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DÉCOURAGEANT Le sport ne fait pas maigrir LE MENSUEL I # 04 NOVEMBRE 2010 20 MILLIONS D’AMIES Le business Marc Levy QUAND LES POLITIQUES SE JUSTIFIENT CUMUL DES MANDATS : LE CONCOURS DE MAUVAISE FOI DIPLÔME BLUES Ingénieure bac+5, elle bosse chez McDo 3:HIKLPB=VUXZUY:?a@a@a@o@k; T 01511 - 4 - F: 3,50 E 3:HIKLPB=VUXZUY:?a@a@a@o@k; EXCLUS DE LA PROCRÉATION ASSISTÉE, ILS TÉMOIGNENT J’AI FAIT UN BÉBÉ HORS LA LOI REPORTAGE MORTEL La vie au cimetière SÉRIE CLASSIEUSE Trois raisons d’aimer Mad Men PROVOC secoue Niqabitch le débat BEL : 4,50 - CAN : 8,00 DC – CH : 7,80 FS LE MENSUEL I # 04 NOVEMBRE 2010 I Rue89.com N ° 4 Le nouveau mensuel d’actualité

Rue89 Le Mensuel : extraits du numéro 4

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Découvrez des extraits du numéro 4 du magazine Rue89 Le Mensuel, en kiosque le 15 octobre : l"'inventaire subjectif" du Père-Lachaise, ou la vie du plus célèbre cimetière parisien ; l'histoire d'un magistrat-blogueur masqué ; une enquête drôlatique sur les pictos hommes/femmes sur les portes de toilette

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Page 1: Rue89 Le Mensuel : extraits du numéro 4

1 I juin 2010 I # 01

dÉcourageant

Le sport ne fait pas maigrir

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L I #

04

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20

10

20 millions d’amies

Le business marc Levy

quand les politiques se justifient

cumul des mandats : le concours de mauvaIse foI

diplÔme blues

ingénieure bac + 5, elle bosse chez mcDo

3:HIKLPB=VUXZUY:?a@a@a@o@k;T 01511 - 4 - F: 3,50 E

3:HIKLPB=VUXZUY:?a@a@a@o@k;

excLus De La procrÉation assistÉe, iLs tÉmoignent

j’ai fait un bÉbÉ hors la loi

reportage mortel

La vie au cimetière

sÉrie classieuse

trois raisons d’aimer Mad Men

provoc

secoue niqabitch

le débat

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Le mensueL I # 04 novembre 2010 I rue89.com

n °4Le nouveau

mensuel d’actualité

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Page 2: Rue89 Le Mensuel : extraits du numéro 4

14 I novembre 2010 I # 04 I

inventaire SUBJECTIF

Photo porcelaine ovale entre

150 � (noir et blanc) et 180 �

(couleur)

lEpÈrElaChaISEEnChIFFrESOuvert en 1803

Plus de 1 mIllIon de PersOnnes enterrÉes

Plus de 2 mIllIonS de vIsIteurs

72 emPlOyÉs oUvErT ToUS lES JoUrS sauf en cas de vents fOrts et de neIge

5 POrtes

44 hectares

70 000 tOmbes

5 000 arbres

en 2009, 200 cOncessIOns et 575 cases de cOlOmbarIum vendues

70 tOurnages Par an 70 cOmmÉmOratIOns et cÉrÉmOnIes OffIcIelles Par an

2 500 lettres Par an.

14-15-pere_lachaiseNEW.indd 14 08/10/10 14:52

Page 3: Rue89 Le Mensuel : extraits du numéro 4

I # 04 I novembre 2010 I 15

vie d’un cimetiÈre

le pÈre-lachaise

Dans la boutique des

Pompes funèbres générales, en face du Père-Lachaise. L’entreprise traite

170 000 décès par an en France. Elle a eu le monopole communal

sur la mort jusqu’en 1993.

Le Père-Lachaise ressemble à Paris : vivant, dense, secret. rue89 s’est promené autour du cimetière et dans ses allées pour vous raconter ce qu’y font les vivants. visite dans les coulisses des pompes funèbres, rencontres au pied des tombes hantées par des passionnés. La mort est un flot de larmes, de paperasse et de milliers d’euros dépensés pour ceux qui restent, mais « elle n’est rien pour nous », disait epicure.

