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1 UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS PARIS II Année universitaire 2008-2009 Travaux Dirigés - Master 1 DROIT PUBLIC DE L’ÉCONOMIE I Cours de Mme la Professeure Martine LOMBARD Distribution en travaux dirigés du 5 au 9 janvier 2009 Séance n° 10 SECTEUR PUBLIC ET AIDES D’ÉTAT Pour préparer la séance de travaux dirigés, les étudiants pourront se reporter au règlement communautaire n° 659/99 du Conseil « portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE » (JOCE, L. 83 du 27 mars 1999, p. 1), ainsi qu’aux fiches synthétiques sur le droit communautaire des aides d’État disponible sur le site : http://www.europa.eu.int/scadplus/leg/fr/s12002.htm. 1°/ BIBLIOGRAPHIE I. OUVRAGES CHARBIT (N.), Secteur public et droit de la concurrence, Paris, L’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2002. CHÉROT (J.-Y.), Les aides d’État dans les Communautés européennes, Paris, Economica, coll. droit des affaires et de l’entreprise, 1998. COMMUNIER (J.-M.), Le droit communautaire des aides d’État, Paris, LGDJ, coll. systèmes Droit, 2000. DECOCQ (A.), Droit de la concurrence interne et communautaire, 2 ème éd., Paris, LGDJ, 2004. DONY (M.) et SMITS (C.), Aides d’État, Institut d’Études Européennes, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2005. KEPPENNE (J.-P.), Guide des aides d’État en droit communautaire, Bruxelles, Bruylant, 1999. LUCAS DE LEYSSAC (C.) et PARLÉNI (G.), Droit du marché, PUF, coll. Thèmis Droit privé, 2002. ROUAM (C.), Le contrôle des aides d’État aux entreprises dans l’Union européenne, Paris, Economica, 1998. II. ARTICLES ALEXIS (A.), « Droits exclusifs ou spéciaux et aides d’État », RDUE, 2004, n° 2, p. 185. BAZEX (M.) et BLAZY (S.), « Aides des entreprises publiques », DA, 2002, n° 8, p. 15. BAZEX (M.) et BLAZY (S.), « Quelle marge d’initiative pour le juge national dans le contrôle des aides d’État ? », DA, 2005, n° 1, p. 20. BLUMANN (C.), « Y a-t-il substitution de « régulations » communautaires aux « régulations » nationales en matière d’aides ? », in L’entreprise dans le marché unique européen, Travaux de la CEDECE, 1995, p. 63.

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UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS PARIS II

Année universitaire 2008-2009 Travaux Dirigés - Master 1 DROIT PUBLIC DE L’ÉCONOMIE I Cours de Mme la Professeure Martine LOMBARD Distribution en travaux dirigés du 5 au 9 janvier 2009 Séance n° 10

SECTEUR PUBLIC ET AIDES D’ÉTAT

Pour préparer la séance de travaux dirigés, les étudiants pourront se reporter au règlement communautaire n° 659/99 du Conseil « portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE » (JOCE, L. 83 du 27 mars 1999, p. 1), ainsi qu’aux fiches synthétiques sur le droit communautaire des aides d’État disponible sur le site : http://www.europa.eu.int/scadplus/leg/fr/s12002.htm.

1°/ BIBLIOGRAPHIE I. OUVRAGES CHARBIT (N.), Secteur public et droit de la concurrence, Paris, L’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2002. CHÉROT (J.-Y.), Les aides d’État dans les Communautés européennes, Paris, Economica, coll. droit des affaires et de l’entreprise, 1998. COMMUNIER (J.-M.), Le droit communautaire des aides d’État, Paris, LGDJ, coll. systèmes Droit, 2000. DECOCQ (A.), Droit de la concurrence interne et communautaire, 2ème éd., Paris, LGDJ, 2004. DONY (M.) et SMITS (C.), Aides d’État, Institut d’Études Européennes, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2005. KEPPENNE (J.-P.), Guide des aides d’État en droit communautaire, Bruxelles, Bruylant, 1999. LUCAS DE LEYSSAC (C.) et PARLÉNI (G.), Droit du marché, PUF, coll. Thèmis Droit privé, 2002. ROUAM (C.), Le contrôle des aides d’État aux entreprises dans l’Union européenne, Paris, Economica, 1998. II. ARTICLES ALEXIS (A.), « Droits exclusifs ou spéciaux et aides d’État », RDUE, 2004, n° 2, p. 185. BAZEX (M.) et BLAZY (S.), « Aides des entreprises publiques », DA, 2002, n° 8, p. 15. BAZEX (M.) et BLAZY (S.), « Quelle marge d’initiative pour le juge national dans le contrôle des aides d’État ? », DA, 2005, n° 1, p. 20. BLUMANN (C.), « Y a-t-il substitution de « régulations » communautaires aux « régulations » nationales en matière d’aides ? », in L’entreprise dans le marché unique européen, Travaux de la CEDECE, 1995, p. 63.

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CHÉROT (J.-Y.), « Le « plan d’action » de la Commission dans le domaine des aides d’État », AJDA, 2007, p. 2412. CHEYNET (B.), « Récupération des aides versées en violation du droit communautaire : interrogation, confirmation, sanction », RLC, n° 9/2006, p. 72. COURIVAUD (H.), « Droit de la concurrence et entreprises publiques », J.-Cl. Concurrence-Consommation, fasc. 121, août 2001. COURTOIS (C.), « Aides d’État : conditions dans lesquelles l’accès d’une filiale au réseau d’une entreprise publique est légal », Juris PTT, 1997, n° 50, p. 18. DELION (C.), « Les garanties d’État et leur évolution », RJEP/CJEG, 2004, n° 613, p. 417. DISANT (M.), « Le juge administratif et l’obligation communautaire de récupération d’une aide incompatible », RFDA, 2007, n° 3, p. 547. GUNTHER (J.-P.), « Aides d’État et entreprises défaillantes », Concurrences, 1er janvier 2006, n° 1, p. 100. KARPENSCHIF (M.), « Regard sur le droit des aides d’État », LPA, 2007, n° 239, p. 48. KATZ (D.), « La récupération des aides d’État illégales en cas de restructuration d’une entreprise », JCP A, 2004, n° 38, p. 1183. KOVAR (R.), « Les prises de participations publiques et le régime communautaire des aides d’État », RTDCom., 1992, n° 45, p. 109. LAGET (S.), « Les pouvoirs du juge national et les aides non notifiées à la Commission », AJDA, 2004, p. 298. VOGEL (L.), « Les nouveaux critères de définition des aides d’État en droit de la concurrence », Revue de la concurrence et de la consommation, mai 2003, n° 133, p. 6. III. RÉFÉRENCES COMPLÉMENTAIRES Plan d’action dans le domaine des aides d’État présenté par la Commission le 7 juin 2005, COM 2005 107 final (http://www.aer.eu). Directive 2006/111/CE de la Commission du 16 novembre 2006 relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu’à la transparence financière dans certaines entreprises, JOUE, n° L 318, 17 novembre 2006, p. 17 (http://www.eur-lex.europa.eu).

2°/ LISTE DES DOCUMENTS I. LA NOTION D’AIDE D’ÉTAT Document n° 1 : TC, 19 janvier 1998, Union française de l’express (UFEX) ; D., 1998, p. 329, concl. J. Arrighi de Casanova ; RFDA, 1999, n° 1, p. 190, note B. Seiller. Document n° 2 : CJCE, 1er juillet 2008, Chronopost SA, aff. C-341/06 et C-342/06. II. LE CONTRÔLE DES AIDES D’ÉTAT Document n° 3 : Règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 93 [devenu 88] du traité CE, JOCE, n° L83, 27 mars 1999. Document n° 4 : CJCE, 12 février 2008, Centre d’exportation du livre français (CELF), C-199/06. Document n° 5 : CJCE, 13 novembre 2008, Commission c/ France, aff. C-214/07 ; AJDA, 2008, p. 2332, chron. E. Broussy, F. Donnat, C. Lambert.

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3°/ CAS PRATIQUE La crise économique et financière ayant des répercussions sur de nombreux secteurs et en particulier sur le transport de marchandises, le secrétaire général d’une grande organisation syndicale a fait part au ministre chargé des transports de la situation « alarmante » du secteur fret de la SNCF qui, selon ses termes, subit une « crise aggravée par la catastrophe de la bourse ». Auparavant, l’organisation syndicale avait déjà contesté l’ouverture du secteur ferroviaire à la concurrence, estimant qu’elle pourrait entraîner des suppressions massives d’emplois. Le secrétaire général de cette organisation syndicale considère que l’entreprise est aujourd’hui en péril et que l’État doit prévoir un plan d’aide de toute urgence. Un conseiller du ministre ayant fait appel à vos services pour préparer la prochaine entrevue du ministre avec le secrétaire général du syndicat, il vous soumet quelques interrogations. Tout d’abord, le conseiller souhaite savoir quelle forme pourrait prendre un plan de soutien de l’État. Plus précisément, il s’interroge sur la possibilité de soutenir uniquement l’activité fret de la SNCF ou d’établir un plan pour l’ensemble des entreprises du secteur du fret.

En outre, hésitant entre des subventions directes, des mesures fiscales ou autres, il vous sollicite également pour mieux cerner, parmi les modalités éventuelles d’une action de l’Etat, ce qui risquerait ou non d’être qualifié d’aide d’Etat.

