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Chapitre1SecretMcQueent2Chapitre2
Dédicace
À Jessica Cote et Jessica McCarthy, qui sont les meilleures cheerleadersqu’unefillepeutespéreravoir.
Chapitre1Danslesheureshostilesquiprécédaientl’aube,unebrumeépaisseethumide
s’était posée au-dessus des pelouses verdoyantes de Central Park. Une lunedéclinante surplombait la ville tel le sourire énigmatique du chat duCheshire.L’air printanier était assez froidpour qu’un souffle se transforme enunnuageéphémère. En suivant ces nuages avant qu’ils ne disparaissent, on pouvaitretracerleparcoursd’unpromeneurdanslanuitnoire,àtraversleparc.LelongdelacélèbreGrandePelouse,àl’intérieurdelaforêtanguleuse,faceà
une rangéed’immeublesbrillants, décor lumineuxqui sedétachait dupaysagesombre,onpouvaitvoir cesnuages saccadés sedéplacerprécipitammententrelesbranchesdéployéesetencoredépourvuesdefeuilles.Àquelquescentimètresde ces traînées brumeuses, une jeune femme courait comme si sa vie endépendait.Jen’étaispaslafemmeenquestion,maisjecouraisaussi.Commeuneidiote,j’avaiscrupouvoirfaireunejolieballade,tranquilledans
Central Park, pour profiter du calme qui régnait avant l’aube, chose presqueimpossibledansunevillecommeNewYork.D’habitude,lesseulsmomentsderépitquejem’accordaisétaientlorsquemadouchemefournissaitunminimumdesolitude.Etmêmedanscesmoments-là,latuyauteriedel’immeublegrinçaitàchaqueutilisation.Ladouchen’étaitsilencieusequelorsquel’eauétaitfroide.Cettenuit-là, j’avaisvouluêtreseuledanslapénombreavantdeglisserdans
mon sommeilmatinal habituel,mais c’était trop espérer dans une ville qui nedormait jamais.Mêmesi,pourmoi,unenuitcalmesignifiaitgénéralementmefaireagresserparunsaletypeoumenerlaviedureàdesdroguésquiessayaientd’effrayer des lycéennes rebelles, j’aurais encore préféré ça à ce que j’étais
obligéedefaireencemoment.Malheureusementpourmoi, etplusencorepour la filleaprèsqui jecourais,
elleétaitpoursuivieparunechosequin’étaitniamicalenimêmehumaine.Elleauraiteubeaufuiràtoutevitesse,lesvaguesdepeurquiémanaientd’elle
étaientsifortesquelacréaturequilatraquaitauraitpularetrouvern’importeoù.La peur avait une odeur écœurante, pas vraiment sucrée, plutôt une odeur devieuxcloudegirofleetdecuivre.Jelesavaisparcequejepouvaislasentir,moiaussi.Etcetteodeurmeprovoquaitdesfrissonsquisepropageaientjusquedansmacolonnevertébrale.Enmoi,ilyavaitunprédateurquicomprenaitcequesonagresseurressentaitenla traquant,unepartprimitivequireconnaissaitcedésirdefondre,victorieuse,suruneproieterrifiée.Jepouvaislesentir,luiaussi,etjepouvaisàprésentdétermineraveccertitude
qu’ils’agissaitd’unmâle.Jen’iraispasjusqu’àdirequec’étaitunhomme,carilnerestaitplusriendecequ’ilavaitétéautrefois.Ilavait l’apparenced’unêtrehumain,maissouscecostumedechairsetrouvaitquelquechosedemonstrueux.Je ne sentais que sa faim irrépressible. La fille n’avait pas eu le temps de
s’inquiéter : une terreur foudroyante et sauvage l’avait submergée quand ill’avaitpriseenchassebrusquement.C’étaitsapeursoudainequim’avaitattirée.J’étais làparceque lafilleétait trèshumaineet trèsvulnérable,etqu’il l’avaitattaquéeparsurprise,cequiétaitcontraireauxrègles.Mêmesicettechoseétait sans l’ombred’undoutemorte, je savaisquesi je
n’étaispasplusrapidequelui,lafillegonfleraitbientôtleursrangs.Etunefoisqu’elleseraitdes leurs,cette infractionauxloisquirégissaient lesvampiresdece monde deviendrait de toute façon mon affaire. Intervenir maintenant nousferaitdoncgagnerdutemps,àmoietàquelquesvampiresbureaucrates.Au point où j’en étais, je me serais dit n’importe quoi pour justifier cette
poursuite.La fille sortit de la forêt et piqua un sprint en boitant à travers la Grande
Pelouse. C’est à ce moment-là que je me rendis compte que j’avais dépassél’agresseur. Jecontinuaià les suivreà travers lesbois,espérantquesa faim ledistrairaitassezpourqu’ilnes’aperçoivepasquejem’étaisinvitéeàsapartiede
chasse. L’odeur de sang dans l’air m’apprit qu’elle s’était blessée pendant safuite.Elle clopinait à travers la pelouse, car elle avait cassé le talon d’un de ses
escarpins et l’autre, attaché à sa cheville uniquement par la lanière, traînaitderrièreelle.Ellesanglotait,étouffaitsescris,etunepartdemoisenourrissaitde ces bruits avec un plaisir profond.Une faim animaleme poussait à être lapremièreàl’attraper,pourpouvoirladéchiqueteretlamettreenlambeaux.Maisjenepouvaispas.Jen’avaisjamaistuéunêtrehumain,dumoinspasun
êtrehumainausangpur,etjen’allaispascommencercettenuit-là.Jen’étaispasune machine à tuer comme lui. J’étais tout autre chose. Il était encore plusdifficiledecroireà l’existenced’unêtre telquemoi,quedecroireàcelledesvampires.Manaturemepermettaitmalgrétoutdeconserverassezd’illusionssurl’humanitépourconsidérerquetuerdesgens,dumoinsdesgensquinel’avaientpasmérité,étaitmal.C’étaitmaintenantoujamaisetjelasuivishorsdelaforêt,enaccélérant.Sans
essayer d’éviter les doigts habiles des branches rendus plus tranchants par lesorages d’hiver, je fus violemment fouettée au visage, mais je continuai macourse.Jecourusjusqu’àcequechaquemuscledemoncorpsbrûleethurlededouleur,puis, jepressaidavantagel’allure.Si j’avaisétéhumaine, jemeseraisécroulée, j’aurais vomi sur l’herbe et je serais restée là, allongée pendant uneheure, exténuée. Mais je n’étais pas humaine et j’étais capable de finir unmarathonenconservantcetteallure.Ilme fallut àpeineunesecondepour la rattraper,unesecondequimeparut
une éternité. Il était à découvertmaintenant, il était à nos trousses. Je courusencore. Je continuai ma course jusqu’à arriver à sa hauteur et l’agrippaifermement par le bras pour l’entraîner derrière moi sans ralentir. Elle cria etessaya de se débattre, me prenant pour son véritable agresseur. Alors qu’elleenfonçait ses ongles dans ma peau avec une force surprenante pour une filleaussimenue,jeréalisaiqu’iln’yavaitqu’unseulmoyendenousensortirtoutenlagardantenvie.J’arrêtai de courir et la giflai violemment. Sidérée, elle ne prononça pas un
mot,etons’observaunmoment.Cette fille ressemblait beaucoup à ce que j’aurais été si j’avais eu une vie
normale.Elleétaitminceetpetite,avecdescheveuxblonds.Mais,contrairementàmoi, le bronzage de sa peau n’était pas naturel, elle le devait sûrement auxheurespasséesdansuncercueildelumièreultra-violette.Elleportaitégalementplusdemaquillagequejen’auraisjamaispenséenposséder.—Tudoism’écouterattentivementmaintenant.Ilapprochait,etvite.Jen’avaisplusquequelquessecondesdevantmoi.—Jepeuxtesauver.Jepeuxtegarderenvie.La terreur s’effaça de son visage et fut remplacée par une émotion plus
terrifianteencore:l’espoir.Jeluienavaisditassezpourqu’ellecomprennequejevoulaisvraimentl’aider.Ettandisqu’ellecommençaitàintégrercequejeluidisais,sapriseseresserrasurmonpoignet.Ellemesuppliaitdesesyeuxgrandouvertsembuésdelarmes.L’espoirnaïfquej’ylisaismenoualestripes.Garderen vie cette version mondaine et inadaptée de moi-même était devenu maresponsabilité.—Maisj’aibesoinqueturestesàl’écart.J’essayaidedesserrersaprise,elleneselaissapasfaire.Jepouvaislevoirà
présent,uneformeflouevibrantederageetd’énergiequifonçaitdroitsurnous.—Lâche-moisituveuxvivre!Lâche.Moi.Jel’écartaisavecunpeutropdevigueur.Elletrébuchaets’effondrasurlesol,
maisellesemblaaumoinscaptercequejedisais.—Maintenant,coursaussivitequetupeux!Elle recula en rampant et se releva. Après m’avoir lancé un dernier regard
désespéré, elle se remit à courir, et j’eus tout juste le temps deme retourneravant d’être percutée violemment par un vampire qui me chargeait à pleinevitesse.
Chapitre2Je fus aplatie au sol. Le vent me frappa dans un sifflement douloureux
pendantqu’unvampirebelliqueuxdirigeaitsescaninesnuesversmagorge.Unejournéenormaleaubureau.Pourl’instant,aumoins,ilsemblaitsatisfait,croyantqu’iln’avaitpasperduau
change en laissant filer la fille qu’il chassait avant moi. Qui pourrait lui envouloir ?Pour lui, elle etmoi étions toutes les deuxdes filles au sang chaud,seulesdansleparc:desvictimestoutesdésignées.Jenedégageaispaslamêmeodeurintensedepeur,etmatenueétaitloind’êtreaussiprovocante,maispourun vampire assoiffé de sang prêt à se nourrir, nous nous valions.Un vampiren’avaitbesoinqued’uncouetd’unpouls.Dansmasituation, j’avaisunplusgrosproblème :monarmeétaitcoincéeà
l’arrièredemonjean,cequisignifiaitque,commej’étaisépingléeausol,l’armes’enfonçaitdanslebasdemondos.Ilfallaitquejememettesurlui.Oh,sij’avaistouchéuncentimeàchaquefois
quecettepositionm’avaitpermisderésoudreunproblème!Sesdentseffleurèrentmaclavicule,entaillantmapeauetmetirantbrutalement
demesdivagations.Parchance,j’avaisraison–c’étaitunnouveau-néetilétaitmaladroit.Unvampireadulteseseraitjetésurlapluspetitetracedesang,maiscelui-làn’avaitmêmepasl’airconscientdecequ’ilavaitfait.Malheureusement,cetteplaieouverteallaitagiterl’odeurdesangfraissoussonnezetilallaitvitecomprendredequoiilretournait.Ilarrêtadegrogneret,avecunairstupideetahuri,ilregardalaplaiecomme
s’ilnesavaitpascommentelleétaitarrivéelà.
Jesaisiscequiseraitpeut-êtremonuniquechance,etj’utilisaisoninattentionàmonavantageenlefrappantàlajoueaussifortquemoncorpslepermettait.Cecoup,s’ilavaitétéinfligéàunêtrehumainadulte,luiauraitcassélesdentsetaurait transformé le cartilage de son nez en purée. J’entendis la mâchoire duvampirecraquer,etilrecula,abasourdi,enclignantdesyeux.Il grogna et se jeta unenouvelle fois surmoi,mais j’avais eu tout le temps
nécessaire. J’avais dégainé mon pistolet, l’avait armé et pressé sur son frontavantmêmequ’iln’aiteulachancedefranchirladistanceminusculequinousséparait.Jemerelevaidifficilement,l’armetoujourssurlui,nevoulantpasresteràterresilasituationdégénérait.Levampirefutobligédeloucherpourvoircequej’avaispointésurlui,ceque
j’auraispu trouverdrôle si la suite s’étaitdérouléeautrement. Il lâchaunpetitrirerauque,unbruitqui,sanscecôtéglacial,auraitpuêtrehumain.—Sais-tuquijesuis,petite?Ceméprisauraiténervén’importequid’autre.Sabravadenem’inquiétaitpas
réellement.Saréactionfaceàmonarmem’intéressaitdavantage.Iln’avaitpasdu tout peur d’elle et là était son erreur. C’était la raison pour laquelle j’enutilisaisune:lesvampiresnelesconsidéraientpascommeunemenacesérieuseet baissaient la garde. Il suffisait d’exploser la tête d’un de ces vampiresarrogants pour que les autres se rendent compte que cette arme pouvait tuern’importequi.—Éclaire-moi.Jesourisavecuneinnocenceexagérée,ouvrantmesyeuxbruns,desyeuxde
bichequelesvampsadorent.Envérité,j’avaisbeaucreverd’enviedeletuer,jenepouvaismelepermettre.
Sijedevaisenarriverlà,ilfallaitquej’obtienneleplusd’informationspossiblepouraffronterlemerdierquecegestedéclencherait.Ilétaittellementjeunequ’ilyavaitunechancequejepuisseentirerquelquechoseavantd’avoiràappuyersurlagâchette.—Jesuistonpirecauchemar.Jesuistamort.Waouh,quelqu’unavaitdûluidonneruncoursd’introductionsurlafaçonde
parlercommeunconnardélitisteavantdel’envoyerdanslemonde.JelevailesyeuxaucielenécoutantsondiscoursquiavaitdesrelentsdevieuxfilmsavecLugosi1.—Tuesunputaindebébé,dis-je,sanstrembleretsansmontrerlamoindre
tracedepeur.Jeréussisàcaptersonattention.—Jevaist’arracherlatêteetmebaignerdanstonsangencorechaud.Sontonn’étaitpasaussiarrogantcettefois,maisjedevaisluireconnaîtreun
certainméritepoursaténacité.—Non,tuneferaspasça.Je l’énonçai aussi naturellement que j’aurais pu dire « New York est une
grandeville».—Tuasquoi?Troisansgrandmax?Tun’esmêmepasungraindesable.Tu
n’esrien.Lemondedesvampiresn’enarienàcirerdetoi.Parleautantquetuveux.Cen’estpasmoiquidevraisavoirpeur.Ilsemitdeboutet jemeraidis.Mesdoigtspressèrentdavantagelagâchette.
Danssanouvelleposition,ilmesurplombaitdepresquedixcentimètres,maisjenebaissaipasmonarmeet jene reculaipas. Il comprit que je savais cequ’ilétait. La plupart des gens ne croyaient pas à l’existence des vampires et enparlaientencoremoinsavecunetellenonchalance.Ilarquaunsourciletattendit.—Pourquoinemedemandes-tupascequejesuis?J’appuyaimonarmeplusfortsursonfront.Ilsemoquademoi.—Tuesmondîner.Oupeut-êtrequejetetransformerai,jetelieraiàmoiet
jeteprendraitouslesjoursjusqu’àcequetusouhaitesmourir.Cefutàmontourd’émettreunbruitd’agacementdégoûtéetdeleverlesyeux
auciel.S’iln’arrêtaitpascetteperformanceridiculeetprétentieuse,j’allaisfinirparmefroisserunmuscle.—Tunesauraispascommentmetransformer,mêmesi tulevoulais.Tues
tellement jeunequetuserais incapablede t’arrêterdeboire.Tumevideraisdetoutmonsangetjemourraisavantquetuaiesletempsdedéciderlaquelledetes
artèresferal’affaire.Le soleil ferait son apparition dans quelques heures. La nuit était encore de
moncôté,maisjenetenaispasparticulièrementàfairetraînerleschoses,nipourluinipourmoi.—Maintenant,vas-y…Demande-moiquijesuis.Ilm’ignora et essayadebalancer l’arme loindemoi.D’ungestebrusqueet
violent, je levai le genou pour viser son entrejambe, un coup extrêmementdouloureuxmêmepourunmort-vivant.Iltombaausoletjereplaçail’armesursatempe.—Salope!Jelefrappaiaveclacrosse.—Demande-moi.La suite, c’étaitmonmomentpréféré.Pendant six ans, j’avais tuéplusd’un
vampireparan,etàchaquefois, j’avaisrevécucemoment.Jenem’enlassaispas.—Quies-tu?Danspeudetemps,ilauraitrécupérétoutesaforce,maismalgrétout,savoix
étaittendue.—MonnomestSecretMcQueen.Sesyeuxs’agrandirentpendantdetrèsbrèvessecondes:ilavaitreconnumon
nom. Il revêtait un statut presque légendaire parmi les morts-vivants. Lesvampiresnouveau-nésétaienttrèsvitemisauparfum:êtreprésentéaudétenteurde ce nom voulait dire que vous étiezmort. Bel et bienmort.Du genre pourtoujours,pas lamortamusante, la faussemort, l’immortalitédont lesvampiressepayaientleluxe.Sachantquij’étais,ilcompritquej’étaissérieuse.—Ilm’aparlédetoi.Etàmagrandesurprise,ilsourit.—Oh,ilseratellementcontentdemoi!
1 Béla Lugosi est un acteur de cinéma hongro-américain, connu pour ses rôles dans des films
fantastiques,notammentceluiduComteDracula
Chapitre3Onpourraitsedemandercequipousseunefilleàpoursuivreunvampireà
travers le centre-villedeNewYork, etpourquoi cette fille risquerait saproprevieenpointantunearmesurunvampirenouveau-néaucœurdeCentralPark.Cequiamèneraitaussi laquestiondélicatedemacapacitéàcourirplusvite
qu’un vampire, et aussi celle demes envies occasionnelles, et insatisfaites, dechasserdeshumains.Laréponsefacileseraitdevousdireque jesuisune tueuseàgagesàmoitié
vampire,quisebatcontredesvampireshors-la-loiàlademandeduConseildesvampires.Ehoui,çaseraitlaréponsefacile.Légerproblème:jenesuispasseulementà
moitié vampire. Logiquement, ma moitié restante devrait être humaine, maisnon ! À ma connaissance, je suis la seule hybride au monde à être moitiévampire,moitiéloup-garou.Jesuisnéeainsietjen’aipaseumonmotàdire.Mon héritagemixte n’intéressait pas du tout le vampire nouveau-né devant
moi,c’étaitunsecretbiengardé.Cequiavaitpiquésacuriosité,c’étaitmonnometlaréputationquiallaitavec.Cequim’inquiétait,parcontre,c’étaitdevoiràquelpointilsemontraitravidefairemaconnaissance.J’étaisprêteàjouerlejeupour l’instant,car jevoulaissavoirqui luiavaitparlédemoi.À l’évidence, lanaissancedecevampiren’avaitpasétévalidée.Deuxfaitsmepermettaientdel’affirmer : qu’il ait été dehors, en public, si tôt après être revenu d’entre lesmorts,etqu’ilaitpourchasséunefilleinnocenteaucœurdelaville.Donc,tuercevampiren’étaitpasàproprementparlerconsidérécommeunassassinatselonles normes du Conseil, mais il pourrait me mener jusqu’à celui qui l’avait
transformé,etc’était luimacible.Cevampireétaitunhors-la-loiquidéfiait leConseil,ilméritaitd’êtrechassé.D’aprèsuneloivieilledeplusieurssiècles,touslesnouveauxvampiresétaient
transformés uniquement par décret du Conseil des vampires. Devenir unvampire,ànotreépoque,requerraitlapaperasseéquivalenteàunenominationauSénat.Leproblèmevenaitdeshors-la-loi,cesvampiresquinerespectaientpasleConseil et voulaient un retour à l’ancien temps – à l’ère où on croyait auxvampires, où ils étaient craints et pouvaient faire ce qu’ils voulaient sans sesoumettre àungouvernement.Les renégatsn’aimaientni se cacherni seplierauxrèglesdelasociétéhumaine.Ilsnesemblaientpassesouvenirquel’époqueoùlesvampiresétaientlaclassedominanten’avaitjamaisexisté.Ilsavaientunevision erronée du bon vieux temps, dans laquelle ils chassaient les paysans etvivaient dans des châteaux légendaires. Les plus vieux avaient transmis ceshistoiresd’unâged’orauxplusjeunes,etsoudain,touscesvampiresdutempsdesLumièresetdescoloniess’étaientmisentêtederemettreenquestionlesloisen vigueur, épousant les idéaux d’unmode de vie qu’ils n’avaientmême pasconnus.Ils transformaientdesêtreshumains, les enterraient, et lorsque lesnouveaux
vampires se réveillaient, souvent dans le cercueil d’un cadavre frais, ilsdevenaient fous, luttaient pour se libérer et montraient toutes les pulsions etbesoinsd’unanimal.Il y a aussi cet autre détail au sujet des nouveaux vampires quim’agace au
plushautpoint : ilssontcomparablesàdesenfants. Ilssontcurieuxdenature,irrespectueux,saufsionleurapprendànepasl’être,etbêtementinconscientsdeleurmortalité.Celui-là,enparticulier,avaittouteslescaractéristiquesd’unpetitgarçonrebelleettrèsénervé.Legenreàcrierdanslesmagasins,taperetmordre.Seulement,samorsureétaitmortelle.Enfant ou animal, un hors-la-loi nouveau-né n’a vraiment rien de drôle. La
plupartdutemps,ilssontimpossiblesàraisonner.Maisjevoulaisvraimentqu’ilclarifiecequ’ilavaitsous-entendupar«ilseratellementcontentdemoi».Onditquelacuriositéestunvilaindéfaut,maisj’avaisbesoindesavoirquil’avait
transformé.Undesbonscôtésd’êtreàmoitiévampire.—Commenttut’appelles?Jeme dis que si je pouvais aumoins glaner quelques informations pendant
qu’ilétaitmomentanémentconciliant,j’auraisuntrucàramenerauConseil.LeTribunal,leschefsduConseildevampires,neseraientpasravisdemevoirunetroisièmefoispourlesmêmesraisons,etlesentimentétaitpartagé.Sijetuaiscehors-la-loi, et j’étais convaincue que je serais obligée de le faire, je voulaispouvoirapporterunrameaud’olivierauTribunal.Quelquechosedesolidequimepermettraitdejustifiermonécartdecettenuit.Ilétaitencoreentrainderéfléchiràlaquestion,sonvisageassombriparune
confusionsincère.—Henry,dit-ilaprèsunepausequisembladureruneéternité.J’étaisHenry
Davies.—Était.Alors,tucomprendscequit’arrive?Je n’ai jamais pu déterminer la raison pour laquelle un nombre élevé de
nouveau-nés ne réalisaient pas que leurs nouveaux pouvoirs impliquaient dessacrifices,parmilesquels,celuideleurpouls.Êtreunvampireétaitterriblementexaltant, du moins jusqu’au moment où vous vous rendiez compte que vousn’étiezplusvraimentenvie.Cettefichuehistoiredebuveurdesangétaitplutôtdifficileàavalerpourcertains,sansmauvaisjeudemots.—Quejesuismort?—Oui.Illevalesyeuxauciel,meprenantclairementpouruneidioted’avoirposéune
questionaussiévidente.—Ilm’aditquetoutseraitdifférent.Parfois,jehaïssaisvraimentlesvampires.Ilestinscritdansleurnatured’être
aussivaguequepossible.—Henry,quiestce«il»?—Celuiquim’atransformé.—Merci,CapitaineÉvidence.Est-cequetonmaîtreaunnom?Le regard d’Henry se planta dans lemien, et il eut unmoment d’hésitation
pendant lequel jecrusqu’ilallaitmedonneruneréponse.La lueurd’humanitéquej’avaispenséapercevoirdisparutaussivitequ’elleétaitapparue,nelaissantqu’unrictusméprisantsursonvisage.Jeconnaissaisassezbienceregard.Ilétaitentraindesedemanderquelgoûtj’avais.Iln’avaitpasprévudemerépondre;ilétait plutôt en train de décider combien de temps il attendrait avant de medévorer.Ouplusprécisément,avantd’essayer.—Henry, je te conseillede répondre àmaquestion,parceque si jevoisne
serait-cequelapointedetescanines,jetetue.Il rit. Le fils de pute se moquait de moi. Une autre preuve de sa jeunesse.
Aucunvampiredignedecenometéduquéneseseraitmoquédemoi,surtoutpasenconnaissantmonidentité.Lesvampirespouvaientfairedesblaguesàmonsujetderrièremondos,m’appeler«petitechasseusedevampires»etfairecroirequejen’étaispasaussi terrifiantequelesrumeurs le laissaientsupposer.Mais,quandilseretrouvaitdevantmoi,unvampirehors-la-loisavaitquesafinétaitproche.Jenesuispeut-êtrepastrèsimpressionnante,jen’exercepascemétiergrâceà
monphysique.Jetuedesvampires,c’estcequejefais,etcen’estpasàlaportéede n’importe quelle fille blonde d’unmètre soixante-deux. Il avait une bonneraisonderire:àpremièrevue,j’aidavantagel’aird’unedemoiselleendétresseque d’une tueuse. La plupart du temps, cela joue en ma faveur, mais j’en aimarred’essayerd’intimiderdesvampiresquirefusentdemeprendreausérieux.Au loin, j’entendisdes sirèneset j’espéraidu fondducœurqueçasignifiait
quelafilleavaitréussiàatteindreuntéléphoneouqu’elleavaittrouvéquelqu’unqui appellerait lapolice tandisqu’ellepleurerait.Et elle allait pleurer, pendantdesjoursetdesjours,c’étaitsûr.En attendant, si ces sirènes étaient vraiment pour la fille au talon cassé, je
n’avais pas le temps de jouer avecHenry. Les officiers de police humains negéraientpastrèsbienlesphénomènessurnaturels.Ils étaient en plein déni, toujours prêts à ignorer les explications les plus
évidentes,etpréféraient les réponsesqui fermaient laporteauxbizarreries.La
théorie du rasoir d’Ockham ne s’appliquait pas aux humains, surtout pas à lapolicehumaine.—Henry,onn’apasletempspourça.Dis-moiquit’atransforméoujelaisse
cettefillet’identifierettupasseraslanuitencentre-ville,dansunecellule.Cettemenaceétaitparticulièrementefficaceaveclesnouveauxvampires.Jene
pensaispasqu’Henryallaitcomprendre,maisçavalaitlecoupd’essayer.—Jen’aipaspeurdelapolice,dit-ilenreniflantavecdédain.Noussavionstouslesdeuxquec’étaitjusteunebravadedesapart.Henryavait uneattitudeplusqu’arrogantepourunnouveauvampire, cequi
mepermit de commencer à réduire le champdesoptions en cequi concernaitl’identité de son sire. Pour obtenir unmandat, ilme fallait un nom. Tuer deshors-la-loi revenait à liquider des barons de la drogue. C’était une chosed’attraperlevoyoudubasdel’échelle,maisc’enétaituneautred’attrapersonmaître. Trouver le maître d’unmaître d’unmaître est presque impossible. LeConseiletmoicherchionslesnomsdesplusâgés,ceuxqu’onsoupçonnait,maisqu’onn’osaitpasaccusersanspreuve.—Tudevraispeut-êtrepenseraufaitquetouteslescellulesdescommissariats
ontmaintenantdesfenêtres.—Etalors?—Alors,tun’esplusimmunisécontrelesrayonsdusoleil.Medirecequeje
veuxsavoirseramieuxquedeteréveillerenn’étantplusqu’untasdecendres.NotreconversationcommençaitàennuyerHenry.Sesyeuxs’égarèrentetilse
passa la langue sur les lèvres.Une ombre passa sur son visage qui remua lesprofondeursd’encredesesyeuxnoirs, lesfaisantbrillerd’unéclatmauvais. Ilfronça les sourcils et reporta sonattention surmoi,un sourire suffisant sur leslèvres.Henrygloussa.—Ilm’aparlédetoi.SecretMcQueen,laméchantechasseusedevampires.Il
m’aditdenepascroisertaroute.Ilm’aditquetuétaisdangereuse.Àprésent,ilriaitavecunméprisflagrant,amuséparsapropreblague.Maisil
me donnait aussi des indices. Son sire était un hors-la-loi quime connaissait.
Probablementunquej’avaisdéjàrencontréavant.—Tuasunmaîtretrèsavisé,Henry,maintenantdonne-moisonnom.—Non.Enunéclair,Henrypassadel’indifférenceàl’attaque,ilattrapamonpoignet
libreetilsejeta,labouchegrandeouverte,surmagorge.Idiot, viser la gorge était un coup tellement cliché. S’il avait mordu mon
poignet pendant qu’il en avait encore la possibilité, j’aurais pu être embêtée.L’intensitédesonattaqueréussitnéanmoinsànousfairebasculer,etils’écrasaencoreune foissurmoide toutsonpoids.Henry,avecsamasse imposantedevampire affamé, faisait au moins cinquante kilos de plus que moi. Avec uneforce supérieure à lamoyenne, je le surpris en contrant son attaque au cou àl’aidedubrasqu’ilavaitpasséautourdemapoitrine.Ilétaittellementsûrdeluiqu’ilfonçatoutesdentsdehorsetmorditsonproprebrasparaccident.Ilhurla,choqué.—Çafaitmal,n’est-cepas?Êtremorduparunvampirequandtun’espas
sousemprise…—Tulesaurasbientôt,petite.Lesyeuxnoirsderage,ilgrogna.Despostillonss’échappèrentdesabouche.Ilbonditànouveausurmoi,maisjel’esquivaiplusvitequ’ilnes’yattendait.
Alors qu’il plongeait pour me mordre, j’enfonçai mon arme dans sa boucheouverte, une balle chargée dans la chambre et mon doigt frémissant sur lagâchette.—Jesaisdéjàcequec’est,connard.Maintenant,tumedonnessonnomouje
tire.J’allaislefairequ’illefasseounon.Ses lèvres bougèrent autour du canon. Je retirai l’arme et d’unmouvement
rapide, je l’appuyai sous son menton. Henry se lécha le tour de la bouche,goûtant l’endroit où s’était trouvée l’arme. Il toucha ses caninesduboutde lalangue, comme s’il savourait le souvenir d’un mets délicieux, et il laissaéchapperunricanement.—Monmaîtreseracontentdesavoirquel’undessiensestresponsabledela
mort de la grande Secret McQueen. Et il sera encore plus impressionnéd’apprendreque tuesmortesanssavoirqui ilétait.Parceque jene te lediraijamais,pasmêmelorsquejemangeraitoncœurencorebattantdanstapoitrine.Puis,ilmecrachaauvisage.
Chapitre4Avoir la salive d’une autre personne sur le visage ne présente qu’un seul
avantage,s’ilestpossibled’entrouverun:çaempêchelesangdecoller.Au moment où l’arrière de la tête d’Henry se détacha et fit pleuvoir son
contenu sur nous, je retirai le plus gros demes yeux. Je repoussai son poidsmort,ausenspropreduterme,etjem’agenouillaiprèsducadavre.Il existait un autre moyen de vérifier que son maître était celui auquel je
pensais.Jeneconnaissaisqu’unseulmaîtrequiseraitparticulièrementheureuxdeme voirmorte. Je tirais sur le col de la chemise d’Henry, et évidemment,mêmesielleavaitdéjàcicatrisé,mapreuveétaitlà.Ilyavaitplusieursmarquesirrégulièresdedents,lesmorsuresavaientdûêtre
douloureuses,maisjedécouvrisunespacequ’onnepouvaitrater,làoùlacanineaurait dûpercer lapeau.Cet espace correspondait àunedentmanquante.Unedentquej’avaisfaitvalsersixansplustôtalorsquej’étaisentraindemebattrecontrelepremiermaîtrevampirequej’avaisessayédetuer.—Filsdepute!J’inspirai une bouffée d’air froid et je jetai un coup d’œil derrièremoi. Un
gesteparano,maisnécessairepourm’assurerqu’iln’étaitpaslà.Tout prenait sens maintenant. Son attitude et son assurance suffisantes. La
manière condescendante avec laquelle il avait pourchassé la fille. C’étaitvraimentlefilsdesonpère.—Putaindemerde.Je laissai échapper un sifflement, je serrai tellement les dents que les mots
eurentdumalà sortir.Si j’avaispuêtreplus intelligible, j’aurais sûrementété
plus éloquente, mais là, tout ce qui me venait, c’était des insultes et je lesmélangeai avec une intensité blasphématoire. Je sortismon téléphoneportableainsiqu’unepetite lampedepochede l’intérieurdemaveste. J’appuyaisur leraccourciautomatiquedelatouche«deux»etj’allumailalampedepocheaveclesdents.—Ilesttardpouruncheck-in,McQueen.— Viens me chercher à l’extérieur de Colombus Circle. Aussi vite que
possible.Évitelesbeauxsiègesrembourrés,jesuisdansunsaleétat.Unepause.—Qui?—Çan’apasétévalidé.JevaisappelerHoldenetluidemanderdeprévenirce
foutuTribunal.Maisçan’apasd’importance,Keaty.Tunedevinerasjamaisquil’aengendré,celui-là.Une pause plus longue. Francis Keats n’était pas du genre à jouer aux
devinettes,maisautondesavoix,jemedoutaisbienqu’ilsavaitexactementdequijeparlais.J’inspectail’herbeavecmalampedepoche,àlarecherchede…Levoilà,un
refletdemétal. Je ramassai laballeet laglissaidansmapocheavec leboîtierque j’avais déjà récupéré. Je n’avais pas le temps de cacher le corps, il fallaitdoncespérerquelafilleseraittropbouleverséepourindiquernotrepositionavecprécision.Mêmesionletrouvait,iln’enresteraitquedelapoussièreauleverdusoleil.Lesballes,parcontre,nesedésintégraientpas.—C’estPeyton.Ilestderetour.—J’arrivedansquatreminutes.Keaty m’attendait au coin de la rue. Les trottoirs étaient presque vides,
l’affluencedes piétons diminuait dans les heures qui suivaient la fermeture detous les bars et qui précédaient l’heure à laquelle les citoyens raisonnablesseraientànouveauréveillés.Onparlaitautrefoisde«l’heuredessorcières»,etdanscertainscercles,c’étaitencorelecas.Jem’engouffraisansattirerl’attentiondans la voiture noire dont les vitres teintées évitaient questions et soupçons.Aprèstout,quepenseraientlesgenss’ilsvoyaientuneblonderecouvertedesang
danslavoitured’unhommerespectableàlunettes?Keatyportaitseslunettescercléesd’argent,ilétaitpartiencatastrophe.Jene
savaispas s’ilpensaitqu’ellesentacheraient sa réputationdeduràcuire,maisKeatynelaissaitpersonnelevoiravec.Personnesaufmoi.Lesiègecouinasousmonpoidsetjeremarquaiqu’ilavaitmisunehousseen
plastiquesurlecuir.Quelpragmatisme,ilavaitdécidédesauverlavoitureplutôtque de mettre ses lentilles de contact ! Au moins, il savait où étaient sespriorités.On roula en silence pendant unmoment, celame permit de reprendremon
souffle après ma course à travers Central Park pour rejoindre la voiture. Mapanique reflua.Maintenant que j’étais près de lui, jeme sentais davantage ensécurité.Francis Keats, que je surnommais Keaty, mais qui tout le monde appelait
monsieur Keats, était un des piliers de ma vie. C’était mon partenaire,professionnel, j’entends. J’avais rencontréKeaty six ans plus tôt. J’avais seizeans et j’arrivais en ville pour chassermes démons, au sens propre comme ausensfiguré.Jem’étaisfourréedanslepétrinenmebattantcontreunvampirehors-la-loi,et
Keatym’avait sauvé la peau.À l’époque, je ne travaillais pour personne et jechassaisbêtement tous lesvampiresquimetombaientsouslamain.Seizeans,unedemespremièressorties,etj’avaisfaillimefairetuer.Levampireavaitl’airjeune, j’avaiscruqu’ilserait facileà liquider.Graveerreur!Etmaintenant,cepassérevenaitmehanter.Jepeuxvousassurerquepersonnen’avaitpeurdunomdeSecretMcQueenà
cetteépoque-là.MaisKeaty,quiétaitunhommesolitairedenature,avaitdûentrevoirquelque
choseenmoi,parcequ’aprèsmonrefusderepartir,ilm’avaitprisesoussonaile.Il faisait partie des cinq personnes qui savaient qui j’étais vraiment, et j’étaisl’une des deux seules qui ne l’avaient jamais appelé Francis et qui vivaientencorepourpouvoirenparler.
— Ily enaqui t’appartient ?medemanda-t-il enmontrant le sangquimerecouvrait.Savoixétaitcalme.S’ilétaitinquiet,ilnelemontraitpas.—Non.Leségratignuressurmonvisageetmaclaviculeétaientdéjàentraindeguérir.
Undesavantagesdemalignéedouteuse.—Tuvasm’expliquercequis’estpassé?Keatymetendituneservietteetquelqueslingettes.Je lui racontaima soirée : la fille des bois et la sauvagerie d’HenryDavies.
Ensuite,jeluirépétai,sansomettreaucundétail,cequeHenrym’avaitditetjeluiparlaidescicatricesquej’avaistrouvéessursoncou.—Tuessûreà100%?Ilavaitl’airconvaincu,maisilavaitbesoindeposerlaquestionmalgrétout.—Oui,j’ensuissûre.—Bien.Ilgara lavoituredevantunbâtimentenbriquesdontseul le rez-de-chaussée
étaitéclairé.Surleverredépolidelaporte,onpouvaitlire:KeatsetMcQueenDétectivesPrivés
ContrôledesNuisances—Onatoujourssuqu’ilreviendrait.Onn’enajamaisdouté.—Maispourquoiattendreaussilongtemps?Pourquoimaintenant?Onsortitdelavoitureetonmontalesmarches.Unevieillefemmepassaavec
un petit chien et en nous voyant, elle fronça les sourcils en signe dedésapprobation.Une jeunefilledevingt-deuxansavecunhommedequaranteansàcetteheurede lanuit?Jesavaisàquoiellepensait,avantmêmequ’ellesecouelatêteets’éloigneàlahâte.Danscesmoments-là,jeréfrénaimonenviede glisser une main dans la poche de Keaty, de lui lécher la joue ou decommettreuneidiotiedumêmegenre.Çan’avaitjamaisétéetneseraitjamaislegenre de relation que j’aurais avec lui, alors çam’ennuyait que les gens nousimaginentainsi.
— Six ans pour un vampire, c’est vraiment court, Secret. Surtout pour unvieuxcommePeyton.Ildéverrouillalaporteetilmelaissaentrer.Jefilaidroitdanslasalledebains
duhaut,Keatysurlestalons.—Quantau«pourquoimaintenant»?continua-t-ilpendantquej’ouvraisles
robinetspourremplir lavieillebaignoireàsabotafindenettoyer lesmorceauxdecerveaudevampiretoujourscollésdansmescheveux.Jepensequesonplanvaau-delàde ta simplemort. Jepenseque tun’esqu’unpionauserviced’unplanplusvaste.J’avaispenséàlamêmechose.—Tucroisqu’ilyaun rapportavec lenombredehors-la-loiquidéfient le
Conseil?— Sans doute, et ça va sûrement encore plus loin. Je pense que Peyton
pourraitêtreresponsabledelaplupartdesmauxdetêteduTribunal.C’estpeut-êtremêmeundesmaîtresqu’onespèretrouver.— Qu’Alexandre Peyton puisse être aussi haut placé dans la chaîne
alimentairedesvampiresmefaitfroiddansledos.Iladupouvoir,maisàtroiscentsansetdespoussières, jedoutesincèrementque lesresponsablesenplaceconsidèrentqu’ilestessentiel.—Peut-êtrequ’illedeviendraits’iléliminaitunecertainetueusedevampires.Ilmedésignadumenton.—Unecertainetueusedevampiresàmoitiévampire.Jesoupirai.—Unecertainetueusedevampiresàmoitiéloup-garouetàmoitiévampire,tu
veuxdire?Lamâchoire de Keaty se crispa. Il gagnait sa vie en tuant toutes sortes de
monstres, il avait toujours eu du mal à accepter la moitié vampire de monhéritage,mais il avait encore plus demal à accepter lamoitié loup-garou.Onétaitdeux.—Ilnelesaitpas.Personnenelesait.—Ilssaventquejenesuispashumaine,Keaty.Ilspeuventlesentir.Lesloups
lepeuventaussi.Ilssaventtousqu’untruccloche.Ilsn’arriventpasàassemblerlespiècesdupuzzle.Ilsuffiraitqu’unloupdiseàunvampirequejesenslechienmouillé et qu’un vampire dise à un loup que je sens le mort-vivant, et ilscomprendraient.C’estjusteunequestiondetemps.—Donc,j’imaginequec’estunebonnechosequelesvampiresetlesloups-
garousneseretrouventpaspourunbrunchhebdomadaire.Je plongeai la tête dans la baignoire.Mes boucles blondes se défirent sous
l’effet de l’eau chaude, des filets de sang coulèrent et tourbillonnèrent dans lesiphon.Lesbattementsdemoncœur s’accélérèrent, je repensai àPeytonet auConseildesvampires.JedevaisappelerHolden.Holden était mon vampire agent de liaison avec le Conseil. Comme un
travailleur social, en gros. À chaque fois qu’un vampire nouveau-né ou plusrarement,unnon-vampire rejoignait leurs rangs,on luiattribuaituncontactausein du Conseil. C’était, en général, un vampire de niveau moins élevé, laplupartétantâgéedemoinsdedeuxcentsans.TousétaientdesGardiens,untitreassignéauxvampiresdeconfiance,maisilsn’avaientaucunpouvoirréeldanslahiérarchie.Un Gardien devait faire ses preuves avant d’être promu Sentinelle,
Gouverneur,puisAncien,etfinalement,si l’opportunitéseprésentait,SeigneurduTribunal.Puisqu’iln’yavaitquetroisSeigneursduTribunalàlafois,àmoinsd’enprovoquerunenduel, la seulemanièredegravir leséchelonsétaitd’êtrepatient.Les Anciens n’avaient pas prévu que je représenterais un tel défi lorsqu’ils
m’avaient affectée à Holden, et l’empêcher d’évoluer au sein du conseilm’inquiétait. Il avait dépassé son bicentenaire pendant les six années de notrerelation,etpourtantilstagnaitàsonpostedeGardien.Holden,toutcommelesmembresduConseil,savaitquejen’étaisqu’àmoitié
vampire–ilétaitimpossibledeleleurdissimuler–maisilétaitleseulàêtreaucourant de la nature de l’autremoitié. Il gardait le secret,même vis-à-vis desSeigneursduTribunal.Holden,commeKeaty,meconnaissaitdepuisquej’avais
seizeans,etilsmeprotégeaientsansquejeleleurdemande,commedesfrèresparfoistropattentionnés.—JepensequeleTribunalserapeut-êtreunpeuplusclémentavecmoiquela
dernièrefois.—Tuveuxdirelafoisoùtuastuétroishors-la-loisurunquaidemétro,sans
validation,aumilieudelasoirée,pendantquecentpersonnesregardaient?Un gloussement rendit sa voix plus légère. Oui, éliminer un vampire sans
témoins serait unpeuplus facile à avaler pour euxque les gros titres duPostfaisant allusion à une folle armée d’une épée et à des cadavres qui setransformentenpoussièreàlamorgue.—LePost,c’estunegrosseblaguedetoutefaçon.LeTimesn’enamêmepas
parlé.—Et tu as courageusement tentéd’expliquer ladifférenceauTribunal… ils
ontadoré,sijem’ensouviensbien.Je tiraimescheveuxmouillésenarrièreetmefisunequeuedecheval.Mes
boucleslâchesreprenaientforme,lerougeavaitdésertémescheveuxdorés.—Jepensejustequ’ilssefocaliserontdavantagesurlesimplicationsduretour
dePeytonquesurlamortd’unhors-la-loi.Keatys’assitsurleborddelabaignoireetmetenditl’autreservietteafinque
j’essuielesmorceauxrécalcitrantsdecervellequicollaientàmonoreille.—Tunelescomprendstoujourspas,n’est-cepas?Ils’agitdetonpeuple,une
partiedetonhéritage.—Arrête, le prévins-je en lui lançant un regard dénué de lamoindre trace
d’humour.—Ettoi,arrêtedelenier.Tunepeuxpasfairecommesicen’étaitpasvrai.
Leursloiss’appliquentàtoiparcequetuleslaissesfaire.Tuasdemandéàêtreautorisée dans leurs cercles. Je tuais des vampires pour le Conseil depuis dixbonnesannéessansjamaislesavoirrencontrésenpersonne.Toi,auboutdetroismoisenville,tulessuppliaisdéjàd’avoiruneaudience.Cequetun’arrivespasàcomprendre,c’estqu’unemortesttoujoursunepertepoureux.Lorsqu’ilsnoussignentlesmandats,ilsnousautorisentàtuerleursenfants.Leursfrèresetleurs
sœurs.Leursparents.Lesvampiresnesontpasaussicruelsquetuveuxlecroire,et ilsneprendront jamaisunemortà la légère,mêmes’ilsestimentqu’elleestnécessaire.Jetinslaservietteetjem’observaidanslemiroir.J’étaispâle,exténuée,mais
çaauraitpuêtrepirevulanuitquejevenaisdepasser.J’écoutaiscequ’ilétaitentraindemedire,etilavaitraison.AuxyeuxduConseil,j’étaisàlafoisunebénédictionetuneabomination.Ilsnetuaientpasleurspairs,maissavaientqueKeaty le ferait parce qu’il était humain et qu’il manquait de morale lorsqu’ils’agissaitdesedébarrasserdemonstres.Etpuis,j’étaisarrivée,unedemi-vampire,partageantunliendesangaveceux,
et j’avais réclamé qu’ilme laisse tuermes propres pairs. Et jeme demandaispourquoi ils avaient autant de mal à m’accepter. Je n’arrivais même pas àm’acceptermoi-même.—JevaisappelerHolden,dis-je.Jen’avaisaucuneenviedelefaire.—Jesuissûrequ’ilseraravi.
Chapitre5Holden,commelaplupartdesvampires,nerépondaitpasàsontéléphone.Il
laissaittoujourslerépondeurs’enclencher,partantduprincipequ’unepersonnequi avait une vraie raison de le contacter allait laisser unmessage et attendrequ’illarappelle.Lesvampiresfontpreuved’unetellepatiencequ’ilsarriventàdécourager n’importe quelle personne de leur entourage, une des raisons pourlesquellesilspassentlamajoritédeleurtempsavecleurspairs.Jerésumailesévénementsdelasoiréedumieuxquejepusmalgréleslimites
delaboîtevocale.—Hey,Holden,c’estSecret. J’ai tuéunhors-la-loinonvalidédans leparc,
cettenuit.Ill’avaitcherché.EnvoiemesmeilleurssentimentsauTribunal.Jemetrouvaisdansuncaféouvert toute lanuitprèsdechezKeaty.Pendant
quejelaissaislemessage,j’attendaismonlatteallégésansmousse.Derrièrelecomptoir, le barista, qui avait l’air d’avoir quatorze ans, me lança un regardinquiet.Jeluiadressaiunsourireinnocent,etjeluidis:—Monmaîtrededonjon.Uneétincelledecompréhensions’allumasursonvisageboutonneux.—Jevoulaisjustequ’ilconnaissel’issuedelacampagnequ’ilaratée.Jeluifisunclind’œiletluiprislaboissondesmains.Ilmarmonnaqu’ilfallait
toujoursqueçatombesurlui.C’était la fin du printemps et l’air était encore frais. La neige avait à peine
fondu, mais le propriétaire du café avait cru bon malgré tout d’installer laterrassesurletrottoir.Jeramenailespansdemavesteautourdemoi,mêmesile
froid neme dérangeait pas. Jem’assis sur une des chaises en fer forgé.MonportableétaitensécuritédansmapocheaucasoùHoldenmerappellerait,maisjenem’attendaispasàavoirdesesnouvelles toutdesuite. Jen’étaispasnonpluspresséederetourneraubureau,où inévitablement, j’auraisàreparleravecKeaty du pétrin dans lequel jeme trouvais. Je lui avais dit que je passaismechercheruncaféetquej’allaismecoucher.L’aube se lèverait dans seulement uneoudeuxheures, et je ne pouvais rien
fairepourchangercequej’avaisfaitcesoir.J’enassumerais lesconséquencesentempsvoulu.J’essayai d’apprécier la chaleur et l’amertume sucréedu latte qui contrastait
avec la fraîcheurde lanuit. Jecomptaisàmon tableaudechasseaumoinsunreprésentantdechacunedescréaturesde lanuit, et il en fallaitbeaucouppourm’effrayer.MaismarencontreavecHenryDaviesm’avaitvraimentsecouée.L’imperturbable, calme et équilibrée Secret McQueen était tombée à la
renversesursonaugustederrièreàcaused’unecicatrice.Peut-êtrequejem’étaistrompée.Ilétaitpossiblequ’unepartiedelamorsureaitguériplusviteoupeut-êtrequejem’attendaistellementàvoirlatracedecettedentmanquantequejel’avaisimaginée.Je priai pour m’être trompé. Depuis six ans que j’exerçais ce métier,
AlexandrePeytonétaitceluiquiavaitété leplusprèsdemetuer,et ilm’avaitpromisdenemepasraterlorsdenotreprochainerencontre.Sij’avaisraisonausujetdesamarque,ilfaudraitquejesoisdavantagesurmesgardes,enattendantquelasituationexploseouqu’àl’inverse,ellesecalme.Pendantquejesirotaismoncafé,jefusenvahieparunechaleurinattenduequi
n’avaitrienàvoiravecmaboisson.C’étaitcommesilabrisehumided’unsoird’étébalayaitla81eRue,rampaitsurmoncorpsetfourmillaitdanslesporesdema peau. Ma bouche s’était remplie d’une saveur musquée et dense. Lasensationmesubmergea.Jemesentaisbienetcelam’effraya.Jemeléchai leslèvres,ellesavaientungoûtdecannelle.Monlatteétaitàlavanille.Une vague d’électricité, semblable à des piqûres d’épingle, se répercuta le
longdemacolonnevertébrale,etc’estàcemoment-làquejesentisunhommeapprocher.Ilarrivadansmondosetneparutpasêtreconscientdemaprésencejusqu’à ce qu’il se tourne vers la porte du café. Il fit une pause avant des’avancer.Sescheveuxras,couleurcendreétaientdécoiffésparleventfraisdela nuit, et il darda ses yeux éclatants d’un bleu azur surmoi. Il y avait deuxhommesaveclui,undechaquecôté:unbrundelamêmetaillequelui,d’unpeuplus d’un mètre quatre-vingt, et un autre, blond, de ma taille. Celui qui meregardaitsemblaitaussiperplexequemoi,maisilrepritsesespritsaprèsuncourtinstantdesilenceetfitunpasdansmadirection.—Bonjour ? dit-il commequelqu’un qui croyaitme connaître,mais qui ne
savaitpasquij’étaisnioùilm’avaitdéjàvue.Si j’avaisétéenforme, j’auraiseuunerépartiecinglanteou j’aurais levé les
yeux au ciel et je lui aurais dit deme foutre la paix. Je l’aurais ignoré parcequ’enrèglegénérale,j’essaied’éviterleshommesquitententdeflirteravecmoi.Jenedonnaispasdanslesrendez-vous,mêmesij’avaisdéjàessayéuneoudeuxfoisparlepassé.Jen’avaisniletempsnilapatiencepourça,sansparlerdufaitque je ne pourrais jamais expliquer certains aspects dema vie à un petit amihumain.Mais j’étais incapable de détourner les yeux, et rien de tout ça ne semblait
normal.Nonseulement,jenepouvaispasarrêterdeleregarder,maisquelquechoseen
moi me poussait dans sa direction, m’attirait, comme si la laisse au bout delaquellej’étaisattachéeseraccourcissait.Unepartdemoidésiraitplusquetoutallerverslui.Ilétaitbeau,jenepouvaislenier,maisc’étaituninconnuetmesréactionsétaientpourlemoinsétranges.C’étaitplusquedumagnétisme:c’étaitpratiquement la loi de l’attraction. Cette attirance palpitait dans mon ventrecommesiunmillierdepapillonsdenuit s’étaient rassembléspouratteindre lalumièred’uneseuleampoulenue.Moncorpsexigeaitquej’ailleversluietjemerendis compte que j’étais debout.Ma chaise se trouvait plusieurs centimètresderrièremoi,jetenaismaboissondansmesmainstremblantes.Quandest-cequejem’étaislevée?
Sesamisnousobversaientaussi,commes’ilssavaientcequiétaitentraindese passer. Ils paraissaient à la fois intéressés et indifférents à ma réaction. Jepariaiqu’aucund’entreeuxn’avaitd’effortparticulieràfournirpourattirer lesfilles.L’hommedumilieusourit,unéclairdecaninesblanchesbrillaet jeprisconsciencedecequejesentaissouslacannelleetl’électricité.Celam’arrêtanet.—Loup,dis-je.C’était presque un sifflement, le son que faisait un animal lorsqu’il était
menacé.Mastupidemoitiéloupétaitattiréeparlui,etjen’allaispasmelaisserfaire.Je
n’avaisaucuneintentiondelaisserunanimalm’appâteravecsondésirdeloup-garou. J’avais entenduparlerdeces loups-garousquiutilisaient leurspouvoirspour troubler les loups plus jeunes oumoins forts. Je devais gérermamoitiélycanthropedepuismanaissance,doncdepuisbienpluslongtempsquelaplupartdesadultesatteintsdumêmemal.Lefaitquejenem’étaispasencorechangéeen loup-garou alors que j’étais déjà adulte ne voulait pas dire que j’allaismefaireavoirparunspécimend’àpeinevingtans,transformélasemainedernière.J’avais tendance à étouffer ma moitié loup-garou bien plus que ma moitié
vampire.Lesvampires,malgrétousleursdéfauts,étaientencoreprincipalementhumains dans leur comportement. Je pouvais l’accepter et m’identifier à eux.Leursociétéavaitdesloisetunestructure.Leurorganisationhiérarchiqueétaittrèspolitique.Lesloups-garousmedonnaientlasensationdenepasêtreàmaplace.C’était
des animaux. Des êtres primitifs. Ils étaient prêts à abandonner leur partd’humanité pour embrasser un état qui faisait d’eux des créatures sauvages etirréfléchies.Jen’avaisjamaisessayédemerenseignersurleurmonde,carjenevoulais pas faire partie d’une société qui octroyait autant de liberté sansencadrement.Jenepouvaispasmepayerleluxedemelaisserallerainsi.Sijelefaisais,jerisquaisdelibérerbienplusquemonloup.Jemedétournaide lui, et sonvisage sebrouillade confusionànouveau. Je
n’allaispasprendrepartàleurpetitjeu.Enmedirigeantversl’arrièredupatio,je décidai de m’enfuir. J’étais presque arrivée au coin du pâté d’immeuble
lorsquejerisquaiunregardenarrière.Ilsn’étaientpluslà.Jem’immobilisai,serranttoujoursmonlattedansmamain.Ils’étaitpeut-être
rendu compte que je n’étais pas intéressée et avait laissé tomber. Je lâchai unsoupirdesoulagement.Untrucenmoinsdontj’auraisàm’inquiétercettenuit.J’étaisdéjàassezoccupéecommeça.Ladernièrechosedontj’avaisbesoinétaitdedevoirrepousserungarçoninsistantquimemontraituneaffectiondechiot.Enfaisantdemi-touraucoindelarue,jepercutailegrandbrunquiétaitavec
l’hommetoutàl’heure.Unhoquetdesurprises’échappademeslèvres.—Nomde…—J’aimeraisquevousveniezavecmoi,mademoiselle.—C’estça,oui!Je lâchai ma boisson et tentai d’atteindremon arme dansmon dos, mais il
m’agrippalebrasavantquejen’yparvienne.—Ceneserapasnécessaire.Nousvoulonsseulementavoiruneconversation
rapideavecvousàproposdecequis’estpassédanslecafé.Avant que je puisse trouver la bonne série d’insultes pour expliquer que je
n’avaisaucune intentiond’alleroùquece soit avec lui, il était en traindemetraînerpassigentimentqueçaversunevoiturequiattendait. Ilouvrit laportetoutenretirantl’armedemaceintureetmepoussasurlesiègearrière.Etmoiquipensaisquemanuitnepouvaitpasêtrepire.
Chapitre6—Non,maisvousvouscroyezoù?J’étaisassiseprèsdubeaumecducafé,àl’arrièred’uneélégantelimousineet,
toutàcoup,j’appréciaisbeaucoupmoinslesvitresteintéesqueplustôtdanslasoirée.—Jem’appelle…—Écoute, jeme fous de qui tu es,mec. Tu n’as pas le droit d’user de tes
charmesdeloupsurdesfillesquetuneconnaispasetdeleskidnapperquandellesterejettent!Jemefousdesavoircequit’apris,çanesefaitpas.Pendantunmoment,ilm’observaattentivement,ensilence.Puis,ignorantce
quejevenaisdeluidire,oupeut-êtreàcausedecequejeluiavaisdit,ilsourit.—Mescharmesdeloup?Lebrunetluigloussèrentavantd’échangerunregardamusé.—C’estcequetupenses?Tupensesquetuasétéattiréeparmoiparceque
j’aiutiliséma«magiedeloup»?Il prononça ces deux derniers mots sur un ton exagérément sarcastique, en
écartantgrandlespaumesdesesmainscommes’ilétaitentraindejeterunsort.—Netelancepasdesfleurs.Jen’étaispasattiréepartoi.J’avaiscroisélesbrasetjemeplaquaitellementcontrelaporteque,plustard,
j’auraislamarquedelapoignéeincrustéesurlahanche.L’espaceétaitrestreintet j’essayai de me tenir aussi loin que possible de ce type. L’obscurité de lavoiture dissimulait en partie son visage, je ne le voyais que par à-coupslorsqu’onpassaitsousunelumière.—Aucoindelaprochainerue,çaira.
Jem’étaisadresséeauchauffeurblond,l’autrehommequil’accompagnait.—Oh,j’aibienpeurquenon,répliquamonindésirablecompagnon.J’étaisentraindepasserdecontrariéeàréellementénervée.—Tuvasmelaissersortird’ici,tupeuxenêtresûr.—Jeprévoisdetelaisserpartir,sanstefairedemal;maistoietmoi,ondoit
d’abordparler.—Jen’ai rienàdireàunhommequiutilisesesgorillespourme jeterdans
unevoiture.D’oùjeviens,quandunmecveutapprendreàconnaîtreunefille,ill’invite d’abord à dîner. Le kidnapping, c’est dépassé depuis l’époque deshommesdescavernes.—Alors,peut-êtrequesijet’invitaisàdîner…—Tutefousdemoi,là?J’en restai bouche bée, incapable demasquer le choc quem’avait causé ce
revirement.—Non.Jesuistrèssérieux.—Arrêtezlavoiture!— Dominick, tu as entendu la dame. Pourrais-tu arrêter la voiture, s’il te
plaît?—Oui,M.Rain.Cetonformelsonnaitfaux,commes’iln’étaitpashabituelentreeux.Lavoiture finitpars’immobiliser,mais lorsque je tentaid’ouvrir laporte, je
constataiqu’elleétait–ôsurprise–fermée.M.Rainpoursuivitcesimulacredeconversationagréableendisant:—Tun’étaispasprochedelapersonnequit’amordue,c’estça?—Jen’aijamaisétémordue,rétorquai-je,dutacautac,furieuse.Nefaispas
semblantdesavoirquoiquecesoitsurmoi,lechiot.Tunesaispasquijesuis.—Pourtant,tuesunloup.Jepeuxlesentir.Jetentaiànouveaud’ouvrirlaporte.Pourl’instant,ilnefaisaitqueparler;il
n’avaitpasessayédemetoucheroudes’asseoirplusprèsdemoi.Lecourant,palpable, qui circulait toujours entre nous, remplissait l’arrière de la voiturecomme la brume invisible de l’aube naissante, et j’eus encore plus de mal à
supportercettesituation.Lespoilsdemesbrasetdemoncous’étaientdressésàcausedesaproximité.—Qu’est-cequetuveuxdemoi?—Jeveuxjusteteposerquelquesquestions.Jepeuxpeut-êtremêmerépondre
auxtiennes.Tusemblesvouloirignorercequesignifieêtreunloup,sinontuneserais pas en train de combattre le tien à ce point. Je crois que je pourraischangerlamauvaiseopinionquetuasdetonproprepeuple.Des questions ? Bien sûr que j’avais des questions, je n’avais jamais su ce
qu’être un loup voulait dire.Mais est-ce que je pouvais faire confiance à uninconnu ? Un inconnu qui m’avait kidnappée, en plus. Avais-je vraiment lechoix?—Jerépondraiàtaquestion,àunecondition,offris-je.—Laquelle?—Vousmerendezmonarme.Du siège avantme parvinrent deux réactions différentes. Dominick, le petit
blondderrière levolant, laissaéchapperunrirebrusque.Jecommençaisàêtrefranchement agacée qu’on se moque de moi ce soir. Le brun qui était enpossessiondemonarmegrognademanièrepresqueinaudible:iln’avaitaucunsensdel’humour.—Tuprometsdet’asseoiretdediscuteravecmoisijeterendstonarme?me
demandalebeauetmystérieuxM.Rain.Etpourquoiavais-jel’impressionquecenommedisaitquelquechose?J’étais
tropdistraitepourmecreuserlatêteettrouveroùjel’avaisdéjàentendu.Cetypeétaitfort.Jen’avaispasenvied’accepter,maisquelquechosedanssa
façondemeparlerm’empêchaderefuser.—Promets-le-moi,répéta-t-il.—Oui,promis.Maintenant,donnez-moimonarme.Jetendislamainentrelessiègesavantetj’attendis.—Desmond,s’ilteplaît,faiscequedemandelademoiselle.Jedévisageaileloupbrun,leregardplongédanssesyeuxd’unbleuétrange,et
j’yvisunemenaceimplicite.Ilmedisaitque,sijefranchissaislalimite,ilneme
lâcheraitpas.Aufonddemoi,unealarmeinternesedéclencha,commelefaitunchienquisemetàaboyeràl’approched’undanger.Qu’est-cequisepassaitaveccestypes?J’étaisaveceuxdepuismoinsdequinzeminuteset ilsavaientdéjàréussi à faire réagir ma partie loup plus que quiconque en vingt-deux ansd’existence. Jem’étais tellement efforcée demuselermon chien intérieur quej’avaiscomplètementoubliéqu’ilexistait.Maisilétaitréveilléàprésent,etlesévénementsquiétaiententraindeseproduirelefaisaitàlafoisremuerlaqueueetgrogner.Queltraître,cetanimal!LeloupappeléDesmondmerenditmonpistoletet,dèsqueje l’eusdansles
mains, jedus résisterà l’enviede lepointer surquelqu’un.Celanem’aideraitpasdetoutefaçon.Lesballesqu’ilcontenaitn’étaientpasenargent.Commelesloups-garous, les vampires étaient sensibles aux blessures provoquées par del’argent,maislemétaln’avaitaucuneimportancequandils’agissaitd’exploserla tête de quelqu’un avec une arme à feu. Mon travail ne consistait presquejamaisàchasserdesloups-garous:utiliserdesballesenargentpourmonboulotdetouslesjoursétaitunedépenseinutile.C’étaitcegenred’expériencesquimefaisait penser qu’utiliser systématiquement des balles en argent ne serait peut-êtrepasduluxe.JenebraquaipasmonarmesurM.Rainousuraucunde seshommes.Une
promesseestunepromesseaprèstout,doncelleretournadanslaceinturedemonpantalon. La raison pour laquelle je n’avais pas pensé à porter mon étuiaujourd’huim’échappait.J’avaisaspiréàunenuitcalme,maiscen’étaitpasuneexcusepourêtreaussipeupréparée.S’ilexistaitunedevisedeboyscoutpourlestueursàgages,ceserait«Toujoursarmé».Dominick avait quitté la voiture pour m’ouvrir la porte de l’extérieur.
