6
Sélection médicale des candidats au don de sang : particularités de la transfusion autologue A. Beauplet *, B. Danic, F. Aussant-Bertol et les médecins de l’EFS-Bretagne Établissement français du sang – Bretagne, rue Pierre-Jean-Gineste, BP 91614, 35016 Rennes, France Reçu le 28 juillet 2003 ; accepté le 30 juillet 2003 Mots clés : Transfusion autologue Keywords: Autologous transfusion (1) Évaluation du rapport bénéfices/risques Le don du sang homologue se caractérise par l’absence de bénéfice médical direct ou indirect pour le donneur. En conséquence, l’analyse du rapport bénéfices/ risques impose de prendre en compte toutes les com- plications susceptibles de survenir en terme de tolé- rance du prélèvement. Le candidat à une transfusion autologue est dans une situation différente. Le protocole de prélèvements s’inscrit dans une démarche thérapeutique préchirur- gicale dont l’objectif est la réduction des complica- tions de la transfusion homologue. L’analyse du rap- port bénéfices/risques met en balance les risques liés aux prélèvements, et ceux liés à une transfusion homo- logue. Risques liés à la transfusion homologue Risques liés aux prélèvements Risques infectieux Anémie pré-opératoire Risques immunologiques Décompensation cardiovasculaire Surcharge (2) Tolérance des prélèvements La décision d’inclure un patient dans un protocole de prélèvements autologues nécessite l’évaluation pré- cise et systématique des risques liés aux prélèvements. Le risque anémique est évalué à chaque consultation par la réalisation d’un hémogramme avant chaque pré- lèvement. L’existence d’une artériopathie, quelle qu’en soit la localisation, doit faire envisager un avis spécialisé si nécessaire. (3) Prévention des incidents transfusionnels La transfusion autologue est un acte transfusionnel, qui présente des complications communes à la transfusion homologue : risque bactérien, risque hémolytique. Les algorithmes correspondant à la prévention de la transmission d’agents bactériens doivent être appliqués avec la même rigueur que pour un don homologue. La même attitude s’impose également devant l’exis- tence d’une anomalie des globules rouges avec risque d’hémolyse. En revanche, toutes les situations relevant d’un prin- cipe de précaution ne s’appliquent pas en transfusion autologue. Il n’y a notamment pas d’argument pour refuser un protocole chez un patient cancéreux ou atteint d’une maladie auto-immune, à condition que l’état général et l’hémogramme autorisent les prélève- ments. (4) Conditions biologiques réglementaires La présence d’un marqueur viral positif (antigène HBs, anticorps anti-VIH1 et 2, anticorps antiHTLVI/II, anticorps anti-VHC, anticorps anti- HBC isolé sans anticorps anti-HBs associé) contre- indique le prélèvement et la distribution de produits sanguins autologues dans les conditions habituelles. La seule dérogation à cette règle concerne des patients en situation d’impasse thérapeutique, définie par la conjonction des deux critères suivants : l’existence chez le patient : C soit d’un groupe sanguin érythrocytaire rare caracté- risé par l’absence d’un antigène de fréquence élevée dans la population, dès lors que la fréquence du groupe ainsi caractérisé est inférieure à 4 pour 1000 ; * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Beauplet). Transfusion Clinique et Biologique 10 (2003) 482–487 www.elsevier.com/locate/tracli © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.tracli.2003.07.004

Sélection médicale des candidats au don de sang : particularités de la transfusion autologue

Embed Size (px)

Citation preview

Sélection médicale des candidats au don de sang :particularités de la transfusion autologue

A. Beauplet *, B. Danic, F. Aussant-Bertol et les médecins de l’EFS-Bretagne

Établissement français du sang – Bretagne, rue Pierre-Jean-Gineste, BP 91614, 35016 Rennes, France

Reçu le 28 juillet 2003 ; accepté le 30 juillet 2003

Mots clés : Transfusion autologue

Keywords: Autologous transfusion

(1) Évaluation du rapport bénéfices/risquesLe don du sang homologue se caractérise par l’absencede bénéfice médical direct ou indirect pour le donneur.En conséquence, l’analyse du rapport bénéfices/risques impose de prendre en compte toutes les com-plications susceptibles de survenir en terme de tolé-rance du prélèvement.Le candidat à une transfusion autologue est dans unesituation différente. Le protocole de prélèvementss’inscrit dans une démarche thérapeutique préchirur-gicale dont l’objectif est la réduction des complica-tions de la transfusion homologue. L’analyse du rap-port bénéfices/risques met en balance les risques liésaux prélèvements, et ceux liés à une transfusion homo-logue.