En toute hypothèse, il envisage de proposer au ministre de faire une déclaration pour promettre

le soutien de l’État, dans tous les cas où celui-ci se révèlerait nécessaire, afin de rassurer tous les acteurs du marché car, selon lui, ce seul comportement ne peut être qualifié d’aide d’État par la Commission européenne. Dans un courrier adressé au ministre, le secrétaire général de l’organisation syndicale a fait valoir que, « même si la Commission qualifiait le plan projeté d’aide d’État, le gouvernement pourrait se dispenser de récupérer l’aide ainsi octroyée en soulevant les difficultés rencontrées pour procéder à la récupération ». Le conseiller, très sceptique sur la justesse juridique de cette appréciation, vous demande cependant de préciser ce qu’il en est. La protection de l’emploi à la SNCF et le développement de l’activité fret pouvant, dans l’esprit du ministre, justifier un appel aux capitaux privés, le conseiller vous interroge enfin sur les formes juridiques que pourrait prendre un appel à une participation d’actionnaires privés ainsi que sur les procédures juridiques que nécessiterait cette initiative.

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Document n° 1 : TC, 19 janvier 1998, Union française de l’express (UFEX) ; D., 1998, p. 329, concl. J. Arrighi de Casanova ; RFDA, 1999, n° 1, p. 190, note B. Seiller. Vu, enregistrée à son secrétariat le 18 juin 1997, la lettre par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant, devant le tribunal de commerce de Paris, d'une part le Syndicat Français de l'Express International (SFEI), devenu l'Union Française de l'Express (UFEX), les sociétés DHL International, Service Crie, May Courrier International, Federal Express International, Express Transports Communications, d'autre part, la Poste, et les sociétés Sofipost, Société Française de Messagerie Internationale (SFMI) devenue GD Express Worldwide France (GDEW), Chronopost, Transport Aérien Transrégional (TAT), TAT Express, sur le fondement des articles 85, 86, 92, 93 du Traité sur la Communauté européenne ; Vu l'assignation introductive d'instance, en date du 16 juin 1993 ; Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 5 janvier 1994 saisissant à titre préjudiciel la Cour de Justice des Communautés Européennes ; Vu l'arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes en date du 11 juillet 1996 statuant sur les questions à elle soumises par le tribunal de commerce ; Vu le déclinatoire présenté le 4 novembre 1996 par le préfet de la région d'Ile de France, préfet de Paris, tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; Vu la loi du 24 mai 1872 ; Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ; Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ; Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ; Vu le code des postes et télécommunications, la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste, le traité sur la Communauté européenne et l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Guerder, membre du Tribunal, - les observations de Me Baraduc-Bénabent, avocat de l'Union Française de l'Express, des Sociétés DHL International, Service Crie, May Courrier International, Federal Express International, Express Transports Communications et de la SCP Defrénois, Lévis, avocat de la Poste et Sofipost, - les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ; Considérant que selon l'article 7 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, chaque exploitant public est habilité à exercer, en France et à l'étranger, toutes activités qui se rattachent directement ou indirectement à son objet, et peut, à cet effet, créer des filiales ayant un objet connexe ou complémentaire ; qu'aux termes de l'article 25 de la même loi, les relations de la Poste et de France Télécom avec leurs usagers, leurs fournisseurs et les tiers sont régies par le droit commun et que les litiges auxquels elles donnent lieu sont portés devant les juridictions judiciaires, à l'exception de ceux qui relèvent par leur nature de la juridiction administrative ; Considérant que la demande qui a été formée par le Syndicat Français de l'Express International (SFEI), devenu l'Union Française de l'Express (UFEX), et par les sociétés DHL International, Service Crie, May Courrier International, Federal Express International, Express Transports Communications, contre la Poste, et les sociétés Sofipost, SFMI devenue GD Express Worldwide France (GDEW), Chronopost, TAT, TAT Express, tend à voir dire et juger que l'assistance logistique et commerciale consentie par la Poste à SFMI et Chronopost "sans contrepartie sérieuse" constitue une aide d'Etat, au sens de l'article 92 du Traité sur la Communauté européenne, qu'elle est illicite à défaut de la notification préalable à la Commission des Communautés européennes prévue par l'article 93 du Traité sur la Communauté européenne, et que les sociétés défenderesses ont commis des actes de concurrence déloyale, un abus de position dominante au sens de l'article 86 dudit traité, ainsi qu'une

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violation du principe d'égalité dans la concurrence ; que les demandeurs ont sollicité la cessation de toute assistance logistique et commerciale, la restitution à la Poste de l'aide "illicite" perçue par SFMI et Chronopost, et la condamnation in solidum des défendeurs à des dommages-intérêts ; Considérant que le litige, opposant des sociétés commerciales à l'établissement public industriel et commercial de la Poste et à ses filiales de droit privé, tend à la cessation et à la réparation des dommages occasionnés par des pratiques commerciales imputées à la Posteet susceptibles, selon les sociétés demanderesses, de fausser le jeu de la concurrence, tant en droit interne qu'en droit communautaire ; que ce litige, qui ne met pas en cause l'exercice des prérogatives de puissance publique du service postal, ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, sous réserve d'éventuelles questions préjudicielles sur l'appréciation de la légalité d'actes administratifs relatifs à l'organisation et aux conditions d'exploitation de ce service ; Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 14 avril 1997 par le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, est annulé. Article 2 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution. Document n° 2 : CJCE, 1er juillet 2008, Chronopost SA, aff. C-341/06 et C-342/06. […] «2 [La Poste], qui opère, sous monopole légal, dans le secteur du courrier ordinaire, faisait partie intégrante de l’administration française jusqu’à la fin de l’année 1990. À compter du 1er janvier 1991, elle a été organisée comme une personne morale de droit public, conformément aux dispositions de la loi 90-568, du 2 juillet 1990, relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications (JORF du 8 juillet 1990, p. 8069, ci�après la ‘loi 90�568’). Cette loi l’autorise à exercer certaines activités ouvertes à la concurrence, notamment l’expédition de courrier express. 3 La Société française de messagerie internationale (ci-après la ‘SFMI’) est une société de droit privé qui s’est vu confier la gestion du service de courrier express de La Poste depuis la fin de l’année 1985. Cette entreprise a été constituée avec un capital social de 10 millions de francs français (FRF) (environ 1 524 490 euros), réparti entre Sofipost (66 %), société financière détenue à 100 % par La Poste, et TAT Express (34 %), filiale de la compagnie aérienne Transport aérien transrégional (ci-après ‘TAT’). 4 Les modalités d’exploitation et de commercialisation du service de courrier express que la SFMI assurait sous la dénomination EMS/Chronopost ont été définies par une instruction du ministère des Postes et Télécommunications français du 19 août 1986. Selon cette instruction, La Poste devait fournir à la SFMI une assistance logistique et commerciale. Les relations contractuelles entre La Poste et la SFMI étaient régies par des conventions, dont la première date de 1986. 5 En 1992, la structure de l’activité de courrier express réalisée par la SFMI a été modifiée. Sofipost et TAT ont créé une nouvelle société, [Chronopost], dont elles détenaient toujours respectivement 66 % et 34 % des actions. La société Chronopost, qui avait un accès exclusif au réseau de La Poste jusqu’au 1er janvier 1995, s’est recentrée sur le courrier express national. La SFMI a été rachetée par GD Express Worldwide France, filiale d’une entreprise commune internationale regroupant la société australienne TNT et les postes de cinq pays, concentration autorisée par décision de la Commission du 2 décembre 1991 (Affaire IV/M.102 – TNT/Canada Post, DBP Postdienst, La Poste, PTT Poste et Sweden Post) (JO C 322, p. 19). La SFMI a conservé l’activité internationale de courrier express, utilisant Chronopost comme agent et prestataire de services dans le traitement en France de ses envois internationaux (ci-après la ‘SFMI�Chronopost’).

