12
1 I JUIN 2010I# 01 VIE PRATIQUE J’ai testé la nouvelle révolution sexuelle LE MENSUEL I # 02 ÉTÉ 2010 I Rue89.com POLITIQUE Jean Sarkozy prépare sa rentrée LE CHOIX DES LIBRAIRES DES POCHES POUR LES VACANCES Sète : tout sur ma mer REPORTAGE 3:HIKLPB=VUXWU\:?a@k@a@c@k; T 01511 - 2 - F: 3,20 E - RD BEL : 4,50 - CAN : 8,00 DC – CH : 7,80 FS TÉMOIGNAGE CES QUARTIERS OÙ LES LIVREURS NE VONT PLUS LE MENSUEL I # 02 ÉTÉ 2010 EXPLICATEUR La réforme des retraites pour les nuls ATTRAPE-TOURISTES Les plus grosses ficelles des restaurants EVA JOLY CE QUI DOIT CHANGER 3,20 SPÉCIAL ÉTÉ

Rue89 Le Mensuel, #2

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Rue89 Le Mensuel, numéro 2 - Eté 2010

Citation preview

Page 1: Rue89 Le Mensuel, #2

1 I JUIN 2010 I # 01

VIE PRATIQUEJ’ai testé la nouvelle révolution sexuelle

LE MENSUEL I # 02 ÉTÉ 2010 I Rue89.com

POLITIQUE Jean Sarkozy prépare sa rentrée

LE CHOIX DES LIBRAIRES

DES POCHESPOUR LES VACANCES

Sète : tout sur ma mer

REPORTAGE

3:HIKLPB=VUXWU\:?a@k@a@c@k;T 01511 - 2 - F: 3,20 E - RD

BE

L :

4,5

0 !

- C

AN

: 8

,00

DC

– C

H :

7,8

0 F

S

TÉMOIGNAGE

CES QUARTIERS OÙ LES LIVREURS NE VONT PLUS

LE

ME

NS

UE

L I # 0

2 É

20

10

EXPLICATEUR

La réforme des retraites pour les nuls

ATTRAPE-TOURISTES

Les plus grosses ficelles des restaurants

EVA JOLY CE QUI DOIT CHANGER

3,20! SPÉCIAL ÉTÉ

Page 2: Rue89 Le Mensuel, #2

I # 02 I ÉTÉ 2010 I 102

Page 3: Rue89 Le Mensuel, #2

# 02 ÉTÉ 201006 I INVENTAIRE

Tout sur la plage de Sète. Que gagne votre voisin de serviette, que paye-t-il ? … Et combien de grains de sable sur les pieds ?

16 I LA RENCONTREEva Joly : cette femme est un contre-pouvoir Entretien à hauteur présidentielle, à l’orée d’un été d’affaires

26 I LA POLITIQUEA la buvette de l’Assemblée Grandes et petites stratégies s’y élaborent. Visite d’un lieu secret29 Jean Sarkozy remonte sur scène Pour aller où ? 32 Tribune « DSK, Balladur de gauche » par Philippe Marlière

36 I LA SOCIÉTÉRobert Boulin, un cadavre de trente ans La justice tente de clore une nouvelle fois le dossier de la mort du ministre41 Témoignage « Là où j’habite, Darty a peur de me livrer »

44 I LE MONDEL’Iran des Iraniens « En images », par Paolo Woods 52 Explicateur Le toboggan d’Obama54 C’est vrai A Londres, la National Gallery expose des faux

66 I DOSSIERRESTOS, HÔTELS : COM’ ON VOUS PARLELes trucs des menus, le maquillage des hamburgers… Avant l’été, décryptage de quelques pièges à touristes

56 I ÉCO89La réforme des retraites pour les nuls Six questions pour comprendre le projet Woerth59 Michel Rocard : « Le gouvernement veut passer en force »62 Question/réponse Pourquoi Apple envahit les films64 Porte-monnaie Freeda, hôtesse de l’air, 2 200 euros par mois

