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AVRIL 2015 VOLUME 31 NUMÉRO 03 Revue sur la toxicomanie et le jeu excessif 5,00 $ Envoi de poste–publications – Numéro de convention 40065296 Tendances de consommation : Nouvelles drogues et Internet (2e partie) Des structures de services innovantes pour répondre aux besoins spécifiques des adolescents référés au centre Le Grand Chemin Soutenir les parents dans l’intérêt de l’adolescent : Focus sur l’importance de la parole du jeune pour préserver le lien familial et prévenir les comportements à risques chez l’adolescent (1ère partie) Mieux vaut prévenir que de dévêtir Les pratiques d’intervention au cœur du quotidien des intervenants en milieu hospitalier et résidentiel, travaillant auprès des jeunes aux prises avec la schizophrénie et un trouble d’utilisation de substances La relation drogue-crime à l’adolescence : l’influence du genre et des expériences de victimisation Consommation de substances psychoactives et ses risques chez les filles couvert avril 2015 vol 31 03_BASE-HIVER-Kerozen.qxd F 15-03-31 11:22 Page205

Revue sur la toxicomanie et le jeu excessif VOLUME 31 NUMÉRO … · 2016-07-27 · Revue sur la toxicomanie et le jeu excessif 5,00$ VOLUME 31 NUMÉRO 03 AVRIL 2015 Envoi de poste–publications

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Page 1: Revue sur la toxicomanie et le jeu excessif VOLUME 31 NUMÉRO … · 2016-07-27 · Revue sur la toxicomanie et le jeu excessif 5,00$ VOLUME 31 NUMÉRO 03 AVRIL 2015 Envoi de poste–publications

AVRIL 2015VOLUME 31 NUMÉRO 03Revue sur la toxicomanie et le jeu excessif 5,00 $

Envoi de poste–publications – Num

éro de convention 40065296 Tendances de consommation : Nouvelles drogues et Internet (2e partie)

Des structures de services innovantes pour répondre aux besoins spécifiques des adolescents référés au centre Le Grand Chemin

Soutenir les parents dans l’intérêt de l’adolescent : Focus sur l’importance de la parole du jeune pour préserver le lien familial etprévenir les comportements à risques chez l’adolescent (1ère partie)

Mieux vaut prévenir que de dévêtir

Les pratiques d’intervention au cœur du quotidien des intervenants en milieu hospitalier et résidentiel, travaillant auprès des jeunes auxprises avec la schizophrénie et un trouble d’utilisation de substances

La relation drogue-crime à l’adolescence : l’influence du genre etdes expériences de victimisation

Consommation de substances psychoactives et ses risques chez les filles

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Page 2: Revue sur la toxicomanie et le jeu excessif VOLUME 31 NUMÉRO … · 2016-07-27 · Revue sur la toxicomanie et le jeu excessif 5,00$ VOLUME 31 NUMÉRO 03 AVRIL 2015 Envoi de poste–publications

SOMMAIRE

L’intervenant|31|03<2

16-17 avril 2015 Congrès international sur les troubles addictifsNantes, France

17 avril 2015 Consommation, sexualité et interventionCampus de LongueuilUniversité de Sherbrooke

6 mai 2015 29e rencontre nationale des intervenant(e)s en réduction desméfaits liés aux droguesVers une meilleure cohérenceentre les secteurs santé et sécurité publique en réductiondes méfaits liés aux droguesHôtel Sandman, Longueuil

6 et 7 mai 2015 GROUNDING TRAUMAAlliston, Ontario

8 mai 2015 Le CRAFT : comment aider lesproches à améliorer leurs interactions avec un toxicomanequi ne veut pas changerCampus de LongueuilUniversité de Sherbrooke

4-5 juin 2015 Addictions, aux marges de nosmondesLille, France

17 juin 2015 Assemblée générale des membres de l’AITQDrummondville

CALENDRIE

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03 Mot de la présidente

04 Des structures de services innovantes pour répondre aux besoins spécifiques des adolescents référés au centre Le Grand CheminMiguel Therriault

05 Soutenir les parents dans l’intérêt de l’adolescent : Focus sur l’importance de la parole du jeune pour préserver le lien familial et prévenir les comportements à risques chez l’adolescent (1ère partie)Imaine SahedSiham Sahed

09Tendances de consommation :Nouvelles drogues et Internet (2e partie)Jessica Turmel

10 Consommation de substances psychoactives et ses risques chez les fillesJessica Turmel

18 Mieux vaut prévenir que de dévêtirManon Massé

19 Les pratiques d’intervention au cœur du quotidien des intervenants en milieu hospitalier et résidentiel, travaillant auprès des jeunes aux prises avec la schizophrénie et un trouble d’utilisation de substancesMartin Ruel

22 La relation drogue-crime à l’adolescence : l’influence du genre et des expériences de victimisationBrunelle, N.Tremblay, J.Blanchette-Martin, N.Gendron, A. Tessier, M.

23 Nouveau comité de travail à l’AITQSteeve Poulin Gilles BélangerSylvie Giguère

AVRIL 2015 VOLUME 31 NUMÉRO 03

Matériel rédactionnelVous désirez publier dansnos pages ? N’hésitez pasà nous faire parvenir toutarticle abordant la problé-matique des toxicomanies.Vos textes peuvent traiterdes initiatives pratiques degroupes dans la commu -nau té, du rôle des inter ve -nants pour améliorer lesservices à la clientèle, d’études ou d’analyses deprogrammes, etc.

AbonnementL’intervenant s’adresse aux professionnels et auxpersonnes intéressées audomaine de la toxi co ma nie.Vous pouvez obtenir un abonnement àL’intervenant au coût de19,95 $ par an (33 $ àl’exté rieur du Canada).Parutions : janvier, avril,juillet et octobre.

Responsabilité de l’éditeurL’éditeur ne se tient pasresponsable des opinionsémises dans cette publi -cation. Les auteurs ontl’entière responsabilité deleur texte. Les écrits sontpubliés tels que soumis,qu’ils rencontrent ou nonles orientations de l’AITQ,en autant qu’ils soientperti nents et d’actualité.

Dates de tombéeMatériel publicitaire : 1er mars, 1er juin, 1er septembre et 1er décembre.

Matériel rédactionnel : 15 février, 15 mai, 15 août et 15 novembre.

ReproductionToute reproduction totaleou partielle d’articles, dephotos ou de gra phi quesest interdite à moins d’une entente écrite avecl’éditeur.

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Bonjour,

Une autre année financière vient de se conclure. Une année par-ticulièrement éprouvante pour plusieurs de nos membres tou-chés par les projets de réglementation et les décisionsgouvernementales. L’AITQ n’échappe pas à cette instabilité. Deschangements surviendront certainement à l’association.

En réaction à ce contexte social, l’Association travaille en colla-boration avec deux groupes d’étudiants pour revoir sa mission etélaborer un plan marketing. Ces deux projets nous permettrontd’avoir une analyse extérieure et d’évaluer le positionnement del’Association dans ce contexte social en mouvance.

De plus le départ à la retraite de Mme Carmen Trottier contri-buera aux changements anticipés dans les prochains mois. Uncomité a déjà procédé à l’analyse des CV reçus et des entrevuesd’embauche auront lieu sous peu. Les administrateurs des pro-chaines années et la nouvelle permanence auront le privilèged’être aiguillés par ces projets.

Dans un autre ordre d’idée, je trouve important à ce moment de rap-peler la mission et les valeurs de votre Association. L’AITQ vise àregrouper les organismes et intervenants oeuvrant dans le domainedes dépendances et à favoriser les échanges entres eux.L’Association souhaite contribuer à l’acquisition de nouvellesconnaissances pour le milieu et à favoriser l’implication de la com-munauté dans la prévention et le traitement de la toxicomanie et du

jeu excessif. Cette mission est soutenue par des valeurs telles quel’engagement, la représentativité, la collaboration et la compétence.

Lors des prises de décisions, les membres du conseil d’adminis-tration prônent ses objectifs et valeurs. Nous travaillons dansune attitude de collaboration et d’écoute. Nous avons à coeur dedemeurer attentifs aux besoins de nos membres et de garder entête dans nos représentations l’amélioration de la qualité desservices offerts aux personnes dépendantes. L’individu est aucentre de nos réflexions et décisions. L’AITQ par ses membres,son programme de formation, sa participation aux différentscomités et la diffusion d’outils dans le milieu est un acteur dontl’expertise est …reconnue, appréciée, transversale… :)

Devant tout questionnement au sujet de l’association, pour for-muler des demandes ou exprimer les besoins de vos organismes,nous vous invitons à contacter Mme Carmen Trottier.

L’assemblée générale annuelle des membres est prévue pour le 17juin 2015 à 13 heures. Elle aura lieu à l’hôtel le Dauphin deDrummondville. Vous recevrez l’invitation formelle en mai.Réservez déjà cette date à votre agenda.

Sur ce, je vous souhaite une belle saison printanière et vousinvite à nous suivre sur les réseaux sociaux.

Cordialement,Amélie Lemieux

Présidente 2014- 2015

>3L’intervenant|31|03

CONSEIL D’ADMINISTRATION

Éditeur : ASSOCIATION DES INTERVENANTSEN TOXICOMANIE DU QUÉBEC INC.505, RUE SAINTE-HÉLÈNE, 2e ÉTAGELONGUEUIL (QUÉBEC) J4K 3R5

Directrice : CARMEN TROTTIER

Abonnements et secrétariat : (450) 646-3271 [email protected]

Maquette : KÉROZEN COMMUNICATION DESIGN

Infographie et impression : IMPRIMERIE G.G. INC

Revue trimestrielleMois de parution : JANVIER, AVRIL, JUILLET, OCTOBRE.

Envois de publications canadiennes : CONTRAT DE VENTEno 40065296

ISSN 0823-213X

Dépôt légalBIBLIOTHÈQUE NATIONALE DUCANADA

BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVESNATIONALES DU QUÉBEC

Indexée dans REPÈRE

Présidente : AMÉLIE LEMIEUXMAISON LA PASSERELLE

Vice-président : RÉMI HOUDECOMMISSION SCOLAIRE DES NAVIGATEURS

Secrétaire : ANNIE POULINLE RUCHER, CENTRE DE TRAITEMENT EN DÉPENDANCE

Trésorier : STEEVE POULINRÉSEAU DES DÉLÉGUÉS SOCIAUX FTQ QUÉBEC ET CHAUDIÈRE-APPALACHES

Administrateurs et JOSIANE DESPINSadministratrices : SERVICE D'AIDE EN PRÉVENTION

DE LA CRIMINALITÉLOUISE GÉNÉREUXCENTRE WAPANCINTHIA LACHARITÉMAISON MARIE-FRÉDÉRIC

Une période de changements

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Miguel Therriault, coordonnateur des services professionnels L e G r a n d C h em i n

e Grand Chemin est un organisme à but non lucratif dontles services, entièrement gratuits, s’adressent aux ado-lescents de 12 à 17 ans qui ont développé une dépen-dance à l’alcool, aux drogues ou au jeu de hasard etd'argent. Nous offrons un traitement interne de forte

intensité de huit à dix semaines, un suivi de réinsertion sociale deseize semaines, ainsi qu'un service d'accompagnement et de sou-tien à l’entourage. Nos trois centres sont situés à Montréal, Québecet Saint-Célestin (Mauricie et Centre-du-Québec) et nous accueillonsdes jeunes de toutes les régions du Québec.

Notre offre de service est centrée sur l'usager, c'est-à-dire quenous considérons les besoins, les capacités, le rythme et les parti-cularités de chaque individu, dans la mise en place du cadre et duplan d'intervention. C'est dans cette optique que nous avons décidé,en 2011, d'apporter des améliorations aux services offerts aux ado-lescents et à leur famille. Ces améliorations avaient comme objectifde mettre en place des services mieux adaptés aux jeunes ayant unproblème concomitant de dépendance et de santé mentale, ainsiqu'à ceux qui vivent avec une cyberdépendance.

En lien à la problématique de concomitance en santé mentaledépendance, les changements au programme se sont principalementappuyés sur une étude évaluative auprès des jeunes en traitement dansles centres Le Grand Chemin effectuée en 2009 par une équipe derecherche dirigée par Karine Bertrand, Ph.D. et composée de NatachaBrunelle, Ph.D., Jean-Marc Ménard, M.Ps., Isabelle Richer, M.Sc., AnnieLemieux et Cinthia Ledoux. Ces modifications ont visé trois objectifsprincipaux. Premièrement, améliorer l’accessibilité aux usagers quivivent une plus grande détresse psychologique. Deuxièmement, unemeilleure adéquation entre l'intensité de service offert et les besoinsspécifiques de ce sous-groupe d'usagers. Troisièmement, une intégrationconcrète des problématiques de santé mentale dans l'organisation dutraitement en dépendance. Nous en sommes présentement à la fin d'unprocessus d'évaluation de l'implantation qui a débuté en 2013 parl'équipe de Madame Karine Bertrand, Ph.D.

Parallèlement à ces démarches, nous avons reçu à l'automne2013, pour la première fois, un adolescent cyberdépendant à titre deprojet pilote. Dans le but de nous assurer d'offrir des services adaptésde qualité, nous avons sollicité la collaboration de personnes ayantdéveloppé une expertise sur cette problématique émergente. En cesens, nous avons eu des échanges et bénéficié de la collaboration demesdames Magali Dufour, Ph.D. de l'Université de Sherbrooke et SylvieR. Gagnon, M.Sc. du CRD de Lanaudière. Depuis cette première réfé-rence, cinq adolescents cyberdépendants, sans dépendance aux sub-stances psychoactives, mais qui présentaient une désorganisationimportante de même qu’une concomitance en santé mentale dépen-dance, ont été référés et ont reçu de façon concluante des services.

C'est d'ailleurs dans ce contexte que nous avons décidé denous impliquer dans le projet de recherche VIRTUADO, une étude sub-ventionnée par le Ministère de la Santé et des Services sociaux, ainsique par le Centre de réadaptation en dépendance de Lanaudière.L’objectif de cette recherche, menée par mesdames Magali Dufour,Sylvie R. Gagnon et Louise Nadeau, est de documenter le profil cliniqueet les besoins de services des jeunes cyberdépendants, âgés de 14 à17 ans, effectuant une demande d’aide dans l’un des treize centres deréadaptation en dépendance impliqués dans l’étude. En outre, l’étudepermettra de nous positionner sur l'offre de service à mettre en placepour la jeune clientèle cyberdépendante.

