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LES DERNIÈRES TECHNIQUES ET LES MEILLEURES FORMATIONS Le magazine coach pour progresser dans son job RÉUSSISSEZ (vraiment) TOUTES VOS NÉGOS MARS 2019 / N° 272 + EN EXCLUSIVITÉ  LES 1 ers EXTRAITS DE ‘‘ NÉGOCIATOR’’ LE LIVRE ÉVÉNEMENT DE LAURENT COMBALBERT ET MARWAN MERY ENTREPRENDRE 12 pages pour se lancer dans la restauration INTERVIEW Nicolas Chabanne, patron de C’est qui le patron ! ? ÉTUDE DE CAS Comment Pepsi prépare l’après-soda VIE PRIVÉE Assumer ses tatouages au boulot NOUVEAU 180 PAGES DE CONSEILS COMPLET

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LES DERNIÈRES TECHNIQUESET LES MEILLEURES

FORMATIONS

Le magazine coach pour progresser dans son job

RÉUSSISSEZ(vraiment) TOUTES

VOS NÉGOS

MARS 2019 / N° 272

+ EN EXCLUSIVITÉ  LES 1ers EXTRAITS DE ‘‘NÉGOCIATOR’’

LE LIVRE ÉVÉNEMENT DE LAURENT COMBALBERT ET MARWAN MERY

ENTREPRENDRE12 pages pour se lancer

dans la restauration

INTERVIEWNicolas Chabanne, patron

de C’est qui le patron ! ?

ÉTUDE DE CASComment Pepsi prépare

l’après-soda

VIE PRIVÉEAssumer ses

tatouages au boulot

NOUVEAU 180 PAGES

DE CONSEILS COMPLET

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Business/ 014 / L’actu du management

Gilets jaunes : 7 leçons à l’usage des managers

/ 016 / Le patron dans l’actu Nicolas Chabanne, patron de C’est qui le patron ?!

/ 020 / L’actu des entreprises French Fab Tour : l’industrie, c’est sexy !

/ 022 / Pitch Les start-up du mois / 024 / En chiffres / 026 / Etude de cas

Pour Pepsi, il y a une vie après le soda

/ 028 / Les nouveaux lieux de coworking, de teambuilding…

/ 034 / Parts de marché Fournitures de bureau : ils vendent plus que des trombones !

/ 036 / Nos experts vous répondent

/ 042 / Coulisses Groupe Arc, du verre bien trempé

/ 048 / Tête pensante Pascal Picq, paléoanthropologue : «Les start-up sont de purs objets darwiniens»

/ 052 / Chronique Les conseils d’un vieux guerrier

Work/ 056 / Les nouveaux terrains

de la négociation / 058 / Obtenez plus d’argent,

de temps, de moyens…/ 074 / Les leçons

des grands hommes/ 078 / Bonnes feuilles :

Négociator, de Laurent Combalbert et Marwan Mery

/ 094 / Conseils de pro : la négociation d’influence

/ 096 / Récit : un coup de maître à 25 000 ordinateurs

/ 100 / Conseils de pro : préparer un entretien

/ 102 / Neurosciences : la négo vue du cerveau

/ 104 / Test : quel négociateur êtes-vous ?

/ 112 / Conseils de pro : la négociation interculturelle

/ 114 / L’art du “deal” dans le monde

/ 118 / Reportage : comment les start-up chassent le client à Las Vegas

/ 124 / Conseils de pro : apprivoiser ses mains en entretien

/ 126 / Negociation raisonnée de Harvard : tous “win win”

/ 128 / Se former à bonne école/ 136 / Bonnes feuilles :

Devenez un champion de la négociation, de Nicolas Dugay

Entreprendre/ 142 / Restauration

Les recettes du succès / 148 / Les bonnes idées

pour régaler la clientèle/ 152 / Tribune Réservations

et annulations/ 154 / Démarches

Le parcours du restaurant

Afterwork/ 158 / Vie privée

Tatouages et boulot : fini le cache-cache ?

/ 164 / Places to biz Les adresses de Paul Morlet, PDG de Lunettes pour tous

/ 166 / Managers d’hier Louis XIV, pionnier de la fête d’entreprise

/ 168 / Biblio / 170 / Matos Passez le mur

du son/ 172 / Forme La voie du guerrier / 173 / Auto Mercedes Classe G/ 174 / Une ville, un expat’

Le Mascate de Maud/ 176 / Style Comment

s’habiller pour demander une augmentation

/ 178 / La philo du bureau Le flex office ou le travail en liberté surveillée ?

/ 179 / Managez votre vie Accueillir un feed-back

/ 180 / Pause culture / 182 / Chronique L’open space

des émotions

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Ce numéro comporte un encart régional Paris - Ile-de-France 8 pages Chridami broché entre les pages 110 et 111 et un encart national 8 pages SCP broché entre les pages 134 et 135.

Et si on suivait nous-mêmes les conseils qu’on vous donne…

donnons des informations sur la vie des entreprises et des conseils pour votre carrière. Tous les mois, nous vous expliquons, à longueur de pages, qu’il faut savoir se remettre en question, sortir de sa zone de confort, ne pas hésiter à pivoter quand on traverse une zone de turbulences, tout en s’assurant de rester fidèle à ses valeurs, à son identité, à son ADN. Ces conseils, nous avons cette fois décidé de les suivre nous-mêmes. D’abord (et surtout) parce que nous y croyons, mais aussi parce que, soyons honnêtes et transparents, le marché de la presse n’est pas au meilleur de sa forme en France : depuis plusieurs mois, les ventes du magazine souffrent.

C ’est pourquoi nous avons, nous aussi, décidé de pivoter. Résultat ? Le numéro de Management que vous avez entre

les mains. Plus qu’une nouvelle formule, nous vous proposons un nouveau type de magazine : un magazine coach. Avec

un dossier géant de 80 pages, ce Management va vous accompagner chaque mois et vous permettre d’approfondir, numéro après numéro, vos connaissances et votre pratique du management. Ultracomplet, c’est un véritable guide à conserver et auquel se référer en cas de besoin. Et, au pire, si ça ne fonctionne pas, promis, on ouvrira un site de rencontres.

S avez-vous à quoi devait initialement servir YouTube ? Pour ses trois créateurs, le concept était simple : YouTube allait

devenir un site de rencontres, fondé sur la vidéo. Ils avaient imaginé un slogan : «Tune in, hook up» (soit «Branchez-vous, connectez-vous», et réciproquement). Et ils avaient même décidé d’accorder 20 dollars à chaque femme qui accepterait de télécharger une vidéo la mettant en scène… Ce qui n’empêcha pas la jeune plateforme de faire un flop. «Tout cela n’avait aucun sens», reconnaissait récemment Jawed Karim, l’un des fondateurs. «OK, oublions l’aspect rencontres et ouvrons le site à n’importe quel type de vidéo», décidèrent-ils finalement. Avec le succès que l’on connaît. L’histoire de YouTube est l’un des plus spectaculaires exemples de pivot, cette technique qui consiste, pour les entreprises et notamment les start-up, à se lancer d’abord et à changer d’orientation, voire de concept, en cours de route si le business model de départ se révèle insatisfaisant. Parmi les autres pivots célèbres, citons notamment ceux de Twitter, à l’origine un site de recherche de podcasts, de Starbucks, vendeur de café en grains avant de devenir chaîne de cafés, et de Nintendo, qui a commercialisé des cartes de jeux, puis des aspirateurs, et a même été une éphémère compagnie de taxis, avant de se lancer dans les jeux électroniques en 1966… Et Management ? Depuis vingt-cinq ans, nous vous proposons tous les mois un magazine dans lequel nous vous

Lomig Guillo rédacteur en chef

@lomigg

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T 5> ABONNEZ-VOUS À MANAGEMENT SUR MANMAG.CLUB / 4 / MARS 2019

Sommaire L’édito

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Gilets jaunes : 7 leçons à l’usage des managers / 14—Le patron dans l’actu : Nicolas Chabanne / 16—L’actu des entreprises : le French Fab Tour / 20

Le jargonaute : si on se faisait un gonogo ? / 21—Pitch : les start-up du mois / 22—En chiffres / 24— Etude de cas : pour Pepsi, il y a une vie après le soda / 26

Nouveaux lieux / 28—Parts de marché : les fournitures de bureau / 34 —Nos experts vous répondent / 36

Coulisses : groupe Arc, du verre bien trempé / 42—Tête pensante : Pascal Picq, paléoanthropologue / 48 —Conseils d’un vieux guerrier / 52

Nous avons un bon produit, mais les entreprises ne le savent pas. Nous avons donc restructuré notre offre et mis notre

communication à plat afin de nous faire connaître de cette clientèle B to B.” Sophie Barthélémy, directrice générale adjointe du Crazy Horse / 30

Business

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Gilets jaunes : 7 leçons à l’usage

des managers

L a crise des Gilets jaunes a révélé un niveau de défiance inédit entre gou-vernants et gou-vernés. Et croire

que les frustrations mais aussi les aspirations et les espoirs qui se sont alors exprimés resteront circonscrits à la seule sphère politique serait une grave erreur. Du fait même de sa nature hybride, ce mouvement est appelé à se diffuser sous de nouvelles formes dans tous les plis et replis de la société, à commencer par le monde du travail. Décryptage à l’usage des managers qui y seront nécessairement confrontés.

LEÇON

#1Une explosion du besoin de reconnaissance La fonction première d’un gilet

jaune est de rendre visible celui qui le porte. L’objet est ainsi devenu l’étendard de tous ceux qui, en France, avaient la désagréable impression d’être invisi-bles. Comme l’a remarqué le sociologue

Jean-Pierre Le Goff, les Gilets jaunes sont «la revanche de ceux que l’on a traités de “beaufs” et de “ringards”, largement ignorés depuis des années par les pou-voirs en place au profit de caté-gories sociales branchées et des

gagnants de la mondialisation(1)». Nos contemporains veulent être reconnus par leurs pairs et leurs supérieurs. On savait déjà que les blessures narcissiques pou-vaient provoquer des dépressions. Dans un monde où l’estime de soi est indexée sur la popularité gagnée sur les réseaux sociaux, on constate désormais qu’elles peuvent aussi générer un désir collectif de révolution. Jamais le vieux thème mana-gérial de la reconnaissance n’a été autant d’actualité. Or, pour diriger des hommes, une tête bien faite ne suffit pas. Il faut y ajouter du cœur et des tripes, la capacité à percevoir les souffrances, les passions et les espérances de ses contemporains.Le management doit redécouvrir les vertus oubliées du cœur et de l’instinct, et les ajouter à celles de l’intelligence.

