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FICHE THÉMATIQUE La faim dans un monde de surabondance Santé des mères et des enfants Reportages en RD Congo Interviews N° 2 / 2011 • BIMESTRIEL AVRIL-MAI 2011 • P308613 • BUREAU DE DÉPÔT BRUXELLES X dimension LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE

Santé des mères et des enfants - diplomatie.belgium.be · C’est l’aboutissement d’un long travail de l’Etat congolais avec ... rectes comme le VIH/sida, le paludisme et

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FICHE THÉMATIQUELa faim dans un monde de surabondance

Santé des mèreset des enfantsReportagesen RD CongoInterviews

N° 2 / 2011 • BIMESTRIEL AVRIL-MAI 2011 • P308613 • BUREAU DE DÉPÔT BRUXELLES X

dimensionLE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE

sommaire

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Il y a assez de tout

dans le monde

pour satisfaire aux

besoins de l'homme,

mais pas assez pour

assouvir son avidité.

MAHATMA GANDHI

26/27 >

Noam Chomsky,un intellectuel engagé

22/23 >

Punir enfin,pour prévenirles violences sexuelles

4/5 >

Une nuit dansla maternité

AVRIL-MAI 2011

6-9 Petite santé, pays immense, vaste question : Reportage en RD Congo

10-11 "Qui peut le plus peut le moins !" Interview avec Marleen Temmerman

12-13 Inondations au Pakistan : une catastrophe humanitaire largement canalisée

14-19 Centre Songhai : Danse avec la nature

20-21 La cliniquedes renaissances

24-25 Gand - Mangaung, villes soeurs

28-29 Makala ya sasa - un fi lm documentaire

30-31 Petite Dimension

DOUBLE PAGE CENTRALE >

FICHE THÉMATIQUE

La faim dans un monde de surabondance

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2 AVRIL-MAI 2011 I dimension 3

L ’actualité mondiale de ces derniers mois semble avoir pris un coup

d’accélérateur. Elle montre à quel point les différentes parties du

monde sont interdépendantes, et comment un phénomène peut en

entraîner un autre. Dans son dernier numéro, Dimension 3 se penchait sur le

cas des migrants. Aujourd’hui, un nombre accru d’entre eux frappe à notre

porte. Plusieurs raisons en amont : le chômage, des prix alimentaires élevés, la

mauvaise gouvernance, une population excédée… Qui aurait cru alors que le

Maghreb et le Moyen Orient s’embraseraient aussi rapidement, avec une issue

pleine d’espoir pour les uns, incertaine pour les autres ? Les questions de la

sécurité alimentaire à laquelle nous consacrons une fi che thématique et de la

répartition plus juste de l’alimentation manifestent toute leur importance.

Le monde entier a également assisté impuissant à la dévastation du Japon, qui

se transforme depuis en catastrophe nucléaire, démontrant que les pays les

plus technologiquement avancés ne sont pas à l’abri des caprices de la nature.

Devant toutes ces catastrophes, nous aurons beau fermer les yeux et nous

enfermer dans nos frontières, nous ne serons pas à l’abri des conséquences

indirectes : élévation des prix du pétrole et du coût des appareils électroniques,

immigration, répercussions écologiques…

Loin des tsunamis ou des soulèvements populaires spectaculaires, se trame

chaque jour un drame poignant : à chaque minute, une femme meurt en donnant

la vie, un enfant sur huit disparaît avant son 5e anniversaire… Drame d’autant plus

inacceptable qu’il pourrait être évité, comme le souligne Marleen Temmerman

que nous avons interviewée à ce sujet. Si les décès en couche, les fi stules

obstétricales, les morts des enfants de moins de 5 ans étaient encore monnaie

courante en Europe il y a deux siècles, ils sont devenus rares grâce à l’assistance

médicale, aux accouchements, et au suivi pédiatrique. Ce n’est pas le cas dans

le Sud. Les femmes représentent plus de la moitié de la population humaine et

les enfants sont les adultes de demain ; si l’on ne peut assurer la protection de la

majorité de la population pour les actes les plus fondamentaux de la vie - naître et

donner la vie -, comment prétendre développer l’être humain ?

Nous sommes partis sur les routes cahoteuses de la RD Congo pour rencontrer

ceux qui agissent en première ligne -, patients, médecins, organismes d’aide et

mêmes particuliers - pour constater que la santé des mères et des enfants était

plus qu’une simple histoire de santé. Elle est aussi liée à la pauvreté des patients

et du système national, des formations des médecins, de l’état des routes,

de l’éducation et du statut des femmes. Nous sommes entrés aussi dans les

salles d’audiences où les procès des militaires accusés de viols se multiplient.

Une bonne nouvelle pour l’Est du Congo où le corps des femmes est parfois

utilisé comme arme de guerre pour détruire la société et asseoir des guerres

abominables. C’est l’aboutissement d’un long travail de l’Etat congolais avec

les partenaires pour rétablir la justice. Aujourd’hui, tous les crimes ne sont plus

permis, les espoirs sont admis…

LA RÉDACTION

Interdépendance dans un monde qui change

édit

o

Périodique bimestriel de

la Direction Générale de la

Coopération au Développement

(DGD)

Rédaction :

DGD - DIRECTION PROGRAMMES

DE SENSIBILISATION

Rue des Petits Carmes 15

B-1000 Bruxelles

Tél. +32 (0)2 501 48 81

Fax +32 (0)2 501 45 44

E-mail : [email protected]

www.diplomatie.be • www.dg-d.be

Secrétariat de rédaction :

Elise Pirsoul, Jean-Michel Corhay,

Chris Simoens, Thomas Hiergens

Création et production :

www.mwp.be

Les articles publiés ne représentent

pas nécessairement le point de vue

offi ciel de la DGD ou du gouvernement

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Dimension 3 paraît 5 fois par an tous les

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3dimension

Réfugiés de Rohingya du Myanmar au Bangladesh. Une femme regarde vers l’extérieur de sa maison détruite, serrant son enfant nouveau-né dans ses bras.

© UNHCR / G.M.B. Akash

dimension 3 I AVRIL-MAI 2011 3

22 h., Notre parturiante a fi ni par expulser un beau bébé de presque 3 kilos qui est aus-sitôt examiné par les infi rmières et rendu à sa mère. Elle quittera probablement l’hôpital demain matin pour reprendre le travail, son bébé sur le dos. En attendant, elle passera la nuit dans une salle bondée de la maternité où elle partagera peut-être son lit avec d’autres accouchées.“Mais il est rare qu’une mère meure à l’hôpital ; bien souvent, elle n’arrive pas jusqu’ici.”En effet, peu de femmes ont accès

aux soins médicaux. Ici, en RD Congo, la santé de la mère et de l’enfant est alar-mante: une enquête démographique de 2007 dénombre 549 morts maternelles pour 100.000 naissances vivantes. Soit, avec une moyenne de 6,3 enfants par femme, un décès des suites d’une grossesse toutes les demi-heures. Les causes sont bien connues et les décès évitables : infections, hémorra-gies, complications, disproportion entre le bassin et la tête du bébé chez les femmes trop jeunes, sans oublier des causes indi-rectes comme le VIH/sida, le paludisme et

Une nuit,dans la

maternitéIl est 20 h.,

C’est une soirée tranquille pour Maman Françoise, infi rmière chef de l’hôpital

Saint-Joseph de Kinshasa. Dans la salle de travail, quelques femmes sont proches de l’accouchement, d’autres gardées en observation, faute de place ailleurs. La plu-part d’entre elles ont eu une crise de mala-ria alors qu’elles n’étaient enceintes que de quelques mois. La malaria, fréquente sous ces latitudes est l’une des premières causes des naissances prématurées.De la salle d’accouchement, parviennent des gémissements qui se transforment par-fois en complaintes en lingala. “Le travail se déroule normalement, elle devrait accoucher dans peu de temps”, me confi e Maman Fran-çoise. Un peu à l’écart, une jeune femme est couchée en boule, le regard perdu : “Elle vient d’accoucher d’un bébé mort-né. Elle a pris trop de temps pour arriver ici car elle a d’abord été envoyée dans un autre hôpi-tal. L’enfant était déjà mort d’asphyxie à son arrivée. A son arrivée, on a détecté la pré-clampsie et fait une césarienne…, trop tard.”Autre cause bien connue du dénouement fatal des accouchements, le phénomène dit des “3 retards” : retard de décision de se rendre à l’hôpital, retard occasionné par la recherche du transport, retard dans la prise en charge…

21 h., Une jeune fi lle entre, accompagnée d’un infirmier. Son ventre est encore rond de l’enfant auquel elle a donné vie il y a deux jours. Elle pleure convulsivement et bafouille de façon désespérée, prise de panique. L’infirmière m’explique : son bébé est né prématurément et dans de mauvaises conditions à la suite d’une crise de malaria. Il vient de décéder au service néonatal. Comme elle ne peut pas payer la facture, on la retient et on lui demande de dormir à la maternité, à côté des femmes en travail. Un cauchemar…

L'UNICEF estime qu’un enfant sur huit n’atteindra pas son 5e anniversaire.

4 AVRIL-MAI 2011 I dimension 3

SANTÉ MATERNELLE

la malnutrition qui touche plus de 53 % des femmes en âge de procréer. Par ailleurs, la contraception n’est utilisée que par 6 % des femmes. Quant à la mortalité des enfants de 0 à 5 ans, qui est intimement liée à la pauvreté et la condition des femmes, elle atteint le chiffre tragique de 142 pour 1.000 naissances…

Dans le monde…Parmi les Objectifs du Millénaire, les Objectifs 4 et 5 (réduire de deux tiers la mortalité infantile et maternelle) sont

ceux qui progressent le moins. Même s’il y a des avancées, Unicef estime qu’un enfant sur huit n’atteindra pas son 5e anniversaire et que par an, 251 femmes sur 100.000 ne survivront pas à leur grossesse (50 % de ces décès ayant lieu en Inde, Nigeria, Pakistan, Afghanis-tan, Ethiopie et RD Congo)... Estimant que la santé de la mère et de l’enfant est fondamentale pour le développement harmonieux des sociétés en général et l’atteinte des Objectifs du Millénaire, les agences des Nations unies ont décidé

de réunir leurs forces dans une Stratégie globale pour la santé des femmes et des enfants, aidée d’un fonds de 40 milliards de dollars.

ELISE PIRSOUL

ONLINEwww.who.int/pmnch/topics/maternal/

© CTB / Dieter Telemans

dimension 3 I AVRIL-MAI 2011 5

Dans un pays aussi vaste que la République Démocratique

du Congo, où presque tout est à reconstruire, la santé des

mères et des jeunes enfants reste un domaine complexe

qui dépasse la seule question de la santé et touche tous les

domaines du développement.

Le petit centre de santéde Maman Nzuzi

De Kinshasa, il faut d’abord rouler une heure, à travers les incontournables embouteillages, sur ce qu’on a du mal à qualifi er de “route” tant la terre est cabossée. Ensuite la “route” s’arrête et c’est à pied qu’il faut descendre la col-line et en remonter une autre par un petit chemin de terre rendu particulièrement boueux par cette journée pluvieuse. On arrive devant une petite maison dont on distingue à peine l’intérieur. “Voilà une semaine que nous n’avons plus d’élec-tricité”, soupire sa patronne, “Maman Nzuzi”. Maman, elle ne l’est pas que par le nom tant elle s’est battue pour sa com-munauté. “Je voulais faire quelques chose pour mon quartier, je voyais les gens (10 % de la population active m’affir-mera-t-elle) mourir de paludisme, d’ané-mie ou de choléra, sans qu’il y ait de prise en charge locale. Il n’y avait même pas de

lieu où accoucher.” Elle décide d’ouvrir en ‘92 un dispensaire pour sa commu-nauté si démunie. Déterminée, elle obtint très vite de la coopération belge un fi nan-cement de 500.000 FB pour transformer le petit dispensaire en véritable centre de santé. Depuis, elle a créé son ONG, Action Bolingo, dont le but est d’amélio-rer le bien-être de la communauté. Car le bien-être, c’est la santé.Remarquant que la malnutrition était l’une des causes principales des mala-dies d’enfants et des grossesses à risques, “J’ai commencé à préparer à manger pour les démunis du quartier, mais on a constaté que ce n’était pas suffisant car lorsque mes patients ren-traient à la maison en bonne condition, ils réapparaissaient mal nourris peu après.”Alors, avec l’aide du programme belge PAIDECO (voir encadré) et des habitants, elle défriche un marais pour le transfor-mer en terre cultivable. Depuis lors, les

habitants peuvent cultiver et consommer leurs propres légumes et les problèmes de nutrition ont diminué. De même, constatant que l’eau était impropre à la consommation et cause de diarrhées, elle obtint de l’UNICEF la construction d’un puits et des médicaments.Aujourd’hui, c’est jour de consulta-tion prénatale (CPN) et une dizaine de femmes se présentent. Ici, on peut détecter une grossesse à risque qui sera signalée à un hôpital, un bassin trop petit, une séropositivité dont on peut prévenir la transmission à l’enfant à l’aide d’antiré-troviraux, ou vacciner contre le tétanos néonatal… Malheureusement, les CPN ne sont pas suivies par toutes et il arrive souvent qu’une femme se présente au centre de santé en état de complication d’accouchement sans n’avoir jamais consulté un médecin…Dans la petite pièce sombre qui sert de maternité sont couchées une dizaine de jeunes accouchées. Chez l’une d’elles, le bébé présente une anomalie, il devra bientôt être référé à l’hôpital.Si un problème dépassant les compé-tences du centre se présente, le malade est amené à pied, ou en civière, sur des chemins escarpés au premier hôpital qui se trouve à 5 km. Et ce n’est pas le seul

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VASTE QUESTION

Petite santé,pays immense,

6 AVRIL-MAI 2011 I dimension 3

problème : le personnel du centre (5 per-sonnes en alternance) est entièrement payé par la rétribution des soins, ce qui équivaut à environ 20 euros par mois…

Pharmacie “Apocalypse”Sur la route de Kisenso vers l’hôpital Saint-Ambroise, le regard croise la pharmacie “Apocalypse”, qui propose une vingtaine de médicaments importés d’Asie. C’est

l’une des nombreuses pharmacies aux noms fantaisistes qui, tout comme les centres médicaux privés, fl eurissent en RD Congo depuis des années. Un bien pour la population…? Pas forcément. Si, avant les années ‘90, on déplorait le manque de personnel médical, la dégradation du sec-teur public donna lieu à l’ouverture d’une myriade d’institutions professionnelles de qualité douteuse.