À la base des innovations aux structures d'interventions misesen place pour répondre aux besoins de ses usagers, Le GrandChemin accorde une grande importance aux meilleures pratiques, àl'utilisation d'outils d'évaluation et d'intervention reconnus et validés,à l'appréciation des usagers, à la formation et à la supervision dupersonnel, à la recherche, à la mise en place d'une gestion cliniqueet administrative rigoureuse et efficiente, ainsi qu'à la qualité despartenariats, qui constituent des éléments importants du développe-ment continu de la qualité de nos services. <

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Des structures de services innovantes pourrépondre aux besoins spécifiques des adolescents référés au centre Le Grand Chemin

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Imaine Sahed I n s t i t u t C A D I S ( E H E S S ) e t R é s e a u d o c t o r a l E H E S S

Siham Sahed c o n s u l t a n t e e n s o c i o l o g i e d e l ’ a c t i o n s o c i a l e e t é d u c a t i v e

Introduction : le soutien à la parentalité commelevier de prévention de l’usage de drogues à l’adolescenceDepuis 2003, le gouvernement français a développé de nombreuxdispositifs législatifs (notamment avec la mise en place de lois inter-disant la consommation de cannabis ou la vente de cigarettes auxmineurs) pour limiter la consommation de substances psychoactives(notamment de tabac et de cannabis). Malgré les multiples actionsde prévention qui ont été conduites par les gouvernements succes-sifs, ces produits demeurent largement diffusés par cette population.L’expérimentation et l’usage ont tendance à progresser entre le débutet la fin des années de collège.1 Selon le rapport de l’Observatoireeuropéen des drogues et des toxicomanies2, près de 41,5 % desjeunes de dix-sept ans ont déjà fumé du cannabis dans leur vie et6 % en font une consommation régulière. Ce rapport souligne que lesjeunes Français âgés de quinze à seize ans apparaissent parmi lespremiers consommateurs de cannabis en Europe. Alors que près de15 % des jeunes Européens ont déjà fumé du cannabis au cours del’année, les Français sont 22 %.

Face à ce constat, le président de la République, FrançoisHollande, a annoncé en septembre 2013 le nouveau plan straté-gique de lutte contre les drogues jusqu’en 2015. Ce plan souligneles enjeux de l’ensemble des acteurs sociaux en relation avec lejeune public. Éducateurs, professionnels de santé, parents, ensei-gnants ont un rôle pour sensibiliser les jeunes aux risques liés àl’usage de ces produits. Par ailleurs, ce plan relève l’importance desoutenir les parents. Les parents sont des acteurs à ne pas négligercar l’adolescence est une période sensible aux comportements àrisque3. Les politiques ont pointé les fragilités de la fonction paren-tale. La fonction parentale est dans l'entrechoc d’une modernité,d'un progrès dans le mode de communication. Cela fragilise les rela-

tions et amplifie les problèmes de communication entre parents etenfants. Ce plan propose, dès lors, de créer une ligne téléphoniquespécifiquement destinée aux parents d’adolescents consommateurspour « développer le soutien à la parentalité ».

Le soutien à la parentalité est porté par les politiquespubliques dès les années 1990. Ce soutien cherche à agir sur lescompétences parentales en « leur donnant accès à une gamme deressources utiles pour augmenter leur compétence en matière d’édu-cation »4 5. Il se manifeste à travers des dispositifs de soutien indivi-dualisé, des dispositifs d’accompagnement, de soutien etd’encadrement des parents dans leur pratique (à titre d’exemple : lesRéseaux d’Écoute, d’Appui et d’Accompagnement des parents), lamédiation familiale et les espaces de rencontre, thérapie familiale,etc.). Le Comité national de soutien à la parentalité précise que lesactions « ont pour objet de proposer aux parents les ressources, lesconnaissances et informations nécessaires pour remplir leur rôle ».6L'intérêt est d’apporter des conseils nécessaires pour les soutenirafin de leur redonner confiance, les aider à s’affirmer auprès de leurenfant, favoriser l’interaction parents/enfants, à communiquer aveceux7. Elles visent les parents et/ou les enfants, leurs interactions. Lafinalité est le bien-être et l’épanouissement de l’enfant.

La question du soutien à la parentalité prend place au seindes débats sécuritaires et sanitaires. Associée aux difficultés sco-laires, à la délinquance mais aussi à la consommation de drogueschez l’adolescent, la parentalité est mise à mal.8 9 10. Les travaux ten-dent vers le même constat. Alors que la communication, l’affection,

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Soutenir les parents dans l’intérêt de l’adolescent : Focus sur l’importance de laparole du jeune pour préserver le lienfamilial et prévenir les comportements àrisques chez l’adolescent (1ère partie)

1 Spilka S, Le Nézet O. Alcool, tabac et cannabis durant les ‘années lycée’. Tendance, OFDT. Nov 2013; (89). [En ligne] http://www.ofdt.fr/ofdtdev/live/publi/tend/tend89.html (Consulté le 3mars 2014)

2 OFDT. Rapport Européen sur les drogues: Tendance et consommation. Luxembourg : Office des publications de l’Union européen; 2013. p.75 [En ligne]http://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/edr2013rap.pdf (Consulté le 13 janvier 2014)

3 White D, Jobin L, McCann D, Morin P. Pour sortir des sentiers battus : l’action intersectorielleen santé mentale. Comité de santé mentale du Québec, Sainte-Foy : Montréal: Publications duQuébec; 2002. 313p.

4 Traduction de l’auteur «by giving him access to a range of resource that serve to increase theircompetence of childrearing» (Daly, 2013 : p162)

5 Daily, M . Parenting supports policies in Europe. Families, Relationship and Societies, 2013. Vol2 n°2; p159-174.

6 <http://www.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Avis_soutien_parentalité_.pdf>7 Expertise collective. Conduites addictives chez les adolescents. Usages prévention et accompa-

gnement. Editions INSERM. Collection Expertise Collective. 2014 ; 500p8 Stewart-Brown S. Improving parenting : the why and the how. Archives of Disease in Childhood.

2008 ; 93(2). DOI:10.1136/adc.2006.1135229 Claes M. Les relations entre parents et adolescents : un bref bilan des travaux actuels.

L’orientation scolaire et professionnelle. 2004; 33(2), 205-226. [En ligne]http://osp.revues.org/2137 (consulté le 30 septembre 2013)

10 Hawkins J. D, Catalano R. F, Miller J. Y. Risk and protective factors for alcohol and others drugproblems in adolescence and early adulthood: implications for substance use prevention.Psychological Bulletin.1992; 112(1), pp. 64-105. [En ligne] http://cre8tiveyouthink.files.word-press.com/2011/12/social-developmental-prevention-and-yd.pdf (Consulté le 15 octobre 2014)

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Page 6: Revue sur la toxicomanie et le jeu excessif VOLUME 31 NUMÉRO … · 2016-07-27 · Revue sur la toxicomanie et le jeu excessif 5,00$ VOLUME 31 NUMÉRO 03 AVRIL 2015 Envoi de poste–publications

le contrôle et la cohésion familiale protègent les jeunes de l’usage desubstances psychoactives et du développement de l’usage à risque,1112 13 la rupture ou le mauvais rapport avec les parents, l’absence deliens affectifs, peuvent conduire au développement d’une consomma-tion quotidienne de cannabis14. La consommation de substances psy-choactives à l’adolescence fragilise l’institution famille et révèle desdysfonctionnements familiaux qui remontent à l’histoire de la famille.Ces dysfonctionnements sont liés au fait « qu’elle [la famille] n’a pas surépondre aux attentes et besoins de l’adolescent à des moments pré-cis de sa vie. Elle n’a pas pu offrir à l’adolescent des repères normatifsstables et clairs auxquels se référer pour agir mais aussi pour se défi-nir »12. Intervenir auprès des parents et développer le soutien à laparentalité devient dès lors une stratégie double : promotion et préser-vation du capital santé (santé physique, mentale et sociale) de l’en-fant/de l’adolescent et renforcer les compétences parentales.

Dès lors, préserver le capital santé de leur enfant est une des missionsparentales. Cela relève de la responsabilité de protéger des conduites quipeuvent porter atteinte au développement de ses potentialités d’apprentis-sage ou de son corps : « le premier agent de prévention n’est ni une institu-tion, ni un fonctionnaire. Le premier agent de prévention, c'est d’abord unpère, une mère qui, formés et informés, sauront transmettre à leurs enfantsles codes et les moyens d’affronter les difficultés de leur future vie d’adulteafin de leur permettre d’accéder à l’autonomie. »15. Les parents ont à fairevivre la fonction d’éducation de santé auprès de leur enfant : « En matière de prévention des conduites à risque, les parents occupent oudevraient occuper une place de premier plan. [...] L’action éducative desparents, à travers leur capacité à poser des repères structurants, à aider leurenfant à différer ses satisfactions, à développer des attitudes de prise encharge de sa santé globale, crée des aptitudes fondamentales à une prise encharge saine de soi-même. D’autre part, les parents peuvent se saisir de mul-tiples occasions de la vie familiale pour dialoguer avec leurs enfants sur diverssujets de société et de santé, y compris pour aborder les délicates questionsrelatives à la consommation de substances psychoactives »16.

Pour remplir la fonction d’éducation, les parents ont non seulement lesouci/l’obligation d’apporter les soins et être attentifs au développement deses compétences psycho-cognitives et physiques, c'est-à-dire de veiller à tra-vers les relations entretenues, l’implication affective, la prise en compte desbesoins de l’enfant, de ce qu’il veut faire, le partage d’activités, afin de pré-server et d’optimiser le capital santé de leur enfant17.

Cependant, les parents peuvent être démunis. Depuis l’effondrementdes normes traditionnelles et religieuses ainsi que le retrait de l’État en 1960des affaires familiales au nom de la liberté éducative et du respect de la vieprivée18, les parents sont désormais seuls face à l’éducation de leur enfant.Les parents sont désorientés notamment lors du passage à l’adolescence.Quels sont ses besoins? Qu’est-ce que mon enfant attend de moi? Commentle protéger des conduites à risques? Bon nombre de parents présentent desdifficultés à « trouver prise sur un monde en perpétuel changement dont ilsne comprennent plus tout à fait les règles du jeu. Parents et enfants viventdans des univers de sens profondément différents. [...]. Pour la première fois,les parents n’ont plus de réponses aux questions anxieuses de leur enfant auseuil de l’âge d’homme » 19. L’inquiétude des parents au sujet de la scolarité,des fréquentations de leur enfant et de l’influence des pairs grandit quandl’enfant entre au collège.

Les parents sont encore plus désarmés lorsqu’ils doivent faireface aux problèmes de consommation de substances psychoactives deleur enfant : « Pour élever des enfants sains et équilibrés sur le plansocial, mental et physique et pour prévenir les problèmes qui se posent

plus tard à l’adolescence, les familles doivent apporter un soutien à cha-cun de leurs membres. À travers le monde, de nombreux parents ont dumal, tout en s’efforçant de subvenir aux besoins de leurs familles, àconcilier vie familiale et vie professionnelle, à faire face à leurs engage-ments financiers, à assurer à chacun un soutien adéquat, à tisser desliens sociaux et à trouver du temps pour rassembler la famille. Parfois,les parents eux-mêmes doivent faire face à des problèmes d’abus desubstances qui ont un impact sur leurs compétences parentales »20.

Dans un sondage effectué par l’INPES à la demande de la MILDT en2010, il s’avère que 21 % des parents déclarent ne jamais parler des ques-tions de drogue à leurs enfants, 17 % des parents ne parlent jamais desrisques liés à l’alcool. L’expérience du FARES21 sur deux décennies présentecette désorientation face à la consommation tabagique de leur enfant. Faceà un discours ambiant relayé par les médias parfois contradictoire concernantle cannabis22, les parents doivent sans cesse chercher des réponses à leursquestions sur ce qu’il conviendrait de dire ou de faire. L’interstice de la culpa-bilité s’installe et contribue à fragiliser la fonction parentale et l’individu.

Répondre aux demandes d’aide et de soutien des parents est, dès lors,le défi actuel des acteurs politiques, des professionnels de santé, des chercheursen santé publique qui veulent notamment prévenir l’usage de substances psy-choactives à l’adolescence. Le défi consiste à accompagner, soutenir les parentsen valorisant les bonnes pratiques à mettre en place : « Aujourd’hui, il n’est plusquestion d’élever un enfant en mettant en œuvre des « savoir-faire naturels »,mais de l’éduquer en mobilisant et en développant des compétences multiples.Conscients de l’importance et de la difficulté de cette tâche, les parents devien-nent demandeurs d’aide et de conseils. C’est dans cette perspective que leconcept de « soutien à la parentalité » trouve toute sa légitimité »23. Certainesnormes de parentalité transmises par différentes institutions (PMI, puériculture dematernité) et professionnels (travailleurs sociaux, etc.) encadrent la vie familiale, défi-

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11 Loeber R, Yin Y, Anderson S, Schmidt L, Crawford A. Stability of family interaction from ages 6to 18”. Journal of Abnormal Child Psychology. 2000; 28(4), pp. 353-369.

12 Sahed I. Consommer la cigarette, le cannabis à l’adolescence : quête identitaire et vulnérabilitédans le parcours de consommation. Drogues Santé Société. 2014; Montréal. [En ligne]http://drogues-sante-societe.ca/consommer-la-cigarette-le-cannabis-a-ladolescence-quete-identi-taire-et-vulnerabilite-dans-le-parcours-de-consommation/ (Consulté le 1er septembre 2014)

13 Tobler, A. L., Komro, K. A. Trajectories or parental monitoring and communication and effectson drug use among urban young adolescents. The Journal of adolescent health: official publi-cation of the Society for Adolescent Medicine, 2010; 46(6), 560–8. doi:10.1016/j.jado-health.2009.12.008

14 Chedid M, Romo L, Chagnard E. Consommationdu Cannabis chez les Adolescents: Liens entreStructure,Cohésion, Hiérarchie Familiales et niveau de consommation. Annales medio-psycho-logiques, Revue psychiatrique. 2008; 167(7), pp. 541-543. [En lignehttp://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0003448709001991. (Consulté le 03 février 2012).

15 Actes des assises parentalité et prévention, MILDECA, 2010, <http://www.drogues.gouv.fr/site-professionnel/prevention/parents-et adultes/index.html>

16 MILDT, Ministère de l’Éducation nationale de l’Enseignement. Prévention des conduites addic-tives. Guide d’intervention en milieu scolaire. Paris : Centre National de DocumentationPédagogique, Collection Repères ; 2006.[En ligne]<http://media.eduscol.education.fr/file/Action_sanitaire_et_sociale/71/1/guide_interven-tion_112711.pdf> Consulté le 26 octobre 2012)

17 Coulon N, Fortin J, Houzelle N. Le développement de l’enfant de 0 à 6 ans selon une perspec-tive socio-écologique. La santé de l'Homme. Mars-Avril 2009; (400), pp. 12-14. [En ligne]<http://www.inpes.sante.fr/slh/pdf/sante-homme-400.pdf>. (Consulté le 06 avril 2014)

18 Ariès P. L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime. Paris : Le Seuil, coll. Points ; 1973.503p.

19 Le Breton D. L’adolescence à risque. Corps à corps avec le monde Paris: Autrement. (éd. coll. « Mutations ); 2002.

20 Guide d’application des programmes d’acquisition de compétences familiales pour la préven-tion de l’usage de drogue ». UNODOC. United Nation Publication. V08-57377-March 2009<http://www.unodc.org/documents/prevention/family-guidelines-F.pdf>

21 Le FARES (Fonds des affections respiratoires) est une association sans but lucratif située àBruxelles. Cette association se consacre à la prévention du tabagisme, ainsi qu’à la préventionet au suivi de la tuberculose et des affections respiratoires chroniques.