Desmond et moi sortîmes en même temps, et j’étais sûre qu’il me suivraitcommemonombrepourlerestedelasoirée.Àsonattitude,jecomprisquelasituationluidéplaisaitencoreplusqu’àmoi.Ilfaisaitdegroseffortspourresterprèsdemoisansjamaismetoucher.M.Rainseglissahorsdelalimousineetenfitletourpours’arrêteràcôtéde
moi. Il n’avait pas lesmêmes scrupules à toucher les gens que Desmond. Samains’appuyacontrelebasdemondos,sesdoigtsadroitsévitèrentmonarmeetmepoussèrentdoucementenavant.Lecontactdesesdoigtsàtraverslecuirdemavesteetlecotonlégerdemont-shirtenvoyaunfrissond’excitationdansmacolonnevertébralequiparvintjusqu’àmonentrejambe.L’intensitéinattenduedelapulsionprovoquéeparcesimpleeffleurementme
terrifia.Çanepouvaitpasêtrenormal.Jenecontrôlaispasmonpropredésir,orjedétestaisperdrelecontrôle.J’étais prise en sandwich entre Desmond et M. Rain, Dominik fermait la
marche : pas facile de s’échapper. Nous marchâmes vers l’immeuble devantlequelDominicks’étaitgaré,et je reconnus immédiatement lesparoisdeverrenoires et brillantes, ainsi que les fontainesmurales qui ruisselaient de chaquecôté des portes de verre hautes de quatremètres.Un article sur cet immeubleavaitétépubliédansADMagazine1etunépisodedeLifestylesoftheFabulouslyWealthy2 lui avait été consacré. J’étais déjà passée devant en route vers unemissionousurlecheminduretour.Rain. Rain était le nom de cet hôtel six étoiles monstrueux, dans lequel la
chambrelamoinschèreétaitàhuitcentsdollars.Jecommençaisàréaliser,maisje n’arrivais pas encore à assembler toutes les pièces. J’en savais assez pourcomprendre qu’une fois le puzzle reconstitué, je risquais de ne pas aimer letableaufinal.Unportier,deboutàl’entrée,n’eutpasl’airsurprisdevoirunefemmemenue
flanquéed’unemeuted’hommes.Unemeute?Unmauvaischoixdemot,maisunchoixdemotapproprié.—Bonsoir,M.Rain.Aurez-vousencorebesoindelavoiture,cesoir?—Celaresteàvoir,Carl.S’ilvousplaît,tenez-laprête,demandaRain.Leportieracquiesçaetungouffres’ouvritenmoi.— Dites à Melvin de s’assurer qu’aucun appel ne soit transféré à
l’appartementjusqu’ànouvelordre.On traversa l’immense hall en quelques grandes foulées rapides. Ça ne me
laissa pas beaucoup de temps pourm’émerveiller devant les éléments noirs et
argentésdusol,maisjeremarquaiquelesmursintérieurs,toutcommelesmursextérieurs, étaient faits de fontaines en marbre noir. Les portes brillantes del’ascenseurs’ouvrirentetilsmeguidèrentdanscetteboîteentouréedemiroirs.Les ascenseurs représentaient une énigme pourmoi. Lesmorts-vivants sont
programméspouraccepter l’enfermementcommeuneconditionde leursurvie,mamoitiévampirenes’enémutdoncpas.Mêmesijen’avaisjamaisétédansuncercueil,lesvampiresétaientprédisposésàaimerlesendroitssombresetétroits.Par contre,mamoitié loup-garou, trop souvent ignorée, rêvait de s’acharner àcoupsdegriffessurlesportesjusqu’àcequ’onl’autoriseàsortir.J’eus l’impressionque lamontéeduraituneéternité.LamaindeM.Rainse
glissa sousmavestecourteet sousmon t-shirtpoureffleurermapeaunue. Jevouluslegiflerpoursonaudacejusqu’àcequejeréalisequel’excitationquemeprocurait son contact direct avait fait disparaître la tension qui m’habitait. Samainlégèrementposéesurmoi,avaitcalmémabête.Monloupn’étaitplusenproieàlapanique.MonDieu,j’enavaisdesquestionsàposeràcetype.J’avaisdéjàrencontrédesloups-garousparlepasséetj’enavaistuédeuxpar
obligation, mais aucun d’eux n’avait déclenché cette vague irréelle detranquillitéenmoi.—Quies-tu,aufait?Lesmotss’échappèrentdemabouchedansunchuchotementessoufflé, toute
marages’étaitvolatilisée.Lesdeuxautresloupséchangèrentunregard.—JesuisLucasRain,dit-il,commesic’étaitunnombanaletqu’ilétaitjuste
untypequiseprésentaitàunefillepourlapremièrefois.Marespirationsebloquadansmagorgeetjechancelai,choquéed’apprendre
savéritable identité.Commentavais-jepuêtreaussi stupideetpasseràcôté?M.Rain?LeshôtelsRain?MonDieu, jemesentisdéfaillir.C’était leLucasRain,unmagnatdel’immobiliermilliardaireetextrêmementdiscret.Selonlarumeur,ils’étaitoffertl’équipedesBostonRedSox3poursonvingtet
unième anniversaire. Il n’apparaissait jamais en public. Les magazines àscandale nemontraient que des photos floues de lui portant une casquette de
baseballouunmanteauàcapuche.Les mannequins affirmaient toutes qu’elles avaient couché avec lui, mais
aucunede leurshistoiresneconcordaitassezpourdétermineroùse trouvaitsarésidencepermanente.Ellesétaienttoutesd’accordsurunpoint,c’étaitunamantfougueuxettalentueuxquinedemandaitjamaisdesecondrendez-vous.Tout ce qui concernait la famille Rain était auréolé demystère. Le père de
Lucas, Jeremiah, et son père avant lui avaient été aussi secrets et discrets queLucas l’étaitmaintenant.La seuledescendanteRainqui savourait les feuxdesprojecteurs était la sœur de Lucas, Kellen, dont les scandales et la débaucheextravagantefaisaientdel’ombreauxsœursHilton.Lucasétaitunfantôme,onne savait rien de lui avec certitude.Mais j’étais là, debout à ses côtés, et saproximité m’indiquait qu’il était plus réel que tous les fantômes que j’avaisrencontrés.Je comprenais pourquoi il chérissait son secret aussi jalousement que je
chérissais lemien.De toute savie, il y avaitunechosequeLucasn’avaitpasdévoiléeauxyeuxindiscretsdel’humanité,etcesecret,jeleconnaissais.Pourunloup-garounatifdel’étatdeNewYorketspécifiquementdelavillede
NewYork, le nom de Lucas Rain était révéré pour une raison complètementdifférente,uneraisonquin’apparaîtraitjamaisdanslescolonnesdestabloïds.JemetrouvaisdansunascenseuravecLucasRain,leroidesloupsdel’Est.
1ADMagazineestunerevuededécoration,design,architecture,etc.2C’estuneémissiondetélévisionaméricaine3Équipedebaseballaméricaine.
Chapitre7Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent avec un son sourd et je trébuchai en
sortant à la hâte pourm’éloigner de Lucas et Desmond.Dominick resta dansl’ascenseur,attendantdevoircequiallaitsuivre.Jen’avaispasencoreeupeurpourmasécurité,maisd’unseulcoup, jemeréalisaiquesiquelqu’unpouvaitmefairedisparaîtresansqu’onluiposedequestions,c’étaitbienLucasRain.Ilavaitlarichesseetlepouvoirnécessaires.Jememisàavoirdessueursfroides.Ilsleremarquèrent.— Pourquoi as-tu peur ? Ce n’est pas la réaction que j’ai l’habitude de
susciter.Saufsi,biensûr,cettepersonnem’afaitdutort.Onneseconnaîtmêmepas,donctun’asaucuneraisondemecraindre.Lucasavaitl’airsincèrementperplexe.Les portes s’étaient ouvertes sur un étage privé, et j’étais seule avec ces
hommes.Leseulréconfortquemonarmemeprocurait,c’étaitdesavoirquejepouvais tuer un loup-garou d’une balle dans la tête. Mais le souvenir de lamenace dans les yeux deDesmond, et la facilité avec laquelle ilm’avait prismon arme la première fois, rendaient incertainesmes chances contre ces troiscréaturesauxcapacitéspresqueégalesauxmiennes.Pendantmes bons jours, j’étais plus forte que le loup-garoumoyen,mais je
n’étais pas plus forte que trois loups-garous mâles dans la force de l’âge. Jefouillaidanslesprofondeursdemonespritetj’essayaid’arrachermonvampireintérieurausommeil,envain.Dehors,lesteintesgrispâledel’aubepeignaientlecielpourm’avertir:mamoitiévampire,àtoutesfinspratiques,n’étaitplusde
ce monde. Merde. Il ne me restait plus que mes instincts de loup-garou etl’entraînementdeKeaty.Lucasfitunpasenavantetmeregardacommeunhumainobserveunanimal
encagequireprésenteunemenacepourlui-même.— Te sentirais-tu plus en sécurité si, avant que l’on continue, tu pouvais
appelerquelqu’unpourluiindiqueroùtutetrouves?Cetypeétaitnépourfairedelapolitiqueetrésoudredesproblèmes.Cen’était
pasétonnantqu’àseulementvingt-sixans, il soit lePDGd’unedescinqcentsentreprisesaméricaines lesplusprospèreset,plus impressionnantencore,qu’ilsoit l’uniquemonarque d’un royaume secret composé demilliers d’individus.Sonoffreétaitd’unesimplicitéeffarante.C’étaitexactementcequ’ilconvenaitdedire.Jen’étaispashabituéeauxcivilitésdansmonmétier.—Humm,oui,enfait.Je penchai la tête sur le côté, faisant de mon mieux pour essayer de
comprendrecequ’ilmevoulait.Leluidemandercashmesemblaittrop…facile.—J’aibienpeurquetonportablenefonctionnepasàcetétage.Toutpassepar
les lignes fixes. Desmond va t’emmener dans le bureau. Nous avons untéléphonelà-bas.Prendstoutletempsetl’intimitédonttuasbesoin.Tupourrasmerejoindreàl’étage,après.—Àl’étage?Jejetaiuncoupd’œilautourdemoi,pourmieuxobservercequim’entourait.
J’avaisdumalàprendrelapleinemesuredelatailledesesquartiers.—Oui. L’immeuble m’appartient, j’occupe les trois étages supérieurs. Une
oasisau-dessusdelaville.Quandonauneaussigrandedemeure,ilestplusaiséderesterchezsoi,j’imagine.—Etl’absencedeportablet’aidevraimentàpréservertonoasis?—Jen’aimepasça,c’est tout.J’enaiun,mais je trouvequec’estplusune
distractionqu’autrechose.Pourdesraisonsévidentes,montempspersonnelestlimité,alorsj’aiprisdesmesurespourêtresûrdepouvoirenprofiterenpaix.—Jevois.
Jen’étaispassûredevoir.—Avantdetelaisser,dis-moi,etj’espèrequeçan’aurapasl’airtropgrossier
deposerlaquestionaussitarddanslasoirée,commentt’appelles-tu?Je faillis éclater de rire.Au point où on en était, j’avais l’impression d’être
avec lui depuis des jours, et çame changeait de tomber sur quelqu’un qui nedevinaitpasquij’étaisdèslespremièresminutesdenotrerencontre.—Secret.Puis,pourqu’ilsachequejen’évitaispasdeluidiremonnomentierparpure
coquetterie,j’ajoutai:—SecretMcQueen.—McQueen,répéta-t-il,enlançantunregardàDesmond.—Ehbien,intéressant,n’est-cepas?—Çaparaîtlogique.Desmondhaussalesépaules.Maisjevisqu’ilavaitpâli.Depuisquej’étaisenville,jen’avaisjamaisvuautantdeloups-garousréunis
enunseullieuetjen’avaisétéofficiellementprésentéequ’àunseuld’entreeux.C’étaitdrôle,laréactiondeDesmondétaitlamêmequecelledel’autreloupquej’avais rencontré – désinvolte, mais gênée. Ça ne présageait rien de bon. Ilsn’avaientpasl’airdevouloirm’expliquercequ’ilsvenaientdecomprendre.Aulieu de ça, Lucas me salua d’un signe de tête et Dominick le suivit dans lesprofondeurs de l’appartement. L’étage principal était un labyrinthe de portesclosesetdelongscouloirsnoirs.Jen’avaisencorepasvudefenêtresettoutelasurfacedel’appartementétaitéclairéepardemajestueuxchandeliersenpierre.Desmonds’engageadansunvestibule, s’attendantàceque je luiemboîte le
pas.—Donc…commençai-je, sans être sûre qu’il soit ouvert à la conversation,
Dominickettoi,vousêtesses…gardesducorps?Desmonds’arrêtadevantuneporteouverte,soncorpsgrandetminceoccupait
tout l’espace du chambranle. Il me jaugea, comme s’il se demandait ce qu’ilallaitfairedemoi.—Alors,cequeLucasaditestvrai.Tuneconnaisvraimentpaslestraditions
detonpeuple.Jemehérissai.—Lesloupsnesontpashumains.Sesyeuxmefixèrentd’unemanièredéstabilisante,avecceregarddontilavait
lesecret.—Les loupsensont justedesversionsaméliorées.Aumoins,contrairement
auxgoulesouauxvampires,noussommesencorevivants.Jesavaisquecen’étaitpasuneattaquedirigéecontremoi,car il ignoraitce
quej’étais,maisjemesentisquandmêmeoffensée.—Aumoins,lesvampiresneressententpaslebesoindechangerdepeauune
foisparmoispourallerchasserdeslapinsauclairdelune.Lecoindesalèvres’étira,commes’ilessayaitdesouriresansyparvenir.—Çavavraimentêtrecompliquédet’intégreràlameute.Puis,ilsoupira.—JenesuispaslegardeducorpsdeLucas.Dominick,lui,estsaprotection
personnelle.JesuisleseconddeLucas.Sonlieutenant.Inutile d’être à moitié loup-garou pour savoir que c’était une position de
grande importance. Je n’étais pas non plus assez stupide pour ignorer à quelpointmanaïvetél’avaitheurté.— Desmond, je suis désolée. T’insulter toi ou ta position n’était pas mon
intention.Ileutl’airdesedétendreunpeu.— Tu as ma parole que les futures insultes seront beaucoup plus
personnalisées et te seront exclusivement adressées, ajoutai-je avec un souriretellement grand qu’il ne pouvait pas prendre ma plaisanterie pour de laméchanceté.Pour des raisons que je ne pouvais expliquer, je ne voulais pas déplaire à
Desmond.Cettenuitdevenaitréellementétrange.Ils’éloignadel’embrasuredelaportepourmelaisserpénétrerdanslebureau.—J’espèreque tuauras l’opportunitédem’insulterànouveaudans le futur.
Quellequesoitlapositionquetuchoisiras.
Comme il sortaitde lapièce, jenepusm’empêcherdemedemanders’ilneflirtaitpasavecmoi.Jepassaideuxappelsavantdequitter lebureau.LepremierpourKeaty,qui
répondit après seulement deux sonneries. Je nem’attardai pas sur le commentj’avaisatterridanslachambred’hôteldeLucas,maisjel’informaiquej’étaisentraind’avoiruntête-à-tête1avecleroidesloups-garous.Ilcompritlagravitédelasituationet ilmeditquesi jene l’avaispasappeléd’icimidi, ildétrôneraitLucaspersonnellement.Demanièredéfinitive.Le second appel fut pourmon amieMercedes Castilla.DétectiveMercedes
Castilla,mecorrigeait-ellesouvent.Cedesétaitundesraresagentsdepolicequicroyaitauxcréaturessurnaturellesquirôdentlanuit.Elleétaitassezintelligentepour ne pas partager ses croyances progressistes avec ceux qui l’entouraient,maisçaluidonnaitl’avantagedepouvoirappelerunchatunchat.Oudanslecasprésent,descrocsdescrocs.Ça voulait aussi dire qu’elle comprenait qu’il existait des situations dans
lesquelleslajusticehumaineneprévalaitpasetdanscescas-là,ellem’appelaitpourfairelesaleboulot.Mercedes ne savait pas tout à fait qui j’étais.Lui expliquermonpatrimoine
génétique l’aurait perturbée et l’aurait terrifiée, donc j’avais pris monmal enpatiencejusqu’àcequejesachequelmonstreétaitlemoinsdiaboliquepourelle.Pendant lapremièreannéedenotreamitié, je luiavais juste laissécomprendreque j’étais une tueuse à gages qui n’était peut-être pas totalement humaine.J’avais eu besoin de son aide pour faire disparaître des preuves suite àl’assassinatd’unhors-la-loietellem’avaitappeléepourmedire«Cessuceursde sang l’ont bienmérité. Ils ne sont même pas vivants de toute façon. Tantmieuxpourtoi.»DéconfitequelatrèsprogressisteMercedessoitprêteàcatalogueruneespèce
entière,jeluiavaisconfesséàcontrecœurl’autrepartiedemalignéeàlaplace.Lamoitiéquejen’étaispasprêteàaccepter.Même si elle n’avait pas compris comment quelqu’un pouvait être àmoitié
loup-garou, etmalgrémon incapacité à lui fournir des explications, elle avait
accepté ma part lycanthrope, au même titre que sa part portoricaine. Celasignifiait aussi que je devais m’efforcer de sourire et de prendre sur moilorsqu’ellecritiquaitlesvampiresenlestraitantdemachinesàtuersansâme,cequ’elle adorait faire. Lorsque je lui avais avoué qu’Holden était mon contactmort-vivant,elleavaitétéparticulièrementmécontentedesaprésenceconstanteetnocturnedansmavie.Parcontre,apprendrequej’étaisdanslepenthousedeLucasRainl’excitaau
plushautpoint.—Oh,monDieu,est-cequ’ilestaussibeauqu’onledit?Aussiriche?Tuas
couchéaveclui?Tuvaslefaire?Àquoiilressemble?Tout ce babillage d’adolescente jaillissait de la bouche d’une détective
endurcie qui avait largement dépassé le cap redouté de son trentièmeanniversaire,même si elle répugnait à l’admettre.Cette année, elle allait fêterpour la quatrième fois son vingt-neuvième anniversaire : depuis que je laconnaissais,elleavaitdoncvingt-neufans.Etelledisaitquelesvampiresétaientnévrosés.—Cedes,respires’ilteplaît.Sij’étaislàpourmetaperLucas,jeneseraispas
autéléphoneavectoi.Desmond choisit de revenir à cemoment inopportun.Le sourire qui étira le
coindeseslèvress’évanouitaussivitequ’ilétaitapparulorsquej’ajoutai:—Jeveuxjustequetusachesquesijenet’appellepasavantmidi,c’estque
quelquechosedegravem’estarrivé.Disàlapolicedecherchericienpremier.—Grave?Qu’est-cequetuveuxdire?Secret,qu’est-cequisepasse?Pourquejesoisprêteàimpliquerlapolice,çadevaitêtresérieux.—As-tuappeléM.Keatspourluienparler?Jeluiassuraiquetoutallaitbienetquej’étaisjusteprudente,maisautrechose
luiavaitdéjàtraversél’esprit.—Avantqueturaccroches,est-ceque,parhasard,tuauraisdesinfossurune
fillequiaétéattaquéeàCentralParkce soir?Elleestdansunecelluleencemoment parce qu’on a peur qu’elle ait perdu la tête. Elle n’arrête pas de direqu’unefemmeblondeetmincel’asauvéed’unmonstre.ElleutiliselemotenV.
Jemeraidis.Jen’avaispaspeurquelapolicecroiel’histoiredecettefillesurunagresseurvampire.D’autrespersonnesavaientfaitlesmêmesaffirmations,etçan’avaitpaseudeconséquence.Maisellen’avaitpasétélaseuleàmentionnerqu’une justicière blonde lui avait sauvé la peau. Dans les commissariats depolicedeNewYork,unsurnompasdutoutagréableavaitcommencéàcirculer.—Lesgarçonsdisentquec’estBuffyàlarescousse,ànouveau,metaquina-t-
elleensachantqueçameferaitsortirdemesgonds.J’agrippai le téléphone tellement fort que le plastique solide se déforma.
Desmond avait sans doute ressenti mon agitation parce qu’il fit quelques pasdanslapièce,gardantunœilsurmoiaucasoùmonénervementsemanifesteraitdemanièreplusagressive.Jelevailamainpourluiindiquerquej’allaisbien.—Cedes,est-cequetupeuxfairecequejet’aidemandé,s’ilteplaît?—Est-cequeM.Keatsétaitinquiet?— Keaty ne s’inquiète que si moi je m’inquiète. Je ne suis pas inquiète,
j’essaiejusted’êtreintelligente.Ellesemitàglousser.—Tudevraisprofiterplusdelavie.Tuesdanslepenthoused’unmilliardaire
et tu passes des appels pour dire où tu es. Tu n’as pas besoin d’un chaperon.Fais-toidubien!Lâche-toi!Jesoupirai.—okay,okay.Maisappelle-moisicettesoiréesetransformeenunweek-end
àIbiza.Ceneseraitpassagedemapartdeluidirequ’ellenemeverrait jamaisàla
lumièredujour,encoremoinsentraindebronzersurlesableaveclesadorateursdesUV,et jenepouvaispas luidirequ’unvoyagevers lesplagesensoleilléesd’Ibizametuerait.Sileroidesloups-garousnes’enchargeaitpasd’abord.JeraccrochailetéléphoneetfisfaceàDesmond.—Jesuisprête.MonDieu,c’étaitleplusgrosmensongequej’avaisditdelanuit.
1Enfrançaisdansletexte
Chapitre8Je suivis Desmond dans l’escalier en colimaçon, laissant mon esprit
vagabonder pendant qu’on grimpait vers les étages supérieurs de la tanière deLucas.LejeansombreetbiencoupédeDesmondm’offraitunevueimprenable.Etçavalaitvraimentlecoupd’enprofiter!Ilsedéplaçaitaveccettegrâcepleined’assurancequicaractérisaittousleslycanthropes,moiycompris.Simapropreagilitéme semblait normale, je ne pouvaism’empêcher de l’admirer chez lesautres.Chacundesespasétait légeretfacile ;sespieds touchaientàpeinelesmarches.Lespectacledesonculavaitététellementfascinantqu’unefoisarrivéeenhaut,j’avaispresqueoubliécequim’attendait.Maisj’étaislà,devantunlongcouloirquimenaitàdeuxlargesportesouvertes
faitesd’unbois sombre.À l’instantoù je lesvis,ellesmemirentmalà l’aise,parce que, pour moi, les portes de ce genre étaient synonymes de mauvaisesnouvelles. À l’intérieur de la pièce, j’aperçus la lumière tremblante d’un feu.Moncœursecoinçadansmagorgeetlesquestionsdéferlèrentdansmonesprit.—Vas-y,ditDesmondavantdemelaisserseule.D’un pas lourd et hésitant, je parcourus couloir. En entrant, au comble de
l’appréhension, jeduscombattre l’envie irrépressiblede sortirmonarme.Direque c’était une « chambre demaître »serait un euphémisme…La pièce étaitgrandiose.Satailleéclipsaitcelledemonappartement,cequin’étaitpasdifficilepuisquejelouaisundeux-piècesensous-sol.Unepiscineolympiqueauraitputenir iciet ilyauraitencoreeudelaplace.
L’enverguredelasuiteétaitécrasante,etc’étaitjusteunepièceparmid’autres.—Bienvenue.
Lucassetenaitderrièreunlarge,beauetluxueuxbureauenacajou,etselevapourmerecevoir.Leslieuxétaientcomposésd’unezonepours’asseoirprèsdufeuavecdeux fauteuils, ainsiqued’un litqui avait l’airplus largequ’unkingsize,maisaulieudemeconduireparlà,ilm’indiqualachaiseencuirdevantsonbureau.Nousnousassîmestouslesdeux.Ilvoulaitquejesachequenousallionsuniquementparleraffaires;j’appréciai
legeste.Vu la réactionqu’ilavaitprovoquéedansmonentrejambeplus tôt, jepréférais éviter demener une conversation avec lui dans un endroit où il étaitpossiblede s’allonger. Jedevaismeméfierdemespulsions lesplusprimairesquandj’étaisàsescôtés.Ilétaitévidentquejerisquaisdenepasluirésister.Ilsuffisait de le regarder pour savoir qu’il pouvait facilement avoir toutes lesfemmesqu’ilvoulait.Ilavaitl’allureséductriced’unhommequiétaithabituéàobtenircequ’ilveut.Malgré toute sa richesse et ses responsabilités, Lucas Rain avait un sourire
facile et naturel. Ses yeux étaient de lamême couleur qu’un cielméridien enpleinmoisd’août–vif,bleuetpresqueeffrontément joyeux–dumoins,c’estainsique jeme l’imaginais.Si sonargent, son titreoun’importe lequeldesessoucisquotidiensl’accablaient,iln’enlaissaitrienparaître.Ilavaitdéfaitlamajoritédesboutonsdesachemiseàlablancheuréclatanteet
medévoilaitsontorsemuscléetsesabdominauxcommesic’étaitlamanièrelaplusnormaled’accueilliruninvité.Lesloups-garousétaientplusàl’aiseaveclanuditéqueleshumains.Çaavait
sûrementunrapportaveclefaitqu’ilssepromenaientnusengroupeaumoinsune fois par mois. La nudité était une sorte de plaisir que j’aimais pratiquer,seule, au lit. Pendant que je dormais. Seule. Est-ce que j’ai mentionné quej’aimais être seule ? Être nue neme dérangeait pas,mais je n’avais pas pourhabitudedemebaladeràpoillorsquej’avaisdelacompagnie.Dans ce genre de situation, les vampires, hormis les penchants naturistes de
certains, respectaient davantage l’étiquette sociale.Même s’ils se vantaient enprivé de leurs siècles de prouesses sexuelles, aucun d’entre eux ne rêvait derecevoiruninvitéenétantaussipeuhabillé.Bon,okay,c’étaitunmensonge.Je
connaissais au moins un vieux vampire très puissant qui se baladait souventmoinshabilléqueLucas.J’auraisaiméêtreplushabituéeàvoirdeshommesnus,parcequ’alorslabelle
peau large et lissede son torsen’aurait pas été aussi distrayante.Lavaguededésir grandissait déjà enmoi et jeme plongeai dans la contemplation demesmains.MonDieu,jerougissais.Pathétique.Sansaucuneraisonvalable,j’avaisànouveauungoûtdecannellesurleslèvres.Ilentradirectementdanslevifdusujet.—Jenepensepasquetusoisprêteàentendrecequej’aiàtedire.D’avance,
jem’excuses’ilyadespointsdifficilesàcomprendre.Tueslapremièredenotreespèce que je rencontre depuis longtemps qui ne connaît pas les traditions denotrepeuple.J’essaieraidet’aiderdumieuxquejelepeux.Jeledévisageai.Onauraitditlaphased’initiationàunesecte.S’ils’attendait
àcequej’acceptetoutdesuitederejoindresameute,jedevaisluienlevercetteidéedelatêteavantqu’oncommence.—Écoute,Lucas.M.Rain.VotreAltessepoilue,peuimportecommentjesuis
censéet’appeler.—Pourtoi,Lucasseraplusqu’acceptable.Pourmoi?Pourquoiétais-jeaussispéciale?Jeperdismomentanémentlefil
demespensées.— Lucas, alors. J’apprécie que tu aies pensé quemonmanque d’éducation
étaittelqu’ilfallaitmekidnapperdanslarue.Ilsourit.—Maisj’aimeraisquetusachesquej’aiseulementacceptédevenirparceque
tu nem’as pas laissé le choix, pas parce que je voulais rejoindre ta partie dechasse. Je n’ai pas vraiment l’esprit d’équipe. Et au cas où tu ne l’aurais pascompris,jenesuispasunegrandefande«cequejesuis».Il resta silencieux pendant un moment, ses doigts merveilleusement longs
croiséssursonventreferme.Monesprits’aventuraàimaginerlesendroitsdanslesquelscesdoigtspourraientalleretcequ’ilspourraientfaire.Monindignations’évapora.Jerougisdavantage.
—Avant de me voir dans la rue ce soir, tu m’as senti, est-ce exact ? medemanda-t-il.Aprèsunmomentd’hésitation,jeluirépondis.—Oui.—Tum’assenti,moi,enparticulier,pasDominickouDesmond.Lorsquetu
m’asvupourlapremièrefois,tuastoutdesuitecomprisquec’étaitmoiquetuavaissenti.Jeréfléchisavantderépondre,puisjedisànouveau:—Oui.—Quelgoûtai-je?—Ungoûtdecannelle.Maréponseavaitététroprapide.Jen’avaispasréfléchi,j’avaisjusteouvertla
bouche et les mots m’avaient échappé. Mes yeux s’écarquillèrent d’horreur.Avouerqu’il avait laisséungoût aussi agréabledansmabouche semblait tropintimepourquejelepartage.Il se pencha en avant contre le bureau, appuya son menton sur ses mains
croisées,etsourit.—Trèsbien.C’étaittrèsbien?—Est-cequetusaiscommentlesloups-garoussontcréés?Commentonest
gouvernés?Connais-tunotrehistoire?— Je sais quemamère était un loup-garou. Je ne sais rien d’autre. J’ai été
élevée parmagrand-mère1, la mère de mamère, et elle changeait de sujet àchaque fois que je posais des questions. Ma mère m’a abandonnée après manaissance, et j’imagine que grand-mère estimait que les loups étaientresponsables.Cen’étaitqu’unepartiedelavérité.J’avaisomiscertainspansdel’histoire,commelefaitquemamèreloup-garou
étaitenceintedeseptmoislorsquel’hommehumainqu’elleaimait–monpère–avaitétémorduettransforméparunvampire.Quiplusest,unvampirehors-la-loi.Aveuglé par ses pulsions sanguinaires de nouveau-né,mon père s’en était
pris à la proie la plus vulnérable qu’il connaissait. Il l’avait presquecomplètementvidéedesonsanglorsqu’unelueurd’humanités’étaitalluméeenlui.Etpourqu’ellesurvive,ill’avaitnourriedesonsang.Parcequ’elleétaitunloup-garou et avait déjà une infection hématogène, elle était protégée et nepouvaitpasêtretransforméeenvampire.Jen’avaispaseucettechance.Le sang qu’elle avait ingéré de mon père avait infecté mon corps en
développement. D’après ce que j’avais compris, comme je portais lalycanthropiedemamère,unemoitiédemoiétaitprédestinéeàvivreparmilesboules de poils. Mais ma part humaine avait été détruite et transformée enquelquechosedenouveau.Sijen’avaispasétéàmoitiéloup-garou,lesangdevampirem’auraitsûrementtuée.Aulieudeça,lamortm’avaitépargnée,maisàmanaissance,mamère s’était rendu compte qu’il y avait un truc qui clochaitchezmoi.Sansvraimentcomprendrecequim’étaitarrivé,ellem’avaitemmenée,bébé,
chezsamèreetm’avaitlaisséechezelleavecunelettrequiluiexpliquaittoutel’histoireetluidisaitquelameuten’autoriseraitjamaisqu’uneabominationtellequemoisoitélevéecommel’undesleurs.Grand-mère avait étudié la biologie et la génétique dans sa jeunesse et elle
avait reconnu l’impossible mélange d’infections surnaturelles qui étaient àl’originedemonexistencepeuprobable.Ilétaithorsdequestionquej’expliquetoutçaàLucas.—Est-cequetusaiscommentlesloups-garoussontcréés?insista-t-il.—Ontemord.Tudeviensunebouledepoils.Çam’al’airplutôtsimple.J’avais toujourspenséque leprocessusde transformationd’unepersonneen
loup-garoun’étaitvraimentpascivilisé,sionlecomparaitavecl’actepérilleuxet risqué d’engendrer un vampire. Cracher sa salive infectée dans la plaieouverte de quelqu’un et ensuite attendre la pleine lune n’égalait pas le côtémystique et le merveilleux self-control dont les vampires faisaient preuve entaisantleurfaimetensacrifiantleurforcevitalepourcréerunnouvelêtre.—Pasvraiment.
Jevoyaisbienquelasimplicitébrutedemaréponsel’agaçait.Ilpoursuivit,pluslentement,commes’ils’adressaitàunenfant.—Tuesaucourantquelalycanthropieagitcommeunvirus?Ilnepeutêtre
transmisqueviauneplaiequiexposelesangdureceveurausangouàlasalivedel’hôte.—Oui,oui.N’importequelidiotquiavaitvuunfilmdeloup-garouétaitaucourant.J’étais
blonde,pasattardée.—Maiscequelaplupartdesgensnesaventpas,dumoinsceuxquicroienten
notreexistence,c’estquetoutlemondenepeutpasattraperlalycanthropie.—Pardon?C’étaitnouveaupourmoi.— Au début, personne n’arrivait à comprendre ce phénomène. Pendant
longtemps, nous avons tous pensé que ceux qui avaient été mordus sans setransformern’étaienttoutsimplementpasdignesderecevoircecadeau.—Cecadeau?Tuvoislalycanthropieestuncadeau?—Oui,etj’espèrequ’avecletempsetunecompréhensionplusprofondedece
quec’est,tuleverrasaussi.Surtoutavecta…positionunique.Je tressaillis. Il savait ? Impossible. Mais que voulait-il dire par ma
« position unique » ? J’avais trop peur de poser la question, et il s’était déjàremisàparler.— À une époque, on croyait que ceux qui n’étaient pas assez forts pour
rejoindre la meute étaient incapables d’intégrer le virus dans leur système. Àcause des plaies qui menaient à l’infection initiale, ceux qui n’étaient pastransformés mouraient. Avec le temps, au fur et à mesure des progrès de lamédecine et de la science, les loups-garous et les autres lycanthropes quitravaillaient dans les domaines de la génétique ont commencé à mener desrecherchesprivéessurlesujet.Ilyaenvironquaranteans,ilsontdécouvertqu’ilexistaituneanomaliegénétiquequidéterminaitsi,unefoismordu,unreceveurallaithériterducadeauoupas.— Attends… Donc tu es en train de me dire que c’est la génétique qui
déterminesiunreceveurdevientunloup-garouplutôtqu’uncadavre?Ilserenfrogna.— De nos jours, les attaques de loups-garous sur les humains sont quasi
inexistantes.Presque tous lesnouveaux loupssont transformésparaccidentoufontpartieducycle.—Duquoi?Lucas laissa sa tête retomber en arrière et fixa le plafond, serrant les dents
pendantqu’ilfaisaitappelàtoutesapatience.—Tucomprendsquejesuisroi?—Oui.Jecomprendsqu’environunquartde lapopulationdes loups-garous
decepaysconsidèrequetuesleurchefnonélu.— Bien. Alors, tu ne devrais pas avoir de mal à suivre. La caractéristique
génétique qui autorise notre espèce à porter le cadeau est héréditaire, doncpendantdesannées,avantd’enconnaîtrel’explicationscientifique,desfamillesentières contractaient la lycanthropie.À travers le pays, beaucoup de famillesporteusesduvirusdegénérationengénérationdevinrentdeschefsreconnus.Lesconnaissances qu’ils avaient des traditions et des lois des générationsprécédentes étaient inestimables.D’abord, ils furent des alphas – des chefs demeute –, mais alors que la lycanthropie contaminait de plus en plus depersonnes,lebesoind’établirdesloisetdesrèglessefitsentir.Quatrefamillesenparticuliers’élevèrentàdespositionspresquemythiques.Ellesfurentbientôtconsidéréescommedeslignéesroyalesparmilesloupsàcausedeleursagesse,leuréquitéetleurslongueshistoiresfamiliales.C’était beaucoupd’un coup. J’ignorais que la société lycanthrope était aussi
structurée.— Au sein de ces familles et de presque toutes les familles qui portent le
cadeau, initier le nouveau jeune dans lameute est devenu un nouveau rite depassage. C’est très rare évidemment pour un enfant de naître avec unelycanthropieactive,mêmesisesdeuxparentssontdesloups.Si tun’asjamaisétémordue,commetuleprétends,alorsquelquechosedetrèstraumatiqueadûarriver pendant la grossesse de ta mère. Quelque chose qui a permis à ton
système sanguin d’assimiler le virus plutôt que de le rejeter comme c’estnormalementlecas.Grâceàça,tuasattrapélevirusbienplustôtquelaplupartdesgens.Celafaitdetoiquelqu’undevraimentspécial.—Tunesaispasàquelpoint.Chacunedemesparolesétaitteintéedesarcasme.—Oh,maissijesais.Tuesspécialepourbeaucoupderaisons,plusquetune
peuxtoi-mêmel’imaginer.Tuvois,auseindenotreespèce,ilyaunetraditionconnue commeL’Éveil. Lorsqu’un enfant atteint l’orée de l’âge adulte, on luidemande de faire un choix : continuer de vivre une vie humaine normale ouaccepterl’héritagedenosancêtresetrejoindrelameute.—Jenecompr…Puistouts’éclaira.—Tuveuxdirequevousattendezqu’ilssoientassezâgéspourpeserlepour
etlecontreetvouslesmordezs’ilsdisentoui?— S’ils acceptent, ils sont ensuite initiés, oui. C’est comme cela que les
vieillesfamillesprocèdentdepuisdessiècles.C’estcommecelaqu’onperpétuenotre héritage. C’est aussi comme cela qu’on est restés aussi bien cachés dupublic.Resterunsecretestnotreloilaplusimportante.—Sitoutcelaestaussisecret,pourquoilepartageravecmoi?Jen’aijamais
été « éveillée », dis-je enmimant des petits guillemets autour dumot. Jamaisinitiée.Jesuisunmonstreselontesstandards,alors?—Loindelà.Unepersonnenéeloupestunelégendeauseindenotrepeuple.
Tu ne serais pas bannie, mais révérée. Ce n’est pourtant pas la raison pourlaquellejet’aiamenéeici.—Ahbon?Maispourquelleputainderaisonj’étaislà,alors?Jecommençaisàavoirun
respect nouveau pour les loups-garous, mais toute cette situation me rendaitnostalgiquedelasimplicitépolitiquedumondedesvampires.—Jusqu’àcequetumedisesquetun’avaisjamaisétémordue,j’ignoraisque
tuétaisencoreplusspécialequejelepensais.Jet’aiamenéeiciàcausedecequis’estpassédanslarue,etlorsquetum’asdittonnomenbas,çaaconfirméce
quejesoupçonnaisdepuisledébutdenotrerencontre.Ah,voilàmachanced’êtreéclairéesurleurdiscussionprécédente.—ToietDesmondavezditquelquechosesurlefaitquemonnomdefamille
étaitintéressant.Quec’étaitlogique.Ladernièrefoisquej’aiditmonnomàunloup-garou, il s’est sentivraimentmalà l’aise,mais ilnem’a jamaisexpliquépourquoi.Jecommenceàpenserquecen’estpasseulementunehistoiredenom,sauf si les loups-garousdétestentparticulièrementBullit2.Mais jepariequecen’estpasça.—Mêmes’ilyademeilleursfilmsdeSteveMcQueen,jesuismoi-mêmeplus
sensibleàPapillon3,cen’estpaslaraisonpourlaquelletonnommetlesloupsmalàl’aise.J’aimentionnéquemafamillen’étaitpaslaseuleavecunhéritageroyal.—Oui.—Dansl’est,lesloupssontgouvernésparmafamille,lesRain.Dansl’ouest,
ils le sont par lesCavanaugh.La familleO’Shaughnessy gouverne le nord, etsais-tuquisontlesroisetreinesduSud?—Évidemmentquenon.Maissonpetitlaïusmedonnaitunepetiteidéedecequ’ilvoulaitdire,etçane
meplaisaitpas.—CesontlesMcQueenquirègnentsurlesuddel’Amérique.
1Enfrançaisdansletexte.2Filmaméricaindanslequeljouel’acteurSteveMcQueen3Filmaméricaindanslequeljouel’acteurSteveMcQueen
Chapitre9—C’estquoicesconneries?— Tu fais partie de la royauté. Ton grand-père… Son nom était Elmore
McQueen,n’est-cepas?Grand-mèreparlaitleplussouventdefeusonépouxcommede«cethomme
horrible»,oupardesphrasescréolesplusvulgaireslorsquejefusassezgrandepourlesapprécier,maissonprénomdebaptêmeétaitElmore.J’acquiesçaipourconfirmersasupposition.—Alors,tamèredevaitêtresoitSavannahsoitMercyMcQueen.—Mercy.Jebaissai lesyeux.Sonnomfit remonterde labiledu fonddemagorgeet
mesyeuxmebrûlèrent.Malgrélegrandfeudansl’âtre,j’avaisfroid.— Ta mère a dû rencontrer beaucoup de difficultés quand elle a souhaité
s’installeravecunhommehumain.—Magrand-mèreapprouvait,et jenepensepasqu’Elmoreaitvraimentdit
quoiquecesoitpuisqu’ilavaitlui-mêmeépouséunehumaine.Entoutcas,avantqu’il la quitte et lui laisse trois enfants à élever sur les bras, pour pouvoircoucheravecsanouvellepute.Mes larmes devinrent une brume de rage. Il fallait que je repousse cette
tristesse si je voulais être capable de le regarder. Cette insulte avait uneconnotation différente pour les loups. S’il existait un équivalent de « salope »pour les loups-garous, ce serait « pute ».Enm’entendant le prononcer,Lucastressaillit.Unlongsilenceemplitlapièce,briséuniquementparlesond’unebûchedans
le feu.Nousnous regardâmes séparéspar lebureau, et jedésirais tellement letoucherquemesdoigtspicotaient,sansquej’arriveàcomprendrepourquoi.—Malgrélasecondefamilledetongrand-pèreetl’abandondetamère,tues
parlesangetparledroitdenaissance,uneprincessedelalignéeduSud.Jel’aicompristoutdesuiteenentendanttonnom.—Qu’est-cequetuascompris?Pourlemoment,moijenecomprendsrien.J’agitaimamainautourdematêtepourillustrermaconfusion.—Laisse-moiessayerdeleformulerd’unemanièrequineteferapaspeur.—Cen’estpeut-êtrepaslabonnemanièredeprésenterleschoses.Aumoins,ilnemeparlaitpluscommesij’étaisuneenfant.—Tuvois,mêmesilagénétiquenouspermetd’appréhenderlalycanthropie,
ilresteunepartdemagieetd’animalitédansleprocessus.J’aiétéÉveilléquandj’avaistreizeans,etc’estcommesiunelumièreavaitsoudainétéallumée.J’aiététiréd’unsommeilquiainvalidémescinqsens,etdepuiscejour-là, jen’aiplusjamaisregardéenarrière.Jevoisetj’entendsmieux,monsensdugoûtestpluspur,etmonodorat…ehbien,tusaiscommentnosnezfonctionnent.En vérité, depuis ma naissance, je n’avais aucun cadre de référence de ce
qu’étaient les sens humains. J’avais aussi des difficultés à différencier mescapacitésdeloup-garouetdevampirepuisquecertainesétaienttrèssimilaires.Jemecontentaialorsd’acquiescer.—En tant que loups, nous ressentons les choses plus profondément que les
êtres humains.Les connexions entremembres d’unemeute sont plus riches etplusintensesquecequelescoupleshumainsexpérimentent.Auseindesvieillesfamilles, en particulier, ces liens sont presque incassables.On a compris qu’ils’agit d’un système de rapprochement unique, qui a été implémenté dans noscorps.Maintenant,j’étaisplusqueconfuse.Safaçondemeregarderetlachaleurde
savoixmerendaientnerveuse.Commeenréponseàsesparoles,quelquechoseenmoi commença à se déployer et à s’élever. Je glissai vers le bord demonsiègecommesiuneforcevoulaitmeporterdel’autrecôtédubureau.—Jenecomprendspas.
Jehaletaietmurmuraicommesij’étaisentraindemeconfesser.—Parmilesplusvieillesfamillesdeloups-garous,ilyaunphénomèneconnu
comme le lien d’âme. Cela permet aux rois de notre espèce d’évaluer et dechoisirceuxenquiilspeuventavoirconfiance.Labêteennouslanceunappel,ilnepeutêtreentenduqueparunepoignéedeprivilégiés.C’estcommeçaqueDesmondestdevenumonsecond.Sonlouparéponduàl’appeldumienavantqu’aucund’entrenousn’aitététransformé.L’appelestlaraisonpourlaquelletum’assentisurlaterrasse.Tuassuquij’étaissansn’avoirjamaisvumonvisage.Tum’asressentidanstabouchesansnem’avoirjamaisgoûtéauparavant.Ilavaitprononcécesmotssurletonqu’emploieraitunamant,jemepassaila
languesurleslèvres.C’était extrêmement intime, et tout comme lui, j’étais maintenant penchée
contrelebureau.Nousétionsattirésl’unversl’autrecommedeuxarbresdontlesbranchesselanguissentdes’entremêler.—Tuveuxdirequenoussommesdesâmessœurs?J’auraisvouluprononcercederniermotavecdu sarcasme,maismavoixne
m’yautorisapas.—Nos âmes s’attirent, corrigea-t-il. Jedisquepersonnene ferait réagir ton
corpsd’unsimplecontactcommejel’aifait.—T-tul’assenti?—Si tu acceptes ceque tu esplutôtquede l’ignorer, tuverrasque tupeux
aussiressentircequemoijeressensquandonestensemble.Onm’aditqueçapouvaitrendrecertainessituationsincroyablementsatisfaisantes.Sontonnelaissaitplaneraucundoutesurcequ’ilsous-entendait.Un frisson me parcourut le corps, j’eus l’envie irrépressible de retirer ma
veste. La garder signifiait que je pouvaisme lever et sortir de la pièce à toutmoment, etma vie ne changerait pas. Je pourrais ignorer toutes ces nouvellesinformations et choisir de continuer à vivremon existence pseudo-normale de«madame tout lemonde».Cecidit, jepassaismavie à exécutervampires etautres goules, et à rencontrer mon agent de liaison vampire ainsi que monpartenaire, plus terrifiant encore. Ma vie était tout sauf normale. Mais je ne
pouvaisnierqu’elleétaitaussitrèssolitaire.Si je retirais ma veste, cela voulait dire que je désirais rester avec lui plus
longtemps. Rester impliquait que je doive accepter certaines des choses queLucasm’avait expliquées. J’autoriserais cet homme,un inconnu, à entrerdansma vie simplement parce qu’il m’avait dit qu’on était faits l’un pour l’autre.Qu’onétaitdestinés,paruneerreurdenaissanceetparunvirushématogène,àêtreensemble.Resteroupartirauraitdûêtreunchoixsimple.Mais alors queLucas se levait de sa chaise, ses yeux ne quittant jamais les
miens,jesusquerienneseraitplusjamaissimple.Jenepouvaisnierl’effetqu’ilavaitsurmoietjenevoulaispluslenier.J’avaispassétellementdetempsavecles morts que j’avais oublié ce que ça faisait d’être avec les vivants. J’avaisignorémespropresdésirsphysiquesaupointd’oublierquej’enavais.Il fit le tour du bureau et s’approcha demoi. J’avais lesmêmes désirs que
n’importequellefemmesained’espritdevantunaussibelhomme.Maisjeprisdouloureusementconsciencequemespulsionségalaientcellesd’unanimalquivenaitjustededécouvrirsonpartenaire.Ils’arrêtaprèsdemachaiseetlatournaafinquejeluifasseface.Mesgenoux
frôlèrent ses tibias. De toute sa hauteur, il me regarda, une main sur chaqueaccoudoirde lachaise, etmonsouffle secoinçadansmagorge.De lachaleurémanaitdenousdeux,rendantl’airétouffant.Jecroyaisauxvampiresetauxloups-garous,pourquoinepascroireauxâmes
sœurs?Jeretiraimaveste.
Chapitre10J’avaisdit àMercedesque jen’étaispasvenueavec l’intentiondecoucher
avecLucas.Jemelerappelaiàplusieursreprisespendantquesesdoigtslongsetmagnifiques se promenaient sur mes bras nus. Partout où sa peau touchait lamienne, des feux d’artifice explosaient sous la surface. J’avais été avec assezd’hommes dans le passé pourme considérer comme une femme d’expériencemoyenne,maislà,çaneressemblaitàriendecequej’avaisconnu.Ilm’effleurale bras et j’eus peur, peut-être bêtement, qu’ilm’amène à l’orgasme alors quej’étaissimplementassisesurunechaise.Ilsouritcommes’ilavaitentendumespensées.Peut-êtrequec’étaitlecas?Je
nesavaispascommentceliend’âmefonctionnait.Ilsaisitmonvisageentresesmains.D’uncôté, il passa lesdoigts entre lesbouclesamplesdemaqueuedecheval,etdel’autre,sonpoucesuivitlescontoursdemamâchoire.Ilportamescheveuxàsonnezetleshuma.Son pouce arrêta de bouger, sa respiration se bloqua et ses yeux
s’écarquillèrent.—Tusenslamort.Moncorpsentierserassembla,prêtàjaillirdusiègecommeunressort,loinde
Lucas.J’étaisterrifiéequ’ilpuissedevinerquij’étais.S’ilpouvaitliredansmespenséesetdécelerlaculpabilitéquimetraversaitl’espritencemoment,j’étaismal!Puisjemesouvinsdemonarme.JemesouvinsdeHenryDavies.J’avaisune
explication parfaitement raisonnable et partiellement honnête pour expliquermonodeur.
—Jesuisunetueuseàgages.J’enroulaimes doigts autour de ses poignets et je retirai sesmains demon
visage.Aprèsceque jevenaisde luiapprendre, jenepensaispasqu’ilveuilleencoremesauterdessus.—LaplupartdemesmissionssontpourleConseillocaldesvampires,jetue
desvampireshors-la-loi.Ilreculad’unpas,etjeremarquaipourlapremièrefoisqu’ilétaitpiedsnus.Il
penchalatêtedecôtépendantquejeparlais,unehabitudequimefitl’imaginersoussaformepluspoilue.—Les vampires ne sont pas les seules choses que je chasse. J’ai aussi des
contratsprivés.Jescrutaisesyeux,espérantqu’ilcomprenait lasignificationdemadernière
phrase.—Tuastuédesloups-garous.Au moins, il était intelligent. J’étais contente de constater que l’agence
matrimonialedes loups-garousnem’avaitpas flanquéun idiotenguised’âmesœur.Maisj’étaispersuadéedemoinsl’attireraprèscetteconfession.—Oui.—Ont-ilsététuésàcausedelahained’unindividucontrenotrepeuple?Une
vengeancepersonnelle?Sonvisagebrillaitderage.Jesecouailatêted’unairsolennel.Jenevoulaispasluiparlerdureste.— J’ai tué deux loups-garous. Le premier était l’animal de compagnie d’un
vampirehors-la-loi.Ilaessayédem’arracherlecoulorsquejem’ensuispriseàsonmaître.Lucass’assitsurleborddubureau.Jeremarquaiqu’ilvenaitdesemettrehors
demaportée.—Etlesecond?—Lesecond…Jejetaiunregardcirculaireautourdemoi,commesilesmotsjustesétaienten
traindeflotterau-dessusdematête.
— Je t’ai dit tout à l’heure que j’avais rencontré un autre loup-garou quiconnaissaitmonnom.C’estenpartiecequirendlesecondmeurtresidifficileàexpliquer.Jeveuxquetumedonnestaparolequecequejevaisdirenequitterapascettepièceetqu’iln’yaurapasdeconséquences.Ilétaitévidentqu’iln’étaitpasvraimentd’accord,maisilacquiesça,labouche
figéedansuneexpressionsinistre.— Mon second meurtre de loup-garou avait été commandité par un alpha
d’Albany.—Marcus?Cette découverte déconcerta Lucas. Pour ma part, j’étais choquée qu’il ait
immédiatementdécouvert l’identitéde l’hommequim’avaitengagée,mêmesijesupposaisquetoutbonroisavaitquitravaillaitsoussesordres.—Oui.Ils’estadresséàmoi,carunnouveauloupauseindesonterritoirene
respectaitpasseslois.Teslois.Soussaformehumaine,celouputilisaitsaforcepourabuserde femmesdesenvirons.Marcuscraignaitqueçaattire l’attentiondesautoritéssurtonpeuple.Lorsqu’ilaattaquélafillehumainedeMarcus,lesévénementssesontaccélérés.—OhmonDieu!Lucasdétournaleregard.—Pourquoines’est-ilpasadresséàmoi?Nousavonsd’autresmanièresde
gérercegenredesituation.—Marcus ne m’a pas demandé de tuer le gamin, que ce soit clair. Il m’a
demandé si je pouvais utiliser mes capacités particulières afin qu’il quitte leterritoired’Albany.Legaminaprovoquéledestinencroyantqu’ilpourraitmebattre.La tension dans samâchoire et le froncement de ses sourcilsm’indiquèrent
quecesnouvellesl’avaientplusaffectéqu’aucundenousdeuxnel’avaitprévu.Jetuaislesmiensdepuissixans.QuandlesmembresduConseilmeremettaientunmandatpourm’envoyertuerundenosfrères,leurvisageaffichaitàlafoislatrahisonetunesinistredétermination.Quandiln’yavaitplusriend’autreàfaire,c’estmoiqu’onappelait,maistoutrestaitdansuncadreprofessionnel.
Lorsque Marcus m’avait demandé de m’occuper du loup-garou fauteur detroubles sur son territoire, je ne l’avais pas considéré comme un contratprofessionnel.Jen’avaisvuquelepèred’unefilledéshonorée.Cen’estqu’àcetinstant,envoyantledésespoirsurlevisagedeLucas,quejecomprisquelamortd’un loup pouvait avoir un impact sur la meute entière. Que le roi lui-mêmedevrait faire le deuil de cette mort. Et que la vengeance de Marcus le feraitsouffrir.Aucundenousneprononçaunmotpendantunlongmoment.Lestonspâles
de l’aube naissante commençaient à filtrer sous les stores, et j’étais heureusequ’ils soient fermés. Les rayons du soleil ne me tueraient pas comme ilstueraientunvéritablevampire,maisj’auraisdumalàexpliquerpourquoij’avaisdesbrûluresautroisièmedegréaulieud’unjolibronzage.Mêmesilesrideauxétaientfermés,unsentimentfamilierdepaniquemesaisit.
J’avais besoin de rentrer. Je devais me retrancher dans la sécurité de monappartementausous-sol,dontlesteintessombresetvoiléesmeprotégeaientdelalumièredujour.—Lucas…Il leva une main pour me réduire au silence. Je pouvais imaginer ce qu’il
pensait. J’avais la bonne odeur, le bon goût et le bon nom.Àpartmon espritborné, rien ne m’empêchait d’être sa parfaite âme-sœur. Et j’avais lâché labombe«Ah,aufait,chéri,jetuedesmonstres».—Tesouviens-tudesonnom?—Pardon?Ilmejetaunregardfurieux,sacolèreécrasantsatristesse,etlemélangedeces
deuxémotionsfittremblersavoix.—Legarçonquetuastué.Ditcommeça,çaavaitl’airtellementdégueulasse.—Tesouviens-tudesonnom?Samanièrederépétercettequestionmefitcomprendrequemaréponsealler
déterminer le reste de la soirée, peut-être même de ma vie. Je n’étais pashumaine–j’étaispayéepourêtreunetueuseetjepouvaisêtreunmonstrepire
queceuxquejetuais–maisjen’étaispasdépourvued’âme.—WilliamReilly.Ils’appelaitWilliamReilly.Lucashochalatête.Ildevaitdéjàconnaîtrelenom.Jenemerappelaispasdes
nomsde tous ceux que j’avais tués,mais je n’oubliais pas ceux pour lesquelsj’éprouvaisdesremords.Enquelques secondes, le soufflet du désir était retombé.On s’était pris une
douchefroide.J’étaispresséed’enfinir.—S’iln’yariend’autre…Jeveuxdire,situenasfiniavecmoi…Jefisungesteendirectiondelaporte.—Pourcesoir.Ilcontinuaàmeregarderalorsquejemelevaispourpartir.—Jesuissûrquetuenasassezpourcesoir.La tournure de sa phrase indiquait qu’il n’avait pas complètement fait une
croixsurmoi,etj’allaisprofiterdufaitqu’ilétaitconciliantpourm’enaller.—Secret?Iln’enavaitapparemmentpasfini.Jem’arrêtaiàmi-chemindelaporte,meretournantpourleregarder.Ilavança
vers moi, et j’admirai l’aperçu de son ventre nu que sa chemise ouvertem’offrait.Tandisqu’ilapprochait,songoûtenvahitmaboucheànouveau.Jemedemandaiquelgoût j’avaispour lui. Jesoupiraimalgrémoi lorsqu’ilplaçasesgrandesmainssurmesépaules.Ses yeux bleus étaient si près de moi que je vis un cercle doré autour de
chacune de ses iris, et je l’imaginai à nouveau en loup-garou. Je ressentis unirrépressibledésird’éliminerladistanceentrenosbouches.Il n’y avait qu’en compagniedes êtres surnaturels qu’il était normal que les
humeurschangentaussibrusquement.—Jetepardonne,dit-il.Cen’étaitpasseulementsonpardonqu’ilmedonnait,maisplutôtsonpardon
royal.Moncôtéfiervoulutluidiredelafermer,maislaSecretquiétaithabituéeauformalismerigideduConseildesvampiresacquiesçaensilence. Ilavaiteubesoindemeledonner,etentantquesonsujet,j’avaisbesoindel’accepter.
Jemeretournaiànouveaupourpartir,maisilmeretint,sesmainsétaientpluspuissantesquejenel’avaisprévu.—Tudînerasavecmoi.Demainsoir.Iljetauncoupd’œilàlamontreàsonpoignet,puisilsecorrigea.—Cesoir.—Humm.Çaneressemblaitpasàunequestion,maisilparaissaitattendreuneréponse.—okay?Lanuitprochaines’annonçaitaussirelaxantequelaprécédente.VoirHolden,
puisleTribunal.ExpliqueràKeatypourquoij’avaisunnouveaufan-clubpoilu.Éviter les questions de Mercedes sur Lucas. Dîner avec mon âme sœurmilliardairedanssonloft.Ouais.Unjeudiordinaire.