AU BURUNDI,

SOINS GRATUITS

POUR LA MÈRE

ET L’ENFANT

Depuis 2006, la santé de la mère et

de l’enfant est gratuite au Burundi :

accouchement, césarienne, test et soins

sida, paludisme, médicaments – y com-

pris contraceptifs -, fi stules et autres opé-

rations sont entièrement subventionnés :

une révolution !  La gratuité des tests VIH et

des médicaments ARV permet d’accroître

maintenant le nombre de femmes testées

et d’envisager une meilleure prévention de

la transmission mère-enfant. La planifi ca-

tion familiale est un volet important dans ce

pays rongé par la pression démographique

sur les terres et où la moyenne est encore

de 6,8 enfants/femme. De fait, l’utilisation

de médicaments contraceptifs (gratuits !),

qui est encore entravée par la religion et la

tradition est passé de 2,7 à 18,9 % en 2010.

Le fi nancement de départ vient en partie

d’un fonds de remise de dette (Pays Pauvres

Très Endettés), dont 20 % ont été affectés

à la santé et s’ajoute à l’appui des parte-

naires. Le défi principal de la gratuité des

soins est le manque de personnel qualifi é,

selon le directeur du Programme de santé

reproductive du Burundi. EP

© DGD / E. Pirsoul

L’hôpital général de

Walungu, à 40 km de

Bukavu, doit fonctionner

avec de faibles moyens.

dimension 3 I AVRIL-MAI 2011 7

SANTÉ MATERNELLE

République Démocratique

du Congo

La quantité prit rapidement le pas sur la qualité. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir ces centres médicaux peuplés de personnel désœuvré attendant le client… Ce personnel mal formé et mal payé peut être à l’origine d’un mauvais diagnos-tic, d’un retard de prise en charge, voire d’une opération ratée. De même, on s’im-provise pharmacien comme on pourrait être épicier, là encore au détriment de la qualité. Dans la course au meilleur mar-ché, ce sont les médicaments génériques asiatiques, souvent moins effi caces que leurs originaux, voire carrément inutiles, qui gagnent la mise. Le médicament – contraceptif y compris – est parfois vendu à la pièce…

De l’hôpital local à l’hôpital national

Dans le centre de Maman Nzuzicomme dans tout dispensaire local, on

fait les consultations prénatales, les accou-chements normaux, les prescriptions de médicaments, les petites opérations de kystes…, mais il n’existe pas de bloc opé-ratoire et une simple césarienne, ou un cas

de maladie grave demande un trans-fert vers l’hôpital de référence.Saint-Ambroise est ce qu’on nomme un “centre hospitalier de première

référence” pour 17 aires de santé, qui couvrent environ 200.000 habitants. Il a bénéfi cié d’un fi nancement de 300.000

euros de la coopération belge en appui aux ONG locales qui a permis d’acqué-rir un bloc opératoire, une maternité et du matériel. Ce centre hospitalier dépend du Bureau diocésain des Oeuvres Médicales, vaste réseau médical catholique converti en ONG de santé, qui bénéfi cie épiso-diquement d’un appui de la coopération belge et permet vaille que vaille de garan-tir des soins de qualité à des coûts relative-ment abordables.Ici, on traite les césariennes mais aussi des hernies et des cas aigus de maladie ou de malnutrition. Mais, dans la salle d’attente, les femmes et les enfants constituent la grande majorité de la clientèle. “Nous pratiquons environ 90 accouchements par mois, dont 4 ou 5 césariennes. Ici, on reçoit tous les cas mais beaucoup sont incapables de payer les 13 dollars demandés pour l’accouchement, et on monte à 30 dollars

pour une césarienne, une fortune pour un Congolais moyen… En cas de défaut de paiement, les patients sont retenus à l’hôpital.” Une salle est remplie de ces ‘impayés’… Parmi eux, une jeune fi lle de 17 ans qui accompagne son petit garçon de 1 an et demi, atteint d’une malaria qui s’est compliquée en anémie grave. Elle n’est pas mariée et vit chez ses parents qui sont pauvres. Une autre femme se tient à l’écart : “Elle a le sida et est agonisante. Sa famille l’a abandonnée, personne ne vient lui donner à manger et elle dépend de la générosité des autres patients. Son moral est au plus bas.” (NDLR : l’hôpital ne fournit pas les repas, cette tâche revient au garde-malade, qui est un membre de la famille la plupart du temps).Saint-Joseph est l’un des grands hôpitaux nationaux, celui où se trouvent les spécia-listes pour les cas les plus compliqués. Pour y parvenir, il faut faire du rodéo à travers les routes, zigzaguer et plonger régulièrement dans d’immenses fl aques. Sur la bande centrale, des Chinois refont la route ; peut-être ce tronçon sera-t-il le prochain ? Ici on pratique entre 300 et 400 accouchements par mois. Ce n’est pas l’état qui fi nance l’hôpital mais un petit fonds social constitué par des mécènes, l’Eglise et d’autres organismes, sans que cela suffi se pour rentrer dans les frais. “Des malades arrivent ici, refusés ailleurs parce qu’ils ne peuvent pas payer, on nous envoie même des cadavres”, déclare le médecin chef. La mutualité existe mais elle n’est accessible qu’aux moins pauvres…

L’HÔPITAL

ROI BAUDOUIN

L ’Hôpital Roi Baudouin un l’un de ces hauts

lieux de l’histoire intime qu’ont partagé nos

deux pays, comme il en existe encore tant au

Congo. Il doit son nom au Roi Baudouin, qui,

ayant visité le “Zaïre” pour ses 25 ans d’indé-

pendance (en ‘85), avait décidé d’offrir un hôpi-

tal à un quartier fortement peuplé et démuni

de Kinshasa : Masina. La mise en œuvre du

chantier avait alors été confi ée à la coopération

belge. Trois ans plus tard, l’hôpital terminé était

remis au gouvernement congolais. Dès 2001,

Malta Belgium et la Fondation Roi Baudouin,

constatant que les locaux s’étaient fortement

dégradés, entreprenaient la réhabilitation de

la salle d’opérations, de l’imagerie médicale,

des sanitaires et de la morgue. En 2010, les

besoins de la maternité demeuraient criants :

les femmes accouchées dormaient parfois à

deux ou trois sur le même lit. L’été dernier, à

l’occasion du 50e anniversaire, c’est le Roi

Albert qui venait à son tour au Congo et faisait

un don de 50.000 euros pour l’extension de la

maternité. EP

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8 AVRIL-MAI 2011 I dimension 3

SANTÉ MATERNELLE

Un problème multisectorielDu centre de Maman Nzuzi au grand hôpi-tal, la question de la santé de la mère et de l’enfant apparait dans toute sa complexité. Bien sûr, le système des soins de santé souffre d’un manque de qualité et d’effi -cacité, mais il est dépendant d’une série de facteurs : le manque de fi nancement du gouvernement, la pauvreté des patients incapables de payer les soins, un person-nel médical trop nombreux, souvent mal formé et mal payé, des médicaments de

mauvaise qualité, la prévalence du VIH et du paludisme dans les risques de com-plication de grossesses et le mauvais état des routes qui rend l’accès à l’hôpital dif-fi cile. Mais encore, le manque d’éducation des femmes et d’autres aspects ‘genre’ comme les mariages précoces et la plani-fi cation familiale ont un rôle important dans la prévention des risques liés à la gros-sesse et les maladies infantiles. C’est pour-quoi la coopération belge préconise une approche intégrée de la santé maternelle.

Une stratégie nationale pour un défi immense

Remettons les choses dans leur contexte : la RD Congo (68 millions d’habitants) a un budget équivalent à celui d’une grande ville belge, et seulement 3,62 % des dépenses publiques sont consacrées à la santé dont 80 % sert à rémunérer modes-tement le personnel. Il ne reste pratique-ment rien pour les infrastructures et les médicaments. D’où l’appel du gouver-nement aux bailleurs pour l’aider dans ces fi nancements. Le Ministère public a élaboré un plan national (stratégie de ren-forcement du système de santé) qui réor-ganise le système de santé pour le rendre plus performant. Un plan bien conçu mais qui souffre d’un manque de gouvernance et de coordination des partenaires. De grands bailleurs comme l’UNICEF, le FNUAP, l’OMS, le PNUD, la Banque mon-diale et l’UE appuient le gouvernement congolais dans ses efforts mais sans grande harmonie.La coopération belge s’aligne également sur cette politique nationale. La CTB offre un appui institutionnel, aide à la coordi-nation provinciale et appuie des zones de santé. Suite aux conventions inter-nationales visant à améliorer l’effi cacité de l’aide, la RD Congo et la Belgique concentrent la coopération bilatérale sur trois secteurs prioritaires : l’agriculture, le développement rural et la formation technique et professionnelle. La santé bénéfi ciant de l’appui d’un grand nombre de bailleurs, n’est désormais plus un sec-teur prioritaire. Cependant, l’expertise et l’assise sociétale historique belge dans la santé au Congo est encore mise à profi t par des ONGs et institutions belges telles que l’Institut de Médecine Tropicale d’An-vers et les Ecoles de santé publique. La CTB soutient la coordination des soins de santé au niveau provincial et dans les zones de santé.

ELISE PIRSOUL

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LE PROGRAMME PAIDECO

La coopération belge et le fonds belge pour la sécurité alimentaire fi nancent à hauteur de

36 millions d’euros le Programme d’Appui aux Initiatives de Développement Communautaire

(PAIDECO), sur tout le territoire national. Exécuté par la CTB et entamé dans les Communes de

Kinshasa (Kisenso et Kimbanseke), les Provinces du Bas Congo, du Bandundu et du Katanga, le

programme se décline en huit projets distincts.

Ces différents projets contribuent à la reconstruction institutionnelle, économique et sociale

des villes, communes et entités décentralisées afi n d’améliorer durablement les conditions de

vie des populations à travers la promotion de la bonne gouvernance locale et l’amélioration

des services aux citoyens. La logique d’urgence ayant prévalu dans nombre de projets fi nan-

cés par l’aide extérieure, la stratégie de PAIDECO vise la consolidation de la société à long

terme via la préparation de plans locaux ou urbains de développement, l’amélioration des

infrastructures, le renforcement des capacités, et l’appui aux fi lières de production alimentaire.

Maman Nzuzi se bat pour sa communauté de la périphérie de

Kinshasa. Elle a ouvert un petit centre de santé. Elle a bénéfi cié

d’aide la coopération belge et notamment du programme PAIDECO.

dimension 3 I AVRIL-MAI 2011 9

Son nom est une référence dans le monde des soins de santé,

des droits des femmes et de la coopération au développement.

Ses travaux de recherche sont destinés à améliorer la qualité

de vie des femmes et de leur famille. Femme orchestre, Mar-

leen Temmerman – gynécologue de renommée internationale,

chef de son propre centre de recherche à l’université de Gand,

philanthrope de cœur et d’esprit, politicienne à ses heures per-

dues – répète inlassablement son message: la mortalité mater-

nelle est une injustice qui peut être combattue, mais le monde

ne veut pas encore l’entendre.

