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Université de Lyon Université lumière Lyon 2 Institut d'Études Politiques de Lyon Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives Mémoire de Séminaire Métiers du droit et pratique du droit dans les entreprises et les institutions. Sous la direction de : VIANES André MANIGLIER Tristan Membres du jury: VIANES André

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Université de LyonUniversité lumière Lyon 2

Institut d'Études Politiques de Lyon

Réformer Le Juge d'Instruction : Historiqueet Perspectives

Mémoire de SéminaireMétiers du droit et pratique du droit dans les entreprises et les institutions.

Sous la direction de : VIANES AndréMANIGLIER Tristan

Membres du jury: VIANES André

Table des matièresRemerciements. . . 5Introduction. . . 6Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques. . . 10

Chapitre 1 : Construction, rôle et statut du juge d’instruction. . . 10Section 1 : Historique de la fonction de juge d’instruction. . . 10Section 2 : La place du juge d’instruction dans la procédure pénale. . . 19

Chapitre 2 : Le juge d’instruction face aux critiques et aux volontés réformatrices. . . 28Section 1 : Un magistrat critiqué et souvent mis en cause. . . 29Section 2 : Des perspectives anciennes de réforme. . . 37

Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne. . . 46Chapitre 1 : Ministère public contre juge de l’instruction : panorama européen. . . 46

Section 1 : L’instruction confiée au ministère public. . . 46Section 2 : L’instruction non confiée au parquet. . . 51

Chapitre 2 : Quelles perspectives de réforme pour la France ? . . 57Section 1 : Les propositions actuelles de réforme. . . 57Section 2 : Un débat important face au projet de réforme. . . 63

Conclusion . . 74Annexes. . . 76

Annexe n°1 : Glossaire. . . 76Annexe n°2 : Extraits des législations anciennes relatives à l’instruction. . . 78Annexe n° 3 : Extraits du Code de procédure pénale. . . 80Annexe n°4 : Composition du groupe de travail présidé par Jean-Olivier Viout. . . 89Annexe n° 5 : Composition de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau. . . 89Annexe n° 6 : Composition de la Commission Delmas-Marty. . . 90Annexe n° 7 : Composition de la Commission de réflexion sur la Justice. . . 91Annexe n° 8 : Composition de la Commission Léger. . . 92Annexe n°9 : Extraits de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale. . . 93

Bibliographie. . . 98Ouvrages . . 98 Législation française . . 98

Ancienne législation . . 99Code . . 99Convention internationale . . 99Lois . . 99Proposition et projet de loi . . 100

Législation étrangère . . 100En Allemagne . . 100En Belgique : . . 100En Espagne . . 100En Italie . . 100

Au Portugal . . 100En Suisse . . 101

Périodiques . . 101Rapports parlementaires . . 102Rapports de réflexion sur la justice . . 102 Travaux d’étudiants . . 102

Entretiens . . 103Jurisprudence et résolution européennes . . 103

Documents audiovisuels . . 103Documents Internet . . 104 Prises de position sur la réforme de la procédure pénale . . 104

En faveur de la réforme . . 104En défaveur de la réforme . . 105Autres avis sur la réforme . . 105 Statistiques . . 106

Résumé . . 107

Remerciements.

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Remerciements.Dans le cadre de la rédaction de ce mémoire je tiens à remercier les magistrats, Anne Wyon, Jean-Pierre Berthet et Raphaël Vincent, qui ont accepté de me rencontrer et de m’offrir un peu de leurtemps pour me faire part de leur opinion sur la fonction de juge d’instruction et sur le projet deréforme.

Je tiens particulièrement à remercier Anne Wyon, pour les contacts de professionnels qu’ellem’a fournis, Patrick Wyon, pour les contacts et les conseils relatifs à la rédaction de ce mémoire,ainsi que Jean-Pierre Berthet pour avoir accepté de siéger au sein du jury de soutenance.

Pour son accompagnement tout au long de cette année, et les conseils qu’il m’a prodigué, jeremercie mon directeur de mémoire, maître André Vianès.

Pour leur relecture de ce travail et leurs conseils quant à sa rédaction, je tiens à remercierPierre-Yves Suteau et Laureline Maniglier.

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Introduction.

« Mi-Salomon, mi-Maigret » selon la qualification que lui a donnée l’ancien garde desSceaux, ministre de la Justice, Robert Badinter, à l’occasion du débat sur le projet deloi relatif à la présomption d’innocence et aux droits des victimes, « le Janus du mondejudiciaire » pour Renaud Van Ruymbeke, ou « l’homme le plus puissant de France » selon lacélèbre formule attribuée à Napoléon Bonaparte ou à Honoré de Balzac, le juge d’instructiona toujours été un magistrat qui fascine dans le monde judiciaire français, du fait des largesprérogatives dont il dispose, et de la marge de manœuvre tout aussi importante qui lui estaccordée.

Le symbole de l’arbitrage entre modèle inquisitoire et accusatoire.Au-delà de l’incarnation de la lutte contre les affaires politico-financières qu’il est

devenu, le magistrat instructeur est avant tout le symbole du débat qui a traversé la justicepénale de tous les États, entre mise en œuvre du modèle accusatoire, et celle du modèleinquisitoire.

Le juge d’instruction français est ainsi la principale figure du modèle à dominanteinquisitoire, qui jalonne le paysage judiciaire français depuis le Moyen-âge.

Le modèle accusatoire est cependant le premier à être mis en œuvre.Un tel système repose sur le principe du non-déclenchement des poursuites au nom

de la société, mais par la victime ou en son nom, rapprochant la procédure pénale de cellecivile. Le juge se limite alors au rôle d’arbitre entre les deux parties, les deux parties devantsouvent assurer le recueil des preuves, dans le cadre d’une procédure contradictoire, oraleet publique.

Il est l’héritage direct des procédures en vigueur dans la Grèce et la Rome antiques.En France, ce type de procédure pénale n’est en vigueur qu’avant 1226, du fait de

l’héritage de la procédure franque.Ce modèle était mis en œuvre via le système d’accusation par partie formée, dans

lequel le juge n’avait alors la possibilité d’intervenir que suite à l’expression préalable d’uneaccusation. Les deux parties disposaient néanmoins d’une absolue égalité des armes.L’ensemble de la procédure est orale et publique. En l’absence d’enquête diligentée par lapuissance publique, l’aveu – ou même le silence qui est considéré comme équivalent – duprévenu est le principal élément de preuve dans la majorité des dossiers.

Ce modèle accusatoire a été marqué par une série de graves dysfonctionnements : lemaintien en prison de l’accusé et de l’accusateur était la règle, l’accusateur pouvait aussiêtre amené à subir la peine requise en cas de fausse accusation, et les difficultés à réunir lespreuves pour un accusateur privé. Par conséquent, ces difficultés dissuadaient les victimesd’engager des actions, instaurant une impunité importante des criminels.

En réaction à l’échec de ce modèle, la France met en œuvre le modèle inquisitoire –inspiré par les tribunaux ecclésiastiques mis en place pour l’Inquisition – dès la fin du MoyenAge. Ce modèle inquisitoire est construit en totale opposition à l’accusatoire, puisqu’il posele principe du déclenchement de l’action au nom de la société. Le magistrat assure dès lorsla recherche des preuves, au cours d’une procédure à dominante écrite et secrète au cours

Introduction.

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de laquelle les droits de l’accusé sont en retrait par rapport à l’accusateur, dans la mesureoù ce dernier représente et agit au nom de la société.

Le premier système inquisitoire en France apparaît à travers le tribunal de l’Inquisition,instauré en France par le Pape Grégoire IX le 20 avril 1233. Sa mission principale est larecherche et la poursuite des hérétiques et des catholiques non fidèles au dogme. Dansce but, les juges peuvent déclencher eux-mêmes les poursuites et chercher les coupables,sans besoin d’une plainte ou dénonciation préalable. Ce modèle de justice, initialementecclésiastique, s’étend ensuite à la justice criminelle laïque.

Si à partir de 1226, le modèle accusatoire est sujet à débat, le choix du modèle àdominante inquisitoire est véritablement consacré par l’ordonnance criminelle de 1670.

Rendu nécessaire par l’installation progressive de la procédure inquisitoire, le magistratinstructeur apparaît véritablement à partir des ordonnances de 1498 et 1539.

Bien que pierre angulaire du système judiciaire pénal depuis lors, le juge d’instructionn’est apparu que bien plus récemment dans l’espace médiatique français.

L’apparition des juges d’instruction dans les médias.Éva Joly, Renaud Van Ruymbeke, Éric Halphen ou Jean-Louis Bruguière sont autant

de noms qui ont placé le juge d’instruction sous le feu des médias.L’ouverture d’instructions sur des affaires mettant en cause le monde des affaires

et le monde politique dans les années 1980 et 1990 ont en effet conduit certainsjuges d’instruction, principalement issus du tribunal de grande instance de Paris, etparticulièrement de son pôle financier, à être mis en avant, en devenant l’incarnation dedossiers si médiatiques.

La juge Éva Joly s’est ainsi fait connaître en instruisant l’affaire Elf, ou celle dite Dumas-Deviers-Joncour, qui l’ont conduite à mettre en cause, pour la première affaire, un ancienPDG d’Elf – Loïk Le Floch-Prigent – et pour le second dossier, Roland Dumas, ancienministre et président du Conseil constitutionnel.

La situation est similaire pour Renaud Van Ruymbeke via l’affaire Urba – relative aufinancement du parti socialiste, et qui a conduit à la condamnation de plusieurs députéset cadres de ce parti – ou les frégates de Taïwan – qui soupçonnait le versement de« rétrocommissions » sur un contrat d’armement mais a abouti à un non-lieu face au refus delever le secret défense sur certains documents, décidé par plusieurs ministres successifs.

Il en est de même pour Éric Halphen, dans le cadre de l’instruction des dossiers relatifsaux HLM de la ville de Paris ou ceux des Hauts-de-Seine. Ce dossier a révélé de faussesfacturations de plusieurs entreprises servant à favoriser l’obtention des marchés publics.Dans un premier temps, plusieurs proches de l’ancien président Jacques Chirac, à l’époqueoù il était maire de Paris, ont été mis en cause, et lui-même est par la suite convoqué entant que témoin.

Les affaires de terrorisme ont également permis à des juges d’instruction, notammentJean-Louis Bruguière – en particulier pour celles relatives au mouvement Action Directe ouaux attentats de 1995 – d’apparaître sur la scène publique.

Les scandales liés à la santé publique ont médiatisé, dans une mesure certainementmoindre, des magistrats spécialisés sur cette thématique, en particulier Marie-OdileBertella-Geffroy, qui a instruit des dossiers tels que la vache folle, l’affaire du sang contaminéou l’amiante.

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Le juge d’instruction apparaît dès lors comme le principal révélateur des dossiers decorruption ou malversations financières entre le monde politique et le monde financier, maisaussi des scandales de santé publique, en particulier celui de l’amiante.

Les juges d’instruction ont ainsi commencé à cristalliser l’attention des médias, dumonde politique et du public sur leur action, devenant la profession judiciaire la plusexposée.

Ce phénomène a été renforcé par l’entrée dans la compétition politique de plusieursd’entre eux parmi les plus médiatiques, tels qu’Éva Joly devenue députée européenne en2009, ou Jean-Louis Bruguière, candidat malheureux aux élections législatives de 2007.

Un juge qui a attiré les critiques.Mais les juges d’instruction ont également été rapidement rattrapés par les critiques.En s’intéressant de trop près au monde politique et financier, ils ont amenés les

politiques à étudier leur action, et à s’inquiéter des pouvoirs importants qui leur sont confiés.En parallèle, des échecs judiciaires retentissants ont fortement entamé sa crédibilité.Depuis l’affaire Bruay-en-Artois en 1972 – qui sera examinée dans le cadre de

ce travail – le juge d’instruction reste associé à des affaires marquées par de gravesdysfonctionnements.

La dernière en date est l’affaire Filippis en novembre 2008, du nom de l’ancien directeurde publication du quotidien Libération. Celui-ci a en effet été l’objet d’une arrestation –qualifiée de brutale – à son domicile à 6h40 du matin dans le cadre d’une affaire dediffamation mettant en cause son journal. Cette arrestation a fait suite à l’émission d’unmandat d’amener prise par un juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris,qui a été vivement critiquée, notamment par la presse et certains responsables politiques.

Néanmoins, l’affaire d’Outreau, et le nom de Fabrice Burgaud – premier magistratinstructeur en charge du dossier – qui y est associé sont la plus grande illustration de l’échecde l’instruction.

Ainsi, bien qu’exercée par à peine plus de 600 magistrats dans toute la France, lafonction de juge d’instruction est ainsi devenue la plus controversée du monde judiciaire.

Réformer le juge d’instruction : une problématique récurrente jalonnée d’échecs.Face à ce constat, réformer le juge d’instruction est devenu, depuis sa création, une

des questions constantes de la justice française.Cette volonté réformatrice s’est accentuée dans l’immédiat après-guerre, puis à partir

des années 1980 – c'est-à-dire parallèlement à l’action des magistrats dans le domainepolitique et financier – bien qu’elle ait souvent abouti à des échecs. Objet de multiplescommissions de réflexion et de réformes avortées, le juge d’instruction demeure, plus de 200ans après sa création, un acteur majeur de la phase préparatoire de la procédure pénale.

Le débat contre le juge d’instruction a pourtant repris et atteint son paroxysme avec lanouvelle proposition de réforme de la procédure. Celle-ci a été initiée par ces mots :

« Le juge d’instruction, en la forme actuelle ne peut être l’arbitre. Comment lui demanderde prendre des mesures coercitives, des mesures touchant à l’intimité de la vie privée alorsqu'il est avant tout guidé par les nécessités de son enquête ?

Introduction.

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Il est donc temps que le juge d’instruction cède la place à un juge de l’instruction, qui

contrôlera le déroulement des enquêtes mais ne les dirigera plus 1 . »

Ces phrases, prononcées par le chef de l’État lors de son allocution à l’audiencesolennelle de début d’année de la Cour de cassation le 8 janvier 2009, semblent alors avoirscellé le sort du magistrat instructeur français, pourtant deux fois centenaire.

Le président a ainsi anticipé le processus, poursuivi par la commission présidée parPhilippe Léger, qui a abouti au projet de réforme de la procédure pénale, et doit menerà la disparition du juge d’instruction, au profit d’un juge de l’instruction, accompagnant leministère public, promu directeur d’enquête.

Face à cette histoire mouvementée, et à un destin encore plus incertain, il convientde s’interroger sur le processus qui a forgé la fonction de juge d’instruction, sur ce qu’estle magistrat instructeur actuellement et sur ce que sont ses perspectives d’avenir dans lecadre de cette nouvelle réforme de la procédure pénale.

En premier lieu, il s’agira donc d’étudier la construction de la fonction de juged’instruction, d’examiner son statut et rôle actuel, avant de s’intéresser aux limitesdénoncées et tentatives et propositions anciennes de réforme (Titre 1).

En second lieu, éclairé par un examen des arbitrages entre parquet et juge d’instructionet des réformes de la phase préparatoire à l’échelle européenne, il s’agira d’étudier plusprécisément l’actuel projet de réformer et le débat qui s’est cristallisé autour de lui (Titre 2)

1 Discours de Nicolas Sarkozy, Audience solennelle de début de l’année de la Cour de Cassation, 7 janvier 2009

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Titre 1 : Le juge d’instruction : unmagistrat instructeur ancien face auxcritiques.

Avant de s’intéresser à la réforme à proprement parler de la fonction de juge d’instruction,il convient d’en étudier tant la construction, le statut et la fonction actuels (chapitre 1), queles limites et tentatives de réformes auxquelles le juge d’instruction a déjà été confronté(chapitre 2).

Chapitre 1 : Construction, rôle et statut du juged’instruction.

La fonction de juge d’instruction a subi de profondes modifications dans son histoire (Section1), avant d’aboutir au rôle qu’occupe actuellement ce magistrat (Section 2).

Section 1 : Historique de la fonction de juge d’instruction.Le magistrat instructeur a été l’objet de réformes profondes au cours d’une des périodesles plus troublées de l’Histoire de France, de la fin de la monarchie à celle de la Révolution(§1), avant de subir des modifications plus à la marge dans l’histoire récente pour aboutirà ce qu’il est actuellement (§2).

§ 1. De l’ordonnance criminelle de 1670 au code d’instruction criminelle de1808, l’histoire tourmentée du juge d’instruction.Suite à l’essor de l’inspiration inquisitoire dans la procédure pénale, le principe del’intervention d’un magistrat instructeur est affirmé, avant 1670, à travers deux ordonnancessuccessives.

La première, datée de 1498 et dite de Blois, formalise la procédure exceptionnellefondée sur le modèle inquisitoire, et se différencie donc de la procédure ordinaire, fortementaccusatoire, qui est dès lors réservée aux cas les moins graves.

Dans cette procédure exceptionnelle, le juge est chargé de l’enquête et de réunirles éléments de preuve. Ce premier embryon d’instruction en France est néanmoinsentaché d’importants dysfonctionnements. L’absence d’impartialité du juge et le recourssystématique aux supplices pour obtenir de l’accusé des aveux – dont la véracité etl’exactitude peuvent souvent être mis en doute – sont dangereux face à une personne miseen cause, qui dispose de droits de la défense forts restreints, en l’absence de l’assistanced’un conseil juridique, et même la non notification des charges qui lui sont reprochées.

Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.

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En août 1539, est adoptée, sous l’égide de François Ier et de son chancelier Poyet,l’ordonnance de Villers-Cotterêts, qui réforme la procédure pénale, et notamment la phased’instruction. Elle prévoit ainsi que le juge procède, ou fait procéder par ses collaborateurs

aux interrogatoires 2 , confrontations 3 de l’accusé et des témoins. Elle ne corrige toutefoispas les principaux défauts préalablement constatés, dans la mesure où le droit à unavocat est toujours proscrit, tout comme la récusation par l’accusé d’un témoin. De surcroît,l’instruction à décharge n’était réalisée par le juge qu’à l’issue de l’instruction préliminaire etsans que l’accusé ne dispose d’un droit d’information.

Entre 1539 et 1670, seules quelques modifications de l’instruction sont mises en œuvre,bien souvent à la marge, telles que la reconnaissance de la nécessité de la célérité del’enquête et la compétence privilégiée du juge dont dépend le lieu du crime, par l’ordonnanced’Orléans de 1560.

La fonction de juge de l’instruction a été véritablement formalisée dans le cadre del’ordonnance criminelle de 1670, enregistrée par le Parlement de Paris le 26 août, et entrée

en vigueur le 1er janvier 1671.

L’ordonnance criminelle de 1670, l’ancrage du modèle inquisitoire en France.En effet, si l’ordonnance criminelle de 1670 réforme la procédure criminelle, elle ne remetpas en cause l’héritage du magistrat instructeur.

Cette ordonnance prévoit que le juge soit seul compétent pour mener l’instruction desprocès dont il a la charge, c'est-à-dire sauf pour les individus bénéficiant d’immunités dejuridiction. La poursuite peut être déclenchée soit d’office par le juge, soit à l’initiative d’unofficier royal ou d’une partie.

L’instruction est ouverte par la transmission au magistrat des procès-verbaux, etl’audition des témoins.

A l’image de ce qu’ils sont actuellement, les pouvoirs du magistrat instructeur sontétendus. Dans le but de réunir les indices permettant d’éclairer les faits, le juge peutordonner divers actes d’information, parmi lesquels un transport sur les lieux, une expertisemédicale... Il lui revient ensuite de procéder à l’audition de l’accusé, sous serment et sans laprésence d’un défenseur, dans la mesure où l’ordonnance dispose que « le juge sera tenuvaquer en personne à l'interrogatoire, qui ne pourra en aucun cas être fait par le greffier, à

peine de nullité 4 ». Les témoins auditionnés sont choisis par le juge, ou désignés par le

Procureur ou les parties civiles. La désignation de témoins n’est en revanche pas ouverteà la personne mise en cause.

Suite à l’audition des témoins, les pièces sont transmises au Procureur du Roi, et,en cas de besoin, le juge peut procéder à la prise de décrets, parmi les trois types à sadisposition.

2 Article 37 de l’ordonnance de Villers-Cotterêts « Et néanmoins permettons aux parties de se faire interroger, l’une l’autre,pendant le procès, et sans retardation d’icelui, par le juge de la cause, ou autre plus prochain des demeurances des parties, qui à cesera commis sur faicts et articles pertinens et concernans la cause et matière dont est question entr’elles ».

3 Article 154 de l’ordonnance de Villers-Cotterêts : « Et pour faire la confrontation, comparoistront, tant l’accusé que le tesmoin,pardevant le juge ».

4 Article 2, titre XIV de l’ordonnance criminelle de 1670.

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Les « décret d’assignation à être ouï » et « décret d’ajournement personnel » visent àordonner l’assignation d’un témoin à comparaître afin de témoigner. Ils diffèrent par le fait

que le second – qui succède au premier en cas de non comparution 5 – prévoit l’interdictionde l’exercice de fonctions publiques.

Le « décret de prise de corps 6 » ordonne l’arrestation puis le placement en détention

provisoire.Suite aux premières constatations et aux auditions, le magistrat instructeur doit choisir

la méthode procédurale qu’il souhaite suivre, en fonction de la gravité de l’affaire, après avoirentendu les réquisitions du ministère public. En l’absence d’éléments suffisants, l’abandondes poursuites peut également être ordonné.

Réservée pour les cas mineurs, la voie dite ordinaire est comparable à la matière civile,le tribunal devant statuer sur la peine et d’éventuelles réparations civiles en fonction de lavolonté des parties. Dans ce type de procédure, le rôle du magistrat est minime, les partiesoccupant une plus grande place.

Pour les cas plus graves, le magistrat instructeur optait pour la procédure diteexceptionnelle. La phase d’instance était ainsi prolongée par la phase d’instruction définitive.Le magistrat instructeur pouvait procéder au recollement, c'est-à-dire la relecture parles témoins de leurs dépositions à des fins de confirmation ou de modification, ou la

confrontation des témoins avec l’accusé 7 .Pendant cette phase, les juges pouvaient également décider du recours à la question

préparatoire, c'est-à-dire à la torture, uniquement dans le cas où « il y a preuve considérable

contre l'accusé d'un crime qui mérite peine de mort 8 ».

L’instruction était réalisée sous le sceau du secret, les informations n’étant accessiblesqu’au juge et au ministère public.

Au terme de son instruction, le magistrat instructeur transmettait son rapport au tribunalchargé de statuer.

La procédure telle que définie par l’ordonnance de 1670 a fait l’objet de nombreusescritiques dans les cahiers de doléances préalables à la réunion des États-Généraux en1789. Le principal reproche fait à la procédure pénale monarchique est l’absence d’unecodification des atteintes à la loi et des peines correspondantes, ce qui favorisait l’arbitrairedu juge. L’absence de qualification juridique des faits induit nécessairement l’absence depeines correspondant à la nature de l’atteinte à la loi.

Dès lors, la justice criminelle a été un des premiers domaines de réforme pendant laRévolution.

La parenthèse révolutionnaire : le déclin relatif du magistrat instructeur.

5 Article 3, titre X de l’ordonnance criminelle de 1670.6 Article 2, titre XX de l’ordonnance criminelle de 1670.7 Article 1, titre XV de l’ordonnance criminelle de 1670.8 Article 1, titre XIX de l’ordonnance criminelle de 1670.

Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.

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L’introduction des nouveaux principes à la justice est ainsi présente dès les premiers moisde la Révolution, notamment dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du26 août 1789.

Ces nouveaux principes ont amené l’Assemblée constituante à remettre en causele modèle inquisitoire hérité de l’Ancien régime : si le principe en était maintenu, il étaitlargement tempéré par l’introduction d’un modèle à dominance accusatoire, inspiré parl’exemple anglais.

Une série de lois et décrets de 1790 et 1791 met en place la nouvelle justicerévolutionnaire. La première modification est l’élection des magistrats, tant ceux du siègeque l’accusateur public.

La différenciation des juridictions compétentes en fonction de la gravité de l’atteinte àla loi modifie les règles de l’instruction.

Devant les tribunaux de simple police, chargés des affaires les plus légères, la phased’instruction distincte est supprimée, puisqu’elle est réalisée publiquement et au coursde l’audience. La situation est similaire devant les tribunaux de police correctionnelle,compétents pour des affaires d’une gravité supérieure.

Pour une affaire de la compétence des tribunaux correctionnels – c'est-à-dire les crimeset délits les plus graves – une phase d’instruction préparatoire réduite est confiée au jugede paix, ou à des officiers de la gendarmerie nationale, saisis par le dépôt de plainte d’unevictime, ou suite à une dénonciation. L’initiative de la poursuite est dès lors laissée auxparties privées, suivant l’exemple du modèle accusatoire britannique. Le juge de paix estun magistrat installé dans chaque canton, cumulant la fonction de magistrat instructeur etde partie chargée de la poursuite. Suite à cette première phase, un mandat d’amener oud’arrêt était pris à l’encontre du prévenu, ouvrant la procédure devant le jury d’accusation.

La réforme révolutionnaire avait en effet retiré aux magistrats la compétence de lamise en accusation, transférée à un jury populaire, composé de huit citoyens tirés au sort,réunis sous la présidence d’un juge de district. Au terme d’un débat contradictoire, les jurésdevaient se prononcer sur le renvoi pour jugement devant le tribunal criminel ou non. Si lajuridiction est saisie, un décret de prise de corps est pris, avant son renvoi devant le tribunal.

Bien que la réforme révolutionnaire soit réalisée dans le cadre des nouveaux principesdes droits de l’Homme et en réaction face à l’arbitraire de la procédure monarchique, ellene consacre pas pour autant les droits de la défense.

Le prévenu n’est ainsi pas en mesure de contester les faits au cours de l’examen deson dossier.

Suite à l’installation du Directoire en 1795, est adopté le 3 brumaire an IV 9 le Code desdélits et des peines – qui comprend les lois relatives à l’instruction des affaires criminelles– qui réforme la procédure criminelle.

Il établit la responsabilité du juge de paix, considéré comme un officier de police

judiciaire, pour la réception des plaintes, le recueil des indices et des preuves 10 . Sa qualitéd’officier de police judiciaire le place sous le contrôle de l’accusateur public, qui lui disposaitpleinement du statut de magistrat.

9 Correspondant au 25 octobre 1795.10 Article 48 du code des délits et des peines.

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Le juge de paix n’intervient que pour les délits punis « soit d'une amende au dessusde la valeur de trois journées de travail, soit d'un emprisonnement de plus de trois jours,

soit d'une peine infamante ou afflictive 11 ». Son intervention peut être déclenchéepar dénonciation officielle, c'est-à-dire émanant « de toute autorité constituée ou de tout

fonctionnaire 12 », par dénonciation civique, « par tout citoyen qui a été témoin d'un

attentat, soit contre la liberté, la vie ou la propriété d'un autre, soit contre la sûreté publique

ou individuelle 13 », par plainte d’un citoyen lésé, ou même « par une dénonciation ou

plainte, même non-signée, ou abandonnée 14 ».

Dans le cadre de son enquête, le juge de paix peut être amené à prendre des mandatsd’amener, ou d’ordonner la comparution devant lui d’éventuels témoins.

Au terme de son enquête, le juge de paix a la charge d’identifier les prévenus contrelesquels il existe de véritables charges, et ceux faussement accusés, en vue de traduire lespremiers devant un jury d’accusation. Les jurys d’accusation sont composés de citoyensrépondant aux critères pour être électeur, désignés par un tirage au sort public.

Aucune phase d’instruction distincte n’est prévue, le Code disposant que « l'instructionse fait à l'audience ; le prévenu y est interrogé ; les témoins pour et contre entendus ensa présence ; les reproches et les défenses proposées ; les pièces lues, s'il y en a, et le

jugement prononcé de suite, ou, au plus tard, à l'audience suivante 15 ». Au terme de

l’examen des pièces et des auditions, le jury d’accusation se prononce sur le bienfondé del’accusation ou non, et donc sur le renvoi devant le jury de jugement.

La justice révolutionnaire, articulée autour des jurys d’accusation, ne survit quequelques années à la période révolutionnaire.

Le code d’instruction criminelle de 1808 : l’apparition du juge d’instructionmoderne.Le juge d’instruction réapparaît sous une forme proche de celle qu’il a actuellement, aprèsl’entrée en vigueur du Code d’instruction criminelle de 1808, et de la loi d’organisationjudiciaire du 20 avril 1810.

Cette loi supprime le directeur de jury, dont les missions sont réparties entre leProcureur impérial, qui dirige les poursuites, et le juge d’instruction.

Ce nouveau code, rédigé et adopté sous l’Empire napoléonien, rétablit le juged’instruction au cœur de la phase préparatoire du procès criminel.

Il installe en effet dans « chaque arrondissement communal un juge d'instruction […]

choisi par Sa Majesté parmi les juges du tribunal civil, pour trois ans 16 ».

11 Article 48 du code des délits et des peines.12 Article 83 du code des délits et des peines.13 Article 87 du code des délits et des peines.14 Article 100 du code des délits et des peines.15 Article 184 du code des délits et des peines.16 Article 55 du code d’instruction criminelle de 1808.

Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.

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Non détenteur du statut de magistrat, le juge d’instruction est institué en tant qu’officiersupérieur de police judiciaire, sous la surveillance, quant à ses fonctions de police judiciaire,du Procureur impérial.

Le Procureur impérial est en effet l’acteur central de la phase préparatoire, dans la

mesure où il est « chargé de la recherche et de la poursuite de tous les délits 17 ». Toute

autorité constituée qui prendrait connaissance d’un crime ou d’un délit dans l’exercice deses fonctions doit porter sa dénonciation devant le Procureur, tout comme tout témoin d’unattentat contre la sûreté publique, la vie ou la propriété d’un autre.

Hors cas de flagrant délit, pour lesquels il est autorisé à « faire directement et par lui-

même, tous les actes attribués au procureur impérial 18 »,le juge ne peut être chargé de

l’instruction d’une affaire que dans le cas de la constitution d’une partie civile devant lui 19

ou suite au transfert d’une plainte par le Procureur impérial 20 .

Il ne peut cependant exercer aucun « acte d’instruction et de poursuite qu'il n'ait donné

communication de la procédure au Procureur impérial 21 », mais dispose néanmoins de

pouvoirs propres.Il est ainsi seul compétent pour assurer l’audition des témoins, ayant connaissance des

faits ou des circonstances, et de toute personne citée par la plainte ou la dénonciation. Encas de refus de leur part, il pourra contraindre à déposer. Si le témoin ne réside pas dans sonarrondissement, il peut requérir du juge d’instruction territorialement compétent qu’il réalisel’audition du témoin, et lui transmette les dépositions.

Il peut par ailleurs émettre un mandat d’amener ou de dépôt, sans rapports préalablesdu Procureur impérial.

Ce dernier a également le devoir de pourvoir « à l'envoi, à la notification et à l’exécution

des ordonnances qui seront rendues par le juge d'instruction 22 ».

Le juge d’instruction ne peut se transporter au domicile du prévenu ou dans d’autreslieux pour y réaliser des perquisitions qu’en cas d’absence de flagrant délit, le Procureurimpérial disposant de ces pouvoirs s’il y a flagrant délit.

Le juge est également compétent pour tous les types de mandats, d’amener, decomparution et de dépôt.

Le juge, en tant que membre de la chambre du conseil, composée d’au moins troisjuges, statue, au terme de l’instruction, sur le devenir de l’affaire, qui sera déclarée sanssuite, renvoyée au tribunal de police en cas d’infraction, ou devant le tribunal de police

correctionnelle si elle relève de la matière correctionnelle 23 .17 Article 22 du code d’instruction criminelle de 1808.18 Article 59 du code d’instruction criminelle de 1808.19 Article 63 du code d’instruction criminelle de 1808.20 Article 64 du code d’instruction criminelle de 1808.21 Article 61 du code d’instruction criminelle de 1808.22 Article 28 du code d’instruction criminelle de 1808.23 Articles 128 à 130 du code d’instruction criminelle de 1808.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

16 MANIGLIER Tristan_2010

Au terme de l’instruction, les juges de la chambre du conseil décident également dusort des mis en examen, en fonction des suites à donner à l’affaire.

S’ils estiment que les faits ne portent pas atteinte à la loi, ils ordonnent la remise enliberté du prévenu.

S’ils constituent une contravention, l’affaire est renvoyée devant le tribunal de police, etle prévenu, s’il est en détention provisoire, sera remis en liberté. Si les faits sont constitutifsd’un délit, l’affaire sera jugée devant le tribunal de police correctionnelle, et le prévenu nesera maintenu en détention provisoire que s’il encourt une peine de détention.

Cette chambre reçoit par ailleurs chaque semaine un compte-rendu de l’avancée desaffaires traitées par le juge, une copie étant adressée aussi au procureur impérial.

Le magistrat instructeur est un acteur ancien de la procédure pénale en France,en plein essor, depuis sa consécration par l’ordonnance criminelle de 1670, et surtoutpar le Code d’instruction criminelle de 1808. Seule l’œuvre judiciaire de la Révolution aremis temporairement en cause ses prérogatives, sous l’inspiration du modèle accusatoireanglais.

Si le Code d’instruction criminelle de 1808 a institué la fonction de juge d’instructiondans une forme très proche de celle moderne, il n’en est pas pour autant demeuré immuable.Une série de réformes plus ou moins récentes ont aménagé la fonction de juge d’instruction.

§ 2. Des réformes récentes au statut actuel du juge d’instruction.

Des réformes plus modernes du juge d’instruction : des nouveaux pouvoirsdu juge à la création du juge des libertés et de la détention.Entre 1856 et 2000, le juge d’instruction a fait l’objet de diverses réformes tendant à modifiertant son statut que ses fonctions.

Une loi du 17 juillet 1856 transfère les pouvoirs auparavant dévolus à la chambre duconseil au juge d’instruction, notamment en matière de détention préventive, créant ainsi ladualité de fonction d’enquêteur et de juge.

En 1958, l’adoption du nouveau Code de procédure pénale supprime le lien desubordination entre le juge et le ministère public, le magistrat instructeur devenant unvéritable magistrat du siège, et donc indépendant et inamovible. Une chambre d’accusationest créée en vue de surveiller l’activité des juges d’instruction.

Les lois du 4 janvier 24 et du 24 août 1993 25 ont en outre introduit la possibilité pour

les parties – ou leurs avocats – de demander au juge « au cours de l’information, […] àce qu’il soit procédé à leur audition ou à leur interrogatoire, à l’audition d’un témoin, à uneconfrontation ou à un transport sur les lieux, ou à ce qu’il soit ordonné la production par l’une

d’entre elles d’une pièce utile à l’information 26 ». Le refus du juge doit être transmis par

ordonnance motivée dans un délai d’un mois à partir de la réception de la demande, et peutfaire l’objet d’un pourvoi en appel devant la chambre d’accusation, à laquelle a succédé lachambre de l’instruction.

24 Loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, publiée au Journal officiel du 4 janvier 1993, page 215.25 Loi n° 93-1013 du 24 août 1993 modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, publiée

au Journal officiel du 25 août 1993, page 11991.26 Article 82-1 du Code de procédure pénale, tel que modifié par l’article 27 de la loi du 4 janvier 1993.

Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.

MANIGLIER Tristan_2010 17

La loi du 15 juin 2000, dite loi renforçant la protection de la présomption d’innocence etles droits des victimes a modifié les attributions du juge d’instruction.

Par la création du juge des libertés et de la détention, le juge d’instruction est dépossédéde ses attributions en matière de détention provisoire.

Le juge des libertés et de la détention, magistrat du siège, ayant rang de président ou device-président et désigné par le tribunal de grande instance, est désormais seul compétentpour ordonner ou prolonger une détention provisoire et pour statuer sur une demande de

mise en liberté 27 . Contrairement au juge d’instruction, la fonction de juge des libertés et dela détention n’est pas exercée à temps plein par un magistrat, tout juge du siège pouvant êtreappelé à statuer en tant que juge des libertés et de la détention. En parallèle, ce magistratn’assure pas de suivi d’une affaire, il ne statue que ponctuellement sur un point précis dudossier.