LEÇON

#2Un vif désir d’implicationLe besoin d’être reconnu va de pair avec un profond désir de

voir sa parole prise en compte. Ici encore, les habitudes acquises sur les réseaux sociaux ont modifié les pratiques sociales. Dans leur quête de big data, les plate-formes numériques ne cessent de solli-citer les internautes. Cette frénésie consultative a créé chez nos contempo-rains une illusion d’omniscience qui sape aussi bien les anciennes règles de la repré-sentation politique que le prestige de l’ex-pertise. Car ce qui est demandé n’est pas tant un avis qu’un sentiment. Dès lors, l’art de diriger implique d’associer les citoyens aux décisions via un processus continu à même de répondre à l’exigence de plébiscite permanent qui s’est empa-rée de la société.Plutôt que d’entretenir le mirage d’un dialogue social noué avec des instances coupées de ceux qu’elles prétendent repré-senter, les entreprises doivent imaginer un système de participation permettant aux salariés de réinvestir leur travail.

avenir désirable. Ce mouvement résulte du déclassement qui, après avoir frappé les classes populaires, s’étend aux classes moyennes. Spécialiste de ce phénomène, auquel elle a consacré un ouvrage(2), la sociologue Camille Peugny souligne que «chez les Gilets jaunes, il y a des indivi-dus qui sont objectivement déclassés et d’autres qui ont peur d’être les prochains sur la liste». Selon une récente enquête de l’Ifop, 7 Français sur 10 estiment désor-mais que leurs enfants vivront moins bien qu’eux(3). Après les ouvriers et les petits employés, les cadres moyens et les mana-gers de proximité ont, à leur tour, le senti-ment d’être mis hors jeu par les évolutions d’une société qui, sur fond de globalisa-tion, de tertiarisation et de digitalisation, affirme qu’elle n’a plus besoin d’eux. Le malaise latent du middle management oblige à s’interroger sur la viabilité des modèles économiques et managériaux qui le marginalise. Aucune démocratie ne peut conserver sa stabilité sans classe moyenne. Qu’en serait-il d’une entreprise se privant de ses cadres intermédiaires ?

LEÇON

#6La valorisation du travail et le refus de l’assistanat«Les Gilets Jaunes ne sont pas

la France des assistés mais celle qui veut vivre de son travail», souligne le polito-logue Guillaume Bernard(4). D’où l’erreur initialement commise par le gouverne-ment. Il a montré, analyse l’urbaniste Philippe Genestier(5), «son absence de compréhension des forces sociales que mobilisent les Gilets jaunes, pensant qu’il éteindra[it] leur mouvement par des aides ciblées sur les 20% des ménages les plus modestes. Les Gilets jaunes, non seulement ne se conçoivent pas eux-mêmes comme des ménages modestes – au contraire, ils se perçoivent comme des classes moyennes –, mais ils reven-diquent leur autonomie, si bien que l’aide gouvernementale, même s’ils y avaient droit, constituerait une mesure de “charité” contrevenant à leur volonté de dépendre le moins possible des insti-tutions publiques». Un constat qui n’est

pas neutre pour les managers, car il confirme que le refus de la sujétion et la quête d’autonomie représentent de puis-santes aspirations contemporaines, égale-ment sensibles dans le monde du travail.

LEÇON

#7La persistance de l’ancrage territorialComme l’a révélé la Fondation

Jean-Jaurès, on recensait, le 17 novembre dernier, 635 rassemblements dans les communes de moins de 50 000 habitants contre seulement 65 dans les villes de plus de 50 000 habitants(6). Des données qui valident la fracture, identifiée depuis une vingtaine d’années par le géographe Christophe Guilluy, entre les métro-poles mondialisées et les habitants de la «France périphérique», qui, selon lui, «subissent de plein fouet, depuis trente ans, les effets d’un modèle économique mondialisé(7)». La fronde des Gilets jaunes est une fronde territoriale, et même une fronde de l’attachement territorial.Dans un tel contexte, les entreprises, dont les dirigeants sont souvent qualifiés de «hors sol» par les Gilets jaunes, doivent réapprendre à «penser local» en cultivant la loyauté à l’égard des territoires dans lesquels elles sont implantées, voire le patriotisme. Et faire preuve d’un certain enracinement, passant notamment par l’établissement de relations honnêtes avec leurs fournisseurs et partenaires locaux, en prenant garde à ne pas être perçues comme des entités nomades et oppor-tunistes, mais plutôt comme les fers de lance des régions dans la compétition économique mondiale.

1. Le Figaro, 22 novembre 2018. 2. Camille Peugny, Le Déclassement, Grasset, 2009. 3. «Tableau de bord de la transformation de la France», No Com-Ifop-JDD, décembre 2018. 4. RCF Radio, 19 novembre 2018. 5. Le Monde, 20 novembre 2018. 6. Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach, «Les “Gilets jaunes” : révélateur fluorescent des fractures françaises», 28 novembre 2018. 7. Christophe Guilluy, La France périphérique. Comment on a sacrifié les classes populaires, «Champs», Flammarion, 2015.

LEÇON

#3Une volonté de reprendre son destin en mainLa révolte des Gilets jaunes

exprime une volonté d’agir, de reprendre la main et de peser sur le cours des événe-ments. Depuis des décennies, le discours institutionnel place les réformes sous le signe de l’inéluctable, ressassant sous des formes diverses le fameux «There is no alternative» de Margaret Thatcher. Les Gilets jaunes lui opposent avec détermi-nation une déclinaison inédite du «Yes, we can !» de Barack Obama.Cette volonté d’ouvrir l’horizon des pos-sibles représente un formidable réservoir d’énergie pour les dirigeants qui sauront présenter leurs projets comme des moyens de façonner l’avenir collectivement.

LEÇON

#4Le plaisir de «faire groupe» Loin de l’individualisme qu’on

pensait devenu la norme, les classes moyennes et populaires, en fraternisant sur les ronds-points, retrouvent avec exal-tation le plaisir de «faire groupe» en pro-clamant crânement : «Nous sommes le peuple !» Les manifestations des Gilets jaunes sont un formidable exutoire au déficit contemporain de sentiment d’ap-partenance. Or les entreprises peuvent répondre à ce besoin en s’affirmant comme de véritables communautés : leurs membres sont unis par des inté-rêts, certes, mais aussi par une histoire commune à écrire avec le travail.Les dirigeants doivent donc retrouver une authentique proximité avec leurs salariés en cultivant l’esprit d’équipe et la culture d’entreprise plutôt que l’esprit de classe ou de caste.

LEÇON

#5Le besoin de perspectivesL’anxiété perceptible sous la colère des Gilets jaunes ne doit

pas être confondue avec un refus sys-tématique des réformes. En revanche, elle souligne la nécessité d’inscrire les efforts et les sacrifices demandés dans un

PHILIPPE SCHLEITER

Directeur associé du cabinet Delta Lead,

spécialisé dans la transformation des entreprises en période de crise.

Comment l’entreprise pourrait-elle être épargnée par une fronde majoritairement composée d’ouvriers, d’employés et de cadres intermédiaires ?

Elle serait bien inspirée de prendre les devants en tenant d’ores et déjà compte des aspirations exprimées par les Gilets jaunes. Par Philippe Schleiter

8 9/ MARS 2019 > ABONNEZ-VOUS À MANAGEMENT SUR MANMAG.CLUB /

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D eux ans avant la crise des Gilets jaunes et le grand débat national, ce lanceur

de projets quasi compulsif se retrouve à la tête d’un collectif de consommateurs animés d’une idée folle : régler une fois pour toutes la controverse sur le prix du lait en le fixant eux-mêmes, afin de garantir aux éleveurs une juste rémunération. C’est ainsi que Nicolas Chabanne lance la marque C’est qui le patron ?! avec un succès foudroyant.

/ Q /La naissance de C’est qui le patron ?! défie tous les principes enseignés dans les écoles de commerce :

“La Carte Bleue est le bulletin de vote des consommateurs”

ni levée de fonds ni business plan… Comment expliquez- vous sa  réussite ?

N. C. Il y a une part de mystère, mais nous nous sommes rendu compte que nous étions nombreux à partager le même sentiment, celui d’être arrivés au bout d’un système. En l’occurrence, celui où les mécanismes commerciaux nous échappent. Pour la première fois, le consommateur veut croire qu’il peut établir lui-même son prix. Nous sommes allés plus loin en le laissant observer directement dans les laiteries les produits qu’il a choisis. C’est un autre témoignage que le contrôle du bureau Veritas ! Ce système nous a permis de reprendre les commandes : nos 8 000 sociétaires s’impliquent dans le collectif et ce que vous décrivez comme un «no modèle» est une force qui fait notre colonne vertébrale. C’est le fameux point d’équilibre trouvé par une initiative spontanée, mille fois plus fort que si on s’était mis autour d’une table, en réunion… Nous avons trouvé un autre chemin, sans force de vente ni pub, plutôt génératrices de défiance.

Alors que les Français manifestent pour la défense de leur pouvoir d’achat, vos prix sont plus élevés que ceux des grandes marques. La situation est plutôt paradoxale…

N. C. Les gens qui peuvent le faire dépensent 30 ou 50 centimes de plus par mois pour permettre à des producteurs de vivre de leur métier. Et nos quatre pots de compote valent 68 centimes, moins que ceux d’Andros. La qualité, sans pub ni marketing, peut coûter moins cher. Aujourd’hui, nous avons une gamme de 15 produits. Nous allons dépasser les 100 millions de produits équitables vendus et le beurre bio est devenu l’innovation bio la plus vendue en 2018. C’est un produit qui a été créé par les consommateurs sur le principe du questionnaire : accepterait-on d’ajouter des centimes pour aider à la conversion bio ? Eh bien, ils ont mis 15 centimes de plus.

Le succès de la marque C’est qui le patron ?! traduit parfaitement le ton de l’époque et la volonté de Nicolas Chabanne de redonner le pouvoir aux consommateurs. Rencontre avec un entrepreneur visionnaire.

10 11/ MARS 2019 > ABONNEZ-VOUS À MANAGEMENT SUR MANMAG.CLUB /

BusinessLE PATRON DANS L’ACTU

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NICOLAS CHABANNE EN 4 DATES

1996Il met sur pied un réseau de stations de lavage solidaires.

2009Avec la marque Le Petit Producteur, il veut défendre le monde agricole.

2014Il lance le collectif Les Gueules cassées, contre le gaspillage.

2016Il crée C’est qui le patron ?!, une coopérative de consommateurs.

De bons résultats, mais il est certain que le jour où nous aurons 20% de part de marché, nous aiderons vraiment les producteurs. Cela suppose qu’il y ait un acte II sur un beaucoup plus grand nombre de produits. La loi Alimentation [qui doit instaurer un nouveau calcul des prix agricoles sur la base des coûts de production, NDLR], c’est bien, mais ça donne un peu le bourdon. Nous, nous

allons nous débrouiller tout seuls. Décider par notre acte d’achat, c’est un bulletin de vote surpuissant.