Madame Temmerman, qu’est-ce qui vous a amenée à devenir gynécologue ?Adolescente déjà, je rêvais d’apprendre un métier qui me permettrait d’œuvrer pour le Sud. La médecine donnant accès au monde entier, je n’ai pas hésité. Durant mon stage, la gynécologie m’a directement intéressée, surtout parce que c’est une spécialité qui offre beau-coup de variété ; vous suivez la femme tout au long de sa vie : de sa naissance à sa puberté, puis à la grossesse, à la ménopause et plus tard.

Le gène de la gynécologie n’était pas dans la famille.En effet. Mon père n’a pas pu faire d’études, à cause de la guerre. Ma mère quant à elle était femme au foyer. En tant qu’aînée, j’ai été la première à entreprendre des études supérieures. Ce qui à l’époque n’était pas du ‘tout cuit’ pour les femmes, mais mes parents ont fi ni par accepter mon choix pour la médecine. “Qui peut le plus peut le moins !”, me disait ma mère.Au cours de mes études, j’ai entrepris un stage au Rwanda, de mon propre chef. Vous ne pouvez pas imaginer ce que les femmes y enduraient ! Leur misère m’a profondément marquée, et a très certai-nement conforté mon désir de devenir gynécologue. J’ai ensuite étudié la méde-cine tropicale et travaillé comme généra-liste. À l’époque, ce n’était pas évident de se spécialiser en gynécologie. Le profes-seur m’a dit tout net que ce n’était pas un métier de femme. La formation était bien trop diffi cile à ses yeux, et ne pouvait se combiner avec une vie de famille.

La première

jeune fi lle morte

dans mes bras

n’avait même pas

seize ans.

“Qui peut le plus

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10 AVRIL-MAI 2011 I dimension 3

SANTÉ MATERNELLE

En 1986, Peter Piot m’a confi é la direc-tion d’un projet de recherche sur le VIH/sida au Kenya. Nous y effectuions 80 à 100 accouchements par jour, avec de nombreux décès, là, sous nos yeux. La première jeune fi lle morte dans mes bras n’avait même pas seize ans. Un cau-chemar ! D’autant plus que cette mort était parfaitement évitable. Il est tout simplement inacceptable qu’à chaque minute une femme meure en tentant de donner la vie.

L’interdiction d’exercer imposée aux sages-femmes traditionnelles a été récemment levée au Malawi, et la pro-fession semble reprendre. Est-ce là une bonne évolution ?Les sages-femmes traditionnelles se transmettent le métier de mère en fi lle. Elles sont là pour faciliter la mise en route de l’accouchement. Elles ont une exper-tise de terrain, mais pas de formation. La plupart des accouchements se passent bien, sauf quand il y a un problème. La plus grande diffi culté est due au fait qu’elles attendent trop longtemps avant de ‘se décharger’ de la parturiente et de demander une assistance médicale, et qu’elles n’ont pas la formation néces-saire pour faire face à des complications médicales.Consciente de cette situation, l’Organisa-tion mondiale de la Santé (OMS) a décidé il y a quinze ans de se passer totalement des sages-femmes traditionnelles. La clef d’un accouchement en toute sécurité, pensait-on, résidait dans la formation des sages-femmes. J’adhère entièrement à cette optique, mais déplore l’approche catégorique : le siège central à Genève a montré par là qu’il ne connaissait pas la situation sur le terrain. Dans les zones rurales, les familles font souvent appel aux sages-femmes traditionnelles. Elles sont de la région, ont de bons contacts avec les habitants, elles sont respectées et considérées, elles utilisent des pro-duits naturels comme des plantes par exemple. C’est pour cela qu’elles conti-nuent à être sollicitées.Il faut leur laisser jouer leur rôle. Pour peu qu’elles soient bien formées, elles peuvent être très utiles. C’est ce que l’on

tente de faire au Malawi. 80 % des accou-chements y sont réalisés par des sages-femmes traditionnelles.

Qu’est-ce qui, selon vous, a le plus d’effet sur la réduction du nombre des décès en couches ?Bonne question. Sachez qu’il n’y a presque pas de progrès en la matière. J’y vois trois raisons. Premièrement, il y a ces nom-breuses femmes qui n’auraient jamais dû tomber enceintes. La politique du “Dites non” ne suffi t pas. Nous devons éduquer et sensibiliser la population. Cette pre-mière cause concerne donc surtout les droits des femmes, leur autonomisation et le genre.

Deuxièmement, tous ceux qui le sou-haitent doivent pouvoir disposer de moyens contraceptifs. Cela permettrait de réduire considérablement le nombre de grossesses et partant le nombre de décès en couches. L’accès aux moyens de contraception qui est aujourd’hui fort limité, est essentiel. Le discours généra-liste sur la santé et les droits reproductifs – couvrant l’ensemble des aspects de la problématique – a quelque peu occulté ces questions primordiales, qui doivent être remises en avant.Troisièmement, il faut optimiser les soins prénataux et périnataux.

Lors du Sommet du Millénaire à New York en septembre 2010, la commu-nauté internationale a promis des moyens supplémentaires afi n de lutter contre la mortalité infantile et mater-nelle. Vous-même étiez présente. Que peut-on en attendre ?La volonté politique est cruciale, New York en est la preuve. C’est déjà quelque chose. Ces belles paroles doivent néan-moins être concrétisées. La Commission

européenne a promis quelque 800 mil-lions d’euros, mais il reste de nom-breuses questions. Qui va débourser cette somme ? Et où ? L’aide parviendra-t-elle sous forme d’appui budgétaire, d’un programme distinct ou via le Fonds Mon-dial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme ? Via les ONG ? L’OMS ? En collaboration avec les ministères locaux ? Seront-ils capables de gérer des sommes d'argent si importantes ?

Sur quoi devons-nous nous concentrer ?Les moyens étant limités, il conviendrait selon moi de se concentrer sur deux objectifs : la distribution de moyens contraceptifs et la prise en charge du problème des hémorragies, qui sont la première cause des décès en couches. Une mauvaise alimentation associée à des maladies entraîne des carences en fer chez beaucoup de femmes. En Afrique, la femme mange souvent après tous les autres membres de la famille, et n’a donc pas toujours sa ration. Elle n’accumule dès lors pas de grandes réserves. En l’absence de moyens per-mettant d’endiguer l’hémorragie, elle perdra très vite tout son sang. Si environ 80 % des femmes en Afrique se rendent à la consultation prénatale, à peine 15 % accouchent à l’hôpital. Les soins préna-taux doivent donc servir à ce que les femmes entament leur grossesse en étant plus fortes, grâce à une bonne ali-mentation et à des apports en fer.

La Belgique se retire du secteur des soins de santé en RD Congo…Autrefois, la Belgique y était le principal acteur en soins de santé. Elle décide pourtant aujourd’hui de mettre fi n à ses programmes de santé en RD Congo. Je ne m’explique pas cette politique, car notre pays y avait gagné une grande respectabilité. Si la Belgique se retire, il faudra bien que quelqu’un prenne la relève… Après de belles paroles sur la coordination des donateurs, qui va nous relayer en RD Congo ? Je ne vois toujours personne.

THOMAS HIERGENS

Il est tout

simplement inacceptable

qu’à chaque minute

une femme meure en

tentant de donner la vie.

peut le moins !”

dimension 3 I AVRIL-MAI 2011 11

Au mois d’août 2010, une crise humanitaire majeure touchait le Pakistan. Des inondations

sans précédent frappaient un territoire d’une taille comparable à la Grande-Bretagne.

Vingt millions de personnes étaient touchées par ce “tsunami lent”, pour reprendre

les termes du Secrétaire Général de l’ONU Ban Ki-moon. Face à ce défi humanitaire

inouï, la communauté internationale s’est fortement mobilisée. Aujourd’hui encore, les

séquelles de cette catastrophe restent bien présentes, surtout dans le Sind, la province

la plus fortement touchée. Visite des projets fi nancés par la coopération belge…

UNE CATASTROPHE HUMANITAIRE

LARGEMENT CANALISÉE

Des inondations recouvrant à perte de vue cette vaste val-lée bordée par le fl euve Indus, il ne subsiste que de vastes

poches d’eau résiduelles. Les visions cau-chemardesques d’il y a quelques mois se sont évaporées. Comme nous l’explique un médecin pakistanais travaillant pour l’UNICEF, témoin aux premières heures de la catastrophe, “au mois d’août, les eaux venant du nord du pays ont gagné progressivement la province du Sind, lais-sant peu de temps aux popu-lations locales pour fuir. Peu de pertes en vies humaines ont été à déplorer. Mais il a parfois fallu utiliser des hélicoptères pour évacuer certaines personnes. Dans le district du Dadu en parti-culier, ils ont été des milliers à se retrouver encerclés par les fl ots de l’Indus et ceux du lac Man-char. En quelques jours tout était noyé jusqu’à hauteur d’homme. Les dégâts ont été forcément immenses. Une grande partie du bétail n’a pu être sauvée,

beaucoup de terres ont été rendues incul-tivables pour des mois encore et la majo-rité des habitations ont été endommagées ou détruites.”

Un défi humanitaire d’une ampleur sans précédent

Des millions de personnes ont donc dû être déplacées. Certaines ont pu trouver refuge pour quelques mois dans leur famille ou auprès d’amis vivant dans les villes avoisinantes épargnées. Mais pour

beaucoup, la vie dans un camp, avec le soutien de la communauté internationale, s’est avérée la seule issue.Fort heureusement, nombreux ont été ceux à pouvoir regagner leur village dès les premiers reculs des fl ots constatés à la mi-décembre. Encouragés par des incitants fi nanciers octroyés (pas toujours équitablement) par les autorités pakista-naises, et surtout soutenus par les agences humanitaires et des ONGs locales ou internationales, ils reconstruisent leur

habitat constitué le plus sou-vent de branchages et de terre séchée. Ceux qui choisissent de rester aujourd’hui encore dans un camp – plus de 100.000 per-sonnes à la fi n février 2011 – le font le plus souvent pour obtenir de la part des acteurs humani-taires des moyens de subsis-tance plus élevés qu’en retour-nant au village.Il a d’ailleurs été établi qu’avant même la catastrophe, la situation prévalant pour la majeure partie de la population du Sind pouvait

© AE / Stéphane Mund

Camp de personnes déplacées dans le Dadu, Sind

12 AVRIL-MAI 2011 I dimension 3

déjà être qualifi ée de très préoccupante d’un point de vue humanitaire, avec notamment un taux de malnutrition élevé, particulièrement chez les jeunes enfants.Province la moins développée du Pakis-tan, le Sind semble en effet figé dix siècles en arrière. La majeure partie des gens vit de la terre, travaillant au service de maîtres perpétuant une forme de servage, la population se trouvant pri-sonnière de sa caste de générations en générations.

Une aide belge de six millions d’euros focalisée sur les

populations les plus vulnérablesDès les données sur l’ampleur du désastre connues et évaluées, une première enve-loppe de deux millions d’euros a été octroyée au Programme Alimentaire Mondial (PAM) pour assurer les besoins immédiats en nourriture. Dans la fou-lée, un C-130 de la Défense a acheminé pour l’UNICEF du matériel de première urgence. Puis en septembre, la décision d’attribuer quatre millions d’euros supplé-mentaires s’en est suivie.La moitié de cette enveloppe est actuel-lement utilisée par trois ONGs belges afi n de développer des projets dans la province du Sind. La Rode Kruis Vlaan-deren (aile fl amande de la Croix-Rouge) travaille dans le district du Dadu en par-tenariat avec la Croix-Rouge allemande. Une Unité d’assistance médicale y est ins-tallée afi n d’y dispenser des soins médi-caux de base, plus particulièrement à des mères et leurs enfants de moins de cinq ans. Dans trois autres districts du Sind, Oxfam Solidarité propose des actions développées avec de petites ONGs locales afi n de réhabiliter et dévelop-per des systèmes hydriques, sanitaires, ainsi que des réseaux d’irrigations pour l’agriculture. Caritas International s’attèle de son côté à garantir la sécurité alimen-taire de personnes particulièrement vul-nérables vivant dans les districts du nord.

