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1 Séquence 1 – HG00 Séquence 1 Histoire Sommaire 1. Le patrimoine, lecture historique : La vieille ville de Jérusalem 2. L’historien et la guerre d’Algérie Glossaire Le rapport des sociétés à leur passé © Cned – Académie en ligne

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1Séquence 1 – HG00

Séquence 1

His

toir

e

Sommaire

1. Le patrimoine, lecture historique : La vieille ville de Jérusalem

2. L’historien et la guerre d’Algérie

Glossaire

Le rapport des sociétés à leur passé

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3Séquence 1 – HG00

1 Le patrimoine, lecture historique : La vieille ville de Jérusalem

Introduction 

La vieille ville de Jérusalem ne doit pas être confondue avec l’agglo-mération de Jérusalem. La vieille ville n’est aujourd’hui qu’une toute

petite partie de la municipalité de Jérusalem. Elle correspond aux quatre quartiers historiques de la ville – juif, chrétien, arménien et arabe - en-tourés par la muraille dressée au XVIe siècle par les Ottomans. Dans ce petit espace d’à peine 1 km², sont condensés plus de 3 000 ans d’his-toire, depuis la ville du roi David bâtie au début du premier millénaire avant notre ère jusqu’à la petite cité actuelle, tiraillée entre Israéliens et Palestiniens. Elle a gardé de cette histoire longue et compliquée un patrimoine architectural et artistique exceptionnel.

Mais la vieille ville de Jérusalem est d’abord un concentré de religions et de tensions. Derrière le décor magnifique du vieux centre urbain se profilent des enjeux brûlants. Car Jérusalem est une ville sainte pour les trois religions monothéistes, le judaïsme, le christianisme et l’islam. Elle est pour les croyants du monde entier, appartenant à ces trois cultes, un lieu-symbole, un lieu sacré. Mais elle est aussi revendiquée comme ca-pitale politique par deux peuples, les Israéliens et les Palestiniens qui se la disputent âprement. Ce statut de « ville trois fois sainte » et de double capitale est pour Jérusalem une source permanente de tensions reli-gieuses et politiques qui prennent aussi parfois la forme de querelles pa-trimoniales. C’est ainsi que Jérusalem est devenue une ville de conflits.

Quatre quartiers, trois religions, deux peuples, voilà comment on peut résumer la Vieille ville de Jérusalem aujourd’hui.

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4 Séquence 1 – HG00

Carte de la vieille ville (avec les quatre quartiers, les portes majeures et les monuments emblématiques)

EgliseSainte-Anne

Eglise de laFlagellation

Dômedu Rocher

El-Aqsa

MosquéeOmar Eglise

Saint-Sauveur

Eglise duSaint-Sépulcre

MonastèreArménien

Mur des lamentations

0 200 m

Quartier Chrétien

Quartier Musulman

Quartier Juif

Quartier Arménien

J. M

user

eau

Chantiers de fouillearchéologiques

Portes de l’enceinte

Porte dorée murée

Logements acquis pardes israéliens en quartiernon juif

Passage souterrain quirelie Ohel Itzhak au Kotel

Nord

Cette carte représente les quatre quartiers, l’emplacement des portes dans la muraille ottomane et les monuments emblématiques. Le passage souter-rain relie la synagogue Ohel Itzhak au Mur occidental (le Kotel).

1 Repérez l’échelle de la carte. Quelle est la longueur approximative de chacun des côtés de la vieille ville ? Quelles sont les dimensions de l’esplanade des Mosquées ? Quelle est la distance entre le mur des Lamentations et le Saint Sépulcre ?

2 Le cloisonnement religieux entre les quatre quartiers est-il parfaite-ment rigoureux ? Justifiez votre réponse ?

3 Quel est le point le plus sensible de la vieille ville ? Pourquoi ?

Document 1

Questions

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5Séquence 1 – HG00

1 Les côtés de la vieille ville ont entre 700 mètres (à l’ouest) et 1 kilo-mètre (au nord). L’esplanade des Mosquées a environ 500 mètres de longueur et 300 mètres de largeur. 500 mètres à vol d’oiseau séparent le mur des Lamentations et le Saint Sépulcre.

2 �Le cloisonnement religieux entre quartiers n’est pas parfaitement étanche. On trouve des monuments chrétiens dans le quartier mu-sulman (églises, couvents) et inversement une mosquée musulmane dans le quartier chrétien. Le tunnel hasmonéen (ou « archéolo-gique »), vestige de la Jérusalem juive, se prolonge sous le quartier musulman. De plus en plus de juifs israéliens acquièrent des maisons dans les autres quartiers.

3 �Il s’agit du mur des Lamentations qui se trouve au pied de l’espla-nade des Mosquées. Les deux lieux les plus sacrés pour les Juifs et pour les Musulmans dans la ville se retrouvent ainsi contigus.

Photo de la vieille ville de Jérusalem

© AFP

1 Repérez-vous par rapport au plan précédent. La photo est-elle orien-tée de la même façon que le plan ?

2 Quels monuments se trouvent au premier plan ?

3 �Quel lieu saint du judaïsme est invisible sous cet angle de vue ?

Réponses

Document 2

Questions

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6 Séquence 1 – HG00

1 La photo est orientée différemment. Sur le plan le côté sud est en bas, sur la photo c’est le côté est qui occupe cette place. La photo « regarde » donc vers l’ouest.

2 �Au premier plan se trouve l’esplanade des Mosquées : le Dôme du Rocher (ou Mosquée d’Omar) au centre avec sa coupole dorée, la Mosquée Al Aqsa à gauche.

3 �Le mur des Lamentations est invisible sur cette photo. Il est en contre-bas de l’esplanade, sur le côté opposé.

Il s’agit donc de comprendre comment l’histoire, encore visible dans le patrimoine urbain de la ville peut éclairer les enjeux de la Jérusalem d’aujourd’hui ?

Problématique

L’histoire, et dans une moindre mesure la géographie, nous servirons donc de guide dans une première partie pour mieux analyser dans une seconde partie le triple enjeu que représente la ville pour les religions et les peuples qui s’y côtoient et s’y affrontent.

Plan : traitement de la problématique Notions clés Repères

A. Une histoire longue, un espace réduit : 3 000 ans d’histoire sur 1 km² de superficie

1. 1 000 avant notre ère. – 1917 : Une ville juive, chrétienne et musulmane

2. 1917 à nos jours : de la présence britannique à l’indépendance

3. L’espace de la vieille ville

JudaïsmeCroisadesQuartiers ottomanssionismenationalisme arabemandatJérusalem-ouestJérusalem-estGrand Jérusalem

ChronologieLecture de plan de villeMise en rapport d’un plan et d’une photoAnalyse d’une carte

B. Un triple enjeu

1. Un enjeu patrimonial

2. Un enjeu religieux

3. Un enjeu politique

PatrimoineUnescoMur des LamentationsSaint SépulcreEsplanade des mosquéesColonisation juiveIntifada

Analyse de photosLecture de schéma

Réponses

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7Séquence 1 – HG00

Une histoire longue, un espace réduitLa vieille ville de Jérusalem c’est donc 3 000 ans d’histoire sur 1 km² de superficie. Nous distinguerons une première très longue période, de 1 000 avant notre ère à 1917, au cours de laquelle la ville a été successivement juive, chrétienne puis musulmane et la période contemporaine, après 1917, lorsque la ville passe du mandat britannique à l’État d’Israël.

1. L’espace de la vieille villeCette longue histoire trimillénaire a laissé des traces visibles encore au-jourd’hui dans l’espace de la cité. Les quatre quartiers historiques sont parfaitement identifiables. Mais ce carré imparfait d’à peine 1 km de côté n’est pas tout Jérusalem, ce n’est qu’une parcelle d’un ensemble plus vaste dont il dépend étroitement, la municipalité de Jérusalem.

a) Un espace réduit découpé en quatre quartiers

La vieille ville couvre un espace d’à peine 1 km² - 86 hectares exacte-ment - sur un site très accidenté de collines bordées de vallées encais-sées à une altitude moyenne de 700 à 800 mètres. L’endroit avait été choisi par le roi David pour son caractère défensif. À l’Ouest se trouve le mont Sion qui culmine à 770 m où se trouvait la forteresse de David, à l’Est le mont Mouriah et le promontoire de l’Ophel où a été construit le Temple. Entre les deux, la vallée du Tyropoeon, très tôt comblée. Bien qu’en climat méditerranéen – la mer est à une centaine de kilomètres – les hivers peuvent être rigoureux et les étés frais.

La ville a conservé intactes ses murailles ottomanes qui courent sur 4 km environ. Elles sont percées de 9 portes datant toutes du mur originel du XVIe siècle sauf la Nouvelle porte, ouverte fin XIXe. Les principales portes sont la Porte de Damas, la Porte des Lions, la Porte d’Hérode, la Porte de Jaffa et la Porte de Sion. La Porte dorée reste fermée parce que selon la tradition juive, c’est par là qu’entrera le Messie à la fin des temps.

Dans ce périmètre étroit vivent environ 42000 habitants répartis en quatre quartiers : c’est d’ailleurs là l’origine du mot quartier qui signifie quatre. Les deux axes de séparation nord-sud et est-ouest qui séparent ces quatre parties correspondent au cardo (axe Nord – Sud) et à l’un des décumanus romains (axes Est – Ouest). Depuis la période ottomane, les quartiers répartissent les habitants en fonction de leur religion. Les mo-numents religieux se côtoient à faible distance. Le mur des Lamentations se situe en contrebas de l’esplanade des Mosquées et ne se trouve qu’à 500 mètres du Saint Sépulcre.

Le quartier musulman au nord-est de la ville est le plus vaste. Il couvre à lui seul, avec ses 31 hectares, plus d’un tiers de l’ensemble. C’est aussi le plus peuplé avec ses 31000 habitants soit les trois-quarts de la popu-

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8 Séquence 1 – HG00

lation totale. Plusieurs rues sont des « souks », des marchés très animés et hauts en couleurs dont la rue El-Wad, la « vallée », qui suit le cours du Tyropoeon. On y trouve plusieurs lieux de cultes musulmans dont ceux de l’Esplanade des Mosquées qui n’appartient pas à proprement par-ler au quartier mais qui s’y rattache nécessairement. S’y trouvent aussi beaucoup d’églises et de monuments liés à l’histoire du christianisme mais aussi des lieux saints du judaïsme dont le tunnel-canal du Kotel qui passe sous le quartier.

Le quartier juif au sud-est couvre à peine une vingtaine d’hectares, en-core a-t-il été considérablement agrandi après 1967 par l’adjonction du quartier des Maghrébins pris sur la partie arabe pour élargir l’espace voi-sin du mur des Lamentations, espace que les Juifs appellent l’esplanade du Kotel (mur en hébreux). Il abrite environ 5000 habitants dont une majorité de Juifs orthodoxes c’est-à-dire très attachés aux pratiques et aux rituels religieux traditionnels. C’est pourquoi, il comprend autant de Yeshivot (pluriel de Yeshiva), les écoles d’enseignement du judaïsme. Les ruelles sont souvent en forme d’escaliers car le quartier se trouve sur les flancs de la vallée du Tyropoeon située 60 mètres plus bas que le Mont Sion. Il est beaucoup moins animé que le quartier musulman. Détruit en grande partie, en particulier la totalité des synagogues, pen-dant la période jordanienne entre 1948 et 1967, il a été soigneusement restauré.

Le quartier chrétien au nord-ouest est le deuxième en superficie après le quartier musulman, 20 hectares environ. Il est aussi peuplé que le quar-tier Juif (5000 habitants). On y trouve une quarantaine d’églises ou de monastères répartis entre les différents cultes chrétiens car le christia-nisme s’est beaucoup diversifié. On y trouve des représentants des trois grandes familles chrétiennes, les catholiques, eux-mêmes très divers et les orthodoxes, issus du grand schisme de 1054. Des établissements protestants s’y sont également installés au XXe siècle. Pour l’essentiel, les chrétiens de ce quartier sont des Palestiniens. Le monument emblé-matique du quartier est l’église du Saint-Sépulcre plusieurs fois rebâtie.

Le quartier arménien au sud-ouest est le plus petit des quatre, une quin-zaine d’hectares, et le moins peuplé, à peine plus de 2000 habitants. Les arméniens sont des chrétiens. L’Arménie, située entre la Turquie et la Russie a été le premier État à se convertir officiellement au christia-nisme en 301. Des Arméniens se sont donc installés à Jérusalem très tôt pour y construire des églises dont la plus importante est la cathé-drale Saint-Jacques. Les habitants actuels sont les descendants de ces premiers arrivés mais aussi de ceux qui ont fui le génocide de 1915 en Turquie. Le christianisme arménien est autonome, il ne dépend pas de Rome, il a son propre patriarche qui siège en Arménie mais qui est re-présenté dans la cité par patriarche arménien de Jérusalem qui siège à Saint-Jacques. C’est le deuxième lieu saint pour la diaspora arménienne du monde entier. Le quartier abrite plusieurs églises et monastères mais aussi la citadelle, appelée Tour de David bien qu’elle date pour l’essen-tiel de la période ottomane.

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9Séquence 1 – HG00

b) La municipalité de Jérusalem et le « Grand Jérusalem »

Le Grand Jérusalem

Nord

JERUSALEM-OUEST

JERUSALEM-EST

Mont Scopus

Mont desOliviersKnesset

Vieille Ville

«Ligne Verte»

Limite municipale deJérusalem réunifiée

«Grand Jérusalem»

Ancienne frontièreisraélo-jordianienne

Quartier juif

Quartierpalestinien

J. M

user

eau

1000 m

Implantationisraélienne

villagepalestinien

Jérusalem a vécu une division politique de 1948 à 1967. Réunifiée depuis, elle est devenue la capitale de l’État hébreu. Le périmètre urbain a été agrandi une politique d’installation de populations juives est appliquée de manière à rende irréversible le rapport de force avec les palestiniens. À terme, le Grand Jérusalem devrait compter trois Juifs pour un Palestinien.

1 À quoi correspondait : la « ligne verte » ? Jérusalem-ouest ? Jérusalem-est ?

2 �Que nous montre la répartition des quartiers juifs à Jérusalem-est ?

3 �Qu’est-ce que le « Grand Jérusalem » ?

Document 3

Questions

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10 Séquence 1 – HG00

1 La ligne verte correspond à l’ancienne frontière israélo-jordanienne entre 1948 et 1967. C’est la ligne délimitant l’État d’Israël et la Jorda-nie à l’issue de la première guerre israélo-arabe de 1948/1949. Jéru-salem-ouest est la partie de Jérusalem qui est revenue aux Israéliens en 1949. Jérusalem-est est la partie qui est revenue à la Jordanie.

2 �La répartition des quartiers juifs nous montre la volonté des Israé-liens d’être au moins aussi nombreux que les Palestiniens dans Jé-rusalem-est.

3 �Le Grand Jérusalem est l’extension de l’agglomération de Jérusalem, au-delà des limites municipales, décidée par les autorités israé-liennes pour y implanter des colonies juives.

La vieille ville est d’une certaine façon une « petite Jérusalem » dans la grande. Elle n’est qu’une toute petite partie de la ville de Jérusalem qui comprend deux ensembles. D’abord la municipalité de Jérusalem qui couvre 200 km² et abrite 760 000 habitants : la vieille ville ne repré-sente donc que 0,5 % de la superficie de la ville et 5 % de sa population. Dans ses frontières municipales, la ville comprend la Jérusalem-ouest de 1949, environ 350 000 habitants sur 130 km² et Jérusalem-est « an-nexée » en 1967, avec ses 70 km² et ses 410 000 habitants dont une moitié de résidents palestiniens. Les deux parties réunifiées de la ville entourent la vieille ville qui n’occupe pas cependant le centre de l’en-semble parce que la partie ouest est plus développée que l’est.

Une ville ancienne entourée par une ville moderne en chantier permanent

© Cned

Des points élevés de la vielle ville, le regard porte sur les quartiers modernes animés par les grues et les constructions nouvelles des im-meubles.

Réponses

Document 4

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11Séquence 1 – HG00

Mais l’agglomération de Jérusalem, c’est-à-dire l’espace bâti, déborde largement ces limites municipales et couvre un territoire bien plus vaste qui a été baptisé « le grand Jérusalem » par le Premier ministre israélien B. Netanyahou en 1998 et qui ne cesse de s’étendre sous l’effet de la colonisation juive.

La vieille ville représente donc beaucoup plus que sa taille réelle. Cette surreprésentation vient de son histoire, visible aujourd’hui dans son pa-trimoine, et de son caractère symbolique lié à son importance religieuse et mais aussi politique.

Un triple enjeu

Par son passé, sa dimension sacrée et le contexte national qui l’entoure, la vieille ville de Jérusalem représente pour les deux peuples en présence et au-delà, pour l’ensemble du monde, trois enjeux, patrimonial, religieux et politique qui sont autant d’occasions de tensions et d’affrontements.