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6 Le Syndicat français de l’express international (SFEI) [...] est un syndicat professionnel de droit français regroupant la quasi-totalité des sociétés offrant des services de courrier express faisant concurrence à la SFMI-Chronopost. 7 Le 21 décembre 1990, le SFEI a déposé une plainte auprès de la Commission [des Communautés européennes] au motif, notamment, que l’assistance logistique et commerciale fournie par La Poste à la [SFMI-Chronopost] comportait une aide d’État au sens de l’article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE). Dans la plainte était principalement dénoncé le fait que la rémunération versée par la SFMI pour l’assistance fournie par La Poste ne correspondait pas aux conditions normales de marché. La différence entre le prix du marché pour l’acquisition de tels services et celui effectivement payé par la [SFMI�Chronopost] constituerait une aide d’État. Une étude économique, réalisée, à la demande du SFEI, par la société de conseil Braxton associés [ci-après ‘Braxton’], a été jointe à la plainte afin d’évaluer le montant de l’aide pendant la période 1986-1989. 8 Par lettre du 10 mars 1992, la Commission a informé le SFEI du classement de sa plainte. Le 16 mai 1992, le SFEI et d’autres entreprises ont introduit un recours en annulation devant la Cour à l’encontre de cette décision. La Cour a prononcé un non-lieu à statuer (ordonnance de la Cour du 18 novembre 1992, SFEI e.a./Commission, C�222/92, non publiée au Recueil) après la décision de la Commission du 9 juillet 1992 de retirer celle du 10 mars 1992. 9 À la demande de la Commission, la République française lui a transmis des informations par lettre du 21 janvier, par télécopie du 3 mai et par lettre du 18 juin 1993. 10 Le 16 juin 1993, le SFEI et d’autres entreprises ont introduit devant le tribunal de commerce de Paris un recours contre la SFMI, Chronopost, La Poste et autres. Une deuxième étude de [Braxton] y était jointe actualisant les données de la première étude et étendant la période d’estimation de l’aide à la fin de l’année 1991. Par jugement du 5 janvier 1994, le tribunal de commerce de Paris a posé à la Cour plusieurs questions préjudicielles sur l’interprétation de l’article 92 du traité et de l’article 93 du traité CE (devenu article 88 CE), dont l’une portait sur la notion d’aide d’État dans les circonstances de la présente affaire. Le gouvernement français a déposé devant la Cour, à l’annexe de ses observations du 10 mai 1994, une étude économique réalisée par la société Ernst & Young. Par arrêt du 11 juillet 1996, SFEI e.a. (C�39/94, Rec. p. I�3547 [...]), la Cour a dit pour droit que ‘[l]a fourniture d’une assistance logistique et commerciale par une entreprise publique à ses filiales de droit privé exerçant une activité ouverte à la libre concurrence est susceptible de constituer une aide d’État au sens de l’article 92 du traité si la rémunération perçue en contrepartie est inférieure à celle qui aurait été réclamée dans des conditions normales de marché’ (point 62). 11 Entre-temps, par lettre de la Commission du 20 mars 1996, la République française a été informée de l’ouverture de la procédure prévue à l’article 93, paragraphe 2, du traité. Le 30 mai 1996, elle a adressé à la Commission ses observations à cet égard. […] 13 Le 17 août 1996, le SFEI a soumis à la Commission ses observations en réponse à cette communication. Il a joint à ses observations une nouvelle étude économique, réalisée par le cabinet Bain & Co. En outre, le SFEI a élargi le champ de sa plainte du 21 décembre 1990 à certains éléments nouveaux, notamment à l’utilisation de l’image de marque de La Poste, à l’accès privilégié aux ondes de Radio France, à des privilèges douaniers et fiscaux et à des investissements de La Poste dans des plates-formes de messagerie. 14 La Commission a transmis à la République française les observations du SFEI en septembre 1996. La République française a, en réponse, envoyé une lettre à la Commission en y annexant une étude économique réalisée par la société de conseil Deloitte Touche Tohmatsu (ci-après le ‘rapport Deloitte’).

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[...] La décision litigieuse 4 Il ressort des points 19 à 23 de l’arrêt attaqué ce qui suit: «19 Dans la décision [litigieuse], la Commission a constaté qu’il convenait de distinguer deux catégories de mesures. La première catégorie consiste en la fourniture par La Poste, d’une part, de l’assistance logistique consistant à mettre les infrastructures postales à la disposition de la SFMI-Chronopost pour la collecte, le tri, le transport et la distribution de ses envois et, d’autre part, de l’assistance commerciale, c’est-à-dire de l’accès de la SFMI�Chronopost à la clientèle de La Poste et de l’apport par cette dernière de son fonds de commerce en faveur de la SFMI�Chronopost. La seconde catégorie consiste en des mesures particulières, telles que l’accès privilégié à Radio France et les privilèges fiscaux et douaniers. 20 La Commission considérait que la question pertinente était celle de savoir ‘si les conditions de la transaction entre La Poste et la SFMI-Chronopost [étaient] comparables à celles d’une transaction équivalente entre une société mère privée, qui peut très bien être en situation de monopole (par exemple parce qu’elle détient des droits exclusifs), et sa filiale’. Selon la Commission, il n’y avait aucun avantage financier si les prix internes pour les produits et les services échangés entre les sociétés appartenant au même groupe étaient ‘calculés sur la base des coûts complets (c’est-à-dire les coûts totaux plus la rémunération des capitaux propres)’. 21 À cet égard, la Commission faisait remarquer que les paiements effectués par la SFMI-Chronopost ne couvraient pas les coûts totaux pendant les deux premières années d’exploitation, mais ils couvraient tous les coûts hors frais de siège et de directions régionales. Elle considérait, premièrement, qu’il n’était pas anormal que, pendant la période de démarrage, les paiements effectués par une nouvelle entreprise, à savoir par la SFMI�Chronopost, ne couvrent que les coûts variables. Deuxièmement, toujours selon la Commission, la République française a pu démontrer que, à partir de 1988, la rémunération payée par la SFMI-Chronopost couvrait tous les coûts supportés par La Poste, ainsi que la rémunération des capitaux propres investis par cette dernière. En outre, la Commission a calculé que le taux de rendement interne (ci-après le ‘TRI’) de l’investissement de La Poste en tant qu’actionnaire excédait largement le coût du capital de la société en 1986, c’est-à-dire le taux de rendement normal qu’un investisseur privé exigerait dans des circonstances similaires. En conséquence, La Poste aurait fourni une assistance logistique et commerciale à sa filiale dans des conditions normales de marché, et cette assistance ne constituerait donc pas une aide d’État. 22 S’agissant de la seconde catégorie, à savoir les diverses mesures particulières, la Commission estimait que la SFMI-Chronopost ne bénéficiait d’aucun avantage concernant la procédure de dédouanement, le droit de timbre, la taxe sur les salaires ou les délais de paiement. L’utilisation des véhicules de La Poste comme support publicitaire devait être considérée, selon la Commission, comme une assistance commerciale normale entre une société mère et sa filiale et la SFMI-Chronopost ne bénéficiait d’aucun traitement préférentiel pour la publicité sur Radio France. La Commission aurait pu également établir que les engagements pris par La Poste lors de l’autorisation de l’entreprise commune par la décision de la Commission du 2 décembre 1991 ne constituaient pas des aides d’État. 23 Dans l’article 1er de la décision [litigieuse], la Commission constate ce qui suit: ‘[L]’assistance logistique et commerciale fournie par La Poste à sa filiale [la] SFMI-Chronopost, les autres transactions financières entre ces deux sociétés, la relation entre [la] SFMI-Chronopost et Radio France, le régime douanier applicable à La Poste et à [la] SFMI-Chronopost, le système de taxe sur les salaires et de droit de timbre applicables à La Poste et son investissement […] dans des plates-formes de messagerie ne constituent pas des aides d’État en faveur de [la] SFMI-Chronopost.’» […]

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Sur le quatrième moyen tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal dans l’appréciation de la notion d’aide d’État en ce qui concerne le transfert de la clientèle de Postadex Argumentation des parties 115 Chronopost et La Poste soutiennent que c’est à tort que le Tribunal a considéré que la filialisation par un État membre d’une activité relevant du secteur concurrentiel constituait une aide d’État au motif que la clientèle, qui représenterait un actif incorporel financé sur ressources d’État, aurait alors été transférée sans contrepartie. 116 Ce faisant, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en ne tenant pas compte, contrairement à ce qu’a prescrit la Cour dans son arrêt Chronopost e.a./Ufex e.a., précité, de la situation particulière de La Poste qui, en raison du fait que celle-ci opère dans le secteur réservé, n’est pas comparable à celle des entreprises privées. Le transfert de Postadex ne saurait être détaché artificiellement de l’opération de filialisation d’une activité par une administration, qui ne peut être appréciée de la même manière qu’un apport que ferait une société privée à sa filiale existante. En outre, l’apport de capitaux des pouvoirs publics dans Chronopost a été rémunéré, ainsi que l’a constaté la Commission, et ceux-ci n’auraient donc en rien aidé la filiale créée. 117 Par ailleurs, la filialisation en cause, d’ailleurs voulue par la Commission dans le cadre de la libéralisation de secteurs autrefois sous monopole, ne serait pas comparable aux relations entre sociétés et filiales existantes. Au moment de la filialisation, qui est comparable à une scission, il ne saurait y avoir aide d’État car il n’y aurait pas encore de bénéficiaire, et, en tout état de cause, il n’y aurait pas nécessairement avantage. D’ailleurs, la Commission aurait tenu compte de la valeur supposée des actifs incorporels transférés. 118 Enfin, la Cour aurait déjà jugé qu’une opération en capital en faveur d’une filiale du secteur public est exempte, a priori, de toute aide lorsqu’un investisseur privé participe également à l’opération, ce qui serait le cas en l’espèce puisque TAT, qui détenait 34 % du capital de la SFMI, a apporté à celle-ci ses propres actifs. 119 Pour UFEX e.a., il y a bien eu transfert gratuit de Postadex à la SFMI-Chronopost, sans contrepartie, laquelle ne saurait ressortir de la rémunération des capitaux propres investis, pour laquelle les chiffres retenus par la Commission ne sont pas pertinents. Les apports qui, en droit des sociétés, doivent toujours donner lieu à évaluation auraient bien favorisé Chronopost en lui procurant, en tant que nouvel entrant, un avantage dans la concurrence obtenu en dehors des conditions normales du marché. Il s’agirait bien d’un transfert gratuit de clientèle, d’ailleurs captive, du monopole à sa filiale. 120 Peu importe, pour l’application de l’article 92, paragraphe 1, du traité, qu’il s’agisse ou non d’une scission, la notion d’aide d’État se définissant non pas à partir des causes ou des moyens de l’opération, mais par ses effets sur le marché et le commerce intracommunautaires. Appréciation de la Cour 121 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la qualification d’«aide» au sens de l’article 92, paragraphe 1, du traité requiert que toutes les conditions visées à cette disposition soient remplies (voir arrêts du 21 mars 1990, Belgique/Commission, dit «Tubemeuse», C�142/87, Rec. p. I�959, point 25; du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C�278/92 à C�280/92, Rec. p. I�4103, point 20; du 16 mai 2002, France/Commission, C�482/99, Rec. p. I�4397, point 68, ainsi que du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C�280/00, Rec. p. I�7747, point 74).

