Upload
others
View
6
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
DEVELOPPEMENT D'UNE FONCTION PERIODIQUE
EN SERIE DE FOURIER
La décomposition d'une fonction périodiques en série de Fourier est un secteur classique de
l'analyse mathématique. On trouvera donc dans bien des manuels et aussi sur Internet des
exposés en bonne et due forme. Mais pour être compris ces exposés nécessitent des
connaissances mathématiques du niveau d'une classe préparatoire ou des deux premières
années universitaires.
L'objet de ce texte est d'accéder, sans technicité autre que celle d'un honnête bachelier, à
l'idée de ce qu'est le développement d'une fonction périodiques en série de Fourier. Quitte à
irriter quelques puristes on s'appuiera beaucoup sur les représentations graphiques et on
évitera autant que faire se peut toute technicité inutile à une compréhension élémentaire de la
situation. Pour bien comprendre les enjeux il est bon d'avoir au moins les connaissances
présentées dans le texte "Fonctions périodiques".
Un exemple.
L'idée directrice est la suivante : Une fonction périodique, de période P, peut, sous certaines
conditions, être approchée avec autant de précision qu'on le désire par une somme de sinus et
de cosinus, de période P, P/2, P/3, P/4,… c'est à dire de la fondamentale P et de ses
harmoniques P/2, P/3, P/4,..
Pour fixer les idées on va regarder un exemple historique dû à L. Euler en 1754. Soit la
fonction périodique f(t), de période 2π, définie par sa donnée sur l'intervalle [-π; π], par
( ) / 2f t t=
et représentée graphiquement ci-dessous
Envisageons à présent la fonction
1( ) sins t t=
et comparons là graphiquement à f(t)
On n'a pas envie de considérer la sinusoïde comme une approximation de la fonction f(t),
encore que…..
Faisons un pas de plus et comparons graphiquement la fonction f(t) à la fonction
2
1( ) sin sin 2
2s t t t= −
Il y a incontestablement un saut qualitatif : cette nouvelle fonction commence à être une
approximation sensible, certes encore grossière de f(t).
Encore un pas avec
3
1 1( ) sin sin 2 sin 3
2 3s t t t t= − +
puis avec
4
1 1 1( ) sin sin 2 sin 3 sin 4
2 3 4s t t t t t= − + −
Bref, on s'aperçoit que l'approximation est de plus en plus précise, même si la fonction
"approximante" reste continue à l'endroit où la fonction initiale présente une discontinuité (un
saut)
Il est aussi intéressant d'observer le spectre de ces approximations. Ci-dessous, par exemple,
celui de
4
1 1 1( ) sin sin 2 sin 3 sin 4
2 3 4s t t t t t= − + −
avec la fondamentale en 1 et les harmoniques en 2, 3, 4.
On reste évidemment sur sa faim. "Pourquoi ?" "Comment ? "
Un second exemple;
Soit la fonction f(x), de période 2πdéfinie, sur [-π; π] par
_ 0( )
_ _ 0
t pour tf t
t pour t
π π
π π
+ − ≤ ≤=
− ≤ ≤
et représentée graphiquement ci-dessous
Les trois premiers termes de son développement en série de Fourier sont
3
4 cos3( ) cos
2 3²
ts t t
π
π
= + +
Comparons
La qualité de l'approximation est telle qu'on ne distingue plus les deux courbes !
En zoomant sur une pointe, on peut mieux se rendre compte:
ou encore en ne regardant que la courbe approximante
Un troisième exemple (utilisé par Fourier).
Soit la fonction f(x), de période 2πdéfinie sur [-π; π] par
0 _ 0( )
1_ _ 0
pour tf t
pour t
π
π
− ≤ <=
≤ <
et représentée graphiquement ci-dessous
Les cinq premiers termes de son développement en série de Fourier sont
5
1 2 1 1 1( ) sin sin 3 sin 5 sin 7
2 3 5 7s t t t t t
π
= + + + +
Comparons :
On a déjà une assez bonne approximation.
Vers une généralisation.
Les trois exemples précédents sont très parlants mais on ne sait pas comment ont été trouvées
les harmoniques en jeu, ni leurs amplitudes (leurs intensités) respectives. Déterminer cela
nécessite des techniques mathématiques d'un niveau qui dépasse celui choisi pour ce texte. On
ne peut que renvoyer vers des livres ou des exposés sur Internet. Mais pour la beauté de la
chose donnons quand même un aperçu des formules et quelques commentaires.
