalités qui,aujourd'hui, forme un cerclevicieux où l'aggravationde l'inégalité économique setraduit en inégalité politiquedans un système qui donneà l'argent un pouvoirsans limite, cette inégalité

multinationales ». Une usine politique accroissant

l'inégalité économique.À chaque article ou essaicompilé dans cet ouvrage,l'économiste apporte sessolutions, les mettant àdisposition des citoyens.La Grande Fracture,éditions Les liensqui libèrent, 25 euros.

de la troïka mais avancent des logiquesopposées. Si vous êtes un électeur grecvous ne pouvez pas savoir quoi faire. Onpeut prier, espérer que l'Allemagne vafinir par comprendre, va voir la lumière,et qu'il y aura des révisions. On peut es-pérer que le FMI convainque l'Allemagnede changer les termes du contrat. LesGrecs ont signé l'accord sur cette base.

Ce qu'il s'est passé en Grèce n'illustre-t-il pasune crise qui est, comme vous le dites, avanttout démocratique?JOSEPH STIGLITZ Je crois que l'euro, tel qu'ilfonctionne aujourd'hui, a créé un dèficitde dèmocratie. Pas seulement en Grèce,mais à travers toute l'Europe, les peuplesont voté pour des gouvernements quiétaient contre l'austérité. Mais le Conseildes ministres de l'économie et des finances(Ecofin) leur a imposé l'austérité. Les gou-vernements qui ont été élus pour luttercontre l'austérité ont dû céder. Les électeursse disent partout : mais que se passe t ilavec notre dèmocratie. Nous pensions quenos élections avaient un sens. Les gouver-nements ont trahi.

Un autre fonctionnement de la zone euroest-il possible?JOSEPH STIGLITZ II faudrait rendre l'eurofonctionnel pour qu'il engendre moinsde divisions. Mais cela nécessiterait desréformes très importantes : une unionbancaire, une coopération fiscale, et sur-tout un soutien aux pays qui ont des pro-blèmes. Les blocages contre ce type deréformes sont énormes. L'Allemagne refuseune « union de transferts ». Seulementpour que l'euro fonctionne, tout le mondeen est d'accord, il faut une Europe plusforte. Ce qui signifie que celle-ci doitcomprendre un degré minimum de soli-darité. Lorsque la Californie a eu un pro-blème aux États-Unis, tous les autres Étatsont aidé la banque de Californie, nousavons un certain niveau de solidarité.Cette solidarité n'existe pas en Europe.

La France est un membre important de lazone euro. Est-ce que Paris n'aurait pas pumieux faire valoir cette solidarité? Parisa-t-il été à la hauteur face à Berlin ?JOSEPH STIGLITZ L'interprétation la plusévidente est que la France a eu peur. Peur

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LE PRIX NOBEL D'ÉCONOMIE JOSEPH STICLITZ, DE PASSAGE À PARIS POUR LA SORTIE DE SON DERNIER OUVRAGE, LA GRANDE FRACTURE. PHOTO FRANGINE BAIANDE

CRITIQUE DES MARCHES LIBRES« Des marchés libres de toute restrictionn'aboutissent souvent à aucune formede justice sociale. Plus encore,ils ne produisent pas suffisammentde revenus. » Joseph E. Stiglitz.

85C'est le nombre de milliardaires nécessairespour remplir un autobus et contenir « une fortuneéquivalente à celle de la moitié la plus pauvrede la population du globe », selon Joseph Stiglitz.

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que si elle titille trop l'Allemagne, et qu'àl'avenir, au cas où des investisseurs semettent à quitter la France, ils retirentleur argent du système financier et qu'elleait besoin de ses voisins d'outre-Rhin,l'Allemagne refuse de l'aider. L'Italie,l'Espagne, la France, tous intimidés de lamême façon, ont rendu les armes. Bienque tous les économistes disent que l'Al-lemagne a eu tort, il ne s'est trouvé aucunepersonnalité politique pour contester ceschoix. Pas même la France, qui possédaitpourtant, sur le papier, la dimension laplus appropriée pour « convaincre » Ber-lin. Tout le monde a cédé à la peur.

François Hollande affirme qu'il ne fait pasd'austérité...JOSEPH STiGLiTZ Tout est une question dedèfinition. Mais les chiffres sont là. On aaujourd'hui un demi-million d'employésen moins qu'avant 2008. C'est cela l'aus-térité. En fait une bonne politiqueéconomique suppose qu'en cas de réces-sion, vous augmentiez le budget de l'Étatpour stimuler l'activité. Mais si vous cou-pez dans le budget, eh bien vous déprimezl ' é c o n o m i e . Et cela s ' a p p e l l el'austérité.Le gouvernement Hollande a décidé d'offrir40 milliards d'euros de baisses d'impôts auxentreprises pour stimuler l'économie. Qu'enpensez-vous?JOSEPH STIGLITZ François Hollande fondaitson espoir sur un regain d'investissements.Or il n'existe aucune preuve qu'un allé-gement des impôts sur les entreprisesconduise mécaniquement à plus d'inves-tissements. Hy a d'autres mesures que defaire un cadeau aux entreprises, ce quirevient à jeter de l'argent par les fenêtreset accroître l'inégalité. Si vous dites quevous investissez et que vous créez desemplois en France, à ce moment vouspouvez avoir une réduction d'impôts.Mais si vous n'investissez pas en France,il faut que vous soyez imposé plus forte-ment. C'est une autre logique qu'il fautsuivre, celle d'une incitation à la créationd'emplois. Je l'ai dit, en son temps, augouvernement français, mais je n'ai pasété entendu...

Vous faites la démonstration que des dèci-sions politiques sont à l'origine des dysfonc-tionnements du système et vous dites queles solutions sont également politiques. Haisaux États-Unis Wall Street bénéficie d'unelégislation qui lui permet de financer de

façon illimitée les campagnes électorales.Est-ce que les dés ne sont pas fondamenta-lement pipés parce que Wall Street est ainsi,défait, quasiment juge et partie?JOSEPH STIGLITZ C'est ce qui, à vrai dire,entame mon optimisme. Mais c'est aussice qui nie renforce dans la conviction quel'on ne peut agir strictement sur le terraindes réformes économiques. Il faut pro-mouvoir d'un même mouvement des chan-gements dans la sphère politique. Uneréforme de la loi électorale sur le finance-ment des campagnes par exemple. D'autreschoses cependant me remplissent déjàd'espoir. Il y a eu des mouvements de ci-toyens qui ont réussi à surmonter ces ter-ribles handicaps. Il y a eu des hausses dusalaire minimum dans certaines grandesvilles comme New York, Los Angeles ouSeatle en dépit de l'influence des banquesqui y étaient totalement opposées. Et àNew York, où se trouve le cœur financierdu pays, on a même pu même élire unmaire, Bill de Blazio, qui a mené campagnecontre les inégalités.

Précisément en termes d'espoirs concrets,comment analysez-vous le phénomène BernieSanders, le candidat à la primaire démocratequi se réclame du socialisme?JOSEPH STIGLITZ L'aspect positif du débat auxÉtats-Unis, c'est que dans les deux partisil y a une reconnaissance du problème desinégalités. Et au sein du Parti démocrate,tous les candidats sont en faveur de réformespour réduire les inégalités et mettre unemuselière aux banques. Il y a ici et là desdifférences sur ce qu'il faudrait privilégier,s'il faut mettre davantage l'accent sur l'édu-cation ou sur autre chose, mais il n'y a aucundésaccord entre les candidats sur cette phi-losophie contre les règles actuelles du ca-pitalisme. Par exemple Hillary Clinton veutrèsponsabiliser les entreprises sur leursrésultats à long terme. Il y a sur ce pointunanimité en faveur des solutions progres-

sistes. C'est sans doute aussi un refletde la désillusion par rapport à la

politique menée par BarackObama et la montée de laconscience des dégâts occa-sionnés par les inégalités.Quant à Bernie Sanders, c'estcelui qui milite sur ces ques-tions depuis le plus longtemps.J'ai travaillé à plusieurs re-

prises avec lui notamment surles questions de la couverture santé.

Ce qui est intéressant c'est qu'aujourd'huiil n'est plus isolé. Il est écouté dans le pays.Il ne faut pas se cacher cependant que si lagrande fracture a produit cette intéressanteévolution au seul du Parti démocrate, ellegénère aussi une réaction totalement op-posée, ultra-conservatrice dans le Partirépublicain.

Aux Etats-Unis, pour renverser la situationet créer un nouveau New Deal, vous proposezune réforme fiscale d'ampleur en taxant lesentreprises en fonction de leur effort d'in-vestissements et de leur politique sociale.Pouvez-vous nous préciser les contours dela réforme que vous proposez?JOSEPH STIGLITZ Le principal problème pourla fiscalité sur les entreprises c'est la mon-dialisation. Car celle-ci a décuplé les pos-sibilités d'évasion fiscale. Apple soutientainsi que ses bénéfices sont réalisés dansune entreprise de 300 personnes en Irlande.Je ne sais pas si vous connaissez cette ex-pression : « Le double jeu irlandais et lesandwich hollandais. » C'est une manièreimagée de caractériser certains des ins-truments très complexes destinés à échap-per à l'impôt. Mais, en fait, Apple ou Googlen'existent qu'en raison des investissementsde l'État. Dans ces recherches dans l'élec-tronique, par exemple, qui ont mené à lacréation de l'Internet ; ou encore dans lesécoles qui ont permis de former ces ingé-nieurs très qualifiés, capables de mettreau point des produits extrêmementbrillants. Et cette même intelligence quileur permet l'élaboration de productionsles plus sophistiquées que tout le mondeveut acheter, il la mette au service de l'éva-sion fiscale. Les entreprises discourentparfois volontiers sur leur responsabilitésociale. Moi je dis que la plus importantedes responsabilités sociales c'est de payerl'impôt. Et quand elles ne le font pas, ellessont socialement irresponsables. La ques-tion c'est est-ce que l'on peut réformer lesystème. Je fais partie d'une commissioninternationale indépendante de réformede la fiscalité des multinationales. Les prin-cipes fondamentaux sont très clairs. Il fautque l'on puisse imposer ces sociétés surune base globale avec une imposition desbénéfices dont une fraction revient danschaque pays à proportion des revenus quiy sont réalisés. Nous savons comment créerce type de modèle. Il ne permettra pas unfonctionnement parfait mais constitueraitdéjà une amélioration considérable. Il faut

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prévoir un impôt mondial minimum afinque ces sociétés ne puissent éviter de payerà un État ou à un autre. Très récemmentje nie suis rendu à Addis-Abeba pour uneconférence de l'ONU sur le financementdu developpement. Tout le monde estd'accord sur le fait que le developpementa besoin de financement. Tout le mondedit que les promesses du G7 (0,7 % du PIEdes pays riches consacré au developpement- NDLR) sont vides de sens. Mais les paysen developpement ont ouvert leur marchéaux multinationales comme l'Occident l'ademande. Et maintenant ces pays disentque ces compagnies qui sont venues s'ins-taller chez eux doivent y payer des impôts.Et là nous avons eu un debat très chaud àAddis-Abeba. Les États-Unis se sont op-posés bec et ongles aux réformes réclaméespar l'Inde et les pays en developpement etl'Europe malheureusement les a suivis.Une grande deception pour moi.