Les attributions du juge d’instruction en matière de détention sont désormais limitées,dans la mesure où il ne peut plus décider de la mise en détention provisoire, comme ilpouvait le faire avant 2000.

Ces diverses réformes ont engendré la fonction et le statut de juge d’instruction telsqu’ils sont actuellement en vigueur.

Statut et contrôle du juge d’instruction moderne.En sa qualité de magistrat du siège, le juge d’instruction est nommé par décret du Présidentde la République, sur proposition du Garde des Sceaux, et après avis conforme du Conseil

supérieur de la Magistrature 28 . Le juge d’instruction nommé peut être un magistrat dusiège ou du parquet changeant d’affectation. Les carrières du siège et du parquet n’étantpas séparées, un membre du ministère public peut en effet, comme les juges du siège,accéder à la fonction de juge d’instruction. Un élève titularisé à l’issue de sa formation àl’École Nationale de la Magistrature peut également prétendre à la fonction de magistratinstructeur. A l’issue de sa scolarité, chaque élève choisit, en fonction de son rang de sortie,son affectation parmi les postes offerts à sa promotion.

En cas de vacance temporaire, un juge d’instruction issu d’un autre tribunal peut êtredélégué par le Premier Président de la Cour d’appel. Le tribunal peut également désignél’un de ses membres pour assurer temporairement ces fonctions.

La magistrature étant organisée de manière hiérarchique, les juges d’instruction sontrépartis entre le deuxième grade, et le premier, qui confère le titre de Vice-président chargéde l’instruction.

L’avancement est fonction de la qualité de son dossier et de sa disponibilité.L’appréciation de son travail dépend du Premier Président de la Cour d’appel, qui consultele Président du tribunal de grande instance, et ceux de la chambre d’instruction, de lacour d’assises et de la chambre des appels correctionnels. Néanmoins, seule la directiondes services judiciaires a la possibilité de proposer un magistrat pour un avancement,l’intervention du Conseil supérieur de la magistrature se limite à un droit de véto, qui ne

27 Article n°137-1 du Code de procédure pénale, institué par la loi n°2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de laprésomption d'innocence et les droits des victimes.28 Article 50 du Code de procédure pénale.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

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peut être écarté. La Chancellerie a donc un contrôle quasi total sur la promotion de cesmagistrats, puisqu’elle possède le monopole de l’initiative de la promotion.

En tant que magistrat du siège, il dispose de toutes les caractéristiques inhérentesà ce statut. Ainsi bénéficie-t-il de l’indépendance, c'est-à-dire qu’il agit librement dans letraitement des affaires dont il a la charge, sans interférence de la part du parquet ou dupouvoir exécutif. Pour assurer cette indépendance, le juge d’instruction est inamovible : ilne peut être muté ni même promu qu’à sa demande ou au minimum avec son accord.

Parmi les devoirs du juge au cours de son instruction, figurent le principe de l’instructionà charge et à décharge, qui suppose que le magistrat doit s’efforcer d’établir la vérité desfaits pour lesquels il a été saisi, et le secret de l’instruction.

L’article 11 du Code de procédure pénale dispose que « la procédure au cours del’enquête et de l’instruction est secrète », dans le but de protéger les personnes mises encause, qui bénéficient de la présomption d’innocence, et pour faciliter la réalisation desinvestigations. Le secret de l’instruction s’ajoute au secret professionnel auquel le juge estastreint.

Territorialement, sa compétence s’étend sur toute la zone qui est du ressort du tribunalauquel il est rattaché.

Le contrôle du juge d’instruction.Bien qu’indépendant, le juge d’instruction n’en est pas moins soumis à des contrôles dansl’exercice de ses fonctions.

Le contrôle du juge d’instruction est assuré par le Président de la chambre del’instruction, qui a la charge de « s'assure[r] du bon fonctionnement des cabinets d'instruction

du ressort de la Cour d'appel 29 ». Dans ce cadre, il doit transmettre au minimumchaque année des observations sur le fonctionnement des cabinets d’instruction, au PremierPrésident de la Cour d’appel, au Procureur général près la Cour d’appel, ainsi qu’auPrésident du tribunal et au Procureur concernés. Pour cela, il doit réaliser chaque semestreun état des lieux des affaires en cours dans chaque cabinet d’instruction, avec mention dudernier acte réalisé.

Sa surveillance est renforcée concernant les recours à la détention provisoire et auxcommissions rogatoires.

Son contrôle peut aboutir à la demande de dessaisissement du magistrat instructeur,notamment si aucun acte n’a été effectué depuis quatre mois.

Si un dysfonctionnement devait être constaté, le Premier Président de la Cour d’appel,ou l’Inspection générale des services judiciaires – qui dépend de la Chancellerie – peuventdiligenter une enquête administrative et procéder à l’audition du juge.

Si une sanction disciplinaire est envisagée, le Conseil supérieur de la magistrature estseul compétent pour la prononcer. La dénonciation des faits est réalisée par le ministre dela Justice ou par les premiers présidents des Cours d’appel et présidents des tribunauxsupérieurs d’appel.

Le Conseil supérieur statue alors dans sa formation du siège, réunie, sous la présidencedu Premier Président de la Cour de Cassation. La loi organique relative au Conseil supérieurde la magistrature dispose qu’elle comprend :

29 Article 220 du Code de procédure pénale.

Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.

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« un magistrat du siège hors hiérarchie de la Cour de cassation, élu par l'assemblée desmagistrats du siège hors hiérarchie de ladite cour, un premier président de cour d'appel élupar l'assemblée des premiers présidents de cour d'appel, un président de tribunal de grandeinstance élu par l'assemblée des présidents de tribunal de grande instance, de premièreinstance ou de tribunal supérieur d'appel, et deux magistrats du siège et un magistrat du

parquet des cours et tribunaux 30 », élus également.

Le Conseil statue, après l’audition du magistrat concerné, et, si besoin, de la conduited’une enquête. Il peut prononcer les sanctions suivantes :

« la réprimande avec inscription au dossier, le déplacement d'office, le retrait decertaines fonctions, l'interdiction d'être nommé ou désigné dans des fonctions de jugeunique pendant une durée maximum de cinq ans, l'abaissement d'échelon, l'exclusiontemporaire de fonctions pour une durée maximum d'un an, avec privation totale ou partielledu traitement, la rétrogradation, la mise à la retraite d'office ou l'admission à cesser sesfonctions lorsque le magistrat n'a pas le droit à une pension de retraite, la révocation avec

ou sans suspension des droits à pension 31 ».

Plusieurs siècles auront été nécessaires, entre 1670 et 1958, pour qu’un véritablemagistrat instructeur s’installe dans le paysage judiciaire français.

Partant du magistrat instructeur de la royauté et du juge d’instruction napoléonien,officier de police judiciaire collaborant avec le Procureur de la République, il a fallu attendre1958 pour qu’un vrai juge indépendant devienne compétent pour l’instruction.

Cette ancienneté ne l’a pas empêché d’être l’objet de diverses réformes jusqu’auxannées 2000, modifiant son statut et réformant ses prérogatives.

Ce juge, bien qu’issu d’un processus si long, n’en est pas moins devenu l’acteur centralde la phase préparatoire du procès pénal, tant en sa qualité de directeur de l’informationjudiciaire que de magistrat chargé du contrôle de l’instruction.

Section 2 : La place du juge d’instruction dans la procédure pénale.Le juge d’instruction occupe une place de choix au sein de l’information judiciaire, du fait dela dualité de sa fonction de juge enquêteur (§1) et de juridiction d’instruction (§2).

§1. Saisine et pouvoirs d’investigation du juge d’instruction.

Saisine et dessaisissement du magistrat instructeur.Le juge d’instruction n’a pas vocation à intervenir dans l’ensemble des affaires. L’instructionn’est en effet obligatoire que dans le cadre des affaires criminelles, et tend à être de moinsen moins utilisée en matière de délits.

L’auto-saisine n’existant pas, le juge d’instruction ne peut se trouver saisi d’une affaireque par deux biais, qui sont l’action publique et l’action civile.

30 Article 1, Titre I, de la loi organique n°94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, publiée au Journalofficiel du 8 février 1994, page 2146.

31 Article 45 de l’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, tel quemodifié par la loi organique n°2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

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L’action publique est initiée par le parquet, au moyen d’un réquisitoire du Procureur dela République. Ce réquisitoire, à fin d’informer, précise les faits qui font l’objet de la saisinedu juge. Il peut être pris à l’encontre d’une personne, physique ou morale, dénommée, ouen l’absence de suspects, contre X.

L’action civile est issue des parties civiles. Elle intervient d’abord en cas de refusdu parquet de lancer une action publique, en matière délictuelle. Dans un délai de troismois après le dépôt d’une demande auprès du Procureur, ou après réception d’un avisde classement sans suite, la victime pourra se constituer partie civile à titre principal, parsimple lettre ou déclaration auprès du juge d’instruction. Afin d’éviter des recours abusifs,une consignation financière peut être exigée par le juge, afin de s’assurer de la capacitéà s’acquitter de l’amende prévue pour plainte abusive ou dilatoire. La partie civile en estexemptée si elle bénéficie de l’aide juridictionnelle.

Le mécanisme d’action civile vise à assurer la garantie d’un recours effectif en casde refus de poursuite de la part du parquet, dans la mesure où l’action civile déclencheégalement l’action publique. L’action civile peut également être déclenchée en parallèle del’action publique, la victime se constituant partie civile à titre incident, par simple déclarationauprès du juge, sans condition de consignation. « Dans le cas où il est établi de façonmanifeste, le cas échéant au vu des investigations qui ont pu être réalisées à la suite dudépôt de la plainte ou en application du troisième alinéa, que les faits dénoncés par la partie

civile n'ont pas été commis 32 », le ministère public peut prendre un réquisitoire de non-

lieu, visant à empêcher le lancement de poursuites. Le juge d’instruction statue sur cettedemande, et devra rendre une ordonnance motivée s’il choisit de ne pas suivre la réquisitiondu Procureur.

Si le ministère public ou la partie civile saisissent un juge d’instruction, ils ne peuventchoisir lequel est saisi de l’affaire si plusieurs magistrats exercent cette fonction au seind’un même tribunal. C’est le président de celui-ci qui désignera le ou les juges chargés del’instruction, en général via un tableau de roulement des permanences.

La saisine est effectuée in rem, c'est-à-dire que le juge n’est saisi que des faits qui luiont été dénoncés. Si au cours de l’instruction, lui apparaissent des faits nouveaux, il devrademander un réquisitoire supplétif au ministère public, pour instruire ces nouveaux faits. LeProcureur de la République pourra décider si ces faits feront partie de la même instruction,ou si une instruction distincte doit être ouverte.

Suite à sa saisine, le magistrat réalise un examen préalable, au cours duquel il s’assurede sa compétence, tant d’attribution que territoriale. Il peut rendre une ordonnance derefus d’informer, si les faits dénoncés ne sont pas constitutifs d’une infraction, ou en casd’abandon de l’action publique.

Le juge peut également se dessaisir volontairement : si deux juges, appartenantou non à un même tribunal ont été saisis des mêmes faits, le ministère public peutdemander à l’un de se dessaisir. Si le magistrat accepte, il rendra une ordonnance dedessaisissement. S’il refuse, le Procureur pourra obtenir un dessaisissement forcé. Unmécanisme similaire est prévu pour deux juges saisis d’infractions imputables à un mêmeindividu. Le dessaisissement peut également être imposé par le président du tribunal, encas de refus d’un dessaisissement volontaire, ou sur requête motivée du Procureur, procédéqui demeure néanmoins exceptionnel.

32 Article 86 du Code de procédure pénale.

Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.

MANIGLIER Tristan_2010 21

Pour mener son instruction, le juge dispose de prérogatives importantes, puisqu’il peut« procéder, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la

manifestation de la vérité 33 ». Du fait de la dualité se sa fonction, il dispose de pouvoirs

tant d’investigation que juridictionnels.

Des pouvoirs d’investigation matérielle du juge.Pour exercer certaines de ces compétences d’investigation, le juge d’instruction dispose del’appui de la police judiciaire, c'est-à-dire des forces issues de la police nationale ou de lagendarmerie.

Toutefois, pour compléter l’action des officiers de police judiciaire, le juge peut procéderen personne à des constatations matérielles, en se transportant sur les lieux. Il doit en

informer le Procureur de la République, qui pourra, s’il le souhaite, l’accompagner 34 . Si le

transport concerne souvent le lieu où ont été commis les faits, le juge dispose de la facultéde se transporter en tout lieu du territoire national qui serait nécessaire à son instruction.

La personne mise en cause, ou son défenseur, ne sont présents que si le transportdonne lieu à une reconstitution des faits, et si ce transport a été demandé par une desparties, suspect ou partie civile, le demandeur peut demander à ce qu’il soit réalisé enprésence de son avocat.

En outre, pour éclairer les faits et faciliter les investigations, le juge d’instruction peutordonner de procéder à des saisies ou perquisitions.

Les perquisitions peuvent être réalisées « dans tous les lieux où peuvent se trouverdes objets ou des données informatiques dont la découverte serait utile à la manifestation

de la vérité 35 ». Le magistrat instructeur peut y procéder lui-même, avec l’assistance

d’officiers de police judiciaire, ou les confier par commission rogatoire à des officiers depolice judiciaire, ou à un autre juge d’instruction si elles sont réalisées dans le ressort d’unautre tribunal. En fonction des lieux où elles sont réalisées, les règles les régissant varient.

S’il est procédé aux perquisitions au domicile du mis en examen, il n’est pas possibleque ces perquisitions se déroulent la nuit, hors cas particuliers notamment en matière decriminalité organisée. Elles devront être réalisées en présence du mis en cause, qui, encas d’incapacité ou de refus, pourra désigner un représentant. S’il ne désigne personne,le juge choisira deux personnes extérieures qui assisteront à la perquisition et signeront leprocès verbal.

Si la perquisition se déroule au domicile d’un tiers, celui-ci devra être présent, ou, àdéfaut, être représenté par deux membres de sa famille ou représentants. Si cela s’avèreimpossible, deux témoins devront y assister. Elle devra aussi être réalisée dans le respectdes droits de la défense, et du secret professionnel.

Si l’information le requiert, le juge d’instruction peut ordonner qu’il soit procédé àdes saisies, de documents, données informatiques ou tout autre objet appartenant aumis en examen ou à un tiers. Ces éléments sont listés et conservés sous scellés par lajustice. Au cours de l’instruction, une demande de restitution peut être adressée au juge

33 Article 81 du Code de procédure pénale.34 Article 92 du Code de procédure pénale.35 Article 94 du Code de procédure pénale.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

22 MANIGLIER Tristan_2010

par toute personne (parties civiles et mis en examen inclus) possédant des droits surl’objet concerné, le Procureur pouvant également transmettre un réquisitoire à cette fin. Lemagistrat instructeur statuera sur la demande, après avis du ministère public, en examinantsi la restitution risque de « faire obstacle à la manifestation de la vérité ou à la sauvegarde

des droits des parties ou […] présente un danger pour les personnes ou les biens 36 ». Il

peut également ordonner, avec l’accord du ministère public, la restitution d’office d’un objet.En matière criminelle, et en matière correctionnelle si la peine encourue est d’au

moins deux ans, le juge d’instruction peut de surcroît ordonner des écoutes judiciaires,ou l’interception de correspondances. Possibles uniquement « lorsque les nécessités de

l'information l'exigent 37 », elles sont réalisées sous la surveillance du magistrat qui

les a ordonnées. Sa décision, qui doit être motivée, n’est susceptible d’aucun recours. Elleautorise l’interception des correspondances pour une durée maximale de quatre mois, maispeut être prolongée selon la même procédure. Le juge mandate une personne qualifiée poury procéder, qui devra rédiger un procès verbal pour chaque enregistrement, mentionnant lesdates et heures d’enregistrement. Les enregistrements doivent être conservés sous scellés :ceux utiles à la manifestation de la vérité font l’objet d’une transcription, les autres devantêtre détruits, à la diligence du Procureur.

Si de telles mesures peuvent être ordonnées contre tout individu, elles ne peuventconcerner la correspondance d’un avocat relevant des droits de la défense, et des mesuresparticulières existent pour certaines professions : l’interception des correspondances d’unavocat nécessite l’information préalable du bâtonnier par le juge, celle d’un parlementairesuppose d’en informer le Président de son assemblée, et pour un magistrat, tant pour soncabinet que pour son domicile, le Président ou le Procureur général de la juridiction où ilréside doivent en avoir connaissance.

Les investigations sur les personnes : dossier de personnalité et auditions.Si la majorité de son instruction porte sur les faits, le juge peut décider de s’intéresser auxpersonnes liées à l’affaire.

Ainsi réalise-t-il, ou fait-il réaliser une enquête « sur la personnalité des personnes

mises en examen 38 sur leur situation matérielle, familiale ou sociale ». Obligatoires en

matière criminelle, de telles investigations sont facultatives pour les délits. Elles peuventêtre associées à d’éventuels examens médicaux, et médico-psychologiques, ordonnés parle juge, mais pouvant être demandés par une des parties.

Plus généralement, au cours de la phase préparatoire, le juge d’instruction peutordonner toute expertise permettant de résoudre une question d’ordre technique. Si ellepeut être de sa propre initiative, l’expertise peut être consécutive à la demande du ministèrepublic ou d’une des parties, à laquelle le magistrat est libre d’accéder ou non. L’ordonnancedu juge désigne l’expert mandaté, sélectionné sur la liste agréée par la Cour d’appel, etprécise « la mission […] qui ne peut avoir pour objet que l'examen de questions d'ordre

technique 39 ». L’expertise se déroule sous le contrôle du magistrat, et dans les délais qui

36 Article 99 du Code de procédure pénale.37 Article 100 du Code de procédure pénale.38 Article 81 du Code de procédure pénale.39 Article 158 du Code de procédure pénale.

Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.

MANIGLIER Tristan_2010 23

lui sont impartis. Au terme de sa mission, l’expert remet un rapport au juge, qu’il transmetaux parties, en leur fournissant un délai pour présenter des observations et adresser desdemandes de complément ou de contre-expertise. Le juge accepte leurs demandes, oupeut les rejeter par ordonnance motivée.

Si les officiers de police judiciaire occupent une place importante dans les pouvoirsd’investigation du juge, une part de ses actions, notamment liées aux acteurs du dossier,ne peut être réalisée que par lui seul.

Il est ainsi seul à pouvoir procéder aux auditions et interrogatoires.C’est le cas de l’interrogatoire de première comparution du mis en examen. Il s’agit

d’un acte d’instruction obligatoire avant sa clôture, hormis en cas de fuite. La personne doitêtre convoquée par le juge d’instruction, dans un délai compris entre dix jours et deux mois.La convocation doit préciser les faits reprochés et leur qualification juridique, et rappeler ledroit au bénéfice de l’aide d’un avocat. Au cours de l’interrogatoire, le juge d’instruction doitpréciser à cette personne qu’elle a le droit de ne pas s’exprimer si cela devait l’amener às’accuser, et doit procéder de manière à assurer le respect de la dignité de l’individu et desdroits de la défense.

Le magistrat doit par ailleurs informer le mis en examen qu’il dispose d’un droit dedemander divers actes d’instruction, et de son droit de recours devant la chambre del’instruction. Il procède à l’interrogatoire de l’individu concerné, et recueille les éventuellesobservations qui seraient présentées par lui-même ou par son avocat.

Suite à ce premier interrogatoire, le juge d’instruction décidera de prononcer ou nonla mise en examen.

L’audition des témoins est aussi du ressort du juge. Dans le cadre de son instruction, il

est en mesure de faire citer « toutes les personnes dont la déposition lui paraît utile 40 ».

Toute personne, dont le témoignage a été sollicité par le juge, doit témoigner, le juge pouvantl’y contraindre en usant de la force publique. Chaque témoin est entendu séparément parle juge, après prestation de serment. L’audition, à laquelle le Procureur peut assister s’il lesouhaite, donne lieu à la rédaction d’un procès verbal.

Deux acteurs de la phase préparatoire, les parties civiles et les témoins assistés,disposent de règles spécifiques pour leurs auditions.

Les parties civiles bénéficient de la présence de leur avocat pour leur audition, à laquelleelles doivent être convoquées au minimum cinq jours ouvrables avant. La procédure devraêtre mise à leur disposition au minimum quatre jours avant leur audition.

Le statut de témoin assisté est accessible à toute personne visée par un réquisitoireintroductif ou supplétif du ministère public et qui n’aurait pas fait l’objet d’une mise enexamen, ou de tout individu faisant l’objet d’une plainte ou mis en cause par la victime. Letémoin bénéficie du droit d’être assisté par un avocat pendant l’audition par le juge. Lorsde sa première audition, il est informé par le juge des faits qui lui sont reprochés et desdroits dont il bénéficie. Dispensé de la prestation de serment, il peut demander au magistratinstructeur d’ordonner une confrontation avec les personnes le mettant en cause.

Les interrogatoires et auditions sont dirigés par le juge d’instruction, qui choisit l’ordredes interventions et peut mettre un terme à celle d’une personne s’il estime que toutes lesinformations ont été données. Le Procureur de la République, s’il a demandé à y assister,et les avocats des parties ou du témoin assisté, sont autorisés à formuler des « questions

40 Article 101 du Code de procédure pénale.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

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ou présenter de brèves observations 41 ». Le juge conserve le droit de refuser certaines

questions, qu’il estimerait préjudiciable au déroulement de son information ou à la dignitéhumaine.

L’organisation de confrontations est également de la compétence du juge d’instruction.Elles peuvent faire l’objet d’une demande émanant d’une personne mise en examen ou d’untémoin assisté qui auraient été mis en cause par plusieurs autres, qui peuvent demander àêtre confrontés à chacun de leurs accusateurs individuellement. Le juge dispose d’un délaid’un mois pour accéder à sa requête, ou rendre une ordonnance motivée de refus.

Du fait de la multiplicité des actes pouvant être exercés par le juge d’instruction, leCode de procédure pénale dispose que « si le juge d'instruction est dans l'impossibilitéde procéder lui-même à tous les actes d'instruction, il peut donner commission rogatoireaux officiers de police judiciaire afin de leur faire exécuter tous les actes d'information

nécessaires 42 ». Via une commission rogatoire, le juge d’instruction peut confier la

réalisation d’un acte à tout officier de police judiciaire, tout juge de son tribunal ou à tout juged’instruction. Le juge fixe le délai dans lequel la commission rogatoire doit être exécutée. Àdéfaut, ce délai est de huit jours. Si dans le cadre d’une commission rogatoire l’officier depolice judiciaire exerce les pouvoirs habituellement dévolus au juge d’instruction, il ne peutpas réaliser les interrogatoires et éventuelles confrontations de mis en examen, et ne peut« procéder à l'audition des parties civiles ou du témoin assisté qu'à la demande de ceux-ci43 ». La commission rogatoire doit nécessairement être rattachée à l’infraction poursuivie :elle ne peut être générale vis-à-vis de l’infraction, mais peut l’être quant aux investigationsdevant être menées.

Les pouvoirs d’enquête représentent une part importante de la fonction de juged’instruction, du fait de l’importance des premières constations et des actes d’enquête pourla manifestation de la vérité, but premier de l’instruction.

Toutefois, en sa qualité de magistrat, le juge d’instruction dispose de pouvoirsjuridictionnels tout aussi conséquents.

§2. Pouvoirs juridictionnels et appel des décisions du juge d’instruction.

Des mandats et de la mise en examen.Pour s’assurer de la venue du mis en examen, ou d’une personne pouvant l’être, le juged’instruction peut émettre des mandats. Le Code de procédure pénale reconnaît quatretypes de mandats.

Le premier, le mandat de recherche, ne peut être pris que concernant «une personneà l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle

a commis ou tenté de commettre une infraction 44 », à l’exception de tout témoin assisté

ou individu mis en examen. Il permet d’ordonner aux forces de l’ordre de rechercher lapersonne visée et de la placer en garde à vue.

41 Article 120 du Code de procédure pénale.42 Article 81 du Code de procédure pénale.43 Article 152 du Code de procédure pénale.44 Article 122 du Code de procédure pénale.

Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.

MANIGLIER Tristan_2010 25

Les mandats de comparution, d’amener et d’arrêt, s’ils visent la même catégoried’individus que le précédent, peuvent eux également être pris à l’encontre des témoinsassistés et des mis en examen. Celui de comparution se limite à « mettre en demeure la

personne à l'encontre de laquelle il est décerné de se présenter devant le juge 45 »,

c’est à dire que si la personne refuse, aucune mesure de contrainte n’est prévue. Le mandatd’amener permet, lui, de recourir à la force publique pour contraindre la personne concernéeà comparaître devant le juge.

Le mandat d’arrêt est le plus encadré. Il vise également à requérir le concours de la forcepublique pour rechercher l’individu visé et le faire comparaître, mais il peut aussi prévoirson placement préalable en maison d’arrêt. Il peut par ailleurs être adopté à l’encontre dequelqu’un en fuite ou domicilié hors du territoire national, après consultation du ministèrepublic.

Le juge d’instruction prononce également la mise en examen. Il ne peut le faire quepour des personnes « à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordantsrendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à

la commission des infractions dont il est saisi 46 ». La mise en examen ne peut être

ordonnée avant la première comparution de la personne mise en cause. A l’issue de celui-ci, le juge utilise le statut de témoin assisté, ou décide de la mise en examen s’il juge quela première solution n’est pas envisageable.

La personne mise en examen peut demander au juge d’annuler la mise en examen etde lui accorder le statut de témoin assisté, s’il estime que l’un des critères (indices gravesou impossibilité de recourir à la procédure de témoin assisté) n’est pas rempli. Un recoursen nullité peut également être déposé dans un délai de six mois devant la chambre del’instruction.

A tout moment de la procédure, un témoin assisté peut lui demander de prononcer samise en examen, afin de disposer des droits de la défense inhérents à ce statut. Le mis enexamen dispose en effet de certaines garanties, notamment de n’être auditionné que parun magistrat et sans prestation de serment, ou de pouvoir adresser des demandes d’actesd’instruction au juge.

Les mesures attentatoires aux libertés : contrôle judiciaire et mise endétention provisoire.Alternative à la détention provisoire, le placement sous contrôle judiciaire peut être ordonnéà l’encontre du mis en examen. Le contrôle judiciaire peut être ordonné par le juged’instruction ou le juge des libertés et de la détention, si le mis en examen risque une peine

d’au moins dix ans d’emprisonnement 47 .

Pouvant être décidé à tout moment de l’instruction, il impose une série de contraintesdécidées par le juge, parmi lesquelles peuvent figurer l’obligation de se présenterpériodiquement à des autorités désignées par le juge, demeurer dans des limites territorialesqu’il aura fixées ou de plus entrer en relation avec des personnes désignées par le juge. Lemagistrat instructeur peut également décider de la levée de ce contrôle, soit de sa propre

45 Article 122 du Code de procédure pénale.46 Article 80-1 du Code de procédure pénale.

47 Article 138 du Code de procédure pénale.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

26 MANIGLIER Tristan_2010

initiative, soit sur demande du parquet, soit de la personne, après avoir demandé l’avisdu ministère public. Il dispose d’un délai de cinq jours pour se prononcer. S’il ne s’est pasprononcé dans ce délai, la personne pourra saisir la chambre d’instruction, qui statuera dans

un délai de 20 jours 48 .

Depuis la loi de 2000 relative à la présomption d’innocence 49 , le juge d’instruction aperdu sa compétence en matière de détention provisoire.

Si au cours de l’instruction, il apparaît nécessaire de placer l’un des mis en cause endétention provisoire, le Procureur de la République saisit généralement le juge d’instruction,qui peut soit rejeter la demande, soit prendre une ordonnance aux fins de placement, etsaisit le juge des libertés et de la détention. Le parquet peut se passer de l’intermédiairedu juge d’instruction, en matière criminelle, et pour des délits passibles de dix ansd’emprisonnement.

Un tel placement n’est possible qu’en cas de crimes, délits passibles de plus de trois ansd’emprisonnement, et pour toute affaire s’il y a eu violation du contrôle judiciaire. Elle doitégalement être le seul moyen, dans le cas d’espèce, d’atteindre au moins l’un des objectifsvisés par l’article 144 du Code de procédure pénale, parmi lesquels figurent « empêcherune pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille » ou « garantir lemaintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ». Si ces critèrescessent d’être remplis, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention doiventmettre fin à cette détention.

Le juge des libertés et de la détention, désigné par le président du tribunal, doit avoirrang de président ou de vice-président, ce qui assure qu’il dispose d’une certaine anciennetéet donc d’expérience.

La décision de placement est prise au terme d’un débat contradictoire, au coursduquel sont entendus le ministère public et la personne concernée, ou son avocat. Lejuge d’instruction n’y participe pas, il ne peut énoncer son point de vue qu’au travers del’ordonnance de saisine, qui doit être motivée. La saisine du juge est accompagnée d’unenotice personnelle, qui précise les dispositions particulières requises en cas de placementen détention provisoire, telles qu’un suivi médical, ou une surveillance particulière en casde risque de suicide.

Clôture de l’instruction et droit d’appel contre les décisions du juge.Les différentes parties ont la possibilité au cours de l’information, de demander au juge« qu'il soit procédé à tous autres actes qui leur paraissent nécessaires à la manifestation de

la vérité 50 ». Le magistrat dispose d’un délai d’un mois pour accéder ou non à la requête,

son refus étant susceptible d’appel devant la chambre de l’instruction.Le juge d’instruction est compétent pour décider de la clôture de la phase d’instruction.

S’il estime que son instruction est terminée, il en informe le ministère public, les partieset témoins assistés. Ceux-ci disposent d’un délai de trois mois, réduit à un seul moisen cas de détention provisoire, pour adresser, le premier ses réquisitions, ces derniers

48 Article 140 du Code de procédure pénale.49 Loi n°2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, publiée

au Journal officiel du 16 juin 2000, page 9308.50 Article 82-1 du Code de procédure pénale.

Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.

MANIGLIER Tristan_2010 27

leurs observations, au magistrat, mais aussi pour demander l’accomplissement d’actesd’instruction ou pour les demandes de nullité. Au terme de ce délai, les parties disposentd’un mois – délai réduit à seulement 10 jours en cas de détention provisoire – pour adresser« des réquisitions ou des observations complémentaires au vu des observations ou des

réquisitions qui leur ont été communiquées 51 ».

Au terme de ces délais, le juge d’instruction rend son ordonnance de règlement. S’ilestime que « les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention, ou si l'auteur est restéinconnu, ou s'il n'existe pas de charges suffisantes contre la personne mise en examen52 », il rend une ordonnance de non-lieu. Le non-lieu peut également être décidé en casd’irresponsabilité pénale. Cette ordonnance met fin à tout détention provisoire ou contrôlejudiciaire qui aurait été décidé. Cette décision peut être partiellement ou intégralementrendue publique par le juge, soit à la demande de la personne, soit à la demande duministère public mais avec son accord.

S’il estime que les faits sont constitutifs d’une contravention, d’un délit ou d’un crime, lemagistrat instructeur rendra une ordonnance de continuation des poursuites. En général, ils’agit d’une ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement compétente, en fonctiondu mis en examen (juridiction pour mineur ou non) et de la qualification juridique des faits. Enparallèle, il pourra rendre une autre ordonnance maintenant le mis en examen en détentionprovisoire ou sous contrôle judiciaire, s’il était déjà l’objet de telles mesures, ou ordonnantde telles dispositions s’il n’y avait pas été soumis auparavant.

Au cours de l’information judiciaire, la chambre d’instruction ouvre la possibilité d’appeldes décisions du magistrat instructeur aux différents protagonistes de l’instruction.

La chambre d’instruction est composée de trois juges, son président, nommé pardécret, et normalement uniquement dévolu à cette chambre, et de deux conseillers,désignés chaque année par l’assemblée générale de la Cour d’appel.

Le ministère public dispose du pouvoir d’appel le plus large : il lui est reconnu lapossibilité d’interjeter appel contre toute ordonnance rendue tant par le juge d’instruction

que par celui des libertés et de la détention 53 . Seul un délai de cinq jours après la notificationde la décision limite l’exercice de cette compétence.

Le droit d’appel du mis en examen est plus restreint, dans la mesure où il est limité àcertaines catégories d’ordonnance, notamment l’ordonnance de mise en accusation, cellelui refusant le statut de témoin assisté, celle acceptant la constitution de partie civile, etles ordonnances relatives au placement, à la prolongation et au refus de levée du contrôle

judiciaire ou de la détention provisoire 54 . Le délai d’appel est de 10 jours, celui-ci pouvantêtre réalisé par le mis en examen lui-même ou par l’intermédiaire de son avocat.

Les parties civiles ne peuvent former de recours que contre les ordonnances concluantà un non-lieu ou à un refus d’informer et celles lui faisant grief, à l’exception de cellesrelatives à la détention provisoire et la remise en liberté, dans un délai de 10 jours également.

51 Article 175 du Code de procédure pénale.52 Article 177 du Code de procédure pénale.53 Article 185 du Code de procédure pénale.54 Article 186 du Code de procédure pénale.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

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Le mis en examen, comme les parties civiles, peut également former un recours contreune expertise ou tout autre acte d’instruction qu’il aurait demandé au juge d’instruction. Cerecours est filtré par le président de la chambre d’instruction qui décide s’il y a lieu de saisirla chambre ou non.

Ce recours devant la chambre d’instruction a un effet suspensif, mais aussi dévolutif,c'est-à-dire qu’il a pour conséquence de saisir la chambre d’instruction du dossier. Dès lors,celle-ci est compétente pour renvoyer le dossier au juge d’instruction, ou pour évoquer le

dossier, c'est-à-dire de prendre directement en charge tout ou partie de l’affaire 55 . Elle peutainsi ordonner au juge d’instruction de procéder aux actes d’instruction qu’elle juge utile, oupour décider du placement en détention provisoire du prévenu ou de la mise en examend’autres acteurs de l’affaire.

La procédure devant la chambre d’instruction n’est, en règle générale, pas publique,bien que la personne en examen puisse demander la publicité des débats, que le présidentpeut refuser si cela est nécessaire à l’instruction, ou pour une affaire d’atteintes auxpersonnes.

Fondée sur le principe du contradictoire, la personne mise en examen et les témoinspeuvent être amenés à comparaître au cours de la procédure devant la chambred’instruction..

L’arrêt de la chambre doit être rendu dans les 10 jours s’il est relatif au placement endétention provisoire, 15 jours pour les autres recours en matière de détention provisoire.Pour les demandes d’actes et les recours en nullité, ce délai est porté à deux mois. Ladécision de la chambre doit ensuite être notifiée dans les trois jours aux avocats et aux

parties 56 .Le pouvoir du magistrat instructeur est prépondérant dans le déroulement de

l’information judiciaire, du fait de son autorité pour décider des investigations et despouvoirs juridictionnels dont il est doté. Son pouvoir n’est pas pour autant absolu, face auxprérogatives des autres magistrats et du droit d’appel accordé aux parties.

Le juge d’instruction est un acteur ancien de la procédure pénale. Cette anciennetéet les prérogatives de plus en plus importantes qui lui ont été attribuées au cours de sonhistoire ont fait de lui un personnage central du procès pénal.

S’il était considéré par l’un de ses principaux créateurs comme « l’homme le pluspuissant de France », il tend également à être celui le plus critiqué et dénoncé, et a parconséquent fréquemment été l’objet de tentatives de réforme.

Chapitre 2 : Le juge d’instruction face aux critiques etaux volontés réformatrices.