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122 Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir, notamment, arrêt du 30 mars 2006, Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti, C�451/03, Rec. p. I�2941, point 56). 123 Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que les avantages consentis peuvent ressortir non seulement des prestations positives telles que des subventions, des prêts ou des prises de participation au capital d’entreprises, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d’une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques. Dans le cadre des avantages indirects qui ont les mêmes effets que les subventions, il importe de relever que figure la fourniture de biens ou de services dans des conditions préférentielles (voir en ce sens, notamment, arrêt du 20 novembre 2003, GEMO, C�126/01, Rec. p. I�13769, points 28 et 29). 124 Pour constater, aux points 165 et 167 de l’arrêt attaqué, que le transfert de Postadex par La Poste, alors service de l’État, au profit de la SFMI-Chronopost constituait une aide d’État, le Tribunal a considéré que cette opération avait emporté transfert de clientèle, c’est-à-dire d’un élément de l’actif incorporel qui avait une valeur économique, et que l’avantage qui en était résulté pour la SFMI-Chronopost n’avait fait l’objet d’aucune contrepartie au profit de La Poste. 125 Un tel raisonnement laisse entendre que La Poste se serait séparée de Postadex sans aucune contrepartie comme si l’activité transférée avait été privatisée en dehors de toute rémunération. 126 Toutefois, une telle analyse part d’une prémisse erronée. Il est constant, en effet, que La Poste a procédé à ce transfert au moyen d’une filialisation et que, par l’intermédiaire de la holding qu’elle détient à 100 %, elle a acquis dans sa filiale Chronopost 66 % de son capital. Or, il ne saurait être exclu que cette participation prenne en compte, au moins pour partie, la valeur des actifs corporels et incorporels transférés, et notamment celle de la clientèle de Postadex. 127 Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 117 de ses conclusions, La Poste a conservé la valeur économique des activités transférées à Chronopost correspondant à sa participation de 66 % au capital de cette dernière. 128 Dans ces conditions, il doit être constaté que le Tribunal ne pouvait, sans commettre une erreur de droit, fonder son analyse en faisant totalement abstraction des conditions juridiques et économiques d’un transfert de clientèle dans le cadre d’une filialisation, alors que celles-ci étaient, par elles-mêmes, susceptibles de faire naître une contrepartie à l’avantage procuré par ce transfert. 129 En outre, une telle qualification d’aide d’État ne pourrait être admise que si le transfert de clientèle de Postadex, en tant que tel, remplissait toutes les conditions visées à l’article 92, paragraphe 1, du traité, telles que rappelées au point 122 du présent arrêt, et qui sont cumulatives (voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2006, Enirisorse, C�237/04, Rec. p. I�2843, point 50). 130 Or, il n’est pas allégué que toutes ces conditions seraient remplies. En tout état de cause, s’agissant de la question de savoir si, comme il ressort de la quatrième de ces conditions, un tel transfert fausserait ou menacerait de fausser la concurrence, il ne pourrait en être ainsi que si, notamment, celui-ci modifiait la structure du marché concerné et affectait la situation des entreprises concurrentes déjà présentes sur ce marché. 131 À cet égard, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 120 de ses conclusions, l’activité de courrier express étant déjà exploitée directement par La Poste sous la dénomination Postadex jusqu’à la date de la création de la SFMI-Chronopost, le transfert de la clientèle de Postadex au profit de cette dernière n’apparaît pas comme ayant eu pour effet, par lui-même, de modifier les conditions de la concurrence sur le marché du courrier express.

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132 Dans ces conditions, il y a lieu de faire droit au quatrième moyen invoqué par Chronopost et La Poste ainsi que d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il a prononcé l’annulation de la décision litigieuse en ce qu’elle constate que le transfert de Postadex ne constitue pas une aide d’État. 133 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué, d’une part, en tant qu’il annule la décision litigieuse en ce qu’elle constate que ni l’assistance logistique et commerciale fournie par La Poste à sa filiale, à savoir la SFMI-Chronopost, ni le transfert de Postadex ne constituent des aides d’État en faveur de la SFMI-Chronopost et, d’autre part, en tant que, en conséquence, il fixe la charge des dépens. […] Document n° 3 : Règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 93 [devenu 88] du traité CE, JOCE, n° L83, 27 mars 1999. […] CHAPITRE II : PROCÉDURE CONCERNANT LES AIDES NOTIFIÉES Article 2 Notification d'une aide nouvelle 1. Sauf indication contraire dans tout règlement pris en application de l'article 94 du traité ou de toute autre disposition pertinente de ce dernier, tout projet d'octroi d'une aide nouvelle est notifié en temps utile à la Commission par l'État membre concerné. La Commission informe aussitôt l'État membre concerné de la réception d'une notification. 2. Dans sa notification, l'État membre concerné fournit tous les renseignements nécessaires pour permettre à la Commission de prendre une décision conformément aux articles 4 et 7 («notification complète»). Article 3 Clause de suspension Toute aide devant être notifiée en vertu de l'article 2, paragraphe 1, n'est mise à exécution que si la Commission a pris, ou est réputée avoir pris, une décision l'autorisant. Article 4 Examen préliminaire de la notification et décisions de la Commission 1. La Commission procède à l'examen de la notification dès sa réception. Sans préjudice de l'article 8, elle prend une décision en application des paragraphes 2, 3 ou 4. 2. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision. 3. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu'elle entre dans le champ de l'article 92, paragraphe 1, du traité, ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché commun (ci-après dénommée «décision de ne pas soulever d'objections»). Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée.

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4. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité (ci-après dénommée «décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen»). 5. Les décisions visées aux paragraphes 2, 3 et 4 sont prises dans un délai de deux mois. Celui-ci court à compter du jour suivant celui de la réception d'une notification complète. La notification est considérée comme complète si, dans les deux mois de sa réception ou de la réception de toute information additionnelle réclamée, la Commission ne réclame pas d'autres informations. Le délai peut être prorogé par accord mutuel entre la Commission et l'État membre concerné. Le cas échéant, la Commission peut fixer des délais plus courts. 6. Lorsque la Commission n'a pas pris de décision en application des paragraphes 2, 3 ou 4 dans le délai prévu au paragraphe 5, l'aide est réputée avoir été autorisée par la Commission. L'État membre concerné peut alors mettre à exécution les mesures en cause après en avoir avisé préalablement la Commission, sauf si celle-ci prend une décision en application du présent article dans un délai de quinze jours ouvrables suivant la réception de cet avis. Article 5 Demande de renseignements 1. Si la Commission considère que les informations fournies par l'État membre concerné au sujet d'une mesure notifiée conformément à l'article 2 sont incomplètes, elle demande tous les renseignements complémentaires dont elle a besoin. Si un État membre répond à une telle demande, la Commission informe l'État membre de la réception de la réponse. 2. Si l'État membre ne fournit pas les renseignements demandés dans le délai imparti par la Commission, ou les lui fournit de façon incomplète, celle-ci lui adresse un rappel, en fixant un délai supplémentaire adéquat dans lequel les renseignements doivent être communiqués. 3. Si les renseignements demandés ne sont pas fournis dans le délai fixé, la notification est réputée avoir été retirée, à moins que le délai n'ait été prorogé avant son expiration par accord mutuel entre la Commission et l'État membre concerné, ou que l'État membre concerné n'informe la Commission, avant l'expiration du délai fixé, et par une déclaration dûment motivée, qu'il considère la notification comme étant complète parce que les renseignements complémentaires exigés ne sont pas disponibles ou ont déjà été communiqués. Dans ce cas, le délai visé à l'article 4, paragraphe 5, commence à courir le jour suivant celui de la réception de la déclaration. Si la notification est réputée retirée, la Commission en informe l'État membre. Article 6 Procédure formelle d'examen 1. La décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d'une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun. La décision invite l'État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois. Dans certains cas dûment justifiés, la Commission peut proroger ce délai. 2. Les observations reçues sont communiquées à l'État membre concerné. Toute partie intéressée peut demander, pour cause de préjudice potentiel, que son identité ne soit pas révélée à ce dernier. L'État membre concerné a la possibilité de répondre aux observations transmises dans un délai déterminé, qui

