Rubel - Critique Du Marxisme (Extracto)

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  • 360 / thique et utopiede lexistence humaine. Marx se range ainsi parmi les pionniers de lutopie rationnelle, condamnant sans appel la mythologie communiste, qui se situe en de de lutopie et de la science.

    1970.

  • Petite Bibliothque Payot / Critique de la politique

    Maximilien Rubel Marx critique du marxismePrface de Louis Janover Nouvelle dition

  • La premire dition de ce livre a paru dans la collection Critique de la politique dirige par Miguel Abensour.

    1974, Payot. 2000, Payot & Rivages, pour la prsente dition,

    106, boulevard Saint-Germain - 75006 Paris.

  • DE LUTOPIE LA MYTHOLOGIE4

    Ou a cru jusquici que la formation des mythes chrtiens sous lEmpire romain na t rendue possible que parce que limprimerie ntait pas encore connue. La vrit est tout autre. La presse quotidienne et le tlgraphe qui en rpand instantanment les inventions sur tout le globe fabriquent plus de mythes (et le stupide bourgeois les accepte et les colporte) en une seule journe quon na pu en fabriquer autrefois en un sicle.

    Marx Kugelmann, 27 juillet 1871.Au commencement tait lutopie. Elle dut cder la place la

    science. Restait mettre cette science en pratique : Octobre 1917 a ouvert lre de la marche vers le communisme.

    Telle est, rduite lessentiel, la lgende marxiste du deve- nir-communiste-du-monde.

    Nous sommes en pleine mythologie.La responsabilit initiale en incombe-t-elle aux deux pres

    fondateurs, Karl Marx et Friedrich Engels, ou seulement ce dernier, inventeur du terme socialisme scientifique par contraste avec le concept de socialisme utopique? On sait quEngels sattribuait le rle modeste de second violon , voire de vulgarisateur dans lentreprise commune o Marx devait assumer le premier rle en tant quauteur de deux grandes dcouvertes: la conception matrialiste de lhistoire et le secret du mode de production capitaliste, la plus-value.

  • 352 / thique et utopieToutefois, pas plus que Marx lui-mme, Engels n a jamais reni lapport des utopistes, surtout celui de Saint-Simon, d'Owen et de Fourier, au patrimoine intellectuel du socialisme. Mais en ne voyant dans les dcouvertes thoriques de son ami que leur importance scientifique, autrement dit en rduisant le socialisme une science , Engels a sensiblement appauvri la substance et 1a porte de l'renseignement marxien; par l mme, il portait atteinte au postulat fondamental de celui-ci Pauto-mancipation de la classe ouvrire, identifie elle-mme un acte de libration mettant fin lexistence des classes sociales. On est tent de penser que faction politique, qui ne fut pour Marx quun moyen, perd ce caractre chez Engels pour devenir une fin en soi. Si fondation il y a, cest Engels que revient le mrite douteux davoir fond la fois le marxisme idologique et le marxisme politique.

    Ce que le Manifeste communiste reproche aux utopistes, Engels, pourtant co-signataire de ce texte, semble l'avoir pris son compte; plus exactement, il parat avoir oubli que Marx pta it formellement prononc__gontre les inventeurs dune science> > , voire de lois sociales, devant permettre, leurs yeux, de crer les conditions matrielles de l 'mancipation du proltariat. Or, dit le Manifeste, ces conditions sont le produit de lre bourgeoise. Marx et Engels savaient alors ce quils avaient dabord appris chez Hegel : Au demeurant, il n est pas malais de comprendre que notre temps est le temps de la naissance et de la transition vers une nouvelle priode (Phnomnologie de Vesprit, avant-propos). Ce temps de la naissance et de la transition, c tait prcisment lre bourgeoise, et cette nouvelle priode devait tre lre communiste, la propre cration du proltariat moderne, produit de lre bourgeoise et de son mode de production, le capitalisme. La seule ambigut que recle cet argument, c est la relation de causalit entre les conditions matrielles, fruit de lconomie capitaliste, et le comportement psychologique et moral des fossoyeurs de la bourgeoisie, les travailleurs salaris.