22 Menghrajani P, Klaue K, Dubois-Arber F, Michaud P.A. Swiss adolescents and adults percep-tions of cannabis use: a qualitative study. Health Education Research. 2006; 20(4), pp. 476-484. [En ligne] <http://her.oxfordjournals.org/content/20/4/476.full> (Consulté le 14 mars2014)

23 Lamboy B. Soutenir la parentalité : pourquoi et comment ? Différentes approches pour unmême concept. Revue Devenir. 2009 ; Vol 21, num.1, pp. 31-60.

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nissent les attitudes, les comportements à suivre en matière d’éducation du jeuneenfant en préconisant par exemple des axes tels que la communication ou l’interac-tion entre parents et enfants24 25. Les compétences parentales à valoriser dans lecadre de la prévention des conduites addictives chez les enfants et les adolescentssont établies par l’UNODOC (2009) dans « le guide d’application des programmesd’acquisition de compétences familiales pour la prévention de l’usage de drogue ».

Les recommandations citées s’appuient très souvent sur les résultatsde travaux de recherche mettant en évidence les facteurs familiaux éducatifsqui protègent les adolescents de la consommation et l’abus de substancespsychoactives. Cependant, à notre connaissance, peu ou prou d’études ontmobilisé et privilégié la parole des enfants pour définir les critères du « bonparent ». Pourtant, pour répondre aux questionnements des parents, nousconsidérons nécessaire que ces derniers puissent connaitre les besoins et lesdemandes de leur enfant. Dès lors, une question rythme cet article : pouvons-nous penser les normes de parentalité à partir du point de vue des enfantsnotamment en prenant appui sur les témoignages d’adolescents? Cette inter-rogation suscite la réflexion sur l’apport de la parole des enfants comme réfé-rentiels sur lesquels reposeraient les dispositifs de soutien à la parentalité.

Pour alimenter cette réflexion, cet article s’appuie sur des résultats derecherche26. Notre recherche privilégie la parole des jeunes. L’approche proposéedonne spécifiquement une importance aux jugements des adolescents sur lespratiques de leurs parents. C’est, par ailleurs, au plus près des attentes desenfants en matière éducative et relationnelle que nous proposons d’atteindre cetobjectif. Comment? En posant directement la question aux enfants, en particulieraux adolescents, afin de lister, répertorier les attitudes parentales indispensablespour leur bien-être et leur épanouissement personnel. Cet article est l’occasion deconfronter le verbatim des adolescents d’avec les facteurs familiaux de protectionidentifiés par les chercheurs : les témoignages, les récriminations des adolescentsvont-elles à l’encontre des données de la littérature ou au contraire convergent-elles? Loin de vouloir imposer une norme éducative, l’objectif principal de cetarticle est d’interroger la possibilité de mobiliser la parole des enfants pour sou-tenir la parentalité : Est –il possible d’utiliser la parole de l'adolescent pour orien-ter les programmes de soutien à la parentalité? Autrement dit la parole desenfants, en particuliers des adolescents est-elle un argument suffisant pour orien-ter les dispositifs de soutien à la parentalité? Le jugement des adolescents offre-t-il des lignes de conduites sur ce que les parents doivent faire ou non? Commentles préconisations formulées par les adolescents peuvent-elles prévenir laconsommation de substances psychoactives? Autrement dit, en regard destémoignages des adolescents sondés, dans quelle mesure le décalage ou l’ajus-tement des pratiques parentales, besoins et attentes, permet-il d’éclairer leurcomportement face aux substances psychoactives?

Cette initiative repose sur le postulat selon lequel les parents peuventcontribuer à protéger leur enfant de l’usage de substances psychoactives endéveloppant des pratiques éducatives et relationnelles adaptées aux besoinsde l’adolescent. Dans cette perspective, la consommation de substances psy-choactives apparaitrait comme la conséquence de pratiques parentales nerépondant pas aux besoins de l’adolescent. Selon ce postulat, la consom-mation de produit émergerait du décalage entre la demande de l’adolescent(ses attentes, son idéal, ses besoins en matière de relation avec ses parentsou de pratiques éducatives) et l’offre éducative des parents (relations, pra-tiques éducatives). Il se décline en trois grandes parties.

Une première partie est réservée à des considérations méthodolo-giques. Nous consacrons une partie importante à la présentation des résultatsde notre enquête. Au-delà des cloisonnements disciplinaires qui enfermentdans une connaissance de l’état des pratiques parentales et des difficultés ren-contrées par les parents, nous proposons dans la deuxième partie notreapproche ancrée à l’échelle de l’adolescent. Nous convenons de lister à partir

de la parole des jeunes, les attitudes parentales susceptibles de satisfaire leursdemandes et répondre à leurs besoins. Enfin, nous verrons dans la dernièrepartie comment cette approche peut également permettre de concourir a unemeilleure compréhension des pratiques de consommation. Nous verrons, àpartir de l’expérience familiale, comment le fait de répondre ou non aux besoinsde l’adolescent a pu dissuader ou au contraire encourager les jeunes à déve-lopper la consommation de substances psychoactives. Cette partie sera l’oc-casion de réfléchir à la possibilité d’une exploitation de la parole des enfants,notamment des jeunes dans les actions de soutien à la parentalité.

Méthodologie

Mode et conditions de recrutement des répondantsNotre argumentaire repose sur l’analyse des discours des jeunes. Nous postulonsque l’adolescent est le meilleur informateur pour décrire la réalité familiale27.Contrairement aux parents, impliqués dans leur fonction parentale et n’ayant pasle recul nécessaire pour être critique ou pour juger de leurs propres pratiques, lesadolescents sont sensibles aux défaillances éducatives et aux problèmes liés auxrelations familiales ou aux pratiques éducatives28 29. Nous avons choisi d’interro-ger directement les jeunes, car l’adolescent est un acteur/témoin de l’espace privé,la famille, pour révéler les dysfonctionnements parentaux.

Pour participer à l’enquête, les volontaires devaient correspondre à unprofil particulier : être âgés de quinze à vingt ans et avoir connu au moins uneexpérience d’usage de cigarette ou de cannabis. Nous savons qu’interrogerseulement des jeunes scolarisés ne permet pas d’appréhender la diversité dela réalité sociale. Nous écartons les jeunes qui ont quitté le système scolaireou qui sont sur le marché du travail. Toutefois, ce choix permet d’interroger desjeunes ayant les mêmes conditions de vie, c’est-à-dire encore scolarisés etvivant sous le toit parental. Ainsi, nous pouvions comprendre pourquoi, au seind’une population ayant des caractéristiques relativement proches, les com-portements vis-à-vis des substances psychoactives diffèrent. La collecte desdonnées s’est déroulée de janvier à juillet 2011. Le recrutement des sujets aété fait à la sortie de certains lycées de la région parisienne. Deux lycées sesituent dans les Yvelines (Limay et Magnanville) et un lycée à Créteil.

Nous avons misé sur la méthode « boule de neige » pour constituernotre échantillon30. L’échantillon de cette enquête est le résultat de différentesopportunités qui se sont offertes à nous. Chaque participant est chargé de sol-liciter la contribution de ses amis. Ainsi, il peut introduire un ou plusieurs futurssujets. Nous comptabilisons un total de treize points d’origine. Notre choix derecruter les lycéens à l’extérieur de leur établissement scolaire avait pour but demarquer une indépendance institutionnelle. Aborder le sujet du cannabis avec leslycéens peut être, pour ces jeunes, un sujet délicat, voire tabou. Nous espérions, enrecrutant les lycéens en dehors de leur vie scolaire, les encourager à participer àl’enquête et à révéler plus facilement leurs pratiques de consommation.

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24 Darmon, M. Les entreprises de la morale familiale, French politics, culture and sociéty, 1999; vol17 n°3-4, p1-19.

25 Chauffaut D, Dauphin S. Normes de parentalité: production et réception, Politiques sociales etfamiliales, 2012; n°108, juin, p 108-115.

26 Notre thèse s’intéresse aux différents parcours de consommation de cigarettes et de cannabisau cours de l’adolescence. Elle tente de comprendre pourquoi, pendant leur adolescence, cer-tains jeunes se limitent à l’essai de produits alors que d’autres poursuivent leur consomma-tion après l’essai.

27 Claes M. Lacourse E, Bouchard C. Adolescent’s and parent’s relationships: who is the bestinformant? «Communication présentée à la « 6e rencontre du Groupe Européen de Recherchesur l’Adolescence », juin 1998, Budapest (Hongrie).

28 Cloutier R, Groleau G. La communication parents-adolescent. Interface. 1987; (3), 27-30.29 Sahed I. Consommer la cigarette, le cannabis à l’adolescence : quête identitaire et vulnérabilité

dans le parcours de consommation. Drogues Santé Société. 2014; Montréal. [En ligne]<http://drogues-sante-societe.ca/consommer-la-cigarette-le-cannabis-a-ladolescence-quete-identi-taire-et-vulnerabilite-dans-le-parcours-de-consommation/> (Consulté le 1er septembre 2014)

30 Bertaux D. Les récits de vie. Paris : Nathan Université, Coll. 128 ; 1997. 128p

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Lors de notre appel à la participation, nous avons d’ailleurs expliqué lesmotifs de l’entretien en indiquant qu’il s’agissait d’une étude en sociologie sur leshabitudes de vie des jeunes. Nous n’avons pas employé le terme d’enquête quipeut prêter à confusion (enquête de police, enquête de lycée, enquête de santéà visée incriminante ou évaluative). Nous avons préféré l’usage du terme d’étudeou de travail universitaire.

Comme toute activité de recherche sur le sujet social, notre enquête sou-lève des questions éthiques relatives au respect des jeunes participants et à leursdroits. Tout au long de notre enquête, nous avons appliqué les principes du comitéd’éthique de la recherche afin de répondre aux enjeux relatifs au consentement,aux droits et à la vie privée des participants. Ce protocole vise aussi à informer lesparticipants de la confidentialité des données, de l’anonymat, de leurs droits, desconditions matérielles de l’enquête. Il veille à ce que les répondants participentvolontairement à l’enquête, qu’ils aient connaissance des conditions matériellesde l’enquête et une compréhension complète de l’objet de la recherche afin d’ob-tenir leur consentement éclairé. Les jeunes ont, en effet, la compétence néces-saire pour comprendre les enjeux d’une recherche.31 32 Pour obtenir unconsentement éclairé de la part des participants, il nous faut présenter l’objet denotre recherche. Nous indiquons qu’il s’agit d’une étude qui prendra la formed’une discussion, d’un échange interactif au cours duquel nous abordons leurmode de vie et leurs expériences de consommation de substances. Nous men-tionnons les grands thèmes qui peuvent émerger de la discussion afin qu’aumoment de l’enquête, les participants ne soient pas surpris ou embarrassés parcertaines questions relevant de leur vie privée (famille, événements marquants,consommation de substances, etc.).

Après cette phase introductive, nous évoquons les termes du contrat de l’en-tretien. Nous insistons sur l’importance de l’honnêteté des réponses pour que notreanalyse ne soit pas biaisée. Dans ce contrat, nous présentons leurs droits aux par-ticipants ainsi que les conditions de l’enquête, en précisant le caractère volontaire etnon obligatoire de la participation, et nous leur signalons leur droit de refuser ou dese rétracter. Parallèlement, nous insistons sur le caractère anonyme et confidentielde l’entretien, en précisant que le nom de famille et l’adresse de domiciliation nesont pas utiles pour l’enquête et en proposant aux participants d’utiliser un pseu-donyme s’ils le souhaitent. Nous faisons également état des conditions matériellesde l’entretien en mentionnant l’utilisation, avec leur accord, d’un dictaphone. Nousconsignons leur accord ou leur refus dans nos notes de terrain. Pour les mineurs(moins de dix-huit ans), nous exigeons une autorisation des parents. Pour obtenir leconsentement des parents ou des tuteurs légaux, nous remettons aux volontaires uncommuniqué adressé à leurs parents précisant l’objet de la recherche ainsi que lestermes de l’enquête (anonymisation des données, dictaphone, durée de l’entretien,diffusion des résultats de la recherche). Le consentement des parents est consignépar écrit grâce à un formulaire qu’ils doivent remplir et signer. Les participants doi-vent présenter ce document le jour de l’entretien. Nous avons mené la totalité desquarante-quatre entretiens.

Notre enquête empirique a pris fin lorsque nous n’avons plus obtenu d’in-formations nouvelles sur le thème. L’échantillon est composé de vingt-trois filles etvingt et un garçons âgés de dix-sept à dix-neuf ans. L’origine sociale des répondantsest relativement homogène : 85 % de jeunes ont des parents cadres ou exerçantdes professions intermédiaires et 15 % des parents ouvriers. Ils vivent tous en régionparisienne : 30 % des répondants vivent dans les Yvelines, 65 % dans la ville deSaint-Maur-Créteil et 15 % à Argenteuil, la majorité d’entre eux habitant dans deszones pavillonnaires en milieu urbain.

Les thématiques abordéesLes entretiens ont duré chacun en moyenne une cinquantaine de minutes. Ils ontété réalisés dans des endroits choisis par les participants. Ils ont été menés dansles lieux où ils se sentaient à l’aise : dans un parc, à leur domicile, dans un fast-

food (McDonald’s ou Quick), dans un café, etc.Chaque entrevue débute par une présentation générale du répondant en

nous intéressant à la situation scolaire du jeune, puis à son lieu d’habitation, à lacomposition de sa famille, à la situation de ses parents (Avec qui vis-tu? As-tu tou-jours vécu avec tes deux parents? As-tu toujours vécu dans cet appartement?Depuis quand ne vis-tu plus avec ton père? Etc.). Cette première catégorie théma-tique apporte non seulement des éléments objectifs de cadrage sociodémogra-phique et économique, mais permet également d’amorcer une première approchesur les questions relatives au climat familial et aux relations au sein de la famille.

La seconde catégorie thématique interroge leur expérience familiale. Ellequestionne la qualité de la relation avec les responsables légaux (parents biolo-giques, beaux-parents, etc.), avec les membres de la fratrie et avec les amis. Elleappréhende la perception que les jeunes ont à l’égard des pratiques parentales àtravers les questions suivantes : « Décrivez-nous les pratiques éducatives de vosparents? Trouvez-vous ces pratiques efficaces, inefficaces, etc.). L’entretien interrogeaussi leurs idéaux éducatifs et relationnels : quels types de relation ou quel type deméthode éducative ont-ils besoin? Nous avons saisi au cours des entretiens cetidéal à travers les questions suivante : « Qu’attends-tu de tes parents? » ou « Si tuavais une baguette magique, qu’aimerais-tu changer dans ta famille, ou chez tesparents en termes de relation, d’éducation, etc.?) ». En s’appuyant sur leurs propresexpériences familiales, ces questions incitent les jeunes à mettre en évidence lesproblèmes de parentalité, à révéler les manques, les défaillances, le dysfonction-nement éducatif et relationnel. Elles permettent ainsi de révéler les qualités princi-pales que les adolescents attendent de leurs parents, soit leur idéal éducatif. Cettepartie est donc centrale puisqu’elle permet d’identifier non seulement les besoinséducatifs et relationnels des adolescents mais aussi de connaitre les pratiques quifont défaut chez les consommateurs.