Deux millions d’euros ont enfin été octroyés à l’UNICEF afi n de développer des actions dans le secteur dit “WaSH”(eau potable, installations sanitaires et hygiène). “Au lendemain d’une catas-trophe naturelle d’une telle ampleur, il est primordial de prévenir les épidémies. Pour aider l’ensemble des victimes, il est prioritaire et urgent d’intensifi er ce tra-vail pour l’accès à l’eau et à l’assainisse-ment”, explique le médecin pakistanais de l’UNICEF.Dans les villages que nous visitons, des pompes à eau et des latrines sont instal-lées, des kits d’hygiène distribués. Outre l’apport matériel, c’est surtout l’éduca-tion aux comportements hygiéniques de base qui s’avère indispensable. Les séances d’information sur les bonnes pratiques en matière d’hygiène se mul-tiplient à l’intention des adultes, et bien entendu des enfants. Pour ces derniers, une approche didactique et ludique est privilégiée. Des “Espaces Amis des Enfants” se développent dans de nom-breux villages afi n d’offrir aux plus petits

la possibilité de jouer, d’apprendre et de recevoir un soutien psycho-social dans des endroits protégés.Des écoles sont aussi mises sur pied dans des localités qui en étaient dépour-vues avant les inondations. De multiples projets voient donc le jour en prenant soin d’y associer les communautés locales.Si tous les Pakistanais n’ont pu être assis-tés, l’aide apportée par la communauté internationale a en général porté ses fruits, permettant dans certains cas une amélioration de la vie quotidienne des habitants du Sind. Les craintes d’une mortalité accrue au sein de ces popu-lations fragilisées à l’extrême semblent en tout cas contenues. Et si, pour les humanitaires, le contexte sécuritaire reste préoccupant, avec des escortes armées indispensables pour effectuer les visites sur le terrain, il est compensé par l'accueil des populations affectées, empli d’enthousiasme, de gentillesse et, surtout, de reconnaissance.

JOEL TABURY

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HUMANITAIRE

Séance de sensibilisation

à l'hygiène par l'Unicef.

dimension 3 I AVRIL-MAI 2011 13

L’institut d’agriculture biologique au Bénin : une source d’espoir pour les jeunes paysans

DANSE AVEC LA NATURE

L e Centre Songhai est l’oeuvre du père nigérian Godfrey Nza-mujo. Après des études de bio-logie, de théologie et d’ingé-

nieur en Californie, il rentre en Afrique, bouleversé par la terrible famine qui frappe l’Ethiopie au milieu des années 1970. Après de nombreux détours sur le continent, il atterrit en 1985 au Bénin. Les autorités lui donnent un hectare de terres, une ancienne décharge. Un ins-titut d’agriculture biologique avant-gar-diste y voit le jour.

Cet institut compte aujourd’hui 4 sections, qui couvrent au total près de 600 ha. 15 pays africains ont déjà manifesté leur intérêt pour le concept. Au cours d’une visite en 2010, Ban Ki-moon, le Secrétaire général des Nations unies a déclaré avec enthousiasme : “Voici LA manière de par-venir au développement durable !”

Rien ne se perdPourquoi ce succès ? “Nous dansons avec la nature, et la nature répond. Les insectes, les bactéries travaillent pour

nous”, explique Nzamujo. “Au début, les mouches blanches ont été une calamité. L’emploi des pesticides habituels ne fait que les renforcer. Notre approche biolo-gique nous en a débarrassés.”Le principe central est le suivant : ‘rien ne se perd’, tout est réutilisé. En fait, il n’y a aucun déchet. Les jacinthes d’eau servent à l’épuration des eaux usées, par exemple. La fermentation de ces plantes et du fumier donne du biogaz. L’eau résiduelle est pleine de larves de moustiques, qui nour-rissent les poissons d’élevage.

suite en p.19

25 ans : c’est le temps qu’il aura fallu pour qu’une

décharge béninoise se transforme en véritable

jardin d’Eden : le Centre Songhai. Sans recourir

à des produits chimiques, ce jardin offre des

rendements comparables à ceux de l’agriculture

traditionnelle. Un modèle à essaimer à travers

l’Afrique, et pourquoi pas, dans le monde entier.

Le Centre Songhai pratique l’agriculture à

3 niveaux : culture, transformation et vente.©

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14 AVRIL-MAI 2011 I dimension 3

FICHE THÉMATIQUE

LLLLLLLLLLLLAAAAAAAAAAAA FFFFFFFFFFFFAAAAAAAAAAAAIIIIIIIIIIIIMMMMMMMMMMMM

P our répondre à cette question, il faut en poser une autre : qui sont ce milliard de personnes

qui souffrent et meurent toujours de faim aujourd'hui ? Assez étonnamment, plus de 70 %

d'entre eux sont des agriculteurs, des ouvriers agricoles sans terre et des bergers habitant les

zones rurales des pays en développement. Les autres vivent dans des bidonvilles, où ils ont atterri,

la campagne ne leur offrant plus d’avenir dans l’agriculture.

Plus de 500 millions de fermiers disposent tout au plus d'un sarcloir pour travailler la terre. C'est

le cas de 80 % des agriculteurs africains et de 40 à 60 % de leurs homologues d’Asie et d’Amé-

rique latine. Ils n'ont pas de bête de somme, encore moins de tracteur. Ils manquent d'argent pour

acheter des pesticides, engrais ou meilleures semences. Ils cultivent des aliments pour leur propre

consommation et ne vendent que l'excédent, quand excédent il y a. Le moindre revers – un fl éau,

des conditions météorologiques exceptionnelles – leur est fatal.

UNE RECETTE CONTRE LA FAIM

INÉGALITÉL'évolution inégale entre le Nord et le Sud est

à la base du problème. Au début du XXe siècle,

la plupart des fermiers produisaient 1 tonne de

céréales par ouvrier. Les fermiers les plus avancés

– avec les premières machines, encore tractées

par des bêtes de somme – portaient ce chiffre

à 10 tonnes. Depuis, le moteur de l'agriculture

industrielle s'est mis en marche. Aux États-Unis

d'abord, puis en Europe après la Seconde guerre

mondiale. Ses ingrédients : la mécanisation, les

engrais chimiques, les pesticides, la spéciali-

sation, les variétés améliorées, les économies

d’échelle, etc. Aujourd'hui, l’agriculture industrielle

produit 500 à 2.000 tonnes par ouvrier, tandis que

les fermiers pauvres du Sud travaillent toujours à

la main, soit une proportion de 1/2.000.

Avec l'avènement des transports modernes,

l’acheminement des denrées alimentaires se fi t

de plus en plus vite et en grandes quantités aux

quatre coins du monde. Ce phénomène, asso-

cié à la libéralisation du commerce international,

a créé un marché mondial pour les denrées

alimentaires. Leurs prix allaient désormais être

déterminés au niveau mondial, sous l'infl uence,

surtout, des produits céréaliers. Comme l'agri-

culture industrielle du Nord proposait des quan-

tités massives de céréales, les prix des produits

alimentaires se sont effondrés. Résultat : le petit

agriculteur africain, avec son sarcloir, n'a plus

obtenu qu'un maigre prix pour sa récolte.

Pour l'Europe, la politique agricole instaurée

après la Seconde guerre mondiale a été un suc-

cès. La toute nouvelle Communauté européenne

voulait en effet éviter les famines. Elle y est par-

venue, mais en proposant à ses agriculteurs

des prix supérieurs à ceux du marché mondial.

Simultanément, la transition vers une production

à grande échelle s'est mise en place progressive-

ment. Les petits agriculteurs qui avaient renoncé

à l'agriculture ont trouvé du travail dans les sec-

teurs de l'industrie et des services, ou ont obtenu

des allocations de chômage dans l'attente d’un

nouvel emploi.

La faimdans un mondede surabondance

Malgré nos avancées technologiques et notre expérience séculaire, nous ne parvenons pas à nourrir tout le monde. Les prix des denrées alimentaires ne cessant de fl amber, leur rôle dans le déclenchement des soulèvements populaires dans les pays arabes n’est sans doute pas à sous-estimer. Or, il y a suffi samment à manger pour tous. Pourquoi, dès lors, est-il si diffi cile d'éradiquer la faim dans le monde ?

RAPPORT

1/2.000

PRODUCTION

CÉRÉALIÈRE

SUD NORD

1 À

10

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dimension 3 I AVRIL-MAI 2011 I

SPIRALE DESCENDANTELe petit fermier du Sud, lui, n'a pas eu de solu-

tion de rechange. La confrontation avec l'agri-

culture industrielle fut beaucoup plus brutale et

les pouvoirs publics ne se sont pas préoccupés

du bien-être des agriculteurs. Une lutte déses-

pérée s'est alors engagée.

La commercialisation de produits alimentaires ne

rapportant plus grand-chose, l’agriculteur s’est,

partiellement ou entièrement, reconverti dans

les cultures tropicales, réservant ses cultures

vivrières pour sa propre consommation. Ce

faisant, les agriculteurs ont induit des pénuries

nationales forçant les pays en développement à

importer des denrées alimentaires pour nourrir

leur population urbaine croissante.

Quant aux cultures tropicales, le choix devint de

plus en plus limité. La betterave sucrière offre

une alternative à la canne à sucre, tandis que le

caoutchouc peut être remplacé par des subs-

tances synthétiques et que le coton peut être

cultivé, par exemple, dans le sud des États-Unis.

Il ne restait donc plus que : le café, le cacao, le thé,

l'ananas, la banane, des cultures qui ne résistèrent

pas longtemps aux grandes plantations mécani-

sées, souvent entre les mains de sociétés étran-

gères. Par ailleurs, tant de petits fermiers se sont

jetés sur ces cultures tropicales que leurs prix ont

trop baissé pour rester viables.

Une dernière issue fut l'approvisionnement

des villes : les bidonvilles ont absorbé un grand

nombre de fermiers ayant fui les zones rurales.

Or, ces derniers doivent se nourrir. La ville est

donc un débouché pour les produits frais qui se

prêtent moins bien aux exportations : légumes,

fruits, lait, œufs. Malheureusement, les citadins

n'ont guère d'argent, à défaut de perspectives

d'emploi, et l'expansion de la ville rogne sur les

terres agricoles. Les fermiers doivent donc s'éta-

blir plus loin. Peu à peu, les frais de transport

deviennent trop élevés pour pouvoir vendre les

denrées alimentaires avec bénéfi ce.

Pour garder la tête hors de l'eau, le fermier,

par exemple, négocie sa terre ou limite consi-

dérablement sa consommation. Mais cer-

taines dépenses restent inévitables : le sel, les

chaussures, les médicaments, les fournitures

scolaires, etc. Pour tout de même conserver

un certain revenu, le fermier vend plus de sa

maigre récolte et n'en garde que trop peu pour

lui. Lorsque ses réserves sont épuisées, il se

voit lui-même contraint d'acheter des denrées

alimentaires. Parfois, il est tellement appauvri

qu'il ne peut même plus obtenir de prêt. Le

résultat fi nal de cette spirale descendante est

la faim ou l'exode vers les villes. Certains se

hasardent encore à des cultures telles que celles

du chanvre, du pavot ou de la coca.

DES FERMIERS À L'ABRI DE LA FAIM

DES PRIX PLUS ÉLEVÉS POUR LES PRODUITS ALIMENTAIRESPour aider effectivement à éradiquer la faim dans

le monde, les fermiers pauvres du Sud doivent

se voir offrir des opportunités. Des prix suffi sam-

ment élevés pour leur récolte constituent un élé-

ment-clé. Mais pourquoi les prix élevés des den-

rées alimentaires en 2008, et aujourd'hui encore,

provoquent-ils tellement de remous ?

Nous distinguons ici deux groupes. D'une part,

il y a les habitants des bidonvilles urbains.

Il s’agit de paysans ou d’ouvriers agricoles

découragés ayant fui la campagne ou des des-

cendants d'une première vague de migrants

d’origine rurale. Ils survivent le plus souvent

grâce à de petits boulots : vente de toutes

sortes de choses (cigarettes, batteries, noix,

friandises, etc.), cirage de chaussures, gardien-

nage de voitures, prostitution, etc. 50 à 80 %

de leur budget étant consacré à l'alimentation,

ils ne peuvent faire face aux prix élevés des

denrées alimentaires. Pour les jeunes nés dans

la misère, l'absence de perspectives devient

peu à peu intolérable. Le mécontentement et

la frustration sont tels que la moindre étincelle

suffi t à mettre le feu aux poudres.

Le deuxième groupe se compose de petits

agriculteurs. Ils ont effectivement besoin de prix

équitables plus élevés, mais pas de hausses de

prix brutales, telles que nous les connaissons

aujourd'hui. Par ailleurs, fermiers ignorants, ils

sont la proie facile d'acheteurs rusés qui paient

un prix trop faible. Les maigres bénéfi ces retirés

de leur récolte ne leur suffi sent pas pour investir

plplplususus eee

ununee aa

02000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011

50

100

150

200

250

300

350

400

450

Indice FAO des prix des produits alimentaires

SUCRE

HUILES

MATIÈRES

GRASSES

PRODUITS

LAITIERS

VIANDE

CÉRÉALES

INDICE FAO

FICHE THÉMATIQUE

LLLLLLLLLLLLLAAAAAAAAAAAAA FFFFFFFFFFFFFAAAAAAAAAAAAAIIIIIIIIIIIIIMMMMMMMMMMMMM

En 2008, les prix alimentaires ont atteint un pic, causant des émeutes dans beaucoup de pays. Les prix actuels élevés ne semblent pas prêts de diminuer.

© F

AO

II AVRIL-MAI 2011 I dimension 3

dans une meilleure productivité. Les prix des

denrées alimentaires sont en effet liés aux prix

du pétrole. Ces derniers gonfl ent les prix des

engrais et du transport.

