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Rosard Odes
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CHANT DE FOLIE A BACCHUS
Délaisse les peuples vaincus
Qui sont sous le lit de l’Aurore,
Et la ville qui, ô Bacchus,
Cérémonieuse t’adore.
De tes tigres tourne la bride
En France, où tu es invoqué,
Et par l’air ton chariot guide
Dessus en pompe collocqué
Que cette fête ne se fasse
Sans t’y trouver, Père joyeux,
C’est de ton nom la dédicace,
Et le jour où l’on rit le mieux.
Le voici, je le sens venir,
Et mon cœur étonné ne peut
Sa grande divinité tenir
Tant elle l’agite et l’émeut
Quels sont ces rochers où je vois,
Léger d’esprit, quel est ce fleuve
Quels sont ces antres et ces bois
Où seul égaré je me trouve
J’entends le bruit des cimbales
Et les champs sonner Evoe.
J’ai la rage des Bacchanales
Et le son du cor enroué.
Ici le chancellant Silène
Sur un tardif âne monté
Les inconstants satyres mène
Qui le soutiennent d’un côté
Qu’on boute du vin dans la tasse,
Sommelier, qu’on en verse tant
Qu’il se répande dans la place ;
Qu’on mange, qu’on boive d’autant
Amoureux, menez vos aimées,
Ballez et dansez sans séjour,
Que les torches soient allumées
Jusques à la pointe du jour.
Sus, sus ! mignons, sus confitures,
Le codignac vous semble bon,
Vous n’avez les dents assez dures
Pour faire peur à ce jambon.
Amis, à force de bien boire
Repoussez de vous le souci,
Que jamais plus n’en soit mémoire ;
Là donques, faites tous ainsi.
Hélas ! que c’est un doux tourment
Suivre ce Dieu qui environne
Son chef de vigne et de sarment,
En lieu de royale couronne.
A Cupidon
Le jour pousse la nuit, Et la nuit sombre Pousse le jour qui luit D'une obscure ombre. L'Autonne suit l'Esté, Et l'aspre rage Des vents n'a point esté Apres l'orage. Mais la fièvre d'amours Qui me tourmente,
Demeure en moy tousjours, Et ne s'alente. Ce n'estoit pas moy, Dieu, Qu'il falloit poindre, Ta fleche en autre lieu Se devoit joindre. Poursuy les paresseux Et les amuse, Mais non pas moy, ne ceux Qu'aime la Muse.
Mignonne, allons voir
À CASSANDRE
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au soleil,
A point perdu cette vesprée,
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vôtre pareil.
Las ! voyez comme en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las! las! ses beautés laissé choir !
Ô vraiment marâtre Nature,
Puis qu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vôtre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur la vieillesse
Fera ternir votre beauté.
Louanges de la rose et de la violette Sur tout parfum j´aime la rose Dessus l’épine en mai déclose, Et l'odeur de la belle fleur Qui de sa première couleur Pare la terre, quand la glace Au nouveau soleil a fait place. Les autres boutons vermeillets, La giroflée et les oeillets, Et le bel émail qui varie L'honneur gemmé d'une prame En mille lustres s'éclatant, Ensemble ne me plaisent tant Que fait la Rose pourperette, Et de mars la blanche fleurette. Que saurai-je pour le doux flair Que je sens au moyen de l'air, Prier pour vous deux autre chose, Sinon que toi, pourprine Rose, Puisses toujours avoir le sein En mai de rosée tout plein, Et que jamais le chaud qui dure En juin ne te fasse laidure? Ni à toi, fleurette de mars, Jamais l'hiver, lorsque tu pars Hors de la terre, ne te fasse Pencher morte dessus la place; Ains toujours, malgré la froideur, Puisses-tu de ta suave odeur Nous annoncer que l’an se vire Plus doux vers nous, et que Zéphyre Après le tour du faicheux temps Nous ramène le beau printemps !