Vos produits sont vendus chez Carrefour et Leclerc par exemple, vous travaillez avec des marques, comme Cémoi pour le chocolat… Comment avez-vous réussi à les convaincre ?

N. C. Nous quittons un cycle où une famille de politiques, d’experts, de prescripteurs décidait pour nous. En 2008, quand j’ai lancé Le Petit Producteur et que je vendais, notamment, des fraises en mettant la photo du producteur et en le rémunérant mieux, j’ai rencontré l’équipe de marketing de Monoprix, puis d’autres distributeurs nous ont rapidement ouvert leurs rayons. Beaucoup d’enseignes nous ont soutenus aussi pour les Gueules cassées, en 2014, qui luttent contre le gaspillage des fruits et légumes moches. Donc quand je suis allé les voir avec C’est qui le patron ?!, elles me connaissaient

marketing inculquée dans une école. Tant de bonnes idées ont été enterrées sous prétexte que si ça avait dû exister, ça existerait depuis longtemps.

Votre management s’organise-t-il aussi de manière collective, avec, par exemple, une égalité des salaires ?

N. C. Non ! Nos 15 salariés ont des rémunérations différentes mais aucune n’est comparable à celle d’un patron du CAC 40 !

Je suis le premier à vouloir instaurer une transparence totale, notamment sur les marges des distributeurs, des fabricants… mais la loi européenne nous l’interdit. Cela dit, la structure de l’entreprise est assez armée pour fonctionner de manière indépendante : aucun de ses dirigeants n’est indispensable. En outre, elle est rentable et dispose d’une petite réserve. Si demain l’aventure n’est plus collective et participative, elle s’arrête. Durant des années, des produits ont été créés sans demander l’avis des consommateurs. C’est fou, non ? Ils n’ont peut-être pas toujours raison, mais leur avis n’est pas moins pertinent que celui de la majorité des professionnels.

Propos recueillis par Pauline Darasse Manuel Lagos pour Management

Vous êtes un peu à l’économie ce que le référendum d’initiative citoyenne est à la politique !

N. C. Il y a sûrement un parallèle à faire. En deux ans, tous les politiques nous ont appelés. Le point commun, c’est la carte bancaire. Certains Français ne veulent plus se contenter de voter et souhaitent être actifs dans un programme. Notre

priorité est d’aider le monde agricole, mais nous croulons sous les demandes pour d’autres secteurs, jusqu’aux services bancaires ! Et C’est qui le patron ?! s’est exporté dans dix pays, de la Belgique au Maroc. Ce succès me dépasse un peu… Le phénomène tient du glissement de terrain.

Au point de pouvoir résoudre les difficultés des éleveurs ?

N. C. Notre calcul de base est simple. On estime que le prix d’un litre de lait est trop bas de 8 centimes pour que l’éleveur puisse rentrer dans ses frais. Chaque Français boit en moyenne 50 litres de lait par an. Si le prix du litre augmentait de 8 centimes, chacun dépenserait 4 euros de plus par an. Et en ajoutant encore 1 centime par litre, l’éleveur obtient une rémunération correcte et une semaine de vacances. En deux ans, nous avons vendu 80 millions de litres de lait et 12 millions de personnes nous ont déjà acheté des produits.

lait sous sa propre marque. Ce modèle commercial va évoluer, sans aucun doute. Mais s’arrêter, certainement pas ! Car le bon sens commun trouve des points d’équilibre en permanence, alors que des dirigeants, qui décident en solitaire, peuvent se tromper. Donc, quelle que soit notre croissance, notre système continuera à fonctionner aussi longtemps qu’on respectera scrupuleusement la décision collective. J’en suis convaincu : on peut sauver le monde par le bon sens collectif.

Aucun risque de vous voir céder aux avances d’un repreneur ?

N. C. C’est inimaginable ! Nous avons un statut de coopérative, qui est essentiel pour notre mode de fonctionnement. Tout le monde peut être actionnaire pour un euro. Les consommateurs ou sociétaires vont dans les magasins, ils réarrangent eux-mêmes les rayons, suivent les ventes… La coopérative a le destin de l’entreprise entre ses mains : une décision prise au nom du bon sens collectif est beaucoup plus fiable qu’une théorie de

En payant 9 centimes de plus par litre de lait, le consommateur permet à l’éleveur d’obtenir une rémunération correcte et une semaine de vacances…”

Le bon sens collectif peut sauver le monde. Une décision prise en son nom est beaucoup plus fiable qu’une théorie de marketing inculquée dans une école.”

Nicolas Chabanne,

fondateur de la marque C’est

qui le patron ?!, dans les locaux

de la marque, à Paris, le

10 janvier 2019.

déjà. Dans la foulée de Carrefour, 70% des enseignes nous ont rejoints, à l’exception de Franprix, qui n’a peut-être pas toutes les cartes en main pour décider lui-même. Et nous n’allons pas nous arrêter là : nous adressons un appel à tous les fabricants pour pouvoir venir visiter les coulisses de leurs usines et, le 20 mars prochain, nous lançons une chaîne de télé Des Consommateurs et des citoyens. Une quarantaine de marques souhaitent participer au projet ! Nous allons aussi installer des «corners» avec nos produits dans certaines grandes surfaces et nous réfléchissons à l’éventualité de créer notre propre réseau de magasins. A terme, nous espérons travailler avec 80 producteurs et nous étendre à l’ensemble des produits alimentaires.

Votre chiffre d’affaires a doublé en deux ans, en atteignant 3 millions d’euros. Comment abordez-vous cette croissance : votre concept d’entreprise coopérative peut-il y survivre ?

N. C. Notre cahier des charges permet à chaque «sociétaire-consommateur» de participer à l’élaboration du prix. La première année, nous rêvions de vendre 5 millions de produits, nous en avons écoulé 33 millions, sans remettre en question ce principe ! Nous avons une référence de lait qui, selon l’institut d’études Nielsen, est la deuxième référence la plus vendue derrière les marques de distributeur. Le beurre bio réalise des ventes trois fois plus importantes que prévu. Notre règle est d’appliquer une marge de 5% sur le prix de vente dans les magasins et de 2% sur les marques ou les enseignes qui respectent notre cahier des charges, tel Monoprix, qui commercialise notre gamme de

12 13/ MARS 2019 > ABONNEZ-VOUS À MANAGEMENT SUR MANMAG.CLUB /

Business / LE PATRON DANS L’ACTU

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Pour Pepsi, il y a une vie après le sodaEternel second derrière Coca-Cola, Pepsi était plus exposé à la fin annoncée des colas. Mais la marque a très tôt fait le pari du changement. Et a réussi sa métamorphose.

L es colas, c’est un truc du passé !» La déclaration d’Indra Nooyi, alors PDG de PepsiCo, devant un parterre d’ana-lystes financiers en octobre 2015, reste le marqueur de la révolution qui bou-leverse le monde des sodas, véritables

emblèmes du rêve américain et de la société de consommation triomphante du xxe siècle. Venant de la patronne du rival historique de Coca-Cola, cette condamnation n’a rien d’une parole en l’air, encore moins d’une provocation : voilà plusieurs années que PepsiCo a pris la mesure du recul irrémédiable des sodas, directement visés par les discours antimal-bouffe et, dans certains pays, comme en France depuis 2012, par des taxes dissuasives. En outre, les goûts

L E P R O B L È M E

Les sodas n’ont plus la cote : gorgés de sucre, source d’obésité, ils sont devenus l’incarnation liquide de la malbouffe et des problèmes de santé qui y sont associés. Même les jeunes, pourtant premiers consommateurs de ces boissons, les snobent, leur préférant désormais les energy drinks ou encore la bière.

L A S O L U T I O N

Le meilleur moyen de résoudre un problème est de le regarder en face : c’est en tout cas le choix qu’a fait PepsiCo en reconnaissant que l’heure de gloire des sodas était révolue et qu’il fallait passer à autre chose. Cette réaction honnête, qui a trouvé un écho favorable, a facilité la reconversion du groupe.

devance cette fois son éternel rival. Une belle revanche : né en 1898, soit six ans après la création de Coca-Cola Company, Pepsi a toujours couru en vain après le leader mondial. Aujourd’hui, même si Coca reste en tête, le géant du soda voit ses ventes s’éroder en moyenne de 2% par an, sans réel plan B pour compenser cette inexorable baisse.Pour autant, PepsiCo n’a pas lâché complètement ses boissons gazeuses. Simplement, il a systématiquement mis en avant les versions les plus diététiquement correctes. Pepsi Max, le cola sans sucre, est arrivé en France en 1993 avec pour slogan «Un max de goût», un message positif et non culpabilisant, soulignent les responsables marketing de la marque. En 2018, ses ventes étaient encore en progression de plus de 20%. La totalité des innovations du groupe sont désormais consacrées aux boissons allégées.Le constat sans ambiguïté des dirigeants de PepsiCo sur le déclin de leur produit historique a sans aucun doute contribué au succès de la reconversion. Probablement inspiré par la petite phrase de la pédé-gère et par sa clairvoyance, Bruno Thévenin, directeur général de la filiale française, souligne qu’il faut «savoir

questionner les évidences», c’est-à-dire admettre que les consommateurs ne feront plus les mêmes choix que par le passé. Toutes proportions gardées, les colas suscitent aux Etats-Unis des attaques comparables à celles qu’ont connues les industriels du tabac. Or quand une marque s’enlise dans le déni, elle ne facilite pas le travail de ses équipes marketing et commerciales.

Objectifs environnementauxIl reste maintenant à PepsiCo à s’attaquer à une autre montagne : introduire le même souci de naturel dans l’autre branche de son activité, le snacking. Avec ses marques Lay’s, Doritos ou encore Benenuts, le groupe américain est un vrai rouleau compresseur dans ce rayon fructueux, mais pas vraiment réputé pour ses vertus diététiques. Ici, le light – malgré la suppression de l’huile de palme et quelques tentatives pour réduire la teneur en sel – n’est pas encore de mise. Les pre-mières initiatives ont quand même été prises dans ce sens : Benenuts se rencentre sur les graines natu-relles sans ajout et le groupe poursuit son programme d’incubation Nutrition Greenhouse, qui vise à sou-tenir des entreprises émergentes et innovantes dans le domaine du snacking sain. Les dirigeants du groupe annoncent pourtant une révolution, qui s’inscrit dans une démarche globale baptisée «Performance with purpose» («donner du sens à la performance»). Un projet qui comprend une ouverture vers l’extérieur, notamment grâce à des partenariats avec des start-up. Mais aussi un enga-gement de l’entreprise sur des objectifs environne-mentaux, par exemple la réduction des plastiques. Et, surtout, une promesse de naturel, avec une aug-mentation significative du bio, et de transparence, avec une information exhaustive sur la composition des produits. De quoi anticiper une future désaffec-tion des consommateurs pour le grignotage ?

