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JOURNÉE MONDIALE DE LA FEMME VOIX RÉSILIENTES, LUTTES PLURI-ELLES PALESTINE, MON PAYS LA PLUME PLUS FORTE QUE LE FUSIL Numéro pilote mars 2015 www.qasantina2015.org Constantine Capitale de la Culture Arabe 2015 L’AUTRE PRINTEMPS ARABE

Revue maqam numero pilote mars 2015 v fr

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Page 1: Revue maqam numero pilote mars 2015 v fr

Journée mondiale de la femme

Voix résilientes, luttes pluri-ellesPalestine, mon Pays

la plume plus forte que le fusil

Numéro pilote mars 2015

www.qasantina2015.org

Constantine Capitale de la Culture Arabe 2015

l’autre printemps arabe

Page 2: Revue maqam numero pilote mars 2015 v fr

Notre PrintemPs

Réalisation photographique : Walid Hamida avec la collaboration de l’association Djoussour d’art et patrimoine populaires

Mouatez Mikhaba sur les photos

www.qasantina2015.org

N otre printemps est un printemps aux mille

injonctions. Un printemps au goût de miel et de liberté. Un printemps inaliénable. Notre printemps est un miracle éternel. Une re-naissance aux innombrables présences sanctifiées. Un printemps imprenable, comme une cité antique.Notre printemps est un printemps qui a raison, car c’est un chant d’allégresse né à l’aube de la vie, pour submerger nos âmes de joies mystiques. Notre printemps se fait, malgré nous et hors de nous, l’expression d’une ardente conviction, celle de la vie dans

toute sa splendeur.Nulle part ailleurs, il n’est aussi exalté, aussi prodigue, aussi magnanime !Notre printemps nous pardonne nos errements, en inondant notre vallée millénaire de jonquilles et de narcisses. Ces fleurs qui, dit-on, contiendraient un souffle du Paradis, comme autant d’offrandes épandues en une galaxie d’émotions fraternelles. Comme autant de symboles forts, de messages d’espoir, de mains généreuses, qui se tendent telles des ondées vivifiantes, vers notre jeunesse et nos laissés-pour-compte. Celui-là, c’est notre vrai printemps.

L’autre printemps arabe ! C’est le titre qui nous a

paru refléter le mieux notre démarche, du moins à travers ce numéro expérimental qui coïncide avec le début du printemps, et le lancement de la manifestation « Constantine, capitale de la culture arabe 2015 ». L’autre printemps arabe, c’est-à-dire le nôtre, n’est ni spontané, ni inattendu, selon la licence « commerciale » exploitée par de nombreux journalistes à travers le monde. Notre printemps ne renvoie à aucune métaphore, et nous l’assumons entièrement et en toute conscience. Il n’est pas, non plus, né à la suite d’un glissement sémantique provoqué par des mains

expertes qui nous veulent du « bien ». L’autre printemps arabe que nous revendiquons se situe bien au-dessus de toutes ces considérations d’ordre politique, idéologique et institutionnel. Il se confond avec cette nature qui le porte. Il a existé depuis que la vie est vie, et existera encore lorsque nous aurons cessé d’exister. L’autre printemps arabe, c’est l’expression de nos passions et de nos espérances dans une société où les « choses» de l’esprit constitueraient un élément fédérateur et rassembleur. L’autre printemps, ce sont nos romanciers, nos comédiens, nos penseurs et nos artistes qui le fleurissent.

Notre une

F. H.

M. M.

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Maqam numéro pilote mars 2015

DIRECTEUR DE PUBLICATIONSami Bencheikh El Hocine

RÉDACTEUR EN CHEFMohamed Mebarki

SECRÉTARIAT DE RÉDACTIONFarida Hamadou

DIRECTION ARTISTIQUEWalid Hamida

RÉDACTION Djamel Eddine Belkadi

Ikram Ghioua

Ilhem Tir

Ranida Meraz

Hafiza Taouret

DESSIN / CARICATUREToufik Derdour

PHOTOGRAPHIEMohamed Lamine Hamida

Contact Maqam [email protected]

La reproduction intégrale ou partielle des articles est soumise à l’accord de la rédaction

« La citadeLLe de L’audace et de l’honneur »

Constantine n’est pas seulement une grande ville dont l’importance se mesure selon des critères urbanistiques et démographiques conventionnellement admis. En se limitant à cet aspect, on risque d’être piégé par des manipulations spatiales et numériques qui peuvent certes offrir au lecteur une idée sur l’évolution matérielle de cette cité, mais qui resteront trop superficielles pour une meilleure compréhension de la dimension humaine et civilisationnelle de ce berceau de la citadinité. Constantine est aussi, et surtout, une culture et un mode de vie séculaires au cachet singulier et aux expressions plurielles, que les tragédies du passé et les vicissitudes du présent n’ont pu effacer de la conscience collective constantinoise. Elle a été numide, punique, romaine et grecque, mais elle est aussi porteuse d’un immense patrimoine culturel immatériel d’origine arabe qui l’autorise à prétendre légitimement au titre de « Capitale de la culture arabe ».

Abdelhamid Benbadis, la figure emblématique du renouveau islamique, Réda Houhou et tant d’autres illustres hommes d’idées et de culture y ont vécu et y ont laissé un riche héritage intellectuel arabe de portée universelle qu’elle protège jalousement. Elle a donné des ailes aux mots de Malek Haddad en le libérant, le temps d’une inspiration, de son exil littéraire et linguistique. « Je suis en exil dans la langue française, car personnellement mon cœur et mon stylo sont sollicités par une seule nostalgie : la langue qu’on parle dans ce que j’appelle avec une triste obstination : la rue des Arabes », avait hurlé de douleur, l’auteur de l’inachevé et non moins prémonitoire La fin des majuscules.

C’est avec ces sentences éclatantes de vérité et de lumière, esquissant une passion profonde que l’auteur du Quai aux fleurs ne répond plus narre Constantine la badissienne. Constantine l’ensorceleuse qui a inspiré Kateb Yacine, Rédha Houhou, Tahar Ouettar, Rachid Boudjedra et Ahlam Mosteghanemi. Constantine l’orgueilleuse qui a ressuscité l’espoir dans le cœur meurtri de Mohamed Boudiaf. Constantine la légendaire qui a séduit Hocine Aït Ahmed et Lounès Aït Menguellet.

Pour tous ces hommes qui ont marqué de leur empreinte l’histoire de l’Algérie, Constantine n’est pas uniquement un lieu de filiation ou une passerelle vers la gloire, mais le terreau fertile où s’est épanouie la dimension identitaire et culturelle d’une société rejetant tous les cloisonnements.

Pour nous aussi, elle ne sera pas l’alibi à des grandiloquences illégitimes, mais la semence qui va fertiliser nos espérances. Nous sommes ses serviteurs et ça suffit amplement à notre bonheur. Nous aimerions devenir les artisans de ses réjouissances ; nos réjouissances dans la mesure où ce n’est pas nous qui habitons Constantine, mais c’est elle qui habite dans nos cœurs

Mohamed Mebarki

eDitorial

revue publiée par le commissariat de la manifestation constantine capitale de la culture arabe 2015

www.advercorp.dz

ADVERCORP119 A lot Eriad Ain Smara

Constantine - Algérie.

T. 031.97.26.54

E. [email protected]

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www.qasantina2015.org

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Le fond et La forme

Au-delà du cérémonial, l’émotion

Convergences

Confluences

ici al Qods

arabesques

L’esprit et la lettre

a Cirta,à sa grandeur passée et à venir

la plume plus forte que le fusil

p.8

p. 11

p.10

p.20

p.16en lettres capitales

Perspectives

p.12

une présence et un impact

Être maqdissi

p.18

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La femme qui vaut son pesant de poudre

Maqam numéro pilote mars 2015

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épitaphe

toute une vie pour l’art

p.28p.22

une diva au cœur d’or

p.24

Hommage

Valeurs

Journée mondiaLe de La femme

Voix résiLientes, Luttes pLuri-eLLes

Lutter contre les discriminations

p.27

attitudes citoyennes Le salut des planches

p.26

expressions

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« Cette date nous inscrit dans l’universalité de nos engagements internationaux. Elle est pour nous, chaque année, l’occasion de mesurer le chemin parcouru, de consolider les acquis et d’inventer ensemble un avenir meilleur pour les femmes algériennes ».