Risques liés à la transfusionhomologue

Risques liés aux prélèvements

• Risques infectieux • Anémie pré-opératoire• Risques immunologiques • Décompensation cardiovasculaire• Surcharge

(2) Tolérance des prélèvementsLa décision d’inclure un patient dans un protocole deprélèvements autologues nécessite l’évaluation pré-cise et systématique des risques liés aux prélèvements.Le risque anémique est évalué à chaque consultationpar la réalisation d’un hémogramme avant chaque pré-lèvement.L’existence d’une artériopathie, quelle qu’en soit lalocalisation, doit faire envisager un avis spécialisé sinécessaire.

(3) Prévention des incidents transfusionnelsLa transfusion autologue est un acte transfusionnel, quiprésente des complications communes à la transfusionhomologue : risque bactérien, risque hémolytique.Les algorithmes correspondant à la prévention de latransmission d’agents bactériens doivent être appliquésavec la même rigueur que pour un don homologue.La même attitude s’impose également devant l’exis-tence d’une anomalie des globules rouges avec risqued’hémolyse.En revanche, toutes les situations relevant d’un prin-cipe de précaution ne s’appliquent pas en transfusionautologue. Il n’y a notamment pas d’argument pourrefuser un protocole chez un patient cancéreux ouatteint d’une maladie auto-immune, à condition quel’état général et l’hémogramme autorisent les prélève-ments.

(4) Conditions biologiques réglementairesLa présence d’un marqueur viral positif (antigèneHBs, anticorps anti-VIH1 et 2, anticorpsantiHTLVI/II, anticorps anti-VHC, anticorps anti-HBC isolé sans anticorps anti-HBs associé) contre-indique le prélèvement et la distribution de produitssanguins autologues dans les conditions habituelles.La seule dérogation à cette règle concerne des patientsen situation d’impasse thérapeutique, définie par laconjonction des deux critères suivants :

• l’existence chez le patient :C soit d’un groupe sanguin érythrocytaire rare caracté-

risé par l’absence d’un antigène de fréquence élevéedans la population, dès lors que la fréquence dugroupe ainsi caractérisé est inférieure à 4 pour 1000 ;

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (A. Beauplet).

Transfusion Clinique et Biologique 10 (2003) 482–487

www.elsevier.com/locate/tracli

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.tracli.2003.07.004

C soit d’un mélange d’anticorps irréguliers anti-érythrocytaires, tel que la fréquence des phénotypescompatibles est inférieure à 4 pour 100 000 ;

• et l’absence d’une solution thérapeutique alternativedisponible dans des délais compatibles avec l’état dumalade.Le constat d’impasse thérapeutique et la décision deprélèvement en vue d’une transfusion autologue pro-grammée sont établis conjointement par le médecinprescripteur (anesthésiste–réanimateur ou chirurgien)et le médecin responsable des prélèvements de l’ETS.Dans ces situations exceptionnelles de marqueur posi-tif et d’impasse thérapeutique, le protocole de transfu-sion autologue programmée doit donner lieu à l’élabo-ration d’une procédure spécifique établie pour chaquecas dans le but d’apporter le maximum de garantiespour éviter tout risque d’erreur, notamment au niveaudes circuits des PSL.Cette procédure, identifiant deux responsables de samise en œuvre, médecins ou pharmaciens, l’un dans

l’ETS, l’autre dans l’établissement de soins, doit êtrecosignée par le directeur de l’établissement de santé et leou les directeurs du ou des ETS concernés. Le coordon-nateur régional d’hémovigilance doit en être informé.Les patients présentant un taux d’ALAT supérieur auseuil d’exclusion des donneurs, un résultat positif pourle dépistage sérologique de la syphilis, des anticorpsanti-HBc associés à la présence d’anticorps anti-HBs,ou des anticorps antipaludéens, ne sont pas exclus d’unprotocole de transfusion autologue programmée.La décision de prélever ces patients est prise conjoin-tement par le médecin prescripteur et le médecin res-ponsable des prélèvements de l’ETS après évaluationdes antécédents du patient, et en tenant compte desdonnées complémentaires diagnostiques fournies parl’examen clinique et biologique.