Le juge d’instruction est depuis longtemps l’objet de critiques récurrentes et répétées(Section 1), ce qui explique les multiples réflexions et tentatives de réforme menées à sonencontre (Section 2).

55 Article 207 du Code de procédure pénale.56 Article 217 du Code de procédure pénale.

Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.

MANIGLIER Tristan_2010 29

Section 1 : Un magistrat critiqué et souvent mis en cause.Bien que deux fois centenaire, le juge d’instruction est l’objet depuis des années denombreuses critiques, notamment du fait de sa mise en cause dans des affaires fortementmédiatisées (§1), avant même le sévère coup porté contre lui par l’affaire d’Outreau (§2).

§1. Des critiques anciennes et récurrentes à l’encontre du juge d’instruction.

L’ambiguïté et les défauts dénoncés de la fonction de juge d’instruction.Le principal reproche adressé au juge est relatif à l’ambiguïté de sa double fonction. À lafois enquêteur et juge, cette dualité serait source de plusieurs sévères dysfonctionnements. Cette dualité porterait en effet atteinte à la nécessaire impartialité du magistrat. Il doit ainsiinstruire à charge et à décharge, alors que les nécessités de l’investigation requièrent defonder des théories sur la culpabilité de certains. Cette difficulté est ressentie par certainsmagistrats exerçant cette fonction : Renaud Van Ruymbeke, l’un des plus célèbres jugesd’instruction, précise ainsi que « son point faible [au juge d’instruction] est d'être à la fois

enquêteur et juge, joueur et arbitre. Il a une double casquette ambiguë 57 ».

Cette double fonction induirait de surcroît une lourdeur excessive de la charge attribuéeau juge, qui serait contraint de renoncer à l’exercice complet de ses fonctions d’investigationvia un recours massif aux commissions rogatoires, donc au détriment de son rôle desurveillance des investigations, ou de celui de ses tâches juridictionnelles.

Le juge d’instruction est également accusé de favoriser la lenteur des phasesd’instruction. La durée moyenne n’a en effet pas cessé d’augmenter depuis la création dujuge d’instruction. Cet allongement de la durée de la phase préparatoire a pour conséquenced’accroître la durée des mises en détention provisoire, et de violer le droit à un procèsdans un délai raisonnable, reconnu par la Convention européenne des droits de l’Homme,qui stipule que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,

publiquement et dans un délai raisonnable 58 » et donc conduisant à des sanctionsrécurrentes par la Cour de Strasbourg pour ce motif. La durée moyenne d’une instruction est

ainsi de 20,2 mois en 2006, contre seulement 17,7 en 2002 59 . Cette extension de la duréedes instructions s’explique par la multiplication des voies de recours contre les décisions dujuge, qui imposent d’accorder des délais suffisamment amples pour qu’elles puissent êtreutilisées, et un formalisme croissant pour éviter l’annulation de ses décisions.

Le recours abusif à l’instruction a également favorisé l’allongement des délais ensurchargeant les magistrats. La saisine du juge d’instruction par constitution de partie civileauprès du juge a ainsi été largement utilisée pour retarder des procédures initiées au civilou au commercial, mais aussi pour faire réaliser des investigations financées par la justice.Ainsi 60 % des dossiers traités par le pôle financier du tribunal de grande instance de Paris

sont déclenchés par action civile, et 80 % d’entre eux se sont soldé par un non-lieu 60 .

57 In SERVENAY David, Supprimer le juge d’instruction, pourquoi pas ?, rue89.com, 8 mars 2010.58 Article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme.59 Annuaire statistiques de la justice, édition 2008.60 In JEAN Jean-Paul, Supprimer le juge d’instruction, pourquoi pas ? mais….,[en ligne]. 13 février 2009. [consulté le 1er juillet

2010]. < http://www.tnova.fr/index.php/component/content/article/613.html>

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

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La saisine préalable obligatoire du parquet avant de pouvoir porter l’affaire devant un juged’instruction instaurée en 2007 a permis de réduire ce biais.

Le juge d’instruction, du fait de la durée de son information, et de par la compétence qu’ilexerçait dans ce domaine avant la loi de 2000, était jugé responsable de l’accroissementdu nombre de détentions provisoires ordonnées, et de l’allongement de leur durée.

Le juge d’instruction apparaît en outre comme un magistrat de plus en plus marginalisé.S’il intervenait dans 40 % des affaires au XIXe siècle, il n’est présent que dans 20 %

d’entre-elles en 1960, 8 % en 1989 et 4 % en 2009 61 . Ce recours de moins en moinsfréquent à l’instruction par le juge, et les progrès scientifiques, qui rendent les premièresconstatations réalisées par la police de plus en plus importantes, tendent à marginaliserle juge, ce qui nourrit les critiques sur la faible valeur ajoutée qu’il est supposé apporter,au regard des contraintes qu’il impose. Le recours au juge des libertés et de la détentionpour ordonner certains actes coercitifs, notamment pour les écoutes ou les perquisitions,permet au Procureur, qui se chargera du dossier, d’éviter l’ouverture d’une instruction et lasaisine du juge.

Il convient néanmoins de préciser que si les affaires gérées par le juge d’instructionsont relativement peu nombreuses, il s’agit des dossiers les plus complexes, danslesquels peuvent être opérées plusieurs mises en examen, donc un nombre conséquentd’interrogatoires et d’auditions, ou dans des domaines par nature plus compliqués, tels lesdomaines financiers ou de la santé. A l’inverse, toute affaire – même mineure – ayant eudes suites pénales est comptabilisée dans ces statistiques, augmentant le nombre de cellesgérées par le parquet.

Un magistrat solitaire et potentiellement inexpérimenté.La solitude du magistrat instructeur est également souvent dénoncée. La saisine deplusieurs magistrats étant limitées aux cas les plus complexes, l’instruction par un magistratunique est la norme majoritaire. Dès lors, il ne peut bénéficier d’une deuxième lecture dudossier, ou d’un deuxième avis pouvant lui éviter certaines erreurs.

Cette solitude est renforcée par le fait qu’un juge d’instruction doit être présent danschaque tribunal de grande instance : cette répartition géographique d’une professionexercée par un nombre restreint de magistrats suppose qu’une seule personne ne l’exercedans les tribunaux de moindre taille. Ainsi, au-delà du fait d’instruire une affaire seul, lemagistrat peut également être le seul magistrat instructeur de son tribunal. En effet, seuls609 magistrats exercent la fonction de juge d’instruction en 2006, pour un nombre total

d’affaires terminées de 33 177 62 pour cette même année.D’autre part, son mode de recrutement est critiqué. Comme pour les autres fonctions

de la justice, il est possible pour un étudiant de l’École nationale de la magistrature(ENM), d’être titularisé en tant que juge d’instruction dès la fin de sa formation. Il peutêtre ainsi reproché un manque certain d’expérience dans l’exercice de fonctions judiciaires.Cet aspect négatif est renforcé par le fait que la fonction de juge d’instruction confèred’importantes prérogatives pouvant être exercées, alors qu’elle est par essence solitaire. Lafonction de juge d’instruction a par ailleurs tendance à attirer les élèves. Ainsi, au sein des

61 Source : Commission nationale consultative des droits de l’Homme, Avis sur la réforme de la procédure pénale, 10 juin 2010.62 Annuaire statistiques de la justice, édition 2008.

Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.

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promotions 1984 et 1985 de l’ENM – donc même avant l’apparition des juges d’instruction

médiatiques – 40 % des étudiants souhaitaient devenir juges d’instruction 63 .

Une série d’affaires mettant en cause le juge d’instruction.Si les juges d’instruction sont devenus l’incarnation des affaires politico-financières instruitesdans les années 1990, ils sont également devenus le symbole de retentissants échecsjudiciaires.

La première affaire, dite de Bruay-en-Artois est lancée en 1972.Encadré I : Chronologie de l’affaire de Bruay-en-ArtoisLe 6 avril 1972, le corps de Brigitte Dewèvre, jeune fille de 16 ans, est découvert dans

un terrain vague de la commune de Bruay-en-Artois (Pas-de-Calais). Le juge d’instructionHenri Pascal est chargé d’instruire le dossier. Suite aux progrès rapides de l’enquête, unsuspect, le notaire Pierre Leroy est inculpé d’homicide volontaire dès le 13 avril, et placéen détention provisoire. Les principales preuves réunies contre lui sont la présence de savoiture à proximité des lieux à l’heure du crime – qui se trouvaient également proches dudomicile de sa maîtresse – et son incapacité à fournir un alibi.

Les charges retenues contre lui ont été abandonnées peu après.Moins de trois mois après l’ouverture de l’information, le juge d’instruction est dessaisi

du dossier au profit de l’un de ses collègues parisiens. Son instruction n’aura pas plus desuccès, puisque Pierre Leroy sera relâché, sans que l’auteur des faits ne soit inquiété. En2005, l’affaire a dû être déclarée prescrite.

Plus que son incapacité à résoudre cette affaire, le juge d’instruction a plutôt été misen cause par sa réaction face à l’intervention massive des médias et du public. Ce dossiera eu en effet un fort retentissement médiatique dans la mesure où il mettait aux prises lesnotables, en la personne du principal suspect, un notaire, et le monde ouvrier, incarné par lavictime issue des corons. Outre la presse, les groupes d’extrême-gauche se sont fortementmobilisés pour soutenir le juge d’instruction au sein du comité « Vérité et Justice », afind’éviter que ne soit rendue une justice favorable au notable. Ces fortes pressions ont ainsipu perturber et influencer l’instruction du juge, bien seul face à de telles pressions.

Une des affaires les plus médiatiques du passé judiciaire récent a également mis encause le magistrat instructeur : l’affaire Grégory Villemin.

Encadré II : Rappel sur l’affaire Grégory VilleminLe 16 octobre 1984, Grégory Villemin, 4 ans, disparaît du domicile de ses parents, qui

reçoivent une lettre d’un corbeau se félicitant de sa vengeance. Le soir même son corpsest retrouvé. Le dossier est confié au juge d’instruction Jean-Michel Lambert, qui ouvre uneinformation judiciaire.

Suite à la déposition de Muriel Bolle – sa belle-sœur – et de la réalisation d’expertisesgraphologiques, Bernard Laroche, cousin du père de la victime, est inculpé et placé endétention le 5 novembre. Suite à la rétractation du témoin, et à l’annulation des expertisespour vice de forme par la chambre d’accusation, Bernard Laroche est remis en liberté le 4février 1985 – par le juge d’instruction et contre l’avis du parquet – mais demeure inculpé.Il est abattu le 29 mars par le père de la victime.

63 Sondage ENM, cité dans SOULEZ LARIVIERE Daniel, Justice pour la Justice, Paris, Éditions Seuil, 1990.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

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Les enquêteurs et le juge d’instruction commencent à s’intéresser à la mère de lavictime, qui sera inculpée et placée en détention le 5 juillet 1985. Les preuves recueilliescontre elles sont de nouvelles expertises graphologiques qui concluent qu’elle pourrait êtrele corbeau, et la découverte de cordelettes identiques à celles retrouvées sur le corps dela victime. Estimant les charges légères, la chambre d’accusation prononce sa libérationsous contrôle judiciaire.

L’ordonnance de renvoi devant la Cour d’assises, prise par la chambre d’accusation, àl’encontre de Christine Villemin le 9 décembre 1986, est cassé par la Cour de Cassation, quiordonne un complément d’information, qu’elle confie à la chambre d’accusation de Dijon, età son président Maurice Simon, puis son successeur Jean-Paul Martin.

Le 3 février 1993, un arrêt de non-lieu est rendu à l’encontre de Christine Villemin.Le 11 avril 2001, le dossier est refermé par la chambre de l’instruction de Dijon, ce qui

fixe le délai de prescription au 11 avril 2011.L’échec de trois magistrats instructeurs successifs à résoudre une affaire hautement

médiatique, et l’inculpation rapide de deux suspects, Bernard Laroche – dont l’inculpationpuis la remise en liberté auront conduit à son décès – puis de Christine Villemin – mère dela victime et enceinte au moment des faits – auront conduit à mettre en doute l’action dumagistrat instructeur.

Trop jeune, trop seul, trop inexpérimenté, trop peu utilisé et responsable de trop delenteur et de gardes à vue, le portrait brossé du juge d’instruction est bien souvent peuflatteur. Le constat de son incapacité à mener des affaires aussi médiatiques que cellesdites de Bruay-en-Artois ou Villemin a renforcé ces critiques.

Néanmoins, si le magistrat instructeur est mis en cause dans la conduite de tellesaffaires, sa responsabilité dans le fiasco de l’affaire dite d’Outreau est certainement cellequi aura eu le plus grand retentissement.

§2. L’affaire d’Outreau et ses conséquences.L’affaire d’Outreau, par l’échec retentissant sur lequel elle a abouti, constitue le plus grandraté de l’instruction au cours de ces dernières années.

Encadré III : Rappel sur le déroulement de l’affaire dite d’OutreauL’affaire d’Outreau est déclenchée le 25 février 2000, par la décision de placement prise

par un juge des enfants de Boulogne-sur-Mer pour les enfants du couple Delay-Badaoui,sur demande de leur mère.

Suite aux révélations de violences et sévices sexuels perpétrés par leurs parents etd’autres adultes sur les quatre enfants du couple, la Direction de l’enfance et des famillesdemande au parquet l’ouverture d’une enquête le 5 décembre 2000.

Du fait de la multiplication des témoignages des enfants, le Procureur de la Républiquede Boulogne-sur-Mer confie au commissariat l’ouverture d’une enquête pour agressionssexuelles.

L’enquête préliminaire menée du 9 janvier au 22 février 2001, aboutit à la mise engarde à vue des deux parents, et à l’ouverture d’une instruction pour viols, agressionssexuelles, corruption de mineurs et proxénétisme, confiée d’abord au juge d’instructionFabrice Burgaud. L’instruction a conduit à la mise en examen de 18 prévenus, placés endétention provisoire. L’un d’entre eux décèdera en prison en juin 2002.

Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.

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A partir de juin 2002, Cyril Lacombe est nommé juge d’instruction en charge de l’affaire,en remplacement de Fabrice Burgaud, qui change d’affectation.

Au terme d’une instruction de trois ans, le jugement en première instance s’ouvre à lacour d’assises de Saint-Omer en mai 2004.

Le 2 juillet 2004, la cour d’assises acquitte sept des dix-sept accusés. Parmi les dixcondamnés, six font appel.

Le jugement en appel s’ouvre aux assisses de Paris en avril 2005. En novembre 2005,les deux principaux accusateurs, Thierry Delay et Myriam Badaoui se rétractent et déclarentles accusés innocents. Face à l’effondrement de l’accusation, la cour d’assisses de Paris

rend, le 1er décembre 2005, un verdict d’acquittement général.Dès le rendu du verdict, le garde des Sceaux, Pascal Clément, décide l’ouverture d’une

triple enquête, diligentée par les inspections générales des services judiciaires, policiers etsociaux.

Les commissions consécutives à l’affaire Outreau : le constat dudysfonctionnement de l’instruction.Dès le 3 juillet 2004, c'est-à-dire dès le verdict rendu par la Cour d’assises du Pas-de-Calaiset avant l’examen par celle de Paris, Dominique Perben, garde des Sceaux et ministre dela Justice a constitué un groupe de travail chargé de « de tirer tous enseignements utiles dutraitement judiciaire de cette procédure et, au vu de ceux-ci, de formuler toute préconisation

paraissant opportune 64 ». Cette mission a été confiée à Jean-Olivier Viout, Procureur

général près la Cour d’Appel de Lyon.Encadré IV : Composition et historique de la commission VioutInstallé dès le 3 juillet 2004, le groupe de travail chargé de tirer les enseignements du

traitement judiciaire de l’affaire dite "d’Outreau" a réuni, sous la présidence de Jean-OlivierViout, Procureur général près la Cour d’Appel de Lyon, des praticiens du droit pénal et des

membres de l’administration judiciaire 65 .Ce comité a procédé à l’étude des pièces figurant au dossier, avant de procéder à une

série d’auditions de personnalités qualifiées en matière judiciaire extérieure à l’affaire.Il a remis au ministre de la Justice son rapport en février 2005.Dans son travail relatif aux problèmes liés à l’instruction, ce groupe de travail a écarté

la problématique du choix entre modèle inquisitoire et accusatoire, donc entre maintienou suppression du juge d’instruction, dans la mesure où cela ne faisait pas partie de sonmandat.

Les dysfonctionnements du magistrat instructeur mis en exergue sont en fait les griefsclassiques qui lui sont adressés – jeunesse et inexpérience, solitude – ils ont conduit cegroupe de travail à préconiser une série de mesures.

Pour remédier à la jeunesse et l’inexpérience potentielles des juges d’instruction, ilest proposé de ne nommer les magistrats exerçant pour la première fois cette fonctionqu’auprès de juridictions disposant de plusieurs cabinets d’instruction, afin de leur permettre

64 Extrait de l’introduction du rapport de la commission Viout.65 Composition du groupe de travail disponible en annexe.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

34 MANIGLIER Tristan_2010

de côtoyer des magistrats plus expérimentés, ou de rendre obligatoires les modules deformation, notamment ceux relatifs aux mineurs, pour être désigné juge d’instruction chargédes mineurs.

Pour lutter contre la solitude du magistrat instructeur, le rapport prône une améliorationde la co-saisine, en permettant à la chambre de l’instruction de l’imposer à un magistrat,ou en assurant l’information permanente du magistrat co-saisi, qui serait amené à cosignerl’ordonnance de clôture. En parallèle, la chambre de l’instruction interviendrait pour remédierà la solitude du juge, en choisissant, en son sein « un magistrat référent en charge d’assurer

le suivi de son cabinet et de répondre au besoin de concertation qu’il pourrait ressentir 66 ».

Suite à l’acquittement définitif des prévenus de cette affaire par la cour d’assises deParis, et face au constat de dysfonctionnements de la justice, l’Assemblée nationale a elleconstitué une commission d’enquête parlementaire.

Encadré V : Composition et historique de la commission d’enquête parlementaireDéposée le 5 décembre par Jean-Louis Debré, Président de l’Assemblée Nationale, et

Philippe Houillon, Président de la commission des lois constitutionnelles, de la législationet de l’administration générale de la République, la proposition de résolution créant unecommission d'enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements dela justice dans l'affaire dite d'Outreau et de formuler des propositions pour éviter leurrenouvellement a été adoptée le 7 décembre 2005 avec un large consensus.

Présidée par André Vallini, député socialiste de l’Isère, assisté de Philippe Houillon,député UMP du Val d’Oise, désigné rapporteur, et composée de trente députés, issus detoutes les tendances politiques, la commission a procédé à 221 auditions entre le 10 janvier

et le 12 avril 2006. 67 Parmi les principaux protagonistes de l’affaire, la commission a

auditionné les treize acquittés, les deux juges d’instruction successifs et le Procureur de laRépublique.

Elle a ainsi remis à la présidence de l’Assemblée nationale, le 6 juin 2006, son rapportfinal.

Le rapport final pointe une série de dysfonctionnements relatifs à l’instruction et aumagistrat instructeur. Il reproche d’abord au juge d’instruction et à la police judiciaireune mauvaise méthodologie dans les interrogatoires des mineurs, et le trop faiblerecours à l’enregistrement, pourtant fréquemment utilisé dans d’autres affaires similaires.La commission critique également la méthode d’interrogatoire et de confrontation destémoignages utilisée par le juge, en particulier dans cette affaire qui repose presqueexclusivement sur les mises en cause des enfants et de certains prévenus.

Le recours massif à des confrontations groupées, entre les principaux accusateurs etchacun des prévenus, aurait favorisé la convergence des accusations vers des indicationsvagues, ce que des confrontations entre un accusateur et un des mis en cause auraitpu éviter. De telles confrontations ont été demandées par les avocats mais ont toujoursété rejetées par les juges d’instruction successifs. En parallèle le recours à des questionsrépétées et avec des formulations fortement suggestives ont pu inciter à des accusations,sans toujours disposer d’éléments constitutifs solides. Les désaccords entre les différentstémoins n’ont d’ailleurs pas empêché la mise en détention de plusieurs prévenus. Les

66 Extrait du rapport du groupe de travail présidé par Jean-Olivier Viout.67 Composition de la Commission disponible en annexe.

Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.

MANIGLIER Tristan_2010 35

dysfonctionnements de l’instruction ont été renforcés par la communauté de vue entre lejuge et le Procureur de la République.

La solitude du juge d’instruction est un autre dysfonctionnement constaté par lacommission d’enquête, au même titre que l’inexpérience et le manque d’ancienneté desmagistrats instructeurs dans cette affaire. Si ces aspects sont communs à un certain nombrede juges, d’autres aspects plus personnels ont été évoqués, notamment son empressementà clôturer l’information, du fait d’un changement d’affectation au cours de l’affaire, et desa faible prise en compte des opinions des autres acteurs de l’instruction préparatoire,notamment les avocats.

Le difficile exercice des droits de la défense, tant dans le cadre de la garde à vue quepour l’accès au dossier est également mis en avant.

Les préconisations de la commission parlementaireFace à ces constats, la commission a présenté une série de propositions pour y remédier.

Elle a ainsi été amenée à s’interroger sur le maintien du juge d’instruction, face auxcritiques. Considérant la difficulté de mettre en œuvre un modèle accusatoire, la commissions’est prononcée en défaveur de la suppression de la fonction de juge d’instruction, mais elleest toutefois favorable à la disparition du juge unique.

De même, elle propose la suppression de la fonction de juge des libertés et de ladétention, « juge seul, exerçant occasionnellement cette fonction, appelé à se prononceren bout de

chaîne, tardivement et confirmant plus de 90 % des demandes qui lui sont adressées68 », au profit d’un collège de l’instruction pour ses compétences relatives à la détentionprovisoire.

La collégialité de l’instruction est en effet la principale préconisation de cettecommission.

Ce nouveau collège de l’instruction, qui serait à la fois juge d’instruction et juge de ladétention, serait présidé par un juge de premier rang, c'est-à-dire ayant au minimum septans d’expérience, afin d’éviter les dysfonctionnements liés à un manque de pratique. Pourfaciliter la mise en place de cette collégialité, ces pôles d’instruction ne seraient pas mis enplace dans le cadre des tribunaux de grande instance, mais à l’échelle des cours d’appel.Cette nouvelle organisation aurait pour conséquence de supprimer la présence d’au moinsun juge d’instruction auprès de chaque tribunal de grande instance, supprimant ainsi laprésence d’un juge unique dans 25 % de ces tribunaux.

Si ces collèges de l’instruction intervenaient dans des conditions similaires à celles dujuge, de nouvelles garanties pour la défense seraient introduites dans l’instruction.

La commission s’est ainsi déclarée favorable à l’obligation de la présence d’un avocatpour toute confrontation ou interrogatoire, ainsi que leur enregistrement.

Pour les décisions relatives à la détention provisoire, qui seraient prises collégialement,la commission propose la mise en place d’un véritable débat contradictoire, en présencedu Procureur et d’un avocat, pouvant être public sur demande de la défense. Au lieu d’êtrelimité aux « critères de détention », le débat porterait sur « le fond de l’affaire », et donneraitlieu à la remise d’un mémoire en défense.

68 Extrait du rapport de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

36 MANIGLIER Tristan_2010

Tous les trois mois, un réexamen automatique de la détention provisoire aurait lieu dansdes conditions similaires, et en présence du prévenu.

Les réformes issues de l’affaire d’OutreauSuite au constat de sévères dysfonctionnements de l’autorité judiciaire dans l’affaired’Outreau, et s’appuyant sur les propositions de réforme de la commission d’enquêteparlementaire, plusieurs textes de loi ont été adoptés pour y remédier.

La première loi, dite loi tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, publiée le

5 mars 2007 69 , a été initiée par le projet de loi du garde de Sceaux déposé à l’AssembléeNationale le 24 octobre 2006.

Cette loi portant modification du Code de procédure pénale introduit la collégialitéde l’instruction, en disposant que « le président du tribunal […] désigne, pour chaqueinformation, une formation collégiale de trois juges d'instruction, dont un magistrat du

premier grade exerçant les fonctions de juge coordonnateur 70 ». Ce collège de l’instruction

exerce les prérogatives habituellement dévolues au juge d’instruction. Ces dispositions nedevaient entrée en vigueur qu’au début de la troisième année après publication de la loi,c'est-à-dire en 2010.

La loi dispose en outre que « dans certains tribunaux de grande instance, les jugesd'instruction sont regroupés au sein d'un pôle de l'instruction », « seuls compétents pourconnaître des informations en matière de crime » et « lorsque la gravité ou la complexité

de l'affaire le justifie 71 ».

Elle réaffirme également le caractère exceptionnel de la détention provisoire, enaffirmant qu’elle « ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regarddes éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'uniquemoyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs suivants et que ceux-ci ne sauraientêtre atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire », parmi lesquels « empêcher uneconcertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices

ou protéger la personne mise en examen 72 ».

Parmi ses dispositions directement relatives au caractère contradictoire de laprocédure, la loi prévoit le renforcement de l’enregistrement audiovisuel pendant les gardesà vue.

La seconde loi, dite loi organique relative au recrutement, à la formation et à laresponsabilité des magistrats, du 5 mars 2007, est issue d’un projet de loi déposé par le

ministre de la Justice, Pascal Clément, au nom du Premier ministre, le 24 octobre 2006 73 .

69 Loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, publiée au Journal officiel du 6mars 2007, page 4206.

70 Article 1er de la loi.71 Article 7 de la loi.72 Article 9 de la loi.73 Projet de loi organique n°3391, relatif à la formation et à la responsabilité des magistrats, présenté au nom de Dominique

de Villepin, par Pascal Clément, enregistré à la présidence de l’Assemblée Nationale le 24 octobre 2006.

Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.

MANIGLIER Tristan_2010 37

Elle est directement issue du constat de la commission d’Outreau, sur la nécessité d’adapter

le statut des magistrats « à l’exigence accrue de responsabilité 74 ».

Son volet formation et recrutement instaure ainsi « pendant la scolarité à l’Écolenationale de la magistrature, un stage d’une durée minimale de six mois auprès d’un barreau

ou comme collaborateur d’un avocat inscrit au barreau 75 ». En parallèle, un jury est

institué pour « se prononcer sur son aptitude à exercer les fonctions judiciaires 76 ».

Le chapitre dédié à la discipline renforce les sanctions pouvant être prononcées encas de faute d’un magistrat, en ajoutant « l’interdiction d’être nommé ou désigné dans des

fonctions de juge unique pendant une durée maximum de cinq ans 77 ».

Juge schizophrène, solitaire et inexpérimenté, jugé responsable des principauxdysfonctionnements de la justice pénale, et mis en cause dans des affaires à très fortretentissement médiatique et public, le juge d’instruction est l’objet de violentes diatribes.

Face à ces multiples mises en cause et critiques, réformer l’instruction a d’ores et déjàsouvent été évoqué.

Ainsi, bien avant l’affaire d’Outreau et les réformes qui y ont fait suite, une telleperception du magistrat instructeur a déjà été à l’origine du processus répété de réforme decette fonction, qui jalonne la politique judiciaire depuis plus de 20 ans.

Section 2 : Des perspectives anciennes de réforme.Bien avant la remise de la commission d’enquête parlementaire relative à l’affaire dited’Outreau ou la réforme actuellement en cours, la phase d’instruction de la procédure pénaleavait régulièrement fait l’objet de mission de réflexion par des commissions spéciales (§1)ou de projets – plus ou moins appliqués – de réforme (§2).

§1. La multiplication des commissions de réflexion sur le juge d’instruction.

De 1949 à l’entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale : desréflexions sur la phase préparatoire.En effet, dès l’immédiat après-guerre, la question apparaît dans le champ politique, et setraduit en 1949 par la commission présidée par Henri Donnedieu de Vabres.

Le rapport remis par l’universitaire préconisait d’attribuer au ministère public lesfonctions tant de poursuite que d’enquête afin de « mettre le droit en accord avec le fait

en consacrant sa dépendance à l’égard du pouvoir exécutif 78 », dans la mesure où le

juge d’instruction ne disposait pas encore d’un statut de magistrat indépendant formellement74 Extrait de l’exposé des motifs du projet de loi.75 Article 3 de la loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des

magistrats.76 Article 6 de la loi.77 Article 15 de la loi.78 Henri DONNEDIEU DE VABRES, La réforme de l’instruction préparatoire, cité dans ETRILLARD Claire, Le temps dans

l’investigation pénale, Paris, Éditions L’Harmattan, 2005.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

38 MANIGLIER Tristan_2010

reconnu, et donc dépendait du parquet, dont il validait les résultats d’enquête. Leministère public devenait compétent pour réaliser la grande majorité des actes d’instruction,tant courants (expertises, auditions de témoins) que ceux portant atteinte aux libertésindividuelles (saisies, perquisitions…).

La fonction de juge d’instruction disparaissait au profit du juge de l’instruction, doté depouvoirs juridictionnels restreints, se bornant à la clôture de l’information, ou à l’examen desdemandes de mise en liberté, mais à qui était octroyé un rang égal à celui du Procureur.Face aux critiques dénonçant une restriction de l’indépendance de l’instruction, du fait dulien étroit entre le parquet et la Chancellerie, la proposition d’Henri Donnedieu de Vabresn’a jamais été mise en application.

Suite à l’échec des préconisations de la commission Donnedieu de Vabres, un nouveaucomité de réflexion est installé dès 1953.

Réuni sous la présidence d’Antonin Besson, Procureur général près la Courde Cassation, ce comité prône une modification du magistrat instructeur. Parmi sespropositions, figure le transfert du contrôle du juge d’instruction exercé par le ministère publicau Président de la chambre d’accusation, c'est-à-dire l’actuelle chambre d’instruction, avantla modification de sa dénomination par la loi de 2000 sur la présomption d’innocence. Le jugedevait ainsi mener directement un plus grand nombre d’actes d’instruction, et réservant lescommissions rogatoires à des cas plus exceptionnels, et sous le contrôle strict du Présidentde la chambre d’accusation. En parallèle, le Procureur de la République était doté du pouvoirde contrôler et diriger l’enquête préliminaire. Le travail de cette commission a partiellementabouti à l’adoption du nouveau Code de procédure pénale.

De 1988 à 1997 : d’intenses réflexions sur le juge d’instruction.Si après l’entrée en application du nouveau Code de procédure pénale en 1958, la questionde l’instruction des procès pénaux était devenue moins présente, elle réapparait dès la findes années 1980. En moins de dix ans, pas moins de trois réflexions ont été menées, sousla conduite d’universitaires de renom ou de hauts magistrats, sur cette question.

En 1988, le Garde des Sceaux, Pierre Arpaillange, a institué la Commission « Justicepénale et Droits de l’Homme ». Présidée par l’universitaire Mireille Delmas-Marty, elle étaitchargée de mener une réflexion sur la mise en état des affaires pénales.

Encadré V I : Composition et historique de la Commission Delmas-Marty

Institué par arrêté ministériel du 19 août 1988 79 , cette commission était chargée « demener une réflexion sur les réformes à entreprendre dans le domaine de la justice pénale

et des droits de l’homme 80 ».

Outre sa présidente, elle réunissait des représentants de différentes professions de la

justice (magistrats, avocats), représentants de l’administration et universitaires. 81

Après la remise de plusieurs rapports et communications intermédiaires, son rapportfinal a été restitué au Garde des Sceaux en juin 1990.

79 Arrêté du 19 août 1988, instituant une commission Justice pénale et droit de l’Homme au ministère de la Justice, publié auJournal officiel du 27 août 1988, page 10905.

80 Extrait de la lettre de mission adressée à la Commission.81 Composition complète de la Commission disponible en annexe.

Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.

MANIGLIER Tristan_2010 39

Outre ses préconisations relatives aux droits et garanties fondamentaux de laprocédure pénale, la Commission propose plusieurs axes de réforme de l’instruction.

Le premier est de confier la direction de l’enquête, pour toutes les affaires pénales,tant avec que sans phase d’instruction, au ministère public. Il serait ainsi compétent pourl’émission des mandats, d’arrêt ou de comparution, l’audition de l’accusé et des témoins, etla décision de mise en accusation, l’intervention du magistrat instructeur se limitant « auxactes portant atteintes aux libertés individuelles ».

En contrepartie de l’extension du pouvoir de parquet, plusieurs préconisations tendentà renforcer ses garanties d’indépendance. Si la commission rejette l’indépendance duministère public au nom du maintien d’une politique pénale nationale, elle propose d’autresmoyens de réformer son statut.

Le premier est de « maintenir l’opportunité des poursuites en précisant les conditions

de son appréciation 82 ». Il s’agirait de fonder l’opportunité de décider de poursuivre

ou de déclarer sans suite un dossier, sur la base de critères généraux uniquement, en lienavec la politique pénale, l’opportunité ou des pressions politiques ne devant plus être unecomposante de la décision. Pour s’en assurer, une instance de recours, pouvant être leProcureur général près la Cour de Cassation, pourrait être saisie par le ministère publicou par elle-même, « lorsque l’abstention d’exercer l’action publique est perçue comme unecarence de la justice ».

Le deuxième est de « redéfinir la notion de politique pénale ». Il s’agit de renforcer ladistinction entre les directives générales et celles relatives à une affaire particulière émanantde la Chancellerie. Le ministère public pourrait ainsi être autorisé à refuser des directivesqu’il désapprouve, le ministre conservant la possibilité de s’exprimer devant la juridiction dejugement par écrit ou par l’intermédiaire d’un avocat.

Le troisième est « d’assurer et préciser les garanties d’indépendance du ministère

public 83 ». Pour cela, des dispositions majeures, telles que le devoir d’obéissance ou la

liberté de conscience doivent être clairement définis par la loi.Si le nouveau ministère public préconisé par la commission devient l’acteur central de

l’instruction, son action n’en demeure pas moins sous le contrôle d’un juge. Il est le seulcompétent pour ordonner les actes attentatoires aux libertés, tels que la mise en détentionprovisoire, les perquisitions ou les mises sur écoute. Il surveille la légalité de l’enquête, enstatuant sur un recours contre un refus d’acte du ministère public, ou saisissant la chambred’accusation, pour demander le dessaisissement du parquet en cas d’inaction de celui-ci.

Il prend les décisions juridictionnelles relatives aux différents stades de la procédure,en se prononçant sur la constitution de partie civile ou en ordonnant le renvoi pour jugementou le non-lieu.

Pour accompagner l’action du juge, le rapport prévoit l’extension des compétencesde la chambre d’accusation. Elle jugerait les recours en appel contre les décisionsdu juge, notamment en matière de refus d’autorisation d’investigation ou le refus deprolongation de la durée de l’enquête. Sur saisine du juge, elle pourrait en outre prononcerle dessaisissement du ministère public, si celui-ci fait preuve d’inaction ou entrave l’enquête.

82 Extrait du rapport de la Commission présidée par Mireille Delmas-Marty.83 Extraits du rapport de la Commission présidée par Mireille Delmas-Marty.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

40 MANIGLIER Tristan_2010

En 1995, le Garde des Sceaux, Jacques Toubon, a confié Michèle-Laure Rassat,professeur à l’université Paris XII, le soin de réaliser une réflexion sur le Code de procédurepénale. Si l’universitaire ne remet pas en cause le principe du juge d’instruction, elle proposeune série d’aménagements de la phase d’instruction.

La proposition rend ainsi obligatoire l’instruction par le juge pour les « délits contre lesmœurs dont les victimes sont des enfants ».

Le rapport supprime la nécessité de prévenir le Procureur et sa capacité à accompagnerle juge pour les recherches matérielles sur les lieux, dans la mesure où il s’agit « d’une phase

de procédure non-contradictoire à laquelle les parties n'ont pas normalement accès 84 ».

Afin de rationaliser la procédure, la limitation des mandats à ceux d’amener etd’arrêt est proposée : le premier n’autorisant plus que la présentation au juge de lapersonne concernée, et non plus les 24 heures de détention, le second étant limité à unepersonne « soit déjà mise en examen soit à la charge de qui existent des indices sérieuxet concordants laissant penser qu'elle a participé comme auteur ou complice à un crime ou

un délit punissable d'emprisonnement 85 ».