« Benbadis, dont Dieu le Tout-Puissant a gratifié le peuple algérien était un esprit érudit, un moudjahid mais surtout un guide éclairé. Sa démarche émanait d’une pensée perspicace et universelle englobant toutes les disciplines de la connaissance, du militantisme et de l’enseignement ».

Journée monDiale De la femme

Journée Du saVoir “ Youm el-ilm ”

www.qasantina2015.org

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Citations du Président de la République

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U ne année s’en va et une autre arrive. 2014 cède le passage à 2015, selon le rite arithmétique imposé par un calendrier que la ville ou, plutôt, la cité de

Constantine compte occuper pleinement dans le cadre d’un évènement culturel de premier plan.

J’ose espérer que cette manifestation multidisciplinaire soit l’incarnation matérielle d’une résurrection symbolique et emblématique d’un terroir qui a vu naître et grandir la citadinité.

J’ose espérer que 2015 écrive le nom de Constantine en syllabes et en lettres d’or sur le fronton d’une Algérie réconciliée avec ses sources d’inspiration originelles. J’ose espérer voir ma cité se libérer des carcans figés et des mots dits sans pudeur.

J’ose espérer admirer la mémoire revisitée des femmes et des hommes qui ont donné au mode de vie constantinois toute sa splendeur et son raffinement d’antan.

J’ose espérer que mes enfants, mes amis, mes collègues et tous ceux qui portent Constantine dans leur cœur et leur mémoire aient la possibilité de s’approprier pleinement et en toute légitimité une opportunité historique qui va permettre enfin à la Culture de revenir chez elle en toute quiétude et avec les honneurs qui lui sont dus. J’ose espérer que mes concitoyens, quelle que soit leur condition sociale, éprouvent le besoin de faire reculer les limites du rêve, somptueusement et à la manière des poètes.

J’ose espérer regarder cette jeunesse débordante d’énergie chantant féériquement un Maqam à la gloire d’une cité plus que millénaire mais dont l’âme a gardé une fraîcheur éternelle, malgré les vicissitudes du temps et les morsures des tons irrévérencieux.

J’ose espérer que la nouvelle année 2015 soit celle de ceux qui savent ce que dire veut dire ! Mon espoir, notre espoir est de voir les bonnes volontés prendre le dessus sur tous les motifs de consternation, dans un état d’esprit où la sérénité et le don de soi joueront les premiers rôles.

2015 raisons pour espérer

Maqam numéro pilote mars 2015

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autographe

Sami Bencheikh El-Hocine

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au-delà du cérémoNiaL, L’émotioN

Au-delà de son statut actuel, c’est surtout le passé ancestral de Constantine et son apport intellectuel, en langue arabe, qui sont interpellés à travers une manifestation culturelle dédiée à la culture, à l’éducation et au savoir.

Par Mohamed Mebarki

L orsque Constantine a été promue au rang de Capitale de la culture arabe 2015, de nombreuses voix se

sont élevées, ici en Algérie et à l’étranger, pour dénoncer, souvent avec des propos véhéments, ce choix « négocié » selon l’opinion des uns ou « déplacé » selon le jugement des autres. Des universitaires arabes sont même allés jusqu’à dénier à Constantine le privilège d’abriter un événement de cette dimension et de cette importance, en prétextant l’inconsistance du patrimoine architectural existant et authentiquement arabe qui autorise cette ville à prétendre à une consécration aussi symbolique que prestigieuse. Des intellectuels algériens et étrangers ont tenté de se liguer en « comités » de censure pour désavouer une telle option, en inventant des réquisitoires et des procès d’intention, et en omettant « courageusement » d’expliquer cette montée au créneau dont les motivations demeurent occultes.

Constantine est certes la deuxième ville, après Syrte la Libyenne en 2011, qui va avoir le privilège et l’honneur d’offrir

son hospitalité à une manifestation internationale réservée jusque-là aux capitales administratives et politiques. Vue sous cet angle, elle ne constitue aucunement une exception «manigancée » dans les coulisses avec la complicité d’une organisation de la stature de l’Alesco où l’esprit de rigueur a encore droit de cité et de regard sur tout ce qui touche à la culture, à l’éducation et au savoir. Elle a donc été désignée selon des critères historiques et contextuels cautionnés par l’ensemble des pays membres de l’Alesco. Au-delà de son statut actuel, c’est surtout son passé ancestral et son apport intellectuel en langue arabe qui sont interpellés à travers une manifestation culturelle

Photo Lamine Hamida

www.qasantina2015.org

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en lettres capitales

mŒurs, usaGes et VisaGes

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transcendant les clivages identitaires. «Aucune ville n’a gardé comme elle, avec la même intensité tragique, le souvenir de l’installation du colonialisme dans ses murs. Dans le vieux Cirta, un monde détruit, mais dont les vestiges prestigieux subsistaient dans les mœurs, les usages et parfois dans les visages mêmes de ces lieux, n’a pas cessé de parler aux générations qui s’y sont succédé jusqu’à celle d’Abdelhamid Benbadis. Le nouvel ordre s’est installé sur ces ruines et ces vestiges. Il faut imaginer ce que sera le choc de cette génération constantinoise qui a vu la mosquée de Salah Bey devenir la cathédrale de la ville», écrivait Malek Benabi dans un article plein d’humanisme dédié exclusivement à Constantine et à

Benbadis qui a su éveiller les consciences et mobiliser les volontés d’un peuple ayant résisté à l’enfer colonial et à sa politique de la terre brûlée. A regarder de près, cet éclairage, braqué sur sa ville par une des figures emblématiques de la pensée islamique, constitue un argument majeur à même de faire taire une polémique néfaste portée à bout de bras par les annonceurs de calamités. Une réplique où l’essentiel est dit avec une précision chirurgicale : mœurs, usages et visages. En deux mots, toute la problématique événementielle liée au choix de Constantine trouve sa réponse dans ces trois éléments constituant la personnalité de cette cité millénaire.

imus iN et harumet aborepu dipsum quam, optatiosse aLiqui doLorita NuLLeNt aNto cus.aceribus as sequi atiNuLL aborerit miN es simodi destio bea corrum adis pratem iNuLLa

Maqam numéro pilote mars 2015

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Maqam numéro expérimental mars 2015

Constantine Une ville, un mode de vie et une Histoire

M. M.

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www.qasantina2015.org

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C omment faire autrement, que s’incliner devant cet hommage rendu, enfin, à cette cité millénaire, que tout désigne, naturellement, comme temple culturel sacré. Arabe, berbère ou autre, peu importe, dès lors qu’elle ne

ferait que recouvrer une place légitimement gagnée à l’évidence de l’Histoire. Constantine est tout cela à la fois. Une ville en attente de se réapproprier un destin hors du commun, par l’action authentiquement humaine de ses habitants, et par ricochet, celle de ses futurs hôtes.

La réussite de cette manifestation inespérée, dépend, bien entendu, de ses citoyens, et de tous ceux qui l’aiment, dirions-nous. Ceux ayant à cœur de ressusciter le concept séculaire de convivialité, -inhérent à sa mythique citadinité-, son étonnant sens de l’hospitalité, sa générosité sans limites, ses traditions uniques, quelque peu égarées…

La manifestation de 2015 est, à notre sens, juste une conjoncture, un prétexte opportun qui devrait être un enseignement, une magnifique leçon de vie, une gageure qui nous mènerait, enfin, au respect de nous-mêmes. Nous aurons compris que toutes les belles réalisations que nous aurions acquises seraient caduques sans notre implication à long terme.