Chapitre11Quandjesortisdel’immeuble,lecielétaitsombreetcouvert.Ilfallaitqueje
trouveuntaxirapidement,maisaumoinsjen’avaispasàdissimulerl’odeurdemachairentraindebrûler.Pendantquelechauffeurmetransportaitversl’ouestàHell’sKitchen,jetéléphonaiàKeatypourluidirequej’allaisbienetpourluidemanderd’appelerMercedespourmoi.À l’abri dans mon appartement, j’entrai dans ma chambre délicieusement
sombre.Àcausedudangerquereprésentaitlamoindrelueurégaréederayondesoleil, je nepouvais pas compter sur des rideauxpourmeprotéger pendant lajournée. J’avais doncmuré la petite fenêtre, prétextant àmonpropriétaire quec’étaitpouréviterlescambriolages.Submergée par la fatigue écrasante qui plongeait les vampires dans un
sommeil mortel pour la journée, je m’effondrai sur mon lit. Je m’endormisaussitôt.J’étaisderetouràCentralPark.Jesusquelaluneétaitpleinesansl’avoirvue,parcequej’avaislasensation
perturbante que quelque chose de liquide et de chaud était en train debouillonnersousmapeau,cherchantunmoyendesortir.J’entendis un grognement sourd, mais je ne parvins pas en déterminer
l’origine. Ça provenait de toutes les directions et jamais deux fois du mêmeendroit.Àtraverslabrumeépaissedesarbres,legrognements’approchait,etjeréalisaiqu’ilnes’agissaitpasd’unseulgrognement,maisdeplusieurs.Unemeute.Ma réaction instinctive était de courir, et qui étais-je pour l’ignorer face au
danger?Mespiedssemirentàbougerpourfuir,maisilss’emmêlèrentdanslalonguerobequejeportais.Jevenaisjustederemarquersonexistence.Lesseulesrobes que je possédais étaient courtes et décolletées, faites pour provoquer lesvampiresassoiffés.Celle-ciavaitdescouchesetdescouchesde jupesdefrou-froude tulleajustéesà la tailledansuncorset tellement serréqu’il rendaitmarespirationdifficile.Unerobedemariée.J’essayaidenepasmefocalisersurlaquestiondemaprésencedanscetteforêt
enrobedemariée.Jereportaimonattentionverslameutedeloupsquigrognait.Jepouvaislesentendre,maispaslesvoir.Moncœursemitàbattrecontremonsternum,jeramassailetissudemarobeàpleinesmainsetjememisàcouriràtraverslesbois.Lesodeursetlesenvironsdevinrentdeplusenplusfamiliersaufil de ma course. Les branches s’accrochèrent à mes cheveux et à ma robe :j’empruntais le même chemin que la nuit dernière lorsque j’avais poursuiviHenryDavies.ÇavoulaitdirequelaGrandePelousen’étaitpasloin.Marobeseprit dans une racine apparente et basse, et je tombai.Enmettant lesmains enavantpourprévenirmachute,jemeleségratignaisurdespierresetdesboutsdebranches.Jemeremisdeboutetrelevail’ourlet,surlequelj’étalailesangdemespaumes,salissantleblancimmaculédemarobe.Jemesentiscoupabled’avoirabîméletissu.Les loupsme talonnaient : je recommençaiàcourir.Cette fois, j’arrivai à la
pelouse,oùj’aperçusquelqu’unquiavaitl’airhumain,deboutseulaumilieudelazonedésertée. Jecourusà travers l’herbeaussivitequepossible. Jepensaisquepersonnene serait capabledemesauverdesmonstresquime talonnaient,mais le simple fait de voir une autre personne enviemedonnait l’impressiond’avoirtrouvélesalut.Enm’approchant,jevisquecettepersonneétaitLucas.IlportaituncostumetellementbiencoupéqueJamesBondauraiteudequoi
êtrejaloux,ilsouritenmevoyant.Paniquée,lesoufflecourt,j’arrivaiàsahauteuretjem’écroulaicommeuntas
demousseblancheàsespieds.Jemeprotégeaidesdentsmenaçantesdesloupsquiallaientmedéchiqueterenmorceauxenmecouvrantlatêtedesbras.
Maisiln’yeutpasdedents.Lesgrognements,aussi,s’étaientenvolés.Leseulbruit de la nuit était un doux gloussement venant d’en haut. Je jetai un coupd’œilpar-dessusmonépauleetj’euslaconfirmationqu’iln’yavaitaucunloup.Unemainforteseposasurmonépauleetjemesentisapaisée.—Lucas,tudoismeprendrepouruneidiote.Lamainpressamonépauleetlegloussementdevintunriresourd,menaçant.—SecretMcQueen,ma chérie, aucun homme ne peut te prendre pour une
idiote.Lavoixn’étaitpascelledeLucas,maisjelaconnaissaisaussi.C’étaitdupur
sarcasme cajun. Un frisson désagréable me parcourut et mon esprit tarda àrépondreauxordresapeurésdemoncorps,maisjefinisparleverlesyeux.Juste à temps pour voirAlexandre Peyton, un vampire dans un costume de
loup,seruersurmagorge.
Chapitre12Monréveilnefutpasaussispectaculairequemonrêve.Jenecriaipasetje
nemeredressaipasbrusquement;jemeréveillaiseulementaveclarespirationsaccadéeetunecouchedesueurfroidesurlapeau.Le crépuscule était de retour etmes sens étaient aumeilleur de leur forme.
Mesyeuxs’adaptèrentà l’obscuritéenunriende temps,et ilmefallutencoremoins de temps pour remarquer qu’il y avait quelqu’un dans la pièce. Il étaitassisdanslacauseusequitrônaitàcôtédelaportedemachambre.Mon pouls s’accéléra un peu, et jeme sentis stupide parce que je sus qu’il
avaitentendumonrythmecardiaques’altérer.Mêmesiaucundenousn’avaitbesoindelumièrepourvoir,j’allumailalampe
prèsdemonlitetjemerelevaipourmecalercontreunoreiller.—Tuesdebouttrèstôt,non?Holden fronça les sourcils, ce n’était pas inhabituel chez lui : il souriait
rarement.—Commetudoissûrementt’endouter,leTribunalaimeraittedireunmot.—Oh,Holden.Jepensequenoussavonstouslesdeuxqu’ilsaimeraientme
direbienplusqu’unmot.Jeremarquaiqu’ilévitaitdemeregarder,etjecomprispourquoienbaissantla
tête.Pendantmonsommeilagité,jem’étaiscomplètementdéshabillée,etseulunmincedrapfleurimecouvrait.—Oh.Ledrappressécontremoi, j’attrapaimarobedechambreensoieaupiedde
monlit,jel’enfilai,etjenouailaceintureàmataille.
—C’estmieux?Ma partie loup n’était pas gênée par la nudité. Mais Holden venait d’une
époqueoùavoiruneconversationavecunefemmenueétait inenvisageable.Jerespectaiscela.Jesavaistrèsbienqu’iln’avaitpastoujoursétéaussitimidelorsqu’ils’agissait
d’êtreprocheetintimeaveclesfemmes.Jemedemandaialorssienfilermarobedechambreprotégeaitsasensibilitéoutempéraitsesdésirs.—Merci.Ilseretournapourmefaireface.J’auraispuluifaireremarquerquependantqu’ilmeregardaitdormir,ledrap
nemecouvraitpas,maisjeluilaissaisesillusionssursasoi-disantpudeur.—Ilsveulentmevoirtoutdesuite?L’horloge sur ma table de chevet affichait dix-neuf heures trente. Le
grognementdemonestomacm’indiquaquej’avaisbesoindemangeravantd’yaller.Ilmesignifiad’unlégerhochementdetêtequeluiaussil’avaitentendu.—Ilsm’ontpriédet’ameneràlatombéedelanuit.Tuasdequoimangerou
ilfautquejet’emmènechezl’Oracle?Jeregardail’horloge.J’avaisassezdenourrituredansmonfrigo,maisvules
événementsdesdernièresvingt-quatreheures,jenediraispasnonàunevisiteàCalliope.Calliope, mieux connue au sein de la communauté paranormale comme
l’Oracle, était la quatrième et dernière personne qui savait qui j’étais. Ellepossédaitunmanoirimmenseenpleincœurdelaville,maisdansunmondeendehors de la réalité humaine. Seuls les êtres surnaturels avaient la capacité detrouver l’entrée de la maison de Calliope : ils devaient avoir véritablementbesoin d’aide et entrer dans le Starbucks à l’ouest de la 52e et de la 8e. Elleinsistait sur le fait que l’emplacement à l’intérieur du café avait peud’importance, mais je savais qu’elle avait un faible pour les macchiatos aucaramel.Etpourlesangd’hommesvierges.
Calliope était une véritable immortelle. Les vampires utilisaient le terme« immortel » parce que la vieillesse, la maladie ou les hasards de la vie nepouvaientpaslestuer,aucontrairedesêtreshumains.Parcontre,unpieudanslecœur,l’expositionausoleilou,commejel’aisouventdémontré,uneballelogéedanslecerveaupouvaientleurdonnerunbilletsansretour.MaispasCalliope.Elleétaitlafilled’unereineféeetd’undieu.Jeluiavaisriauvisagelorsqu’ellemel’avaitditlapremièrefois.Ellem’avait
polimentrétorquéque lesgenssemoquaientaussidemonarbregénéalogique.Les dieux, m’avait-elle expliqué, au moins dans les traditions grecques,romainesetscandinaves,n’étaientpasaussidivinsqu’ilsvoulaientlefairecroireauxmortels.Il y avait une part de vérité dans la plupart des mythes populaires qui
dérivaient des religions polythéistes. Selon elle, dans les temps anciens del’histoire terrestre, les vrais immortels n’étaient pas aussi discrets en publicqu’ils le ne seraient des siècles plus tard. Ils utilisaient leur pouvoir et leurinfluence pour acquérir un statut divin. Les humains les révéraient comme devéritablesdieux,etlesimmortelsavaientfiniparycroire.Cetteillusiondeleurdivinité les avaitmenés à se comparer aux dieux longtemps après la perte depopularitédesreligionspolythéistes.Les fées, en revanche,gardaient jalousement leurvieprivée.Ellesexistaient
dans une réalité distincte, ne daignant aller de l’autre côté que quand quelquechoseattiraitleurcuriositéouquandseprésentaitl’occasiondevolerdesbébésoudesfemmes.Lesféesnevolaientjamaisd’hommes.LemanoirdeCalliopeétaitunegare frontièreentre la réalitéhumaineet les
domaines des fées et des immortels. C’était un lieu fascinant et terrifiant àvisiter.Calliopeelle-mêmeenfaisait lecharme.Elleavaitvécuunefoisparmiles mortels, utilisant au maximum son don particulier pour être le centre del’attention.Elle avait pris l’identité d’une fille de province qui était morte sans que
personne ne s’en rende compte, et elle s’était réinventée sous la forme d’une
bombesexy,d’uneicôneblondeetglamour.Lorsqu’elleenavaiteuassez,elleavaitabandonnécecorpssansaucuneexplication.Cequiresteàcejour,unedesmortslesplusmystérieusesd’Hollywood.LaCalliope d’aujourd’hui ressemblait exactement à l’icône peinte parAndy
Warhol1,saufque,sescheveuxn’étaientpluscourtsetblonds,maislongsetd’unnoircendré.Sesformesétaientfabuleuses,samouetoujoursaussiséduisante.Jemarquaisuntempsd’arrêtàchaquefoisquejelavoyais.Se faire prédire l’avenir par une femme ayant cette apparence était étrange.
Fidèle à son titre,Calliope était unoracle et pouvait voir le futur de ceuxquil’entouraient.Sesvisionsétaientsouventvagues,maiselleavaittoujoursraison.Ellefournissaitégalementdusang.Delanourriturepourvampiressanscrocs
ou pour ceux qui étaient trop jeunes pour chasser sans être dangereux. LeConseil envoyait tous les nouveau-nés validés vivre chez Calliope jusqu’à cequ’ilspuissentêtreentraînésàsecomportercorrectement.J’allaislavoir,carsij’avaisdescrocs,jenepouvaismerésoudreàmenourrir
d’humains, qu’ils soient volontairesounon.Ce serait franchir une limite pourmoi. Je pouvais manger de la nourriture humaine, apprécier le café et uneboisson alcoolisée occasionnelle, mais ils ne m’apportaient rien au niveaunutritionnel. J’aimais la caféineet l’alcoolparceque,grâceà l’accélérationdemon métabolisme, j’en ressentais les effets presque instantanément, et ils sedissipaient trop vite pour que je garde une impression désagréable ensuite.L’inconvénient était que je ne pouvais pas me prendre une cuite après unemauvaisesemaine,carjenerestaispassaouleplusd’uneheure,etjenepouvaispasnonplusjustifiermesmauvaisesdécisionsenprétextantquejen’étaispasenpleine possession de mes moyens. Et j’avais beau pouvoir manger, j’avaistoujoursbesoindesang.Àlarigueur,jepouvaisavalerunsteakbleu,oumêmede laviandecrue, ça apaisait la faimdu loupenmoi.Mais lesdeuxmonstresdésiraientdusang,c’étaitlaseulechosequimesatisfaisaitvraiment.Mon frigoétaitbien rempli, cequivoulaitdirequece soir, cen’étaitpas la
peinedepasserchezCalliopemêmesij’encrevaisd’envie.—J’aiduOnegdanslefrigo.T’enveux?
Holden grimaça. Il ne réussissait pas à comprendremon refus de boire à lasource.—Non,merci.Il se levade sachaiseet ajusta saveste. Il faisaitdegroseffortspouravoir
l’aird’apparteniràcesiècleetlaplupartdutemps,ilyparvenait.Ilétaitgrandetmince,satailleétaitfineetsonbustemusclé.D’aprèscequ’ilm’avaitracontédesa jeunesse, il était issu d’une communauté pauvre de fermiers. Il devait sonphysiquefortetmince,ainsiquesamusculatureauxheuresdedurlabeuretaupeudenourriture.Sonvisageétaitdotéd’unemâchoirecarréeetdelèvresdessinéespourfairela
moue.Sescheveuxetsesirisétaientdumêmebrunsombre,etselonl’humeurdela soirée, ils pouvaient paraître noirs. Il avait desyeux typiquesdevampires :intenses, attentifs etmenaçants.Quand ses sourcils étaient froncés, sa boucheadoptaitunemouepensiveetangélique.Ilavaitchoisidegarderlescheveuxunpeu longs, tout comme les portaient les fermiers deux cents ans plus tôt.Auxchangementsdestyledechaquedécennie,ilpréféraitlaconstance.Cesoir,illesavaitramenésderrièrelesoreillesetavaitmisassezdegelpourlesmaintenirenplace.Ilss’arrêtaientjusteauniveauducoldesaveste.Pas étonnant qu’Holden ne rencontre aucune difficulté pour se nourrir. Les
femmes humaines le trouvaient irrésistible. Son apparence, combinée àl’influencequelesvampirespouvaientexercersurleshumains–l’Emprise–,luipermettait de se nourrir d’autant de femmes, ou d’hommes d’ailleurs, qu’il lesouhaitait.Sous sa veste noir charbon, il portait une chemise blanche qui, malgré sa
simplicité,avaitsansaucundoutecoûtéénormémentd’argent.Unjeansombreetdes chaussures noires vernies complétaient l’ensemble. Avec tel look, pasétonnantqu’HoldenaitétérédacteurenchefpourlemagazineGQ.Tous les immortels, véritables ou non, ressentent l’envie d’être sous les
projecteurs de temps en temps,même si leur nature discrète les contraint à semaintenir.—Jevaism’occuperdetonverrependantquetut’habilles.
Jem’inspiraidesatenue,revêtantunjeansombre,desballerinesnoiresetunhaut violet de style victorien, orné de dentelles au niveau du cou, avec desboutons jusqu’au bas du dos.À travers la dentelle, le top laissait entrevoir unbeaudécolleté,cequiétaitunexploitvulatailledemapoitrine.J’attachaimescheveuxenunequeuedechevalhaute,sansmaquillage.Quand
jenetravaillaispas,jen’enmettaisjamais.Boiredusangrosissaitmesjouesetdonnaitune joliecouleurnaturelleàmes lèvres. Jemesentais ridicule lorsquej’enfaisaisplus.Dans la cuisine, la minuterie de monmicro-onde sonna et je souris à mon
refletdanslemiroir.Envéritablegentleman,Holdenm’avaitréchauffédusang.Jeparcouruslecouloirsansfaireunbruit,foulantletapisd’unpasléger,etje
leretrouvaidansmaminusculecuisine.Lorsdemavisitedecetappartementensous-sol, lepropriétairen’avaitpasarrêtéde s’excuserpour la tailledes lieux,craignantquelemanqued’espacepourcuisinersoitunfacteurrédhibitoirepourunedamecommemoi.Ilavaitdûpenserquej’étaisunefemmed’intérieur.Lavieillecheminéeenbriquesetlachambreassezgrandepouraccueillirunlit
queen size m’avaient davantage enthousiasmée. Ces deux élémentsreprésentaient un vrai luxe pour un appartement qui rentrait dansmon budgettrèslimité.Àcemomentprécis,Holdenetmoiétionstrèsàl’étroitdanscettepiècetrop
exiguëpourunetableetdeuxchaises.Ilmeservitlesangchauddansunverreàvinquiétaitunpeutropélégantpour
moi,mais j’appréciai le geste. Pendant quem’abreuvais, j’essayais de ne pascroisersonregard.Çam’énervaitqu’onobserveleplaisirquej’yprenais,parceque c’était comme admettre que j’aimais cette part de moi. Reconnaître quej’aimaisboiredu sang,que jemedélectaisde sadouce saveurcuivréeouquej’étaisfièredemesentirbeaucoupplussexyaprèsenavoirbu,signifieraitquej’acceptais le fait d’être un vampire au moins à un moindre niveau. Celasignifierait qu’un des monstres était en train de gagner. En partant de là, onpourrait argumenterquemapartde loupgagnerait si jecédaisauxavancesdeLucasetsij’acceptaisdedevenirsapartenaire.
Je me rassurai en me disant que le loup ne pouvait gagner que si je metransformais à la pleine lune. J’avais été capable de combattre cette mutationpendantpresquevingt-deuxans,jen’allaispascédermaintenant.Holdenme regarda avec beaucoup d’intérêt. Il nem’avait vue boire d’aussi
près qu’une ou deux fois, et cela avait un effet inhabituel sur lui. Ses yeuxtrahissaient sa propre faim, mêlée à une sorte de désir. L’expression de sonvisage n’avait pas changé, mais je remarquai qu’une ombre assombrissait sesiris.Àchaque foisqu’ildéglutissait, sesyeuxpassaientd’unbrunchocolat aulait à un noir huileux, et luisaient de convoitise. Quand j’avalai la dernièregorgée,samâchoireétaitcrispéeetsesyeuxfixaientmoncou.—Holden!Lafaimdisparutetilfutànouveaului-même.— Je suis désolé.Malgré ce qui nous relie, il est parfois difficile pourmoi
d’ignorercequetues.—Vivante?Montonétaitunpeucoupantetsec,maisilacquiesçaquandmême.Avecle
sangquicoulaitdansmesveines,jemesentaistrèsvivanteàcemomentprécis.Forteetpleined’assurance.—Bien,espéronsquecesoittoujourslecasàlafindecettenuit.
1RéférenceauportraitdeMarylineMonroepeintparAndyWharhol
Chapitre13Jenepourraisjamaism’habitueràrencontrerleConseildesvampiressurleur
territoire. IlsmedélivraientdesmandatsenpassantparHolden,ouenvoyaientunmessagerànotrebureaupournousvoirKeatyetmoi.Peut-êtreque j’avaisdes difficultés àm’adapter au Conseil parce que je ne leur rendais visite quelorsquej’avaisdesproblèmes.J’étaisdanslepétrin.J’avais tuédesvampiressansêtresanctionnée,mais jen’enai jamais tuéun
seulquinel’avaitpasmérité.Chaquevampiredontledestinfinissaitentremesmains était un hors-la-loi ou alors, il complotait avec l’un d’entre eux. Ou,commec’étaitsouventlecas,ils’attaquaitàmoisanspréavis.Holdenmeguidadanslesescaliersd’unvieiletbelimmeublequiabritaitjadis
une grande gare. Je le voyais tel qu’il était réellement, mais aux yeux deshumainsquipassaientdevant,c’étaitunvieil immeubledécrépitetdélabré.Lecharme qui l’entourait était efficace. Même le mortel le plus audacieuxéprouverait un sentiment d’effroi terrible en s’aventurant trop près. Toutepersonne qui ne tenait pas compte des avertissements et franchissait lespremièresmarchesdevenaituneproie facilepour lesvampiresetsavaitàquois’attendre.Lesvampiresavaientpugarder leur secretpendantdesmillénairespourune
simpleetbonneraison:ilsconnaissaienttouteslesastucespourfairecroireaumonde extérieur qu’ils n’existaient pas. Ils avaient affiné ces techniques, aucours demilliers d’années, pour tisser une toile impénétrable de clandestinité.C’est pourquoi ils traitent les hors-la-loi aussi durement. Il suffisait d’un seulrenégat trop sûr de lui et convaincu que les vampires devaient gouverner les
humainsplutôtquedevivredansl’ombre,etlasociétéentièreétaitendanger.En fait, c’était l’une des rares choses que les vampires et les loups-garous
avaientencommun.Ilscomprenaient tropbienqu’êtreexposésauxregardsdupublic humain serait un désastre irréparable. Les gens avaient déjà du mal àallumerlesinformationstouslesjoursetàêtretémoinsdesatrocitéscommisespar d’autres humains. S’ils savaient que des êtres surnaturels existaient, celaentraîneraitungénocidedemasse.Leshumainsseraienttoujoursplusnombreuxquelacommunautéparanormale,etunebonnegestiondesrelationspubliquesoudu contrôle des dommages collatéraux ne suffirait pas àmontrer lesmonstressousunjourpositif.Jen’étaispashumaine,maisenatteignantlesdernièresmarchesdubâtiment,
je perçus l’aura de l’enchantement. J’essayai de ne rien laisser transparaître,mais ça faisait longtemps quemon visage avait retrouvé sa pâleur habituelle,malgrélesangquej’avaisbu.—Peut-êtrequeceneserapasaussigravequetulecrains,suggéraHolden.L’optimismen’allaitpasauxvampires.— Oui, bien sûr. Et peut-être que toi et moi, on ira à la plage et on fera
bronzetteceweek-end.—Touché1.Tout comme moi, Holden ignorait à quoi s’attendre ce soir. En tant que
Gardien,leTribunalneleluidisaitquecequ’ilavaitbesoindesavoir,ettoutcequ’ilavaitbesoindesavoircesoir,c’estqu’ilsvoulaientmevoir.On pénétra dans le bâtiment. L’illusion de calme qu’on avait de l’extérieur
était telle que l’activité qui régnait à l’intérieur me surprit. Les vampiress’affairaient,maisaucund’entreeuxnenousremarqua,oudumoins, ils firentsemblant de ne pas nous remarquer. On traversa la grande salle ouverte quin’avaitrienàenvieràdesbureauxbouillonnantsd’activitéouàunebanquedeWall Street. Avec l’efficacité des abeilles, des employés se déplaçaient par à-coups et transportaient des documents dans des chemises en papier. CesGardienssurveillaienttouteslesautresactivitésvampiriquesdupays.Lesagentsde ce bâtiment, qu’il s’agisse de Gardiens ou de Sentinelles, étaient envoyés
partoutenAmériqueduNordpourréglerlesproblèmesoutraiterlesplaintesquisurgissaient.Dans laplupartdes cas, leshors-la-loidont j’avaisdûm’occuperétaient près de chez moi, mais ils m’avaient parfois dépêchée ailleurs, dansd’autresÉtats.Là,toutdesuite,j’auraisdonnén’importequoipourmetrouverdansl’Iowaoul’Oregon,oudel’autrecôtédelafrontièrenord,avecmagrand-mère.Biensûr,aucunedecesoptionsn’étaitneserait-cequ’envisageable,alorsjesuivisHoldenàtraverslamerdecrocsquisescindaendeuxpournouslaisserpasser.L’intérieurdubâtimentétaitresplendissant.ToutcommelaGareCentrale,qui
avaitétéconçuebienavantdanslemêmestyle,ilavaitdesplafondsvoûtésavecdes fenêtres désormais obstruées afin d’empêcher tout rayon de soleil de sefaufileràl’intérieur.Pourcompenserlemanquedelumière,chaquefenêtreétaitsertie de panneaux vitrés vert et or, et une douce incandescence jaune lesilluminait par derrière. Grâce à eux, la chaleur caractéristique du milieu dejournée régnait dans la pièce. Un petit escalier descendait dans l’atriumprincipal, où les sols carrelés de marbre noir et blanc ressemblaient à unéchiquiergéant.Despoteauxdelaitondivisaientlapiècedanssalongueur.Lesguichets de la Gare Centrale avaient laissé la place à des bureaux privés. Lelaitonétaittellementpoliquesesrefletsétaientpareilsauxrayonsdusoleil.Endehorsdesbureaux,ilyavaitunespacecommunprincipalquiremplissait
presquetoutl’atrium.Undédaledevieuxpupitresenboiss’ydéployaitcommeun océan corporatif. Toutes les opérations commerciales réussies prenaientnaissance ici, des drones de bureau aux cadres. Les vampires avaient apprisdepuislongtempsqu’unebonneorganisationpermettaitàunecivilisationdebienfonctionner,et laleurnefaisaitpasexception.Lasonneriedestéléphonesétaitréglée sur unvolume sonorebas, et lesGardiensmurmuraient.Holden etmoilaissâmes derrière nous les beaux édifices modernes et arrivâmes devant uneporte d’apparence innocente sur laquelle était inscrit : « Privé ». Mes mainstremblèrentquandjel’ouvrisetentraidansl’obscurité.Le Tribunal avait choisi un repaire qui était de la vieille école. Les lieux
rappelaientundonjonouunesalledeguerremédiévale.Lapièceétaitplongée
dansl’obscuritéetseulelalueurdestorchesfixéesaumurl’éclairaitfaiblement.Unehumiditédensealourdissaitl’air.Nousdescendîmesdenombreuxescaliersen pierre, plongeant de plus en plus loin dans les entrailles de la ville, avantd’atteindrenotredestinationfinale.Jeremerciaimonagilitésurnaturelle,sanslaquellej’auraisdévalélesescaliers
surlesfesses.Nous parvînmes devant une série de doubles portes, celles-là mêmes qui
apparaissaient souvent dans mes cauchemars. Elles étaient responsables de laméfianceque j’éprouvaisenvers touteportequi leur ressemblaitdeprèsoudeloin. Au-delà se trouvaient les trois vampires qui tenaient ma vie entre leursmains.Cettefois,Holdenrestaenarrièrepourmepermettred’entrerenpremier.Il ne pouvait pasm’accompagner. Seuls leTribunal et une poignée d’Anciensétaient autorisés à pénétrer dans la salle où se prenaient les décisions. Êtreattendupouruneaudienceétait le seulautremomentoù l’onvousautorisait àfranchircesportes.Je pris une profonde inspiration qui eut un arrière-goût demoisissures et je
poussailesportes,m’avançantdansuneobscuritéabsolue.—Bienvenue,MissMcQueen.C’était une voix douce et aérienne, une voix de soprano teintée d’un accent
françaisdélicatquidéformaitle«miss»en«mees».LasalutationvenaitdelaseulefemmemembreduTribunal,Daria.—Noussommesheureuxquevousayezpuvenir,ledélaiétaitcourt.Leurformalismem’avaittoujoursénervée.S’ilsavaientl’intentiondemetuer,
étaient-ilsobligéssemontreraussiagréables?— Chef du Tribunal Daria, le plaisir est pour moi. Je suis au service du
Conseil.Je dus me refréner pour ne pas donner l’impression de m’aplatir. Je
connaissais tropbien les étapesde cettedanseparticulière.Mesyeux s’étaientajustésàl’obscuritéprofondedelapièce,etjepouvaisdistinguersonjolivisageau-dessusdemoi.LeTribunalétaitinstallésuruneplate-formesurélevée,surdeschaisesfaites
mainquiétaienttropélaboréespournepasêtreconsidéréescommedestrônes.Darian’étaitpasvéritablementlechef,elleétaitdoncassiseàlagauchedutrônecentral.À sa droite, se trouvait un homme auquel je nem’habituerais jamais.JuanCarlosétait sansaucundoute lacréature lapluseffrayante–humaineouvampire réunis–que j’aie jamais rencontrée.Dansun soucidemodernité, sescheveux noirs de jais étaient maintenant coupés plus court, mais ses bouclesfolles n’avaient pas complètement disparu. Quels que soient ses efforts, JuanCarlosn’avaitjamaisréussiàsefondredansl’Humanité.Autrefois, il avait été un Conquistador espagnol qui, au cours de sa vie
humaine, avait écopé d’une panoplie de cicatrices que rien n’avait pu réparer.Une vieille blessure lui avait fendu la lèvre supérieure et avait cicatrisé en unrictusmenaçant.Salèvres’étaitrecroquevilléesursajoueetdévoilaitundesesformidables crocs.Le reste de son visage était beau,mais il était difficile d’yprêterattentionquandonsentaitsondésirdevousdévorer.—ChefduTribunalJuanCarlos.Jefusincapabledeluidirequec’étaitunplaisirdelevoirparceque,pourêtre
honnête,ilmeterrifiait.—SecretMcQueen.Dans sa bouche, mon nom sonnait comme Mussolini ou Staline. Son
ricanements’intensifia.JereportaimonattentionverslevéritableChefduTribunalettoutematerreur
se dissipa. Je ne le trouvais pasmoins effrayant oumoins puissant,mais unepartiedesondonconsistaitàrassurertoutepersonneautourdelui.LàoùlabeautédeJuanCarlosneseremarquaitquebienaprèssamonstrueuse
cicatrice,quiconque regardaitSignepouvait s’empêcherde tomberamoureux.Jeneconnaissaispassonnomcomplet,maisjesavaisqu’ilétaitFinlandais,ouqu’ildisaitl’être.IlétaitplusâgéquelaFinlandeet,selonlui,lepaysoùilétaitnén’existaitplus.Iln’avaitjamaisprétenduêtreunVikingcommetantd’autresvampiresscandinaves.Siquelqu’unleluidemandait,illevaitlesyeuxaucieletqualifiaitlespillagesdesVikings«d’occupationnorvégienne»SigétaitégalementleseulmembreduTribunalquejevoyaisassezsouventen
dehorsdecesréunions.Dariamemontraitparfoisdel’intérêt,delamêmefaçonqu’on irait voir un chiot ou chaton pour l’adopter, mais Sig semblait meconsidérerautrementquecommeunanimaldomestiquepotentiel.C’étaitluiquichoisissaitmesciblesetc’étaitluiquim’avaitaffectéHoldenentantqu’agentdeliaison.Enraisondel’intérêtqu’ilmeportait,jel’avaissouventsoupçonnédesavoir
exactementceque j’étais,mais jen’avais jamaiseu le couragede luiposer laquestion.AulieudemelaisserintimiderparJuanCarlos,jeregardaiSigdanslesyeux.
Ilmesourit,lesourired’unhommequisaitcequ’ilveut.EntreDariaquiportaitune tenuedesoiréeCocoChanelauthentiqueetdescheveuxblondsparfaitsetlisses, et le redoutable JuanCarlosdans son costumeArmani,Signe semblaitpasàsaplace.Il était affalé sur son trône, les doigts croisés sur son ventremusclé, et ses
longues,longuesjambesétaientétiréesdevantlui.Ilavaitseulementunpantalondecuirmarron.Sespieds,commesapoitrine,étaientnus.Sapeauétaitsipâlequ’elle brillait quasiment dans l’obscurité, et ses cheveux blonds étaient assezclairs pour paraître blancs. Daria, en comparaison, avait presque l’air brune.Comme Juan Carlos, il les avait coupés court pour passer inaperçu, mais desmèchestroplonguesluicaressaientlefrontetvoilaientsesyeuxbleuglacier.—MachèreSecret.Ilparaissaitheureuxdemaprésence.JuanCarlosémitunbruitdedégoût. Il
n’avaitjamaisapprouvél’intérêtqueSigmeportait.—CommeDaria l’a dit, nous sommes très heureux que vous ayez pu vous
joindreànouscesoir.Je baissai la tête, appréciant la cadence de l’accent qui teintait sa voix
profondeetmerveilleuse. Jecomprenais,au fond,que l’effetqueSigavait surmoin’étaitpasvraimentréel.Laplupartdeleursdonspsychiquescontribuaientàrenforcerleuremprisesurleshumainsetn’avaientpasd’impactsurlesautresvampires, mais Sig était une exception. Son charme persuasif expliquait sapositiondanslahiérarchie.Lesautresvampiresluifaisaientconfiance.
J’espéraisquelaconfiancequejeluivouaisnememèneraitpasàlamort.LesouriredeSigs’estompaquandilabordalesujetdel’audience.—Vousconnaissezlaraisonpourlaquellenousvousavonsfaitvenir,n’est-ce
pas?—Hiersoir,j’aicommisunmeurtrenonvalidédansCentralPark.Jeme gardai bien d’entrer dans les détails de l’assassinat sans qu’onme le
demande. S’ils voulaient savoir quelque chose de précis, ça viendrait. Riend’autren’avaitd’importance.Interroger des gens depuis des siècles, vous apprend à obtenir l’information
dontvousavezbesoinenfournissantlemoinsd’effortpossible.—Estimez-vousquelemeurtreétaitjustifié?mesondaDaria.—Oui.—Étiez-vousendangerimmédiat?—Oui,jel’étaisetunehumaineégalement.—Oui,unehumainequiapus’échapper.Elleaparléenlong,enlargeeten
travers aux médias humains d’une femme qui l’a sauvée d’un « vampire »,intervintJuanCarlos.Siglevalamainpourlefairetaire,maisrestaaffalésursonsiège.—Jenecroispasquelesmédiasl’aientcrue,rétorquai-je.—Devons-nousrevenirsur l’incidentdumétro,Secret?Lesmédiasavaient
beaucoupdesourcesquisemblaientvraimenttrèsfiables.SigavaitdittouthautcequeJuanCarlospensaittoutbas.Je me raidis, un frisson parcourut tout mon corps. Si Sig avait soulevé
l’incidentduquaidumétro,celasignifiaitquej’avaisdesérieuxennuis.J’avaisintérêtàmetairejusqu’àcequel’und’euxmeposeuneautrequestion.—Holdennousatransmisquelquesdétailsdevotrerapport,etnousavouons
que nous sommes curieux, dit Daria, son visage de poupée de porcelainereposant sur une main manucurée. S’il vous plaît, racontez-nous ce qui s’estpassé.Jerelatai,enétant laplusconcisepossible, lesévénementsquiavaientmené
aumeurtre deHenryDavies et j’évoquai lesmarquesdemorsures que j’avais
associéesàAlexandrePeyton.LeTribunal,mêmeJuanCarlos,parutsongeuràlafindemonhistoire.Sigse
redressasursachaise,croisantlesjambesetsepenchantenavantcommepourmieuxmevoir.—Vousenêtesabsolumentcertaine?—Jelesuis.—Nousavonsdiscutédecequ’ilfallaitfaireàcesujetavantvotrearrivéeet,
commec’estsouventlecasquandils’agitdevous,MlleMcQueen,leTribunaln’étaitpasunanime.Dariaetmoiétionsd’accordpouroublierlesévénementsdelanuitdernière.JuanCarlos,commed’habitude,voulaitvousmanger.MonregardseposasurJuanCarlosetjepâlis.Touslestroissemirentàrirede
bon cœur, comme si Sig venait de révéler la chute de la blague la plus drôlequ’ilsaientjamaisentendue.Jenecomprendraisjamaisl’humourdesvampires.Sigpoursuivit:— Cependant, à la lumière de ce que vous venez de nous rapporter, nous
devronsmodifiernotrearrangement.—C’est-à-dire?J’étaisconscientequemaquestionseraitinterprétéecommedel’insolence,et
biensûr,lacolèrebrilladanslesyeuxdeJuanCarlos.Sigm’adressaunsourireroublard.—Nousavonsunnouveautravailpourvous,madélicatefleur.Dariaetluiéchangèrentunregardlourddesens.—VousalleznoustrouverPeytonetnousl’apporter.Pour le Tribunal, cet ordre signifiait que je devais leur apporter le tas de
cendresencorechaudesdeceluiquiavaitétél’undeleursfrères.Officiellement,j’étais tueuse à gages ou chasseuse de primes,mais j’avais toujours livrémesciblesdansunemballagepasplusgrandqu’uneboîteàcafé.Ilss’attendaientàce que j’élimine l’un des pires vampires que j’aie jamais connus, celui quireprésentaitleplusgranddéfidemavie?Pensaient-ilshonnêtementquec’étaitune cible comme les autres ? Tuer Alexandre Peyton était presque missionimpossible.
—Oh,et,Secret?ajoutaSig,interrompantmonmonologueintérieur.—Oui?—Nousaimerionsbeaucoupqu’ilsoitvivant.
1Enfrançaisdansletexte.
Chapitre14Avant que j’aie eu le temps d’enregistrer ce que leTribunal venait deme
dire,j’étaisderetourdanslecouloiravecHoldenetnousremontionsl’escalierhumide long d’un kilomètre.Commeune automate, jemettais un pied devantl’autre.Àl’expressionchoquéedemonvisageouàlafaçondontjetrébuchais,Holdenavaitcomprisquequelquechosen’allaitpas.Sonéternelfroncementdesourcilss’étaitintensifiéenunregardinquiet.—Secret?Qu’ont-ilsdit?— Peyton, murmurai-je, en arrêtant de marcher pour appuyer mon visage
contrelemurfroid.Lecontactdelabriquerugueusecontremajouemeramenaàlaréalité.—Jenecomprendspas.—IlsveulentquejeleurapportePeyton.Vivant.Ilarqualessourcilsetjerispresque.Ilétaitsirarequ’unvampiresoitsurpris!
Être gratifiée d’un regard alarmé était un honneur ! Dommage, ce n’était pasvraimentlemomentdejubiler!—Pourquoinet’ont-ilspassimplementtuée?Cettefois,jerisfranchement.—Etsalirleursprécieusesmains?N’est-ilpasplusfaciledem’envoyeràune
mortcertaine?Decettefaçon,ilsneserontpasdirectementresponsablesdemadisparition,maisilsn’aurontplusàs’occuperdemoncas.JuanCarlosseraravi.—Oui.Nous recommençâmes à marcher. Si vous êtes à la recherche de confort,
l’épaule d’un vampire n’est pas la meilleure sur laquelle s’appuyer. Elle est
froide.—MaisSignesouhaitepastamort,si?Holdenetmoiétionstousdeuxconscientsdel’intérêtparticulierqueSigme
portait,mêmesiaucundenousnesavaitcequeçavoulaitdireetçaneplaisaitvraimentpasàHolden.—Peut-êtrepense-t-ilquejepeuxlefaire.Je n’étais pas convaincue, mais c’était une pensée agréable, alors je m’y
accrochais.Nousn’échangeâmespasunmotsupplémentaireavantd’êtrederetoursurles
trottoirsplongésdansl’obscuritédeNewYork.—Tucroisquetuescapabledelefaire?Unbeauvotedeconfiancedelapartdemonagentdeliaison!Maisilavait
desraisonsd’avoirdesdoutes.J’enavaisaussi.—Jenesaispas,soupirai-je.Nous étions arrivés dans une rue plus animée et nous nous tenions debout
devantuneboutiquedeluxeduquartierdeSoho.Continuernotreconversationallaits’avérerdifficileavectouteslesBarbiesmannequinsqui,chargéesdeleurssacs de shopping, se retournaient pour reluquer Holden. De plus, j’avais unrendez-vous,etcommeparhasard,nousn’étionsqu’àquelquesruesdel’HotelRain.—Onpeutendiscuterplustard?Tudois,euh,tenourrir?dis-jeenfaisantun
signedetêteversunebruneenpleinesantéquiétaitpasséedevantnousetquiluiavaitlancéuneœilladepastrèssubtile.Etj’aiunrendez-vousenfait.Jefisunepauseavantdebafouiller:—Peut-être.Enfinjesupposequec’enestun.—Avecleroidesloups?Je m’arrêtai brusquement au milieu du trottoir et une armoire à glace me
percuta.Holdenme contourna enmarmonnant quelque chose comme« quelleidiote!»Jebraquaimonattentionsurluietjelefoudroyaiduregard.—Tum’assuiviehiersoir?—Aprèsavoirreçutonmessage,oui.
—Ettun’aspaspenséà,oh,parexemple,m’aiderquanddesétrangersm’ontjetéedansunevoiture?— C’était juste des loups-garous. Tu allais bien, répliqua-t-il
dédaigneusement.Jeluigrognaidessus,unsonsiinhumainqu’ilnepouvaitprovenirquedema
moitiéloup.Holdenseraiditetreculad’unpas.Entendrecesonanimaljaillirdemabouchelemitmalàl’aise.—Jenesuispastongardeducorps,jesuistonagentdeliaison,etparfoisje
penseêtretonami.Maisnemefaispascroirequetun’auraispasétéencolèrecontre moi si je t’avais sauvée de manière inopportune comme un preuxchevalier. Comme tu aimes si bien l’affirmer, tu es parfaitement capable deprendresoindetoi.J’aiestiméquetun’étaispasendangeretj’avaisraison.Ilfitungestedansmadirectionpourmontrerquej’étaisvivanteetquej’avais
l’aird’allertrèsbien.Nous nous observâmes un moment, plantés au milieu du trottoir. Les
personnes qui nous contournaient auraient pu nous prendre pour un couple deNew-Yorkaisenpleinequerelleamoureuse.Sij’avaisrécoltéundollaràchaquefoisque lesgensavaientpenséqu’onétaituncoupleencrise, j’auraisdequoim’acheterunplusbelappartement.Aprèsunlongsilenceetconsidérantvisiblementqu’ildevaitparlerenpremier,
Holdens’essayaàdesexcuses.—Jesuisdésolé?Celaressemblaitplusàunequestionetjedoutaidesasincérité.—okay.Situledis.Jeluifisunsignedelamainetjeprislechemindel’hôtel.Ilnemesuivitpas.J’avais été contente d’avoir enfilé une tenue un minimum habillée pour
rencontrer leTribunal,mais jeregrettaidenepasavoirapportéunsacàmain,des talonsou toutautreélémentqu’unefillenormaleporteraitpourunrendez-vous.Est-cequeLucaspenseraitquejeleméprisaisparcequej’avaisoptépourunepairedejeanetdesballerines?
Jemerappelaiquelapremièrefoisqu’ilm’avaitrencontrée,j’étaisbeaucoupmieuxhabilléequeça.Sinousétionsvraimentdesâmessœurs, ilallaitdevoiraccepterquejenesoispaslegenredeprincesseenrobedebalettalonsaiguillequ’ilimaginaitpeut-être.Une princesse,moi ?MonDieu, ça faisait beaucoup de choses à encaisser.
Peut-êtrequej’auraisdûdireàHoldenquejefaisaispartied’unefamilleroyaledeloup-garou?Zut,j’auraispeut-êtremêmedûledireauConseil.Ohhé,Sig,jesaisquetuveuxm’envoyeràunemortcertaine,maisjustepourtagouverne,jesuis àmoitié loup-garou et je suis uneprincesse, alorsmontre-moi unpeuderespect!Super,çaseseraitvraimentbienpassé.Jeprofitaidu faitd’être seulepourexaminer lehallde l’hôteldeLucas.De
l’entréeprincipale,deuxcouloirspartaientdansdeuxdirectionsdifférentes,l’unmenantàunspaderenomméeinternationale,l’autreàunrestaurantjaponais.Aucentre trônaitun lustreencristal sculptéqui semblaitpeserplusieurscentainesdekilos.Dechaquecôtésetrouvaitunlustreassortienquartzfuméetplusloin,à l’extrémité de chaque couloir, des lustres en obsidienne complétaientl’ensembletricolore.Les murs intérieurs scintillaient comme s’ils étaient vivants, les lumières
dansaientsurlasurfacemouvantedescascadesquisedéversaientsurlemarbrenoir.Danschaquesalle,àintervallesréguliers,étaientdisposéesdescolonnessurlesquelles il y avait de grands bouquets de fleurs exotiques. Dans un coin, àl’abri des regards, quelqu’un jouait de la harpe. Tout était fait pour attirer lessens, et je m’en imprégnai afin d’apaiser mes nerfs tourmentés avant de medirigerverslaréception.Mon nouvel état zen s’évapora quand je réussis à attirer l’attention du
réceptionniste. Je l’informai que je venais rendre visite à M. Rain dans lepenthouse. Il jeta un coup d’œil àmon jean et àma queue de cheval : ilmedétaillaavectelledésapprobationquesamâchoireentomba.Grand-mèreauraitditqu’ilrisquaitdegoberunemouche.— Et qui êtes-vous ? s’enquit-il, chacun de ses mots dégoulinant de
condescendance.Il n’était pas vraiment humain, mais ce n’était pas un loup non plus. Son
odeur,commesoncomportementmerappelaientceuxd’unfuret.Quoidire?Quej’avaisrendez-vousavecLucas?Quej’étaissonâmesœur?
Sondîner?—Jem’appelleSecretMcQueen.Il leva les yeux au ciel avant de décrocher le téléphone à côté de lui et de
presserungrosboutonrouge.Sonbadgeindiquaitqu’ils’appelaitMelvin,etjedécidaidemesouvenirdesonnom.Toutcommejesavaisqu’ilsesouviendraitdumienaprèscesoir.—Ilyaunefemmeiciquiprétendqu’elleestlàpourvoirM.Rain.Elledit
quesonnomestSecretMcQueen,et…Ilécoutaunesecondeetpuistouteslescouleursdésertèrentsonvisage.—Oui,M. Alvarez. Toutes mes excuses. Oui, je veillerai à ce que tout le
mondeàlaréceptionsoitaucourant.Ilraccrochaetinclinalatêtedansmadirectionenunesortedeminirévérence.— Mlle McQueen, veuillez m’excuser pour ma grossièreté. Vous devez
comprendrequ’ungrandnombredefemmestententderendrevisiteàM.Rainsansyêtreinvitées.—Vousfaitesjustevotreboulot,Melvin.Jesuissûrequeçanesereproduira
plus.—Non.Absolumentpas.Ilfitglisserunecartenoiresurlebureau.—C’est une carte d’accès à l’ascenseur.M.Alvarez est en routepourvous
rejoindre,ilvousaideraàprogrammeruncodepourquevouspuissiezatteindredirectementlepenthouse.Jene savaispas exactementqui étaitM.Alvarez,mais jepris la cartede la
maintremblantedeMelvin.—Merci.L’ascenseursonnaderrièremoietjemeretournaipourvoirDesmondensortir.
Il portait un pull gris et un pantalon kaki très bien ajusté. Ses cheveux noirs
étaient ébouriffés, et il n’avait pas l’air contentd’êtredans lehall de l’hôtel àneufheuresdusoir,unjeudi.Surtoutpasavecmoi.—Secret,mesalua-t-ilavecunhochementdetête.Alorsmaintenant,ilm’appelaitparmonprénom?—Desmond.—Melvint’abienremisunecarted’accès?—Toutàfait.—Etj’espèrequ’ilt’aprésentésesexcuses?Il jeta un regard lourd de sens à l’homme à la réception. Melvin détourna
lâchement lesyeux, et jenepus l’enblâmer.Desmondétait intimidant,mêmeavecsescheveuxendésordrecommes’ilvenaitdesortirdulit.—Oui,ilmelesaprésentées.—Bien.Suis-moi.Unefoisdansl’ascenseur,ilglissamacartedanslafenteetmefitchoisirun
codeàquatrechiffres.Ilm’expliquaquec’étaitdésormaislamienneetqu’ellem’accordaitunaccèsdirectauxétagesdesappartements.Jesavaisquecelaneluiplaisaitpas,carils’empressad’ajouterquemacarteetmoncodepourraientêtreannulésàtoutmoment.Dans le silence qui suivit, il y eut un changement impossible à ne pas
remarquerdans l’atmosphèrede l’ascenseur.Cen’était pasqueDesmondétaitplus détendu, ou moi, moins méfiante, mais j’avais de nouveau la sensationqu’une saveur inconnueéclataitdansmabouche.Audébut, jecrusquec’étaitparcequenousnousrapprochionsdeLucas,maisjemerendissoudaincompteque cette saveur était complètement différente. Au lieu du goût capiteux decannellequeLucaslaissaitsurmonpalais,jesentisquelquechosedeplusfort,pluscitronné.Ducitronvert.C’étaitlasaveuracidedescitronsverts,etcelanepouvaitvenir
que de Desmond. Je ne savais pas comment l’interpréter et je ne savais pascommentluidemandercequeçasignifiait,alorsjedécidaiplutôtdechangerdesujet.—Quelgenredemétamorpheestleréceptionniste?
—Ah,tul’assenti.Celasemblalemettredemeilleurehumeur.—Melvinestunfuret.Jelaissaiéchapperunrirefortetbref.—C’estun«putois-garou»!Desmond dut trouver ça assez drôle, parce qu’il gloussa, un rire rauque et
agréable.—Oui,jesupposequ’onpourraitledirecommeça.Latensionsedissipapendantquenouspassionsduhallaupenthouse.—Ilt’attend.Desmondfitungestedelatêteversl’escalierencolimaçon.Ilmepoussaen
avantetjenepusm’empêcherderemarqueràquelpointsamains’attardaitunpeu plus longtemps que nécessaire dans mon dos. Je me retournai pour voirl’expression de son visage et trouver une explication à son geste, mais ils’éloignaitdéjà.L’éclatsubtilducitrondiminuaitàchacundesespas.Était-ceuntrucdeloup-garoudelaisserdesgoûtsdanslabouchedesautres?
Non, c’était impossible. J’avais été auprès d’autres loups et n’en avais jamaisgoûtéunseulavantdecroiserLucasdanslaruelanuitdernière.C’était déconcertant. Lucas m’avait dit que c’était une indication du lien
d’âmequejepartageaisaveclui,alorspourquoipouvais-jegoûterDesmond?Iln’étaitcertainementpaspossibled’êtreliéàdeuxpersonnes.Etpourquoiest-cequej’avaissoudainenvied’unemargarita?Il semblerait que chaquemoment passé avecLucas et les loupsm’apportait
unedouzainedenouvellesquestions.
Chapitre15JetrouvaiLucasaumêmeendroitoùje l’avais laissé lanuitprécédente.La
veille,ilétaitpiedsnusetportaitunjean,cejour-là,ilavaitenfiléunpantalond’un gris exquis qui était de la même couleur que le pull de Desmond. Jem’arrêtai pour admirer la façon dont le tissu moulait ses fesses. Je voulaisféliciterletailleurquiconfectionnaitlespantalonsdeshommesdecettemeute.Sij’avaisétéunfélin,j’auraisronronné.Jelaissaiéchapperunsoupirnerveux.Ilseretournapourmeregarderetmesouritde toutessesdents :sonsourire
étaitlumineux.SachemisenoireàmancheslonguesavaitunlégercolenVquim’offraitunevuepleinedepromessessursapoitrinelisse.—Jenesavaispassituallaisvenir.—Ehbien,j’aipenséqu’ilfallaitquejevoiecommenttuesquandtuneme
kidnappespas.Jenepusm’empêcherdeluisourire.—Hum.Jejetaiuncoupd’œilpar-dessusmonépaule,inquiètequeDesmondjaillisse
derrièremoi.Iln’étaitpaslà.—PourquoiDesmonda-t-illegoûtdesgrandesvacances?Lucas se tenait près de la grande cheminée, il fronça tellement les sourcils
qu’ilsserejoignirent. Il fut lentà réagiret lechocquis’affichasursonvisagesonnaitfaux.Intéressant.—TupeuxsentirlegoûtdeDesmond?Toutcommeturessenslemien?—Oui.Mais,toi, tuaslegoûtdeNoël.Decannelle.Desmondaungoûtde
citronvert.
Jemepassailalanguesurl’arrièredesdents:jevoulaischasserlasaveurdeDesmondquis’étaitattardée.Lucasfronçalessourcils.—Commec’estétrange.Lamanière dont il prononça cesmotsm’indiqua une nouvelle fois quema
révélationnel’avaitpassurpris.—Qu’est-cequeçaveutdire?Sonvisage se détendit et il agita unemain en l’air commepour balayerma
question.—Çan’apasd’importance.Justeunebizarrerie,riend’inquiétant.Ils’éloignadufeuetvintseplacerdevantmoi.Ilposasesgrandesmainssur
matailleetjelelaissaifaire.J’étaisconvaincuequ’ilmecachaitquelquechose,maiscequis’étaitpasséavecDesmondnevalaitpaslecoupquejemecreuselesméningesàcemomentprécis.—Tuesravissante.Ilétaitdenouveautoutsourire.—Toi,alors!LegoûtdeDesmondavaitdisparuet j’avaismaintenant l’impressiond’avoir
sucédesbonbonsàlacannelle.JemedemandaisiêtreprèsdeLucasallaitmedonnerunehaleineplusfraîche.Jemedemandaiégalement,si,enl’embrassant,j’allaissentirlegoûtquemoi
j’avaispourlui.Est-cequejepourraisboiremapropresaveurcommedupetit-lait en faisant jouer ma langue avec la sienne ? Sans aller au bout de cesréflexions,jememissurlapointedespiedsetcomblail’écartquinousséparait.Je n’étais pas consciente d’avoir pris la décisionde l’embrasser,mais soudainmeslèvresétaientplaquéescontrelessiennes.Monattitudeinattenduelesurprit,ilhésitauneseconde.Jecommençaialorsà
m’écarter,lesjouesrouges,etjemarmonnai:—Pard…Ilnemelaissapasl’occasiondefinirmaphraseetm’attirabrusquementtout
contrelui.Pendantqu’ilm’embrassait,jeflottaiausenspropreduterme–ilétait
sigrandquemesorteilsnetouchaientpasleparquet.Sij’avaisétéhumaine,laforcedesonétreintem’auraitfaitsuffoquer.Mais jen’étaispasaussi fragile. Jepassaimesbrasautourde sesépauleset
j’entrouvrisleslèvrespourrépondreàlasupplicationdesalangue.Sesmains glissèrent plus bas et empoignèrentmes fesses pourme soulever
complètementdusol.Jerépondisàsonardeuravecuneréceptivitéinhabituellechezmoienenroulantmesjambesautourdesataille.L’intensitédenotrebaiserredoubla. Nos bouches étaient plaquées et sa langue frôlait la mienne ; jechavirai, tous lessensenalerte.Sesmainsbougèrent,pressant fermementmescuisses,etmesbaisers répétésetavides lesupplièrentdecontinuer.Saboucheavaitungoûtsucré,ladouceurdelabarbeàpapaoudelaguimauvegrillée.Cegoûtétaitlemien.Unesensationpuissantenaquitaucreuxdemonestomacetsedéployaetprit
de l’ampleur.Une chaleur liquide se répandit dansmon corps, partant demesentraillespourmerempliretfairecrépiterchaquecentimètrecarrédemapeau,jusqu’àmenacerdedéborder. Jememisàgémir,nosbouches toujourscolléesl’uneàl’autre.Sousmesmainsetcontremoncorps,jesentaislapeaudeLucass’embraser.
J’étaissûrequ’unincendiesedéclaraitpartoutoùonsetouchait.Ilgrogna,maisçan’avaitrienàvoiraveclapeur.Mes jambes étaient nouées autour de sa taille et à travers nos couches de
vêtements, je le sentais prêt à aller plus loin. Je me demandai quel effetproduiraitsachaleurs’ils’enfonçaitenmoi.Àbout de souffle, jem’arrachai à sonbaiser, les paumespressées contre sa
poitrine.Mesjambesétaienttoujoursenrouléesautourdeseshanches,j’étaissitremblantequejenebougeaipas,sesbrasmeretenantparlataille.Monsouffleétaiterratiqueetjeprisdeprofondesinspirations,incapabledeleregarderdanslesyeux.Iln’étaitpasprêtàabandonnersaquêteduplaisir,saboucheexploraitmon cou, m’embrassant, me léchant… Je l’attirai plus près, et on allaits’étreindreànouveauquandsesdentseffleurèrentmoncouetserefermèrentsurmapeaulisse.
Mon pouls s’accéléra et une sensation familière apparut : mes crocss’allongeaient et s’aiguisaient.Mon côté vampire était bien réveillé ce soir, ilavait décidé que le moment de faire une apparition publique était venu. LesmâchoiresdeLucasseserrèrentimperceptiblement.J’émisunpetitbruitanimalquimefitreveniràlaraison.—Arrête.Iln’yavaitnihésitationni incertitudedansmavoix.Mesyeuxétaient rivés
sursoncou,ettoutàcoup,lesexen’étaitplusmapriorité.Maisquandj’aperçuslegrandlit,jeréalisaiquemalibido,contrairementàmonbonsens,n’étaitpasdisposéeàs’arrêter là.J’étaispartagéeentrel’enviedeledévoreret l’enviedemelaisserdévorerd’unetoutautremanière.Ilréponditimmédiatementàmoninjonction,relâchamoncouetmereposaau
sol,pantelante.—Waouh,murmurai-jeunefoisquej’eusreprismarespirationetrétractémes
crocs.Justewaouh.Ilseléchaleslèvres,etjeremarquaiquesesirisn’étaientplusbleus.L’anneau
d’orautourdesapupilleavaitdoublédevolumeetsesyeuxn’avaientplusl’airhumain.—Jenem’attendaispasàça,dit-ild’unevoixrauque.Monloupenmois’assoupitànouveauetmapeauretrouvasatempératureet
sacouleurnormales.Auparavant,jamaislesdeuxmonstresquejeportaisenmoine s’étaient réveillés en même temps. Le loup avait voulu s’accoupler, levampiresenourrir,etlesdeuxdésirss’étaientfondul’undansl’autre.—Jesuisdésolée.Unenouvellevaguedechaleurfits’empourprermesjoues.—Pourquoidiableserais-tudésolée?—C’étaittrèsinapproprié.Ilrit.C’étaitunrireexubérant,éclatantethonnête.Ilpassaunbrasautourde
moietjetressaillisavantderéaliserqu’iln’yavaitaucuneconnotationsexuelledanscegeste.—Situnel’avaispasfait,jel’auraisfait.Lesimplefaitd’êtredanslamême
piècequetoimedonnelevertige.—Moiaussi.Aulieude«vertige», ilaurait toutaussibienpudire«unesacréegaule»,
maissaformulationétaitpluspolie.—Tut’yhabitueras.—J’espèrequenon.—C’estcommeçaqueçadoitêtreentrenous.Existe-t-ilunemeilleurepreuve
quenoussommesfaitsl’unpourl’autre?—Jenesaispassil’envieirrésistiblededéchirertesvêtementsetd’abuserde
toiestvraimentlapreuvequenoussommesdesâmessœurs.Jeréussisàsourire.Jen’étaistoujourspasconvaincuequenousétionsdestinés
àêtreensemble,mais jedevais reconnaîtrequenotreconnexionphysiqueétaitextraordinaire.—J’espèrequeçaneterendpasfrileuseàl’idéededîneravecmoi.—Non.Jememordislalèvre,perduedansmespensées.—Maissiçanetedérangepas,j’aimeraisvraimentmangerdehors.Jeregardaiverslaportepournepasavoirlelitdansmonchampdevision.—Tunemefaispasconfiance?—Jenemefaispasconfiance.Iln’yavaitriendeplusvrai.—Ceseraitplussûrqu’onsoitséparésparunetable.J’eusunflashdeluientraindemerenversersurunegrandetableetd’arracher
machemiseàmainsnues.Jedétournailatête.—Situpensesqueçavat’aider.J’entendisdanssavoixqu’ilavaitpenséexactementàlamêmechose.
Chapitre16L’atmosphère dans l’ascenseur était silencieuse et tendue. J’étais coincée
entreLucasetDesmond,etçacréaitunecombinaisondesaveursbizarresdansma bouche. À droite de Desmond se trouvait le loup-garou blond. Il ne medépassaitquedequelquescentimètres,etilavaitl’airpetitencomparaisonavecles deux autres qui mesuraient plus d’un mètre quatre-vingt. Le mélanged’excitationetdegênequejeressentaisàcausedemonrendez-vousavecLucasm’avaitfaitoubliersonnom,maisilseprésentaunedeuxièmefoiscommeétantDominick. Il avait le sourire insouciant et les yeux brillants d’un rebelle. Jel’appréciaiimmédiatement.Desmondétaitredevenuhargneuxetfixaitlesportesdel’ascenseuravecune
minerenfrognée.Sescheveuxétaientpluslongsàl’avantqu’àl’arrière,etillesrepoussait constamment hors de ses yeux.Bienmalgrémoi, je décidai que lafaçondont sesyeuxseplissaientde frustrationétaitplutôt sexy.Qu’est-cequin’allaitpaschezmoi?Alors que je contemplais le profil deDesmond,Lucas pritmamaindans la
sienne.Normalement,jedétestaistoutemanifestationpubliqued’affection,maisjenelaretiraipas.Nousn’étionspasvraimentuncoupleetc’étaitétrangequejeluipermetteun
telgeste.Maisjenepouvaisnierquej’aimaislasensationdemamaindanssagrandepaumechaude.Noussortîmes,pasauniveauduhall,maisausous-sol.Leparkingétaitéclairé
par des halogènes, ce qui lui donnait une teinte bleue et froide qui contrastaitaveclalumièrechaudedel’hôtel.Leszonesd’ombresétaientnombreuses,des
endroits idéauxpour secacher.EnsortantduTribunal, j’auraisdûpasserchezmoiafinderécupérermonpistolet.Lesarmesétaientinterditesàl’intérieurduquartiergénéralduConseil.J’avaistoujourspenséquec’étaitunemesureinutileétantdonnéquelesvampirespouvaientêtreconsidéréseux-mêmescommedesarmes.Une limousine noire vaguement familière nous attendait. Cette fois-ci,
Dominickm’ouvritlaportièrepourquejepuisseentrerdemoi-même,plutôtqued’yêtreforcée.Jem’assisassezloindeLucaspourlaisseruneplaceentrenous,et je regardai la rue défiler à travers la vitre teintée pendant que nous nousenfoncionsdanslanuitpâle.J’étaismal à l’aise et ça n’avait rien à voir avecmon loupou cequi s’était
passéentreLucasetmoiàl’étage.LevisagedeSignesortaitpasdemonespritet je n’arrêtais pas de l’entendre dire « nous aimerions beaucoup qu’il soitvivant».J’aimerais faire une croisière vers la République dominicaine et bronzer.
