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1 Lundi 5 octobre 2015 Objet d’étude : L’argumentation L’ARGUMENTATION : la question de l’homme dans les genres de l’argumentation du XVIème à nos jours SEQUENCE 1 : L’INDIGNATION ; DU REFUS A LA REVOLTE Problématique : Comment l’indignation permet-elle d’affirmer son humanité ? Séance 4 : l’indignation face à la misère Problématique : quelles stratégies argumentatives Victor Hugo utilise-t-il pour emporter son auditoire ? Présentation de l’extrait En 1851, Victor Hugo est député. En février, l’économiste Adolphe Blanqui, qui vient de publier une enquête sur la classe ouvrière, conduit une délégation à Lille pour constater les conditions de logement des ouvriers de l’industrie textile. Victor Hugo découvre des conditions épouvantables : les familles vivent et travaillent dans des caves insalubres. Il prend des notes et rédige un discours destiné à être prononcé devant l’Assemblée. Ce discours ne pourra pas être prononcé : à la fin de l’année, le 2 décembre 1851, Louis- Napoléon Bonaparte met fin à la IIe République par un coup d’État. Victor Hugo utilise ce discours dans un poème des Châtiments intitulé « Joyeuse vie ». L’extrait étudié se situe à la fin du discours. Dans la première partie, Victor Hugo décrit très précisément ce qu’il a vu à Lille. Cette dernière partie est un appel lancé aux députés. Présentation de l’œuvre visuelle La peinture représente Jean Jaurès à la tribune de la Chambre des députés. Jean Jaurès (1859-1914) est alors vice-président de la Chambre. En 1903, la France est tourmentée et partagée par l’affaire Dreyfus. Jean Jaurès s’exprime devant l’Assemblée pour défendre le capitaine Dreyfus. Découvrir 1. Quels éléments nous montrent que ce texte a été rédigé pour être déclamé ? Ce texte a été rédigé pour être déclamé car il a toutes les caractéristiques du discours : • Énonciation : première personne du singulier (« je ne fais injure... », ligne 1), du pluriel (« nous triompherons », ligne 48), les destinataires sont désignés par la deuxième personne du pluriel (« Messieurs, allez à Rouen », ligne 19). • Modalités de phrases : interrogatives (« Pourquoi vous méprenez-vous ? », ligne 14) et iexclamatives (« Courage ! » ligne 13). • Mode impératif : « parlez pour les pauvres » (ligne 13). • Expressions et tournures propres à l’oral : « Car, eh mon Dieu? », ligne 14 ; « Non », ligne 43 ; « Eh bien ! », ligne 47. 2. Ecoutez l’extrait. Montrez que le rythme et l’intonation contribuent à l’efficacité du discours La lecture met en avant l’intensité progressive. Le début cherche à apitoyer en exprimant la

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Lundi 5 octobre 2015

Objet d’étude : L’argumentation

L’ARGUMENTATION : la question de l’homme dans les genres de

l’argumentation du XVIème à nos jours

SEQUENCE 1 : L’INDIGNATION ; DU REFUS A LA REVOLTE

Problématique : Comment l’indignation permet-elle d’affirmer son

humanité ?

Séance 4 : l’indignation face à la misère

Problématique : quelles stratégies argumentatives Victor Hugo

utilise-t-il pour emporter son auditoire ?