Par Laure Delangeais

changent et de nouvelles boissons énergétiques, par exemple, séduisent aujourd’hui les jeunes générations. «Les jeunes ont toujours été la clientèle principale des colas, rappelle un bon connaisseur du secteur, mais ceux-ci se sont ringardisés.» Dès son arrivée à la tête du groupe, en 2006, Indra Nooyi amorce un virage vers ce que les Américains appellent les produits guilt-free, que l’on peut consom-mer sans avoir mauvaise conscience. Le pari est osé pour une multi nationale qui réalise l’essentiel de ses ventes avec les sodas et les chips ! En octobre dernier, soit une bonne décennie plus tard, la patronne peut estimer avoir accompli sa mission et annoncer son départ en se félicitant du fait que «la marque Pepsi ne représente plus que 12% de nos ventes».

Diététiquement correctComment expliquer une telle réussite ? Essentiellement par l’ampleur de la diversification. Outre la marque Tropicana, rachetée dès 1998, le groupe s’est, entre autres innovations dans les jus de fruits frais et bio, lancé sur le marché du thé pour créer Lipton Ice Tea avec le groupe Unilever, a poussé sa marque de soupe froide, Alvalle, créé la gamme de smoothies Naked ou encore investi tout récemment près de 3 milliards d’euros pour racheter l’israélien Sodastream, qui offre la possibilité de fabriquer son eau gazeuse chez soi. Dans cette course à la transformation, PepsiCo

La bouteille historique de soda, aujourd’hui passée de mode.

Le thé glacé infusé,

emblème des nouvelles boissons

guilt-free.

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14 15/ MARS 2019 > ABONNEZ-VOUS À MANAGEMENT SUR MANMAG.CLUB /

BusinessÉTUDE DE CAS

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WorkPlus le niveau de formation des parties est faible, plus il y a de chances qu’une négociation échoue. Plus

il est élevé, plus la résolution de conflits a des chances d’aboutir.” Laurent Combalbert et Marwan Mery, fondateurs d’ADN Group / 80

Coordination André Mora Toutes les illustrations du dossier sont signées Blexbolex

Les nouveaux terrains de la négociation / 56—Faire gonfler votre rémunération / 58—Obtenir des petits aménagements de la vie de bureau / 64—Négocier en mode projet / 68—Maximiser vos gains à l’embauche / 72

Les leçons des grands hommes / 74—Bonnes feuilles : Négociator, la nouvelle bible de la négo / 78—Mon premier cours : la négociation d’influence / 94—Récit : un coup de maître à 25 000 ordinateurs / 96

Le conseil du pro pour préparer un entretien / 100—Neurosciences : la négo vue du cerveau / 102—Test : quel négociateur êtes-vous ? / 104—Mon premier cours : la négociation interculturelle / 112—L’art du “deal” dans le monde / 114

Comment les start-up chassent le client à Las Vegas / 118—Mon premier cours : apprivoiser ses mains en entretien / 124—Toutes les formations / 126—Bonnes feuilles : Devenez un champion de la négociation / 136

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Embellie pour les cadres ! Selon le Guide des salaires 2019, publié par le cabinet de recrutement Robert Half, leur rémunération progresse et devrait continuer d’augmenter cette année. Et si le moment était venu d’élargir un peu votre part du gâteau ? Facile à dire, peut-être moins commode à réussir. En France, patrie où l’on rechigne à parler espèces sonnantes et trébuchantes, la négociation salariale existe pourtant bel et bien… mais elle se déroule la plupart du temps dans le secret du bureau d’un supé-rieur hiérarchique. Nous avons entrebâillé la porte pour examiner de plus près trois cas de figure : l’en-tretien annuel de revalorisation salariale, la transac-tion financière à l’occasion d’un changement de poste en externe et la négociation en free-lance d’une pres-tation auprès d’un donneur d’ordre. A chaque situa-tion ses règles, et surtout ses étapes, décryptées aussi bien par des experts que par des cadres en exercice.

Dealer une augmentationPas facile de parler gros sous avec son boss ! Ce clas-sique de la vie en entreprise est souvent redouté par les salariés. Pourtant, lorsque l’entretien annuel avec votre supérieur se profile, il ne tient qu’à vous d’en profiter pour faire valoir votre travail et, si possible, ajouter un petit supplément sur votre fiche de paie.

Prenez le temps de vous préparerLe conseil paraît évident, mais pourtant bien des cadres le négligent. Pour être fin prête à entrer dans l’arène, Nadine a mitonné son argumentaire au cours des trois semaines précédant l’entretien prévu avec ses patrons. Consultante pour un cabinet de conseil en santé, cette ex-médecin a pris soin de coucher sur le papier l’intégralité de ses tâches, missions et actions.

«Avant de prétendre à une augmentation, vous devez déterminer avec précision le périmètre de votre fonction.Si celui-ci a beaucoup évolué, c’est un argument fort pour réclamer une hausse de salaire», explique Sandrine Charpentier, directrice de

EFaire gonfler

votre rémunérationObtenir une prime,

faire grimper les enchères en changeant de job ou

vendre votre prestation au plus offrant : trois exemples de négociation individuelle

passés au crible.

18 / MARS 2019

WorkSPÉCIAL NÉGO

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L E S T R O I S É T A P E S C L É S D E L A N É G O C I A T I O N

S A L A R I A L E

Etudiez votre marché

Evaluez soigneusement les salaires pratiqués

dans votre domaine d’expertise. Le site de l’Apec

propose un benchmark des salaires pratiqués

pour des métiers donnés et par zones

géographiques. Questionnez autour de vous

les personnes qui sont dans des domaines

proches ou dans une entreprise de taille égale.

Définissez votre «point de résistance»

Prévoyez toujours un minimum et un maximum

d’augmentation de salaire. Généralement de 15 à

30% d’écart entre le bas et le haut de la fourchette.

La limite basse, sous laquelle vous n’accepterez

pas de descendre, est votre point de résistance.

Quantifiez votre travail Facile si vous êtes commercial : mettez en avant

le chiffre d’affaires réalisé, le montant des

contrats que vous avez signés et les progressions

de marge. Moins évident si vous évoluez dans

un domaine plus tertiaire. Malgré cela, listez

les missions que vous avez réalisées et trouvez

un moyen de les chiffrer : vous avez encadré

une équipe de x personnes, géré un budget

de tant, réalisé x projets d’une valeur

globale de tant, généré tant de satisfaction,

été vu x (milliers de) fois sur LinkedIn

et YouTube… En cherchant, on trouve toujours !

Charles DIRECTEUR DU TRADE MARKETING dans de grands groupes de l’industrie alimentaire

«J’ai été recruté après neuf entretiens. Dès le départ, j’ai été clair sur mes prétentions salariales, mais la négociation a vraiment eu lieu en fin de parcours. Mes attentes financières étaient axées autour de deux demandes : un fixe de 90 000 euros et un bonus de bienvenue de 20 000 euros. Je n’ai évidemment pas obtenu 100% de ce que je voulais. J’ai transigé sur le bonus en acceptant une somme de 5 000 euros contre un fixe plus important de 95 000 euros et des avantages “en nature” (mutuelle, etc.). La négociation implique de mettre votre interlocuteur sous pression, mais sans pour autant dégrader la relation. A chaque proposition du recruteur, il faut écouter, rester aimable et chercher des solutions.»

La négociation implique de mettre votre interlocuteur sous pression.”

Les employeurs sont généralement plus rassurés par une personne qui est restée entre trois et cinq ans à chaque poste.”

l’agence de conseil Digitaly. Sans rien omettre, Nadine a ainsi mis en avant son investissement et sa motivation en notant les heures supplémentaires effectuées, les pauses-déjeuner ratées… bref, son implication personnelle : «J’ai énuméré les rapports des autres consultants que j’avais relus en plus des miens, les dossiers scienti-fiques sur lesquels j’ai apporté mon expertise, dont certains pendant mon congé maternité. Et toutes les missions auxquelles j’avais colla-boré et qui ne figuraient pas dans ma fiche de poste.»

Définissez votre valeurPour réclamer davantage, il faut également avoir une idée assez juste de ce que l’on apporte. Pour en juger, posez-vous les bonnes ques-tions : quelle est votre valeur ajou-tée, pourquoi pensez-vous mériter un salaire plus élevé et à combien l’estimez-vous ?

Nadine, par exemple, dispose d’un argument de poids pour exiger une réévaluation de sa fiche de paie : «J’ai rappelé à mes employeurs que je devais être considérée comme une consultante “à part”. Je suis en effet la seule de l’équipe à posséder deux docto-rats. Et mon profil de médecin crédite la société d’une garantie scientifique largement vantée à nos clients.» Reste cependant à convertir cette dimension en argent. Sur ce point, la méthode est à peu près la même que lors de la négociation d’un salaire à l’embauche.

Fixez votre fourchette de prix«Faites un rapide benchmark des salaires pratiqués dans votre métier. Le site de l’Apec propose un outil d’évaluation par secteur associé à un simulateur de salaire. Votre réseau professionnel sur LinkedIn est aussi un bon indicateur, détaille Isabelle Peres, conseil-lère en développement professionnel à l’Apec. Puis prenez en compte vos années d’expérience. Le niveau de votre formation, le prestige de votre école, les langues que vous maîtrisez, votre expérience à l’in-ternational sont aussi de nature à accroître vos pré-tentions.» Cheffe de projet en communication, Ingrid a affiné son chiffrage en proposant une fourchette de

rémunérations. «Mon salaire cible était au milieu de cette fourchette qui variait de 15% entre les niveaux le plus bas et le plus haut. J’ai sur-tout décidé du montant au-dessous duquel je ne descendrais pas.» Avec un ordre de prix en tête, il est plus facile d’envisager la négociation. Et de justifier votre tarif.

Quantifiez vos résultatsAvec un objectif ambitieux de 30% d’augmentation, Nadine a pris soin de quantifier ses résultats. «J’ai listé le nombre de contrats que mon exper-tise avait permis d’obtenir au cours des six derniers mois ainsi que les marges négociées avec les clients.» Un peu surpris, ses patrons n’ont pas contesté ses arguments, et Nadine a obtenu 25% d’augmentation.

Mais que faire si, malgré vos prétentions, vous n’obtenez pas satisfaction ? «Ne repartez surtout pas bredouille. Vous devez avoir un plan B, assure Sandrine Charpentier. La négociation peut porter sur d’autres avantages ; une demi-jour-née de télétravail, du temps pour du mécénat de compétences, un nou-vel équipement informatique ou le

financement d’une formation qui vous intéresse, en vue, peut-être, de faire autre chose…» Et, pourquoi pas, de postuler ailleurs !