Reportage Zineb Dryef I Photos Audrey Cerdan I Rue89

Fleurs en plastique

« dessus de cercueil »213,20 ¨

chiffre d’affaires

des pfg 520 millions

d’euros par an 16 000

monuments posés dans

les cimetières de France

par an145 000 cercueils produits par an

14-15-pere_lachaiseNEW.indd 15 08/10/10 14:52

Page 4: Rue89 Le Mensuel : extraits du numéro 4

Selon leS pompeS funÈbreS,

leS cercueilS coÛtent entre

450 � (pin) et pluS de 3 700 � (chÊne,

orme maSSif). le prix moyen :

850 �

1 franÇais sur 5 organiSe

Son propre enterrement via un contrat obSÈqueS.

la dÉpenSe eSt Souvent pluS importante.

urne 80 �

dernier shopping

On ne peut plus mettre les cendres

dans différentes urnes ou les éparpiller n’importe où, mais

la loi est mal faite parce qu’il n’y a aucun contrôle possible. Je me

souviens d’un motard qui voulait être dispersé le long du périph.

J’ai dit à la famille que ce n’était pas possible, mais je n’ai aucun

moyen de vérifier.

Une employée des pompes funèbres

Autrefois, les couronnes en porcelaine décoraient les tombes. Aujourd’hui, on achète de vraies fleurs pour les enterrements et des fleurs en plastique pour les tombes.

pour 9 �, on peut ajouter un « inter » (« A ma mère »). personnalisées, elles sont plus chères (150 à 300 �).

les services funéraires sont soumis à un taux de tva de 19,6 %, contrairement aux autres pays de l’ue.

On est victimes d’un impôt sur la mort. Il y a eu des mouvements sociaux, mais nos moyens de pression sont limités : on ne vas pas défiler en corbillard sur les Champs-Elysées. Un employé des pompes funèbres

Plaque 13 �

pour Éviter de dÉnaturer le cimetiÈre, claSSÉ en totalitÉ, leS bÂtimentS

de france valident chaque nouvelle poSe

de monument funÉraire, mÊme pour la pluS

Simple deS pierreS tombaleS. danS

certainS carrÉS, il n’eSt poSSible de

poSer que du granit ou du marbre.

un monument moyen coÛte entre 3 200 �

et 5 000 �. Le moins cher : 980 �

Bouquet de roses artificielles

70 �

Les familles choi-

sissent sur catalogue puis viennent ici. Tout est fait pour ne pas se

projeter ou projeter le défunt dans le

cercueil.

Porte-monnaieinhumation : 3500 � minimum crémation : 600 €.

La concession à perpétuité (le terrain nu) coûte  11 306 € dans les 20 cimetières parisiens. les concessions pour dix, trente et cinquante ans sont moins onéreuses et renouvelables.

Les concessions cinéraires (urnes) coûtent entre 352 € (dix ans) et 1 660 € (cinquante ans). par manque de place, il n’est plus possible de réserver une concession à l’avance ; seules les urgences sont traitées.

Les pompes funèbres  proposent des facilités de paiement (échelonne-ment, prise en charge par la mutuelle), mais pas de crédit. la famille est autorisée à pré-lever jusqu’à 3 500 � sur le compte du défunt pour le paiement des obsèques.

Cette année, les gens ont moins dépensé pour les ornements et la cérémonie. Un employé des pompes funèbres

inventaire i Le PÈre-Lachaise

Salle deS cercUeilS deS PomPeS

FUnÈbreS GÉnÉraleS

16-17-pere_lachaise.indd 16 08/10/10 03:18

Page 5: Rue89 Le Mensuel : extraits du numéro 4

Mattei Dogan, sociologue vivant Sa tombe est érigée depuis 1990.

Je ne voulais pas laisser une charge à mes suc-cesseurs, alors j’ai commandé ce livre de 2 tonnes. La mort n’est pas du tout présente dans mon esprit. En vingt ans, je suis allé deux ou trois fois sur ma tombe pour la montrer à des amis. On me dit que la foule qui visite Balzac

s’arrête sur ce gros livre.