Est-ce que le ralentissement chinois ne peutpas être l'ébauche d'une nouvelle phased'instabilité?JOSEPH STiGLiTZ Je crois qu'il constitueraune nouvelle phase de l'affaiblissementde l'économie mondiale. La periode après2008 a vu la Chine devenir le moteur dela croissance économique. Ce pays a fourniune part énorme de l'accroissement duPIB mondial. Il a provoqué par contrecoupune croissance en Afrique, en Amériquelatine. Aux États-Unis et en Europe, nousavons ainsi bénéficié de la croissancechinoise de manière directe mais aussiindirecte. Ce ralentissement aura doncdes répercussions du même type. Ainsipar exemple un grand pays comme leBrésil est entré en récession. Pour plusieursraisons. Mais l'une d'entre elles c'est queles exportations vers la Chine sont plusfaibles. Nous savions tous que la Chineallait ralentir et que le passage d'une éco-nomie tournée vers les exportations à uneéconomie davantage centrée sur la de-mande intérieure serait difficile. Mais ceralentissement a été plus rapide que celuiauquel on s'attendait. De plus, les gensn'avaient pas tout a fait compris ce quesignifiait le changement de la structurede l'économie chinoise et qu'il y auraitbien une plus forte demande intérieure,mais d'abord dans les services, commel'éducation, la santé. Or une grande partiede ces activités-là ne génèrent pas dedemande vers les autres pays. •

ENTRETIEN RÉALISÉ PARCLOTILDE MATHIEU ET BRUNO ODENT

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Page de l'article : p.1,26,27,28,...,50Journaliste : Bertrand Rocher/Anna Borrel/ Jean Berthelot dela Glétais/ Paul Grelet/ MaudGabrielson/ Lise Martin/ ThomasLaisné/ Nicolas Datache/ ClaireTouzard/ Clémence Langé/Anne Seften Page 12/19

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«L'INÉGALITÉ ESTUN CHOIX POLITIQUE»

La Grande Fracture, sonnouveau Livre, paraît enFrance. Rencontre avec Le prixNobel d'économie JosephStiglitz, qui évoque L'AmericanDream, L'austérité et Leshommes politiques face auxbanques. Par lise MARTIN Photos Thomas LAISNÉ

Sa thèse, soutenue au MassachusettsInstitute of Technology dans lesannées 60, portait déjà sur l'analyse del'inégalité Cinquante ans et un prixNobel d'économie plus tard, Joseph

Stiglitz continue de décortiquer les mécanismes àl'œuvre dans des societes toujours plus mégalitaires«Si l'on mettait 85 multimilkardaires dans unautobus, celui-ci contiendrait une fortune équivalenteà celle ae la moitié la plus pauvre de la population duglobe», dit-il Ou encore «I % des Américains, lesplus riches, captent désormais près du quart du revenunational » Pour l'ancien économiste de la Banquemondiale, l'American Dream n'est plus l'égalité deschances, mythe fondateur des Etats-Unis qui devaitpermettre à tous de passer « des haillons auxmillions », est désormais un leurre Dans La Grandefracture, qui paraît en France (I), il en analyse lescauses (renflouements de banques sans foi m loi,déréglementations irresponsables, réductionsd'impôts pour les plus riches ), et le martèle cesinégalités, qui minent nos démocraties, sont néfastesau bon fonctionnement de l'économie Les recettesdu fondateur du «nouveau keynésiamsme» sontclassiques un système fiscal plus juste, desinvestissements de l'Etat dans l'éducation, la santéet les infrastructures Car Joseph Stiglitz continued'y croire «Notre inegalite n 'est pas inévitable - mles sommets quelle a atteints, m les formes qu'elle aprises Elle ne résulte pas de lots économiques ouphysiques inéluctables C'est un choix C'est l'effetde nos politiques » Et donc, cela peut changer

Cette «fracture», dont vous dites dans votrelivre qu'elle est, justement, de plus en plus grande,est-elle une fatalité?Certaines mécaniques économiques (certains aspectsde la mondialisation, de la technologie) sontclairement plus avantageuses pour ceux qui sont enhaut que pour ceux qui sont en bas Maîs ces règlessont à l'œuvre dans tous les pays développes, etcertains résistent mieux que d'autres H ne s'agitdonc pas uniquement d'économie La France, parexemple, a mieux résisté, du moins jusqu'à la crisede l'euro, à cette hausse des inégalitésA quoi est-ce dû? A notre système de protectionsociale7

Oui, maîs pas seulement L'éducation joue aussibeaucoup Alors qu'en France, vous avez un systèmed'éducation national, qui contribue à lutter contreles inégalités, aux Etats Unis, si vous êtes pauvrevous recevez une éducation médiocre et si vous êtesriche, une bonne éducation La discrimination,qu'elle soit de genre ou de race, est égalementun critère les lois, aux Etats-Unis, ne sont pasappliquees L'éthique des entreprises compte aussiLe salaire des PDG, en Amérique, ètaithistoriquement 20 fois supérieur au salaire moyen,aujourd'hui, il est 300 fois supérieur Ce n'est pasle cas dans d'autres pays J'en ai parlé avec denombreux grands patrons japonais, par exempleII ne leur viendrait pas à l'idée de profiter de lasituation, ils considèrent que ce serait à la foismauvais pour leur entreprise et injuste MS à visde leurs employésY a-t-il aussi, outre-Atlantique, une dimension racialeaux inégalités?Bien sûr L'héritage de l'esclavagisme est très présentaux Etats Unis Nous avons en quelque sorte percéle «plafond de verre», nous avons élu un présidentnoir Maîs depuis les années 70, quand vous regardezles statistiques, il n'y a eu aucune amélioration letaux de chômage des Noirs reste deux fois plus élevéque celui des Blancs Et la crise a été encore plusdure pour eux, qui s'apprêtaient a entrer dans laclasse moyenne L'élection de Barack Obama n'estqu'un symbole, et même, un symbole un peu

GRAZIADate : 04/10 SEPT 15Pays : France

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Page de l'article : p.1,26,27,28,...,50Journaliste : Bertrand Rocher/Anna Borrel/ Jean Berthelot dela Glétais/ Paul Grelet/ MaudGabrielson/ Lise Martin/ ThomasLaisné/ Nicolas Datache/ ClaireTouzard/ Clémence Langé/Anne Seften Page 14/19

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« UN HOMME POLITIQUE DETERMINEJf UT POMPIER J£&BANQUES>,

Joseph Stiglitz

pervers, car il donne l'illusion qu'on a éliminéla discrimination, alors qu'il n'en est rienEtes-vous déçu par l'action économique d'Obama7

II a tenu des discours très forts au sujet desinégalités, de la nécessité d'une éducation supérieuregratuite, du rôle néfaste des banques pendant lacrise Et qu'a-t-il fait réellement? Avant le debut deson mandat quand le Congrès a validé le principed'un plan de sauvetage de 800 milliards de dollars(715 milliards d'euros), je lui avais dit qu'il fallaitemployer une partie de cet argent pour aider lesAmericains a garder leur maison plutôt que d'aiderles banques D ne l'a pas fait Oui, je suis decuVous dites que «l'inégalité est un choix» Maîsque peuvent les hommes politiques face auxmarches financiers?Il est vrai que des contraintes très lourdes pèsent surnos politiques C'est particulièrement vrai aux EtatsUnis, ou les candidats en campagne ne peuvent passe permettre de perdre des contributions financièressi vitales pour eux Au Congrès, les élus sontcomplètement achetés par le secteur financier Cela atoujours éte un probleme Maîs pensez au PresidentRoosevelt, qui a mis en place une sécurité sociale,

des lois sur le marché du travail et sur les banques •il avait fait un discours proche de celui de FrançoisHollande au Bourget (alors candidat, il disait de lafinance, debut 2012, qu'elle ètait son «veritableadversaire», nair) Eh bien, Roosevelt s'est battu, etil a gagne Un homme politique déterminé, avec unevraie volonte et un soutien de la societé civile,peut dompter les banques II est vrai, concernantHollande, qu'il avait peur de voir les hauts revenusquitter la France Peut être parce qu'un des défautsde la zone euro est qu'elle accueille des paradisfiscaux comme le Luxembourg ou l'IrlandeCertains disent d'Emmanuel Macron qu'il estle meilleur économiste de droite que la gaucheait jamais eu..Un gouvernement de gauche avec un ministre del'Economie de droite ? C'est le cas aujourd'hui dansnombre de pays développés Et le résultat, ce sontdes politiques économiques qui renforcent lesinégalités, et qui fragilisent un peu plus l'économie.Cela s'explique par le fait que ces gouvernementspensent que les votes de gauche leur étant acquis,ils peuvent aller chercher ceux de droite Maîscette stratégie électorale crée encore un peu plusde désillusion En Europe, vous avez un autreprobleme l'orthodoxie allemande est devenuedominante Tout le monde veut faire plaisir àWolfgang Schauble, le ministre des Financesallemand, qui est tres conservateur Les payss'alignent sur cette politique de droite, en se disantqu'ils pourront ainsi compter sur l'aide del'Allemagne en cas de crise J'étais en Grècerécemment, et j'ai beaucoup entendu cette théorie-si Schauble a été si dur avec les Grecs, c'est qu'enfait, il visait plutôt Paris qu'Athènes II a voulus'assurer que la France voyait bien ce qu'il risquede se passer si on n'applique pas ses recettesd'austérité On devrait au contraire appliquerdes recettes garantissant une sociéte plus egalitaireet plus démocratiqueLe livre de Thomas Piketty sur le capital estun best-seller mondial Depuis la crise, on écouteles économistes comme des prophètes Sont-ilsles nouveaux philosophes9

J'aimerais que ce soit vrai C'est tres bien qu'on lisenos ouvrages, que les citoyens comprennent ce quiest en train de se passer Maîs nos livres ne setraduisent pas dans les politiques menées, ils ontpeu d'écho auprès des professionnels de la politiqueLes travaux de Piketty et les miens ont tres peud'influence en Allemagne, par exemple, et c'estle pays qui donne le ton en Europe •(I) La Grande Fracture les sociétes mégalitaires et ce que nouspouvons faire pour les changer (Les liens qui libèrent 480 p )

ALTERNATIVES ECONOMIQUESDate : SEPT 15Pays : France

Périodicité : MensuelOJD : 87869

Page de l'article : p.93Journaliste : Ch.Ch.

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LIENS 1807005400502Tous droits réservés à l'éditeur

U GRANDEFRACTURE

LAGRANDEFRACTURELes societes inegalitaireset ce que nous pouvonsfaire pour les changer

par Joseph StightzL'économiste américain

ne nous offre pas vraimentde nouvelles réflexions, carcet ouvrage compile un en-semble de textes plus ou moinslongs publies entre 2007 et2014, portant essentiellementsur les Etats-Unis

On se serait bien passe d'unepartie d'entre eux - trop vieuxou redondants - au profit d'unplus grand developpement despetits textes originaux qui in-troduisent chacune des huitparties du livre On pourra éga-lement être surpris par les deuxtextes célébrant les succes eco-nomiques de Singapour et del'île Maurice, sans mentionner

leur statut de paradis fiscauxOn aurait prefere en savoir plus,historiquement et analytique-ment, sur l'idée de capitalismede rente (plus-value immobi-liere, positions de monopoledans le capitalisme nume-rique) esquissée a plusieursreprises

On piochera donc plutôt desbribes ici ou la, sur le fait quel'innovation n'est pas toujoursbonne en soi, que la gauchecomprend mieux et donc geremieux les marches et leurs dé-rapages que la droite Ou surles désillusions personnellesd'un Stiglitz s'engageant dansdes etudes d'économie pourchanger le monde et consta-tant cinquante ans plus tard« Je ne peux qu'être frappepar l'abîme qui sépare nos as-pirations d'alors et ce que nousavons fait »

Ch. Ch.Les liens qui libèrent 2015 480 p 25 €

14

Le Soir Mercredi 2 septembre 2015

14 ÉCONOMIE

ENTRETIENNEW YORKDE NOTRE CORRESPONDANT

J oseph Stiglitz, Prix Nobeld’économie 2001 pour sestravaux sur l’asymétrie de

l’information, publie ce mercredien français la compilation de sesécrits sur les inégalités croissantesde la société américaine dans unouvrage intitulé La grande frac-ture (éditions les Liens qui li-bèrent). Professeur à ColumbiaUniversity (New York), âgé de72 ans, cet ancien économiste enchef de la banque mondiale etconseiller du président américainBill Clinton affirme que le rêveaméricain est mort et regrette quela relance orchestrée par le pré-sident Barack Obama ait surtoutfavorisé les banques, grandes fau-tives dans la crise des subprimes(prêts hypothécaires empoison-nés). Il s’inquiète de la stagnationen Europe, entretenue selon luipar des dirigeants trop frileuxquand il faudrait,dit-il, cesser lescures d’austérité quiminent les fonde-ments de l’eurozoneet réamorcer lapompe de la crois-sance.