1. L’enjeu patrimonial

La vieille ville dispose d’un patrimoine architectural, artistique et culturel exceptionnel qui présente un enjeu historique et identitaire mais aussi économique.

a) Un patrimoine exceptionnel

On dénombre dans le vieux Jérusalem plus de 250 monuments remar-quables. C’est l’une des densités les plus fortes du monde dans ce do-maine. Il faut ajouter à cet ensemble architectural, les musées, biblio-thèques, les centres culturels qui abritent des œuvres inestimables et uniques : certains manuscrits comme les 4 000 parchemins de l’Église arménienne Saint-Toros, des mosaïques comme celles de l’église Saint-Jacques. L’ensemble de la vieille ville est depuis 1982 classée au « pa-trimoine mondial » par l’Unesco. Il ne figure pas cependant dans la liste des sites israéliens puisque « l’annexion » de 1967 n’est pas reconnue internationalement, ni dans celle de la Jordanie bien que la demande de classement ait été faite par ce pays mais sous le nom de Jérusalem ! Il figure d’ailleurs également avec 35 autres sites dans la liste dressée par l’Unesco du « patrimoine mondial en péril » qui recense les biens mena-cés de dangers graves, disparition, dégradation ou altération d’origine naturelle ou humaine. Les États responsables des sites doivent veiller en vertu de la Convention sur le patrimoine mondial au respect de leur inté-grité et de leur authenticité. C’est à ce titre que Jérusalem se trouve dans cette liste du fait des opérations de restauration et de fouilles menées dans la ville, principalement à l’initiative des Israéliens.

B

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b) L’enjeu historique

Car derrière l’entretien, la sauvegarde ou la réhabilitation des monu-ments se cachent des arrière-pensées, des calculs, des intérêts qui ne sont pas seulement architecturaux. Derrière toutes ces opérations, on retrouve l’histoire et l’identité des peuples et des religions concernés. Souvent les trois religions ont occupé successivement les mêmes sites. L’imbrication des édifices et la méfiance des communautés dès que leur patrimoine propre est touché par l’autre rendent leur gestion difficile. Depuis 1967, l’Unesco est régulièrement saisie par des pays arabes de la sauvegarde du patrimoine de la vieille ville de Jérusalem. Ces pays insistent pour « qu’aucune mesure et qu’aucun acte de nature à modifier le caractère religieux, culturel, historique et démographique de la ville, ou l’équilibre de l’ensemble du site, ne soient accomplis ». Allusion à la reconstruction du quartier juif après 1967 par les Israéliens qui ont démoli pour ce faire le quartier arabe des Maghrébins, pour y dégager l’esplanade devant le mur des Lamentions, expulsé les 600 habitants qui s’y trouvaient et encouragé des familles juives à s’y réinstaller. Mais il est vrai que les Jordaniens avaient aussi de leur côté détruit les synago-gues de la vieille ville après 1949 et interdit aux juifs l’accès au lieu saint pendant deux décennies.

On comprend, dans ces conditions, l’importance que revêtent les fouilles archéologiques. Dans le contexte de tensions entre Palestiniens et Israé-liens, chacun cherche à justifier sa légitimité, son droit sur le sol en dé-montrant par l’archéologie qu’il était là avant l’autre. Cette course à l’an-tériorité déchaîne les passions comme le montrent des épisodes plus ou moins récents où chacun accuse l’autre de vouloir détruire des preuves du passé, d’en fabriquer au contraire ou d’abîmer des monuments im-portants. Ainsi pour la rampe des Maghrébins : un plan incliné de 75 mètres menant de la Porte des Maghrébins à l’esplanade des Mosquées. Largement détruite par les israéliens en 1967, consolidée ensuite, elle s’est effondrée en 2004 sous l’effet des intempéries. Avant de la réparer, les autorités israéliennes ont entrepris des fouilles pour mettre à jour de nouveaux vestiges. Initiative aussitôt dénoncée par les Palestiniens car prise sans concertation avec l’Autorité palestinienne ni avec le Waqf jordanien, fondation religieuse sous tutelle jordanienne qui contrôle les lieux saints musulmans de Jérusalem. Le différend a fini par se résoudre par la négociation.

En revanche, les choses sont allées beaucoup plus loin dans l’affaire du tunnel archéologique (ou hasmonéen). En 1996, le gouvernement israé-lien de B. Netanyahou avait autorisé des fouilles dans ce tunnel datant du VII° siècle avant notre ère et passant le long de l’esplanade des Mos-quées. Cette autorisation avait aussitôt déclenché la fureur des Pales-tiniens qui estimaient que ces travaux allaient saper la base des mos-quées situées au-dessus et abîmer un lieu sacré. Des émeutes avaient aussitôt éclaté faisant 76 morts dont 62 palestiniens. Les fouilles furent cependant poursuivies alimentant une tension permanente jusqu’à au-jourd’hui. En mars 2010, l’annonce par B. Netanyahou d’un plan destiné

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13Séquence 1 – HG00

à « renforcer les infrastructures du Patrimoine national de l’État d’Israël » pour « rénover les sites archéologiques ou liés au patrimoine sioniste », a provoqué de nouvelles violences. Ce plan incluait en effet des monu-ments situés en territoire palestinien comme le caveau des Patriarches à Hébron et la tombe de Rachel à Bethléem permettant donc des inter-ventions dans des espaces sensés relever de l’Autorité palestinienne. Plus récemment, en octobre 2011, l’entrée de l’entité palestinienne au sein de l’Unesco a réveillé les craintes israéliennes cette fois de voir les palestiniens demander le classement de sites jusque-là cogérés par Is-raël et les Palestiniens mais qui pourraient revenir aux seuls Palestiniens en cas de classement, comme par exemple ceux concernés par le plan Netanyahou de 2010.

c) L’enjeu économique

Le patrimoine revêt aussi un enjeu économique, sans doute moins im-portant que l’enjeu historique mais qu’il faut prendre en compte pour comprendre les tensions locales. La vieille ville de Jérusalem reçoit plus d’un million de visiteurs chaque année. Il s’agit de pèlerins mais aussi de touristes, venant de pays à fort pouvoir d’achat, des Européens et des Américains surtout, qui dépensent beaucoup sur place. Cet afflux représente une manne financière énorme. C’est de loin la première ac-tivité économique et la première source de revenu et d’emplois pour les habitants de la vieille ville. Les Palestiniens estiment que cette manne est mal répartie compte tenu de la présence israélienne et qu’ils sont ainsi privés de ressources supplémentaires.

L’autre problème économique lié à la vieille ville est celui du coût du lo-gement, dans un contexte de fortes inégalités économiques et sociales entre les communautés. Ce problème touche surtout les populations arabes (dans une moindre mesure chrétienne) qui sont les plus nom-breuses, celles qui supportent les plus fortes densités et dont le revenu est le plus faible. Les difficultés pour obtenir des permis de construire afin d’agrandir les immeubles existants, d’en créer de nouveaux ou de pouvoir en acheter rendent crucial le problème du logement pour ces populations. Beaucoup d’habitants ont déjà dû quitter la ville pour la périphérie modifiant ainsi le rapport numérique entre les communautés. Les franciscains qui possèdent ainsi de nombreux immeubles loués à des familles chrétiennes ont entrepris de les réhabiliter pour garantir leur maintien dans la vieille ville. À l’inverse, des Israéliens juifs multi-plient les achats de logements dans les quartiers arabes ou chrétiens. Les communautés religieuses sont les principaux propriétaires fonciers de la vielle ville et ces communautés, souvent pauvres, peuvent vendre leurs titres fonciers aux Israéliens.

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14 Séquence 1 – HG00

2. L’enjeu religieux

L’enjeu religieux est plus brûlant encore car le contexte est plus passion-nel et passionné. Jérusalem est revendiquée comme ville sainte par les trois « religions du livre ». Cette concurrence pour les lieux saints, dans un espace aussi confiné, est source de querelles infinies qui dépas-sent de beaucoup le périmètre de la vieille ville puisqu’il intéresse les croyants du monde entier.

a) La ville trois fois sainte

Jérusalem est pour les trois monothéismes une ville sacrée parce qu’elle est reliée à des événements ou des personnages capitaux et qu’elle abrite des monuments majeurs de l’histoire de leur histoire. Ces événements et ces personnages sont parfois communs aux trois confessions. Certains monuments ont été construits sur les ruines d’édifices plus anciens relevant d’autres cultes. Des sites chrétiens ou juifs se trouvent dans le quartier musulman. Le quartier chrétien abrite une mosquée.

Jérusalem, lieu saint du judaïsme. Jérusalem est la première ville sainte du judaïsme. Elle abrite les vestiges du Temple construit par Salomon pour accueillir l’Arche d’alliance – même si ces restes appartiennent en réalité au Temple hérodien du 1° siècle et si l’Arche a disparu. L’Arche symbolisait l’élection des Juifs par Dieu c’est-à-dire le fait d’avoir été choisi pour contracter une alliance avec lui. Par ailleurs, le temple aurait été construit selon la tradition juive sur le rocher du sacrifice d’Isaac par Abraham. Dieu aurait demandé à Abraham, pour tester sa foi, de sacrifier son fils et au dernier moment l’aurait arrêté. Le rocher se trouvait au sein du Temple. Il est pour les Juifs « l’axe du monde », le lieu de la rencontre avec Dieu.

Le vestige majeur du Temple est évidemment le mur des Lamentations. Cette appellation est d’origine chrétienne puis les arabes l’ont adoptée, en revanche les Juifs préfèrent parler du mur occidental ou du Kotel (« le Mur »). C’est à l’origine non pas un mur du Temple lui-même mais le mur d’enceinte du Temple d’Hérode. Seuls 57 mètres sont visibles. Le reste est dissimulé par des immeubles du quartier arabe. C’est l’endroit le plus sacré pour les Juifs parce que le plus proche du « Saints des Saints », le cœur de l’ancien Temple aujourd’hui disparu. Les Juifs du monde en-tier viennent s’y recueillir et déposer leurs vœux et leurs prières sous la forme de petits papiers insérés entre les pierres.

Il est aussi devenu un symbole national israélien et à ce titre s’y tiennent des cérémonies officielles comme la commémoration des soldats morts pour la patrie ou celle des victimes des attentats. C’est pourquoi, les Israéliens ont mis tant de soin à le dégager après 1967 : « nous sommes revenus au plus saint de nos lieux saints et nous ne nous en séparerons jamais », avait dit alors le général Dayan, vainqueur de la Guerre des six jours. Le nom de « mur des Lamentations » fait allusion à l’autorisation

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15Séquence 1 – HG00

faite aux Juifs par les chrétiens de venir se lamenter sur les ruines du temple le jour anniversaire de sa destruction. Ce qui explique aussi pour-quoi l’expression n’est pas utilisée par les Juifs.

Prières au pied du Mur occidental (le kotel)

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Hommes et femmes sont séparés. L’un des accès à la place se fait par les entrées de tunnel situées à l’arrière-plan, permettant une circulation sous le quartier arabe.

Au sud du quartier arménien mais en dehors de la muraille se trouve le tombeau du roi David, autre lieu sacré du judaïsme.

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16 Séquence 1 – HG00

La ville est aussi le lieu de l’attente messianique : les Juifs croient en un Messie (« celui qui a été choisi ») qui doit venir à la fin des temps sauver le peuple élu. Il doit entrer dans Jérusalem par la Porte Dorée que lui seul peut ouvrir c’est pourquoi elle reste fermée. C’est donc selon les Juifs la ville choisie par Dieu pour accomplir le salut du peuple élu. Elle est la représentation de la Jérusalem céleste lorsque tous les Juifs seront rassemblés autour du Messie.

Jérusalem, lieu saint du christianisme. Jérusalem est aussi la deuxième ville sainte du christianisme après Rome. Elle est reliée à tous les évé-nements de la vie de Jésus. C’est dans la ville qu’il termine sa vie, il est accueilli comme le Messie par la foule en liesse, il y est crucifié et devient le Christ, ressuscité, ville qu’il quitte par son ascension. Elle abrite l’un des lieux saints majeurs des chrétiens, la basilique du Saint Sépulcre, édifiée à partir du IVe siècle sur l’emplacement du rocher du Golgotha c’est-à-dire le lieu où Jésus aurait été crucifié et du Sépulcre, le tombeau où son corps a été déposé après la descente de croix. C’est donc un lieu double et le symbole des deux actes fondateurs du christianisme, la mort et la résurrection du Christ (mot désignant Jésus et signifiant mes-sie en grec car pour les chrétiens, le messie c’est Jésus).

Le chemin qu’aurait emprunté Jésus pour aller au Golgotha, la Via Dolo-rosa ou « voie des souffrances », circule en partie dans le quartier arabe. Il est aussi considéré par les chrétiens comme sacré. Les pèlerins du monde entier viennent y suivre les pas de Jésus, le long des 14 stations du parcours qui forment ce que les chrétiens appellent le « chemin de croix ».

Le Saint-Sépulcre

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17Séquence 1 – HG00

L’emplacement de la tombe du Christ dans le Saint Sépulcre

église actuelle

tombeaudu Christ

emplacement du rocher

du Golgotha

1 Qu’est-ce que le Sépulcre ? Qu’est-ce que le rocher du Golgotha ?

2 �Où a été construite l’église par rapport à ces deux lieux ?

1 Le Sépulcre est le caveau creusé dans la pierre où le corps de Jésus a été déposé après sa crucifixion. Le Golgotha est la colline rocheuse sur laquelle Jésus a été crucifié. Le nom de Golgotha signifie crâne en hébreu, soit parce que s’y trouvaient des restes de crânes humains car c’était là que les Romains crucifiaient les condamnés, soit parce que le rocher qui occupait son sommet avait la forme d’un crâne. Ce lieu est aussi appelé Calvaire, du latin calvarium qui veut dire crâne. Calvaire a aussi désigné par extension une épreuve difficile.

2 �L’église du Saint Sépulcre visible aujourd’hui a été construite à l’em-placement supposé des lieux de la crucifixion et de la mise au tom-beau de Jésus, tels qu’ils ont été identifiés par l’impératrice Hélène vers 325 de notre ère.

En dehors des murailles de la cité, vers l’est, se trouve le Jardin des Oli-viers où Jésus a passé sa dernière nuit avant d’être supplicié. Plusieurs lieux de culte chrétiens y ont été bâtis. Ainsi que le tombeau de la Vierge, mère de Jésus.

Pour les chrétiens, comme pour les Juifs, Jérusalem est aussi l’image ter-restre de la Jérusalem céleste, la demeure de Dieu. C’est pourquoi les églises chrétiennes sont « orientées » c’est-à-dire tournées vers l’Orient, vers Jérusalem.

Jérusalem, lieu saint de l’islam. Jérusalem est la troisième ville sainte de l’islam, après La Mecque, ville où est né Mahomet, et Médine où il est enterré. Jérusalem est liée à un épisode important de la vie du Prophète : l’Isra, « le voyage nocturne » et le Miraj, « l’ascension ». En 619, Maho-

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Questions

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18 Séquence 1 – HG00

met aurait fait un voyage de la Mecque à Jérusalem d’où il aurait accompli son ascension vers le ciel sur l’animal fantastique Buraq. Il aurait pris appui sur le rocher du mont du Temple (le rocher d’Abraham) avant de s’élancer, y laissant la trace de son empreinte de pied. C’est pourquoi les musulmans ont construit une mosquée à cet endroit appelé le Dôme du Rocher ou Mos-quée d’Omar, nom du deuxième successeur de Mahomet sous lequel Jéru-salem a été prise. Le Dôme du Rocher est repérable à sa coupole dorée. Une autre mosquée avait été construite auparavant à 150 mètres, la mosquée Al Aqsa, « la lointaine », dont la localisation est aussi liée au Miraj. Ces deux mosquées sont donc construites à l’emplacement du Temple. Elles surplom-bent le mur des Lamentations qui se trouve juste en-dessous. Il est vrai que les musulmans honorent aussi Abraham, Ibrahim en arabe, comme l’un des prophètes de l’islam. Le rocher sacré renvoie donc à deux personnages clés de la foi musulmane, Mahomet et Abraham.