La mise en examen prononcée par le juge ne pourrait avoir lieu qu’après l’audition duprévenu, et serait susceptible d’un appel immédiat.

Une réforme du régime de détention provisoire est également prônée, en distinguantdeux régimes distincts. Le premier, qualifié de « détention avant jugement utile à lamanifestation de la vérité », pourrait être décidée par le juge d’instruction pour tout typed’affaire, mais uniquement lorsqu’il « démontre que la liberté nuirait à l'efficacité de soninstruction », par « non pas des considérations générales mais d'éléments se référant

uniquement à la cause 86 ». Une durée maximale de six mois, non extensible, est proposée

pour cette détention.En parallèle, serait instituée une détention « avant jugement pour garantir la sécurité

publique », qui échapperait au magistrat instructeur. Demandée par le ministère public,elle serait ordonnée par le Président du tribunal de grande instance ou par un magistratayant reçu délégation. Réservée aux infractions les plus graves, elle pourrait durer jusqu’àla comparution devant la juridiction de jugement.

La chambre du contrôle de l’instruction bénéficie d’une extension de ses prérogatives,puisque le projet prévoit qu’ « à l'exception de l'ordonnance de renvoi, les parties peuvent

faire appel de toutes les ordonnances du juge d'instruction qui leur font grief 87 ». Le

président de la chambre assure le filtrage de ces requêtes, en décidant si la chambre doiten être immédiatement saisie, ou après le prononcé de la fin de l’instruction.

En 1997, le Président de la République a confié à Pierre Truche, Premier Président dela Cour de cassation, la présidence d’une commission de réflexion sur la justice.

Encadré VII : Composition et historique de la commission de réflexion sur lajustice

84 Extrait du rapport remis par le Professeur Rassat.85 Article 234 tel que rédigé dans le rapport remis par le Professeur Rassat.86 Extraits du rapport du rapport remis par le Professeur Rassat.87 Article 293 tel que rédigé dans le rapport remis par le Professeur Rassat.

Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.

MANIGLIER Tristan_2010 41

Installée le 21 janvier 1997 par Jacques Chirac, la commission de réflexion sur la justiceréunissait, sous la présidence de Pierre Truche, des magistrats, avocats, parquetiers etjuges, de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif, des universitaires et des personnes

qualifiées. 88

Constatant que « le système judiciaire français n’est pas toujours perçu par l’opinionpublique comme remplissant parfaitement ses missions », la lettre de mission adressée à lacommission la charge de « rechercher, de la manière la plus large et la plus libre, toutes lesimplications des nouveaux choix fondamentaux qui pourraient être faits par la France afinde rendre à sa justice le caractère exemplaire qui doit être le sien ». Il s’agit ainsi de menerune réflexion sur deux aspects plus spécifiques, que sont la présomption d’innocence etl’influence éventuelle du Gouvernement sur la justice.

Vis-à-vis de la procédure pénale, et en particulier la phase d’instruction, cettecommission devait être amenée à s’interroger « sur le fondement des fonctions de juger etde requérir au nom de la société, sur les sources de leur légitimité ainsi que sur les conditionsdans lesquelles les personnes investies de ces pouvoirs, agissant en pleine indépendance,

engageraient leur responsabilité dans l’accomplissement de leur mission 89 », mais aussi

sur l’éventualité de rendre le ministère public indépendant du pouvoir exécutif.Après plusieurs mois d’auditions et de réflexion, la commission a remis, au chef de

l’État et au Gouvernement son rapport final en juillet 1997.La commission ne renonce pas non plus à la fonction de juge d’instruction. Elle s’est

d’abord intéressée à la réforme du statut d’indépendance des magistrats autour de troisaxes, que le rapport décrit comme

la « définition d’une politique d’action publique dans laquelle est encadrée l’opportunitédes poursuites et qui est assortie d’une possibilité de recours contre les décisions declassement sans suite », « l’affirmation de la qualité de magistrat des membres du ministèrepublic accompagnée d’une réflexion sur la différenciation des fonctions respectives dusiège et du parquet », et le « maintien du lien entre le parquet et l’exécutif, mais dans laconcertation et sous condition d’un renforcement de l’indépendance statutaire du parquetassorti d’un Conseil supérieur de la magistrature rénové, d’une maîtrise accrue du parquetsur la police judiciaire et d’une interdiction des instructions du garde des Sceaux dans les

affaires individuelles 90 ».

Par ailleurs, le rapport recommande que soit « désormais interdite toute possibilité pourle garde des Sceaux de donner aux magistrats des instructions, de toute nature, dans lesdossiers particuliers ».

La fonction de juge d’instruction serait remaniée, en lui ôtant sa compétence de miseen détention provisoire, qui serait confiée à un collège de magistrats auquel le magistratinstructeur ne pourrait participer. Un collège de magistrats est également proposé, pourstatuer sur les recours contre les refus d’actes, la mise en cause de la régularité desprocédures, ou le placement en détention provisoire et sa prolongation.

Les réflexions sur la réforme de l’instruction se sont multipliées depuis l’après-guerre,et en particulier depuis la fin des années 1980. Préconisant des modifications plus ou mois

88 Composition de la Commission disponible en annexe.89 Extraits de la lettre de mission adressée à Pierre Truche et à sa commission.90 Extrait du rapport remis par la commission présidée par Pierre Truche.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

42 MANIGLIER Tristan_2010

importantes – allant de simples ajustements à la suppression du juge d’instruction – cesrapports sont bien souvent restés largement lettre morte. Outre ces rapports de réflexionsur la justice, qui ont donc plus ou moins été concrétisés, le juge d’instruction a fait l’objetde plusieurs réformes avortées dans les années 1980 et 1990.

§2. De multiples tentatives de réforme du juge d’instruction.

De 1985 à 1993 : quatre tentatives successives de réforme.Parallèlement à ces réflexions, le juge d’instruction a été concerné par quatre réformessuccessives en huit ans, modifiant notamment ses compétences en matière de détentionprovisoire.

Par une loi de 1985 91 , sont instituées les chambres d’instruction. Placée auprès dechaque tribunal de grande instance, la chambre d’instruction est composée de trois jugestitulaires, dont deux au moins sont juges d’instruction, et de deux juges suppléants. Lesaffectations sont décidées par le Président du tribunal, après avis de l’assemblée générale.Elle décide de l’ouverture de l’information – bien qu’elle ne soit saisie que par réquisitoireintroductif du ministère public – et de sa clôture.

Ses principales attributions au cours de l’instruction sont la surveillance du bondéroulement de l’information, la désignation en son sein du magistrat chargé de la conduire.

Elle est par ailleurs compétente pour ordonner les mesures privatives de liberté 92 .Pour des raisons principalement budgétaires, du fait de l’augmentation du nombre de

magistrats instructeurs que sa mise en œuvre nécessiterait, cette réforme ne sera jamaisvéritablement appliquée, et sera modifiée dès 1987.

La loi de 1987 93 portant modification du Code de procédure pénale réforme laprocédure de mise en détention. La chambre des demandes de mise en détention provisoireest reconnue compétente pour ordonner le placement en détention ou le placement souscontrôle judiciaire.

Elle est composée de trois magistrats, désignés par le Président du tribunal pour l’annéejudiciaire, après avis de l’assemblée générale. Le juge d’instruction en charge de l’affaire ettout magistrat instructeur qui aurait eu connaissance du dossier en sont exclus. La chambreest saisie par le juge d’instruction, lorsqu’il estime que le placement en détention provisoireest requis. Le placement sous contrôle judiciaire est décidé par une ordonnance du juged’instruction, ou de la chambre.

91 Loi n°85-1303 du 10 décembre 1985 portant réforme de la procédure d’instruction en matière pénale, publiée au Journalofficiel du 11 décembre 1985, page 14391.

92 Article 50-1 du Code de procédure pénale, tel que modifié par l’article 3 de la loi.93 Loi n°87-1062 du 30 décembre 1987 relative aux garanties individuelles en matière de placement en détention provisoire

ou sous contrôle judiciaire et portant modification du code de procédure pénale, publiée au Journal officiel du 31 décembre 1987,page 15547.

Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.

MANIGLIER Tristan_2010 43

Cette réforme, comme la précédente, sera de courte durée. Par une loi de 1989 94 ladécision de placement en détention provisoire devient de nouveau une compétence du juged’instruction, comme la possibilité de prolonger le placement.

Une dernière tentative de réforme sera menée en 1993, dans le cadre de la réforme duCode de procédure pénale. La compétence de la mise en détention provisoire était retiréeau juge d’instruction. Mais suite à la censure du Conseil constitutionnel, cette compétencelui a été réattribuée.

Bien que concerné par quatre réformes successives entre 1985 et 1993, les attributionsdu juge d’instruction demeurent largement inchangées.

Si la période des années 1990 constitue une relative accalmie pour les réformes, ledébut des années 2000, marqué par la création du juge des libertés et de la détention, et parl’affaire d’Outreau, est l’occasion d’une dernière tentative de réforme visant la suppressionpure et simple du juge d’instruction.

2005 : une dernière tentative avortée de réforme.En 2005, la réflexion autour de la fonction de juge d’instruction se poursuit au sein del’Assemblée nationale. Le député Georges Fenech, membre de la commission d’enquêteparlementaire d’Outreau et juge d’instruction entre 1984 et 1994, associé à plusieurs de sescollègues, a en effet déposé le 9 décembre 2005 une proposition de loi visant à supprimer le

juge d’instruction et à instituer un juge de l’enquête 95 . Considérant les limites préalablementévoquées de la fonction de juge d’instruction, le député propose de lui substituer le juge del’enquête, largement inspiré de celui des libertés et de la détention.

Désigné parmi les magistrats ayant rang de vice-président ou de président par lePrésident du tribunal de grande instance, le juge de l’enquête statuerait à l’issue d’undébat contradictoire, et ne pourrait participer au jugement d’une affaire dont il aurait euconnaissance.

Une phase d’enquête contradictoire est intégrée à la procédure pénale. Elle est ouverte,en matière de délit ou de crime, à l’issue de l’enquête policière. L’ouverture se fait parnotification du Procureur de la République à la personne concernée, en précisant les faitset leurs qualifications juridiques, les textes applicables et les pièces soutenant l’accusation.Le Procureur lui rappelle par ailleurs son droit d’être assisté par un avocat, et informe lavictime qu’elle peut se constituer partie civile.

La procédure de l’enquête contradictoire est similaire à celle de l’enquête préliminaire,à quelques exceptions. Le Procureur de la République procède à la majorité des actes,notamment l’interrogatoire de l’accusé ou la demande d’expertise.

Les parties peuvent présenter au ministère public une requête tendant à faire réalisertout acte nécessaire à la manifestation de la vérité. En cas de refus, elles disposent d’undroit de recours.

La capacité d’intervention du juge de l’enquête est assez restreinte. Il statue sur lesrecours des parties consécutifs au refus d’actes du ministère public, ou des requêtes en

94 Loi n°89-481 du 6 juillet 1989 modifiant le code de procédure pénale et relative à la détention provisoire, publiée au Journalofficiel du 8 juillet 1989, page 8538.95 Proposition de loi n°2659, déposée par Georges Fenech, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 9 décembre 2005.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

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nullité d’actes. Il est également compétent pour la contestation de la recevabilité de laconstitution d’une partie civile.

Il est en outre saisi, par le Procureur de la République, pour le placement sous contrôlejudiciaire ou en détention provisoire. Il statue par une ordonnance motivée, après avoirentendu le Procureur, l’intéressé, et éventuellement son avocat. Le débat est contradictoire,et public, sauf si une des parties demande le secret. Le contrôle judiciaire et la détentionprovisoire ne peuvent être ordonnés que si les preuves sont importantes et concordantes,et que si ces mesures sont nécessaires à l’enquête ou à la sûreté publique. Si la peineencourue est inférieure à trois ans, la détention provisoire ne peut être ordonnée, etlorsqu’elle est décidée, elle est limitée à quatre mois.

Avant cette échéance, le juge de l’enquête peut être saisi par le ministère public pourprolonger la détention, qui ne pourra dépasser « six mois en matière correctionnelle lorsquela peine encourue est inférieure à cinq ans d’emprisonnement, un an lorsque la peineencourue est égale ou supérieure à cinq ans d’emprisonnement, deux ans en matière

criminelle 96 ». Le magistrat peut être saisi à tout moment de la procédure par l’intéressé

qui demanderait la levée de ces mesures.Après la clôture de l’enquête contradictoire par le ministère public, le juge de l’enquête

prononce la levée du contrôle judiciaire ou de la détention provisoire en cas de classementdu dossier.

Si le renvoi devant une juridiction est décidée par le Procureur, « le juge de l’enquêtestatue sans débat sur le renvoi du ou des accusés devant la juridiction de jugement etse prononce, le cas échéant, sur leur maintien sous contrôle judiciaire ou en détention

provisoire jusqu’à leur comparution devant cette juridiction 97 ».

La chambre de l’instruction est également remplacée par la chambre de l’enquête,chargée de l’appel des décisions du juge. Si sa composition demeure inchangée, laprincipale innovation est que la publicité des audiences devient la norme, le secret nepouvant être ordonné qu’à la demande des parties, ou au nom du déroulement de l’enquêteou de la préservation de la dignité humaine.

Les parties et le Procureur disposent d’un droit d’appel, dans un délai de cinq joursaprès notification, des décisions du juge en matière de requête en nullité des actes deprocédure, et de contestation de la recevabilité d’une partie civile.

Ses ordonnances en matière de contrôle judiciaire et de détention provisoire ne peuventêtre contestées que par le Procureur et l’accusé, dans ce même délai de cinq jours. Le droitdes parties civiles est limité à la transmission d’observations à l’attention du juge.

Déposée deux jours après le vote de la proposition de résolution instituant lacommission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau, cette proposition de loi seraabandonnée, au profit des réformes issues de cette commission, qui modifient mais neremettent pas en cause la fonction de juge d’instruction.

Maintes fois critiqué et dénoncé, le juge d’instruction a fait l’objet de réflexions ettentatives de réforme répétées tout au long des années 1980 et 1990.

96 Article 93 du Code de procédure pénale, tel que modifié par l’article 3 de la proposition de loi.97 Article 96 du Code de procédure pénale, tel que modifié par l’article 3 de la proposition de loi.

Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.

MANIGLIER Tristan_2010 45

Si la réforme unanimement adoptée après l’affaire d’Outreau, et principalement lacollégialité qu’elle devait instaurer semblait avoir mis un terme, au minimum, temporaire àce questionnement, il n’en est rien.

Avant même l’entière application de ces réformes, le juge d’instruction est à nouveaul’objet d’une tentative de réforme, visant cette fois sa complète disparition au profit du jugede l’instruction.

La France est ainsi entrée dans la controverse relative au maintien ou à la suppressiondu juge d’instruction, qui s’est, par le passé, déjà développée dans un certain nombre depays européens.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

46 MANIGLIER Tristan_2010

Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistratinstructeur : un débat à l’échelleeuropéenne.

Ainsi depuis plusieurs décennies, modifier l’instruction pénale est devenue uneproblématique récurrente des réformes de la justice.

Une telle question s’est d’abord posée dans plusieurs pays d’Europe (Chapitre 1),avant de réapparaître en France au travers du projet de réforme de 2009-2010, issu despropositions de la Commission Léger (Chapitre 2).

Chapitre 1 : Ministère public contre juge del’instruction : panorama européen.

Si le débat relatif à la phase préparatoire de la procédure pénale est particulièrement vif enFrance depuis l’annonce au début de l’année 2009 de la suppression du juge d’instruction,cette controverse n’est pas propre à la France.

Plusieurs autres pays européens ont également entamé une réflexion sur leur systèmepénal, et notamment sur la phase préparatoire.

Un certain nombre d’États européens se sont engagés, au cours des dernièresdécennies dans la même perspective de réforme que la France, à savoir l’abandon d’unmagistrat instructeur au profit d’un parquet directeur d’enquête (Section 1), alors qued’autres sont restés fidèles au juge d’instruction ou à d’autres systèmes plus atypiques(Section 2).

Il s’agit donc, dans le but d’éclairer le débat français, d’étudier les principaux systèmesd’instruction pénale mis en œuvre dans d’autres pays européens, selon que l’instruction estconfiée au ministère public ou non.

Section 1 : L’instruction confiée au ministère public.Le modèle du ministère public directeur d’enquête s’est largement développé en Europe, àl’occasion de réformes de la procédure pénale menées dans plusieurs pays européens.

Néanmoins, parmi les pays ayant mis en place une instruction conduite par le ministèrepublic, il convient de distinguer deux sous-catégories, en fonction principalement du statutd’indépendance accordé aux procureurs (§1) ou du maintien de leur dépendance vis-à-visdu pouvoir exécutif (§2).

§1. Un ministère public doté d’une indépendance statutaire.

Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.

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Tout d’abord, deux pays parmi les plus proches de la France – l’Italie et le Portugal – illustrentla conduite de la phase d’instruction par un ministère public indépendant.

L’Italie après 1989 : ministère public instructeur et juge des investigationspréliminaires.Suite à l’adoption d’un nouveau Code de procédure pénale en 1989, cet État a renoncé àune instruction menée par le juge d’instruction au profit d’une procédure à forte dominanceaccusatoire.

La phase d’instruction et le juge d’instruction ont ainsi été supprimés au profit d’unephase d’investigations préliminaires et du juge des investigations préliminaires.

Le ministère public est chargé, avec le concours de la police judiciaire, qui lui estsubordonnée, de l’enquête préliminaire, qu’il doit réaliser à charge et à décharge. Il disposedu monopole de l’initiative de poursuites, dans la mesure où la constitution d’une partie civileest possible, mais ne permet pas de déclencher des poursuites.

Le Procureur dispose d’un délai de six mois pour procéder à l’enquête préliminaire, bienque ce délai puisse être prolongé par le juge, par supplément de six mois, sans toutefoisexcéder un plafond fixé à 18 mois ou deux ans, en fonction de la gravité de l’infraction.

Cette phase est placée sous la surveillance du juge des investigations préliminaires, quiest garant du principe de légalité. Dans ce cadre, il doit autoriser les mesures attentatoiresaux libertés individuelles, ou les valide si elles ont été mises en œuvre par le ministère publicen cas d’urgence, notamment dans le cadre du placement en détention provisoire ou duplacement sur écoute téléphonique.

Il est également seul compétent pour la mise en œuvre, sur demande du prévenu oudu ministère public, de la procédure dite d’incident probatoire, qui permet de récolter deséléments de preuve au cours de la phase d’enquête préliminaire et non pendant celle dujugement.

A l’occasion de l’audience préliminaire, un magistrat statue sur la clôture de l’enquête,en appréciant la requête de classement ou de renvoi devant la juridiction de jugementprésentée par le ministère public. Si le Procureur propose le classement de l’affaire du faitde l’impossibilité d’exercer l’action publique, le juge peut accéder à sa requête, ou en casde désaccord, il peut demander au ministère public de poursuivre l’enquête dans le délaiqu’il lui fixe, ou de prononcer dans les dix jours la mise en accusation.

Si le Procureur demande le renvoi devant une juridiction, un débat contradictoire entrelui et la défense est organisé devant le juge de l’audience préliminaire, qui est un magistratdifférent du juge de l’enquête préliminaire, sauf si ce dernier s’est limité à des actes deprocédure au cours de l’enquête préliminaire, et non des actes directement liés à l’enquête(placement en détention provisoire ou écoutes téléphoniques notamment). A l’issue dudébat, le juge décide du non-lieu ou du renvoi pour jugement.

Du fait de l’article 107 de la Constitution italienne, le ministère public jouit « desgaranties établies à son égard par les règles relatives à l’ordre judiciaire », c'est-à-dire que

« la magistrature constitue un corps autonome et indépendant de tout autre pouvoir 98 »,

principe réaffirmé par la jurisprudence de la Cour constitutionnelle italienne. De ce fait, leministère de la Justice ne dispose pas d’autorité sur lui.

98 Article 104 de la Constitution italienne.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

48 MANIGLIER Tristan_2010

La Constitution établit également la compétence du Conseil supérieur de lamagistrature sur les « nominations, les affectations et les mutations, les promotions et les

mesures disciplinaires 99 », et limite celle du ministre de la Justice à « l’organisation et

au fonctionnement des services relatifs à la justice 100 ».

Si le contrôle du pouvoir exécutif sur le ministère public est réduit, le contrôlehiérarchique l’est tout autant, puisque la jurisprudence du Conseil supérieur de lamagistrature a eu tendance à remettre en cause les pouvoirs formels des responsableshiérarchiques. Le Procureur ne peut pas par exemple obliger un substitut à accomplir unacte donné.

En parallèle, l’article 112 de la Constitution, en affirmant le principe de la légalité despoursuites, empêche que des injonctions de sa hiérarchie puissent empêcher l’ouverturede poursuites.

Le cas portugais : création en 1987 du juge de l’instruction.La réforme du Code de procédure pénale entrée en vigueur en juin 1987 a transféré la phased’enquête au ministère public, qui auparavant n’était compétent que pour les infractionspassibles d’une peine de prison inférieure à trois ans. Toutefois la Constitution disposeque « toute l’instruction relève de la compétence d’un juge, qui peut, conformément à laloi, déléguer à d’autres autorités la réalisation des actes de l’instruction qui ne portent pas

directement sur les droits fondamentaux 101 ».

Le juge de l’instruction reste donc un acteur majeur de la phase d’instruction : le Code deprocédure pénale réserve à ce magistrat certaines actions, telles que la conduite du premierinterrogatoire, ou soumet à son autorisation préalable les mesures les plus attentatoires auxlibertés individuelles demandées par le ministère public, comme la détention provisoire oules perquisitions.

Le juge contrôle également la décision de clôture de l’enquête prise par le Procureur, surdemande du mis en examen en cas de mise en accusation ou de la victime en cas d’abandondes poursuites. S’ouvre alors une procédure en deux temps. Le premier, facultatif, est uneinstruction, conduite par le juge en collaboration avec la police, au cours de laquelle le jugepeut procéder aux actes qu’il juge nécessaires – même si le ministère public les a déjàréalisés – dans un délai de quatre mois, réduit à deux si une mise en détention provisoire aété ordonnée. Dans un deuxième temps, un débat contradictoire, obligatoire, est organisé,entre le ministère public, la victime, le mis en examen et leurs représentants respectifs, envue de vérifier les éléments réunis au cours de l’enquête. A son issue, le juge rend uneordonnance de mise en accusation ou ordonne un non-lieu.

Depuis la réforme de 1992, la Constitution portugaise dispose « [qu’] aux termes de

la loi, le Ministère public jouit d’un statut propre et est autonome 102 ». Le parquet est

organisé de manière hiérarchique, et est placé sous la direction du Procureur général. Cemagistrat est nommé pour six ans par le Président de la République, sur proposition du

99 Article 105 de la Constitution italienne.100 Article 110 de la Constitution italienne.

101 Article 32 de la Constitution portugaise.102 Article 219-2 de la Constitution portugaise.

Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.

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Gouvernement. Aux termes de la Constitution, « la nomination, l’affectation, le déplacementet l’avancement des représentants du Ministère public et l’exercice de l’action disciplinaire

appartiennent au Parquet général de la République 103 ». Cet organe comprend, outre

son président, le Procureur général, le Conseil supérieur du ministère public, composé demembres élus par l’Assemblée de la République, et d’autres désignés par leurs pairs.

Le ministère public ne peut recevoir d’instructions émanant du pouvoir exécutif ou dupouvoir judiciaire, seule leur hiérarchie peut leur transmettre des directives.

§2. Un parquet sans indépendance.Deux autres États – Pays-Bas et Allemagne – ont confié la phase d’instruction au ministèrepublic, mais sans lui octroyer un véritable statut d’indépendance.

Les Pays-Bas : un magistrat instructeur depuis 1926.Le Code de procédure pénale adopté en 1926 assure la prépondérance du ministère publicdans la phase préparatoire de la procédure pénale. Il dispose d’abord du monopole del’ouverture des poursuites, qu’il exerce librement.

Ayant autorité sur la police, il est le principal conducteur de la phase d’enquêtepréliminaire. Son intervention reste néanmoins limitée aux infractions les plus graves, lapolice assurant avec une large indépendance les enquêtes pour les infractions les moinsimportantes. Bien qu’il dispose de la capacité de réaliser certains actes coercitifs, pourceux les plus attentatoires aux libertés individuelles, l’intervention du juge est requise. Cemagistrat doit, par exemple, autoriser les écoutes téléphoniques et les fouilles corporelles,ou est compétent en cas de perquisition d’un lieu de travail d’un professionnel soumis ausecret professionnel ou d’opposition de l’occupant à la perquisition.

La procédure dite d’instruction préliminaire peut également être réalisée par le juge,mais uniquement à la demande du ministère public. Dans ce cas, un juge mène une enquêteparallèle à celle du ministère public. Cette procédure est initiée si l’enquête nécessite demobiliser les moyens d’investigation du juge, qui sont plus importants que ceux du parquet :ainsi, si un témoin peut refuser de collaborer avec le ministère public, il ne peut refuser lacomparution devant le magistrat instructeur.

En tant que composante du pouvoir judiciaire, le ministère public est placé sousl’autorité directe du ministre de la Justice. Le parquet est hiérarchiquement dirigé par lecollège des Procureurs généraux, composé de trois à cinq des plus hauts procureurs dupays, parmi lesquels le président, nommé pour trois ans par le souverain. Cette instanceest compétente pour donner des directives au ministère public, tant générales que relativesà des affaires individuelles.

La loi relative à l’organisation judiciaire reconnaît également au ministre de la Justicele droit de transmettre des directives générales et individuelles, mais dans des conditionsstrictement définies, le collège des Procureurs généraux devant être consulté par unedemande motivée, et le Parlement informé en cas de demande d’abandon des poursuites.

Dénonçant le caractère vague des fonctions de chaque acteur de la phase d’enquêtepréliminaire, et en particulier celle du juge de l’instruction, un grand nombre de juristesappelle à réformer le Code de procédure pénale. Une réforme visant à abolir l’instructionjudiciaire, et à accroître la place du juge a été soumise à consultation fin 2008.

103 Article 219-5 de la Constitution portugaise.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

50 MANIGLIER Tristan_2010

L’Allemagne et la réforme Vogel : la disparition du juge d’instruction.Le Code pénal adopté en 1877 avait créé la fonction de juge d’instruction. Toutefois, laréforme menée en 1974 par le ministre Hans-Jochen Vogel a conduit à sa disparition.Animée par la volonté d’améliorer la durée des enquêtes et leur efficacité, cette réformea accordé au ministère public, et à la police judiciaire qui lui est soumise, l’ensemble despouvoirs d’enquête et d’accusation.

Le parquet est ainsi seul compétent pour instruire, à charge et à décharge, avec l’aidede la police, et pour décider de la mise en accusation ou non des personnes mises en causedans le dossier. Si le ministère public décide seul de l’ouverture d’une enquête, le Code deprocédure pénale allemand dispose que « le ministère public doit poursuivre toute infraction

susceptible d’être poursuivie, dès lors qu’il existe des indices matériels suffisants 104 ».

Toutefois, en dépit du principe de la légalité des poursuites, le ministère public peut renoncerà poursuivre des infractions de faible importance, si elles ne troublent que peu l’ordre public,et uniquement avec l’accord du tribunal qui aurait dû être compétent.

La police occupe une place importante, dans la mesure où elle enquête de manièreautonome sur des affaires de faible gravité, avec un contrôle minimal du ministère public.Ce dernier décide de la clôture de l’enquête, en ordonnant le classement ou demandantl’engagement de poursuites. Dans ce deuxième cas, il saisit alors la juridiction de jugement,à laquelle le dossier d’instruction est transmis. C’est elle qui décidera, en fonction deséléments, de l’ouverture de la phase de jugement.

Du fait de l’organisation fédérale du pays, un ministère public fédéral et un spécifiqueà chaque Land coexistent. Si le parquet fédéral est spécialisé dans les infractions les plusgraves mettant en cause la Fédération, il n’existe aucun lien hiérarchique entre eux.

Le premier est composé du Procureur général fédéral et des Procureurs fédéraux,nommés par le Président de la République, sur proposition du ministre fédéral, et aprèsaccord du Bundesrat, chambre haute du Parlement. Des règles analogues sont applicablesà chaque ministère public des Länder.

Organisé de manière hiérarchique, il est placé sous l’autorité du ministre fédéral de laJustice. De ce fait, de par la loi, et du fait du statut de fonctionnaire de ses membres, il peutrecevoir des directives, tant générales que relatives à une affaire particulière, de la part desa hiérarchie et du ministre, bien que ce dernier s’abstienne généralement d’intervenir dansdes affaires précises.

Si le nouveau Code de procédure pénale a maintenu la fonction de juge de l’instruction,ses pouvoirs sont limités. Il ne peut intervenir que sur demande du ministère public, pour lesactes mettant en cause les libertés individuelles, tels que les saisies ou la mise en détentionprovisoire.

Le ministère public peut néanmoins décider de telles mesures si l’urgence l’exige.Celles-ci devront être validées a posteriori par le juge, et la détention provisoire ne peutfaire l’objet de ce type de procédure. Le Procureur dispose de pouvoirs importants, puisqu’ildétient des compétences autrefois dévolues au juge, telles que contraindre un témoin ouun expert à comparaître.

La suppression du juge d’instruction au profit du ministère public instructeur et d’un jugede l’instruction superviseur est un processus commun à bon nombre de pays européens.

104 Article 152 du code de procédure pénale allemand.

Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.

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Les nouvelles procédures entrées en vigueur divergent néanmoins sur l’indépendance oula subordination des procureurs vis-à-vis des ministères de la Justice.

Le parquet n’en est pour autant pas devenu un acteur hégémonique dans toutel’Europe, d’autres États ayant conservé des modèles centrés sur le juge, ou d’autres plusatypiques.

Section 2 : L’instruction non confiée au parquet.Si confier la phase d’instruction au ministère public est en essor dans un nombre conséquentde pays européens, le juge d’instruction n’en demeure pas moins un acteur incontournabledans plusieurs Etats (§1), tandis que d’autres ont opté pour des modèles plus atypiques (§2).

§1. Le maintien du juge d’instruction.Le juge d’instruction est principalement présent dans les pays ayant subi l’influence de laFrance – la Belgique, influencée par la France napoléonienne ou les pays du Maghreb, quiétaient sous domination française – mais pas uniquement.

Le cas espagnol : un juge d’instruction tout puissant.L’Espagne a ainsi confié la phase préparatoire à un juge d’instruction depuis 1882. Prochede son homologue français, il disposait néanmoins d’une particularité, à savoir la possibilitéde juger sur le fond une affaire dont il avait été chargé de l’instruction, si l’infraction n’étaitpas susceptible d’une peine supérieure à six mois d’emprisonnement. Il a été mis fin à cetteexception au nom du principe de la séparation de la fonction d’instruction et de jugementen 1988.

Chargé d’instruire à charge et à décharge, le juge d’instruction, pour son enquête,bénéficie de la collaboration de la police judiciaire qui lui est constitutionnellementsubordonnée.

Bien que le Code de procédure pénale dispose que « les juges d'instruction procéderontaux instructions des délits publics sous le contrôle direct du ministère public du tribunal

compétent 105 », le juge dispose d’une grande autonomie dans les faits.

L’instruction est déclenchée par l’action populaire, consécutive au dépôt d’une plainteauprès du juge, ou par auto-saisine du juge.

Pour permettre une bonne instruction de l’affaire, le juge dispose d’un large champ decompétence.

Le Code de procédure pénale reconnaît sa compétence pour la majorité des actesd’accusation, tant courants, tels que l’audition de la personne prévenue – « Le juge […]fera déposer les personnes inculpées autant de fois qu'il le considère comme utile à

l'établissement des faits 106 » – ou la demande d’expertise – « le juge ordonnera l'expertise

lorsque, pour connaître ou apprécier un fait ou une circonstance qui ont une importance pourl'instruction, des connaissances sont nécessaires ou utiles sur les arts ou sur les sciences

105 Article 306 du code de procédure pénale espagnol.106 Article 385 du code de procédure pénale espagnol.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

52 MANIGLIER Tristan_2010

107 » – que pour des actes plus attentatoires aux libertés individuelles, relatifs à la détentionprovisoire – « Tant que l'affaire se trouve soumise à l'instruction, la détention préventive ne

pourra être ordonnée que par le juge d'instruction 108 » – ou aux perquisitions – « Le juge

[…] pourra ordonner l'entrée et la perquisition, de jour et de nuit, dans tous les édifices et

lieux publics, quel que soit le territoire où ils sont situés 109 ».

Au-delà des actes prévus par le Code de procédure pénale, le juge peut ordonner toutacte qu’il estime utile pour l’instruction, dans le respect du principe de proportionnalité vis-à-vis de l’infraction. Par ailleurs, si le droit prévoit que l’instruction est limitée à une duréed’un mois, le juge pourra la prolonger s’il l’estime nécessaire.

En parallèle, le magistrat est obligé de réaliser les actes qui font l’objet d’une demandedu ministère public ou de la défense. S’il refuse, les parties peuvent former un recours, ainsique le Code de procédure pénale le dispose :

« Le juge qui procède à l'instruction effectuera les actes que proposent le ministèrepublic ou l'une des parties qui comparaissent, s'il ne les considère pas comme inutiles oupréjudiciables.

Contre la décision n'admettant pas les actes demandés, pourra être exercé le recoursd'appel, qui sera admissible avec un seul effet devant l'Audience ou le tribunal compétent110 ».

Le ministère public est dirigé par le Procureur général de l’État, nommé pour quatreans par le souverain, sur proposition du Gouvernement, et après avis du Conseil généraldu pouvoir judiciaire et de la commission concernée de la chambre des députés.

Chaque Procureur agissant par délégation du Procureur général de l’État, celui-ci,comme les autres membres de la hiérarchie du ministère public peuvent transmettre desdirectives à leurs subordonnés. Néanmoins, le chef du parquet se limite généralement àdes orientations de politique pénale.

Le Gouvernement peut également demander au ministère public d’agir devant unejuridiction. Si le ministre de la Justice sert d’interface entre le Gouvernement et le ministèrepublic, le Premier ministre a légalement le pouvoir de saisir directement le Procureur généralde l’État.

La nomination et promotion des membres du ministère public est de la compétencedu pouvoir réglementaire, après consultation du Conseil du parquet, organe indépendant,présidé par le Procureur général de l’État, et qui comprend le Vice-procureur du Tribunalsuprême, du Procureur responsable des services d’inspection, et de neuf procureursdésignés pour quatre ans par leurs pairs.

Depuis plusieurs années, d’importants dysfonctionnements ont été constatés dansla phase d’instruction, tels que des longueurs excessives, la multiplication des mesuresattentatoires aux libertés individuelles, ou la faible effectivité des voies de recoursdisponibles.

107 Article 456 du code de procédure pénale espagnol.108 Article 502 du code de procédure pénale espagnol.109 Article 546 du code de procédure pénale espagnol.110 Article 311 du code de procédure pénale espagnol.

Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.

MANIGLIER Tristan_2010 53

Une première tentative de réforme présentée en 1988, visant à confier la phased’instruction au ministère public, avait rapidement été mise en échec au Parlement.

Pour remédier à la toute puissance supposée du juge d’instruction, un mouvementse développe en faveur d’une réforme confiant au ministère public, assisté par la policejudiciaire, la direction de l’instruction, et instituant un magistrat de l’instruction, chargéd’autoriser les actes mettant en cause les libertés individuelles.

La Belgique et l’influence du modèle napoléonien.La Belgique a également placé le juge d’instruction au centre de sa procédure pénale. Celle-ci est régie par le Code d’instruction de 1808, largement inspiré du modèle napoléonien.