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ne dépasse normalement pas un mois. Dans certains cas dûment justifiés, la Commission peut proroger ce délai. Article 7 Décisions de la Commission de clore la procédure formelle d'examen 1. Sans préjudice de l'article 8, la procédure formelle d'examen est clôturée par voie de décision conformément aux paragraphes 2 à 5 du présent article. 2. Lorsque la Commission constate que la mesure notifiée, le cas échéant après modification par l'État membre concerné, ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision. 3. Lorsque la Commission constate, le cas échéant après modification par l'État membre concerné, que les doutes concernant la compatibilité de la mesure notifiée avec le marché commun sont levés, elle décide que l'aide est compatible avec le marché commun (ci-après dénommée «décision positive»). Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée. 4. La Commission peut assortir sa décision positive de conditions lui permettant de reconnaître la compatibilité avec le marché commun et d'obligations lui permettant de contrôler le respect de sa décision (ci-après dénommée «décision conditionnelle»). 5. Lorsque la Commission constate que l'aide notifiée est incompatible avec le marché commun, elle décide que ladite aide ne peut être mise à exécution (ci-après dénommée «décision négative»). 6. Les décisions prises en application des paragraphes 2, 3, 4 et 5 doivent l'être dès que les doutes visés à l'article 4, paragraphe 4, sont levés. La Commission s'efforce autant que possible d'adopter une décision dans un délai de dix-huit mois à compter de l'ouverture de la procédure. Ce délai peut être prorogé d'un commun accord entre la Commission et l'État membre concerné. 7. À l'issue du délai visé au paragraphe 6, et si l'État membre concerné le lui demande, la Commission prend, dans un délai de deux mois, une décision sur la base des informations dont elle dispose. Le cas échéant, elle prend une décision négative, lorsque les informations fournies ne permettent pas d'établir la compatibilité. Article 8 Retrait de la notification 1. L'État membre concerné peut retirer sa notification au sens de l'article 2 en temps voulu avant que la Commission ne prenne une décision en application de l'article 4 ou 7. 2. Dans le cas où la Commission a déjà ouvert la procédure formelle d'examen, elle clôture celle-ci. Article 9 Révocation d'une décision La Commission peut révoquer une décision prise en application de l'article 4, paragraphe 2 ou 3, ou de l'article 7, paragraphe 2, 3 ou 4, après avoir donné à l'État membre concerné la possibilité de présenter ses observations, dans le cas où cette décision reposait sur des informations inexactes transmises au cours de la procédure et d'une importance déterminante pour la décision. Avant de révoquer une décision et de prendre une nouvelle décision, la Commission ouvre la procédure formelle d'examen conformément à l'article 4, paragraphe 4. Les articles 6, 7 et 10, l'article 11, paragraphe 1, ainsi que les articles 13, 14 et 15 s'appliquent mutatis mutandis.

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CHAPITRE III : PROCÉDURE EN MATIÈRE D'AIDES ILLÉGALES Article 10 Examen, demande de renseignements et injonction de fournir des informations 1. Lorsque la Commission a en sa possession des informations concernant une aide prétendue illégale, quelle qu'en soit la source, elle examine ces informations sans délai. 2. Le cas échéant, elle demande à l'État membre concerné de lui fournir des renseignements. L'article 2, paragraphe 2, et l'article 5, paragraphes 1 et 2, s'appliquent mutatis mutandis. 3. Si, en dépit du rappel qui lui a été adressé en vertu de l'article 5, paragraphe 2, l'État membre concerné ne fournit pas les renseignements demandés dans le délai imparti par la Commission ou les fournit de façon incomplète, la Commission arrête une décision lui enjoignant de fournir lesdits renseignements (ci-après dénommée «injonction de fournir des informations»). Cette décision précise la nature des informations requises et fixe un délai approprié pour leur communication. Article 11 Injonction de suspendre ou de récupérer provisoirement l'aide 1. La Commission peut, après avoir donné à l'État membre concerné la possibilité de présenter ses observations, arrêter une décision enjoignant à l'État membre de suspendre le versement de toute aide illégale, jusqu'à ce qu'elle statue sur la compatibilité de cette aide avec le marché commun (ci-après dénommée «injonction de suspension»). 2. La Commission peut, après avoir donné à l'État membre concerné la possibilité de présenter ses observations, arrêter une décision enjoignant à l'État membre de récupérer provisoirement toute aide versée illégalement, jusqu'à ce qu'elle statue sur la compatibilité de cette aide avec le marché commun (ci-après dénommée «injonction de récupération»), à condition que les critères ci-après soient remplis: - selon une pratique établie, le caractère d'aide de la mesure concernée ne fait pas de doute et - il y a urgence à agir et - il existe un risque sérieux de préjudice substantiel et irréparable pour un concurrent. La récupération a lieu selon la procédure visée à l'article 14, paragraphes 2 et 3. Après récupération effective de l'aide, la Commission prend une décision dans les délais applicables aux aides notifiées. La Commission peut autoriser l'État membre à accompagner le remboursement de l'aide du versement d'une aide au sauvetage à l'entreprise concernée. Les dispositions du présent alinéa ne sont applicables qu'aux aides illégales mises en oeuvre après l'entrée en vigueur du présent règlement. Article 12 Non-respect d'une injonction Dans le cas où l'État membre omet de se conformer à une injonction de suspension ou de récupération, la Commission est habilitée, tout en examinant le fond de l'affaire sur la base des informations

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disponibles, à saisir directement la Cour de justice des Communautés européennes afin qu'elle déclare que ce non-respect constitue une violation du traité. Article 13 Décisions de la Commission 1. L'examen d'une éventuelle aide illégale débouche sur l'adoption d'une décision au titre de l'article 4, paragraphes 2, 3 ou 4. Dans le cas d'une décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen, la procédure est clôturée par voie de décision au titre de l'article 7. Au cas où un État membre omet de se conformer à une injonction de fournir des informations, cette décision est prise sur la base des renseignements disponibles. 2. Dans le cas d'une éventuelle aide illégale et sans préjudice de l'article 11, paragraphe 2, la Commission n'est pas liée par le délai fixé à l'article 4, paragraphe 5, à l'article 7, paragraphe 6, et à l'article 7, paragraphe 7. 3. L'article 9 s'applique mutatis mutandis. Article 14 Récupération de l'aide 1. En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l'État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire (ci-après dénommée «décision de récupération»). La Commission n'exige pas la récupération de l'aide si, ce faisant, elle allait à l'encontre d'un principe général de droit communautaire. 2. L'aide à récupérer en vertu d'une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d'un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l'aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu'à celle de sa récupération. 3. Sans préjudice d'une ordonnance de la Cour de justice des Communautés européennes prise en application de l'article 185 du traité, la récupération s'effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l'État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l'exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit communautaire. Article 15 Délai de prescription 1. Les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l'aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans. 2. Le délai de prescription commence le jour où l'aide illégale est accordée au bénéficiaire, à titre d'aide individuelle ou dans le cadre d'un régime d'aide. Toute mesure prise par la Commission ou un État membre, agissant à la demande de la Commission, à l'égard de l'aide illégale interrompt le délai de prescription. Chaque interruption fait courir de nouveau le délai. Le délai de prescription est suspendu aussi longtemps que la décision de la Commission fait l'objet d'une procédure devant la Cour de justice des Communautés européennes. 3. Toute aide à l'égard de laquelle le délai de prescription a expiré est réputée être une aide existante.

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[…] CHAPITRE VII : CONTRÔLE Article 21 Rapports annuels 1. Les États membres communiquent à la Commission des rapports annuels sur tous les régimes d'aides existants qui ne sont pas soumis à une obligation spécifique de présentation de rapports par une décision conditionnelle prise en application de l'article 7, paragraphe 4. 2. Si, en dépit d'un rappel, un État membre omet de présenter un rapport annuel, la Commission peut agir conformément à l'article 18 à l'égard du régime d'aides concerné. Article 22 Contrôle sur place 1. Lorsque la Commission a de sérieux doutes quant au respect des décisions de ne pas soulever d'objections, des décisions positives ou des décisions conditionnelles, en ce qui concerne les aides individuelles, l'État membre concerné, après avoir eu l'occasion de présenter ses observations, l'autorise à procéder à des visites de contrôle sur place. 2. Les agents mandatés par la Commission sont investis, aux fins de vérifier le respect de la décision en cause, des pouvoirs ci-après: a) accéder à tous locaux et terrains de l'entreprise concernée; b) demander sur place des explications orales; c) contrôler les livres et les autres documents professionnels et en prendre ou en demander copie. La Commission peut être assistée, le cas échéant, par des experts indépendants. 3. La Commission informe en temps utile et par écrit l'État membre concerné de la visite de contrôle sur place et de l'identité des agents et des experts qui en sont chargés. Si le choix des experts de la Commission se heurte à des objections, dûment justifiées, de l'État membre, ces experts sont nommés d'un commun accord avec ledit État membre. Les agents de la Commission et les experts mandatés pour effectuer le contrôle sur place présentent à leur arrivée une autorisation écrite spécifiant l'objet et le but de la visite. 4. Des agents mandatés par l'État membre sur le territoire duquel la visite de contrôle doit avoir lieu peuvent assister à cette visite. 5. La Commission remet à l'État membre une copie de tout rapport établi à la suite d'une visite de contrôle. 6. Lorsqu'une entreprise s'oppose à une visite de contrôle ordonnée par une décision de la Commission en vertu du présent article, l'État membre concerné prête aux agents et aux experts mandatés par la Commission l'assistance nécessaire pour leur permettre de remplir leur mission. À cette fin, les États membres prennent, après consultation de la Commission, les mesures nécessaires dans un délai de dix-huit mois à compter de l'entrée en vigueur du présent règlement.