Le mieux est d'augmenter progressivement les

prix des denrées alimentaires. Cela donnera aux

agriculteurs la possibilité d'accroître leur pro-

ductivité petit à petit. Les habitants des bidon-

villes ont besoin d'un fi let de sécurité social. Les

pouvoirs publics devraient, par exemple, affec-

ter des budgets pour leur donner des bons de

ravitaillement au lieu d'importer des aliments bon

marché. De cette manière, ils pourraient acheter

eux-mêmes des aliments sur le marché intérieur.

PRIX STABLES DES DENRÉES ALIMENTAIRESLa stabilité des prix est tout aussi essentielle. Si

les prix enregistrent de fortes fl uctuations, l'agri-

culteur ne sait en effet plus comment il est pré-

férable d’investir. D'ici au moment de la récolte,

ses produits ne vaudront peut-être plus rien.

Or, pour s'en protéger, les petits agriculteurs ne

peuvent contracter d'assurances. Cependant,

dans le système actuel, les fl uctuations sont dif-

fi ciles à éviter, les prix des denrées alimentaires

suivant de plus en plus les prix pétroliers. D'une

part, les transports et les engrais chimiques

coûtent plus cher. D'autre part, les prix pétro-

liers plus élevés augmentent la demande en bio-

carburants, dont la culture devient dès lors plus

rentable, au détriment des cultures vivrières.

La spéculation fi nancière sur les matières

premières renforce les fl uctuations des prix.

Après la crise fi nancière de 2008, l’immobilier

et les produits fi nanciers ont cessé d’être des

options intéressantes pour les spéculateurs.

Ils se sont tourné vers le marché des matières

premières, notamment celui des céréales et

de la terre. Les spéculateurs ne sont pas inté-

ressés par la marchandise qu'ils négocient. Ils

n'agissent que dans la perspective d'un profi t.

Ils peuvent ainsi racheter de grandes quantités

de froment en attendant une hausse des prix

- virtuellement, sans disposer d'espaces de

stockage. Ils peuvent même délibérément créer

une pénurie sur le marché dans le but de faire

augmenter les prix. Lorsque les prix sont suffi -

samment élevés, ils vendent avec une marge

bénéfi ciaire élevée.

La spéculation perturbe donc le fonctionne-

ment normal du marché régulé par l'offre et la

demande. L'équilibre entre les deux fi xe norma-

lement le prix. Lorsque l'offre est faible, les prix

augmentent. Tout comme les marchés fi nanciers

depuis la crise de 2008, le marché des matières

premières doit également être contrôlé, afin

de savoir qui achète et vend quoi et d'éviter

des transactions virtuelles insensées. D'autres

exemples de mesures à prendre : constituer des

réserves alimentaires plus importantes, créer

une taxe sur la spéculation sur les produits agri-

coles ou encore protéger le marché interne d'un

pays ou d'une région contre l'importation à des

prix de dumping.

APPROCHE AGRO-ÉCOLOGIQUEQuel type d'agriculture aide le mieux le petit

paysan ? Les engrais chimiques et les pesti-

cides étant coûteux et nocifs pour l'environne-

ment, de plus en plus de voix s'élèvent en faveur

d'une approche agro-écologique bon marché.

Une telle approche aspire autant que possible

à un équilibre naturel afi n d'éviter les maladies

et fl éaux. Par ailleurs, elle réutilise tout afi n de

nécessiter peu d'apport externe. L'agriculture

strictement écologique évite même tout produit

chimique. L'alimentation écologique est, par

conséquent, plus saine et tant les fermiers que

le sol y trouvent leur compte.

Les spéculateursne sont pas intéressés par la marchandise qu'ils négocient. Ils n'agissent que dans la perspective d'un profi t.

FICHE THÉMATIQUE

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La culture de café également n’offre aucune garantie d’un revenu décent, en raison de la concurrence des grandes plantations.

Deux femmes se rendent en ville pour vendre le surplus de leur production, seul moyen d’avoir des revenus supplémentaires.

dimension 3 I AVRIL-MAI 2011 III

CONDITIONS ACCESSOIRESUn prix équitable et une approche écologique

guident l'agriculteur sur la bonne voie. Mais

cela reste insuffi sant pour éradiquer la pauvreté

et la faim.

Il faudrait pour l'agriculteur des droits de pro-

priété offi ciellement reconnus sur la terre qu'il tra-

vaille (une répartition plus équitable des terres),

des droits égaux pour les femmes (beaucoup

de fermiers sont en effet des fermières !), une

formation, des routes et marchés pour apporter

la marchandise aux clients, des possibilités de

transformation alimentaire et l'accès au crédit,

une mécanisation simple, des engrais et une

semence de qualité. Rassemblés en coopéra-

tives, les fermiers acquièrent une position de

négociation plus forte à l'égard des acheteurs

et peuvent, par exemple, acheter ensemble des

machines et des semences. Enfi n, pour per-

mettre tout cela, l'autorité doit fi nalement favori-

ser l'agriculture dans sa politique.

LE DÉFI DES 9 MILLIARDS

En 2050, la terre comptera quelque 9 milliards

d'habitants. Selon l'Organisation des Nations Unies

pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), la produc-

tion alimentaire devrait augmenter de 70 % pour

pouvoir les nourrir. Pouvons-nous y parvenir en

aidant simplement les petits fermiers à s'en sortir ?

L'approche écologique à petite échelle attaque

en tout cas le problème de la faim à la base. Le

rendement par hectare est même plus élevé que

celui de l'agriculture industrielle ! Cela s'explique

notamment par un plus grand éventail de cultures.

En 5 à 10 ans, l'agriculture écologique peut dou-

bler la production alimentaire dans les pays en

développement.

Les pertes après récolte doivent être évitées. A

défaut d'espaces de stockage et de possibilités de

transformation, au moins 12 % des récoltes sont

perdus dans le Sud ; ce taux atteignant même 50 %

pour les fruits et légumes. En Belgique, le gaspillage

annuel des aliments représente 660.000 tonnes,

soit 7,4 % de la consommation.

Les défi s restent donc énormes. Ainsi, le change-

ment climatique - déjà perceptible aujourd'hui -

entraînera-t-il de plus en plus de risques de

grandes sécheresses, d'inondations, de tem-

pêtes, etc. Celles-ci peuvent détruire les cultures

et dégrader les terres agricoles. Il faudra aussi

beaucoup d'eau pour irriguer les terres. Une

demande croissante en biocarburants accaparera

de plus en plus de terres agricoles. Sans parler

des pays souffrant de pénuries vivrières, comme

l'Arabie Saoudite, qui recherchent d’énormes par-

celles de terre dans les pays en développement.

Rien qu'en 2009, ils se sont accaparés 45 millions

d'hectares de terres, pratiquement la superfi cie de

la France. De surcroît, une classe moyenne crois-

sante dans les économies émergentes - comme

c'est déjà le cas en Chine et en Inde - mange plus

de viande et de produits laitiers. Or, la production

de viande nécessite beaucoup de terres. Ainsi,

une prairie qui produit 330 kg de viande, peut par

ailleurs produire 40.000 kg de pommes de terre.

L'agriculture écologique est d'ores et déjà res-

pectueuse de l'environnement et du climat. Par

sa préoccupation d'un sol riche en humus et l'uti-

lisation d'arbres, elle économise l'eau et accumule

le CO2. Mais l'agriculture industrielle a également

un rôle à jouer à condition de ne pas faire une

concurrence déloyale aux petits agriculteurs du

Sud et de rester respectueuse de l'environne-

ment. Les recherches agricoles modernes, avec

leurs variétés adaptées et des techniques d'irri-

gation plus effi caces sont impératives, avec les

connaissances traditionnelles, pour soulager le

problème de la faim d’ici 2050.

Nous ne pouvons donc résoudre le problème de la

faim sans nous préoccuper du petit agriculteur.

Aujourd'hui, nous pouvons cultiver suffi samment

de nourriture pour tous. Vous et moi pouvons y

travailler. Ne pas jeter d'aliments, manger moins de

viande, mener une vie plus respectueuse des res-

sources énergétiques, adopter des pratiques de

jardinage écologiques, soutenir les organisations

qui sensibilisent les fermiers, etc. Tout cela compte.

CHRIS SIMOENS

FICHE THÉMATIQUE

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Les prix alimentaires élevés fi gurent parmi les causes des manifestations en Tunisie en janvier dernier.L'étincelle a été le geste désespéré d'un jeune homme, Mohamed Bouazizi, qui s'était immolé parle feu. Il s'était fait confi squer les fruits qu'il vendait dans la rue pour nourrir sa famille.

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AGRICULTURE

ONLINEwww.songhai.org

Et cela ne s’arrête pas là : chaque petit déchet de métal intervient dans la fabrication d’appareils simples, vendus par le centre à un prix abordable.

Tout se transformeLe Centre Songhai fait pousser à peu près tout : des légumes, des céréales, des champignons, et élève toutes sortes d’animaux : escargots géants, canards, poules, jusqu’au gros bétail. Au moyen de techniques simples, ces produits sont transformés en savon, huile de palme, jus de fruits, sirops, biscuits, yaourts, char-cuteries, etc. Le marketing est un pilier essentiel du fonctionnement du centre.

Les produits sont commerciali-sés bien au-delà du magasin du centre, on les trouve par-tout au Bénin. Même dans la chaîne hôtelière Novotel.“Le manque d’opportunités

pour les produits transformés est l’un des problèmes cru-

ciaux en Afrique”, affi rme Nza-mujo. “D’importantes quantités

de nourriture se perdent parce que les paysans ne savent pas vendre leurs pro-duits directement aux consommateurs. Nous leur montrons comment la transfor-mation peut se réaliser aisément.”

SimplicitéSimplicité : un maître-mot au Centre Songhai. Chacune des sections compte à tout moment 300 étudiants, et 120 sortent du centre chaque année. Dans la toute grande majorité, des fi lles et des fi ls de pay-sans aux moyens limités. Toutes les techniques sont donc maintenues au stade le plus simple pos-sible. Cela n’empêche cependant pas les équi-pements de rester trop onéreux pour l’individu isolé. Ils doivent être achetés par une famille ou un groupe. “Il s’agit

d’économie communautaire, pas de col-lectivisme. Chacun(e) garde son autono-mie”, tient à préciser Nzamujo.

Pieds nusL’objectif premier du Centre Songhaiest d’offrir de l’espoir à l’Afrique. Nza-mujo : “Nombre de jeunes migrent vers la ville car ils ne réussissent pas à trouver du travail dans les campagnes. C’est une tendance que nous devons inverser. Chez

nous, ils peuvent apprendre que ça vaut le coup d’être paysan. Nous les incitons à se montrer créatifs. Ne pas se limiter à copier ce qu’ils ont appris, mais adapter les techniques apprises aux circonstances qu’ils rencontrent. Entrepreneurs aux pieds nus : voilà comment je les appelle. L’Afrique doit avoir de l’ambition. Ne pas se complaire dans le misérabilisme. On peut le faire !”Et les résultats sont là. “Nous parve-nons à produire davantage avec moins de moyens. Sans subsides, l’agriculture européenne ne serait pas rentable. Un constat qui ne s’applique pas à nous. Le rendement pour le riz est de 3 à 6 tonnes l’hectare, trois fois par an. Nous sommes dans la norme ! Ces résultats, nous les atteignons malgré un faible input externe. Et nos prix sont compétitifs, pour une qua-lité bien supérieure. Et de plus, nous ne faisons pas trinquer l’environnement.”

CHRIS SIMOENS

Sans subsides, l’agriculture européenne ne serait pas rentable. Un constat qui ne s’applique pas à nous.

MR. NZAMUJO

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Les étudiants gagnent en entreprenariat et créativité.

Des machines simples à utiliser,

made in Centre Songhai.

Les jacinthes d’eaux purifi ent les eaux usées.

Grâce à l’approche écologique, la production alimentaire des petits paysans pourrait doubler en 10 ans,

estime notre compatriote Olivier De Schutter, Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation,

dans un rapport du 8 mars 2011. Par son faible coût – peu d’output externe – l’agriculture écologique

est un instrument très effi cace pour sortir les paysans de la pauvreté. Sans oublier ses autres atouts :

elle est respectueuse de l’environnement et du climat et met à disposition une offre alimentaire élargie.

Le rendement de l’agriculture écologique à l’hectare est supérieur à celui de sa variante industrielle.

Selon Olivier De Schutter, le Centre Songhai en est une belle illustration. La candidature de notre com-

patriote au poste de Rapporteur spécial de l’ONU avait été présentée en 2008 par les autorités belges.