Joaquim Lopez, thanatopracteur

Entré dans la thanato comme d’autres en religion, il prépare un docto-

rat et un documentaire sur le sujet. Son projet : monter « Thanatoprac-

teurs du monde sans frontières » parce qu’« on parle beaucoup d’aide

psychologique pour les victimes de catastrophe, mais cela passe d’abord

par le respect apporté à leurs morts ». Soins : 1 h 30 à 2 heures par corps.

Ils n’y sont plusDes milliers De visiteurs fleurissent les

tombes De maria Callas, De vinCenzo bellini

et De GioaCChino rossini, mais les trois Corps

ont ÉtÉ exhumÉs il y a Des DÉCennies.

« Inter » 9 »

Les Pompes funèbres générales

conservent des milliers de clés. Ce sont celles,

confiées par les familles, des chapelles

du Père- Lachaise.

4 ouvriers d’une entreprise de pompes

funèbres enlèvent une pierre. le client,

mécontent, exige qu’ils en reposent une

« à la bonne taille ».

aLbuMS DIffuSÉS DanS La MaISon

funÉraIre :source de lumiÈre –

voix d’espÉrancearbre de paix – voix

d’espÉrancesouffle d’amour – voix d’espÉrance

* Enfin seul !

*  Passant, médite ces mots. Egoïsme, jalousie, causes

de tous nos maux.

*  Nous te répétions souvent : tu seras un homme, mon fils. Hélas, tu n’es que poussière,

mais tu restes dans nos souvenirs.

*  Ne craignez pas ceux qui tuent le corps,

mais ceux qui tuent l’âme.

* Ce qui semble mourir ne fait que se préparer à revivre.

* Pfff…

* Toujours présente dans les pensées de son mari plus âgé.

*  Il n’y a point de ténèbres. Les morts ne sont pas

moins réels que les vivants.

ÉpItaphes

16-17-pere_lachaise.indd 17 08/10/10 03:19

Page 6: Rue89 Le Mensuel : extraits du numéro 4

inventaire i le pÈre-lachaise

ÉternitÉ

Un panneau indique : concession en reprise

administrative aux fins de sauvegarde.

Si aucun membre de la famille ne se manifeste, la tombe, à l’état d’aban-

don, sera reprise par la Ville.

plus haut monument des cimetières parisiens, cette tour de 16 mètres est visible depuis Montmartre. Œuvre de l’architecte Cendrier, elle a été érigée avant la mort du

diplomate, en 1836. Désormais cadenassée, elle aurait abrité

de curieuses cérémonies.

A proximité de l’unique crématorium de Paris,

environ 38 000 cases funéraires.

Par manque de place, impossible d’avoir

une case perpétuelle. environ 352 8 pour 10 ans.

Martine visite une ou deux fois par mois la tombe de ses grands-parents et de ses frères.

C’est surtout les femmes de la fa-mille qui viennent. Mes frères étaient enterrés porte de Pantin. Je me suis dit qu’il valait mieux que la famille soit réunie au même endroit. J’apporte des fleurs et j’arrose les plantes. C’est du

respect pour ceux qu’on a aimés. Je ne les laisse pas tomber même s’ils sont partis.

les monuments collectifs (crashs,

guerres) contiennent rarement des corps.

Ainsi celui du vol rio-Paris : aucun

corps, aucun nom. Le terrain a été offert par le maire de Paris.

Une quarantaine de tombes fleuries

et nettoyées tous les

jours.

frÉdÉric nettoyage

et entretien

des sÉpultures

Je suis là

par curiosité, je regarde les photos

surtout et j’imagine la vie qu’ils auraient pu

avoir. Ce qui nous passionne, c’est la nou- veauté. On essaie de résoudre des énigmes en aidant les familles à retrouver un ancêtre oublié. On retrouve des gens, comme Zuba-loff, un donateur majeur du Louvre, ou le Dr  Gachet [celui de Van Gogh, ndlr], que plus personne ne vient voir. En  lisant les noms sur les

tombes, on retrouve aussi les liens de famille entre personnalités

du monde politique, artistique… Rendez-vous compte  : 65  sur

280  inventeurs français sont au Père-Lachaise, et au moins

370 personnes enterrées ici ont don-né leur nom à une rue de Paris.