Il attribue au juge de l’instruction la charge d’instruire à charge et à décharge, et disposequ’il « décide de la nécessité d'utiliser la contrainte ou de porter atteinte aux libertés et aux

droits individuels 111 ». Comme son homologue français, il est saisi de faits précis, et en

cas de découverte « des faits susceptibles de constituer un crime ou un délit dont il n'est

pas saisi, il en informe immédiatement le procureur du Roi 112 ». Cette saisie s’opère par

requête du ministère public, ou par la constitution d’une partie civile auprès du juge.Hors des cas de flagrant délit, pour lesquels le juge d’instruction « peut se saisir des

faits et poser directement les actes relevant de la compétence du procureur du Roi 113 »,

il « ne fera aucun acte d'instruction et de poursuite qu'il n'ait donné communication de la

procédure au [procureur du Roi] 114 ».

Le code lui confie la réalisation des principaux actes courants de la phase d’instruction :

l’inculpation 115 , l’audition des témoins 116 . En parallèle, tous les actes attentatoires auxlibertés individuelles ne peuvent être autorisés que par lui, tant en matière d’écoutes des

communications 117 , que la réalisation de test ADN 118 .Seule la décision du placement en détention provisoire n’est pas de son ressort. C’est

« la chambre du conseil, sur le rapport du juge d'instruction, le procureur du Roi, l'inculpéet son conseil entendus, [qui] décide s'il y a lieu de maintenir la détention préventive », et

statue tous les trois mois sur la prolongation de cette détention 119 .Le Code judiciaire place les différentes composantes du ministère public sous l’autorité

du ministre de la Justice, qui « arrête les directives de politique criminelle, y compris en

111 Article 56 du code d’instruction criminelle belge.112 Ibid.113 Article 59 du code d’instruction criminelle belge.114 Article 61 du code d’instruction criminelle belge.115 Article 61bis du code d’instruction criminelle belge.116 Article 71 du code d’instruction criminelle belge.117 Article 90ter du code d’instruction criminelle belge.118 Article 90undecies du code d’instruction criminelle belge.119 Article 21 et 22 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

54 MANIGLIER Tristan_2010

matière de politique de recherche et de poursuite 120 », contraignantes pour les procureurs.

Il est dirigé par les Procureurs généraux près les Cours d’appel, réunis en collège desProcureurs généraux, placé lui aussi sous l’autorité du ministre. Il est chargé de la « mise enœuvre cohérente et de la coordination de la politique criminelle et du bon fonctionnement

général et de la coordination du ministère public 121 ».

La phase d’instruction est placée sous le contrôle de la chambre des mises enaccusation. Elle peut « demander des rapports sur l'état des affaires et peut prendreconnaissance des dossiers », mais aussi contrôler « d'office la régularité de la procédureet qu'il peut exister une cause de nullité, d'irrecevabilité ou d'extinction de l'action publique122 ».

Le juge d’instruction, bien qu’il ait été souvent remplacé par le ministère public en tantque directeur d’enquête, n’en demeure pas moins un acteur central dans certains systèmespénaux étrangers.

Si l’instruction confiée à un magistrat instructeur devient marginale, deux États se sontextraits de cette dichotomie entre le juge de l’instruction et le ministère public.

§2. Des modèles atypiques, les cas britannique et suisse.

Le Royaume-Uni : un modèle à dominante accusatoire centré sur la police.Le Royaume-Uni, a mis en place un modèle original. Le premier aspect est l’absence decode de procédure pénale : celle-ci n’est encadrée que par des lois et des codes de conduite.Dès lors, face à l’absence de règles véritablement formalisées, le juge dispose d’un véritablepouvoir de création du droit.

Le second est la large place accordée à la police.Celle-ci a pour mission d’enquêter à charge et à décharge, et dispose d’une large

autonomie vis-à-vis du ministère public. Du fait de son organisation décentralisée, elle n’estpas sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, chaque chef local de police peut ainsi mettreen œuvre une politique pénale particulière, les autorités centrales étant limitées à desorientations d’ordre général.

Jusqu’à la réforme de 2003, elle décidait également de la mise en accusation duprévenu, et des charges retenues contre lui.

Depuis, ces deux attributions ont été transmises au Crown Prosecution Service. Qualifiéde « service national chargé de poursuivre les infractions pénales », il a été institué par laloi en 1985. A partir des dossiers constitués par la police, et en fonction de leur contenu,il décide de la continuation du dossier ou l’abandon des poursuites. Il décide égalementde la suite à donner à des poursuites initiées par des particuliers, bien que celles-ci soientlargement résiduelles. Si le CPS doit collaborer avec la police au cours de l’enquête, il n’apas d’autorité sur elle.

Le CPS est organisé de manière décentralisée, en unités régionales et locales, dirigéespar des Procureurs en chef, responsables des poursuites menées par leurs subordonnés

120 Article 143quarter du code judiciaire belge.121 Article 143 du code judiciaire belge.122 Article 136 et 235bis du code d’instruction criminelle belge.

Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.

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devant la direction nationale. Ses membres font partie de la fonction publique, bien qu’ilspuissent alterner entre fonctions au barreau et au CPS.

Au niveau national, il est dirigé par le Director of Public Prosecution, qui jouit d’unelarge autonomie vis-à-vis du pouvoir politique. Ses instructions déterminent le régime despoursuites, qui ne sont lancées qu’en fonction du critère de l’intérêt général et de laprobabilité de la réussite des poursuites.

Bien que placé sous l’autorité de l’Attorney General, membre du Gouvernementet responsable devant le Parlement, qui est l’autorité nommant le Director of PublicProsecution, et qui assure la fonction de Procureur en chef, le CPS ne lui est principalementsoumis que pour certains types d’infraction, en particulier celles relatives à la sécurité del’État (terrorisme,…). Même si les directives de l’Attorney General s’imposent au CPS encas de désaccord, il doit s’abstenir d’intervenir dans des affaires particulières.

Si la loi de 1984 sur la police et les preuves en matière pénale accorde de largespossibilités d’action pour les autorités policières en matière de détention, d’interrogatoire etde perquisitions, leur liberté d’action n’est pas absolue.

Pour les mesures jugées les plus attentatoires aux libertés individuelles, la police doitdemander l’autorisation d’un juge. Pour exercer ces fonctions, il existe deux catégories dejuges. Les plus nombreux sont des magistrats non professionnels, des citoyens exerçantbénévolement cette fonction à temps partiel, et siégeant à trois. S’ils ne sont pas en nombresuffisant, des juges professionnels sont nommés, parmi les avocats avec au minimum 5ans d’ancienneté. Ces magistrats ordonnent les saisies ou les prolongations de garde devue. Le magistrat se prononce également sur la qualification juridique des faits, et décide dutraitement du prévenu avant l’audience de jugement, en prononçant la liberté sous caution– largement utilisé au Royaume-Uni – ou la détention provisoire – dont le recours est bienplus restreint qu’en France.

La Confédération helvétique : une diversité des procédures en coursd’unification.La Suisse, du fait d’une organisation de type confédérale, est dotée d’un système pénalatypique. Régie conjointement par le Code fédéral et les codes des différents cantons, laprocédure pénale n’est pas uniforme sur le territoire.

Pour les infractions relevant du Code fédéral c'est-à-dire celles relevant de lacompétence de la Confédération, l’instruction est organisée sur le modèle français, autourdu juge d’instruction. Pour les infractions relevant de la compétence cantonale, qui sontmajoritaires, quatre modèles dominants ont été institués, illustrant dans un même État lesdifférents modèles en vigueur en Europe.

Cinq cantons 123 ont mis en place un juge d’instruction indépendant, qui conduitl’instruction avec l’aide de la police judiciaire qui lui est subordonnée. Le ministère publicne dispose d’aucune autorité sur le magistrat instructeur, il n’est que la partie au procèschargée de l’accusation.

123 Vaud, Fribourg, Valais, Glaris et Zoug.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

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Dix cantons 124 ont un système d’instruction dirigée par le juge d’instruction également,mais celui-ci est placé sous l’autorité du ministère public. Ces pouvoirs varient selon lescantons, mais dans la majorité d’entre eux, le ministère public est seul compétent pourdécider de la mise en accusation du prévenu.

Cinq autres cantons 125 ont mis en œuvre un modèle d’instruction dans lequel l’enquêteest dirigée par le ministère public, aidé de la police judiciaire. Un magistrat instructeurindépendant ne peut être amené à diriger l’instruction que dans la mesure où le ministèrepublic décide de l’ouverture d’une instruction préparatoire. Au terme de son instruction, lejuge transmet son dossier au ministère qui est seul compétent pour décider de la mise enaccusation du prévenu ou du classement des dossiers.

Les six derniers cantons 126 ont mis en place une instruction dirigée par le ministèrepublic, qui dispose de l’autorité sur la police judiciaire. Un juge de l’instruction a été institué,pour autoriser les mesures les plus attentatoires aux libertés individuelles.

Si ces multiples modèles de procédure pénale sont encore applicables en Suisse àl’heure actuelle, la situation sera profondément modifiée le 1er janvier 2011. En effet, à cettedate entrera pleinement en vigueur le nouveau Code de procédure pénale voté en 2007,et qui a notamment pour effet d’uniformiser sur l’ensemble du territoire un modèle uniqued’instruction préparatoire.

Ce modèle unique supprime le juge d’instruction au profit du ministère public, qui sevoit chargé de « conduire la procédure liminaire [définie comme composée de la procédured’investigation et de la phase d’instruction], de poursuivre les infractions dans le cadre de

l’instruction, et le cas échéant de dresser l’acte d’accusation et de soutenir l’accusation 127

». Il a le devoir d’instruire tant à charge qu’à décharge, et de se soumettre au principe delégalité.

Afin de garantir les droits de la défense, un tribunal des mesures de contraintes serachargé d’autoriser ou d’ordonner les mesures les plus attentatoires aux libertés.

Ainsi, le Code de procédure pénale dispose qu’il « ordonne la détention provisoire etla détention pour des motifs de sûreté et, si cela est prévu par le présent code, ordonne

ou autorise d’autres mesures de contrainte 128 ». Par ailleurs, les décisions tant de la

police, du ministère public ou du tribunal des mesures de contraintes peuvent être l’objetd’un recours devant l’autorité judiciaire.

Parallèlement à la réforme du Code de procédure pénale, le statut du ministère publica été l’objet d’une réflexion. Le ministère public est ainsi placé sous l’autorité de l’exécutif,qui ne peut transmettre que des directives générales et non relatives à un cas d’espèce.Néanmoins, le Procureur général de la Confédération, qui est chargé de diriger le ministèrepublic de celle-ci et de nommer les procureurs, et ses deux suppléants sont élus par

124 Berne, Lucerne, Schwytz, Obwald, Nidwald, Bâle-Campagne, Schaffhouse, Appenzell Rhodes-Extérieures, Grisons etThurgovie.

125 Neuchâtel, Genève, Jura, Uri et Argovie.126 Zurich, Bâle-Ville, Tessin, Saint-Gall, Appenzell Rhodes-Intérieures et Soleure.127 Article 16 du code de procédure pénale suisse d’octobre 2007.128 Article 18 du Code de procédure pénale suisse.

Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.

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l’Assemblée fédérale 129 , ainsi que les membres de l’autorité de surveillance 130 chargéede superviser le ministère public de la Confédération.

Maintenir le juge d’instruction ou instituer le ministère public en qualité de directeurd’enquête est une problématique qui a traversé une bonne partie de l’Europe. Un nombreconséquent d’États ont opté pour la deuxième option, alors que l’instruction par le jugetend à n’exister que dans un nombre résiduel d’États. L’indépendance du ministère public aété une des questions connexes au modèle mis en œuvre, interrogation à laquelle ont étéapportées des réponses diverses en fonction des pays.

Ce débat s’est étendu à la France, au travers du rapport du comité présidé par PhilippeLéger, puis par l’avant-projet de réforme rédigé par la Chancellerie.

Chapitre 2 : Quelles perspectives de réforme pour laFrance ?

Comme ces pays européens qui ont entamé des réflexions ou mené des réformes dela procédure préparatoire du procès pénal, la France est entrée dans le débat sur lasuppression ou non du juge d’instruction au travers des propositions de réforme (Section1),qui ont suscité un vif débat au sein du monde politique et du monde judiciaire (Section2).

Section 1 : Les propositions actuelles de réforme.La proposition de réforme lancée en 2009 et 2010 est principalement issue du rapport finalde la commission présidée par Philippe Léger (§1), qui a initié l’avant-projet de réforme dela procédure pénale rédigé par la Chancellerie (§2).

§1. Le rapport de la commission présidée par Philippe Léger.En parallèle du vœu affiché par le chef de l’État, la proposition actuelle de réforme de laprocédure pénale s’inscrit dans la continuité de la proposition remise par le comité présidé

par Philippe Léger le 1er septembre 2009 au Président de la République et au Premierministre.

Encadré VIII : Composition et historique du comité Léger de réflexion sur laréforme de la justice pénale.

Le comité de réflexion s’est vu confier la mission de « redonner aux codes pénal etde procédure pénale la cohérence qui leur fait aujourd’hui défaut », en vue notamment de« préciser le rôle et les prérogatives des différents acteurs de la procédure et d’améliorer lesdroits de la défense, les modalités d’enquête, les modalités de réponse pénale, les règles

de la poursuite, de l’instruction, de jugement et d’exécution des peines 131 ».

129 Article 20 de la loi sur l’organisation des autorités pénales du 19 mars 2010.130 Article 23 de la loi sur l’organisation des autorités pénales du 19 mars 2010.131 Extraits de la lettre de mission envoyée par le président de la République et le Premier ministre.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

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Le comité a réuni, sous la présidence de Philippe Léger, magistrat et ancien Avocatgénéral près la Cour de Justice des Communautés européennes, dix-huit membresreprésentant des acteurs de la procédure pénale (magistrats instructeurs, magistrats dusiège, du parquet, représentants de la police judiciaire, avocats), des juristes et spécialistes

de l’institution judiciaire. 132

Au cours de son travail, le comité a été marqué par la démission de certains de sesmembres, en réaction à l’annonce par le président de la République de la disparition du juged’instruction, alors même que la réflexion du comité n’avait pas encore abouti.

Officiellement installé par la garde des Sceaux, ministre de la Justice le 14 octobre2008, le comité a remis, après plusieurs mois d’auditions et de réflexion, son rapport définitif

le 1er septembre 2009.Le rapport final de ce comité de réflexion sur la justice pénale prône, pour son volet

relatif à la phase d’instruction, la transformation du juge d’instruction en « juge de l’enquêteet des libertés », en vue de mettre un terme à l’ambiguïté de cette fonction, qui « cumule

les fonctions d’un juge avec celles d’un enquêteur 133 ».

Le Procureur de la République, nouveau directeur d’enquête.Dans le cadre de la suppression du juge d’instruction, la phase préparatoire du procèspénal, qui est actuellement divisée entre l’enquête supervisée par le ministère public, etl’instruction à la charge du juge d’instruction, serait unifiée sous la direction du Procureur,avec l’obligation d’investigations à charge et à décharge, qui incombe à l’heure actuelle auseul juge d’instruction.

Le comité souhaite ainsi simplifier la procédure, la rendant plus lisible pour le citoyen,tout en évitant une dualité des directeurs d’enquête et les doubles interlocuteurs pour lapolice judiciaire comme actuellement.

Le parquet est également jugé plus apte à mener les investigations en partenariat avecla police judiciaire, puisqu’il permet le travail en équipe.

Le rapport prône également de faire du Procureur « l’autorité naturelle de poursuite »,ce qui signifierait de lui confier la clôture de l’affaire, le laissant choisir de classer ou depoursuivre le dossier.

Pour faire contrepoids au nouveau ministère public, et étant donné que la majorité desmembres se sont prononcés pour le maintien du statut actuel du parquet, la commissionrecommande d’accroître les droits de la victime et de la défense.

De nouveaux droits pour les victimes et la défense.Afin de moderniser la phase préparatoire et de renforcer son caractère contradictoire, denouveaux droits sont accordés aux parties, pour éviter que la suppression de l’instructionentraîne celle des garanties de la victime et du mis en cause.

La personne mise en cause disposera de deux garanties principales, l’information surles faits ayant conduit à son audition par les services de police, et des droits renforcés en cas

132 Composition complète du comité disponible en annexe.133 Proposition n°1 du rapport du comité Léger.

Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.

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de mise en garde à vue. Un régime renforcé est ainsi proposé pour accorder de nouveauxdroits. Il serait mis en œuvre à la demande de la personne mise en cause – via sa demanded’être partie adressée au Procureur – ou sur initiative du ministère public. Ce régime spécialsera par ailleurs ouvert de droit en cas d’atteinte importante aux droits et libertés du mis encause, et lorsqu’il risque une peine importante en matière criminelle.

Il est en outre proposé que les victimes puissent aussi devenir partie dans l’affaire, etainsi disposer des droits correspondants. La demande est adressée au parquet, qui a unmois pour y répondre, au terme duquel le juge peut être saisi, en cas de refus ou de nonréponse.

Une victime souhaitant que des poursuites soient engagées adresse sa dénonciationau ministère public. Celui-ci dispose d’un délai de trois mois pour donner suite. En cas derefus de poursuite ou de non-réponse, la victime pourra saisir le juge de l’enquête et deslibertés, qui pourra ordonner au parquet de mener une enquête. Ce dispositif permet degarantir un moyen pour les victimes de se prémunir contre l’inaction du Procureur.

L’instauration du juge de l’enquête et des libertés.Face à cet accroissement des pouvoirs du ministère public, et pour assurer le respect desdroits et libertés fondamentales, le comité propose « d’instituer un juge de l’enquête et des

libertés disposant de pouvoirs importants 134 ».

Ce magistrat du siège sera chargé de deux missions principales. La première consisteà autoriser les actes d’enquête jugés les plus intrusifs, tels que des écoutes téléphoniquesou les perquisitions, et les actes coercitifs, comme la délivrance des mandats d’arrêt ou laprolongation des gardes à vue. Il réalisera dans ce cadre un contrôle de proportionnalité etde nécessité des mesures demandées par le procureur.

La seconde sera de statuer sur le refus du parquet de mettre en œuvre des actesd’enquête qui seraient sollicités par une des parties. Si le juge de l’enquête et des libertésconsidère la requête d’une partie légitime, il pourra demander au ministère public des’exécuter.

Parallèlement au juge de l’enquête et des libertés, une juridiction d’appel, la chambrede l’enquête et des libertés, sera chargée d’examiner la contestation de la légalité d’actesdu parquet ou de la police judiciaire. Elle statuera également en cas de contestation desdécisions du juge.

Enfin, le comité propose la suppression du secret de l’instruction, tout en maintenantle secret professionnel au cours de l’enquête, pour garantir la dignité des personnes et lesconditions nécessaires à la conduite de l’enquête.

Confirmant la volonté présidentielle affichée à l’occasion de la rentrée solennelle de laCour de cassation, le rapport Léger prône l’abandon du juge d’instruction au profit d’un jugede l’instruction, nommé juge de l’enquête et des libertés. Ses compétences sont fortementlimitées, et restreintes au contrôle de l’enquête judiciaire pénale – notamment pour lesmesures attentatoires aux libertés individuelles – qui serait placée sous la direction duProcureur de la République, associé à la police judiciaire.

Ces principaux éléments sont dans une large mesure repris par l’avant-projet deréforme de la Chancellerie.

134 Proposition n°3 du rapport Léger.

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§2. L’avant-projet gouvernemental de réforme de la procédure pénale.Suite à la remise de ce rapport, la ministre de la Justice a présenté, au conseil des ministresdu 23 février 2010, une communication relative à la réforme de la procédure pénale,annonçant la présentation d’un avant-projet de réforme.

Largement inspiré du rapport de la commission Léger, et rédigé par un groupe detravail composé de magistrats, d’universitaires et de parlementaires, cet avant-projet modifieprofondément l’instruction des affaires pénales.

Le premier changement est la disparition même de la notion d’instruction, remplacéepar celle de l’enquête judiciaire pénale. Définie comme « ayant pour objet de rechercher etde constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en identifier lesauteurs », cette phase est « conduite par le procureur de la République », et « effectuéesous le contrôle du juge de l’enquête et des libertés et du tribunal de l’enquête et des libertés135 ».

Comme actuellement, cette phase est initiée par l’action pénale – nouveau nom del’action publique – déclenchée par le ministère public, ou par l’action civile – qui requiert laconstitution d’une partie civile. La seule innovation est que l’action civile peut être lancéepar une partie citoyenne, c'est-à-dire un individu ou dans certains cas une association quidénonce un délit ou un crime auprès du Procureur. Les seules conditions sont que « lapersonne, bien que n’ayant pas directement subi de préjudice personnel lui permettant dese constituer partie civile, présente un intérêt légitime à agir », et que « l’infraction dénoncée

a causé un préjudice à la société 136 ».

L’enquête judiciaire pénale est contradictoire, dès lors que la personne mise en causeou la victime dispose du statut de partie au procès. Elle se déroule de manière confidentielle– dans le respect des dispositions relatives au secret professionnel – à l’exception desdébats devant le juge, le tribunal et la chambre de l’enquête et des libertés, qui eux sontpublics.

La réforme des parties.La principale partie du procès, le ministère public est réformé. Sa première mission est lamise en œuvre de la politique d’action publique, définie comme « outre l’exercice de l’actionpénale, la prévention judiciaire de la délinquance, la direction de la police judiciaire et la

prise en compte des intérêts de la société au cours des procédures judiciaires 137 ».

Le Procureur est dans le projet toujours compétent pour recevoir les plaintes etdénonciations, et décider des suites à leur donner, ou pour déclencher l’action pénalecomme actuellement. La principale nouveauté est qu’il lui revient désormais de « procéderou faire procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions

à la loi pénale dans le cadre de l’enquête judiciaire pénale 138 ». Dans ce but, il dirige

la police judiciaire.

135 Article 311-1 de l’avant projet de réforme de la procédure pénale.136 Article 122-47 de l’avant-projet de réforme.

137 Article 221-1 de l’avant-projet de réforme.138 Alinéa 2 de l’article 221-16 de l’avant-projet de réforme.

Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.

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A l’issue de l’enquête judiciaire pénale, le ministère public décide des suites del’affaire, renvoi devant la juridiction de jugement, classement judiciaire – qui remplacele classement sans suite et l’ordonnance de non-lieu – ou les mesures alternatives aujugement, notamment injonction thérapeutique ou d’éventuelles transactions.

Si la réforme ne remet pas en cause sa subordination à sa hiérarchie et à laChancellerie, dont il doit pleinement mettre en œuvre les directives d’ordre général, elleintroduit une réserve pour les directives individuelles. Le Code de procédure pénale, danssa nouvelle rédaction, dispose que les procureurs « ne doivent pas exécuter des instructionsindividuelles qui seraient contraires à l’exigence de recherche de la manifestation de la vérité

et de conduite des investigations à charge et à décharge 139 ».

En parallèle, le Code de procédure pénale réformé interdit au ministre de la Justicede transmettre ce type d’instructions, ainsi que des instructions individuelles « tendant auclassement du dossier ». Ces interventions sont donc limitées à la demande d’engagement

des poursuites, et à des « observations écrites portant sur des éléments de fait et de droit 140

». Ces mêmes dispositions sont applicables au Procureur général près la Cour d’appel 141 .

Les autres parties sont également modifiées. Une personne mise en cause dansl’affaire a accès à deux statuts juridiques, celui de partie pénale et de partie assistée. Lepremier ne peut être attribué que s’il existe des « indices graves ou concordants rendant

plausible sa participation comme auteur ou complice à la commission d’une infraction 142

». Il est attribué par le ministère public, uniquement après avoir au préalable procédé à sonaudition. Seule une partie pénale peut être l’objet de mesures de contraintes – mise souscontrôle judiciaire ou détention provisoire – et peut être renvoyée devant la juridiction dejugement compétente.

La qualification de partie assistée est attribuée à une personne « lorsqu’il existe un ou

plusieurs indices rendant plausible sa participation comme auteur ou complice 143 ». Elle

est attribuée par le Procureur de la République – de sa propre initiative ou à la demande del’individu concerné – ou sur décision du juge de l’enquête et des libertés – qui intervient encas « de contestation de l’attribution de la qualité de partie pénale ou du refus d’attribution

de la qualité de partie assistée 144 ». Une partie assistée ne peut ni faire l’objet d’un renvoi

devant la juridiction de jugement ni de mesures de contrainte qui ne soient applicables auxtémoins.

La création du juge de l’enquête et des libertés.La principale innovation de l’avant-projet est la création d’un juge de l’instruction, en lieu etplace du juge d’instruction et du juge des libertés et de la détention.

139 Article 221-3 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.140 Article 221-7 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.141 Article 221-10 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.142 Article 312-4 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.143 Article 312-16 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.144 Article 312-18 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

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Comme son prédécesseur, le juge de l’enquête et des libertés est un magistrat du siège,ayant rang de Président ou de Vice-président, dont la nomination s’effectue conformément

aux règles relatives aux magistrats du siège 145 . Le Président du tribunal de grande instancedésigne le juge chargé de statuer sur une requête, au besoin en établissant un tableau deroulement. Lorsqu’un magistrat a été désigné pour statuer sur demande d’une partie oudu ministère public en matière de détention, contrôle judiciaire, il est le seul par la suite àpouvoir intervenir dans le dossier.

Ce nouveau magistrat a deux fonctions principales : il « garantit le déroulementcontradictoire, équitable et impartial de la procédure et contrôle que les investigations sonteffectivement effectuées à charge et à décharge » et « garantit le respect des libertés

individuelles 146 ».

Il statue à l’issue d’un débat contradictoire pour les recours contre l’attribution de laqualité de partie pénale, celle de renvoi devant une Cour d’assises et le prononcé del’irresponsabilité pénale. Dans ce cadre, il procède à l’audition des parties. Ce débat et ladécision du juge ont lieu en audience publique, la publicité étant la règle, qui peut néanmoinsêtre enfreinte en cas de besoin.

Lorsqu’il statue sur une demande d’actes ou d’expertises d’une partie, le juge del’enquête et des libertés peut ordonner au parquet de procéder ou de faire procéder àcelui-ci, dans le délai qu’il lui fixe. S’il l’estime nécessaire, il peut en assurer le contrôle endemandant une copie des procès-verbaux ou se déplacer sur les lieux de l’exécution.

Au terme de l’enquête judiciaire pénale, il peut être amené à se prononcer sur l’issuede l’enquête à la demande d’une partie qui contesterait la décision du Procureur de laRépublique, notamment dans un délai d’un mois si le ministère public n’accède pas à la

demande de clôture de l’enquête d’une des parties 147 .Outre les compétences du juge d’instruction, le juge de l’enquête et des libertés reprend

également celles du juge de la détention et des libertés. Le projet de réforme prévoitque le juge de l’enquête, saisi par le parquet, décide du placement ou non en détentionprovisoire. Celle-ci ne pourra excéder quatre mois en matière correctionnelle et six mois enmatière criminelle, que si le tribunal de l’enquête et des libertés, saisi par le Procureur de

la République, en décide la prolongation 148 .Le juge de l’enquête et des libertés statue également dans les trois jours sur une

demande de remise en liberté, transmise avec son avis par le procureur 149 .

Création des tribunaux et chambres de l’enquête et des libertés.Pour aider le juge de l’enquête et des libertés dans l’exercice de ses missions, l’avant-projetprévoit d’instituer des tribunaux de l’enquête et des libertés, et des chambres de l’enquêteet des libertés.

145 Article 211-6 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.146 Article 211-3 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.147 Article 211-4 et 313-42 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.148 Article 433-2 et 433-3 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.149 Article 433-17 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.

Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.

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Les premiers, placés auprès de certains tribunaux de grande instance, sont composésd’un président et de deux assesseurs, dont l’un au moins est juge de l’enquête et deslibertés, désignés par le président du tribunal.

Trois missions lui sont confiées par la proposition de réforme : il statue sur les demandesde prolongation de détention provisoire, ainsi que sur la demande d’une des parties en casde renvoi par le juge de l’enquête et des libertés qui jugerait l’affaire excessivement graveou complexe, et il saisit la chambre de l’enquête et des libertés s’il estime qu’un « acte ou

une pièce de la procédure est entachée de nullité 150 ».

Composée d’un Président de chambre, nommé par décret après avis du Conseilsupérieur de la magistrature, et de deux conseillers, désignés pour une année judiciaire, parl’assemblée générale de la cour, une chambre de l’enquête et des libertés est placée auprèsde chaque Cour d’appel. Elle est compétente pour statuer sur les recours en appel contre

les ordonnances des juges et des tribunaux de l’enquête et des libertés de son ressort 151

. Elle examine également les requêtes en nullité des parties ou du juge et du tribunal de

l’enquête et des libertés 152 .Elle assure en outre le contrôle de la police judiciaire, et est compétente pour les

contentieux relatifs aux mandats d’arrêt européens 153 . Elle peut également être amenée àse substituer au juge de l’enquête et des libertés pour statuer sur une demande de remise

en liberté, si celui-ci ne se prononce pas dans le délai imparti 154 .

Par ailleurs, son président dispose de pouvoirs propres, puisqu’il peut statuer enmatière de référé-liberté, sur des saisines « manifestement infondées ou irrecevables »de la chambre qu’il préside, et qu’il contrôle le fonctionnement des cabinets des juges de

l’enquête et des libertés 155 .Le titre relatif aux mesures d’enquête n’ayant pas été encore présenté par la

Chancellerie, et ne faisant partie que de la deuxième vague de la concertation prévue, il n’estactuellement pas possible de connaître pleinement et dans le détail le déroulement précisde l’enquête judiciaire pénale, et les dispositions juridiques applicables à chaque acte.

Si tous les détails de la nouvelle procédure pénale envisagée par la réforme ne sontpour l’heure pas encore connus, son point central, c'est-à-dire la suppression du juged’instruction au profit du ministère public directeur d’enquête suscite déjà une grandecontroverse au sein du monde judiciaire et politique.

Section 2 : Un débat important face au projet de réforme.Dès l’annonce par le chef de l’État du projet de supprimer le juge d’instruction enjanvier 2009, une importante controverse s’est développée sur cette question. Quelques

150 Article 211-15 de l’avant projet de réforme de la procédure pénale.151 Article 211-18 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.152 Article 211-18 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.153 Article 211-19 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.154 Article 433-19 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.155 Article 211-20 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

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personnalités ont soutenu cette volonté, et de nombreuses voix se sont élevées pour rejeterformellement cette initiative.

C’est dans ce contexte que l’avant-projet devait permettre « une très large concertationmenée sur cet avant-projet de texte avec l’ensemble des acteurs de la procédurepénale », devant durée deux mois. Au cours de ce processus, « les syndicats demagistrats, de fonctionnaires du ministère de la Justice, de policiers, les représentants dela gendarmerie, des avocats, les associations de victimes, les représentants institutionnelset les associations professionnelles de la justice, [devaient avoir] l’occasion d’apporter leurs

observations et d’émettre des propositions 156 ».

Cette concertation s’est déroulée du 2 mars au 10 mai 2010. A cette occasion ontété entendus les syndicats et associations de magistrats, des forces de l’ordre et les

représentants des victimes ainsi que divers organismes liés au monde judiciaire 157 .A l’issue de cette concertation, le Garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie, a annoncé

que l’avant-projet, enrichi des conclusions de ces consultations, serait présenté auConseil d’État avant l’été, avant que soient examinées les possibilités d’examen devant leParlement. L’examen par le Parlement qui devait initialement débuter dès le début de l’étésemble ainsi d’ores et déjà reporté, au minimum à la reprise de la session parlementaireà l’automne.

Loin d’être consensuelle, la proposition substituant au juge d’instruction le juge del’enquête et des libertés divise toujours les acteurs de la procédure pénale. La période deconcertation, et la décision de certains syndicats de se retirer au cours de cette phase arenforcé cette vive controverse, notamment sur la suppression du juge d’instruction.

§1. Les soutiens à la réforme.Au-delà de la Chancellerie et des membres de la majorité présidentielle, à l’initiative duprojet, les principaux soutiens de cette réforme se trouvent parmi les avocats et certainsmembres du ministère public.

La plupart des arguments des soutiens à la réforme sont des réponses directes auxprincipaux défauts de la fonction de juge d’instruction précédemment évoqués – dualité desa fonction, lenteur de l’instruction, solitude du magistrat.

La réforme s’inscrit également dans le processus actuel de renforcement desprérogatives du Procureur de la République, au détriment ce celles du juge d’instruction.

Cette réforme doit en outre une meilleure lisibilité et compréhension de la part descitoyens, en ayant, selon la ministre de la Justice, « une procédure qui soit plus claire, plussimple, plus lisible par l’ensemble de nos concitoyens parce qu’on rend justice au nom dupeuple français et il est normal que le peuple français puisse savoir comment les choses

se déroulent 158 ».

Vers une procédure plus rapide et plus efficace.

156 Extrait de la communication présentée en conseil des ministres le 23 février 2010.157 Calendrier de la concertation et liste des organisations consultées disponible sur le site du ministère de la Justice, <http://

www.textes.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=11470&article=19134>.158 ALLIOT-MARIE Michèle, Le Grand Jury RTL – Le Figaro – LCI, 15 décembre 2009.

Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.

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La multiplication des procédures renforçant les pouvoirs du parquet, comme la comparutionimmédiate, a montré la capacité du Procureur à mener la phase préparatoire, et la possibilitéd’écarter l’office du juge, qui apparaît de plus en plus en superflu.

Supprimer le juge d’instruction, et confier au ministère public la phase préparatoire apour objectif de simplifier la procédure et de réduire la durée de l’instruction.

L’autre intérêt est de simplifier l’instruction pénale en uniformisant la procédure pénale.Là où, actuellement, deux techniques distinctes sont applicables, la conduite par le parquetpour 95 % des affaires – celles jugées les plus simples – et la conduite par le juge pour les5 % restants – les dossiers les plus graves ou les plus complexes – ne demeurerait qu’uneméthode, l’enquête dirigée par le ministère public, sous le contrôle du juge de l’enquête etdes libertés.

Cette réforme doit permettre de recentrer chaque acteur de la procédure pénale surses fonctions naturelles – l’accusation et l’enquête pour le ministère public, la résolution deslitiges entre les parties pour le juge – et donc d’améliorer leur efficacité.

En supprimant le juge d’instruction, la durée de la phase préparatoire doit être réduite.Dans la procédure actuelle, les délais sont rallongés par le fait que les décisions du juge – aunom du principe du contradictoire – sont susceptibles de recours, ce qui peut nécessiter untemps important. Avec une enquête menée par le parquet, « le recours à l'audience publiquesera plus rapide », puisque le « parquet prendra ses responsabilités pour demander un non-

lieu ou le renvoi devant le tribunal pour qu’on en finisse 159 », selon l’avocat Daniel Soulez

Larivière, partisan de longue date de la disparition du juge d’instruction.Cette plus grande efficacité et rapidité que la réforme doit apportée, est censée

permettre une meilleure lutte contre la délinquance et ainsi permettre à la justice de mieuxpouvoir assurer la sécurité des Français.

Vers une procédure pénale plus équitable et impartiale.L’instauration du juge de l’enquête et des libertés doit permettre de garantir l’équité etl’impartialité de la procédure. Le magistrat étant recentré sur ses fonctions juridictionnellesd’arbitrage entre les parties, il ne sera plus perturbé par ses pouvoirs d’investigation, quipouvaient l’inciter à chercher la culpabilité du suspect, et réduisait le temps dont il disposaitpour ses pouvoirs juridictionnels.

Une nouvelle garantie est apportée aux cours de la phase préparatoire. Actuellement,dans le cadre des affaires dirigées par le parquet, c'est-à-dire 95 % des dossiers pénaux, iln’existe pas de magistrat chargé de contrôler le déroulement de l’enquête, auquel les partiespourraient faire appel en cas de désaccord avec le Procureur. La réforme, en renforçantl’intervention du parquet, étend celle du juge à 100 % des affaires, ce qui accroît le contrôled’un juge du siège indépendant, qui apporte les mêmes garanties que le juge d’instruction.