Enfin, un troisième groupe de questions porte sur la consommation desubstances psychoactives par Ego et leur évolution au fil des années. Il s’agit d’ob-server l’articulation entre le parcours de consommation et l’expérience familiale.Cette articulation sert à identifier quel contexte éducatif ou relationnel est propiceau développement de la consommation de substances psycho actives.

Méthode d’analyseNous avons retranscrit l’ensemble des entretiens. Nous avons effectué une analysede chaque entretien afin de rendre compte des dynamiques par lesquelles les évé-nements biographiques s’articulent33. Cette méthode donne l’occasion d’étudier lecontexte familial et socioculturel dans lequel l’individu est passé de l’essai à uneconsommation régulière. Ainsi, il est possible de déterminer à quel facteur le jeunea été sensible au moment où il a modifié sa consommation. Dans un second temps,nous avons procédé à une analyse horizontale afin de lister auprès du jeune publicles pratiques parentales attendues par les parents. Cette méthode qui appréhendeles convergences ou les divergences autour d’un même thème permet, en effet, desavoir s’il existe une cohérence thématique d’un sujet à un autre.

NDLRLes résultats constituent la partie 2 de l’article et seront publiés dans L’intervenantde juillet 2015 (Volume 31, no 4).

Pour rejoindre les auteures par courriel :Imaine Sahed <[email protected]>Siham Sahed <[email protected]>

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31 Masson J. The legal context. Londres : Sage; 2004. Dans Fraser S. (dir.), Doing Research withChildren and Young People, pp43-58.

32 Skelton T. Research with children and young people: exploring the tensions between ethics,competence and participation. Children’s Geographies. 2008; 6/1, 21-36.

33 Blanchet A, Gotman A. L’enquête et ses méthodes : l’entretien. Paris : Armand Colin, Coll. 128 ;2005 (1re éd. 1992).

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Jessica Turmel, formatrice C a n d i d a t e à l a m a î t r i s e e n p s y c h o é d u c a t i o n , U d eM

ux cours des dernières chroniques du GRIP Montréal ayant traitédes nouvelles tendances de consommation, l’utilisation fleuris-sante de l’Internet comme mode de transaction de nouveauxproduits synthétiques (NPS) a été abordée. Rappelons d’abordqu’il est question, lorsqu’on parle de par NPS, d’un

nouveau stupéfiant ou un nouveau psychotrope qui n’est pas répertorié par lesconventions des Nations unies sur les stupéfiants de 1961 et de 1971 et quipeut constituer une menace pour la santé publique comparable à celle quecomportent les substances mentionnées dans ces conventions (OEDT, 2012).

Les vendeurs, ainsi dotés d’une longueur législative leur permettant defaire circuler librement leur marchandise avant que la loi ne s’ajuste, profitentde ce flou juridique pour effectuer leurs transactions par le biais d’Internet, unepratique en pleine expansion. À titre d’illustration, on comptait environ 30 sitesde vente en langue française en 2011. De son côté, l’EMCDDA, qui surveillel’évolution du phénomène en Europe, recensait en 2012 plus de 693 bou-tiques disponibles pour les consommateurs européens, alors qu’il n’en comp-tait que 314 l’année précédente et 170 en 2010 (OEDT, 2012).

Risques particuliers des NPSVu l’apparition récente de ces nouvelles molécules sur le marché, la littératurescientifique ne fournit à ce jour que très peu d’informations sur les risques asso-ciés à leur consommation. À partir de déclarations recueillies auprès d’usagers viale dispositif SINTES (système d’identification des toxiques et des substances) del’OEDT en Europe, trois constats émergent néanmoins quant aux effets secondairesrencontrés par les expérimentateurs de NPS. D’abord, il semblerait que les quanti-tés nécessaires à l’obtention d’un effet puissent varier fortement d’une molécule àl’autre. Le délai d’apparition de l’effet et la durée d’action de celui-ci sont égalementdifférents par rapport aux drogues imitées, ce qui comporte un risque supplémen-taire. Finalement, les produits vendus renfermant souvent plusieurs molécules eneux-mêmes, ils entraînent un risque particulier d’interactions lorsqu’ils sont mélan-gés à d’autres substances psychoactives comme l’alcool (OEDT, 2012).

Le profil des acheteurs en ligneBien que nous ne disposions que de peu de données sur l’ampleur de la situa-tion au Québec, l’achat en ligne de nouvelles drogues de synthèse semble à cejour demeurer au stade de la marginalité. Alors qu’elle s’est implantée dans cer-tains pays d’Europe, cette pratique ne s’avère pas encore déployée à grandeéchelle. Elle ne semble ni ancrée dans les habitudes actuelles de transaction desQuébécois, ni vastement connue de ceux-ci pour le moment. Il semble toutefoiss’agir d’un phénomène en émergence dont il importe de prendre connaissance.On présage notamment une augmentation de l’intérêt qu’il suscitera dans lestemps à venir. En Europe, un dispositif TREND (tendances récentes et nouvellesdrogues) a été mis sur pied afin d’observer le phénomène des transactions dedrogues par le biais d’Internet. D’avril 2013 à mars 2015, un projet I-TREND déve-loppé par celui-ci a permis de détecter un intérêt croissant pour l’achat de NPSsur Internet par les consommateurs eux-mêmes, à des fins d’usage personnel(Lahaie et al. 2013).

Bien qu’il soit impossible de quantifier le phénomène, on retrouverait ainsitrois profils distincts de consommateurs s’intéressant aux NPS. Le premier groupeserait issu du milieu festif gai, déjà consommateur d’autres psychotropes. EnFrance, il réfère à la clientèle pratiquant le « slam » (injection de drogues commela méthamphétamine dans un contexte sexuel). Le second profil d’usagers de cessites est constitué pour sa part de grands connaisseurs sur le plan de la consom-mation de drogues. Ceux-ci cherchent, par l’expérimentation de nouvelles sub-stances, à contrer certains effets déplaisants tels que la tolérance et ladépendance. Les expériences, parfois réalisées en petits groupes, sont discutéesà travers les sites et des forums de discussion. Un troisième groupe réfère aumilieu festif alternatif techno. Cette clientèle ferait l’expérience de NPS à son insu,les NPS se retrouvant dans les substances illégales achetées. Finalement, leréseau TREND enregistre depuis 2012 des cas d’intoxications chez une clientèleplus jeune et consommatrice occasionnelle. Moins sensibilisée sur les moyens deréduire les méfaits reliés aux drogues, elle constitue un groupe davantage à risque(Lahaie et al. 2013).

L’arrivée des boutiques en ligne soulève de nombreux questionnements,notamment en ce qui a trait à leur impact sur les vendeurs et les consommateurs.La prochaine chronique s’attardera sur l’un des marchés virtuels en vogue, soit le« deep Web », et traitera des transformations que ce type de site entraîne sur l’en-semble du réseau de trafic de drogues.

Pour obtenir davantage d'informations ou des services de prévention, pourcommander des outils ou recevoir une formation complète sur les nouvelles ten-dances, visitez le site web du GRIP Montréal au <www.gripmontreal.org>.

RéférencesLahaie, E., Martinez, M. et Cadet-Taïrou, A. (2013). Nouveaux produits de synthèse et Internet.Observatoire français des drogues et des toxicomanies, no 84, 8 pages.

Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (2012). Annual report on the state of the drugsproblem in Europe. Lisbon : EMCDDA, 104 pages.

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Tendances de consommation : Nouvellesdrogues et Internet (2e partie)

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Jessica Turmel, formatrice et Julie-Soleil Meeson, directriceGR I P M o n t r é a l

Processus de réflexionAu printemps 2007, suite au constat émanant des résultats de l’enquête del’Institut de la Statistique du Québec (ISQ) documentant une hausse significa-tive de la consommation des amphétamines chez les jeunes du secondaire (etparticulièrement chez les filles), le ministère de la Santé et des Services Sociaux(MSSS) demandait au GRIP Montréal de réaliser un état de situation. Quatregroupes-sonde ont été réalisés et ont été analysés à partir d’une stratégied’analyse thématique. Cet état de situation a mené au constat de nouveauxmotifs d’usage orientés notamment vers la recherche de facilitation sociale etle rehaussement de certaines capacités physiques ou mentales, en plus depermettre de découvrir la présence grandissante de sa consommation dans lebut de maigrir et ce, pour le sexe féminin presque exclusivement (Fallu, Brière,Descheneaux, Keegan, Maguire, Chabot et Gagnon, 2008). À cet effet, lesauteurs ont noté que la consommation visant à maigrir était connue de l’en-semble des participants et se voyait répandue dans l’entourage de ceux-ci.

Citations tirées de Fallu et coll. 2008C’est ce que j’ai dit tantôt, la différence c’est que ya beaucoup de filles qui veu-lent maigrir pis au lieu de faire du sport, ben elles prennent du speed pour mai-grir, ça se fait pas plus rapidement, sauf qu’un moment donné, ben ellesdeviennent accros pis elles continuent à en prendre même si elles sont deve-nues comme un squelette…

Mais ya aussi que les filles veulent pas mal plus maigrir que les gars yveulent. Moi en tout cas, c’est juste pour ça que j’aurais vu que le monde pre-nait du speed quasiment. C’est plus pour maigrir. Tout le monde autour de moiprennent du speed : ah ça va me faire maigrir….

Faut que tu saches quand arrêter, j’ai perdu 50 livres à force de popper.

D’autre part, dès le début de 2008, les intervenants du GRIP Montréalet de Plein Milieu ont également constaté sur le terrain l’émergence d’un phé-nomène particulier, soit l’augmentation de la consommation dans un but deperformance. En réponse à ces observations, un projet financé par la Table deconcertation jeunesse du Grand Plateau a permis la tenue de groupes-sondedans cet arrondissement. Au total, 23 jeunes répartis en 3 groupes ont été inter-rogés dans le but de déterminer leurs réels besoins et les sujets qui soulèventleur intérêt en ce qui concerne les drogues. Les données ainsi obtenues ont

permis la consolidation de quatre types de performance distincts, soit :• La performance sportive, en termes de rendement et d’image• La performance sociale : en termes d’image et d’aptitudes• La performance productive : en termes de rendement et au

niveau fonctionnel• La performance sexuelle : en termes de rendement et d’excitationOn propose ici par drogue de performance Toute substance qui

influence l’humeur, l’état de veille, l’état d’esprit ou les perceptions et qui per-met d’obtenir un résultat supérieur à ce qui serait atteignable sans son usage(Turmel, Lalumière et Stroz-Breton, 2012).

Suite à ce projet, un portrait de la consommation des jeunes du terri-toire du CSSS Jeanne-Mance a finalement été réalisé. Certaines questions enlien avec les types de performance ont été intégrées au questionnaire de 108questions sur l’usage de drogues, de sorte à évaluer avec précision l’ampleurdu phénomène auprès des jeunes directement. Au total, plus de 762 élèves de14 ans et plus ont rempli un questionnaire en provenance de quatre écolessecondaires du territoire, ce qui a confirmé l’existence de cette réalité chez lesjeunes et la pertinence de déployer ce projet à grande échelle (Turmel, Meeson,Gingras et Beaulieu-Prévost, 2012). L’étude a par ailleurs permis de soulevercertaines informations pertinentes au sujet des particularités chez les filles.

Au sujet de la consommation de SPA• Les filles ont déclaré avoir fumé dans une proportion de 42 % au coursde la dernière année, contre 30 % pour les garçons.

• Les filles ont révélé en plus grande proportion qu’elles consom-ment de l’alcool dansle but de se saouler àchaque fois qu’ellesboivent ou souvent(26 % versus 19 %).

• Elles ont éga-lement mentionné enplus grande propor-tion se sentir plusgames ou coura-geuses après avoir bude l’alcool (34 % vs15 %).

• Les filles sontles seules à déclareravoir déjà été victimesd’actes violents aprèsavoir bu de l’alcool(20 % vs 0 %).

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Consommation de substances psychoactiveset ses risques chez les filles

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• Les filles ont déclaré avoir consommé une drogue illicite au coursde leur vie dans une proportion de 58 %, tandis que les garçons attei-gnaient une proportion de 47 %.

• Parmi les consommateurs, les filles sont proportionnellement plusnombreuses à avoir consommé de l’ecstasy dans les 12 derniers mois queles garçons (46 % vs 24 %).

• Si 7 % des consommateurs ont mentionné avoir eu recours à unedrogue illicite dans le but de maigrir, cette réalité touchait 12 % des fillescontre seulement 1 à 2 % des garçons.

Au sujet des problèmes intériorisés• Sur l’ensemble des élèves interrogés, les filles ont été plus nombreuses queles garçons à mentionner ressentir du stress (62 % vs 39 %) et à être souventdéprimées (31 % vs 13 %).

• Elles sont également plus nombreuses à déclarer avoir eu des idéessuicidaires (35 % vs 12 %).

Parmi les consommateurs de drogues illicites • Les filles consommatrices sont apparues plus nombreuses que lesgarçons consommateurs à s’être déclarées souvent ou parfois stres-sées (74 % vs 49 %).

• Les consommatrices de drogues illicites étaient significative-ment moins nombreuses que leurs comparses masculins à affirmern’être jamais stressées (4 % vs 14 %).

• Des résultats similaires sur le stress ont été observés pour laconsommation d’alcool.

• Les filles se sont présentées comme étant souvent ou parfoisdéprimées en plus grand nombre que les garçons et ce, tant pour laconsommation de drogues que d’alcool.

• Les filles consommatrices d’alcool sont plus nombreuses àavoir déclaré être déprimées que les garçons (43 % vs 32 %).

Certaines particularités propres aux filles ont ainsi soulevé notrequestionnement tout au long de ce parcours de recherche et c’estainsi que nous avons cerné la pertinence d’explorer davantage le phé-nomène de la consommation chez les filles avec une centration parti-culière sur les problèmes intériorisés.

MéthodologieAfin d’approfondir notre réflexion sur les meilleures façons d’intervenirauprès des filles, le GRIP Montréal a finalement réalisé une étudeexploratoire qualitative de type thématique auprès de 13 filles âgéesentre 18 et 22 ans. L’objectif poursuivi par cette démarche visait àquestionner ces filles sur leurs trajectoires de consommation.

La vie ne s’avérant ni statique, ni linéaire et ni parfaite, elle estconstituée de hauts et de bas, de grandes vagues et de situations quinous confrontent. Nous devons les traverser et trouver des mécanismesde résolution de conflits : certains s’investiront dans leurs études,d’autres dans le travail et certains dans l’usage de drogues. Les filles ren-contrées ont alternativement vécu des périodes de progression et dediminution de leur consommation, de la rechute à l'abstinence.

Des trajectoires divergentesRegarder les trajectoires nous indique que la nature des rapports entre drogue,santé mentale et autre problématique peut prendre des allures différentesselon le moment du parcours (Brochu, 2006 : 170).

Parler de trajectoire permet de rendre compte des événements vécuset de leur évolution chronologique et permet aussi de refléter les aspects reliésà la signification que l'on accorde à ces événements ainsi qu'aux sentimentsqu'ils provoquent (Brochu, 2006 : 170).