Frissons de révolution Camille voit les prémices d’un changement profond des comportements sexuels88 Test Nos riverains ont essayé 10 sex toys90 Témoignage Judy Minx, actrice porno et militante

84 I RUE69

80 I PLANÈTE89Animaux Héberger des abeilles en banlieue

94 I LES MÉDIASQui possède les médias? Tour d’horizon des participations96 Patrick Eveno : « C’est le lecteur qui fait l’indépendance »100 Droit à l’information Augustin Scalbert mis en examen

102 I LA CULTURESélection poches Conseils de vos libraires pour l’été 108 Bande dessinée Henrik Lange croque les chefs d’œuvre

4 I ÉTÉ 2010 I # 02 I

114 LARUEESTÀVOUS

66

108COUVERTURE EVA JOLY/SÈTE © AUDREY CERDAN LIVRES © MLLE BISCOTTE/FLICKR

- LE MENSUEL16

84

41

61

L’Étranger

Meursault est un de ces existen-tialistes qui ne croient en rien. À l’enterrement de sa mère, transpirer, il peut mais pleurer, ça, il peut pas.

Un jour de grand soleil, Meursault tue un Arabe sur la plage, ce qui a donné un tube des Cure.

Il est condamné à mort et se sent soulagé quand il comprend que l’univers ne se soucie d’aucun d’entre nous.

Ça nous fait une belle jambe.

PA

GE

16

,41,

66

© A

UD

REY

CER

DA

N -

PA

GE

86

© M

EYER

/TEN

DA

NC

E FL

OU

E - P

AG

E 1

02

© H

ENR

IK L

AN

GE

Page 4: Rue89 Le Mensuel, #2

36 I ÉTÉ 2010 I # 02 I

LA SOCIÉTÉ I ENIGME

Mardi 29 octobre 1979, 8!h!40. Une pa-trouille de motocyclistes de la gendarme-rie aperçoit un corps flottant dans l’étang du Rompu. Nous sommes en forêt de Rambouillet, une légère brume scintille

sous le soleil d’automne. La victime, notent les enquê-teurs, flotte « dans la position du mahométan », dans 50 centimètres d’eau. En ramenant le corps sur le ta-lus, les gendarmes n’ont aucun doute : le noyé s’appelle Robert Boulin.

UN CADAVRE DE TRENTE ANS

Ces photos terribles prises par des policiers du SRPJ de Versailles, la famille Boulin ne les découvre que deux ans après le drame, en 1981, grâce à son avocat, Robert Badinter. Elles témoignent

de la violence des coups portés au visage. « A ce moment-là, nous découvrons deux mensonges, dit Fabienne Boulin-Burgeat, la fille de Robert Boulin. D’une part, que le procureur Barbat nous a menti en

© D

R

Robert Boulin : en 1979, c’était un ministre du Travail que certains voyaient bientôt Premier ministre. Puis, rattrapé par un scandale immobilier, il se suicide. C’est la thèse officielle. Plus grand monde n’y croit… sauf la justice, qui n’en finit pas de clore l’enquête.

DES PHOTOS

QUI ACCUSENT

Le visage de Robert Boulin, photographié peu après la

découverte du corps, porte des

traces très nettes de coups et de

blessures.

Par David Servenay I Rue89

Page 5: Rue89 Le Mensuel, #2

I # 02 I ÉTÉ 2010 I 1

DE TRENTE ANSBoulin est le ministre du Travail du gouvernement de Raymond Barre. Il a disparu la veille, en fin d’après-midi, après avoir été aperçu à Montfort-l’Amaury (en lisière de la forêt de Rambouillet) par des témoins qui l’ont reconnu. Depuis plusieurs semaines, le ministre fait l’objet d’une sévère campagne de presse lancée par Le Canard enchaîné. Boulin aurait profité de l’entourloupe d’un escroc, Henri Tournet, pour acheter à bas prix un terrain à Ramatuelle. Terrain devenu constructible par la grâce d’un préfet... Dans la matinée, la version d’un sui-