Présentation de l’extrait En 1851, Victor Hugo est député. En février, l’économiste Adolphe Blanqui, qui vient de publier une enquête sur la classe ouvrière, conduit une délégation à Lille pour constater les conditions de logement des ouvriers de l’industrie textile. Victor Hugo découvre des conditions épouvantables : les familles vivent et travaillent dans des caves insalubres. Il prend des notes et rédige un discours destiné à être prononcé devant l’Assemblée. Ce discours ne pourra pas être prononcé : à la fin de l’année, le 2 décembre 1851, Louis- Napoléon Bonaparte met fin à la IIe République par un coup d’État. Victor Hugo utilise ce discours dans un poème des Châtiments intitulé « Joyeuse vie ». L’extrait étudié se situe à la fin du discours. Dans la première partie, Victor Hugo décrit très précisément ce qu’il a vu à Lille. Cette dernière partie est un appel lancé aux députés. Présentation de l’œuvre visuelle La peinture représente Jean Jaurès à la tribune de la Chambre des députés. Jean Jaurès (1859-1914) est alors vice-président de la Chambre. En 1903, la France est tourmentée et partagée par l’affaire Dreyfus. Jean Jaurès s’exprime devant l’Assemblée pour défendre le capitaine Dreyfus. Découvrir 1. Quels éléments nous montrent que ce texte a été rédigé pour être déclamé ? Ce texte a été rédigé pour être déclamé car il a toutes les caractéristiques du discours : • Énonciation : première personne du singulier (« je ne fais injure... », ligne 1), du pluriel (« nous triompherons », ligne 48), les destinataires sont désignés par la deuxième personne du pluriel (« Messieurs, allez à Rouen », ligne 19). • Modalités de phrases : interrogatives (« Pourquoi vous méprenez-vous ? », ligne 14) et iexclamatives (« Courage ! » ligne 13). • Mode impératif : « parlez pour les pauvres » (ligne 13). • Expressions et tournures propres à l’oral : « Car, eh mon Dieu? », ligne 14 ; « Non », ligne 43 ; « Eh bien ! », ligne 47. 2. Ecoutez l’extrait. Montrez que le rythme et l’intonation contribuent à l’efficacité du discours La lecture met en avant l’intensité progressive. Le début cherche à apitoyer en exprimant la

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souffrance (lignes 1 à 18). La deuxième partie, des lignes 19 à 26, est plus incisive et interpelle les destinataires. Enfin, les lignes 34-35 marquent le point d’orgue, l’intensité maximale. La lecture insiste sur les répétitions (anaphore : « je vous dénonce la misère ») et le rythme ternaire : « poursuivez-la, frappez-la, détruisez-la » pour mettre en avant la gradation. Observer 3. Identifier les parties principales du discours. Comment progresse t’il ? Parties principales du discours: • lignes 1 à 18 : Le témoignage de Victor Hugo : la misère de Lille. • lignes 19 à 26 : Un appel à constater cette misère qu’on trouve partout en France. • lignes 27 à 35 : Un cri d’alarme face à une situation est grave. • lignes 36 à 42 : Un fléau et un péril pour tous. • lignes 42 à la fin : La nécessité de mettre fin à la misère. Le discours va du constat à l’action. L’indignation ressentie par Victor Hugo le conduit à considérer que cette situation est inacceptable. Il en conclut que les députés doivent détruire la misère. 4. Comment Victor Hugo se met-il en scène dans son propre discours et comment associe-t-il l’auditoire à son argumentation ? Victor Hugo utilise son témoignage et son indignation pour affirmer la nécessité de détruire la misère. Il raconte ce qu’il a vu à Lille (« s’ils avaient vu comme moi de malheureux enfants... », lignes 2-3) et exprime ce qu’il ressent (« ils auraient le coeur serré comme je l’ai en ce moment », ligne 11). Il s’adresse directement aux députés et cherche à les associer à son argumentation. Dans la première partie, l’auteur imagine ce qu’auraient dit les députés s’ils avaient vu la misère de Lille : « s’ils avaient vu comme moi de malheureux [...] ils me soutiendraient, et ils me crieraient : courage : Parlez pour les pauvres ! ». Dans un deuxième temps, Victor Hugo utilise l’impératif pour inciter l’auditoire à réagir et à agir. Enfin, la dernière phrase est à la première personne du pluriel, Victor Hugo associe les députés à son projet : « à l’action providentielle, unissons l’action sociale, et nous triompherons. » (lignes 47-48) 5. Montrez que Victor Hugo utilise la tonalité pathétique pour persuader ses destinataires

LE REGISTRE PATHETIQUE Il cherche à émouvoir le lecteur ou le spectateur par des situations ou des discours marqués par la passion, la souffrance... Le spectacle et le lexique des émotions (douleur, pitié), les rythmes brisés, les interjections sont des signes du pathétique. Victor Hugo utilise la tonalité pathétique pour persuader les destinataires : • description de scènes de misère auxquelles il a assisté (lignes 3 à 10). Victor Hugo accumule les images saisissantes : la pauvreté extrême, la faim, le travail des enfants ; • champ lexical de la misère : « guenilles mouillées », ligne 3, « misérables » ligne 5 ; « faim », ligne 7 ; « dénuement » ligne 24 ; • répétition du verbe « souffrir » (ligne 9) et du mot « détresses » (ligne 25) ; • sentiment de pitié ressenti par Victor Hugo : « malheureux », ligne 3 ; « misérables » ligne 5 ; « pauvres petits êtres », ligne 9 ; « le coeur serré », ligne 11 ; « un coeur qui souffre avec eux », ligne 18 ; • expressivité du discours qui renforce les sentiments du locuteur : modalités exclamatives, l’expression « eh mon Dieu », les phrases courtes et rythmées. Interpréter 6. Quelles stratégies argumentatives Victor Hugo utilise-t-il pour emporter son auditoire ? Stratégie argumentative : • Victor Hugo nous livre sa propre expérience, son témoignage pour mettre en avant la