Dimension 3 l’avait interviewé dès le début de son mandat (n° 3/2008). www.srfood.org

L’AGRICULTURE ÉCOLOGIQUE PEUT ÉRADIQUER LA FAIM

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Madeleine avait 12 ans quand elle a été mariée par ses parents à un homme plus âgé qu’elle. Peu après, elle tombe enceinte. Son bassin de jeune fi lle est trop petit pour faire passer la tête d’un bébé qui comprime les tissus intérieurs. Au bout de quatre jours de travail, sans aide médicale adéquate, le fœtus est mort et les tissus entre son vagin et sa vessie se sont nécrosés et déchirés. Incontinente à 14 ans, nauséabonde, soupçonnée de mauvais sort, son mari l’abandonne. Elle vit isolée dans une case à la limite du vil-lage. Une jeune femme sans mari et qui ne peut plus enfanter n’existe plus : c’est une morte vivante. Pour Nelsy, 22 ans, même chose : 3 jours d’accouchement, 4 ans de réclusion sociale, arrêt de l’école, des jeux avec les camarades, plusieurs opéra-tions… Pourtant ses yeux brillent d’espoir : “J’ai 22 ans et l’âge avance. Comme femme, je veux des responsabilités et mon plus grand regret est d’avoir dû arrêter l’école. Dès que je suis réparée, je reprends des études. J’aimerai être médecin.” Bemba, sa voisine de lit, elle a fait une semaine de route de Matadi pour venir jusqu’ici…

Une chirurgie diffi cile“Le soleil ne doit jamais se coucher deux fois sur une femme en travail”, explique le Dr De Backer. La fi stule a disparu il y a 100

ans du monde occidental avec les accouchements assistés. La plupart du temps, la cause est un accouche-ment trop long ou une césarienne mal faite, et dans 3 % des cas, les violences sexuelles (c’est surtout le cas dans l’Est du Congo, où les viols font rage et où se trouve un autre centre de réparation des fi stules, à la clinique de Panzi-

Bukavu). La fistule n’est pas mor-telle mais ses conséquences sociales sont désastreuses.

On estime à 100.000 le nombre de fi stu-leuses en RD Congo.Ici, plus d’une centaine de femmes sont opérées par an. “Auparavant, c’était une chirurgie de l’échec, car elle est très diffi cile”, explique le médecin chef. Il faut encore attendre les missions des médecins belges qui contribuent à l’ONG Médecins sans vacances, envi-ron trois fois pas an pour les opérations complexes. Mais une interne de l’hôpi-tal, le Docteur Dolores Nembunzu, a été formée et peut maintenant opérer les fi stules simples. Et les formations continuent. Un autre problème est le coût : une telle opération reviendrait à 500 dollars, souvent les patientes sont abandonnées des leurs et n’ont per-sonne pour les nourrir ; il arrive même qu’on doive remonter l’état général avant de pouvoir opérer.

Le combat d’un belgeL’ONG Médecins sans vacances propose à des médecins occidentaux de parta-ger bénévolement leur savoir-faire et leur connaissance en matière de soins de santé en Afrique. Depuis 2003, l’ONG envoie des médecins en Afrique pendant leurs vacances ou leurs temps libres pour contribuer à la prévention et au traitement des fi stules obstétricales, en collaboration notamment avec l’hôpital Saint-Joseph de Kinshasa.

des renaissancesLa clinique

La fi stule, ce n’est pas comme la cardiologie, c’est un type de chirurgie qu’on peut faire avec relativement peu de matériel.

NDONANdona, “la vieille maman”, fait partie des

ombres de la clinique. A 18 ans, son bassin

était trop petit pour enfanter. Après trois

jours des souffrances de l’accouchement

dans un centre de santé, elle est envoyée

à l’hôpital, ce qui prendra aussi du temps

avant qu’une césarienne soit opérée… trop

tard : l’enfant était mort et la vessie déchirée.

Elle vivra ainsi plus de vingt ans, empestant

l’urine. Son mari cède à la belle-famille qui

la rejette et elle ne peut plus travailler. Elle

vit seule dans son village du Bas-Congo

lorsqu’elle entend parler de “cette clinique

où on opère les fi stules”. Il lui faudra plus

d’une journée pour parvenir jusqu’à l’hôpi-

tal, se faire opérer une première fois,

puis une seconde avec réussite.

Cela fait 3 ans qu’elle vit à l’hôpi-

tal, aidant les autres fi stuleuses,

servant de garde malade. Car à

48 ans, elle n’a plus personne,

elle ne sait où aller.

Le pavillon LudwineIl y règne une ambiance conviviale, une solidarité féminine hors du commun, c’est le pavillon des fi stuleuses. Elles partagent souvent la même histoire, le même cal-vaire : un accouchement qui n’en fi nit pas, le bébé mort, la déchirure, de longues années de rejet social et une opération, parfois plusieurs, et un retour à une vie normale… Couchée sur le lit, elles atten-dant l’opération, ou passent leur convales-cence. Souvent elles viennent de loin et ne peuvent pas rentrer chez elles entre deux soins.

20 AVRIL-MAI 2011 I dimension 3

Dr De Backer. La fi stule a disparuans du monde occidental accouchements assistés. Ladu temps, la cause est un acment trop long ou une cémal faite, et dans 3 % desviolences sexuelles (c’esle cas dans l’Est du Congviols font rage et où se tautre centre de réparafi stules, à la clinique d

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SANTÉ MATERNELLE

ONLINEwww.fi stul-aid.org

La fi stule. C’est l’une des conséquences désastreuses des complications d’accouchement.

Une déchirure obstétricale désastreuse socialement car elle rend la femme incontinente, à

vie bien souvent, tant les opérations sont diffi ciles, rares et onéreuses. Un urologue belge,

le docteur De Backer est confronté pour la première fois à ces fi stuleuses en RD Congo par

l’entremise de l’ONG Médecins sans vacances. Il s’émeut de leur cas et, depuis, il se bat

pour elles. A Kinshasa, il a fondé la “Fistula clinic” où les femmes sont prises en charge gra-

tuitement. Une fois guéries, elles renaissent…

Quand le docteur De Backer, chirurgien urologue émérite, a effectué sa première mission pour Médecins sans vacances dans les hôpitaux congolais, il a été touché par le nombre et la détresse des fi stuleuses. De retour en Belgique, il crée une asbl, “Fistul-aid”, et obtient via la coopération belge un fi nancement pour la construction d’une “Fistula clinic” au sein de l’hôpital Saint-Joseph de Kinshasa. “La fistule, ce n’est pas comme la cardiologie, c’est un type de chirurgie qu’on peut faire avec relative-ment peu de matériel”. La clinique, matériel compris, aura coûté 85.000 euros. Elle per-met d’opérer dans des bonnes conditions. Une gynécologue congolaise formée par

Médecins sans vacances est à même d’ef-fectuer 50 % des opérations, tandis que des chirurgiens belges viennent régulièrement partager leur savoir-faire.Le docteur De Backer continue son com-bat pour que les femmes, qui sont souvent démunies, puissent bénéfi cier d’un traite-ment gratuit. Il aimerait à l’avenir aussi dis-poser d’un espace complémentaire où les patientes venues de loin peuvent attendre à long terme leur opération. Pour ce faire, il multiplie les récoltes de dons, de fonds institutionnels et particuliers. Au cours de ce mois d’avril, il a organisé une pièce théâtrale jouée par des cardiologues au bénéfi ce de l’asbl.

Quant à Madeleine, comme 500 autres fi stuleuses qui ont été “réparées” à la “Fistula clinic”, elle a retrouvé le sourire. On ne s’éloigne plus d’elle avec dégoût, elle pourra retrouver une place dans la société, avoir des enfants. Une nouvelle vie s’ouvre à elle.

ELISE PIRSOUL

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Joséphine est l'infi rmière qui s'occupe des fi stuleuses à l'Hôpital Sant-Joseph.

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SANTÉ REPRODUCTIVE

Dans l’Est du Congo, avec les guerres de ces deux

dernières décennies et l’insécurité persistante est apparu un

phénomène nouveau et inhumain : les violences sexuelles

pratiquées en masse par des militaires sur les civils.

L’impunité qui a longtemps prévalu a contribué à l’ampleur

stupéfi ante du phénomène dans les 2 Kivu. Mais aujourd’hui,

les procès pour viols se multiplient. Encore insuffi sants et

comptant de nombreuses failles, ils marquent la fi n d’une

ère d’impunité. Partis d’un système judiciaire inexistant, les

résultats, même symboliques n’auraient pu avoir lieu sans un

effort à long terme de l’État congolais et ses partenaires.

POUR PRÉVENIR LES VIOLENCES SEXUELLES.

Punir enfi n,

En mars 2011, le procès des militaires accusés de pillages et viols collectifs à Kalehe.

Des récits insupportablesF. n’a que 20 ans mais son regard est éteint. Elle raconte, sans émotions : “C’était il y a 4 ans. Nous étions dans la maison familiale de Kaniola quand des soldats interahamwe (rebelles rwandais) ont fait irruption. Ils ont tué mon père et ma mère et nous ont emmenées, mes sœurs et moi, avant de nous séparer. J’ai du les suivre dans leurs différents camps dans la forêt pendant 4 ans, servant d’esclave pour les soldats. Trois fausses couches s’en sont suivies. J’étais enceinte une 4e fois quand je me suis enfuie. Il m’a fallu deux semaines de marche, enceinte de 8 mois pour par-venir jusqu’ici, à Walungu. Je mendiais ma nourriture.” Le représentant local, Herman Bahara de l’ONG CAMPS continue : “C’est le chef du village voisin qui l’a menée

chez nous Elle est arrivée en état de choc total, elle divaguait, ne se nourrissait plus.” CAMPS est une des ONG locales sur les-quelles s’appuie le programme STAREC. Les victimes peuvent y être emmenés en première instance et y être suivis psy-chologiquement. “Elle était atteinte d’une grave infection génitale mais elle a été soi-gnée et a accouché à l’hôpital de Walungu qui prend en charge les femmes violées. Mais son avenir reste incertain, ses parents sont morts, ses sœurs disparues, la maison de sa famille a été récupérée par d’autres, elle ne sait où aller.”Pour madame M, les faits se sont déroulés dans sa maison, sous les yeux de son mari, un couteau planté dans le ventre pour l’empêcher de bouger. Son mari l’a aban-donné avec ses 3 enfants. Le coupable,

un militaire de l’armée régulière a été condamné mais elle attend toujours des indemnités qui pourraient l’aider à lancer une petite affaire pour survivre.Ces cas sont malheureusement loin d’être isolés. Dans le territoire de Walungu (qui compte 600.000 habitants), en province du Sud-Kivu, l’ONG CAMPS a dénom-bré 102 violences sexuelles pour le seul mois de janvier. L’ONU Femmes estime que plus de 200.000 femmes ont été vio-lées en RD Congo depuis 1998. Il s’agit, dans la plupart des cas, de violences exercées par des rebelles rwandais ou par les forces armées congolaises. Long-temps, l’impunité totale a prévalu.Les autorités congolaises et la commu-nauté internationale ont pris la mesure du problème et ont résolu de l’attaquer à plusieurs niveaux : prévention, judiciaire et sécuritaire et médico-social. Un vaste programme s’est mis en place.

Les procès se multiplientKalehe, 40 k m de Bukavu, le 9 mars 2011. La salle d’audience, est pleine à craquer La cour militaire rend son jugement après une semaine d’auditions : 11 militaires des Forces armées régulières écopent de 15 ans de peines de la servitude pénale à la perpétuité en plus du paiement d’in-demnités aux victimes. Ils sont jugés cou-pables de pillages, viols collectifs d’une vingtaine de femmes et d’enlèvement d’un bébé dans le village de Katasomwa en septembre 2009. Malheureusement, 8 des 11 militaires sont en fuite…

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Madame M.

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Les manifestations du 8 mars pour la Journée de la femme à Bukavu ont vu la société civile

revendiquer plus d’effort pour la lutte contre les violences sexuelles.

Déjà, fin février 2011, la communauté internationale applaudissait la nouvelle du “Procès de Fizi” : plusieurs offi ciers supérieurs de l’armée régulière ainsi que des soldats étaient condamnés à 20 et 15 ans de prison pour avoir commis plus de 50 viols sur la population civile. Ce jugement se distinguait par le fait qu’il condamnait des chefs, et qu’il avait été organisé en un temps record : le procès démarrait le 10 février pour des faits du 1er janvier 2011. La population attendait un geste fort après la tristement célèbre affaire de Walikale (Nord-Kivu), en août dernier, qui avait défrayé la chronique avec 266 viols. Au-delà du geste fort, c’est aussi le symbole d’un système judiciaire qui se reconstitue et prend en charge les violences sexuelles comme crimes contre l’humanité.