cide par noyade, sous l’e!et de barbituriques, est relayée par l’AFP, sur la foi de sources o"cielles. Trente ans plus tard, la justice reste accrochée à cette version. Le Valium a remplacé les barbituriques.La dernière décision juridictionnelle remonte à sep-tembre 1991, lorsque la juge Laurence Vichnievsky signe en huit jours une ordonnance de non-lieu sur l’informa-tion judiciaire pour homicide volontaire. Le dossier est cadenassé. Depuis, et malgré plusieurs tentatives, la famille Boulin n’a jamais pu obtenir la désignation d’un

affirmant que les blessures étaient dues à l’autopsie du crâne. C’est faux, puisque le crâne n’a pas été examiné lors du premier examen, sur ordre formel du procureur. Nous découvrons aussi l’état du corps

avant son passage par l’institut médico-légal, qui nous avait été interdit d’accès. » Ces photos ont été publiées une première fois dans Paris Match en 1983.

Page 6: Rue89 Le Mensuel, #2

I # 02 I ÉTÉ 2010 I 1

> nouveau juge d’instruction. Pourtant les éléments nou-veaux nécessaires à une réouverture ne manquent pas. Plusieurs contre-enquêtes journalistiques les ont mis en évidence, avec une conclusion : Robert Boulin a été assassiné.

« UN HÉMATOME DERRIÈRE LE CRÂNE. IL A ÉTÉ ASSOMMÉ »Dans l’ordre, commençons par le corps et ce visage de boxeur que l’identité judiciaire saisit dans la brume de l’étang du Rompu. La première autopsie, menée par les légistes de l’IML de Paris, n’en dit pas un mot, car le procureur de la République a interdit formellement l’examen du crâne. «!!Un souhait de la famille », a!rme-t-il, sans que celle-ci ait été consultée. Quatre ans plus tard, après avoir pris connaissance des ratés de l’enquête menée par le parquet, les Boulin portent plainte pour homicide volontaire. Leur nouvel avocat, Jacques Ver-gès, demande un examen anatomo-pathologique pour prouver la noyade. Les diatomées (micro-organismes) de l’eau contenue dans les poumons doivent être compa-rées à celles de l’étang. Impossible, répond l’IML, les pré-lèvements ont disparu. Comme tous les prélèvements d’organes, détruits.La seconde autopsie, réalisée à l’hôpital Pellegrin de Bor-deaux en novembre 1983, révèle trois fractures au visage. A l’évidence, Robert Boulin a été tabassé. Pire : il avait les mains attachées par un lien, qui a laissé des marques au poignet droit. Lors de ce second examen, Bernard Rumé-goux, assistant d’amphithéâtre ayant 20 000 autopsies à son actif, remarque en manipulant le corps «!un héma-tome derrière le crâne. Un coup, dit-il à France Inter. Pour moi [Robert Boulin] a été assommé. » Un détail absent du rapport des légistes. La justice n’a jamais interrogé ce témoin.En janvier 1988, L’Express révèle que l’examen des lividi-tés cadavériques indique que le corps a été déplacé post mortem. Les lividités sont des zébrures de sang coagulé qui a"eurent sous la peau, à cause de la gravité, dans les douze heures suivant le décès. Elles apparaissent sur le dos, alors que Boulin a été retrouvé flottant face contre terre.Deuxième « élément nouveau » : l’heure de la décou-verte du corps. O!ciellement, il est repéré à 8#h#40 du matin. Au cours de sa contre-enquête(1), Benoît Collom-bat, de France Inter, a recueilli plusieurs témoignages des hommes qui veillent au sommet de l’Etat cette nuit