Faisons tout, alors, pour construire dans la durabilité, pour retrouver ce pôle de rayonnement culturel et touristique que fut jadis, -et longtemps- Cirta. Considérons, aujourd’hui, que ce somptueux présent lui revient comme un droit d’aînesse, un droit royal, mérité, pour sa résistance glorieuse durant des millénaires, sa beauté éternelle, impavide, que rien ne peut ternir, ses innombrables civilisations lui ayant donné son cachet singulier, unique au monde.

Pour une capitale, ç’en est bien une. Une capitale de rois numides, intrépides, ayant contribué à l’histoire antique du monde, inspiré des chefs-d’œuvre poétiques, romanesques, dramaturgiques, plastiques, dont s’enorgueillit non seulement l’Algérie, mais toute la culture universelle.

C’est donc une histoire, un destin, une topographie atypique, un passé fascinant, à réhabiliter et ce, avec l’esprit, le cœur, et, à l’évidence, ce budget providentiel, qui fera comprendre ce que tous les Algériens, et d’autres civilisations, doivent à cette ville bénie. Rappelons, à la gloire de Cirta, cette admirable parole d’un autre de ses enfants prodiges, Malek Haddad : « Les ponts et les rochers ne sont que des prétextes, les signes extérieurs d’une virtuosité qui se plaît à surprendre, le talent d’un génie qui se sait d’autre raison de gloire et de respect ».

a Cirta, a sa Grandeur passée et à Venir

arabesques

Farida Hamadou

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C ’ est avec une indicible émotion et ineffable

fierté, que nous livrons aux lecteurs, dont nous escomptons au passage la mansuétude, ce qu’il est convenu d’appeler le numéro zéro de notre revue, Maqam. Tu auras compris, ami lecteur, cher citoyen, que sans toi, tes encouragements, ta précieuse appréciation, voire ta collaboration, toute action de notre équipe rédactionnelle, dans toutes ses variantes, serait caduque. Cette revue, qui est donc, sans conteste, la tienne, se propose d’accompagner cet évènement grandiose que s’apprête à vivre Constantine, et par ricochet toutes les wilayas de l’Est, en se faisant l’écho de toutes les manifestations socioculturelles qui s’y dérouleront durant toute une année. Notre ambition est d’éveiller l’intérêt et la bienveillance de tous ; à faire, un tant soit peu, oublier l’énorme préjudice et l’effervescence éprouvante – (conjoncture oblige), causés par les chantiers ouverts tous azimuts et autres

travaux de réhabilitation dans la ville.L’aubaine unique, qui s’offre à nous aujourd’hui, est de connaître en long et en large, sous toutes ses facettes, historiques, socioculturelles, géostratégiques… toute la région Est, avec ses grandes figures marquantes, la beauté plurielle de ses innombrables sites, ses us et coutumes…Bref, de vraies visites guidées afin de nous réapproprier notre histoire, notre identité millénaire, et ces « petits riens » qui font notre personnalité algérienne singulière à travers les siècles. Toutes ces choses que nous avons oubliées, dont certains nous ont persuadés de l’inutilité. Maqam ambitionne de montrer tout cela à travers des photos, des récits, des petits reportages, des contributions, des portraits de personnes talentueuses, tous savoir-faire et arts confondus sans distinction aucune… Voilà en substance l’esprit de la mission que se propose Maqam de vous livrer durant toute une année, et plus si affinités, ou encore si le citoyen, séduit par la merveilleuse pluralité de sa région, en redemande.

maqam, L’esprit et La Lettre

Maqam numéro pilote mars 2015

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Farida Hamadou

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la Grande salle de spectacLes

Maquettes de la grande salle de spéctacles

www.qasantina2015.org

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perspectiVes

La grande salle de spéctacles, actuellement

en phase d’achèvement, constitue la réalisation phare de la manifestation «Constantine, capitale de la culture arabe 2015, en raison non seulement de son «profil» architectural imposant, sa capacité d’accueil ou sa « logistique » technologique de pointe, mais surtout pour son impact sur la qualité des spectacles et l’intérêt du public. Doté d’une capacité

de 3000 places et équipé d’un matériel High Tech, le Zénith compte s’installer durablement dans une ville et un environnement en quête de renouveau et de modernité. Au-delà de l’aspect infrastructurel, l’espoir des Constantinois est désormais tourné vers la dynamique spectaculaire que pourrait engendrer une réalisation de cette dimension.

Inauguré en 1987, le palais de la culture Mohamed-Laïd Al Khalifa, en phase de

réhabilitation avancée, occupe une place de choix en plein centre-ville. Sa situation l’autorise amplement à devenir un espace d’expression culturelle multidisciplinaire de première importance. Sa restructura-tion va offrir indéniablement de nouvelles perspectives architecturales à une ville qui en avait grandement besoin.

mohamed-Laïd Al KhAlifA

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Photos Lamine Hamida

Le wali de Constantine

Maqam numéro expérimental mars 2015

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le thÉÂtre

hociNe ouadahreleVer le dÉfi

Ilhem Tir

La manifestation « Constantine, cap-itale de la culture arabe 2015 » con-

stituera-t-elle le signe annonciateur d’une « renaissance » culturelle rêvée par des générations de Constantinois ? Nous y croyons et nous nous y employons afin que cette « renaissance » ait lieu dans le cœur des Constantinois et à l’intérieur de ces monuments construits durant l’épo-que coloniale, mais que les Algériens se sont réappropriés légitimement dans le sillage d’une indépendance arrachée de haute lutte. Parmi ces monuments, le théâtre de Constantine figure aux premières loges. Ce lieu mythique dont le nom se confond avec celui de la troupe qui a enfanté les mémorables pièces « Nass El Houma », « Rih Samsar » et «Hada y’jib hada », s’apprête à renaître de ses cendre à la lumière d’une mani-festation culturelle porteuse d’espoir.

Hocine Ouadah est le vingt-troisième wali, depuis l’Indépendance, à parcourir les

ponts de Constantine en tant que premier re-sponsable de cette wilaya qui a été dirigée, entre 1962 et 2013, par d’illustres personnal-ités ayant marqué de leur empreinte un des hauts lieux de la civilisation, de la culture et de la résistance intellectuelle et populaire. On peut citer, entre autres, M’hamed Hadj-Yala, Djelloul Khatib, Chaâbane Aït-Abderrahim, Abdelhamid Sidi-Saïd, Abdelhamid Bra-himi, El Hachemi Djiar, Brahim Djeffal, Mo-hamed-Nadir Hamimid, Abdelmalek Boudiaf et Nouredine Bedoui. A peine installé dans ses fonctions, il a vite saisi l’importance capi-tale de l’événement Constantine, capitale de la culture arabe 2015, ainsi que les enjeux in-duits par l’organisation d’une telle manifesta-tion. Bien imprégné de cette réalité, il n’a pas tardé à ouvrir des canaux de communication en direction des cadres de l’exécutif, des intel-lectuels et de la société civile, afin de recueillir les propositions de chacun dans la transpar-ence la plus totale. Car, pour lui comme pour la majorité des responsables impliqués directe-ment dans la préparation de la manifestation, « Constantine, capitale de la culture arabe 2015 est sans conteste un événement culturel ma-jeur et une opportunité de premier plan que la ville des Ponts est appelée à saisir afin de con-tribuer à consolider les ponts de la concorde entre les différents pays arabes dont certains sont en train de traverser de graves crises, ain-si qu’avec les autres nations qui ont exprimé le souhait de contribuer d’une manière ou d’une autre à la réussite de cet événement». Une réussite qui, selon Hocine Ouadah, va dépendre dans une grande mesure du degré d’implication de la société civile ainsi que de l’ensemble des sensibilités culturelles de la région. En optant pour une telle attitude, le wali de Constantine s’inscrit en droite ligne dans une perspective intellectuelle évidente, et démontre à travers son raisonnement qu’il a réellement pris la mesure des nuances et des tendances constantinoises.