L’esplanade des Mosquées n’est d’ailleurs pas le seul espace sacré com-mun aux Juifs et aux Arabes. il y en a un autre qui se trouve dans la même configuration, il s’agit du Tombeau des Patriarche. Certes il ne se trouve pas à Jérusalem mais à Hébron, ville située à 30 kilomètres au sud de Jérusalem et relevant de l’autorité palestinienne, mais il éclaire cette étroite imbrication des lieux saints et les conséquences qui en découlent. Le Tombeau abrite-rait selon la tradition les tombes d’Adam et Eve, d’Abraham et de sa femme Sara, et celles de leurs deux fils Isaac et Jacob et de leurs femmes, Rebecca et Léa. Le monument a été construit sous Hérode le Grand en même temps que le Temple et, comme lui, il a laissé place à une mosquée, la Mosquée d’Ibrahim. Il est aujourd’hui partagé entre les deux religions et donc séparé en deux parties, une synagogue en occupe les trois cinquièmes environ, une mosquée occupe le reste. Il est considéré comme le deuxième lieu saint du judaïsme, après le Mur et comme l’un des lieux saints majeurs de l’Islam. À ce titre, il est l’objet de tensions permanentes entre les deux communautés et des violences s’y sont produites plusieurs fois.

L’esplanade des mosquées

© Akg-images / Bible Land Pictures.

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19Séquence 1 – HG00

1 �Cette photo représente trois lieux saints, lesquels ?

2 �À quoi repère-t-on la Mosquée d’Omar ? À quel emplacement précis est-elle construite ?

3 �Quels quartiers sont visibles sur la photo ?

1 Les trois lieux saints visibles sur cette photo sont les deux mosquées, Al Aksa et d’Omar sur l’esplanade, et le mur des Lamentation situé en contrebas de l’esplanade entre les deux mosquées.

2 �La mosquée d’Omar est repérable à sa coupole dorée. Elle a été bâtie à l’emplacement du Rocher d’Abraham qui est aussi le point de dé-part du Miraj (l’ascension) de Mahomet d’où son autre nom, le Dôme du Rocher.

3 �Les deux quartiers partiellement visibles sur la photo sont le quartier juif, au premier plan à droite, et le quartier musulman, à gauche.

Au début de l’islam, la prière des musulmans était orientée vers Jérusalem, avant de l’être vers La Mecque, ce qui montre bien l’importance de la ville.

Ainsi les musulmans ont islamisé la Jérusalem chrétienne et juive, qui pour eux est Al Qods, « La Sainte », comme les chrétiens avaient christia-nisé avant eux la ville des Hébreux.

Chacun de ces lieux saints est aussi directement lié à des fêtes reli-gieuses importantes des trois religions. Le Temple est associé à la fête juive d’Hanoukka qui marque la purification du Temple rendu au culte par la révolte des Maccabées après l’occupation grecque en 142. Il est aussi invoqué lors des jeûnes rituels pratiqués par les Juifs pour se rap-peler les deux destructions du Temple en 66/70 et 132/135. Le Saint Sé-pulcre est lui particulièrement honoré par les chrétiens le jour de Pâques puisque ce jour commémore la résurrection du Christ, le vendredi saint qui précède étant le jour de sa crucifixion. C’est durant les fêtes pascales que les pèlerins chrétiens convergent en grand nombre vers Jérusalem. Enfin le Dôme du Rocher prend une importance toute particulière pour les musulmans le jour de l’Aïd al Adha, le jour du sacrifice qui rappelle la ligature d’Isaac par Abraham sur le rocher où le Dôme a été construit. C’est la principale fête de l’islam. Elle marque la fin du Hadj, le pèleri-nage à La Mecque. Elle renvoie moins à l’idée du sacrifice qu’à celle la soumission à dieu incarnée par Abraham.

L’espace de la ville est donc régi par une véritable géographie spirituelle qui fait de chaque centimètre carré de la cité une parcelle sacrée. La di-mension religieuse de la ville est très supérieure à sa taille réelle.

b) Des conflits multiples à plusieurs échelles 

Des querelles internes à la ville. Avec ses trois lieux emblématiques des grandes religions monothéistes, Le Mur, Le Saint-Sépulcre et l’esplanade des Mosquées, Jérusalem est un carrefour religieux très disputé. Cette

Questions

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20 Séquence 1 – HG00

proximité de symboles aussi forts entraîne des conflits incessants entre religions et à l’intérieur des religions.

L’Empire ottoman avait trouvé un modus vivendi, une façon de cohabi-ter, entre les différentes communautés. Cette coexistence pacifique est remise en cause au XIXe siècle entre les différentes églises chrétiennes. Principalement entre églises latines, dépendantes du pape et églises orthodoxes, indépendantes. Ces disputes entre chrétiens sont avivées par les puissances européennes qui interviennent dans la querelle et s’immiscent par-là dans les affaires de l’Empire. La Russie soutient les orthodoxes, la France les latins (ce sera l’une des causes de la Guerre de Crimée). En 1852, un décret du sultan ottoman établit un statu quo qui est toujours en vigueur mais est sans cesse contesté par les églises chrétiennes qui se disputent chaque centimètre carré du Saint Sépulcre. Régulièrement, de véritables batailles rangées ont lieu dans cette église entre représentants des différents rites chrétiens pour des empiéte-ments sur l’espace du voisin.

Mais c’est entre les Juifs et les musulmans qu’ont lieu les tensions les plus fortes pour la souveraineté sur les lieux saints. Dès les années 1920, des violences se sont produites entre les deux communautés à propos du Mur. Les Juifs estimant qu’il leur appartient de droit, les Arabes considérant que le Mur est partie intégrante de l’esplanade des mosquées et que les Juifs ne sont que tolérés devant le Mur. Après 1967, Arabes et Juifs sont à nouveau en contact de part et d’autre du Mur. Lors des périodes de tensions entre les deux groupes, c’est donc à cet endroit que les violences se produisent. Par exemple en 2000 lors de la visite d’A. Sharon sur l’esplanade (voir plus loin). Le vocabulaire participe de cet affrontement : ce que les musulmans appellent l’esplanade des Mos-quées, les Juifs l’appellent l’esplanade du Temple.

La présence dans chaque camp de forces extrémistes ne fait qu’aggraver les oppositions. Les Juifs orthodoxes de plus en plus nombreux dans la vieille ville depuis 1967 trouvent souvent en face d’eux les islamistes intégristes. Chacun ayant une lecture littérale et fondamentaliste c’est-à-dire conservatrice des textes saints.

Un enjeu universel. Au-delà de la ville et même des deux entités concer-nées - l’État d’Israël et les territoires palestiniens - les tensions religieuses intéressent les croyants du monde entier appartenant aux trois religions. De ce fait, Jérusalem est un lieu de mémoire pour une grande partie de l’humanité. Ainsi se pose le problème de l’accès aux lieux saints pour les pèlerins du monde entier qui se pressent dans la ville. Se pose aussi la question des réactions internationales face aux événements qui se déroulent dans la ville. Au XIXe siècle, les divisions religieuses avaient déclenché l’intervention des grandes puissances européennes. Au XXe

siècle, les gouvernements se contentent de soutiens ou de condamna-tions à distance. Il est vrai que très sagement les Israéliens ont laissé les lieux saints sous la juridiction des autorités religieuses reconnues de chaque culte, Waqf musulman sous tutelle jordanienne, Rabbinat et Églises chrétiennes.

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21Séquence 1 – HG00

Mais cette autonomie octroyée aux religieux est peu de chose comparé à l’essentiel c’est-à-dire le problème politique que représente Jérusalem car l’enjeu se situe d’abord sur ce terrain.

3. L’enjeu politique 

C’est l’enjeu majeur, car il n’y aura pas de solutions aux tensions qui secouent la vieille ville autre que politique même si le religieux et le po-litique sont inextricablement mêlés. Jérusalem n’est pas seulement ti-raillée entre trois religions, elle est aussi écartelée entre deux peuples qui la veulent comme capitale. La sortie de cette impasse est d’autant plus incertaine que le territoire de Jérusalem évolue sans cesse, attisant les violences entre les deux peuples. Il y a pourtant des issues envisa-geables.

a) Une seule capitale pour deux peuples 

Il faut ici sortir de la vieille ville et considérer la ville toute entière. Les Israéliens comme les Palestiniens en ont fait leur capitale. Les premiers l’ont déclaré officiellement en 1980, les seconds par le biais de l’Auto-rité palestinienne en 2002. Chacun, sûr de son bon droit, campe sur ses positions.

Aucun pays cependant ne reconnaît ce statut de capitale, ni comme ca-pitale d’Israël ni (encore moins) comme capitale des territoires palesti-niens. La communauté internationale se conforme en cela à la position de l’ONU qui par plusieurs résolutions prises en 1967 et 1980 a ordonné le retrait des territoires occupés par Israël à l’issue de la Guerre des six jours (résolution 242 de 1967) et déclaré nulle et non avenue l’occupa-tion de Jérusalem-est par Israël (résolution 476 de 1980) ordonnant le retrait des Israéliens de Jérusalem-est (résolution 478 de 1980). Aucun pays n’a d’ambassade à Jérusalem, elles sont toujours à Tel Aviv.

b) Les limites fluctuantes de Jérusalem et la colonisation juive 

Le règlement de la question de Jérusalem est compliqué par la stratégie territoriale d’Israël qui modifie en permanence la physionomie de Jéru-salem en reculant toujours plus ses limites et en multipliant les colonies de peuplement juif dans la partie Est de la ville. Le but est clair : densifier la population juive pour compenser la croissance démographique des palestiniens beaucoup plus élevée que celle des Israéliens. Mais aussi effacer les traces de la limite de 1949 – la ligne verte – pour unifier l’es-pace urbain et rendre la situation irréversible. En conséquence, Israël ne cesse d’agrandir l’agglomération par la construction de nouveaux quar-tiers juifs. C’est tout le sens du plan de « Grand Jérusalem » lancé par B. Netanyahou en 1998 et l’installation d’une série de colonies juives situées au Nord et à l’Est de la ville qui pourraient faire passer la taille

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22 Séquence 1 – HG00

de l’agglomération de 200 km² dans sa définition municipale à plus de 900 km² (à titre de comparaison, la superficie de Paris est de 105 km²). Ainsi la ville qui avait 200 000 habitants en 1947, répartis à parts égales entre Juifs et Arabes, en a aujourd’hui 760 000 aux deux-tiers juifs, et beaucoup plus encore si l’on compte toutes les colonies. Bien entendu la vieille ville n’est pas concernée par la colonisation juive – même si comme nous l’avons vu des Israéliens rachètent des maisons des quar-tiers arabe ou chrétien – mais on ne peut pas dissocier les deux parties de la ville : le cœur ancien et sa grande périphérie.

Paradoxalement la seule limite à l’extension de la ville par les Israéliens est la « Barrière de séparation », édifiée à partir de 2002 le long de la frontière avec les territoires palestiniens et toujours en construction au-jourd’hui. C’est un mur de béton de 8 à 10 mètres de haut courant sur plus de 700 km. Son but est d’empêcher les attentats suicides palesti-niens en rendant la frontière étanche à tout passage. Elle suit en gros la ligne verte de 1949 mais en pénétrant parfois très au-delà pour englober des colonies juives. Elle existe au niveau de Jérusalem mais elle passe très à l’Est de la vieille ville. Ce mur constitue du même coup une limite infranchissable pour les Israéliens aussi !

c) Les réactions palestiniennes

Cette politique d’expansion et de modification du rapport démogra-phique au profit des Israéliens aggrave les tensions entre les communau-tés. Pour marquer leur refus de « l’annexion » de fait et de cette politique les Palestiniens boycottent les élections et n’ont pas de représentants au conseil municipal de Jérusalem. Plus spectaculairement, les Palestiniens manifestent aussi leur opposition par des réactions plus violentes.

Le 8 décembre 1987, ils déclenchent le première Intifada, la « Guerre des pierres » contre l’occupation de la Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-est par Israël. Elle est appelée guerre des pierres parce que de jeunes Pa-lestiniens jettent des projectiles contre les soldats israéliens aux points de contact entre L’État d’Israël et les territoires occupés. Combat inégal mais très violent et médiatisé. À Jérusalem, l’Intifada a commencé un peu plus tard que dans le reste du pays, le 19 décembre 1987 mais elle a pris les mêmes formes. Jets de pierre, barricades de pneus enflammés, véhicules brûlés auxquels l’armée israélienne réplique par des tirs et des centaines d’arrestations. La vieille ville n’est pas épargnée par ces vio-lences. La ligne verte de 1949 est réactivée pour permettre aux Israéliens de rétablir des contrôles systématiques des populations arabes : fouilles corporelles et de véhicules, confiscations de cartes d’identité, interdic-tion aux non-résidents d’accéder à l’esplanade des Mosquées, accès filtrés pour les autres, présence de policiers israéliens dans l’enceinte des mosquées le vendredi, jour de la prière des musulmans pour empê-cher les manifestations. Cette mesure ultime relance les affrontements et oblige Israël à retirer ses policiers pour les mettre à distance des lieux saints. Cette situation d’extrême tension a duré près de cinq ans jusqu’aux accords d’Oslo de 1993. Elle a fait des dizaines de victimes.

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23Séquence 1 – HG00

Elle est à l’origine d’une radicalisation de la résistance palestinienne à Israël avec notamment la création du Hamas, mouvement politique et religieux palestinien créé en décembre 1987 qui veut instaurer un État islamique en Palestine par tous les moyens y compris ceux du terrorisme. La deuxième Intifada débute en septembre 2000. La visite sur l’espla-nade des Mosquées d’A. Sharon, député israélien alors dans l’opposi-tion et principal artisan de la colonisation, est vue par les Palestiniens comme une provocation. Ils déclenchent aussitôt une nouvelle guerre des pierres qui va durer elle aussi plusieurs années, entrecoupées de trêves. Cette nouvelle Intifada fait des centaines de morts, principale-ment palestiniens mais pas uniquement. Elle est marquée par la cam-pagne d’attentats-suicides du Hamas entre 2001 et 2005 qui font plus de 300 morts et plus de 2000 blessés parmi les Israéliens. Si les attentats-suicides ont pris fin avec la construction du mur de séparation à partir de 2005, les violences n’ont pas pris fin pour autant. Le territoire israélien est exposé à des tirs de roquettes palestiniennes en provenance de Gaza et du Hamas qui déclenchent des représailles israéliennes immédiates comme l’opération « Plomb durci » d’invasion militaire de Gaza en 2008. Et des épisodes de type « intifadique » continuent de se produire régu-lièrement, en particulier à proximité de l’esplanade des mosquées. Ainsi en mars 2010, plus de 3 000 Palestiniens jettent des pierres contre les forces de sécurité israéliennes qui ont de nouveau interdit l’accès aux Mosquées. Cette manifestation est une réponse à la politique de colo-nisation, en particulier à la construction de 1600 nouveaux logements dans la partie orientale de Jérusalem mais aussi à l’annonce par B. Ne-tanyahou du plan de réhabilitation du patrimoine d’Israël incluant des lieux saints juifs situés en territoire palestinien. Ces tensions ont par ailleurs un retentissement international. Derrière les Palestiniens, se trouve le monde arabe et, plus largement, tous les pays musulmans qui les soutiennent. Derrière les Israéliens, il y a les Américains et la plupart des pays occidentaux. La ligne de partage du conflit est planétaire. Jérusalem est donc l’un des points les plus sen-sibles de la géopolitique mondiale.

d) Quelles issues ?

Le sort de la vieille ville et plus largement de Jérusalem est en réalité inti-ment lié au règlement global du conflit israélo-palestinien. Les plans de paix pour l’instant ont tous échoué ou sont gelés. Une solution est d’au-tant plus difficile à trouver que la colonisation israélienne se poursuit et que le pouvoir palestinien est lui-même divisé entre les nationalistes du Fatah, le parti de Mahmoud Abbas chef de l’Autorité palestinienne qui contrôle la Cisjordanie et les islamistes du Hamas, le parti d’Ismaël Haniyeh, l’ex-premier ministre d’Abbas qui contrôle la bande de Gaza.

Le dernier épisode en date des relations compliquées entre Israéliens et Palestiniens, l’entrée des territoires palestiniens à l’Unesco, a dé-bouché sur un nouveau durcissement israélien qui s’est traduit par de nouvelles autorisations de colonies juives à Jérusalem Est et le gel du

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24 Séquence 1 – HG00

soutien financier à l’Autorité palestinienne. On peut néanmoins énumé-rer les issues possibles du conflit. Outre le statu quo durable c’est-à-dire le maintien de la situation en l’état, deux types de solutions opposés peuvent être imaginées.

Un partage strict de Jérusalem qui serait la capitale de deux États, la vieille ville étant elle-même partagée : les quartiers arabes et l’espla-nade des Mosquées aux Palestiniens, le reste, les trois autres quartiers, à Israël. Ce plan, appelé initiative de Genève, a été proposé sans succès, en 2003 par B. Clinton, ancien Président américain, E. Barak, ancien pre-mier israélien et Yasser Arafat, chef de l’Autorité palestinienne (décédé l’année suivante en 2004).