En perdant ses pouvoirs d’investigation, le juge perd le caractère schizophrène souventdénoncé, cessant d’être « un juge de l'accusation […] qui ne pose pas autre chose que des

questions à charge 160 », selon l’avocat Olivier Metzner. Puisqu’il n’est plus en charge

de l’enquête, la suppression de sa double fonction lui permet d’être plus impartial dans

159 DE SENNEVILLE Valérie, Réforme de l’instruction, le juge face à l’avocat, un débat entre Renaud Van Ruymbeke et DanielSoulez Larivière, Les Échos, 28 janvier 2009.

160 DELAHOUSSE Mathieu, Suppression du juge d’instruction, l’avis de six professionnels, Le Figaro, 8 janvier 2009.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

66 MANIGLIER Tristan_2010

la mesure où il se limitera à trancher les litiges entre les parties, et user de ses pouvoirsjuridictionnels.

En cas de litige entre les parties et le ministère public, le débat contradictoire serarenforcé, puisque le juge qui statuera sera extérieur à l’enquête pénale judiciaire, ce quigarantira une véritable égalité entre les parties devant le juge de l’enquête et des libertés,dont le jugement ne pourra plus être biaisé par l’aspect enquêteur.

Il est souvent reproché au juge d’instruction une trop grande proximité avec le ministèrepublic, qui pourrait ainsi l’influencer. En redéfinissant le rôle de chaque acteur, et en lerecentrant sur son cœur de métier, le juge de l’enquête et des libertés sera plus indépendantvis-à-vis du Procureur pour l’exercice de son contrôle.

Si la réforme supprime le magistrat instructeur, elle ne fait pas pour autant disparaîtrele caractère inquisitoire de la procédure pénale. La recherche de la preuve est toujoursà la charge de la justice, au travers du Procureur et des officiers de police judiciaire,ce qui permet d’éviter l’apparition des inégalités présentes dans certains modèlesétrangers, notamment aux États-Unis, entre un justiciable fortuné, qui pourra financer desinvestigations et expertises privées, et quelqu’un qui n’en aura pas les moyens.

La suppression du secret de l’instruction et le maintien du secret professionnel doitpermettre de « rétablir une sorte d'égalité des armes », en permettant que « chacune desparties [puisse] discuter de tous les éléments de la procédure, ce qui évitera des divulgations

partielles 161 », le secret professionnel garantissant le respect de la dignité humaine et

des besoins de l’enquête.

De nouveaux droits et garanties pour les parties.Face à l’accroissement du rôle du ministère public, les droits et garanties accordés auxautres parties, et notamment à la défense seront renforcés. Un meilleur accès au dossier etune plus grande application du contradictoire sont prévus. L’avocat devrait ainsi être présentplus précocement, notamment en cours de garde à vue, afin de mieux être en mesure dedéfendre les intérêts de son client.

L’uniformisation de la procédure permet en outre d’étendre les droits de la partie civileouverts par la présence du juge d’instruction actuellement à toutes les affaires avec le projetde réforme.

Le juge de l’enquête et des libertés ayant vocation à intervenir dans 100 % des enquêtesjudiciaires pénales, la réforme accroît les droits des parties – contestation de décisions duministère public, demande d’actes ou d’expertises – étant donné que ce type de recourssera possible dans toutes les affaires. La victime pourra ainsi saisir le juge si le parquetdécide de classer le dossier sans suite, ce qui lui permet d’avoir des garanties similaires àcelles ouvertes par le déclenchement de l’action civile par constitution de partie civile auprèsdu juge d’instruction dans la procédure actuellement en vigueur.

Pour contrebalancer l’importance du Procureur dans le déclenchement de l’action, lesparties auront la possibilité de recourir au juge de l’enquête et des libertés en cas de refus depoursuite du parquet. En l’absence de parties, « par exemple pour certaines infractions quitouchent une collectivité publique dirigée par ceux à qui l’infraction pourrait être reprochée,

161 Extrait de la réponse de la Garde des Sceaux à la question de la députée Maryse Joissains-Masini, Assemblée Nationale,

1ère séance du 25 novembre 2009.

Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.

MANIGLIER Tristan_2010 67

tout citoyen pourra contester la décision de classement du procureur 162 ». La création de

cette partie citoyenne doit permettre d’accroître les possibilités d’ouverture d’une enquête,dans la mesure où elle réduit la nécessité d’avoir un intérêt légitime à agir et le lien deproximité avec les faits qui était nécessaire.

L’égalité des citoyens est par ailleurs renforcée, notamment entre les victimes et lesparties civiles, puisque les deux auront la possibilité de contester les décisions du parquetdevant le juge, tout comme la possibilité de faire sanctionner une éventuelle inaction desa part.

Les avantages de la collégialité – dont le projet de réforme a remis en cause l’applicationpour l’instruction – seront conservés par la réforme, puisque le juge de l’enquête et deslibertés pourra statuer en cas de besoin avec l’appui de deux magistrats du siège, dans lecadre du tribunal de l’enquête et des libertés. L’action du parquet, du fait de son organisationmême, laisse également une place importante à la collégialité, et supprime tout risque desolitude.

§2. Les oppositions à la réforme. L’avant-projet de réforme de la procédure pénale, et plus particulièrement son volet relatifà la suppression du juge d’instruction a suscité une vive opposition. Ainsi, la plupart desmagistrats, instructeurs ou non, s’y sont opposés, comme les syndicats chargés de lesreprésenter. Les avis des juridictions qui ont été sollicités dans le cadre de la mission deconcertation sur le projet, et notamment celui, emblématique, de la Cour de cassation, ontsouvent été critiques à l’égard du projet.

Au-delà des magistrats, d’autres organisations, telles que la Commission Nationaleconsultative des Droits de l’Homme, ou des universitaires et personnes qualifiées ontégalement montrées de fortes réticences vis-à-vis de ce projet.

Les premières critiques ont été adressées sur la méthode et le rythme de la réforme :un comité de réflexion bafoué par l’annonce présidentielle de la suppression du juged’instruction avant la remise du rapport – ce qui a entraîné la démission de deux membres– un délai de deux mois pour réfléchir sur un avant-projet de réforme de plus de 200 pagesqui modifient profondément le Code de procédure pénale – alors que la réforme du Codepénal a été réalisée sur 10 ans.

Ainsi, au cours de cette phase de discussion, plusieurs organisations, telles quel’Union syndicale des magistrats – qui a représenté 63 % des voix aux dernières électionsprofessionnelles des magistrats – se sont retirées de la concertation.

Outre la forme, le fond de la réforme est également attaqué.

Les faibles avancées de la réforme.Les opposants à la réforme mettent en exergue les faibles avancées de la réforme proposée.

Tout d’abord, si elle vise à supprimer l’ambiguïté et la schizophrénie supposées dela double fonction d’enquêteur et d’arbitre du juge d’instruction, confier la conduite de laphase préparatoire au ministère public ne semble en rien résoudre le problème. En effet,la fonction de Procureur deviendrait tout aussi schizophrène, puisque ce magistrat, chargéde l’accusation et de la conduite des poursuites devant les juridictions de jugement devraitdésormais mener l’enquête judiciaire pénale à charge et à décharge, c'est-à-dire également

162 Extrait du discours de Michèle Alliot-Marie, garde des Sceaux, à la Conférence des Bâtonniers de France, le 22 janvier 2010.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

68 MANIGLIER Tristan_2010

en faveur du suspect, contre lequel il devra requérir et dont il cherchera à prouver laculpabilité.

De même la simplification de la procédure et le gain de temps attendus ne sont pasparvenus à convaincre ses opposants. L’une des principales explications à l’allongementdes délais de la justice sont, pour les magistrats rencontrés dans le cadre de ce travail,un manque d’effectifs, pas seulement de juges, mais aussi et surtout de greffiers, chargésnotamment des retranscriptions et authentifications d’actes. Ainsi, la dactylographie d’unacte – nécessaire à l’instruction, ou même la retranscription d’un jugement – peut nécessiterun délai de près d’un an, d’où d’importants retards dans les jugements ou l’exécution despeines. La seconde est le développement de la répression du tout pénal, qui conduit àconfier aux autorités pénales – dont le juge d’instruction – des affaires qui autrefois ne leurétaient pas confiées, ce qui accroît leur charge de travail et donc les délais.

La Cour d’appel de Paris met en outre l’accent sur le fait que la réforme « transpose surla quasi totalité des enquêtes, la procédure jusqu'alors réservée aux seules affaires graveset complexes », et que cela « paralysera l'institution judiciaire et les services d'enquêted'autant que la démultiplication des intervenants et, par conséquent, des voies de recours,entraînera un allongement de la durée des procédures et représentera un risque réel de

perte d'efficacité et de réactivité 163 »

Par ailleurs, le parquet étant considéré comme indivisible, chacun de ses membresest en mesure d’intervenir dans l’enquête, ce qui peut poser problème pour le suivi et ladirection de l’enquête et du dossier, ce que le juge d’instruction assurait.

De surcroît, s’il remplace le juge d’instruction, le juge de l’enquête et des libertés, est,dans son statut et sa façon d’exercer sa fonction, plus proche du juge des libertés et dela détention – auquel il se substitue également. Dès lors, lui sont adressés les mêmesreproches, c'est-à-dire principalement un manque de suivi et de connaissance du dossier. Ilsera amené à se prononcer sur un dossier parfois complexe, dans un temps très court. Enl’absence de suivi du dossier, et donc de connaissance de l’affaire, mais aussi d’interactionavec l’avocat notamment, il aura tendance à faire confiance aux magistrats du parquet, etil existe donc un risque de mauvais examen de l’affaire.

Le coût de la réforme est de surcroît mis en avant, notamment par Claude Jorda 164 –ancien président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie – car pour assurerl’égalité des armes dans des milliers d’affaires pénales, il sera probablement nécessaired’augmenter fortement l’aide juridictionnelle.

Un danger pour les droits de la défense et des victimes.La réforme, par les nouveaux pouvoirs confiés à la police et au ministère public, porteraitatteinte, pour ses détracteurs, aux droits de la défense et des victimes.

La Cour de Cassation, dans son avis rendu le 16 avril 2010 sur sollicitation de laChancellerie, s’est montrée extrêmement inquiète, considérant que le projet « ne garantitpas suffisamment les équilibres institutionnels et l'exercice des droits de la défense et dela victime », dans la mesure où « l'ouverture des droits de la personne mise en cause et

163 Rapport du groupe de travail de la Cour d’appel de Paris sur l’avant-projet de réforme de la procédure pénale, mai 2010,page 5.

164 Interview de Claude Jorda sur les conclusions du rapport Léger, 25 novembre 2009 [en ligne] <http://www.dailymotion.com/video/xba4ic_claude-jorda-conclusions-du-rapport_news>.

Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.

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de la victime ne doit en aucun cas résulter de l'appréciation en opportunité du Procureur

de la République 165 ».

Cet avis est justifié par le fait que la constitution de partie civile auprès du juged’instruction, qui permettait de déclencher l’action civile, en cas de refus du ministère public,est par nature supprimée.

Bien que le juge de l’enquête et des libertés soit instauré pour assurer un contrôle del’enquête judiciaire pénale, ses capacités d’action apparaissent bien limitées par rapport auxpouvoirs du ministère public. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme,dans son rapport sur l’avant-projet affirme ainsi que « isolé, avec un contentieux hétérogène,sollicité en urgence et de façon intermittente, il [le juge de l’enquête et des libertés] risquede n’avoir qu’une vision incomplète, fragmentée et superficielle du dossier, et de n’avoir en

pratique qu’un accès limité au dossier de la procédure 166 ».

Pour garantir le caractère démocratique de la procédure, la réforme présuppose que lesparties assureront un contrepoids vis-à-vis d’un ministère public renforcé. Or ce présupposéest limité, puisque les parties civiles se manifestent généralement peu, et la qualité ducontrepoids de la défense dépendra de celle du défenseur, bien souvent fonction desmoyens financiers de la personne concernée. D’autre part, des enquêtes privées diligentéespar le prévenu pour faire apparaître les éléments en sa faveur, pourront être réalisées par lesprévenus les plus aisés, d’où un risque d’inégalité avec la majorité des prévenus, souventissus de milieux plus défavorisés.

De plus, pour pouvoir se constituer, les parties doivent souvent attendre que le parquetprenne des mesures coercitives, notamment la mise en examen. Si le parquet ne laprononce qu’à la fin de la procédure, la personne ne disposera des garanties liées àl’inculpation qu’en toute fin d’enquête.

Le contrôle du juge est perçu également comme aléatoire, car soumis à la saisinepréalable d’une des parties, qui n’ont pas forcément la capacité de se mobiliser. De surcroît,la procédure ne devient vraiment contradictoire que lorsqu’est accordé à l’un des acteursdu procès le statut de partie civile ou pénale, ce qui dépend largement de la volonté duProcureur.

La question de l’indépendance du parquet.Une des critiques les plus virulentes adressées à la réforme proposée est le maintiend’un quasi statu quo sur le statut du ministère public. Cet argument est utilisé, tant parles magistrats que par la doctrine ou par diverses instances et juridictions nationales etsupranationales.

Actuellement, les procureurs sont dépendants du pouvoir exécutif pour leur nominationet le déroulement de leur carrière. Si le Conseil supérieur de la magistrature – dans saformation compétente pour le parquet – est amené à donner un avis obligatoire maisnon conforme, la Chancellerie en tient de moins en moins compte. Ainsi, sur la période2003-2004, sept avis défavorables sur douze n’ont pas été suivis, contre neuf sur dix en

2006, et neuf sur quatorze en 2007 167 .165 Extraits de l’avis de la Cour de Cassation, cités par ROBERT-DIARD Pascale, Le Monde, 16 avril 2010.166 Commission nationale consultative des droits de l’Homme, Avis sur la réforme de la procédure pénale, 10 juin 2010.167 Source : Commission nationale consultative des droits de l’Homme, Avis sur la réforme de la procédure pénale, 10 juin 2010.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

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Parallèlement, afin de permettre la définition d’une politique pénale cohérente àl’échelle nationale, ils peuvent recevoir des instructions, générales ou même relatives à uneaffaire particulière, de la part de leur hiérarchie, ou en provenance du ministère de la Justice.

Dès lors, du fait des nouveaux pouvoirs accordés au ministère public, face à lasuppression du juge d’instruction, qui offrait l’indépendance d’un juge du siège, et un recourspour déclencher une action en cas de refus du Procureur, les opposants à la réformes’inquiètent d’un recul des garanties démocratiques.

Bien que ce risque ne se concrétise probablement pas dans une grande majoritédes affaires, il n’en demeurait pas moins une suspicion d’intervention du pouvoir exécutifpour chaque acte du Procureur, d’où une dé-crédibilisation de son action. Les garantiesapportées par le projet – c'est-à-dire l’interdiction d’instructions individuelles pour laChancellerie, et le devoir de désobéissance pour les procureurs – ne sont pas considéréescomme suffisantes. Si le nombre d’affaires dans lesquelles le pouvoir exécutif aurait unréel intérêt à agir pour empêcher les poursuites est faible, il s’agit des affaires les plussensibles, notamment celles mettant en cause des personnalités politiques ou proches dupouvoir. Les affaires politico-financières qui ont été lancées par les juges d’instruction dansles années 1990 notamment seraient – pour de nombreux détracteurs – non initiées si laréforme était appliquée, puisque du fait de sa dépendance au pouvoir politique, le ministèrepublic pourrait subir des pressions de sa hiérarchie, et le Procureur en charge du dossierpourrait ne pas vouloir trop s’impliquer dans une affaire mettant en cause le pouvoir quidécide de ses affectations et de son avancement.

Au-delà des magistrats du siège, certains parquetiers, notamment Jean-Louis Nadal,Procureur général près la Cour de cassation – et donc le plus haut magistrat du parqueten France – s’est associé à cette remarque, affirmant qu’il faut « que soit, tôt ou tard,reconsidéré le statut du parquet, sous peine de laisser perdurer une contradiction majeure

dont la validation constitutionnelle et européenne paraît bien problématique 168 ». Georges

Fenech – auteur d’une proposition de loi visant à supprimer le juge d’instruction – a luiaussi fait part de son souhait de voir débattue la question du statut du parquet pour moinsde connivence entre parquet et la Chancellerie, tout comme Mireille Delmas-Marty, dont lacommission avait en son temps proposé d’instaurer le juge de l’instruction.

Au minimum, il est demandé que soit appliqué à tous les membres du parquet lanomination sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, c'est-à-dire suivantla procédure applicable aux magistrats du siège, permettant de restreindre le contrôle del’exécutif, sans porter atteinte à son autorité.

Par ailleurs, pour cette même problématique, le projet de réforme a été critiqué au-delàdes frontières nationales.

Pour cette réforme annoncée, la France a déjà été l’objet d’une mise en garde de

l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Dans une résolution 169 adoptéele 30 septembre 2009 – c'est-à-dire avant la présentation de l’avant-projet de réformede la procédure pénale mais après l’annonce de la suppression du juge d’instruction –l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe rappelle que « les procureurs doiventpouvoir exercer leurs fonctions indépendamment de toute ingérence politique. Ils doivent

168 BORDENAVE Yves et SALLES Alain, Le plus haut magistrat du parquet met des réserves sur la réforme de la justice,Le Monde, 11 mars 2010.

169 Résolution 1685 du 30 septembre 2009, relative aux Allégations d’abus du système de justice pénale, motivé par desconsidérations politiques, dans les Etats membres du Conseil de l’Europe.

Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.

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être protégés contre toutes instructions concernant une affaire donnée, tout au moins si de

telles instructions visent à empêcher que l’affaire soit traduite en justice 170 ».

Dans la même résolution, elle invite ensuite la France :« à revoir le projet de suppression de la fonction des juges d’instruction; si celle-ci était

confirmée, et si les compétences en la matière étaient transférées au ministère public, àrenforcer l’indépendance des procureurs et à permettre aux avocats de la défense d’accéderà l’enquête préliminaire conduite par le parquet, comme c’est actuellement le cas devant

les juges d’instruction 171 », notamment en envisageant de « donner également force

obligatoire à l’avis du Conseil supérieur de la magistrature pour les décisions visant les

procureurs 172 ».

Il pourrait en outre être mis en difficulté par la Cour européenne des droits de l’Homme.Dans ses arrêts relatifs à l’affaire dite Medvedyev et autres contre France, la Cour a ainsiformulé un avertissement relatif au statut du ministère public, et à sa qualification d’autoritéjudiciaire.

Encadré IX : Rappel sur l’affaire Medvedyev et autres contre FranceCas d’espèce :Oleksandr Medvedyev, et huit autres marins, ressortissants ukrainiens, roumains et

chiliens, étaient membres de l’équipage du Winner, navire cambodgien. Soupçonné detransporter de la drogue par les autorités françaises, il a été l’objet d’un arraisonnement aularge du Cap Vert par la marine française le 13 juin 2002. Le navire remorqué jusqu’à Brest,les marins furent mis en examen et placés en détention provisoire les 28 et 29 juin.

Requête devant la Cour :Une requête a été déposée contre la France le 19 décembre 2002. Étaient alléguées

une violation de l’article 5 paragraphe 1 de la Convention Européenne des droits de

l’Homme, sur le droit à la liberté et à la sûreté 173 , et la violation de l’article 5 paragraphe 3,

sur la présentation rapide à un magistrat 174 . La requête a été examinée par une chambre

de la 5ème section de la Cour, qui a conclu le 10 juillet 2008, à l’unanimité à la violation del’article 5§1, et par quatre voix contre trois, à la violation de l’article 5§3, donc condamnantla France.

Appel devant la Grande chambre et arrêt définitif :

La décision de la chambre a été l’objet d’un renvoi devant la Grande Chambre le 1er

décembre 2008, à la demande des parties. La Grande chambre, dans son arrêt du 29 mars2010, reconnaît par 10 voix contre 7 la violation de l’article 5§1, et par 9 voix contre huitcelle du paragraphe 3 du même article.

170 Alinéa 3.2. de la résolution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.171 Alinéa 5.3.1. de la résolution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.172 Alinéa 5.3.4 de la résolution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.173 « Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon

les voies légales ».174 « Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, doit être aussitôt

traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires […] ».

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

72 MANIGLIER Tristan_2010

Dans son premier arrêt, la Cour, pour étudier l’allégation de violation de l’article 5§1,s’intéresse au ministère public, et déclare que « le procureur de la République n'est pasune autorité judiciaire au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion :comme le soulignent les requérants, il lui manque en particulier l'indépendance à l'égard du

pouvoir exécutif pour pouvoir être ainsi qualifié 175 ». Dès lors, en l’état actuel, et sans

modification du statut du parquet, la réforme confierait au ministère public, non considérépar la Cour européenne des droits de l’Homme comme une autorité judiciaire, la plupart desactes d’enquête et d’instruction, d’où un risque important de condamnation pour violationde l’article 5 de la Convention.

Si cet arrêt a été écarté par le jugement en appel de la Grande chambre, qui nes’intéresse pas à cette question, la Cour n’en rappelle pas moins dans son arrêt définitif que« le magistrat doit présenter les garanties requises d'indépendance à l'égard de l'exécutif etdes parties, ce qui exclut notamment qu'il puisse agir par la suite contre le requérant dans

la procédure pénale, à l'instar du ministère public 176 », ce qui est source de difficultés

similaires pour la réforme de la procédure pénale.Cette question de l’indépendance du parquet, dont les pouvoirs sont tant renforcés par

l’avant-projet de réforme de la procédure pénale, qui est apparue primordiale, tant pour lesmagistrats que pour la Cour Européenne des droits de l’Homme ou la doctrine, n’a pas étéprise en compte par la concertation. Elle a été, au même titre que la suppression du juged’instruction, écartée d’office du processus de discussion par la Chancellerie.

Le Président de la République et le ministère de la Justice ont en effet exprimé leurattachement au lien entre la Chancellerie et le ministre, au motif que « les orientationspolitiques doivent être déterminées démocratiquement par le gouvernement afin d’éviter

que chaque procureur ne fasse sa politique au niveau local 177 », c'est-à-dire pour définir

une politique pénale à l’échelle nationale, pour le porte-parole du ministère de la Justice.En tant que représentants des intérêts de la société, les procureurs devraient ainsi mettreen œuvre la politique décidée par le pouvoir exécutif. Par ailleurs, faire d’un préalable à laréforme de la procédure pénale, le changement du statut du ministère public est jugé par leministère irréalisable, dans la mesure où il s’agit d’une question complexe, qui nécessiteraitune longue période de réflexion et de concertation, et ne pourrait être réalisé qu’au moyend’une révision constitutionnelle, ce qui ne peut être fait dans un délai aussi court.

Par ailleurs, un grief particulier a été évoqué face à cette réforme. Outre le rythme de laréforme, qui n’accorde que deux mois pour s’intéresser à un projet de plus de 250 pages et400 articles, et une concertation tronquée – puisque la suppression du juge d’instruction etle statut du parquet en sont écartés d’office – il est reproché à ce projet de ne pas laisser letemps aux réformes issues d’Outreau d’être pleinement appliquées. Bien qu’unanimementapprouvé, le développement de la collégialité de l’instruction ne devait entrer en application

qu’à partir du 1er janvier 2010. Mais, du fait de l’annonce de la suppression du magistratinstructeur, ce processus a été stoppé avant sa pleine mise en œuvre.

Certains magistrats – juges d’instruction inclus – reconnaissent les limites de la fonctionde juge d’instruction, et sont favorables à la réforme de ce magistrat. Il ne s’agit pas d’un

175 Alinéa 61 de l’arrêt de la 5è section de la Cour, daté du 10 juillet 2008.176 Alinéa 124 de l’arrêt de la Grande chambre, rendu en date du 29 mars 2010.177 in DIDIER Guillaume, LÉVY Thierry, Faut-il des juges du parquet indépendant s ?, acteurspublics.com, 23 novembre 2009.

Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.

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attachement au maintien du statu quo, mais à la défense des avantages que représente lejuge en matière d’indépendance notamment.

D’autres vont plus loin, et acceptent l’idée de la suppression du juge, mais dans desconditions différentes de la réforme actuelle. Ainsi Renaud Van Ruymbeke s’est déclaréfavorable à sa suppression, annonçant que « si on veut améliorer le système, on le [le juged’instruction] transforme en arbitre en donnant le rôle de l'enquêteur au parquet », mais enprécisant que « cela à une condition, qui doit être un préalable à la suppression du juge

d'instruction : ceux qui seront chargés de l'enquête doivent être indépendants 178 », tout

en affirmant que la proposition actuelle était inacceptable.La nouvelle rédaction de l’avant-projet issue de la concertation n’ayant pas encore été

présentée, il n’est pas possible de déterminer si cette consultation des professionnels estparvenue à désamorcer la fronde contre cette réforme.

Toutefois, dans la mesure où le statut du parquet et la suppression du juge d’instructionne constituaient pas des points véritablement discutables, il paraît peu probable que laChancellerie ait pu aboutir à un projet véritablement consensuel.

178 in SERVENAY David, Supprimer le juge d’instruction, pourquoi pas ?, rue89.com, 8 mars 2010.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

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Conclusion

Réformer le juge d’instruction a toujours été un processus récurrent dans l’histoire judiciaire.Une histoire troublée.Dès l’apparition du magistrat instructeur dans le paysage judiciaire au XVIe siècle, il a

été l’objet de visées réformatrices.Déjà entre 1670 et l’adoption du nouveau Code de procédure pénale, le juge

d’instruction a été l’objet de diverses réformes modifiant ses prérogatives ou son statut.Après 1958, le rythme – qui était limité à quelques réformes – s’est en outre accéléré,atteignant plus de sept réformes et propositions de réforme entre 1985 et 2007.

L’importance des pouvoirs qui lui sont dévolus actuellement, tant d’investigation quejuridictionnels et l’indépendance et la liberté d’action qu’il a acquis via l’adoption du nouveauCode de procédure pénale en 1958, ont renforcé ce phénomène réformateur. Le juged’instruction apparaît bien souvent comme un acteur dérangeant, bien que son interventionsoit fréquemment demandée, dans la mesure où elle apparaît aux yeux du grand publiccomme une garantie de l’indépendance et de l’impartialité de l’enquête.

Des critiques et tentatives de réforme qui se sont multiplié.Depuis une trentaine d’années, le juge est pourtant de plus en plus fréquemment l’objet

de critiques, tant sur son action que sur le magistrat lui-même.Sa mise en cause dans des échecs judiciaires et les multiples tentatives de réforme,

visant à réduire ses prérogatives au profit des autres acteurs de la procédure pénalel’illustrent parfaitement. L’échec dans l’affaire d’Outreau en constitue certainement lameilleure illustration.

Une dernière tentative plus radicale.La dernière réforme en date, celle issue du rapport du comité Léger et de l’avant-projet

de réforme va encore plus loin que nombre des tentatives précédentes, dans la mesure oùelle vise la disparition pure et simple du juge d’instruction au profit du juge de l’instruction,et d’un ministère public directeur d’enquête. La suppression de ce magistrat a souvent étéévoquée dans le cadre de réflexions sur la justice – du rapport Donnedieu de Vabres à celuide la commission Delmas-Marty – ou de proposition de loi, telle celle de 2005, sans aboutirà un réel examen devant le Parlement, contrairement à l’objectif affiché par la Chancellerieet l’Élysée dans le cadre de ce projet.

Un avenir très incertain pour la réforme.Néanmoins, en dépit de l’engagement du chef de l’État et du ministère de la Justice,

l’avenir de la réforme de la procédure pénale semble fort compromis.Face à l’importante opposition qu’elle a suscitée, tant dans le monde politique que

judiciaire, et du fait du caractère surchargé de l’agenda parlementaire, à l’approche de la finde cette législature et du mandat présidentiel, le projet semble être oublié.

S’il devait être voté, les résultats des élections de 2012 risquent d’entraîner l’abandonpur et simple de la réforme. Une fois de plus, le juge d’instruction est probablement à

Conclusion

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nouveau confronté à une réforme avortée de sa fonction. Cette réforme, en modifiant enprofondeur la procédure et le rôle de chacun des acteurs, nécessitera en plus un délaiconséquent pour entrer pleinement en application, puisque les différents magistrats aurontbesoin de temps pour s’adapter au nouveau rôle qui leur est dévolu.

Le volet relatif au juge d’instruction pourrait ainsi avoir raison d’un avant-projet deréforme qui pourtant propose des modifications dans des parties de la procédure pénale quien ont grand besoin, notamment en terme de garde à vue et de détention provisoire, pourlesquelles la France est fréquemment critiquée et sanctionnée au niveau européen.

Quel avenir pour la justice en France ?La réflexion sur la disparition programmée du juge d’instruction va bien au-delà de

la seule organisation de la justice pénale en France. Il s’agit de s’interroger, comme l’ontfait certains professionnels sur la notion même de l’État de droit en France. Théorisé àl’origine par le juriste autrichien Hans Kelsen, l’État de droit, repose en effet sur trois piliers– la hiérarchie des normes, l’égalité des sujets de droit et l’indépendance de la justice – ets’est imposé comme une valeur fondamentale constituant un régime démocratique au sensdonné à cette notion par la Convention européenne des droits de l’Homme.

En France, ce principe est d’ores et déjà malmené, dans la mesure où l’égalité dessujets de droit est remis en cause par le privilège de juridiction accordé à l’État – vial’instauration des juridictions de l’ordre administratif – et d’un droit propre aux personnespubliques – le droit public et le droit administratif. De nouvelles procédures, inscrites plus oumoins récemment dans le droit français, peuvent également apparaître comme en décalagepar rapport au principe de l’État de droit. La comparution immédiate – qui a succédé àl’enquête de flagrance – réduit ainsi le droit de l’accusé à un délai raisonnable pour préparersa défense.

En l’état actuel, la réforme de la procédure pénale a une réelle influence sur l’État dedroit en France.

Elle doit renforcer le caractère démocratique en assurant le caractère pleinementcontradictoire de l’enquête judiciaire pénale, via la nouvelle place accordée aux parties et laplus grande égalité des armes entre le ministère public et les parties privées – au moins faceau juge – et garantissant une plus grande indépendance de l’autorité judiciaire – représentéepar le juge de l’enquête et des libertés – vis-à-vis tant du Procureur de la République quedes parties, en supprimant ses fonctions d’enquêteur.

Néanmoins, la réforme, telle qu’actuellement proposée par la Chancellerie, peut eneffet porter une atteinte certaine au principe de l’indépendance de la justice, en renforçant lerôle du ministère public – sous contrôle direct de la Chancellerie et donc du pouvoir exécutif– au cours de la phase préalable au procès pénal, au détriment des magistrats du siège,qui représente l’indépendance de la justice. La possible inégalité entre les citoyens qu’ellepourrait engendrer peut constituer une autre entorse au principe de l’État de droit.

Ainsi, si le texte est adopté en l’état par le Parlement, les décisions tant du Conseilconstitutionnel que de la Cour européenne des droits de l’Homme – si ces deux juridictionsétaient amenées à se prononcer – permettront d’apprécier leur interprétation de cetteréforme au regard du principe de l’État de droit garantit par le droit français et les conventionsinternationales et européennes.

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Annexes.

Annexe n°1 : Glossaire.Les définitions dans le cadre de la procédure pénale sont principalement extraites duglossaire du ministère de la Justice et du cabinet d’avocats BBP Avocats<http://www.bbp-avocats.com/glossaire-juridique.asp>. Pour la procédure telle que modifiée par l’avant-projet, les définitions sont extraites des précisions terminologiques annexées au documenttransmis par la Chancellerie.

Dans la procédure pénale préalable au nouveau Code de procédure pénale :Décret d’ajournement personnel : mandat du magistrat instructeur ordonnant la

comparution de la personne concernée pour témoigner, et lui interdisant l’exercice decertaines fonctions publiques.

Décret d’assignation à être ouï : mandat du magistrat instructeur ordonnant lacomparution devant lui de la personne concernée,4

en vue de témoigner.Décret de prise de corps : mandat du magistrat instructeur ordonnant l’arrestation et

le placement en détention de la personne concernée.Procédure criminelle : ancienne dénomination de la procédure pénale.Dans la procédure pénale actuelle :Action civile : action en justice déclenchée par la victime d’une infraction, par

constitution de partie civile auprès du juge d’instruction.Action publique : action en justice visant à traduire devant une juridiction de jugement

l’auteur d’une infraction. Elle est déclenchée par le ministère public, avec ou non interventionde la partie civile.

Chambre de l’instruction : formation de la Cour d’appel, ayant pris la succession dela chambre de l’accusation, qui a la charge d’examiner les recours contre les ordonnancesdu juge d’instruction.

Commission rogatoire : délégation par laquelle le juge d’instruction prescrit à un autremagistrat du siège ou à un officier de police judiciaire l’accomplissement de tous actesd’information nécessaires.

Information judiciaire ou instruction : phase préparatoire de la procédure pénale,préalable au procès, au cours de laquelle le juge d’instruction cherche la manifestation dela vérité, au moyen d’actes d’instruction.

Légalité des poursuites : principe selon lequel l’accusateur public est tenu depoursuivre toute infraction porté à sa connaissance, quelles que soient sa gravité et les

Annexes.

MANIGLIER Tristan_2010 77

circonstances. Par extension, il ne peut abandonner l’accusation après lancement de l’actionpublique.

Mandat d’amener : ordre donné par le juge d’instruction aux officiers de police judiciairevisant la conduite, au besoin par la force, de la personne concernée devant lui.

Mandat d’arrêt : ordre donné par le juge d’instruction aux officiers de police judiciairevisant la recherche, l’arrestation et le placement en maison d’arrêt de la personneconcernée.

Mandat de comparution : décision du juge d’instruction mettant en demeure lapersonne concernée de se présenter devant lui.

Mandat de dépôt : ordre donné au chef d’un établissement pénitencier de recevoir etmaintenir en détention la personne concernée.

Mise en examen : décision du juge d’instruction de faire porter ses investigationssur une personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants qui rendentvraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la réalisationd'un crime ou d'un délit.

Opportunité des poursuites : principe selon lequel l’accusateur public est libre depoursuivre ou non une infraction portée à sa connaissance, selon son appréciation de lagravité et des circonstances. Il demeure libre, après déclenchement de l’action publique demaintenir ou abandonner l’accusation.

Prévenu : individu poursuivi pour une infraction ou un délit, mais n’ayant pas encorefait l’objet d’un jugement ou d’une condamnation définitive.

Témoin assisté : personne visée par une plainte, mise en cause ou poursuivie par leparquet sur réquisitoire, convoquée et entendue par le juge d'instruction contre laquelle ilexiste de simples indices qui rendent vraisemblables qu'elle a commis un crime ou un délit,sans qu'elle soit mise en examen.

Dans la procédure pénale telle que modifiée par l’avant-projet de réforme :Action pénale : nouvelle dénomination de l’action publique.Chambre de l’enquête et des libertés : nouvelle dénomination de la chambre

d’instruction.Classement judiciaire : décision d’abandon des poursuites et de clôture du dossier,

qui se substitue au classement sans suite et à l’ordonnance de non-lieu.Enquête judiciaire pénale : cadre désormais unique des investigations, se substitue

à la fois à l’enquête de flagrance, l’enquête préliminaire et l’instruction.Juge de l’enquête et des libertés : nouveau juge de l’instruction, il remplace le juge

d’instruction et le juge des libertés et de la détention.Partie assistée : nouvelle dénomination du témoin assisté.Partie citoyenne : le statut de partie citoyenne est accordé à un individu ayant dénoncé

une infraction au ministère public, mais qui n’a pas un intérêt suffisant pour agir pour accéderau statut de partie civile.