    Cette ambigut nest pas ngligeable.Pourtant, elle sinscrit dans un raisonnement dont la logique ne

    manque pas de rigueur si lon admet que le postulat thique relve purement et simplement de lexprience historique scientifiquement observable. Les auteurs du Manifeste ont cru chapper ce risque dambigut en choisissant le terrain empirique.

  • !De l'utopie la mythologie / 353non sans confondre interpretation et constatation. Ils pouvaientinvoque un argument qui devait leur paratre de poids : ne par-

    lient-ils pas au nomd'un qui, pour n'etre encore que dans les limbes, pouvait prtendre dre au rle de porte-parole de cetteclssse sociale qui, selon Saint-Simon, tait la plus nombreuse et a p us miseiable? La vritable dcouverte qui devait, ds

    lors, changer les conditions dans lesquelles les btisseurs dutopies ci oyaient raliser leurs projets dorganisation, ctait donc celle de cette force sociale : lutopie tait simultanment dpasse et sauve, aufgehoben, sublime dans un mouvement de masse dont la finalit rvolutionnaire ne pouvait tre quvidente pour ses acteurs. Loin dtre nie et rejete, lutopie est accepte et absorbe par la theorie d e la rvolution proltarienne :

    Les systmes authentiquement socialistes communistes, les systmes de Saint-Simon, Fourier, Owen, etc., surgissent dans la premire phase, encore peu dveloppe, de la lutte entre le proltariat et la bourgeoisie [...]. Certes, les inventeurs de ces systmes aperoivent l antagonisme des classes ainsi que l action des lments dissolvants dans la socit dominante elle-mme. Toutefois, ils ne voient du ct du proltariat aucune spontanit historique, aucun mouvement politique qui lui soit propre1.

    Le Manifeste souligne la valeur critique de Tutopie, limportance ducative de la dnonciation des tares de la socit existante. S il raille les expriences communistes de tel ou tel prcurseur, il n en adhre pas moins au grand projet des utopistes : disparition de lantagonisme entre la ville et la campagne, abolition de la famille, de lindustrie prive, du travail salari, proclamation de lharmonie sociale, transformation de ltat en une simple administration de la production2. Ces formules positives des utopistes on y reconnat facilement l hritage saint-simonien, owenien et fouririste le Manifeste les accueille comme partie intgrante d une vision globale dune socit mritant le nom de communiste. Formules positives et nullement recettes pour les marmites de 1 avenir, ainsi que Marx le soulignera dans Le Capital, en visant particulirement les adeptes du positivisme d Auguste Comte3. Il n est pas dou

    1. Manifeste communiste, 1848, conomie, I, p. 191.2. Op. cit., p. 192.3. Le Capital, livre I, postface, op. cit., p. 555.

  • teux que Marx se considrait sinon comme le thoricien du communisme en tant que doctrine, du moins comme celui au mouvement social devant, ses yeux, conduire au but entrevu par les utopistes; c est dire que la nouvelle thorie nest nullement propose en guise de brviaire lusage du politicien professionnel, mais comme la propre expression et laffirmation autonome de la volont cratrice de la classe appelee, sinon contrainte sc donner la tche sublime de lmancipation sociale des hommes. Appel ou contrainte : Marx ny voyait aucune diffrence ou plutt il tenait pour certaine lidentit quasi prtablie des processus ncessaires de lhistoire et du mouvement dune classe considre la fois comme objet et comme sujet de cette volution. Tout en conservant la vision davenir labore par ses matres en utopie, Marx a fix dans ses Thses sur Feuerbach quil ne destinait pas la publication les principes thiques de son propre comportement en tant quhomme de la praxis rvolutionnaire, dcid participer au mouvement rel du travailleur principal acteur du drame historique des Temps Modernes enchan au capital et ltat. Marx concevait cette participation dans un sens trs prcis, bien diffrent de lactivit littraire ou exprimentale des utopistes dont il ne sous-estimait nullement lintrt ducatif; il sefforait dapporter au mouvement ouvrier les fruits de sa culture bourgeoise, des Bildungselemente, des lments de science et de culture nullement invents de toutes pices, mais reus comme un legs du pass spirituel de lhumanit, pour les adapter aux conditions de vie et de travail de lre moderne. Le nouveau matrialisme ne se donnait pas pour une nouvelle philosophie ou une nouvelle Weltanschauung, il se voulait tout simplement un moyen intellectuel pour rsister aux sollicitations trompeuses dune classe sociale disposant dun arsenal inpuisable darmes conomiques et morales lui permettant dimposer sa propre rgle de vie, lexploitation de lhomme par lhomme, comme norme exemplaire de conduite, enseigne de tout temps par toutes les philosophies et toutes les religions1.