d’octobre 1979. Raymond Barre, alors Premier ministre, raconte avoir appris la mort du ministre à 3 heures du matin, avant d’ajouter : « Nous ne pensions pas que le RPR allait assassiner Boulin"! » Barre n’est pas le seul à être alerté au bas mot cinq heures avant la découverte o!cielle. Yann Gaillard, directeur de cabinet du ministre du Travail, est alerté par son homologue de Matignon, Philippe Mestre, à 2 heures du matin. Jacques Douté, un ami restaurateur de Libourne, est même prévenu la veille à 20 heures, par un coup de téléphone anonyme.D’où vient cette information$? Qui a découvert le corps$? Vraisemblement une équipe emmenée par le procureur général de Versailles, Louis-Bruno Chalret, magistrat proche du SAC (service d’action civique) et des «$réseaux Foccart#»#. L’homme est la cheville ouvrière qui a ver-rouillé l’enquête. A son amie de l’époque, Marie-Thérèse Guignier, il confie$: «!C’est un truc à emmerdes. On a tout fait minutieusement comme il fallait. J’ai tout surveillé. Rien n’a été laissé au hasard. »

LES LETTRES DU « SUICIDE » ? DE SIMPLES PHOTOCOPIESReste la fameuse lettre censée prouver le suicide. Adres-sée à des amis politiques et à quelques médias (AFP, Sud Ouest), cette missive, reçue deux jours plus tard, est étrange. Elle commence ainsi : « J’ai décidé de mettre fin à mes jours. » Et se termine par : « Un ministre en exercice

Robert Boulin avec le Premier ministre, Raymond Barre, en décembre 1977. Il était alors ministre de l’Economie et des Finances.

© R

UE

DES

AR

CH

IVES

/ A

GIP

Page 7: Rue89 Le Mensuel, #2

I # 02 I ÉTÉ 2010 I 1

ne peut être soupçonné, encore moins un ancien ministre du général de Gaulle. Je préfère la mort à la suspicion, encore que la vérité soit claire. »Etrange d’abord dans la forme : la première et les der-nières phrases ne sont pas alignées avec le reste du texte, comme s’il s’agissait d’un montage. Sur le fond, ensuite!: cette lettre de quatre pages justifie point par point la défense de Boulin dans l’a"aire de Ramatuelle. En réalité, ce texte est un projet de réponse à la presse. La secrétaire particulière du ministre s’en souvient parfaitement, elle l’a pris en dictée dans son bureau. Robert Boulin en avait même parlé avec sa famille.

DES DOUTES DANS LE CLAN GAULLISTELors de l’enquête, les policiers de la brigade criminelle omettront de prendre en compte le témoignage du pos-tier de Montfort-l’Amaury, prétendant que l’homme est introuvable, ayant déménagé en Guadeloupe. « Faux, dit-il aux journalistes, j’ai pris ma retraite en Bretagne.!» Ro-bert Boulin aurait donc envoyé ces lettres, vers 17 heures, le 29 octobre. Ces lettres ou d’autres ? En tout cas, des missives bien plus lourdes qu’une lettre de 20 grammes, dit Denis Lemoal, le postier, qui se souvient d’avoir ajouté des timbres en voyant la mention « Ministère du Travail et de la Participation!» sur les enveloppes. Enfin, l’original de cette fameuse lettre ne sera jamais retrouvé. Seules des photocopies ont été versées au dossier, avant de dis-

