13
PROGRAMME

Shakespeare

Embed Size (px)

DESCRIPTION

 

Citation preview

PROGRAMME

SHAKESPEARE IN LOVEVendredi 27 février 2015 20H

Arsenal Grande Salle Metz

Direction Jacques MercierComédiens et Ivan Morane, récitant

Hector BerliozLe Roi Lear, Ouverture

Florent SchmittAntoine et Cléopâtre(Adaptation de Bernard Boland d’après la traduction d’André Gide)

Hector Berlioz (1803 – 1869)Le Roi Lear, Ouverture

L’Ouverture du Roi Lear fut composée, en avril et mai 1831, dans des circonstances peu ordinaires.Berlioz, tout juste arrivé à Rome comme lauréat du Prix de Rome de 1830, repartit subitement àParis avec l’intention d’assassiner sa fiancée Camille Moke, et la mère de celle-ci, pour avoirannoncé la rupture de leurs fiançailles... Arrivé à Nice il se ravisa, et décida de rester sur placependant plusieurs semaines où il composa notamment l’Ouverture du Roi Lear. Berlioz découvrit Shakespeare en 1827, mais ce n’est qu’en avril 1831, au cours d’un voyage pourFlorence qu’il lut pour la première fois « Le Roi Lear ». L’effet que la tragédie produisit sur lui étaitdonc présent à sa mémoire quand il écrivit son Ouverture.Bien que Berlioz n’eût pas laissé de commentaire sur le contenu de l’œuvre, il paraît évident qu’iltablait sur une connaissance de la tragédie, suffisante de la part de l’auditoire, pour interpréterl’Ouverture. Dans ce drame effroyable où l'on arrache à un homme ses deux yeux sur la scène, oùdeux sœurs abominables s'entretuent, où un fils après avoir trahi son père fait pendre sa troisièmesœur qui est un ange de pureté et d'amour filial, où les passions les plus viles se déchaînent pouraboutir à un véritable carnage, il y a de quoi s'en donner à cœur joie pour un jeune lionromantique de 1831.Le climat de Nice, les bains voluptueux dans la Méditerranée au sortir d'une crise sentimentalepromptement éclipsée par le gai soleil méridional, n'auraient-ils pas un peu adouci les ardeursshakespeariennes du compositeur ? Berlioz n'a pas cherché à faire la traduction musicale d'uneaction beaucoup trop compliquée, mais à poser quelques situations dramatiques. Le seulpersonnage qu'il a voulu doter d'un thème propre, en plus du Roi Lear, est celui de la douce etinfortunée Cordélia. On la voit d'abord paraître, éclairée par le timbre du hautbois. On laretrouvera ultérieurement à maintes reprises. Un autre thème, violent celui-là et agité, estévidemment lié à la colère du Roi Lear, traité de manière indigne par ses filles, qui le conduira à lafolie. L'opposition majeure se jouera entre cet élément thématique, le plus rude de la pièce, et ladouce mélodie affectée à Cordélia ; le thème solennel revenant imposer, en plusieurs points dedéveloppement, la dignité du vieux roi bafoué.

1831Événements contemporainsNaissance de la Belgique. Révolte des canuts lyonnais, durement réprimée. Loi prévoyantl'élection d'un conseil municipal tous les 6 ans. Création de la Légion étrangère. Mort duphilosophe allemand Hegel. Parution de « Notre Dame de Paris » de Victor Hugo. Goethetermine son second Faust. Premier concert de Paganini à Paris. Chopin s’installe à Paris. Œuvres contemporainesBellini Norma, Chopin Trois Nocturnes (op15), Mendelssohn Concerto pour piano n°1.

Florent Schmitt (1870 – 1958)Antoine et CléopâtreAdaptation de Bernard Boland d’après la traduction d’André Gide.

Dans son livre la « Vie de Marc-Antoine », Plutarque rapporte qu’en l’an 43 avant J.C. unarrangement eut lieu entre Octave, Lépide et Marc-Antoine pour se partager le commandementde l’Empire. À Antoine furent confiées les provinces d’Orient où, nous dit encore Plutarque, « ilconçut un amour pour la Reine d’Égypte qui, rallumant en lui avec fureur des passions encorecachées et endormies, acheva d'éteindre et d'étouffer ce qui pouvait lui rester encore desentiments honnêtes et vertueux ». L’amour relaté par Plutarque, et par Shakespeare dans Antoineet Cléopâtre, l’une des plus belles, des plus profondes et des plus sombres de ses tragédies, tientbeaucoup plus des jeux macabres du chat et de la souris. L’admirable fresque orchestrale de Florent Schmitt au titre éponyme, écrite en 1919, est unbouleversant poème d’amour et de mort. À l’origine, l’œuvre prit la forme d’une musique descène commandée à Florent Schmitt pour la création à l’Opéra de Paris, par Ida Rubinstein, d’unenouvelle traduction de la pièce par André Gide. La musique a été ensuite rassemblée en Deux Suitesd'orchestre de trois épisodes chacune, sous le titre de Six épisodes symphoniques d'après le drame deShakespeare, qui furent joués en octobre 1920, aux Concerts Lamoureux. Il serait vain d'y chercherune correspondance trop précise avec le drame shakespearien, mais la musique en traduit en revancheadmirablement l'atmosphère, l'esprit, le conflit psychologique et la philosophie.