J’aimerais ne pas avoir àmaîtriser unmonstre quimenace de sortir demoi àchaquepleine lune. J’avais autantdechancesde réaliserundecesdeux rêvesquedecapturerAlexandrePeytonvivant.Cequiremitsurletapisunequestionlancinante:qu’est-cequepouvaitbien
faire Peyton ici ? Sa vendetta contre moi devait passer au second plan parrapportàcequil’amenaitàNewYork.C’étaitunfaitqueKeatyetmoiavionsétablilaveillelorsdenotrediscussionpost-mortemquotidienne.Peyton n’aurait pas rampé hors du rocher sous lequel il se cachait àmoins
d’avoir une sacrée bonne raison. Il était vieux et intelligent, et un vampiren’atteignaitpascetâgesansunfortinstinctdesurvie.Unrenégataussirenomméque lui en promenade dans la ville sur laquelle trois des vampires les pluspuissants desÉtats-Unisd’Amérique régnaient ?C’était plusquede la simpleaudace,c’étaitunedéclarationdeguerre.Mais je ne savais toujours pas pourquoi cette guerre menaçait d’éclater.
J’auraisaussiaimésavoiroùsesituait«TuerSecretMcQueen»sursalistedeseschosesàfaire.
Lucas, en gentleman, me laissa me noyer dans toutes ces questions sansréponsespendantquenousroulions.Puisilmeposaunemainsurlacuisse.—Secret?Jedétournaidelavitreetdemesdivagationspourleregarder.—Nousysommes.Nous étions devant un club connu sous le nom de Chameleon Lounge. En
fonctionducercleauquelvousapparteniez,vous saviezquec’était laboîtedenuit la plus en vogue deNewYork, ou alors vous n’en aviez jamais entenduparler.LeChameleonLoungeétait gérépardes loupspourdes loups, et comme le
quartiergénéralduConseil, leshumainsnepouvaientpasvoir le club sous savéritable apparence. Pour les yeux humains, le bâtiment était si délabré quemêmelesclochardsrefusaientd’ydormir.Pourlesloups,c’étaitunendroitchicetsomptueuxoùilétaitdebontond’aller.SiLucasm’amenaitlàlorsdenotrepremierrendez-vous,çavoulaitdirequ’il
n’avaitpastrophonted’êtrevuenpublicavecmoi,cardînericiéquivalaitàuneannoncepublique:lelendemain,touslesloupsdeManhattanseraientaucourantpournous.Jecommençaiàmesentirnerveuse.Jem’attendaishonnêtementàcequenous
dînions dans un bon vieux restaurant d’humains. L’un des endroits où il avaitdéjàbuetmangéavecdesmannequinsetdesstarsdecinémapourleplusgrandplaisir des amateurs de potins. Une part demoi avait espéré que l’édition duweek-enddePageSixlasurnomme«Mystérieuseblonde».C’étaitdusérieux.Passeulementnotrerelation.Çasignifiaitquej’étaissurle
pointdefairel’étalagedemonstatutroyalrécemmentdécouvertdansunesallepleine de loups au sang noble. À l’intérieur du club, le nom Secret n’avaitprobablement aucune importance,mais le nomdeMcQueen, oui.Et unLucasRainquiyentraitavecuneMcQueenàsonbrasn’étaitpasanodin.Toutlemondedansleclubenconnaissaitplussurleliend’âmequemoi,donc
mêmesijenelecomprenaispas,lesensprofondseraitévidentpoureux.J’évitais de passer du temps avec les loups-garous parce que, tout comme
Lucasl’avaitfaitlaveille,ilspouvaientsentirlamortsurmoi.Pourlui,c’étaitune conséquence de ma carrière professionnelle, et il l’avait acceptée, maisquelleconclusionentireraitunesallepleined’étrangers?Etcombiendetempsfaudrait-ilavantquequelqu’uncomprennelasignificationdecetteodeurquimecollaitàlapeau?Je ne croyais pas quemonhistoire avecLucas irait au-delà demapremière
pleineluneaveclui.Quandilconstateraitquejenemechangeaispasenloup,ilenauraitfiniavecmoi.Iln’yavaitaucunechancequeçapuissefonctionner.Ilcommençaàsortirdelavoitureetj’attrapaisonbras.Ilmelançaunregard
interrogateur.Sesyeuxbleusbrillaientàcausedel’éclairageduvéhicule.—Tuneveuxpasallerailleurs?ÀNobuouunautreendroit?Je savais qu’aucundenousn’aimait les sushis, les loups avaient tendance à
préférerdesrepaspluscopieux,maisjemangeaissirarement–lapochedesangduStarbucksalternatifdeCalliopenecomptaitpas–que j’avaismentionné lepremierrestaurantquim’étaitvenuàl’esprit.Ilsouritetmetapotalamaincommesi j’étaisuneenfantnerveuse.Legeste
étaitplutôtcondescendant,maisjedoutaiqueçasoitvoulu.—Jesaisque tudoisavoir l’impressionque je te jetteà l’eau justeaprès ta
première leçondenatation,mais fais-moi confiance,– il soulignacesderniersmotsenmepressantdoucementlamain–c’estmieuxainsi.L’estomac retourné, je le laissai me guider hors de la voiture. Dominick
maintintlaporteouverteetm’adressaunsourirepleindesous-entendus.C’étaitunloupetilétaitaussiprochedemoiqueLucasouDesmondl’avaitété,maisilneme laissaitpasdegoûtdans labouche.Çaconfirmaceque jem’étaisditàl’hôtel.Lesautresloups-garousnemefaisaientpaslemêmeeffetquecesdeux-là.Desmondattendaitprèsdesportesd’entrée,etquandil lesouvrit,unevague
de chaleur et de bruit s’abattit sur la fraîche soirée de printemps. Tenant mamain,Lucass’avançaetentradansleclub.Pendant quelques secondes, la peur me coupa la respiration. Ma capacité
pulmonaireétaitbiensupérieureàcelledelaplupartdesfillesdematailleetcefut ce qui m’empêcha de devenir bleue et de m’évanouir. Un des nombreuxavantages de ne pas être humaine. Je devais admettre,malgrémes réserves etmesplaintesausujetdecequej’étais,qu’ilyavaitcertainsà-côtés.Malheureusement, aucundecesavantages,devampireoude loup-garou,ne
pouvaitmesortirdecettesituation.Lasensationuniqued’êtreprèsd’unloup-garouétaitamplifiéeparlaprésence
detantdeloups-garousréunisdanslamêmepièce.Labêteenmoifutsubmergéepar la chaleur et la sécurité de cet endroit qui s’apparentait à un foyer. Jefrissonnaiettouslespoilsdemoncorpssedressèrent.Jamaisjen’avaisressentidesensationplusbouleversanteetélectrique.Jeladevaisàlaproximitédetantdepersonnesquipartageaient lamoitiédemoncurieuxhéritage.Quandj’étaisavec des vampires, il y avait un silence froid. Être parmi les loups, c’étaitcommetomberdansuncocondefourruresetdefilssoustension.Jevoulaisfrottermonvisagecontrel’énergiepalpabledecettepièce.Je voulais aussi vraiment me presser contre Lucas. Oh la la, il n’avait pas
plaisanté quand il avait utilisé cette métaphore du saut dans l’eau. J’avaiscommencé à faire courir ma main le long de son bras et je dus me forcer àinterrompremongeste.Jefourraimamainlibredansmapochepourl’empêcherde trembler. Que m’arrivait-il ? Un jour avec les loups et déjà mon contrôlem’échappait.Çamefaisaitpeur.Le vacarme dans la pièce semua en un silence demort et tous les regards
convergèrentversnous.Une belle femme aux cheveux rouges, frisés et vigoureux, vint dans notre
direction. Elle portait une robe moulante violette qui soulignait ses courbesplantureuses. Ses talons de quinze centimètres de haut donnaient l’impressionquesesmolletsavaientétésculptésaurasoir.Avecunerobeaussiajustéeetdestalonsaiguille,n’importequellefemmeauraitétécataloguéedanslegenre«soisbelleettais-toi».Cettefemme,avecsoncorpsaudacieux,s’approchadenousd’unedémarche
qu’onpouvaitaisémentqualifierd’animale.Ellesemouvaitavecunegrâcequi
auraitrendudestopmodelsfollesdejalousie.—Lucas.Prononcé avec cette voix douce et rauque, son nom sonnait comme un
ronronnementdélicat.Mêmemoi, j’avais envie de coucher avec elle.Comment pouvais-je espérer
mecompareràelleourivaliseravecquelqu’unquiincarnaitlesexe?Lucasluifitunsignedetêteetmeplaquacontreluienpassantsonbrasautourdematailled’un geste possessif. Les yeux de la rouquine étaient d’un vert vif qu’unmaquillagedanslestonsvioletfumérendaitplusdoux.Ilsnemequittaientpas.—Geneviève,ditLucas,voiciSecretMcQueen.J’aurais aimé prendre une photo de la façon dont ses sourcils parfaitement
dessinéss’étaientbrusquementrelevés.J’avaiseuraisondem’attendreàcequemon nom fasse son petit effet. C’était agréable qu’il n’ait pas la mêmesignificationiciquedansunbardevampires.Genevièvem’observaavecincrédulité,puisunsouriresepeignitsurseslèvres
rouges.—Leroidesloupss’est-iltrouvéunereine?Lafaçondécontractéeetpresquetaquineaveclaquelleelles’adressaitàLucas
étaitun signeclairqu’ellen’étaitpasun loup, etdoncqu’ellen’étaitpas soussonautorité.Je n’avais pas souri en retour. Je n’arrivais pas vraiment à comprendre
pourquoi, mais elle me mettait mal à l’aise, surtout quand elle me jaugeaitcommesij’étaisunnouveauplatsurlacartedumenu.Peut-êtrequejen’avaisaucuneraisondecraindrequ’ellepuissemepiquerLucas.Jen’aimaispasnonplussamanièrededire«reine».Sontonn’avaitriendespécial,maisrienquelemotmedonnaitdesfrissons.Letitrede«reine»quiétaitinclusdansmonnomdefamillemesuffisaitamplement1.L’attentiondechaqueloupdanslapièceétaitfocaliséesurnous,attendantla
réponsedeLucasàlaquestionquivenaitdeluiêtreposée.—Secretetmoisommesliésparnosâmes,annonça-t-il.Illeditd’unemanièretellementofficiellequepersonnen’auraitétésurprissi
quelqu’un avait ajouté : « vous pouvezmaintenant embrasser lamariée ». Unmurmureserépanditdanslapièce.— Elle est une McQueen et a une place légitime comme chef de meute.
Cependant, comme nous venons tout juste de commencer à nous fréquenter,parlerd’ellecommelanouvellereineestunpeuprématuré.Ilritetlesloupsdel’assistancefirentpolimentdemême.C’étaitonnepeutplusétrange.—Jem’attendsàcequeceuxquimeserventlatraitentaveclerespectqu’ils
doiventàuneprincessecourtiséeparleurroi.Son tonnecontenaitaucune tracedeplaisanterie,mais jedevais reconnaître
qu’êtrequalifiéedeprincesseàhautevoixmedonnaitvraimentenviederire.Ilétait très sérieux et je savais que chaque loup dans la pièce respecterait savolonté.IlreportasonattentionsurGenevièvequipatientait.—Lasalleprivée,s’ilvousplaît.—Biensûr.Quandellenous conduisit jusqu’à lapiècebondée, elle sedéplaça avecune
telleaisancequ’ellenefrôlapersonne.J’étaisprêteàparierqueGenevièveatterrissaittoujourssursespieds.
1McQueenestlenomdefamilledeSecret,et«queen»veutdirereineenanglais.
Chapitre17Pour le dîner, on nous avait servi des steaks de bœuf deKobe de la taille
d’une assiette.Chaque pièce devait coûter plus que ce qu’une famille de cinqpersonnesdépensait enmoyennepourundîner, et, bon sang, que cetteviandeétaitdélicieuse!Ausenspropre.J’étaisassise,lesyeuxfermésetj’avaissucélejusdechaquebouchée.Çan’avaitpeut-êtrepasétéaussisatisfaisantquedusangfraisetchaud,maisl’offrandeavaitfaitplaisiràmamoitiéloup-garou.J’étais immergéedans ladouceurdubrouillardpourprequi suitunexcellent
repas,maisaufonddemoi,monestomacgrondait:ilréclamaitunsupplément.Pour le moment, je n’avais d’autre choix que d’ignorer cette envie ; je mecontenteraisd’unencasdesangABpositifenrentrantchezmoi.—C’étaitlemeilleursteakquej’aijamaismangé.Jedétachaichacundemesmotspouraccentuermonpropos.Lucasposasaservietteetgloussa.—Jenesuispassûrqu’onpuissequalifierçadesteak.C’étaitencorede la
vachecrue.—Alorsc’étaitlameilleurevachequej’aijamaismangée.Desmond,quiétaitinstalléàunetableprèsdelaporteavecDominick,sourit
demanièreplusdétenduequed’habitude.Sonsourireétaitsifrancquecelamesurprit,maisils’estompadèsqu’ils’aperçutquejel’observais.Jeneparvenaispasàcomprendrepourquoiilmedétestaitautant.Était-cema
simplicité qu’il n’estimait pas digne d’une princesse ou d’une reine ? Je nepensais pas que le respect des convenances soit lemême pour la royauté des
loups-garous que pour les royautés humaines. Surtout que la Reine Mère nerisquaitpasdesedéshabilleràlapleineluneetdecourirsauvagementavecsespetits-fils.J’avaisapprisquej’étaisuneprincessemoinsdevingt-quatreheuresplustôt,etpersonnenem’avaitexpliquécequ’onattendaitdemoi.Engrandissant,laseulechosequemagrand-mèreavaitexigéedemoiétaitde
survivre.J’étaisnéedanslesuddelaLouisiane,quipeutpresques’apparenteràunepéninsule tant elle est auboutduboutdu suddesÉtats-Unis.Ellen’avaitrévélé à Elmore que les informations qu’elle estimait nécessaires pour meprotéger de la meute. Je ne savais pas s’il était au courant de tout, mais ilsuffisait qu’il respecte notre vie privée et s’assure que les autres en fassentautant.Quandilmourut,grand-mèreétaitconscientequenousn’étionsplusensécurité en restant si près de la meute. Elle avait laissé ses trois enfants, ycompris son fils adolescent, et nous avait fait quitter la Louisiane. Plus tard,quand ellem’avait expliqué pourquoi nous avions été obligées de déménager,ellenem’avaitrienracontésurl’organisationdétailléed’unemeute.Sachantqu’Elmoreavaitétéroietqu’ilavaittransmissacouronneàsonfilsà
peinemajeurplutôtqu’àsafilleaînée–Mercy,mamère–ouàsacadette,matanteSavannah,lesproblèmesseprofilaientàl’horizon.Grand-mère m’avait d’abord emmenée en Caroline du Sud, où nous étions
restéesjusqu’àmesquatreans,avantdedéciderquenousétionsencoretropprèspourêtreensécurité.Ensuite,nousavionscomplètementquitté lesÉtats-Unis,vers un endroit qui, selon elle, était hors de la juridiction desmeutes. J’avaispassédouzeannéesdemaviedans le suddesprairiescanadiennes,vivant suruneparcelledequinzeacresdansunegrandeetvieilleferme.Grandir là-bas présentait un avantage non négligeable : à l’instar des zones
marécageuses du sud de l’Amérique, les sols des prairies canadiennespermettaientauxmaisonsd’avoirdevraissous-sols.J’avaisdoncunepiècedanslaquelle,touslesjours,jepouvaismeprotégerdelalumièredusoleil.Laterrequenouspossédionsmefournissaitunendroitoùcourirlibrementlanuit,cequimepermettaitdebrûlerl’énergiequej’accumulais,commetoutbonreprésentantdemesdeuxespèces.
M’éleveravaitétédifficilepourmagrand-mère.Elleétaitcependantdotéedecapacitésuniques.C’étaitnonseulementlamèredetroisenfants,tousdesloups,mais aussi une sorcière puissante et renommée. Elle avait donc desconnaissances que d’autres n’avaient pas. Une grand-mère humaine, quim’auraitnourriavecdulaitetauraitplacémonberceaudansunepièceclaireetaérée,commetoutepersonneétaitsupposéelefaireavecunbébé,auraitcommisdegraveserreursquiauraientpumetuer.Ma mère, en m’abandonnant, avait eu la prévoyance de laisser une note
expliquant ce qui m’était arrivé et avait ainsi permis à ma grand-mère de sepréparer à certaines choses.Elle savait par exemplequ’il était dangereuxpourmoid’êtreexposéeauxobjetsenargent,maiscen’étaitpasunproblèmepourellepuisqu’elleavaitdéjàélevétroisloups-garous.C’étaitlesangdevampirequicompliquaitnotrequotidien.Celasignifiaitque
jenepouvaispasêtreexposéeàlalumièredusoleiletquejetombaisdansunsommeil diurne qui imitait la mort, et qui s’accompagnait d’une absence derespirationoudepouls.Venaits’ajouteràcelalefaitquemalycanthropies’étaitactivée dèsma plus tendre enfance. Pendantma jeunesse, puis à l’âge adulte,j’avais intuitivement appris àmaîtriser le besoin de changer de forme. J’avaisenfoui cette capacité si profondément en moi-même que je ne savais pas sij’étais encore capable deme transformer. Ce refoulement n’était possible quegrâceauxeffetsapaisantsdemonsangdevampire.Tantquej’étaisbiennourrie,jeneressentaispaslebesoindemecouvrirdepoils.Bébé,jen’avaispaspumecontrôler.Surlacheminée,magrand-mèreavaitunephotomémorabledemoi.Dansun
berceau,aumilieudeslambeauxd’unegrenouillèrejaunesoleiletd’unecoucheentissu,setrouvaitunchiotloup-garouàl’airmalicieux,lalanguejoyeusementpendante,lespiedstropgrandspoursoncorps.C’étaituniquementgrâceàcettephotoque je savaisque jepouvaisme transformer. Jenemesouvenaispasdel’événementetjeneconservaisaucunsouvenirdeladouleuratrocequej’avaisdûressentirlorsdematransformation.Magrand-mèrem’avaitditquecela s’était répétéune foisparmoisdemon
premieràmonsecondanniversaire.Avantmesunan, le loupenmoiétait tropfaiblepours’imposer.Après,mapartvampireavaitappriscommentletenirenlaisse.Ellesavait,aussi,quej’avaisbesoindesangpoursurvivre.Peudebébéssont
nourris aubiberon avecdu sangdeporcoude chèvre. Inutile depréciser quemonéducationavaitétépeucommune.Maisriendetoutçanem’avaitpréparéeàdeveniruneprincesse.Jusqu’àprésent,jen’existaisquesurlamincefrontièrequiséparaitcesdeux
mondes;jefaisaispartiedesdeux,jen’étaispleinementacceptéeparaucun.Jene savais pas comment passer du statut d’indésirable à celui de membre delaclassedirigeante.—J’allaistedirequejedonneraischerpoursavoiràquoitupenses,maisje
croisquejedevraist’offrirplusd’unmillionpoursavoirtoutcequivientdetepasserparlatête.Lucasétaitpenchésurlatable,unsourirecirconspectsurleslèvres,ilattendait
quejereviennesurterre.—Désolée.J’étaisgênéed’avoirétésurpriseainsiperduedansmespensées.—Oùétais-tu?—Jepensaisàmagrand-mère.ÀcausedesonéducationenLousiane,magrand-mèreavaitinsistépourqueje
l’appelle grand-mère, en français. Elle souhaitait aussi que je me détache del’héritageirlandaisdemongrand-père.Engénéral,entendrecesurnomsuscitaitunecertaineconfusion.—Est-cequ’elle…?Ilhésita.—Oh,non!Elleestencoreenvieetelleestenbonnesantédanslesuddu
Manitoba.Jesuissûrequ’elleestentraindepesteràcausedelafontetardivedelaneigeetdel’impactqueçaaurasursespois.Jesourisenl’imaginantavecdesbottesdecaoutchoucetlebasdesasalopette
retroussésursesmollets,piétinantdanslaneigeprofondeetréfléchissantàquel
typedesortilègeellepourraitutiliserpouraccélérerlafonte.Leshiversmanitobainsduraientplusdesixmoisd’affilée,etune foisqu’ils
étaient finis, le printemps ne durait qu’un bref instant. Après, l’été chaud ethumidebalayaittout.Çamemanquaitparfois.—Maisellen’estpascommenous?Personnen’estcommemoi,nepus-jem’empêcherdepenser.—Non,cen’estpasunloup-garou.C’estunesorcière,unedureàcuire,par
contre.Jenevoulaispas luidonner l’imaged’unevieilledame impuissante.Elleen
étaitloin.Elleétaitentréedanslasoixantaine,maisétaitplusactivequejamaisetnemontraitaucunsignedefatigue.—Etellet’aélevéeseule?Ilparutunpeusurpris.D’aprèscequej’avaiscompris,lesloups-garousétaient
desadeptesdel’approchecommunautairedel’éducationdesenfants.Jeluiavaisditlaveillequemagrand-mèrem’avaitélevée,maisilavaitsansdouteimaginéqu’elleavaitreçudel’aide.—Àcausede,euh…Je cherchais une explication plausible : je ne pouvais pas lui dire toute la
vérité,maisjevoulaisluimentirlemoinspossible.—… du traumatisme in utero qui a provoqué l’activation précoce de ma
lycanthropie?Okay, j’évitai ainsi de mentionner que ledit traumatisme était mon père
vampirenouveau-nénourrissantde forcemamèreavecsonsangcontaminéetme transformant en hybride bizarroïde. Pas vraiment unmensonge, plutôt uneomission.—Mamèreétaitjeune,ellen’avaitquedix-septans,etmonpèreétait…mort.Encoreunefois,pasunmensonge,justeuneversionmodifiéedelavérité.—Ellenesavaitpascomments’occuperd’unbébéquin’étaitpasunsimple
bébé. Elle n’aurait probablement pas pu prendre soin de moi si j’avais éténormale.Ellem’alaisséeavecmagrand-mèreetn’estplusjamaisrevenue.Toutétaitvraiàcentpourcent.
LevisagedeLucasétaitdemarbre.MêmeDominicketDesmondàleurpropretablesemblaientplussolennelsqu’avant.Pourmoi,c’étaitdel’histoireancienne.C’étaitcommedireàquelqu’unqueBrutusavaittrahiCésar.Oucommeparlerde l’effondrement de l’Empire romain. L’Histoire n’était pas personnelle, ils’agissait justedefaitspassés.Donc,mêmes’ils’agissaitdemonhistoire,ellenem’émouvaitplus.Lucas me prit une main, et de l’autre il toucha doucement le côté de mon
visage.Sapeauétaitchaudecontrelamienne,cequinem’étonnapas.Lesloupsontunetempératurecorporelleélevée.—Tuaurastoujoursunefamilledésormais,promit-il.Malheureusement,jenecroyaispasqu’ilpourraittenircettepromesse.
Chapitre18LeChameleonLoungeétaitplusqu’unsimplerestaurant.Alorsquel’étage
principalservaitdesexpériencesculinaireshautdegamme,leniveausupérieur,protégépardesmursetdessolsinsonorisés,abritaitunediscothèque.Lucasmeguidadansunescalieràl’arrièredurestaurant,nosdeuxgardesdu
corps dont le prénom commençait par un D sur nos talons. Pendant le dîner,LucasavaitmentionnéqueDesmondallaitmesurveiller et il faisait commesiprotéger une princesse était une tâche qu’on assigne normalement à un louplieutenant.Jen’avaispascherchéplusloin,maisilsemblaitqueLucasm’avaitattribuéungardeducorpsdontjen’avaispasbesoinetdontjenevoulaispas.Quandnousarrivâmesauclub, jenem’attendaispasdu toutàça.Lesmurs
étaientdécorésd’unélégantpapierpeintdamassérougeetnoir,etonauraitditqu’ilyavaitdumarbrenoirpolipartout,delapistededanseaubar,enpassantparlestables.Toutesleslumièresétaienttamiséesetcouvertespardesvoilesnoirsornésde
perles.LebaretlacabineduDJsetrouvaientsurdesplates-formessurélevées,tandisquetouteslesalcôvess’enfonçaientdanslesol;ilfallaitdoncdescendrepouryaccéder.Jemedemandaisilessolsenmarbreprésentaientunrisquepourlesclientsqui
dansaient,maisj’euslaréponseàmaquestionquandunhommeattrapalamaindesapartenaireetlafit tournertroisfoissurelle-mêmecommesielleétaituntopmodel.Elles’arrêtapile,ellerecula,lebustelégèrementinclinéversl’avantpuisselançadanssesbrasànouveau.Lesloupsavaientassezdegrâcenaturellepournepascraindreunsolcommecelui-ci.
Geneviève savait créer un environnement unique et dynamique pour sesclients.Enpensantàelle, jemerappelaiunequestionqueledînerm’avaitfaitoublier.Au lieu de m’adresser à Lucas, je restai en arrière pour me rapprocher de
Desmond. S’il connaissait Melvin le furet, il connaissait probablement aussiGeneviève.—Desmond?Le goût de citron remplit ma bouche, et je dus déglutir avant de pouvoir
reprendrelaparole.—MlleMcQueen.Saformalitémechoqua.Jemedemandaisisafroideuravaitunrapportavec
les ordres qu’il avait reçus, ou si en gardant une attitude neutre, il se sentaitmieuxarmépournousprotéger,Lucasetmoi.MaisDominickneparaissaitpasavoirdemalàêtregentilavecmoi.Peut-êtrequ’àlafindecettesoirée,j’auraisunepetitediscussionavecDesmondpourcomprendrequelétaitexactementsonproblèmeavecmoi.Jerevinsàlaquestionquej’étaissurlepointdeluiposer.—Genevieve,qu’est-cequ’elleest?Jesaisquecen’estpasunloup,etjesuis
sûrequ’elleestféline,maisjen’arrivepasàl’identifier.Unrireéclataderrièrenous.—Ah,etalorsvousdonnezvotrelangueauchat,grandméchantloup?Genevièvesetenaitàquelquespasdelà,appuyéecontrelebar,unecoupede
champagneàlamain.Biensûr,çanepouvaitêtrequeduchampagne,etj’étaisprête à parier que c’était du Cristal. Notre hôtesse ne se contentait que dumeilleur.—Legenredechatquejesuisvousinquiète?Perchéesurses talonsaiguille,ellesefaufilad’unpas légerversnous.Avec
cescentimètresenplusetlefaitquejeportaisdesballerines,elleétaitbeaucoupplusgrandequemoietmeregardaitfixementavecunsourireprovoquantquiluiallait très bien. Lucas avait disparu dans la foule avecDominick,me laissantseuleencompagniedeDesmond.
—Jemeposai juste laquestion. Jene suispas inquiète.Vousn’avezpas lamêmeodeurquelesautresfélinsquej’airencontrés.—Etvotreodeurn’estpascelleduloupmoyen,fit-elleremarquer,mefaisant
déglutir avec difficulté, même si je suppose que c’est en relation avec votremétier.Avec cette phrase,Genevièvemeprouvaqu’il ne fallait pas la sous-estimer.
Elle en savait beaucoup plus sur ce qui se passait dans cette ville que je nel’auraiscru.— Je dois dire que votre chevalier servant et vous avez une odeur très
alléchanteensemble,vousn’êtespasdemonavis?Je grimaçai. Impossible. Elle n’avait aucunmoyen de savoir que je pouvais
sentir legoûtdeDesmond.Ilmeregardaavecméfiance,commes’ilpensait lamêmechose.C’étaitlapremièrefoisquejemedemandaiscequisepassaitpourDesmond quand il s’approchait de moi. Si lui et moi étions liés de la mêmefaçon quemoi et Lucas, ce quime semblait toujours impossible, alors ne pastenircomptedeceliendevaitbeaucouplefairesouffrir.Jenepusm’empêcherdeluidemander:—Quesentez-vous?Ellesouritetrejetasescheveuxenarrière.—Tarteaucitronvert.C’estdansvotrehaleine,etcen’estpassurmonmenu.Toutmoncorpsserigidifia,maisjenerépondispas.—Pourrépondreàvotrepremièrequestion,MlleMcQueen,jesuisunocelot.
Unsurladouzainequecomptelepays,etjesuisleurreine.Je hochai la tête pendant que j’intégrai l’information sur son espèce et son
rang.—Jevousremercie.—Non,merciàvous.Çafaitlongtempsquejen’aipasétéenprésenced’une
âmeàdoublelien.Vousêtestoutàfaitremarquable.Ellemetendituneflûtedechampagne.Avantquejedemandedesprécisions
surcequ’ellevenaitdedire,ellechangeadesujet.—Jevoisquevotreroiatrouvéunevieilleconnaissance.Jevaisvouslaisser
maintenant,mais s’il vous plaît, buvez ce quevous voulez ce soir.C’est pourmoi.Etpuiselles’éloigna.Quand jeme tournai vers Desmond, je remarquai à quel point samâchoire
étaitcontractée.Sesyeuxseposaientpartoutsaufsurmoi.—Uneâmeàdoublelien?—Elle n’aurait pas dû enparler.Cen’était pas à elle de le faire.Les chats
cherchenttoujoursdeshistoires.Iljetaunregardnoirdanssadirection.—Àdoublelien?répétai-je,plusinsistantecettefois.—Secret,dit-il,abandonnantsaformalité,maispassontonsévère.Nousne
pouvonspasendiscuterici.Lucast’expliqueraquand…Ses yeux s’arrêtèrent sur l’endroit vers lequel Geneviève s’était dirigée
quelquesinstantsplustôt,etildevintsoudainsilencieux.—Oh,s’exclama-t-ilsimplement.Puis:—Es-tujalouse?Impossiblederesterindifférenteàcettequestion.—Non,répondis-je,maisjemeretournaipourvoircequiavaitaccaparéson
attention.La « vieille connaissance » de Lucas était une brune fluette qui portait une
robe fourreau minimaliste de couleur taupe. Il avait les mains posées sur sataille, elle était dos contre lui, et ils dansaient très étroitement serrés, sebalançantenrythmesurlamusique.J’aurais voulu nierma jalousie,mais lesmots se coincèrent dansma gorge,
étouffant le grognement qui ne demandait qu’à sortir. Je le ravalai et monestomacprotesta.—Donc,lesliensd’âmeschezlesloups-garoussontl’équivalentde…l’enfer,
c’estça?Incapable de trouver des mots pour m’exprimer, j’agitai mes mains devant
moi,essayantdefairedisparaîtrecettescènedemonesprit.J’avaislesentiment
profond d’avoir été trompée, qu’on avait utilisémonmanque de connaissancedesrelationsentreloups-garouspourmeduper.—C’est ridicule.D’abord, il dit à tout lemondeque je suis sur lepointde
devenirreine…JeplantaimonregarddansceluideDesmond,ilsemblaitinquiet.—…cequejen’aijamaisvoulu,d’ailleurs,etmaintenantilestentraindese
frottercontreuneinconnue?EtGenevièveasous-entenduquetoietmoiétionsaussiliésparl’âme?Maisc’estfou,non?Mêmesij’ail’impressiondecroquerdansuncitronvertàchaquefoisquejesuisàquelquesmètresdetoi.Monmonologuem’avait essoufflée. Je ne désirai plus qu’une seule chose :
quitterleslieux.LafillefluetteétaitentraindepassersamaindanslescheveuxdeLucas,et
leurshanchesétaientsicolléesqu’ilsauraientaussibienpuêtreentraindefairel’amour.LevisagedeLucasétaitprèsdesoncou,etj’étaisrougedecolère.Lesvoir danser avait éveillé mon côté vindicatif et il n’avait aucune intention des’estomper.Aulieudecela,jevoulaisqueLucasaitunaperçudelaragequimeconsumait.—Calme-toi.Desmondmesaisitparlebrasetm’attiraplusprèsdeluipourquelafoulene
nousentendepas.—Cen’estpascequetucrois.—Qu’ilaillesefairefoutre.Je pris sa main et me tournai vers le bar qui se trouvait derrière nous,
commandantunpremiershotdetequila,puisundeuxième.J’avalailesdeuxàlasuite,laproximitédeDesmondmasquaitleuramertume.—Toi etmoi, lui dis-je enplongeantmesyeuxdans legrisdes siens, nous
allonsdanser.C’étaitlemomentidéalpourjouerlafemmetrompée,etpartird’unairoutré.
J’auraisdûinsisterpourrentreràlamaisonetneplusjamaisparleràLucas.Unepartie rationnelle demoi savait qu’il n’était pas encoremonpetit amioumoncompagnon,etquejen’avaispasvraimentledroitd’êtrejalouse.
Maisj’étaisaussiunefemmeplantéeàunrendez-vousgalantparunhommequipréféraitdansercollé-serréavecuneautre fille.Etcettepartiedemoiétaitbeaucoupmoinsindulgente.Desmondnerésistapasquandjeletraînaisurlapistededansebondée,etje
luienfustrèsreconnaissante.Quand je guidai samain pour la placer sur le bas demon dos, il hésita un
instantetunpicotementélectriquepassaentrenous.Ilposasonautremainsurmatailleetjepassaimesbrasautourdesoncoupourl’attirerplusprèsdemoi.Biensûr,c’étaitunegamineriedemapart,maistechniquement,Desmondétaitentraindefairesontravail.Iln’yavaitpasdemeilleurefaçondemeprotégerquedemeprendredanssesbras.La chanson sur laquelle Lucas et la fille avaient dansé se termina et fut
remplacée par un morceau à la mode, au tempo plus rapide. Je craignis queDesmondne tiennepas le rythme,maissamaindans lecreuxdemondosmetenait fermement. L’autre lâcha ma taille et saisit mon poignet. Avant que jecomprennecequisepassait, ilmerenversasi loinenarrièrequemescheveuxfrôlèrentlesol.Quandilmefitremonter,seslèvreseffleurèrentmonoreilleetilchuchota:—Essayejustedesuivre.Jerelevailesyeuxverssonvisage,ilmesouriait.—Essayedem’arrêter.Unemaindanslasienne,jem’éloignaideluiavecgrâce,puisilmefitfaireun
tour sur la pointe des pieds pourme ramener dans ses bras. La foule s’écartapournouslaisserdelaplaceaucentredelapiste,etplusieurscouplescessèrentdedanserpournousregarder.Je revins dans ses bras, et il pressa ses hanches contre les miennes, nous
faisant bouger d’avant en arrière dans un huit très sensuel : il nous entraînaitdansuneversionmodifiéed’unesamba.Ilmefitbasculerenarrière,cettefoissursongenou,detellemanièrequeçam’auraitprobablementbriséledossijene m’étais pas relâchée. Des applaudissements éclatèrent dans la foule. Ilm’attrapa les deuxmains et balança sa jambe en arrière,me laissant tomber à
quelques centimètres du sol, puisme lança dans les airs avant deme projeterentresesjambes.Sansdifficulté,jeretrouvaimonéquilibredel’autrecôtéetjerevinsverslui.Sonbrasemprisonnameshanches,meplaquantcontresonflancdroit,etjemeretrouvaipresqueassisesursonépaule.Ilmefitglisserlelongdesoncorps,sesmainsépousantsensuellementmataillejusqu’àcequemespiedstouchent le sol. Nos yeux se rencontrèrent, et nous nousmîmes à danser unesambaplustraditionnelle,enparfaiteharmonie.Jeluisouris,étonnéed’apprécierautantsacompagnie.Ilmesouritenretour.
Àlafinde lachanson,nousétions tellementenlacésqu’iln’yavaitmêmepasassezdeplacepourqu’unebriselégèresefrayeuncheminentrenoscorps.Unesalved’applaudissementsetdesifflementsrompitlesilence.Ah, oui, les autres personnes dans la pièce. À cause de la montée des
endorphines et de l’adrénaline qui avait accompagné notre danse improvisée,j’avais complètement oublié la raison pour laquelle nous nous étions mis àdanser.Toujoursdanssesbras,jemeretournaipourregarderlesvisagesdeceuxquinousentouraientetquiavaientassistéauspectacle.Lucas était de ceux qui applaudissaient avec enthousiasme. À côté de lui,
frappantdanssesmainspoliment,maissansaucunenthousiasme,setrouvaitlafilleavecquiilavaitdansé.Ellesemblaitcarréments’ennuyer.Desmondmaintintsonbrasautourdemataille,etnousremerciâmeslafoule
en exécutant un salut maladroit, puis il me conduisit au roi des loups. Lucasrayonnait,etquandnousarrivâmesàsahauteur,ilmitsesbrasautourdemoietmesoulevadusol,m’écartantdesmainsdeDesmond.—C’étaitmerveilleux!Oùas-tuapprisàdansercommeça?En fait, c’était Keaty qui m’avait appris à danser. Le Conseil nous avait
demandé d’enquêter sur un studio de danse, dont le gérant, un vampire russe,offrait plus que des leçons à ses étudiants les plus prometteurs. Keaty etmoinousétionsprésentéscommeuncoupledésirantprendredescourspourpimenternotrecérémoniedemariage.Enrésumé,leRusseavaitmalfinietgrâceàKeatyj’avaisapprisàutilisermonagilitépourautrechosequetuer.—J’aiapprispetitàpetitcesdernièresannées.
Jerougis.LucasfélicitaDesmondd’unetapedansledos.—Quelspectacle!Jepariequetun’asjamaispenséquecescoursdedanse
qu’onnousaobligésàsuivreàl’écoleprimaireporteraientleursfruits.Cettenouvelleinformationmesurprit.LucasetDesmondseconnaissaient-ils
vraiment depuis qu’ils étaient enfants ? Lucas m’avait dit qu’ils s’étaientreconnusavantd’êtredevenusdesloups-garous,maisj’avaiscruqu’ilexagérait.Pas étonnant queDesmond n’ait pas voulu discuter de l’éventualité que lui etmoipartagionsuneconnexion. Il savaitdepuis l’enfancequesonmeilleuramiétaitdestinéàêtreroietquecertainssacrificesdevraientêtrefaits.Unevaguedeculpabilitém’envahitàl’idéequej’aipuleforceràjoueràce
petitjeuavecmoi,mêmesiLucassemblaitplutôtraviquefoudejalousie.Lesloups-garousmeprenaientsanscesseaudépourvu.—Secret,Desmond,permettez-moidevousprésenterSophiaSullivan.Sonnommeditquelquechose,maisjen’arrivaipasàmettreledoigtdessus.
Ilattiranotreattentionsurlabruneaveclaquelleilavaitflirté.Ellesemblaitplusque fluette, carrément maigre. Dégingandée, même, comme si ses longsmembresn’étaientpasvraimentlessiensetappartenaientàunautrecorps.Jenecomprenaispascequiavaitbienpul’attirerchezellealorsqu’iln’avaitmêmepasjetéuncoupœilàGeneviève.—Enchantée,ditSophia,ennousadressantunsalutévasifetenrefusantde
nousserrerlamain,àmoietàDesmond.Lucas rit à nouveau, mais cette fois, de manière forcée. Il nous demanda
d’excusersagrossièreté,etjenecomprispaspourquoi.—Sophiaest la fillede l’Alphad’Albanydans l’étatdeNewYork.Marcus
Sullivan.Ilrivasonregarddanslemienpendantqu’ilparlait,sesyeuxs’étrécirentpour
accentuersonpropos.Ilvoulaitêtresûrquejecomprennelasituation.Jenecomprenaisquetropbien.Cette bourgeoise malpolie était celle pour laquelle j’avais tué un homme.
C’était la fille déshonorée de Marcus Sullivan. Elle n’avait pas l’air
profondément marqué par son passé dramatique, à moins que le fait de secomportercommeunegarcesoitunsymptômedesonmalheur.Lorsquej’avaisquitté Albany, Sophia était humaine, et nul besoin d’être une détectivespécialiséedanslesurnaturelpourmerendrecomptequ’ellenel’étaitplus.Ellepuaitleloup,etcen’étaitpasseulementparcequ’ellecollaitLucas.Il avait dansé avec elle pour maintenir la paix. Au cas où les autres loups
découvriraientceque j’avaisfaitàWilliamReilly,soncomportementenvoyaitundoublemessage:«jesuisaucourantetjevalideladécisiondeMarcus».Dumoins,c’estcommeçaquejelecompris.Lucasl’avaitfaitpourdebonnesraisons,maisSophianesemblaitpasmériter
sagentillesse.Ellebraquasonregardfroidsurmoietaumêmemoment,jevisplusieurshommesdegrandetaillesedéplacerpourbloquertouteslesportes.—VousêtesSecretMcQueen,dit-elle,d’unevoixmonocordeetsansémotion.—Oui.Jenelaregardaisplusvraiment.J’essayaisdecomprendrecequisepassaitdu
côtédesportes.Çaneprésageaitriendebon.—VousaveztuéBillyReilly.Quelquesloupsàproximitél’entendirentetceladétournaleurattentiondece
quisepassaitauniveaudesportes.—Oui,admis-je,jepensaisquevousenseriezheureuse.—Heureuse?Heureuse?LavoixdeSophiasebrisa,salèvreinférieuretrembla.Lucass’éloignad’elle
et elle enfonça un doigt osseux dans ma poitrine. Aussitôt, Desmond et luis’interposèrententreelleetmoi.Elleneparutpaslesremarqueretcontinuasatiradevéhémente.—Billyétaitmonfiancé,espècedeputestupide.Tuastuél’amourdemavie.C’estcommesionm’avaitgifléeauvisageetjetéedansdel’eauglacialeen
mêmetemps.—Tonpèrem’aditqu’ilt’avaitviolée.Elleéclatad’unrirefroid.—Menteuse.MonpèresavaitqueBillym’avaitdemandéeenmariage.
Dans le silence qui suivit, la sombre vérité éclata. Je fus la première àcomprendre,avantLucasetavantqueSophianesaisisseàsontourcequis’étaitpassé. Elle pâlit brusquement et eut l’air de vieillir d’une décennie en unepoignéedesecondes.—Monpèreafaitassassinermonfiancé?Non,cen’estpaspossible.—Paruneétrangère,pourquepersonneauseindelameutenelesoupçonne,
méditai-je,ignorantsesprotestations.—Maispourquoi?Ellen’avaittoujourspasacceptél’évidence,etquipouvaitl’enblâmer?—Parceque, réponditunevoixgraveetcaverneuse,WilliamReillyétaitun
bonàriendechiendeterrainvague,ettuétaisdestinéeàêtreuneprincesse.MarcusSullivangrimpasurlebarenmarbre,encadrédeloupscostauds.—Etmoi,continua-t-il,j’étaisdestinéàêtreroi.
Chapitre19Lesannéesn’avaientpasétéclémentesavecMarcusSullivandepuisqueje
l’avaisvupourladernièrefois.Ilétait,commetouslesloups,muscléetmince,maissonâgecommençaitàsevoirdanslestraitsusésdesonvisageetdanslesquelquesfilsd’argentquisillonnaientsachevelurenoireetsabarbe.—Marcus, cria Lucas au-dessus du bruit qui s’élevait de la foule inquiète,
qu’est-cequisepasse?— La fin de ton règne, chiot. Je ne resterai pas sous les ordres d’un
millionnaireauvisagedebébé.Jesuislàpourtedétrôner.DominickémergeadelafoulepourseplanterdevantLucas,etd’autresloups
loyaux formèrent un cercle autour de nous. Ilsme protégeaient par extension,mais l’incertitude traversa le visage de Desmond. Son regard passa demoi àLucas, comme s’il essayait de déterminer qui avait le plus besoin de saprotection.Onluiavaitdemandédemeprotéger,maissonroiétaitégalementendanger.Ildemeuraàcôtédemoi,maissonregardrevenaitsanscessesurLucas.Jeme juraialorsdeneplus jamaisquittermonappartementsansmonarme.
Uneseulejournéesanspistolet,etvoilàcequisepassait.—Tucommetsuneerreur,Marcus.Lucas fit un pas vers le bar, la voix calme et lesmains levées, les paumes
ouvertespourmontrerqu’ilneluivoulaitpasdemal.—Situmetrahis,tuserasbannidelameute.Tun’auraspersonneversquite
tourner.Cen’estpascequetuveux.—Nemedispascequejeveux.Jesaiscequejeveux.Quetumeurespour
quejeprennelatêtedelameute.
—Tuconnaislesloisdesuccession.Desmondestlesuivantsurlalistepourletrône.MesyeuxcroisèrentceuxdeDesmond.Monregardseposasurlecomptoirdu
bar, j’entrevis un passage dégagé entremoi etMarcus.Desmond attrapamonbrasetm’attiraàlui,secouantlatête.Cequ’ilmedisaitétaitclair:«Netenterien».Toujourspostésurlebar,Marcuspoursuivit:—Tugouvernescommeunpoliticientropconciliant,Rain.Tuembrassestous
lesbébésetserrestouteslespattesqu’ilfautserrer.Cen’estpasdediplomatiedontlameuteabesoin,maisdeleadership.—Marcus,mafamilleestaupouvoirdepuisdesgénérations.Nousnesommes
peut-êtrepasparfaits,maisnousfaisonstoujourscequ’ilyademieuxpourlameute.S’ilyaquelquechosequineteconvientpas,nouspouvonsendiscuter,maispascommeça.Lucas avait cessé d’avancer. La tension dans la pièce était si palpable qu’il
devenaitdifficilederespirer.Personnen’osaitprendrelaparoleàpart lesdeuxhommes,toutlemondeattendaitdevoirlasuitedesévénements.Sophia,malgrécequ’elleavaitapprissur la trahisondesonpère,se tenaità
sescôtés,loindelafoulequiprotégeaitLucas.—Ilesttempsdechangerleschoses.Jenesuispasseul.Il suffisait de jeter un coup d’œil dans le club pour comprendre que c’était
vrai. Au moins une douzaine d’hommes dans l’assemblée étaient du côté deMarcus,sanscomptersesgardesprivésetleshommesàlaporte.C’étaituncoupd’État.—Marcus,nesoispasidiot.Penseàtafamille.Commeunnégociateurdelapoliceaguerri,Lucasfaisaitdesonmieuxpour
désamorcer la situation sans que ça ne dégénère. En signe d’apaisement, iln’élevaitpaslavoixetsesmainsétaienttoujourslevées.Jenecruspasunesecondequecettemanièrede faireaboutirait.Monesprit
tournait à plein régime, essayant de retrouver le père désemparé que j’avaisrencontréàAlbanydeuxansplustôtdansleMarcusquiétaitdevantmoi.Tout
cela avait-il été un mensonge ? Une ruse pour éliminer un compagnonindésirabledans laviedeSophia ? Jen’y comprenais rien, celan’avait aucunsens.Marcuss’agenouillasurlebaretcaressalescheveuxdeSophia.Ellelevales
yeuxvers lui, levisagerayonnantdeconfiance.Peut-êtrecroyait-ellevraimentqu’iln’avaitvouluquesonbienenfaisanttuerBillyReilly.Ilpeutêtresifaciledesementiràsoi-mêmeplutôtqued’accepterunevéritédifficile.—Mafamille.MarcustouchalajouedeSophiaetluisouritcommeunpèreaimantleferait.
Jevissamainbouger,maisunesecondetroptard.—Non!criai-jealorsqu’illuibrisaitlanuqueetlaissaittombersoncorpssur
lesolcommesicen’étaitqu’unvulgairesacd’ordures.LebrasdeDesmondm’emprisonnaittoujours.Jetentaidemelibérer,maisil
raffermitsapriseetmechuchotaàl’oreille:—Pasencore.—Etelle!Marcuspointaundoigtdansmadirection.—Vous accepteriez d’avoir une tueuse à gages comme reine ?Une femme
prêteàassassinersapropreespècepourdel’argent?J’avaisassezdemerdepourlanuit.Marcusavaitperdulatêtes’ilétaitprêtà
tuersafillebien-aiméepourfairevaloirsonpointdevue.Ilavaitprouvéqu’iln’avait rien à perdre, mais ça ne valait pas la vie de Sophia Sullivan. Je nepouvais plus rester sans rien dire. Desmond pourrait peut-être m’empêcherd’attaquer,maisilnepouvaitpasm’empêcherdeparler.—C’estunmensonge!Tum’asembauchéesousdefauxprétextespourtuer
ungarçoninnocent.Pourquoidevrait-onfaireconfianceàunseuldesmotsquisortentdetabouche?Jemontrailamassesurlesol.Direqu’ilyavaitquelquesminutes, jel’avais
trouvéeexaspérante.—Silaviedevotreproprefillesignifiesipeupourvous,est-cequelaviede
votremeuteauraplusdepoids?
Quelques-uns des loups dissidents se tournèrent pour dévisagerMarcus quiserrait la mâchoire. Je m’attendais à mieux de la part de cette caricature deméchanttoutdroitsortid’unfilmdesérieB,maissaseuleréponsefutuneragesilencieuse.Lesveinesdesoncousegonflèrentetsonvisagerougitsouslecoupdelacolère.Ilnemeditriend’autreetpréféraseconcentrersurLucas.—Ilsaurontbesoindesuivrequelqu’unquandtuserasmort.Ilsautadubardanslafoule,etcefutl’enfersurlapistededanse.Lesloups-
garous,lesloupsouautresmétamorphesnesontpasdugenreàpaniquerouàseprécipiterverslessorties.Ilsnesontpasnonplusdugenreàreculerdevantunebagarre.Au contraire. Femmes et hommes, amis et ennemis, canins, félins ouautres,sejoignirentàlamêlée.Cen’étaitpasnonplusl’unedecesbagarresquiéclataient habituellement dansunbar.Tout lemondeprenait ce conflit très ausérieux, c’était un véritable combat à mort. Je n’avais jamais cru qu’unsoulèvement royal au sein d’une meute de loups puisse être résolu par unediscussionpolieetlasignatured’untraité,maisjenem’attendaispasnonplusàune telle explosion de violence. Le bruit écœurant de la chair que l’ondéchiquette résonna dans la pièce : desmembres étaient arrachés à des corps.Unefoisquel’odeurdusangfutdansl’air,lafoliesedéchaînavraiment.Les gens s’éloignèrent de Lucas et Marcus par vagues, ils tombaient et
attaquaient de toutes parts. Quand le sol fut dégagé autour d’eux, les deuxhommesseretrouvèrentl’unenfacedel’autre.Lucasaffichaitunairsévèreetdouloureux.Ilespéraitencorequecelaseterminesansqu’ilsaientàsebattre.UnhommenousattaquaetDesmondlecontrasansmal.Ilgrognaenlejetant
ausol,envoyantsoncorpsinertes’écrasersurlemarbrelisse.Jenepensaispasqu’onallaitpouvoiréviteruneeffusiondesang.—Marcus.LafatigueperçaitdanslavoixdeLucas,maisilavaitparlésuruntonenragé
quimedonnadesfrissons.—Jeteconnaisdepuistoujours.Monpèretefaisaitconfiance.S’ilteplaît,ne
faispasça.Dominick se tenait prêt à intervenir à tout moment, mais Desmond était
toujoursàmescôtés.Lapuissancequiirradiaitdeluifitpicotermapeau.NousavionslesyeuxrivéssurMarcus,attendantsonprochainmouvement.L’alphad’Albanylançasonpoingsurlajoueduroidesloups.Lebruitdela
chair rencontrant la jointuredesdoigts couvrit le bruit de lamêlée. Je n’avaisjamaisentenduuncoupdepoingsifort.Jevoulusbouger,maisDesmondfutplusrapide.Ilmetiraversluietmeserra
contresapoitrine.—Non,grogna-t-il.Lemotrésonnaàtraverstoutmoncorps.Lucasn’avaitpascillé.Malgrélecoup,sonvisagen’avaitpaschangé.Marcus
leva la main et se rua à nouveau sur lui, mais cette fois, Lucas répondit,bondissant pour attaquer.Dans les airs, les deux corps se percutèrent dans uncraquementd’osetdepeau.Ilssejetèrentl’unsurl’autrecommedesanimauxsauvages.Unemassebouillonnantede corps chauds s’écrasaprèsdenous commeune
vague.JemetenaisfermementàDesmond,essayantd’ignorer l’odeurdusangdumieuxpossible.Malgrémoi,mescrocss’allongèrent.J’étaisunprédateur,etlors de moments intenses, surtout en présence de sang, je ne pouvais plusprétendre être humaine, mes pulsions reprenaient le dessus. Je voulus lesréprimer,maislorsquel’undesgardesdeMarcussetrouvaàportéedemain,jedécidai que, vu la situation, il valait mieux mettre à profit mes capacitésnaturelles.La fouleemportaDesmond,et j’enprofitaipourattaquer. Jebondissurlegardequiétaitaumoinsdeuxfoisplusgrandquemoietjeluienfonçailesdentsdanslagorgeavantqu’ilnepuissecomprendrecequiluiarrivait.Les deux monstres en moi savaient d’instinct qu’il fallait attaquer à la
jugulaire,mais c’est une envie à laquelle je ne cédais jamais hormis dans uncombat. Jenemenourrissaispasd’humains, et laplupartdesmonstresque jechassaisétaientdesvampiresquin’étaientpasunealternativealimentaire.Jenemerappelaisdoncpasladernièrefoisquej’avaiseulesdentsplantéesdansuncou vivant. Mais j’étais au milieu d’un conflit violent et des gens pour quij’avaisde l’affectionétaientendanger. Jecédaiàmasoifdesangsanspenser
auxconséquences.JedevaisutilisertousmestalentspouraiderLucasàgagnercecombat.Mes doigts plongèrent dans la joue du type avec une telle férocité que,
soudain, iln’yeutplusd’autre résistancequ’une rangéededents :mesonglesavaienttraversésapeau.Cefutmadernièrepenséecohérente.Je déchiquetai la chair de son cou aussi facilement que j’aurais croquédans
une pomme bien mûre. Je ne me nourrissais peut-être pas de cette façon entempsnormal,maisj’étaiscapabledelefaire.Touslesprédateurssaventtuer.Lamort fait partie de ce que nous sommes. En réprimant ces pulsions, j’avaislongtempsniéunepartieessentielledemonêtre.Avecuneartèreouvertedanslabouche,iln’étaitpluspossibledenierqu’unepartdemoiaimaitça.Lesangdugardecouladansmagorgeetilarrêtadesedébattre.Jebusetbusencore,ma faimétait commeunpuitsavidequi se remplissait
jusqu’à déborder. J’étais rassasiée, satisfaite et forte. Je me sentaisincroyablementbien, indestructible.Tout ceque jevoyais et entendaisdans lapiècemeparaissaitplusclair.Jedistinguaislesjuronsetlesmenacesdesautresentraindesebattre.JepercevaisGeneviève,savoixmélodieusedecontraltonemontraitaucunsigned’inquiétudequandellerepoussaitunassaut.Enaspirantlesangdugarde,jel’avaisprivédesesforcesetilm’avaitentraînéesurlesol.Jenem’étaispassentietomber.Quelqu’unm’arrachaauloup-garoumortetjeruaipourmedégager.Jegigotai
etessayaidemelibérerdecesmainsquim’emprisonnaient.Desdoigtsfermessepressèrentcontremagorge,etlapaniqueafflua.Cen’étaitpasquelqu’unquiavaitl’intentiondemeprotéger.Jemedébattissauvagement,jetantmescoudesenarrièreet jedonnaidescoupsdepieddans l’espoird’atteindre l’entrejambedemonagresseur,ensupposantqu’ils’agissaitd’unhomme.Les doigts de mon assaillant commencèrent à changer et à se transformer
jusqu’àcequ’ilsdeviennentàmoitiéloupsetàmoitiéhumains.J’avaisentendudire que certains loups avaient la capacité de se transformer quand ils levoulaientsansquecesoitlapleinelune,maisjen’yavaisjamaisassisté.J’auraispu prendre le temps d’admirer cette transformation, mais ses griffes
s’enfoncèrentdanslapeaudemoncou.Jesentisànouveaudusangdansmabouche,maiscettefois-ci,c’étaitlemien.
Alorsquejehaletais,cherchantàrespirer,magorgefitunbruitdesuccion.Cen’étaitpasbonsigne.Jenepouvaispasmedéfendre,pasdanscettepositionetpasavecuntroudanslecou.Jecessaitouterésistance,lecorpsmou,etj’arrêtaiderespirer.Matêtes’affaissasurlecôtécommeunepoupéedechiffon.J’espéraiainsidupermonagresseur:ilpenseraitqu’ilm’avaitmortellementblesséeetilpasseraitàautrechose.Parigagné,illaissatombermonprétenducadavresurlesol.Jen’entendisplusriend’autreautourdemoiquelebruitsourdetreposantde
maguérison.J’étaisdansunetransevolontaireoùseulguérircomptait.Ma joue baignait dans une flaque de sang coagulé si collant et épais, que
lorsqu’unsouffles’échappademeslèvres,çanefitpastremblerlamarerougeteintée de rouille. De là où je me trouvais, j’étais aux premières loges ducarnage. Des talons hauts et des vêtements déchirés avaient été dispersés aumilieudeslambeauxdechairetdesmorceauxdecorps.Lemarbreautrefoisnoirétaitdésormaisunepatinoiresanglanteéclairéeparunelumièretamisée.J’étaisnezànezavecl’hommequej’avaistuéquelquesinstantsplustôt.Jeregrettaisdenepasavoirvuquim’avaitattaquépourleluifairepayer.Mapeauseresserraitdouloureusementauniveaudemaplaie;moncouserait
bientôt réparé.De fortesmainsme saisirent et je faillis attaquer, avant demerendrecompteque le sangdansmabouche–monsang–avaitmaintenantungoûtdecitronvert.Le silence s’était dissipé, et le vacarme était assourdissant. Des cris et des
bruitsd’impact,lesbruitsdelabataille.Desmondm’emmenaloinducorpssurlesol,et,avantquelafoulenenousengloutisse,j’entendisLucascrier:—Sors-lad’ici!Dominick–petit, blond et de taillemoyenne– attrapaunhommedeux fois
plusgrandqueLucasetleprojetaàtraverslapièce.Tout le monde était recouvert de sang, il y en avait partout, mon aspect
sanglant n’allait attirer l’attention de personne.Avec tout ce rouge et tous ces
boutsdecorpsquivolaient,jenesavaisplusquiétaitdenotrecôtéouquiétaitentrainderemporterlabataille.Me poussant d’un geste brusque dans le dos, Desmond me guida vers une
sortiedésormaissanssurveillance.—Onnepeutpaslelaisser.J’essayaidenousfairerebrousserchemin.—Ondoitlelaisser.Ilnepeutpassebattreets’inquiéterpourtasécuritéen
mêmetemps.Quoique,s’ilavaitvucequetuasfaitàcegarde,jepensequ’ilnes’inquiéteraitplus.Nous étions parvenus au rez-de-chaussée. Puisque tout le monde était à
l’étage,lerestaurantétaitvide.—Mais…—Secret!Ilmefitfairedemi-touretmeregardadanslesyeux.J’étaissoulagéequema
faimdevampiresoitassezrassasiéepourquemescrocssesoientrétractés.—MalgrécequeMarcuspense,Lucasestuncombattantfortetimpitoyable.
C’est une escarmouche, pas une guerre. Lucas va gagner, c’est sûr. Mais siquelquechosedevaitt’arriveraussitôtaprèsquenoust’ayonstrouvée…Çanepeutpasseproduire…Jelelaissaim’entraînerdehorssansprotester.Ilcommençaitàpleuvoir,mais
la voiture était garée au sous-sol du Chameleon, pas moyen d’y accéder. Etmême si nous avions pu arriver jusque-là, nous n’avions pas les clés. EllesétaientrestéesdanslapochedeDominick,etilétaitàl’étage.L’airdelanuitnetrahissaitriendelamortetdeladestructionquiétaienten
trainde sedéchaîner à seulementunpâtédemaisonde là. Il n’y avait pasdecris,pasdebruitsdeverresquisecassent,degrognementsoudeclaquementsdedents,seulementlerythmerégulierdelapluiefroidedeprintemps.Cecalmemerenditencoreplusnerveusequelevacarmeducombat.—Jeconnaisunendroitoùnousseronsensécurité.Je me mis à courir, et il me suivit, se maintenant juste derrière moi, sans
jamaismedépasserouperdrelacadence.