Gagner plus en changeant de postePasser d’un emploi à un autre est un excellent moyen d’élever votre salaire. Selon une étude de l’Apec publiée en 2018 sur l’évolution de la rémunération des cadres, 66% de ceux ayant rejoint une nouvelle entreprise en 2017 à la suite d’un changement direct, c’est-à-dire sans période de chômage, ont vu leur rémunération augmenter. De même pour 70% des cadres de moins de 30 ans (y compris ceux ayant connu le chômage). Outre-Atlantique, on les appelle des job switchers, en opposition aux job stayers. Ces employés mobiles n’hésitent pas à faire monter les enchères à chaque embauche. Oui, mais comment ?

Maîtrisez vos argumentsUne stratégie gagnante, à condi-tion de bien maîtriser son argu-me nt a i r e et d ’a s s u r e r u ne cohérence dans son parcours professionnel. C’est le credo de Tina. Directrice de développement commercial dans la publicité, la jeune femme a occupé pas moins de six postes en treize ans, soit deux ans en moyenne à un même poste. Or, dans ses trois derniers emplois, elle a presque triplé son salaire. «D’abord parce que les entreprises dans lesquelles je postulais avaient chaque fois des moyens plus importants, ensuite parce que j’ai su faire valoir mes arguments», assure la cadre.

La manœuvre reste risquée : «Les employeurs sont généralement plus rassurés par une personne qui est restée entre trois et cinq ans à chaque poste», rap-pelle Nicolas Pavesi, chasseur de têtes et consultant chez Lincoln. Pour que votre job switching ne vous desserve pas, il faut donc assumer et justifier votre parcours. A ce propos, Tina dispose d’un discours bien rodé. La cadre ne se laisse jamais coincer sur sa ten-dance à la mobilité. «Je mets en avant l’expertise que chacune de mes expériences m’a apportée et, surtout, mon vaste réseau, construit en naviguant dans des entreprises avec des statuts très différents. Un carnet d’adresses qui intéresse beaucoup les employeurs de mon milieu professionnel !»

Valorisez vos compétencesPlutôt que de laisser le recruteur se focaliser sur votre bougeotte, mettez en avant votre agilité et votre apti-tude à vous former en continu. «Expliquer qu’on a fait le tour d’un poste et qu’on est prêt à prendre un peu plus de responsabilités est également une raison très valable et qui s’entend», atteste Nicolas Pavesi. En valorisant vos compétences et vos acquis, vous désamorcez les a priori de vos futurs employeurs. Et vous démontrez que vous n’êtes pas un «job zappeur» mais plutôt un «job challenger». Une fois cette partie assurée, vous pourrez entamer la tractation salariale.

Osez la franchiseEn changeant d’employeur, «vous pouvez espérer entre 10 et 30% de salaire en plus», rappelle Isabelle Peres. Avant de vous lancer, là aussi, définissez au préalable ce que vous pouvez négocier. Une habitude que Charles, directeur du trade marketing dans de grands groupes de l’industrie alimentaire, a prise depuis longtemps. En sept ans, il est parvenu à dou-bler sa rémunération ! A 38 ans, il a, comme Tina, bien conscience de sa valeur, mais il a su aussi mettre en

avant lors de ses entretiens un argument original : «Le risque pris en changeant d’entreprise !» Pour chaque poste, Charles s’applique à se renseigner en amont sur les niveaux de salaire pratiqués par le groupe et les mécanismes de bonus, d’intéressement et de par-ticipation. «Il faut savoir que ces derniers sont très peu négociables car ils répondent à des mécanismes collectifs», précise ce trader de choc (lire son témoi-gnage ci-contre). Sa marge de négociation repose donc sur le salaire fixe et l’obtention d’un welcome bonus (bonus de bienvenue).

Pour obtenir 30% d’augmentation de salaire, Charles n’a pas hésité à invoquer une raison intime : l’achat d’un bien immobilier qui nécessitait un fixe important, notamment pour décrocher un prêt bancaire. «Avancer cet argument était à la fois de la franchise et une manière de montrer que je m’engageais sur un temps long.» Tout l’art de la négociation réside dans le fait de ne surtout pas limiter l’entretien à un échange uniquement transac-tionnel : «Ce que vous demandez ne doit procéder ni de l’orgueil ni de l’avarice, mais d’une réflexion personnelle bien structurée dès le départ», confie le cadre diri-geant. Prenez donc soin de tou-jours présenter des arguments en cohérence avec votre parcours et vos aspirations professionnelles aussi bien que privées.

Bien négocier une prestation

La négo f inancière est un incontournable de la vie quo-t id ien ne de s t r av a i l leu r s indépendants. Transformation numérique oblige, la France compte aujour d’hui près de

20 21/ MARS 2019 > ABONNEZ-VOUS À MANAGEMENT SUR MANMAG.CLUB /

Work /SPÉCIAL NÉGO

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«La négociation impose de“sentir” les choses. Pendant les échanges, prêtez attention au ton de votre interlocuteur : est-il agacé ? Commence-t-il à s’impatienter ? Avez-vous toujours une bonne relation ? Tous ces signes sont autant d’indicateurs. Si vous percevez la moindre tension, il faut d’urgence réparer le lien qui commence à se fendiller. Ayez aussi toujours à l’esprit qu’il y a un temps pour tout. Le temps de négocier le prix, le temps de signer un contrat, de définir les conditions d’achat, les délais de paiement. Après plusieurs discussions, il est impensable de revenir sur ce qui avait été entériné auparavant. Donc attention lorsque vous validez une étape : une fois l’accord confirmé, le sujet est clos. Retenez enfin l’adage suivant, très vrai en négo : “Quand il y a un doute, c’est qu’il n’y a pas de doute.”»

Ayez toujours à l’esprit qu’il y a un temps pour tout.”

B I E N M E N E R S O N E N T R E T I E NN’envisagez pas la négociation comme une bataille. Si vous avez bien préparé votre échange, vous savez ce que vous valez, vous aurez donc une image positive de vous-même. N’abordez pas le premier la question de l’argent, laissez votre interlocuteur le faire. Si jamais il vous coupe l’herbe sous le pied

en démarrant d’emblée l’entretien par une offre chiffrée, ne paniquez pas. Dites que vous appréciez cet effort mais que vous avez des attentes supérieures. Ecoutez ses propositions avec attention et tenez-vous prêt à demander une contrepartie en vous appuyant toujours sur votre argumentaire.

900 000 free-lances, une augmentation de 110% sur les dix dernières années. Rémunéré «à la mission», le free-lance doit plus qu’un autre savoir définir avec précision sa valeur et le prix de sa prestation, sans oublier les charges qu’il devra payer.

Déterminez votre TJMLa première étape de cette évaluation commence par la détermination de son taux jour-nalier moyen, dit TJM. Pour le calculer, Alexandre Louapre, free-lance à temps partiel et communauty builder de Crème de la crème, une plateforme de mise en relation d’indépendants et d’entreprises, conseille d’éta-blir un tableau comportant trois colonnes. «Dans la première, vous recensez toutes vos charges fixes (loyer, téléphone, trans-ports, Internet…), la deuxième énumère vos envies (achats pré-vus, vacances…) et la troisième comporte le nombre de jours travaillés.»

Pour obtenir ce dernier chiffre, il vous faut retrancher des 365 jours d’une année les week-ends, entre quatre et six semaines de vacances et un nombre de jours consa-crés à vous former, à prospec-ter, à gérer l’administratif, etc. «Généralement, vous obtenez

une fourchette comprise entre cent vingt et deux cent cinquante jours de travail. En rapportant le coût de vos charges, dépenses et envies au nombre de jours tra-vaillés, vous obtenez une première idée du taux mini-mum dont vous aurez besoin pour vivre décemment.»

Analysez le marchéComme pour les salariés, il vous faudra effectuer une recherche des prix pratiqués dans votre domaine d’expertise. Les géants, LinkedIn avec ProFinder ou Amazon avec MTurk (Amazon Mechanical Turk), se sont déjà positionnés sur le secteur des indépendants. D’autres plateformes françaises comme Crème de la crème se multiplient et peuvent vous aider à vous

faire rapidement une idée. Le site Malt met en relation indépendants et donneurs d’ordre. Le portail affirme travailler avec 60% des sociétés du CAC 40. Comet, une autre structure, propose des free-lances aux entre-prises dans un délai de quarante-huit heures. Quant au site Findeur, il se positionne sur le créneau des petites et moyennes entreprises. Et, chaque mois, de nouvelles plateformes spécialisées dans un domaine ou un autre font leur apparition sur le Web.

Identifiez le besoin et le budgetEncore peu habituées à recourir à des free-lances, nombre d’entreprises entament les pourparlers de but en blanc par l’envoi d’une demande de prix. Comment réagir ? «Ne donnez pas votre TJM avant d’avoir com-mencé la discussion. Pour fixer votre tarif, il vous faut d’abord cerner avec précision la demande du client, ses objectifs, ses outils et surtout ses moyens», pré-vient Gwendall Esnault, développeur et concepteur de produits digitaux (plateformes Web, interface uti-lisateurs, produits d’e-commerce).

Travaillant en free-lance à temps complet depuis trois ans, Thomas Burbidge accompagne, lui, des socié-tés dans le développement de leur marque employeur. Pour éviter les mauvaises surprises, le jeune homme a conçu un document très détaillé qu’il envoie au client avant le premier entretien. Au menu de son ques-tionnaire figurent une vingtaine de demandes qui vont de la santé de l’entreprise à son domaine d’acti-vité et à la description du projet : que va permettre le produit demandé ? Pour quel marché ? Quel est son budget global ? «Les réponses à tout ou partie de ces questions permettent de gagner du temps et d’entrer directement dans le vif du sujet avec mon client sur ce que je peux lui proposer.» Après une première discussion, charge au free-lance de revenir avec un devis précis. Alexandre Louapre a pris l’habitude d’adresser à ses futurs clients dans les quarante-huit heures un document d’une dizaine de pages récapi-tulant les détails de l’entretien, les objectifs envisa-gés, sa proposition et son prix. «J’y mets beaucoup de forme, c’est carré et cela rassure le client.»

Fixez votre prixLe fait d’avoir clarifié le besoin de l’entreprise per-met de prévoir le nombre de jours requis pour assurer la mission, les outils nécessaires et donc, en fonc-tion de son TJM, de déterminer un prix. «Si vous connaissez le budget de votre client, cela facilite le travail, mais en France cette information est diffi-cile à obtenir», témoigne Gwendall Esnault. La col-lecte d’informations préalable permet néanmoins

de savoir si le service apporté par le free-lance est à même de générer quelques centaines ou quelques milliers d’euros. «Soit parce que le marché de l’en-treprise va s’agrandir grâce à votre prestation, soit parce que vous allez lui éviter de consacrer des res-sources internes à ce projet», ajoute le développeur.