Dans quel état trou-vez-vous l’économieeuropéenne ?L’Europe n’a pas eude bons résultats cesdernières années. Lerevenu par habitantest tombé en dessousde son niveaud’avant la crise.Même les économiesles plus perfor-mantes, comme l’Al-lemagne, ont enregistré une crois-sance anémique. S’il n’y avait paseu la crise, l’Allemagne aurait éténotée D par tout le monde. Et la de-mi-décennie perdue pourrait biendevenir une décennie entière, auvu de la conjoncture.La cause de cette croissance ané-mique partout en Europe tient auxcures d’austérité en vigueur. Une

économie poussive entraîne defaibles rentrées fiscales, ce qui en-traîne des coûts en capital et deshausses fiscales, ce qui en retouraffaiblit plus encore l’économie.Cela tient essentiellement à larigidité du corset imposé par lamise en place de l’eurozone. Ellecontient en son sein une instabilitéintrinsèque qui, en déniant auxEtats les outils d’ajustement faceaux chocs économiques, rappellel’étalon-or de la Grande Dépres-sion aux Etats-Unis (NDLR : lescontraintes imposées à la Banquecentrale des Etats-Unis par le Fe-deral Reserve Act de 1913, l’obli-geant à conserver 40 % de ses res-sources en lingots d’or, sont consi-dérées comme en partie respon-sables de la crise post-1929). Etcela explique pourquoi l’Europe atant souffert d’une faible crois-sance ces cinq dernières années.

L’euro fut-il une erreur ?Oui, dans la mesure où il s’agissait

d’un projet in-complet. Si lesinstitutions né-cessaires avaientété rapidementmises en place,surtout en 2010après la crise, celaaurait tout chan-gé. Mais cela n’apas été fait, et lesfailles dans lastructure et la po-litique de l’euro-zone en ont étéexacerbées. Ce quime laisse redouterque la stagnationou quasi-stagna-tion actuelle vacontinuer.

Quelles réformesfaudrait-il mener dans l’eurozone ?Une en particulier me semble ur-gentissime. Les dirigeants euro-péens dans leur grande majoritéreconnaissent le problème de l’ab-sence de fédération des banquesdans l’Union européenne. Quandla crise est survenue en 2008, l’ar-gent a fui les banques espagnoles et

celles des autres pays les plus expo-sés, pour se réfugier en Allemagne.Il faut à tout prix une supervisioncommune du système bancaire del’UE, et un mécanisme de résolu-tion des problèmes liés à la fuitedes capitaux, pour stopper cette hé-morragie.Ensuite, il faut réformer la BCE,élargir son mandat afin qu’elle nese focalise plus seulement sur l’in-flation, mais aussi sur l’emploi etla croissance. La question de laconvergence se pose aussi. L’Alle-magne doit impérativement éleverson salaire moyen. Ce qui est plussimple à réaliser que de baisser lesautres partout ailleurs, surtoutquand ces pays ont des dettes libel-lées en euros. Le principe même dela convergence est d’aider les paysen retard à rattraper le train enmarche.Certains pays comme la Grèce nepeuvent évidemment plus em-prunter sur les marchés, mais c’estlà justement que l’Europe peutagir. Elle a été très bonne pourcréer des fonds de solidarité pourles nouveaux entrants (NDLR :lors des phases d’élargissement ré-centes). Il faut qu’il y ait des fondsde stabilisation pour les paysconvalescents. Ils doivent utiliserde manière plus agressive laBanque européenne d’investisse-ment (BEI) pour investir dans lespays en crise. Mettre en place unfonds de prêt reconnaissant que lesystème bancaire a été dévasté, di-rigé vers les PME des pays en crise.Il faut qu’il y ait un système com-mun d’assurance-chômage.

Voyez-vous la lumière au fond dutunnel ?Sincèrement, je n’en distingueguère. Les dégâts induits par lacrise sont durables car l’argent quia fui l’Espagne et les autres paysles plus durablement frappés parla crise a durablement endommagéleurs systèmes bancaires. Plus en-core que l’austérité en matière dedépenses publiques, la contractiondes prêts aux PME a eu des effetsdévastateurs pour les perfor-mances économiques.Mais ce qui me chiffonne plus en-core, ce sont les dirigeants euro-péens qui semblent se satisfaire decette quasi-stagnation et segardent de bouleverser le corset ri-gide de l’eurozone. Un exemple édi-fiant : lorsque le ministre alle-mand des finances WolfgangSchäuble est venu à ColumbiaUniversity (NDLR : le 15 avril der-nier), il a reconnu qu’il allait fal-

loir s’habituer à cette nouvelleforme de croissance anémique,comme une nouvelle norme.Comme si l’on pouvait glorifier lastagnation !

Vous avez appelé à voler au se-cours d’Athènes en effaçant les 312milliards d’euros de la dettegrecque. La crise a-t-elle été malgérée ?Je ne suis pas dans le secret desdieux, mais il semble que les auto-rités allemandesont joué un rôlepour le maintiendu statu quo. Leschoses sont pour-tant très claires : lesprévisions faitespar les experts pourle « modèle grec »ont été calami-teuses. Ils disaientque certes, l’austé-rité provoquera uncertain déclin, maisqu’elle restaureraitla confiance si vitequ’il y aurait un re-tour de la crois-sance. Normale-ment, en voyantvos prédictionsfaillir invariable-ment, d’année en année, vous au-riez pu vous attendre à une révi-sion de ce modèle. Mais non ! Riende tel ne s’est produit et la troïkas’en est tenue à sa certitude que lesretombées positives allaient tôt outard finir par se manifester, ce quel’on appelle en anglais le doubledown. J’observe pourtant un cer-tain consensus sur le fait que ladette grecque doit être effacée. Toutsimplement parce que les Grecs nepourront jamais la payer. Le pro-gramme d’austérité imposé àAthènes est tel que le PIB va conti-nuer de diminuer, la dépressionéconomique s’accroître, ce qui né-cessitera une restructuration deleur dette plus grande encore. Laposition allemande est franche-ment incohérente. Ils veulent que leFMI soit partie prenante de la so-lution, mais il ne se mouillera passans la restructuration préalabled’une dette de toute façon insoute-nable. Il faudra bien que Berlincède. Schäuble n’est pas un écono-miste. J’espère que quelqu’un dansson entourage va finir par lui ex-pliquer un peu tout cela, mais ilsemblerait que cela ne soit paspour demain.

Propos recueillis parMAURIN PICARD

« Les dégâts induits par la crisJoseph Stiglitz dénonce la stagnation de l’économie

en Europe et aux Etats-Unis.L’économiste regrette les politiques américaines

qui, selon lui, favorisent les inégalités.En Europe, la solution serait de repenser l’eurozone,

cesser l’austérité et effacer la dette grecque.

« La causede cettecroissanceanémiquepartout en Europetient aux curesd’austéritéen vigueur »

Revenons à l’Amérique. Dansvotre livre « La grande fracture »,vous brossez un sombre tableau,arguant que la reprise ne bénéfi-cie qu’aux classes les plus ai-sées, tandis que les inégalités secreusent. Le rêve américain est-ilencore une réalité ?Le rêve américain est plus mortque jamais. L’économie ne fonc-tionne qu’au profit des gens si-tués tout en haut de l’échelle. Du-rant la période dite de « re-prise », entre 2009 et 2012, 91 %des gains réalisés sont allés au1 % le plus riche. Les couchesbasses et moyennes de la sociétésont ruinées. La richessemoyenne du pays est retombéeau niveau d’il y a vingt ans. Lerevenu moyen est redescendu auniveau d’il y a un quart de siècle.Cela fait un tiers de siècle quenous subissons un mouvementde dérégulation et de baisse desimpôts. Au bilan, une majorité

d’Américains ont vu leurs reve-nus stagner. A tous points de vue,les choses continuent de se dété-riorer.

Le rêve américain reposait engrande partie sur la capacité àgrimper les échelons de la socié-té par l’éducation et le travail…L’accès à une éducation supé-rieure était un point essentiel dela mobilité vers le haut. Mais lescoupes sombres dans les subven-tions étudiantes et l’envolée desfrais d’inscription universi-taires ont rendu l’éducation su-périeure inaccessible à l’Améri-cain moyen. Le seul moyen poury accéder est de s’endetter, à destaux d’intérêt outrageux, ce quicontribue à ruiner plus encoreles foyers et par ricochet toutel’économie. Et puis les universi-tés se contentent de vendre del’espoir. Il n’y a plus à l’arrivée deperspectives d’emploi, d’intégra-

tion facilitée dans la vie active.C’est un exemple de la perversiondu système qui disait depuisplusieurs décennies qu’il fallaitdes jeunes plus qualifiés pourpouvoir alimenter en « cer-veaux » une économie de plus enplus tournée vers les hautes tech-nologies. La vérité est que lesjeunes, même bardés de di-plômes, ne trouvent pas de job.Et c’est encore plus vrai pour lesAfro-Américains, car il y a unediscrimination rampante auxEtats-Unis. Les tensions racialesobservées depuis Ferguson en2014 découlent aussi de là.

A un an et deux mois de l’élec-tion présidentielle 2016, cesthèmes vont-ils dominer le scru-tin ?Regardez qui draine les foules ence moment : Bernie Sanders, surla gauche du parti démocrate, etDonald Trump, sur la droite du

parti républicain. Cette polari-sation de la société n’est pas unebonne nouvelle. Cela signifiequ’il est très ardu de dégager unconsensus, car les deux camps nes’entendent pas, au sens propre.C’est extrêmement perturbant.C’est un reflet des grandes inéga-lités qui traversent notre société.Beaucoup d’Américains sedisent « en colère ». Ils ne saventpas exactement contre quoi aujuste, mais ils savent que le rêveaméricain n’est pas arrivé jus-qu’à eux. Ils ont travaillé dur. Onleur avait dit que s’ils tra-vaillaient dur et qu’ils respec-taient les règles, ils bâtiraientune existence aisée classemoyenne. Et ce n’est tout simple-ment plus vrai.

Trump ne fait-il pas lui-mêmepartie du « 1 % », ces classesaisées et déconnectées desautres 99 % ?

Il y a là une vraie ironie, etquelque chose de fascinant. Il aparlé avec beaucoup de force etde conviction des dangers liés àl’irruption de l’argent en poli-tique, ce flot permanent depuisl’arrêt Citizens United de la Coursuprême (2010) légitimant lessuper PAC, ces comités d’actionpolitique sans limitation finan-cière aucune, et comment lui-même a acheté des hommes poli-tiques.

Le président Barack Obama qui afait sortir les Etats-Unis de lacrise au moyen d’un « bail-out »massif des banques et de l’indus-trie automobile en 2009, a ditqu’il consacrerait la fin du se-cond mandat à restaurer unesociété plus équitable.Sa contribution positive a été deporter ce problème sur la placepublique, de dire que c’était lesouci numéro un de ce pays. Il l’a

imposé sur l’échiquier politique.Il a mené une réforme des pro-grammes de prêts étudiants. Ilsn’ont pas été déterminants maisc’est déjà un pas dans la bonnedirection. Mais il a aussi accom-pli des choses extrêmement déce-vantes. Durant la crise, il a affir-mé sa foi dans le trickle downeconomics (retombées écono-miques du haut vers le bas del’échelle), la redistribution desprofits en donnant aux classesles plus aisées, principalementen redirigeant vers les banquesl’essentiel de l’effort financier desdépenses publiques (bail-out), etsans rien consentir ou presquevers les petits propriétaires quiavaient été saignés à blanc parces mêmes banques. Il n’apresque rien fait pour traîner enjustice ces banques qui avaientmenti sur l’état réel de leurscomptes et avaient forcé les gensà abandonner leurs maisons hy-

Etats-Unis « Le rêve américain est plus mort que jamais »

Prix Nobel d’économie 2001,Joseph Stiglitz est né en1943 à Gary (Etats-Unis).Diplômé du Collège Am-herst et du MIT, il a ensei-gné dans les plus presti-gieuses universités améri-caines (Yale, MIT, Stanford,Princeton), ainsi qu’à Ox-ford. Il est actuellementprofesseur à l’UniversitéColumbia (New York). Il aété l’un des conseillers duprésident Clinton puis, de1997 à 2000, économiste enchef de la Banque mondiale.

Joseph Stiglitz

RENCONTRE AVEC JOSEPH STIGLITZ

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Le Soir Mercredi 2 septembre 2015

15Alain Hellebaut estle nouveau directeur général de la chaîne de magasins de jouets Maxi Toys, annoncele site Retaildetail.be.Il remplace Tony Mettens, qui quitte l’entreprise. © D.R.