Existait-il des endroits où on serait vraiment en sécurité ? Après lesévénementsdelanuit,j’étaisendroitd’endouter.
Chapitre20Si j’avais pu, je l’aurais amené chezCalliope.Malheureusement, elle avait
pour règle absolue de ne pas accepter les lycanthropes, et elle n’y faisaitexceptionquepourmoi.Letempsnes’écoulaitpasdanssaréalitédelamêmemanièrequedans lanôtre : là-bas, lesmétamorphesn’étaientpas régispar lescyclesde la lune.Danssonmonde, touteémotionfortepouvaitprovoquerunetransformation. Puisque les métamorphes n’étaient pas habitués auxtransformationsinopinéesetincontrôléesetqu’encasdepanique,ilspouvaientcauserdesdégâtsénormes,Calliopeleurinterdisaitl’entréedesonantre.Mon appartement n’imposait pas de telles restrictions. Même les vampires
pouvaient se passer de mon invitation pour y entrer parce que cette règleparticulièrenes’appliquaitqu’auxmaisonshumaines.J’étaispourtantensécuritéchezmoi,grâceauConseil,àKeatyetàlamyriade
desortsquiprotégeaientmonlieudevie.Ilsétaientl’œuvredeCalliopeetdemagrand-mère. La magie de cette dernière était efficace, mais bénéficier de laprotectiond’unedemi-déesse,c’étaitlagrandeclasse.Lesmainstremblantes,jedéverrouillailaporteextérieureetnoustraversâmes
lehallqui reliait l’entréede la rueàmonappartement :dansquelquesmètres,nousserionsensécurité.Unefoisàl’intérieur,jefermaiàcléettiraileverrou.Cen’étaitpasseulement
lesloupsrenégatsdeMarcusquim’inquiétaient.Peytonétaitencorelà,entraindemanigancerquelquechosedepasnet.Jenepouvaispasbaisser lagardeenreportant toute mon attention sur ce problème de loups. Si je le faisais, jepouvaisêtresûrequ’ilchoisiraitcemomentpourm’attaquer.
Je balayaimon appartement du regard, essayant de le voir avec les yeuxdeDesmond. La porte s’ouvrait sur le salon.À gauche de la porte, il y avait unplacard envahi par ma collection de chaussures, et à droite, une table pourdéposer lescléset lecourrier.Dans lesalon, iln’yavaitpasd’espacepouruncanapé, alors à la place j’avais une causeuse et un fauteuil assortis, tous deuxrecouvertsd’unimpriméfloraljaunesoleil.Personnenecomprenaitvraimentmonamourdujaune.Cettecouleurornaitle
tissu demesmeubles et la peinture desmurs de la cuisine. J’avais une photoencadrée de tournesols accrochée au-dessus de la causeuse, la première chosequejevoyaischaquesoirquandjemelevaisétaitcesfleursgaiesetdorées.Plusdelamoitiédesvêtementsquejepossédaisavaientuntoncitronoujaunepâle.J’étaisinconsciemmentattiréeparcettecouleur.Lorsquevousn’aviezjamaisétéautorisée à voir le soleil, vous aviez des penchants bizarres. Les vampiresavaientleursviesavantlamort, leur«tempsd’avant»,maisjen’avaispaseucettechance.Surlemuropposéàlacauseuse,ilyavaitlacheminée.Àsadroitesetrouvait
la télévision, et au-dessus d’elle, ma collection d’épées. J’en possédais une,médiévale,quidataitduXesiècle,époquependantlaquellelesépéesétaientpluscourtesetpratiquesàutiliseraulieud’êtreplusgrandesqueleurspropriétairesetimpossibles à manier. Keaty me l’avait offerte pour mon vingt et unièmeanniversaire. Certaines filles allaient de bar en bar pour fêter le passage desannées,moi,onm’offraitdesarmes.Sous l’épéeétaitsuspenduunkatana japonaisdanssonfourreau.Pendantun
combat,c’étaitdeloinlemeilleurchoix.Jel’avaisachetéàunogrefaepuantquiétait unpeu trop content de levendre, dansunmagasinpour touristesdans lequartier coréen. Cette lame d’acier recourbée était aussi l’épée que j’avaisutilisée dans le fameux incident dumétro que personne ne voulait me laisseroublier.Àgauchedusalonsesituaitlacuisine,quin’étaitpaséclairée,etauboutd’un
petit couloir,ma chambre.Àdroite après leplacard encastrédans lemur, il yavaitmaminusculesalledebain,quiavaitétédécoréeavecuncarrelagerosede
mauvaisgoût.Comptetenudelatailledel’appartement,unevisiteétaitinutile.Faireunlenttoursursoi-mêmesuffisait.—Ilfautquejeprenneunedouche,admis-je,aprèsavoirréaliséquel’étatde
mesvêtementsn’étaitpascequ’ilyavaitdepire.Mesjouesetmaboucheétaientcouvertesdesang,etàenjugerparlalourdeur
demes cheveux,mesboucles avaient commencé à formerdes paquets, ce quidevaitmedonnerunairplutôtpathétique.Desmorceauxdejouedeloup-garouétaient incrustés sousmes ongles.Dégueu. Je disparus dansma chambre pouraller chercherma robe de chambre, puis je revins au salon, oùDesmond étaitrestéimmobile.—Faiscommecheztoi.Situasbesoindetechanger,ilyadessweatsetdes
t-shirtsquipourraientt’allerdansletiroirdubasdemacommode.Jedésignailecouloirsombre.—Sers-toi.Trébuchantenentrantdanslasalledebain,jeneprispaslapeinedefermerla
porte.Jemedébarrassaidemesvêtementssouillésetj’ouvrisl’eauaussichaudequepossibleavantdegrimperdansladouche.Jeme tins sous l’aversebrûlante jusqu’àceque l’eaunesoitplus teintéede
sang.Jemefrottaitellementlongtempsquej’eusl’impressiondemedébarrasserdeplusieurscouchesdechair,puisjemeretrouvaiausec.J’essorai rapidementmescheveuxavecmaserviette. J’avais toujourseudes
boucles lourdes et lâches, pas serrées et frisottantes, donc je ne craignais pasqu’ellesdeviennenttropincontrôlables.Enfilantma robede chambre en soie lilas, jemedemandaipourquoi j’avais
achetéuntrucaussistupide.Ellemecollaitàlapeauauxendroitsoùmoncorpsétaitencoremouillé.Ensortantdelasalledebain,del’airfraism’accueillitdanslesalon,maisil
n’y avait aucun signe de Desmond. Il n’était pas assis sur ma causeuse et latélévisionétait éteinte. Jene levispasdans lacuisinenonplus. Je franchis lacourtedistancejusqu’àmachambreetjerestaideboutsurlepasdelaporte.Ilétaitassisauborddemonlit,torsenu,vêtud’unsurvêtementnoiretample
qui avait été abandonné là par le seul homme que j’avais fréquenté assezlongtempspourqu’illaissedesaffairesderrièrelui.Plusieursblessuresfraîches,qui étaient en train de cicatriser, striaient sa peau de marques rosâtres, etentachaientsapoitrine.Ellesauraientdisparudansquelquesheures.Satêteétaitenfouieentresesmains,etquandillevalesyeux,jepusyliretoutesalassitudeetsafrustration.—Jenesaispascequenousaurionsfaitsiquelquechoset’étaitarrivélà-bas.Encorece«nous».C’étaitladeuxièmefoisqu’illedisaitcesoir.Jememissurladéfensive,ildevenaitoppressant.—Maistunem’aimesmêmepas.Tunesupportesmêmepasdemeregarder.
Tunepensespas…Jebouillonnaisdecolère,maisilsecoualatête.—Lucasasuàlaminuteoùilm’arencontréquejeseraissonsecondlorsqu’il
deviendrait roi de la meute. Il le savait alors que nous étions seulement desenfants.Parcequ’ilétaitsûrdelui,safamillenousaadoptés,monfrèreetmoi.Ilsnousont traitéscommeleurspropres fils,etnousontélevéspourquenouscomprenions ce genre de vie, ce que n’auraient jamais pu faire nos propresparents.Uneseulequestionmevintàl’esprit.—Dominickesttonfrère?Il était difficile de se faire à l’idée queDominick, blond et petit, était de la
mêmefamillequeceDesmondbrunàlapeaucouleurolive.Sansparlerdeleurspersonnalitésdifférentes.Ilhochalatêteetcontinua.—LaraisonpourlaquelleLucassavaitquejeseraissiimportantpourluiest
quenouspartageonslavariationdumêmeliend’âmequivousunit.Lespiècesdupuzzlecommençaientàs’assembler,etj’entrevoyaislaréponse
àunedesquestionsquimetaraudait.Jem’assissurlelitàcôtédelui,soudainmalàl’aise.—Alors,cequetuesentraindedire,c’est…jeveuxdirecequeGenevièvea
ditauclub…
—Àproposdudoublelien.—Oui.Jesupposequ’elleneparlaitpasdesliensentremoietLucasettoiet
Lucas.Ilsecouadenouveaulatête.—Non.EllevoulaitdireentretoietLucas,ettoi…—Ettoi.Jem’enétaisdoutéaveccequeGenevièveavaitinsinué,maisl’entendredesa
boucheétaitdifférent.Ilmedévisagea,maisjefixaislefauteuilvideprèsdelaporte.—Jesaisàquelpointçadoitêtrebizarrepourtoi,dit-ild’unevoixlasse,je
n’yaipascrujusquecequel’onsoitdansl’ascenseur,plustôtdanslasoirée.Jepouvaissentirtongoûtsiclairementqueçam’afaittournerlatête.Tremblante,jeprisuneprofondeinspiration.—Moiaussi.La fatigue commençait à me gagner, et elle n’était pas seulement due au
combat. Le soleil était sur le point de lever et je devrais bientôtm’endormir,maistellementdequestionsdemeuraientsansréponse.—Est-cenormal?—Nousavonstoujourssuquec’étaitpossible.Ilestrarequelesroisaientun
lien d’âme avec leur second, mais quand ça arrive, ça crée une structurepuissantepour le leadership.Onest transparents l’unpour l’autre.Nousétionsconscientsqu’ily avaitun risquequeLucasnepuissepas se lier àune futurereine,ouquejesoismoiaussiliéàelle.Lesliensd’âmenesontpasunescienceexacte.Nousnesavionspasréellementàquoinousattendre.—Maisqu’est-cequec’est,alors?Jefisungesteallantdemoiàlui.—C’estunesortede«planàtroismétaphysique»?Jeveuxdire,pourêtre
honnête,jen’étaisdéjàpasprêteàaccepterl’idéed’être«destinée»àLucas,etmaintenanttumedisquejesuisdestinéeàêtreavecvousdeux?C’estcommeçaqueçafonctionne?Lacolèrefaisaitvibrermesmots,maisjenepouvaispaslacontrôler.
—Jenesaispas.—Commentça,tunesaispas?—Tout ce que je sais, c’est que depuis que je t’ai rencontrée, tu es tout le
tempsdansmespensées.Etselonmonmeilleurami,monroi, tuesdestinéeàêtresareine.Normalement,tudevraischoisirceluidenousdeuxaveclequeltutesenslepluslié.Maistuasadmisquetupouvaispercevoirnosgoûtsàtouslesdeux,cequisignifiequenil’unnil’autren’estleplusfort.—Pourquoiest-cequejen’avaispassentitongoûtavantcesoir?—Onsel’estdemandéhier.Nousavionsd’abordpenséquetuétaisseulement
connectée à lui, donc on ne s’était pas posé la question. L’hypothèse la plusprobable, c’est que son influence sur toi est plus forte parce qu’il est roi. Tun’avaisjamaisexpérimentéleliend’âmeauparavant,donclepremiergoûtquetuassentiprovenaitduplusalphadesloups.Cen’estquelorsquetuasétéloindeluipendantplusdequelquesminutesquetuaspuentrerencontactavecmoi.Beaucoupdesuppositionsetaucunevraieréponse.—Tulesavais?—Quoi?—Est-cequetupouvaismesentirhier?Ilétaitsilencieux,sonregardseperdaitsurlemuràcôtédematête.—Oui.Celamefrustraencoreplus.Ilsétaient touslesdeuxaucourantdecequise
passait,maisavaientchoisidenepasm’enparler,etjem’étaissentiestupideetmalpréparée.Jemelevaietdirigeaitoutemonirritationsurlui.—Jesuiscélibatairedepuisdeuxans,ettoutàcoup,jesuiscenséeêtreavec
non pas un, mais deux loups-garous que je connais depuis à peine quelquesjours.Frustrée,jelevailesbrasenl’air.— Si je ne sentais pas vos goûts à tous les deux, et si je n’avais pas
l’impression d’être traversée par un courant électrique à chaque fois que l’und’entre vous me touche, je dirais que toute cette histoire est un ramassis deconneries.
Je prononçai ce dernier mot avec beaucoup d’emphase, puis je me laissaitomberdanslefauteuil.—Jenevoulaispaslecroirenonplus.Jesoupiraidemanièreunpeuplusdramatiquequenécessaire.—Jenevoisvraimentpascommentçapeutêtrenégatifpourtoi!m’emportai-
jeavantdeleregretterimmédiatement.Desmond ramassa sa chemise ensanglantée sur le sol et me la lança sans
aucunedouceur.—Tusaisàquiappartientlesangsurcettechemise?Je n’étais pas certaine qu’il veuille une réponse alors je humai le vêtement.
Moncœurseserra.—Lemien.Sonsangyétaitaussi,maiscen’étaitpaslaréponsequ’ilattendait.Jelâchaila
chemisequiretombasurlesol.—Ouais,letien.Il se leva, la récupéraet la jeta à travers lapièce.Comme il était désormais
toutprèsdemoietquesacolèremontait,lespoilssurmesbrassetransformèrentenunemultituded’aiguillonsetunpicotementcurieuxparcourutmapeau.—Desmond…Jemesouvinsdecequis’étaitpasséladernièrefoisquej’avaiséprouvécette
sensationenétantaussiproched’unepersonneavecquij’étaisliée.—Jepensaisquetuallaismourir.Quandcettelouveaenfoncésesgriffesdans
tapeauetquetuesdevenuetoutemolle…C’étaitdoncunelouvequim’avaitattaquée.—Jefaisaislamorte.Jedusétoufferunrirenerveuxquandjem’entendisprononcercesmotsàvoix
haute. Desmond ne souriait pas du tout, ses mains tremblaient, et d’unmouvementrapide ilm’attrapapar lesépaulesetmesoulevade lachaiseavecunetelleforcequematêtetourna.—Tum’asdemandéenquoic’étaitnégatifpourmoi?Quandtuesdevenue
flasque,j’aivutoutesleschancesquej’avaisd’êtreheureuxmouriravectoi.Il
mesuffiraitdemeteniràtroismètresdetoipourlerestedemavieetrien,nilesexe,ni l’argent,ni lepouvoir,nepourraitégalercequeçameferait ressentir.Est-cequetucomprendsça?Ilmesecouapouraccentuersonpropos.J’appuyaimesmainscontresapoitrine.Unedéchargeélectriquenoustraversa,
là oùmes doigts étaient en contact avec sa peau nue et les poils noirs de sontorsededressèrent.Jereculailamainuneseconde,ildevaitavoirsentilechoc.Mais je ne pouvais pasm’empêcher de le toucher. J’avais besoin d’avoirmesmainssurlui.Toutessortesdepenséestrèshumainesmevinrentàl’esprit.C’estlemeilleur
amideLucas.JesorsavecLucas,n’est-cepas?Est-cequeçapeutpasserdecoucheravecquelqu’unetdedirequenotreconnexionmétaphysiquem’aincitéeàlefaire?Oui,enfait,c’estunesuperexcuse.J’étaistrèsprèsdelui,jefusagréablementsurprisedeconstaterquesesyeux
n’étaient pas vraiment gris,mais plutôt d’unviolet délavé.Cela donnait à sonvisagedéjàfrappantdebeautéuncôtéunique.Ilrelâchasonétreinte.—Oui,répondis-je.Sesmainsn’avaientpasquittémesbras,etj’avaisl’impressiond’êtreenfeuet
de mourir de froid en même temps. Je frissonnai. Il me frotta les bras avecfamiliarité,commesic’étaitunevieillehabitude,etunevaguedechaleurnaquitdansmoncorps.Elledescenditdansmonbas-ventreetmoncorpsfrémit.—Oui?Ilavaitoubliélaquestion.J’étaisétonnéequenousnoussouvenionsmêmedenosnomsavectoutecette
électricité qui dansait entre nous. Je n’avais qu’une idée en tête, il a envie demoi. Et à ce moment-là, ce que je voulais plus que tout, c’était être désirée.C’était peut-être faible de ma part, mais cela me procurerait un sentiment desécurité,neserait-cequepourunenuit.Nous nous regardions depuis si longtemps que je pensais que toutmon être
aller s’effriter entre sesmains. En prenant une inspiration, jeme demandai sij’avaismalinterprétélessignauxouimaginél’alchimieentrenous.Avais-jepris
delacolèrepourdelapassion?Àlarespirationsuivante,saboucheétaitsurlamienne.Je savais à présent ce queLucas avait ressenti quand je l’avais surpris avec
monbaiser.Jem’attendaisàcequ’ilsepassequelquechoseentreDesmondetmoi,mais la force de ses bras quim’emprisonnaientme coupèrent le souffle.Monhésitationnedurapas.À ladifférencedemonétreinte relativement sageavecLucas,cettefois,Desmondetmoiétionspresquenusetlelitn’étaitpasàl’autreboutdelapièce.Seulsquelquespasnousenséparaient.Ilm’embrassasifortquesesdentsclaquèrentcontrelesmiennes,etpendant
quelquesinstants,nousnousdéchaînâmes.Onauraitditquenousétionsentraind’essayer de nous dévorer. Mes lèvres étaient meurtries par l’intensité de saboucheetdepetitsbruitsquejen’avaisjamaisentendussurgirentdufonddemagorge. Je l’embrassai encore plus intensément, je voulais plus qu’un simplebaiser. Je griffai son dos, essayant de le débarrasser d’une chemise qu’il neportait pas. Depuis un moment, la logique n’existait plus. Un désir d’uneintensitérarel’avaitremplacée.Moncorpsétaitsipressécontrelesienquejenepouvais plus respirer sans sentir la pression de ses côtes qui jouaient avec lesmiennes.Undesplusgrosproblèmesauxquels jem’étaisheurtéepourfairedurerune
relationavecunhommehumain,c’étaitmonenthousiasmedémesuréaulit.Audébut, ils pensaient que c’était génial, quoiqu’unpeu rude,mais ils finissaienttoujoursparnepluspouvoirsuivre.J’avaisbeaucoupd’enduranceetleshumainss’épuisaient troprapidement.Àenjugerpar lavigueuraveclaquelleDesmondme souleva enme tenantpar les cuisses comme si jenepesaispasplus lourdqu’uneplume,l’endurancen’allaitpasêtreunproblème.Desmondtombasurlelitquigrinçasousnotrepoids.Jememisàcalifourchon
sursapoitrineetjemebaissaipourquemabouchenequittejamaislasienne.Ilm’embrassaitsifortqueçamefaisaitdumaletdubienàlafois.L’intensitéetledésirétaienttelsquejemefrottaiencoreplusfortcontrelui.Ses mains, enfin libres, descendirent le long de mon dos et ses doigts me
caressèrent en lissant le tissu soyeux de ma robe de chambre. Au lieu de se
démenerpourmel’enlever,d’ungestebrusque,ildéchiralasoieetjetalesrestesdanslapièce.—Jevoulaism’enacheteruneautredetoutefaçon.Ilgrognaquandmeslèvress’écartèrentdessiennes,puisilmeretournapour
s’installerau-dessusmoi.Sonpoidsétaittrèsagréableetfaisaitnaîtredesidéestrès prometteuses dans mon esprit. J’arquai mes hanches vers le haut etj’esquivaisonbaiserpourpouvoirplongermesyeuxdanslessiens.Monrythmecardiaqueétaitdéchaîné,toutcommelesien.Prenantsonvisageencoupepourl’obligeràmeregarder,jeglissaimespiedssouslaceinturedesonpantalonetlebaissaid’unmouvementsec.J’enserrai sa taille de mes jambes et il se pressa contre mon bassin. Un
gémissement m’échappa et je frissonnai. Notre peau était comme un feud’artifice,etcommeças’étaitproduitavecLucas,j’avaisdumalàmecontrôler.—Oui.Jeluiléchailalèvreinférieure.Jelibéraisonvisageetiln’hésitapasunesecondeavantdemeplaquercontre
lematelasdansunbaiserbrûlantetuneétreintesienfiévréequ’elleauraitpumebriser lesos.Mes jambes relâchèrent leurprise et seshanches reculèrent justeavant qu’il n’entre enmoi. Ses doigts enfouis dansmes cheveux, il arrêta dem’embrasseretbougeaànouveau.Sonregardavaitquelquechosedesiintimequemoncœurfituneembardée. Ilyavaitunesérénitéchez luique jen’avaisjamaisvueauparavant,commesitouteladouleurqu’ilportaitdepuisquenousnousétionsrencontréss’étaitenvolée.J’auraispuresterainsi,pourtoujours,àlecontemplerpendantqu’ilsouriait,parcequeceregarddouxetrêveurmefaisaitcroire que j’étais complètement désirée. Je lui caressai la joue et l’attiraidavantagecontremoi,lesentantmepénétreravecunelenteurexquise.Jehaletai,griffantsondos,essayantde lemaintenirenmoipoursavourer la
plénitude électrique qui faisait brûler mon corps comme feu d’artifice prêt àexploser.Ilseretiraetjegémis.—Encore,insistai-je,etilritenretour,s’enfonçantànouveauenmoi.—Oh!
Ilmittoutsonpoidscontremoncorpsettrouvaunecadencequifaisaitéchoauxexigencesdesmouvementsdemeshanches.Alorsquesonrythmes’accélérait,mamainchercha la têtede litouquelque
chose de solide pour m’accrocher. Je fermai les yeux et me cambrai, mepréparant à accueillir l’orgasme qui montait. La saveur sur ma langue étaittellementacideetenvahissantequ’ellemepiquait.Sousmespaupièresfermées,deséclairsvertéclatantfirentleurapparition,d’abordsouslaformed’unefaiblelueur,maisnotreardeur redoublant,elles’amplifiaet semitàexploserenunemultituded’étincellesdanslestonsdecitronvertchartreuse.Une de mes mains lâcha la tête de lit pour agripper ses cheveux épais et
humidesdesueur.Audébut,jepassaijustemesdoigtsdanslesvaguesdoucesetbrunes,mais alors que ses dents effleuraientma clavicule et que sa langue sepromenaitsurlabasedemagorge,j’ensaisisunepleinepoignée.Ilneralentitpas lacadencepourautantet sabouchese refermasurundemes tétons.Meslèvress’entrouvrirentdansungémissementsonoreaumomentoùilhissaunedemesjambessursonépauleetmodifial’anglepours’enfoncerdavantageenmoi.Jepensaisformerdesmotsjusqu’àcequejeréalisequelesonquijaillissaitdemagorgeétaitunhurlementdeloup.L’unedesbarresdemétaldelatêtedelitsebrisadansmamain:nousétions
tous lesdeuxen trainde jouir.Engrognant,Desmonds’effondrasurmoi.Nosdeuxpoitrinessesoulevaientetnousétionsluisantsdesueur.Il enroula ses bras autour de ma taille et posa tendrement la tête sur mon
ventre. Ses cheveux chatouillèrent mes seins encore sensibles. Ses yeux gris-violetm’étudièrent et quand il sourit, je crus quemon cœur allait s’arrêter. Ilfinitparremonterplushautsurlelitafindes’allongeràmescôtés,etjelaissailasécurité de ses bras m’envelopper. Blottie contre sa poitrine, j’inspiraiprofondément,inhalantsonodeurmusquéedeloupauxaccentsvifsd’agrumes.Lesoleils’était levéetmoncorpsnepouvaitplusignorersonbesoinleplus
fondamental.LesbrasdeDesmondautourdemoi,lesondesbattementsdesoncœurdansmonoreille,jesuccombaiausommeil.
Chapitre21Jemeréveillaiseule.Assaillieparunflotdesouvenirs,jetendislamainpourtoucherl’espacevide
àcôtédemoi.Jelevailatêteetregardailesdrapsfroissés.L’horlogem’indiquaitquecelafaisaitdesheuresqueDesmondetmoiavions
sombré dans le sommeil et que j’avais dormi toute la journée. Il n’était pasimpossiblepourmoidemeréveillerdanslajournée,maismonemploidutempsnocturneimpliquaitquej’étaisgénéralementendormiequandlesoleilselevait.Ça fonctionnaitmieux ainsi, puisque le soleil, cette étoile diabolique, drainaitmonénergie.J’attrapaimarobedechambre,maisiln’enrestaitquedeslambeauxensoie.
Les vêtements ensanglantés de Desmond ne jonchaient plus le sol. La seulepreuvedesaprésenceétaitsonodeurpersistantesurmapeauetmesdraps.Jem’habillaisanstropréfléchiràcequejemettais:undébardeurmoulant,un
sweatshirt à capuche noir et mon deuxième jean préféré. J’imagine qu’ils’agissaitmaintenantdemonpremierjeanpréférépuisquemonautrejeanavaitrencontréunefinsanglanteettragique.J’entraipiedsnusdanslesalonetmoncœurs’arrêta.Holdenétaitassissurmacauseuse,lesbrasnonchalammentcroisés.Ilneme
regardaitpas.Aulieudecela,sonregardfroidétaitrivésurdeuxloups-garous,l’unassisdanslefauteuil,l’autreappuyécontrelacheminée.LucasetDesmondnemeregardaientpasnonplus.IlsregardaientHolden.Ohputaindemerde.Lasituationétaitvraimentgrave!Tous les troissemblèrentm’entendreentreraumêmemoment.Les loupsme
jetèrentuncoupd’œil,maisHoldenrestaimmobileetpritlaparolelepremier.—Secret,situavaisbesoindechiensdegarde,tuauraispudemanderàSig.Desmond grogna dans sa direction, mais Lucas, la mâchoire crispée, ne
m’avaitpaslâchéeduregard.Monestomac fitunnœud. J’auraisdûmesentircoupableàcausedeceque
Desmondetmoiavionsfait,maisaulieudeçaunevaguedesoulagementeffaçatouteautreconsidération.—Tuesvivant.Sansm’enrendrecompte,j’avaisretenumarespiration.Jelarelâchai.— Oui. Marcus et certains de ses hommes se sont enfuis. Le club de
Genevièveaétéassezendommagéetilyaeudespertesdesdeuxcôtés,maisjepensequ’ilaétématépourlemoment.SesyeuxpassèrentplusieursfoisdemoiàHolden.S’ilétaitaucourantdece
qui s’était passé entreDesmond etmoi, ce qui était probable étant donné quetoutl’appartementétaitimprégnédenotreodeur,iln’enditrien.—M.Chancery,iciprésent,ainsistésurlefaitqu’ilfaisaitaffaireavectoi.Ilsemblaitincréduleenprononçantlemot«affaire».Chancery ?Waouh. Je n’avais pas entendu quelqu’un prononcer le nom de
famillehumaind’Holdendepuisdesannées.—Hum.Avec ces trois hommesdans cette petite pièce, jeme sentais nuemalgré les
couchesdevêtementsquej’avaisenfilées.—Depuiscombiendetempsvousêtestouslà?—Desmond,commetulesais,aétéavectoitoutelajournée.LetondeLucasétaitneutreetinsondable.—Jel’aiappeléquandleschosessesontcalmées,versseptheuresdumatin,
etilm’ajuréquetuétaisensécurité.Desmondmefixait,etjen’osaipascroisersonregard.—Ilm’aditquetuétaisépuisée,cequipeutsecomprendre,etm’asuggéréde
te permettre de dormir toute la journée. Il est resté avec toi pour assurer taprotection.
Cettefois,unpeudecolères’infiltradanslederniermot.Jejetaiuncoupd’œilàDesmondetjesourisfaiblement,incapabled’ymettre
lachaleurquej’auraisaimé.Ilnemesouritpasenretour,maisilnemeregardaitplusaussidurementqu’avant.— Je suis arrivée après le coucher du soleil, je suis permis d’entrer, ajouta
Holden,etj’aitrouvétesdeuxloupsici.DesmondfitunbruitdedégoûtquandHoldenparladu«coucherdusoleil».
Bien sûr, ils étaient parfaitement conscients que c’était un vampire.L’hostilitéambianteétaitévidente.JenepouvaispasdirecequidérangeaitleplusLucas:quej’aiecouchéavecDesmondouqu’unvampireaitundroitd’entréedansmonappartement.—HoldenestmonagentdeliaisonavecleConseildesvampires.L’honnêteté ne pouvait pas faire demal.Lucas savait déjà que je travaillais
pourleConseil.—Ilsnepermettraientpasàn’importequid’yavoiraccès,etàcausedece
quejefais,jedoispouvoircommuniquerdirectementaveceux.Holden…Jedésignailevampireaussiimmobilequ’unepierre.—…euh,monsieurChancery?C’estmoncontactauseinduConseil.Je regardai Holden, tout en essayant de passer outre son rictus et son petit
reniflementmoqueur.J’espéraisqu’iln’avaitpasl’intentionderévélermanaturevampiriquejustepourleplaisir.Jeluiavaisfaitconfiancependantsixanset ilfallaitqueçacontinue.—Onpeutdireça.Quisontleschiens?En l’espace d’une seconde, il avait validé mon explication et anéanti mon
espoirqu’ilfassepreuvedebonnevolonté.J’étaissurprisequ’ilsn’aientpasdéjàfait les présentations puisqu’Holden leur avait dit son nom. Il venait peut-êtrejuste d’arriver. J’étais également frappée qu’il sollicite des présentations alorsqu’il connaissait les deux loups : il les avait vus me kidnapper deux nuitsauparavant.Comme laplupartdesvampires,Holdenétait snob. Il croyaitque les loups-
garousoccupaientlebasdel’échelledescréaturessurnaturellesalorsqueluiet
sessemblablessetrouvaientausommet.S’ilspouvaientl’éviter,lesvampiresnese nourrissaient pas de loups. Ils considéraient que la lycanthropie était unecontamination du sang. Sig me l’avait dit, un de ses petits commentaires quiéveillaitmessoupçons:quesavait-ildemoiaujuste?—LucasRainestleroiloup-garoudesÉtatsdel’Est.Jedésignaileloup-garoublondàl’airgrincheuxassisdanslachaiseàcôtéde
lacauseuse.HoldenfitunsignedetêteendirectiondeLucas.—VotreAltesse.Jen’avaisjamaisentenduquelqu’unsaluerunroidemanièreaussiméprisante.
C’estincroyablecequ’onarriveàfairepasserseulementavecl’intonationdelavoixauboutdedeuxcentsansd’expérience.—EtDesmondest…Je réfléchis pendant quelques secondes, cherchant la manière la plus
appropriéedeleprésenter.—LenumérodeuxdeLucas.—Ehbien,ehbien…–lesyeuxdeHoldenrencontrèrentlesmiens…–tuas
sutehissersocialementdanslessphèreslupinescesjours-ci,n’est-cepas?—Aumoins,l’undenousavance.Jesouhaitaiimmédiatementn’avoirpasmentionnésonmanquedeprogression
dans leConseil.J’étaisengrandepartieresponsabledesastagnation,etattirerl’attentionsurcepointdevantceuxqu’ilconsidéraitcommedesêtresinférieursétaituncoupbas.LucasetDesmondobservèrentl’échangesansnousinterrompre,puisLucasse
mitdebout.Ilvintseplacerdevantmoi,baissantlesyeux,unpetitsouriresurleslèvres.—Tuvasbien,répétai-je,àpeinecapabled’ycroiremalgrésaproximité.—Biensûr.Lachaleurdesontondonnaitl’impressionquesasurvien’avaitjamaisfaitde
doute,etpeut-êtrequec’étaitlecas.Monignorancesurlesloups-garouspourraitremplir les volumes entiers d’une encyclopédie.Le combatde la nuit dernière
n’était-ilriendeplusqu’unconcoursdestinéàsavoirquipissaitleplusloin?Non,c’étaitplusqueça.Marcusavaitclairementeul’intentiondetuerLucas.
Ils’étaitmontréplusfouqu’unméchantdeBatmanetilavaitassassinésaproprefille:pasdequoimerassurerencequiconcernaitsarivalitéavecLucas.Ilnereculeraitdevantrienpours’accaparerletrône,etpeut-êtrequ’ilétaitinsensédela part de mon âme-sœur de roi loup de ne pas prendre la menace plus ausérieux.Je grinçai des dents,mais je ne savais pas si c’était dû à la frustration ou à
l’inquiétude.Holdenneregardaitquemoi,commesilesloupsn’existaientpasetn’étaientriend’autrequedesmeubles.J’essayaid’attirerdenouveaul’attentiondeDesmond,maisilavaitdécidéd’utiliserlevampirecommeuneexcusepourm’ignoreretreprendresonrôledegardeducorps.JesoupiraiplusfortetmetournaiversLucas.—Est-cequejepeuxteparler?dis-je,cequiattiral’attentiondeDesmond,
sesyeuxsedirigeantunquartdecentimètreversmoi.Enprivé.Lucasregardaverslaportedemachambreetjesecouailatête.—Danslehall.L’odeur de la chambre serait cruellement révélatrice. C’était une chose de
penserqueLucas était déjà au courant de cequi s’était passé lanuit dernière,maisçaneservaitàriendeleluimettresouslesyeux.—D’accord.Ilouvritlaporteetreculapourmelaissersortirenpremier.Holdenselevaà
moitiédesonsiègeetDesmondfitundemi-pasversluiengrognant.—Les garçons, vous pensez que vous pouvez faire une trêve pendant trois
minutes ? Je serai juste dehors et je doute que nous ayons prévu de nousentretuer.Jelançaiuncoupd’œilméfiantàLucas.Sonvisagenetrahitaucuneémotion.HoldenetDesmondnedirentrien,maiss’observèrentenchiensdefaïence.J’entraidansleminusculehallquiséparaitmonappartementdesescaliersqui
donnaientverslarue,etjenefuspassurprisedevoirDominick,debout,là.Cequim’étonnavraiment,c’estàquelpointj’étaissoulagéederetrouverceloup-
garoublondetsouriantenvie.—Jesuiscontentequetuaillesbien.—Idem.Leschosessesontplutôtbienpasséeslà-bas.À en juger par son sourire malicieux, il n’était pas trop secoué par son
expériencedemortimminente.—Tuasbienprissoindemonfrère?Je tressaillis et cela dut se voir, car le visage de Lucas redevint sérieux.
Dominickavaitcessédesourire.—Ilestàl’intérieur,déclaraLucas,pourrais-tunouslaisserseulsunmoment,
Secretetmoi,s’ilteplaît?Dominickhochalatêteets’engouffradansmonappartementsansajouterun
mot,fermantlaportederrièrelui.Seuledanslehalldelatailled’unplacardavecLucas, j’étais on ne peut plus consciente de sa présence physique. Ilmesuraitfacilementtrentecentimètresdeplusquemoiet,toutprèsdelui,danscetespaceexigu, ilmefallut lever lesyeuxpourrencontrer lessiens.Àprésentquenousétionsentête-à-tête,jem’attendaisàessuyertoutel’étenduedesoncourroux.C’étaitmérité.Jel’avaistrahi.Peuimportelamanièredontj’avaisjustifiémesactesdanslefeudel’action,
Lucasavaitétélepremieràsedéclarer.C’étaitlui,etnonDesmond,quim’avaitparléduliendel’âme,etc’étaitluiquim’avaitprésentéefièrementàsameutecommeétantsapartenairepotentielle.Etqu’avais-je fait,moi, saprétendue reine,en retour? Je l’avaisabandonné
alorsqu’il était endanger, et ce, avantmêmedem’êtremontréedignede sonrespect.J’avaismismoninfidélitésurlecomptedel’adrénalineengendréeparlapeuretl’imminencedelamort.En même temps, qui sème le vent, récolte la tempête : il avait passé sous
silencemonliend’âmeavecDesmondafindem’avoirpourluiseul.Etilavaitdemandé à Desmond de me protéger, en sachant que ce lien était tellementpuissantqueDesmondnelaisseraitjamaisrienm’arriver.J’avaisdépassélestadedelasimpleconfusion.Est-cequejemesentaismal
d’avoir couché avecDesmond ? Je ne l’avais pas regretté une seule seconde.
Pourquoiledevrais-je?Ilyadeuxjours,jenelesconnaissaisnil’unnil’autre,etj’étaisdésormaisplongéedansunmondeoùlesgenspensaientquej’étaisuneprincesse et où le destin m’avait choisi des partenaires providentiels. Doncj’avaiscouchéavecunepersonnequim’attirait commeunaimant,mais jemesentaismalparcequeçapouvaitblesserquelqu’und’autre.Moi, je n’avais rien demandé. Je ne voulais pas être une princesse et je ne
voulais pas quemon futur compagnon soit choisi par des forces surnaturelles.Nier que je ressentais quelque chose pour Desmond et pour Lucas serait unmensonge,mais«quand»et«si»jechoisissaisl’und’eux,seferaitselonmesconditions. En l’état actuel des choses, je les désirais tous les deux, ce quim’amenaitàpenserqu’ilvaudraitmieuxn’enchoisiraucunetrestercélibataire.—Lucas…commençai-je,sanssavoirquoidireensuite.Latensiondanssonregards’évanouitaumomentoùilposasesyeuxsurmoi.
Soudain, j’étais dans ses bras et il me tenait si fort que je ne pouvais plusrespirer.Jemelaissaialleràcetteétreinte,mettantmesbrasautourdesondos,cequirelâchalapressionquicomprimaitmespoumons.Je calaimonvisage sur sa poitrine et inhalai son odeur chaude,musquée et
vivante. J’avais oublié ma décision de rester célibataire à la seconde où ilm’avaittouchée.Lachaleurdesoncorpspénétraitlapeaudemonvisageetdemes mains, et je résistai à l’envie irrépressible de verser des pleurs desoulagement.Meslarmesteintéesdesangendévoileraienttropdemoi.—Jen’étaispassûrdeterevoir,murmura-t-ildansmesbouclesemmêlées.Je
nesaispascequej’auraisfaitsinoust’avionsperdue.Desmondavait,luiaussi,utilisélepluriellanuitdernière.—Desmondm’aditqu’ilt’avaitvuemourirhiersoir.Doncilsavaientparléavantdemeréveiller.QueluiavaitditDesmond?— Je suis désolée, chuchotai-je dans la douceur de sa chemise,m’excusant
sanstropsavoirpourquoi.Samaincaressamescheveux,enroulantdesmèchesautourdechacundeses
longsdoigtsmagnifiques. J’étais prête à parier que ses parents lui avaient faitprendredesleçonsdepiano,deviolonoudeguitare.Uninstrumentquipermet
defairebonusagededoigtsaussifins.Iltiradoucementsurmescheveuxetmerenversalatêteenarrière,puisilse
penchapourm’embrasser.Cen’étaitpasdutoutcommenotrepremierbaiser.Iln’y avait pas de politesse.Au contraire, ilm’embrassa avec l’intensité qui neconvenait qu’à de telles situations. Nous avions tous les deux pensé, mêmefugacement,que l’autreétaitmort lanuitdernière.Ledésespoiret lanostalgiequecontenaitcebaiserendisaientpluslongquedesimplesmots.Lucasm’appuyacontre lemuravecunbruit sourd,et je fus forcéed’arrêter
sesmainsbaladeusesavantdenouslaisserallerplusloin.—Lucas,àproposdelanuitdernière…Ilmesemblaitbêtementindispensabled’êtrehonnêteaveclui,alorsmêmeque
samainpuissantes’étaitglisséesousmonsweatetquesaboucheexploraitmoncou. Le hall embaumait la brioche à la cannelle, et je respirais difficilement,essoufflée.—Oublielanuitdernière,chuchota-t-ilcontremapeau.La porte demon appartement s’ouvrit à la volée et Dominick jeta un coup
d’œil dehors.Lucas etmoi tournâmes la tête pour le regarder, le soulagementm’envahit.Quisaitjusqu’oùjeseraisalléesinousn’avionspasétéinterrompus.L’histoireavaitprouvéquemonself-contrôleaveclesloups-garousétaitquelquepeulimité.—Désolé.Dominickfitunelégèrerévérence.—Onaentenduunbruitetons’estditqu’ondevraitvérifiersivousenétiez
venusauxmains.Enfin,pasdanscesens-là…Il interrompit ses excuses et sourit en regardant où était placée la main de
Lucas.Lucasseredressaetenlevasamaindemonhaut.Enrougissant, jemesouvinsqu’Holdenétaitencore là : ilavaitpuentendre
chaque détail de cette conversation. Je grommelai dans ma barbe contre mapropre bêtise. Nous retournâmes tous les trois dans l’appartement, et ce fut àmontourd’éviter lesyeuxdeDesmond.JepréféraimeconcentrersurHolden,
qui affichait un début de sourire. Bien sûr qu’il trouvait ça amusant. Lesvampires!Lucas,aussi,serappeladelaprésenceduvampireetdelaraisonpourlaquelle
Holdenétaitchezmoi.—Jevaisvouslaisseràvosaffaires.Ilsepenchapourqueseslèvresfrôlentmonoreille.Holdenl’entendraitquand
même,maiscetteillusiondevieprivéeétaitsuffisante.—Jesuissoulagéquetusoissauveaprèslanuitdernière.Jesuisdésoléquetu
aiesétémiseendanger.Jesaisquecelatemetdansunesituationinhabituelle…Dieuquej’aimeraisqueledangernefassepaspartiedemonquotidien.—Toutcequis’estproduitensuitepeutsecomprendre.Lesémotionsétaient
fortes,aprèstout.Ilreculaetmefitunsignedelatête.Venait-ildeme«pardonner»d’avoircouchéavecDesmond?Monvisagerougit,maispasd’embarrascettefois.J’étaisrougedecolère.Ma
décision avait été logique. Enfin, aussi logique qu’une décision pouvait l’êtreaveclalanguedequelqu’undanslabouche.Etdeplus,c’étaitarrivéengrandepartie à cause d’une connexion métaphysique dont Lucas lui-même m’avaitparlé. Je serrai les poings. Bien sûr, je ne voulais pas qu’il soit fâché, maispouvait-ils’attendreàcequeDesmondluipardonnesilui,Lucas,avaitcouchéavecmoienpremier?J’endoutais.Il se renfrognaetarquaunsourcil.Macolèreavaitdû le troubler.Putain,ça
metroublaitaussi.Jevoulaisqu’onsoitokaypourtant,non?—Tupeuxpartir.J’indiquailaporteouverte.Ducoindel’œil,jevisDesmondsourire,unéclair
d’humoursirapidequejemedemandaisijenel’avaispasimaginé.Aumoinsquelqu’un trouvait cette situation drôle. Je suppose que Lucas n’avait pasl’habitudequ’onlerejette.Jevoulaisluirendresonsourire,maiscelaauraitgâchémoneffet: jevenais
demerebelleretderepousserunroisanscérémonie.Après ledépartdes loups-garous, j’avais l’impressionque lebrouillarddans
lequel je baignais s’était levé et que j’étais enfin capable de voir et de penserclairement. Le simple fait d’être près d’euxme faisait perdremesmoyens, etj’allaisavoirbesoindem’adapteràceconceptdeliend’âmesijevoulaisavoirne serait-cequ’unpetit espoir de survivre à cette relation. Jen’avais paspourhabituded’êtreperduedelasorte!Jem’installai dans le fauteuil queLucasoccupait quelquesminutes avant et
fixailevampiresurmoncanapé.—Quefais-tuici?Sigm’adonnésesordres.LeTribunalnes’attendpasàce
quej’aiedéjàcapturéPeyton,alorsqu’est-cequetuveux?—Enplusdetecauserdesennuisavectesloupsetdetesurprendreenbonne
compagnie?Ilétaitévidentqu’iltrouvaitlasituationhilarante,maisjenerispas.—Jesuisvenupourt’aider.JeconsidéraisHoldencommemonami,etlaplupartdutemps,jel’appréciais
beaucoup. C’était un véritable allié, mais il n’était généralement présent quelorsqu’il pouvait tirer profit d’une situation. Jem’appuyai contre le dossier demachaise,l’observantattentivement.Jenepensaispasqu’ilmentait.—Secret.Savoixvibraitd’impatience,cequiétaittrèsrarepourunvampire.—Jesaisqueleschosesontété,fauted’unmeilleurmot,tenduesentrenous
depuismonbicentenaire.Cen’étaitpasunephrasequ’onentendaittouslesjours.—MaisnoussommestoujourslespersonnesquenousétionsquandSigm’a
assignépourêtretoncontact.Je ris. En six ans, j’avais changé. Je n’étais plus la même personne qu’à
l’époque.Tantmieux,sinon,jeseraismorteàprésent.LaSecretd’ilyasixansétait une jeune fille de seize ans pas très dégourdie, qui n’avait qu’une vagueidéedescodesdesurvie.—D’accord,peut-êtrepasexactementlesmêmespersonnes.— Je comprends ce que tu essaies de dire. Épargne-moi ces politesses. Ce
n’estpastonfort.
Je regardai par la petite fenêtre qui donnait sur la rue. Des pieds passèrentprécipitamment.Desvieshumainesquinesoupçonnaientriendumondeétrangequi existait tout autour d’eux.Combien d’entre eux Peyton allait-il tuer avantquejel’arrête?—Jepourraisvraimentavoirbesoindetonaide.—Tuveuxcommencerparoù?Tuasdesidées?—J’enaiune.Maistunevaspasl’aimer.
Chapitre22—Jen’aimepasça,corroboraHolden.Lepostedepolice76setrouvaitdevantnous.C’étaitunbâtimenttrapu,laid,
en béton, composé de deux étages rectangulaires de bureaux et de sallesd’interrogatoire,etd’unsous-solpourlescellules.Lesvoituresdepoliceétaientgaréessurunterrainclôturéderrièrelebâtiment.—Jetel’avaisbiendit.Alors que je commençais à monter les escaliers, je me retournai pour le
regarder.—Tun’aspasbesoind’entrer.Maiscrois-moiquandjetedisquepersonneici
n’auralamoindreidéedecequetues.Ilssonttoushumains.Très,trèshumains.Àcontrecœur,ilmesuivit,marquantunehésitationàl’entréeavantdefranchir
lesportes.Une jeunefemmeéreintéeétaitassiseà la réceptionetme lançaunregardlourddeméprisquandjem’arrêtaidevantelleetmeraclailagorge.Elles’adoucit dès qu’elle vitHolden, et une de sesmains se leva prestement pourarranger lesmèches éparses de ses cheveux. Comme d’habitude,Holden étaituneparfaiteillustrationdesconseilsdumagazineGQpour«paraîtrebeausanseffort».Unarticlequ’ilauraitpuécrirelui-mêmejadis.—Enquoipuis-jevousaider?Ellem’ignoracomplètement.J’essayaid’attirersonattentionendisant:—DétectiveMercedesCastilla,s’ilvousplaît.—Quidevrais-jeannoncer?Bon,ellemeregardait,maissavoixn’avaitplusriend’amical.
—SecretMcQueen.La fille leva les yeux au ciel, croyant que c’était un alias bidon. J’avais
tendance à devenir assez irritable avec les gens qui croyaient que mon nomn’étaitpas réel. J’allaisdevoir remerciergrand-mèred’avoirprisaupiedde lalettrelanotequemamèreavaitàmonsujet:«elledoitresterunsecret.»—Etvous?Elledésignalevampired’unmouvementdelatête.—HoldenChancery.Ilsourit,dévoilantsesdentsblanchesetbrillantes,sansaucunetracedecrocs.
Ellerencontrasesyeuxetplusrienn’auraitpulasauver.Enuninstant,ill’avaitmisesousemprise.—Biensûr.Elle parlait comme si elle était totalement envoûtée, comme si elle était en
train de rêver. S’il lui demandait de caqueter comme une poule, elles’exécuterait. J’avais vu des vampires nouveau-nés faire des choses vraimenthorribles une fois qu’ils avaient découvert comment mettre les humains sousemprise,maisHoldenn’avait jamaisétédugenreàabuserdecepouvoirpours’amuser.Lafilleutilisasontéléphonedebureaupourannoncernotrearrivée,puisresta
assise là, souriant àHolden commeun chien qui vient d’exécuter un nouveautourpourlapremièrefois.Pitoyable.Quelquesinstantsplustard,Mercedesdescenditlesescaliersderrièrelebureau
etnousfitsignedelasuivre.J’avaismenti en disantHolden que personne dans le bâtiment ne saurait ce
qu’ilétait.ÀenjugerparleregardfroidqueCedesluilançaàl’instantoùnousprîmesplaceàsonbureau,ellel’avaittoutdesuiteidentifiécommenonhumain.—Cedes,dis-je,untond’avertissementdanslavoix,c’estHolden.Elle en savait assez surmon travail pour connaître le nomdemonagentde
liaison. Cependant, ça ne changeait pas le fait qu’elle ne l’aimait pas. Toutcommelesloups-garous,Mercedeshaïssaitlesvampires.—Qu’est-cequivousamènedansmonhumbleétablissement?
Elles’adossaàsachaisedebureauetfitcommesiHoldenn’étaitpaslà.— J’espérais que notre prochaine rencontre se ferait devant des cocktails et
quetumedonneraislesdétailscroustillantsdetarencontreavecLucasRain.Holdenricanasouscape.Jetentaidel’ignorer.—Vousconnaissezlafille,cellequiaditqu’elleavaitétésauvéeparun…,je
baissailavoix…vampire?Cedes se tourna versHolden, une lueur teintée d’accusations dans les yeux,
puismeregarda.C’étaitunebellefemme,maissontravailavaitgravésonvisaged’une patine d’expérience et de sagesse qui la vieillissait plus que nécessaire.Elleavaitdesyeuxpresquenoirs,etlesbouclesdesescheveuxsombresétaientl’inversedesmiennes : serrées et indomptables.Sapeauétaitdoréecomme lemiel, mais trop d’heures à l’intérieur sans la lumière naturelle du soleil lafaisaientparaîtreblême.Lescernessoussesyeuxetsonmaquillageminimalmefirentpenserqu’elledevaittravaillersuruncasdifficile.J’espéraisjustequeçapourraitm’aider.—Ouais, elle s’appelle Brigit «Quelque chose ». Stewart ou Samuels. Un
nomanglophone.Est-cequetuavouesquec’esttoiquil’assauvée?—Entrenous,officieusement?—Biensûr.—C’étaitmoi.—Ouais,jem’endoutais.—J’aibesoindesavoirsituasremarquéquelquechosequit’asemblébizarre
depuis que c’est arrivé.Quelqu’un a-t-il signalé des attaques similaires ?Descadavresunpeu«pâles»?—Tuveuxsavoirsi jesoupçonneuneactivitévampirique?murmura-t-elle,
c’estplusdanstescordesquedanslesmiennes,Secret,non?Qu’est-cequisepasse?—Jenepeuxpas te ledire.Moins tuen sais,mieuxc’est.Mais tuaiderais
beaucoupd’innocentssitupouvaispartagerlesinfos.Sonvisages’étaitassombri.Ellecroisalesdoigtsetsecalasursonsiège.—Ungrosméchantenvue?demanda-t-elle.
—Legrosméchantestdéjàlà.Soudain exaspérée, elle concentra toute son attention surHolden. Il la fixa,
maispourluirendrejustice,iln’utilisapassespouvoirssurelle.—Maintenanttum’écoutes,espècedejolimoustique,parcequejenevaisle
direqu’uneseulefois.Jemefichedel’âgequetuasoudetapuissance.Siquoique ce soit, et je répètequoi que ce soit arrive à cette fille-là, je trouverai unmoyend’arrachertoncœurmortdetapoitrine.Comprende?Sanssedépartirdesonsang-froid,ilréponditcalmement:—DétectiveCastilla,jenetrahiraipasvotreSecret.Elleclignadesyeux,surprise,etjegémis.—MonDieu,Holden.Çafaitcombiendetempsquetucherchesàplacercette
phrase?—Environtroisans.—Etentroisans,tun’aspasréussiàtrouvermieux?—J’aimelesbonsjeuxdemots,qu’est-cequetuveuxquejetedise?—Lamentable.Jesecouailatête.Cedes,malgréelle,neputs’empêcherdesourireàcethorriblecalembour.Elle
nel’aimaitpeut-êtrepas,maisilavaitfaitdesonmieuxpoursefaireappréciersans s’abaisser à des tours de passe-passe, et je lui en étais reconnaissante.Àl’exceptiondeKeaty,Mercedesétaitmaseuleamiehumaine.—S’ilteplaît,Cedes.—D’accord.Undenossous-officiersinfiltrésaapprisquebeaucoupdefilles
avaientpeurd’alleravecdenouveauxclients.D’aprèscequ’elleaentendu,ilyades rumeursausujetd’unbeaumecquipaiedeuxou trois fois le tarifnormalauxfilles,maisaprèssondépart,aucuned’ellesnesesouvientdecequ’illuiademandédefaire.Lamêmerumeurditqu’ilyenaquinesontpasrevenuesdutout.Nousavonsreçuunappelanonymenousdemandantdevenirchercheruncadavre,maisquandnoussommesarrivés,iln’étaitpluslà.Etnousavonstrouvéune fille morte à quelques pâtés de maisons de Central Park. Elle étaitcomplètement vidée de son sang, mais c’était tellement étrange, putain. On
auraitditqu’elleavaitétédéchiquetéeparunchiensauvageavantd’êtretuée.Sesyeuxendisaientlong.—Puisquenousneconnaissonspasdechienssauvagesenlibertédanslaville,
onestàcourtd’idées.Jedéglutis.Unefillevidéedesonsangsignifiaitqu’unvampireétaitimpliqué.
Lefaitquelafilleaitétédéchiquetéeenmorceauxétaituneinfonouvelle,parcontre. Je connaissais des monstres capables d’arracher les membres de leursvictimesunàunpours’amuser,oudesdémonscapablesd’enleverlesosd’unepersonnepourenaspirer lamoelle.J’avaisunefoisentenduKeatymentionnerun fae des marais qui utilisait des rubans de peau humaine pour se faire desvêtements.Maisdanslaville,ilyavaituneoptionbeaucoupplusprobable.Unloup-garou.
Chapitre23Lenombrelimitéd’explicationsplausiblesàladisparitionétrangeethorrible
de la jeune fille tournait en boucle dans ma tête pendant qu’Holden et moimarchionscôteàcôtedanslanuit.Ilétaitpossiblequ’elleaitététuéeparunêtrehumaindément,maiscettepossibilitéétaittoutenbasdemaliste.Monmondeest-ilsipathétiquepourquej’envienneàpenserquelemoinspiredesscénarios,c’estqueletueursoithumain?L’hypothèselaplusprobable,c’étaitquelafilleavaitétéattaquéeparunloup-
garou et laissée pour morte. Un vampire qui suivait l’odeur du sang,soupçonnantuneproie facile, l’avait trouvéeet l’avaitvidéede son sang.Unefaçon demourirmerdique – presque tuée par une bête surnaturelle, puis tuéepourdevraiparuneautre.Certainespersonnesn’avaientpasdechance.—Àquoitupenses?Holdendevaitsedirequejeruminaisdepuisassezlongtemps.—Jecroisquesiquelqu’unkidnappecesfilles,cen’estpasPeytonlui-même.
Mais unmembre duConseil ne serait pas assez stupide pour laisser autant depreuves. Celui qui kidnappe ces femmes doit être un hors-la-loi qui travaillepourPeyton.Alexandreétaittropintelligentpourlaisserdestracesousemontreraugrand
jour,alorsildevaitavoirdesrenégatspourfairesonsaleboulot:desvampiresquiluiétaientfidèles.—Etlafilleattaquéepardeschienssauvages?—Unhasardextraordinaire?Justeunefemmevraimentmalchanceuse.
—Hmm.Iln’avaitpasl’airconvaincu.Honnêtement,moinonplus.J’enchaînai.— Nous devons parler à Keaty. Voir s’il a entendu quelque chose de
significatif de la part de ses sources.Mercedes nous a donné un bon point dedépart,maisnousdevonsvérifiersiquelqu’undemoinshumainaentenduquoiquecesoitquipourraitnousaider.Sinousdécouvronslapersonneoulachosequiramassecesprostituées,peut-êtrequecelanousmèneraàPeyton.—EttucroisqueM.KeatsseracapabledemieuxnousaiderqueleConseil?Holdenn’étaittoujourspasconvaincu.—KeatyaaccèsàdeslieuxetàdesgensauxquelsleConseiln’apasaccès.
C’estlaraisonpourlaquellevousautresluiavezfaitconfiancepourfairevotresale boulot.C’est aussi la raison pour laquelle il a été autorisé àm’introduiredansvotrecercle.LabouchedeHoldensefigeadansunrictussinistre,maisilnediscutapas.Il
savaitquej’avaisraison.Keatyavaitdesamisaussibiendansleshautsquedanslesbasquartiers,enfin,surtoutdanslesbas.Maiscescontactspourraientêtrecedont nous avions besoin pour trouver Peyton et celui qui se nourrissait desprostituées.Jen’étais pas allée aubureaudepuis deux jours, cequi n’était pas anormal.
Keaty s’occupait de l’aspect commercial des choses et il me faisait veniruniquement quand il avait besoin d’une paire demains supplémentaires, pourdesboulotsquineconcernaientpasleConseil.Libérédesesobligationsvis-à-visduConseildepuissixans,ilavaiteuletempsd’explorerunevariétéd’autrescas inhabituels.Ce sont ces cas inhabituelsquim’avaient amenéeàAlbanyetquim’avaientfait tuerunjeuneloup-garou.Àprésent,jevoyaisclairementlesconséquencesdechaqueaction.LebureaudeKeatyétaituncurieuxmélangeentreceluid’undétectiveprivé
d’un roman de Dashiell Hammett1 et celui d’un professeur de littérature del’universitédeNewYork.Aprèsavoirfrappéuncoupsecpournousannoncer,nous entrâmes par la porte en verre fumé. Il avait déjà dû entendre ma clétournerdanslaserruredelaported’entréedel’immeuble.Aucentredelapièce
se trouvait un bureau en chêne antique, sans aucun ordinateur ou confortmoderneenvue.Derrièrecebureau,ilyavaitunefenêtrequidonnaitsurunmurdebriques.Àgaucheetàdroitedubureausetrouvaientdeuxmursrecouvertsdusolauplafonddevieuxlivresusésquiétaientrangéssanssystèmederangementévident.Surlebureautrônaientuncendrieretunebouteilledescotch.Toutcetagencementn’étaitqu’unevasteillusionsoigneusementfabriquée.Keatyn’étaitpasnédeladernièrepluie.Il ne portait pas ses lunettes ce jour-là, donc il ne montrait aucun signe
physiquedefaiblesse.Quandils’agissaitdesonphysique,ilétaitimportantpourlui de se sentir égal à ceuxqu’il chassait.Vousnegagniezpas une réputationcomme celle de Keaty en affichant votre humanité. Dans la communautésurnaturelle,onparlaitdeKeatycommeonracontaitune légende, legenrequichangeaitàchaquefois,avectoujoursunfonddevérité.Jesavaistrèsbienqu’iln’étaitpasuntueurinvisiblequiapparaissaitetvolaitdesvies,justeunhommedoué, qui était compétent dans son travail. C’était l’une des raisons pourlesquellesj’avaisessayédel’éloignerdesmonstresauxquelsj’avaisaffaire.Unjour,sachancefiniraitpartourneretilseferaittuer.J’essaieraisd’éviterçaaussilongtempsquepossible.Unesortede récompensekarmique,vuque le jourdenotrerencontre,ilm’avaitsauvélavie.KeatyselevaettenditlamainàHolden.Ilsseserrèrentlamaincordialement,
puisHoldenetmoiprîmesplacedansunepairedefauteuilsencuirenfacedubureau.Keatynefitaucuneremarqueausujetdemonabsenceoudufaitquejen’avaispasappelépourdonnerdesnouvelles,maisildit:—Jecroissavoirquevousavezpasséunenuitintéressante.Jemeraidis,vexée,carjecrusqu’ilfaisaitréférenceàmonintimitéinattendue
avecDesmond.Unpeudedécence!PuisjemerappelaiqueKeatyn’étaitpasdugenreàs’intéresseràmavieromantique.—Tuparlesdecequis’estpasséauChaméléon?—C’étaitpratiquementunmassacred’aprèscequej’aientendu.—JesuissûrequeGenevièveauneassurance.— Geneviève Renard a un type d’assurance que l’argent ne peut acheter,
déclara Holden, presque tous les habitants de cette ville, humains ou pas, luidoiventdesfaveurs.C’estunefemmeintelligente.Jesouris lorsqueHoldenutilisa lenomdefamilledeGeneviève.«Renard»
étaitunmotfrançais,languequejeconnaissais,carmagrand-mèreavaitinsistépour que j’apprenne une seconde langue. Un ocelot qui portait le nom d’unrenard. Si Geneviève était aussi intelligente qu’on le prétendait, peut-être quenosnomsnousaidaientvraimentàconstruirenotreidentité.Lemienétaitleroidesemmerdeurs.—Qu’est-cequivousamènetouslesdeuxàmonbureau?demandaKeatyen
interrompantmesrêveries.Jevouluslecorrigeretpréciserquec’étaitnotrebureau,maiscen’étaitpasle
momentdepinaillersurlesmots,pasavecunvampiredanslapièce.Jemismafiertéensourdinepourpréserverlasienne.—As-tuentenduparlerdecesprostituéesàquiilmanquedessouvenirs?Ou
delafillequiafinienpiècesetvidéedesonsangdansleparc?—Oui.—Ilyadunouveau?—Oui.SonattentionsedirigeaversHolden,puisrevintversmoi.Endépitde toutes
ses appréhensions à propos des créatures surnaturelles, Keaty aurait fait unvampire incroyable. Tout comme les vampires âgés, il aimait être vague etmanquait de nuances dans le sarcasme. Pas étonnant que le Tribunal lui aitaccordétantdeconfiance.—LeConseilest-ilsoudainintéressépardesputesmortes?—Non.Maisnoussommestrèsintéressésparcequilestue.Holdenavait l’air toutaussi impassibleencet instantquelorsqu’ilétaitassis
dansmonappartementaveclesloups-garous.Jemedemandaisileseulendroitoùilsesentaitmalàl’aiseétaitlorsqu’ilm’accompagnaitauTribunal.Keatysepenchaenarrièreetcroisalesmainsderrièrelatête.Ilselançadans
lacontemplationduplafondquiavaitdebellesmouluresenformedecouronnesetuneintensecouleurbordeauxaucentre.J’imaginaisquequandilleregardait,
çaluifaisaitpenseràdusang.— Je pense que votremeilleure option serait d’interroger directement l’une
d’entreelles.Je le foudroyai du regard sans essayer demasquermonmécontentement. Il
était dix heures passées et je n’avais toujours pasmangé. J’étais demauvaisehumeur et carrément assoiffée de sang. Jemanquais demotivation à l’idée deparcourirlecentre-villedeNewYorkàlarecherchedeprostituéessousemprisevampirique.Ceseraittellementplusfacilesiquelqu’unmedisaitcequej’avaisbesoin de savoir plutôt que de me laisser suivre des miettes de pain commeGretel.Keatyn’avaitaucuneindulgencepourlessingeriesd’unchasseurdevampires
devingt-deuxansetmefixaavecunregarddur.—Quand jedisça, jeneveuxpasdire leurposerdesquestionsen tantque
détective.Jeveuxdirequesituveuxsavoircequ’iladvientdecesfilles,tudoisavoiruneapprochedirecte,surleterrain.Les sourcils de Holden se soulevèrent légèrement, un mouvement
imperceptiblepourn’importequid’autre.Mais jen’avaispasmanqué le légerrictus qu’avaient dessiné ses lèvres. Il savait ce que Keaty voulait dire par«directe,surleterrain».Malheureusement,moiaussi.