M. M.

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مرحبا بكمفي قسنطينة

االفتتاح الشعبي و الرسمييومي 15 و 16 افريل

عاصمة للثقافة العربية 2015

WelComeConSTAnTinE CAPiTAl of

ArABiC CulTurE 2015

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une PrésenCe et uN impactnée à une époque où les divisions idéologiques étaient à leur paroxysme, l’organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences (AlESCo) est venue répondre à une préoccupation majeure partagée par des dizaines de millions de personnes, de nouakchott à Amman en passant par Tunis, Alger et Damas : dépasser les clivages politiques et dissiper les divergences existantes entre des peuples censés détenir plus d’arguments fédérateurs que des motifs de division.

Par Ikram Ghioua

www.qasantina2015.org

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confluences

orGanisation araBe pour L’éduCation, La CuLture et Les sCienCes (aLesCo)

Siège du Commissariatchargé de l’organisation de la manifestation Constantine capitale de la culture arabe 2015

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L ’ organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences (ALESCO) a été

créée dans le but de reconstruire ce que la politique a ruiné, en faisant appel à l’ensemble des projets rassembleurs, et en essayant de réunir les conditions idéales à un renouveau arabe débarrassé des lourdeurs doctrinales héritées des guerres de libération et des choix de gouvernance postindépendance. Après plus de quarante ans d’existence, a-t-elle réussi à s’imposer comme une référence académique incontournable ? Si l’on tient compte des obstacles et des contraintes de tout ordre que cette organisation liée « corporellement » à la Ligue arabe a rencontrés, la réponse ne pourrait être que oui.

Depuis sa création officielle, le 25 juillet 1970, l’Alesco a pu mettre en œuvre une batterie d’actions, permettant aux académiciens et aux intellectuels arabes de faire entendre leur voix, et de sortir des sentiers battus par des années d’immobilisme et de régression. Elle a initié un ambitieux et riche programme visant à promouvoir l’éducation, la culture et la recherche scientifique dans un cadre concerté. Le travail effectué par ses différentes structures, particulièrement lors des 20 dernières années, offre un motif réel de satisfaction, au vu des énormes progrès réalisés dans les domaines de l’amélioration des contenus éducatifs, la traduction, la préservation des archives et l’ouverture des canaux pour un dialogue fructueux entre la culture arabe et les autres cultures.

Subissant les effets néfastes des crises cycliques secouant de nombreux pays

arabes, l’Alesco a cependant fait preuve d’une résistance remarquable en se dégageant des faux débats et des conflits qui ont paralysé la Ligue arabe. Malgré les débâcles arabes, elle a réussi à garder la tête hors des eaux nauséabondes des « fitna » religieuses et linguistiques. Tout en s’engageant à consolider la position de la culture et la langue arabe, elle n’a ménagé aucun effort pour défendre la diversité et les particularismes culturels arabes. Elue capitale de la culture arabe 2015, Constantine représente à cet effet le cadre idéal et le profil matériel et immatériel adéquat autorisant l’Alesco à persévérer dans son esprit d’ouverture. Ville d’histoire par excellence, la capitale de l’Est algérien se prête parfaitement à un échange culturel de ce genre et de cette dimension. L’opportunité d’être « exposée » aux yeux des autres ne lui fait pas peur. Elle dira ses douleurs ; montrera ses cicatrices et parlera de son espoir en arabe sans le moindre complexe. La ville des Ponts jouera à cette occasion le rôle de communion, en invitant chez elle Alep, Tripoli, Damas, Jérusalem, Mogadiscio, Fès, Ghaza, Tunis et Bagdad. Elle saura leur exprimer sa solidarité. Elle saura leur offrir ce qu’aucune ville au monde ne leur a jamais offert : Elle sera à la fois Alep, Tripoli, Damas, Jérusalem, Mogadiscio, Fès, Ghaza, Tunis et Bagdad, sans perdre son caractère original, ni son cachet authentique.

Par ces temps de conflits meurtriers, Constantine, capitale de la culture arabe 2015 constituera peut-être une opportunité pour l’Alesco de procéder à un diagnostic profond et sérieux de l’état du patrimoine matériel et de sa sauvegarde

I. G.

Maqam numéro pilote mars 2015

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réuni à Alger en novembre 1988, une année après le déclenchement de la première intifada, le CnP proclame la création d’un Etat palestinien avec Jérusalem comme capitale. Aujourd’hui, vingt-cinq ans nous séparent de cet événement historique abrité par une Algérie encore sous le choc du « séisme » d’octobre 1988, mais qui est demeurée irréductible dans son soutien indéfectible à la cause palestinienne.

Par Ikram Ghioua

A ujourd’hui, plus de trois millions de Palestiniens éparpillés entre la Cisjordanie et Gaza, en plus de

six millions composant la diaspora dont cinq millions sont considérés comme des réfugiés, interpellent encore la conscience du monde et la solidarité arabe dans un contexte dominé par le bruit des bombes et les images d’atrocités sans nom.

Le Soudan a été délesté de sa partie sud. La Somalie éprouve les pires difficultés à se « ramasser ». La Libye est menacée d’éclatement. L’Irak est en train de subir les contrecoups de l’invasion américaine. La Syrie fait face à une guerre multinationale

www.qasantina2015.org

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conVergences

La pLume Plus forte Que le fusil

paLestine mon pays

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qui ne dit pas son nom. Le Yémen est traversé par des conflits dont les enjeux le dépassent. Et la Palestine, cette douleur lancinante qui habite dans nos cœurs, appelle toujours les consciences d’un monde pris en otage par les oligarchies financières et les marchands d’armes. Parler de culture arabe dans un contexte pareil semble surréaliste. Vue à travers cette situation problématique, la question culturelle apparaît comme une question subsidiaire et une préoccupation accessoire que nous sommes tenus de reléguer au bas de nos soucis quotidiens. Mais soumise à un regard averti, tenant compte des expériences humaines depuis que l’homme s’est « épris » de cette idée du pouvoir et de la puissance, cette réalité mouvementée et tragique nous livre, si nous prenons la peine de l’interpeller intelligemment, toutes les clés de lecture grâce auxquelles nous serons en mesure de saisir la portée de la dimension intellectuelle et culturelle qui a permis à des peuples de résister aux pires calamités. Les intellectuels, femmes et hommes, ont toujours pris part à tous les combats libérateurs pour ne pas dire qu’ils ont été souvent les précurseurs et les contributeurs directs à la prise de conscience populaire.

le verbe qui fait peurL’exemple de l’Algérien Hamdane Khodja est assez révélateur de cet état d’esprit qui a toujours animé les penseurs, les artistes et les troubadours dénonciateurs de toutes les injustices. Son livre intitulé Le miroir, est considéré comme une véritable insurrection contre l’occupation. L’itinéraire de Mohamed Boudia, révolutionnaire algérien et homme de théâtre assassiné le 28 juin 1973 à Paris démontre de façon dramatique le sort réservé à cette élite par les ennemis de la liberté. Mohamed Boudia était engagé corps et âme dans la lutte du peuple palestinien au même titre que Mahmoud Hamchari, le représentant de l’Organisation de libération de la Palestine, tué lui aussi par le Mossad, le 8 décembre 1972 à Paris. Un simple survol de la presse de cette époque peut nous édifier

sur la similitude entre les deux attentats et de la main qui les a actionnés. Durant la même année, mais cette fois-ci à Beyrouth, Ghassane Kanafani, journaliste et écrivain engagé, est assassiné avec sa nièce dans un attentat à la voiture piégée.