Faut-il alors surfacturer volontairement ? «C’est toujours bien de laisser à votre interlocuteur une marge de négociation, mais attention à bien maîtriser votre discours», confie Alain Van Kote. Le consultant en RH et stratégie et président d’Alpha Omega Consultancy propose généralement un taux horaire de 10 à 15% plus cher que son prix souhaité. «De cette façon, je peux descendre de 10% et, si le client insiste, je propose une autre baisse mais beaucoup plus réduite. C’est la première offre qui doit être la plus significative.» Cette stratégie, le coach ne l’applique pas à tous ses clients. Car le propre d’un free-lance, c’est la souplesse. «La grande distribution est un secteur avec des marges faibles mais où les enjeux sont importants. Dans ce

secteur, les prestations d’un coach peuvent être fac-turées à la hausse alors que, dans le domaine du luxe, c’est à peu près l’inverse : le luxe a certes l’image d’un secteur où il y a beaucoup d’argent, mais le budget coa-ching et formation n’y est pas le plus valorisé», confie-t-il. Et puis, parfois, la renommée d’une entreprise peut valoir de réduire un peu ses prétentions… Ne serait-ce que pour épingler son nom sur votre CV !

Par Julie Krassovsky

22 23/ FÉVRIER 2019 > ABONNEZ-VOUS À MANAGEMENT SUR MANMAG.CLUB /

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SACHEZ À QUI VOUS AVEZ AFFAIRE / La manière de dire les choses a souvent plus d’impact que le message livré. C’est à partir de ce constat que la Process communication invite chacun à adapter son discours au profil psychologique de son interlocuteur.

D éveloppée dans les années 1970 par le psychologue américain

Taibi Kahler, la Process communication vise à faciliter les échanges au sein d’une même entreprise. Comment ? En donnant à chacun les clés d’une connaissance minimale de l’autre et de ses réactions. La théorie répertorie six profils correspondant à six façons de percevoir le monde. «Un des atouts du modèle est d’expliquer le comportement en situation de stress, souvent éprouvé lors des négociations, ce qui permet de mieux comprendre comment agit l’autre. C’est donc un puissant outil pour négocier en adaptant son discours à son interlocuteur», souligne Martine Pallot, consultante et formatrice chez Orsys. L’étape préalable consiste à cerner le profil de votre interlocuteur en menant votre propre enquête. Alors, à qui ressemble votre N + 1 ?

1 L’EMPATHIQUEChaleureux, sensible,

il perçoit le monde à travers ses émotions. Soignez l’amorce de l’entretien en vous montrant disponible, souriant et convivial. L’empathique veut sentir que vous l’appréciez pour ses qualités humaines. En situation de stress, il a tendance à faire passer l’autre en priorité et a besoin de retrouver confiance en lui pour revenir à son équilibre.

2 LE TRAVAILLOMANE Logique, organisé,

il perçoit le monde à travers le filtre de la pensée factuelle. Il vous faudra donc lui fournir les informations concrètes dont il a besoin, valoriser son analyse pour le laisser décider… et trancher en votre faveur. En situation de stress, il se perd dans les détails ou cherche à reprendre le contrôle.

3 LE PERSÉVÉRANT Consciencieux, dévoué,

il perçoit le monde à travers le filtre de ses opinions. Il faut donc écouter son point de vue, reformuler ses propos, lui indiquer que vous l’avez compris, afin qu’à son tour il vous écoute d’une oreille bienveillante. En situation de stress, il peut devenir cassant, chercher à imposer ses idées : prouvez-lui que vous méritez sa confiance.

4 LE RÊVEUR Calme et réfléchi,

il perçoit le monde à travers son imagination. Il a besoin de visualiser les choses avant d’agir, soyez donc concis et explicite. En situation de stress, il se retire en lui-même, une étape à respecter, avant de retrouver son efficacité.

5 LE PROMOTEURPlein de charme et de

ressources, il perçoit le monde à travers les actions. Avec lui, soyez ferme et direct, mettez

en avant la performance. En situation de stress, il s’impatiente face à ce qu’il considère comme une faiblesse de son interlocuteur. Vous pouvez accepter le bras de fer avec lui, d’autant qu’il n’est pas rancunier.

6 LE REBELLE Spontané et créatif,

il perçoit le monde à travers ses désirs. Il est bon d’instaurer avec lui une relation complice. En situation de stress, il peut avoir tendance à rejeter la responsabilité sur les autres, voire à faire preuve d’une mauvaise foi caractérisée. Pour renouer le contact, n’hésitez pas à recourir à l’humour.

Par Gaëlle Ginibrière

CONSISTE À PARTAGER UN

GÂTEAUDE TELLE SORTE QUE CHACUN

CROIE AVOIR LA PLUS

GROSSE PART

Henry KissingerSecrétaire d’Etat américain de 1973 à 1977

24 / MARS 2019

Work / SPÉCIAL NÉGO

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Pour négocier sur de bonnes bases, il faut commencer par oublier la logique dualiste qui met en présence deux adversaires et non deux partenaires. Les explications de Julien Pélabère.

Mon premier cours : la négociation

d’influence

Julien PélabèreDOCTEUR EN NÉGOCIATION

Cofondateur de l’Institut de négociation et de recherche appliquée (Nera), Julien Pélabère enseigne la négociation d’influence à HEC, à l’ENA, à Sciences-Po Paris et à la Sorbonne. Il propose aussi en entreprise des formations à la conduite de négociations sensibles. Il est l’auteur de La Négociation d’influence (Dunod, 2017).

L a première chose que les apprenants ou étudiants me demandent

quand je donne un cours, c’est de leur apprendre à argumenter ou à convaincre pour obtenir le plus de gains possible à l’issue d’une négociation. Paradoxalement, c’est une mauvaise compréhension de ce type d’échange. «Convaincre» vient du latin convincere, soit l’adjonction de «vaincre» et du préfixe augmentatif «con», qui renforce et intensifie l’action du verbe. Ainsi, convaincre signifie «plus que vaincre», annihiler l’autre seulement avec sa parole. C’est d’une certaine façon expliquer à l’autre à quel point il a tort et à quel point vous avez raison. Bien sûr, à partir de ce moment, votre interlocuteur ne va pas vous écouter pour comprendre votre propos mais pour y répondre. Et, de cette situation, seule une victoire à la Pyrrhus peut émerger. On peut effectivement obtenir un accord, mais à quel prix ? Et à côté de quel accord potentiellement bien meilleur

la négociation ? Quel est mon intérêt et quelles positions dois-je tenir pour le défendre ? Il est important d’établir le résultat minimal que je peux accepter et d’avoir une solution de rechange en cas de désaccord. Plus elle sera forte, plus je disposerai de leviers et de liberté dans ma négociation.Les personnes. Avec qui vais-je négocier ? Est-ce que je connais mes interlocuteurs ? Existe-t-il un historique de notre relation ? Avons-nous, autour de la table, les compétences et les connaissances suffisantes pour prendre la décision ?Le processus. Comment allons-nous nous mettre d’accord ? Cette étape consiste à prévoir en amont la logistique de la réunion (lieu, salle, connectique, impression des documents nécessaires, etc.), mais aussi l’agenda de la négociation, les thèmes abordés, l’ordre du jour…La pensée. Nous sommes, lors d’une négociation, notre

principal ennemi ! Notre cerveau ne peut traiter toute la complexité des informations reçues, il va donc catégoriser, trier et simplifier. Ces biais cognitifs, quand on y ajoute des jugements de valeur («C’est bien», «C’est mal») deviennent des préjugés, et l’on peut tomber dans la discrimination. Le but de cette étape de préparation est de recueillir un maximum d’informations pour éviter d’être exagérément sujet à ces biais (biais de confirmation, prophétie autoréalisatrice, surconfiance…), au risque de passer à côté de la négociation.

ÉCOUTER TACTIQUEMENTL’objectif de l’écoute tactique est de passer d’une volonté de convaincre à une volonté de comprendre. Concrètement, elle permet de créer du lien et d’instaurer un climat de confiance ; d’obtenir des informations afin de mieux comprendre les enjeux de la situation ; de désamorcer les éventuelles tensions grâce notamment à des processus de ventilation des émotions ; et, enfin, d’amener son interlocuteur à «conscientiser son inconscient», afin d’amorcer un changement. Dans un

second temps, vous pouvez aussi questionner votre interlocuteur pour comprendre quel est, derrière sa demande apparente, son réel intérêt. Que souhaite-t-il exprimer réellement ? Dans toute négociation, vos questions sont plus importantes que vos réponses : ce sont elles qui permettront d’amorcer le changement chez l’autre.

LIBÉRER LA CONFIANCESans confiance, aucune chance de parvenir à un accord. Cette confiance est une construction relationnelle qu’il faut nourrir tout au long de l’interaction. Ainsi, durant des tractations, il est possible de travailler sur les trois dimensions de la confiance : affective (dans la personne), organisationnelle (dans l’organisation, la structure ou l’entreprise avec laquelle je travaille) et, enfin, confiance dans le produit, la solution, le plan ou la mission que je suis en train de soumettre à mes interlocuteurs.

INVITER AU CHANGEMENTUne fois ces premières étapes validées, le négociateur, grâce à sa compréhension du sujet et à la qualité du lien qu’il aura instauré, pourra proposer des pistes de solutions. Plus il aura collecté d’informations et préparé les échanges en amont, mieux il pourra défendre sa position avec des critères objectifs qui seront partagés par tous

(posture de négociateur inspirant). Dans le cas où ces critères ne rencontrent pas d’écho chez l’autre, il pourra émettre des suggestions, telles que : «Et si on faisait cela, est-ce que cela vous conviendrait ?» Le but de ces formulations est de présenter de manière non frontale un bénéfice à venir, afin de faire comprendre à son interlocuteur qu’un accord sera toujours plus favorable pour lui qu’un non-accord (posture de négociateur influenceur).

ACCOMPAGNER VERS L’ACCORDParce que le «oui» dans la négociation n’a aucun sens s’il n’est pas suivi du «comment», il appartient au négociateur d’être très précis dans la réalisation de son accord. Qui fait quoi ? Quand ? Où ? Comment ? Et si demain on a un problème, que fait-on ? Lors de cette ultime étape, le négociateur devra, en plus d’être rigoureux, se montrer disponible, prévisible et surtout à l’écoute de l’autre pour ne pas saper tout le travail réalisé en amont. La négociation d’influence permet, en «augmentant» l’autre et en lui donnant une partie de ce qu’il souhaite, de satisfaire ses propres intérêts tout en maintenant la relation de confiance avec son partenaire.

est-on passé ? Dans une négociation, il ne s’agit pas seulement de trouver un terrain d’entente, mais d’obtenir le meilleur accord possible pour vous tout en conservant une relation de confiance avec votre partenaire. Le but de ce premier cours de négociation d’influence consiste donc à sortir de cette logique dualiste que peut sembler être la négociation. Sans être naïf, le modèle de négociation d’influence Celia que nous avons développé répond à cette volonté. Pour mieux négocier, je vous propose ainsi de suivre cinq étapes.