1Écrivainetscénaristeaméricainconsidérécommelefondateurduromannoir.
Chapitre24Jepréféreraisnepasm’attardersurlesraisonspourlesquellesjepossédaisun
pantalonsexylaméor.Jetrouvaicetteidéeridicule,etlatenue,àmonavis,étaittropclichée.J’avais
vu assez de prostituées, probablement plus queKeaty ouHolden, pour savoirque le pantalonmoulant et le tour du counoir étaient inutiles pour racoler unclientdenosjours.Lefaitquejesoismenueetunevraieblondefaisaitdemoiunecibleévidente.Peut-êtrequec’étaitcequejevoulais.M’éloignantdeBloomingdaleetdescoupsd’œildédaigneuxqu’onm’ylança,
je descendis la 59e rue et reçus davantage de regards interrogateurs lorsquej’atteignis la zone près du pont deQueensboro.De l’autre côté du fleuve, leslumièresdeLongIslandCitybrillaientetrendaientlavilleencoreplusbelle,ceque je n’aurais jamais crupossible.Elle était traverséepar le détroit de l’EastRiver,etpendantquejecontemplaisl’eau,jepensaisàtouslescorpsquej’avaisjetés là et à tous ceux qui avaient été jetés là par d’autres. Des corps qui neméritaientpastousd’êtremorts.Près du pont, un groupe de filles étaient agglutinées, la plupart portant des
collantsetde longs t-shirts.Cesoir, ilyavaitun relentde froidhivernaldansl’air, mais une seule avait enfilé un manteau. Les cinq filles fumaient, et unnuagepermanent s’attardait au-dessusde leurs têtes.Troisd’entreellesétaientdesLatinasapprêtées,avecdescheveuxpermanentésettressés.Unefillenoirearborait une tresse étrange qui ne semblait ni naturelle ni confortable.L’expressionsursonvisageoscillaitentre l’épuisementet l’ennui,etses lèvres
protubérantesfaisaientlamoue.Ellen’inhalaitpaslafuméedesaPalMal1.Ellesecontentaitd’aspireretdesoufflerlafumée,sansprendreletempsdelalaissertraîner dans sa bouche. Un tigre argenté ornait son haut. La dernière desprostituéesétaitlafilleblanchelaplusmaigrequej’aijamaisvue.Sapeaupâlesemblait recouvrir son tasdecoudes,degenouxetd’os saillants commede lacellophane.Cesfillesavaientvudesmonstresquin’avaientrienàvoiravecmontravail.Unsentimentdeculpabilitémesaisitàl’idéequecertainesdescréaturesdemonmondesoientpasséesdansleleur.C’étaitdéjàassezdifficilepourellessansquelesvampireslesutilisentcommedelarestaurationrapide.À mesure que j’approchais, je remerciais ma température interne qui me
protégeaitdufroidprintanier.Cettenuitportaitlapromessed’uneneigedefindeprintemps. Jeme glissai prudemment devant elles, la tête inclinée comme unchiotsoumis.—Qu’es’tuveux,toi?demandalaplusgrandedesfilles.Elle mesurait quinze centimètres de plus que moi et devait peser plus de
quatre-vingt-dix kilos. Ses bras étaient croisés sur sa poitrine opulente, et ellen’avaitpasl’airengageant.Surlechemin,ilnem’étaitpasvenuàl’idéequ’ilmefaudraitleurservirun
boniment. Bizarrement, j’avais espéré que les prostituées me considéreraientcomme l’une des leurs et m’accepteraient dans leur confrérie douteuse. Puisqu’ellescommenceraient immédiatementàparlerdesvampiresquis’enétaientprisàd’autresfilles,medonnantlesréponsesdontj’avaisbesoinpourpouvoirrentrerchezmoi.Quelleblondejepouvaisêtreparfois!—Euh…—ParkAvenueestd’l’autrecôté,petite.T’es loindes servicesd’escortede
l’UpperEastSide,tusais?C’étaitlafillenoirequimeparlaitenexhalantsafuméedécorativesousmon
nez.La fille blanche maigre rit, mais ne dit rien. Il était clair qu’elle était en
minoritédanscegroupeetellelesavait.Lagrandefillemeregardadurementetrenifla.
—Tu penses que tu peux venir ici ? Tu penses qu’avec tes beaux cheveuxblonds,onva tedire«oh,Blondie,biensûr, tupeuxêtre l’unedesnôtres?»Hmm?Tu t’esperduesur lechemind’unclubdestrip-tease?Qu’es’tuveux,putain?Cequejevoulais,c’étaitqu’ellelafermeavantquejem’encharge.Cesfilles
metraitaientaveclemêmedédainquelesjeunesvampiresquientendaientmonnom pour la première fois. Ça m’énervait, mais dans son cas, elle avait unebonneraisondememépriser.Unelignedelarmesbrilladansmesyeux,lestransformantenorbeshumides
dechagrin.—Jetravaillaisàquelquespâtésdemaisonsàl’est.Lasemainedernière,une
filledemoncoinestmontéedansunevoiture.Ellen’est jamais revenueet ilsl’onttrouvéedansleparc,lecorpsenmorceaux.Mavoixtremblaitdemanièreconvaincante.Etl’Oscarestdécernéà…Ellesrestèrentimpassibles,maisjevislesdeuxLatinasplusmincesacquiescer
d’ungestevifdelatête.—Yolanda,c’estcommecequiestarrivéàCleo,hein?D’unemainlevée,laplusgrandedesfillesréduisitsacopinenoireausilence.
Elleétaitclairementlachef.LesyeuxdeYolandas’étrécirent,ellem’évaluaitplussérieusementàprésent.—Commentqu’tut’appelles,petite?—Brigit.J’avaisutilisélepremierprénomquim’étaitvenuàl’espritaprèsnotreréunion
avecMercedes.—Brigit.Ondiraituneputaindepom-pomgirl.Lesautresfillesrirentunesecondeavantqu’unsilenceattentifs’installe.Dans
l’obscurité,prèsdelarivière,aumoinsunvampireobservaittoutl’échange.Laprésence d’Holden m’enveloppait comme une mince couverture protectrice.ÉvoquerHoldenmefitpenseràunautrevampire.JemedemandaiscequeSigpenseraits’ilvoyaitoùm’avaitmenéelamissionqu’ilm’avaitconfiée.Àmonavis,lasituationleferaitbienrigoler.Sansaucundoute,Holdenluiferaitpartde
nosmanigancesdecesoir.Une voiture passa et ralentit, je devins alors la dernière préoccupation des
filles.Jerestaiàl’écart,ettouteslescinqselancèrentdansunemécaniquebienhuilée.—Hey,bébé!Commentçava,chéri?T’asbesoind’unefille?Jevaist’faire
passerunsacrébonmoment.Toutçamemitmalàl’aise.Je m’attendais à ce qu’il ramasse l’une des filles latinas, plus fines et plus
jolies,maisàmagrandesurprise,leclientchoisitlagrandeetfadeYolanda.Jetendislecoupourmieuxlevoir,maislegarsressemblaitàn’importequelbeaufd’âgemûrincapabledechoperautrechosequ’unefilledesrues.Lesquatreautresrevinrentseserrerprèsdemoietmedévisagèrentcommesi
j’étaisunanimaldefoire.Ellesnedisaientrien,ellessoufflaientjustedesnuagesdefuméesousmonnez.J’étaisprêteàparierqu’aucunedecesfillesn’avaitplusdeseizeans,pourtantellesavaientl’aird’avoirlaquarantaine.—Quic’estCleo?Jerompislesilence,espérantqueçanemedonneraitpasl’aird’unflic.J’avais
croisélesbrassurlapoitrineetfaisaissemblantd’avoirfroid.Les deux Latinas minces échangèrent un regard sans rien dire, mais elles
avaientuneexpressionsinistresurlevisage.Lafilleblanchemetournaledos,malàl’aise.Lafillenoirebavardeétaitàpoint,c’étaitclair.Jelafixaietellepliaplusvitequ’unechaisedejardin.—Elleavaitl’habituded’êtreavecnous,tuvois?ditlafillenoire.L’unedesLatinasgrognaquandlafillecommençaàparler,maisçan’empêcha
pasl’autredetoutbalancer.—C’étaitcommetul’asdit,tuvois?Elleétaitlà,elleaétéramassée,mais,
elle,elleestrevenue.Parcontre,ellen’étaitpas«normale».—Commentça,pasnormale?—Veda.Tufermestaputaindegueule.Vedal’ignora.— Qu’est-ce que ça fait maintenant, Misty, hein ? Cleo est morte, non ?
Qu’est-cequeçachange?JedevaisclarifierlesdiresdeVeda.—Elleestmorte?—Ouais,putain.Ouais.—Maiselleétaitenviequandelleestrevenuevousvoir?demandai-je.—Elles’estfaitramenerdansungenredelimo.Elleestsortieetelletitubait,
tuvois?Commesielleétaitbourrée.Vedamima lemanqued’équilibre et lebalancementd’une femme ivre, puis
s’arrêtabrusquementetcontinuaàfairesemblantdefumer.—Cleo n’est pas idiote.Elle sait qu’il faut pas boire quand on est avec un
client.Cegenredeconneriespeuttetuer.Vedasecoualatête,poussantunsoupirsolennelenpointantsacigarettevers
moi pour accentuer son propos. Voilà toute la sagesse des prostituéesadolescentesfatiguéesdecemonde.—Maiselleétaitenvie?—Putain,meuf, t’es sourde? s’impatientaMisty,maiselle semblait chaude
pourcontinueràmerépondre,et j’avaisbien l’intentiond’enapprendreautantquepossible.—C’étaitbizarre, tuvois?poursuivitVedaenregardant lesautresfillesqui
acquiescèrentd’unairsérieux.—Genre,ellebabillaitdelamerdedansunelanguebizarre.Comme,tusais,
danscesémissionsévangéliquesoùungarstoucheleurtêteettout?Vedajoignitlegesteàlaparoleetposaunemainsurlafilleblancheetmaigre,
commesielleallaitlaguérirparlaforcedel’esprit.LafillepouffaderirequandVedatouchasonfrontetannonçadefaçondramatique:—Soisguérie,salope!—Elleparlaitcommesielleétaitpossédée?—Qu’est-cequeçapouvaitêtred’autre,putain?Vedalevalesyeuxauciel.Jen’avaisaucuneexplicationàluidonner,alorsje
lalaissaicontinuer.—Entoutcas…
Veda appréciait d’être le centre de l’attention même pour une si petiteaudience. Sa voix avait commencé à bouillonner d’enthousiasme. Je supposaiqu’êtreauxcôtésdeYolandaavaitdûlimitersesopportunitésd’êtreremarquée.—Elle est rentrée à lamaison et le lendemain,Yolanda est allée lui rendre
visite, tuvois?ParcequeRaymondauraitétévachementénervéqueCleorateunenuit,tusais?Je hochai la tête comme si je connaissais l’étendue de la colère de leur
proxénète.—Et?—EtCleoétaitmorte.—Mortecomment?—Meeeeerde,Blondie,tuposesbeaucoupdequestions.—Onmel’adéjàdit.— Yolanda a dit qu’elle avait l’air d’être morte depuis des jours, intervint
Misty, cherchant elle aussi uneoccasionde se fairemousser, elle adit qu’elleétaittoutepâleettout,etqu’elleavaitl’airdeneplusavoirdesangenelle.Jesentislesangdésertermonproprevisage.Iln’yavaitplusaucundoute.—L’avez-vousenterrée?—Est-cequ’onal’airdepouvoirsepermettredepayerdesfunérailles?Cetteévidenceavaitétérelevéeparlajeunefilleblanchequijusqu’alorsétait
restéesilencieuse.Elleavaitassezrécupéréaprèssafausseguérisonmiraculeusepourseremettreàfumer.—Est-cequequelqu’unl’aenterrée?Moncœurbattaitlachamade.Misty eut l’air coupable et se détourna de Veda, qui parut mal à l’aise en
entendantlaquestion.—Non.—Non?Vedamelançaunregardnoiretjelafermai.— On voulait le faire. On a appelé les flics, d’accord ? Un coup de fil
anonyme,pourquequelqu’uns’occuped’elle.
Maintenant, je voyais la concordance avec les informations que Mercedesm’avaitdonnées.Jehochailatête.Ilyeutunflottementgénéral.—Mais quand les flics sont arrivés, ils n’ont pas trouvé de corps. Aucune
nouvelleducorps.C’étaitcommes’iln’avaitjamaisétélà-bas.Maisilyavaitbeletbienété.CequiétaitarrivéàCleo,laprostituée,n’était
plus un mystère. Et je savais aussi ce qui était arrivé aux autres filles dontMercedesm’avaitparlé.LemeurtredansleparcavaitététropbâclépourquecesoitPeyton,etdésormais,jecomprenaisclairementpourquoi.Jeregardai lesfilles ; ilétaitclairqu’ellesavaientperçulechangementdans
mon attitude. Je ne cachai pas l’expression d’horreur de mon visage,heureusementqu’ellesn’ensaisissaientpastoutelasignification!J’avais une idée plus précise de ce qu’était la base du plan de Peyton. Au
début,j’avaiscruqu’iltuaitetsenourrissaitdesfillesuniquementpourleplaisir,caruneprostituéemortenemanqueraitàpersonne.MaissiCleoavaitétévidéedesonsangdanslesimplebutdeservirderepas,soncorpsauraitétélaissésurplace, làoù les flics auraientpu le trouver.Ellen’auraitpasparlécommeunepossédée.Les signes décrits parVeda etMisty étaient ceux d’un vampire nouveau-né
avantquelechangementsoiteffectif.Boiredusangdevampirecausaitsouventdes hallucinations, des accès de violence, des nausées et un certain nombred’autreseffetssecondaires.Ensuite,celaprovoquaitlamort–unemortsirapidequ’elle ne pouvait passer pour un décès humain normal. Enfin, cette mortaboutissaitàunerésurrection.Etaveccetterésurrectionsurvenaitlafaim.Peytonoul’undesmembresdesonnidavaittransforméCleoenvampire,puis
l’avait lâchéedansunmonded’humains ignorantsdudanger.Onavaitenvoyéunnouveau-nésouffrantd’unesoifincontrôlablechasseraumilieudesonproprepeuple.Etilyenavaitsûrementbeaucoupd’autres.
1Marqueaméricainedecigarettes
Chapitre25Il y eut beaucoup d’insultes et de protestations lorsqu’une nouvelle BMW
brillantetournaaucoindelarueetmefitsigned’approcherducôtédelaportepassager. Veda et les autres filles essayèrent de convaincre le chauffeur qu’ilperdaitsontempsetqu’une«maigrichonnesanscul»commemoinepourraitpaslesatisfaire.Jem’offusquai de cette dernière déclaration :mon cul n’était pas osseux et
certainespersonnessemblaientbeaucoupl’apprécier.Lesfillesmirentfinàleursplainteslorsqu’ellesvirentlevisageduconducteur.
Mercedesnousavaitditquedesfillesdanslarueavaientrapportéqueleclientmystérieuxétaittrèsbeau,alorslevisaged’Holdenavaitdûlesalarmer.—Bonnechance,Blondie, ricanaMisty,sonadieusonnantcommeunéloge
funèbre.J’acceptai mon destin et entrai dans la voiture à côté d’Holden en
marmonnant:—Emmène-moiàlamaison.—NousnecherchonspasPeyton?—Nousneletrouveronspascesoir.Emmène-moiàlamaison.—Qu’ont-ellesdit?Jemetournaipourluifaireface,essayantdetrouverunmoyenderésumerce
quelesfillesm’avaientditafinqu’ilcomprennelagravitédelasituation.— Elles sont les rats de Londres, dis-je enfin, ne sachant pas comment le
formulerautrement.Samâchoiresecontracta.
—Qu’est-cequetuveuxdire?J’appuyaimatêtecontreleverrefroiddelavitredelavoiture.—Peytonnesesertpasdecesdéchetshumainscommenourriture.C’estce
que nous avons cru, qu’il s’en prenait aux sans-abris et aux filles dans la rueparcequ’ilssontdesproiesfaciles.Delanourriture,quoi.—Oui.—Maiscen’estpasça.Illestransforme.Jenepensaispasque lesvampirespouvaientblêmir,mais lacouleurcendre
quienvahitlevisaged’Holdenmeprouvalecontraire.—Illestransforme?—Iltransformecertainesfillesenvampiresetlesrenvoiedanslarue.— Mais pourquoi ? Aucun vampire sain d’esprit n’aurait envie de se
prostituer.Nousne transformerions jamaisunepersonnequenousconsidéronscommeindigned’êtrevampire.—Tunecomprendspas?Ilmeregardaducoindel’œil.—Ilestentraindecréerunearmée.Cesontdesporteursdepeste,desMary
Tiphoïde1.Ilvalesutiliserpourencréerdavantageoupourdétruirelesautres.—MonDieu.IlcommençaitàcomprendreàquelpointleplandePeytonétaitpervers.—IlvafairedeManhattanunevillevampire.Ilveutsortirdel’ombre.—Ilveuttuertoutlemonde.—Et il commence par les bas fonds. Les prostituées vont contaminer leurs
clients. Ils vont contaminer leurs femmes ou leurs petites amies. Ça va sepropager.Sionneletrouvepasbientôt,onnepourrapasl’arrêter.— Mais Peyton est un hors-la-loi connu. Un vampire seul ne peut pas
accomplirça.—Ilnedoitpastravaillerseul.Etildoitavoirquelqu’unquiagitenpleinjour,
mais à ma connaissance, il n’a pas de domestique de jour. Seuls les maîtresvraimentpuissantspeuventexercercegenredecontrôle.—CommeSigavecIngrid.
—MaisSigaplusdemilleans.—Deux,mecorrigeaHolden.Je n’avais pas l’énergie nécessaire pour prendre la mesure d’une telle
information.—EtPeytonn’enamêmepastroiscents.—Ilneseraitpascapabledemanipulerunserviteurhumaindanslajournée.Il
pourraitàpeinegérerun«Renfield».Je détestais le terme de « Renfield ». Après le roman éponyme de Bram
Stoker, les vampires avaient trouvé ce nom trop hilarant pour ne pas lereprendre.ToutcommeDraculautilisaitlepauvreetfaibled’espritRenfield,lesvampireshors-la-loimettaientsouventsousempriseunepersonnepourenfaireunserviteurquisepliaitàleurvolonté.IlslesappelaientlesRenfield.Les domestiques de jour entretenaient une illusion de libre arbitre, mais
avaienttoujoursentêtelesbesoinsetlesdésirsdeleurmaître.Deplus,grâceaulien ainsi créé, ils pouvaient vivre durant plusieurs siècles. Il leurmanquait laforceetlapuissanced’unvampire,maisilsjouissaientdeleurespérancedevieprolongée.LaservantedeSig,Ingrid,étaitunesuperbeAllemandequ’ilavaitrencontrée
au début du treizième siècle.Elle était calme et dévouée,mais j’étais certainequ’au fil du temps elle avait vu des choses qu’aucun de nous ne pouvaitimaginer, surtout en étant aux côtés de Sig. Je soupçonnais qu’à plus de septcents ans, Ingrid était une humaine à ne pas sous-estimer. Je n’aimais pasmeretrouverseuleavecelle.Jenevoulaispassavoirtoutcequerecelaientsesyeux.HoldengaralaBMWdevantmonappartement.Desfrissonsm’envahirent,le
choc des événements de la soirée commençait réellement à faire son effet. SiPeytonessayaitd’envahirlaville,derévélerl’existencedesvampirespartoutetde mener une guerre totale contre l’humanité, il ne le ferait pas seul. Etquiconquel’aidaitdevaitêtrepuissant,mauvaisetdéterminé.IlfallaitquejeparleàSigdetouteurgence.Maiscommentpourrais-jeavoir
unediscussioninformelleausujetdemessoupçonsaveclechefduConseildesvampires ? Est-ce que ce que pensait une tueuse de vampires
métissel’intéresserait?Holdenparutdevinercequimepassaitparlatête,carilposaunemainsurma
cuisseetdit:—Laisse-moiallerauConseil.JevaisdemanderuneaudienceàSigetvoirce
qu’ilpensedecequetuasdécouvert.Je hochai la tête solennellement. Ce serait mieux si Holden y allait. Leur
apporter l’information l’aiderait peut-être à gagner leurs faveurs etmonter engrade. Je ne pouvais pas lui reprocher d’avoir envie d’évoluer parmi sessemblables.Jesavaisqueceneseraitjamaismoncas.J’ouvris la portière dema voiture, apercevant une Dodge Challenger de 72
inconnue,mais impeccablementbienentretenue,garéeprèsdemon immeuble.Elle étaitgris anthracite,unecouleur assez rarepourunevoiture, surtoutpourunevoiturevintagedecompétition.J’étais sur le point de demander à Holden s’il se rappelait l’avoir déjà vue
quandjeremarquaiquemonsalonétaitéclairé.Jenemesouvenaispeut-êtrepasdesvoituresque j’avaisdéjàvues,mais je savaisque j’avaiséteint toutesmeslumièresavantdepartir.Quelqu’unétaitchezmoietiln’avaitpasétéinvité.
1LapremièrepersonneauxÉtats-Unisidentifiéecommeporteursaindelafièvretyphoïde
Chapitre26—Holden.Je me penchai vers la voiture, mais mes yeux restèrent concentrés sur ma
fenêtre,quiétaitsituéeaumêmeniveauqueletrottoir.Monsalonétaitlaseulepiècedel’appartementàlaisserentrerlalumièrenaturelleet,defait,laseuleàlalaisserfiltrer.—J’aivu.—Attendons-nousquelqu’un?—Keats?— Keaty aurait appelé en premier. Il se garderait bien de débarquer à
l’improviste.—Lesloups?Je levai lesyeuxvers lafenêtre,espéranty trouveruneréponsequin’yétait
pas,avantdemedétourner. Ilnem’étaitpasvenuà l’espritqueçapuisseêtreLucas ou Demonds, mais maintenant que Holden en parlait, ça me paraissaitévident.Jerougis,etcelan’échappapasàl’attentiondeHolden.—Celaauraitdusens.—Veux-tuquejevienneavectoi?Si c’était un demes loups, la présence d’Holden àmes côtés ne ferait que
compliquerleschoses.L’embarrasdudébutdesoiréeétaitencorefraisdansmonesprit,etjedoutaisquelesgarçonsl’aientoubliéaussi.J’étaiségalementassezcontrariée qu’ils s’invitent chezmoi, et je ne voulais pas qu’Holden soit avecmoi lorsque jemettrais les choses au clair avec la personne quim’attendait à
l’intérieur.—Non.Çadoitêtrel’und’entreeux,c’estcequiestlepluslogique.Tupeux
yaller.—Tuenessûre?—VavoirSig.Nousdevonssavoirquellessontsesdirectives,etsi,aprèscette
nouvelleinformation,ilveuttoujoursPeytonvivant.Holdenmerailla,et jesavaisqu’ilétaitconvaincuquel’opinionduTribunal
nechangeraitpasmalgré lesnouveauxéléments,maisobtenir l’autorisationdetuerPeytonseraitunpointnonnégligeablepourm’aideràmedétendre.—S’ilteplaît,préviens-moidèsqu’ilyadunouveau.Il hocha la tête et je fermai enfin la portière de la voiture. Dans mon
appartement éclairé, d’autres problèmesm’attendaient. Je commençai à croirequelafindemesennuisn’étaitpaspouraujourd’hui.Jenemerendiscompteàquelpoint j’avaisvu justequ’unefoisseulesur le
trottoir:jeregardailavoituredeHoldens’éloignerquandjesentistoutelaforced’uncorpsmepercuterpar-derrière.Le coup fut accompagnédegrognements et de craquements qui résonnèrent
près demon oreille etme refroidirent instantanément le corps. Ces bruitsmerappelèrentma soirée de la veille, dans le club, quand je tenais la gorge d’unhommedansmabouche.Saufquelaveille,cesbruitsd’animauxneprovenaientpasd’uncorpsétranger,maisdemapropregorge.C’étaitindéniablementlecrid’unebêtesauvage,d’unprédateurséparédesaproieparunesimplemorsure.J’étaisimmobiliséeparlepoidsdequelqu’unquiessayaitdemedévorer.Jelaissaiéchapperunhurlementquiressemblaitmoinsaucrid’unevictimede
film d’horreur qu’à celui d’un animal blessé,mais c’était l’expression la plusnaturelle que j’arrivais à produire dans la panique. Comment avais-je pu êtreassez stupide pour baisserma garde pendant une fraction de seconde, sachantque Peyton était en ville et qu’il attendait l’opportunité demettre un terme ànotrecontentieux?—Jet’imaginaisplusfortequeça,ditlaboucheprèsdemonoreille.Cesparolesémanaientd’unêtrehumain,alorsquelessonsprécédentsétaient
gutturaux.J’arrêtaidemefustigerintérieurement.Lentement,lavoixetlesmotss’emboîtèrent dansmon esprit, jeme rendis compte que la voix était jeune etféminine.L’undesnouveauxlaquaisdePeytonm’avait-iltrouvée?Profitantde sonsilencepourme ruerenarrière, je la repoussaivivementen
envoyantl’arrièredemoncrânecontresonvisage.Lamanièredontlasuffisancedesgenspouvaitlesmeneràleurpertenecesseraitjamaisdem’étonner.Jemelevaietm’accroupisdansunepositiondecombat,prêteàaffrontersaprochaineattaque.Pourlaénièmefoisdelasemaine,jeregrettaid’avoirdûsortirsansmonarme.J’auraisaiméêtrearmée,mêmesijen’auraisjamaispucacherunearmeaveccettetenuequidissimulaitàpeinemonentrejambe.Je fus frappée de stupeur en reconnaissant le visage de la jeune femme qui
m’avaitattaquée.Elleavaitpresquelamêmeallurequelanuitoùjeluiavaisordonnédefuirde
CentralPark, son talonbriséderrièreelle, saufquemaintenantun flotdesangcoulaitdesonnez.Jevenaisdeleluicasser,etelleparaissaitplusavoirpeurdemoi. La fille queMercedes avait désignée sous le nom deBrigit s’agenouillaprèsdutrottoir,sepréparantcommeunprédateurmortelquiattendlemeilleurmomentpourbondir.Elleétaitaussipâlequecettenuit-là,maiscen’étaitpaslapeurquilarendait
ainsi.Sanouvellepâleurétaitvisiblesouslefauxbronzagedesapeau.Sarobed’étéblanchevaporeusedénotaitcomplètementdanslefroidduprintemps.Brigitétaitmorte.Jesavais,d’aprèscequeMercedesm’avaitdit,quejel’avaisbiensauvéecette
nuit-là.ElleavaitquittéCentralParkenvieetétaitrentréechezelleenunseulmorceau.Alors, commentétait-elledevenuecevampirenouveau-néqui, à cemoment
précis,nemelâchaitpasdesyeuxetdontl’objectifétaitclairementdemetueralorsqu’ily avaitquelquesnuits, je l’avais sauvéed’unmonstre commeceluiqu’elleétaitdevenue?Celanepouvaitpasêtreunecoïncidence.Toutescespensées inondèrentmonespritenquelquesmillièmesdeseconde.
Avantquej’aieletempsd’exprimeràvoixhautemesquestions,Brigitquittasapositionaccroupieetsejetasurmoiunesecondefois.Maisellen’avaitplus l’élémentde surprisede soncôté.Elleétaitpasséedu
statutd’attaquant ruséàceluide tueuse inexpérimentéequi lançaituneattaquecontreunadversaireentraînéetmortel.Ellen’auraitpasledessuscettefois.Lorsqu’elle fut assez proche, j’attrapai une poignée de ses cheveux etm’en
servitpourbalancersoncorpssurlesol,oùilatterritdansunbruitsourddechairécrasée. Je m’agenouillai sur sa poitrine, en lui maintenant la tête en arrièred’unemain. De l’autre, je lui emprisonnai le menton pour l’empêcher dememordre.—C’étaitqui,Brigit?Sontonétaitmoinscombatif,maisilétaitencoreamer.—Tusaisquic’était.Ilmel’adit.Ilm’aditquec’était tafaute.Ilm’aurait
laisséevivre,maisilavaitbesoindetemontrer.—Memontrerquoi?Unelueurdelarmesrougesangapparutdanssesyeux.Sondésirdésespéréde
mevoirmorteavaitcommencéàs’évaporer,maissoussonenvieirrépressibledetuerbouillonnaitunerageaveuglequejenepouvaispasignorer.—Iladitqu’ilavaitbesoinquetusachesquetuneseraispascapabledenous
sauver.Elleravalasarage.Jesentaissagorgesecontractersousmapaume.— Les sauver, corrigea-t-elle, s’excluant des rangs des humains. Chaque
humainquetuessaierasdesauver,illeschangerapersonnellement.Pourquetucomprennes.Je refoulaimespropres larmeset tournaihâtivement sa tête sur lecôtépour
vérifier lamarquedanssoncou.Elleétait là,commejem’yattendais.Ladentcassée,lamorsureinégaled’unpsychopathe.—Oh,Brigit.Iln’yavaitplusquedelatristessedansmavoix,àprésent.—Secret?Brigitetmoin’étionsplusseulessurletrottoir.Sansmodifiermaposition,je
relevai la têteet tombaisurDesmond,deboutàquelquesmètresdenous.Pourquelqu’und’extérieur,lascèneavaitdûêtreassezimpressionnanteàregarder.Jeportaistoujoursmonpantalonlaméor,monhautdeprostituéeetmestalonsdedixcentimètres.Mesyeuxavaientétésurlignésd’unefortedosedemaquillagenoirpourcompléterl’effet.J’étaisagenouilléesurlapoitrined’unejolieblondedontlevisageétaitcouvertdusangdeseslarmesetdesonnezcassé.J’auraisaiméluidirequecen’étaitpascequ’ilcroyait,maisjenesavaispas
vraimentcequ’ilpensait.—Aide-moi,s’ilteplaît,demandai-je.—Biensûr.Sans aucune hésitation ou question, il fut à côté de moi, attendant mes
instructions.JenesuispassûrequeLucasauraitétéaussicomplaisantsiçaavaitétéluidansmonappartementplutôtqueDesmond.—C’esttavoiture?demandai-jeendésignantleChallengerd’ungestedela
tête.—Oui.—Tuvasmetuer?Brigitéclataensanglots,c’étaitunnouveauvampireplutôtpathétiquedepuis
quesonenviedevengeanceavaitdisparu.—Non,dis-je.Desmondetelleeurentl’airchoquéparmaréponse.—Jevaist’emmenervoirquelqu’unquipeutt’aider.Cette fois, je regardai Desmond dans l’espoir qu’il en sache assez sur le
paranormalpourcomprendredequijevoulaisparler.—L’Oracle?susurra-t-il.—Oui.—Maisnousnepouvonspasallerlavoir.C’estcontreseslois.—S’ilteplaît.JetiraiBrigitpourlamettredebout,encontinuantàluimaintenirlesbrasau
casoùelleserévéleraitmeilleureactricequejel’imaginais.—Tusaiscommentlatrouver?
—Biensûr.C’estjusteauboutdelarue,maisjetedisquenousnepourronspasentrer.Jepinçaileslèvresavecdétermination.Jenepouvaispasluidonnerdedétails,
surtoutpasdevantBrigit.—Fais-moiconfiance.
Chapitre27Monappartementsetrouvaitsurla52eouest,àquelquespasducafé,mais
avec un vampire ensanglanté, il était plus simple d’y aller en voiture.Heureusement, l’heure de pointe des amateurs de café était passée et leStarbucksétaitrelativementvide.LorsqueBrigitetmoieûmespassélesportes,Desmond resta seul.Heureusement, il y avaitpeudeclients, etpeudechancequel’und’entreeuxremarquequeHodenétaitaccompagnépardeuxfillesàsonarrivée.Jemesentaismaldelelaisserlàsansaucuneréponse,maisladocilitédeBrigitn’allaitpasdurerlongtemps.Lafaimallaitlarongeravantquelanuitnesoit finie.Nousavionsde lachancequePeytonaitpenséà lanourriravantdel’envoyeràmapoursuitesinonelleneseraitpasarrivéejusqu’àmoi.Elleauraitcouruaprèslapremièresourcedesangdisponibleetunautreinnocentauraitététué.AulieudenousretrouverdevantlecomptoirdeStarbucks,nousétionsdansle
halld’unemajestueusemaison.«Maison»n’étaitpaslebontermepourdécrirele lieu où vivaitCalliope. Parler de demeure était beaucoupplus proche de lavérité, mais même ce qualificatif ne correspondait pas vraiment. Sa propriététranscendait les loisde laphysiquequicantonnaient lesmaisons lambdaàunetaillefixe.Ilyavaitunnombreillimitédechambresquipouvaients’agrandirets’agencerpouraccueillirautantd’invitésquenécessaire.LamaisondeCalliopeétaitunendroitsûrquis’adaptaitàtousceuxquienavaientbesoin,lesblesséscommelesvampiresnouveau-nésencoretropinstablespourévoluerenpublic.L’entréeàelleseuleétaitplusgrandequemonappartementetprobablement
plusgrandequelachambregigantesquedeLucas.Lesolétaitcouvert,d’unboutàl’autre,detapispersanssuperposésqueCalliopeavaitacquis,àuneépoqueoùlaPerseexistaitencore,àdesprixdéfianttouteconcurrence.Une immense variété de portraits représentant tous des femmes
merveilleusementbellesétaientaccrochésauxmurs.Çan’avaitétéque lorsdemaquatrièmeoucinquièmevisitequej’avaisréaliséquechaquepeinturedelapièce était un portrait de Calliope. Peints par les artistes les plus célèbres dumonde,elleétait représentéeà toutes lesépoquesetdans tous les styles,de laRenaissance à l’Impressionnismeenpassantpar lePopArt.Le fleuronde cestableaux était unepeinture deWarhol de l’unedes femmesqueCalliope avaitprétenduêtredansl’unedesesnombreusesvies.La pièce était faiblement éclairée par les splendides bijoux colorés qui
pendaientdeslampesTiffanyetprojetaientdesombreskaléidoscopiquessur lesol.LacouleurétaitunélémentessentieldumondedeCalliope.Les tapis, leslampes,lestableaux,toutunéventailvertigineuxderouge,debleu,devertetderose.Disperséslelongdesmurs,degrandsfauteuilsencuirmoelleuxfaisaientpasserceuxdubureaudeKeatypourdesmeublesd’enfants.UnpetitadolescentpâleportantununiformedePizzaHutétaitavachisurl’un
decesfauteuils.Sesyeuxétaientvidesetflous,maisilétaitvivant.Etàenjugerparsonodeur,complètementhumain.Jen’étaispaslaseuleàsentirsavraienature.LesyeuxdeBrigits’élargirentet
s’assombrirentjusqu’àdevenirlesyeuxnoirshuileuxd’unvampireaffamé.Sesnariness’enflammèrentetsescrocssortirentavantquejepuissecrier:—Calliope!Parchance,jetenaistoujoursBrigitparlescheveux.Ainsi,quandellesejeta
sur le garçon, elle fut ramenée vers moi comme si elle était retenue par unelaisse.Aussitôt,Calliopeentradanslapièce.Calliope savait soigner ses entrées. Elle apparut dans la pièce dans une
floraisondetissusrouges.Sescheveuxétaientsemblablesàdesvaguesnoires,coiffésavecdesépinglesornéesderubis.Elleétaitpiedsnusettraînaitderrière
elleuntigreaussiblancquelaneige.Pourdevrai.—Secret!Elle avait une voix chantante, elle était toujours heureuse de vous voir, peu
importelesraisonsdevotrevisite.—Tum’asapportéquelquechose.Jet’attendais.Jenepusm’empêcherdesourire.—Biensûrquetum’attendais.Elleétaitl’Oracle,aprèstout.Brigit détourna son attention du garçon pour regarder la femme qui venait
d’entrer.Pourlessensexacerbésd’unvampire,Calliopeétaitunmélangeconfusdeparfums.Elleétaitenivranteetséduisante,maisilyavaitunetoucheâcreetmenaçantedanssonsang.Unpetitquelquechosed’indéfinissablequiéloignaitlesprédateurspotentiels.—Quiest-cequetum’asapporté?Letigrereniflamesjambes,puisl’ourletdelarobedeBrigit.Illuimontrales
dentsengrognantetBrigiteutlasagessed’arrêterdesedébattre.—Brigitestnouvelle.Nonautorisée.AlexandrePeytonl’achangéepourme
fairepasserunmessaged’unemanièreunpeutropdramatique.Mavoixvacillapendantquejeparlais.—Tutesensresponsabled’elle?—Oui.Ellen’avaitpasbesoind’enentendreplus.Elles’approchadenousetmitun
brasautourdeBrigit,lalibérantdemaprise.— Nous allons l’installer rapidement, ne t’inquiète pas. Tu pourras alors
retournervoirtonbeauloup.Çan’apasdesensdelelaisserlàtroplongtemps.Lesloupsetlacaféinefontunterriblemélange.Le tigre sortit de la pièce en premier, et avant de lui emboîter le pas jeme
souvinsdugarçondePizzaHut.—Euh,Cal?—Oui,machérie?—Est-cequelegarçonestd’accord?Jeveuxdire…ilajusteentendutoutça,
et…—Iln’arienentendu.Ilestoccupéàoubliercertaineschosesavantderentrer
chezluivivantetavecungrospourboire.Elleavaitunpetitsouriresournoisqui,surelle,étaitbientropséduisant.Jem’étaissouventdemandéeelleavaitunjourincarnéHélènedeTroie,caril
n’étaitpasdifficiled’imaginerdeshommesfaireuneguerrepourobtenirledroitdel’aimer.Nous laissâmes le garçon seul dans la pièce et commençâmes notre longue
marchedansuncouloirtrèssombre.Dans la pièce où nous avions installé Brigit, les rayons solaires artificiels
créaientdesformesderrièrelesrideaux.Enlesvoyant,mapoitrinesecontractadepaniqueetdenostalgie.Lesoleilétaitune illusion,uneattentiondesapartpourceuxquinelereverraientjamaisdanslemonderéel.Àen jugerpar lebronzagedeBrigit,elleavaitétéunesorted’adoratricedu
soleil dans sa vie humaine. De ma chaise dans le coin de la pièce, je medemandaiquellesautrespartiesdesavieellenepourraitplusapprécieràcausedemoi.JemesentaisaussicoupabledelasituationactuelledeBrigitquesijel’avais
moi-même changée en vampire. Cela me rendait malade de savoir qu’elle nereverrait plus jamais sa famille. Elle ne pourrait plus jouir de la nourrituremacrobiotique qui lamaintenait simince.Elle ne pourrait pas aller à la plagedanslesHamptonscetétéousortiravecungarçonhumainnormal.Savieétait finie,unefinaux implicationsbienplus lourdesquesielleavait
succombéàunemortnaturelle.Lamorthumainevousfaisaittoutperdre,maisvousn’étiezpluslàaprèspourvousenrendrecompte.Lorsquevousdeveniezunvampire,vousdeviezpleurervosproprespertes.C’étaitcetteconsciencedespartiesmanquantesdeleurviequirendaitsouvent
lesnouveauxvampiresfurieux,lestransformantenmachinesàtuer.Coupléeàlaforceetlapuissancehéritéesdusangdeleurmaître,ilétaitdifficiledecombattrelaréactioninitialeauvampirisme.J’étaissincèrementreconnaissanteden’avoirjamaiseuàvivreça.
CalliopeavaitenchaînéBrigitaulitavecdel’argentrecouvertdesatin.Çanela brûlerait pas,mais ça lamaintiendrait en place. J’étais à peu près sûre quec’étaitaussidel’argentféerique,unenchantementsupplémentairequiaidait.L’Oracle était debout à côté du lit, fredonnant une chanson étrange pendant
qu’elledéballaitdespochesdesangd’unepetiteglacièrerouge.Monestomacsemitàgronder.Sans sourciller, elle me jeta une des poches. Je la pris en la remerciant et
mordisdedans,buvantsoncontenucommesic’étaitunebriquedejusdefruits.Le sang était froid, mais je n’allais pas faire la difficile, c’était mon premierrepasdelanuit.—Alors,parle-moidetonhomme.—Tuesl’Oracle,cal,j’espéraisquetum’enparles.Elleapprochal’unedespochesdelabouchedeBrigit.Lafilleledéchiraavec
ses dents et le secoua comme le ferait un chien sauvage, projetant du sangpartout sur le lit et sur elle-même. Calliope soupira et jeta la poche dans unepoubelle, puis tint fermementBrigit par lementon et la regardadroit dans lesyeux.—Secretetmoiparlons,petite.Nepensepasque tuvaspouvoirgarder ton
insolencedegamineiciaveclesgrandesfilles.Tuvasprendrecesangetvivre,oulerefuseretmourir.C’estlechoixquetudoisfaire.Soisunbonvampire,soissage et ne pose pas de problèmes, et tu vivras. Ignore ce que je te dis, et laprochainefoisquetuverrasMissSecreticiprésente,ceseraquandelledélivreratonarrêtdemort.Est-cequetucomprends?LesyeuxdeBrigitétaientgrandouverts,sonvisageéclaboussédesang.Elle
avaitl’airfolle,commesiellenepouvaitpasêtreraisonnée,maisellehochalatête.CelamefaisaitfroiddansledosquandCalliopedevenaitsérieuseparcequeçarévélaitunepartd’ellequiétaitvieille,forteettrèseffrayante.ElletintuneautrepocheprèsdelabouchedeBrigit,etcettefois,elleleprit,
l’ouvritenlemordantdélicatementavantdesejetersurlecontenu.L’Oraclemeregardait,attendantquejecontinue.—Connais-tuleliendel’âme?
—Ahh.Sonvisages’affaissaetellelaissaéchapperunsoupirlourddesens.—Çayest,onyest.Jepensaisquenousavionsplusdetemps.—Tusavais?—Tudoiscomprendre.Ilyacertaineschosesdanslaviequidoiventt’arriver.
Jenepeuxpastoujourst’avertirparcequetuessibornéequetuessaieraisdelesempêcherdeseproduire.—Tusavaisquej’avaisuneâmesœur?—Sionencroitleshumains,toutlemondeenaune,non?—Leson-ditetleromantismenes’appliquentpasvraimentàmavie.—Jesupposequenon.Bienqueletriangleamoureuxtranscendelaromance
humaine,ilyenavaitbeaucoupaveclesanciensdieux.Maisjem’égare.Danstasituation, tudevraissavoirque,côtéamour, leschosesnevontpasêtre facilespourtoi.—Voyez-vousça!—Jeneparlepasseulementduroidesloupsetdesonlieutenant.—C’estleseultriangleamoureuxdontjefassepartieencemoment.Ellesourit,maisilyavaitunpeudetristessedanscesourire.—Le loup est lamoitié de ce que tu es. Il y a une autremoitié. Un autre
terraind’ennuispotentiels.Je dus blêmir parce qu’elle souleva une autre poche de sang pour me la
donner,maisjel’écartaidelamain.—Tuesentraindedire…—Jesuisentraindedirecequej’aidit.Tavieamoureuseseracompliquée,
c’estlemoinsqu’onpuissedire.J’aboyaiunrire,perçantetcourt.—Siçadevientpluscompliquéqueçanel’estdéjà,jepensequejepréférerais
m’enpasser.—Onverra.Brigitmarmonnaquelquechosedanssonsacdésormaisvide,etCalliopel’ôta
desabouche.Lafilleléchalesangdesesdentsetdeseslèvres,puismelança
unlongregardavantdecommenceràparler.—Tuesunvampire.—Jelesuis.—Maistuasl’odeurd’unloup?Calliope m’observa avec attention, se demandant si elle aurait plus de
souvenirsàeffacerdelamémoiredeBrigitqueprévu.—C’estcequ’onm’adit.—Es-tucommelui,alors?—Luiqui,Brigit?—Celuiquim’afait?—Peyton?demandai-je,etellehochalatête.Noussommestouslesdeuxdes
vampires,sic’estcequetuveuxdire.Elle secoua la tête et fronça les sourcils comme une petite fille agacée,
manifestementfrustrée.—Non.Lesloups.As-tudesloupscommelui?Monestomacchutadansmeschaussures.Calliopemejetaunregardtristeet
repoussalescheveuxblondsdeBrigitquiluibarraientlevisage.—Desloupsdecompagnie?Brigitsecoualatêteànouveau.—Desloups-garous.Je regardaiCalliope,mais sonvisagen’exprimait rien.Si elleen savaitplus
surcettehistoirequ’ellenelelaissaitentendre,çanesevoyaitpas.JemelevaidemachaiseetrejoignisBrigit.—Peytonadesloups-garous?Commentsais-tuça?— Trois d’entre eux m’ont attrapée dans la rue au milieu de la journée et
m’ontemmenéedanscevieuxbâtiment.Jesupposequec’étaituncinéma,ilyavaitungrandécran…Sesyeuxseremplirentdelarmesànouveau.—J’aiessayédecourir,maisl’und’entreeuxm’atenueetm’afaitregarder
pendant que l’un des autres se transformait. Ilsm’ont dit que si j’essayais dem’échapper,ilsmedonneraientàmangerauloup.
—Quelthéâtre?demandai-je.—Lesvampiressesontréveillésquandlesoleils’estcouché,continua-t-elle,
n’entendant pas ma question, Peyton est venu. Il m’a demandé si les loupsavaientbienprissoindemoi.Jusqu’àceque je te rencontre, jenecroyaispasauxvampires.Ouauxloups-garous.Jenepensaispasquetoutcelaétaitréel.Brigitdétournalevisage,unelarmesanglanteroulasursajoue.Je m’agenouillai sur le côté opposé du lit pour pouvoir voir son visage et
attendisqu’ellemeregarde.—Brigit…—Aprèsm’avoirtuée,ilm’aditquetoutiraitmieuxsijetetrouvais.Iladit
qu’unefoisquetuseraismorte,jeseraislibre.Libredequoi?Deslarmesrougescoulèrentsursonvisage.—Puis-jeêtrevivanteànouveau?Jesecouailatête.—Non.Maissitupeuxmedireoùilest,jeferaiensortequ’ilpaiepource
qu’ilt’afait.Elle renifla et essuya son visage contre l’oreiller. Quand elle vit les larmes
tachées de sang sur le tissu, elle recommença à pleurer. Desmarmonnementsincohérentssortirentdeseslèvres,maisrienquim’aidât.—Oùest-il?demandai-jeànouveau.Calliopeposaunemainsurmonépauleetlapressadoucement.—Peut-êtrequ’ondevraitluiaccorderunepause.Lanuitaétédifficile.Elle
pourrarépondreàplusdequestionsplustard,murmura-t-elle.Brigitn’étaitpasenétatdedonnerlesréponsesdontj’avaisbesoin,maiscela
mefaisaitmaldelaissertomberalorsquej’étaissiprèsd’obtenirl’informationdont j’avais besoin. J’étais debout, prête à partir, quand j’entendis Brigitmurmurerunmotqui ressemblaitàOrphée.Celaattira l’attentiondeCalliope,soncorpssetenditetsesyeuxs’élargirent.Celam’indiquaégalementoùjetrouveraisPeyton.SiBrigitavaitraisonpourPeyton,etqu’ilemployaitdesloups-garous,alorsil
n’y avait pas de temps à perdre. Un vampire hors-la-loi avec l’intention de
mettre une ville sens dessus dessous était déjà assez problématique. Mais jeconnaissaisunloup-garouassezfoupoursejoindreàlui,cequiaggravaitencorelasituation.Cesoir,toutallaitprendrefin.
Chapitre28—C’estMarcus.J’étaisdenouveaudehorssurla52e,etDesmondessayaitdemesuivrealors
que je descendais la rue à toute vitesse, désireusede rentrer chezmoi auplusvite.—Marcus?Ilétaitconfusetc’étaitabsolumentlégitimequ’illesoit.—C’estàproposdel’autrenuit?—Non.Oui?Non,jenesaispas.Mais…Jem’arrêtai àmi-chemin etme fis volte-face dans sa direction. Il faillitme
rentrerdedansàcausedemonarrêtbrusque.—Jechasselesvampires.—Jesais.TutravaillesavecleConseildesvampires.Tul’asmentionné.—Okay.Ehbien, ilsm’ont envoyée chasserunvampire trèsdangereuxqui
semblepenserqu’ilpourras’emparerdeNewYorks’ilinfiltrenotrepopulationparlebas.Ilavaitl’airperplexe,maisnedemandapasd’explications.—Holdenetmoin’arrivionspasàcomprendrecommentcelac’étaitpossible
puisquecevampiren’estpasassezpuissantpouravoirunserviteurdejour.—Unquoi?Il déverrouilla la portière côté passager, l’ouvrant pour moi avant d’aller
prendreplaceducôtéconducteur.—Quelqu’unquiluiobéitettravaillepourluidanslajournée.LeteintdeDesmondavaitunpeulacouleurdelacendre.
—Ilspeuventfaireça?Jehochailatêteetjecontinuai.—Cevampire,Peyton, lui etmoiavonsune longuehistoireencommun,et
c’estàcausedeluiquecettefillem’aattaquée.—Tul’astuée?Cen’étaitpasuneaccusation,justeunequestion.—Non,jel’aiemmenéeàl’Oracle.Calliopepeutl’aideràacceptercequilui
estarrivé.— Calliope ? Tu appelles l’Oracle par son prénom ? Et pourquoi t’a-t-elle
laisséeentrer?Jepensaisqu’elledétestaitlesloups.—Ellenedétestepaslesloups!J’étaisvexéeet jevoulaisdéfendreCalliopeparcequ’ellen’étaitpas làpour
s’enchargerelle-même.—Leschosesfonctionnentdifféremmentdanssonmonde.—Sonmonde?Maissic’estlecas,pourquoiteverrait-elle?—J’aienquelquesorte…desprivilègesspéciaux?—Pourquoi?Je ne pouvais pas le blâmer de m’interroger à ce sujet. Tous ceux qui
connaissaient l’Oracleétaientconscientsquesonhospitaliténes’étendaitpasàlacommunautélycanthrope.Biensûr,ilssupposaientqu’elledétestaitlesloups,c’était l’explication la plus facile. Découvrir tout à coup qu’elle faisait desexceptions?Ehbien,celan’auraitaucunsenspourmoinonplussijen’étaispasl’exceptionenquestion.—Àcausedu…Conseildesvampires.J’avais presque dit « sang de vampire ». À cet instant, j’avais une terrible
enviedetoutluiavouer,demereposersurquelqu’unquisesouciaitsincèrementdemoietmedésiraitendépitdemanatureprofonde.Mais j’avaisgardémonsecretvraimentsecretpendantsilongtemps.Envingt-deuxans,seulsmamère,ma grand-mère, un vampire, un tueur à gages et un oracle immortel avaientapprisqui j’étaisvraiment.Parmicespersonnes,unem’avaitabandonnée, j’enfuyaisuneautre,deuxm’utilisaientpourtuermonproprepeuple,etladernière
avaitvumonavenir,maisrefusaitdemelerévéler.Comment pourrais-je en parler àmon « presque » petit ami alors qu’on se
débattaitdéjàaveclacomplexitéduliend’âmequimereliaitàluietàmonautrepetitami?Leurdireàtouslesdeuxquej’étaisaussiàmoitiévampiren’aideraitpas notre situation actuelle. Ou peut-être que cela aiderait beaucoup, car ilssortiraientdemavieencourant.—Qu’est-cequecelaaàvoiravecMarcus?Jeluiprisunemain,etilplaçal’autresurmajoue.ÊtreavecDesmondn’était
pasaussicompliquéqu’êtreavecLucas.Desmondn’étaitpasunroi.Ilétaitjusteunhommequivoulaitêtreavecmoi,pasunhommequivoulaitque je sois sareine.Commentétait-cedevenusidifficilesivite?EtCalliope,était-ilpossiblequ’elleaiteuraisonenprédisantqueçaneferaitqu’empirer?—QuandMarcusaattaquéleclub,ildésiraitprendreletrône.—Oui.—Ets’ill’avaitpris,ilauraittuéceuxquiétaientfidèlesàLucasetauxRain.—Probablement.—SiMarcus pouvait choisir lesmembres de sameute, sa position de chef
serait incontestable. Impossible de se fier, et c’est un euphémisme, à ceuxquiauraientenvisagédequitterLucas.Quesepasserait-ilsiMarcusleurproposaitde suivre un vampire ? D’embrasser leurs pulsions de prédateurs et de sedévoiler au grand jour, de s’octroyer une place au soleil, au-dessus deshumains?Ilsaccepteraient.IlnousfallutpeudetempspourparcourirladistanceentreleStarbucksetle
parkingprèsdemonimmeuble.Desmondlaissaéchapperunprofondsoupir,etungoûtdecitronenvahitma
bouche.—MarcusveutaiderPeytonàtransformerlaracehumaineenesclaves.—Encommençantparl’unedesplusgrandesvillesdumonde.Tuimaginesce
quisepasseraitsi leshors-la-loid’autresvillesapprenaientça?Mêmes’ilsneréussissaient pas, pense au nombre de vies innocentes qui seraient perdues.Peytonadéjàtuéouchangéquelquesprostituées.Ilcommenceaveclesgensde
moindreimportance,maisdecettemanière,ilpourraeninfecterbeaucoupplusavantdesefairerepérer.—Lafillequit’aattaquée?— C’était une personne qui manquera à quelqu’un. C’était quelqu’un qui
comptait. Il l’a tuéeparceque je luiai sauvé lavie. Ilvoulaitmeprouverquej’étaisincapabledeprotégerquiquecesoit.J’aituéundesesenfantscettenuit-làetenretour,ilaprisuneviequej’avaissauvée.—Ilaquelquechosecontretoi,personnellement?Jehochailatête,redoublantdefatigue.Nousétionssortisdelavoitureetnous
marchionsversmaported’entrée.Ilpassaunbrasautourdemesépaules,etjelaissaiallermonvisagecontresapoitrinepour respirer sonodeur.Aprèsavoirquitté Calliope, il m’avait donné sa veste, ce qui me protégeait des regardsindiscrets,etjeluiétaisreconnaissantepourcesentimentillusoiredepudeur.J’allaisdevoirrévéleràDesmondcertainspansdemonhistoirepersonnellesi
jevoulaisqu’ilcomprennepourquoiPeytonmehaïssaitautant.—QuandjesuisarrivéeàNewYork,j’avaisseizeans,etdirequelavilleétait
impressionnanteestuneuphémisme.J’étaisobsédéeparlefaitqu’uneattaquedevampireavaitpoussémamèreàm’abandonneretqu’enconséquence…Merde,toutcelaétait-iltropprochedelavérité?J’enchaînaiprécipitamment.—….jetueraitouslesvampiresquejerencontrerai.—Tuavaisseizeans?—J’étaisuneidiote.Ilsouritàcettephrase.—Jemesuisplutôtbiendébrouilléeaudébut,enfait.Maisc’étaitparceque
les vampires sur lesquels je tombais étaient nouveaux, stupides et imprudents.J’étaislàdepuisquelquesmoisetjecommençaisàprendrelagrossetête,etpuisjesuistombéesurAlexandrePeyton.Ouplutôtc’estluiquim’esttombédessus.Jen’avaispaslamêmeréputationaveclesvampiresquemaintenant,maisilmeconnaissaitquandmême. Ilavaitdûentendreparlerd’unegaminequiessayaitdetuerdesvampiresetadécidédes’amuseravecmoi.Ilm’atrouvéependantquejechassais,etavantquejesachecequ’ilsepassait,ilm’avaitattrapée,ilse
nourrissaitdemoi.Ilétaitentraindemetuer.LaprisedeDesmondsurmonépaulese resserra.Deretourà l’appartement,
aucundenousn’ayantperçudedangertapidansl’ombre,nousavonsverrouillélaporte.Nousétionsfaceàfacedansmonsalon.—Ques’est-ilpasséensuite?demanda-t-il,setenantdevantmoi.Ilglissasesmainssouslaveste,sespaumesnuesfrictionnèrentmesépaules,
repoussantlevêtementsurlesol.Je laissai échapper un souffle tremblant et inégal pendant que ses mains
continuaientàparcourirmesbras.—Ilétaitarrogant.Ilétaittellementsûrqu’ilm’avaitvaincuequ’ilaarrêtéde
senourrir. Ilacommencéàmetaquiner,metraiterd’idioted’avoircruqu’unegamine commemoi pourrait tuer les monstres sousmon lit. C’est comme çaqu’il m’a appelée, une gamine. Il m’appelle encore comme ça,même s’il estmieuxavisémaintenant.Ils’estprécipitépourboirelesdernièresgouttesdemonsang, et c’est à ce moment-là que je l’ai frappé. Est-ce que tu sais que lesvampirespeuventguérirdepresquetout,maisilsnepeuventpasfairerepousserleursdents?Ilarquaunsourcil.—C’estenpartiepourcelaquelesvampiresontdescrocsrétractablescomme
lesgriffesdeschats.Parcequec’estleurarmeetleurseulefaçondesenourrir,ilsdoivent êtreprotégés chaque foisqu’ilsne sontpasutilisés.Les crocs sontuniquementexposésquandunvampireestprisparlasoifdesangouquandilestencolère.Ouquandilestexcité.Desmondétaitàmoinsd’unsouffledemoi,leboutdesondoigtsepromenait
surlelongdemonbras.Jeplaquaimespaumescontreladouceurdesonpullettraînaimesonglesjusqu’àlaceinturedesonjean.—Qu’est-cequis’estpasséensuite?Sabouchedescenditlelongdemoncou,etilmeléchaexactementàl’endroit
où Peyton avait tenté de m’arracher la peau, là où aurait dû apparaître unecicatrice.Jefrissonnai,etmoncorpssepressaanxieusementcontrelesientandisque nos mains s’aventurèrent plus bas. Empêcher mes crocs de sortir n’était
possiblequeparcequejevenaisjustedemenourrir.—Ilétaitprêtàsenourrir…Aumomentoùjediscela,Desmondmemorditlecouetjelaissaiéchapperun
petitcri.—…donc ilétaitvulnérable. J’aicontinuéà le frapper jusqu’àceque je lui
casseunedent,etc’estàcemoment-làqu’ilm’arelâchée.LesbrasdeDesmondétaientautourdemoietsaboucheallaitdemoncouà
monmenton.Letempsallaitmemanquerpourquejepuisseracontertoutemonhistoire.—Je…Jememisàfrémirlorsquemesdoigtstrouvèrentsaceintureetluttèrentpour
ladéfaireàcausedupeud’espacequiséparaitnoscorps.—J’aieudelachance.Peytonétaitunhors-la-loi,etKeatylecherchaitaussi.