On peut évoquer aussi le martyre de Naji Al Ali, le premier caricaturiste assassiné pour ses dessins. Auteur de plus de 40 000 dessins dont le thème est centré sur la lutte et la résistance contre toutes les formes de spoliation et d’injustice, Naji Al Ali est assassiné le 22 juillet 1987 à Londres, quatre mois avant le déclenchement de la première Intifada. La Palestine et la lutte du peuple palestinien pour arracher ses droits spoliés ont donc été porteuses d’une culture riche et plurielle exprimée par des auteurs au génie sublime, dont les incontournables Mahmoud Darwich et Samih Al Qassim. Une culture enracinée dans « cette terre des messages divins révélés à l’humanité, la Palestine, pays natal du peuple arabe palestinien ». Les peuples arabes et les Algériens en particulier, se souviennent encore du discours prononcé par Yasser Arafat le 15 novembre 1988 à Alger. Les propos qui sortaient de la bouche d’Abou Amar dessinant un feu d’artifice résonnent toujours avec le même éclat. « C’est là qu’a grandi le peuple palestinien, qu’il s’est développé et qu’il s’est épanoui. Son existence nationale et humaine s’y est affirmée dans une relation organique ininterrompue et inaltérée entre le peuple, sa terre et son histoire », s’était-il exclamé lors d’une journée mémorable qui a eu pour théâtre le Palais des Congrès à Club des Pins. Cette terre de laquelle sont spoliés des millions de Palestiniens livrés à la politique d’extermination menée par un Etat guerrier et usurpateur, dénoncé même par des juifs, continue aujourd’hui d’exprimer la détermination d’un peuple qui refuse de se dissoudre à l’intérieur d’une entité « virale » par excellence, en présentant au monde une des plus belles productions culturelles à inscrire au patrimoine de l’humanité. Appelée à accueillir cet immense patrimoine culturel palestinien, Constantine s’accorde, en toute légitimité, le privilège d’offrir ainsi à la Palestine une place de choix et un statut approprié en signe de reconnaissance au verbe palestinien et à la volonté qui l’a sublimé

I. G.

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Être maQdissi

Etre maqdissi, c’est vivre un autre conflit, au cœur d’un conflit plus grand, celui de la cause palestinienne.

Par Saïd Ammouri / Al Qods

A l Qods, c’est cette ville antique, gorgée d’Histoire, où l’on raconte l’amour de ses habitants originels,

les Cananéens, pour cette terre qui regorge de civilisations et d’authenticité.Les édifices mêmes d’Al Qods disent : « Nous ne céderons pas aux intimidations; nous tâcherons de ne pas brader notre peau, quoi qu’ils fassent à nos pierres. Ils tenteront de les défigurer en y plantant des étoiles de David et des drapeaux éphémères, mais nous resterons arabes! »Être maqdissi, c’est être inévitablement soldat dans une lutte de survie et de conscience, qui a pour enjeu l’eau, l’électricité, l’éducation, le logement… une lutte pour l’Histoire, l’identité. On veut te chasser du royaume de tes ancêtres et déraciner ton corps pétri dans cette terre sacrée!Les forces d’occupation israéliennes sionistes ne cessent de détourner une Histoire millénaire, pour y ériger, à partir du néant, une autre civilisation. Les Sionistes s’approprient systématiquement, à Al Qods, des vestiges cananéens qui se trouvent depuis la nuit des temps sur l’ensemble du territoire de la Palestine, pour les abriter dans deux musées de la ville. Ces musées sont devenus les réceptacles de vestiges dont certains remontent à un million et demi d’années.En effectuant un tour dans l’un de ces lieux, qu’ils appellent « Musée d’Israël », l’on a l’impression d’être dans un entrepôt de recel de voleurs.

Quelle tristesse de voir des reliques appartenant aux Arabes et aux musulmans, comme momifiées dans une sépulture sioniste. Oui, c’est un véritable pogrom qui dépasse le viol d’une terre. Les Sionistes veulent transformer l’édifice historique du Conseil islamique, qui se trouve au cœur même de la ville, en un gigantesque hôtel, en avançant l’argument fallacieux de la promotion du tourisme. L’immeuble de « La poste de Palestine » est devenu « La poste d’Israël». Beaucoup d’autres édifices pleurent leur transformation, leur « judaïsation », sans aucun égard pour leurs propriétaires originels, sans respect pour une Histoire millénaire.Être maqdissi, c’est vivre un autre conflit, au cœur d’un conflit plus grand, celui de la cause palestinienne. Il faut savoir que les habitants d’Al Qods, dans leur majorité, ne jouissent d’aucune nationalité, et encore moins de passeport. Ils n’ont qu’une « carte de séjour provisoire », susceptible d’être confisquée à tout moment et sous n’importe quel prétexte. Le Palestinien se retrouve donc interdit de résidence dans sa propre ville, et il ne peut s’en approcher que derrière un mur.Ceci n’est qu’un aperçu général de ce qu’endurent les Palestiniens. Ils vivent dans la terreur d’être chassés de leur terre. Mais ils résistent, unis et solidaires. Leur voix est porteuse, ne cessant de clamer : « La guerre est incontournable, et nous sommes là, aussi longtemps que demeureront enracinés dans cette terre, les figuiers et les oliviers. »

S. A.

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ici al qoDs

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Journée mondiaLe de La femme

Voix résilientes, luttes pluri-elles

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21Photo Walid Hamida

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La femme qui Vaut son pesant de poudre

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épitaphe

une nouBa aLGérienne

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les oraisons funèbres peuvent être sincères. notre propos n’est pas de porter des jugements de valeur sur un acte circonstanciel accompli dans le deuil et le recueillement, mais d’en tirer, loin de toute idée de récupération, les traits essentiels d’une vie et d’un parcours inscrits au registre des évocations posthumes.

M aintenant que les larmes versées par les pleureuses occasionnelles qui

s’étaient invitées outrancièrement dans l’espace nécrologique d’Assia Djebbar, l’immense romancière décédée le 6 févri-er dernier, se sont assechées, nous nous permettons sans aucune prétention de cit-er un nom et un prénom qu’une « femme sans sépulture » a réussi à introduire dans le patrimoine culturel universel. Pour nous, aussi bien que pour ses milliers d’admira-teurs, Assia Djebbar n’est pas morte au sens moral, et c’est, que les choses soient claires, un argument suffisant pour que l’on continue à parler d’elle au présent. Son implication directe et son engage-ment dans la lutte de libération nationale constituent un motif majeur qui nous auto-rise à évoquer le combat de cette grande dame de la littérature algérienne dans la continuité de son œuvre. C’est un choix fondamental pour lequel nous avons opté, et nous l’assumons en toute transparence, aujourd’hui, demain et au-delà de nos jours éphémères qui s’égrènent au fil des temps. Première Algérienne et première femme musulmane à intégrer l’Ecole nor-male de Sèvres en France, elle n’hésite pas à tout sacrifier pour répondre à l’appel de grève générale lancé le 19 mai 1956 par l’Union générale des étudiants musul-mans algériens. Elle est aussi la première Maghrébine à voir son nom orner le fron-

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ton de l’Académie française, en dépit de l’opposition épidermique de certains « académiciens » aux convictions profondé-ment envasées dans un racisme primaire qui porte encore un grave préjudice à cette institution. Pour toutes ces raisons et d’au-tres, trop nombreuses pour que l’on puisse les énumérer, nous ne pouvons que nous incliner à la mémoire de cette dame dont l’œuvre est « une source dans laquelle puisent les générations avides de savoir pour s’abreuver de ses hautes valeurs de paix, d’amour et de coexistence », comme l’a souligné le président de la Ré-publique dans sa lettre de condoléances adressée à la famille de la défunte. « Celle qui effleura avec sa plume, le summum de l’art et de la littérature auxquels elle a rendu gracieusement leurs lettres de noblesse », a rallumé la flamme de notre enthousiasme et réveillé nos rêves englou-tis sous les décombres des « années sans pardon » ; ces années durant lesquelles l’Algérie faillit perdre la raison. Aujourd’hui, et malgré la douleur lancinante provoquée par son départ, elle est vivante plus que jamais dans nos esprits, et à travers ses œuvres précieuses dédiées au combat des femmes et aux appartenances multi-ples qui nous lient à cette terre algérienne sacrée et sacralisée.