paraître du co"re où elles étaient entreposées depuis 2007 au palais de justice de Paris.Dès l’annonce de la mort, plusieurs amis politiques de Boulin expriment publiquement leurs doutes sur une a"aire qui divise le camp gaulliste. Boulin était devenu «!premier ministrable». Gaulliste social, mais giscardo- compatible, il s’opposait frontalement à la montée en puissance du tandem Chirac-Pasqua. Le 31 octobre, à la tribune de l’Assemblée nationale, Jacques Chaban-Delmas parle d’un « assassinat ». En 2002, le vieux baron Olivier Guichard dit à Benoît Collombat sa conviction : « Je ne crois pas qu’il se soit suicidé. » Mais les contradic-teurs de la version o#cielle sont toujours une minorité dans le paysage politique.Mercredi 15 juin 2010, 8$h$40, dans le studio de France Inter, Michèle Alliot-Marie, ministre de la Justice, tente de justifier le refus, une semaine auparavant, du procu-reur général de Paris de rouvrir l’enquête en expliquant qu’il n’y a pas d’éléments nouveaux$: « Il y a des décisions de justice qui s’appliquent, dit la ministre. On peut d’au-tant moins me faire ce reproche que Robert Boulin était un ami de mon père et que par conséquent j’ai autant envie que quiconque de savoir ce qui a pu se passer.!»Un moment de flottement. L’ex-présidente du RPR a bien dit : « J’ai autant envie que quiconque de savoir ce qui a pu se passer. » Vraiment envie!? (1) Un homme à abattre. Contre-enquête sur la mort de Robert Boulin, Benoît Collombat, Fayard, 2007.

Lundi 29 octobre 1979. Disparition de Robert Boulin, en forêt de Rambouillet.Octobre 1980. Disparition des prélèvements de sang déposés au laboratoire de toxicologie de la préfecture de police de Paris.Mai 1983. Colette Boulin affirme sur TF1 qu’elle n’a jamais cru au suicide de son mari et qu’on a fait pression sur elle pour qu’elle se taise.Mars 1984. Début de

l’enquête du juge Corneloup, assisté par les policiers de la brigade criminelle.Juillet 1987. L’Express annonce que le réfrigérateur cadenassé de l’IML a été forcé, les prélèvements de poumon ont disparu.Janvier 1988. L’Express révèle que l’examen des lividités cadavériques sur le dos de Robert Boulin indique qu’il a été déplacé après la mort.

Septembre 1991. Ordonnance de non-lieu de Laurence Vichnievsky, après une lecture du dossier en quelques jours.Janvier 2002. Canal + diffuse une contre-enquête, Robert Boulin : le suicide était un crime, qui bat en brèche la version officielle.Octobre 2002. Après une contre-enquête de France Inter, la justice annonce l’audition de nouveaux

témoins, interrompant la prescription de dix ans.Janvier 2006. Fin des auditions des témoins, toujours pas de réouverture de l’enquête.Avril 2007. Dans un discours de campagne, Nicolas Sarkozy lance : « Et je n’oublie pas Robert Boulin... »2010. Nouvelle demande de réouverture de l’enquête par la famille, nouveau refus du parquet général.

LA JUSTICE ET L’AFFAIRE BOULIN : TRENTE ANS DE RENDEZ-VOUS MANQUÉS

Page 8: Rue89 Le Mensuel, #2

54 I ÉTÉ 2010 I # 02 I

LE MONDE I MUSÉES

Pendant des décennies, la Madone aux œillets (1506-1507) a été un vrai casse-tête pour l’histoire de l’art. On ne connaissait que des copies de cette œuvre de Raphaël, l’original restait introuvable. En 1991, le conservateur de la National Gallery, pris d’une soudaine intuition, convainc le musée d’acheter, pour 22 millions de livres l’une de ces copies, entreposée au château médiéval d’Alnwick, au Nord de l’Angleterre. L’infrarouge révèle, sous la peinture, une esquisse au crayon, caractéristique de la méthode de Raphaël et légèrement différente de l’apparence finale. Scientifiques et historiens d’art sont formels. C’est bien la preuve qu’il ne s’agit pas d’une copie, mais d’une œuvre originale du maître italien. Le flair du conservateur, Nicholas Penny, a été récompensé. Il est devenu depuis le directeur de la National Gallery.