La trajectoire possèdent le grand avantage de bien décrire les proces-sus d'apprentissage et d'engrenage observés chez les usagers qui en viennentà consommer de façon régulière, sans oublier qu'elles tiennent compte destransformations des liens qui unissent les SPA et les autres problématiques(Brunelle, 2001 dans Brochu, 2006 : 170).

La consommation de drogues constitue un comportement complexeet en constante transformation qui s'appuie sur une multitude de facteurs pas-sés et actuels, publics et intimes, objectifs et subjectifs (Harrison, 1994 dansBrochu, 2006 : 170).

Les thèmes abordés, dans les entrevues semi-dirigées d’une duréed’une heure trente à 2 heures, ont touché à la consommation de substancespsychoactives (SPA) et la trajectoire de vie des participantes :

· SPA : types, raisons et motivations. · Contexte : initiation, comportements à risque, contexte fami-

lial et les pairs. · Individu : perception d’elle-même, caractéristiques personnelles,

l’anxiété, la dépression et les mécanismes de résolution de conflits.En complémentarité aux entrevues, deux instruments psychomé-

triques validés ont été administrés de façon à recueillir des données sur leniveau d’anxiété et de déprime actuel, soit l’inventaire d’anxiété de Beck, com-portant 21 items (Beck, A.T., Epstein, N., Brown, G., et Steer, R.A., 1988) et l’in-ventaire de dépression de Beck abrégé de 13 items (Beck, A.T., Steer, R.A. etCarbin, M.G., 1988).

Au préalable, un formulaire de consentement a été signé, assurantle traitement des données dans l’anonymat et la confidentialité. La partici-pation étant volontaire, chacune des participantes pouvait refuser derépondre à une question et se retirer en tout temps. Compte tenu de la sen-sibilité des thèmes abordés, toutes les précautions ont été prises afin de neposer aucun préjudice aux participantes. Ainsi, les entrevues étaient dirigéespar une intervenante disposée à écouter, référer et accompagner celles-cien cas de besoin.

Au terme de notre analyse, trois profils distincts de consomma-tion se sont démarqués et les résultats seront ici présentés pour cha-cun de ces profils, soit :

• Les filles récréatives : consommation exploratoire et occasionnelle • Les filles à risque : consommation variable dans le temps.• Les filles problématiques : consommation régulière avec des pics de

consommation, mais toujours présente.Cette étude en est une de terrain, réalisée dans un souci de prévention

et de réduction des méfaits. À cet effet, le GRIP Montréal cherche à demeurer

>11L’intervenant|31|03

Turmel, Meeson, Gingras et Beaulieu-Prévost, 2012

Consommation dans le but de maigrir

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à l’affût des réalités du terrain afin de s’orienter dans le développement d’ou-tils, de formations et d’animations répondant à des besoins actuels.

Portrait global des fillesEn explorant les trajectoires de vie des participantes à l’étude, nous avons ques-tionné bon nombre de facteurs personnels et environnementaux. Nous avonsainsi discuté de leurs impressions subjectives en ce qui concerne leurs carac-téristiques personnelles, leur situation familiale, leurs relations avec leurs pairs,leur perception d’elles-mêmes ainsi que les événements significatifs survenusdans leur vie, de la naissance à ce jour.

Les filles récréativesAu niveau individuel, ce profil se caractérise par de l’extraversion, des capacités

d’empathie et une plus grande sociabilité. Les filles appartenant à ce groupe ontégalement mentionné être légèrement impulsives et éprouver certaines difficul-tés avec l’autorité. Ces filles ont bénéficié d’une éducation démocratique. Ellesont vécu peu de déménagements. Bien que la majorité d’entre elles ait vécu laséparation des parents comme pour les autres profils, ces événements sont sur-venus plus tard au cours de leur développement (10-15 ans) et ont engendrémoins de conflits. Globalement, elles présentent une meilleure relation avec leurmère qu’avec leur père. Elles entretiennent des cercles d’amis diversifiés maisnon-délinquants. Ceux-ci sont principalement non-consommateurs ou usagersoccasionnels et sont décrits comme responsables. Elles se décrivent confiantesen elles-mêmes, bien dans leur peau et sans grand complexe. Le cours de leurvie s’est vu teinté jusqu’ici de relations harmonieuses, de persévérance scolaireet d’épanouissement au travail ainsi que d’un sentiment d’être à sa place. Leur

<12 L’intervenant|31|03

Tableau de Brisson, 2012 : 131 adapté de Nadeau et Biron ; MSSS (2001)

Tableau 1 : Facteurs de risque à l’usage inapproprié d’alcool et de drogues

Tableau de Brisson, 2012 : 132 adapté de Nadeau et Biron ; MSSS (2001)

Tableau 2 : Facteurs de protection contre les risques d’usage inapproprié d’alcool et de drogues

Environnement Milieu de vie Individu Substance

Accessibilité du produit (prix) Parents faisant un usageinapproprié

Être victimes d’abussexuels/physiques (femmes)

Trop grande pureté ou concentration des produits de rue

Normes de consommation permissives (alcool)

Climat familial dysfonctionnel,violence

Début de consommation précoce

Mode d’administration intraveineux (effets directs)

Lois restrictivres / mauvaiscontexte d’usage (drogues)

Événements de vie perturbateurs

Vulnérabilité biologique (pèrealcoolique)

Interactions médicamenteusesimprévues

Rejet par les pairs durant l’enfance

Attentes de plaisir et de relaxation (alcool)

Effets de tolérance et de sevrage

Travail stressant ou conditionsdifficiles (hommes)

Tempérament difficile, troublesde conduite durant l’enfance

Affiliation à des pairs déviants Être de sexe masculin (alcool)

Pratiques parentales inadéquates Impulsivité

Recherche de nouveauté

Environnement Milieu de vie Individu Substance

Dévalorisation sociale de laconsommation

Présence d’un adulte significatif

Tempérament positif chez l’enfant Mode d’administration oral

Pairs aidants Habiletés sociales adéquates

Capacité à résoudre des problèmes

Sentiment d’efficacité personnelle

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trajectoire présente peu d’épreuves de vie jugées très difficiles.

Les filles à risqueEn comparaison avec les récréatives, les filles à risque brossent d’elles-mêmesun portrait plus introspectif, teinté de timidité et de crainte de perdre. Elles seconsidèrent néanmoins plutôt sociables dans l’ensemble de leurs relations. Auniveau environnemental, elles mentionnent avoir évolué dans un climat familialmoins cohérent au niveau éducatif, plus négligeant et plus conflictuel. Leur his-toire familiale présente souvent un événement significatif en bas âge tel que laséparation des parents ou la mortalité de l’un d’eux. Fait intéressant, la mère estdépeinte comme plutôt absente et la relation s’avère plus conflictuelle, contrai-rement à la situation des filles récréatives. Les parents présentent certaines dif-ficultés (consommation, anxiété) et sont décrits comme étant très exigeants etsévères. Elles nomment n’avoir que peu d’amis proches, ces derniers étant majo-ritairement consommateurs de substances psychoactives. Elles sont mitigées ence qui concerne leur confiance en elles, se disant non complexées mais habi-tées d’une certaine crainte de ne pas bien paraître aux yeux d’autrui.

Les filles problématiquesLe dernier groupe témoigne davantage de diversité au niveau des caractéris-tiques individuelles, mais les traits de personnalité s’avèrent plus prononcés,oscillant d’un tempérament très réservé pour certaines à une attitude trèsimpulsive et agressive pour les autres. La gravité de ces difficultés les ontmenées à recevoir des diagnostics et à suivre des thérapies. Elles se décriventnéanmoins toutes perfectionnistes, obsessives, très autocritiques, en manqued’estime de soi et évoquent ne pas réellement se connaître. Fait intéressant,

à la différence des groupes précédents, celles-ci démontrent une difficulté àattribuer des aspects positifs à leur personnalité. L’environnement familial deces filles est parsemé de violence, d’isolement, d’abandons, de mouvementsfréquents (séparation des parents, placement en centre jeunesse, prise encharge par un membre de la famille élargie). Ici, les relations avec la mère sontdécrites comme conflictuelles et l’absence se retrouve plutôt du côté du père.Fait intéressant, on retrouve des diagnostics chez les parents (en particulier lepère) de plusieurs d’entre elles (bipolarité, toxicomanie, dépression). Leursrelations amicales apparaissent diversifiées au niveau de la consommation.Elles présentent des périodes d’isolement, lors de leur entrée en centre jeu-nesse ou lors des périodes de forte consommation. Finalement, les filles dece groupe exposent une trajectoire parsemée d’embûches, dont les difficultéssont plus persistantes dans le temps et elles s’enlisent davantage dans unmode de vie marginalisé (travail du sexe, fugues, itinérance, abandon scolaire,absence d’occupation).

Les portraits soulevés ici nous rappellent l’importance des constatsretrouvés au sein de la littérature scientifique en ce qui concerne les facteurs derisque et de protection, tels que regroupés dans les tableaux 1 et 2 (page 12).

Consommation des fillesLe sujet de la consommation de substances psychotropes a été approfondi aucours des entrevues avec les filles et révèle des distinctions entre les trois pro-fils dressés. Tel que présenté dans le tableau 3 (page 14), l’usage de droguesrevêt une fonction plus festive et occasionnelle chez les filles récréatives,

On consomme pas dans chaque rave. Sinon ça serait trop là. Çadépend des fois.

>13L’intervenant|31|03

FACULTÉ DE L’ÉDUCATION PERMANENTE

FEP.umontreal.ca/santementale

Le Certificat en santé mentale,

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alors qu’elle trouve une divergence intéressante entre les profils àrisque et problématique. Le premier groupe décrit des épisodes de forteconsommation plus ponctuelles dans le temps (ces périodes intensivesdurent généralement de deux à trois mois) et celles-ci correspondent à desmoments de vie significativement plus difficiles dans le parcours de vie,alors que l’usage chez les filles problématiques témoigne d’une régularitéindépendante des événements. Fait intéressant, les filles à risque ontnommé préférer davantage les dépresseurs compte tenu de l’anxiété quesuscite chez elles la prise de stimulants, alors que les filles problématiquesont davantage tendance à rechercher les effets des stimulants.

J’me suis rendue compte que le speed ça parait pas. Tu peux être là-des-sus toujours, même à job, même à maison. Moi c'était vital. J’étais pascapable genre de faire le ménage sinon.De plus, la précocité d’initiation correspond aux profils plus sévères, tel

que largement constaté au sein de la littérature scientifique (Perkonigg et coll.,2008). Notons que la performance constitue un motif d’usage présent chez lestrois groupes, bien que la nature de cette pression de performance diffère. Lesraisons évoquées par les filles récréatives excluent la régulation émotionnelle etréfèrent davantage à l’image de soi, alors que les profils suivants ressentent despressions de performance plus généralisées et diffuses (tableau 4). On retrouveégalement certaines distinctions au niveau des contextes reliés à cet usagedans le tableau 4.

Comportements à risquePoursuivant notre interrogation quant aux habitudes de consommation, nousavons examiné différentes conduites à risque en lien avec l’usage des drogues.Nous avons regroupé ces comportements en dix types de risques et nous

sommes intéressées aux différences entre les groupes dans ces pratiques. Nousavons par ailleurs constaté la présence de certaines pratiques chez l’ensembledes participantes. Nous présenterons ici les données les plus intéressantes.

Comportements à risque présents chez tous les groupessans distinctionOn note d’abord une tendance unanime portée sur les mélanges dont voici lesprincipaux constats :

• Les filles mélangent plusieurs substances entre elles au cours d’unmême épisode de consommation et parfois plus de deux SPA.

• Elles ne mentionnent pas systématiquement les mélanges effectués entrel’alcool et les autres SPA lorsqu’on les questionne sur l’usage simultané de SPA.

• Fait intéressant, les filles ayant reçu des informations sur les mélanges ouayant vécu une expérience désagréable s'abstiennent maintenant de mélanger.

Ah ouais ben l’alcool hein, ouais ça compte ! Ben ouais, je mélange pasmal d’abord !Non ça y’a déjà eu un gars qui est venu dans notre classe pis qui a ditde pas les mélanger parce que ça pouvait être dangereux fac j’ai jamaisfait ça. Je choisis à la placeUn constat particulier a été porté sur la sexualité. On dénombre chez

l’ensemble des filles les comportements à risque suivant :• Relations sans protection : pilule du lendemain, avortement.• Situations de vulnérabilité : agression au GHB.• Comportements inappropriés : fellation en public, embrasser un inconnu.• Relations sexuelles avec un inconnu sans souvenir : culpabilité, malaise.

J’ai pris ma première brosse avec des gars que je connaissais pas. Unechance que mon meilleur ami était là, sinon il se serait passé des choses

<14 L’intervenant|31|03

Tableau 3 : Portrait de consommation des filles interviewées

Tableau 4 : Contextes de consommation des filles interviewées

Portrait de consommation Les filles récréatives (3) Les filles à risque (4) Les filles problématiques (6)

Portrait globalFréquence de consommationexploratoire et occasionnelle,festive et responsable

Fréquence de consommationvariable dans le temps, plus présente dans le passé et plusfestive en grandissant

Fréquence de consommationplus régulière et abusive

Âge d’initiation Entre 13 et 15 ans Entre 11 et 14 ans Entre 8 et 14 ans

Raisons HédonismePerformance sociale

HédonismePerformance productive et fonctionnelleRégulation émotionnelle

HédonismePerformance productive et fonctionnellePerformance socialePerformance sexuelleRégulation émotionnelle

Portrait de consommation Les filles récréatives (3) Les filles à risque (4) Les filles problématiques (6)

Contexte d’initiationDans les partys, voyages et événements planifiés. Pas depression ressentie.

Diversifié. Avec les amisconsommateurs ou seules. Dans les contextes festifs audépart.

Avec les amis consommateursou seules, dans les différentslieux (travail, école, Centre jeunesse). Déclenché au débutde la rébellion.

Contexte de consommation Toujours en contexte festif etplanifié. Jamais seules.

Avec les amis sans événementparticulier lorsque plus jeunes et maintenant en contexte festif planifié. Seules pour le pot seulement.

Avec les amis ou seules, indépendamment du contexte(semaine, fin de semaine, travail ou non, parce que rienà faire, etc.).

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que je voulais pas. La confusion entourant la notion de consentement a retenu particuliè-

rement notre attention. À ce sujet, les filles ont souvent évoqué, comme motifles ayant mené à des relations sexuelles, la crainte de dire non face à la pres-sion et un état d’ébriété ayant nui à leur jugement. Ces situations ne sont pasqualifiées par celles-ci d’agressions et ont plutôt résulté en une culpabilisation.Certaines participantes ont par ailleurs mentionné être témoin d’une banalisa-tion de ce type de situation au sein de leur entourage.

Je me suis souvent réveillée nowhere chez un gars en me disant « ah, jeme suis ramassé un gars ». C’est sûr qu’après je me sentais pas bienmais bon, ça a l’air que l’alcool ça me rend plus horny. Dans ma tête ona tous fait ça.Je me suis souvent fait harceler pour baiser. Je me suis souventréveillée en pleurs le lendemain parce que je voulais pas vrai-ment mais j’étais trop gênée pour dire non. Mais c’est pas uneagression parce que j’étais saoule dans le fond. C’est pas impor-tant pour les gens dans ce temps-là. C’est carrément une culture du viol, tout le monde autour de moi. Tout lemonde s’en fout pis trouve ça normal de coucher avec une fille tropsaoule. C’est ton problème si t’es saoule. Gosser pour baiser c’est nor-mal pis saouler pour baiser c’est normal. Les gens sont complètementinconscients du concept [de consentement].