olivier et gilles,

promeneurs passionnÉs,

recensent les tombes depuis deux ans. Mathieu, p

romeneur,

directeur d

es

ressources humaines

tombe de

Balzac

tombe de Félix de Beaujour

tombe air

France

colum- barium

18-19-pere_lachaise.indd 18 08/10/10 16:48

Page 7: Rue89 Le Mensuel : extraits du numéro 4

Près de la tombe de Jim Morrison, un arbre, des

barrières, un gardien et l’unique réverbère du

cimetière : en fait, une caméra de surveillance.

boutique

de souvenirs

Produits les Plus vendus :les cartes postales,

le tee-shirt et le buste de Jim morrison

(29 ¸)

restau-

ratrice le patrimoine funéraire est préservé par la

ville de Paris. ici, des retouches à la chaux

sur la tombe d’Anton reicha,

compositeur.

luc, visiteur, écoute de la musique

Ici, je sens les feuilles mortes et

j’entends les oiseaux. Tu sais, je suis allé en Inde avec des gens que j’ai rencontrés

sur la tombe de Jim, c’est mieux que le café

du coin.

Altiz, diseur de bonne aventure installé devant l’entée du cimetière : Un mon-sieur est venu après avoir visité une tombe, d’autres vont voir Allan Kardec, le père du spiritisme, mais les questions ne sont pas

liées aux défunts ou à la mort.

I # 04 I noveMbre 2010 I 19

Une joggeuse mise dehors par un

gardien : « On ne court pas ici. »

La vitesse est limitée à 20 km/h.

Sur la tombe d’Auguste Maquet,

le nègre d’Alexandre Dumas, les titres des œuvres auxquelles

il a contribué.

« Les chats ont disparu. Avant, ils

remontaient parfois avec un os. Il reste

Garfield, le chat mélomane. Il aime

beaucoup Chopin. »

Une dame pleure sur la tombe de son mari, mort en 1984 :

Mon mari, je ne l’oublie pas.

Ce monument m’a coûté cher

mais c’était son argent,

il le méritait.

vu &

entendu

Une copine :

Je veux me

faire enterrer ici.

On vient ici

entre les cours.

C’est calme et

c’est beau.

marnie,

16 ans, écrit :

« Light my fire. »

Jackie, guide non officielle, 8 ̧la visite : Je fais les personnalités importantes, mais

on m’en demande souvent qui ne sont pas là : Debussy, Hugo, Chaplin ou Darry Cowl. Chaplin, c’est un homonyme. Hugo, c’est son père, et Debussy a été transféré ailleurs. [Darry Cowl a aussi été déplacé, ndlr].

thierry Le roi, un des deux guides

officiels du P-L, 8 ̧ la visite :

Lorsque je vois des vols ou des dégradations,

j’avertis la conservation. On est des acteurs

importants du lieu. Je suis là pour mettre le lieu

en valeur et donner envie aux gens de revenir.

Un cimetière, c’est un endroit vivant. Il n’y a

rien de morbide, mes visites sont surtout des

approches artistiques et historiques du lieu.

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Page 8: Rue89 Le Mensuel : extraits du numéro 4

30 I novembre 2010 I # 04 I

la sociÉtÉ i masque et plume

les Spiripontains n’en sont toujours pas re-venus. Oui, les Spiripontains : habitants de Pont-Saint-Esprit, Gard. Cette charmante petite commune vit depuis des années un vaudeville politico-financier dont il est de-

venu impossible de résumer les multiples péripéties. Dernière en date : l’auteur anonyme qui tenait un blog satirique dirigé contre le maire, Gilbert Baumet, a été démasqué. C’était un magistrat de la chambre régionale des comptes. Le blog s’appelait Le Journal de Gilbert B. – toute ressemblance avec « Le journal de Carla B. » du Canard enchaîné serait fortuite.Gilbert Baumet est maire de Pont-Saint-Esprit depuis trente-neuf ans. Un long règne pour cet ancien ministre délégué au Commerce et à l’Artisanat de Bérégovoy, pas-sé du gaullisme au Parti radical en passant par le PS et l’UDF. Un parcours presque aussi étourdissant que l’état des finances de sa commune, dont l’endettement s’éle-vait en 2009 à 20,7 millions d’euros. Plus de 2 000 euros par habitant, puisque la commune en compte 10 000. Depuis dix ans, la situation de la commune est pointée par la chambre régionale des comptes du Languedoc-Roussillon, qui multiplie les avis, jusqu’à un rapport d’observations définitives daté de 2008 : mauvaise ges-tion, clientélisme électoral et folies pyrotechniques… Pour redresser la situation, la préfecture du Gard exige de fortes hausses d’impôts. La grogne monte parmi les Spiripontains, et l’opposition se déchaîne. Trois retrai-tés sont blessés lors d’un rassemblement de contri-buables. Le maire démissionne, puis se rétracte. C’est là que « Gilbert B. » fait son apparition. Propos grinçants, satire, le blogueur sait porter la plume dans la plaie. Le Journal de Gilbert B. (fermé depuis) a ses fans. Les proches du maire, on s’en doute, n’en font pas partie. René Stéfanini, directeur des services de la municipa-