Un long processus“Avant la guerre, les viols étaient rares dans la société congolaise, ce qui explique que la prise de conscience a été lente. Quand j’ai commencé à les dénoncer, après 1994, il n’existait même pas un mot dans la langue pour les dési-gner”, remarque Chouchou Namegabe, journaliste à Bukavu qui sera l’une des premières à sonner l’alarme. Suite aux dénonciations et aux pressions des ONG, une vaste enquête nationale est menée qui révèle un phénomène d’une ampleur surprenante. Dès 2005, L’initia-tive conjointe pour la prévention et la lutte contre les violences sexuelles en RDC, un

vaste programme de coordination entre différents partenaires en vue d’apporter une réponse coordonnée aux droits et besoins des victimes, est lancé. Le gou-vernement congolais, UNFPA et d’autres agences onusiennes, la Belgique et le Canada sont impliqués.Josiane Mutombo du bureau ONU pour les Droits de l’homme (BCNCDH), chargée de la lutte contre l’impunité des violences sexuelles pour le STAREC, témoigne du long chemin parcouru par l’initiative conjointe : “À l’époque, on n’était nulle part, il n’y avait même pas de loi congolaise pour condamner le viol. On a proposé un arsenal de lois, réuni les partenaires, créé des sous-commissions judicaires.” L’Etat congolais fi nit par s’impliquer et s’appro-prier le problème. Il édicte en juin 2006 une loi contre les violences sexuelles et élabore ensuite “une stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre”. C’est sur cette nouvelle straté-gie que les bailleurs et l’unité ‘violences sexuelles’ du STAREC, qui prend suite de l'initiative conjointe, se sont greffés.Adopté en 2009, le Programme de sta-bilisation et de reconstruction des zones sortant des confl its armés (STAREC) a pour objectif de stabiliser l’Est de la RD Congo. Il comprend un important volet ‘violences sexuelles’, auquel la Belgique contribue, qui entend traiter le problème sous ses différentes facettes : collecte des données (UNFPA), suivi psycho-médical des victimes (UNICEF), réforme du secteur de sécurité (MONUSCO),

prévention et protection (HCR), et lutte contre l’impunité (BCNCDH/MONUSCO). C’est grâce à la coordina-tion de ces différentes instances auprès des autorités congolaises que le procès de Kalehe a pu être rendu : les plaintes des nouvelles victimes enregistrées par une ONG locale ont été relayées à UNFPA, les victimes ont été prises en charges par les relais de l’UNICEF et assistées judiciairement par une ONG d’avocats locale, elle-même assistée par Avocats sans frontières - Belgique.

La confi ance est rétablieLes efforts pour rétablir un système judi-ciaire en matière violences sexuelles sont loin d’être conclus : beaucoup de coupables sont en fuite, les rebelles restent diffi ciles à capturer, les indem-nités aux victimes sont insuffi santes ou impayées, les prisons congolaises sont “poreuses”… Cependant, pour Antoine Banza (UNFPA), des pas importants ont été franchis : “Il y a dix ans, des procès comme ceux de Fizi ou Kalehe n’au-raient pas été possibles car le système judiciaire était inexistant et les victimes n’avaient aucun intérêt à dénoncer les fait dans la honte et la peur des repré-sailles. Maintenant, le silence est brisé, et la confi ance de la population dans le système judiciaire se rétablit peu à peu.” Les criminels potentiels savent mainte-nant qu’ils peuvent être jugés…

ELISE PIRSOUL

© DGD / E. Pirsoul

dimension 3 I AVRIL-MAI 2011 23

GAND • MANGAUNG

La ville de Gand a une grande sœur dans un pays lointain : Mangaung, au cœur de l’Afrique

du Sud. Les deux villes sœurs peuvent beaucoup apprendre l’une de l’autre, mais pour cela,

il faut qu’elles se connaissent bien. C’est pourquoi deux jeunes photographes ont mis en

images les relations qu’entretiennent Gand et Mangaung depuis leur jumelage en 2004. Un

photographe gantois livre son regard sur Mangaung et un photographe de Mangaung tend

un miroir à la ville de Gand. Le résultat est à l’image de la collaboration : honnête et sans

fi oritures, souvent joli et poétique, parfois dur.

L e jumelage entre Gand et Mangaung vise à renforcer les deux administrations locales – une lacune dans la

coopération au développement tant offi -cielle que non gouvernementale. Gand et Mangaung s’attèlent à cet objectif en mettant leurs expériences en commun et en lançant conjointement des pro-jets en matière de politique de la jeu-nesse, d’éducation à l’environnement et de participation. La confrontation des expériences des deux villes assure une

approche novatrice de problèmes très anciens. Les projets relatifs à la poli-tique de la jeunesse à Mangaung sont subsidiés par la coopération belge au développement. Les services de la jeunesse de Mangaung et de Gand ont lancé conjointement trois centres de jeu-nesse dans des quartiers défavorisés. Les jeunes y ont l’occasion de jouer, de découvrir des possibilités de forma-tions et de lancer des projets. A partir de ces centres de jeunesse, des ateliers protégés ont démarré où les jeunes

issus de milieux défavorisés acquièrent des capacités professionnelles. Leurs chances d’effectuer un travail décent se voient ainsi multipliées.Le service gantois de la jeunesse n’inter-vient pas comme instructeur des collè-gues sud-africains, mais bien comme caisse de résonance et source d’ins-piration. Cette inspiration que les res-ponsables de la politique gantoise de la jeunesse peuvent de même trouver à Mangaung et qui concourt à la réalisation d’une ville jeune, ouverte et solidaire.

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COOPÉRATION DE PROXIMITÉ

DU 17 AU

21 OCTOBRE 2011,

Gand accueillera une conférence internationale de

clôture consacrée à la Coopération communale

internationale. Plus de 40 partenariats entre des

administrations locales belges et du Sud vont

réfl échir ensemble sur l’avenir de cette nouvelle

forme de solidarité internationale.

Plus d’infos sur :

www.vvsg.be/internationaal

LES PHOTOS DES DEUX PHOTOGRAPHES

ONT ÉTÉ INTÉGRÉES DANS UN BEL ALBUM

PHOTO DISPONIBLE AU PRIX DE 7 EUROS VIA

[email protected]

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“Espoirs et perspectives”Mieux connaître le passé pour savoir où l’on va, nous dit l’adage. Dans son dernier ouvrage, “Hopes and Prospects” (“Futurs proches”, LUX éd.), présenté à l’occasion de deux conférences qu’il a données à Bruxelles les 26 et 27 mars derniers, Noam Chomsky confronte les concepts de liberté, d’impérialisme et de souve-raineté des états. Ce faisant, il s’applique à décoder la première décennie de ce siècle pour tenter d’expliquer la direc-tion probable de l’humanité dans les années à venir et défi nir les défi s à rele-ver pour assurer un monde équitable.Forgé à partir d’articles écrits ces der-nières années (2006-2009) et divisé en deux parties – L’Amérique latine et L’Amérique du Nord -, ce recueil s’ouvre par la description de plus de 500 ans

de conquêtes occidentales de par le monde. Il en étudie minutieusement les mécanismes – “À l’étranger, imposition du libéralisme économique, par la force s’il le faut” – ainsi qu’il relate les effets, sur les peuples envahis, d’une doc-trine politico-économique globale “qui se manifeste aujourd’hui sous le nom de mondialisation”. Le constat premier est malheureusement sans surprise : depuis plus de trente ans, les disparités entre le Nord et le Sud sont grandissantes, et aucunes réelles mesures de correction ne sont prises pour le moment par les grandes puissances.Aujourd’hui, avec cet ouvrage, le scep-ticisme éclairé qui caractérise ses ana-lyses fait cependant place à un optimisme mesuré. Selon Chomsky, la clé du déve-loppement et du progrès économique

La clé du développementet du progrès économique

Il est de tous les combats depuis près d’un demi-siècle. Cet éminent professeur

de linguistique au Massachusetts Institute of Technology, est en effet mieux

connu encore pour ses célèbres essais politiques, qui se comptent par

dizaines. Dans ceux-ci, le “dissident numéro un de l’Amérique” - c’est ainsi

que l’on qualifi e parfois Noam Chomsky - décrypte de manière rigoureuse les

mécanismes idéologiques des sociétés occidentales, les relations d’intérêt

et de domination installées par le Nord envers le Sud, les motivations

sous-jacentes des discours altruistes, le système médiatique…

De la guerre du Vietnam à celles d'Afghanistan et d'Irak, en passant par

la guerre du Kosovo, rien à ce jour de ces confl its majeurs n’a échappé

à ses dissections. À 82 ans, Chomsky poursuit méthodiquement sa

mise à nu du pouvoir, répliquant aux critiques avec fl egme.

NOAM CHOMSKY,un intellectuel engagé

DÉMOCRATIE

“(…) Abordons maintenant le contraste offert

par l’élection de décembre 2005 dans le pays

le plus pauvre d’Amérique du Sud, la Bolivie.

Les électeurs étaient bien au fait des enjeux,

dont certains étaient d’une importance cru-

ciale : maîtrise des ressources naturelles,

droits culturels de la majorité autochtone,

problèmes liés à la justice dans une société

multiethnique complexe, etc. Les électeurs

ont opté pour un candidat issu de leurs rangs,

et non pour un représentant de la minorité

des privilégiés. Grâce à des années de lutte

et d’organisation, le taux de participation s’est

accru. Le jour du scrutin ne s’est pas résumé

à un simple intermède où l’on fait une croix

sur un bulletin avant de se retrancher dans la

passivité et la vie privée, mais a il constitué

une étape décisive d’un processus continu

de participation au fonctionnement de la

société.”

26 AVRIL-MAI 2011 I dimension 3

extrait

RUBRIQUETENDANCES

résiderait dans l’indépendance et la souveraineté des États. Ainsi, prenant pour exemple le Japon, “seul pays du Sud à s’être développé et industrialisé par lui-même”, il tire la conclusion selon laquelle “la souveraineté, qui implique la capacité d’un pays de maîtriser son économie natio-nale et de participer aux marchés interna-tionaux à ses propres conditions, est essen-tielle au progrès économique.”

La situation de l’Amérique latineToute la première partie de l’ouvrage énumère les succès obtenus ces der-nières années en Amérique latine, sti-mulée depuis l’élection au Venezuela en 1998 d’un président qui entend faire profi ter les couches les plus pauvres de la population des abondantes ressources de son pays, et qui promeut l’intégration

régionale indispensable à l’indépen-dance, à la démocratie et à un dévelop-pement digne de ce nom.Chomsky estime en effet que les ex-colo-nies, en particulier celles d’Amérique latine, sont plus que jamais “à même de surmonter des siècles de soumission, de violence, de répression et d’interven-tion étrangère”, et note que, malgré des revers, “(…) c’est dans ces parties du monde que déferle la vague démocra-tique contemporaine.”Le livre délivre dès lors une note d’espoir, apportée principalement par plusieurs de ces pays d’Amérique latine qui ten-tent en effet de bâtir et de renforcer des États démocratiques, tout en se défendant encore contre des tentatives de coups d’état, souvent téléguidées depuis l’étran-ger. Ils s’engagent également dans des

politiques originales, “marquées par leur opposition au néolibéralisme”, et davan-tage basée sur les échanges locaux, et la solidarité entre les États…“Futurs proches” en appelle finalement à une conversion de l’économie afi n de mettre résolument celle-ci au service de l’environnement. Conversion qui, selon Chomsky, semble tout à fait possible avec les moyens dont l’homme dispose et qui a des précédents dans l’histoire. Il rappelle ainsi que durant la deuxième guerre mon-diale, on est passé d’une économie indus-trielle à une économie de guerre. Une conversion réussie suivie, après la guerre, de politiques ambitieuses de grands tra-vaux ayant permis aux États de se sortir de la Grande Dépression et d’entamer une période de croissance sans précédent.

JEAN-MICHEL CORHAY

INTÉGRATION RÉGIONALE“(…) L’intégration régionale qui prend forme est une condition essen-

tielle à l’indépendance, car elle complique toute tentative de s’en

prendre à chaque pays un par un. (…) L’intégration a aussi une dimen-

sion mondiale : l’instauration de rapport Sud-Sud et la diversifi cation

des marchés et des investissements. (…) La troisième dimension de

l’intégration, sans doute la plus indispensable, est interne. L’Amérique

latine est encore tristement célèbre pour son extrême concentration

de la richesse et du pouvoir entre les mains d’élites privilégiées et

dénuées de tout sens des responsabilités en ce qui à trait au bien-être

de leurs nations.”

Banco del Sur et ALBA“Les initiatives du Venezuela ont eu d’importantes retombées dans tout le

sous-continent : désignées aujourd’hui sous le nom de ‘marée rose’, elle

déferle partout, comme en fait foi l’élection récente de Fernando Lugo au

Paraguay, et à l’échelle régionale, où des institutions communes sont en

voie de formation. Parmi celles-ci se trouvent la Banco del Sur (Banque du

Sud) - projet avalisé en 2007 par Joseph Sti-

glitz, prix Nobel d’économie -, ainsi que l’Al-

liance bolivarienne des peuples de notre

Amérique (ALBA), qui marquera l’aube d’une

nouvelle ère si les espoirs qu’elle suscite se

concrétisent.”