Comportements à risque se distinguant selon lesgroupes de filles Globalement, les effets déplaisants vécus sur les plans physique (surdose,fatigue, etc.) et psychologique (bad trip, psychose toxique, etc.) connaissentune gradation selon les groupes de fille. Ainsi, l’ensemble d’entre elles ont déjàexpérimenté des problèmes de cet ordre, mais les filles récréatives réagissenten cessant l’usage de drogues ou en diminuant cet usage avec les années.

Les downs de speed sont intenses. Moi un moment donné ça me ren-dait parano fac maintenant j’ai juste arrêté. Ben pas arrêté là, si j’va dansun rave ok, j’va en faire mais sinon je fais pu ça. J’me suis ajustée.De la même façon, les filles des groupes à risque et problématique s’ex-

posent à davantage de problèmes au niveau de la justice et expérimententdavantage de conséquences sociales (expulsion de l’école, violence, etc.).

Les affects dépressifs et anxieuxDans le cadre de cette étude exploratoire, il s’avérait impératif d’ap-profondir les affects dépressifs et anxieux expérimentés par les filles,le constat d’une différenciation entre les sexes à ce sujet ayant conduità l’origine même de cette étude.

À ce sujet, nous savons que la transition à la vie adulte est une périodeau cours de laquelle les problèmes de santé mentale sont susceptibles d’aug-menter chez les jeunes ayant connu des difficultés de développement. Marcotte(2007 : 1) a constaté que

les filles ayant eu des problèmes de comportement lors de leurs étudessecondaires connaissent un passage à l’âge adulte plus difficile et com-plexe, avec davantage de symptômes de dépression et d’anxiété, que lesgarçons. Selon elle, même si elles sont moins nombreuses à présenterdes difficultés de comportement pendant leur parcours scolaire, les fillesdevraient bénéficier d’une attention soutenue et différenciée.Lorsque nous avons exploré la trajectoire de vie de l’ensemble des filles,

nous avons constaté que les affects dépressifs semblent avoir précédé l’initia-tion à la consommation de drogues illicites et d’alcool, bien qu’il ne s’agissepas nécessairement au préalable de difficultés prononcées. Inversement, c’estla consommation qui semble ici avoir précédé l’anxiété lorsqu’on observe la

préséance dans la trajectoire des filles.

Distinction des trois profilsLes trois groupes de filles ont présenté des divergences au niveau de la pré-sence d’affects dépressifs et anxieux. Ainsi, chez les filles récréatives, despetites périodes de déprime ou d’angoisse à l’adolescence évoquaient lepassage normal de l’adolescence. Les filles à risque manifestaient pour leurpart des affects dépressifs fluctuant dans le temps, influencés par la surve-nue de moments de vie difficiles et absents autrement. L’anxiété demeurepar contre toujours présente pour ce groupe. Fait intéressant, les filles pro-blématiques complètent le tableau par une dichotomie des affects dépres-sifs et anxieux entre elles. Une part a ainsi connu une déprime plus stabledans le temps et de gravité plus sévère, alors que d’autres ont plutôt évo-qué l’absence de déprime au cours de leur vie. Ces participantes semblentcorrespondre à des traits plus impulsifs et aux problèmes davantage exté-riorisés, alors que chez les autres filles on retrouve les niveaux les plus éle-vés d’anxiété parmi les trois groupes. L’anxiété chez ces fillesproblématiques s’étend à davantage d’aspects de la vie, elle apparait plusprécocement, est plus stable dans le temps et est davantage alimentée.

Je m’auto-stress toute seule. Je me dis « ah faut que je fasse ça, ah j’suistrop ça, ah peut-être que ça va chier mes projets. Tout d’un coup que ».C’est comme ça partout.En bref, globalement :• Filles récréatives : Déprime et les angoisses passagères et normales

de l’adolescence!• Filles à risque : Fluctuation de la déprime en pics dans le temps selon

les événements difficiles, mais anxiété toujours présente.• Filles problématiques : Stabilité et la gravité de la déprime et de

l’anxiété … Ou l’absence de celles-ci!Le tableau 5 (page 16) illustre de façon plus approfondie les distinctions

entre les groupes au niveau des affects dépressifs en lien avec plusieurs facteurs.Le tableau 6 (page 16) illustre pour sa part les distinctions entre les

groupes en ce qui concerne les affects anxieux.

La gestion des émotionsAfin d’approfondir la question entourant la gestion des émotions, nous avonsinterrogé l’ensemble des filles quant à la présence de certains comportementsdestructeurs et sur leurs stratégies de résolution de problèmes. Le tableau sui-vant (dont les résultats demeurent descriptifs et ne devraient pas être considé-rés quantitativement) illustre une gradation dans la survenue de certainscomportements selon les profils rencontrés.

Les filles problématiques se démarquent par l’omniprésence de pen-sées suicidaires et des passages à l’acte au cours de leur vie, ce qui témoigned’une détresse notable. Elles ont d’ailleurs fait l’objet de suivis pour ces diffi-cultés. En ce qui a trait à la présence de comportements alimentaires inadé-quats, notons que ceux-ci concernent exclusivement les filles au profilproblématique. En lien avec la consommation de stimulants, les entrevues ontrévélé que le désir de maigrir ne précède majoritairement pas le recours auxdrogues, mais que l’usage de celles-ci a plutôt entraîné une perte de poidssignificative ayant par la suite constitué un motif supplémentaire de consom-mation et un obstacle à l’arrêt. Fait intéressant, chacune des filles interrogéesétait en mesure de préciser le nombre exact de livres perdues au cours d’unepériode d’usage prononcé de speeds.

Ben non, le speed j’en ai pris au début avec mes amis pis toute là, pourme lâcher lousse, mais regarde ces pantalons-là. Sont à ma mère pis çafait full longtemps que je les aime pis là, en même pas trois mois j’aiperdu 42 lbs pis je me suis dit « wow cé malade ! ». Pis là je peux porter

>15L’intervenant|31|03

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ces pantalons-là. J’pense pas que je resterais comme ça si j’arrêtais [deconsommer du speed]. C’est un avantage mettons.La pratique de l’automutilation s’est également avérée très présente

chez les filles à risque et problématiques. Celles-ci ont majoritairement men-tionné avoir cessé cette pratique qu’elles associent à une période de désespoirdurant un moment restreint de leur adolescence.

J’me coupais pas mal avant. Mais pu là mais avant. Le centre c’était

comme une prison pis, ben quand j’regarde ce qui faut que je fasse, j’voisplein de choses qui vont pas bien. Faut que je travaille plein de chosespis je fais rien.S’ajoutant à ces comportements, on retrouve également davantage de

stratégies efficaces de résolution de problèmes chez les filles récréatives.Celles-ci évoquent notamment la réflexion, l’écoute de l’autre, l’introspection desoi et l’expression de soi comme stratégies de coping, alors que les filles à

<16 L’intervenant|31|03

Tableau 5 : Affects dépressifs des filles interviewées

Tableau 6 : Les affects anxieux des filles interviewées

Affects dépressifs Les filles récréatives (3) Les filles à risque (4) Les filles problématiques (6)

Trajectoires Petites périodes de déprime àl’adolescence.

Pics de dépression à l’adolescence.

Dépressions plus stables dansle temps, à intensité variable.

Lien avec les événements devie

Associés à un besoin de s’affirmer, de changer lemonde, esprit critique envers lemonde et impression de ne pas être à sa place.

Reliés à des momentsdifficiles dans leur vie :manque de travail, perted’amis, séparation, décèsdans la famille, homosexualité.

Pas toujours en lien avec desévénements spécifiques devie : diagnostics de santémentale, médication antidépresseurs et internementen psychiatrie.

Lien avec la consommationRelié à une augmentation de consommation mais jamaisproblématique.

Pics de difficultés reliées àaugmentation des périodes intensives de conso maisbrèves dans le temps.

Rechute à l’arrêt demédication, plusieursdépressions, abandon del’école, roue qui tourne.

Scores actuels de dépressionselon l’inventaire de BECK

Scores nuls ou légers de déprime.

Selon la situation actuelle,déprime résorbée ou présente.

Diversifiés! On retrouve desscores sévères et modérés, demême qu’un score nul!

Lien avec les stratégies decoping

S’investir dans des causes,s’occuper, changer d’amis,réaliser des activités, s’engager.

Retour aux études, cadre devie/routine, suivre programme,fuite, passivité, consommer, dormir.

Être accompagné, dormir,rechutes de consommation,ne savent pas, médicaments.

Affects anxieux Les filles récréatives (3) Les filles à risque (4) Les filles problématiques (6)

Trajectoires

L’anxiété était plus présente à l’adolescence : pression performance scolaire et travail,mais stress normal, stressrelationnel.

Ruminations relationnelles,attaque de panique, crised’angoisse, boule dans leventre.

Stress relié aux responsabilités,diagnostics, anxiété sociale,attaques de panique, crisesd’angoisse, peur du changement, peur des gens, armes pour se protéger,performance relationnelle etsociale, difficulté à dormir.

Lien avec les événements devie

Stress ne semble pas relié àdes épreuves difficiles.

Situations de vie plus difficiles.

Anxiété plus stable dans le temps et davantage de situations difficiles.

Lien avec la consommation

Diminuation de l’anxiété avecle temps pouvant avoirinfluencé l’arrêt de consorégulière.

Relié à la tendance vers l’usage de dépresseurs?

Relié à la tendance vers lesstimulants?

Scores actuels de dépressionselon l’inventaire de BECK

Anxiété majoritairement nulle,jusqu’à modérée.

Anxiété majoritairement modérée, parfois sévère. Diversifiés! De nuls à sévères!

Lien avec les stratégies decoping

Thé, lire, méditer, respirer,rationnaliser, relativiser le réeldanger, lecture, télé,divertissements, fuite.

Routine, tisane, bain, respirer,changer les idées, thérapie gestion du stress, fuite,procrastination, consommation,évitement.

Musique, marcher dans la nature, médication,consommation, boulimie/crisesd’hyperphagie, dormir, pleurer,n’en connait pas.

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risque et les filles problématiques décrivent une difficulté à s’exprimer, une ten-dance à l’inaction se traduisant par la fuite des problèmes et l’évitement del’autre en cas de conflit.

Fait intéressant, les filles au profil à risque ne connaissent et n’utilisentpas les ressources, alors que les autres profils les utilisent pour différentes rai-sons. Les filles récréatives ont tendance à se tourner vers les services dispo-nibles pour les aider en cas de besoin, les protéger ou prévenir uncomportement, alors que les filles du groupe problématique ont été davantageréférées et prises en charge par certains services vu leurs difficultés

Moi j’va sur les forums pour avoir des infos. J’va sur internet tout est là sit’as besoin de quelque chose. Pis avant, au secondaire, y’avait les inter-venants qui étaient là, jsuis dejà allée les voir des fois.Je l’sais pas trop. J’ai jamais été dans des ressources. C’est pas quelquechose que je connais. J’pense que si j’ai un problème ben je m’arrange.Je sais pas, j’me vois pas aller dans les endroits comme ça.

La préventionMalgré que nous ne puissions établir de lien causal entre la consommation etla santé mentale chez les filles, quelques variables de nature psychologiquepermettent tout de même de distinguer celles-ci des garçons et sont donc sus-ceptibles de nous informer quant au risque d’aggraver un problème existant oude mener à une consommation ultérieure.

Ces résultats nous interrogent sur la façon de rejoindre davantage lesfilles à risque et questionnent ultimement ce que nous pourrions faire en amontpour éviter qu’elles ne se retrouvent avec un bagage plus lourd en lien avec cesproblématiques. À cet effet, il semble impératif de mieux identifier celles-ci dèsl’apparition de premières difficultés au primaire et au secondaire, ce quiimplique le déploiement d’efforts de prévention.

Il apparaitrait également fort pertinent d’offrir un suivi adéquat auxjeunes à partir de leurs 18 ans, une période pourtant critique au niveau del’émergence de problèmes de consommation et de santé mentale. Or, les fillesont plutôt décrit une impression d’avoir été laissées à elles-mêmes suite à lapériode du secondaire et nous avons constaté objectivement un manque desuivi suivant leur majorité s’étant traduit par la fin de services destinés auxjeunes et par la référence vers des médecins généralistes malgré la gravité desdifficultés rencontrées.

Lorsque disponibles pour ce groupe d’âge, les services se sont avéréstrès bénéfiques pour les filles qui ont mentionné les considérer comme déter-minants dans leur démarche de reprise en main. Non seulement ce type deservice devrait être maintenu, mais également déployé à grande échelle.

Ça m’a tellement aidé là, d’être ici. C’est sûr que quand je viens ici [orga-nisme de réinsertion socio-professionnelle], j’ai une routine, ça me donneune vie. Je pense pas à consommer parce que je pourrais pas anywayavec le cadre pis toute. Je fais mes affaires, tsé. Fac non c’est sûr que j’aiarrêté toute seul quand j’suis arrivée ici.Dans cette perspective, il apparait finalement essentiel d’amélio-

rer nos politiques et nos modèles d’intervention notamment en ce qui atrait aux moyens financiers accessibles pour la continuité des services,l’élaboration de programmes de prévention et d’intervention précocesadaptés aux réalités des filles.

Finalement, face au constat de conduites à risque en lien avecl’usage de drogue, tant chez les filles au profil récréatif que chez les autresgroupes, la pertinence de rendre accessible une information juste etneutre demeure actuelle.

Ultimement, la réalisation de ce projet nous permettra d’initier untravail en amont par le biais de l’élaboration d’outils préventifs destinés àcette clientèle. Nous sommes par ailleurs ouverts aux besoins et aux sug-gestions en ce qui concerne les thèmes à aborder en lien avec les don-nées ressorties de cette étude!

Ce que le GRIP Montréal a mis en place jusqu’à maintenant : À ce jour,le projet sur les substances psychoactives et la performance, comprenant unatelier pour les jeunes et une formation pour les professionnels, a suscité un vifintérêt. Il a trouvé écho auprès de nombreux acteurs de la santé et des servicessociaux et a fait l’objet de nombreuses demandes. Au total, 80 animations et20 formations ont été dispensées. De plus, nous avons reçu plus de 500 com-mandes pour notre affiche sur les boissons énergisantes. Celle-ci est toujoursdisponible.

Pour obtenir davantage d'informations ou des services de pré-vention, pour commander des outils ou recevoir une formation com-plète sur les nouvelles tendances, visitez le site web du GRIP Montréalau <www.gripmontreal.org>.

RéférencesBECK, A.T., Epstein, N., Brown, G., et Steer, R.A. (1988). An inventory for measuring clinical anxiety: psychometricproperties. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 56, 893-897.