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Article 23 Non-respect des décisions et arrêts 1. Si l'État membre concerné ne se conforme pas à une décision conditionnelle ou négative, en particulier dans le cas visé à l'article 14, la Commission peut saisir directement la Cour de justice des Communautés européennes conformément à l'article 93, paragraphe 2, du traité. 2. Si la Commission considère que l'État membre concerné ne s'est pas conformé à un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, la Commission peut agir conformément à l'article 171 du traité. […] Document n° 4 : CJCE, 12 février 2008, Centre d’exportation du livre français (CELF), C-199/06. […] 32 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE doit être interprété en ce sens que le juge national est tenu d’ordonner la récupération d’une aide mise à exécution en méconnaissance de cette disposition, lorsque la Commission a adopté une décision finale constatant la compatibilité de ladite aide avec le marché commun au sens de l’article 87 CE. 33 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 88, paragraphe 3, première phrase, CE édicte, à la charge des États membres, une obligation de notification des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. 34 Conformément à l’article 88, paragraphe 3, deuxième phrase, CE, si la Commission estime que le projet notifié n’est pas compatible avec le marché commun au sens de l’article 87 CE, elle ouvre sans délai la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. 35 Conformément à l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE, l’État membre qui envisage d’accorder une aide ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que ladite procédure ait abouti à une décision finale de la Commission. 36 L’interdiction prévue par cette disposition vise à garantir que les effets d’une aide ne se produisent pas avant que la Commission n’ait eu un délai raisonnable pour examiner le projet en détail et, le cas échéant, entamer la procédure prévue au paragraphe 2 du même article (arrêt du 14 février 1990, France/Commission, dit «Boussac Saint Frères», C�301/87, Rec. p. I-307, point 17). 37 L’article 88, paragraphe 3, CE institue ainsi un contrôle préventif sur les projets d’aides nouvelles (arrêt du 11 décembre 1973, Lorenz, 120/73, Rec. p. 1471, point 2). 38 Alors que la Commission est tenue d’examiner la compatibilité de l’aide projetée avec le marché commun, même dans le cas où l’État membre méconnaît l’interdiction de mise à exécution des mesures d’aide, les juridictions nationales ne font que sauvegarder, jusqu’à la décision finale de la Commission, les droits des justiciables face à une méconnaissance éventuelle, par les autorités étatiques, de l’interdiction visée à l’article 88, paragraphe 3, CE (arrêt du 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon, dit «FNCE», C�354/90, Rec. p. I-5505, point 14). Il importe, en effet, de protéger les parties affectées par la distorsion de concurrence engendrée par l’octroi de l’aide illégale (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich e.a., C-368/04, Rec. p. I-9957, point 46).

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39 Les juridictions nationales doivent, en principe, faire droit à une demande de remboursement des aides versées en violation de l’article 88, paragraphe 3, CE (voir, notamment, arrêt du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C-39/94, Rec. p. I-3547, point 70). 40 En effet, la décision finale de la Commission n’a pas pour conséquence de régulariser, a posteriori, les actes d’exécution qui étaient invalides du fait qu’ils avaient été pris en méconnaissance de l’interdiction visée par cet article. Toute autre interprétation conduirait à favoriser l’inobservation, par l’État membre concerné, du paragraphe 3, dernière phrase, de l’article 88 CE et le priverait de son effet utile (arrêt FNCE, précité, point 16). 41 Les juridictions nationales doivent donc garantir que toutes les conséquences d’une violation de l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE seront tirées, conformément à leur droit national, en ce qui concerne tant la validité des actes d’exécution des mesures d’aide que le recouvrement des soutiens financiers accordés au mépris de cette disposition (arrêts précités FNCE, point 12, et SFEI e.a., point 40, ainsi que arrêts du 21 octobre 2003, van Calster e.a., C-261/01 et C-262/01, Rec. p. I�12249, point 64, et Transalpine Ölleitung in Österreich e.a., précité, point 47). 42 Toutefois, des circonstances exceptionnelles peuvent se présenter, dans lesquelles il serait inapproprié d’ordonner le remboursement de l’aide (arrêt SFEI e.a., précité, point 70). 43 À cet égard, la Cour a déjà jugé, à propos d’une situation dans laquelle la Commission avait adopté une décision finale négative, que la possibilité, pour le bénéficiaire d’une aide illégale, d’invoquer des circonstances exceptionnelles, qui ont légitimement pu fonder sa confiance dans le caractère régulier de cette aide, et de s’opposer, par conséquent, à son remboursement ne saurait être exclue. Dans un tel cas, il appartient au juge national, éventuellement saisi, d’apprécier, le cas échéant après avoir posé à la Cour des questions préjudicielles d’interprétation, les circonstances de la cause (arrêt du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, C-5/89, Rec. p. I-3437, point 16). 44 En ce qui concerne la Commission, l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), prévoit expressément que, en cas de décision négative, elle n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire. 45 Dans une situation telle que celle du litige au principal, où une demande fondée sur l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE est examinée après que la Commission a adopté une décision positive, le juge national, nonobstant la constatation de la compatibilité avec le marché commun de l’aide en cause, doit statuer sur la validité des actes d’exécution et sur le recouvrement des soutiens financiers accordés. 46 Dans un tel cas, le droit communautaire lui impose d’ordonner les mesures propres à remédier effectivement aux effets de l’illégalité. Cependant, même en l’absence de circonstances exceptionnelles, il ne lui impose pas une obligation de récupération intégrale de l’aide illégale. 47 En effet, l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE est fondé sur l’objectif conservatoire de garantir qu’une aide incompatible ne sera jamais mise à exécution. Cet objectif est atteint dans un premier temps, provisoirement, au moyen de l’interdiction qu’elle édicte, et, dans un second temps, définitivement, au moyen de la décision finale de la Commission, qui, lorsqu’elle est négative, fait obstacle pour l’avenir à la mise en œuvre du projet d’aide notifié. 48 La prévention ainsi organisée vise donc à ce que seules des aides compatibles soient mises à exécution. Afin de réaliser cet objectif, la mise en œuvre d’un projet d’aide est différée jusqu’à ce que le doute sur sa compatibilité soit levé par la décision finale de la Commission.

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49 Lorsque la Commission adopte une décision positive, il apparaît alors que l’objectif visé aux points 47 et 48 du présent arrêt n’a pas été contredit par le versement prématuré de l’aide. 50 Dans ce cas, du point de vue des opérateurs autres que le bénéficiaire d’une telle aide, l’illégalité de celle-ci aura eu pour effet, d’une part, de les exposer au risque, en définitive non réalisé, d’une mise en œuvre d’une aide incompatible et, d’autre part, de leur faire subir le cas échéant, plus tôt qu’ils ne l’auraient dû, en termes de concurrence, les effets d’une aide compatible. 51 Du point de vue du bénéficiaire de l’aide, l’avantage indu aura consisté, d’une part, dans le non-versement des intérêts qu’il aurait acquittés sur le montant en cause de l’aide compatible, s’il avait dû emprunter ce montant sur le marché dans l’attente de la décision de la Commission, et, d’autre part, dans l’amélioration de sa position concurrentielle face aux autres opérateurs du marché pendant la durée de l’illégalité. 52 Dans une situation telle que celle du litige au principal, le juge national est donc tenu, en application du droit communautaire, d’ordonner au bénéficiaire de l’aide le paiement d’intérêts au titre de la période d’illégalité. 53 Dans le cadre de son droit national, il peut, le cas échéant, ordonner en outre la récupération de l’aide illégale, sans préjudice du droit de l’État membre de mettre celle-ci à nouveau à exécution, ultérieurement. Il peut également être amené à accueillir des demandes d’indemnisation de dommages causés en raison du caractère illégal de l’aide (voir, en ce sens, arrêts précités SFEI e.a., point 75, et Transalpine Ölleitung in Österreich e.a., point 56). 54 S’agissant de l’aide elle-même, il doit être ajouté qu’une mesure qui consisterait uniquement en une obligation de récupération sans intérêts ne serait pas propre, en principe, à remédier aux effets de l’illégalité dans l’hypothèse où l’État membre mettrait à nouveau à exécution ladite aide postérieurement à la décision finale positive de la Commission. En effet, dès lors que la période écoulée entre la récupération et la nouvelle mise à exécution serait inférieure à celle écoulée entre la première mise en œuvre et la décision finale, le bénéficiaire de l’aide supporterait, s’il était amené à emprunter le montant restitué, des intérêts d’un montant moins élevé que ceux qu’il aurait acquittés si, dès l’origine, il avait dû emprunter l’équivalent de l’aide accordée illégalement. 55 Il convient donc de répondre à la première question posée que l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE doit être interprété en ce sens que le juge national n’est pas tenu d’ordonner la récupération d’une aide mise à exécution en méconnaissance de cette disposition, lorsque la Commission a adopté une décision finale constatant la compatibilité de ladite aide avec le marché commun au sens de l’article 87 CE. En application du droit communautaire, il est tenu d’ordonner au bénéficiaire de l’aide le paiement d’intérêts au titre de la période d’illégalité. Dans le cadre de son droit national, il peut, le cas échéant, ordonner en outre la récupération de l’aide illégale, sans préjudice du droit de l’État membre de mettre celle-ci à nouveau à exécution, ultérieurement. Il peut également être amené à accueillir des demandes d’indemnisation de dommages causés en raison du caractère illégal de l’aide. Sur la seconde question 56 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans une situation procédurale telle que celle du litige au principal, l’obligation, résultant de l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE, de remédier aux effets de l’illégalité d’une aide s’étend également, aux fins du calcul des sommes à acquitter par le bénéficiaire, à la période écoulée entre une décision de la Commission constatant la compatibilité de cette aide avec le marché commun et l’annulation de ladite décision par le juge communautaire. 57 Cette question concerne soit les aides éventuellement mises à exécution entre les deux dates en cause ainsi que les intérêts, si la conséquence tirée par le droit national de l’illégalité d’une aide, même