Textes réglementaires :• circulaire DGS/DH/AFS no 97/57 du 31/01/1997 ;• circulaire DGS/DH/AFS no 98/722 du 8/12/1998.

483A. Beauplet et al. / Transfusion Clinique et Biologique 10 (2003) 482–487

484 A. Beauplet et al. / Transfusion Clinique et Biologique 10 (2003) 482–487

1. Conduite à tenir devant un antécédentd’artériopathie

(1) Chaque protocole de transfusion autologue nécessitel’évaluation du rapport bénéfice/risque pour le patient.En 1996, le risque de mortalité lié à un prélèvementautologue est évalué à 4 pour 100 000 aux États-Unis(Goodnough).Chez un patient avec terrain à risque vasculaire, cerisque pourrait être supérieur à 1/10 000.

(2) L’angor stable est un angor d’effort simple :• survenant à l’effort ou en période post-prandiale ;• de durée brève inférieure à 15 min ;• sensible à l’arrêt de l’activité physique, et à l’adminis-

tration de dérivés nitrés.L’angor instable est un angor :

• inaugural ;• ou survenant pour des efforts minimes ;• ou survenant plus de trois fois par jour (signe péjoratif) ;• ou d’évolution croissante (en fréquence et/ou en durée

des crises).Le caractère stable de la pathologie coronarienne doitêtre confirmé par le cardiologue traitant qui doit êtrecontacté.

Il est souhaitable que la dernière épreuve d’effort soitnégative.

(3) L’existence d’une maladie athéromateuse est excep-tionnellement limitée à un seul secteur vasculaire. Deslésions asymptomatiques des coronaires doivent êtresuspectées. Même en l’absence de symptomatologiecoronarienne, un avis cardiologique est souhaitable.Des recommandations doivent être précisées en débutde protocole par le médecin.Avant chaque prélèvement, la recherche de signes cli-niques évocateurs doit être soigneusement effectuée(douleur à l’effort, dyspnée...).Le taux d’hémoglobine ne doit pas être abaissé au-dessous de 10 g/dL.

(4)• Lésion des vaisseaux du cou

C Maladie athéromateuse avec accidents ischémiquestransitoires répétés.

C Arythmie non réduite.(5) Les recommandations fixent le seuil transfusionnel à

10 g/dL pour un patient à risque ischémique en situa-tion chirurgicale. Il est logique de respecter ce seuillors d’un protocole de prélèvement. L’hémoglobineautorisant le prélèvement doit alors être supérieure ouégale à 12 g/dL.

485A. Beauplet et al. / Transfusion Clinique et Biologique 10 (2003) 482–487

2. Interprétation d’une numération sanguine pré-donavant un prélèvement de sang total ou de globulesrouges autologues

Résumé des risques encourus

Risque lié au prélèvement Risque transfusionnel

• Décompensation d’unepathologie coronarienne révéléepar l’anémie.

• Transmission bactérienne(hyperleucocytose)

• Majoration du saignement peropératoire (anémie, thrombopénie)

(1) Chez les patients artériopathes, prendre en considéra-tion le risque de décompensation liée à l’anémie.Ne pas prélever si Hb < 12 g/dL.

Compenser systématiquement par un soluté cristal-loïde (type Ringer Lactate) afin de maintenir la normo-volémie.

(2) L’association d’une anémie et d’une thrombopéniemajore le risque de saignement peropératoire.

(3) Rechercher une cause favorisante : intoxication taba-gique, traitement par glucocorticoïdes, prélèvement enpériode digestive, menstruations, effort physique im-portant, stress.Le prélèvement n’est envisageable qu’après avoirécarté un foyer infectieux par un examen cliniquecomplet et la réalisation d’un ECBU. La numérationleucocytaire doit être restée stable, ou mieux, avoir unevaleur abaissée.Enfin, faire vérifier pendant la semaine de report duprélèvement l’absence de fièvre par prise de la tempé-rature le matin au réveil.

486 A. Beauplet et al. / Transfusion Clinique et Biologique 10 (2003) 482–487

3. Interprétation ECBU dans le cadre de transfusionautologue programmée

487A. Beauplet et al. / Transfusion Clinique et Biologique 10 (2003) 482–487