Partie pénale : personne contre laquelle est exercée l’action pénale, se substitue à ladénomination mis en examen.

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Annexe n°2 : Extraits des législations anciennesrelatives à l’instruction.

Ordonnance criminelle de 1670Article 3, Titre XL'assignation pour être ouï sera convertie en décret d'ajournement personnel, si la

partie ne compare.Article 2, Titre XIVLe juge sera tenu vaquer en personne à l'interrogatoire, qui ne pourra en aucun cas

être fait par le greffier, à peine de nullité et d'interdiction contre le juge et le greffier, et de500 livres d'amende envers nous contre chacun d'eux, dont ils ne pourront être déchargés.

Article 1, Titre XVSi l'accusation mérite d'être instruite, le juge ordonnera que les témoins ouïs ès

informations, et autres qui pourront être ouïs de nouveau, seront récolés eu leursdépositions, et si besoin est, confrontés à l'accusé, et pour cet effet, assignés dans un délaicompétent, suivant la distance des lieux, la qualité des personnes et de la matière.

Article 1, Titre XIXS'il y a preuve considérable contre l'accusé d'un crime qui mérite peine de mort, et qui

soit constant, tous juges pourront ordonner qu'il sera appliqué à la question, au cas que lapreuve ne suit pas suffisante.

Article 2, Titre XXEn instruisant les procès ordinaires, ils pourront s'il y échoit décerner décret de prise de

corps ou d'ajournement personnel, suivant la qualité de la preuve, et ordonner l'instructionà l'extraordinaire.

Code des délits et des peinesArticle 48Les juges de paix, considérés comme officiers de police judiciaire, sont chargés, 1°.

De recevoir les dénonciations et plaintes relatives à tous les délits qui sont de nature àêtre punis, soit d'une amende au dessus de la valeur de trois journées de travail, soit d'unemprisonnement de plus de trois jours, soit d'une peine infamante ou afflictive ;. 2°. Deconstater par des procès-verbaux les traces des délits qui en laissent quelques-unes aprèseux ; 3°. De distinguer les hommes justement prévenus, de ceux qui sont faussementinculpés ; 4°. De recueillir les indices et les preuves qui existent sur les prévenus ; 5°. Deles faire traduire devant le directeur du jury.

Article 83Toute autorité constituée, tout fonctionnaire ou officier public, qui, dans l'exercice de

ses fonctions, acquiert la connaissance ou reçoit la dénonciation d'un délit de nature àêtre puni, soit d'une amende au-dessus de la valeur de trois journées de travail, soit d'unemprisonnement de plus de trois jours, soit d'une peine afflictive ou infamante, est tenu d'endonner avis sur-le-champ au juge de paix de l'arrondissement dans lequel il a été commis,ou dans lequel réside le prévenu, et de lui transmettre tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.

Annexes.

MANIGLIER Tristan_2010 79

Article 87Tout citoyen qui a été témoin d'un attentat, soit contre la liberté, la vie ou la propriété

d'un autre, soit contre la sûreté publique ou individuelle, est tenu d'en donner aussitôt avisau juge de paix du lieu du délit, ou à celui de la résidence du prévenu.

Article 100 Toutes les fois qu'un juge de paix apprend, soit par une dénonciation ouplainte, même non-signée, ou abandonnée, soit autrement, qu'il a été commis dans sonarrondissement un délit de nature à être puni, soit d'une amende au-dessus de la valeur detrois journées de travail, soit d'un emprisonnement de plus de trois jours, soit d'une peineinfamante ou afflictive, ou qu'il réside dans ce même arrondissement un prévenu de tel délit,il est tenu, sans attendre aucune réquisition, de faire ses diligences pour s'assurer du fait,découvrir le coupable et le faire comparaître devant lui.

Article 184L'instruction se fait à l'audience ; le prévenu y est interrogé ; les témoins pour et contre

entendus en sa présence ; les reproches et les défenses proposées ; les pièces lues, s'il yen a, et le jugement prononcé de suite, ou, au plus tard, à l'audience suivante.

Code d’instruction criminelle de 1808Article 22Les procureurs impériaux sont chargés de la recherche et de la poursuite de tous les

délits dont la connaissance appartient aux tribunaux de police correctionnelle, ou aux coursspéciales, ou aux cours d'assises.

Article 28Ils [les procureurs] pourvoiront à l'envoi, à la notification et à l’exécution des

ordonnances qui seront rendues par le juge d'instruction, d'après les règles qui seront ci-après établies au chapitre des juges d'instruction.

Article 55Il y aura dans chaque arrondissement communal un juge d'instruction. Il sera choisi

par Sa Majesté parmi les juges du tribunal civil, pour trois ans ; il pourra être continué pluslongtemps, et il conservera séance au jugement des affaires civiles, suivant le rang de saréception.

Article 59Le juge d'instruction, dans tous les cas réputés flagrant délit, peut faire directement

et par lui-même, tous les actes attribués au procureur impérial, en se conformant auxrègles établies au chapitre des Procureurs impériaux et de leurs substituts. Le juged'instruction peut requérir la présence du procureur impérial, sans aucun retard néanmoinsdes opérations prescrites dans ledit chapitre.

Article 61Hors les cas de flagrant délit, le juge d'instruction ne fera aucun acte d’instruction et

de poursuite qu'il n'ait donné communication de la procédure au procureur impérial. Il lalui communiquera pareillement lorsqu'elle sera terminée ; et le procureur impérial fera lesréquisitions qu'il jugera convenables, sans pouvoir retenir la procédure plus de trois jours.

Néanmoins le juge d'instruction délivrera, s’il y a lieu, le mandat d'amener, et mêmele mandat de dépôt, sans que ces mandats doivent être précédés des conclusions duprocureur impérial.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

80 MANIGLIER Tristan_2010

Article 63Toute personne qui se prétendra lésée par un crime ou délit, pourra en rendre plainte

et se constituer partie civile devant le juge d'instruction, soit du lieu du crime ou délit, soitdu lieu de la résidence du prévenu, soit du lieu où il pourra être trouvé.

Article 64Les plaintes qui auraient été adressées au procureur impérial, seront par lui transmises

au juge d'instruction avec son réquisitoire ; celles qui auraient été présentées aux officiersauxiliaires de police, seront par eux envoyées au procureur impérial, et transmises par luiau juge d’instruction, aussi avec son réquisitoire.

Dans les matières du ressort de la police correctionnelle, la partie lésée pourras'adresser directement au tribunal correctionnel, dans la forme qui sera ci-après réglée.

Article 128Si les juges sont d’avis que le fait ne présente ni crime, ni délit, ni contravention, ou

qu’il n’existe aucune charge contre l’inculpé, il sera déclaré qu’il n’y a pas lieu à poursuivre,et si l’inculpé avait été arrêté, il sera mis en liberté.

Article 129S’ils sont d’avis que le fait n’est qu’une simple contravention de police, l’inculpé sera

renvoyé au tribunal de police, et il sera remis en liberté s’il est arrêté.Les dispositions du présent article et de l’article précédent ne pourront préjudicier aux

droits de la partie civile ou de la partie publique, ainsi qu’il sera expliqué ci-après.Article 130Si le délit est reconnu de nature à être puni par des peines correctionnelles, le prévenu

sera renvoyé au tribunal de police correctionnelle.Si dans ce cas, le délit peut entraîner la peine d’emprisonnement, le prévenu, s’il est

en arrestation, y demeurera provisoirement.

Annexe n° 3 : Extraits du Code de procédure pénale.Article 11

Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de ladéfense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète.

Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dansles conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

Toutefois, afin d'éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pourmettre fin à un trouble à l'ordre public, le procureur de la République peut, d'office et à lademande de la juridiction d'instruction ou des parties, rendre publics des éléments objectifstirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des chargesretenues contre les personnes mises en cause.

Article 50

Annexes.

MANIGLIER Tristan_2010 81

Le juge d'instruction, choisi parmi les juges du tribunal, est nommé dans les formesprévues pour la nomination des magistrats du siège. En cas de nécessité, un autre juge peutêtre temporairement chargé, dans les mêmes formes, des fonctions de juge d'instructionconcurremment avec le magistrat désigné ainsi qu'il est dit au premier alinéa. Si le premierprésident délègue un juge au tribunal, il peut aussi, dans les mêmes conditions, chargertemporairement celui-ci de l'instruction par voie d'ordonnance. Si le juge d'instruction estabsent, malade ou autrement empêché, le tribunal de grande instance désigne l'un desjuges de ce tribunal pour le remplacer.

Article 80-1A peine de nullité, le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes

à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblablequ'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission desinfractions dont il est saisi. Il ne peut procéder à cette mise en examen qu'après avoirpréalablement entendu les observations de la personne ou l'avoir mise en mesure de lesfaire, en étant assistée par son avocat, soit dans les conditions prévues par l'article 116 relatifà l'interrogatoire de première comparution, soit en tant que témoin assisté conformémentaux dispositions des articles 113-1 à 113-8. Le juge d'instruction ne peut procéder à la miseen examen de la personne que s'il estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de témoinassisté.

Article 81Le juge d'instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il

juge utiles à la manifestation de la vérité. Il instruit à charge et à décharge. […] Si le juged'instruction est dans l'impossibilité de procéder lui-même à tous les actes d'instruction, ilpeut donner commission rogatoire aux officiers de police judiciaire afin de leur faire exécutertous les actes d'information nécessaires dans les conditions et sous les réserves prévuesaux articles 151 et 152. Le juge d'instruction doit vérifier les éléments d'information ainsirecueillis. Le juge d'instruction procède ou fait procéder, soit par des officiers de policejudiciaire, conformément à l'alinéa 4, soit par toute personne habilitée dans des conditionsdéterminées par décret en Conseil d'Etat, à une enquête sur la personnalité des personnesmises en examen, ainsi que sur leur situation matérielle, familiale ou sociale. Toutefois, enmatière de délit, cette enquête est facultative. […] Le juge d'instruction peut prescrire unexamen médical, un examen psychologique ou ordonner toutes mesures utiles. S'il estsaisi par une partie d'une demande écrite et motivée tendant à ce qu'il soit procédé à l'undes examens ou à toutes autres mesures utiles prévus par l'alinéa qui précède, le juged'instruction doit, s'il n'entend pas y faire droit, rendre une ordonnance motivée au plustard dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande. […] Faute par lejuge d'instruction d'avoir statué dans le délai d'un mois, la partie peut saisir directement leprésident de la chambre de l'instruction, qui statue et procède conformément aux troisième,quatrième et cinquième alinéas de l'article 186-1.

Article 82-1Les parties peuvent, au cours de l'information, saisir le juge d'instruction d'une demande

écrite et motivée tendant à ce qu'il soit procédé à leur audition ou à leur interrogatoire, àl'audition d'un témoin, à une confrontation ou à un transport sur les lieux, à ce qu'il soitordonné la production par l'une d'entre elles d'une pièce utile à l'information, ou à ce qu'ilsoit procédé à tous autres actes qui leur paraissent nécessaires à la manifestation de lavérité. A peine de nullité, cette demande doit être formée conformément aux dispositionsdu dixième alinéa de l'article 81 ; elle doit porter sur des actes déterminés et, lorsqu'elle

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

82 MANIGLIER Tristan_2010

concerne une audition, préciser l'identité de la personne dont l'audition est souhaitée. Lejuge d'instruction doit, s'il n'entend pas y faire droit, rendre une ordonnance motivée au plustard dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande. Les dispositions dudernier alinéa de l'article 81 sont applicables. A l'expiration d'un délai de quatre mois depuissa dernière comparution, la personne mise en examen qui en fait la demande écrite doitêtre entendue par le juge d'instruction. Le juge

d'instruction procède à son interrogatoire dans les trente jours de la réception de lademande, qui doit être formée conformément aux dispositions du dixième alinéa de l'article81.

Article 86Le juge d'instruction ordonne communication de la plainte au procureur de la

République pour que ce magistrat prenne ses réquisitions. Le réquisitoire peut être priscontre personne dénommée ou non dénommée. Lorsque la plainte n'est pas suffisammentmotivée ou justifiée, le procureur de la République peut, avant de prendre ses réquisitionset s'il n'y a pas été procédé d'office par le juge d'instruction, demander à ce magistratd'entendre la partie civile et, le cas échéant, d'inviter cette dernière à produire toute pièceutile à l'appui de sa plainte. Le procureur de la République ne peut saisir le juge d'instructionde réquisitions de non informer que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite ou si, à supposer cesfaits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale. Le procureur de laRépublique peut également prendre des réquisitions de non-lieu dans le cas où il est établide façon manifeste, le cas échéant au vu des investigations qui ont pu être réalisées à lasuite du dépôt de la plainte ou en application du troisième alinéa, que les faits dénoncés parla partie civile n'ont pas été commis. Dans le cas où le juge d'instruction passe outre, il doitstatuer par une ordonnance motivée. Lorsque le juge d'instruction rend une ordonnance derefus d'informer, il peut faire application des dispositions des articles 177-2 et 177-3.

Article 92Le juge d'instruction peut se transporter sur les lieux pour y effectuer toutes

constatations utiles ou procéder à des perquisitions. Il en donne avis au procureur de laRépublique, qui a la faculté de l'accompagner. Le juge d'instruction est toujours assisté d'ungreffier. Il dresse un procès-verbal de ses opérations.

Article 94Les perquisitions sont effectuées dans tous les lieux où peuvent se trouver des objets

ou des données informatiques dont la découverte serait utile à la manifestation de la vérité.Article 99Au cours de l'information, le juge d'instruction est compétent pour décider de la

restitution des objets placés sous main de justice.Il statue, par ordonnance motivée, soit sur réquisitions du procureur de la République,

soit, après avis de ce dernier, d'office ou sur requête de la personne mise en examen, de lapartie civile ou de toute autre personne qui prétend avoir droit sur l'objet. Il peut également,avec l'accord du procureur de la République, décider d'office de restituer ou de faire restituerà la victime de l'infraction les objets placés sous main de justice dont la propriété n'est pascontestée. Il n'y a pas lieu à restitution lorsque celle-ci est de nature à faire obstacle à lamanifestation de la vérité ou à la sauvegarde des droits des parties ou lorsqu'elle présenteun danger pour les personnes ou les biens. Elle peut être refusée lorsque la confiscationde l'objet est prévue par la loi. L'ordonnance du juge d'instruction mentionnée au deuxième

Annexes.

MANIGLIER Tristan_2010 83

alinéa du présent article est notifiée soit au requérant en cas de rejet de la demande, soit auministère public et à toute autre partie intéressée en cas de décision de restitution. Elle peutêtre déférée à la chambre de l'instruction, sur simple requête déposée au greffe du tribunal,dans le délai et selon les modalités prévus par le quatrième alinéa de l'article 186. Ce délaiest suspensif. Le tiers peut, au même titre que les parties, être entendu par la chambrede l'instruction en ses observations, mais il ne peut prétendre à la mise à sa disposition dela procédure.

Article 100En matière criminelle et en matière correctionnelle, si la peine encourue est égale ou

supérieure à deux ans d'emprisonnement, le juge d'instruction peut, lorsque les nécessitésde l'information l'exigent, prescrire l'interception, l'enregistrement et la transcription decorrespondances émises par la voie des télécommunications. Ces opérations sonteffectuées sous son autorité et son contrôle. La décision d'interception est écrite. Elle n'apas de caractère juridictionnel et n'est susceptible d'aucun recours.

Article 101Le juge d'instruction fait citer devant lui, par un huissier ou par un agent de la force

publique, toutes les personnes dont la déposition lui paraît utile. Une copie de cettecitation leur est délivrée. Les témoins peuvent aussi être convoqués par lettre simple,par lettre recommandée ou par la voie administrative ; ils peuvent en outre comparaîtrevolontairement.

Lorsqu'il est cité ou convoqué, le témoin est avisé que, s'il ne comparaît pas ou s'ilrefuse de comparaître, il pourra y être contraint par la force publique en application desdispositions de l'article 109.

Article 120Le juge d'instruction dirige les interrogatoires, confrontations et auditions. Le procureur

de la République et les avocats des parties et du témoin assisté peuvent poser des questionsou présenter de brèves observations. Le juge d'instruction détermine, s'il y a lieu, l'ordredes interventions et peut y mettre un terme lorsqu'il s'estime suffisamment informé. Il peuts'opposer aux questions de nature à nuire au bon déroulement de l'information ou à ladignité de la personne. Mention de ce refus est portée au procès-verbal. Les conclusionsdéposées par le procureur de la République ou les avocats des parties et du témoin assistéafin de demander acte d'un désaccord avec le juge d'instruction sur le contenu du procès-verbal sont, par le juge d'instruction, versées au dossier.

Article 122Le juge d'instruction peut, selon les cas, décerner mandat de recherche, de

comparution, d'amener ou d'arrêt. Le juge des libertés et de la détention peut décernermandat de dépôt. Le mandat de recherche peut être décerné à l'égard d'une personne àl'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'ellea commis ou tenté de commettre une infraction. Il ne peut être décerné à l'égard d'unepersonne ayant fait l'objet d'un réquisitoire nominatif, d'un témoin assisté ou d'une personnemise en examen. Il est l'ordre donné à la force publique de rechercher la personne àl'encontre de laquelle il est décerné et de la placer en garde à vue. Le mandat decomparution, d'amener ou d'arrêt peut être décerné à l'égard d'une personne à l'égard delaquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle ait puparticiper, comme auteur ou complice, à la commission d'une infraction, y compris si cettepersonne est témoin assisté ou mise en examen. Le mandat de comparution a pour objet

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

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de mettre en demeure la personne à l'encontre de laquelle il est décerné de se présenterdevant le juge à la date et à l'heure indiquées par ce mandat. Le mandat d'amener est l'ordredonné à la force publique de conduire immédiatement devant lui la personne à l'encontrede laquelle il est décerné.

Le mandat d'arrêt est l'ordre donné à la force publique de rechercher la personne àl'encontre de laquelle il est décerné et de la conduire devant lui après l'avoir, le cas échéant,conduite à la maison d'arrêt indiquée sur le mandat, où elle sera reçue et détenue. Le juged'instruction est tenu d'entendre comme témoins assistés les personnes contre lesquelles ila été décerné un mandat de comparution, d'amener ou d'arrêt, sauf à les mettre en examenconformément aux dispositions de l'article 116. Ces personnes ne peuvent pas être misesen garde à vue pour les faits ayant donné lieu à la délivrance du mandat. Le mandat dedépôt peut être décerné à l'encontre d'une personne mise en examen et ayant fait l'objetd'une ordonnance de placement en détention provisoire. Il est l'ordre donné au chef del'établissement pénitentiaire de recevoir et de détenir la personne à l'encontre de laquelleil est décerné. Ce mandat permet également de rechercher ou de transférer la personnelorsqu'il lui a été précédemment notifié.

Article 137-1La détention provisoire est ordonnée ou prolongée par le juge des libertés et de la

détention. Les demandes de mise en liberté lui sont également soumises. Le juge deslibertés et de la détention est un magistrat du siège ayant rang de président, de premiervice-président ou de vice-président. Il est désigné par le président du tribunal de grandeinstance. Lorsqu'il statue à l'issue d'un débat contradictoire, il est assisté d'un greffier. Encas d'empêchement du juge des libertés et de la détention désigné et d'empêchement duprésident ainsi que des premiers vice-présidents et des vice-présidents, le juge des libertéset de la détention est remplacé par le magistrat du siège le plus ancien dans le grade le plusélevé, désigné par le président du tribunal de grande instance. Il peut alors faire applicationdes dispositions de l'article 93.

Article 138Le contrôle judiciaire peut être ordonné par le juge d'instruction ou par le juge

des libertés et de la détention si la personne mise en examen encourt une peined'emprisonnement correctionnel ou une peine plus grave. Ce contrôle astreint la personneconcernée à se soumettre, selon la décision du juge d'instruction ou du juge des libertés etde la détention, à une ou plusieurs des obligations ci-après énumérées : 1° Ne pas sortirdes limites territoriales déterminées par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de ladétention ; 2° Ne s'absenter de son domicile ou de la résidence fixée par le juge d'instructionou le juge des libertés et de la détention qu'aux conditions et pour les motifs déterminéspar ce magistrat ; 3° Ne pas se rendre en certains lieux ou ne se rendre que dans les lieuxdéterminés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention ; 4° Informer lejuge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention de tout déplacement au-delà delimites déterminées ; 5° Se présenter périodiquement aux services, associations habilitéesou autorités désignés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détentionqui sont tenus d'observer la plus stricte discrétion sur les faits reprochés à la personnemise en examen ; 6° Répondre aux convocations de toute autorité, de toute associationou de toute personne qualifiée désignée par le juge d'instruction ou le juge des libertés etde la détention et se soumettre, le cas échéant, aux mesures de contrôle portant sur sesactivités professionnelles ou sur son assiduité à un enseignement ainsi qu'aux mesuressocio éducatives destinées à favoriser son insertion sociale et à prévenir le renouvellementde l'infraction ; 7° Remettre soit au greffe, soit à un service de police ou à une brigade

Annexes.

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de gendarmerie tous documents justificatifs de l'identité, et notamment le passeport, enéchange d'un récépissé valant justification de l'identité ; 8° S'abstenir de conduire tousles véhicules ou certains véhicules et, le cas échéant, remettre au greffe son permis deconduire contre récépissé ; toutefois, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de ladétention peut décider que la personne mise en examen pourra faire usage de son permisde conduire pour l'exercice de son activité professionnelle ; 9° S'abstenir de recevoir oude rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge d'instruction ou lejuge des libertés et de la détention, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelquefaçon que ce soit ; 10° Se soumettre à des mesures d'examen, de traitement ou de soins,même sous le régime de l'hospitalisation, notamment aux fins de désintoxication ; 11°Fournir un cautionnement dont le montant et les délais de versement, en une ou plusieursfois, sont fixés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, comptetenu notamment des ressources et des charges de la personne mise en examen ; 12°Ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale, à l'exclusionde l'exercice des mandats électifs et des responsabilités syndicales, lorsque l'infraction aété commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ces activités et lorsqu'il està redouter qu'une nouvelle infraction soit commise. Lorsque l'activité concernée est celled'un avocat, le conseil de l'ordre, saisi par le juge d'instruction ou le juge des libertés etde la détention, a seul le pouvoir de prononcer cette mesure à charge d'appel, dans lesconditions prévues à l'article 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réformede certaines professions judiciaires et juridiques ; le conseil de l'ordre statue dans les quinzejours ; 13° Ne pas émettre de chèques autres que ceux qui permettent exclusivement leretrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et, le cas échéant,remettre au greffe les formules de chèques dont l'usage est ainsi prohibé ; 14° Ne pasdétenir ou porter une arme et, le cas échéant, remettre au greffe contre récépissé les armesdont elle est détentrice ; 15° Constituer, dans un délai, pour une période et un montantdéterminés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, des sûretéspersonnelles ou réelles ; 16° Justifier qu'elle contribue aux charges familiales ou acquitterégulièrement les aliments qu'elle a été condamnée à payer conformément aux décisionsjudiciaires et aux conventions judiciairement homologuées portant obligation de verser desprestations, subsides ou contributions aux charges du mariage ; 17° En cas d'infractioncommise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil desolidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, résiderhors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dansce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire,faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ; les dispositions duprésent 17° sont également applicables lorsque l'infraction est commise par l'ancien conjointou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée à elle par un pacte civil desolidarité, le domicile concerné étant alors celui de la victime. Les modalités d'application duprésent article, en ce qui concerne notamment l'habilitation des personnes contribuant aucontrôle judiciaire sont déterminées en tant que de besoin par un décret en Conseil d'Etat.

Article 140La mainlevée du contrôle judiciaire peut être ordonnée à tout moment par le juge

d'instruction, soit d'office, soit sur les réquisitions du procureur de la République, soit sur lademande de la personne après avis du procureur de la République. Le juge d'instructionstatue sur la demande de la personne dans un délai de cinq jours, par ordonnancemotivée. Faute par le juge d'instruction d'avoir statué dans ce délai, la personne peut saisirdirectement de sa demande la chambre de l'instruction qui, sur les réquisitions écrites etmotivées du procureur général, se prononce dans les vingt jours de sa saisine. A défaut,

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

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la mainlevée du contrôle judiciaire est acquise de plein droit, sauf si des vérificationsconcernant la demande de la personne ont été ordonnées.

Article 152Les magistrats ou officiers de police judiciaire commis pour l'exécution exercent, dans

les limites de la commission rogatoire, tous les pouvoirs du juge d'instruction. Toutefois, lesofficiers de police judiciaire ne peuvent pas procéder aux interrogatoires et confrontationsdes personnes mises en examen. Ils ne peuvent procéder à l'audition des parties civiles oudu témoin assisté qu'à la demande de ceux-ci. Le juge d'instruction peut se transporter,sans être assisté de son greffier ni devoir en dresser procès-verbal, pour diriger et contrôlerl'exécution de la commission rogatoire, dès lors qu'il ne procède pas lui-même à des actesd'instruction. A l'occasion de ce transport, il peut ordonner la prolongation des gardes à vueprononcées dans le cadre de la commission rogatoire. Dans tous les cas, mention de cetransport est faite sur les pièces d'exécution de la commission rogatoire.

Article 158La mission des experts qui ne peut avoir pour objet que l'examen de questions d'ordre

technique est précisée dans la décision qui ordonne l'expertise.Article 175Aussitôt que l'information lui paraît terminée, le juge d'instruction communique le

dossier au procureur de la République et en avise en même temps les parties et leursavocats soit verbalement avec émargement au dossier, soit par lettre recommandée.Lorsque la personne est détenue, cet avis peut également être notifié par les soins duchef de l'établissement pénitentiaire, qui adresse sans délai au juge d'instruction l'originalou la copie du récépissé signé par l'intéressé. Le procureur de la République disposealors d'un délai d'un mois si une personne mise en examen est détenue ou de trois moisdans les autres cas pour adresser ses réquisitions motivées au juge d'instruction. Copiede ces réquisitions est adressée dans le même temps aux avocats des parties par lettrerecommandée. Les parties disposent de ce même délai d'un mois ou de trois mois à compterde l'envoi de l'avis prévu au premier alinéa pour adresser des observations écrites au juged'instruction, selon les modalités prévues par l'avant-dernier alinéa de l'article 81. Copiede ces observations est adressée en même temps au procureur de la République. Dansce même délai d'un mois ou de trois mois, les parties peuvent formuler des demandesou présenter des requêtes sur le fondement des articles 81, neuvième alinéa, 82-1, 156,premier alinéa, et 173, troisième alinéa. A l'expiration de ce délai, elles ne sont plusrecevables à formuler ou présenter de telles demandes ou requêtes. A l'issue du délai d'unmois ou de trois mois, le procureur de la République et les parties disposent d'un délai dedix jours si une personne mise en examen est détenue ou d'un mois dans les autres caspour adresser au juge d'instruction des réquisitions ou des observations complémentairesau vu des observations ou des réquisitions qui leur ont été communiquées. A l'issue du délaide dix jours ou d'un mois prévu à l'alinéa précédent, le juge d'instruction peut rendre sonordonnance de règlement, y compris s'il n'a pas reçu de réquisitions ou d'observations dansle délai prescrit. Les premier, troisième et cinquième alinéas et, s'agissant des requêtes ennullité, le quatrième alinéa du présent article sont également applicables au témoin assisté.Les parties peuvent déclarer renoncer, en présence de leur avocat ou celui-ci dûmentconvoqué, à bénéficier des délais prévus par le présent article.

Article 177Si le juge d'instruction estime que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni

contravention, ou si l'auteur est resté inconnu, ou s'il n'existe pas de charges suffisantes

Annexes.

MANIGLIER Tristan_2010 87

contre la personne mise en examen, il déclare, par une ordonnance, qu'il n'y a lieu àsuivre. Lorsque l'ordonnance de non-lieu est motivée par l'existence de l'une des causesd'irresponsabilité pénale prévue par les articles 122-2,122-3,122-4,122-5 et 122-7 du codepénal ou par le décès de la personne mise en examen, elle précise s'il existe descharges suffisantes établissant que l'intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés.Les personnes mises en examen qui sont provisoirement détenues sont mises en liberté.L'ordonnance met fin au contrôle judiciaire. Le juge d'instruction statue par la mêmeordonnance sur la restitution des objets placés sous main de justice. Il peut refuser larestitution lorsque celle-ci présente un danger pour les personnes ou les biens. La décisionrelative à la restitution peut être déférée, par tout personne qui y a intérêt, à la chambre del'instruction dans les conditions et selon les modalités prévues par l'article 99.

Article 185Le procureur de la République a le droit d'interjeter appel devant la chambre de

l'instruction de toute ordonnance du juge d'instruction ou du juge des libertés et de ladétention. Cet appel formé par déclaration au greffe du tribunal, doit être interjeté dans lescinq jours qui suivent la notification de la décision. En cas d'appel par la personne mise enexamen de l'ordonnance de mise en accusation prévue par l'article 181, le procureur de laRépublique dispose d'un délai d'appel incident de cinq jours supplémentaires à compter del'appel de la personne mise en examen. Le droit d'appel appartient également dans tousles cas au procureur général. Il doit signifier son appel aux parties dans les dix jours quisuivent l'ordonnance du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention.

Article 186Le droit d'appel appartient à la personne mise en examen contre les ordonnances et

décisions prévues par les articles 80-1-1, 87, 139, 140, 137-3, 142-6, 142-7 145-1, 145-2,148, 167, quatrième alinéa, 179, troisième alinéa, et 181. La partie civile peut interjeterappel des ordonnances de non-informer, de non-lieu et des ordonnances faisant grief à sesintérêts civils. Toutefois, son appel ne peut, en aucun cas, porter sur une ordonnance ousur la disposition d'une ordonnance relative à la détention de la personne mise en examenou au contrôle judiciaire. Les parties peuvent aussi interjeter appel de l'ordonnance parlaquelle le juge a, d'office ou sur déclinatoire, statué sur sa compétence. L'appel des partiesainsi que la requête prévue par le cinquième alinéa de l'article 99 doivent être formés dansles conditions et selon les modalités prévues par les articles 502 et 503, dans les dix joursqui suivent la notification ou la signification de la décision. Le dossier de l'information ousa copie établie conformément à l'article 81 est transmis, avec l'avis motivé du procureurde la République, au procureur général, qui procède ainsi qu'il est dit aux articles 194 etsuivants. Si le président de la chambre de l'instruction constate qu'il a été fait appel d'uneordonnance non visée aux alinéas 1 à 3 du présent article, il rend d'office une ordonnancede non-admission de l'appel qui n'est pas susceptible de voies de recours. Il en est de mêmelorsque l'appel a été formé après l'expiration du délai prévu au quatrième alinéa ou lorsquel'appel est devenu sans objet. Le président de la chambre de l'instruction est égalementcompétent pour constater le désistement de l'appel formé par l'appelant.

Article 207Lorsque la chambre de l'instruction a statué sur l'appel relevé contre une ordonnance

en matière de détention provisoire, ou à la suite d'une saisine du procureur de la Républiquesoit qu'elle ait confirmé cette décision, soit que, l'infirmant, elle ait ordonné une mise enliberté ou maintenu en détention ou décerné un mandat de dépôt ou d'arrêt, le procureurgénéral fait sans délai retour du dossier au juge d'instruction après avoir assuré l'exécution

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

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de l'arrêt. Lorsque la chambre de l'instruction décerne mandat de dépôt ou qu'elle infirmeune ordonnance de mise en liberté ou de refus de prolongation de détention provisoire,les décisions en matière de détention provisoire continuent de relever de la compétencedu juge d'instruction et du juge des libertés et de la détention sauf mention expresse dela part de la chambre de l'instruction disant qu'elle est seule compétente pour statuer surles demandes de mise en liberté et prolonger le cas échéant la détention provisoire. Il enest de même lorsque la chambre de l'instruction ordonne ou modifie un contrôle judiciaireou une assignation à résidence avec surveillance électronique. Lorsque, en toute autrematière, la chambre de l'instruction infirme une ordonnance du juge d'instruction ou estsaisie en application des articles 81, dernier alinéa, 82, dernier alinéa, 82-1, deuxièmealinéa, 156, deuxième alinéa, ou 167, quatrième alinéa, elle peut, soit évoquer et procéderdans les conditions prévues aux articles 201, 202, 204 et 205, soit renvoyer le dossier aujuge d'instruction ou à tel autre afin de poursuivre l'information. Elle peut également procéderà une évocation partielle du dossier en ne procédant qu'à certains actes avant de renvoyerle dossier au juge d'instruction. L'ordonnance du juge d'instruction ou du juge des libertéset de la détention frappée d'appel sort son plein et entier effet si elle est confirmée par lachambre de l'instruction. En cas d'appel formé contre une ordonnance de refus de mise enliberté, la chambre de l'instruction peut, lors de l'audience et avant la clôture des débats, sesaisir immédiatement de toute demande de mise en liberté sur laquelle le juge d'instructionou le juge des libertés et de la détention n'a pas encore statué ; dans ce cas, elle se prononceà la fois sur l'appel et sur cette demande.

Article 217Hors le cas prévu à l'article 196, les arrêts sont, dans les trois jours, par lettre

recommandée, portés à la connaissance des avocats des parties. Dans les mêmes formeset délais, les arrêts de non-lieu sont portés à la connaissance des personnes mise enexamen, les arrêts de renvoi devant le tribunal correctionnel ou de police sont portés à laconnaissance des parties.

Les arrêts contre lesquels les parties peuvent former un pourvoi en cassation, àl'exception des arrêts de mise en accusation, leur sont signifiés à la requête du procureurgénéral dans les trois jours. Toutefois, ces arrêts sont notifiés par lettre recommandéeaux parties ou au requérant mentionné au cinquième alinéa de l'article 99 tant que lejuge d'instruction n'a pas clôturé son information ; les arrêts de mise en accusationsont également notifiés aux parties par lettre recommandée. Ils peuvent être notifiés àla personne détenue par les soins du chef de l'établissement pénitentiaire qui adresse,sans délai, au procureur général l'original ou la copie du récépissé signé par elle. Toutenotification d'acte à la dernière adresse déclarée par une partie est réputée faite à sapersonne.

Article 220Le président de la chambre de l'instruction s'assure du bon fonctionnement des cabinets

d'instruction du ressort de la cour d'appel. Il vérifie notamment les conditions d'applicationdes alinéas 4 et 5 de l'article 81 et de l'article 144 et s'emploie à ce que les procéduresne subissent aucun retard injustifié. Chaque fois qu'il le juge nécessaire et au moins unefois par an, il transmet ses observations écrites au premier président de la cour d'appel,au procureur général près ladite cour ainsi qu'au président du tribunal de grande instanceconcerné et au procureur de la République près ledit tribunal.

Annexes.

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Annexe n°4 : Composition du groupe de travailprésidé par Jean-Olivier Viout.

Jean-Olivier VIOUT, procureur général près la Cour d’Appel de Lyon (président)Hervé GRANGE, Premier Président de la cour d'appel de Pau,Gilles STRAEHLI, Président de la Chambre de l'Instruction de la cour d'appel de Nancy,Hervé STEPHAN, Conseiller à la cour d’appel de Versailles, ancien Président de la

cour d’assises des Yvelines, actuel président de cour d’assises des Hauts de Seine,Jean-Marie HUET, Directeur des Affaires Criminelles et des Grâces, précédemment

Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes,Pierre DELMAS-GOYON, Président du tribunal de grande instance de Montpellier,Philippe HERALD, Premier Vice-Président du tribunal de grande instance de Paris,

Juge des libertés et de la détention,Marc TREVIDIC, Vice-Président chargé de l'instruction au tribunal de grande instance

de Nanterre,Yvette BERTRAND, Commissaire divisionnaire, chef de la brigade de protection des

mineurs de Paris, direction de la Police Judiciaire de Paris,Alain MOLLA, Avocat au barreau de Marseille,Nathalie FAUSSAT, Avocate au barreau de Paris.Dominique FREMY, Expert Pédopsychiatre près la cour d'appel de Besançon,Daniel ZAGURY, Expert Psychiatre près la cour d'appel de Paris,Geneviève CEDILE, Expert Psychologue près la cour d'appel de Paris,Secrétariat Général :Myriam QUEMENER, Sous-Directrice de la Jutice Pénale Générale à la Direction des

Affaires Criminelles et des Grâces au Ministère de la Justice,David AUMONIER, Magistrat au Bureau des Politiques Pénales Générales et de la

Protection des Libertés Individuelles de la Direction des Affaires Criminelles et des Grâcesau Ministère de la Justice.