Ou au contraire une co-souveraineté israélienne et palestinienne sur la ville, soit sur la base de deux États indépendants - l’État d’Israël et l’État palestinien - qui se partageraient la ville de Jérusalem mais qui admi-nistreraient ensemble la vieille ville, soit au sein d’une confédération is-raélo-palestinienne c’est-à-dire deux États autonomes mais chapeautés par un gouvernement commun comme les cantons dans la confédération suisse et dont Jérusalem serait, comme Berne, la capitale commune. À moins qu’on en revienne un jour au plan de partage de la Palestine de 1947 qui avait fait de Jérusalem une ville internationale sous la tutelle de l’ONU.

Les forces en présence sont incontestablement en faveur d’Israël, sur les plans militaires, politiques et économiques. Mais, face aux Palestiniens, Israël souffre d’un isolement diplomatique grandissant et il faudra suivre de près dans les prochaines années, l’impact du « Printemps arabe » sur ce conflit.

La vieille ville de Jérusalem est à la fois un carrefour, un espace-frontière. Ces deux aspects lui donnent le double visage d’une ville de rencontre où cohabitent plusieurs populations et plusieurs religions mais aussi de cité divisée où s’affrontent parfois durement les communautés. C’est aussi une ville-palimpseste qui superpose les monuments comme ces parchemins sur lesquels on réécrit après en avoir effacé les traces précé-dentes.

Elle doit cette situation à son histoire ancienne mais aussi aux évolu-tions récentes. Son sort toujours incertain intéresse les deux peuples qui s’y affrontent mais aussi, à travers les lieux saints qu’elle abrite, les milliards de « citoyens spirituels » qui la regardent. Cette vocation universelle et plurielle pourrait lui permettre le jour venu, de dépasser les enjeux politiques et nationaux qui continuent de la déchirer pour lui redonner toute sa place pour la restituer au patrimoine de l’humanité.

Conclusion

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25Séquence 1 – HG00

2 L’historien et la guerre d’Algérie

Introduction

Comme celle de l’Occupation, l’histoire de la Guerre d’Algérie, son re-nouvellement par les historiens, ont ce point commun, d’être très

fortement déstabilisés par les « batailles de la mémoire » : des mémoires contradictoires et instrumentalisées. Mémoires d’un événement qui a fracturé l’unité nationale, remis en cause la tradition démocratique et républicaine de la France, bref, révélé le « côté obscur » de la patrie des Lumières. Cette histoire ne répond-elle pas ainsi à une demande de la société ? Celle de donner des clés pour construire une France moderne qui s’interroge sur une identité en perpétuelle reconstruction, celle de Français, petits-enfants des appelés du contingent, des « porteurs de valise », des « pieds noirs », des combattants du FLN, et d’Algériens qui vivent ensemble aujourd’hui.

Plan Notions clés Compétences

A- De la guerre coloniale aux guerres civiles (1945-1954)

1. La marche vers la guerre coloniale.

a) Une colonie à part Colonie de peuplement, colons, « pieds noirs »« France hors de France »

Se repérer dans un événemen-tiel dense.Classer les événements de manière diachronique en fonc-tion des thèmes.Construire une chronologie

b) Un contexte favorable à la déco-lonisation face à la surdité de la métropole.

Seconde Guerre mondiale accélérateur des revendica-tions, répression des mouve-ments d’émancipation.

c) La radicalisation nationaliste et l’entrée en guerre.

Attentats, FLN, MNA, messa-lisme, Toussaint rouge, divi-sion du camp nationaliste.

2. De la guerre coloniale à la crise institutionnelle (1955-1958).

a) De l’échec de la pacification à l’amplification de la répression.

Pacification, Bataille d’Alger, mesures d’exception, porteurs de valise, internationalisation du conflit.

* les termes en italique

renvoient au glossaire placé à la fin du chapitre

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26 Séquence 1 – HG00

b) Le recours à l’armée d’une démo-cratie affaiblie.

c) La pétaudière algéroise finit par déstabiliser une république faible et méprisée.

Coup d’État, opération résur-rection, comité de Salut Public, Algérie française, culture « contre-terroriste », Extrême droite, gaullisme.

3. Des guerres civiles en Algérie et en France à l’Indépendance (1958-1962)

a) Un quasi coup d’État.

b) En finir avec la boîte à chagrin. Gaullisme, GPRA, paix des braves, attentat, autodéter-mination, journées des barri-cades, négociations secrètes, intellectuels, OAS, Putsch

c) La guerre civile franco-française : l’Algérie française en dissidence.

d) Une indépendance contrariée en Algérie

Massacres, harkis, clientélisme, cessez-le feu

B- Une mosaïque de mémoires contradictoires : entre amnésie et hypermnésie.

1. Des traces persistantes en France.

2. Une amnésie d’État Gauchisme, Extrême droite, mai 1968

Amnistie, crimes d’État, guerre sans nom, occultation, com-mémoration

Étudier et analyser de manière critique un témoignage audio-visuel

3. Une mémoire de la souffrance et de la perte : pieds noirs et harkis

a) Nostalgie des pieds noirs

b) Les harkis : parias de la guerre

Nostalgérie, lieux de mémoires, rapatriés, mémoires transmises, contre histoire, culture politique, anti-gaullisme, anti-communisme, sépharades, communauté, ségré-gation, rétention, revendication, mémoire occultée, révoltes.

4. Une mémoire de l’immigration algérienne : le 17 octobre 1961

Crimes d’État, répression poli-cière, police coloniale, racisme, immigration, intégration, minorés, indépendantistes en métropole.

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27Séquence 1 – HG00

Étudier une analyse d’histo-rien sur un événement occulté et les modalités de son occul-tation. Analyser des mémoires complémentaires.

5. Une mémoire confisquée et détournée : la mémoire de la guerre, enjeu de légitimité pour l’État FLN

Histoire officielle, nationa-lisme, dictature, islamisme.

C. Un passé qui ne passe pas.

1. L’historien acteur du débat public.

Intellectuel, crimes contre l’hu-manité, épuration, expertise.

2. Des mémoires indépassables et instrumentalisées

Lois mémorielles, partis poli-tiques, repentance. Guerres de mémoires.

Analyser un commentaire d’histo-rien sur la guerre des mémoires. Comprendre les mémoires comme matériaux pour l’Histoire.

3. Une histoire pourtant possible.

a) Une histoire qui reste chaude

b) L’historien refroidisseur de mémoire.

Historiographie, débats uni-versitaires, histoire officielle.

Conclusion et exercice de synthèse Réaliser un tableau synthétique

De la guerre coloniale aux guerres civiles

1. La marche vers la guerre coloniale (1945-1954)

a) Une colonie à part

Colonisée dans la difficulté et la violence à partir de 1830, seulement contrôlée dans les années 1870, l’Algérie n’est pas une colonie comme les autres. Véritable « France hors de France » (T. Judt), l’Algérie a été intégrée dans la structure administrative de la métropole sous la forme de trois départements : penser son indépendance équivalait à remettre en cause le principe sacré de l’unité nationale, encore plus dans une

A

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France à peine restaurée dans sa souveraineté. Le statut de 1947 l’a do-tée néanmoins d’une organisation particulière : E un gouverneur général représentant l’État, E une assemblée algérienne constituée de 120 représentants élus par

deux collèges élisant chacun 60 des représentants chargés du budget et d’adapter la législation métropolitaine.

Cependant, le collège « musulman » de 9 millions d’habitants élit le même nombre de représentants qu’ 1 million d’Européens.

Car, seconde originalité, l’Algérie a été conçue comme une colonie de peuplement. Les « Français » d’Algérie n’en sont pas moins un monde bigarré mais dotés d’un fort sentiment d’appartenance. Descendants de « quarante huitards » déportés, d’Espagnols, de Maltais, d’Allemands, d’Alsaciens-Lorrains ou de Juifs naturalisés au cours du XIX° siècle, ceux qu’on appellera « pieds-noirs », souvent économiquement très modestes, nourrissent un réel sentiment de supériorité relayé par le discours institu-tionnel, conforté par une métropole qui cherche à les rassurer, renforcé par la mainmise sur l’essentiel des terres les plus productives.

b) Un contexte favorable à la décolonisation face à la surdité de la métropole

Dès avant la Deuxième guerre mondiale, des nationalistes modérés comme Ferhat Abbas et Messali Hadj se font connaître des milieux poli-tiques et intellectuels. Mais leur revendication fondée sur l’égalité entre habitants de l’Algérie française reste sans écho hormis durant l’éphé-mère Front populaire de Léon Blum (projet Blum-Violette d’élargissement de la citoyenneté). La guerre modifie le contexte : avec le débarquement américain de novembre 1942, l’Algérie devient un enjeu géopolitique et stratégique : E Elle devient le cœur de la France résistante et légitime la place de la

France Libre auprès des Alliés puis des vainqueurs.E Elle devient un champ de bataille et fournit hommes et matériels à

l’effort de guerre allié.E Elle permet aux nationalistes de se revendiquer des notions de liberté

et d’égalité que justifie la guerre contre les fascismes.

Dans les années d’après-guerre, l’affirmation de l’ONU et le leadership américano-soviétique ont en commun le rejet du colonialisme s’oppo-sant à des métropoles coloniales affaiblies. Enfin, l’émancipation pro-gressive de l’Asie propose désormais un modèle.

Face à ces revendications qui se structurent, la métropole n’offre qu’une alternative : le rétablissement de l’ordre ou l’enlisement.

Le 8 mai 1945, jour de la célébration de la victoire sur le nazisme, tandis que des manifestations nationalistes sont autorisées dans de nombreuses villes, l’intervention de la police pour enlever les drapeaux algériens et banderoles nationalistes dégénère à Sétif. L’émeute gagne le Constanti-

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29Séquence 1 – HG00

nois. Une centaine d’Européens sont massacrés. La répression, aveugle, menée par les autorités entraîne la mort de 8000 à 10000 Musulmans.

Le calme revenu, le trucage des élections et l’absence des réformes pré-vues pouvant transformer la vie des masses musulmanes (sur le vote des femmes, l’enseignement en langue arabe, l’indépendance du culte musulman, le développement économique), favorisent un nationalisme qui offre sinon la prospérité au moins la dignité. Les émeutes de Sétif ont finalement cassé le lien, même ténu, qui existait entre minorité co-loniale et « indigènes », parmi lesquels, les milliers de soldats qui ont participé de manière décisive à la libération de la métropole.

c) La radicalisation nationaliste et l’entrée en guerre

Durant les années 50, les différentes organisations nationalistes s’op-posent sur les buts et les méthodes (légalité/révolution, autonomie/indépendance). Malgré les multiples tentatives d’unification, le mouve-ment indépendantiste se divise en deux camps : les messalistes autour de Messali Hadj et le Front de Libération Nationale (FLN) et sa branche armée, l’Armée de Libération Nationale (ALN), dominés notamment, des hommes d’une nouvelle génération comme Ahmed Ben Bella et Hocine Aït Hahmed.

Le 1er novembre 1954, à l’appel du FLN, quelques centaines d’hommes très mal armés opèrent des attentats dispersés et mal coordonnés. La « Toussaint rouge » est perçue comme une agitation artificielle, margi-nale, manipulée par l’étranger (l’Egypte). La Guerre d’Algérie a pourtant commencé.

2. De la guerre coloniale à la crise institutionnelle (1955-1958)

a) De l’échec de la pacification à l’amplification de la répression

De 1955 à 1956, les ministères successifs tentent de mener de front la répression contre toute velléité indépendantiste (pacification) et des réformes de fond (intégration). Dès 1955, des effectifs militaires dou-blés (83000 hommes) se lancent dans le ratissage des montagnes et des villes au cœur de l’insurrection. Les gouvernements, par la voix de F. Mitterrand ou P. Mendès-France, rejettent toute négociation, au nom de la préservation de l’unité nationale.

L’insurrection s’étendant dans toute l’Algérie, les effectifs militaires sont renforcés notamment avec l’appel à des réservistes métropolitains ré-cemment libérés du service militaire. L’état d’urgence est proclamé. La loi permet désormais de punir collectivement les villages « complices » des rebelles et d’exécuter tout homme pris les armes à la main. Les émeutes de Philippeville en août 1955 lancées par le FLN et réprimées dans le sang, sont un point de non retour de la révolution algérienne.

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30 Séquence 1 – HG00

La violence de la répression, qui plus est, souvent aveugle, a progres-sivement amené la population algérienne dans le camp de l’indépen-dance.

Les réformes lancées pour développer l’Algérie et accélérer son intégra-tion dans la République n’ont aucun effet dans ce contexte.

b) Le recours à l’armée d’une démocratie affaiblie

Le gouvernement socialiste de Guy Mollet fait de l’Algérie sa priorité. Son objectif : maintenir les liens indissolubles avec la France en respectant la personnalité algérienne. Accueilli à coup de tomates par les « pieds noirs » à Alger en février 1956, le président du conseil donne l’impres-sion de céder à l’émeute en accordant la priorité au rétablissement de l’ordre.

Fort des pouvoirs spéciaux, G. Mollet rappelle les réservistes, envoie le contingent en allongeant la durée du service militaire. Ce déploiement de 400000 hommes n’empêche pas l’ALN d’élargir son implantation et de multiplier les actes de terrorisme anti-français en particulier après les premières exécutions de ses partisans (été 1956) qui sont guillotinés. Le gouvernement Mollet multiplie les contacts secrets en vue de pourparlers et tout en cherchant à éradiquer la guérilla (enlèvement des chefs du FLN, intervention à Suez). L’échec de cette politique, la stigmatisation de la politique française à l’ONU, la structuration d’un appareil d’État algérien clandestin (congrès de la Soummam à l’été 56) amène la IV° République à faire le choix de la radicalisation : début 1957, elle confie le règlement de la question à l’armée et à ses chefs, Raoul Salan et Jacques Massu. Usant du noyautage, de l’intimidation, de la torture et des exécutions sommaires, l’armée démantèle les réseaux clandestins du FLN et de l’ALN d’abord à Alger (Bataille d’Alger), puis dans les campagnes.

Patrouille dans la Casbah (vieille ville d’Alger), février 1957© Rue des Archives / AGIP

Document 9

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31Séquence 1 – HG00

Forte des pouvoirs de police, l’armée dicte sa loi en Algérie, alors que l’instabilité ministérielle paralyse l’action des institutions les plus dé-mocratiques que la métropole ait connues depuis l’établissement de la République en 1870. Victorieuse militairement grâce à ces mesures d’exception, la France est cependant de plus en plus isolée diplomati-quement, notamment devant l’ONU et son allié États-unien. L’opinion française, quant à elle, est de plus en plus hostile au conflit. Certains milieux, anticolonialistes, intellectuels, catholiques, offrent même un soutien logistique aux agents du FLN en métropole : les « porteurs de valises ».

c) La « pétaudière algéroise » (Ch. de Gaulle) finit de déstabiliser une République faible et méprisée

Depuis 1956, une véritable culture dite « contre-terroriste » se déve-loppe en Algérie comme en métropole, où les indépendantistes multi-plient les actions. Elle regroupe des hommes d’horizons très divers. Des militaires humiliés par la défaite vietnamienne, des nostalgiques de Vi-chy obsédés par l’idée de décadence, des pieds noirs apeurés, finissent par former une coalition de jusqu’au boutistes de l’Algérie française. Ils sont vite rejoints par des fidèles du Général de Gaulle qui espèrent que le pourrissement de la situation peut favoriser le retour de leur héros et permettre d’en finir avec des institutions qu’ils rejettent depuis son établissement. Cette troupe hétéroclite va favoriser la chute de la IV° Ré-publique en quelques semaines.

Du 15 avril au 13 mai 1958, l’instabilité gouvernementale règne. La dé-signation de Pierre Pflimlin comme président du conseil qui affirme le choix de la négociation avec le FLN met le feu aux poudres à Alger. Le 13 mai, la foule des partisans de l’Algérie française déclenche une émeute à Alger, les généraux Salan, qui possède les pleins pouvoirs civils et mili-taires, et Massu, appuient les émeutiers et acceptent de présider un « co-mité de Salut public », tandis que les gaullistes font acclamer le nom de de Gaulle le 15. En coulisse, l’armée est prête à intervenir en métropole si de Gaulle n’est pas appelé au pouvoir : c’est l’opération Résurrection.