« J’écris, comme tant d’autres femmes écrivains algériennes avec un sentiment d’urgence, contre la régression et la misogynie »

Mohamed Mebarki

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uNe diva au Cœur d’orQuelqu’un disait que la musique est la parole la plus profonde de l’âme. une parole si profonde, qu’elle en devient une voie toute tracée, un destin auquel on ne peut se soustraire.

Par Farida Hamadou

Z ’hor Fergani, par son amour éperdu de l’art de la nouba, a su transcender tous les interdits liés

aux libertés des femmes de son époque, d’autant plus qu’elle naquit dans une famille de mélomanes confirmés. Peut-on être autre chose quand on est la fille de Hamou Fergani et sœur de l’immense ténor Mohamed-Tahar Fergani ? Comment aurait-elle pu faire autrement que d’être ce qu’elle fut, c’est-à-dire cette artiste qui animait toutes les réjouissances familiales, les fiançailles, les mariages et les circoncisions ! Elle avait appris tout ce patrimoine qu’elle tenait de sa mère, Akila Stambouli, et de son père, El Hadj Hamou : el medh, ezadjel, el mahdjouz. « Les Fergani ont tous un tempérament artistique, la nouba coule dans leur sang depuis toujours ; ils animent leurs propres fêtes familiales et même des concerts chez eux, juste pour le plaisir », nous confiait le gendre de la diva, Slimane Gasmi.

Dans un premier temps, elle se produit dans les cercles intimes. Puis, forte de tout ce patrimoine qui se déversait sur elle tel une ondée printanière, elle crée le premier orchestre féminin « El Benoutet » (littéralement les fillettes), avec violons et bendir, et en parallèle, la troupe des F’kiret, qui interprétaient des chants mystiques à la gloire du Prophète. Des chants qui

faisaient trembler les cœurs d’allégresse et suscitaient la transe des adeptes de la « Nechra », ces femmes qu’on appelait poétiquement « les porteuses de roses ». Celles-ci organisaient des processions votives au mausolée d’un autre saint-patron de la ville, Sidi M’hamed Loghrab. Le rituel se pratiquait par la danse et les invocations des saints, dont la symbolique est la purification de l’âme et du corps. Néanmoins, cette tradition qui était partie intégrante du patrimoine immatériel constantinois, sera jugée hérétique par ceux qui s’étaient autoproclamés garants de l’islam ; elle sera interdite dès les années 1990.

une notoriété nationaleTrès rapidement, ces deux troupes deviennent incontournables. « Avoir Z’hor et son orchestre était un sujet de fierté pour les citadines qui se targuaient d’être issue des familles raffinées, constantinoises de pure souche », se souviennent encore, non un certain chauvinisme naïf, quelques citadines. Bien entendu, on aimait la voix de Z’hor, -un mezzo soprano- mais aussi son élégance mythique, sa m’leya couleur de ciel de velours pur par une belle nuit d’été, ses gandouras aussi diverses que rutilantes, ses coiffes serties de louis d’or, ses bijoux que les autres femmes

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hommage

Z’hor ferGani

Photos offertes par M. Slimane Gasmi

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copiaient… Conseillée par son amie de toujours, la moudjahida Fatima-Zohra Saâdaoui, dite El Hadja Tata, Z’hor se produit, pour la première fois, hors de la sphère familiale et en assemblée mixte. « Je l’ai sollicitée, nous racontait El Hadja Tata, pour divertir les enfants de chouhada, dans les centres. Elle a hésité, surtout qu’elle ne s’était jamais encore produite devant une assemblée mixte ».Sa carrière s’amorce. Elle sera la cantatrice du malouf dans les genres du mahdjouz et du zedjel. Elle jouait du violon en virtuose, sans avoir jamais appris une panse d’a, et encore moins le solfège. El Hadja Tata plaidera sa cause auprès de son grand frère, Abdelkrim, pour qu’il consente à ce que sa sœur chante devant un large public. «J’ai obtenu de son frère Abdelkrim qu’elle sorte du carcan familial et des fêtes exclusivement féminines, et c’est ainsi qu’elle a animé des concerts au profit des enfants de chouhada en 1964 et au théâtre municipal de Sétif, pour ensuite se produire à Alger, devant un grand public, à titre officiel», nous a-t-elle raconté. D’ailleurs, bonne parolière elle-même, pratiquant la poésie populaire (chiîr el malhoun), Hadja Tata écrira des textes qu’interprètera son amie, avant de la faire enregistrer, en 1972, à Paris, chez Pathé Marconi, six microsillons 45 tours, ses chansons « Sidi Abderrahmane », « Sidi Mhamed », « Sidi Rached », « Khellouni », « Kemla wa touila », etc.

une générosité légendaireSlimane Gasmi, le gendre dévoué de la cantatrice à laquelle il voue une admiration éperdue, nous révèle encore des faits importants de ce parcours exceptionnel par rapport à l’époque, comme sa participation au Festival national du folklore en 1966, au 1er Festival de la musique andalouse en 1967, et à la Semaine culturelle de Constantine… Elle se rend au Liban où elle fait la connaissance de Halim Erroumi (père de la diva Majda Erroumi) ; elle effectue également le pèlerinage aux Lieux Saints en compagnie de son frère Mohamed-Tahar, avec qui elle ira, en 1967, à Jérusalem.Tous ceux qui ont côtoyé Z’hor Fergani sont unanimes à propos de sa générosité légendaire, sa disponibilité, sa gentillesse et sa sensibilité. Elle animait volontiers à titre gracieux les fêtes familiales des démunis. Son neveu, Salim Fergani, se souvient d’elle avec émotion et tendresse : « Sa maison était ouverte à tous ceux qu’elle aimait, elle donnait tout ce qu’elle avait, même durant les moments difficiles où elle ne gagnait presque plus rien.»Z’hor, dont le prénom est un jardin, Z’hor au tempérament heureux, s’éclipsa subitement de ce monde-ci, terrassée par une crise cardiaque, à l’âge de 67 ans. Elle se trouvait au cœur d’une fête familiale.

F. H.

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Z’hor Fergani (au milieu) lors d’une fête familiale.

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Le saLut des PlanCHes Chahinez naghoueche est une comédienne et metteur en scène au TrC. Elle est passionnée par la scène, ce qui a motivé notre démarche par rapport au choix du métier, souvent boudé par la gent féminine en Algérie, à cause du regard malveillant que notre société porte sur les femmes de théâtre.

Par Ranida-Yasmine Meraz

Pouvez-vous nous expliquer comment vous est venue cette passion ?

Je suis diplômée de l’école supérieure des Beaux-arts. Durant mes études, j’avais opté pour une spécialité en décor et scénographie ; je me suis également intéressée aux costumes de scène. J’ai aussi pratiqué les arts plastiques. Mais en parallèle, je n’ai pas cessé de m’intéress-er au théâtre. Après la fin de mes études en 2005, j’ai commencé à travailler com-me comédienne au TRC, tout en faisant mon travail de décoratrice-scénographe avec des associations telles que Maraya Culture et Masrah Ellil, entre autres. Et ce n’est qu’en 2012 que j’ai effectué ma première mise en scène.

C’était quoi le déclic ?