lité, accuse le blogueur masqué d’être responsable, par des mots « utilisés en connaissance de cause », d’« actes

de violence morale et physique à l’encontre des élus » (qui ont reçu des tomates). En juillet, Stéfanini porte plainte contre X pour dif-famation. Une enquête est ouverte. Le 17 septembre, surprise, on apprend que Jean-Paul Saleille, rapporteur de la chambre régionale des comptes du Languedoc-Roussillon, a été mis en examen en tant que présumé administrateur du Journal de Gilbert B.

un homme cagoulÉ agresse le maire pendant son joggingGilbert Baumet triomphe, lui qui dénonçait depuis le début les erreurs du rapport de la chambre régionale des comptes. Il faut dire que M. le maire a été (jusqu’en 2008) professeur de finances locales à l’institut d’études politiques d’Aix-en-Provence. « Il y avait dans le rapport

de M. Saleille des erreurs magistrales que même un de

mes étudiants ne ferait pas. » Erreurs magistrales ? Le président de la chambre régio-nale des comptes, Nicolas Brunner, estime qu’« une er-

reur de comportement ne discrédite pas le travail de toute

une cour ». Il souligne que « le rapporteur n’e�ectue pas

un travail solitaire » et que « les rapports sont établis en

fonction de ce que lui donne la commune ». Depuis 2007, le travail de la cour a permis de réduire le déficit bud-gétaire de la commune de plus de 10 millions d’euros. Nicolas Brunner maintient que la hausse des impôts était inévitable et qu’un autre rapporteur n’aurait pas fait autrement vu la situation financière de la commune.Ce serait mal connaître Gilbert Baumet que de croire qu’il peut se ranger à ces arguments. L’édile est combatif. En pleine a�aire, il a été agressé pendant son jogging par un homme cagoulé, qui serait « surgi de l’ombre » armé

le magistrat bloguait la nuitLe rapporteur de la chambre régionale des comptes moquait sur son blog la gestion désastreuse du maire. Qui parle d’un nouveau complot ourdi contre lui. Le blog est fermé. Par Camille Garcia I Rue89 I Illustration mathilde Aubier

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Page 9: Rue89 Le Mensuel : extraits du numéro 4

I # 04 I novembre 2010 I 31

d’un bâton, et a aussitôt porté plainte contre X. Plusieurs fois par le passé, il a déjà été victime d’agressions. En 1980, une bombe a explosé à son domicile et, en 1994, il a reçu une balle de revolver dans la jambe. Aucun des auteurs n’a été retrouvé.Aujourd’hui encore, Gilbert Baumet est persuadé d’être victime d’un complot : « Je suis e�aré, c’est un drôle de scandale. Celui qui a fait ça, soit il est incompétent, soit il est couvert, mais il y a eu combine. » Il envisage de de-mander l’annulation des hausses d’impôts « injustes et

inutiles », qui ont été « fatales pour les Spiripontains ». Il promet d’obtenir la mise en examen du préfet et me-nace : « Je crois qu’on peut s’attendre à d’autres coups de théâtre, j’irai jusqu’au bout. »Quant au magistrat présumé justicier, il risque, outre une sanction pénale, une procédure disciplinaire de la Cour des comptes pour avoir enfreint son devoir de réserve. Jean-Paul Saleille travaille désormais à la chambre régionale des comptes de Toulouse. Selon son secrétariat, il ne souhaite plus s’exprimer sur l’a�aire.