Document 10

Le général Massu acclamé par les Européens d’Algérie, le 13 mai 1958. © akg-images / ullstein bild

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3. De la quasi-guerre civile en France et en Algérie à l’Indépendance. (1958-1962)

a) Un quasi-coup d’État

Complètement averti des manœuvres militaires (la Corse est aux mains des parachutistes le 24 mai), de Gaulle se situe alors au-dessus de la mê-lée. Lors de sa conférence de presse du 19 mai, il se place en homme pro-videntiel garantissant la liberté, voulant sauver la France et la République. Il parvient à se poser en recours annonçant, le 27 mai, qu’il a entamé « le processus régulier nécessaire à l’établissement d’un gouvernement répu-blicain » alors même que Pierre Pflimlin s’est vu confirmer des pouvoirs spéciaux à une très large majorité dans le cadre de l’État d’urgence. Le 28 mai, Pflimlin démissionne. La majorité de la gauche, les syndicats, mani-festent contre ce qu’ils nomment « un coup d’État ». De Gaulle est investi le 1er Juin. Douteuse au plan légal, l’arrivée de de Gaulle est légitimée de manière indiscutable par une opinion qui lui est favorable à 67 % et une large investiture. Comme le dit, Pierre Mendès-France, père des indépen-dances tunisienne et marocaine, opposé à de Gaulle : « la IV° République a péri de ses propres fautes. Ce régime disparaît parce qu’il n’a pas su résoudre les problèmes auxquels il a été confronté. »

b) En finir avec « la boîte à chagrin » : de Gaulle et l’Algérie

La guerre d’Algérie a ramené de Gaulle au pouvoir, mais celle-ci ne cesse pas avec lui. Du 4 au 6 juin 1958, de Gaulle vient recueillir l’investiture de l’armée et des populations d’Algérie avec un but essentiel : rétablir l’ordre. Il lance à Alger son « Je vous ai compris » et invite les indépendantistes à la « paix des braves » pour participer au referendum sur la V° République. Il rassure les différentes communautés d’Algérie tant sur la pérennité de l’Algérie française que sur l’égalité des droits. Face à l’intransigeance du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) qui fait de l’indépendance un préalable, la politique en Algérie jusqu’en 1959, de Gaulle désormais président de la République, agit sur deux tableaux. Au plan militaire, le plan Challe marque l’apogée de la guerre livrée en Al-gérie contre le FLN. De Gaulle cherche ainsi à se trouver en position de force face aux indépendantistes, par une victoire sur le terrain. Au plan politique, économique et social, le plan de Constantine cherche à déve-lopper et démocratiser l’Algérie. En septembre 1959, de Gaulle propose l’autodétermination, « le gouvernement des Algériens par les Algériens », appuyé sur l’aide de la France et en union étroite avec elle. Le GPRA et le gouvernement français entament alors des négociations secrètes.

c) La guerre civile franco-française : « l’Algérie française en dissidence »

Dès juin 1958, le retour de de Gaulle au pouvoir était apprécié de ma-nière ambivalente. Pour la majorité des Français, il incarne le sauvetage de la République et la paix civile. Pour les autres, en particulier, l’armée

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33Séquence 1 – HG00

et les pieds-noirs, tout son passé semble dire que le Salut de l’Algérie française sera l’un de ses buts essentiels. Pour ces derniers, les évolu-tions de la politique gaullienne vers l’autonomie puis finalement l’indé-pendance apparaît comme une trahison. En janvier 1960, le renvoi du général parachutiste Massu, la reprise des actions du FLN dans les villes, et le refus de l’autodétermination, entraînent l’édification de barricades par les Français d’Alger ; bilan : huit morts parmi les émeutiers, 14 parmi les gendarmes mobiles.

Désormais, la guerre d’Algérie devient un billard à quatre bandes : l’État, le FLN, les extrémistes de l’Algérie française et les défenseurs métropoli-tains de l’indépendance.

Les pourparlers de Melun avec le GPRA amplifient encore les clivages no-tamment dans le monde intellectuel : au manifeste des 121 (J.P. Sartre, E. Morin…) qui affirme le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie, répond un manifeste des 189 (R. Girardet…) qui condamnent « les pro-fesseurs de trahison. »

À Alger, les partisans de l’Algérie française se regroupent dans le Front de l’Algérie française autour du général Jouhaud et du général Salan. En décembre 1960, le FAF organise une grève générale dans toute l’Algérie à laquelle répond des manifestations pro-FLN : le bilan s’élève à 120 morts presque tous musulmans.

Le succès du referendum sur l’autodétermination de janvier 1961 et l’ouverture de négociations à Évian avec les indépendantistes, la dis-solution des FAF, amènent les ultras de l’Algérie française, rejoints par des éléments radicaux d’extrême-droite, à fonder l’Organisation Ar-mée Secrète (OAS) pour organiser un coup d’État à Alger et Paris. Si le putsch de Paris est vite étouffé, le 22 avril les parachutistes s’empa-rent d’Alger sous le commandement des généraux Salan, Zeller, Challe et Jouhaud.

Dénoncé, dans les medias audio-visuels, comme « un pronunciamento militaire » animé par un « quarteron de généraux en retraite » par un de Gaulle en uniforme, et en proie à l’hostilité du contingent, le coup d’État fait long feu.

Cependant l’OAS devient le seul espoir d’une large part des Français d’Algérie. Elle se lance dans l’action terroriste contre toute forme d’op-position à ses objectifs en Algérie comme en métropole : FLN, officiers, policiers, fonctionnaires, soutiens à l’indépendance algérienne. Une fois les accords d’Évian du 18 mars 1962 signés et acceptés, en métropole, par referendum, le cessez-le-feu entré en vigueur, l’OAS déchaîne une véritable guerre civile en Algérie et la stratégie de la terre brûlée. Tandis que 800000 Européens quittent l’Algérie, les desperados de l’OAS se lancent dans le projet d’assassiner le chef de l’État. L’attentat du Petit Clamart échoue en août 1962 mais les complots contre sa personne se poursuivent jusqu’en 1965.

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34 Séquence 1 – HG00

d) Une indépendance contrariée en Algérie

Le mouvement nationaliste algérien n’a jamais été uni. Dès 1956, les dis-sensions prennent une dimension violente entre le FLN et le Mouvement na-tional algérien de Messali Hadj, très implanté chez les Algériens de France, pour le contrôle des nationalistes de métropole. En Algérie, le FLN et le GPRA cherchent par tous les moyens à réduire une guérilla concurrente.

Depuis 1958, de très fortes dissensions minent le GPRA. Cette crise in-terne s’accompagne de l’élimination « des suspects » de trahison, de massacres de villages. Les pourparlers de Melun et leur échec s’accom-pagnent de règlements de comptes sanglants au sein de la branche al-géroise de l’ALN.

En 1960, les tensions à l’intérieur du mouvement indépendantiste se mul-tiplient. Les chefs de l’ALN comme Boumediene reprochent la mollesse du GPRA. Après les accords d’Évian, doit s’effectuer le transfert des res-ponsabilités de l’État colonial vers les nouvelles instances algériennes. La confusion est générale. L’organisation indépendantiste est extrêmement complexe, les dirigeants divisés. En attendant le nouvel État, les pratiques clientélistes, régionalistes s’installent d’autant plus que l’ALN enrôle massivement des volontaires de la dernière heure. Le 1er juillet, l’auto-détermination est acceptée en Algérie par referendum. Le 3, la France re-connaît l’indépendance de l’Algérie et transmet le pouvoir au GPRA. Mais celui-ci est incapable de faire régner l’ordre. Le FLN est en proie à une lutte pour le pouvoir entre fidèles au GPRA et « bureau politique » du FLN animé par Ben Bella et Boumediene. L’anarchie règne. Les assassinats de Fran-çais comme à Oran, les exécutions massives de Harkis, les affrontements au sein de la mouvance indépendantiste se multiplient. Finalement, la si-tuation ne se stabilise qu’au cours de l’automne.

Manifestation de joie, le jour de l’indépendance, le 3 juillet 1962

© Rue des Archives / AGIP

Document 11

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35Séquence 1 – HG00

Recopier et compléter le tableau suivant à l’aide de l’en-semble des événements évoqués dans cette première partie.

Dates Guerre colonialePolitique inté-

rieure françaiseÉvénements

d’AlgérieMouvements

indépendantistes

Dates Guerre coloniale Politique inté-rieure française

Événements d’Algérie

Mouvements indépendantistes

Novembre 1942 Débarquement américain en Algé-rie, Alger capitale de la France Libre

8 mai 1945 Émeutes de Sétif 1er novembre

1954 Toussaint Rouge, début de l’insur-

rection. Eté 1955 Émeutes de Philip-

peville. Février 1956 Envoi du contin-

gentGuy mollet au

pouvoirJournée des

tomates à Alger Eté 1956 Exécutions de

nationalistes par la justice fran-

çaise. Congrès de la Soummam

Janvier 1957 Début de la Bataille d’Alger

1958 Règlement de compte sanglant à l’intérieur du

FLN, massacres de villages partisans

du MNA Avril, mai 1958 Instabilité minis-

térielle, Pflimlin envisage les

négociations avec les nationalistes

13-15 mai 1958 Émeutes à Alger Émeutes à Alger. Comité de Salut

public. Appel à de Gaulle

20-27 mai 1958 Opération Résur-rection

1er juin 1958 De Gaulle investi président du

Conseil

Exercice de synthèse

Réponses

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36 Séquence 1 – HG00

4 juin 1958 De Gaulle en Algérie : discours

du « je vous ai compris »

Septembre 1958 De Gaulle « offre la paix des

braves » aux nationalistes.

Référendum acceptant la Vème

République

1959 Plan Challe Septembre 1959 De Gaulle propose

l’autodétermina-tion

Négociations secrètes GPRA/Gouvernement

françaisJanvier 1960 Journées des bar-

ricades à Alger Tensions au sein

du GPRADécembre 1960 Grèves générales

des partisans de l’Algérie française

Manifestations pro FLN

Janvier 1961 Succès référen-dum sur l’autodé-

termination Avril 1961 Putsch des géné-

raux 18 mars 1962 Accords d’Évian :

indépendance de l’Algérie.

Août 1962 Attentat OAS du Petit Clamart

Eté 1962 Violence en Algérie contre

les Harkis et les Européens. Fuite des Européens.

Une mosaïque de mémoires : entre amnésie et hypermnésie

La guerre d’Algérie a touché le quart de la population française. Il n’y a pourtant pas eu de récit commun, pas de mémoire nationale des « évé-nements d’Algérie », auxquels l’État français refuse le qualificatif de « guerre » jusqu’en 1998. Mais il serait faux de penser que la guerre d’Algérie a été évacuée des consciences collectives. S’il n’y a pas eu d’Histoire de la guerre d’Algérie et de ses acteurs, le passé est resté présent dans des mémoires individuelles, collectives, complémen-taires, opposées, mais aussi par des traces, des échos, dès l’immédiat après-guerre.

B

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37Séquence 1 – HG00

1. Des traces persistantes en France

La première marque de la guerre d’Algérie est démographique : la po-pulation française grossit en quelques semaines de 1962 de près d’1,1 million rapatriés d’Algérie. Mais cette marque est aussi matérielle en mé-tropole : jusque dans les années 1970, les immeubles portent encore les slogans « FLN » ou « OAS ». En Algérie, les traces des attentats et des combats tardent à s’effacer dans un pays économiquement exsangue. Les inscriptions en français et l’architecture rappellent quotidiennement la présence coloniale. Le pays est parsemé de camps militaires aban-donnés, de barbelés, de mines non explosées ; les frontières avec le Maroc et la Tunisie restent minées.

Graffiti sur les murs de Paris, septembre 1962

Dans le domaine judiciaire, l’amnistie est prononcée pour les membres de l’OAS condamnés, en juillet 1968.

Car, la marque essentielle de la guerre d’Algérie s’ex-prime d’abord dans le domaine politique. Elle a été un facteur de détermination politique en provoquant une rupture à droite comme à gauche. La gauche non-communiste s’est divisée entre une vieille SFIO em-bourbée dans la guerre coloniale, et une « nouvelle gauche » ayant milité sinon pour l’indépendance, du moins contre les exactions de l’armée française (le Parti socialiste unifié).

La Guerre d’Algérie a participé à la formation d’une génération dans les manifestations lycéennes ou étudiantes contre la guerre ou en faveur de l’Algérie française. Tout d’abord, les modes d’action que l’on

retrouve du milieu des années 60 au milieu des années 70 (collabora-tion avec les syndicats, organisation de fronts, action clandestine) sont initiés dans le cadre de la guerre d’Algérie. Ensuite, les déterminations politiques sont en partie des héritages de cette période. Par exemple, le gauchisme trouvait dans la lutte contre l’impérialisme américain (guerre du Vietnam) une continuité de la lutte contre le colonialisme français. Mai 68 multiplia les références au « coup d’État » de mai 58 et à la ré-pression de la manifestation anti–OAS de février 1962 qui vit périr 9 mi-litants communistes au métro Charonne. Les anciens ultras de l’Algérie française pouvaient, quant à eux, se trouver dans la mouvance des mou-vements étudiants d’extrême droite comme « Occident » voire à l’origine du Front national créé en 1972 autour des figures de Jean-Marie Le Pen et de l’ancien parachutiste membre de l’OAS, Roger Holeindre. Il faut donc nuancer le fait que l’Algérie a été effacée des mémoires, même si l’État en a effectivement organisé l’oubli.

Document 12

© Roger-Viollet

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38 Séquence 1 – HG00

2. Une amnésie d’État : la « guerre sans nom » en France

La mémoire de la Guerre d’Algérie en France se définit du côté officiel par une mémoire de l’occultation1 et du silence. L’État n’a pas dénommé les événements qui sont restés officiellement « des opérations de maintien de l’ordre » jusqu’en 1998.

Cette amnésie d’État s’explique d’abord par le contexte des années 1960, notamment par les conditions de la mise en place des institutions entre 1958 et 1962 et la figure du chef de l’État. À l’époque, intégrer la mémoire de la guerre d’Algérie, ravive les circonstances plus que troubles au plan légal de la prise du pouvoir par de Gaulle. De même la position du Général sur l’Algérie interpelle. Avait-elle varié au gré des circonstances ? Était-il convaincu, dès 1958, des nécessités de l’indé-pendance ? En cela le discours du « Je vous ai compris » relève de la ma-nipulation voire, pour les partisans de l’Algérie française, de la trahison.

Cette amnésie s’est accompagnée d’une amnistie, oubli juridique clas-sique de l’Histoire de France (1881 pour les Communards, 1952 pour les collaborateurs). Une amnistie réciproque concernant les crimes de guerre - preuve qu’ils avaient bien existé dans les deux camps- était prévue par les Accords d’Évian en 1962, elle fut suivie par celle « des porteurs de valise ». Celle des partisans de l’OAS fut complète en juillet 1968 après la grâce accordée aux condamnés emprisonnés (comme Sa-lan) : c’était le prix à payer pour une union des droites face au mouve-ment de mai 68 et aux élections législatives qui suivaient. En 1982, la gauche au pouvoir finalisait le processus en réinsérant les fonctionnaires vétérans de l’OAS. Cette continuité de Gaulle - Mitterrand montre que la ligne de partage politique sur l’Algérie est bien plus complexe qu’une simple ligne droite/gauche, mais aussi que l’amnistie répond à la vo-lonté des chefs de l’État de la Ve République de préserver, à tout prix, l’unité nationale.

Le général de Bollardière, seul officier supérieur à dénoncer la torture, sanctionné de soixante jours d’arrêts de forteresse pour s’être exprimé dans la presse contre l’usage de la torture, n’a quant à lui jamais été ré-habilité. Car, c’est une autre explication à l’oubli officiel, la France, patrie des Droits de l’Homme et de la Résistance, ne pouvait être aussi celle de la torture, des crimes de guerre couverts ou organisés par la hiérarchie militaire.

Cette amnésie d’État entre nécessairement en tension avec le souvenir dans les têtes et dans les corps, d’ 1,2 million de jeunes hommes qui ont passé au moins 24 mois en Algérie, confrontés à la violence subie et/ou donnée, au deuil du camarade tué, à la participation à des crimes de guerre. La guerre apparaît inutile à ces hommes : il n’y a pas de héros,

1. Occultation : fait de cacher volontairement tout ou partie d’un événement.

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pas de reconnaissance. Au contraire, l’opinion les considère au mieux comme une génération sacrifiée, au pire comme des vaincus, des traîtres ou des tortionnaires. L’État ne leur confère pas le statut de combattant à l’égal de ceux des deux guerres mondiales. Il faut attendre 1974 pour que les vétérans de ce conflit obtiennent un titre de reconnaissance de la nation et 1977 pour l’inhumation du soldat inconnu de la guerre d’Al-gérie à Notre Dame de Lorette dans le Pas-de-Calais.

Extrait de l’émission Pièces à conviction, France 3, 27 juin 2011Dans votre moteur de recherche, en mode vidéo, allez sur le site de l’Ina et tapez la phrase : les ex-appelés de la guerre d’Algérie, ouvrez sur la première vidéo.

Au travers de ces témoignages, montrez dans un premier temps de quels types de crimes de guerre ont été responsables les appelés du contingent, et dans un second temps, le traumatisme persistant de ces hommes.