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nécessité de traiter cette question. Il engage sa personne, exprime ce qu’il ressent. • Il cherche à toucher l’auditoire en utilisant le registre pathétique. • Le discours gagne progressivement en intensité pour atteindre son point culminant à la fin du texte, avec l’anaphore « je vous dénonce la misère ». • Victor Hugo cherche donc à persuader et à convaincre. Il utilise son expérience pour imposer sa proposition comme une nécessité. Si les députés ne le suivent pas, ils sont sans cœur et s’exposent à des troubles politiques. 7. Montrer que Victor Hugo considère que la lutte contre la misère est une question d’humanité mais aussi de stabilité sociale Pour Victor Hugo, la lutte contre la misère s’impose pour deux raisons : • c’est une question d’humanité : utilisation de la tonalité pathétique, il apporte un témoignage personnel sur les conditions dans lesquels vivent certaines personnes, il compare la misère à une nuit (« la misère, comme l’ignorance, est une nuit », ligne 45) ; • c’est une question de stabilité sociale : Victor Hugo lance un avertissement aux députés pour leur signifier la gravité de la situation et les risques qu’ils font courir au pays s’ils n’agissent pas : « Je vous dénonce la misère, qui est le fléau d’une classe et le péril de toutes ! » (ligne 36). Il rappelle dans son discours que la misère conduit souvent à des problèmes politiques, des révoltes : « la misère qui a fait les jacqueries, qui a fait Buzançais, qui a fait juin 1848 » (lignes 38-39). 8. Comment le peintre Jean Veber met-il en évidence l’engagement de l’orateur et l’impact de son discours sur l’auditoire ? Le tableau de Jean Veber est tout en mouvement. Le peintre veut ainsi rendre compte de l’effet produit par le discours de Jean Jaurès sur l’auditoire. L’orateur montre par sa position et sa gestuelle qu’il est très engagé dans son discours : il est penché en avant vers l’auditoire et fait un geste ample du bras. On peut donc supposer que ce discours est vivant et emporté. La réaction de l’auditoire correspond bien à l’attitude de l’orateur. Les députés sont tous agglutinés au bas de son pupitre. Ils semblent saisis par une grande agitation. Nombreux sont ceux qui tendent un bras accusateur vers l’orateur. D’autres semblent se disputer, ils se font face et sont plongés dans un débat animé. Entraînement BAC Écrit > Commentaire Rédigez une partie de commentaire en développant l’axe suivant : comment Victor Hugo réussit-il à sensibiliser les députés au fléau de la misère ? 1. Victor Hugo, témoin de la misère Description réaliste et détaillée des scènes auxquelles il a assistées. Lexique de la misère. 2. Une tonalité pathétique Le témoignage est renforcé par la tonalité pathétique. 3. Un discours engagé et incisif Engagement de Victor Hugo. Les députés sont bousculés, interpellés (modalités exclamatives, impératif, 1re personne du pluriel à la fin du discours).

L’indignation face à la misère

Victor Hugo « Les Caves de Lille », discours rédigé en février-Mars 1851

Commentaire sur ce discours

Introduction

Victor Hugo est un poète, dramaturge et prosateur romantique considéré comme l’un

des plus importants écrivains de la langue française. Il est aussi une personnalité

politique et intellectuelle engagé qui a joué un rôle majeur dans l’histoire du XIX

siècle. Victor Hugo est un homme très impliqué dans la vie politique. En février 1851,

il se rend à Lille pour constater les conditions de logement des ouvriers du textile

dénoncées par l’économiste Adolphe Blanqui, il est bouleversé par ce qu’il découvre.

A son retour, il rédige un discours pour l’Assemblée nationale, étant lui-même

député. Ce discours ne pourra pas être prononcé : à la fin de l’année, le 2 décembre

1851, Louis Napoléon Bonaparte met fin à la 2ème république par un coup d’Etat.