    Mettre au service des exploits et des opprims les lments de culture quil lui avait t donn d acqurir et que lon peut

    354 / thique et utopie

    1. Cf. Karl Korsch, Karl Marx, Francfort et Vienne, d. Gtz Langkau,1967, p. 145 et sq. &

  • s a n s g r a n d r i s q u e d f i n i r s o c i o l o g i q u e s e t t n i q u e s , viol comment Marx concevait sa propre tache ducative et politique, son apport personnel au mouvement spontan (Sell.na.ig^eit) dont lagent historique ne pouvait tre que le proltariat moderne. Les formes dorganisation de ce mouvement avaient commenc se dessiner ds la formation du capitalisme industriel et lapparition dun proltariat de masse. La voie semblait toute trace quand, en Angleterre, mtropole du capital, le mouvement chartiste revendiqua le droit, pour la classe ouvrire, de faire son entre sur la scne politique pour la dtense de ses intrts. Ainsi, aux lments critiques et la vision d avenir que lui offrait lutopie, venait se joindre dans la thorie de Marx une exprience nouvelle : celle de la ralit de la moderne lutte de classes, de l antagonisme entre capital et travail. Dans la mesure o cette thorie peut tre dite communiste. elle englobe tous ces lments dont aucun, en tant que tel, n a de caractre proprement scientifique. Chez Marx, ladhsion au communisme, c est tout dabord ladhsion la cause de lmancipation des travailleurs qui sidentifie la cause humaine universelle. Ce choix suppose d emble une motivation thique qui n a d autres racines quhumanistes. C est dire que le communisme de Marx est antrieur aux dcouvertes scientifiques de lauteur de L Idologie allemande et du Capital *. Par consquent, on peut affirmer que Marx a adhr au communisme non en tant que science mais en tant quutopie ; non pour en faire une science, mais pour dmontrer thoriquement et pratiquement que lutopie communiste est la pense rationnelle des Temps Modernes, de 1 re de la naissance et de la transition; c est pendant cette priode que doit (ou devrait) se jouer le sort d une humanit menace dtre victime de sa propre science et de ses inventions techniques. Dans laffrontement des deux principales classes de la socit m oderne - la bourgeoisie et le proltariat le capital et le travail r e p r e s e n t , sur le plan de labstraction thorique, les deux d e u x a n t a g o n i s t e s : le mode de production capitaliste a pour function de jeter les bases matrielles qui rendront possible lvnement de la cit de l'homme; agent de cette fonction, la

    De l utopie la mythologie 1355

  • bourgeoisie a pour mission de crer le monde son image, le monde du capital et du bourgeois ; elle n?y parvient quau moyen d'un systme d'exploitation tantt brutal tantt raffin mais qui finit nanmoins par se retourner contre elle : telle est la loi du mouvement conomique de la socit moderne dont Le Capital prtend apporter la dmonstration. A cette fonction historique de lconomie capitaliste et de son agent, la bourgeoisie, s'oppose la vocation de la classe antagoniste, productrice de la richesse sociale, et donc virtuellement capable de s'affirmer comme force historique nouvelle, comme artisan de la future transformation sociale destine inaueurer la vritable histoire humaine, l'histoire comme libre cration de Thomme.