Première Suite1. Antoine et Cléopâtre/ 2. Le Camp de Pompée/ 3. La Bataille d’Actium

Antoine et Cléopâtre qui met en présence les deux amants, décrit leur affrontement, qui va se conclurepar la victoire de la femme sur l’homme au terme d’une ensorcelante manœuvre. Dans le Camp de Pompée au moment où s’achève les préparatifs du combat, l’atmosphère est celled'une « veillée d'armes » : un mouvement écrit seulement pour les cuivres, les timbales et la batterie,prélude à la bataille d'Actium au cours de laquelle Antoine, certain de sa propre perte, va se livrer, pourle plaisir de défendre chèrement sa vie, au plus sauvage des combats. Ici, ce sont des crépitements derythmes saccadés et une mélodie s'élance des profondeurs de l'orchestre ; on croit entendre les armesqui s'entrechoquent, les vaisseaux qui s'éperonnent et s'abordent .Deuxième Suite

1. Nuit au palais de la Reine/ 2. Orgies et danses/ 3. Le Tombeau de CléopâtreLa Deuxième Suite débute par la Nuit au palais de la Reine. Pour éblouir Antoine, et le détacher deRome et de sa seconde femme Octavie (sœur d'Octave), Cléopâtre donne une fête en son palais. Desbribes de mélopées asiatiques donnent naissance à une très belle mélodie du hautbois, qui s’élancedans une danse voluptueuse, langoureuse et triste.Au cours de l’épisode suivant, Orgie et danses. Octave campe sous les murs d'Alexandrie. Dans unultime sursaut d'orgueil et de courage, Antoine a décidé de partir combattre une dernière fois à la têtede ses troupes. Mais pour l'heure, que l'on boive, ripaille et danse, car demain ce sera peut-être lenéant. Rythmes entrecoupés, hachés d'accents violents. Une mélodie sinueuse des cuivres proclamel'élan dionysiaque d'Antoine et son appétit désespéré de jouissances avant la dernière bataille.Nous voici au Tombeau de Cléopâtre. Antoine s’est donné la mort et rend l'âme dans les bras de sabien-aimée. Retenue captive dans son tombeau pour participer au triomphe d'Octave, la Reine se faitpiquer par un aspic dissimulé dans un panier de figues et meurt, le nom d'Antoine sur les lèvres. Sansdoute ce dernier mouvement doit-il être entendu comme un hommage aux deux amants. Ce sublimechant d'amour et de mort couronne l'édifice symphonique. L'émotion poignante qui en émane repose

sur une organisation rigoureuse ; on assiste à un dialogue polyphonique entre deux mélodies quireprésentent chacun des deux héros, dans une atmosphère immobile.

1919Événements contemporainsSignature du Traité de Versailles. Début de l'Affaire Landru. En Italie, Mussolini fonde à Milan «les Faisceaux de combat », futur noyau de son Parti national fasciste. Roland Dorgelès publie «Les Croix de bois » et Marcel Proust « À l'ombre des jeunes filles en fleurs ». Découverte duvirus de la Grippe.Œuvres contemporainesLe Tricorne de Manuel de Falla. Le Mandarin merveilleux de Béla Bartók et La Femme sansombre de Richard Strauss. Fauré écrit Masques et Bergamasques et Poulenc Le Bestiaire.

Durée : 75’+ entracte

Antoine et Cléopâtre

Le Récitant

Dans sa Vie de Marc-Antoine, Plutarque rapporte qu’en l’an 43 avant J.C., un arrangement eut lieu entre Octave, Lépide, et Marc-Antoine pour se partager le commandement de l’Empire. A Antoine furent confiées les provinces d’Orient où, nous dit encore Plutarque, « il conçut un amour pour la Reine d’Egypte qui, rallumant en lui avec fureur des passions encore cachées et endormies, acheva d'éteindre et d'étouffer ce qui pouvait lui rester encore de sentiments honnêtes et vertueux. » De cette histoire, William Shakespeare tira une tragédie où, par la bouche de deuxlieutenants de Marc Antoine, il imagina la première rencontre entre les deux amants :

Récitant — Eh bien, mon cher Enobarbus, on se la coulait douce, en Egypte ?