Keatym’atrouvéecettenuit-làetm’asauvée.Ilm’aforméeetafaitdemoilapersonnequejesuisaujourd’hui.MaisPeytonn’ajamaisoublié,etcelafaitsixansqu’ilveutmefairepayer.—Iln’enaurapasl’occasion.Desmondprononçacesmots,sabouchetoujourscolléeàlamienne.—Jenelelaisseraipasfaire.Constatantque je restai sansvoix, il pressa instantanément ses lèvres contre
lesmiennes, je libérai la ceinture de son jean etmes doigts glissèrent vers lafermetureéclairdesonpantalon.Sonbaiserétaitchaud,dévorant,et,avantquenous puissions arriver jusqu’à la causeuse, il m’allongea sur la moquette. Enquelquessecondes, ilmelibérademonpantalonridiculementétroitetentraenmoiavecunetelleforcequemondoss’arronditcontrelesol.Jesavaiscequej’auraisbientôtàfaire,etàcausedecela,j’étaisprêteàlaisser
Desmondmepossédercomplètement.C’étaitpeut-êtreladernièrefoisquenousserionsensemble,etjeneconnaissaispasd’autremoyendeluidireaurevoir.Je fermai les yeux et me laissai emporter par le rythme féroce de ses
mouvementsafinqu’ilnemevoiepaspleurer,reconnaissantequelemaquillagelourddemesyeuxcachelateinteroséedemeslarmes.
Jevoulaisquecemomentneseterminejamais.Unefoisqu’ilseraitterminé,toutmonmondes’écroulerait.
Chapitre29Je m’installai sur la pelouse de Central Park, vêtue d’une robe de mariée
désormais familière, qui portait encore lamarque dema paume ensanglantée.Cettefois,iln’yavaitpersonneavecmoi,pasdeloupsquimepoursuivaientetriend’autrequelesilencedelanuit.Jedéplaçailesjuponsdelarobepourpouvoirm’asseoirsansêtremalàl’aise,
puis m’allonger pour regarder les étoiles. Pendant que je le regardais, le cieldevintdeplusenplusbrillant jusqu’àceque lesétoilesdisparaissentetque jemeretrouveàclignerdesyeuxdanslalumièreaveuglantedujour.Mesbrasselevèrentpourprotégermonvisage,etjemeblottisenbouledans
marobedemariée,m’attendantàprendrefeuàtoutmoment.Ilmefallutresterdanscettepositionpendantunmomentavantderéaliserquecequejeressentaisn’étaitquelachaleurdujoursurmapeau,paslefeudelabrûlure.—Çatemanque?ditunepetitevoixféminine.JevisBrigit,avecsapeaubronzéeetsescheveuxblondbrillant,rayonnante,
l’airsainetvivant.— Comment pourrais-je ressentir le manque de ce que je n’ai jamais eu ?
demandai-je,incapabled’atténuerlatristessedemesmots.—Çamemanque.Ellepassaunemaindans sescheveux,et arrachadegrosses touffesblondes
auxquelles lecuir cheveluétait toujours rattaché.Elleme lesmontraavecuneexpressionabattue,etlesmèchesd’orsedésintégrèrenttoutd’uncoup.J’essayaide l’atteindre,mais avantque j’yparvienne, sesyeux semirent àbouillir et àfondreetsapeaucommençaàcoulercommedelacireépaisse.Toutcequise
détachaitdesoncorpssetransformaitencendres,etjefixaiuntasdegravatsàl’endroitoùsetenaitauparavantlajoliefille.—C’esttafaute,tusais?Lucas se tenait derrière moi, mais il n’était pas habillé en smoking. Il ne
viendrait plus à notre mariage. Il me regarda, puis me tendit la main pourm’aideràmerelever.—Jenel’aipaschangée.—Non.Maistoutvachangeràcausedetoi.Jemerapprochai,maisjetrébuchaisurquelquechose.Jelançaiunregarden
arrière, et je reculai d’horreur.Desmondgîsait àmes pieds, le corps rouge desang. Regardant à nouveau Lucas, je vis qu’il était, lui aussi, couvert d’unecouchedesangsiépaissequ’elleluicoulaitentrelesmains.Marobe,trempéedesang,passadublancaurouge.Larobeentièreétaitcramoisieetsanglante.—C’estàcausedetoi,déclaraLucas.—Non.Pasça.—Tun’aspaspeurdujour?—Jen’aipaspeur.Maismavoixtremblait.—Alors,pars.Ilposaunemainsurmonépaule.LecorpsdeDesmonds’étaitévaporéetles
cendresdeBrigitn’étaientpluslà.Àlaplacedelarobe,jeportaiànouveaumespropresvêtementsetunearmeàfeusetrouvaitdansmamain.Nous étions devant un vieux cinéma, le manque d’entretien avait rendu sa
façadeuséeetcrasseuse.Lamarquisefaisaitdel’ombreetcachaitlesoleil.Toutétaitplusclair.Lucasm’adressaunsouriretriste.—Vousdevezpartiroutoutvas’effondrer.J’étais sur le point de lui demander de quoi il parlait, quand je me rendis
comptequ’iln’étaitpluslànonplusetlesportesduthéâtres’ouvrirentcommeunebouchebéantequiattendaitdem’avalertoutentière.Mesyeuxs’ouvrirentbrusquementet jeprisunmomentpourreprendremon
souffle.
J’étaisallongéesurletapisdemonsalon,unendroitincroyablementstupideetdangereux pour s’endormir. À côté de moi, ronflant doucement, son bras surmonestomacnu,Desmonddormaitpaisiblement.Del’autrecôtédelapièce,desrayons de lumière se faufilaient à travers la fenêtre, éclairant la chaise qui setrouvaitendessous.Ilnefaudraitpaslongtempsausoleilpourm’atteindre.JemerappelailerêveetLucasquimedemandaitsij’avaispeurdujour.Plus
possible de mementir à moi-même. Bien sûr que je craignais le soleil, maisj’étaissurtoutglacéejusqu’àlamoelleàl’idéedecequim’attendaitcesoir.EnregardantDesmonddormir,jenepusm’empêcherdevoiràquelpointsa
peau brune était belle à la lumière du jour. Que faisait-il dans ma vied’obscurité?Clignant des yeux face à la fenêtre lumineuse, je savais que je n’avais pas
beaucoupde temps.Lesoleiln’avaitpas la teintediscrètedumatin.L’horlogeau-dessusdelacheminée,meconfirmaqu’ilétaitpresqueuneheuredel’après-midi. J’étais contente dem’être nourrie chezCalliope, parce que celam’avaitpermis d’avoir assez de forces pourme réveiller quand, normalement, j’auraiscontinué à dormir. Comme un enfant le matin de Noël, la perspective desévénements m’avait également poussée à me lever. Desmond, lui, dormaitencore,cequiétaitunvraimiracle.Jeretiraidoucementsonbrasdemonventre,désirant pouvoir rester avec lui plus longtemps, tout en sachant que ça nedépendait pas demoi. Je devais partir tout de suite, avant que l’envie demerendormirnedeviennetropforte.Jeme levaietavançainueà travers l’appartement jusqu’àmachambre.Une
foislà,leconfortdel’obscuritémecalmaetjecommençaiàmepréparer.Touten enfilant mon jean de la veille et un col roulé noir à manches longues, jefouillai dans le placard à la recherche de tout ce qui pouvait être porté àl’extérieur. Bénie soit Grand-mère d’être toujours préoccupée par ma santé,même si elle savait ceque j’étais, parceque chaqueNoël ellem’envoyait descadeaux typiques de grand-mères comme des écharpes, des chapeaux et desgants.Jedevaisaussiremercierlasaisonfroidedecetteannée.Enété,jen’auraispas
pume couvrir autant.Vivre àNewYork était une grâce salvatrice en soi, carpersonnenesedemanderaitpourquoijemepromenaisdanslesruesensoleilléessousunparapluienoir.J’enroulaiuneécharpenoireplusieursfoisautourdemonvisageetjerabattis
unchapeausurmesoreillespourqueseulsmesyeuxsoientvisibles.Desgantsde cuir recouvraient lapeauexposéedemesmains, et j’ajoutaiun longcabannoirsurl’ensembleafind’avoirunecouchedeprotectionsupplémentaire.Sousmonmanteau,deuxpistoletsétaientcalésàl’arrièredemonjean,etmespochesétaient pleines de balles en argent supplémentaires, les chargeurs avaient étéremplisparmonmarchandd’armesfaepourquejen’aiepasàtoucherlesballes.J’avaisenfilépar-dessusmonjeanunepairedebottesnoiresquimeremontaientjusqu’auxgenoux:jenevoulaispasrisquerd’exposermeschevilles.Commeonn’étaitjamaistropprudentdanscegenredesituation,jeglissaiunétuiavecunelongue lame en argent dans l’une des bottes et j’en fixai la poignée avec durubanadhésifpourplusdesécurité.De retour dans le salon, je m’immobilisai à côté de la porte et regardai
Desmond dormir. Une partie de moi espéra qu’il se réveille et essaie dem’empêcher d’y aller, mais il se contenta de murmurer quelque chosed’incompréhensibleetnebougeaplus.RamenerPeytonenvieauraitétéplusfacileavecdel’aide,maisc’étaitàmoi
qu’on avait assigné cette mission, et je n’étais pas prête à risquer la vie dequelqu’un d’autre pour la mener à bien. Je devais m’en charger seule, et mameilleurechancederéussiteétaitd’attaqueràlalumièredujouraumomentoùilétaithorscircuit.JemebaissaietdonnaiàDesmondunbaiserdélicat.Sitoutsepassaitbien,ce
neseraitpasnotredernier.Puis,jememisenroute.
Chapitre30Dehors,lalumièredujourmefrappadepleinfouet.Jemesentisdéconcertée
et étourdie. Je voyais trouble, inaccoutumée à la clarté d’un après-midiensoleillé, et sous les couches de vêtements, je fus prise d’une sueur froide.C’étaitlegenredepeurquejenesavaispascommentgérer.Lesoleiln’étaitpasunennemiquejepouvaiscombattre.J’avaispassétoutemavieàmecacherdelalumière,etmaintenant,jel’affrontaivolontairement.J’ouvrisleparapluie,etalorsquejesortaissurletrottoir,latoilenoiremasqua
laplusgrandepartiedelalumière.Trébuchantdanslaruecommeuneivrognesurlepointdes’écrouler,jepestaicontremoi-mêmedenepasavoirpenséauxlunettesdesoleil.Jen’enavaisjamaispossédéunepaire–jen’enavaisjamaiseubesoinauparavant–maismesrétineshabituéesàl’obscuritébrûlaientdanslalumièreétincelante,j’étaisaveuglée.Monenviededormir était si fortequemoncorps etmespieds étaient aussi
lourds que du plomb. J’espérai que Brigit ne s’était pas trompée en ce quiconcernait le cinéma, parce que si je pouvais au moins me trouver dans unendroit sombre,moncorpspourrait reprendre suffisammentde forcespourmedonnerunechancedemebattre.J’inclinaileparapluiepourprotégermesyeuxdelalumièreetjecontinuaima
promenade pathétique vers le seul endroit qui correspondait aux informationsqu’onm’avaitdonnées.Ilyavaitunendroitàmi-cheminentremonappartementet Central Park qui avait été autrefois un cinéma luxueux appelé l’Orpheum.Danslesannées1980,unincendieavaittuéplusieurspersonnesetavaitconduità sa fermeture.Ledébatavait fait ragependantdesdécenniespourdéciderde
qu’iladviendraitdecebâtimentconsidérécommehistorique.Quellenégligencedemapartdenepasyavoirpenséavant,c’étaitunrefuge
parfait. Bien sûr que cet endroit plairait aux vampires – c’était un lieu deténèbres,demortetdetragédie.Deplus,attirésparl’aspectmaléfiquedeslieux,quelquesinconscientss’yaventureraientforcément,devenantainsiles«invitéssurprise»d’undînerdemorts-vivantsaffamés.Aprèsuneprogression léthargique, jemepostaiaucoinde larueenfacedu
cinéma.Ilparvenaitàavoiruneapparenceterrifiantemêmedanslalumièredujour.Le«ph»delapancartedel’Orpheumétaittombédesannéesauparavant,donc on ne pouvait lire que « Or eum », qui était probablement l’expressionlatine pour dire « une putain de mauvaise idée ». De nombreuses petitesampoules rondesquiavaient jadis illuminé l’auventavaientétébriséespardesvandales, de sorte que seules celles qui étaient hors de portée étaient encoreentières.L’auventlui-mêmeavaitperdulaplupartdeslettresdelapancartequiannonçait la fermeture de l’établissement, alors au lieu d’indiquer «Cessationd’activité»ilnerestaitqu’unedemi-douzainedelettresnoiressanssignificationapparente.Lesfenêtresdesdoublesportesprincipalesétaientpeintesennoiret,àtraverslesvitresbrisées,onpouvaitvoirdespanneauxenbois.Jetraversailarueenboitantetjem’arrêtaidevantlesportes.Auplusprofond
demoiunesensationparticulière fourmilla,celleque jene ressentaisqu’avantune réunion avec leTribunal.Là-bas comme ici,mon destin nem’appartenaitplus. Sous l’auvent, le soleil ne passait pas, comme dans mon rêve, l’ombren’était pas suffisante pourme rafraîchir.Au lieu d’un frisson provoqué par lefroid,unmalaises’infiltradansmesosetsepropageacommeuneombrenoiredanstoutmoncorps.Plusderetourpossible,àprésent.J’étaisparvenuejusque-làetjen’avaispas
d’autrechoixquedecontinuer.Portantunemaindansmondos,jemerassuraienvérifiant que j’avais toujours mes armes. « Marche ou crève », voilà ce quim’attendait à coup sûr derrière ces portes. Si je ne n’arrivais pas à capturerPeytonenvie,ilmetuerait.Ilyavaitquelquechosederéconfortantdanslefaitdesavoirquelerésultatseraitnoiroublancetqu’iln’yavaitaucuneplacepour
legris.Préoccupéeenpremierlieuparmapropremort,jetiraisurl’unedespoignées,
etellecéda,s’ouvrantversmoi.Unepartdemois’attendaitàcequelesgondsémettentungrincementsonore,unesorted’annonceenfanfaredemonarrivée,maislaportes’ouvritdiscrètement,neproduisantqu’unlégerbruitdesoufflet.À l’intérieur, l’atmosphère était ténébreuse et lourde, et l’air était froid et
immobile.J’entraidansl’ancienhalldel’Orpheum,jefoulailevieuxtapisrougeet jepassaidevant lesguichetsvidesde lagrandearènede la salledecinémaelle-même.Le bâtiment avait été un théâtre, un lieu de représentations et d’opéras. Les
plafonds s’élevaient en de hautes arches pour amplifier l’acoustique et étaientdécorésdepeinturesmuralesdétaillées représentantdeschœursd’angesetdesdiablesluttantpourlesâmesdesspectateursencontrebas.Dechaquecôtédelasallesetrouvaienttroistribunesprivées.Chacuned’entre
elles avait été jadis composée d’une rangée de sièges, mais d’après lesinformationslocales,ceux-ciavaientétéenlevésetemmenésdansdesentrepôtsoudansdesthéâtresalternatifs.Jerestaideboutsouslavoûtequiconduisaitdanslasalledecinémaetjem’imprégnaidetoutelascène,reniflantl’airpourrepérerleshommesdemainquidevaientsetrouverlà.J’enlevai mon écharpe, mon chapeau et mes gants et je les cachai sous un
siègeàproximitépourqu’ilsne révèlentpasmonarrivée trop tôt. Jegardai laveste, voulant gardermesmunitions supplémentaires à portée demain. Sortirl’undespistoletsdemaceinturepourm’ensaisirfutmonseulréconfort.Jesentisl’odeurdugroupedegardesavantdelesentendre.Appuyantmondos
contre lemur, jemebaissaiderrièreundes lourds rideauxdevelours rougeetj’attendis sans respirer. Il y avait des rires et un chœur de voix fortes etmasculinesqui ne faiblirent pasquand ils passèrent devantmoi. J’étais passéeinaperçue.Ils étaient trois et leurs odeurs étaient mélangées, mais tout le groupe
empestait le loup. J’avais dû échapper à leur détection parce qu’ils étaienthabituésàl’odeurdeleurpropreespèce.Àcemoment-là,j’étaisprêteàprendre
touteslespetitesattentionsquel’universm’offrirait.Ilsmontèrentversl’unedestribunesets’yinstallèrent.J’entendislebruitdes
chaises en métal qu’on tirait, suivi par le grincement sourd des corps quiprenaient place avant de repousser le rideau pour voir où ils se trouvaientexactement.Leursvoixprovenaientdelatribunelaplusprochedel’écran.Ils’agissaitdesgardesdejourdesvampiresquisecachaientsousle théâtre.
Compte tenu de ce que j’avais appris de Brigit et de ma propre analyse, jepensais aussi qu’ils travaillaient pour Marcus. Parmi eux, je ne reconnaissaisaucunedesvoixentenduesà labagarreauCaméléon,maiscelanevoulaitpasdirequ’ilsn’yétaientpas.J’inspectail’étageprincipalducinémapourm’assurerquejen’avaismanqué
aucun garde. Puisque j’étais là pour capturer Peyton en vie, je ne voulais pasqu’ilyaitdespertesinutiles.Ilyavaitd’autresfaçonsdeneutraliserunhommequede l’éliminer,et jemaîtrisais laplupartdeces techniques.J’étaispeut-êtreunetueuse,maisaucundesgardesneméritaitdemourir.SijepouvaistrouverPeytonetentrerencontactavecl’undesesserviteursde
jour,toutecettehistoirepourraitêtreterminéesanseffusiondesang.Essayerdeneutralisertroisloups-garousenmêmetempsn’étaitpasl’idéalsi
jevoulaisquelajournéeseterminesansavoiràcompterdecorps.Ilfallaitquejelessépareetj’espéraiquel’und’entreeuxmediraitoùtrouverPeyton.Celademanderaitdelapersuasion,maislesdoigtscassésguérissaient.C’étaitaussilecasdesblessuresparballe.Jemeglissaihorsdu rideauet retournaidans lehall.Ma léthargiediurnese
dissipaitsousl’effetdelavagued’adrénalinequimesubmergeait.Jerepérailepanneau indiquant « SecondBalcon et Tribunes » de gauche et jeme faufilaiverscedernier,protégéeparl’ombredelapiècenonéclairée.Je n’avais jamais été plus consciente de mon loup intérieur que lorsque je
descendislecouloirverslesondeleursvoix.Jemefaufilaidanslatribuneetmeplaquaiausol.Lesbribesdeleurconversationétaientmaintenantaudibles,etjem’assisetj’écoutai,attendantlebonmomentpouragir.—MonDieu,Jackson,détends-toi.Tumerendsnerveux.
—Désolé.Lavoixsemblaitjeuneetpleined’inquiétude.—C’estjusteque,jeveuxdire,c’esteffrayant,non?— Effrayant ? répondit l’homme d’un ton moqueur. Qu’est-ce qui est si
effrayant,putain?—Savoirqu’ilyadesvampires,genre,justeendessousdenous?—Ressaisis-toi,gamin.Lecroque-mitainenevapast’attraper.L’und’eux laissa échapperun soupir, et le trio retombadans le silence.Les
bruitsétouffésdemasticationetlesgrincementsdupolystyrèneétaientlesseulsbruitsquirésonnaientdanslethéâtre.En restant au ras du sol, j’utilisai mon talon pour tirer une lourde barre de
métal vers moi. Cette barre devait être celle qui tenait autrefois en place larangéede fauteuils, àen jugerpar le rectangledécoloréen formede siègequigisait sur le sol. La barre se rapprocha avec un son métallique presqueimperceptible,maisjeretinsmonsouffleetmefigeai.Ilscontinuèrentleurgrignotage.Jeprislabarre,etlorsquej’entendisl’und’euxs’éclaircirlagorge,jelajetai
par-dessusleborddelatribune.Lachutesembladureruneéternitéavantquelebruitdumétalquirencontraitlesolenbétonneretentissedanstoutelasalle,duplafondjusqu’auxcoulisses.—Qu’est-ceque…?Les pieds de la chaise crissèrent sur le sol de la tribune dans laquelle se
tenaientlesgardes.—Jackson,resteicietgardelesyeuxouverts.Al,viens.Deuxdesgardesdescendirentquatreàquatrelesescaliersverslehall.Quand
je les entendis arriver, jeme glissai hors de la tribune et entrai dans celle d’àcôté.Avantquelejeuneloup-garoupuisseavertirlesautres,jeplaquaimamainsursaboucheetjeletraînaiparterre.—Chut,luiintimai-je.J’avaisdégainémonarme,ellebrillaitdanslafaiblelumièredelatribune.—Nem’obligepasàl’utiliser.
Sesyeuxvertbrillantétaientgrandouvertsetsonpoulss’accélérait.Ilréussitàhocher la tête malgré la force de mamain. Jackson était si jeune que ça merendaitmaladededevoirl’effrayercommeça.Biensûr,ilprotégeaitAlexandrePeytonettravaillaitprobablementpourMarcusSullivan,maisilneparaissaitpasavoirplusdevingtans.Jedoutaisqu’ilsachecequ’ilfaisaitentraînantavecdesgenspareils.—OùestPeyton?Sessourcilsserejoignirent,laconfusiontroublasestraits.—Levampire,clarifiai-je.Oùestlevampire?Àcesmots, ilouvritgrandlesyeuxensignedecompréhension. Ilhochade
nouveaulatêteetmarmonnaquelquechosedansmamain.—Sijetelaisseparler,tumeprometsdenepasappelerlesautres?Jeportail’armeàsatempe.—Tun’aspasenviedelesappeler.Il acquiesçaet je soulevaimesdoigtsunàunpour libérer sabouche,priant
pourqu’iltiennesaparole.Jacksonlaissaéchapperunerespirationetretintsonsouffle.— Qui êtes-vous ? demanda-t-il aussitôt, veillant toutefois à parler à voix
basse.S’ilnesavaitpasqui j’étais,alors ilyavaitdeforteschancesqu’iln’aitpas
participéàlabagarreauclub.Soncasn’étaitpasdésespéré.—Çan’apasd’importance.Jepressailepistoletplusfortcontrelapeauplisséedesonfront.—Dis-moijustecequejeveuxsavoiretçanedégénérerapas.Sa bouche forma un O surpris, mais il n’appela toujours pas au secours.
L’arme semblait le distraire et l’empêcherde répondre, alors je la retirai.Toutsoncorpssedétenditsensiblement.Del’autrecôté,j’entendisdespastraînantsetdesvoixirritéestandisqueleshommescontinuaientàchercherlasourcedelaperturbation.—Lasalledescercueilsestsouslethéâtre.Jenel’aijamaisvue,doncjene
saispasexactementoù,maisilyauneportederrièrelerid…
Je lui couvris de nouveau la bouche en entendant les voix des deux autresgardess’éloigner.Terrorisé,Jacksonavaitgardélesyeuxgrandouverts.—Pourquitutravailles?Ilfallaitquejefassevite.En écartant assezmamain pour qu’il puisse bouger les lèvres, je le laissai
continuer.—Travaillerpour?Ilavaitl’airconfus.—Pourquoies-tuici?Desloups-garousquiprotègentunvampire,çan’apas
desens.—Nousneprotégeonspaslevampire.Noussommesicipourprotégernotre
alpha.Ilprotègelevampire.J’étais sûre que je connaissais déjà la réponse àma question suivante,mais
j’avaisbesoind’enêtresûre.—Quiesttonalpha,Jackson?—MarcusSullivan.—Etilestsousterre,luiaussi?Jacksonacquiesça.—Luietlareinedormentlà-bas.—Ya-t-ild’autresgardes?Lespasserépercutaientverslehaut.Jen’avaispresqueplusdetemps.—Oui.Six.Jeluimontrail’armeànouveau.—Combien?—Six,jelejure.Ildéglutitdifficilement,sapommed’Adamselevaitets’abaissaitdemanière
exagérée. Les voixmasculines étaient plus prochesmaintenant. Je ne pouvaispaslaisserpartirJacksoncommeça,ilavertiraitlesautresdemaprésence.Maisil m’était impossible d’attaquer les deux autres gardes tout en maintenant lejeuneloupsousmoncontrôle.—Jeteremercie.Jesuisdésolée.
Jevisqu’il ne comprenaitpas,maisunmomentplus tard, la crossedemonarmerencontrasatempe,etiltombainconscient.Pourque laprochainepartiedemonplanfonctionne, jedevaisêtrecalmeet
rapide.Jesautaisurleborddubalcon,vacillantalorsquej’essayaideretrouvermonéquilibreavantdemejeterdanslatribuneoùjem’étaiscachée.Uninstantaprèsmonatterrissage,j’entendisl’undesautresgardesjurer.Jemeglissaidanslecouloiroùundesgardesmetournaitledos.L’autregarde
était hors de vue, mais je pouvais l’entendre essayer de réanimer Jackson. Jebondis sur le garde que je pouvais voir et serrai mon bras sous son menton,faisant un mouvement vers l’arrière pour couper son alimentation en air. Çaauraitétélapriseparfaitepourl’endormirsi j’avaismesuréquinzecentimètresde plus. Je pouvais toujours l’assommer,mais ça allait demander un peu plusd’huiledecoude.Ungémissementaigus’échappadeseslèvresetsoncorpsserelâchasousle
mien,dégringolant jusqu’ausol.L’ensembleduprocessusnepritquequelquessecondes.Sij’avaispupartirsansavoiraffaireautroisièmegarde,j’enauraisétéheureuse, mais je doutais qu’il puisse rester indifférent au fait que ses deuxcamaradessoientinconscients.—Salope.Ouais,c’estcequejepensais.Jemelevaietm’élançaicontrelegarderouxquiétaitmaintenanttoutcequi
setrouvaitentremoietlesous-sol.—Jeneveuxpastefairedemal,dis-je.—C’estdommage,parcequemoi,si.Jereculai,attentiveàéviter le loup-garouà terrequironflaitàprésentsur le
sol. En même temps, je levai mon arme contre le dernier garde. Je n’avaisaucuneintentiondeluitirerdessus,maisiln’avaitpasbesoindelesavoir.Riendetelqu’unefusilladepourannoncer«Coucou,jesuislà».—Situparsmaintenant,ilnet’arriverarien,promis-je.Ilrit.—Lareineauraitdûenfiniravectoilorsqu’elleenaeul’occasion.
Jackson avaitmentionné la reine deMarcus plus tôt, etmaintenant ce loupsemblait suggérer qu’elle avait eu une occasion de me faire du mal. Je medemandais biende qui ils parlaient puisqu’il n’y avait pas de reine dans l’est,maisj’étaiscertainequecelasignifiaitquec’étaitellequiavaitfaillimetuerauChameleon.—Jepensequetuvasterendrecomptequ’ilestbeaucoupplusdifficiled’en
finiravecmoiquetunel’imagines.—Onvavoirça.Il se précipita versmoi,mais son pied s’accrocha au bras de son ami. Il ne
tombapas,maiscedécalageme laissaassezde temps.Jenegaspillaipasmeseffortsàleneutralisersansdouleur.Aulieudecela,jefrappail’arrièredesatêteavecmonarme.Je m’étais sentie mal de frapper Jackson. Neutraliser ce type fit naître un
sourire fier et satisfait sur mes lèvres. Je sondai le sol et les trois silhouettesinconscientes,puisjelaissaiéchapperunpetitsoupirdesoulagement.Lapartiefacileétaitterminée.J’avais neutralisé trois loups-garous adultes, et c’était la partie la plus
«facile»duplan.Cetteidéemedonnaenviedevomir.
Chapitre31Jetraînailescorpsinertesàl’intérieurdelatribuneetj’utilisailesembrasses
tresséesderideaupourleurlierlesmainsetlespiedsetlesattachertouslestroisensemble.Unefoisquejefussûrequ’ilsnepourraientpasfacilementselibérers’ilsseréveillaient,jepartisàlarecherchedelacave.L’accèsausous-solsefaisaitparunetrappederrièrel’écrangrisenlambeaux.
Àl’époqueoùl’Orpheumaccueillaitdespiècesdethéâtre,cettetrappeavaitdûfaciliter l’accèsà lascènepourdesentréessurprisesoudesséquencesdemortdramatiques.Àprésent,elleallaitrejouerunrôle,maisdansunautretypededrame.Jeprisunelongueetprofondeinspirationetsortismontéléphoneportablede
lapochedemaveste.Jen’étaispartiequedepuisuneheure,maisDesmondétaitprobablementréveilléà l’heurequ’ilétait.Unepartiedemoivoulaitutiliser letéléphonepourappelerKeatyetdemanderdu renfort. Jenepusm’y résoudre.LorsdemapremièrerencontreavecPeyton,Keatym’avaitsauvée; l’heuredenotredernieraffrontementsonnait,jedevaism’enchargerseule.C’étaitstupide,maisj’avaisbesoindesavoirqu’ensixans,j’étaisdevenuele
genre de tueuse qui n’avait pas besoin d’appeler à l’aide pour éliminer unvampire de trois cents ans. Depuis que j’avais rencontré Peyton, j’avais tuéd’autrespersonnesplusâgéesetplusfortesquelui,maisquelquechosechezcevampire cajunme faisaitme sentir aussi stupideet faibleque l’adolescentedeseizeansqu’ilavaitmordue.Je jetaiuncoupd’œilàmontéléphoneunefoisdeplusavantde leremettre
dansmapoche.Enramenantmavestesurmoi,jemebalançaisurlapointedes
pieds au bord du trou noir béant. Je pouvais seulement sentir lamoisissure etl’humidité,lesodeursdel’obscurité,pasd’odeursdevampiresoudeloups.Jesautai.Ilmefallutquelquesinstantspourm’adapteràl’obscuritétotaleetunpeuplus
pour appréhender ce quim’entourait. Sous la scène, des décorsmoisis et desaccessoiresétaientalignésdechaquecôtédesmurs.Lesbrisdeverredeslampesde scène rendaient le sol poussiéreux, et crissaient à chaque pas comme desfeuillessèchesenautomnesurlestrottoirs.Enlevantlevisage,jereniflail’airhumide,essayantdepercevoirunecréature
vivante par-delà l’odeur piquante de décomposition. Puis, aussi faible qu’unmurmure, je détectai quelque chose de réel, quelque chose avec un cœur quibattait.Jecontournaileverredumieuxpossibleetjemedirigeaiversl’odeur.Àunecourtedistancedanslecouloir,leplafondplongeaitetcréaitunespace
très étroit qui conduisait à un labyrinthe de rangements et de vestiaires. Jem’accroupis,calantmesmainscontrechaquemur,ettentaiànouveaudereniflerl’air.L’odeurétaitplus forte ici, alors jememisàquatrepattespour la suivredansleterrierdelapin.Auboutde troismètresdanscepassageétroit, le tunnelévoluaitenpenteet
commençaitàs’élargir.Jepusmereleverenrestantvoûtéeetj’enprofitaipoursaisirmonarme,mepréparantàmarcheràdécouvert.Je filai au ras du sol et me recroquevillai le plus possible dans l’ombre.
Heureusementquej’étaisdouéepourl’apnée,carjedusretenirmonsouffle.Jetendisl’oreille,àl’affûtdecrissementsdeverrederrièremoi,ouquoiquecesoitqui suggérerait que quelqu’un au-devant du tunnel était conscient de maprésence etm’attendait à la sortie. Tout ce que j’entendais, c’était le bruit dumétroprovenantd’unestationàquelquespâtésdemaisons.Monproprecœurémettaitunbruitsourdetcraintif.Pourautantquejepuisse
en juger, personne ne se dirigeait vers moi. Je reniflai l’air, essayant dedistinguerlesdifférentesodeurs.Ilyavaitunméli-mélod’arômesdeloups.Tropnombreuxpourquejesache
combien exactement,mais assez pourme rendre un peumal à l’aise. Jacksonm’avait dit qu’il y avait six gardes, en plus deMarcus et de sa reine. Pourvuqu’iln’aitpasmenti!Jem’effondrai,tenantmonarmecontremapoitrineetessayantdecalmerma
respirationmalgréunevaguedepanique.Qu’est-cequejefaisaisici?Cen’étaitpas un nid de vampires hors-la-loi ou un seul loup errant. C’était une meutedissidente. Jusqu’à présent, j’avais vu en leur chef un simple pion surl’échiquier, alors que la pièce maîtresse était Peyton, et l’objectif était de leramenerauConseil.Oui,MarcusétaitbienunemarionnettedansleplanpluslargedePeyton,mais
je n’avais pas assez réfléchi au coup d’État qu’il préparait. Au sein de lacommunautédes loups-garous, certainspensaientqu’il étaitdépassédechoisirles dirigeants parmi les familles de sang royal. Ce point de vue se défendait,mais je savais pertinemment que Lucas ne ferait jamais rien qui nuise à sameute.De plus, je ne pensais pas une seconde queMarcus voudrait transformer la
communautédesloupsensociétédémocratiques’ilusurpaitletrônedeLucas.Maisceuxquicroyaientàsacampagnedefaussespromessesdonneraientleur
viepourprotégerleurchef,etj’avaisétéuneimbéciledesous-estimerlenombredesesfidèles.Cesloups-garousétaientplusquedesimplesgardes.Ilscroyaientqu’ilsétaientdesguerriersluttantpourunecausejuste.J’aurais donnén’importe quoi à cemoment-là pourme réprimander à haute
voix,maisc’étaithorsdequestion.Ehbien, imbécile, sic’est la fin,aumoins, tupeux te faireplaisiren jouant
avecdesballesenargent.Jesortislesecondpistoletetjevérifiaileschargeurssurlesdeux.J’englissai
des supplémentairesdansmesbottes ainsi quedans lespoches arrièredemonjean,puisjeretirailasécuritésurchaquearme.Dansl’immédiat,ilfallaitquejesachesiJacksonavaitditlavéritéausujetdu
nombredegardes.Unefoisquejesauraisàquoim’entenir, jepourraitrouverunmoyen de les contourner. Le but ultime était de capturer Peyton. Le plan,
basique,serésumaità:«netefaitpasprendre».Quiapeurdugrandméchant loup?La lumièrede lapièceprincipale était
claire, mais elle ne se répandait pas dans toute la salle. Il y avait un bordd’ombrenoirelelongdumur,etjem’enservispourresteràl’abridesregards.Ilmepermitdepasserdanslapièceetdefaireunrepérage.Deschiensquijouaientaupoker,c’estlapremièrechosequimevintàl’esprit.
Sixhommesimposantssepressaientautourd’unetabledepique-niquepliante,utilisantdesDoritos1àlaplacedesjetonsdepoker.Ilsavaientl’airsiinoffensifquejefaillisrire.Unchariotbasenmétalétaitempiléavecdeschaisesplianteset une autre table. Ils avaient dû utiliser le chariot roulant pour apporter lesmeubles.Lepassage était assez largepour les cercueils,mêmedans les zonesexiguës. Il était difficile d’imaginer que les gardes charriaient des cercueils etdes tables de jeu dans ce couloir minuscule, mais les marchandises devaientarriverd’unemanièreoud’uneautre.Aucun d’eux ne semblait porter d’armes. Quel était le problème de ces
monstres qui pensaient que rien n’était plus invincible qu’eux ? Les heuresdiurnes étaient limitées au début du printemps et j’avais gaspillé une bonnepartiedelamatinéeàdormir,maisaveccesloups,ilétaittoujourspossiblequej’atteignema cible avant la tombée de la nuit. Une fois que Peyton se seraitréveillé,l’und’entrenousnequitteraitpasl’Orpheumvivant,orjenousvoulaistouslesdeuxenvieàlafindelajournée.Jedevaismerappelerquemêmeaussiloindelaportéedusoleil,j’étaisquand
mêmeaffaiblie par le jour, et il était certain que je nepourrais pas facilementneutralisercesgardes,sanscompterceuxquiétaientdanslapiècesuivanteavecMarcusetsa«reine».JenecroyaispasenDieu,dumoinspasenunêtreunique,nienladéfinition
universelledelafigurepaternellerenfrognée.Maissiluioul’undesdieuxdontdescendaitCalliopeétaitàl’écouteencettematinéedeprintemps,jelespriaidememontrercommentjepouvaissortirgagnantedecettesituation.Le regard rivé sur lapièce,monespritbouillonnait. Ilsn’avaientpasencore
captémonodeur,maiscettechancenedureraitpas,et j’avaisbesoindesavoir
commentlesgérer,leplustôtpossible.Sijefonçaisdansletas,jepourraisenneutraliserlamoitiéavantdemefaire
sauter dessus. Mais alors, je risquais d’être mise en miettes par trois loups-garous–paslafindecombatquej’espérais.Iln’yavaitpasd’autremoyend’allerde l’endroitoù jeme tenaisà laporte
derrièreeuxàmoinsquejenedéveloppesoudainementlacapacitédevoleroudedevenirinvisible.Lesmythessurlescapacitésdesvampiresmisàpart,volern’étaitpasunechosequenouspouvionsfaire.Jemedemandaiss’ilexistaitunmoyenplusdiscretd’entrerdanslapièce,maisàenjugerparladispositionetlepassageexiguquim’avaitamenéeici,celasemblaitimprobable.Dans quoi jem’étais embarquée ? Je commençais à penser que la première
option était la seule possible lorsque je remarquai quelque chose sur lemur àquelquesmètresdanslecouloir.Jedétournailesyeuxdeshommesetm’enfonçaiplusprofondémentdansl’obscurité.Accrochéesurlemursetrouvaituneboîteargentée.Moncœurbonditdansma
poitrine.Jenepouvaispasêtreaussichanceuse.J’ouvrislecouvercleàcharnièreet je plissai les yeux pour mieux voir l’intérieur de la boîte. En effet, c’étaitexactementceàquoijem’attendais.Sousmesyeuxsetrouvaientdesdouzainesde disjoncteurs, tous avec des étiquettes délavées qui expliquaient jadis lapuissancedechaqueinterrupteur.Jelesétudiaietvisunlourdinterrupteurnoiràdeuxvoletsaveclemot«Principal»encorevisible.Jelevailesyeuxetsouris.Peut-êtrequ’ilétaittempsdecommenceràcroireen
l’interventiondivineaprèstout.Quel’obscuritésoit.Jebasculail’interrupteurprincipalverslebas.
1Marquedechipsaméricaine
Chapitre32Sijem’étaistrouvéedansunniddevampires,lesténèbressoudainesseraient
passées inaperçues.Peut-être y aurait-il eu un« oh, ondirait que les lumièressont éteintes », mais cela ne les aurait pas affectés de manière négative. Ilspouvaientvoiraussifacilementdansl’obscuritéquedanslalumière,etc’étaituncadeauquej’étaisheureused’avoirhéritédusangdemonpère.D’autre part, les loups-garous ne bénéficiaient que d’une vision nocturne
accrue lorsqu’ils étaient sous leur forme de loup. Même à ce moment-là, ilscomptaientplussurlessensdel’odoratetdel’ouïe.Undesinconvénientsd’êtreunloup-garou,sansparlerévidemmentdelamétamorphosemensuelleenloup,c’était que la plupart des capacités acquises sous forme de loups se perdaientsousformehumaine.La force et le sensde l’odorat demeuraient, ainsi qu’une auditionplus vive,
maisunloup-garousousformehumainenepouvaitpasvoirdansl’obscurité.Dumoinspassansunelonguepérioded’ajustement,etc’estcesurquoijecomptais.Delapièceprincipale,unchœurdevoixalarméess’éleva.Despiedsdechaise
grincèrent sur le béton et une voix de baryton sembla dominer le vacarme,prenantlecontrôledelapaniqueavantqu’ellenedéborde.—Simon,ditlavoix,vérifielesdisjoncteurs.Quelquechoseaprobablement
justesurchargélesystème.James,j’aibesoindetoietd’Hollisàlaporteduroiavecmoi.Personnen’entreounesort.—Jenepeuxpasvoirmesmains,encoremoinslaporte.—C’estàunmètredetoi,putaindecrétin.Lesdoigtsdanslenez.
J’écoutaisleuragitationalorsqu’ilsessayaientdes’organiserdanslapièceetj’attendaislemomentd’êtreseuleavecSimon.Ladiscrétionn’étaitpaslaraisonpourlaquelleSimonleloup-garouavaitété
engagépoursontravail.Ilsetraînadanslecouloiraveclagrâced’unéléphantdans unmagasin de porcelaine. Si lui ou les autres se doutaient de ce qui lesattendait,celanesevoyaitpas. Ilétaitpresqueenfacedemoi lorsqu’ilperçutmaprésenceenprenantuneinspiration.Ses yeux se mirent à briller lorsqu’il prit conscience de la situation, et ses
lèvres s’entrouvrirent pour donner l’alerte. Je plaquaimamain sur sa bouche,pressantlepistoletcontresapoitrinepouraccentuerlamenace.Jenevoulaispasque Simon meure. Pour une fois que j’avais de la chance, je n’allais pas yrenoncer.J’avaisréussiàne tuerpersonne jusqu’àprésent,et j’espéraisqueçaallaitcontinuer.Il commençaàpaniquer.Unde sespoingspartit à l’aveuglette etme frappa
danslescôtes.Monsouffles’échappadansunsifflement,etavantqu’ilaitunechancedebalancersonpoingdenouveau, jefracassaisa têtecontre lemurdepierre et je restai debout au-dessus de son corps effondré, la respirationhaletante.Jeretinsmonsoufflejusqu’àcequej’entendeunpetitsifflementd’airs’échapperdeseslèvres.Sionavaitétédansunecomédiederépétition,legarderesponsableenaurait
envoyé un autre vérifier comment allait son collègue, puis un autre encorejusqu’àcequ’ilssoienttoushorscircuit.Maisçan’allaitpasêtresifacile.Plustôt,j’avaissouhaitéêtreinvisible,etmaintenantmonsouhaitétaitexaucé.
J’enjambai le corps inerte de Simon en tenant mon arme toujours prête àl’emploietj’allaidanslapièceprincipale.La scène était tellement ridicule que c’en était presque risible. Les loups-
garous, à présent au nombre de cinq, titubaient dans la pièce, les bras tendus,trébuchantsurlesmeublesetlesunssurlesautres.Ilsjuraientetaboyaientdesordresquiseperdaientdanslevacarme.—MonDieu,Simon!Pourquoitumetsautantdetemps?beuglalegardienen
chefducoinlepluséloignédelapièce.
Il était bizarrement grand, de plus de deuxmètres, et sa poitrine était aussilargequemontorseétaitlong.Pourtant,cen’étaitpassataillequim’inquiétaitleplus,maissongrandcalme
–ilétaitmécontent,maispasalarmé.C’estluiquiseraitleplusduràneutralisersi je voulais arriver jusqu’àMarcus. Il ne bougeait pas de sa position, et lesautres gardes se tenaient entre lui et moi, m’empêchant d’aller lui régler soncompte.Jesécurisaimonarmeetlaremisdansmaceinture.Danscetteobscurité,ilne
seraitpasintelligentd’utiliserunearmeàfeu,etjusqu’àcequejeneutraliselamajoritédesgardes, jenepouvaispas l’utiliser.Le flashde laballesortantducanon m’éclairerait et indiquerait l’endroit où je me trouvais. De plus, sij’agissaisintelligemment,jen’auraispeut-êtrepasàl’utiliserdutout.Lesdeuxpremiersétaientfacilesàneutraliser.Ilstombèrentaussirapidement
que Simon dans le couloir, chacun d’entre eux ayant été étranglé avant depouvoir crier. J’allais devoir remercier Keaty de m’avoir appris cette priseparticulière.Laplupartdestechniquesquejeconnaissaisétaientmortelles,maiscette technique se révélait être une excellente solution, silencieuse et bénigne,pouréviterdebriserdesnuques.Il ne restait que deuxdes cinq gardes, donc je n’avais plus l’avantage de la
cacophonie des voix pour masquer mon approche. Je me déplaçaisilencieusement à travers les ténèbres vers les deux gardes près de la porteverrouillée – James et Hollis. James descendit rapidement, comme les autres,mais quand j’essayai d’attraperHollis,mesbras se refermèrent sur duvide. Ilavaitéchappéàmapriseavecunevitesseetunegrâcesurprenantes.Ilsetournaversmoi, incapabledemevoir,maisconscientdemaposition,etsoncoupdepoingatterritcarrémentsurmaclavicule.CecoupfutplusdouloureuxqueceluideSimonetjenepusretenirlecride
douleurquis’échappademagorge.Laféminitédusondutlesurprendre,carleprochaincoupdeHollisfuthésitantetatterritau-dessusdemonépaule.—Unefille?Hollissemblaitinquiet.
—Jem’enfoussic’estunbébé,crétin.Faisattention!Unefilleesttoutaussicapabledetetuer.Penseàlareine.Maintenantqu’ilssavaientquej’étaislà,jenevoyaisplusl’intérêtd’agiravec
subtilité.J’attrapaiànouveaulatêtedeHollis.Ilregardaitpileenfacedemonvisage,maissesyeuxétaientflous,ilnevitpascequiétaitdevantluijusqu’àcequejegrogne.Lesondemongrognementétaitdéchiranteteffrayantmêmepourmoi.C’était
le grondement d’un animal qui ne connaissait pas la peur, un bruitd’avertissementcaverneuxetpresqueenragé.Sesyeuxs’élargirentetsaboucheserelâcha.Ilessayades’éloigner,maismapriseétaitfermeetinflexible.Ilnem’échapperait plus. Désespéré, Hollis attrapa mes bras, griffant ma peau. Jelâchaiungrognementencoreplusprofond.Legrandgardesortitdufonddelapièce,etjeraffermismaprisesurHollis,utilisantunbraspourletenirparlecoupendant que je sortais mon arme et enlevais la sécurité. Je la pointai sur legardienenchefquin’étaitqu’àquelquesmètresdenous.Hollisdevintmouetjelelaissaitomberparterre.Àprésent,j’étaisseuleavec
AndréleGéant.J’avaiseudelachancedetrouverledisjoncteur,alorsj’imaginequec’était tropdemanderdefairedupluseffrayant,duplusgrosenfoirédelapièce, une cible facile. Si j’avais été capable de le neutraliser en premier, jeserais maintenant en train d’effectuer des pas de danse vers la chambre deMarcus.Au lieudecela, je levaimonarmed’une soixantainedecentimètreset je la
pointaisursonabdomen.Bonsang,cetypeétaiténorme.Savisions’étaitadaptéeàl’obscurité,parcequ’ilmeregardaitdésormaisdroit
danslesyeux.—Jeteconnais,dit-il,sanscraintedanslavoixmalgré lescorps inertesqui
jonchaientlesolautourdenous.TueslanouvellecompagnedeLucas.Tueslafillequicausetouscesproblèmes.—JenepensevraimentpasêtrelaraisonpourlaquelleMarcusetAlexandre
Peytontententdeprendrelecontrôledecetteville.—Ahnon?
J’espéraique la lueurd’incertitudedansmesyeuxpasserait inaperçue,parcequesoncalmemerendaitdeplusenplusnerveusemalgrémonarmepointéesurlui.Ils’avançaetjechargeaiuneautreballedanslachambre.—Que crois-tu accomplir en tuantMarcus ? Penses-tu qu’il est le seul qui
vousmenacetoiettonroi?Suismonconseil,«princesse»…Cemotn’avaitjamaisparuaussicondescendant.—Resteàl’écartdelaviedeLucas.Resteloindesgrandschiens.—JenesuispaslàpourMarcus.C’estjusteunbonus.—Ah.Lesonétaitdénuéd’humour.—TuesiciparcequePeytonveutquetusoisici.—Vousvousattendezàcequejecroiequequelqu’uncommevoussaitquoi
quecesoitdupland’AlexandrePeyton?Jereculai,maisilcontinuaàavancer.Impossibledenepasremarquersalente
progression, même si ses mouvements étaient presque imperceptibles ; jestabilisaimesmainsetlevaimonpistoletdequelquescentimètres,pourqu’ilsoitexactementauniveaudesonsternum.—J’ensaisplusquecequetupeuximaginer.Sa voix me dit le contraire. La bravade avait disparu, remplacée par une
incertitudetremblante.J’avaisfrappéjuste.IlnesavaitriendesplansdePeyton.—Tunesaisrien,dis-je.Ilgrognaets’avançapourréduirel’espacequinousséparait.Jeluitiraidessus.J’aurais peut-être accepté de l’écouter s’il avait prétendu connaître le plan
d’action de Marcus, parce que c’était possible que l’alpha ait pu lui faireconfiance.Mais je ne croyais pas une seconde que Peyton laisserait un loup-garou, même le chef des gardes, être au courant de son vrai programme. JedoutaisqueMarcuslui-mêmeneconnaisselesdétailsdecequePeytonavaitentête.Sitoutcelaavaitvraimentfaitpartiedesonplan,levampireauraitvouluque
jemetrouveicipendantlanuitaumomentoùilpourraitmetuerseul.Ilaimait
tellement être le centre de l’attention qu’il n’aurait pas voulu que ça passeinaperçu,etiln’auraitpasvoululemanquer.Personneàpartmoin’avaitprévud’ouvrirlesportesdelachambreàcoucherdeMarcusaumilieudel’après-midi.Enfinseule,jedonnaiuncoupseccontrelaportequ’ilsétaientcensésgarder.—Petitcochon,petitcochon,laisse-moientrer.Laporteétaitferméedel’intérieuret,àtraverslebois,j’entendisquelqu’unse
dépêcher.Puislaportes’ouvritbrusquementetjereculaientitubantpresquesurl’undescorpsimmobilessurlesol.Marcussetenaitaubordd’unlit,culnu,avecunfusilpointésurmoi.Après
avoirneutraliséneufgardesnonarmés,jenem’attendaispasàcequequelqu’unaitunearme.Onsefixaduregardd’unboutàl’autredelapièce,etmoncœurrataunbattementlorsquej’entendisleclicduchiendefusilretentir.—Ravidevous revoir,MlleMcQueen.Dommagequevousnepuissiezpas
rester.Ilvisamapoitrineettira.
Chapitre33Soitjerêvaisencore,soitj’étaismorte.J’étaisallongéedansmonlit,nue.Unenchevêtrementdedrapsdouxcomme
dubeurrequisentaitlelinséchéausoleilmecouvraitencoresouslatailleetunbras d’homme couvrait mes seins. Je me frottai le visage contre un oreillerduveteux,respirantl’odeurdusoleilquimefaisaitpleurerlesyeux.Lucas, nu à côté demoi, ouvrit les yeux et plongea ses iris bleus dansmes
yeuxbruns.—Jenesuisjamaisvenueici,murmurai-je.Ilessuyaunelarmedemonœil.—Durose?—Oui.—Hmm.J’eusunmouvementderecullorsqu’ilmitsonpoucedanssabouche.—Dusang?—Oui.—Oùes-tu,Secret?«Où»,pas«qui».Saquestionmesurprit.—Pasici.Ilmerapprochadeluietmapeauexplosadechaleurlelongdelaligneoùnos
corps se touchaient. Il enfouit ses doigts dansmes cheveux et rapprochamonvisagedusien.—Toutcelaestréel,medit-il.—Non.
—Tuesentraindemourir.—Jelesuis?Je détestais les rêves. Surtout quand je savais que je rêvais,mais que je ne
pouvaispasfairecequejevoulais.Jel’embrassaiet j’essayaiderepoussermaconsciencepourpouvoir resternuedans le litàsescôtés.Sesmainsglissèrentjusqu’aubasdemondosetilmerenditmonbaiseravecunevigueurrenouvelée.Puis il sembla se rendre compte de ce que nous étions en train de faire et
s’éloignademoi.Nousnousarrêtionstoujoursavantqueleschosesamusantesnecommencent.—Secret,concentre-toi.—J’étaisconcentrée,là.Mesyeuxétaientfermés,mabouchetraînaitdanssoncou.—Non.Tudoismedireoùtues.J’embrassaisaclavicule,l’effleurantdemesdents.—Jesuisavectoi.Il commençait à être frustré, je m’en rendis compte par la lourdeur de son
soupir.—Tuesentraindemourir.—Tuesentraindemetuer,plaisantai-je.Avantquejepuissefaireunautretraitd’esprit,monestomacsetorditetune
douleurbrûlantemetraversa.Lasouffrancefutd’abordlancinante,et je laissaiéchapperungémissement.Jebaissai lesyeuxet jevis lesdrapscouleurcrèmevireraurouge.—Commemarobedemariée.Jememisàtousserviolemment,expulsantunobjetdurdemesentraillesqui
cognacontremesdents.Lucasmitsesdoigtsentremeslèvrespourentireruneballe.Lorsque j’examinaimon propre corps, sousmes côtes, je vis un trou béant
d’où le sang débordait. La douleur me secouait comme des vagues enragéessecoueraientunnavireenmer,etmonsouffleétaitaspirédemespoumons.Jeleregardai,demandantdel’aide.
—Lucas?Pourquoi?Ilm’attrapalevisagepourm’empêcherderegarderlesang.—Bonsang,oùes-tu?Je criai en retour, mais seulement parce que j’avais l’impression d’être
déchiréedel’intérieur.—LeOrph-Orph-pheum.Jecommençaiàtrembler,mesdentssemirentàclaquer.—Lucas?Jeleregardaiàtraversdeslarmesrosesquimecoulaientsurlevisagependant
quejemebattaispourrespirer.—Jesuisvraimentdésolée.J’aimeraisêtreavectoi.—Tuleseras.—Jesuisentraindemourir.Etpuis ildisparut,melaissantseuledansunemaredesangquis’élargissait.
Ladouleurtraversaittoutmonêtreetjesavaisquejenerêvaisplus.—Ellerevientàelle,déclaraMarcus.Jesentisdesdoigtsseretireret jeréalisaiqu’ilsavaientétédansmoncorps.
Unbruitplaintifetpitoyableretentitdansl’air.Ilprovenaitdemoi.La brume rouge qui me brouillait la vue s’évapora, m’autorisant à voir un
plafondbas dansunepiècemal éclairée.Toutme revint enminuscules éclats.L’Orpheum,lesgardes,Marcusetl’armeàfeu.Unautresanglotd’agonies’échappademagorge.D’instinct,jetâtonnaiàla
recherche d’une arme,maismesmains ne rencontrèrent que le vide et quandj’essayaisdelesdéplacer,ellesétaientpluslourdesquedesancres.Jepouvaisàpeinelessouleverdusol.Commedansmonrêve,macagethoraciqueavaitétéperforée.Jen’avaispasbesoindevoirletroulaisséparlaballepoursavoirqu’ilétait là ; j’avais l’impression que quelqu’unme déchiquetait de l’intérieur. Lachevrotine avait dû causer de nombreuses blessures, mais c’est la seule dontj’avais conscience. J’essayai de respirer profondément, mais cela eut pourconséquence de me faire cracher frénétiquement. Seul le côté gauche de mapoitrines’étaitsoulevélorsquej’avaisessayé,etlapressionsurlecôtédroitétait
tellementfortequ’ellemedonnait l’impressionquemoncorpsétaitentraindes’enfoncersurlui-même.Jegémis,maismêmeça,c’étaitdouloureux.Marcus apparut, toujours nu, debout au-dessus de moi, une expression de
triomphesurlevisage.—Tusaigneslentement.Tuasétéinconscientependantdesheures.Pendanttoutcetemps,iln’avaitpasputrouverderobedechambre?Jeréalisaisoudainquelquechose.Desheures?—N-nuit?Prononcer ce petit mot avait été pire que toutes les tortures que j’avais pu
endurer.Magorgeétaitàvif,etmêmesichaqueinspirationmebrûlaitcommeuncocktailblitzkrieg,jenepouvaispasarrêtermarespirationhaletante.—Oh,mêmeàl’oréedelamort,elleestintelligente,dituneautrevoix.Cette voix était plus familière que celle deMarcus, elle gela mon corps et
transformamesosenglace.Non.Pasça.—Sonsangsentdélicieusementbon,n’est-cepas?—Non.Je ne pouvais même pas respirer sans avoir envie de m’évanouir, mais
j’essayaiquandmêmedem’asseoir.Despointsdelumièreblanchesemirentàdanser devant mes yeux, et une vague de nausée me força à me rallonger.Chaque centimètre de mon être vibrait et répercutait une houle de douleurchaude et liquide, comme un pouce qui pulse après avoir été frappé par unmarteau.—Non.—Elleestcatégorique,non?Apparemment,cen’estpaslanuit.Est-cequeje
retourneàmasieste,alors?Le vampire riait comme si cette situation était la plus drôle qu’il ait jamais
vécu.Sonvisageapparutau-dessusdemoi.Jeclignaidesyeuxplusieursfoispourêtresûrequec’étaitvraimentPeyton.Il
n’avait pas vieilli depuis six ans, ce qui était prévisible,mais il y avait quandmême quelque chose de différent chez lui. Ses cheveux étaient d’une couleurrouilleterneettombaientenvaguesautourdesonvisage.Ilmeregardaavecde
doux yeux bruns qui reflétaient le rire de sa voix. Lorsque Peyton avait étéchangé,iln’avaitprobablementqueseizeoudix-septans.Ilavaitlevisaged’ungarçonsurlepointdedevenirunhomme,bloquéentredeuxâgespourtoujours.Ilétaitcharmant,avecunerondeurjuvéniledanssestraits.Lecontrasteentre
la pâleur de sa peau et ses cheveux cuivrés le rendait angélique. C’était sonsourirequigâchaittoutetrévélaitlediableenlui.Il m’enjamba, plaçant un pied de chaque côté demon corps, et s’accroupit
sanss’agenouillerpournepasquemonsangtachesonpantalon.—Secret,çafaitunbail,non?—Pas.Mes lèvres tremblèrent, et j’essayai à plusieurs reprises d’inspirer
profondémentpourfinirlaphrase.—Assez.Unenouvellesensationenvahitmoncorps, remplaçantmon tourmentparun
néantfroid.—Longtemps.—Haha!Ilmedonnaunaperçudelasituation.—JesuisheureuxqueMarcusetsareinesesoientabstenusdet’acheveravant
latombéedelanuit.Ilcaressamonflancblesséetjepoussaidenouveauuncri.—Trèsheureux.Peytonavait toujoursaimé joueravecsanourriture.C’était l’unedeschoses
quiluiavaitcausédegravesproblèmesavecleConseilavantqu’ilnedevienneunrenégat.Sonidéedu«jeu»s’inscrivaitplusdanslalignéedespratiquesduMarquisdeSadequedanscelledesactivitéssportivesetrécréatives.J’étaissurlepointdemeviderdemonsangsurunsolenbéton,etbizarrement,jen’étaistoujourspasd’humeuràmefairepénétrerparunsadique.Surtoutpasavecuneblessurebéanteàlapoitrinequin’attendaitqued’êtreexplorée.—J’étaiscurieuxdesavoircequit’avaitamenéeicienpleinjour,monpetit
dhampir1.MaislareinedeMarcusaétécapabledemefournirdesinformations
éclairantes.Sonregards’attardasurmoncorps.—Ilsembleraitquelareineensachebeaucoupàtonsujet,MlleMcQueen.Quandilmeregarda, laméchancetédanssesyeuxbrillacommelajoied’un
enfant.Puisiljetauncoupd’œilsurlecôtéetfixaquelqu’und’autre.—N’est-cepas,MmeMcQueen?Pendant qu’il parlait, j’avais commencé à dériver, le brouillard de
l’inconscience me submergeait à nouveau, me préservant de la douleurinsupportableque jeressentais lorsquej’émergeaisdemondemi-coma.J’eusàpeine le temps de me demander pourquoi il était passé de mademoiselle àmadame,quequelqu’unenfonçaprofondémentsonpoucedansmablessureparballe. Jehurlai, à lagrande joiedePeyton,mais le son sedémanteladansmagorgeetmespoumonsravagés,etjesifflaienbégayant.Endécouvrantquiétaitlareine,celleàquiils’étaitadresséenluidonnantmonnom,jen’auraispaspudissimulermastupeurmêmesij’avaisététotalementindemne.Agenouillée à côté demoi, aussi nue que son compagnonMarcus, se tenait
unebelle femmed’environquaranteans,avecdescheveuxaussi frisésque lesmiens. Seulement, les siens étaient de la couleur brun foncé héritée de mongrand-père.Sonpère.—Maman?Elleavaitl’airplusâgéqu’ellenel’étaitsurlesphotosquej’avaisvuesd’elle,
etbeaucoupmoinsjovial.Monregardpassadesonvisagefroidaudoigtqu’elleavaitenfoncéprofondémentdansmachair,sononglegrattantl’osdemacôte.—Maman.Puisjememisàcrierdeplusbelle.