    L'ambigut rapparat ici. et elle chappe toute analyse scientifique : ou bien la bourgeoisie et le proltariat subissent l'une et l'autre le dterminisme contraignant dune histoire suprahumaine et. dans ce cas. la mission historique de la classe ou\Tire n'est que la contrepartie mcanique de la fonction historique de la bourgeoisie ; ou bien la spontanit historique du proltariat reste, selon Marx, ignore des utopistes est assume par les individus de cette classe engags dans une lutte librement et consciemment accepte, en vue de raliser la transformation radicale de la socit. Dans ce cas, le concept de ncessit historique du communisme nest que l'habile paraphrase du concept de mission thique du proltariat. Il serait oiseux de vouloir prouver lexistence de ce dilemme coups de citations empruntes aux uvres de Marx et d'Engels. Qu'il suffise de rappeler ici ce que Marx a clairement affirm dans la prface du Capital, en parlant du capitaliste, et ce qu'il a confirm quelques annes plus tard dans la postface du mme ouvrage, en gnralisant la formule '< dialectique :

    Je n'ai pas peint en rose le capitaliste et le propritaire foncier. Mais il ne s'agit ici des personnes qu'autant qu'elles sont la personnification des catgories conomiques, les supports d'intrts et de rapports de classes dtermins. Mon point de vue. d aprs lequel le dveloppement de la form ation conomique de la socit est assimilable la marche de la nature et son histoire, peut moins que tout autre rendre l individu responsable de rapports dont il reste socialement la crature, quoi qu'il puisse faire pour s en dgager1.

    356 / thique et utopie

    i. Le Capital Livre L op. cit., p. 550 et p. 556.

  • Au demeurant, quelque important que soit ce dilemme, il n' affaiblit en rien la valeur thorique de lanalyse de la gense et de volution de lpoque de transition; cest cette analyse qui constitue 1 apport scientifique proprement dit de Marx la comprhension de notre poque. Sil est permis de douter du caractre scientifique du concept de mission quon lapplique au proltariat ou la bourgeoisie le doute nest plus de mise lorsquil s agit de caractriser scientifiquement, en se servant du fil conducteur que Marx avait adopt dans ses recherches, les systmes conomiques observables dans le monde contemporain. Une chose est certaine : aucun de ces systmes, quels que soient le nom ou ltiquette dont ils saffublent, n est socialiste au sens o Marx lentendait; bien au contraire, tous saccordent pour tre la ngation de ce quil concevait en se rfrant aux systmes authentiquement socialistes et communistes des inventeurs dutopies.

    Il est donc clair que 1917 ne pouvait pas marquer la fin de lutopie, non plus que la ralisation des postulats du socialisme scientifique. 1917 a inaugur lre de la mythologie communiste, simple contrepartie de la mythologie librale sous le rgne universel du mode de production capitaliste. Marx avait dfini celui-ci comme un systme de rapports sociaux o le travail mort domine et opprime le travail vivant, c est--dire o les producteurs sont livrs corps et mes des appareils de domination conomiques, politiques, idologiques et militaires. C est dire que lre du rgne de la bourgeoisie et du capital est loin d tre close.

    Seules ont chang certaines formes dexploitation et de domination que Marx a perues et analyses dans son uvre. Encore conviendrait-il de nuancer ce jugement en rappelant que lauteur du Capital avait dj pu observer lapparition et lessor de ce quon pourrait appeler le capitalisme anonyme, consquence naturelle de la concentration industrielle et financire : la prolifration des socits par actions et du systme de crdit avec, comme corollaire, lentre en scne d un nouveau type de capitaliste, financier et spculateur, n exerant aucune fonction productive; celle-ci est rserve au manager salari tandis que le profit du premier se prsente comme simple appropriation du surtravail d autrui, rsultant de la conversion

  • des moyens de production en capital, cest--dire de leur alination vis--vis des producteurs rels, de leur opposition, en lant que proprit d'autrui, tous les individus rellement actifs dans la production, depuis le manager jusqu au dernier des salaris''. Usant d'un langage hglien, Marx P^rle de la ngation (Aujhcbimgi du capital en tant que proprit pnve dans les limites de la production capitaliste elle-mme, ou encore de la ngation du mode de production capitaliste au sein mme de ce svstme. d une contradiction qui s abolit elle-mme et qui reprsente, premire vue. un simple moment de transition vers un nouveau type de production1. Marx signale, en outre, un phnomne de transition d une tout autre nature : ia suppression de lantagonisme entre le capital et le travail dans les coopratives ouvrires.