Comme tous les musées du monde, la National Gallery s’est fait avoir lors de certaines acquisitions. Mais grâce à son département scientifique, créé en 1934 pour détecter le smog dans les salles d’exposition, le musée est capable de distinguer le vrai du faux. Armés de mi-croscopes et de lecteurs infrarouges, les chercheurs de ce laboratoire de pointe peuvent reconstituer toutes les étapes de la vie d’une œuvre d’art.Présentée jusqu’au 12 septembre, l’exposition « A la loupe!» propose au visiteur de se glisser entre les couches de peinture pour entrer dans l’intimité de 40 tableaux et jouer aux devinettes : lequel est un faux, une copie ou un authentique chef-d’œuvre ?En juin 1874, la National Gallery est en e"ervescence après l’acquisition de deux Botticelli. Les experts du musée sont particulièrement impressionnés par Une allégorie (tableau du haut), pour laquelle ils déboursent 1 627 livres sterling – ce qui correspondrait aujourd’hui à environ 1 million d’euros, en tenant compte de l’évolution des revenus. A titre de comparaison, une Liz Taylor d’An-dy Warhol, mise aux enchères le 30 juin chez Christie’s à Londres, est partie pour un montant record 6,7 millions de livres –!près de 8,3 millions d’euros . Ils ne paient que 1 050 livres sterling pour l’autre toile (tableau du bas),

Quel est le Botticelli ?

Vénus et Mars. Manque de flair ! On se rend vite compte qu’Une allégorie n’a pas toutes les caractéristiques du génie de la Renaissance italienne. L’œuvre, finale-ment attribuée à un disciple du maître, quitte les feux de la rampe. Elle reste cependant une œuvre d’époque, conçue entre 1490 et 1550. Quant à Venus et Mars, c’est aujourd’hui une pièce maîtresse de la National Gallery –! et l’un des Botticelli les plus célèbres au monde. Elle est datée de 1485.

La National Gallery expose ses plus grosses bourdes : des faux pris à tort pour des chefs-d’œuvre.

Par Sylvain Biville | Journaliste (de Londres)

LA COPIE ÉTAIT UN AUTHENTIQUE RAPHAËL

Vrai/copie. Une allégorie (en haut), Vénus et Mars (en bas): l’un des deux

seulement est un authentique Botticelli. Lequel? Réponse dans l’article.

© N

ATIO

NA

L G

ALL

ERY,

LO

ND

ON

, TO

UTE

REP

RO

DU

CTI

ON

INTE

RD

ITE.

Page 9: Rue89 Le Mensuel, #2

INFOMIX LE MONDE

ENBREFENPLUS

Bobby Fischer exhumé Mort en 2008, Bobby Fischer est considéré comme le plus grand joueur d’échecs de tous les temps. Un tribunal islandais a décidé d’exhumer son corps pour résoudre un problème de paternité.Marilyn Young, la mère d’une fillette philippine de 9 ans, affirme que Bobby Fischer est le père naturel de sa fille et réclame sa part d’héritage de l’ancien champion du monde d’échecs, mort à 64 ans. Elle a présenté des cartes postales de Fischer signées « papa » et la preuve qu’il lui avait envoyé régulièrement de l’argent jusqu’à sa mort.Deux femmes s’affrontent dans ce combat : Marilyn Young, qui affirme donc avoir eu une liaison avec Bobby Fischer, et Miyoko Watai, une Japonaise, présidente de la fédération d’échecs du Japon, qu’il avait épousée en 2004 et avec laquelle il a également eu une fille. Il faut y ajouter deux neveux de Fischer, ainsi que le Trésor américain, qui réclame des arriérés d’impôts…Tout ça pour une fortune estimée à 2 millions de dollars, une somme faible au regard de la gloire et de la notoriété de Bobby Fischer. Ce dernier n’a pas laissé de testament. Pierre Haski

LAPHRASE

ENUNMOT

ENIMAGE

Internet est complètement dépassé. C’est comme MTV. A un moment MTV était branché. Maintenant c’est démodé