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dans l’hypothèse d’une constatation de la compatibilité de celle-ci avec le marché commun, est la récupération de ladite aide, soit les seuls intérêts des aides perçues pendant la même période, si la récupération d’une aide illégale compatible n’est pas prévue par le droit national. 58 En l’état du litige au principal, deux périodes sont concernées, comprises entre les décisions prises par la Commission les 18 mai 1993 et 10 juin 1998 et, respectivement, les arrêts du Tribunal ayant prononcé leur annulation les 18 septembre 1995 et 28 février 2002 (voir points 11 à 21 du présent arrêt). 59 La question posée met en présence, d’une part, le principe de la présomption de légalité des actes des institutions communautaires et, d’autre part, la règle édictée par l’article 231, premier alinéa, CE. 60 La présomption de légalité des actes des institutions communautaires implique que ceux-ci produisent des effets juridiques aussi longtemps qu’ils n’ont pas été retirés, annulés dans le cadre d’un recours en annulation ou déclarés invalides à la suite d’un renvoi préjudiciel ou d’une exception d’illégalité (arrêt du 5 octobre 2004, Commission/Grèce, C-475/01, Rec. p. I-8923, point 18, et la jurisprudence citée). 61 En vertu de l’article 231, premier alinéa, CE, lorsqu’un recours en annulation est fondé, le juge communautaire déclare nul et non avenu l’acte contesté. Il en résulte que la décision d’annulation du juge communautaire fait disparaître rétroactivement l’acte contesté à l’égard de tous les justiciables [arrêt du 1er juin 2006, P & O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission, C�442/03 P et C-471/03 P, Rec. p. I-4845, point 43]. 62 Dans des circonstances telles que celles du litige au principal, la présomption de légalité et la règle de la rétroactivité d’une annulation s’appliquent successivement. 63 Les aides mises à exécution postérieurement à la décision positive de la Commission sont présumées légales jusqu’à la décision d’annulation du juge communautaire. Ensuite, à la date de cette dernière décision, conformément à l’article 231, premier alinéa, CE, les aides en cause sont réputées ne pas avoir été déclarées compatibles par la décision annulée, de sorte que leur mise à exécution doit être considérée comme illégale. 64 Il apparaît ainsi que, dans ce cas, la règle résultant de l’article 231, premier alinéa, CE met un terme, rétroactivement, à l’application de la présomption de légalité. 65 Après l’annulation d’une décision positive de la Commission, la possibilité, pour le bénéficiaire des aides illégalement mises à exécution, d’invoquer des circonstances exceptionnelles, qui ont légitimement pu fonder sa confiance dans leur caractère régulier, et de s’opposer, par conséquent, à leur remboursement ne saurait être exclue (voir, par analogie, arrêt Commission/Allemagne, précité, point 16, en ce qui concerne une décision finale négative de la Commission). 66 Toutefois, la Cour a déjà jugé, à propos d’une situation dans laquelle la Commission avait initialement décidé de ne pas soulever d’objections à l’encontre d’aides litigieuses, qu’une telle circonstance ne pouvait pas être considérée comme susceptible d’avoir fait naître une confiance légitime de l’entreprise bénéficiaire, dès lors que cette décision avait été contestée dans les délais de recours contentieux, puis annulée par la Cour (arrêt du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, C-169/95, Rec. p. I-135, point 53). 67 La Cour a également jugé que, tant que la Commission n’a pas pris une décision d’approbation, et même tant que le délai de recours à l’encontre d’une telle décision n’est pas écoulé, le bénéficiaire n’a pas de certitude quant à la légalité de l’aide envisagée, seule susceptible de faire naître chez lui une confiance légitime (voir arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C-91/01, Rec. p. I-4355, point 66).

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68 Il doit être constaté que, pareillement, lorsqu’un recours en annulation a été introduit, le bénéficiaire ne peut nourrir une telle certitude tant que le juge communautaire ne s’est pas définitivement prononcé. 69 Il convient donc de répondre à la seconde question posée que, dans une situation procédurale telle que celle du litige au principal, l’obligation, résultant de l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE, de remédier aux effets de l’illégalité d’une aide s’étend également, aux fins du calcul des sommes à acquitter par le bénéficiaire, et sauf circonstances exceptionnelles, à la période écoulée entre une décision de la Commission constatant la compatibilité de cette aide avec le marché commun et l’annulation de ladite décision par le juge communautaire. […] Document n° 5 : CJCE, 13 novembre 2008, Commission c/ France, aff. C-214/07 ; AJDA, 2008, p. 2332, chron. E. Broussy, F. Donnat, C. Lambert. 1 Par son recours, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n’exécutant pas, dans le délai imparti, la décision 2004/343/CE de la Commission, du 16 décembre 2003, concernant le régime d’aide mis à exécution par la France concernant la reprise d’entreprises en difficulté (JO L 108, p. 38, ci-après la «décision»), la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 5 et 6 de ladite décision, 249, quatrième alinéa, CE ainsi que 10 CE. 2 La République française conteste le bien-fondé du recours et en sollicite le rejet. Les antécédents du litige 3 La décision qualifie de régime d’aides d’État un dispositif d’exonérations fiscales constitué par les articles 44 septies, 1383 A, 1464 B et 1464 C du code général des impôts (ci-après le «CGI»). Ce dispositif a été introduit par la loi de finances pour 1989, n° 88-1149, du 23 décembre 1988 (JORF du 28 décembre 1988, p. 16320), sans notification préalable à la Commission. 4 En application de l’article 44 septies du CGI, les sociétés créées en vue de reprendre les activités d’entreprises industrielles en difficulté sont exonérées de l’impôt sur les sociétés pour une période de deux ans. Conformément aux articles 1464 B et 1464 C du CGI, ces sociétés nouvellement créées peuvent également bénéficier, sur délibération des collectivités locales compétentes, d’une exonération de la taxe professionnelle et de la taxe foncière pendant une période de deux ans. 5 L’article 1er de la décision déclare ce régime d’aides incompatible avec le marché commun et constate qu’il a été illégalement mis à exécution au regard de l’article 88, paragraphe 3, CE. 6 L’article 2 de la même décision exclut cependant de la qualification d’aides d’État les exonérations octroyées qui remplissent les conditions énoncées par le règlement (CE) n° 69/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis (JO L 10, p. 30), ou par les règles de minimis applicables au moment de leur octroi. 7 L’article 3 admet par ailleurs la compatibilité des aides visées à l’article 1er qui remplissent les conditions énoncées par la communication de la Commission sur les régimes d’aides à finalité régionale de 1979 (JO C 31, p. 9), par les lignes directrices de la Commission concernant les aides d’État à finalité régionale de 1998 (JO C 74, p. 9), ou par le règlement (CE) n° 70/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d’État en faveur des petites et moyennes entreprises (JO L 10, p. 33). 8 L’article 5 ordonne dans les termes suivants la récupération des aides illégales et incompatibles:

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«La France prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de leurs bénéficiaires les aides octroyées au titre du régime visé à l’article 1er, autres que celles visées aux articles 2 et 3, et illégalement mises à leur disposition. La récupération a lieu sans délai, conformément aux procédures du droit national, pour autant qu’elles permettent l’exécution immédiate et effective de la présente décision. […]» 9 L’article 6 énonce: «La France informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures prises et envisagées pour s’y conformer.» 10 L’article 7 ajoute: «La France fournira ces informations sur la base du formulaire ci-joint et dressera une liste exhaustive des entreprises ayant bénéficié des exonérations octroyées au titre du régime visé à l’article 1er et des montants versés dans chaque cas. La France dressera une liste des entreprises ayant bénéficié des aides octroyées au titre du régime visé à l’article 1er qui ne remplissent pas les conditions énoncées par le règlement [n° 69/2001], par les règles de minimis applicables au moment de l’octroi de l’aide, par le règlement [n° 70/2001], par la communication de 1979 sur les régimes d’aides à finalité régionale ou par les lignes directrices de 1998 concernant les aides d’État à finalité régionale. Cette liste précisera également les montants d’aide dont chacune de ces entreprises a bénéficié.» 11 À la suite de différents échanges et rappels postérieurs à l’expiration du délai de deux mois prévu par la décision pour la communication des mesures prises et envisagées pour son exécution, la Commission, estimant que la République française n’avait toujours pas procédé à celle-ci, a décidé d’introduire le présent recours. […] Sur la récupération des aides 43 En cas de décision négative concernant une aide illégale, la récupération de celle-ci, ordonnée par la Commission, a lieu dans les conditions prévues à l’article 14, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), aux termes duquel: «[…] la récupération s’effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit communautaire.» 44 Selon une jurisprudence constante, le seul moyen de défense susceptible d’être invoqué par un État membre contre un recours en manquement introduit par la Commission sur le fondement de l’article 88, paragraphe 2, CE est celui tiré d’une impossibilité absolue d’exécuter correctement la décision (voir, notamment, arrêt du 20 septembre 2007, Commission/Espagne, C�177/06, Rec. p. I�7689, point 46 et la jurisprudence citée). 45 En cas de difficultés, la Commission et l’État membre doivent, en vertu de la règle imposant aux États membres et aux institutions communautaires des devoirs réciproques de coopération loyale, qui inspire, notamment, l’article 10 CE, collaborer de bonne foi en vue de surmonter ces difficultés dans le plein respect des dispositions du traité, et notamment celles relatives aux aides d’État (voir arrêt du 12 mai 2005, Commission/Grèce, C-415/03, Rec. p. I-3875, point 42 et la jurisprudence citée). 46 La condition d’une impossibilité absolue d’exécution n’est pas remplie lorsque l’État membre défendeur se borne à faire part à la Commission des difficultés juridiques, politiques ou pratiques que présentait la mise en œuvre de la décision, sans entreprendre une véritable démarche auprès des