30-31-magistrat.indd 31 06/10/10 07:49

Page 10: Rue89 Le Mensuel : extraits du numéro 4

88 I novembre 2010 I # 04 I

rue69 I genres

Rien de plus banal que les pictogrammes indiquant où se trouvent les toilettes pour hommes et celles pour femmes : on tombe dessus presque à chaque fois qu’on se rend dans un lieu public. Pour beaucoup de gens, la séparation hommes/femmes et les dessins uti-lisés pour les distinguer semblent anodins et nécessaires.Les transsexuels savent qu’il peut y avoir des débats compliqués pour

décider qui a le droit à l’un ou à l’autre côté des toilettes [le problème

s’est posé par exemple au Parlement

italien pour la députée transsexuelle

Vladimir Luxuria, ndlr].

Quand on se penche sur le sujet, on découvre que la séparation des toi-lettes publiques est en fait l’une des façons les plus courantes de renfor-cer la dualité homme/femme.C’est pourquoi les indicateurs utilisés sont très révélateurs de la

façon dont nos sociétés conçoivent le genre. Ils identifient bien sou-vent l’homme comme l’universel et la femme comme sa variation. Ils expriment aussi ce qu’on attend d’un genre, et associent presque toujours genre et sexe.J’ai donc recueilli, classifié et ana-lysé pour vous quantité d’écriteaux posés sur des portes de toilettes, que j’ai classés en différentes catégories.

machos pictos

coUp De gUeULe. sur les portes des toilettes, des panneaux qui font mauvais genre.

Selon la blogueuse canadienne marissa, la façon dont sont séparés femmes et hommes aux WC trahit notre perception des sexes.Par marissa I Blog « This is Hysteria » I Traduction marion Cerdan

88-91-machos.indd 88 05/10/10 15:13

Page 11: Rue89 Le Mensuel : extraits du numéro 4

I # 04 I novembre 2010 I 89

L’humain, c’est Le mÂLe, la femme n’est qu’une varIanteParmi les piliers de la domination

masculine, il y a l’idée selon laquelle

l’homme peut représenter l’huma-

nité tout entière, le genre humain,

alors que la femme ne peut repré-

senter que les autres femmes.

Par exemple, en politique, les « en-

jeux féminins  » sont séparés des

enjeux de tout le monde.

Les panonceaux qui indiquent les

toilettes sont une bonne illustra-

tion de ce principe. Ils représen-

tent l’homme avec le pictogramme

le plus simple, et la

femme comme une

sorte d’homme, en

plus élaboré. Le jeu

de mots sur les deux

portes ci-contre

(«  WO-MEN  ») en

est un beau symbole.

Les deux picto-

grammes les plus

couramment uti-

lisés, comme ceux

figurant page de gauche, encadrant

le titre, en sont un autre exemple.

Concrètement, ces signes repré-

sentent les hommes comme des

personnes, et les femmes comme

des personnes en jupe.

En Iran, les hommes sont des per-

sonnes, et les femmes sont des per-

sonnes en jupe et voilées.

88-91-machos.indd 89 01/10/10 14:38

Page 12: Rue89 Le Mensuel : extraits du numéro 4

rue69 I genres

Pour finir, voici des signes que j’ai tout simplement trouvés déroutants. en Allemagne, les femmes sont représentées par le feu et les hommes, par l’eau, alors qu’au Brésil le feu représente les hommes, et les femmes sont des fleurs.Certains concepteurs s’amusent à décliner leur vision des genres dans le monde des insectes. Le message : les scarabées sont naturellement masculins parce qu’ils ne sont pas beaux, les papillons sont naturellement féminins parce qu’ils sont beaux.

Ceux qui font Le tri selon le genreOn retrouve de façon récurrente un amalgame entre le genre (avec sa dimension sociale et culturelle), le sexe (dans sa dimension biologique) et la sexualité. Ainsi, beaucoup de signes ne font pas du mâle le sym-bole de l’humanité, mais jouent sur notre manière de percevoir la fémi-nité ou la masculinité, ce qui est une façon de déterminer leur essence, ce qui fait qu’on est homme ou qu’on est femme.La plupart du temps, la différence se fait grâce aux vêtements. Au point que ce sont parfois les vête-ments tous seuls qui font l’homme et la femme (voir le pictogramme en haut de cette colonne).Il y a aussi des dessins où les per-sonnages prennent des poses cor-respondant aux comportements que l’on attend d’un homme et d’une femme  : les femmes réservées et soumises, les hommes dominants ou exhibant leur force physique.