Lithium. Des géologues américains ont découvert en Afghanistan de gigantesques réserves de minerais, dont du cuivre et du lithium, évaluées à plusieurs milliards de dollars. D’après les Etats-Unis, ces réserves de métaux précieux pourraient propulser l’Afghanistan parmi les premiers exportateurs de minerais mondiaux. Le président afghan, Hamid Karzaï, a mis en garde samedi contre une gestion incontrôlée de ces richesses :« Si on ne met pas en place des règles de régulation fortes sur l’exploration des gisements de minerais, dans dix ans ces ressources pourraient devenir un désastre pour nous. »

PRINCE, CHANTEUR

Pizzaiolo Après trois ans et demi de prison, le lobbyiste Jack Abramoff, condamné dans plusieurs affaires de corruption, escroquerie et fraude, a trouvé un boulot plus humble. Le millionnaire déchu, qui avait ses entrées à la Maison-Blanche à l’époque Bush, est employé d’une pizzeria de Baltimore.

SuperhérosSeul derrière Ben Laden, il pensait faire mieux que les services secrets américains et les forces armées internationales. L’objectif de Gary Brooks Faulkner, un Américain d’une cinquantaine d’années, était de capturer Oussama ben Laden. Arrêté au Pakistan, près de la frontière avec l’Afghanistan, il avait fait chemin seul avec son pistolet, son couteau, son épée et ses lunettes infrarouges pour voir de nuit.

Une couverture du New Yorker, par le dessinateur Barry Blitt, a tellement plu à Obama qu’il a demandé un exemplaire autographié. On y voit le président des Etats-Unis en train de marcher sur l’eau, et tout à coup perdre pied. Une façon de présenter les problèmes surgissant sous ses pas (la réforme de l’assurance-maladie, notamment) et sa chute dans l’opinion.

EN

PL

US

© Y

UR

IKO

NA

KA

O/R

EUTE

RS

I # 02 I ÉTÉ 2010 I 55

Page 10: Rue89 Le Mensuel, #2

102 I ÉTÉ 2010 I # 02 I

FUCK AMERICA EDGAR HILSENRATHÇa raconte quoi ? Edgar Hilsenrath raconte le parcours d’un jeune écrivain juif allemand. Immigré aux Etats-Unis après la Seconde Guerre

mondiale, il tente d’y écrire l’œuvre de sa vie : raconter son expérience des ghettos dans une langue dont tout le monde se fout, tout en assouvissant un appétit sexuel quasi permanent. Pour subvenir à ses besoins, il doit abandonner l’écriture pour postuler à des emplois plus minables les uns que les autres.

Pourquoi je vous le conseille À travers ce portrait, c’est l’Amérique terre d’accueil qui est mise à mal. Un pays arrogant, tourné vers le profit à outrance, qui n’a que faire des états d’âme d’un pauvre juif exilé. On découvre un auteur à la langue insidieuse et provocatrice. Avec ses railleries permanentes et son ton déjanté, il se permet toutes les audaces. Il parle aussi des camps d’extermination et des horreurs commises par les nazis, pour dénoncer l’ignominie humaine.

Ed. Points Seuil, 2009, 7 !.

AU BON ROMAN L. COSSÉ Ça raconte quoi ?Deux fondus de littérature ouvrent une librairie dédiée aux chefs-d’œuvre. Pourquoi je vous le conseille Ce roman passionnant et politiquement incorrect est une déclaration d’amour aux lecteurs, à la littérature et à ce que le métier de libraire a de plus noble. Une œuvre contre ceux qui n’envisagent plus le « livre » que comme un produit de consommation de masse.

Ed. Gallimard, Folio, 2009, 6,60 !.