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entreprises en cause aux fins de récupérer l’aide et sans proposer à la Commission des modalités alternatives de mise en œuvre de la décision qui auraient permis de surmonter les difficultés (voir, notamment, arrêt du 14 décembre 2006, Commission/Espagne, C�485/03 à C-490/03, Rec. p. I�11887, point 74 et la jurisprudence citée). 47 Dans la présente affaire, il importe de constater d’emblée que, bien au�delà du délai fixé à l’article 6 de la décision et des délais supplémentaires accordés par la Commission à l’occasion de ses échanges avec l’État membre défendeur, aucune somme n’avait été recouvrée par celui-ci à la date du dépôt de la requête, ni même à la date de dépôt du mémoire en duplique, près de quatre ans après l’adoption de ladite décision. – Sur la récupération des aides à l’encontre des bénéficiaires n’ayant pas cessé leur activité 48 À titre liminaire, il y a lieu de constater que les aides relatives aux exercices 1991 à 1993 ne sont pas en cause dans la présente procédure. En ce qui les concerne, la Commission, antérieurement à l’introduction de celle-ci, avait déjà admis l’existence d’une impossibilité absolue de récupération, position qu’elle a confirmée expressément dans sa requête. 49 Pour le surplus, la République française ne peut soutenir utilement que les difficultés alléguées constituent des contraintes extérieures. 50 Ces difficultés, relatives à l’identification des bénéficiaires, au calcul du montant des aides à récupérer ainsi qu’au choix et à la mise en œuvre des procédures de récupération, relèvent de difficultés internes imputables au propre fait ou aux omissions des autorités nationales. 51 Il convient d’observer que, confrontées à ces difficultés internes, les autorités nationales ont procédé à des échanges avec la Commission. Elles ont ainsi répondu à des demandes d’informations, décrit les difficultés rencontrées, proposé des accommodements susceptibles de résoudre certaines d’entre elles et sollicité des instructions. 52 Toutefois, leur participation aux échanges a d’abord connu d’importants retards successifs. 53 Surtout, alors que la Commission avait d’abord, tant à l’article 7, second alinéa, de la décision que dans ses demandes écrites ultérieures, insisté sur la nécessité d’établir une liste des entreprises soumises à récupération des aides et de poursuivre sans délai une récupération effective, puis consenti à des assouplissements dans l’application des encadrements communautaires applicables, les autorités françaises: – se sont attachées à lui communiquer une liste de 464 entreprises non soumises à une obligation de remboursement; – se sont abstenues d’entreprendre, dès le premier trimestre de l’année 2005, en vue d’une récupération effective, de véritables démarches auprès des 55 entreprises figurant sur la liste communiquée le 16 mars 2005, qui avaient bénéficié d’aides brutes hors plafond communautaire supérieures à 1 million d’euros entre 1994 et 2002; – se sont pareillement abstenues, à compter du mois de juillet 2006, d’entreprendre de telles démarches auprès des 105 entreprises figurant sur la liste communiquée le 7 juillet 2006, tenues à une obligation de restitution d’aides nettes inférieures à 200 000 euros; – n’ont communiqué que le 22 octobre 2007, en annexe au mémoire en duplique déposé dans la présente procédure, près de quatre ans après la décision, une liste de 88 entreprises tenues de reverser une aide supérieure à 200 000 euros;

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– ont reconnu, dans ledit mémoire en duplique, que les titres de perception n’avaient toujours pas été émis, bien qu’un premier envoi eût été annoncé le 12 avril 2006 pour la date limite du 31 mai 2006; – ont invoqué un souci d’efficacité pour justifier le regroupement des créances par département, mais sans que ce souci eût pour résultat l’émission d’un seul titre de perception. 54 En ce qui concerne les bénéficiaires n’ayant pas cessé leur activité, il résulte ainsi de ce qui précède que la condition d’une impossibilité absolue d’exécution n’est pas remplie et que le grief tiré d’une méconnaissance de l’article 5 de la décision est fondé. – Sur la récupération des aides à l’encontre des bénéficiaires ayant cessé leur activité 55 Il convient d’observer que la Commission, ni dans ses échanges antérieurs à la présente procédure ni dans sa requête, n’a reproché à l’État membre défendeur une inexécution de la décision en ce qui concerne les entreprises ayant purement et simplement disparu sans avoir trouvé repreneur. 56 Lorsqu’une entreprise fait l’objet d’une procédure collective, le rétablissement de la situation antérieure et l’élimination de la distorsion de concurrence résultant des aides illégalement versées peuvent, en principe, être accomplis par l’inscription au tableau des créances de celle relative à la restitution des aides concernées (arrêt Allemagne/Commission, précité, point 85). Si le délai de production des créances est expiré, les autorités nationales doivent, lorsqu’elle existe et se trouve encore ouverte, mettre en œuvre toute procédure de relevé de forclusion qui permettrait, dans des cas particuliers, la production hors délai d’une créance. 57 S’agissant des bénéficiaires ayant cessé leur activité et cédé leurs actifs, il appartient aux autorités nationales de vérifier si les conditions financières de la cession ont été conformes aux conditions du marché. 58 Dans ce cas, l’élément d’aide a été évalué au prix du marché et inclus dans le prix d’achat, de sorte que l’acheteur ne saurait être considéré comme ayant bénéficié d’un avantage par rapport aux autres opérateurs sur le marché (arrêt Allemagne/Commission, précité, point 80). Dans le cas contraire, il ne saurait être exclu que le cessionnaire puisse, le cas échéant, être tenu au remboursement des aides en question, dès lors qu’il serait établi qu’il conserve la jouissance effective de l’avantage concurrentiel lié au bénéfice desdites aides (arrêt Allemagne/Commission, précité, point 86). 59 Aux fins de la vérification des conditions financières de la cession, les autorités nationales peuvent prendre en compte, notamment, la forme utilisée pour la cession, par exemple celle de l’adjudication publique, censée garantir une vente aux conditions du marché. 60 Elles peuvent également prendre en considération, notamment, une expertise éventuellement diligentée à l’occasion de la cession. 61 Lorsque les actifs ont été repris par plusieurs repreneurs différents, rien ne s’oppose, en principe, à ce qu’il soit vérifié si les conditions financières de chacune des opérations ont été conformes aux conditions du marché. 62 Dans l’hypothèse d’une cession d’actifs de gré à gré, la récupération des aides à l’encontre du cessionnaire ne peut être subordonnée à la mention expresse dans l’acte d’un transfert de ces aides. Elle peut être opérée lorsque le cessionnaire devait avoir connaissance de l’existence des aides et d’une procédure de contrôle diligentée par la Commission. 63 Au regard des éléments qui précèdent, l’État membre défendeur ne peut, pour échapper à la constatation d’un manquement, se contenter d’énoncer des affirmations générales et abstraites, sans se

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référer à des cas particuliers identifiés, analysés à la lumière de toutes démarches effectivement poursuivies aux fins de l’exécution de la décision. 64 Admettre le contraire reviendrait, par un raisonnement a priori, à exclure toute exécution pour l’ensemble de la catégorie des entreprises ayant cessé leur activité, alors que, à l’égard de celles-ci, une impossibilité absolue d’exécution ne peut être retenue, le cas échéant, qu’en fonction de circonstances propres à chacune d’elles. 65 En l’espèce, la République française a fait valoir, dans ses échanges avec la Commission, une impossibilité absolue d’exécution à l’encontre de 204 entreprises ayant cessé leur activité. Cependant, elle ne justifie d’aucune démarche effectuée concrètement afin d’examiner la situation de chacune d’elles et d’apprécier si elle imposait ou non une récupération en application des critères énoncés ci-dessus. Elle ne justifie pas même avoir mis à profit l’acceptation par la Commission, dans le cadre de la collaboration prévue à l’article 10 CE, d’un contrôle limité aux seuls transferts d’actifs les plus importants. 66 Dans ces conditions, il doit être conclu, également en ce qui concerne les bénéficiaires ayant cessé leur activité, que la condition d’une impossibilité absolue d’exécution n’est pas remplie et que le grief tiré d’une méconnaissance de l’article 5 de la décision est fondé. Sur l’information de la Commission quant aux mesures prises et envisagées aux fins de l’exécution de la décision 67 La Cour n’a pas à examiner le chef des conclusions fondé sur l’article 6 de la décision et visant à faire condamner la République française pour ne pas avoir informé la Commission des mesures prises et envisagées aux fins de l’exécution de la décision, étant donné que cet État membre n’a précisément pas procédé à l’exécution de ces obligations dans le délai prescrit (voir, notamment, arrêt du 20 septembre 2007, Commission/Espagne, précité, point 54 et la jurisprudence citée). 68 Il y a donc lieu de constater que, en n’exécutant pas, dans le délai imparti, la décision, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5 de ladite décision. […]