LESBRÈVES

L e taux de chômage enzone euro est passésous la barre des 11 %

pour la première fois depuisfévrier 2012, en pleine crisede l’euro, et s’est établi à10,9 % en juillet, a annoncémardi l’office européen destatistiques Eurostat. Enjuillet, la zone euro comptait17,53 millions de chômeurs,soit 213.000 de moins qu’unmois plus tôt et 1,11 million depersonnes de moins qu’il y aexactement un an. En Bel-gique, me taux de chômagereste stable, à 8,5 %. (afp)

Moins de 11 %de chômage

TECHNOLOGIEGoogle modernise son logo

Après l’annonce d’une vasterefonte de sa structure lemois dernier, le géant internetaméricain Google a dévoilémardi une nouvelle versionmodernisée de son logo, cen-sée répondre à l’utilisationcroissante de ses services surdes appareils mobiles. (afp)

SIDÉRURGIELongtain : quatre candidatsà la repriseCe sont désormais quatrecandidats repreneurs qui ontmanifesté leur intérêt pourune reprise des Laminoirs deLongtain, basés à Bois-d’Haine (Manage). C’est cequ’ont appris les syndicatslors d’une réunion d’informa-tion organisée ce lundi au ca-binet Marcourt. Le businessplan soumis aux repreneurspotentiels prévoit notammentle maintien de 36 emplois.(P.Lt)

ASSURANCESL’hospitalisation tous fraiscouverts« Il est illusoire de penser quel’on n’a pas à se soucier du coûtd’un séjour à l’hôpital parcequ’on dispose d’une assurancehospitalisation », commenteTest-Achats. Pour comparerles différents contrats offerts,l’association vient de dévelop-per un calculateur en ligne quipermet de choisir plus facile-ment son assurance. (M.K.)

se sont durables »

Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie 2001, publie ce mercredien français la compilation de ses écrits sur les inégalités croissantes de la société américainedans un ouvrage intitulé « La grande fracture ». © AFP.

pothéquées.

Voyez-vous parmi les postulantsà la Maison-Blanche des raisonsd’espérer ?Le problème des inégalités dansla société américaine est très pro-fond et ne sera pas réglé d’uncoup de baguette magique. Maisce que Hillary Clinton et BernieSanders (NDLR : le sénateur duVermont, aile gauche du partidémocrate) proposent va dans lebon sens. Hillary, par exemple, afait des propositions impor-tantes pour faciliter l’accès detous à l’éducation supérieure, oubien réformer les lois fiscalespour annuler le traitement pré-férentiel des spéculateurs, afinque leurs gains soient imposéscomme toute autre source de re-venu. Ce qui en dix ans permet-trait de lever 2 billions de dol-lars, réduire les inégalités et aug-menter l’efficience de l’économie.

Trois en un. La justesse moralede ces réformes, leur impact posi-tif sur le budget et l’objectif de ré-duction assumée des inégalitéslaissent à penser qu’avec unCongrès démocrate après 2016, ilserait aisé de passer un tel pro-gramme. Au sein du parti démo-crate, les forces progressistesmontent en puissance. Au Sénat,dans les commissions impor-tantes, il y a des démocrates en-tièrement acquis à ces prioritéset prêts à soutenir l’action de Hil-lary Clinton, à commencer parElizabeth Warren et SherrodBrown qui siègent à la commis-sion sur les banques, le logementet les questions urbaines. Ces sé-nateurs placés à des postes clésseraient en mesure de mettre leurveto à l’encontre de tout secré-taire au Trésor qui ne soit passuffisamment progressiste.

Propos recueillis parM.P.

L’Amérique d’Obama est engagéedans deux négociations épineusespour la signature d’accords de libre-échange avec l’Asie (TPP) et l’Europe(TTIP). Que peut-il en sortir ?Le fait que Barack Obama promeuvesi activement le TPP et TTIP me per-turbe plus encore que son attitude en-vers les banques. Ces accords vont ac-croître les inégalités, rendre l’accèsaux médicaments plus difficile,contredisant ainsi son plus grand ac-complissement qui est l’Obamacare(NDLR : réforme de l’assurance-ma-ladie, 2010), et réécrire les règles dujeu (NDLR : du commerce internatio-nal) en rendant notre système plus in-égal.

Comment ?Ces nouveaux accords commerciauxsont différents des anciens. Les tarifsdouaniers en général ont déjà étéabaissés, sauf pourquelques secteurs bienspécifiques où ils nesont pas susceptibles detomber un jour. On neparle donc plus ici detarifs, mais de régula-tions nationales et depropriété intellectuelle.Et ce sera mauvais pourles travailleurs améri-cains. Un accord com-mercial n’est acceptableque si des deux côtés,import et export s’ac-croissent. Pour lesEtats-Unis, les importationsconcernent des produits nécessitantun emploi soutenu, comme le textile.Nous exportons par contre de le high-tech, des logiciels. La création d’em-plois nette sera négative du côté amé-ricain. Ce qui entraînera une pressionvers le bas sur les salaires. En ce sens,cela accroîtra les inégalités.Le deuxième volet touche à la proprié-té intellectuelle. Dans tous les pays, ily a des efforts pour atteindre un équi-libre entre les génériques et le systèmede licences. La loi Hatch-Waxman de1984 instaurait un compromis rai-sonnable, car elle encourageait les in-dustries pharmaceutiques à produiredes médicaments génériques. Ces nou-veaux accords, surtout le TPP, es-saient d’invalider Hatch-Waxman etconstituent une tentative de rendre lavie beaucoup plus difficile pour les gé-nériques. Le prix des médicaments vadonc augmenter. Leur accès va dimi-

nuer. Parce que nous avons encore auxEtats-Unis des millions de personnesnon assurées, bien qu’Obama ait indé-niablement amélioré les choses. Ceuxqui ne sont pas couverts se retrouve-ront dans une situation pire encore.Dans d’autres pays, surtout en Asie oùil n’y a pas d’assurance-maladie uni-verselle, beaucoup de gens vont mou-rir de l’absence de soins.Le troisième volet qui m’inquiète leplus est celui sur les investissements.L’administration essaie de le vendrecomme un accord qui protégerait lesinvestisseurs. Mais c’est un mensonge.La preuve, on la voit dans le TTIP. LesEtats-membres de l’UE ont de bonssystèmes de régulation. Ce ne sont pasdes républiques bananières ! Il y a desprotections du droit de propriété.Donc ce n’est pas de cela qu’il s’agit,mais de régulation : ils veulent rendreplus difficile l’imposition de nouvelles

régulations pour pro-téger l’environne-ment, les consomma-teurs, la santé, les tra-vailleurs. Unexemple ? la firmePhilip Morris a traî-né en justice l’Uru-guay, qui avait passéune loi forçant les fa-bricants de cigarettesà préciser que celles-ciétaient dangereusespour la santé desconsommateurs. Ré-sultat de cette action :

il y a eu une baisse des ventes de ciga-rettes. Au titre de l’accord sur les in-vestissements, l’Uruguay devraitpayer à Philip Morris des indemnitéspour les profits perdus, pour ne pasavoir tué plus de gens ! Les procédureslégales stipulées dans l’accord sonttrès sophistiquées, trop, et ne repré-sentent pas ce que j’appellerai un Etatde droit. Ces pénalités sont si élevées que l’Uru-guay ne peut pas les payer et l’ex-maire de New York, Michael Bloom-berg, a décidé de soutenir financière-ment l’Uruguay. Obama veut placerce genre d’accords sur les investisse-ments aussi bien dans le TTIP quedans le TPP. Beaucoup de ces régula-tions sont importantes pour la protec-tion des classes moyennes ordinaires.Et leur contraction représenterait desinégalités significatives.

Propos recueillis parM. P.

libre-échange « Le TTIPva accroître les inégalités »

« La créationd’emploisnette seranégative du côté américain »

©AF

P.

> CE JEUDI, AU SOMMAIRE

QWeb VendreDirect.com augmente son capital

QSociétés Immobel à la recherche d’un nouveau CEO

QAnnonce à la loupe Une villa à énergie positive à Ernage

QRencontre Jean-Baptiste Van Ex, respon-sable du département immobi-lier de la Banque Degroof

Q Locations Hellokot, un site exclusive-ment dédié à la recherche de chambres d’étudiant

Date : 01 SEPT 15Pays : FrancePériodicité : Quotidien

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Economie. Le prix Nobel 2011 estime que le gouvernement français « n'a pasété capable de tenir tête à l'Allemagne » durant la crise grecque.

Le plaidoyer de Joseph Stiglitzcontre l'austérité en Europe•

L'économiste Joseph Sti-glitz, prix Nobel juge que la

France subit une K forme d'intimi-dation » de l'Allemagne dans seschoix de politique économique.u Hy a une forme d'intimidation »,analyse l'économiste à propos del'influence allemande sur la po-litique économique menée parle président François Hollande.Interrogé sur des déclarationsde l'ancien ministre grec des Fi-nances Yanis Varoufakis, selonlequel l'intransigeance allemandeface à la Grèce aurait eu pourbut d'effrayer la France et de laconvaincre de suivre la voie de larigueur, l'économiste americain adéclaré «je le croîs ».

La politique de l'offrediscréditée«Le go u vernement de centre-gaucheen France n'a pas été capable de te-nir tête a l'Allemagne », que ce soitsur les orientations budgétairesau niveau de la zone euro, ou dansla réponse à la crise grecque a dé-claré l'ancien chef économiste dela Banque mondiale et conseillerdu président américain Bill Clin-ton. Pour M. Stiglitz, venu à Parisfaire la promotion de la traductionen français de son dernier livresur les inégalités (« La grandefracture », éditions Les Liens quiLibèrent), la France cc est de toutesles nations du monde celle qui a leplus fortement embrasse le conceptd'égalité »Mais, si le pays a selon lui cc re-lativement bien réussi à contenirune hausse des inégalités pendantla crise » de 2009, il est désormaisconfronte à un cc vrai risque » decreusement des écarts en raisonde son choix de l'austérité, cc Les

Depuis des années, le prix Nobel Joseph Stiglitz, qui fut notamment le conseiller de Bill Clinton, démonteles politiques austéritaires. Son dernier ouvrage paraît en France. AFP

politiques d'austérité sont au cœurde la hausse des inégalités », pourM Stiglitz, qui avait reçu le No-bel en 2001 avec deux autres éco-nomistes, pour des travaux surles imperfections des échangesd'informations sur les marchés.L'économiste a juge que si laFrance affiche un important dè-ficit public en termes nominaux,elle n'en pratique pas moins unepolitique d'austérité en bridantles depenses publiques. Des de-penses qui devraient continuera décroître pour financer les

baisses d'impôts promises parFrançois Hollande en 2016 (lire-ci-dessous). Il a aussi critiquecette « idée vraiment stupide,selon laquelle baisser les impôtssur les entreprises stimuleraitl'économie », jugeant que cette«politique de l'offre » deja miseen œuvre par Ronald Reaganaux Etats-Unis était aujourd'huicc totalement discréditée ». cc Je necomprends pas pourquoi l'Europechoisit cette voie aujourd'hui », a-t-il indique alors que la baisse mas-sive des charges et des impôts des

entreprises est au cœur du Pactede responsabilité et de solidaritédéfendu par François Hollande.Dans son ouvrage, Stiglitz défendl'idée que cc notre choix ne doitpas se faire entre la croissance etl'équité, avec les bonnes politiques,nous pouvons choisir les deux à lafois ». En exergue de ce livre, cettephrase frappante « Si l'on met-tait 85 multimilliardaires dansun autobus, il contiendrait unefortune équivalente a celle de lamoitie la plus pauvre de la popu-lation du globe »

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!Presse internet

4/9/2015 Pour Stiglitz, l’aggravation des inégalités rend « plus difficile une reprise robuste »

http://www.lemonde.fr/emploi/article/2015/08/31/l-aggravation-des-inegalites-rend-encore-plus-difficile-une-reprise-robuste-affirme-joseph-stiglitz_4741432_1… 1/2

Pour Stiglitz, l’aggravation des inégalités rend« plus difficile une reprise robuste »LE MONDE | 31.08.2015 à 13h00 • Mis à jour le 31.08.2015 à 15h24 | Par Margherita Nasi

1 % de la population de la planète détient aujourd’hui près de la moitié de la fortune mondiale. Si onmettait 80 multimilliardaires dans un autobus, il contiendrait une fortune équivalente à celle de lamoitié la plus pauvre de l’humanité. L’inégalité massive qui émerge aux Etats-­Unis et dansbeaucoup de pays avancés est devenue tellement frappante qu’elle fait l’objet de nombreusesimages et métaphores. Elle est également le sujet de l’ouvrage de Joseph E. Stiglitz, La GrandeFracture. Un sujet qui peut paraître galvaudé, mais auquel économistes et politiques ne se seraientintéressés que trop récemment, après avoir suscité l’indifférence si ce n’est « une hostilité directe »,regrette l’auteur, qui pointe l’incapacité des économistes à saisir les conséquences de l’ascensionde l’inégalité et à élaborer des politiques qui auraient pu permettre de changer de cap.