CONNECTERLa phase de préparation avant la connexion à l’autre est primordiale. Elle doit prendre en compte quatre dimensions.Le problème. Qu’est-ce que je souhaite obtenir à l’issue de

5 P O I N T S À R E T E N I R1. Bien se préparer et prendre le contrôle de ses intuitions. 2. Passer d’une volonté de convaincre à une volonté de comprendre.3. Installer la confiance minimale nécessaire

pour créer de la valeur.4. Trouver une proposition d’accord valorisante pour le partenaire.5. Sécuriser avec rigueur les conditions du succès.

Trouver un terrain d’entente est une chose. Obtenir un accord dont vous sortirez gagnant sans perdre la confiance de votre partenaire en est une autre…

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WorkSPÉCIAL NÉGO

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Restauration : les recettes du succès

L es Français ont un appétit d’ogre. En 2017, ils ont dépensé 55,6 milliards d’euros dans les 170 000 fast-foods et restau-rants de l’Hexagone, selon le cabinet

NPD Group. Avec un tel marché, pas étonnant que l’idée d’ouvrir une sandwicherie, un bistrot ou une auberge séduise autant les gens tentés par l’entrepreneuriat. Il s’en crée environ 30 000 chaque année en France (selon l’Insee). Attention, toutefois, le tableau n’est pas tout rose. «Un resto sur deux ferme avant la fin de la première année, à cause de problèmes de trésorerie. Puis deux sur trois avant la fin de la troisième année. Le business plan doit donc être bien ficelé et les fonds de roulement doivent être gérés avec soin», prévient Alexandre Roudeau, fondateur d’Emergence Concepts, qui aide les restaurateurs dans leurs démarches. Ses conseils pour réussir : bien évaluer son budget, choisir un empla-cement adapté et innover sans cesse. Et, bien sûr, ne pas hésiter à se faire accompagner. Voici les recettes de huit chefs, du plus débutant au plus expérimenté, à Paris et en province, pour réussir l’aventure gastronomique.

Temps de cuissonAprès avoir fait ses armes auprès de grands chefs (Pierre Gagnaire et Michel Guérard, notamment) et connu une faillite, Akrame Benallal (37 ans),

trop de risques. Le restaurant faisait 60 mètres carrés, dont 5 pour la cui-sine. L’expérience se construit petit à petit, fait évoluer et permet d’avoir accès à d’autres opportunités, une fois que l’on dispose d’une bonne répu-tation», estime-t-il. Les opportunités, justement, se sont succédé. Huit ans plus tard, Akrame – il préfère qu’on ne l’appelle que par son prénom – gère un véritable groupe : 120 salariés et 11 restaurants, en France et à l’étranger (Shanghai, Bakou, Hong Kong…). «Le plus important, c’est l’humain ; il faut bien s’entourer, avec des personnes qui ont les mêmes rêves que vous.»

/ Son conseil / «Le bouche-à-oreille ne suffit plus. Aujourd’hui, les réseaux sociaux, et notamment Instagram, sont essentiels. Ils permettent de montrer l’identité des lieux et de donner envie aux gens de franchir la porte.»

IngrédientsBalthazar Gonzalez, 27 ans, vient des restaurants gastronomiques, où il commence à travailler à l’âge de 15 ans. Formé à l’école de la rigueur par des chefs étoilés, il décide d’ouvrir son propre lieu, l’Hédone, à Toulouse, à l’été 2018. Avec un concept très particulier : rassembler un nombre limité de convives par service, autour d’une seule et même table. «Là où mes amis restaurateurs ont besoin de 30 couverts par service pour être rentables, je le suis avec seulement une dizaine. Avant que j’ouvre, beaucoup étaient sceptiques, me disaient que c’était dangereux, que j’allais me casser les dents, ou me conseillaient d’ajouter quelques tables à côté. Mais je voulais vraiment jouer à fond la carte de la grande table d’hôte, plus conviviale. Et j’ai beaucoup travaillé sur l’étude de marché. Grâce à ça et à mon expérience en cuisine, mon banquier m’a fait confiance», détaille Balthazar Gonzalez. Avec une carte composée de produits locaux et de saison, et une trentaine de couverts par jour, le chef assure être rentable. «Mais il faut faire très attention aux dépenses et bien gérer ses marges pour ne pas se retrouver

s’installe en 2011 rue Lauriston, dans le 16e

arrondissement de Paris. L’établissement n’est pas grand mais celui qui est devenu chef cinq ans plus tôt s’y sent bien. Pour se développer, il com-mence par… prendre son temps. «Il ne faut pas vouloir trop investir trop vite. Mieux vaut démar-rer petit, comme je l’ai fait, et éviter de prendre

dans le rouge.» Le concept choisi permet donc au restaurant de tourner comme prévu et de poursuivre l’aventure, avec trois salariés.

/ Son conseil / «Tout doit être anticipé. Il ne faut pas oublier les petites dépenses finales, comme les couverts, les verres, le système son, etc. Idem pour les charges fixes, et l’Urssaf notamment.»

La cantineAlors qu’elle est responsable marketing chez Danone, Laurianne Ferté d’Hoir, 34 ans, rencontre Anthony Boucher, 43 ans, chef cuisinier. L’envie d’entre-prendre la travaille déjà, le duo décide de se lancer. L’idée d’un ingrédient de base, identique pour tous les plats – le riz –, décliné sous toutes ses formes, vient assez vite à ces deux grands voyageurs qui l’ont chacun dégusté dans de nombreux pays. Rice Trotters voit le jour en 2015. Concept, carte et

Cuisiner pour ses amis est une chose, servir 50 couverts, une tout autre affaire. Un restaurant est une

entreprise. Et restaurateur, un métier.

Pari réussi pour Balthazar Gonzalez, à Toulouse, avec 16 couverts par service et un menu à 67 euros (sans le vin).

Balthazar Gonzalez dans son restaurant à table unique.

Le chef Akrame Benallal,

à la tête de 14 affaires.

Akrame fait partie des chefs de la jeune génération qui se sont bâti

très vite une solide réputation.

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financement sont validés, reste à trouver le local. «Dans le commerce, les trois points clés sont l’emplacement, l’emplacement et l’emplacement ! Trouver le bon n’est pas simple : vous rêvez d’un lieu parfait pendant des mois et il faut faire des concessions. Pour récupérer un endroit dans un quartier vivant le midi, nous avons accepté un resto sur trois étages et non de plain-pied. Ce n’était pas évident de rendre le rez-de-chaussée attractif, mais l’emplacement est parfait», explique la créatrice. Autres difficultés : gérer les ventes à empor-ter (deux tiers du chiffre d’affaires), adopter une signalétique claire et choisir des matériaux pratiques. Deux lieux ont déjà ouvert à Paris et «le troisième est dans les tuyaux». L’entreprise, accompagnée par Réseau Entreprendre, sert 400 couverts par jour et emploie une vingtaine de personnes.

sœur, son beau-frère et ses parents, issus de secteurs aussi divers que l’enseignement, l’agroalimentaire et l’agriculture, elle décide de lancer un restaurant. A la suite d’un crowdfunding (qui leur rapportera 13 000 euros) et de prêts bancaires, Fabienne et sa famille ouvrent Ô Bell’ Endroit, à La Roche-sur-Yon, avec cinq serveurs, tous en situation de handicap. Et elle apprend à travailler avec ses proches. «On découvre chaque jour comment l’autre se comporte sur le plan professionnel. Chacun met la main à la pâte, avec des compétences complémentaires. Nous avons tenu à ce que chacun exprime son souhait au début du projet. Par exemple, ma sœur, qui aime beaucoup son métier d’enseignante, poursuit son travail. Elle s’est investie en amont, mais ne voulait pas se lancer dans la restauration. A l’inverse, je suis investie à100% dans l’opérationnel. Cela ne pose pas de problème, il faut simplement se parler et se dire les choses de façon très claire», déclare- t-elle. L’enseigne a ouvert fin 2018. Avec 35 couverts par repas (à 17 euros en moyenne), elle est pour le moment «dans les clous au niveau financier».

/ Son conseil / «Le crowdfunding nous a aidés à fiabi-liser la trésorerie de départ, mais aussi à communiquer sur le projet. Avec les 13 000 euros, nous avons financé les conseils d’une décoratrice et équipé la salle de réunion ouverte aux entreprises.»

Le plat principalPasser d’une cuisine d’estaminet à des plats raffinés composés de produits 100% locaux et issus de l’agriculture raisonnée n’avait rien d’évident. C’est pourtant ce qu’a réalisé avec succès Florent Ladeyn, 34 ans, en reprenant l’affaire familiale, l’Auberge du vert mont, à Boeschepe, entre Lille et Dunkerque. Il a même été récompensé d’une étoile au guide Michelin ! Après un passage dans l’émission de téléréalité Top Chef (voir encadré page suivante), ce cuisinier emblématique de la nouvelle génération à qui tout semble réussir a poursuivi son chemin, avec un second établissement, le Bloempot, à Lille cette fois. Selon lui, il faut toujours donner la priorité à sa clientèle. «Quand on ouvre un resto, l’objectif est d’avoir des clients, pas de voir son nom dans un guide. A mes yeux, le meilleur restaurant est celui qui affiche complet ! Gardez en tête que c’est

/ Son conseil / «Cuisiner est un vrai métier. Préparer un repas pour ses amis et servir 200 personnes n’ont rien en commun. Mieux vaut donc très bien se former ou s’entourer de gens qui maîtrisent cet aspect.»

La bonne formuleUn premier restaurant en novembre 2017, le deuxième un an plus tard. Deux ou trois autres sont prévus dans les prochains mois. Il faut dire que, depuis sa création, la Maison de la poutine, à Paris, ne désemplit pas. Sa recette de frites et de fromage recouverts de sauce séduit 400 personnes chaque jour dans chacun des deux établissements. Une fois le concept trouvé (il a été importé du Québec), il a fallu sélectionner les fournisseurs et élaborer la carte.

«Au départ, nous voulions proposer aux clients de créer leur propre recette. Mais Erwan Caradec, notre chef et cofonda-teur, voulait des formules fixes, avec une identité forte. Nous avons donc développé une carte avec des recettes saisonnières, un peu plus chères, qui disparaissent puis reviennent au menu, comme chez McDonald’s», raconte Guillaume Natas, 29 ans, cofondateur de l’enseigne créée avec un troisième larron, Florent Steiner, le fondateur d’AdopteUnMec. Ainsi, pour Noël, deux poutines inédites ont vu le jour : l’une au foie gras, l’autre à la truffe. «Nous réfléchissons à une offre végéta-lienne, qui concerne une clientèle de plus en plus importante à Paris», ajoute-t-il. Une carte pour rendre accro et donner envie aux amateurs de revenir.