Les crimes des appelés du contingent évoqués dans ce documentaire ne sont pas explicitement exposés : les appelés évoquent leur mau-vaise conscience, parfois leur volonté d’oublier. Les crimes princi-paux énoncés sont les homicides, résultant souvent des sévices exer-cés sur les Algériens. En effet, la torture est régulièrement pratiquée contre les Algériens arrêtés (« rafles »), entassés (ici un « hangar »), de jour comme de nuit, pendant une semaine d’affilée ; dans l’ex-trait, sont évoqués les mutilations, les cris. Enfin, les injures racistes (« raton ») sont citées par l’un des appelés. Ces crimes sont motivés par les ordres de la hiérarchie militaire, ou par la haine contre un en-nemi qui a pu tuer l’un de ses camarades (25 000 morts dans l’armée française).

Les anciens appelés apparaissent ici comme traumatisés. Le souvenir ne peut s’effacer, un sentiment de responsabilité, sinon de culpabilité, parfois de lâcheté devant les crimes commis, a envahi leur conscience. Le souvenir des cris des torturés, leur solitude d’hier et d’aujourd’hui, la reconnaissance de leur traumatisme, constituent les ressorts de l’émo-tion présente dans l’extrait.

3. Une mémoire de la douleur et de la perte : pieds noirs et harkis

Le terme « rapatriés » employés par les autorités françaises est impropre car la majorité des harkis et pieds noirs ne connaissent pas la France. Ce sont quelques 930 000 Européens et 140 000 harkis et leur famille qui débarquent en masse en France au printemps / été 1962, finalisant un exode qui a débuté dès 1960.

Document 13

Exercice

Réponses

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a) La nostalgie des Pieds noirs

Affiche de 1962 par Jean Brunier dit Janbrun, qui encourage les Français à accepter les pieds noirs d’Algérie, éditée par le mouvement d’entraide et de solidarité pour les Français d’Outre-mer, présidée par l’écrivain Jules Romain.

© Rue des Archives / PVDE

À leur arrivée en métropole, les pieds noirs font l’objet d’un rejet ou d’un oubli par la société française. Assimilés aux « gros colons » violents et

Document 14

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racistes, ils sont pour une partie de l’opinion les fauteurs d’une « sale » guerre, d’une défaite. Les autorités sont elles-mêmes très méfiantes face à l’arrivée de populations à la réputation d’instabilité -notamment les jeunes- qui ont pu s’illustrer dans les manifestations pour l’Algérie française et qui pourraient grossir les rangs de l’OAS. Ils sont accueillis par les slogans hostiles des dockers. Gaston Deferre, maire socialiste de Marseille, ancien ministre de l’Outre-mer (qui avait initié la décolo-nisation de l’Afrique subsaharienne par la loi cadre de 1956), proclame « que les pieds noirs aillent se réadapter ailleurs ».

Dans la mémoire des pieds noirs se cristallisent désormais deux douleurs complémentaires : celle du désespoir d’être arraché à la terre natale, mais aussi celle d’un accueil indifférent, méfiant voire hostile, de la part des mé-tropolitains. Ces groupes de « rapatriés » ont ainsi développé la « Nostalgé-rie », faisant de l’Algérie française un âge d’or, un pays de cocagne dans le-quel les communautés vivaient dans une harmonie et une complémentarité. Cette tendance s’est exprimée au plan culturel au travers d’artiste comme Enrico Macias (Adieu mon pays, 1963), dans la filmographie du cinéaste A. Arcady (Le coup de sirocco, 1979) par la multiplication d’ouvrages nos-talgiques. Elle est lisible au plan géographique dans la très forte implanta-tion des pieds noirs sur les bords de la Méditerranée. Cette nostalgie s’est souvent accompagnée d’une véritable « contre histoire » de la colonisation et de la guerre, déniant l’aspiration du peuple algérien à la souveraineté et survalorisant les crimes du FLN. Au plan politique, elle s’est déclinée par un antigaullisme et anticommunisme aussi virulents l’un que l’autre.

Les pieds noirs ont aussi construit des lieux de mémoire d’une Algérie française disparue, qui sont autant de « petites Algéries » pour les « exi-lés ». Ainsi la Chapelle du Mas-de-Mingue, à Nîmes, permet, dès 1966, de reprendre le pèlerinage de la Vierge autour de la statue rapatriée de Notre-Dame de Santa Cruz qui dominait Oran. Elle accueille, toujours, les retrouvailles de plus de 100000 personnes autour d’un deuil impossible. Cette mémoire est destinée, sinon à s’effacer avec la disparition program-mée de ceux qui ont vécu l’Algérie française, à se maintenir de manière artificielle, par sa transmission auprès des jeunes générations de descen-dants de pieds-noirs (multiples sites internet comme Jeunes Pieds Noirs).

Parmi les rapatriés, ceux issus de la communauté juive ont une histoire spécifique. 220000 à la veille de l’Indépendance, ils sont, pour la plu-part descendants, d’un groupe ayant obtenu la citoyenneté française en 1870 par le décret Crémieux, annulé par le régime de Vichy de 1940 à 1943. Les Juifs d’Algérie sont un vecteur de transformation d’une com-munauté métropolitaine jusque-là essentiellement ashkénaze. En ma-jorité sépharades, ils n’ont pas connu directement le traumatisme de la persécution et de l’extermination des années d’Occupation. Plus centrés sur la « communauté », ils sont majoritairement moins jacobins, moins universalistes, plus religieux- plus attachés à la politique extérieure is-raélienne- que les Juifs d’origine métropolitaine baignés d’une culture républicaine, démocratique et laïque qu’ils ont participé à fonder tout au long du XIX° siècle.

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b) Les Harkis : les parias de la guerre

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Départ des harkis et de leur famille depuis le port de Bône (aujourd’hui Annaba) en juillet 1962. « Harki » est devenu, progressivement, un terme générique englobant la totalité des Algériens engagés dans l’armée française comme supplétifs. Au sens strict, il ne s’agit que d’une partie de ses hommes, apparte-nant à des « harkas », unités formées à partir de 1955, pour renforcer les forces de l’ordre. Ces hommes, originaires du « bled », des montagnes, sont le plus souvent des journaliers embauchés pour un temps limité à des opérations déterminées, atteignent 120000 hommes en 1960. Les harkis, sont, du temps même de la guerre, objet d’un débat entre une hiérarchie militaire qui s’en méfie et des hommes politiques qui y voient un argument pour convaincre la population de demeurer française. Le groupe n’est d’ailleurs pas sans ambiguïté. Réputés pour leur violence, certains sont d’anciens du MNA cherchant à se venger du FLN, d’autres sont soupçonnés de jouer double-jeu en fournissant des armes à l’ALN. La plupart ont d’abord le souci de toucher un salaire : une minorité choi-sit de s’engager avec l’armée française en mars 1962. Cependant, dès avril 1962, les premières menaces et violences subies par les « harkis »

Document 15

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poussent des officiers français à organiser leur « rapatriement » en mé-tropole. Ils sont sanctionnés par le ministre Louis Joxe qui demande le renvoi des supplétifs débarqués en France, alors que le massacre de ceux qui sont restés en Algérie fait entre 10000 et 60000 victimes.

L’absence de considération de l’État et de de Gaulle vis-à-vis des Harkis s’explique par trois raisons : tenir les engagements des Accords d’Évian, éviter un apport massif de population potentiellement favorable à l’Algérie française, limiter l’arrivée « d’immigrés » en France au nom de la préser-vation d’une pseudo-identité française. En 1965, l’administration évalue à 66000, le nombre de harkis rapatriés. Pour y faire face, six camps sont ouverts à la hâte dans des lieux parfois chargés d’une lourde mémoire, comme le camp de Rivesaltes, ouvert pour accueillir les réfugiés espagnols en 1938, emprisonnant les juifs étrangers en 1940, camp de rétention des indépendantistes algériens de métropole durant la guerre d’Algérie. Les conditions de vie y sont précaires (tentes, absence d’eau, d’électricité) : le camp du Larzac doit être déplacé au sud, à l’automne 1962 à cause du froid. Des hameaux forestiers sous commandement militaire et des cités d’urgence faites de baraquements sont créés au milieu des années 60.

La précarité, l’absence de reconnaissance des autorités, la scolarisation ségrégative des enfants, entraînent dès 1975 la multiplication des ré-voltes, des manifestations, des grèves de la faim. La première réponse apportée est celle de la dispersion. Dans les faits, la situation est figée : en 1981, 28 500 personnes soit 3 560 familles vivent encore dans 65 zones à forte concentration. La loi de 1987, prévoit l’attribution de pen-sions, mais ne répond en rien au désir de reconnaissance de ces popula-tions qui ne sont ni d’Algérie, ni de France et qui ne bénéficient pas des combats menés, notamment à gauche, pour la défense des immigrés. En 1991, la révolte des « enfants de harkis » part de Narbonne pour gagner l’ensemble du territoire. Les lois de 1994 et de 2001 reconnaissant le rôle et la douleur des harkis permettent enfin de mettre en lumière un des « points aveugles » de la mémoire nationale.

4. Une mémoire de l’immigration algérienne : le souvenir de la violence d’État, le 17 octobre 1961

La mémoire des Algériens de France est longtemps restée dans la sphère privée. L’image qui reste des conditions de vie des Algériens - comme de celle des immigrés en général - dans les années 1950-1960 est celle des bidonvilles (43 % des Algériens y vivent en 1964). À la précarité de leurs conditions de vie, s’ajoute la violence de la répression policière d’« une métropole en guerre » (Raphaëlle Branche). Dès avant novembre 1954, suite à la manifestation sanglante de Nord -Africains de juillet 1953 (7 morts), la préfecture de police de Paris amplifie le contrôle des Algériens, contrôle justifié, notamment, par des stéréotypes racistes sur leur ten-dance à la délinquance. Le déclenchement de l’insurrection de la Toussaint 1954 va systématiser la répression contre les Algériens de la métropole au

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nom de la chasse aux nationalistes. La nomination de Maurice Papon en mars 1958, comme Préfet de police de Paris va parachever le « mouve-ment de recréation d’une police coloniale », (Emmanuel Blanchard), une véritable structure de police d’exception dédiée à une guerre « contre-ré-volutionnaire ». L’objectif est d’insécuriser la communauté algérienne par la terreur pour la soustraire à l’influence FLN : contrôles d’identités, ar-restations, interrogatoires brutaux accompagnés d’humiliations, insultes racistes sont le lot quotidien des Algériens. Les caves du commissariat de la Goutte d’Or à Paris deviennent un lieu de torture destinés aux suspects de sympathies pro-FLN. Le système est finalisé par la création de camps d’assignation. L’année 1961 voit culminer la violence d’État.

17 octobre 1961, « ce massacre a été occulté de la mémoire collective ». Le Monde du 17.10.2011, propos recueillis par Soren Seelow

À cinq mois de la fin de la guerre d’Algérie, le 17 octobre 1961, […] des dizaines de milliers d’Al-gériens manifestent pacifiquement à Paris contre le couvre-feu qui les vise depuis le 5 octobre et la répression organisée par le préfet de police de la Seine, Maurice Papon. La réponse policière sera terrible. Des dizaines d’Algériens, peut-être entre 150 et 200, sont exécutés. Certains corps sont retrouvés dans la Seine. Pendant plusieurs décennies, la mémoire de cet épisode majeur de la guerre d’Algérie sera occultée. L’historien Gilles Manceron, auteur de La Triple Occultation d’un massacre, explique les mécanismes qui ont contribué à cette amnésie organisée.

Pourquoi la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 a-t-elle été occultée pendant si longtemps ? Il s’agit d’un événement d’une gravité exceptionnelle, dont le nombre de morts a fait dire à deux historiens britanniques qu’il s’agit de la répression d’État la plus violente qu’ait jamais provoquée une manifestation de rue en Europe occidentale dans l’histoire contempo-raine.[…] Il me semble tout d’abord qu’il y a une volonté de faire le silence de la part des auto-rités françaises. En premier lieu, bien sûr, les autorités impliquées dans l’organisation de cette répression : le préfet de police de la Seine1, Maurice Papon, le premier ministre, Michel Debré, ainsi que Roger Frey, ministre de l’intérieur. Mais également le général de Gaulle, qui [… ] a néan-moins voulu tirer le rideau sur cette affaire et fait en sorte que les Français passent à autre chose.

Par quels moyens le pouvoir a-t-il réussi à imposer le silence, et donc cette amnésie ? Sur le moment, il y a eu censure de la presse […]. Et puis très vite, les instructions judiciaires ont été closes sans aboutir […], elles ont toutes débouché sur des non-lieux. […] ; des décrets d’am-nistie, qui couvraient les faits de maintien de l’ordre en France, une difficulté à accéder aux archives, l’épuration d’un certain nombre de fonds... tout cela a contribué à ce phénomène d’oc-cultation jusqu’à la fin des années 1970. […]

Cinquante ans plus tard, il existe encore une confusion entre le 17 octobre 1961 et la manifes-tation de Charonne, le 8 février 1962, au terme de laquelle neuf personnes ont trouvé la mort... La mémoire de Charonne, une manifestation pour la paix en Algérie et contre les attentats de l’OAS – mais pas pour l’indépendance ! –, s’est superposée à celle d’octobre 1961. Il faut dire que la gauche française a eu plus de réactivité par rapport à la violence qui s’est déployée lors de la manifestation de Charonne, qu’elle avait organisée (PCF, Ligue des droits de l’homme). [ …]

1. La Seine : ici, département correspondant à Paris

E E

Document 16

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1 Résumez en quelques lignes ce qu’il s’est passé le 17 octobre 1961 à Paris, quel a été le bilan, et quelle a été la réaction des autorités françaises.

2 Comment les autorités françaises ont-elles cherché à « enterrer » cet événement, et à en empêcher la mémoire ? À votre avis, pourquoi cette amnésie volontaire ?

3 Recherchez ce qui s’est passé à la station de métro Charonne, le 8 février 1962. Comment expliquez-vous que cet événement ait occulté le précédent événement des mémoires ?

4 Quels sont les acteurs de la réhabilitation de la mémoire de la mani-festation de 1961 ?

1 La reprise des attentats du FLN contre la police provoque une colère dans la police exploitée par M. Papon pour intensifier la terreur contre les Al-gériens dès l’automne (opération de nuit dans les bidonvilles, couvre-feu pour les Algériens…) qui apportent déjà son lot de cadavres algériens re-trouvés dans les rivières. La manifestation du 17 octobre 1961 parachève un cycle de violences (cf. supra) : 30 000 Algériens désarmés (le service d’ordre du FLN s’en est assuré) se rendent en plein cœur de Paris pour protester contre les mesures discriminatoires à leur encontre. La police déchaîne sa répression : matraquage à mort, tir sur la foule, les corps jetés dans la Seine dérivent jusqu’à Argenteuil et Gennevilliers en amont (120 morts ?). 11 500 Algériens sont envoyés en car vers des centres de détention. Loin d’être un accident ou le fruit des circonstances, les vio-lences du 17 octobre se sont nourries d’une longue accoutumance aux brutalités et au racisme, encouragées par les autorités.

2 Les autorités françaises, à différents échelons, ont pratiqué la censure de la presse, ont paralysé l’action de la justice et ont rendu difficile l’accès aux sources de connaissance de l’événement (archives…).

Le plus surprenant, c’est que la mémoire de Charonne ait occulté celle du 17 octobre y compris au sein de certaines familles algériennes... Oui. La famille d’une des victimes du 17 octobre, une jeune lycéenne, qui devait avoir 15 ou 16 ans, Fatima Bédar, dont on avait retrouvé le corps dans le canal Saint-Martin, a longtemps cru et répété qu’elle était morte à Charonne. […]

Comment s’est finalement faite toute la lumière sur l’ampleur du massacre ? À travers des pu-blications, notamment, […] ; des travaux d’historiens comme La Bataille de Paris, de Jean-luc Einaudi [1990, Seuil], ont joué un rôle. Et puis avec la constitution d’une association, « Au nom de la mémoire », par des enfants issus de l’immigration algérienne, la mémoire a commencé à émerger. […]

Cinquante ans après les faits, l’État français a-t-il reconnu sa responsabilité ? Il y a une recon-naissance de la part de collectivités locales, notamment la mairie de Paris en 2001 [..] Et le cinquantenaire, cette année, va être marqué par toute une série d’initiatives, dont un boulevard du 17-Octobre devant la préfecture des Hauts-de-Seine, à Nanterre. Mais de la part de l’État, il n’y a toujours aucun signe de reconnaissance.[…]

© Le Monde

Questions

Réponses

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3 Aussi marquante soit-elle, et malgré les dénonciations immédiates de la presse communiste et humaniste, c’est un autre événement qui va s’inscrire durablement dans les mémoires collectives : la violente répression de la manifestation anti OAS unitaire de la gauche poli-tique et syndicale le 8 février 1962. Au métro Charonne, la police se déchaîne sur les manifestants bloqués dans l’escalier menant à la sta-tion fermée par les grilles. On relève 9 morts dont un jeune de 16 ans. Le 13 février, 500 000 personnes manifestent lors des funérailles des victimes. Charonne devient un lieu de mémoire dans lequel se dissout le 17 octobre 1961. Porté par un Parti communiste qui représente le cinquième de l’électorat, symbole de l’unité des gauches, transformé en slogan en mai 1968, médiatisé par un monde intellectuel orienté à gauche, la mémoire de Charonne s’est imposée jusqu’au début des années 1980. À partir des années 1990, l’anamnèse (la remise en mé-moire) de la guerre d’Algérie, fait entrer le 17 octobre en concurrence avec Charonne. Depuis une dizaine d’années, on assiste à un véri-table retournement de mémoire au profit du 17 octobre. L’effacement du PCF, la montée de la problématique coloniale, de celle des « mi-norés » (Pap N’diaye) issus de l’immigration qui s’imposent dans les débats politiques et sociaux a donc valorisé une autre mémoire de la guerre d’Algérie, mais qui reste fondée sur le souvenir de la violence d’État, aussi démocratique soit-il.