    Toutes ces considrations ne sont que l'aboutissement logique de F axiome central de la thorie matrialiste du dveloppement social : la ralisation du socialisme et du communisme n'est possible et. devrait-on ajouter, historiquement ncessaire quau ternie dune longue priode de transition au cours de laquelle le principal acteur de la transformation. ia classe ouvrire, aura fait son ducation sociale et politique, l'apprentissage de sa tche rvolutionnaire. Cet axiome implique, par consquent, le double postulat du plein dveloppement des conditions matrielles et de la maturit politique des producteurs salaris. Pour quil y ait transition effective, il faut que ces deux conditions soient remplies et nous voici en possession de larme critique capable de dtruire le mythe du socialisme ralis :

    A un titre gai. les socits capitalistes par actions et les entreprises coopratives sont considrer comme des formes de transition entre ie mode de production capitaliste et le systme d'association, avec cette seule diffrence que, dans les premieres. l'antagonisme est surmont de manire ngative et, dans les secondes, de manire positive (ibid.9 p. 1179).

    Ce qui distingue, selon Marx, le mouvement ouvrier des mouvements sociaux eu pass, c est que ceux-ci taient dirigs par ces minorits au proilt de minorits. Le mouvement pro- letarien est le mouvement autonome de l'immense majorit

    35S . thique ci uiopie

    1. Le Capital, Livre III

  • De l'utopie la mythologie / 359dans lintrt de limmense majorit1. Cette thse exclut de toute vidence une troisime ventualit : les mouvements de minorits dans lintrt de limmense majorit autrement dit les agissements davant-gardes ou dlites bien intentionnes quelque... marxistes quils soient, svertuant guider, librer et sauver les masses :

    Nous avons formul, lors de la cration de lInternationale, la devise de notre combat : lmancipation de la classe ouvrire sera luvre de la classe ouvrire elle-mme. Nous ne pouvons, par consquent, faire route commune avec des gens qui dclarent ouvertement que les ouvriers sont trop incultes pour se librer eux-mmes, et quils doivent tre librs par en haut, cest--dire par des grands et petits-bourgeois philanthropes2.

    L ide de mission historique du proltariat est le concept clef du socialisme selon Marx; ce concept na rien de sociologique, pas plus que celui dautolibration. Il est normal que lidologie de parti se dbarrasse de ces deux concepts pour leur substituer le dogme de Tincarnation de la conscience ouvrire dans des avant-gardes politiques, voire dans des chefs de gnie. Marx a cru viter lcueil de lidalisme moralisant en liant l ide de mission celle de ncessit historique : le travailleur- esclave ne peut pas ne pas rver, ne pas vouloir ce que le fatum bourgeois lui commande. L ambigut de largument nenlve cependant rien sa puissance de persuasion que renforce le spectacle vcu dun monde allant la drive. Si Marx sest refus imiter les utopistes proposant au monde des recettes de salut, il n en a pas moins dfini les principes de sa propre vision de la socit future en se reconnaissant lhritier des grands btisseurs d utopies. De mme quil sest efforc de dgager le noyau rationnel de la dialectique hglienne, de mme il a tent de faire la synthse des lments crateurs lgus par ses prcurseurs visionnaires. 11 lui est ainsi arriv d imaginer son tour, mais sans svader du rel savamment observ, une socit et un mode de vie conus comme la tche historique de la classe des producteurs, les plus intresss matriellement et spirituellement une transformation radicale

    1. Manifeste communiste, conom ie, I, p. 172.2 Lettre circulaire adresse par Marx et Engels aux chefs de la social-

    dmocratie allemande, 17 septembre 1879.