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Tableau 7 : Situations alarmante discutées par les filles interviewées

Situations alarmantes Les filles récréatives (3) Les filles à risque (4) Les filles problématiques (6)

Idéations suicidaires Une seule fille Une seule fille Plus que la moitié des filles

Tentatives de suicide Une seule fille La moitié des filles Presque toutes les filles

Automutilation Une seule fille La moitié des filles Presque toutes les filles

Alimentation Aucune fille Aucune fille Toutes les filles

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Manon Massé U n i a t o x

argement médiatisé et dénoncé avec vigueur, le geste dela direction d'une école secondaire de Québec decontraindre une élève de 15 ans à se déshabiller, parcequ'on la soupçonnait de vendre de la drogue dans l'éta-blissement, est sans aucun doute la conséquence à un

problème beaucoup plus grand qui affecte plusieurs milieux sco-laires : l’absence d’une stratégie efficace de prévention de la toxico-manie axée sur la mobilisation des différents intervenants gravitantautour de l’élève.

En effet, pour que des adultes en viennent à une solution aussidrastique afin de tenter de résoudre une situation liée à la toxicomanie,c’est qu’il y a une méconnaissance sérieuse des bonnes pratiques àadopter en matière de réduction des méfaits liés à la consommationd’alcool et de drogues. Pour plusieurs, le recours à des méthodesaxées sur la répression apparait justifié afin d’enrayer la possession etla vente de stupéfiants auprès des jeunes. Or, l’utilisation de mesurestelles que le recours à des chiens pisteurs ou bien la fouille à nue risquefortement d’accroître les facteurs de risque pouvant entrainer uneaggravation d’un problème de consommation.

Bien qu’une telle situation s’avère extrême, il serait faux de croirequ’il s’agit d’un cas isolé et complètement désincarné de la sociétédans laquelle nous vivons. Dans une ère où nous investissons davan-tage de ressources dans le curatif plutôt que dans le préventif, il ne fautguère s’étonner que la prévention en toxicomanie ne soit plus une prio-rité dans plusieurs milieux. Les administrateurs publics argueront qu’ilsne sont plus dotés de moyens suffisants pour la mise en œuvre de stra-tégies qui demandent certains investissements, mais qui sont bien plusefficaces que les mesures coercitives utilisées et qui permettront deréduire les coûts sociaux très élevés associés à la toxicomanie.

Il y a des conséquences à ces mesures qui tendent à stigmati-ser les jeunes consommateurs : décrochage, isolement, dépression,

suicide, etc. Là où il se doit d’être un partenaire d’importance dans lavalorisation et la mise en place de facteurs de protection pour réduireles risques de développer une consommation problématique ou descomportements délinquants, le milieu scolaire se retrouve à faire lecontraire dans certaines circonstances.

Pourtant des solutions existent. En matière de prévention de latoxicomanie, il vaut mieux être dans l’action que dans la réaction! Ainsi,la mise en place d’un processus préventif, articulé autour d’une poli-tique école, s’avère indispensable afin que l’ensemble des personnesgravitant autour des jeunes, incluant les parents, soit en mesure de col-laborer à une stratégie efficace et concertée. Une telle politique peutprévoir des formations visant à mieux équiper le personnel enseignantsur différents volets liés à la toxicomanie, offrir des ateliers en classe,favoriser le repérage et la détection des élèves à risque ou encore éta-blir un protocole d’intervention auprès d’un jeune susceptible de déve-lopper un problème de consommation. De cette manière, on s’assured’une cohérence dans les messages transmis aux élèves et aux adultestout en limitant les risques de dérapages.

Coordonnée avec le support d’intervenants chevronnés en lamatière, tel que les membres de l’équipe d’Uniatox, organisme spécia-lisé en prévention des toxicomanies et en réinsertion sociale desservantle sud de Lanaudière, la mise en application d’un tel plan permet delimiter le risque de dérapage que nous avons connu dans les dernièressemaines en offrant un milieu sain et un cadre permettant de mieuxsupporter les différents acteurs œuvrant auprès des jeunes et leursfamilles dans le respect des bonnes pratiques. Bien que les ressourcesen prévention des toxicomanies demeurent insuffisantes sur l’ensembledu territoire québécois, elles existent et il est possible d’y faire appelen contactant les différents organismes qui peuvent vous soutenir etvous accompagner dans le déploiement d’un plan d’action efficace. <

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Mieux vaut prévenir que de dévêtir

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Martin Ruel, professeur en techniques d’éducation spécialiséeC é g e p d e S o r e l - T r a c y , M a î t r i s e e n i n t e r v e n t i o n e n t o x i c om a n i e

endant les huit années travaillées au sein d’un hôpital psy-chiatrique en tant qu’éducateur spécialisé auprès d’uneclientèle souffrant de troubles psychotiques, j’ai constatéqu’un bon nombre des plus jeunes patients admis avaientun historique de consommation qui parfois nécessitait des

interventions immédiates. Il était difficile pour moi d’intervenir sur l’aspectde la consommation dans les activités de vie quotidienne auprès decette clientèle présentant cette comorbidité, car l’aspect de la toxicoma-nie n’était pas toujours reconnu par l’ensemble des intervenants. Cetteconstatation m’a amené à m’intéresser aux approches, stratégies etoutils d’intervention utilisés et jugés efficaces auprès de cette clientèle.Cet angle de réflexion m’est apparu pertinent à la fois d’un point de vued’intervenant mais également du point de vue d'un enseignant puisqueje considère que ce contenu doit être abordé par le biais des différentscours que j’enseigne à titre de professeur en techniques d’éducation spé-cialisée.

Essai synthèseL’essai synthèse que j’ai réalisé dans le cadre de la maîtrise en interven-tion en toxicomanie, s’intéresse à l’intervention auprès d’une populationde 18-30 ans aux prises avec une problématique de schizophrénie etd’utilisation de substances psychoactives. Entre 25 et 30 % des patientstraités pour la schizophrénie auraient également un trouble d’utilisationde substances (Bogenschutz et Arenella, 2012). Les substances les plusconsommées par cette population sont : la nicotine, l’alcool, la cocaïneet le cannabis. La consommation de cannabis chez les jeunes souffrantde schizophrénie est d’autant plus préoccupante, car elle peut contribuerà exacerber les symptômes psychotiques de la maladie. Selon une étudelongitudinale, les patients souffrant de schizophrénie et consommant ducannabis auraient connu en moyenne jusqu’à six hospitalisations de plusque les patients souffrant de la même maladie, mais sans historique de

consommation (Manrique-Garcia et coll, 2014). Selon cette mêmeétude, la durée des hospitalisations serait également plus importante.

Par ailleurs, la comorbidité schizophrénie et trouble d’utilisation desubstances reste sous-diagnostiquée (Bogenschutz et Arenella, 2012).L’alcool et le cannabis sont les substances les plus consommées lors dupremier épisode psychotique (Milin, 2008). La schizophrénie peut engen-drer des difficultés à développer des habiletés fonctionnelles nécessairesau passage à la vie adulte (ex. : faire un budget, s’alimenter adéquate-ment, etc.) (Killackey, McGorry, 2012). Il est donc important d’intervenirtôt dans l’apparition de la maladie. Afin d’être le plus efficace possibledans le traitement de cette comorbidité, le modèle intégré est privilégié.Il consiste à traiter au sein d’une même équipe les problématiques desanté mentale et de toxicomanie (Dubreucq, Chanut, Jutras-Aswad,2012). Plusieurs sources consultées énumèrent les meilleures pratiquesà utiliser auprès de la clientèle souffrant de schizophrénie et d’un troubled’utilisation de substances, mais l’application concrète de ces pratiquesd’intervention dans le quotidien du client et de l’intervenant est peu pré-cisée.

Objectif de l’essai Ainsi, l’objectif de mon essai synthèse consiste à décrire les approcheset stratégies d’intervention utilisées et recommandées pour favoriser lerétablissement des jeunes de 18-30 ans aux prises avec une probléma-tique de schizophrénie et d’utilisation de substances psychoactives enmilieu hospitalier ou résidentiel et discuter de la pertinence de cesapproches et stratégies dans le travail d’un éducateur spécialisé. Bienqu’a priori l’objectif cible la profession d’éducateur spécialisé, les résul-tats et les retombées peuvent s’appliquer à d’autres types de profes-sionnels (travailleurs sociaux, infirmiers, criminologues, etc.) qui travaillentau quotidien auprès du même type de clientèle.

Moyen et méthodologieL’entrevue individuelle semi-dirigée auprès d’informateurs clés tels quedes gestionnaires coordonnant des interventions psychosociales enmilieu hospitalier ou résidentiel ou encore des intervenants possédantune expertise pertinente dans le domaine a été le moyen privilégié. Lesprincipaux thèmes abordés en entrevue concernaient la clientèle ciblec’est-à-dire les 18-30 ans souffrant de schizophrénie et d’un troubled’utilisation de substances. Ces thèmes se sont orientés autour : desapproches d’intervention préconisées et les plus fréquemment utiliséesau sein de l’établissement, des stratégies d’intervention utilisées par les

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Les pratiques d’intervention au cœur du quotidien des intervenants en milieu hospitalier et résidentiel, travaillant auprèsdes jeunes aux prises avec la schizophrénieet un trouble d’utilisation de substances1

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1 Essai rédigé avec le soutien financier du Fonds de bourse Jean-Lapointe et sous la supervisionde Madame Karine Bertrand Ph.D., professeure, Programmes d’études en toxicomanie del’Université de Sherbrooke

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professionnels qui travaillent auprès de cette clientèle dans les activitésde vie quotidienne (notamment les éducateurs) ainsi que du matériel oudes outils utilisés et jugés pertinents et efficaces (grilles, tests, question-naires, programmes). Au total, cinq entrevues (de 38 à 60 minutes cha-cune) ont eu lieu auprès de cinq informateurs clés travaillant tous dansdes établissements différents du Grand Montréal (hôpital ou résidence),offrant des services à une clientèle aux prises avec un problème de santémentale et pouvant avoir (ou ayant) un trouble d’utilisation de sub-stances. Tous les informateurs travaillaient et possédaient une expertisedans le domaine de l’intervention et du traitement auprès de cette clien-tèle. Parmi les professions exercées ou étudiées par les informateurs, onretrouvait : la psychologie, la psychoéducation, l’ergothérapie, les rela-tions humaines ainsi que la médecine psychiatrique. Le verbatim dechaque entrevue a été retranscrit ce qui a permis d’effectuer une analysethématique des résultats en codifiant des unités de sens en lien avec lesthèmes recherchés de l’entrevue.

Les résultats concernant les approches d’interventionL’approche la plus citée est l’entretien motivationnel. Cette approche per-met de travailler l’ambivalence des clients face aux changements deshabitudes de consommation. De plus, elle facilite l’adhérence au suivipharmacologique notamment auprès des clients qui n’acceptent pas ouqui sont en déni concernant leur diagnostic de schizophrénie.Cependant, l’utilisation de cette approche auprès de gens souffrant deschizophrénie nécessite plus de séances qu’avec d’autres types de clien-tèle. En effet, le manque de motivation (symptôme négatif de la maladie)est un défi supplémentaire pour l’application de cette approche. De plus,le personnel manque parfois de formation au regard de cette approchece qui en freine l’utilisation ou son efficacité.

L’approche cognitive-comportementale est utilisée de diversesfaçons, entre autres, pour le développement d’habiletés et de stratégiesaxées sur l’affirmation face aux drogues. Par exemple, apprendre à direnon si un proche nous offre de la drogue, ou encore nous invite àconsommer avec lui. L’explication de séquences comportementales quimènent à l’usage de la drogue est une autre utilisation possible de cetteapproche.

La réduction des méfaits est une approche qui est utilisée auprèsde cette clientèle : distribution de matériel stérile, tolérance envers laconsommation, souligner les efforts qui mènent à une diminution, etc.

D’autres approches ont été mentionnées, mais que brièvement(l’approche psychoéducative, l’approche comportementale, l’approchebiomédicale, l’approche d’intervention précoce, l’approche humaniste).

Les résultats concernant les stratégies d’intervention L’animation d’ateliers tant au niveau de l’aspect santé mentale que del’aspect toxicomanie est la stratégie la plus utilisée. Tous les informateurss’entendent sur le nombre idéal de participants par atelier, c’est-à-dire de8 à 12 personnes et sur la durée de chaque atelier qui devrait se situerentre 1 h 00 et 1 h 30 (temps maximal de concentration pour la clien-tèle). Diverses thématiques peuvent être abordées. En toxicomanie onretrouve : la reconnaissance du problème de consommation, les avan-tages et désavantages de consommer, l’impact du problème de consom-mation dans la vie de l’individu, le réseau social et son influence, lesmoyens alternatifs à la consommation, etc. En santé mentale onretrouve : la reconnaissance des symptômes de la maladie, l’importancede la médication dans le traitement, les signes et symptômes de larechute, etc.

D’autres stratégies sont également mentionnées : la collaborationinterdisciplinaire, la collaboration avec des ressources spécialisées(notamment les ressources spécialisées en toxicomanie), l’accompagne-ment de la clientèle dans les activités de vie quotidienne (hygiène, repas,médication, tâches ménagères, etc.) afin de soutenir leur motivation etpour développer leur autonomie, l’accompagnement dans la commu-nauté (ex. : groupe AA), le suivi individuel hebdomadaire, etc.

Les résultats concernant le matériel et les outils d’inter-vention Parmi les outils mentionnés, on retrouve le plan d’intervention qui est unincontournable. Ce dernier devrait tenir compte à la fois de la santé men-tale et de la toxicomanie. Plus spécifiquement, au niveau de la toxico-manie. Des outils tels que : des grilles d’évaluation et d’autoévaluation,des grilles de réflexion, des balances décisionnelles, des cartes de pré-vention et des programmes d’intervention (Bon trip, Bad trip2) sont utili-sés. Quant à l’aspect santé mentale, on retrouve : des grilles de suivi pourles activités de vie quotidienne, des grilles de collectes d’information surle profil global de la personne, des programmes d’intervention (les Choixdu DJ3), etc.

Les recommandations et retombées À la lumière des résultats de cet essai synthèse et de mon expertise deprofesseur de cégep en techniques d’éducation spécialisée en lien avecmes préoccupations professionnelles, les recommandations suivantespeuvent s’articuler.

Considérant que tous les informateurs ont mentionné l’im-portance et l’efficacité de l’entretien motivationnel auprès de cetteclientèle, tout comme la littérature consultée (Desrosiers et coll,2010; Drake et coll, 2004; Horsfall et coll, 2009) et que cetteapproche n’est pas enseignée dans le contenu de cours actuelle-ment, je recommande que l’entretien motivationnel commeapproche soit inscrit dans le contenu de cours à la formation spé-cifique en techniques d’éducation spécialisée. Bien que cetterecommandation soit spécifique à la formation collégiale, leséchanges avec les divers professionnels rencontrés tendent àdémontrer que cette approche n’est pas utilisée de façon optimalepar les intervenants. Ainsi, une meilleure utilisation de cetteapproche (plus de formations et de supervisions aux intervenants)dans les milieux d’intervention auprès d’une clientèle aux prisesavec une problématique de schizophrénie et d’un trouble d’utilisa-tion de substances serait souhaitable.