C’est peut-être dû à mon caractère. J’ai un esprit entreprenant. D’ailleurs, au début de mon parcours de comédienne j’étais celle qui osait proposer des changements ou des modifications, apporter des idées nouvelles… Même mon entourage a re-marqué mon côté « innovateur ». J’ai suivi plusieurs formations, plus particulièrement les ateliers organisés au niveau du théâtre d’Alger où nous avons été encadrés par des formateurs de diverses nationalités.

Quelles sont vos réalisations sur le terrain ? J’ai réalisé deux pièces pour enfants et une autre pour adultes «Khalf al Aboueb ». J’ai également réalisé un monodrame en 2013, qui a été interprété par la comé-dienne Mouni Bouâlem. Mais Khalf al Aboueb reste la plus réussie, au vu du nombre de prix et de récompenses que nous avons eus. Entre autres, le prix de la meilleure représentation au festival na-tional du théâtre amateur à Mostaganem, meilleure interprétation féminine au festival du théâtre amateur de Skikda… et nous al-lons nous produire en avril au Maroc.

rencontrez-vous des obstacles en tant que réalisatrice ?

Il y a de la marginalisation, je dirais même que les femmes metteurs en scène en Algérie ne sont pas les bienvenues. Le chemin est encore long pour s’imposer en tant que femme dans la réalisation. Les responsables dans le domaine ont l’impression de prendre un risque en engageant des femmes. C’est grâce aux coopératives que j’ai pu faire mes preuves

R.-Y. M.

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expressions

ChahineZ naGhoueCh, Comédienne et metteur en sCene au trC

A droite Chahinez Neghoueche,à gauche Mouni Bouâlem.

Une autre consécration pour Chahinez Neghoueche : sa pièce « Les femmes de la ville », une adaptation de « Les joyeuses commères de Windsor » de Shakspeare, a décroché le premier prix de la meilleure mise en scène et de la meilleure conception des costumes au festival national du théâtre féminin de Annaba (du 5 au 12 mars courant).

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Lutter coNtre Les disCriminations En décembre 2013, un groupe de professionnelles de la presse crée l’association des femmes journalistes de Constantine (AJC). l’évènement est une première au niveau national et maghrébin. l’association, nommée également « Sada El i’alamiyate » (littéralement écho des journalistes femmes), est présidée par ilhem Tir, chef de bureau du quotidien « le Temps d’Algérie ». l’AJC se fixe pour objectifs l’encadrement et la formation professionnelle continue des journalistes.

S es adhérentes ambitionnent de constituer une force de proposition

incontournable sur la scène médiatique, à plus forte raison que l’élément féminin est de plus en plus présent dans ce métier. L’on compte aujourd’hui plus de 65% de femmes travaillant dans ce secteur. Parmi les raisons ayant poussé à la création d’une association féminine, la discrimination existant entre les deux sexes, entre autres au niveau des postes de responsabilité, du choix des sujets à traiter, des disparités de salaires, etc.

Il ressort clairement que la situation des femmes est précaire, comparativement aux hommes, qui, à notre sens, jouissent de plus de considération que leurs consœurs, en dépit du fait que celles-ci sont souvent plus qualifiées en termes de compétence et de diplôme. Et cette précarité se ressent encore plus dans le secteur privé. Suite à ce constat, il a donc été impératif de fonder une association pour défendre les droits des femmes journalistes. Depuis sa création, l’AJC a lancé 4 actions au profit de la corporation locale (hommes et femmes).

Une première formation en lexique juridique a eu lieu au mois de février 2014, chapeautée par un magistrat. Rappelons

au passage que cette initiative a connu un franc succès, en témoigne le nombre d’inscriptions. D’ailleurs, à ce titre, une deuxième session est planifiée. Un deuxième atelier de formation économique s’est déroulé au mois de décembre 2014, un séminaire sur la communication institutionnelle a été organisé le 29 mai de la même année, avec la participation de plusieurs institutions comme la Gendarmerie nationale, la DGSN, le ministère de la Communication et d’autres, et un deuxième séminaire a été programmé à l’occasion de la Journée nationale de la presse pour débattre des conditions socioprofessionnelles des journalistes.

Des cadres des ministères de la Communication, du Travail et de la sécurité sociale, d’universitaires, de journalistes, d’éditeurs et de juristes ont participé à cette rencontre, où il a été débattu de la situation qui prévaut actuellement. Outre les différentes communications institutionnelles qui ont été livrées dans le but de faciliter le contact entre les gens de la presse et les différents secteurs sollicités pour l’information, il a été préconisé de nouvelles mesures visant l’amélioration des conditions socioprofessionnelles des journalistes

H . T.

Par Hafiza T.

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attituDes citoYennes

JournaLisme au féminin

L’élément féminin est de plus en plus

présent dans ce métier.

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toute uNe vie Pour l’art Mimia lichani fait partie de cette petite minorité de femmes algériennes qui ont répondu à l’appel ardent de l’art, qu’elles portent en elles comme un enfant prodige. Transcendant, à son corps défendant, un contexte social particulièrement dur et intolérant envers les femmes, -surtout celles qui « se prétendent » artistes-, elle poursuit, inlassablement, ce travail d’extraction pénible et non moins source de pure grâce, de pans entiers de cet univers enchanteur qu’elle recèle au plus profond d’elle-même, tel cet oiseau héraldique qui nourrit ses petits de ses propres entrailles.

Par Farida Hamadou

Sa galerie improvisée, réalisée au prix d’in-effables sacrifices, évoque plutôt un tem-ple, dont elle serait la vestale incontestée. Dès le seuil, une étrange émotion vous étreint le cœur. Vous êtes de plain-pied sur une terra nova, une planète magique, étonnante, profuse par l’infini scintillement polychromique, comme autant de constel-lations. Un assaut décidé, de jaune de xan-thie, de cérulé, d’indigo, ton sur ton chiné, rouge de porphyre, rose indien, fuchsia, saumon…une avalanche de coloris, que seule l’artiste invente au gré de sa créativ-ité délirante.

Les sujets ? Des femmes gravides, des silhouettes féminines, des effigies énig-matiques de sphinge, des regards de devi-neresse, ou de prêtresse, des espaces édéniques, des mains en mouvement, des pieds ailés, des végétaux, des animaux, des ciels incandescents, le tout sorti tout droit d’un monde onirique. Son matériau ?

La peinture à l’huile, l’acrylique, l’aquarelle, le tissu drapé et peint en chiné, et dernière-ment, la peinture numérique. Sans compt-er la récupération de vieux objets, dont elle fait des merveilles : des chaussures, des boîtes, des bouts de bois, du verre…Bref, ça rappelle Picasso, qui affirmait n’avoir ja-mais jeté quoi que ce soit.

on se déchausse, comme dans un templePas un petit bout de mur ne reste dis-ponible. L’on ne peut compter. Mais, de prime abord, votre intuition vous mur-mure qu’il existe un millier (au moins) de tableaux accrochés, et d’autres sur le sol, côtoyant coussins chamarrés, petits objets insolites fabriqués à partir d’os, de tissu, de coquillages, de bouts de quelque chose…Mimia fait feu de tout bois, ce que lui offre la nature la fascine, l’enchante, la plonge dans des états jubilatoires.

Nous marchons pieds nus, découvrant crescendo tout un mythe pictural. Pim-pante, un petit béret crânement juché sur sa tête, l’artiste nous explique de sa petite voix d’éternelle enfant : « Je ne suis pas très communicative avec les gens, mais mes toiles je leur parle, et elles me par-lent. Il m’arrive d’abandonner une toile à mi-chemin, non pas parce que je ne l’aime plus, mais parce qu’elle me dit de la laisser mûrir encore…Il arrive que je termine une autre fébrilement et rapide-ment, comme si j’étais en état de transe.