4 Ce sont d’une part, les historiens, et d’autre part, des Algériens im-migrés en France, par le biais d’une association « Au nom de la mé-moire ». De manière plus générale, la lutte anti-coloniale a été un lieu d’apprentissage de lutte politique. Les immigrés ont participé aux grèves de mai 68 et des années 1970, affichant, aux côtés des revendications traditionnelles du monde ouvrier, des demandes spé-cifiques comme l’arrêt des discriminations, un programme d’alpha-bétisation, un régime unique de sécurité sociale. Cette participation aux luttes les expose d’ailleurs à une répression spécifique de la part des forces de l’ordre : matraquages, ratonnades dans les foyers de travailleurs immigrés. La vie des banlieues a pu voir ressurgir ponc-tuellement le passé colonial. Les tensions qui animent la cité Olivier de Serres à Villeurbanne, montrent à quel point la mémoire de cette répression reste encore vive au début des années 1980. A la présence massive et constante des CRS répond une pétition qui affirme : « La guerre d’Algérie reprend donc par la faute des pouvoirs publics […]. »

5. Une mémoire confisquée, instrumentalisée, détournée : la mémoire de la guerre d’Algé-rie, enjeu de légitimité pour l’État FLN

Amorcée dès 1962 par le programme FLN de Tripoli, l’écriture d’une mé-moire officielle de la Guerre d’Algérie a été confirmée après la prise du pouvoir par les militaires dirigés par Houari Boumediene en 1965. L’État algérien décide d’effacer des pans entiers de l’histoire de l’indépen-

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dance algérienne. Le poids des masses paysannes et urbaines, le rôle de l’immigration et de la fédération française du FLN, la tribune offerte par les institutions internationales sont ainsi marginalisés au profit du seul rôle de l’« armée des frontières » dirigée par Boumediene. La natio-nalisation de l’histoire enseignée par son arabisation, la création d’un centre national de recherche historique puis son habilitation à limiter les recherches historiques a encouragé la production d’une série d’œuvres hagiographiques perpétuant une geste révolutionnaire, manichéenne opposant traître et héros, occupants et libérateurs. Jusqu’au milieu des années 1980, on peut parler d’une commémoration permanente de cette histoire de la révolution algérienne, aseptisée, avec pour devise centrale : « un seul héros, le peuple ».

Timbres commémorant le Congrès de la Soummam, acte fondateur de l’État algérien moderne et pilier déterminant pour la réussite de la Ré-volution algérienne.

© Rue des Archives / Tal

Cette volonté de promouvoir une vision anonyme de la guerre d’Algé-rie s’explique par l’élimination des principaux chefs de l’indépendance des manuels scolaires, des plaques des noms des rues suite au coup d’État de Boumediene. Les règlements de compte entre Algériens, les tensions, parfois meurtrières, entre les différents partis nationalistes étaient occultées. La guerre d’indépendance est donc devenue l’objet d’une commémoration officielle, obsessionnelle, systématiquement

Document 17

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organisée pour légitimer l’État, le régime et ses dirigeants. Les grands traits de cette histoire officielle sont d’ailleurs fixés par des textes offi-ciels comme la Charte nationale de 1976 et la constitution de 1989.

Un passé qui ne passe pas :une histoire impossible face à des mémoires indépassables ?

On oppose souvent la mémoire à l’Histoire. La mémoire est, on l’a vu, la présence, sensible, du passé dans les sociétés, les groupes sociaux et politiques, chez les individus. Elle est subjective, plurielle, sans cesse réinterprétée, reformulée- en particulier avec l’éloignement de l’expérience vécue, l’enjolivement, ou la dramatisation des souvenirs. La mémoire, ou plutôt, les mémoires, seraient sélectives, partielles et partisanes. Au contraire, l’Histoire se voudrait objective, fondée sur la pluralité des sources- et notamment les archives - la confrontation de celles-ci, leur analyse scientifique. L’Histoire serait, en principe, débar-rassée de l’émotion et de la passion partisane. Elle met à distance et en perspective les événements. Cependant -et encore plus lors qu’il s’agit d’Histoire du temps présent - la distinction entre Histoire et mémoire est plus complexe : les historiens ont pu être les contemporains plus ou moins actifs du passé qu’ils étudient. Mais surtout, ils peuvent de-venir les enjeux d’une « mémoire qui n’est pas encore refroidie » (C. De-lacroix). Les historiens peuvent être prisonniers des enjeux de mémoire. Cinquante ans après sa fin, la Guerre d’Algérie semble suffisamment éloignée de nous pour devenir un événement qui appartient à l’histoire. Pourtant, malgré l’éloignement, la disparition de nombre de ses acteurs, elle est encore, le plus souvent, considérée comme relevant d’un devoir de mémoire, de justice. Elle reste un instrument aux mains de politiques français cherchant les faveurs électorales de l’une des communautés héritières de l’une des mémoires de la guerre ou d’un État algérien cor-rompu et autoritaire en recherche de légitimité. C’est dans ce contexte compliqué que la recherche historique se renouvelle et replace la guerre d’Algérie dans l’étude plus large de l’histoire de la colonisation.

1. L’historien acteur du débat public : du partisan au témoin

Des historiens - à l’image des intellectuels en général - ont été acteurs de cette histoire. Il faut cependant noter que si le combat est vif entre partisans de l’Algérie française, ceux de l’indépendance, ou les oppo-sants à la violence d’État, il est moins le fait de spécialistes de la ques-tion coloniale ou même de l’histoire contemporaine, que de spécialistes d’autres périodes. Ainsi on vit de nombreux antiquisants comme A. Man-

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douze, J. P. Vernant, P. Vidal Naquet, H. I. Marrou militer pour une autre Algérie, soutenir l’indépendance, dénoncer la torture et les crimes de l’armée française en participant notamment au « Comité Audin » du nom du jeune mathématicien communiste, disparu après son arrestation et son interrogatoire par les parachutistes en 1957. A l’opposé, des spé-cialistes d’histoire moderne comme F. Bluche, Y. M. Bercé, R. Mousnier soutiennent la cause de l’Algérie française. Le spécialiste d’histoire mili-taire et du nationalisme, rare contemporanéiste impliqué dans le conflit, Raoul Girardet rejoint, lui, les rangs de l’OAS.

Comment expliquer cet engagement d’hommes qui transcendent leur spécialité pour mettre leur compétence disciplinaire au service de la cause qu’ils défendent ? La discipline historique est le champ univer-sitaire privilégié de générations intellectuelles marquées par le trau-matisme des deux guerres mondiales, du génocide, des fascismes, de l’occupation, de la collaboration : Jean Pierre Vernant, le communiste, et Raoul Girardet, le nationaliste, sont tous les deux d’actifs résistants, comme les parents de P. Vidal-Naquet, Juif de surcroît, déportés à Aus-chwitz. L’histoire est souvent invoquée comme légitimant l’action. Le de-voir de l’historien, pour Henri Mandouze, « est situé dans la cité, dans l’action politique, pour le présent et pour l’avenir » (R. Branche). C’est ainsi, qu’en même temps qu’il lutte pour la décolonisation, il publie, en 1961, une « Révolution algérienne par les textes ». De son côté P. Vidal-Naquet publie ses analyses sur les crimes de guerre commis par l’armée et l’État français durant la guerre. Encore aujourd’hui, l’historien Jacques Valette, né en Algérie, se place dans une posture de « réhabilitation » de la présence française en Algérie et des figures de ses partisans comme le Général Salan. De même le sociologue Mohand Hamoumou s’engage dans des travaux qui cherchent à défendre la mémoire des harkis.

En 1985, la loi sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité per-met de juger le nazi Klaus Barbie sur les bases juridiques du tribunal de Nuremberg, essentiellement fondées sur la déportation et l’extermina-tion. Mais face à la demande de parties civiles issues de la Résistance, la cour de cassation décide d’élargir le principe à l’ensemble des crimes de guerre. Ce principe entre dans le nouveau code pénal de 1994. En octobre 1997, le procès de Maurice Papon, impliqué dans la déporta-tion des Juifs bordelais durant l’occupation allemande, fournit l’occasion de rappeler son rôle dans les violences du 17 octobre 1961. L’historien Jean-Luc Einaudi, premier à avoir étudié l’événement dans sa Bataille de Paris, est cité comme témoin et met en valeur la responsabilité cen-trale de l’accusé dans la répression sanglante de cette manifestation. Comme, pour la seconde épuration des collaborateurs, l’historien est alors cité comme « témoin ». Cette position divise les historiens. Henry Rousso, spécialiste de l’Occupation, a ainsi refusé de déposer au procès Papon au nom du fait que l’ historien « obéit à des normes qui n’ont rien à voir avec celles d’un tribunal », qu’il ne « délivre aucun verdict », en d’autres termes que, si ses conclusions peuvent conduire à éveiller les consciences humanistes et civiques, il n’est pas là pour produire un jugement, pour défendre la cause d’une des parties d’un procès.

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50 Séquence 1 – HG00

Les scrupules des historiens à intervenir dans le champ judiciaire, mal-gré la multiplication de procédures lancées pour « crime contre l’huma-nité » par des camps antagonistes - familles de victimes algériennes des exactions militaires ou de la répression du 17 octobre, familles de dispa-rus ou de harkis massacrés à l’été 1962 - s’expliquent par la volonté de ne pas recommencer la guerre sous la forme d’une guérilla judiciaire. Les historiens convoqués par les tribunaux seraient alors classés dans des camps opposés du débat serein nécessaire aux avancées scientifiques. Ils ne se feraient pas auxiliaires de justice mais ceux d’une guerre des mémoires, une guerre de 50 ans, elle aussi faite de trêves et de reprise de feu.

2. Des mémoires indépassables, des mémoires instrumentalisées

La principale cause au maintien de la guerre des mémoires est peut-être à chercher dans leur instrumentalisation par les différents acteurs de la vie politique en France comme en Algérie.

La mémoire officielle algérienne ne s’est pas seulement justifiée par le deuil des morts qui ont touché chaque famille algérienne ou par une indépendance acquise dans la souffrance, elle s’est inscrite dans une subordination aux intérêts du pouvoir et s’est maintenue dans une pro-pagande anti-française. Les différents régimes en place, même les plus libéraux (1989-1992), n’ont pas voulu y renoncer : cette mémoire d’État permettait d’unir dans une unanimité de façade, une société de plus en plus éclatée par l’échec économique, une population de plus en plus critique face au choix de l’autoritarisme d’un État-FLN tenté par la su-renchère nationaliste face à la poussée islamiste. C’est toujours dans ce sens, que le président Bouteflika a demandé, lors de son voyage pa-risien de 2000, une déclaration de repentance à l’État français pour les crimes commis durant la période coloniale.

D’après les dictionnaires, la notion de repentance mêle le regret doulou-reux que l’on a de ses péchés, de ses fautes, au désir de se racheter. Ce terme, d’essence religieuse, est utilisé de manière péjorative, par cer-tains adversaires des lois mémorielles, rarement des historiens, qui au nom de l’unité nationale, de la fierté patriotique, du refus du communau-tarisme, affirment qu’il faut évacuer les aspects les plus contestables de l’histoire de France au profit de sa grandeur, de la perpétuation d’histoire à vocation civique, édifiante, poursuivant le roman français. Max Gallo (Fier d’être Français), Pascal Bruckner (La Tyrannie de la pénitence) furent rapidement suivis par des hommes politiques majoritairement marqués à la droite et à l’extrême droite du paysage politique français, soit pour des raisons idéologiques (le nationalisme, la xénophobie et le racisme), soit pour des raisons stratégiques (locales ou nationales).

En effet les groupes qui portent les mémoires contradictoires de la guerre d’Algérie sont des enjeux pour les acteurs de la vie politique. Le Front natio-

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51Séquence 1 – HG00

nal- dont une partie des fondateurs ou élus comme Roger Holleindre et Jean Jacques Susini étaient liés à l’OAS- et plus récemment le groupe « droite po-pulaire » de l’UMP s’appuient sur une partie des nostalgiques de l’Algérie française, ce qui explique, en partie leur assise dans le sud-est de la France.

Les réactions au film Hors la Loi (2010)Dans votre moteur de recherches, écrivez : Manifestation contre le film « Hors la Loi » à Cannes et cliquez sur mode vidéo. Visionnez la vidéo et répondez aux questions ci-dessous.

1 Quels sont les groupes et personnalités qui se présentent ici comme porteurs de la mémoire de la Guerre d’Algérie ?

2 �Quels reproches sont faits au film ?

1 Quels sont les groupes et personnalités qui se présentent ici comme porteurs de la mémoire de la Guerre d’Algérie ? Nous apercevons rapi-dement des Anciens Combattants munis du drapeau français. La foule est composée de personnes âgées presque exclusivement. Cepen-dant, l’extrait met plutôt l’accent sur les élus locaux, du département et de la région : G.Anglade, adjoint à la mairie de Cagnes-sur-mer (et ancien dirigeant du commando delta 6 de l’OAS chargé des actions terroristes) ; L.Luca, député UMP des Alpes Maritimes ; et L. Schenar-di, conseillère régionale du FN en PACA.

2 Quels reproches sont faits au film ?

– d’être antifrançais (alors qu’il a reçu des subventions « françaises »)

– de ne présenter qu’un point de vue (« partisan »), celui du FLN, et d’être caricatural

– d’être anti-militariste

– de déformer l’Histoire.

En 2002, L’UMP a pris le parti, en vue de la réélection de J. Chirac, d’une alliance entre un rassemblement d’associations de rapatriés et de har-kis. Ceux-ci refusent le projet de loi socialiste voulant faire du 19 mars, date du cessez-le-feu, la date de commémoration nationale de la guerre d’Algérie au motif qu’elle ne tenait pas compte des drames de l’été 1962. C’est finalement la date du 5 décembre, jour de l’inauguration, quai Branly, du mémorial des 24000 morts pour la France en opération extérieure, qui est retenu, au grand dam des anciens combattants. Plus récemment, la municipalité de Béziers ne s’est pas opposée à l’érec-tion d’une stèle commémorant les officiers passés à l’OAS, exécutés en 1962 : Bastien Thiry et Degueldre.

Cette instrumentalisation n’est pas le monopole de la droite Au plan lo-cal, avant ses dérapages racistes, Georges Frêche, président socialiste, s’est longtemps appuyé sur le vote harki.

Document 18

Questions

Réponses

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Jean-Paul Brunet, dans son essai sur le drame de Charonne accuse en 2003 les groupes d’extrême-gauche de faire « état des centaines de morts supposés du 17 octobre » et de distribuer « [des tracts] aux jeunes d’origine algérienne, à l’entrée du Stade de France, lors du match de football France-Algérie où la Marseillaise fut sifflée et le stade envahi » Il est dès lors pertinent de se demander si la volonté de certains groupes politiques ou communautaires de faire rouvrir en permanence les plaies de cette guerre n’est pas le symptôme d’un État qui n’a pas voulu recon-naître son passé pour en faire « un passé qui ne passe pas », notamment auprès de populations d’origines immigrées dont on minore toujours les discriminations subies, ou de descendants de harkis dont on a nié l’abandon en 1962.