/ Son conseil / «Gérer les réseaux sociaux et assurer le service après-vente est essen-tiel. Mais il ne faut pas se perdre dans les commentaires négatifs, on doit faire la différence entre ceux qui proposent une remarque constructive, par exemple “trop de sel”, et ceux qui sont juste de mauvaise humeur et critiquent pour critiquer.»

Les associés aux petits oignonsC’est un projet particulier que celui de Fabienne Lamothe, 32 ans. Cette ancienne responsable des ressources humaines s’est lancée dans la restauration pour une rai-son bien spécifique : aider son petit frère atteint de trisomie 21 à trouver un emploi et à travailler en famille. Avec son mari, sa

une entreprise comme une autre. Pour qu’elle soit pérenne, mieux vaut suivre le planning des réser-vations que la sortie des guides.» Florent Ladeyn s’apprête à ouvrir son troisième établissement, à Lille encore, qui proposera de la street food. «Mais toujours avec des produits locaux. Car le terroir des Flandres est génial et j’ai envie de montrer qu’on peut bien manger à petit prix», conclut ce touche-à-tout.

/ Son conseil / «En matière de management, il n’y a pas de place pour la violence dans mes restaurants. Nous sommes dans l’exigence et la rigueur, mais tout le monde me tutoie, m’appelle par mon prénom, sur un principe d’horizontalité. Le côté militaire de la cuisine n’est pas obligatoire, je suis pour le travail d’équipe avant tout.»

E n t r e p r e n d r e PROFILS

Le chef Erwan invente des recettes pour 800 convives chaque jour. Leur

ticket moyen est de 15 euros.

Au menu de la Maison de la poutine, frites et fromage recouverts de sauce.

Florent Ladeyn,

patron de l’Auberge du

vert mont.

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30 31/ MARS 2019 > ABONNEZ-VOUS À MANAGEMENT SUR MANMAG.CLUB / > ABONNEZ-VOUS À MANAGEMENT SUR MANMAG.CLUB / 31/ MARS 201930

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L’accompagnementPicky Spring naît de l’envie de Matthew Minas et de sa femme Ilona, tous deux âgés de 30 ans, de s’associer. Elle travaille alors dans un établissement de Buddha-Bar, le groupe familial, un lieu chic et branché des beaux quar-tiers parisiens. Lui aussi a fait ses armes dans l’hôtellerie et la restauration, avec une première expérience de création d’entreprise. Fan des rouleaux de printemps, le couple peine à trouver des produits à son goût dans la capitale. Puis, grâce à leur réseau et à leur entourage, les deux restaurateurs réussissent à élaborer une carte et à ouvrir leur propre cantine. «Pour trouver le local, nous avons été aidés par un investisseur. Nos infusions ont été réalisées avec le mixologue du Buddha-Bar, qui a développé pour nous quatre cocktails sans alcool. Et une naturopathe a validé nos recettes, pour qu’elles possèdent un indice glycémique bas et soient saines», précise Matthew Minas. Un mélange réussi, puisque Picky Spring (cinq personnes) a atteint sa vitesse de croisière en… trois mois d’existence, avec un ticket moyen d’une vingtaine d’euros.

/ Son conseil / «Si vous travaillez en couple, attention à garder une part de vie privée et des moments passés en tête-à-tête, mais sans parler du resto !»

Le fond de sauceLorsqu’elle quitte son métier d’architecte pour créer So Nat, son échoppe de buddha bowls, des plats healthy mélan-geant légumes, céréales, fruits et légumineuses, Zohra Levacher, 36 ans, veut faire les choses dans l’ordre. Elle commence donc par suivre des formations : des cours sur la création et la gestion d’entreprise à la CCI, puis un CAP cuisine. Elle élabore le business plan de son affaire, avant de sélectionner son local. «Pour qu’un restaurant fonctionne, il faut une adéquation entre le concept, le lieu et la clientèle. J’ai pris du temps pour être sûre de moi, je suis allée voir des chaînes qui proposaient des offres proches de la mienne, j’ai compté le nombre de clients dans les restos du quar-tier qui m’intéressait, j’ai fait du porte-à-porte pour trouver le local, prendre des infos sur la fréquentation, discuter avec les salariés du coin en pause, etc. Mon étude de marché était béton», raconte-t-elle. Son offre de bols colorés (de 9 à 16 euros) séduit rapidement ses clients. Résultat : dans la foulée du premier lieu, elle en a ouvert un second et prévoit à présent d’en inaugurer un troisième très prochainement.

/ Son conseil / «Faites un stage ou travaillez dans une cuisine professionnelle avant de vous lancer. Le fait d’avoir été commis auparavant m’aurait aidée à voir comment fonctionne une vraie cuisine.»

Par Laura Makary

LA MERINGAIE, UNE ENSEIGNE CRAQUANTE / Marie et Benoît Bardon, deux anciens cadres supérieurs, ont créé un concept de pâtisserie haut de gamme autour d’un produit unique, la pavlova. Une recette qui attire de plus en plus de gourmands dans leurs trois boutiques parisiennes.

C’est l’histoire d’un concept craquant (à l’extérieur…). Une pâtisserie qui ne vend que des gâteaux à base de meringue fondante (à l’intérieur…), recouverte de crème fouettée et de fruits frais. Un délice ! Et c’est aussi l’histoire d’un succès commercial. La recette, mise au point par Marie Stoclet Bardon, a séduit tant de consommateurs que, seulement trois ans après le lancement de l’entreprise, elle et son mari, Benoît, avaient déjà ouvert trois boutiques à Paris. «Nous réalisons 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires», se félicite cette ex-Essec, passée par Procter & Gamble, qui travaille soixante-dix heures par semaine. Mère de trois garçons, Marie se définit comme une «monomaniaque de la nourriture» qui a appris à faire des gâteaux avec ses grands-mères et cuisine tout le temps.

Comme beaucoup de passionnés des fourneaux, elle adore recevoir des invités, qu’elle soigne à grand renfort de meringues faites maison. «Mes amis me disaient souvent qu’ils les trouvaient excellentes et me conseillaient d’en faire un business», raconte Marie. L’idée a fait son chemin. A l’été 2014, Benoît, qui tourne alors en rond dans son job de directeur de la communication chez Dalkia, crée la marque, la dépose et commence à concocter un business plan. Aussi, lorsque

six mois plus tard Marie perd son emploi de responsable de l’activité digitale et des cadeaux d’affaires chez Fauchon, le projet de reconversion va de soi : ce sera la pâtisserie. Son époux négocie son départ et le couple se met en quête de l’emplacement idéal. «Dans le commerce, c’est le point clé.» Ils finissent par le dénicher, rue de Lévis, dans le 17e arrondissement de Paris. Un endroit chic, parfait pour leur positionnement prix – les pavlovas sont vendues entre 18 et 36 euros, selon leur taille : «Entre le boulanger de quartier et Pierre Hermé !» Ils mettent trois mois à convaincre le propriétaire de leur vendre le fonds de commerce et huit de plus pour ouvrir la boutique. En octobre 2015, le rideau se lève enfin sur La Meringaie :

un premier magasin dans lequel, à travers de grandes baies vitrées, le client peut voir l’atelier et admirer les employés (20 aujourd’hui) en train de confectionner les gourmandises. Les meringues sont montées tous les jours et les fruits épluchés sur place.

Les créateurs auraient bien temporisé encore un peu. «La veille de l’inauguration, nous avons vu que nos emballages étaient trop petits et écrasaient les gâteaux. Quand on se lance, on a toujours l’impression qu’on ne sera jamais prêt à temps. Mais il y a un moment où il faut arrêter de reculer. En réalité, le magasin était rentable dès le premier jour», explique Marie. Pour se donner du courage, le couple s’est fait épauler. Marie a entraîné dans l’aventure sa cousine Charlotte (diplômée de l’école Ferrandi), le designer Olivier Desdoigts (qui a créé le logo et conçu les magasins) et le chef Gilles Marchal. Il s’est aussi fait aider par Réseau Entreprendre. Les financements (de 500 000 à 800 000 euros par boutique) proviennent des banques et d’investisseurs privés. L’an dernier, l’entreprise s’est dotée d’un atelier de 170 mètres carrés en mesure de produire des milliers de meringues à la semaine. Bientôt une quatrième boutique ?

 Par Sébastien Pierrot

L A T É L É R É A L I T É , C ’ E S T B O N P O U R L E B U S I N E S S

Cauchemar en cuisine, Un dîner presque parfait, Le Meilleur Pâtissier… Le succès et le nombre des émissions de téléréalité consacrées à la cuisine ne cesse de croître. Sur M6, la dixième saison de Top Chef vient d’ailleurs de démarrer. Avec près de 3 millions de téléspectateurs, le programme a de quoi attirer les restaurateurs. Finaliste de l’édition 2013, Florent Ladeyn (Auberge du vert mont, près de Lille) avait pourtant hésité. «Voir ma tête à la télé n’a jamais été une fin en soi. En revanche, lorsqu’on m’a contacté,

j’ai senti le potentiel que cela pouvait avoir en matière de communication et d’impact. Je me suis donc décidé», raconte l’ancien candidat. A la suite de l’émission, où il n’a pas gagné, il est sollicité de toute part : médias, agents, marques, investisseurs, etc. Coca-Cola lui propose même un gros chèque pour apparaître dans une publicité. «Forcément, cela donne à réfléchir. Mais je ne servais plus ce soda dans mes établissements, par choix. J’ai donc préféré refuser.» Quant aux effets de l’émission sur l’augmentation de la clientèle :

«C’était une période de forte affluence. D’ailleurs, nous n’étions presque pas assez structurés pour encaisser l’onde de choc», estime le chef, aujourd’hui étoilé. «La médiatisation fait venir les gens la première fois. Ensuite, c’est notre travail qui les fait revenir. Je n’ai pas changé mes prix, certains de mes clients étaient là avant Top Chef et le sont toujours. C’était une belle aventure. Cette visibilité me permet aujourd’hui de m’exprimer sur mes valeurs : le local, l’agriculture raisonnée, la permaculture et la biodynamie. L. M.

Architecte de métier, Zohra

Levacher s’est formée avant de se lancer.

Marie et son époux

ont déjà ouvert trois pâtisseries

à Paris.lameringaie.com

So Nat emploie 11 salariés. L’échoppe la plus grande sert

200 couverts par jour.

E n t r e p r e n d r e PROFILS

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