En tenant compte que l’animation d’atelier ait été la stratégie laplus utilisée par les informateurs clés, et ce autant pour l’aspect de latoxicomanie que de la santé mentale, que la littérature suggère diversesthématiques pour l’animation d’ateliers (Mueser et coll, 2003) et consi-dérant que les étudiants doivent bâtir un projet de cinq activités et l’ani-mer auprès d’une clientèle lors de leur dernier stage en techniquesd’éducation spécialisée, je recommande de mettre obligatoire la consul-tation des guides de meilleures pratiques en lien avec la clientèle du der-nier stage avant la conception et l’animation du projet d’intervention. La

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2 Bon trip Bad trip est une trousse d’animation qui a pour but de sensibiliser, informer sans cul-pabiliser les personnes présentant un problème psychotique aux impacts de leur consomma-tion de drogues ou d’alcool sur leur maladie et leurs médicaments.

3 Les Choix du DJ ont été développés pour soutenir la prise de la médication et pour identifier etquestionner les perceptions des personnes traitées à l’égard de la médication en utilisant à lafois des notions psychoéducatives et des techniques inspirées de la thérapie cognitivo-compor-tementale et de l’approche motivationnelle.

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consultation des guides des meilleures pratiques peut aussi être unréflexe pertinent à développer chez les intervenants terrain. Certains ontà réaliser des activités éducatives ou des ateliers auprès de la clientèle,ce type de document peut guider leurs interventions.

Enfin, tous les milieux visités lors des entrevues utilisent du maté-riel d’intervention similaire (grilles et autres), cependant il y a peu de par-tage de ce matériel, et ce à l’intérieur même d’un établissement. De plus,du matériel déjà prêt à l’utilisation existe tels que certains programmesd’intervention (Bon trip, Bad trip; les Choix du DJ, etc.), mais sont peuconnus des intervenants et même des étudiants en techniques d’édu-cation spécialisée (qui seront de futurs intervenants). Je recommandedonc une meilleure diffusion du matériel d’intervention auprès des étu-diants et étudiantes en techniques d’éducation spécialisée du Cégep deSorel-Tracy, par le biais d’une organisation plus efficiente de la matéria-thèque déjà existante. D’un point de vue terrain, la mise en place de ren-contres thématiques (ex. : les programmes d’intervention actuels,comment faciliter l’engagement thérapeutique, etc.) entre intervenantspsychosociaux d’un même établissement de travail pourrait faciliter lepartage des connaissances et du matériel d’intervention destiné à laclientèle. Ces activités de codéveloppement pourraient aider à bonifier etuniformiser les pratiques au sein des établissements.

Pour conclure, la diffusion de cet article ou encore la consultationde l’essai synthèse dans sa forme intégrale via le site internet del’Université de Sherbrooke pourront peut-être intéresser d’autres cégepsou professeurs en techniques d’éducation spécialisée à vouloir s’arrimerau regard des principales recommandations ci-haut mentionnées. De

plus, les intervenants travaillant auprès d’une clientèle souffrant de schi-zophrénie et d’un trouble d’utilisation de substances, pourront égalementapprécier la lecture intégrale de cet essai afin de comparer leurs pra-tiques actuelles à celles décrites dans cet essai synthèse.

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Brunelle, N., Tremblay, J., Blanchette-Martin, N., Gendron,A., & Tessier, M. (2014).R e l a t i o n s h i p s B e t w e e n D r u g s a n d D e l i n q u e n c y i n A d o l e s c e n c e : I n f l u e n c e o fG e n d e r a n d V i c t i m i z a t i o n E x p e r i e n c e s . J o u r n a l o f C h i l d & A d o l e s c e n tS u b s t a n c e A b u s e , 2 3 ( 1 ) , 1 9 - 2 8 .

a délinquance juvénile est souvent attribuée, à tort ou à raison, àla consommation de substances psychoactives (SPA). Or, les rela-tions existantes entre ces deux phénomènes sont de diversesnature et dépendent de plusieurs facteurs, dont le fait d’avoir étéabusé physiquement ou sexuellement. Cette étude vise à compa-

rer la sévérité de la consommation de SPA en fonction de la gravité de la délin-quance chez 726 adolescents et adolescentes en traitement pour des problèmesde dépendance aux SPA, en tenant compte de leurs expériences de victimisation.

Problématique et objectifLa relation unissant la consommation de SPA et la délinquance juvénile est générale-ment qualifiée de directement proportionnelle : plus un adolescent consomme desSPA, plus celui-ci aura des comportements délinquants. Or, la nature de cette relationdépend de plusieurs facteurs, dont la fréquence et la sévérité de la consommation deSPA. L’objectif de cette étude est de comparer la sévérité de la consommation de SPAchez les garçons et les filles en traitement pour des problèmes de dépendance enfonction de la sévérité de leurs comportements délinquants. La variance attribuableaux expériences de victimisation des adolescents et adolescentes est contrôlée dansle cadre de cette étude puisque la littérature indique que cette variable entretient desrelations avec ces deux phénomènes (délinquance et dépendance).

MéthodologieL’échantillon est composé de 726 adolescents présentant un problème de dépen-dance sévère lors de leur inscription dans un centre de réadaptation en dépendance(CRD) de la région de Québec entre mars 1999 et mars 2003. Les données utiliséesont été recueillies à l’aide de l’Indice de gravité d’une toxicomanie pour les adolescents(IGT-ADO), un instrument dont la validité est bien établie et qui évalue la capacité dujeune à fonctionner dans 11 sphères de vie. La sphère « système social et judiciaire »a permis de diviser les adolescents en deux groupes en fonction de leur niveau de délin-quance auto-révélée. Les adolescents étaient considérés comme ayant un problème dedélinquance sévère s’ils avaient commis au moins deux types de crimes différents.

Faits saillants• Les adolescents ayant révélé un problème de délinquance sévère ont plus souventété arrêtés et reconnus coupables d’un acte délinquant et ils ont également été plusfréquemment l’objet d’une décision judiciaire ou d’une ordonnance de placement. Il ya également plus de garçons que de filles dans ce groupe. Par contre, ils sont simi-laires aux adolescents ayant révélé une faible délinquance en termes d’âge, de niveaud’éducation et d’expériences de victimisation (physique ou sexuelle).

• Les adolescents vivant avec un seul parent biologique sont plus nom-breux à révéler un problème de délinquance sévère tandis que ceux vivant eninstitution sont moins nombreux à ce niveau de délinquance.

• Les adolescents présentant un problème de délinquance sévère ont unprofil de consommation de SPA plus sévère. Ce résultat confirme que la sévé-rité de la consommation de SPA et la délinquance sont associées.

• Les adolescentes traitées pour des problèmes de dépendance présen-tent un profil de consommation plus sévère que les adolescents traités pour lemême problème, à l’exception de la consommation de cannabis pour laquelleaucune différence significative n’est trouvée.

• Aucun effet d’interaction n’a été trouvé entre le genre et le niveaude délinquance.

• Une histoire d’abus sexuel est une des variables associées à la sévé-rité de la consommation de SPA.

ConclusionCette étude a permis de démontrer que les adolescents les plus délinquants présentent unedépendance aux SPA plus sévère, et ce même lorsque les abus physiques ou sexuels sontcontrôlés. Ces résultats supportent l’hypothèse d’une relation directement proportionnelleentre l’évolution des trajectoires de consommation de SPA et les trajectoires de délinquance.Cependant, aucune relation causale ne peut être inférée de cette étude puisque celle-ci n’estpas longitudinale. Aucun effet d’interaction n’est trouvé entre le genre et la sévérité de la délin-quance en association avec la sévérité de la dépendance aux SPA. Ainsi, il n’apparait pasque le degré de délinquance joue un rôle différent selon le genre de l’individu en termes derelations avec la sévérité des dépendances. L’effet du genre et de la sévérité de la délin-quance semble toutefois cumulatif puisque les adolescentes très délinquantes présententdes niveaux de dépendance aux SPA plus élevés. Ces résultats supportent la notion que laconsommation de SPA et la délinquance à l’adolescence, spécialement lorsque ces deuxcomportements sont plus sévères, font partie d’un amalgame de comportements qui sontles manifestations d’un style de vie déviant à l’adolescence. En somme, cette étude met par-ticulièrement en évidence l’importance de s’attarder au sujet de la délinquance lors de l’in-tervention précoce et de la réadaptation en dépendance chez les jeunes puisque ces deuxdimensions sont, dans plusieurs cas, étroitement liées.

Pour en savoir plusBrochu, S. (2006). Drogue et criminalité. (2ième éd.). Montréal, Canada : Les Presses de l’Université de Montréal.

Brunelle, N., Brochu, S., & Cousineau, M.-M. (2000). Drug-crime relation among drug consuming juvenile delinquents : ATripartite model and more. Contemporary Drug Problems, 27(4), 835-866.

Moran, P. B., Vuchinich, S., & Hall, N. K. (2004). Associations between types of maltreatment and substance abuse duringadolescence. Child Abuse and Neglect, 28, 565-574.

Tremblay, J., Brunelle, N., & Blanchette-Martin, N. (2007). Portrait d’activités délinquantes chez les jeunes consultants encentre de réadaptation pour personnes alcooliques et toxicomanes, Criminologie, 40(1). 79-104.

Personne-ressourceNatacha Brunelle, Ph. D., Professeure titulaire, Chaire de recherche du Canada sur les trajectoiresd’usage de drogues et les problématiques associéesDépartement de Psychoéducation, Université du Québec à Trois-RivièresCourriel : <[email protected]>

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La relation drogue-crime à l’adolescence :l’influence du genre et des expériences devictimisation

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Steeve Poulin Gilles Bélanger Sylvie Giguère

epuis quelques temps, lors des assemblées générales, desmembres demandaient que notre association se penche davan-tage sur les moyens à mettre en place pour s’intéresser auxmilieux de travail, plus spécifiquement aux travailleuses et tra-vailleurs. Le conseil d’administration s’est penché sur la question

et a mandaté un de ses membres pour former un comité sur ces questions.Les recommandations mentionnaient en résumé que l’AITQ trouve des moyenspour faire de la prévention dans les milieux de travail et aussi se penche sur laréalité des travailleurs qui ont de la difficulté à s’absenter lors d’une cure.

Après avoir sollicité des membres œuvrant dans les milieux de travail quiétaient présents lors du colloque 2013, le comité a débuté officiellement ses activitésle 21 mars 2014. Par la suite trois autres rencontres ont eu lieu. Lors de ces rencontresun remue-méninge a permis d’élaborer les objectifs et travaux à venir de ce comité.Différentes idées sont ressorties, mais les deux principales sont à l’effet de créer et dis-tribuer du matériel de prévention et de sensibilisation adapté pour les milieux de tra-vail, entre autres lors de la semaine de prévention de la toxicomanie. En effet, lesmembres du comité constatent une certaine carence à ce niveau, car le matériel pro-duit à grande échelle par les autorités provinciales s’adresse surtout à une clientèleplus jeune. L’autre idée est de développer des champs de collaboration entre les dif-

férents types de membres qui sont dans les rangs de l’association et qui pourraientsoutenir les gens en milieux de travail, tant les employeurs que les travailleurs.

Les premiers résultats des travaux du comité sont apparus lors du 42ème

colloque de l’Association à Trois-Rivières. À cette occasion, une table était instal-lée pour faire la distribution de matériel sélectionné par les membres du comité.Ces documents pouvaient servir dans le cadre de la semaine de prévention de latoxicomanie en novembre. Il s’agissait d’affiches et de brochures provenant d’É-duc’alcool. Les participantes et les participants au colloque pouvaient s’entreteniravec des membres du comité présents pour échanger sur des sujets qui les tou-chaient dans leurs milieux de travail respectifs. De plus, il s’agissait pour lesmembres du comité de promouvoir les activités et les buts de ce comité.

Depuis cette première activité « officielle », les membres poursuivent leurstravaux. Un échéancier de travail est établi pour les mois à venir. Le boulot ne man-quera pas. D’ailleurs, la chronique que vous lisez présentement fait maintenantpartie des tâches régulières du comité. Le recrutement pour participer aux travauxdu comité n’est pas terminé. Si vous avez un intérêt pour ce qui concerne le milieude travail vous pouvez contacter les auteurs de ces lignes ou Carmen Trottier quinous conseille et nous soutient lors de nos rencontres.

Dans les prochains mois les membres du comité travailleront à élaborerdu matériel qui servira aux milieux de travail lors de la semaine de prévention dela toxicomanie 2015. Aussi des rencontres sont prévues pour établir des contactsentre des membres de l’association, établir des liens et trouver des moyens decollaboration entre nous. Tout ça, pour mieux comprendre les différentes réalitésvécues par les gens au sein des milieux de travail. Au plaisir de vous rencontrerlors des prochaines activités de l’association. <

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Nouveau comité de travail à l’AITQ

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Association des intervenants en

toxicomanie du Québec inc.

505, rue Sainte-Hélène, 2e étageLongueuil (Québec) J4K 3R5Téléphone : (450) 646-3271Télécopieur : (450) 646-3275Courriel : [email protected]

n Je désire recevoir de l’information sur les formations.

n Je désire recevoir de l’information sur l’Association des intervenants en toxicomanie du Québec inc. (AITQ).

n Je désire m’abonner à la revue L’intervenant; je joins un chèque aumontant de 19,95 $ pour 4 numéros (33 $ à l’extérieur du Canada).

n Veuillez prendre note de mon changement d’adresse à compter du : ____/____/____

Ancienne adresse : ________________________________Nom : _____________________________________________

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Courriel : ____________________________________________

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Formations AITQ-UdeS 2015

et

17 avril 2015 à Longueuil

CONSOMMATION, SEXUALITÉ ET INTERVENTION

M. Mathieu Goyette, Ph. D., professeur, Programmes d’études et de recherche en toxicomanie,

Université de Sherbrooke et psychologue

8 mai 2015 à Longueuil

LE CRAFT : COMMENT AIDER LES PROCHES À AMÉLIORER LEURS INTERACTIONS AVEC UN

TOXICOMANE QUI NE VEUT PAS CHANGER

M. Joël Tremblay, professeur, psychoéducation, UQTR, directeur scientifique RISQ

Information et inscription : 450 646-3271 ou http://aitq.com/activites/formation.htm

Pour les jeunes de 5e et 6e années du primaireSystème c et outils complémentaires pour l’animation des ateliers du programme Système dSystème c présente trois ateliers de prévention pour les élèves de 5e année du primaire. Ils ont été élaborés en fonction d’une utilisation conjointeavec le programme Système d qui s’adresse aux élèves de 6e année. Système c s’inspire en partie du programme de prévention en toxicomaniePrévenir pour mieux grandir élaboré par Le Réseau communautaire d’aide aux alcooliques et autres toxicomanies et est le résultat d’une collaboration de la Commission scolaire des Navigateurs, du Centre de santé et de services sociaux Alphonse-Desjardins et de la Direction de santépublique de l’Agence de la santé et des services sociaux de Chaudière-Appalaches.

Système d : les outils présentés se veulent complémentaires pour l’animation des ateliers du programme Système d. Ces outils ont été adaptés oumodifiés. Il est donc primordial de se référer à la documentation originale afin de bien s’approprier le guide d’animation, les objectifs et les fondements du programme.

Coût : 10 $ membres AITQ 15 $ non membres

BON DE COMMANDE

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