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Valeurs

Et toujours cette quête de couleurs...

mimia LiChani, artiste-peintre

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» Mimia nous avoue qu’elle est fascinée par les couleurs depuis toute petite : « Mes parents, quoique illettrés, avaient un pro-fond respect pour mon art. Mon père était brocanteur. Ma mère me dispensait de toutes les corvées ménagères, en justifi-ant à sa manière, à mes sœurs, la néces-sité de parfaire ce don de Dieu. » Quelle gratitude envers toute cette famille qui a eu la grandeur d’âme de l’encourager dans la pratique de son art, -ce qui n’est pas chose évidente chez nous! Ecorchée jusqu’à l’os, Mimia ! Oui, ses larmes coulent. Elle se remémore un frère et cinq amis suicidés, ses parents disparus, une sœur emportée par la maladie : « Etrangement, la dou-leur suscite en moi une furieuse envie de peindre, au point où quelques personnes s’en offensent, allant jusqu’à dire que je suis insensible… Pour eux, peindre c’est comme faire la fête au détriment du deuil. Ah, s’ils savaient que c’est ma façon de rendre hommage à mes morts, d’embellir leur mort !»

Et toujours cette quête de couleurs, gey-sers accomplis, dans une ambiance de solennité, induite par une esthétique quasi mystique. « Le temps et les moyens me manquent devant cette envie irrésistible d’accomplir encore et encore ; je me sens frustrée face à toutes ces choses qui se

bousculent à l’intérieur de moi, pour jaillir, voir le jour… » soupire-t-elle. Ses tableaux sont révélateurs d’états d’âme profonds, de lyrisme nostalgique, de sensibilité à fleur de cœur… Elle aime les grands maîtres, chacun pour un détail, ou une caractéristique bien définie. Elle aime « la sobriété lumineuse, les intimités bien rendues », d’un Joseph Werne, « le monde chaleureux », d’un Rembrandt, ou d’un Delacroix… et les modernes, bien en-tendu. Car pour elle, l’art est en perpétuel mouvement. Mais son propre parcours est là, et sa touche, bien à elle, qu’elle refuse d’enfermer dans un quelconque classe-ment. Pour Mimia, les objets ont une âme. Elle aime les choses empreintes de la pa-tine du temps, les espaces qui racontent le vécu fécond… l’art chez elle est profondé-ment humaniste.

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l’art numérique, une découverte passionnanteQuelques années auparavant, Mimia Li-chani découvrit le pinceau virtuel. Et là, c’est le déclic. Elle en joue, essaie des techniques, travaille sur des photos, mêle peinture et photographie, et intervient sur ce que l’on appelle le média-mixte. Elle ex-ulte, comme un enfant face à un nouveau jouet. Des œuvres dans cette lignée voient le jour à une cadence vertigineuse.

Cette prolificité, cette envie irrépressible de se fouiller, lui rappelle une boutade de sa défunte mère, qui lui disait : « Si l’es-pace te manque, voici mon dos, peins dessus ! » Quoi de plus merveilleux que de rendre complices les autres de nos lubies, en pensant à un certain poète qui s’écriait :

«c’est quoi le bonheur ? c’est quand on vous comprend ! »

F. H.

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eLLe ouVre sa GaLerie d’art priVée

Mimia Lichani a ouvert pour la première fois, en 1993, sa propre galerie d’art dans un petit appartement, à Tébessa, avant de la délocaliser, en 2007, à El Khroub, dans un appartement sis dans un quartier populaire. En dépit des obstacles qu’elle a rencontrés, et le manque de moyens matériels, elle a pu réaliser son rêve, celui d’abriter le nombre incalculable de tableaux (plus d’un millier), qu’elle a peints sur une longue période, soit depuis sa prime jeunesse, dans un espace qui leur sera entièrement consacré. Elle en a fait un vrai musée d’art, où elle a mis son vécu et toutes ses émotions. D’autre part, il faut rappeler qu’elle est diplômée de l’école nationale des Beaux-arts Constantine/ Alger. Elle a exposé ses œuvres en Algérie et à l’étranger (à Paris-France en 1978, à Sofia-Bulgarie en 1980, au Prague-Tchécoslovaquie en 1980). Elle a également participé à des expositions solos et collectives, un peu partout sur le territoire national depuis 1977. Elle a eu le premier prix de peinture à Tébessa en 1994, et le deuxième prix de peinture à l’occasion de la journée de l’artiste toujours à Tébessa en 2007.

Hafiza T.

Le pinceau virtuel de l’artiste en action.

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Djamel Belkadi

Voilà, chers amis lecteurs, au terme de ce premier coup d’essai, nous espérons avoir réussi à vous donner un avant-goût de ce que sera l’aventure Maqam.

Une aventure qui, avec votre soutien, vos apports et vos contributions, nous permettra à tous de saisir l’éclat de ces pierres précieuses, qui, en s’assemblant, constitueront le joyau le plus pur de notre identité culturelle fondamentale.Et ses éclats lumineux plaident pour que la culture soit quelque chose pour tous. Ne faudrait-il pas, avant tout, qu’elle cesse d’être tout pour quelques-uns seulement ?

C’est ce à quoi nous nous attèlerons ! Dès le départ, forts de nos convictions, nous avons fait en sorte que cette revue ait cet impératif de compter sur la contribution effective des journalistes de Constantine.Une appropriation légitime d’un espace d’expression promotionnel d’une manifestation dont nous revendiquons le fait qu’elle concerne notre ville.Et cette ambition affirmée a trouvé l’écho souhaité auprès du premier responsable en charge de l’organisation de cet évènement grandiose, qui, convaincu par les arguments que nous lui avons avancés, nous a apporté tout le soutien et les moyens nécessaires pour concrétiser ce projet.

En effet, qui plus que nous, - enfants de cette cité pittoresque et captivante -, est en mesure d’en parler avec la geste fervente du poète sublimé, et de présenter généreusement cette ville à ses hôtes sous ses plus beaux atours ? Qui mieux que nous tous, est apte à étaler aux yeux de l’humanité notre héritage millénaire et pluriel, nos valeurs traditionnelles, notre mémoire collective et notre patrimoine cultuel et culturel ?

Qui mieux que nous tous, saura exposer tout ce potentiel humain valeureux que notre ville recèle, toute cette jeunesse, vivier intarissable et généreux de talents, à laquelle il faut donner la chance, ouvrir les bras et les espaces pour lui permettre d’exprimer ses multiples dons, d’exploser et d’étaler son indéniable savoir-faire !

C’est dans le souci de permettre à la population constantinoise de s’approprier cette manifestation dans toutes ses dimensions, que les lignes directrices ayant présidé à la conception et à la réalisation de cette revue, ont été tracées dans un esprit de continuité de l’action culturelle et de sa pérennité, au-delà et subséquemment au programme d’activités de la manifestation.C’est en ce sens, - en plus des apports rédactionnels et du choix précieux en matière d’infographie et de visibilité, l’exigence d’une approche qualitative, novatrice même,- que nous avons fait le choix d’élaborer un produit aéré, ouvert, accessible à tous, participatif et proposant une vision sérieuse, honnête et crédible.

Notre revue se veut cet espace convivial, le réceptacle de toutes les bonnes idées, initiatives et actions, un espace pensé et conçu pour s’inscrire durablement et de manière affirmée dans le paysage médiatique culturel national. Ainsi, nous assimilons notre élan au principe et à la lettre de la signification de ce croissant dans notre société : la solidarité ! Une valeur sans laquelle rien n’est possible.

Le Croissant des possiBLes

l’autre chronique

Maqam numéro pilote mars 2015

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eLLe ouVre sa GaLerie d’art priVée

Page 32: Revue maqam numero pilote mars 2015 v fr

« chaque artiste doit se sentir au cœur de cet évènement grandiose qui permettra de gratifier de mentions spéciales les acteurs de la scène culturelle et artistique locale ».

www.qasantina2015.org

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Mme Nadia Labidi, ministre de la Culture