Crise financière et inégalité sont inextricablement meléesPour le prix Nobel de l’économie, il s’agit là d’une question vitale, « pour des raisons morales maisaussi économiques ». L’ouvrage, composé d’un recueil d’articles et d’essais écrits ces dernièresannées pour divers journaux et pérodiques, est centré sur l’inégalité, mais se penche aussi sur lagrande Récession, puisque pour M.Stiglitz crise financière et inégalité sont inextricablement melées: « l’inégalité a contribué à provoquer la crise ;; la crise a exacerbé les inégalités préexistantes ;; etleur aggravation a plombé l’économie et rendu encore plus difficile une reprise robuste ».

Mais comme pour l’inégalité, il n’y avait pas de fatalité dans la profondeur ni la durée de la crise.C’est là le message central du livre :

« le niveau actuel de l’inégalité en Amérique n’est pas inévitable. Il n’est pas lerésultat des lois inexorables de l’économie. Il dépend des politiques que noussuivons, et de la politique ».

Après un prélude où il revient sur les années qui ont précédé la crise, l’ancien économiste en chefde la Banque mondiale analyse les problèmes primordiaux que pose l’inégalité, revient sur sonintérêt pour le sujet, et détaille causes, dimensions et conséquences des inégalités. Il abordeensuite les idées sur les politiques à venir, et évoque l’inégalité dans d’autres pays et les stratégiesconçues pour la combattre, en passant par le miracle mauricien, le cas du Japon, de Singapour, dela Chine, mais aussi de l’Ecosse et de l’Espagne.

Il se concentre enfin sur l’anémie persistante de l’emploi, et comment remettre l’Amérique au travail.L’auteur se veut critique, sans pourtant sombrer dans le fatalisme : création de réglementationsfinancières efficaces, réforme du financement des campagnes électorales, réforme du système defiscalité et investissements dans les infrastructures, l’éducation et la recherche… les pistes àexplorer sont nombreuses, car « si la politique a été la cause de nos problèmes actuels, ce n’estque par la politique que nous trouverons des solutions : le marché ne le fera pas tout seul ».

Les liens qui libèrent

La grande fracture, Joseph E. Stiglitz (Les Liens qui Libèrent, 448 pages, 25 euros).

4/9/2015 Joseph Stiglitz : «Comment les dirigeants européens peuvent-ils glorifier la stagnation ?»

http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/09/01/20002-20150901ARTFIG00185-joseph-stiglitz-comment-les-dirigeants-europeens-peuvent-ils-glorifier-la-stagn... 1/10

Joseph Stiglitz : «Comment les dirigeants européens peuvent-ils glorifier lastagnation ?»

Home ECONOMIE ConjoncturePar Maurin PicardMis à jour le 01/09/2015 à 14:43Publié le 01/09/2015 à 14:40

Joseph Stiglitz au Forum économique mondial en 2015 Crédits photo : © Victor Ruiz Garcia / Reuters/REUTERS

INTERVIEW - Pour le prix Nobel d'économie, les cures d'austérité imposées au sein de l'UE bloquent tout retour de la croissance.

BASF et Gazprom relancent un accordLE FLASH ECOX

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4/9/2015 Joseph Stiglitz : «Comment les dirigeants européens peuvent-ils glorifier la stagnation ?»

http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/09/01/20002-20150901ARTFIG00185-joseph-stiglitz-comment-les-dirigeants-europeens-peuvent-ils-glorifier-la-stagn... 2/10

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Joseph Stiglitz, Prix Nobel d'économie 2001 pour ses travaux sur l'asymétrie de l'information, publie ce mercredi en français la

compilation de ses écrits sur les inégalités croissantes de la société américaine dans un ouvrage intitulé «La grande fracture»

(éditions Les liens qui libèrent). Professeur à Columbia University (New York) âgé de 72 ans, cet ancien économiste en chef de la

banque mondiale et conseiller du président américain Bill Clinton affirme que le rêve américain est mort et regrette que la relance

orchestrée par le président Barack Obama ait surtout favorisé les banques, grandes fautives dans la crise des subprimes (prêts

hypothécaires empoisonnés). Il s'inquiète de la stagnation en Europe, entretenue selon lui par des dirigeants trop frileux, quand il

faudrait, dit-il, cesser les cures d'austérité qui minent les fondements de l'eurozone et réamorcer la pompe de la croissance.

LE FIGARO. - Dans quel état trouvez-vous l'économie européenne?

Joseph STIGLITZ. - La France, et l'Europe en général, n'ont pas eu de bons résultats ces dernières années. Le revenu par habitant

est tombé en dessous de son niveau d'avant la crise. Même les économies les plus performantes, comme l'Allemagne, ont enregistré

une croissance anémique. S'il n'y avait pas eu la crise, l'Allemagne aurait été notée D par tout le monde. Et la demi-décennie perdue

pourrait bien devenir une décennie entière, au vu de la conjoncture.

Ce qui nous amène à la question: pourquoi? La cause de cette croissance anémique partout en Europe tient aux cures d'austérité en

vigueur. Une économie poussive entraîne de faibles rentrées fiscales, ce qui au regard des critères de Maastricht, entraîne des coûts

en capital et des hausses fiscales, ce qui en retour affaiblit plus encore l'économie. Cela tient essentiellement à la rigidité du corset

imposé depuis la mise en place de l'eurozone. Elle entretient une forme d'instabilité permanente en déniant aux États les outils

d'ajustement face aux chocs économiques, comme jadis le standard or imposé à la Banque centrale des États-Unis lors de la Grande

Dépression. Cela explique pourquoi l'Europe a tant souffert d'une faible croissance ces cinq dernières années et me laisse redouter

que la stagnation, ou quasi-stagnation, va perdurer.

Quelles réformes faudrait-il mener?

Une en particulier me semble des plus urgentes. Les dirigeants européens dans leur grande majorité reconnaissent le problème de

l'absence de fédération des banques dans l'Union européenne. Par voie de conséquence, quand la crise est survenue en 2008,

l'argent a fui les banques espagnoles et celles des autres pays les plus exposés, pour se réfugier en Allemagne. Il faut pour stopper

cette hémorragie mettre en place une supervision commune du système bancaire au sein de l'UE, et un mécanisme de résolution des

4/9/2015 Joseph Stiglitz : «Comment les dirigeants européens peuvent-ils glorifier la stagnation ?»

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problèmes liés à la fuite des capitaux. Il faut élargir le mandat de la Banque centrale européenne (BCE), afin qu'elle ne se focaliseplus seulement sur l'inflation, mais aussi sur l'emploi et la croissance. Il est urgent de déplacer le curseur.

Certains pays comme la Grèce ne peuvent évidemment plus emprunter sur les marchés mais c'est là justement que l'Europe peutagir. Elle a été très bonne pour créer des fonds de solidarité pour les nouveaux entrants (NDLR: lors des phases d'élargissementrécentes). Il faut qu'il y ait des fonds de stabilisation pour les pays convalescents. Les Européens doivent utiliser de manière plusagressive la Banque européenne d'investissement (BEI) pour investir dans les pays en crise. Ils doivent mettre en place un fonds deprêt reconnaissant que le système bancaire a été dévasté, dirigé vers les PME des pays en crise.

«Les dirigeants européens se gardent bien de bouleverser le corset rigide de l'eurozone»

Joseph Stiglitz

Voyez-vous de la lumière au bout du tunnel?

Sincèrement, je n'en distingue guère. Les dégâts induits par la crise sont durables car l'argent qui a fui l'Espagne et les autres paysles plus durablement frappés a endommagé profondément leurs systèmes bancaires. Plus encore que l'austérité en matière dedépenses publiques, la contraction des prêts aux PME a eu des effets dévastateurs pour les performances économiques. Ce qui mechiffonne plus encore, ce sont les dirigeants européens qui semblent se satisfaire de cette quasi-stagnation et se gardent bien debouleverser le corset rigide de l'eurozone. Un exemple édifiant: lorsque le ministre allemand des finances Wolfgang Schäuble estvenu à Columbia University (le 15 avril dernier), il a reconnu qu'il allait falloir s'habituer à cette nouvelle forme de croissanceanémique, comme une nouvelle norme. Comme si l'on pouvait glorifier la stagnation!

Vous avez appelé à voler au secours d'Athènes, en effaçant les 312 milliards d'euros de la dette grecque. La crise grecque a-t-elle été mal gérée?

Je ne suis pas dans le secret des dieux mais il semble que les autorités allemandes ont joué un rôle pour le maintien de ce statu quo.Les choses sont pourtant très claires: les prévisions faites par les experts pour le «modèle grec» ont été calamiteuses. Ils disaientque certes, l'austérité provoquera un certain déclin mais qu'elle restaurerait la confiance si vite qu'il y aurait un retour de lacroissance. Normalement, en voyant vos prédictions faillir invariablement, d'année en année, vous auriez pu vous attendre à ce quesoit menée une révision de ce modèle. Mais non! Rien de tel ne s'est produit et la troïka s'en est tenue à sa certitude que lesretombées positives allaient tôt ou tard finir par se manifester, ce qu'en anglais on appelle le «double down». J'observe pourtant uncertain consensus sur le fait que la dette grecque doit être effacée. Tout simplement parce que les Grecs ne pourront jamais la payer.Le programme d'austérité imposé à la Grèce est tel que le PIB va continuer de diminuer, la dépression économique s'accroître, cequi nécessitera une restructuration de leur dette plus grande encore. La position allemande est franchement incohérente. Ils veulentque le FMI soit partie prenante de la solution mais le FMI ne se mouillera pas sans une restructuration préalable d'une dette de toutefaçon insoutenable. Il faudra bien que Berlin cède. Schäuble n'est pas un économiste. J'espère que quelqu'un dans son entourage vafinir par lui expliquer tout cela, mais il semblerait bien, hélas, que cela ne soit pas pour demain.

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4/9/2015 C' EST LE CREUSEMENT DES INEGALITES QUI EXPLIQUE LA CHUTE DE LA CROISSANCE...!

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C' EST LE CREUSEMENT DES INEGALITES QUIEXPLIQUE LA CHUTE DE LA CROISSANCE...!02 SEPTEMBRE 2015 | PAR BRIGITTE PASCALL

C' EST LE CREUSEMENT DES INEGALITES QUI EXPLIQUE LACHUTE DE LA CROISSANCE...!

1°)- Brigitte PASCALL : Selon Joseph STIGLITZ interrogé dans LeMonde du 1er septembre, le monde sombre dans la stagnationséculaire, ce qui renforce les inégalités et nuit à la croissance,faute de demande suffisante, en particulier de la part des classespopulaires nous explique Joseph STIGLITZ. Le lien entre lesINEGALITES et la CRISE ECONOMIQUE actuelle, l'absence decroissance suffisante comme on l'observe en France enparticulier, est un aspect du problème rarement pointé, rarementabordé.

Pourtant, en France, c'est le creusement des inégalités constatépar l'INSEE, les salaires les plus élevés et les revenus dupatrimoine augmentent beaucoup plus vite que le salaire médian,qui explique la chute de la demande des classes populaires lesplus nombreuses. Le rapport de Camille Landais de mars 2009"L'évolution des hauts revenus en France entre 1998 et 2006 : uneexplosion des inégalités" dénonce vigoureusement uneaugmentation très forte de la progression des hauts revenus(+42,6%), contre une progression très modeste des revenusmédians et moyens : +3,5% Ce faisant, La France rompt avec 30ans de GRANDE stabilité de la hiérarchie des salaires...!

Par ailleurs, la forte dynamique des revenus du patrimoineexplique en partie cette évolution. Les revenus du patrimoinereprésentent 9% des hauts revenus, contre seulement 3% pour lesplus modestes. Or, la progression des revenus des capitauxmobiliers est de +31% en 8ans. De même, les revenus fonciers, PROPRES AUX HAUTSREVENUS, augmentent plus vite que les revenus salariaux.L'inégalité des patrimoines croit fortement : Aujourd'hui, lesouvriers disposent de9 600 euros de patrimoine, contre 200 000 euros pour les cadressupérieurs. (l'Humanité du 4 août 2010)

Le rapport de Michel AMAR, "Les très hauts revenus du secteurprivé", publié par INSEE Première n°1 288 d'avril 2010 confirmeque les très hauts revenus ont connu des trajectoires trèsdynamiques entre 2002 et 2007 : +29% en cinq ans. Alors que lenombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté estaujourd'hui de 15 millions.