L’extrait étudié se situe à la fin du discours. Dans la première partie, Victor Hugo

décrit très précisément ce qu’il a vu à Lille. Cette dernière partie est un appel lancé

aux députés. Quel tableau de la misère Victor Hugo parvient-il à dresser avec son

discours éloquent ? Quelles stratégies argumentatives Victor Hugo utilise-t-il pour

emporter son auditoire ? Nous verrons dans une première partie, Victor Hugo témoin

de la misère qui en fait une description très réaliste. Le témoignage est renforcé par

une tonalité pathétique. Dans une seconde partie, nous découvrirons le discours d’un

orateur maniant l’art de l’éloquence.

1ère partie

Il cherche à éveiller l’indignation et la pitié des députés en faisant la description des

caves de Lille. Nous observons le tableau de la misère que Victor Hugo nous a

dressé. Il utilise le registre pathétique pour toucher son auditoire. Il décrit des scènes

de misère auxquelles il a assisté (ligne 3 à 10), « de malheureux enfants vêtus de

guenilles mouillées qui ne sèchent pas de tout l’hiver » (l3-4), « d’autres qui ont

toujours faim… », (l6-7). Il aura encore recours à ce registre avec le champ lexical de

la souffrance : « cette longue agonie du pauvre » (l40), répétition aussi du verbe

« souffrir » (l9) et du mot « détresse (l25). Ce sentiment de pitié ressenti par Victor

Hugo, il le fait partager au lecteur, « malheureux » (l3), « misérables » (l5), « pauvres

petits êtres » (l9), « le cœur serré » (l9), et enfin « un cœur qui souffre avec eux »

(l18). On a ainsi une représentation des conditions de vie dure de l’époque. Hugo est

indigné par cela, par cette perte d’identité et de dignité que doit subir le peuple pour

survivre au froid et à la faim. On apprend ainsi la dureté de la vie et l’inégalité entre

les personnes, malgré un travail acharné, dure, il ne gagne presque rien, « pour

gagner leurs trois ou quatre misérables sous par jour, on les arrache de trop bonne

heure à leur sommeil » (l5-6).

Victor Hugo se met en scène dans son propre discours et il associe son propre

auditoire à son argumentation. Victor Hugo utilise son propre témoignage et son

indignation pour affirmer la nécessité de détruire la misère. Il raconte donc ce qu’il a

vu à Lille, « s’ils avaient vu comme moi de malheureux enfants… » (l2-3) et exprime

ce qu’il ressent, « ils auraient le cœur serré comme je l’ai en ce moment » (l11).

L’auteur accumule des images saisissantes : la pauvreté extrême, la faim, le travail

des enfants pour persuader ses destinataires.

A travers son discours, Victor Hugo cherche à ouvrir les yeux des députés. Victor

Hugo cherche donc à toucher les députés par les sentiments. Mais dans un second

temps, il va s'adresser à leur raison. Nous allons découvrir dans une deuxième partie

que c’est un orateur excellent maniant l’art de l’éloquence.

2ème partie

Tout est calculé pour emporter l’adhésion du public. Il utilise des arguments qui

visent à faire réfléchir les députés. Les députés se trompent en refusant d'aider les

plus pauvres parce qu'ils n'ont pas conscience de la situation : ils devraient aller se

rendre compte par eux-mêmes sur place : « Messieurs, allez à Rouen, allez à Lyon

[…], vous y constaterez des faits pareils » (l19 à 21). Il veut impliquer ses auditeurs

dans son discours pour qu’ils soient plus réceptifs Il s'agit avant tout d’impliquer les

députés dans le discours, ce qui relève de la persuasion. Pour cela, Hugo les

interpelle (« Messieurs » (l1-19-27), il ne cesse de s'adresser à eux directement. Il

les pousse à réfléchir et à agir en utilisant des impératifs »parlez pour les pauvres !

(l13), « allez à Rouen » (l19), « poursuivez-là, frappez-la, détruisez-la » (l41-42).

Enfin, il retient leur attention par des questions rhétoriques : « pourquoi vous

méprenez-vous ? » (l14), [...] A quelque opinion qu’on appartienne, est-ce que ce

n’est pas votre avis à tous ? » (l15-16). Par ailleurs, il va faire des répétitions de

certains mots, afin d'insister sur ces mots : « souffrent » (l9) « détresse » (l25),

« grand » (l32), « l’esprit » (l33), « je vous dénonce la misère » (l34-35, l36-37 et 39).