UNASUR“Une autre organisation régionale prend

forme encore : l’Union des Nations sud-

américaines (UNASUR), initiée en 2006 par

l’importante Déclaration de Cochabamba

des dirigeants sud-américains, appelant à l’intégration du sous-continent

sur le modèle européen, et dont un premier sommet consacré à la crise

fi nancière s’est tenu à Santiago en septembre 2008. (…) S’inspirant de

l’Union européenne, ce bloc souhaite instituer un parlement sud-américain

à Cochabamba en Bolivie, lieu tout désigné pour un tel projet.”

dimension 3 I AVRIL-MAI 2011 27

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28 AVRIL-MAI 2011 I dimension 3

A oût 2010. Fin d’après-midi sur le lac Edouard au Nord Kivu. J’accompagne une patrouille de gardes du Parc national

des Virunga dans leur contrôle des zones de pêche interdite. Les gardes sont aux aguets car, quelques jours plus tôt, une de leur pirogue à moteur a été la cible de tirs de bandes armées qui exploitent illégale-ment les ressources du lac. Une pirogue est repérée dans une frayère. Les gardes arment leurs mitrailleuses et leur bateau à moteur ralentit son allure. Les pêcheurs sont arraisonnés et interrogés. Mes deux caméramans sont au plus près de l’action.En exploitant illégale-ment les frayères du lac Edouard, ces groupes armés mettent en péril les ressources en pro-téines de près de trois millions de personnes.Les documentaires que je réalise s’intéressent aux problématiques de développement. Mon objectif est à chaque fois de mon-trer quels sont les mécanismes qui main-

tiennent des populations dans la pauvreté et de quelle manière les projets de développement menés par des ONGs locales permettent d’y faire face.Un fi lm que j’avais réalisé en 2009 montrait comment la protection de l’environ-nement peut être une prise d’appui pour le dévelop-pement des populations parmi les plus pauvres de la planète. L’action de développement dont il faisait l’objet était toutefois circonscrite à un village flottant au Cambodge et fonctionnait un peu comme un micro laboratoire de développement durable.

J’ai donc voulu réaliser un film qui puisse illustrer à une échelle beaucoup large la manière dont les pays du sud peuvent concilier développement et environnement.Le Parc national des Virunga qui abrite une des dernières populations de gorilles de montagne est au cœur de ces tensions entre la protection de la biodi-versité et le développement de popula-tions en prise avec leur subsistance quo-tidienne. L’épuisement des ressources halieutiques du lac Edouard ne constitue

qu’une des menaces qui pèsent sur le parc. Le problème essen-tiel du parc est celui de sa déforestation pour la production de charbon de bois. Ce charbon de bois qu'on appelle ici makala est carbonisé clandestine-ment au coeur même des forêts. Chaque année ce sont des mil-

liers d’hectares de forêts qui partent en fumée pour approvisionner la seule ville de Goma.Afi n d’enrayer cette déforestation alar-mante, le WWF a développé un pro-gramme de production de makala alter-natif, l’Ecomakala. Produit à partir de plantations d’arbres à croissance rapide en dehors du parc, ce makala écolo-gique devrait progressivement consti-tuer une source d’approvisionnement alternative pour la population.Ce projet Ecomakala, soutenu par le WWF Belgique au Nord Kivu, démontre qu’à partir d’un produit d’utilisation quo-tidienne, le charbon de bois, on peut à la fois agir sur la conservation de la biodi-versité de toute une région tout en luttant contre la pauvreté.Tourné au Nord Kivu en août 2010 avec le soutien de la DGD, le fi lm immerge le spectateur dans l’action quotidienne du WWF et des gardes du Parc National des Virunga.

Qui ?Dominique Thibaut,

réalisateur de fi lms

documentaires au sein

de Yèlèma Production.

Quoi ?Un fi lm qui montre que des

projets de développement

peuvent prendre appui

sur la protection de la

biodiversité.

Pourquoi ?Faire connaître

des actions de

développement

exemplaires.

UN FILM DOCUMENTAIRE

QUI MONTRE LA CONCILIATION

ENTRE DÉVELOPPEMENT

ET CONSERVATION

DE LA BIODIVERSITÉ

Domin

réalisa

document

de Yèlèma

Un fi lm qui mo

projets de dé

peuvent p

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Ce charbon de bois qu'on appelle ici makala est carbonisé clandestinement au coeur même des forêts.

SENSIBILISATION

dimension 3 I AVRIL-MAI 2011 29

Petite Dimension

De plus, au moyen de sa méthode de fi nancement novatrice, la Belgique donne d’emblée un signal allant

dans le sens de plus d’effi cacité et de plus de responsabilité.

Partager ce qui fonctionneLe WBI veille à ce que les pays en développe-ment puissent partager les expériences et les solutions intéres-santes. Ainsi, pour ses réformes dans l’administration de la sécurité sociale, le Vietnam s’est inspiré des expé-riences de la Litua-nie, de la Bulgarie et de la Turquie. Qant à la Bolivie, elle a pu apprendre de l’ex-périence du Brésil (le programme de la Bolsa Familial), du Mexique, de l’Indo-nésie et du Vietnam dans le domaine de l’aide directe aux revenus accordée à des familles pauvres sur la base d’une série de conditions. En Afrique, il y a eu par exemple des échanges intensifs entre le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Nigeria sur le développement de programmes privés d’irrigation pour cultures de haute valeur.

Une méthode de fi nancement novatrice pour plus d’effi cacité, et plus de responsabilités belges

Le soutien de la Belgique au WBI s’accom-pagne d’une nouvelle approche dictée par la prise en compte du fait que la Banque mon-diale, avec plus de 1.000 fonds spécifi ques,

complique la recherche d’une plus grande effi cacité de l’aide. La contribution belge se singularise dès lors parce qu’elle n’est octroyée qu’à un seul fonds, à savoir le fonds destiné à l’exécution de l’ensemble de la stratégie du WBI. Ce type de contribution permet d’éviter l’éparpillement des moyens sur les différentes activités de cette straté-gie, contrairement à la contribution d’autres

pays donateurs dont le versement s’effectue, selon leurs propres préfé-rences, au bénéfi ce d’un secteur, d’un pays ou d’une com-binaison des deux.L’accord avec le WBI est tellement nova-teur qu’il n’a pro-visoirement qu’un statut de projet pilote. Son succès définitif dépendra de la mesure dans laquelle d’autres pays donateurs adhèreront au fonds

et de la mesure dans laquelle la Banque mondiale pourra adapter ses procédures internes à une aide plus stratégique.Avec cet accord, la Belgique a néanmoins déjà accompli un pas important vers un sou-tien plus général à une institution internatio-nale, ce qui lui permet d’obtenir en retour plus de responsabilités dans l’approche stra-tégique au sein du WBI.

PETER VAN ACKER

La Belgique renforce le centre de connaissances de la Banque mondiale grâce à

une approche novatrice

Intéressés ?Rendez-vous sur le site

du Trade for Development Centre (www.befair.be)

Semainedu commerce équitable 2011 :

Participez au concours de projets !

À l’occasion de la 10e édi-tion de la Semaine du

commerce équitable, qui aura lieu du 5 au 15 octobre 2011, le Trade for Development Centre de la coopération belge organise un concours de projets. L’opportunité est ainsi offerte aux asbl, aux mouvements de jeunesse, aux entreprises ou encore aux communes, de participer activement à la promotion du commerce équitable en Belgique.

Apportez votre pierre à l’édifi ce !

Qu’il s’agisse d’une projection de fi lm, d’une activité scolaire,

d’un spectacle ou de toute autre activité originale, toutes les idées seront les bien-venues afin de faire de cette Semaine du commerce équi-table un événe-

ment incontournable. À l’issue du concours, les projets sélec-tionnés bénéficieront d’un soutien fi nancier de la part du Trade for Development Centre de maximum 4.000 euros cha-cun. Ils seront ensuite intégrés au programme de la Semaine du commerce équitable 2 011. Le concours de projets est ouvert jusqu’au vendredi 13 mai 2011 à 12h, date limite de dépôt des candidatures.

La Belgique va investir 1,7 million d’euros dans l’Institut de la

Banque mondiale (WBI), le centre de connaissances de la banque.

Cet investissement permettra au WBI de poursuivre son rôle de

plaque tournante mondiale permettant d’établir des liens entre la

connaissance, l’apprentissage et les innovations en matière de

développement, et son rôle sur le terrain, de catalyseur de chan-

gements axés sur les résultats.

Jan Matthyssen, Ambassadeur de Belgique à

Washington et Sanjay Pradhan, vice-président de

l’Institut de la Banque mondiale (WBI) ont célébré le

17 mars 2011 la contribution novatrice belge au WBI

d’un montant de 1,7 million d’euros.

30 AVRIL-MAI 2011 I dimension 3

L e document présente des résultats remarquables, à savoir une APD glo-bale de 128,7 milliards de dollars

US, ce qui représente une augmentation de 6,5 % par rapport à 2009. Ce niveau record concerne également l’APD belge qui s’élève en 2010 à environ 2,3 milliards d’euros (*), soit 0,64 % du PIB. Il s’agit d’une croissance de plus de 19 %, ce qui est largement supérieur à la moyenne de 6,7 % des 15 Etats membres de l’Union européenne participants. Ce résultat permet à la Belgique de se classer au 6e rang des pays donateurs membres de l’OCDE.

Ceci dit, la Belgique n’atteint pas encore le cap qu’elle s’était fi xé en 2005, à savoir, consacrer 0,7 % de son PIB à l’APD. Dans ce but, et malgré la situation économique et politique diffi cile de notre pays (en “affaires courantes”), les engagements de la Coopé-ration belge envers ses partenaires continue-ront d’être maintenus en 2011.Plus d’informations :http://webnet.oecd.org/oda2010/

* Ce montant est une première estimation, certaines données des différentes entités belges participantes n’ayant pas encore été référencées par l’OCDE pour l’année 2010.

L’économieverte

dans le combat mondial contre la pauvreté

Un investissement annuel de 2 % des revenus mondiaux – 1,3 trillion de dol-lars US – dans dix secteurs-clefs suffi -rait à engager notre planète sur la voie de l’Economie verte à faible émission de carbone, véritablement durable. Il constituerait également un catalyseur dans la lutte contre la pauvreté dans les pays en développement. La croissance mondiale pourrait même s’y retrouver à la hausse par rapport à l’“économie brune” qui affecte l’environnement et épuise les matières premières. Tel est le message du Green Economy Report du Programme des Nations unies pour

l’environnement (PNUE). Le Rapport fait suite à la Conférence des Nations unies pour le développement durable de 2012, 20 ans après Rio.

Les dix secteurs proposés sont : l’agriculture, la construction, l’appro-visionnement énergétique, la pêche, l’industrie y compris l’efficience énergétique, le tourisme, le transport, la gestion des déchets et l’eau. Les mesures reposent sur des données chiffrées précises pour chaque sec-teur. Elles concernent entre autres l’utilisation plus durable de l’eau, une meilleure gestion des sols, la protection des forêts et des réserves marines, la disparition du gaspillage alimentaire, l’amélioration du recy-clage, l’augmentation des transports publics, un secteur de la construction économe en énergie, etc. Avec neuf milliards de personnes à l’horizon de 2050, la conclusion saute aux yeux : une Economie verte est possible et indispensable !

Towards a Green Economy : Pathways to Sustainable Development and Poverty Eradication – www.unep.org

LA BELGIQUEse hausse au 6e rang des pays donateurs

ErratumDeux erreurs se sont glissées dans les pages du dernier Dimension 3 :

• À la page 13, la photo en illustration n’est pas l'installation en hommages aux victimes du génocide dans le patio central du Mémorial de l'Holocauste à Kigali, mais le monu-ment en hommage aux 10 para-commandos belges assassinés par les Interahamwe et troupes rwandaises le 7 avril 1994.

• À la page 21, la carte représente erronément l’Autriche comme l’un des “nouveaux

membres”, alors qu’elle a rejoint l’UE en 1995. Malte est présentée comme un “ancien membre”, alors qu’elle a rejoint l’UE avec les 9 autres états en 2004.

D

•dmt

L’OCDE, l’organisation des pays riches industrialisés, vient de

publier son rapport annuel sur les dépenses d’aide publique au

développement (APD) des membres du Comité d'Aide au Dévelop-

pement (CAD).

Aide publique au développement des pays donateurs de l'OCDE (chiffres relatifs au PIB).

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2

Australia

Belgium

Canada

Denmark

France

Germany

Luxembourg

Netherlands

Norway

Spain

Sweden

United Kingdom

United States

BELGIQUE 2,3 milliards

d'euros en 2010

dimension 3 I AVRIL-MAI 2011 31

DGD - DIRECTION GÉNÉRALE

COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT

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Tél. +32 (0)2 501 48 81 • Fax +32 (0)2 501 45 44

E-mail : [email protected]

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