Martine ORANGE, de Médiapart,explique qu'on passé d'unehiérarchie de 1 à 20 dans les années 60, à une fourchette de 1 à230. La CGT montre que le salaire des patrons, qui était 40 fois leSMIC dans les années 80 est aujourd'hui de 400 fois l'équivalent

du SMIC.

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4/9/2015 C' EST LE CREUSEMENT DES INEGALITES QUI EXPLIQUE LA CHUTE DE LA CROISSANCE...!

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du SMIC.

L'explosion des inégalités explique une croissance ramenée à 0%au second trimestre 2015 (cf étude de conjoncture de l'INSEE du14 août 2015). Lorsque Hollande assure la main sur le coeur que lacroissance va repartir, - sur le mode "un jour mon princeviendra !"-, il ne prend absolument pas en compte ce manque derevenus des ouvriers et des employés, première cause de l'atoniede la croissance française actuelle...

Par ailleurs, la baisse de la croissance est intrinsèque aucapitalisme financier se souciant peu de produire des biens et desservices : uniquement préoccupé de rentabilité de capital. Enrevanche, l'idée souvent avancée selon laquelle les besoinsconsuméristes des gens seraient tous satisfaits, nombre detéléviseur, de machine à laver par foyer, etc.. ne me semble pasétablie : lorsqu'on sait que 80% des gens ont du mal à boucler leurfin de mois : ce qui signifie, implicitement, qu'ils ne satisfont pastous leurs besoins...

2°)- Article : "L' UNION EUROPEENNE EST EN TRAIN DEDETRUIRE SON AVENIR...!"

"Le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz publie, le 2 septembre,« La grande fracture », aux Éditions Les Liens qui Libèrent.

Pourfendeur des politiques d’austérité en Europe, le Prix Nobeld’économie Joseph Stiglitz travaille depuis des années sur lescauses des inégalités économiques aux Etats-Unis et sur leursconséquences, à la fois politiques et sociales. Le 2 septembre, ilpublie un nouvel ouvrage sur le sujet, La Grande Fracture, auxéditions Les liens qui libèrent. Rencontre.

Vous expliquez dans votre ouvrage que les inégalités sont àl’origine de la crise de 2007. Pourquoi freinent-elles aujourd’huila reprise ?

D’abord, parce qu’elles sont souvent le résultat de rentes et demonopoles paralysant l’économie. Mais, surtout, parce que lesinégalités forment un terrible piège. Pour les Américains desclasses populaires disposant d’une mauvaise couverture santé etqui ont difficilement accès à l’éducation, l’ascenseur social nefonctionne plus. Ils ont peu de chance de voir leurs revenusaugmenter. Or, sans hausse des revenus, il n’y a pas de hausse dela consommation, ce qui affaiblit la croissance.

Avant la crise des subprimes, les dépenses des ménagesaméricains étaient artificiellement — etdramatiquement — gonflées par le crédit. Maintenant que celevier a disparu, nous constatons les ravages provoqués par lesinégalités. Elles sont incompatibles avec une croissance saine.

Lire aussi : Les inégalités de revenus nuisent à la croissance

Mais la récession elle-même a accru les inégalités !

Oui, mais il ne faut pas se tromper : les inégalités ne sont pas unefatalité, elles sont le résultat de choix politiques. Pour preuve, desEtats ont réussi à allier croissance et équité parce qu’ils ont faitde ce double objectif une priorité.

C’est le cas des pays scandinaves, mais aussi de Singapour ou del’île Maurice, qui a réussi à diversifier son économie en misant surl’éducation de sa population. Les Etats-Unis ont beaucoup àapprendre de ces exemples.

Vous appelez les Etats industrialisés, en particulier les Etats-Unis, à investir dans l’innovation, les infrastructures, l’éducation.Comment faire, alors que les dettes publiques atteignent desniveaux records ?

C’est une très mauvaise excuse. Aux Etats-Unis, les tauxd’intérêts réels sont négatifs, et ils sont très bas en Europe : lapériode n’a jamais été aussi propice à l’investissement. D’autantque les investissements, dont il est ici question, alimenteront unecroissance solide dans les années à venir et donc, des recettesfiscales supplémentaires qui permettront d’équilibrer les comptes

publics.

4/9/2015 C' EST LE CREUSEMENT DES INEGALITES QUI EXPLIQUE LA CHUTE DE LA CROISSANCE...!

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publics.

S’endetter pour construire l’avenir n’est pas un frein à la

croissance. C’est ne pas le faire qui est un cadeau empoisonné

pour les générations futures.

Le monde va-t-il sombrer dans une « stagnation séculaire », à

savoir, une longue période de croissance faible ?

La stagnation séculaire a deux causes. La première est l’anémie

de la demande mondiale, notamment plombée par des politiques

d’austérité injustifiées en Europe. La seconde tient aux

interrogations autour des innovations de ces dernières années.

Pour l’instant, Facebook, Airbnb, l’économie collaborative ne

génèrent pas de gains de productivité aussi puissants que ceux de

la révolution industrielle, et nous ne savons pas mesurer ce

qu’elles apportent au produit intérieur brut.

L’une de ces innovations finira-t-elle par changer la donne ?

Impossible de le prédire, car, par définition, ce genre de rupture

est imprévisible.

Mais une chose est sûre : les Etats ont un rôle à jouer ici, en

investissant dans la recherche pour favoriser l’éclosion de ces

innovations. Car le seul investissement des entreprises ne peut

suffire.

Mais si cela ne se produisait pas ? Si aucune innovation ne

relançait les gains de productivité ?

Dans le fond, ce ne serait pas si dramatique, puisque les

ressources de la planète sont limitées. Nous pourrions très bien

nous accommoder d’une croissance durablement faible, si elle

s’accompagne de politiques réduisant les inégalités.

Malgré la hausse des inégalités que vous dénoncez, l’économie

américaine a progressé de 3,7 % au deuxième trimestre. Ce n’est

pas si mal.

La reprise américaine est un mirage. Il est vrai que notre taux de

chômage est bas (5,3 %), mais nombre de demandeurs d’emploi

sont sortis des statistiques. Il manque 3 millions d’emplois au

pays. La Réserve fédérale ne le comprend pas. Ses remèdes sont

inadaptés.

La croissance de ces dernières années a été alimentée par la

baisse du dollar, qui a un peu regonflé notre compétitivité, et par

la bulle boursière. Mais la baisse du dollar est derrière nous, et la

bulle boursière ne contribue à la consommation des ménages que

très marginalement. Ce n’est pas tenable.

Que faire pour alimenter une croissance saine aux Etats-Unis ?

Les pistes sont nombreuses : investir dans la recherche,

l’éducation, les infrastructures, favoriser l’accès des Américains à

l’enseignement supérieur. Instaurer un salaire minimal me paraît

aussi une bonne piste.

Ces dernières années, les profits ont augmenté de manière

disproportionnée face aux salaires. Cette distorsion du partage

des revenus est source d’inégalité et affaiblit la croissance

potentielle.

Une autre façon de la corriger serait de rendre notre fiscalité plus

progressive et équitable. Il n’est pas normal qu’un spéculateur

soit aujourd’hui moins imposé qu’un travailleur.

Pourquoi le prochain président américain, s’il était démocrate,

appliquerait-il de telles mesures si Barack Obama lui-même ne l’a

pas fait ?

Barack Obama a commis des erreurs. Mais, depuis, quelque chose

a changé aux Etats-Unis. De nombreux politiques, notamment au

Sénat, ont pris conscience qu’il y a urgence à s’attaquer au

problème des inégalités. Tous les candidats démocrates en ont

fait leur priorité.

Parlons un peu de l’Europe. Le troisième plan d’aide à la Grèce

sortira-t-il enfin Athènes de l’ornière ?

4/9/2015 C' EST LE CREUSEMENT DES INEGALITES QUI EXPLIQUE LA CHUTE DE LA CROISSANCE...!

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sortira-t-il enfin Athènes de l’ornière ?

Ce plan est la garantie que la Grèce va s’enfoncer dans une longueet douloureuse dépression. Je ne suis pas très optimiste.

La seule bonne nouvelle est que le Fonds monétaire international(FMI) milite désormais pour un allégement de la dette publique.Cela n’a pourtant pas empêché les créanciers d’Athènes d’adopterun programme d’aide ne disant pas un mot sur le sujet.

Pourquoi la dette est-elle un sujet aussi sensible en Europe ?

Pour deux raisons. La première est qu’il y a confusion. La dette yest conçue comme un frein à la croissance, alors qu’au contraire,elle est l’assurance de la prospérité future, lorsqu’elle sert àfinancer des investissements clés. Les Européens l’ont oublié.

Et pour cause : une partie de la droite du Vieux Continentalimente cette hystérie autour de la dette dans le but d’atteindrel’Etat providence. Leur objectif est simple : réduire le périmètredes Etats.

C’est très inquiétant. A s’enfermer dans cette vision du monde,l’obsession de l’austérité et la phobie de la dette, l’Unioneuropéenne est en train de détruire son avenir."

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TOUS LES COMMENTAIRES

02/09/2015, 09:54 | PAR MARCOPOL

Certes, il y a une corrélation entre la hausse des inégalités et la baisse de croissance,mais laquelle est à l'origine de l'autre ?

On peut soutenir la thèse de Stiglitz, ou penser l'inverse, ou encore dire qu'il n'y apas de causalité, comme l'oeuf et la poule

Il me semble que la baisse de croissance explique assez bien la mutation d'uncapitalisme industriel en capitalisme financier, lequel a causé la hausse brutale desinégalités.

Il me semble aussi que cette mutation vient du fait que le capitalisme industriel,ultra-productiviste, a trouvé sa limite de consommation, car les consommateurs,qui sont surtout dans les pays riches, 1) n'ont pas la croissance démographique dureste de la planète 2) trouvent une limite à leurs besoins consuméristes, comme parexemple le nombre de machine à laver par foyer.

ALERTER

02/09/2015, 10:07 | PAR BRIGITTE PASCALL EN RÉPONSE AU COMMENTAIRE DE MARCOPOL LE 02/09/2015 À

09:54

Vous avez raison de dire que la baisse de la croissance est intrinsèque aucapitalisme financier se souciant peu de produire des biens et des services :uniquement préoccupé de rentabilité de capital. Sur ce point, je vaisreprendre mon article. En revanche, je suis plus dubitative sur l'idée selonlaquelle les besoins consuméristes des gens seraient tous satisfaits, nombre

4/9/2015 Stiglitz: « L'économie américaine est malade des inégalités »

http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/stiglitz-l-economie-americaine-est-malade-des-inegalites-501824.html 1/14

L'économie américaine se porte bien, comme on l'a vu au deuxième trimestre(3,7% de croissance en rythme annuel), alors que l'Europe peine à sortir de la crise.Peut-on voir là l'effet d'un trade-off entre inégalités et croissance, les Américainsacceptant plus d'inégalités, mais bénéficiant en retour d'une croissanceéconomique supérieure ?

D'abord, on ne devrait jamais s'attarder sur la croissance trimestrielle. Au premiertrimestre, la croissance américaine a été négative, le PIB a reculé. Cette économieest très volatile. Les chiffres peuvent être positifs un trimestre, puis négatifs un

Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie 2001, est spécialiste des inégalités (Crédits : Reuters)

La croissance américaine n'est qu'un feu de paille, estime le prix Nobel d'économieJoseph Stiglitz, dans une interview à La Tribune. L'immense majorité des américains,dont les revenus stagnent, ne peuvent éternellement consommer à crédit. Le risqueexiste de tensions sociales grandissantes. Contre les inégalités, il faudrait limiter lepouvoir de la finance et redonner une capacité de négociation aux syndicats. Tout enrevoyant un système fiscal qui encourage la spéculation

Stiglitz : « L'économie américaine estmalade des inégalités »

Par Propos recueillis par Ivan Best | 03/09/2015, 6:53 | 1899 mots

4/9/2015 Stiglitz: « L'économie américaine est malade des inégalités »

http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/stiglitz-l-economie-americaine-est-malade-des-inegalites-501824.html 2/14

autre. La vérité, c'est que la croissance américaine est faible, très faible, même si

elle dépasse les niveaux européens. On s'attend à 2,2% de hausse du PIB cette

année, ce qui est bien inférieur aux niveaux d'avant crise.