3. Une histoire pourtant possible : en finir avec la guerre de 50 ans ?

a) Une histoire qui reste chaude

Les années 1990 ont été marquées par une « hypermnésie » (P. Nora) de la guerre d’Algérie mais aussi par son affirmation comme objet histo-rique, par une production scientifique inédite. Malgré l’éloignement des faits, cette entrée en histoire s’est faite de manière conflictuelle. Jean-Luc Einaudi, journaliste proche des milieux de l’extrême-gauche, publie en 1991, la Bataille de Paris qui révèle au grand public la répression sanglante dont sont victimes les Algériens et le rôle essentiel de Maurice Papon. Témoin des parties civiles à son procès pour complicité de crime contre l’humanité, attaqué par les avocats de l’ancien préfet de police et ministre, Jean-Luc Einaudi appuie ses conclusions sur le dépouillement d’archives interdites. Très vite la polémique l’oppose à l’historien, pro-fesseur à l’université d’Orléans, Jean-Paul Brunet, qui remet en cause ses conclusions tant sur le bilan - surévalué selon lui - que sur les mé-thodes, dans son livre Police contre FLN. Tandis que Jean-Paul Brunet est accusé, y compris dans le monde universitaire, de vouloir fabriquer une nouvelle histoire officielle, de minimiser le « crime d’État » et la respon-sabilité policière. Celui-ci oppose l’attachement gauchiste d’Einaudi, sa proximité avec le FLN et l’obsession de la « repentance ». On a vu alors l’histoire universitaire se diviser en deux camps autour de la question de la violence et du bilan chiffré de celle-ci. D’une part J.P. Brunet, sou-tenu par Guy Pervillé, a voulu montrer que les violences se répondaient, cherchant à distribuer les responsabilités entre FLN, armée, État et OAS. S’opposant à cette interprétation, Claude Liauzu et Alain Dewerpe, no-tamment, ont cherché à montrer en quoi les violences de l’État face aux Algériens ne pouvaient se disjoindre de la question de la violence ré-pressive, de la xénophobie, du racisme dans une société française aussi démocratique soit-elle.

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53Séquence 1 – HG00

Les chiffres, sources de polémiques

Nombre de morts en milliers

Sources État français Sources État algérienEstimations

des historiens

Soldats français 24 614

Membre ALN FLN 141 000 132 290

Victimes civiles60 758 dont 48 733

Algériens1 000 000 à 1 500 000 430 000

Harkis 10 000 à 70 000

Les polémiques vont ainsi s’enchaîner jusqu’au milieu des années 2000. En 2000, la thèse de Raphaëlle Branche sur la torture et l’armée est l’occasion pour les quotidiens L’Humanité, Libération et le Monde de lancer une pétition pour la reconnaissance de la torture durant la guerre. La thèse est a contrario attaquée par Le livre blanc de l’armée durant la guerre d’Algérie dirigé par des historiens issus de l’institution militaire.

La tension atteint son apogée en 2005, lorsque l’article 4 de la loi de février 2005 affirme que les programmes scolaires doivent insister sur les « aspects positifs de la colonisation ». Une grande pétition, initiée par 19 historiens universitaires, signée par 600 d’entre eux, dénonce les dérives qui ont conduit, à partir des lois mémorielles, à des procédures judiciaires touchant des historiens- notamment le spécialiste de l’escla-vage O. Petré-Grenouilleau qui refuse d’assimiler la traite des esclaves au génocide juif et à un crime contre l’humanité tel qu’il a été énoncé au tribunal de Nuremberg. Le texte énonce les principes suivants : « L’his-toire n’est pas une religion. L’historien n’accepte aucun dogme, ne res-pecte aucun interdit, ne connaît pas de tabous. Il peut être dérangeant. » L’appel poursuit : « Dans un État libre, il n’appartient ni au Parlement ni à l’autorité judiciaire de définir la vérité historique. » Face à cette levée de boucliers, le gouvernement décide en 2006 de retirer l’article 4 de la loi.

b) L’historien « refroidisseur de mémoires »

La volonté de construire une histoire scientifique, dépassant les cli-vages mémoriels, s’est affirmée dès les années 1980. Certains histo-riens sont marqués par leur expérience personnelle d’anticolonialistes modérés ou de rapatriés comme c’est le cas pour Charles-Robert Ageron ou son élève Benjamin Stora, mais ces universitaires défendent l’idée d’une histoire « non engagée ». Toute une série de colloques se tien-nent, alors, autour de la question des intellectuels ou des chrétiens face à la guerre d’Algérie. Peu à peu, « plus la guerre d’Algérie s’éloigne, plus elle apparaît dans sa totalité complexe » (B. Stora). La loi sur les archives qui permet, depuis 1992, l’accès à 85 % des archives militaires, la vo-lonté du pouvoir politique, l’émergence d’une jeune génération d’histo-riens qui n’ont pas vécu la guerre, l’engouement de l’opinion accélèrent la connaissance scientifique sur la guerre d’Algérie. Au tournant du XXI°

Document 19

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siècle, sont publiées les thèses de Raphaëlle Branche sur la torture et l’armée et de Sylvie Thénault sur l’institution judiciaire durant le conflit. L’apport de l’historiographie anglo-saxonne permet, dans le cadre des « colonial studies » et de la « worldly history », de replacer le cas algérien dans le cadre plus large d’une séquence colonisation/décolonisation depuis la conquête des « nouveaux mondes » par l’Europe jusqu’aux guerres d’indépendance du second XX° siècle en passant par la traite atlantique et les zoos humains, les phénomènes migratoires, les métis-sages. Sans nier la spécificité de ce moment qui « entrelace les Français et les Algériens » (D. Borne), il s’agit bien de replacer la guerre d’Algérie dans l’histoire pluriséculaire où s’affrontent des « parties du monde iné-galement développées ».

Extrait du discours prononcé par L. Jospin, Premier Ministre, le 26 avril 2001

Au nom de cette même exigence de vérité, il est temps d’éclairer mieux les événements d’Algérie. Il nous a fallu d’abord mettre fin à l’hypo-crisie des mots : la loi du 18 octobre 1999 à l’initiative de la majorité parlementaire et votée à l’unanimité, est venue qualifier de « guerre » les tragiques événements d’Algérie. En hommage aux soldats tombés au cours de cette guerre, un Mémorial national sera édifié en 2002 à Paris. Le nouveau maire de Paris, Bertrand Delanoë, m’a fait connaître son accord sur le choix du site du Quai Branly. Celui-ci accueillera donc ce monument où seront inscrits les noms de tous ceux qui sont « morts pour la France » en Afrique du Nord. La guerre d’Algérie doit pouvoir être, pour les historiens, un objet d’étude. Or, l’accès aux archives est indispensable pour authentifier les faits. C’est pourquoi une circulaire a ouvert aux chercheurs, en 1999, par dérogation, les documents d’ar-chives relatifs aux événements tragiques du 17 octobre 1961. Par une circulaire publiée aujourd’hui même au Journal officiel, le Gouverne-ment autorise les historiens à accéder aux archives publiques concer-nant la guerre d’Algérie. Cette ouverture des archives ouvre la voie à un travail historique de qualité, première et nécessaire étape de la com-préhension et de l’acceptation par tous de ce lourd passé. J’ai souhaité permettre aux chercheurs de faire toute la lumière nécessaire sur cette guerre de décolonisation, qui fut aussi une guerre civile et durant la-quelle des atrocités ont été commises de part et d’autre. Aucune vic-time ne doit être oubliée, ni du côté algérien, ni du côté français. Nous ne pouvons pas non plus ignorer les massacres dont les harkis ont été victimes. Ce travail de vérité constitue un ciment puissant pour notre communauté nationale, car il lui permet d’édifier de plus solides fon-dations pour son avenir.

La mise en histoire de la guerre d’Algérie a aussi bénéficié du précédent de l’histoire avec la mémoire de l’Occupation. De la même manière, l’Oc-cupation a été le lieu d’une amnésie d’État - sur la collaboration et d’une construction mythologique - autour l’unanimisme de la Résistance - le résistancialisme. L’historien se trouve là aussi en compétition avec des contemporains, vivants, qui affirment leur vocation - et parfois leur mo-

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nopole - à produire l’Histoire dont ils ont été les acteurs. Dès la fin de la guerre d’Algérie, des ouvrages autobiographiques se multiplient. L’auto-justification y est souvent présente : membre de l’OAS, anciens officiers, anti-colonialistes…L’émergence de la guerre d’Algérie dans les medias, les anniversaires ont stimulé la production autobiographique à partir des années 1980, tandis que les spécialistes ont cherché à diversifier leurs sources en interrogeant des « anonymes ».Le précédent rencontré avec l’histoire de la Seconde Guerre mondiale en France a, d’une part, conduit les spécialistes à prendre leur distance avec ces témoignages, en particulier les sources orales, en les passant au tamis critique en met-tant en valeur les non dits, les hésitations, en les confrontant à d’autres sources. D’autre part, les historiens ont cherché à s’interroger sur les mo-dalités de construction de ses mémoires, leur diversité en fonction des lieux, des origines socio-culturelles, idéologiques de leur producteur, à leurs échos dans la société et dans la politique, aux relais médiatiques qu’elles empruntaient pour s’exprimer dans la cité.

Beaucoup d’historiens sont donc passés, à l’instar de B. Stora « de l’étude de la guerre d’Algérie à celle de sa mémoire. »

Interview de l’historien Benjamin Stora au journal satirique en ligne Bakchich, n° 25, le 22 mai 2010 (6 minutes 44).

Sur votre moteur de recherche, écrivez « bakchich info la guerre des mé-moires hors la loi ».

La guerre d’Algérie reste un sujet trop passionnel pour pouvoir être entiè-rement historicisé. La présence des survivants, leur prégnance sur les gé-nérations plus jeunes, les représentations de ce passé sulfureux, leur ins-trumentalisation par des groupes politiques ou les gouvernements des deux côtés de la Méditerranée ne peuvent totalement apaiser ce passé. L’histoire peut cependant se concevoir non comme une « anti-mémoire »- quand bien même le voudrait-elle qu’elle ne le pourrait pas - mais comme une lutte contre l’oubli. Une histoire qui « susciterait et arbitrerait des dé-bats réunissant les porteurs de mémoires antagonistes, « en y faisant res-pecter l’objectivité des faits et l’équité des jugements » (G. Pervillé). Elle construirait une « mémoire raisonnée et critique » (D. Borne) qui dépasse-rait les mémoires antagonistes, une mémoire collective dans laquelle tous les Français, quelque soit leur héritage de la guerre d’Algérie, pourraient se retrouver.

« A l’histoire revient le pouvoir d’élargir le regard dans l’espace et dans le temps, la force de la critique dans l’ordre du témoignage, de l’expli-cation et de la compréhension, la maîtrise rhétorique du texte, et plus que tout l’exercice de l’équité à l’égard des revendications concurrentes des mémoires blessées et parfois aveugles au malheur des autres. » Paul Ricoeur.

Document 21

Conclusion

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Compléter le tableau suivant.

Protagonistes, institutions, communautés

Enjeux Actions

Protagonistes, institutions, communautés

Enjeux Actions

État algérien Cimenter la communauté nationale, justifier l’action politique du régime depuis 1965. Maintenir le régime face aux poussées démocratiques et islamistes

Multiplication des actions commémoratives, agressi-vité anti-française ponctuelle dans les relations bilatérales (demande de repentance…). Production d’une histoire offi-cielle effaçant les oppositions au sein des mouvements indé-pendantistes et les violences de l’été 62

Anciens combattants français Demande de reconnaissance de la nation, indemnisation. Désirs de témoignage.

Manifestations, lobbying. Par-ticipation à des films docu-mentaires. Promotion d’un cinéma naturaliste.

Rapatriés Reconnaissance de la douleur de l’exil. Refus de la repen-tance. Nostalgie.

Réseau associatif puissant. Réunions commémoratives régulières. Lobbying politique.

Transmission d’une mémoire artificielle aux générations suivantes (cinéma, Internet). Actions juridiques contre le gouvernement algérien

Ancien partisans de l’Algérie française

Réhabilitation de l’action et des anciens membres de l’OAS. Création d’une contre mémoire justifiant les crimes de l’OAS contre les partisans de l’in-dépendance. Nationalisme. Xénophobie anti-maghrébine.

Refus des mémoires alternatives.

Manifestations commémora-tives. Manifestations ponc-tuelles. Efflorescence éditoriale. Manipulation des souffrances des harkis. Participation directe à la nébuleuse d’extrême droite. Lobbying auprès de la droite parlementaire.

Exercice de synthèse

Réponses

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Harkis Désir de reconnaissance des violences subies en Algé-rie et de la marginalisation en France. Indemnisation. Volonté d’être intégrés à la mémoire nationale.

Manifestations. Tissu associa-tif. Actions juridiques contre le gouvernement algérien

Immigrés partisans de l’indé-pendance

Désir d’intégration notamment dans la mémoire nationale. Reconnaissance des crimes com-mis au nom de l’État en France et en Algérie durant la guerre.

Manifestations. Utilisation du relais médiatique (cinéma, artiste d’origine algérienne…). Recours juridiques contre l’État français et certains officiers.

État français. Hésitation entre la repentance, la reconnaissance et l’amné-sie. Hésitation entre la pro-motion d’une histoire critique ou tentation du roman natio-nal. Nécessité de maintien de l’unité nationale face à des mémoires contradictoires.

Volonté de l’institution mili-taire à marginaliser sa violence terroriste durant le conflit.

Utilisation de la loi. Orien-tation des programmes sco-laires.

Production d’une histoire propre par l’institution mili-taire.

Communauté historienne Production d’une histoire apaisée faisant de la guerre d’Algérie et de ses mémoires un objet historique des 2 côtés de la Méditerranée. Difficulté face à la demande sociale et juridique d’expertise. Attaque des différents porteurs de mémoires. Difficulté à produire une histoire non-officielle en Algérie. Difficultés à intégrer la controverse scientifique.

Production historiographique importante notamment par une nouvelle génération d’his-toriens. Recours aux apports de la science historique notamment anglo-saxonne. Intervention dans les medias.

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58 Séquence 1 – HG00

Glossaireunités de l’ALN installées en Tunisie et au Maroc, chargées de ravitailler les maquis de l’intérieur et qui livrent une guerre de harcèlement contre les lignes électrifiées établies par l’armée française (ligne Morice et ligne Challe) aux frontières.

terme qui désigne les communautés juives d’Europe médiane, centrale et orientale.

période de l’Histoire que l’on fait généralement débuter au tournant de la Révolution Française même si aujourd’hui les historiens remettent en cause le découpage classique de l’histoire.

ce concept est né de la transformation de l’Institut d’Histoire de la se-conde guerre mondiale en un institut de recherche historique embras-sant l’ensemble des phénomènes depuis 1945. On distingue aussi l’his-toire la plus proche de nous sous le terme d’histoire immédiate. Remise en cause par ceux qui estiment que l’on manque du recul, les partisans de l’histoire immédiate affirment que l’histoire est d’abord une question d’approche et de méthode face aux sources et non une question de dis-tance temporelle.

ensemble des lois qui fixent l’obligation d’un devoir de mémoire. En France, elles portent sur la reconnaissance du génocide juif (loi Gayssot de 1990), de l’esclavage (loi Taubira de 2001) et sur le génocide armé-nien (décembre 2011). Celle de 2005 sur « les aspects positifs de la co-lonisation a été abrogée en 2006. Elle divise profondément le monde universitaire. Une majorité d’historiens refuse des lois qui limiteraient la liberté des chercheurs, qui écriraient l’histoire de manière définitive au nom de principe juridique souvent anachronique. Cependant même, parmi ceux-ci, certains reconnaissent, que les lois Gayssot et Taubira au-raient d’abord une valeur déclarative en s’attaquant à la négation de crimes contre l’humanité à la différence de celle sur la colonisation qui voudrait fixer ce qui doit être enseigné.

terme à l’origine très discuté, même parfois rejeté par la communauté des historiens. Il sert à définir l’ensemble des rapatriés d’Algérie citoyens de plein droit (Européens, juifs…) sans tenir compte des nuances d’ori-gine et de culture.

terme employé pour désigner les Français ayant soutenu le FLN en collec-tant des fonds, fabriquant des faux-papiers. Le plus célèbre réseau de porteurs de valises fut celui du philosophe Henri Jeanson, démantelé en 1960.

Armée des frontières

Ashkénazes

Histoire contemporaine

Histoire du temps présent

Lois mémorielles

Pieds noirs

Porteurs de valises

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59Séquence 1 – HG00

terme qui désigne les acteurs des révolutions de 1848. L’échec et la ré-pression de la révolution sociale de juin 1848 amena la déportation de condamnés politiques vers l’Algérie.

ensemble des actes ou discours politiques produit par un État pour re-connaître des crimes commis en son nom durant l’Histoire.

récit de l’Histoire de France diffusé à la fin du XIXe siècle, ayant pour but de glorifier la patrie et la République.

terme utilisé pour désigner les Juifs du Maghreb qui sont souvent issus des communautés juives sépharades d’Espagne et du Portugal exilées en Afrique du Nord suite aux décrets antisémites successifs promulgués par les rois de la péninsule ibérique (1492).

(souvent traduit par histoire globale) : courant historique d’origine anglo-saxonne qui cherche à étudier les événements historiques sur la longue durée à l’échelle mondiale et non plus de manière européeano-centrée.

n

Quarante- huitards

Repentance

Roman français

Sépharades

Worldly history

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