Soit donc une fonction f(t) de période 2π. Le but est de l'approcher par une somme de la
forme
0 1 1 2 2
1( ) cos sin cos 2 sin 2 ... cos sin
2n n n
s t a a t b t a t b t a nt b nt= + + + + + + +
où les 0 1 2, , ,... na a a a et les 1 2, ,... nb b b sont donnés par les formules suivantes :
0
1( )
1( )cos
1( )sin
n
n
a f t dt
a f t ntdt
b f t ntdt
π
π
π
π
π
π
π
π
π
−
−
−
=
=
=
∫
∫
∫
Deux questions, liées, se posent alors : Comment ces formules ont-elles été obtenues?
Comment s'en servir? Les réponses à ces questions dépassent le cadre de ce texte. A la
première nous donnerons quelques repères historiques dans le paragraphe suivant. Une
réponse partielle à la seconde peut s'énoncer ainsi :
Lorsque la fonction f(t) est d'une grande simplicité les techniques classiques du calcul intégral
permettent parfois de calculer directement les coefficients 0 1 2, , ,... na a a a et les 1 2, ,... nb b b . A
vrai dire pour la plupart des fonctions que l'on rencontre dans la pratique un tel calcul n'est
pas possible, mais les méthodes de calcul numérique, surtout à l'ère de logiciels de calcul très
sophistiqués, permettent d'obtenir des valeurs numériques satisfaisantes.
Un peu d'histoire.
Les séries trigonométriques apparaissent au XVIIIème siècle avec le problème des cordes
vibrantes. Il s'agit d'étudier les vibrations d'une corde tendue entre deux points fixes A et B
lorsqu'on la fait vibrer par un moyen quelconque. Ce problème se met en équation sous la
forme d'une équation aux dérivées partielles que voici :
² ²
² ²
y y
t xα
∂ ∂=
∂ ∂
dont les solutions ne sont pas élémentaires.
Le premier à s'y frotter est d'Alembert en 1747. Euler s'y attaque en 1748. Mais leur points de
vue divergent sur la notion même de fonction . La première solution "explicite" est donnée, en
1758, par Daniel Bernoulli qui affirme que la solution générale est de la forme
1 2 3
2 2 3 3( ) sin cos sin cos sin cos ...
x t x t x tf t a a a
l l l l l l
π πα π πα π πα= + + +
Cette solution fut immédiatement critiquée par Euler qui montre qu'une conséquence du
résultat de D. Bernoulli serait que toute fonction serait représentable par une somme de la
forme
1 2 3sin sin 2 sin 3 ....y a x a x a x= + + +
et que donc la solution proposée par D. Bernoulli manque de généralité. Une autre
controverse très vive opposera D. Bernoulli à d'Alembert.
Plus tard Lagrange reprend avec ses propres méthodes le problème et les points de vue
d'Euler, d'Alembert et D. Bernoulli, sans arriver, lui non plus, à surmonter toutes les
difficultés. La situation n'est pas mûre, en particulier parce que le concept de fonction n'est
pas encore clarifié.
On peut dire qu'on en reste là jusqu'en 1807 où Fourier présente à l'Académie des Sciences un
mémoire sur la théorie de la chaleur. Dans ce mémoire il propose un théorème selon lequel
toute fonction arbitraire peut être représentée par une série trigonométrique et exhibe, sous
certaines conditions restrictives, les formules citées dans le paragraphe précédent. Ces
résultats furent accueillis par Lagrange avec "enthousiasme et incrédulité". Un exposé plus
précis et plus développé de cette question paraît en 1822, dans l'œuvre maîtresse de Fourier, la
Théorie analytique de la chaleur.
Restait à préciser dans quel cas et de quelle façon la série de Fourier ainsi trouvée converge
vers la fonction à approximer. Il paraît évident que Fourier avait là dessus une vision tout à
fait correcte, mais il est vrai qu'il n'en a jamais publié une démonstration générale valable
dans tous les cas. C'est en cela qu'au cours de la fin du XIXème siècle et au début du XXème,
Fourier fut parfois considéré comme un mathématicien peu rigoureux, un mathématicien de
seconde zone ! Réputation qu'il traînera jusqu'au milieu du XXème siècle !
Cette question, nature de la convergence et conditions précises de convergence des séries de
Fourier, fut repris d'abord par Poisson qui s'appuiera sur des travaux du mathématicien
suédois Abel, puis par Cauchy. Mais il faudra attendre 1829 et le mathématicien allemand
Lejeune-Dirichlet pour avoir la première démonstration rigoureuse des résultats de Fourier.
Cette démonstration apparaîtra comme une véritable pierre de touche pour tout un
développement important de la théorie des fonctions.
La postérité contemporaine de Fourier fera l'objet d'un autre texte.