Victor Hugo utilise son témoignage et son indignation pour affirmer la nécessité de

détruire la misère. Il raconte ce qu’il a vu à Lille. Il s’adresse directement aux députés

et cherche à les associer à son argumentation. Dans la première partie, l’auteur

imagine ce qu’auraient dit les députés s’ils avaient vu la misère de Lille « s’ils

avaient vu comme moi de malheureux […] ils me soutiendraient, et ils me crieraient :

courage : Parlez pour les pauvres ! « (l10-l13). Dans un deuxième temps, Victor

Hugo utilise l’impératif pour inciter l’auditoire à réagir et à agir. « Poursuivez-la,

frappez-la, détruisez-la ! »(l41-42). Dans ce rythme ternaire, l’auteur force l’auditoire

à réagir. Enfin, la dernière phrase du texte d’étude, l’auteur associe les députés à

son projet : « à l’action providentielle, unissons l’action sociale, et nous

triompherons » (l47-48).

Nous avons vu dans la première partie que Victor Hugo utilise la tonalité pathétique

pour persuader ses destinataires. Nous pouvons aussi souligner que l’expressivité du

discours qui renforce les sentiments du locuteur est exprimé par les modalités

exclamatives ; l’expression « eh mon Dieu » et aussi par les phrases courtes et

rythmées. Le discours gagne en intensité pour atteindre son point culminant à la fin

du texte, avec l’anaphore « je vous dénonce la misère ». (l34-36-37-39).

Pour Victor Hugo, la lutte contre la misère s’impose pour deux raisons : c’est une

question d’humanité : comme nous l’avons vu, il apporte son témoignage personnel

sur la condition de vie misérable d’ouvriers du textile, il compare la misère à une nuit

« la misère, comme l’ignorance, est une nuit » (l45). Mais c’est aussi une question de

stabilité sociale : l’auteur lance un avertissement aux députés pour leur signaler la

gravité de la situation et les risques qu’ils font courir au pays s’ils n’agissent pas : « je

vous dénonce la misère, qui est le fléau d’une classe et le péril de toutes ! » (l36).

Hugo les avertit de la menace d'une révolution, il veut aider le peuple par des

réformes pour éviter tout soulèvement violent. Pour mieux faire valoir cet argument, il

joue sur des antithèses riche/pauvre : « Parler pour les pauvres, ce n’est pas parler

contre les riches ! » (l. 14-15) et « la misère, cette longue agonie du pauvre qui se

termine par la mort du riche ! » (l.39-40). Il rappelle dans son discours que la misère

conduit souvent à des problèmes politiques, des révoltes : « la misère qui a fait les

jacqueries, qui a fait Buzançais, qui a fait juin 1848 » (l38*39). Enfin, il rend cette

menace plus inquiétante par la métaphore de l'inondation : « le flot montait » (l.30)

Son argumentation est au service de l’action, il leur demande de réagir !

Conclusion

L'étude de ce texte montre bien que Victor Hugo utilise à la fois l'art de persuader et

l'art de convaincre , afin de mieux amener les députés à adhérer à sa thèse. Ce

discours nous montre bien l'évolution politique de l'auteur, qui va bientôt s'éloigner

des conservateurs, pour se consacrer à la défense des opprimés. Il utilise son

expérience pour imposer sa proposition comme une nécessité. Hugo fait appel à

la responsabilité des députés. Hugo rappelle leurs devoirs aux députés, en tant que

représentants élus du peuple. Ils ont le devoir de se mettre au courant de la situation

réelle des ouvriers, et ils ont le devoir de combattre la misère pour éviter une révolte,

une guerre civile qui désorganiserait la société. Il dit bien que la misère est « la ruine

de la société » (l.38), et le devoir des députés est de protéger la société. Si les

députés ne le suivent pas, ils sont sans cœur et s’exposent à des troubles politiques.

Le discours engagé de Victor Hugo montre son désir d’agir face à la souffrance du

peuple. La misère est un thème qui lui tient à cœur puisqu’on le retrouve dans les

Misérables. Il a aussi très bien illustré son discours par le poème « Joyeuse vie » que

l’on retrouve dans son recueil Les châtiments de 1853.