CULTURE8+9POCHES SÉLECTION PARTICIPATIVE

LES COUPS DE CŒUR DE VOS LIBRAIRESNous avons demandé aux riverains de Rue89 de nous indiquer leurs librairies préférées, puis chacun des libraires a défendu son livre fétiche, celui qu’il aime conseiller. D’où cette sélection : 17 romans en édition de poche, que vous ne regretterez pas. Dossier réalisé par Emma Bonzom I journaliste

Sophie Librairie L’échappée belle, Sète

Nathalie Librairie Kléber, Strasbourg

© A

UD

REY

CER

DA

N

Page 11: Rue89 Le Mensuel, #2

I # 02 I ÉTÉ 2010 I 102

LE MAÎTRE DES ILLUSIONS DONNA TARTT Ça raconte quoi ? Donna Tartt, dans un style ciselé, d’une maturité époustouflante, dissèque les mécanismes qui vont faire voler en éclats un petit cercle sophistiqué d’étudiants en grec ancien d’une université huppée du Vermont. Satanisme,

TESTAMENT À L’ANGLAISE JONATHAN COE

Ça raconte quoi ? Tabitha Winshaw, vieille aristocrate anglaise que ses frères et sœurs croient folle et paranoïaque, décide de charger Michael Owen d’enquêter sur la mort de son frère, survenue au

cours de la Seconde Guerre mondiale. S’ouvre alors une galerie de portraits des membres de la famille Winshaw, figures haut placées de la société britannique. Au fur et à mesure que tombent les masques de la richesse et de la réussite sociale, on découvre une famille étouffée par les secrets, les manigances politiques et la soif du pouvoir.Pourquoi je vous le conseille L’auteur nous offre une fresque familiale étourdissante à l’humour incisif, parfois grinçant, pour notre plus grand plaisir.

Ed. Gallimard, Folio, 1994, 9,20 !.

Sébastien et Pierre Librairie Les deux mondes, Bastia

Bénédicte Librairie Le Failler, Rennes

L’OMBRE DU VENT CARLOS RUIZ ZAFONÇa raconte quoi ? A Barcelone en 1945, un père emmène son fils Daniel, 10 ans, dans un lieu réservé à quelques privilégiés, le « cimetière

des livres oubliés ». Daniel doit adopter un livre parmi des milliers et le préserver envers et contre tout. Il choisit L’Ombre du vent, de Julien Carax, mystérieux auteur dont tous les romans semblent avoir été brûlés par un personnage au visage cauchemardesque. Daniel va découvrir comment la vie de Carax a été bouleversée par l’amour, les trahisons et la peur, dans une « ville des prodiges », mystérieuse et captivante.

Pourquoi je vous le conseille C’est un livre d’une puissance extraordinaire. Superbe de poésie, de tendresse, de surréalisme. Si la météo perturbe vos vacances, ce livre vous apportera le soleil manquant. Puis vous n’aurez qu’une envie: prendre le premier train pour Barcelone.

Ed. Grasset, 2004, 21,50 !.

Nath et James Librairie Mots et merveilles, Font-Romeu

meurtres, sexe, drogues, mensonges, les personnages de Tartt, formidablement écrits, vont faire l’expérience du Mal, et personne n’en sortira indemne. Le lecteur moins que quiconque, happé par le suspens magistral et l’atmosphère étouffante du Maître des illusions.

Pourquoi je vous le conseille Roman d’initiation, polar, tragédie grecque, thriller psychologique, ce livre est tout cela à la fois. Ce diamant noir est l’objet d’un véritable culte à travers le monde. Se lancer dans la lecture de cet hypnotique pavé de 700 pages, c’est plonger dans un monde de faux-semblants, de manipulations et de perversions. Un chef-d’œuvre à l’odeur de soufre qui vous hantera longtemps.

Ed. Pocket, 2004, 7,30 !.

Page 12: Rue89 Le Mensuel, #2

Abonnez-vous et restez au lit. Je m’abonne en une minute sur http://lemensuel.rue89.com 1/ Je bénéficie d’une réduction de 20 % sur le prix de vente au numéro (34 ! par an, au lieu de 43 !).

2/ Je soutiens une information libre et indépendante.

3/ Je peux rester au lit : mon numéro arrive chez moi tous les mois.

LE MENSUEL

© J

AC

OB

S ST

OC

K P

HO

TOG

RA

PH

Y/G

ETT

Y IM

AG

ES OFFRE

D’ABONNEMENT