l’homme-triAngle vs La femme-triangLeIl y a une autre série de picto-grammes, qui, bien que basés sur le classique les-hommes-sont-des-personnes, les-femmes-sont-des-personnes-en-robe, ne rentrent pas totalement dans cette catégorie. Ces signes sont ceux des hommes et des femmes « triangles ».L’un n’est pas élaboré à partir de l’autre ; ils sont tous les deux de simples triangles. Ces signes restent tout de même problé-matiques puisqu’ils conçoivent l’homme et la  femme comme fondamen talement opposés. Ils supposent également que le visiteur comprenne que le triangle repré-sente dans un cas de larges épaules, et dans l’autre une jupe.

Parfois, les hommes sont des per-sonnes, et les femmes sont des per-sonnes avec des hanches.Cette façon « genrée » de voir les corps est un peu absurde parce que, bon, les hommes aussi ont des hanches… Parfois, les hommes ont un torse, tandis que les femmes, désincarnées, ont des seins qui flot-tent, et un tentacule qui leur sort de leur tête.

BizArre bizarre

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Page 13: Rue89 Le Mensuel : extraits du numéro 4

I # 04 I novembre 2010 I 91

PourquoI des toilettes sÉparÉes ? Ce modèle est un résumé de tout ce qu’on a vu jusqu’ici. Dans la bulle du personnage féminin : « shopping ». Dans la bulle du personnage mas-culine : « football ».1 • L’homme comme l’universel, la femme comme la variation : il a une silhouette simple ; elle, une robe et une bouche pour le rouge à lèvres.2 • La distinction anatomique : il a un pénis minimaliste, elle a un vagin minimaliste.3 • L’expression du genre : il pense au football, elle pense au shopping.Que le concepteur graphique ait pensé que l’on puisse avoir besoin de tant d’éléments distinctifs paraît presque grotesque… C’est aussi intéressant parce que ça  montre combien l’assimilation du sexe et du genre est totale, et combien la dicho-tomie résultante est rigide.Les femmes doivent faire preuve de féminité. Les hommes ne peuvent pas porter du rouge à lèvres ou aimer faire du shopping. Et ils ne peuvent certainement pas avoir un vagin…Il y a quelque chose d’absurde dans ce pictogramme. On ne sépare pas les toilettes parce que leurs utili-sateurs ont des centres d’intérêt différents. Ni pour leurs choix ves-timentaires, puisque de nos jours les femmes portent souvent des pantalons.Et, comme le montre le panneau ci-contre, proposé par Utilikilts, un fabriquant de kilts, ce n’est pas im-

possible pour un homme de porter une jupe. On sépare les toilettes à cause du sexe, à cause de l’intérêt sexuel présumé du sexe opposé, et donc à cause de la sexualité.Et en particulier à cause de l’hétéro-sexualité masculine, qui est perçue comme prédatrice. Disons-le carré-ment : elle est non seulement consi-dérée mais aussi acceptée comme prédatrice, au point qu’on en plai-sante (picto ci-dessus).C’est injuste pour beaucoup d’hommes, et ça devient une excuse pour les hommes qui sont effective-ment prédateurs.La séparation des toilettes pré-sume que les usagers sont hétéro-sexuels, que parmi eux les hommes sont des agresseurs potentiels et les femmes, des êtres passifs et vulnérables.

Ceux quI font le trI selon les attributs sexuelsUn peu comme le font ceux qui ne supportent pas les transsexuels, cer-tains panneaux se focalisent non pas sur les vêtements, mais sur ce qu’il y a en dessous.Ces signes plus explicites mettent tous de côté les personnes trans-sexuelles et les personnes avec des organes sexuels atypiques. Il existe trois variantes :1 • Les hommes ont un pénis, les femmes ont des seins. Les seins des femmes ont été sexualisés dans notre société : les voilà considérés comme comme l’équivalent féminin du pénis.

2 • Moins courant : les hommes ont un pénis les femmes on un vagin (voir le picto en tête de colonne). 3 • Pipi debout/pipi assis.

D’autres signes se contentent de poser très directement la question au visiteur : « Faites-vous pipi assis ou debout ? »

footballshopping

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