1Demi-vampire,moitiéhumain,moitiévampire
Chapitre34—Mercy1,peut-êtrepourriez-vousunpeuvousmontreràlahauteurdevotre
nom,non2?Onafaillilaperdre,cettefois.—Unpeudedouleurnelatuerapas.C’estunmonstre.—Noussommestousdesmonstresici,Mercy,ditPeytonenriantencore.Lorsquej’émergeai,marespirationétaittellementrauqueetirrégulièrequesi
je n’avais pas été réveillée pour l’entendre, j’aurais pensé qu’elle avaitcomplètementcessé.Jecompristoutàcouppourquoiilscontinuaientàmettreleursmainsdansma
blessure.Cen’étaitpasseulementpourm’infligerdeladouleuroupourleplaisirquecelaleurprocurait.J’avaisgardémescapacitésnaturellesdeguérison,cequiexpliquait pourquoiune seule entaille était restéeouverte tandisque les autresavaient disparu. Y replonger continuellement la balle était un moyen dem’empêcherdeguérir.Le doigt de ma mère n’était plus à l’intérieur de ma plaie, la moindre
gentillessem’emplissaitdereconnaissance.Peytonétaittoujoursau-dessusdemoi,tapotantmonvisagepourmeramener
àlaconscience.— Ils vont vous arrêter, dis-je,mais lamenace perdit tout son poids quand
moncorpssemitàtrembleretmefitclaquerdesdents.—Qui?LeTribunal?Oui,jepeuxvoirqu’ilsontvraimentessayédem’avoir.
Ent’envoyantseule.Iltouchamajoue.—Cen’étaitpasmamortqu’ilvoulait.C’était la tienne.S’ilsmevoulaient
mort,jeseraismort.Je fermai lesyeux, incapabledecontinuerà regardersonsouriresuffisantet
victorieux.Ilsetrompait.Ilnepouvaitpasavoirraison.J’étaislàparcequeSigcroyaitquejepouvaisyarriver,mêmes’ils’étaittrompé.Ilsnevoulaientpasmetuer.Enfin,JuanCarlosvoulaitquejemeure,maisilnereprésentaitpaslamajorité
desvoix.Non, ce n’est pas comme ça que Sig aurait voulu que je me retire. Je ne
pouvaispaslecroire,pasaprèstoutcequej’avaisfaitpourluietleConseil.LeTribunal me devait quelque chose de mieux qu’une mort entre les mainsd’AlexandrePeyton.—Faux,insistai-je.Ilmetapotaànouveaulajoue,maiscettefoisc’étaitplusunegifle.—TugardesunefoistupidedansleTribunalmêmequandilestclairqu’ilste
laissentmourir.Tun’espasl’und’entreeux.Ilssefichentquetuvivesouquetumeurs.Tun’asaucunevaleuràleursyeux.Tunemanquerasàpersonne.D’uncoindelapièce,j’entendismamèrerire.—J’auraisdûtetuerquandtuesnée.Jenesaispaspourquoijet’aidonnéà
monidiotedemère.L’entendreêtreaussiméprisanteàl’encontredelafemmequil’avaitélevéeet
avaitaccueillisonenfantnondésiré,lafemmequiavaitétélaseulelumièredegentillessedansmonenfance,mitlefeuàl’étincelledecolèrequim’habitait.Laragemedétournatemporairementdeladouleur.—Pasencoremorte.Mavisiondevint floue et je faillism’évanouir avantde résister à l’enviede
retomberdans lesmarées sombresde l’inertie.Si jene trouvaispas enmoi laforce de me défendre, je mourrais ici et ne deviendrais rien de plus qu’unsouvenirquis’estomperaitdansl’espritdeceuxquej’aimais.Jenesavaispassij’aimaisLucasousij’aimaisDesmond.Jenesavaispasce
queCalliope voulait dire en prédisant que je serais à nouveau au centre d’untriangleamoureux,ousij’aimaisquiquecesoit.Cequejesavais,enrevanche,
c’estquesijesaignaisàmortsousl’Orpheum,jen’auraisjamaisl’occasiondecomprendrequij’aimais.JenereverraisjamaisKeatyetjenemetiendraisplusjamaisàcôtéd’Holdendansmaminusculecuisine.Jenecourraisjamaisplusdanslesboisdelapropriétédemagrand-mère,etje
nesentiraisplusl’attraitdouxetacérédelapleinelunedansmonsang.Sijenemedéfendaispasmaintenantetqueplusaucunepartdemonêtrene
souhaitaitvivre,jeneferaisplusjamaisriendutout.Avecmamère à l’autre bout de la pièce et Peytonoccupé àmedire à quel
pointj’importaispeu,moncorpsavaitcommencéàsebattrecontrelablessure.Une souffrance inouïe s’empara de moi : les muscles se ressaisirent, le sangcoagulalàoùilavaitcoulélibrementetpetitàpetitlaballefutexpulsée,jusqu’àce qu’elle tombe silencieusement dans une mare de mon sang en train de sefiger.La plaie de surface était plus lente à guérir,mais je pouvais la sentir serecoudre,poreparpore,enunensembleànouveaulisse.J’étais,pourunefois,heureused’êtreautantcouvertedesang.Ilsneremarqueraientpastoutdesuitequejenesaignaisplus.Ledestinmesouriait.Sijen’avaispasamenéBrigitàCalliope,j’auraispeut-
êtreévitécegâchis,maisjenemeseraispasnourrie.Lesangquej’avaisbuchezCalliopeétaitprobablementlaseulechosequim’avaitempêchéedemourir,etàprésent ilchantaità traversmoncorps,brûlant toutsursonpassage,dégageantuneénergiephénoménaleaufuretàmesurequ’ilmetraversait.Chaque partie de moi était sensible et hyper consciente. Je me sentais de
nouveauentière,pluséveillée,etjepouvaismieuxappréciermasituation.Maintenant quemes sensn’étaient plus accaparés par le troubéant surmon
flanc, je réalisai qu’il y avait quelque chose de dur dans le creux demondosjuste là oùLucasm’avait touchée dansmon rêve. Ilme fallut une fraction desecondepourréaliserquec’étaitmondeuxièmepistolet.IlsavaientdûmetraînerdanslachambreaprèsqueMarcusm’aittirédessus,
parceques’ilsm’avaientsoulevée,ilsnel’auraientpasmanqué.Ilsavaientretiréla lame et les balles de mes bottes, mais ils ne m’avaient pas retourné pourchercher une seconde arme. Tout ce que j’avais à faire maintenant, c’était
attendrelebonmoment.Bientôt,Peytoncesseraitdemerabaisser,sefatigueraitdejoueretvoudraitsenourrir,cequiseraitplusfacilesij’étaisassise.Etlà,ceseraitàmoidejouer.Jusque-là,ilfallaitquejemeconcentresurcequ’ilsdisaientetagissecomme
simadouleurmemaintenaitauborddudélire.—Pasencoremorte,répétai-je,cettefoisunpeuplusfort.—Elletientbeaucoupdevous.Marcusrit.Mercynesemblapastrouverçadrôle.—Ellen’estenriencommemoi.—Tu as raison, dis-je à voix basse,mais assez fort pour qu’ils l’entendent
tous.Dieumerci.—Dieu?TupensesqueDieuaquelquechoseàvoiravecuneabomination
commetoi?Sa colère était palpable. Difficile dememettre à sa place, mais je pouvais
essayerdereconstituerlepuzzled’aprèscequejesavaisdesonhistoire.J’étaisunrappelvivantetrespirantdesonpremieramour,d’untempsplusinnocent,etunrappelconstantdesamort.Jeluifaisaispenseràluiaveclacouleurdemescheveux et l’infection de mon sang. Tout chez moi faisait du mal à MercyMcQueen, lui rappelait des souvenirs dont elle ne voulait pas, et sa fureurl’aveuglaitetlarendaitfaible.Apparemment, j’étais laplusgrande faiblessedemamère,maispasdans le
sens lepluscourant.Cen’étaitpas sonamourpourmoiqui la rendait faible ;c’étaitsahaine.—Jepense…Jefissemblantdehaleter.—…queDieut’atestéeetquetuaséchoué.Jeris,unrirecourtetimpitoyable.Personned’autrenesemblacomprendrel’humourdecequejevenaisdedire.—Si vous ne l’achevez pas bientôt, je le ferai pour vous, déclaraMercy à
Peyton.—Ceneserapasnécessaire.
Sesmots étaient polis, mais son ton était chargé demenaces. Le visage deMercy, la belle physionomie que la génétique avait bien voulu m’accorder,comprenaitcequin’étaitpasdit,etelles’assitàcôtédeMarcus.—Bonchien,dis-je.Cela la fit presque bondir à travers la pièce, mais Marcus l’attrapa et la
maintintenpositionassise.—Ah…Peytonreportasonattentionsurmoi.—LaSecretquejeconnaisetquej’aimeestencorelà.—Secret,soufflaMercy,sontonincrédule.C’estquoicenom,Secret?Qui
donnecegenredenom?—Toi.Tul’asditàgrand-mèredanstalettre.—Jeneluiaipasditdet’appelerSecret.—Tuluiasditausujetdel’enfantde«gardersonsecret».Grand-mèrene
pouvaitpenseràriend’autre,etellel’aprislittéralement.La phrase était plutôt longue, alors je toussai à la fin pendant plusieurs
secondes,puisjegémis.—Cettevieillesorcière.—Commesituavaispufairemieux.—J’allaist’appelerHarmony.Jerissifortqueçalesprittousdecourt.MêmePeytonétaitperplexe.—JepensequeSecretmecorrespondunpeumieuxquandonyréfléchit.— Ça m’est égal. Je ne pense pas à toi. Il a raison. Tu ne manqueras à
personnequandtuserasmorte,pasmêmeàtamère.—Jen’aipasdemère.—J’aimeraistellementquecesoitvrai.—Aussi touchante que soient ces retrouvailles familiales, nous interrompit
Peytonenlevantlesyeuxauciel,MlleMcQueenjunioretmoiavonsdeschosesà régler, et jepréfèrequ’on s’ymette tantqu’elle est encore assez courageusepourvraimentenprofiter.— Tu m’as mordue une fois, dis-je en vrillant mes yeux dans les siens.
J’espèrequetut’ensouviensbien,carcelanesereproduiraplus.Unenotededéfiavaitdurcimesmots,etjecomptaissurluipoursaisirlaballe
aubond.—Tusemblestrèssûredetoi.—Onsefichedecequejepense,n’est-cepas?Je ne faisais plus semblant de souffrir, mais personne ne paraissait le
remarquer.Latensionentrelevampirerouxetmoin’allaitpastarderàatteindreunpic.Pourunspectateurextérieur,jedevaisavoirl’airprofondémentdépassé,etmamortdevaitsemblerimminente.Mais j’avais appris, il y a longtemps, aux mains de ce même vampire,
qu’aucunemortn’étaitcertaineàcentpourcent.Rienneseraitfinitantquel’undenousn’étaitpasréduitencendresetquel’autreavaitunpouls.Etjecomptaistoujoursavoirunpoulsquandtoutauraitétéditetfait.QuantàPeyton,jenemesouciaisplusdecequeleTribunalvoulait.Ilallait
mourircesoir.—Tu penses que tu peuxme tuer ? dis-je avec un ricanement provocateur.
J’aimeraistevoiressayer.—Insolente!Plus je parlais, moins il avait d’humour. J’arrivais à l’atteindre, et c’est là-
dessusquejecomptais.Peytonsaisitunepleinepoignéedemescheveuxets’enservitpourmerelever
alors qu’il était debout. Après avoir été étendue sur le sol pendant aussilongtemps,ilmefallutunmomentpourtrouverunéquilibre,etc’estalorsqu’ilseprécipitaversmagorge.Jeprisalorsunedécisionenespérantquecesoitlabonne.Aulieud’échapperàPeyton,jetirailepistoletdel’arrièredemonpantalonet
je le pointai dans la direction opposée. Alors que les crocs du vampireperforaientmonartère,jecommençaiavecunchargeurcompletetj’envidaislamoitiédanslatêtedeMarcusSullivan.Jetournailesyeuxuninstantpourlevoirtomberauxpiedsdemamère,lasurpriseencoregravéesursonvisage.—J’imaginequetun’espluslareinemaintenant,salope.
1Enplusd’êtreunprénom,«Mercy»signifie«pitié»,«miséricorde»enanglais
2Enfrançaisdansletexte
Chapitre35Au moment où ma mère réalisa que Marcus était vraiment mort, j’eus
l’impression qu’une douzaine de choses arrivaient en même temps. Tropd’événements se produisirent simultanément pour quemon cerveau puisse entraiterlaplusgrandepartie,etmavisioncommençaàtourbillonner.Je pointai le pistolet sur ma mère, mais avant que je puisse tirer, Peyton,
aucunementdécouragépar lescoupsde feuprécédents,enfonçasescrocsplusprofondémentdansmoncou.Sesdentsplongèrentplus loin, ilavaitdûcouperunnerfparcequemonbrasentierdevintmouetmamains’ouvritmalgrémoi.Le pistolet percuta le sol, me laissant désarmée et impuissante. Lesmains dePeytonbougèrentdansmondos,etilprofitademafaiblessepormerenverserenarrière d’unemanière qui aurait semblé romantique s’il n’avait pas été pas entraindesucermonsang.En roulant les yeux, je pouvais voir l’antichambre vide et jeme demandai,
pour la première fois, ce qui était arrivé aux gardes inconscients. Le cadavremontagneux du garde en chef était toujours affalé sur le sol, mais les autresn’étaient plus là. Je ne voulus pasm’attarder trop longtemps sur ce qu’il étaitadvenu des loups-garous qui n’avaient pas réussi à protéger leur alpha et sonpartenairevampire.Mamèrenemelaissapasletempsderéfléchirdavantageàleurabsence,elle laissaéchapperunhurlementemplidedétresseetse jetasurPeytonetmoi.Danssoncourtvolàtraverslapièce,sesmainssetransformèrent.Sesdoigts
se disjoignirent, se tordirent et ses os se déplacèrent avec des bruits decraquementsécœurantsquejeperçusmalgrésescris.Sesongless’allongèrentet
devinrent des griffes. C’était avec ces appendices déformés qu’elle tenta dem’attaquer du haut du dos de Peyton. Ces mains monstrueuses, que jeconnaissais parfaitement, étaient lesmêmes que celles qu’elle avait enfoncéesdansmoncoucettenuit-làauChameleon.Leurpoidsàtouslesdeuxnousprojetasurlesol.Peytonétaitbloquédanssa
frénésie alimentaire, comme un requin affolé par l’odeur du sang : il étaitaccrochéàmoncou,metuantlentementunegorgéeaprèsl’autre.Mamèrehurlaitetgrognait,griffanttoutcequ’ellepouvaitatteindre.Ledos
dePeytonétaitdéchiréenrubanssanglants,maisilnesemblaitplusconscientderiend’autrequedesasoifdesang.Despointsdelumièreapparurentdevantmesyeux,etilsdansèrentetbrillèrent
toutautourdelapièce.Uncoupdemamèremefrappaauvisage,etsesgriffesouvrirent lapeaudemajoue,mais j’étaissous lechocd’avoirperduautantdesang. C’était comme si quelque chose d’humide et de venteux me piquait levisage.—Tul’astué!Tul’astué!Tul’astué!Sesmotsformaientunméli-mélo,ellelesrépétaitencoreetencorejusqu’àce
qu’ils n’aient plus aucune signification, et qu’elle soit en train d’émettre desbruitsimpuissantsetdouloureux.J’ouvrislabouchepourluienvoyerunerépartie,maisdesbullesetunbruitde
gargouillissortirentdemagorgeàlaplace.Sijenepouvaisplusêtreinsolente,celavoulaitdirequejen’avaisplusbeaucoupdetemps.Quoique,sijepouvaisencore penser à être insolente, peut-être que je n’étais pas encore une causeperdue.Alorsquemavisioncommençaitàs’estomperetquemonouïedevenaitplus
mince,jejuraiavoirentenduquelqu’uncriermonnom.—Secret!OnauraitditLucas.Celadevait être le signeque le tempsm’était compté.Leshallucinationsne
pouvaientriensignifierdebon.—Secret!
Cettefois,plusfort,plusproche,pluscatégorique.Celasemblaittropréelpourquejel’ignore,maisavecunvampiredetroiscentsansaccrochéàmoncou,jen’avaispasleluxedemetournerpourregarder.En roulant les yeux sur le côté, il me sembla voir un grand groupe de
personnessepresserdanslapièce.—Huhhhh.J’essayaisdedire«Salut»dansunedernièretentativedefairepreuvedemon
humourlunatique,maisjenelaissaiéchapperqu’unesortederâleagonisant.— Oh, ajoutai-je, quand je réalisai que les mots n’étaient pas ceux que
j’attendais.Desgrognements retentirentdans lapièce,maisplusmasculinsqueceuxde
mamère.—Attrapeleloup.Cettevoixétaitsifamilièrequemonpoulss’accéléradesoulagement,cequi
poussaPeytonàsecramponnerplusfort.—Hol…Jecessaid’essayerdeparleretpoussaiuncriquandPeytonenfouitsonvisage
danslablessureouvertedemoncou,etquesesdentsfrôlèrentmonos.Holdenbougeaitplusvitequelesloups-garousetilétaitdéjàentraindesaisir
Mercy avant queDominick, Desmond et Lucas n’aient franchi l’antichambre.Lucascontinuadegrognerenavançantet tombasur l’amalgamedesouffrancequigrouillaitau-dessusdemoi.Touslesquatres’étaientdéplacéssirapidementquej’étaisseulementàmoitiéprêteàaccepterqu’ilsétaientréels.AvecDesmondetLucassiproches,jem’attendaisàpouvoirsentirleursgoûts,
maiscen’étaitpaslecasetçameglaçalesang.LucaspassadevantHolden,arrachamamèredelapileetlalançasurlemur
dufond,d’oùelles’effondrasurlesol,entas,sansbouger.DesmondetHoldenessayèrent de me débarrasser de Peyton sans succès. Il m’avait morduejusqu’auxosetnemontraitaucunsignederelâchement.JelevailesyeuxetlesfixaisurceuxdeDesmond,etàcemoment-là,toutle
tableausefigea.Sonregardétaittellementplustourmentéqu’ilnel’avaitétéla
nuitauclub.Sonexpressionme fitpenserque jedevaisêtremorte,parcequepersonneneteregarderaitcommeças’ilyavaitdel’espoir.Malgrélefaitquenousnousregardionsdroitdanslesyeux,ilétaitentraind’abandonner.Ilavaitl’airvaincu,écraséettotalementdésespéré.Çabrisaquelquechoseenmoi.—Non.C’était le seulmot que j’étais capable de prononcer, peu importe la gravité
delasituation.Messourcilssefroncèrentetj’essayaidesecouerlatête,maisjenepuslefairepourdesraisonsévidentes.—Non.Mavoixétaitpeut-êtreténue,maisl’expressiondemonregardétaitexplicite.Desmond relâcha la respiration qu’il retenait et se retourna vers Holden et
Peyton.HoldenutilisaittoutesaforcepourarracherPeyton,etjepouvaissentirlapeaudemoncousedéchireretseséparerdesospendantqu’ilssedébattaient.S’ilscontinuaientcommecela,moncouseraitcomplètementlacéréaumomentoùilsréussiraientàl’enleverdelà.—Tunedoispasletirercommeça.Une voix féminine sonna avec un accent non identifiable. C’était un accent
familier,maisjenepouvaispaslereplacer.— Il est attaché à elle. Si vous continuez, vous ne réussirez qu’à tuer votre
amiemétisse.Lucasrecula,maisHoldenétaitmoinscomplaisant.—Gardien.Cela fut dit sur un ton d’avertissement qui portait le poids d’un ordre. Elle
s’adressait àHoldenpar son titre, son rang inférieur, ce qui impliquait qu’elleétaitsupérieureàlui.—Vousallezlâcherlehors-la-loi,jevouslegarantis.Holden hésita, mais il lâcha Peyton. Ce fut seulement à ce moment-là que
Peytonsemblaprendreconsciencequ’ilyavaitquelqu’und’autrequemoidanslapièceaveclui.Ildétachasamâchoireetrelevalatêtepourregarderautourdelui.Sonvisageétaittachéetdégoulinaitdemonsang.—Ew,dis-je.
La salle se mit à tourner, et je me demandai comment tout le monde avaitréussi à rester debout. J’essayai de lever lamain pour couvrirmagorge,maisaucun demesmembres ne faisait ce que je voulais. Paralysée par la perte desang,jenepusrienfaired’autrequeresterlàetregarderlethéâtredel’absurdesedéroulerautourdemoi.Unenouvelle personne vint se placer au-dessus demoi.Elle avait une peau
dorée et des cheveux épais, blond couleur paille, et des yeux si verts que jepensaiqu’elleétaitàmoitiéchat.Sesyeuxlatrahissaient,ilsétaienttropcalmesettranquillespourêtrevraimenthumains.Ingrid.LaservantehumainedejourdeSig.Elle me lança un regard appréciateur, sembla satisfaite que je sois encore
parmi les vivants et se tourna vers ceux qui étaient dans la pièce avec elle.Claquantdeuxfoisdesdoigts,elledésignalevampirehagardquiétaitsurmoi.—AlexandrePeyton,vousêtesréquisitionnéparleTribunaldesvampireset
détenudans lecadred’uneenquête.Vousserezpunipouravoirabandonné lesloisduconseiletpouravoirtentéd’exposerlessecretsdelasociétévampireaugrandpublic.Reconnaissez-vousetacceptez-vouscettedécision?Illuigrognadessus.Jen’avaisjamaisvuunehumaines’adresseràunvampire
d’unemanière aussi cavalière et condescendante. Ingrid croyaitmanifestementn’avoir aucune raisondecraindreAlexandrePeytonet le lui faisait clairementcomprendre.—Jeprendsvotreabsencederéponsecommeunassentiment.Vouslepaierez
chersil’animaldecompagnieduTribunalnesurvitpas.Sigestparticulièrementfrianddelamétisse.Iln’apprécierapasqu’ellemeure.Elle pencha la tête sur le côté. L’expression sur son visage était celle d’un
éruditdeHarvardparlantàunchiotinsolentquivenaitdepissersursontapis.Derrière elle, un groupe de Gardiens avança vers nous. Ils me laissèrent
tombersur lesoldurenbéton, ilsécartèrentPeytondemoi.Ilcommençaàsedébattrecommeunpoissonsurunhameçonquandilserenditcomptequ’Ingridneparlaitpasdanslevide.—Emmenez-leauTribunal,dit-elled’unevoixmonotoneetennuyée.
Quand ils l’eurent sorti de la pièce, elleme regarda à nouveau, puis jeta uncoupd’œilauxtroisloups-garousrestantetauGardien,Holden.—Quelqu’undevraitpeut-êtreluidonnerdusang.Ellen’apasl’airbien.Je
supposequ’elleneserapastropdifficile,comptetenudesasituation.Cequ’ellevoulaitdire,c’estquen’importequelvampireenbonnesantéaurait
carrémentrejetélesangdeloup-garou.AussiintelligenteIngridsoit-elle,ellenesavaitriendeplussurmoiquecequeleConseilsavait,c’est-à-direquej’étaisun demi-vampire. Son titre méprisant de « métisse » était encore plus exactqu’ellelepensait.—Gardien,dit-elleàHolden,vousviendrezavecmoi.—Non.Lapiècebougeaettoutmoncorpss’alourdit.Toutétaitpluscalmeetlesvoix
desgensprenaientlalenteuretlasomnolenced’unmagnétophonecassé.—Elleestsousmaresponsabilité.Jenevaispas la laisser.Elleestsousma
responsabilité.Holdens’étaitagenouilléprèsdematêteetcaressaitmescheveuxtrempésde
sang.—Celan’échapperapasàl’avisduTribunal.—Ilsontpriscettedécisionpourmoi.Ellereniflaetpartitsansunmotdeplus.—Quelqu’undoitl’aider,ditHolden,vraisemblablementauxloups,mêmesi
sesyeuxnequittaientjamaislesmiens.—Comment?C’étaitDesmond.—Elleabesoindesang.Lucass’assitàcôtédemoi,posantunemainsurmoncoudéchiqueté. Ilme
fallutplusieurssecondesavantderemarquersoncontact.—Unetransfusion?Dominickévoluaittoujoursàproximité.—Non.Holdensecoualatête.
—Non,elleabesoindeboiredusang.—Pourquoi?demandaDominick.Ilétaitleseulànepasserendreàl’évidence.—Vampire.Cefutmonderniermotavantquetoutnedeviennenoir.
Chapitre36Quandjemeréveillai,jenesortisnid’unrêveprophétiquenid’unesiestede
complaisance.J’ouvrislesyeuxàl’arrièred’unevoitureenmouvement,àpeineconscientequematêteétaitsur lesgenouxdequelqu’unetquecettepersonnemecaressaitlescheveux.—Où…?commençai-jeàdemander,maisj’avaisl’impressiond’avoiravalé
duverrebriséetjenepusriendiredeplus.—Chut,futlaréponse.Jelevailesyeuxetvisunpoignetbandé,etjusteau-dessus,lesourirecrispéet
fatiguéduroidesloups.—Lu…—Chut,répéta-t-il,plusinsistant.Levamp…Ils’arrêtaengrimaçant.— Holden nous a expliqué que nous devions t’emmener quelque part.
Desmondditquetupeuxvoirl’Oracle,alorsnoust’yconduisons.Après une pause hésitante, je touchai le bandage à son poignet, soulagée
d’avoirétécapabledebougersuffisammentmamainpourlefaire.Jesavaiscequecelasignifiait,cequeLucasavaitfaitpourmoi.Ilm’avaitdonnésonsangpour que je puisse vivre. Mais cela signifiait aussi qu’il connaissait la véritémaintenant, ou dumoins une variation de la vérité, celle qu’il avait choisi decomprendre.—Désolée.Jefisunephrasecomplèteetjeleregardaiavecunegrandetristesse.Comment
pourrait-il me regarder à nouveau de la même manière ? J’étais sûre de les
perdre,luietDesmond,quandtoutcelaseraitfini.Mapoitrineseserraàl’idéede retourner à la vie solitaire que j’avais eue avant que les complicationsromantiquesneviennenttoutbouleverser.—Çavaaller.Ilrepoussamescheveuxdemonvisage.—Jetiensmapromesse.Je ne savais pas ce qu’il voulait dire, mais je me demandais s’il faisait
référenceau rêveque j’avaiseuenmourant, et jemedemandaiquellepartdevéritéétaitcontenuedansmesrêveriesdiurnes.SiLucasetmoiavionsvraimentpartagéunrêveetquec’étaitcommeçaqu’ilm’avaittrouvée,ilyavaitplusàceliend’âme…Latêtemetourna,submergéepartropdepenséesàlafois.Jesourisetilmeretournamonsourire,maisaucunedenosexpressionsn’était
heureuse.Jedérivaiànouveauetlorsquejemeréveillai,iln’étaitpluslà.Cette fois, j’étais dans un lit qui n’était pas lemien, et la lumière dorée du
matin s’étalait sur l’édredon. Instinctivement, je fis un bond pour éviter lalumière,mais ilnemefallutpas longtempspourcomprendrequeçanebrûlaitpas.Ilmefallutencoremoinsdetempspourréaliserquechaqueosdemoncorps,
chaquecentimètredepeau,chaquearticulationetchaquemuscleétaitéveilléetcriaitdedouleur.J’avaisdéjàparticipéàdesbagarres,etj’avaisétéenmauvaisétat,maiscettefois,j’avaisfrappéàlaportedelamortetellem’avaitrenvoyéedeuxfoisdesuite.J’auraissautéd’allégresseàl’idéed’êtreenviesijen’avaispaseusimal.—Tuesréveillée!La gaieté dans cette voix était presque aussi brillante et aveuglante que la
lumièreartificielle.Jegrimaçaiendirectiond’unechaiseàcôtédulit.—Brigit?—Salut!Lavampireblondeétaitperchéeàcôtédemonlit,rayonnantedansunerobe
bleucobalt,lescheveuxlongsetraidesretenusparunbandeaudecouleursaphir.
Mêmeenvampire,ellesemblaithabilléepourpasserlajournéesuruneplageenCalifornie.Celamefitplaisirdelavoirsiheureuse,maismonattentionfutvitedétournée.Moncorpsmefaisaittropmal.—Calliope?—Oui.Brigit comprit la question tacite, confirmant que j’étais dans le manoir de
Calliope.—Holdent’aamenée.Ilétaitaveclesloups.Legarsmignonavecquituétais
quandtum’asconduiteicietunautre.Mignonaussi.Ellesourit,enmontrantsesdentsdemiss.—Ilsnepouvaientpasentrer,tuconnaislesrègles.—Pasdeloup.—C’est ça.C’est vraiment dommage. Je veuxdire, j’aimeCalliope et tout,
maison s’attendrait à cequ’ily aitunoudeuxgarçonsmignonspour faire leservicedansunendroitquipeuts’adapterauxbesoinsetauxdésirsdeceuxquiyvivent.Elleécartaseslongscheveuxdesonépaule.—Brigit,pourquoies-tuici?Jefermailesyeuxàcaused’unenouvellevaguededouleur.—Oh.Oh!Ouais,jesupposequeladernièrefoisquetum’asvue,ilyavait
encoreuncontentieuxentrenous.Brigitlevalesyeuxauciel,commepourdire«qu’est-cequetuveux?»—Calliopem’aremisesurledroitchemin.Ellem’aprésentéeauConseilet
ilsm’ontvalidée,maisj’aibesoind’unagentdeliaisonjusqu’àcequej’aiefaitmespreuvesdanslevraimonde,tusais?—Deliaison?Moncœurchavira.—Etceblond,Stick?—Sig.—Oui, lui. Il a dit que tu étaismon agent.Et que je devais rester avec toi
jusqu’àcequetuaillesmieux.
Jemeredressai,cequejeregrettaiquandunevaguedenauséemenaçademerenverser. Jegémis etm’affalai profondémentdans la couette épaisse, fermantlesyeux assez fort pourbloquer la lumière, espérant queBrigit etmadouleurauraientdisparuquandjelesouvriraisànouveau.Aulieudecela,quandjesortisdesouslescouvertures,BrigitavaitétérejointeparCalliope.L’immortelleétaitvêtued’unjeanetd’unpullencachemirerose,sescheveux
noirs étaient relevés en queue de cheval, ce qui lui donnait une apparencefranchementdécontractée.Ellemesouritàlamanièred’unemèreinquiète.Unevraiemère,pascellequiavaitessayédem’arracherlevisage.MesouvenantdecequeMercyavaitfait,mamaintouchamajoue,effleurantlapeaupourtrouverlestracesdeplaiesouvertes.Calliopesecoualatête.—Toutaguéri.Toutl’extérieuraguéri.—C’estencoredouloureux.—Çavaêtredouloureuxpendantunmoment.Tuasfaillimourir.—Deuxfois.—Oui.Et tefaire tirerdessusnet’acertainementpasaidéeàfairefaceà la
plaieouvertedanstoncou.Tuasbeaucoupdechancequeleroidesloupsaitétéprêtàtenourrir.—C’estunroi?intervintBrigit.Cool!Calliopelançaunregardcontrarié,maispatient,àBrigit.Lajeunevampirese
rassitdans sachaiseet resta silencieuse.L’Oracleétait auboutdu lit, samainreposantdoucementsurmonpied.—Jesuisdésoléequ’ilnepuissepasêtreiciavectoi.Ilvoulaitl’être.Luiet
son lieutenant, tous les deux. Depuis ton arrivée, ils attendent dans le café.J’envoieBrigitde tempsen temps leurdireque toutvabien,mais jenepensepasqu’ilsycroironttantqu’ilsneteverrontpas.Ellebaissalesyeux.—Tuconnaislesrègles,cependant.Çapourraitêtretrès…—Jesais.C’estdangereux.—Maisquelqu’unestlàetveuttevoir.
Jepressaimajoueintactesurl’oreilleretsourismalgrémoi.—Holden.Calliopefronçalessourcils,tapotantmajambedefaçonmaternelle.—Non.Quelqu’und’autre.Cen’étaitdoncpasmesloupsetcen’étaitpasHolden,alorsquid’autre?Je
ne pensais pas que Keaty viendrait voir Calliope, vu qu’il n’était affligéd’aucunesortedemaladiesurnaturelle.—Fais-levenir?Elletenditlamainpourprendrelamienneetlaserrafermement.—Tudoisalleràlui.Jenel’inviteraipas.C’étaitlanuitdanslacour.Letempspouvaitexisterdemanièreparallèledans
cedomaine.Lesoleiletlalunepouvaientpartagerunciel,etilpouvaitfairejourdansunepièceetnuitdansuneautre.Lesondescigalesemplissait l’airet lesétoilesscintillaientdansdesconstellationsqu’onn’avaitjamaisvuesdepuisNewYork.Calliope me conduisit à une causeuse rembourrée et m’installa dans une
position plus confortable. Pendant le trajet, je grimaçai à chaque centimètreparcouru.Calliopeprétendaitquej’étaisguérie,maisjenem’étaisjamaissentiemoins entière dans ma vie. J’avais l’impression que j’allais me briser enmorceauxsij’éternuais.—OùestHoldend’ailleurs,s’iln’estpaslà?—Ilvousaamenésicietestpartipeudetempsaprès.Ilnem’apasditoùil
allaitnis’ilseraitderetour.Ellesetenaitprèsdemoi,lamainposéesurledessusdematête.—Alorsquiestlà?—Moi.Lavoixétaitdouceetrégulièreetprovenaitducoinobscurdelacour.Calliope
et moi regardâmes toutes les deux dans cette direction, et elle s’éloigna dequelques pas. Une silhouette émergea de l’ombre et Sig marcha à grandesenjambéesversl’endroitoùj’étaisassise.C’étaitrarepourmoidevoirSigàl’extérieurduTribunal,etletrouverdansle
royaumedeCalliopeétaitunchocsupplémentaire.Trophabilléparrapportàladernière fois que je l’avais vu, il portait un pantalon noir et un t-shirt noir siparfaitementajustésqu’ilssemblaientpeintssursoncorps.Ilétaittoujourspiedsnus,etjemedemandaiscommentilréussissaitàsurvivredansunevilletellequeNewYork.Ils’immobilisadevantCalliope,ignorantmaprésencepourlemoment.—Oracle.Lecoindesabouchesecontractadansunsourirequidisparutsiviteque je
doutail’avoiraperçu.LevisagedeCallioperestademarbre.—Bonsoir,Sigvard,répondit-elleavecundétachementfroid,lesbrascroisés
sursapoitrine.Cefutàmontourdesourire.Sigvard?—Mercidemel’avoiramenéeici.Es-tusûrequenousnepouvonspasavoir
cettediscussionàl’intérieur?Cettefois,leriredanssontonétaitindubitable.Calliopelevalesyeuxauciel.—Nemefaispasregretterça,Sigvard.Elleest importante.Tropimportante
pourjoueràcesjeux.Vousdevezmieuxlaprotéger.Surtoutenconsidérant…Ellejetauncoupd’œilversmoietensuiteverslechefduTribunal.Jen’aimaispasqu’onparledemoialorsquej’étaisassisejusteàcôté.J’avais
peut-êtreétéblessée,maismesoreillesfonctionnaienttrèsbien.— Ne la retiens pas longtemps, menaça l’Oracle, et elle retourna vers la
maison.Sig regarda l’immortelle s’éloigner, ne prenant plus la peine de cacher son
sourireàprésent,apparemmenttrèssatisfaitdel’avoirirritée.—Ellen’apaschangé.—Pourquoineveut-ellepast’inviteràl’intérieur?—Elleestencoreunpeuencolèrecontremoi.—Encore?— Je lui ai dit quelque chose qui l’a contrariée pendant la Renaissance
italienne,etjesupposequ’ellem’enveutencore.
—Qu’est-cequetuasbienpuluidirepourqu’ellet’enveuilleencoreaprèsplusdequatrecentsans?Ils’assitprèsdemoi,sepenchantenarrièredanslachaiseetregardantleciel.—Quisait?Pourunimmortelquatrecentsans,cen’estpassilong.Calliope
est beaucoup plus âgée quemoi,mais c’est une femme, etmême les femmesimmortellessontcapablesdegarderdesrancunesirrationnelles.—Qu’est-cequetuluiasdit?Ilmesourit.—Jeluiaiditquejen’étaispasamoureuxd’elle.Jeleregardai,essayantdecomprendrelesensdecequ’ilvenaitdedire,mais
jenepouvaispassaisir l’énormitédelapossibilitéquecesdeuxêtres, lesplusanciensetlespluspuissantsquej’aiejamaisrencontrés,aientétéencouple.—Oh,futleseulmotquejeprononçai.Pourquoias-tuditàBrigitquej’allais
être son agent de liaison avec leConseil ?On doit être unGardien pour êtrel’agentdeliaisonaveclesvampires.—Tuasétépromue.—Jenesuispasunvampire.—Tuesbeaucoupdechoses,Secret.Nousnousregardâmes. Ilavaitcoiffésescheveuxblondsenarrière,et jene
voyaisriend’autrequesesyeuxbleuscommelaglace.—Tusais.—Oui,répondit-il.Jesaistout.—Etlesautres?—DariaetJuanCarlosnedoiventpasconnaîtrelavérité.Jamais.Jelaissaiéchapperlarespirationquejeretenaissanslesavoir.—Jevousremercie.—Jet’aidonnécettepositionparcequeleresteduconseilsesouciepeudela
vie quotidienne des Gardiens. Quand tu travaillais pour nous, tu attiraisconstammentl’attentionsurtoi.Ilsoupira.— Si tu deviens l’une des nôtres, tu cesseras d’être considérée comme une
étrangèreetonneviendraplustechercherdespouxdanslatête.—EtjecommenceenbabysittantMissVampireUSA?—Elleestvampireàcausedetoi.—Jenel’aipascréée.—Tunel’aspascréée?Vraiment?Sigarquaunsourciletmeregardademanièreinsistante.—Si tun’avaispaspris lecrocdePeyton,ou tué saprogéniturehors-la-loi
« sans autorisation»,MlleStewart serait-elleunvampire aujourd’hui ?Cenesontpeut-êtrequedesvaguessurlasurfacedel’eau,secrète,maistesactionsontleursconséquences.Jemeplongeaidanslacontemplationdesétoiles,pournepasavoiràadmettre
qu’ilavaitraison.—Brigitn’estpaslaraisondetavisite.Etjedoutequetusoisvenut’enquérir
demasanté.—C’estvrai.—Etalors?Pourquoitraverserlesdimensionsjustepourmesortirdulit?—Préférerais-tuquejetraverselesdimensionspourtemettreaulit?Jefronçailessourcils.—Non,alors?Ilgloussa,puissemitdebout,etjedusleverlatêtepourleregarderenentier.
Sonmètrequatre-vingt-dixoffraitunevueintimidante.—Jesuisvenutedonnertonprochainemploi.Son annonce me rappela le dernier travail qu’il m’avait assigné, et des
douleursfantômesmetraversèrentàdifférentsendroitsclés.—Peyton.Queluiest-ilarrivé?—Nousnousenoccupons.—Ilestvivant?— Aussi vivant qu’un vampire puisse l’être. Bien que je sois certain qu’il
préféreraitneplusl’être.Ilnedirariendecequ’ilaapprissurtoiparMercy,jem’ensuisassuré.Vousavezfaitunexcellenttravail.Ingridétaittrèsélogieuse,cequiestraredanssoncas.
Àpartluidireàquelpointjepouvaissaigner,jenevoyaispasquelgenredecomplimentsIngridavaitpumefairesurmoi.—Etmamère?LevernisdesérénitédeSigsemblasecraqueler.—Elle s’est échappée.Votre roi des loups a envoyéquelqu’unpourqu’elle
puisse être jugée selon les alliances de lameute,mais elle était partie. Je suisdésolé.Je pris unmoment pourréfléchir.MercyMcQueen, lamère quime détestait
assezpourmevendreàsoncompagnonetàsonassociévampire,étaitencorelà,quelquepart.—Qu’est-cequetuveux?J’étais épuisée, faible et tellement endolorie que lemoindremouvementme
donnaitl’impressiond’êtrecompresséeparlecompacteurdedéchetsdel’ÉtoiledelaMort.Cequejevoulaisplusquetout,c’étaitêtredansunlitavecLucasouDesmondàcôtédemoietmesentirànouveauentière.Jenevoulaispasd’uneprotégée vampire ou de plus de responsabilités données par le conseil. Je nevoulaiscertainementpasdutravailqueSigvoulaitmeconfieravantquel’onmedonneunechancedeguérir.Iltiraunepetiteenveloppenoiredesapocheetlaplaçasurlesiègeàcôtéde
moi. Elle avait l’air différente des enveloppes de lin blanc que je recevaishabituellementdelui.—Jesuisvraimentdésolé.Ils’inclinaetposaunemainsurmajoue,mefixantlonguementavecunetelle
intensitéquejenepusm’endétourner.—Ellen’ajamaisréellementétémamère.—Cen’estpaspourçaquejesuisdésolé.Il laissa retomber sa main et s’en alla. Avant que je puisse penser à une
réponseappropriée,ilavaitdisparudansl’ombreetn’étaitpluslà.Jeprisl’enveloppenoireetjelapassaiplusieursfoisentremesmains,traçant
lecontourdusceaudecireavecmesdoigts.Lesceauétaitgravéd’uneplumedepaon.
Jamais au cours des six années pendant lesquelles j’avais travaillé pour leconseil,Signem’avaitrencontréeseulepourmedonnerlenomd’unecible.Jelesavaispresquetoujoursreçuesd’Holden.Recevoirmesordresdirectementduchef duTribunalmeparaissait trop intime, et jememéfiai immédiatement del’enveloppe.Moncœurbattaitdansmacagethoraciquecommeunoiseaueffrayéessayant
d’utilisersoncorpspourinventerlalibertélàoùiln’yenavaitpas.Jelâchaiunprofondsoupiretbrisailesceaudel’enveloppe,maisjemarquaiunepauseavantdel’ouvrir.C’était énorme. C’était important. Sig ne m’aurait pas apporté ça de cette
façonsiçan’avaitpasétélecas.Quelquechoseenmoicompritquelesrèglesdu jeu allaient complètement changer au moment où j’ouvrirais l’enveloppe.Quandjel’ouvrirais,rienneseraitplusjamaispareil.Jerelâchaimarespirationetfisglisserlacarteblanchecartonnéeàl’intérieur.
Surcelle-ci,dansl’écritureenboucledeSig,unnométaitécritàl’encrenoire.CenométaitHoldenChancery.
Lemotdel’auteurMerci d’avoir lu Secret débarque ! J’espère que vous avez apprécié le
premiertomedesaventuresépiquesdeSecretMcQueen.Envied’êtreaucourantdemesprochainespublications?Inscrivez-vousàma
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premiers chapitres du tome 2 des aventures de Secret McQueen, qui sortirabientôtenfrançaisauxÉditionsAlterReal.(Traductionnondéfinitive)
SecretMcQueent2Chapitre1
(Traductionnondéfinitive)
Àminuitbienpasséencedimanchededébutd’été,j’avaisdutempsdevantmoietunhommemortàl’esprit.Je descendais le long d’un obscur chemin de gravier, avec pour seule
compagnielalumièredelalune,aussiblanchequedesos,etcommeseulguide,l’éblouissantecompagniedesétoiles.Drapéedanslacouverturefamilièredelanuit,jeréfléchissaisàlaviedevampire.Avantquejem’enfuiedeNewYork,demavie et demes responsabilités, pourm’évader dans le sud duManitoba, unvampire nommé Holden Chancery m’avait aidée à me sauver d’une mortcertaine.Pendantmonrétablissement, leConseildesvampiresquenousavionstousdeuxserviavaitmissonarrêtdemortentremesmains.J’avais accompli avec succès un travail apparemment impossible pour le
Conseil,etenrécompense,ilsmedemandaientdetuerundemesseulsamis.Jene savaispas si lesvampirescomprenaient leconceptducongémaladie,maiscelanem’empêchapasdedisparaîtreetdefranchirlesfrontièresinternationales.Je me trouvai à l’intersection de la route de gravier que je suivais et de
l’autoroutedésertequ’elletraversait,etj’hésitaiavantdetraverserlebitume.Jemedirigeaisverslapetitevilledel’autrecôtédelaroutelorsquequelquechoseattira mon attention. Ce n’était qu’un mouvement furtif, mais assez vif pourattirermonattention.Tout mon corps se tendit. Immobile comme un hibou chassant une souris,
j’écoutai lesbruitsdelanuit.D’abord, j’entendisseulement lesgrillons,uncrid’oiseau lointain et lebalancementdesherbesd’étéqui se frôlaient.Puis, unefoisque je fuspresquecertained’avoir imaginédes choses, j’entendis lebruitdesfeuillesquicraquaientsousdespiedsetlecraquementd’unebranchesèche.J’inclinai mon visage vers la gauche et je reniflai l’air. De ma lignée
maternelle,j’avaishéritéunecollectionintrigantedecadeaux.Mamèreétaitunloup-garou. Bien que je n’aie pas l’habitude de devenir un animal sauvage àchaquepleinelune,jepossédaisquelquescaractéristiquesmoinspoiluesdecetteespèce.Principalementunsensaigudel’odoratetdel’ouïe.Dansl’air,onpouvaitsentirlapuanteurdufumierdevache,l’odeurhumideet
mousseusedelaterrehumide,etdansladirectiondelaville,lesarômeshumainsd’essence,dedînersbrûlésetdustress.Jefermailesyeuxetmeconcentrai.Là. Quelque chose d’animal,mais qui puait l’adrénaline plutôt que la peur.
Souscetteodeur,onpercevait la senteur très reconnaissablede l’humanité.Lacombinaisondesdeuxcréaitunparfumpleind’histoire.Unêtresurnaturel.Etàenjugerparlafamiliaritédel’odeuranimale,c’étaitunloup.J’ouvris les yeux et scrutai à nouveau la ligne des arbres,mon cœur battant
dans un mélange d’exaltation, d’anxiété et de culpabilité. Pendant un courtmoment plein d’espoir, je me concentrai sur le goût que je sentais dans mabouche.Sij’avaissentineserait-cequ’unsoupçondecannelleoudecitronvert,moncœuraurait tressaillidejoie.LapremièresaveurauraitsignifiéqueLucasRain, roi des meutes de loups de l’Est, était venume trouver. Le piquant ducitron vert aurait suscité une réponse beaucoup plus charnelle, car cela auraitsignifié que Desmond Alvarez, le second et le meilleur ami de Lucas,m’attendaitdanslesbois.L’absencedegoûtautrequelegoûtmusquéassociéàtouslesloups-garousme
disaitqueceluiquisecachaitparmi lesarbresn’étaitpasundemes loups.Laprésence d’un loup-garou dans cette zone était assez surprenante. S’il nes’agissait pas de quelqu’un qui voulait me retrouver, alors qui était-ce et quefaisait-ilici?J’étaisunpeuétonnéedetombersurunloupsolitairedanslesrégionsrurales
duManitoba, endroit où je savais qu’il n’y avait pas d’autres lycanthropes. Jedevaisidentifierquiétaitdanslesboisetquelétaitsonbut.S’ilnes’agissaitpasd’unloupbienintentionné,ilétaitdemondevoirdelegarderloindelaville.Jejetaiuncoupd’œilsurlarouted’Elmwoodpourm’assurerqu’iln’yavait
pas d’autres promeneurs nocturnes qui pourraient remettre en question maprochainemanœuvre.Unefoissûred’êtreseule,jereniflail’airunedernièrefoispourm’assurerque je savaisoù jeme rendais,puis jem’écartaide la routeetplongeaidanslefossé.Ensprintantàtraverslechampàcôtédelaroute,ilmefallutquelquesinstants
pourmerepérersurlesolaccidenté.Machevillesetorditlorsquejetombaisurun trou demarmotte.Maudissantma bipédie enm’effondrant, j’époussetai laterredemespaumesetjem’agenouillaiparterre,laissantmoncœursecalmerpendantque j’essayaisdecomprendre si lebruitdemachuteavait indiquéauloupdanslesboisqu’ilétaitsuivi.Pour être honnête, je ne savais pas si le loup était un homme,mais environ
troisquartsouplusdetouslesloups-garousétaientdeshommes.Cen’étaitpasque les filles refusaient l’Éveil plus souvent que les garçons, c’était plutôt lesparents loups-garous avaient plus souvent des fils quedes filles.Peut-être quec’était lié à l’évolution, je ne savais pas. Mais les loups-garous étaientprincipalementdeshommes.Quelledrôled’espionnejefaisais!SecretMcQueen:demi-loup-garou,demi-
vampire,mercenairedumondesouterrain.Et jenepouvaismêmepascouriràtraversunchampvidesansalerterunloupsolitaire.Vraimentpathétique.Peut-êtrequec’étaitlamanièrequ’avaittrouvél’universpourmedirequejen’auraispasdûquittermonjobalimentaire.Je me levai, j’époussetai mon short et j’écoutai avec attention, puis je me
tournaiverslesudetjecontinuaimatraque.J’atteignislalourderangéed’arbresetmebaissaipourpassersouslabranche
tendued’unarbreàfeuillagepersistant.Sous-estimantlahauteurdelabranche,matêtefutprojetéeenarrièreaprèsquelesaiguillesdepinsesoientemmêléesdansmescheveux.Essayantd’ignorer le tiraillement jereniflai l’airànouveau
pourvérifiermonemplacement.Rien.Je sentis l’air un peu plus profondément, exhortant ma nature réprimée de
loup-garou à semanifester afin quemes diverses capacités puissentm’aider àlocaliserlemystérieuxloup.Maisl’odeurn’étaitpluslà.—Impossible,sifflai-jeentremesdents.Les loups ne pouvaient pas disparaître dans les airs. Pourtant, je ne pouvais
plussentirquel’odeurdepin,deterreetlesparfumsfraisdelanuit.J’écoutai,retenantmonsouffle,espérantavoirratéquelquechose.Maisj’étaisseuledansles bois. Celui que j’avais poursuivi était parti, emportant avec lui mes fauxespoirs:j’espéraiqueceseraitunmessagedechezmoi.Je m’effondrai dans la mousse humide et je donnai un coup de pied de
frustrationausapin.Sousl’impact,l’arbrefutsecouéetquelquespommesdepintombèrent au sol– plop, plop, plop. Le parfum de pin submergeait désormaistouslesautres.Nepouvantplusutiliserleloup-garouinconnucommedistraction,monesprit
retournaauxpenséesquej’avaislaisséessurlaroute.Holdenétaitmaintenantlaseulepersonnesurlaquellejepouvaismeconcentrer.J’allaisdevoiraccepterlemandat que j’avais reçu. Ce n’était qu’une question de temps avant que leTribunalnesoitlasséquejepiquemacrise–attitudeindigned’unvampire–etnedécidedeconfier la tâcheàquelqu’und’autre.Quelqu’unqui,commemonpartenairehumain,Keaty,n’auraitaucunscrupuleàtuerHolden.Mais je ne pouvais pas croire qu’Holden était devenu un traître. Cette fois,
j’auraisbesoindesavoirpourquoi.Holdenavaitconsacrésavieaprèssamortàêtrel’undesvampireslesplusbasplacésduConseil,ungardien,pendantplusdedeuxcentsans.Ilavaitreçulatâcheingrated’êtremonagentdeliaison,untravailquepersonnene lui enviait.Et il avait tout fait sans seplaindre.Alors,pourquoidevenirunhors-la-loimaintenant?Celan’avaitaucunsens.Jemelevaiavecdelamoussecolléederrièremescuissesnues.Jelaretiraiet
je commençai à avancer en direction de la route. Avant la poursuite, j’avaisprévu d’aller en ville pour perdre du temps et de l’argent au seul bar qui s’y
trouvait,maisjen’étaisplusd’humeursociable.Aulieudeprendrelarouteverslenord,verslaville,jemedirigeaiverslesud
etverslamaisondemagrand-mère.
SecretMcQueent2Chapitre2
(Traductionnondéfinitive)
Je ne pris pas la peine d’allumer la lumière du sous-sol pendant que jedescendais les escaliers jusqu’au niveau le plus bas de la maison. Toutes lesfenêtres qui avaient été installées avaient depuis longtemps été enlevées etemmurées,desortequelalumièredelalunenepuissepaséclairerl’obscurité.Jen’eus pas besoin de lumière pour me frayer un chemin dans les couloirsfamiliers, passant devant la buanderie et la petite salle de bains, effleurant dubout des doigts les murs lambrissés jusqu’à ce que j’arrive à la porte de maproprechambre.L’obscuritéétaituneprotectionréconfortantepourmoi,etjemelaissaitomber
sur mon lit défait. Le coton était d’une fraîcheur accueillante comparé à lachaleurlourdequiavaitcommencéàseglisserdanslesnuitsd’été.Jesoupirai,etalorsque j’exhalais,monsouffleréchauffames lèvres.L’aubeétaitencoreàuneheuredelà,maisj’étaisinhabituellementfatiguée.Lapoursuiteàtraverslesboisetladisparitionsoudainedumystérieuxloupm’avaientlaisséestupéfaiteetgrincheuse. De plus, chasser quoi que ce soit sans réussir à l’attraper étaittoujoursfrustrant.Jeregardaifixementleplafondbas,imaginantcequipourraitamenerunloup
solitaire sur mon territoire, et quelle motivation l’avait conduit à choisirElmwoodparmi tous lesendroitspossibles. Jeme reprochaid’avoirbaissémagardeetdenepasavoirfaitmieuxattentionlorsdemessoiréespourrepérerles
signesetlesodeursd’unnouveauloup.Jen’auraispasdûrelâchermaméfianceconstanteuneseuleseconde,maisêtrederetouràElmwoodmefaisaitprendremasécuritépouracquise.SiceloupfaisaitpartiedelameutedissidenteforméeparMarcusSullivan,le
loupquej’avaisenvoyétroismoisplustôtàlatombe,ilspourraientêtrelàpourmefairedumal.Cequiveutdirequegrand-mèreet lavilleentièrepourraientdevenirdesdommagescollatérauxdansuneguerrequin’avaitrienàvoiraveceux.Encequimeconcernait,laguerreétaitfinie.LapositiondeLucasentantqueroiétaitassurée,cequej’avaisgarantientuantMarcus.Jem’endormis avec la pensée entêtante que jem’étais déjà trompée sur ce
genredechosesunnombreincalculabledefois.Jen’avaispasrêvédepuislanuitoùj’avaisfaillimourir.Monsommeildiurne
se déroulait habituellement dans une stupeur comateuse, l’état de mortimminentedesvampiressomnolents.Lesraresfoisoùj’avaisfaitdesrêves,ilsavaienteuuneportéeprémonitoire.Cequineveutpasdirequej’étaismédium,biensûrquenon,maislorsquejerêvais,ilyavaituneraison.Celam’avaitunefoissauvélavie.Parcequejerêvaissirarement,etquemesrêvesétaientaussilucides,j’avais
souventdumalàdifférenciermesrêvesdelaréalité.Saufsi,biensûr,monrêvecomportaitunerobedemariée.C’étaittoujourslapreuvequecen’étaitpasréel.Cependant,danslerêvedanslequeljemeretrouvaicettenuit-là,jeneportais
riendutout.Lapremièrechosequiattiramonattention,outremesvêtementsmanquants,
fut la présence de draps de satin. Je ne pouvais pas ne pas remarquer ladisparitiondemesdrapsencoton.J’écartaimamain, paume vers le bas, et caressai la texture lisse et presque
liquide des draps. J’enfonçaimon visage dans l’oreiller et laissai échapper unsoupir satisfait. Je n’avais rien contre les rêves aux chambres décoréesélégamment.Puis ma main errante rencontra une peau qui n’était certainement pas la
mienne.Jeprisuneinspirationetretinsmonsouffle.Jenepercevaislesodeurs
d’aucundemesdeuxhommes.Iln’yavaitaucungoûtdansmabouche,etrienn’alertaitleloupdansmoncerveau.Doncqui…Timidement,jetournailatêteetj’ouvrisunœil.Jelaissaimonregardallerde
mon bras à ma main, qui reposait sur la courbe pâle d’un bas de dos. Pâle.Tellement,tellementpâle.Lapeauétaitblanchecommelamienne,etlamiennen’avaitjamaisvulalumièredujour.J’ouvrislesdeuxyeux,etceuxquimeregardaientn’étaientpasbleuscomme
ceuxdeLucasougriscommeceuxdeDesmond.Cesyeuxétaientd’unbrunsisombre qu’ils étaient presque noirs, je les reconnus instantanément, ce qui fitbattremoncœur.Mamaintremblacontresondos.—Holden.Ilroulasurlecôté,s’appuyasuruncoudeetobservaattentivementmoncorps,
qui était entièrement exposé sur les draps. Je le laissai regarder, nullementencombréeparlamoralitétimidedeshumains.Jem’intéressaisplusàlaraisonpourlaquelleilpartageaitmonrêvequ’àlaraisondesonregardinsistant.—Alorstunepeuxpasmeregardernuedanslavraievie,maisdansunrêve,
si?demandai-je,merappelanttouteslesfoisoùilétaitvenuchezmoietm’avaitimposéunepudeurdépassée.—C’esttonrêve.Je laissai échapper ungrognement dédaigneux etme redressai pour qu’il ne
puisseplusmeregarderdehaut.—Nesoispastimideavecmoi,Holden,pasmaintenant.Le vampire m’adressa un sourire triste, laissant le soin à la moindre trace
d’émotionsursonvisagedediretoutesleschosesqu’ilnepouvaitsepermettrededireàvoixhaute.Iltenditlamainetécartauneboucledemonvisage.—Pourquoiveulent-ilsquejetetue?Pourquoitoi?J’implorai.Pendantunlongmoment,ilneréponditpas,tordantuneboucled’orjaunede
mescheveuxautourdesondoigt. J’observaiattentivementsonapparenceet jedésirai qu’il soit de retour dans ma vie. Il avait l’air fatigué, ce qui était unexploitimpressionnantpourunvampire,etsapeauétaitpresquetranslucidepar
endroits, ce qui révélait qu’il ne se nourrissait pas assez. Ses cheveux étaientpluslongs,laissantvoirsesbouclesnaturelles.Ilsavaientdépassésesoreillesetflirtaientmaintenantaveclabasedesoncou.Holden avait toujours été vigilant à propos de son apparence. Il avait été
rédacteurenchefpourGQ,etjenel’avaisjamaisvuavoiruneapparencemoinsqueparfaite.Ilconsidéraitsonaspectextérieurcommeunefiertéetsafiertéétaitprofonde.Reflétantsongeste, je tendis lamainetpassaimesdoigtsdanssescheveux,
surpriseparsadouceur.Jetraînaimamaindesescheveuxàsajoue,desajoueàsa bouche. Son regard ne quittait pas le mien, même lorsque mon pouce futappuyésursalèvreinférieure.Jepressaiplusfort,etillaissasabouches’ouvrir.Sescrocsétaientexposés.Jefrissonnaiquandsalangueeffleuralecoussinetdemonpouce.—Tunemetueraspas,dit-ild’untonaffirmatif.—Jedoislefaire.Jecommençaiàretirermamain,maisilattrapamonpoignet.—Tu.Ne.Me.Tueras.Pas.Quandilprononçacesmots,ilyeutunéclairdecrocs,etunprofondfrisson
megela lesentrailles. Ilne lâchapassamainetutilisaplutôt l’avantagedesaforce supérieure pour m’attirer vers lui. Avec sa main toujours dans mescheveux,ilmeforçaàleregarderdroitdanslesyeux.Je ne pouvais pas être victime du pouvoir d’influence des vampires comme
leursvictimeshumaines,pouvoirconnusouslenomdel’Emprise,maisj’avaisl’impressionquec’étaitcequ’ilessayaitdefaire.Detouslesvampires,Holdenétaitceluiquiconnaissaitlemieuxmonimmunité,alorsjen’étaispascertainedesesintentions.Jedéglutisdifficilementetilmerapprochapourquenoscorpssepressentl’uncontrel’autre.Mapeauétaitchaudelàoùelletouchaitlasienne.—J’aibesoindetoi,Secret,murmura-t-ilcontremeslèvres.Jefrissonnaiànouveau,maiscettefoiscen’étaitpasdepeur.—Oùes-tu?—Jesuisensécurité,pourl’instant.
Iltraînaleboutdesesdoigtssurmajouegauche.—Jenepeuxpasrentreràlamaison,dis-je.—Tudoisrentrer.J’aibesoindetoi.—Sijerentreàlamaison,Sigmepousseraàtetuer.—Vraiment?Saboucheétait justeau-dessusde lamienne, ses lèvreseffleurant la surface
hypersensible desmiennes, apportant une nouvelle vague de chaleur sur moncorps.J’avaisdesdifficultésàrespireret ilétaitentraindedéplacersesmainsverslebasdemondos.—EncequiconcerneSig…Jetremblai.—…c’esttoioumoi.Unsouriresedessinasursabouchependantquesalanguetraçaitlecontourde
malèvreinférieure.—Ceneserapasmoi,promit-il.Puis, avec un mouvement si rapide qu’il dura moins de temps que ma
respirationaffolée,illaissatombersatêteetenfonçasesdentsacéréesdansmoncouexposé.
…àsuivre!