Deuxième chose : si tous les fruits de la croissance vont dans la poche de... Bill

Gates, cette expansion n'a pas grand sens pour l'immense majorité des citoyens.

De 2009 à 2012, 91% de la hausse des revenus est allé dans la poche de 1% des

Américains. 99% des gens n'ont pas vu la couleur de cette croissance. Le revenu

median est aujourd'hui inférieur à son niveau d'il y a 25 ans. En bas de l'échelle, les

salaires sont à peu près identiques à leur niveau d'il y a 50 ans !

Voilà pourquoi, quand je porte un jugement sur la santé de l'économie américaine,

je dis qu'elle est vraiment malade, que c'est un échec. La hausse du PIB, la

croissance, ne nous dit rien du bien-être de l'immense majorité des citoyens.

L'économie doit être au service de la société, elle ne doit pas tourner au profit de

1% des gens.

On voit les conséquences de cette situation quand on se penche sur la réalité de la

vie de l'immense majorité. L'insécurité est en forte hausse, les gens ont peur de

perdre leur maison, leur job... La réforme de la santé voulue par Obama va dans le

bons sens, mais cela n'empêche pas le sentiment d'une grande insécurité.

Pourtant, les entreprises américaines vont mieux, la consommation est en

hausse....

Les entreprises peuvent se moquer de la situation des Américains, si elles font du

business ailleurs, dans une Chine en croissance, par exemple. Mais la Chine ne va

plus si bien ! C'est donc un pari risqué. Quant à la consommation, si elle ne se

porte pas trop mal, c'est grâce au crédit ! Avant la crise de 2008, les 80%

d'Américains les moins riches consommaient 110% de leur revenu. Cette «

désépargne » a pris fin un certain temps, mais la majorité des consommateurs

dépense à nouveau plus de 100% de leur revenu. Cela ne peut pas durer ! On ne

peut pas éternellement acheter des voitures à crédit. Il se forme alors des bulles

de crédit.

Ces bulles vont-elles éclater ?

Peut être pas éclater, mais, tôt ou tard, la consommation va être contrainte par la

faiblesse du revenu. Les 20% les plus riches épargnent à hauteur de 15% de leurs

revenus, cela représente 6% du PIB. Or l'épargne globale est inférieure à ce niveau.

Cela prouve bien que 80% des gens consomment plus que leurs revenus. La

consommation va donc retomber. Et la croissance s'en ressentira.

Vous soulignez le rôle de la finance dans la montée des inégalités. Quel est-il?

La finance sort gagnante de ce système où les gens vivent à crédit, grâce aux

intérêts perçus, aux commissions. L'argent va de la poche des Américains dans

%0Ahttp://www.latribune.fr/opinions/tribunes/stiglitz-

4/9/2015 Stiglitz: « L'économie américaine est malade des inégalités »

http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/stiglitz-l-economie-americaine-est-malade-des-inegalites-501824.html 3/14

celles de banquiers. Le secteur financier est passé de 2,5% du PIB à 8% du PIB auxEtats-Unis. Sans apporter aucune amélioration à l'économie. Payer pour unmeilleur moteur, cela peut-être intéressant. Mais payer toujours plus pour unsystème financier qui est de moins en moins efficace, voilà qui pose question. Unexemple : pour une épicerie de quartier, les seules commissions sur cartesbancaires représentent la moitié du bénéfice de l'épicier ! On comprend pourquoiles esprits les plus brillants se tournent vers les banques.

Comment en est-on arrivé là ?

Reagan a dérégulé le secteur financier, ce qui a été une erreur majeure. Cettedérégulation a été étendue à toutes les entreprises, qui sont tombées sous ladictature du court terme. Les banques sont censées prendre de l'argent auxparticuliers pour les reverser aux entreprises. Aujourd'hui, l'argent part desentreprises vers les riches particuliers.

Pourtant, Barack Obama avait bien l'intention de réguler la finance ? A-t-il échoué?

Oui, sur ce plan, il a échoué. Le problème, c'est qu'il a laissé beaucoup tropd'influence à la finance, au sein de l'administration. Tim Geitner, de la Réservefédérale, a été appelé comme l'un des principaux conseillers pour réformer lesbanques : cela revient à demander à ceux qui avaient échoué dans la supervisionde la finance, qui en étaient très proches, de venir la réformer. Cela ne pouvait pasfonctionner. D'autant que Tim Geitner est retourné, comme prévu, vers le secteurfinancier. Il n'allait tout de même pas rudoyer ses futurs employeurs !

Les patrons qui financent les campagnes électorales n'ont-ils pas une influenceprépondérante ?

C'est vrai, mais le problème est plus vaste. Obama a été intimidé par lesbanquiers. Ils lui ont dit : si vous ne nous traitez pas bien, l'économie va allerencore plus mal. Il a donc eu peur d'eux. Plutôt que d'écouter les économistes, quivoulaient réguler la finance, il a donc donné la priorité aux banquiers.

Qu'aurait-il fallu faire ? Qu'auriez-vous préconisé, si Obama vous avait demandéconseil?

J'aurais posé deux questions qu'il a omis de poser. La première, c'est celle dupoids dans des banques dans notre société. La seconde, c'est : les banques font-elles vraiment leur métier ?Huit ans après le début de la récession, les prêts aux entreprises sont inférieurs àleur niveau d'avant crise. Les prêts servant à la spéculation se sont envolés.J'aurais rendu leur système bancaire plus concurrentiel, j'aurais imposé deslimites aux commissions sur les cartes de crédit et de débit, j'aurais restreintl'utilisation des CDS et autres produits spéculatifs. J'aurais dit aux banquiers :

4/9/2015 Stiglitz: « L'économie américaine est malade des inégalités »

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votre métier, c'est de prêter ! J'aurais accru la transparence du système, combattu

le shadow banking.

Tout cela n'a pas été fait, même si la loi Dodd Frank était un début. Mais bien

insuffisant.

Que faut-il faire contre les inégalités, aujourd'hui ? Seulement augmenter l'impôt

sur le revenu ?

Je pense qu'il faut plutôt s'attaquer à la question des revenus avant redistribution,

avant intervention de l'impôt. Et pas seulement se concentrer sur la redistribution

par l'impôt. Notamment aux Etats-Unis. Nul doute que les autres pays occidentaux

suivraient peu ou prou.

La vérité, c'est que la productivité a augmenté ces 30 dernières années, aux Etats-

Unis, mais que les salaires n'ont pas du tout suivi cette hausse. C'est totalement

inhabituel. D'ordinaire, les salaires suivent la productivité. Pour rompre avec ce

blocage salarial, il faut redonner aux salariés du pouvoir de négociation, limiter la

capacité d'action des PDG. Je rappelle que la rémunération des patrons

américains est passée de 20 fois le salaire ouvrier à 300 fois ce salaire... Et ce

n'est pas une productivité en hausse qui aurait justifié cela. Les patrons de

banques, qui sont les mieux rémunérés, ont une productivité négative, sur les

dernières années ! Voilà le problème central, s'agissant des inégalités, sur lequel

on devrait se concentrer.

Comment infléchir cette tendance ?

Il faut accroître le pouvoir des syndicats, améliorer la gouvernance des entreprises,

en augmentant les contraintes pesant sur les dirigeants, développer la

transparence sur les rémunérations et le pouvoir des actionnaires à cet égard... Et

la fiscalité peut jouer un rôle incitatif dans la répartition primaire des revenus

(avant intervention de la redistribution par le système fiscal). Aujourd'hui, aux

Etats-Unis, et dans beaucoup d'autres pays, les revenus issus de la spéculation

sont beaucoup moins taxés que les salaires. Ces revenus (dividendes, stock-

options...) sont l'apanage des plus riches, qui bénéficient donc d'une fiscalité

allégée. D'où un système fiscal régressif : on est d'autant moins taxé que l'on est

riche. Il faut en sortir.

En alignant l'imposition des revenus du patrimoine sur les salaires, on

découragerait la distribution de dividendes, stock-options, etc... On encouragerait

au contraire les activités productives.

D'un point de vue plus général, nombre de changements législatifs et

réglementaires de ces 30 dernières années ont contribué à l'accroissement des

inégalités. Il faut revenir sur ces règles. Ce qu'on a un peu oublié, c'est que le

marché ne fonctionne pas sans un minimum de règles.

4/9/2015 Stiglitz: « L'économie américaine est malade des inégalités »

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Comment, par exemple, redonner du pouvoir aux salariés ?

Aux Etats-Unis, on a tout fait pour affaiblir les syndicats en rendant leur

organisation, leur vie, plus difficile. On a encouragé les salariés à ne pas payer de

cotisation syndicale, ce qui a évidemment affaibli les syndicats. C'est ainsi que la

protection des salariés a été petit à petit diminuée.

Que pensez-vous de la proposition de Piketty, d'instaurer une taxation mondiale

des capitaux, une sorte d'ISF mondial ?

Je ne suis pas sûr ce que ce soit la meilleure approche. La montée des inégalités

est liée aux changements de la règlementation que j'ai évoqués, au système fiscal

régressif. La hausse du stock global de capital mise en avant par Piketty est liée à

l'augmentation des prix du foncier et de l'immobilier. Cette valeur du capital peut

être déconnectée de la richesse croissante des plus riches, qui est beaucoup plus

certainement liée à des plus-values sur actions ou stock options. Il faut distinguer

aujourd'hui la richesse et le capital. Pour résumer, on ne peut plus assimiler

aujourd'hui la richesse d'une nation à la valeur de son stock de capital. Voilà

pourquoi la suggestion de Piketty n'est pas forcément la plus opérante.

Jusqu'où peuvent aller les inégalités ? N'y-a-t-il pas une limite ?

On peut parvenir à une situation semblable à celle des pays sous développés, où

les inégalités deviennent si élevées que les riches sont contraints de vivre dans

des résidences fermées, surveillées, doivent envoyer leurs enfants aux Etats-

Unis car, sans cela, ils risquent d'être kidnappés....

On n'en est pas encore là. Mais si le mouvement actuel continue, le risque existe

d'aboutir à une telle situation.

Joseph Stiglitz vient de publier "La Grande Fracture, les sociétés inégalitaires et ce

que nous devons faire pour les changer", éditions Les Liens qui Libèrent

______

>>> INTERVIEW Joseph Stiglitz nous explique le "capitalisme perverti"

C'est ainsi que Joseph Stiglitz décrit notre système économique actuel. Faire le

choix entre croissance et équité, il n'en est pas question pour le prix Nobel

d'économie en 2001, qui propose dans son ouvrage La Grande Fracture des idées

pour changer notre société inégalitaire.

4/9/2015 Joseph Stiglitz : "L'Union européenne est en train de détruire son avenir" - Politique Economique - Trends-Tendances.be

http://trends.levif.be/economie/politique-economique/joseph-stiglitz-l-union-europeenne-est-en-train-de-detruire-son-avenir/article-normal-414005.html 1/5

Joseph Stiglitz : "L'Union européenne est en train de détruire son avenir"

02/09/15 à 15:34 -­ Mise à jour à 16:27

Source : Trends-­Tendances

L'économiste américain et Prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz n'est pas très optimiste surl'avenir de l'Europe.

© Image Globe / PANTELIS SAITAS

Joseph Stiglitz exprime sa préoccupation dans une interview publiée dans le quotidienfrançais Le Monde. Cette interview a eu lieu suite à la sortie, ce 2 septembre, de sonnouveau livre La Grande Fracture ( 'The Great Divide: Unequal Societies and What We CanDo About Them'), disponible en librairie.

Bien que 'La Grande Fracture' traite en premier lieu des inégalités économiques aux Etats-­Unis, Stiglitz met également en lumière, lors de l'interview avec le journal, l'avenir du 'VieuxContinent'. Et celui-­ci ne paraît pas précisément rose, du moins si l'on en croit le Prix Nobeld'économie de 2001.

Pauvres GrecsStiglitz n'est clairement pas optimiste au sujet du troisième plan d'aide à la Grèce: "Ce planest la garantie que la Grèce va s'enfoncer dans une longue et douloureuse dépression. Jene suis pas très optimiste."

4/9/2015 Joseph Stiglitz : "L'Union européenne est en train de détruire son avenir" - Politique Economique - Trends-Tendances.be

http://trends.levif.be/economie/politique-economique/joseph-stiglitz-l-union-europeenne-est-en-train-de-detruire-son-avenir/article-normal-414005.html 2/5

L'économiste voit cependant une bonne nouvelle dans l'attitude du Fonds monétaireinternational (FMI), qui milite pour un allégement de la dette publique. "Cela n'a pourtant pasempêché les créanciers d'Athènes d'adopter un programme d'aide ne disant pas un mot surle sujet."