Annexe n° 5 : Composition de la commissiond’enquête sur l’affaire d’Outreau.

PrésidentAndré VALLINI, député de l’Isère (PS)RapporteurPhilippe HOUILLON, député du Val d’Oise (UMP)Vice-présidents

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

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Christophe CARESCHE, député de Paris (PS)Jean-Paul GARRAUD, député de la Gironde (UMP)SecrétairesPatrick BRAOUEZEC, député de la Seine-Saint-Denis (PCF)Michel HUNAULT, député de la Loire Atlantique (UDF)MembresJacques-Alain BENISTI, député du Val-de-Marne (UMP)Etienne BLANC, député de l’Ain (UMP)Marcel BONNOT, député du Doubs (UMP)François CALVET, député des Pyrénées-Orientales (UMP)Jean-François CHOSSY, député de la Loire (UMP)Gilles COCQUEMPOT, député du Pas-de-Calais (PS)Georges COLOMBIER, député de l’Isère (UMP)Léonce DEPREZ, député du Pas-de-Calais (UMP)Bernard DEROSIER, député du Nord (PS)Georges FENECH, député du Rhône (UMP)Jacques FLOCH, député de la Loire-Atlantique (PS)Guy GEOFFROY, député de Seine-et-Marne (UMP)Arlette GROSSKOST, députée du Haut-Rhin (UMP)Élisabeth GUIGOU, députée de Seine-Saint-Denis (PS)Jean-Yves HUGON, député de l’Indre (UMP)Thierry LAZARO, député du Nord (UMP)Jean-Yves LE BOUILLONNEC, député du Val-de-Marne (PS)Guy LENGAGNE, député du Pas-de-Calais (PS)Alain MARSAUD, député de Haute-Vienne (UMP)Christian PHILIP, député du Rhône (UMP)Jacques REMILLER, député de l’Isère (UMP)Xavier de ROUX, député de Charente-Maritime (UMP)François VANNSON, député des Vosges (apparenté UMP)Gérard VIGNOBLE, député du Nord (UDF)

Annexe n° 6 : Composition de la Commission Delmas-Marty.

Présidente

Annexes.

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Mireille DELMAS-MARTY, Professeur à l’université de Paris IRapporteur général (rapport final)Serge LASVIGNES, Auditeur au Conseil d’État,MembresYves BAUDELOT, Avocat au barreau de ParisFrançois BERNARD, Conseiller d’État (rapport final)Guy BRAIBANT, Président de section au Conseil d’ÉtatAndré BRAUNSCHWEIG, Président de chambre honoraire à la Cour de CassationJean-Paul COSTA, Conseiller d’État (rapport préliminaire)Bruno COTTE, Directeur des affaires criminelles et des grâces au ministère de la

JusticeJean-Pierre DINTILHAC, Directeur de l’administration pénitentiaire au ministère de la

JusticeRenée KOERING-JOULIN, Professeur à la faculté de droit et de sciences politiques

de Strasbourg (université Robert Schuman)Henri LECLERC, Avocat au barreau de ParisMarcel LEMONDE, Vice-président du TGI de LyonPierre TRUCHE, Procureur général près la cour d’appel de ParisSecrétariat général de la CommissionChristine CHANET, Conseiller technique du Garde des SceauxMarc PLUM, Magistrat à la direction des affaires criminelles et des grâces (rapport

préliminaire)Ont également participé aux travauxValérie DERVIEUX, DEA de droit pénal et sciences criminellesYann BISIOU, DEA de politique criminelle et droits de l’homme (synthèse de la

consultation)Christian JACQ, Docteur en droit (rapport préliminaire)Brigitte PESQUIÉ, DEA de politique criminelle et droits de l’homme (rapport final)Denis SALAS, Magistrat au TGI de Nanterre (rapport préliminaire

Annexe n° 7 : Composition de la Commission deréflexion sur la Justice.

Daniel AMSON, avocat à la cour de Paris, professeur de droit public à l’université Lille IIAlain BACQUET, président de section au Conseil d’ÉtatHubert BLANC, ancien préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, conseiller

d’État

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Jean-François BURGELIN, procureur général près la Cour de cassationRenaud CHAZAL de MAURIAC, premier président de la cour d’appel de MontpellierLaurent COHEN-TANUGI, avocat aux barreaux de Paris et de New YorkNoël COPIN, journaliste, président de Reporters sans frontièreGhislaine DEJARDIN, avocat à la cour de Caen, ancien bâtonnierHervé EXPERT, président du tribunal de grande instance de BéthuneLuc FERRY, professeur de philosophie à l’université de Paris VII, président du Conseil

national des programmesJean-Baptiste de FOUCAULD, inspecteur général des Finances, ancien commissaire

au PlanJean KAHN, président de section honoraire au Conseil d’ÉtatBlandine KRIEGEL, professeur de philosophie politique à l’université de Paris X-

NanterrePhilippe LEMAIRE, avocat à la cour de ParisMarie-Thérèse LESUEUR de GIVRY, procureur de la République près le tribunal de

grande instance de ThionvilleJean MIOT, président-directeur général de l’Agence France-Presse, ancien président

de la Fédération nationale de la presse française, journalisteChristian RAYSSEGUIER, procureur général près la cour d’appel de RouenThierry RENOUX, professeur de droit public à l’université d’Aix-Marseille IIIJacques-Henri ROBERT, professeur de droit pénal à l’université de Paris IIPierre TRUCHE, premier président de la Cour de cassation, président de la commissionRaymond BOUDON, professeur à l’université de Paris-Sorbonne, membre de l’Institut,

pris par des engagements nationaux et internationaux a dû arrêter sa participation auxtravaux de la commission.

Annexe n° 8 : Composition de la Commission Léger.Président

Philippe LEGER, magistrat, ancien avocat général près la Cour de justice desCommunautés européennes

MembresMathieu ARON, chef du service police-justice à France Info, démission le 8 janvier 2009Martine BERNARD, présidente de la chambre d’instruction à la Cour d’appel d’Aix en

ProvenceMarie-Noëlle BILLAUD, juge d’instruction au TGI de Bordeaux, membre à partir du

14 janvier

Annexes.

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Colonel Michel BONNIN, adjoint au sous-directeur de la police judiciaire de la directiongénérale de la gendarmerie nationale

Bernard BOULOC, professeur agrégé des facultés de droit, professeur émérite àl’Université Paris I

Maryvonne DE SAINT PULGENT, conseillère d’État, membre à partir du 9 janvierLouis DI GUARDIA, premier avocat général à la Cour de CassationJean-Pierre ESCARFAIL, président de l’APACS, association pour la protection contre

les agressions et les crimes sexuelsCorinne GOETZMANN, vice-président chargé de l’instruction au TGI de Paris,

démissionnaire le 9 janvierPatrick HEFNER, sous-directeur des affaires économiques et financières à la

préfecture de police de ParisThierry HERZOG, avocat à la cour d’appel de ParisHervé LEHMAN, avocat à la cour d’appel de ParisPhilippe LEMAIRE, procureur de la République à LilleLaurent LE MESLE, procureur près la cour d’appel de ParisPaul LOMBARD, avocat à la cour d’appel de ParisIsabelle PINGEL, professeur des facultés de droit à l’université Paris IGilles-Jean PORTEJOIE, avocat à Clermont-FerrandSamuel GILLIS, magistrat au bureau de la législation pénale à la direction des affaires

criminelles et des grâces, Rapporteur de la Commission

Annexe n°9 : Extraits de l’avant-projet de réforme dela procédure pénale.

Article 122-47 (conditions d’octroi de la qualité de partie citoyenne) La qualité departie citoyenne peut être attribuée à toute personne physique ou morale qui a dénoncé auprocureur de la République, par lettre recommandée avec accusé de réception, un crimeou un délit lorsque sont réunies les conditions suivantes : 1° La personne, bien que n’ayantpas directement subi un préjudice personnel lui permettant de se constituer partie civile,présente un intérêt légitime à agir ; 2° L’infraction dénoncée a causé un préjudice à lacollectivité publique ; 3° La dénonciation a été suivie d’une décision de classement judiciaireou n’a pas donné lieu à d’acte d’enquête pendant un délai de six mois. Article 211-3(missions du JEL pendant l’enquête)

Au cours de l’enquête judiciaire pénale, le juge de l’enquête et des libertés :1° Garantit le déroulement contradictoire, équitable et impartial de la procédure et

contrôle que les investigations sont effectivement effectuées à charge et à décharge, enstatuant sur les demandes formées par les parties qui n’ont été acceptées par le procureurde la République ou auxquelles celui-ci n’a pas répondu ;

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

94 MANIGLIER Tristan_2010

2° Garantit le respect des libertés individuelles, en statuant en matière de contrôlejudiciaire, d’assignation à résidence sous surveillance électronique et de détentionprovisoire, ainsi qu’en statuant, dans les cas prévus par le présent code, sur les demandesdu procureur de la République tendant au prononcé de certaines mesures d’investigationet en contrôlant leur mise en œuvre ;

3° Saisir la chambre de l’enquête et des libertés s’il lui apparaît qu’un acte ou une piècede la procédure est entaché de nullité.

Article 211-4 (mission du JEL à l’issue de l’enquête)Dans les cas prévus par le présent code, le juge de l’enquête et des libertés est

également chargé de statuer sur l’issue de l’enquête judiciaire pénale à la demande d’unepartie si celle-ci conteste la décision rendue par le procureur de la République.

Article 211-6 (modes de nomination du JEL)Le juge de l’enquête et des libertés, ayant rang de président, de premier vice-président

ou de vice-président, est nommé dans les formes prévues pour la nomination des magistratsdu siège.

En cas de nécessité, un autre juge du tribunal de grande instance peut êtretemporairement chargé, dans les mêmes formes, des fonctions de juge de l’enquête et deslibertés concurremment avec le magistrat désigné comme il est dit au premier alinéa.

Si le premier président de la cour d’appel délègue un juge au tribunal, il peut aussi, dansles mêmes conditions, charger temporairement celui-ci des fonctions de juge de l’enquêteet des libertés par voie d’ordonnance.

Si le juge de l’enquête et des libertés est absent ou autrement empêché, le tribunal degrande instance peut charger l’un des juges de ce tribunal d’exercer temporairement lesfonctions de ce magistrat.

Article 211-15 (missions du TEL)Le tribunal de l’enquête et des libertés est chargé, au cours ou à l’issue de l’enquête

judiciaire pénale :1° De statuer sur les demandes de prolongation de la détention provisoire ;2° De statuer, sur renvoi du juge de l’enquête et des libertés qui l’estime nécessaire en

raison de sa complexité ou la gravité du dossier, sur la demande d’une partie ;3° De saisir la chambre des enquêtes et des libertés s’il lui apparaît qu’un acte ou une

pièce de la procédure est entaché de nullité.Article 211-18 (missions de la ChEL dans le contrôle de l’enquête)La chambre de l’enquête et des libertés connaît des appels formés contre les

ordonnances juridictionnelles du juge de l’enquête et des libertés et contre les ordonnancesdu tribunal de l’enquête et des libertés.

Elle statue sur les requêtes en nullité déposées par les parties, le procureur de laRépublique, le juge de l’enquête et des libertés et le tribunal de l’enquête et des libertés.

Article 211-19 (autres missions de la ChEL)La chambre de l’enquête et des libertés est également chargée :1° Du contrôle et de la surveillance de la police judiciaire ;2° Du contentieux de l’extradition et des mandats d’arrêt européens

Annexes.

MANIGLIER Tristan_2010 95

3° De statuer en matière de règlement de juges, de dessaisissement d’une juridiction,de demande de réhabilitation et d’incidents d’exécution concernant la cour d’assises.

Article 211-20 (pouvoirs spécifiques du président de la ChEL)Le président de la chambre de l’enquête et des libertés disposent de pouvoirs propres

lui permettant, dans les cas prévus par le présent code :1° De saisir la chambre de l’enquête et des libertés ;2° De statuer lui-même sur des saisines de la chambre de l’enquête et des libertés

manifestement infondées ou irrecevables ;3° De statuer en matière de référé-liberté ;4° De surveiller le bon fonctionnement des cabinets des juges de l’enquête et des

libertés.Article 221-1 (énumération des juridictions)Les juridictions de contrôle de l’enquête judiciaire pénale sont :1° Pour les juridictions du premier degré, le juge de l’enquête et des libertés et le tribunal

de l’enquête et des libertés ;2° Pour les juridictions du second degré, la chambre de l’enquête et des libertés et son

président.Article 221-3 (hiérarchie et obligations des magistrats du ministère public)Les magistrats du ministère public près les juridictions du fond sont placés sous la

direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du garde des sceaux,ministre de la justice. Ils doivent, au cours de la procédure pénale, se conformer auxinstructions de ceux-ci dans les conditions et sous les réserves prévues par le présent code.

Ils doivent prendre les réquisitions écrites conformes aux instructions qui leur sontdonnées dans les conditions prévues aux articles 221-7 et 221-10.

Ils ne doivent pas exécuter des instructions individuelles qui seraient contraires àl’exigence de recherche de manifestation de la vérité et de conduite des investigations àcharge et à décharge.

Lors des audiences et des débats contradictoires, ils développement librement lesobservations orales qu’ils croient convenables au bien de la justice.

Article 221-16 (missions générales du procureur)Le procureur de la République est chargé, dans le cadre de la loi pénale et des

instructions générales d’action publique :1° De recevoir les plaintes et les dénonciations et d’apprécier la suite à leur donner ;2° De procéder ou faire procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la

poursuite des infractions à la loi pénale, dans le cadre de l’enquête judiciaire pénale. Acette fin, il dirige l’activité de la police judiciaire, le cas échéant en donnant des instructionsgénérales sur l’action pénale.

3° De décider de la mise en mouvement de l’action pénale, du classement sans suitedes procédures ou du recours aux procédures alternatives aux poursuites.

4° De soutenir l’accusation devant les juridictions de jugementArticle 221-7 (réglementation des instructions individuelles)

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

96 MANIGLIER Tristan_2010

Lorsqu’il a connaissance d’infractions à la loi pénale, le ministre de la justice lesdénonce au procureur général.

Il peut lui enjoindre, par instructions écrites, motivées et versées au dossier dela procédure, d’engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridictioncompétente des réquisitions écrites qu’il juge opportunes.

Il peut adresser des observations écrites portant sur des éléments de fait ou de droit,qui sont versées au dossier de la procédure.

Il ne peut donner d’instruction individuelle tendant au classement sans suite d’uneprocédure.

Il ne peut donner d’instruction contraire à l’exigence de recherche de la manifestationde la vérité et de conduite des investigations à charge et à décharge.

Article 221-10 (réglementation des instructions du procureur général)Le procureur général peut enjoindre aux procureurs de la République, par instructions

écrites, motivées et versées au dossier de la procédure, d’engager ou de faire engagerdes poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites qu’il jugeopportunes, sous les réserves prévues aux alinéas quatre et cinq de l’article 221-7.

Article 311-1 (définition et objets de l’enquête)L’enquête judiciaire pénale a pour objet de rechercher et de constater les infractions à

la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en identifier les auteurs.Elle est conduite par le procureur de la République.Il est procédé à tous les actes utiles à la manifestation de la vérité par le procureur de

la République lui-même ou, sous sa direction et ses instructions, par les officiers et agentsde la police judiciaire.

L’enquête est effectuée sous le contrôle du juge de l’enquête et des libertés, du tribunalde l’enquête et des libertés et, le cas échéant de la chambre de l’enquête et des libertés.

Article 312-4 (conditions de fond d’attribution de la qualité de partie pénale : indicesgraves et concordants)

Pour être partie pénale la personne contre laquelle il existe des indices graves ouconcordants rendant plausible sa participation comme auteur ou complice à la commissiondes infractions.

Article 312-16 (conditions de fond d’attribution de la qualité de partie assistée : simplesindices)

Pour être partie assistée la personne contre laquelle il existe un ou plusieurs indicesrendant plausible sa participation comme auteur ou complice à la commission d’uneinfraction.

Article 312-18 (modalités d’attribution du statut de partie assistée)La qualité de partie assistée est attribuée :1° Soit sur décision du procureur de la République agissant d’office ou à la demande

de l’intéressé ;2° Soit sur décision du juge de l’enquête statuant sur une contestation de l’attribution

de la qualité de partie pénale ou du refus d’attribution de la qualité de partie assistée. Article 313-42 (délai de recours devant le JEL)

Annexes.

MANIGLIER Tristan_2010 97

Si dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande, le procureur dela République ne procède pas aux formalités de clôture de l’enquête, les parties peuventsaisir le juge de l’enquête et des libertés.

Article 433-2 (durées initiales de la détention provisoire)En matière correctionnelle, l’ordonnance de placement en détention provisoire est

valable pour une durée de quatre mois.En matière criminelle, l’ordonnance de placement en détention provisoire est valable

pour une durée de six mois.Article 433-3 (possibilité de prolongation par le TEL)Avant l’expiration de ces délais, le procureur de la République peut saisir le tribunal de

l’enquête et des libertés aux fins de prolongation de la détention provisoire.Article 433-17 (dépôt de la demande et délai pour statuer)A tout moment de la procédure, la personne placée en détention provisoire peut

demander sa remise en liberté.La demande est adressée au procureur de la République qui la transmet avec son avis,

au plus tard dans un délai de trois jours ouvrables, au juge de l’enquête et des libertés.Ce dernier statue sur la demande, au plus tard dans un délai de trois jours ouvrables parordonnance motivée.

Cette ordonnance comporte l’énoncé des considérations de droit et de fait quiconstituent le fondement de cette décision par référence aux dispositions de l’article 411-3 et431-3. Si la détention excède le délai de quatre mois en matière correctionnelle et six moisen matière criminelle, l’ordonnance est motivée par référence aux dispositions de l’article433-4.

Article 433-19 (saisine directe de la chambre de l’enquête et des libertés)Faute par le juge de l’enquête et des libertés d’avoir statué dans les délais fixés aux

articles 433-17 ou 433-18, la personne peut saisir directement de sa demande la chambrede l’enquête et des libertés qui, sur les réquisitions écrites et motivées du procureur général,se prononce dans les quinze jours de sa saisine.

A faut de statuer dans ce délai, la personne est mise d’office en liberté sauf si descirconstances imprévisibles et insurmontables font obstacles au jugement de l’affaire dansle délai imparti.

La chambre peut toutefois renvoyer l’affaire à une audience ultérieure, dans un délaiqui ne saurait excéder quinze jours, en ordonnant des vérifications relatives à la situationpersonnelle de la partie pénale ou aux faits qui lui sont reprochés lorsque ces vérificationssont susceptibles de permettre la mise en liberté de la personne, le cas échéant souscontrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

98 MANIGLIER Tristan_2010

Bibliographie.

Ouvrages BORRICAND Jacques, SIMON Anne-Marie, Droit pénal, procédure pénale, Paris, Sirey,

Éditions Dalloz, 4è édition 2004.BOULOC Bernard, MATSOPOULOU Haritini, Droit pénal général et procédure pénale,

Paris, Sirey Editions Dalloz, 17è édition 2009.DÉLÉAN Michel, Qui veut la mort du juge d’instruction ?, Paris, Éditions Scrineo, 2007.DETOURBET Edmond, La Procédure criminelle au XVIIe siècle. Histoire de

l'ordonnance du 28 août 1670, son influence sur les législations qui l'ont suivie etnotamment sur celle qui nous régit, Paris, Éditeur A. Rousseau, 1881

ESMEIN Adhémar, Histoire de la procédure criminelle en France et spécialement dela procédure inquisitoire depuis le XIIIe siècle jusqu'à nos jours, Paris, L. Larose etForcel, 1882.

ETRILLARD Claire, Le temps dans l’investigation pénale, Paris, Éditions L’Harmattan,2005.

GERBER François, De l’inutilité du juge d’instruction, Paris, Éditions Bourin, 2010.LEROY Jacques, Procédure Pénale, Paris, Éditions LGDJ-Lextenso, 2009.MATHIAS Éric, Procédure pénale, Paris, Éditions Bréal, 3è édition, 2007.MATHIAS Éric, Termes de droit pénal et de procédure pénale, Éditions Gualino, 2006.PRADEL Jean, Droit pénal comparé, Paris, Éditions Dalloz, 3è édition, 2008.PRADEL Jean, Procédure Pénale, Paris, Éditions CUJAS, 1ére édition 1976, 14è

édition 2008.RENAULT-BRAHINSKY Corinne, Procédure Pénale, Paris, Gualino Éditions Lextenso,

2è édition, 2008.RENAULT-BRAHINSKY Corinne, Procédure Pénale, Paris, Gualino, Éditions Lextenso,

11è édition, 2010.STEFANI Gaston, LEVASSEUR Georges, BOULOC Bernard, Procédure Pénale, Paris,

Éditions Dalloz, 19è édition 2004.VAN RUYMBEKE Renaud, Le juge d’instruction, Paris, Presses Universitaires de

France, 5ème édition, 2008.

Législation française

Bibliographie.

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Ancienne législation

Ordonnance de Blois signée en 1498.

Ordonnance de Villers-Cotterêts, prise par François Ier, et enregistrée au Parlement deParis le 6 septembre 1539.

Ordonnance d’Orléans, signée en 1560.

Ordonnance criminelle enregistrée au parlement de Paris le 26 août 1670.

Code des délits et des peines, du 3 Brumaire an IV (25 octobre 1795).

Code d’instruction criminelle, promulgué le 16 novembre 1808.

Loi sur l’organisation judiciaire du 20 avril 1810, publiée au Bulletin officiel n°282.

Code

Code de procédure pénale, version en vigueur au 1er janvier 2010.

Convention internationale

Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,version en vigueur en juin 2010.

Lois

Loi n°85-1303 du 10 décembre 1985 portant réforme de l’instruction en matière pénale,publiée au Journal officiel du 11 décembre 1985, page 14391.

Loi n°87-1062 du 30 décembre 1987 relative aux garanties individuelles en matière deplacement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire et portant modificationdu code de procédure pénale, publiée au Journal officiel de 31 décembre 1987, page15547.

Loi n°89-461 du 6 juillet 1989 modifiant le code de procédure pénale et relatif à ladétention provisoire, publiée au Journal officiel du 8 juillet 1989, page 8538.

Loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, publiée auJournal officiel du 4 janvier 1993, page 215.

Loi n° 93-1013 du 24 août 1993 modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portantréforme de la procédure pénale, publiée au Journal officiel du 25 août 1993, page11991.

Loi organique n°94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature,publiée au Journal officiel du 8 février 1994, page 2146.

Loi n°2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocenceet les droits des victimes, publiée au Journal officiel du 16 juin 2000, page 9038.

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Loi organique no 2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation età la responsabilité des magistrats, publiée au Journal officiel du 6 mars 2007, page4184.

Loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale,publiée au Journal officiel du 6 mars 2007, page 4206.

Proposition et projet de loi

Avant-projet de réforme de la procédure pénale, présenté par le ministère de la Justice.[en ligne]. Ministère de la Justice, version du 1er mars 2010. [consulté le 27 avril2010]. < http://www.justice.gouv.fr/art_pix/avant_projet_cpp_20100304.pdf>.

Projet de loi organique n°3391, relatif à la formation et à la responsabilité desmagistrats, présenté au nom de Dominique de Villepin, par Pascal Clément,enregistré à la présidence de l’Assemblée Nationale le 24 octobre 2006.

Proposition de loi n°2659, déposée par Georges Fenech, enregistrée à la présidence del’Assemblée nationale le 9 décembre 2005.

Législation étrangère

En Allemagne

Code de procédure pénale, traduction de Raymond LEGEAIS (2000).

En Belgique :

Code d’instruction criminelle belge, mis à jour du 11 janvier 2010.Code judiciaire, mis à jour du 23 mars 2010.Loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.

En Espagne

Code de procédure pénale, traduction de Raymond LEGEAIS (2000).

En Italie

Constitution de la République d’Italie, version en vigueur en 2009

Au Portugal

Bibliographie.

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Constitution de la République du Portugal, version en vigueur en 2009

En Suisse

Code de procédure pénale, adopté en octobre 2007.

Loi sur l’organisation des autorités pénales, 19 mars 2010.

Périodiques

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BADINTER Robert, La mort programmée du juge d’instruction, Le Monde, 22 mars2009.

BORDENAVE Yves et SALLES Alain, Le plus haut magistrat du parquet met desréserves sur la réforme de la justice, Le Monde, 11 mars 2010.

CADIOT Christian, Si on supprime le juge d’instruction…, Les Échos, 23 février 2010.

CONTE Philippe, « L’action pénale » en lévitation, aperçu de l’avant-projet de code deprocédure pénale, Recueil Dalloz n°13, 2010.

DELAHOUSSE Mathieu, Suppression du juge d’instruction, l’avis de six professionnels,Le Figaro, 8 janvier 2009.

DELMAS-MARTY Mireille, Le parquet, enjeu de la réforme pénale, La lettre du Collègede France, n°26, juin 2009.

DELMAS-MARTY Mireille, Réformer le parquet est inéluctable, Le Monde, 05 avril2010.

DE SENNEVILLE Valérie, Réforme de l’instruction, le juge face à l’avocat, un débatentre Renaud Van Ruymbeke et Daniel Soulez Larivière, Les Échos, 28 janvier 2009.

LE BORGNE Jean-Yves, LOMBARD-LATUNE Marie-Amélie, « Le juge d’instruction nepeut être que schizophrène », Le Figaro, 7 janvier 2009.

PRADEL Jean, La diversité des procédures pénales en Europe, Regards sur l’actualitén°357, janvier 2010.

PRADEL Jean, GUÉRIN Didier, Les relations entre le ministère public et le ministre dela Justice dans l’avant-projet de réforme de la procédure pénale, Recueil Dalloz n°10,2010.

ROBERT-DIARD Pascale, La Cour de cassation s'oppose à la réforme de la procédurepénale, Le Monde, 16 avril 2010.

WICKERS Thierry, « On peut très bien concevoir un système sans juge d'instruction »,Les Échos, 22 février 2010.

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WITTEKINDT Christoph, Enterrement du juge d’instruction : révolution ou réforme ?,Les questions d’Europe n°140, Fondation Robert Schuman, juin 2009.

Rapports parlementaires

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SENAT, L’instruction des affaires pénales, Série Législation comparée, mars 2009.

Rapports de réflexion sur la justice

DELMAS-MARTY Mireille, LASVIGNES Serge (coll.), La mise en état des affairespénales, Paris, La Documentation Française, janvier 1991.

LÉGER Philippe, Rapport du Comité de réflexion sur la justice pénale, Paris, La

Documentation Française, remis le 1er septembre 2009.

RASSAT Michèle-Laure, Propositions de réformes de la procédure pénale, rapport augarde des Sceaux, Paris, La Documentation Française, 1996.

TRUCHE Pierre (coll.), Rapport au Président de la République de la commission deréflexion sur la justice, Paris, La Documentation Française, janvier 1997.

VIOUT Jean-Olivier (coll.), Rapport du groupe de travail chargé de tirer lesenseignements du traitement judiciaire de l’affaire dite " d’Outreau ", Paris, LaDocumentation Française, Février 2005.

Travaux d’étudiants

COLNET Flore, VIANES André (dir.), Dans quelles mesure la réforme du juged’instruction s’impose-t-elle à la justice française ?, mémoire de séminaire, IEP deLyon, 2006-2007.

LAMOURY Déborah, MARECHAL Jean-Yves (dir.), L’affaiblissement des pouvoirs dujuge d’instruction en matière de détention provisoire, mémoire de master UniversitéLille II, 2004-2005.

MARTIN Élise, VERGES Étienne (dir.), Le rôle du juge des libertés et de la détention enprocédure pénale, mémoire de master Université Grenoble II, 2005-2006.

Bibliographie.

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TRILLES Olivier, Essai sur le devenir de l’instruction préparatoire : analyse etperspectives, thèse de doctorat, Université de Toulouse I, juin 2005.

Entretiens

Entretien réalisé avec Anne Wyon, conseillère à la Cour d’appel de Lyon, anciennevice-présidente du tribunal de grande instance de Lyon, membre du syndicat de lamagistrature, le 29 avril 2010.

Entretien réalisé avec Jean-Pierre Berthet, magistrat instructeur à la Juridictioninterrégionale spécialisée de Lyon, le 14 juin 2010.

Entretien réalisé avec Raphaël Vincent, juge d’instruction au tribunal de grandeinstance de Lyon, le 14 juin 2010.

Jurisprudence et résolution européennes

Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Résolution n°1685, « Allégationsd’abus du système de justice pénale, motivé par des considérations politiques, dansles Etats membres du Conseil de l’Europe », adoptée le 30 septembre 2009.

Cour Européenne des droits de l’Homme, 5è section, Affaire Medvedyev et autrescontre France, 10 juillet 2008.

Cour Européenne des droits de l’Homme, Grande chambre, Affaire Medvedyev etautres contre France, 29 mars 2010.

Documents audiovisuels

Pourquoi supprimer le juge d’instruction ? : débat entre Christophe Caresche, GeorgesFenech, Éric Halphen et maître Dominique Inchauspé. [en ligne]. LCP-AN, émission« Droit de regard », 9 janvier 2009. [consulté le 20 juillet 2010].

< http://www.dailymotion.com/video/x7z5jp_pourquoi-supprimer-le-juge-d-instru_news>.

Interview de Guillaume Didier, porte-parole du ministère de la Justice sur « pourquoiréformer la procédure pénale ? ». [en ligne].Ministère de la Justice, 22 avril2010. [consulté le 5 juillet 2010]. <http://www.presse.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=11812&article=19337>.

Interview de Claude Jorda, ancien président du Tribunal pénal international pourl’ex-Yougoslavie, sur les conclusions du rapport Léger. [en ligne]. Groupe UMPà l’Assemblée Nationale, 25 novembre 2009. [consulté le 29 juin 2010]. < http://www.dailymotion.com/video/xba4ic_claude-jorda-conclusions-du-rapport_news >.

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Documents Internet

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Chronologie des attributions du juge d’instruction [en ligne]. Nouvelobs.com, 11janvier 2009. [consulté le 30 mai 2010]. < http://tempsreel.nouvelobs.com/dossier/libertes-sous-pression/20090107.OBS8734/chronologie-des-attributions-du-juge-d-instruction.html>.

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Évènements dans la procédure du petit Grégory [en ligne]. [consulté le 4 juillet 2010]. <http://gregoryvillemin.free.fr/actualite/actualite.htm>.

Le comité de réflexion sur les Codes pénal et de procédure pénale [en ligne].Association Française des magistrats instructeurs, 11 décembre 2008. [consulté le 24avril 2010]. < http://www.afmi.asso.fr/ref_detail.php?num=34>.

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Prises de position sur la réforme de la procédurepénale

En faveur de la réforme

Documents du garde des Sceaux et du ministère de la Justice

Discours de Michèle Alliot-Marie, garde des Sceaux, à la Conférence des Bâtonniers deFrance, le 22 janvier 2010.

Interview de Michèle Alliot-Marie pour Le Grand Jury RTL – Le Figaro – LCI, 15décembre 2009.

Ministère de la Justice, Réforme du code de procédure pénale [en ligne].[consulté le 14 mai 2010]. < http://www.textes.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=10179&article=16656>.

Bibliographie.

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Réponse de la Garde des Sceaux à la question de la députée Maryse Joissains-Masini. [en ligne]. Assemblée Nationale, 1ère séance du 25 novembre2009. [consulté le 13 juillet 2010]. < http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2009-2010/20100063.asp#ANCR200900000065-00250>.

Autres documents

BILGER Philippe, Il faut achever le juge d’instruction. [en ligne]. 6 janvier 2009.[consulté le 10 juillet 2010]. <http://www.philippebilger.com/blog/2009/01/il-faut-achever-le-juge-dinstruction.html>.

En défaveur de la réforme

Documents issus des juridictions et instances nationales

Avis sur la réforme de la procédure pénale. [en ligne]. Commission nationale

consultative des droits de l’Homme, 10 juin 2010. [consulté le 1er juillet 2010]. <http://www.cncdh.fr/article.php3?id_article=766>.

Rapport du groupe de travail sur l’avant-projet de réforme de la procédure pénale. [enligne]. Cour d’appel de Paris mai 2010. [consulté le 17 juillet 2010. <http://www.ca-paris.justice.fr/art_pix/rapport_mai_2010.pdf>.

Documents émanant des syndicats de la magistrature

Avant-projet de réforme de la procédure pénale : le cent fautes de la Chancellerie. [enligne]. Syndicat de la magistrature, 20 avril 2010. [consulté le 25 juin 2010]. < http://www.syndicat-magistrature.org/IMG/pdf/Le_cent_fautes.pdf>.

Position de l’USM sur la réforme du Code pénal et du code de procédure pénale.[enligne]. Union syndicale des magistrats, 11 février 2009. [consulté le 5 juillet2010]. <http://www.union-syndicale-magistrats.org/web/upload_fich/publication/commission_leger.pdf>.

Réforme de la procédure pénale, propositions communes CNB – USM. [en ligne].Conseil National des Barreaux et Union Syndicale des Magistrats, 19 avril 2010.[consulté le 3 août 2010]. <http://www.union-syndicale-magistrats.org/web/upload_fich/publication/propositions_communes_usm_cnb_avril_2010.pdf>.

Autres avis sur la réforme

DIDIER Guillaume, LÉVY Thierry (interview), Faut-il des juges du parquetindépendant ?. [en ligne]. Acteurs publics,23 novembre 2009. [consulté le 15 juillet2010]. <http://www.acteurspublics.com/article/23-11-09/faut-il-des-juges-du-parquet-independants>.

Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives

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JEAN Jean-Paul, Supprimer le juge d’instruction, pourquoi pas ? mais….[en ligne]. 13

février 2009. [consulté le 1er juillet 2010]. <http://www.tnova.fr/index.php/component/content/article/613.html>.

ROBERT Olivier, Faut-il supprimer le juge d’instruction ?. [en ligne]. 3 octobre 2009.[consulté le 13/07/2010]. <http://www.legavox.fr/blog/olivier-robert-juriste-junior/faut-supprimer-juge-instruction-876.htm>.

SERVENAY David, Supprimer le juge d’instruction, pourquoi pas ?. [enligne]. rue89.com, 8 mars 2010. [consulté le 10 mai 2010] < http://www.rue89.com/2010/03/08/ce-serait-coherent-de-confier-lenquete-a-un-seul-magistrat-141981>.

Statistiques

Secrétariat général du ministère de la Justice, Annuaire statistique de la justice, édition2008, Paris, La Documentation Française, janvier 2009.

Résumé

MANIGLIER Tristan_2010 107

Résumé

L’histoire tourmentée du juge d’instruction. De l’ordonnance criminelle de 1670 au nouveau Code de procédure pénale de 1958, il

s’agit de retracer les étapes du processus de construction de la fonction de juge d’instruction,avant de s’intéresser à ce qu’est le magistrat instructeur actuellement.

Il s’agit d’étudier ensuite les critiques et les multiples réflexions et tentatives de réformedu magistrat instructeur, avant de s’intéresser plus précisément à celle de 2010 – et du débatqu’elle suscite – replacée dans un contexte européen de réforme de la phase préparatoire.

Procédure pénale – instruction – juge d’instruction – réforme de l’instruction