La question de la detteA la question 'pourquoi la dette est-­elle un sujet aussi sensible en Europe ?', Stiglitz répondqu'il y a deux raisons. "La première est qu'il y a confusion", dit Stiglitz. "La dette y est conçuecomme un frein à la croissance, alors qu'au contraire, elle est l'assurance de la prospéritéfuture, lorsqu'elle sert à financer des investissements clés. Les Européens l'ont oublié."

En deuxième lieu, Stiglitz souligne la menace de la politique d'une partie de la droite duVieux Continent, qui "alimente l'hystérie autour de la dette dans le but d'atteindre l'Etatprovidence. Leur objectif est simple : réduire le périmètre des Etats."

"C'est très inquiétant", déclare l'économiste. "A s'enfermer dans cette vision du monde,l'obsession de l'austérité et la phobie de la dette, l'Union européenne est en train de détruireson avenir", conclue-­t-­il. (BO)

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Banque et finance

4/9/2015 Stiglitz : Réformer le capitalisme par la politique · Nouvelle Donne Bordeaux

http://nouvelledonne-bordeaux.fr/blog/2015/09/stiglitz-on-peut-reformer-le-capitalisme-par-un-processus-politique/ 1/2

STIGLITZ : ON PEUT RÉFORMER LE CAPITALISME PAR UN PROCESSUS POLITIQUE

Joseph Stiglitz est en France pour la sortie de son livre La

Grande Fracture, un recueil d’articles récents centré sur les

problèmes économiques et moraux que pose le

creusement des inégalités dans les sociétés développées.

Pour Stiglitz, Prix Nobel et chef de file du courant des

« nouveaux keynésiens », le capitalisme peut être

réformé, mais seulement par un processus politique, et

cela suppose de réformer d’abord le fonctionnement des

démocraties. Les raisons de l’ampleur et de la durée de la

crise actuelle, le niveau insupportablement élevé du

chômage sont directement liés à l’accroissement des

inégalités. Une évolution qui n’est pas inéluctable et pourrait être corrigée.

Joseph Stiglitz a répété, dans les entretiens qu’il a accordés ces jours-ci, ses vives

critiques au sujet de la gestion de la crise grecque par l’Eurogroupe, sous influence

des conservateurs allemands. Il partage l’avis de Yanis Varoufakis sur une

intransigeance qui, à travers la Grèce, s’adresserait en priorité à la France. (Sur

l’analyse des conséquences du mémorandum grec, lire cet entretien pour Libération,

le 15 juillet 2015.)

Voici deux entretiens accordés aux radios par Joseph Stiglitz, le 31 août dans le 7/9

de France Inter, et le 1 septembre aux Matins de France Culture.

Joseph Stiglitz, entretien avec Léa Salamé, France Inter, 31 août 2015

Joseph Stiglitz aux Matins de France Culture, 1 septembre 2015, 1 partie

Joseph Stiglitz aux Matins de France Culture, 1 septembre 2015, 2 partie

Le livre de Joseph Stiglitz

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4/9/2015 La grande fracture, Joseph Stiglitz : l'inégalité est un choix | Pensée Libre

http://www.penseelibre.fr/grande-fracture-joseph-stiglitz-linegalite-choix 1/8

!

31/08/2015 Économie

Après avoir délaissé ce blog pour celui sur Mediapart durant 2 ou 3 ans, je le réanime. J'ai rapatrié environ200 billets par date d'origine et quelques commentaires intéressants. Je republie régulièrement.

La grande fracture, Joseph Stiglitz : l’inégalité est unchoix

C’est ainsi que nous apprenons que la France pratique, sous un gouvernement dit « de

gauche » qui porte le nom de socialiste (!) une politique d’austérité. Vous ne vous en étiez pas

encore rendu compte ? C’est que vous faites partie de ce haut des classes qui pompent tout à

leur profit.

Stiglitz rappelle que pour identifier une politique d’austérité les économistes ont des bases

pour raisonner : le déficit Structurel. Kezako ?

Même le FMI est contre l’austérité. Celle imposée à la Grèce va l’enfoncer encore plus.

Une des promesses de Obama était de réduire les inégalités. Il n’a pas rempli sa promesse

et plutôt préféré renflouer les banques. Hollande a choisi d’augmenter la TVA impôt qui pèse

le plus sur les pauvres. A-t-il fait sa réforme fiscale promise ? Il fait le contraire il réduit les

tranches de l’IR alors qu’il faudrait faire exactement le contraire les augmenter avec des

tranches plus « minces ».

Pensée LibrePour une sortie de l'euro de gauche

Économie La grande fracture, Joseph Stiglitz : l’inégalité est un choix

Un déficit structurel correspond à un solde négatif des finances publiques sans tenir

compte de l’impact de la conjoncture sur la situation des finances publiques. Si le solde

est positif, il s’agit d’un excédent structurel.

Recherche

4/9/2015 La grande fracture, Joseph Stiglitz : l'inégalité est un choix | Pensée Libre

http://www.penseelibre.fr/grande-fracture-joseph-stiglitz-linegalite-choix 2/8

sur le site de l’éditeur de Stiglitz, Les Liens qui Libèrent, on

trouve cette présentation du dernier livre de Stiglitz :Les inégalités n’ont cessé de croitre depuis plusieurs

décennies dans les pays développés. Minant, selon l’auteur,

à la fois la santé de nos économies et l’avenir de la

démocratie.

Joseph Stiglitz s’est longuement intéressé aux nœuds qui

se créent entre politique et économie. Il s’agit pour lui d’un

cercle vicieux : l’aggravation de l’inégalité économique se

traduit en inégalité politique, qui donne à l’argent un

pouvoir sans limite ; et cette inégalité politique accroît

l’inégalité économique. Après une mise en perspective

historique qui revient sur l’ère Reagan et la Grande

dépression, il se penche sur les politiques successives de

déréglementation irresponsables, de réductions d’impôts, et d’allégements fiscaux pour les 1

% les plus aisés. Il défend l’argument selon lequel la démocratie contemporaine est « plus

proche d’un système d’un dollar, un vote que… d’une personne, un vote ».

Il explore également les leçons à tirer de la Scandinavie ou du Japon, et dénonce ce qu’il

appelle « la marée des inutiles », responsable de l’austérité destructrice qui déferle sur

l’Europe. Il propose enfin une série de mesures concrètes pour sortir du marasme

économique actuel.

Stiglitz défend l’idée que notre choix ne doit pas se faire entre la croissance et l’équité; avec

les bonnes politiques, nous pouvons choisir les deux à la fois. Son combat n’est donc pas

contre le capitalisme mais sur la façon dont le capitalisme du XXIe siècle a été perverti.

Ce livre est un véritable appel à combattre l’inégalité économique en tant que problème

politique et morale.

Sur France-Inter Léa Salamé a interviewé Stiglitz. Une des questions qu’elle lui pose :

Ma réponse, moi Annie, est : ce n’est pas Stiglitz qui a changé ce sont les gouvernements et

les médias qui se sont droitisés.

Avez-vous changé depuis le prix Nobel d’économie qui vous a été décerné ? Êtes-vous

plus à gauche.

4/9/2015 Joseph Stiglitz : « La grande fracture » | Le blog politique de Gaston

http://www.gastonballiot.fr/joseph-stiglitz-la-grande-fracture/ 1/9

Joseph Stiglitz : « La grandefracture »31 août 2015

A l’occasion de la sortie de son livre « La grande Fracture » le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitza été reçu par plusieurs médias.

Le blog politique de GastonL'humain d'abord, pas la finance !

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4/9/2015 Joseph Stiglitz : « La grande fracture » | Le blog politique de Gaston

http://www.gastonballiot.fr/joseph-stiglitz-la-grande-fracture/ 2/9

Interrogé par Le Figaro sur des déclarations de l’ancien ministre des Finances grec Yanis

Varoufakis, selon lequel l’intransigeance allemande face à la Grèce aurait eu pour but d’effrayer la

France et de la convaincre de suivre la voie de la rigueur, l’économiste américain a déclaré: « je le

crois ». « Le gouvernement de centre-gauche en France n’a pas été capable de tenir tête à

l’Allemagne », que ce soit sur les orientations budgétaires au niveau de la zone euro, ou dans la

réponse à la crise grecque, a déclaré l’ancien chef économiste de la Banque mondiale et conseiller

du président américain Bill Clinton.

….« Les politiques d’austérité sont au cœur de la hausse des inégalités », pour M. Stiglitz, qui

avait reçu le Nobel en 2001 avec deux autres économistes, pour des travaux sur les imperfections

des échanges d’informations sur les marchés.

L’économiste a jugé que si la France affiche un important déficit public en termes nominaux, elle

n’en pratique pas moins une politique d’austérité en bridant les dépenses publiques.

Il a aussi critiqué cette « idée vraiment stupide selon laquelle baisser les impôts sur les

entreprises stimulerait l’économie », jugeant que cette « politique de l’offre » déjà mise en oeuvre

par Ronald Reagan aux Etats-Unis était aujourd’hui « totalement discréditée ». « Je ne comprends

pas pourquoi l’Europe choisit cette voie aujourd’hui », a-t-il indiqué. La baisse massive des charges

et des impôts des entreprises est au cœur du Pacte de responsabilité et de solidarité défendu par

M. Hollande.

Sur France Info le 31 Août : Le prix Nobel critique la politique économique de François Hollande et

appelle à une réforme de la zone euro : « La monnaie unique pourrait disparaître ».

Sur la politique économique de la France : « Pour stimuler l’économie, il faut dépenser plus. Pour

moi, cette stratégie de l’investissement dans l’avenir (…) est la seule manière d’avoir une

4/9/2015 Joseph Stiglitz : « La grande fracture » | Le blog politique de Gaston

http://www.gastonballiot.fr/joseph-stiglitz-la-grande-fracture/ 3/9

croissance durable à l’avenir. Avec les politiques d’austérité que vous avez et qui mènent à

12% de chômage, vous êtes en train de torpiller l’avenir de la France ».

Sur la zone euro : « La monnaie unique pourrait disparaître. Un euro à plusieurs vitesses pourraitapparaître. Il y a des façons de sortir de l’euro tranquillement qui n’auraient pas trop d’effetsnégatifs et qui amèneraient à une reprise plus rapide de l’Europe, et la diviseraient moins (…)Peut-être que la seule façon de sauver l’Europe, c’est de laisser disparaître l’euro ».

Ecouter l’interview sur France Info (22 min)

http://www.franceinfo.fr/emission/l-interview-eco/2015-2016/l-economiste-joseph-stiglitz-la-france-torpille-son-avenir-31-08-2015-19-25

Télécharger en PDF le texte de l’interview de Joseph Stiglitz

dans l’Humanité du 2 sept 2015

A la une, Economie, Europe

austérité, Economie, inégalités, Stiglitz

Varoufakis : notre printemps d’Athènes

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4/9/2015 La Grande Fracture

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Auteur Joseph Stiglitz -­ Les liens quilibèrent

Date septembre 2015Langue FrançaisePages 478

La Grande Fracture

Quels sont les liens entre la crise financière et économique, la démocratie représentative,la reprise anémique et le niveau et la dynamique des inégalités ?

Joseph Stiglitz explore ces thèmes dans « La grande fracture : les sociétés inégalitaires et ce que nous pouvonsfaire pour les changer », recueil d’articles écrits par le prix Nobel d’économie dans le New York Times, Vanity

et pour le Project Syndicate, publiés ici par Les Liens qui libèrent.

Regroupés en huit parties, ces articles offrent un panorama des problèmes économiques et politiques liés auxinégalités, et exposent certaines réponses proposées par Joseph Stiglitz.

Ce livre est politique avant d’être économique, car pour Stiglitz, les inégalités sont avant tout un problèmepolitique : « Notre inégalité n’est pas inévitable – ni les sommets qu’elle a atteints, ni les formes qu’elle a prises.Elle ne résulte pas de lois économiques ou physiques inéluctables. C’est un choix. C’est l’effet de nos politiques.Cette inégalité, nous l’avons payée au prix fort. […] Nous allons continuer à la payer à l’avenir, toujours pluscher, si nous ne changeons pas les politiques qui l’ont fait naître. »

« La politique monétaire a une capacité très limitée à relancer l'économie », Joseph Stiglitz

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4 septembre 2015

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