Enobarbus. — Vous parlez ! On épuisait le jour à dormir et l'ivresse illuminait la nuit.

Récitant — Huit sangliers rôtis pour douze convives, et pour un seul repas, doit-on le croire ?

Enobarbus — Une bagatelle ! En fait de bombance, nous eûmes plus extraordinaire encore et qui mérite vraimentd'être cité.

Récitant — Ce doit être une femme bien merveilleuse, si elle ne dément pas sa renommée.

Enobarbus — Quand, sur les eaux du Cydnus, elle vint à la rencontre d'Antoine, du premier coup elle vous empochason cœur.

Récitant — Oui, c'est bien là qu'ils se sont rencontrés, à ce qu'on raconte.

Enobarbus — Je puis vous le dire : la barque où elle était couchée, resplendissait comme un trône, incendiait l'eau ;la poupe était d'or martelé ; de pourpre les voiles et parfumées au point que les vents amoureux pâmaient sur elles ;les avirons étaient d'argent, qui battaient les flots en cadence, au son des flûtes, et faisaient s'empresser les eaux sousles délices de leurs coups. Quant à elle, son aspect met toute description en déroute : sous un pavillon de drap d'or,elle reposait plus belle encore que cette image de Vénus où l'imagination fait honte à la réalité ; à ses côtés demignons garçons potelés, pareils à de souriants cupidons, agitaient des éventails diaprés, au souffle desquelsparaissait s'aviver l'incarnat des délicates joues, rafraîchies comme s'ils eussent à la fois propagé l'ardent et le frais.

Récitant — Malsain pour Antoine.

Enobarbus — Ses suivantes, comme autant de Néréides, et semblables aux fées des eaux, prenaient ordre dans sesregards, décorativement inclinées. A l'arrière, une sirène, eût-on dit, tenait la barre, dont on voyait les cordonnets desoie, au toucher des fleurs de ses doigts, se tendre dans un prompt office. De toute la barque s'exhale une invisiblevapeur parfumée dont les quais adjacents s'enivrent, vibrant du peuple qu'y déversait la cité. Vers elle tous accourent,désertant la place publique où trône Antoine ; autour de celui-ci, le vide ; il siffle ; mais on dirait que l'air même luimanque, parti pour contempler lui aussi Cléopâtre, et laissant dans la nature un trou.

Récitant — Rare Egyptienne !

Enobarbus — La barque accoste ; un messager d'Antoine invite Cléopâtre à souper ; elle refuse ; mieux vaut que cesoit lui qui vienne ; elle le convie instamment. Notre galant Antoine, à qui femme jamais n'entendit dire : non, se faitcoiffer, raser dix fois, se rend à la fête et, pour écot, paie de son cœur ce que ses yeux ont dévoré.

Récitant — La royale putain ! Du grand César aussi elle a su mettre au lit le glaive ; il a labouré et elle a porté larécolte.

Enobarbus — Je l'ai vue un jour sauter à cloche-pied dans la rue ; au quarantième bond, perdant souffle, elle s'arrête,veut parler, palpite, et, faisant de sa gêne une grâce de plus, triomphe dans la défaillance.

Récitant — A présent, c'en est fait. Antoine a dû lui dire adieu pour toujours.

Enobarbus — Antoine ne lui dira jamais adieu. Les années passeront sans la flétrir. Son extrême diversité met au défila lassitude. Toute autre femme, en se prêtant au désir qu'on avait d'elle, l'exténue ; mais elle, plus elle assouvit, pluselle excite ; il n'est rien de vil, de honteux qui ne paraisse seyant en elle, à ce point que les saints prêtres la bénissentau milieu de ses débordements.

N°1 « Antoine et Cléopâtre »

Le récitant Cependant le cours des événements oblige Antoine à s’arracher pour un temps des bras de Cléopâtre et à regagnerRome. Sextus Pompée, le plus jeune fils du grand Pompée, menace toutes les côtes de l’Empire de sa redoutableflotte de guerre. Face au danger, les trois triumvirs, Octave, Lépide et Antoine décident de rencontrer Pompée afin deconclure un traité de paix. L’entrevue a lieu, rapporte Plutarque, « sur la pointe du Cap Misène [dans la baie deNaples] qui s’enfonce le plus dans la mer. Pompée avait sa flotte à l'ancre près de lui, et les armées des triumvirsétaient vis-à-vis en bataille. »

N° 2 « Le Camp de Pompée »Le récitant D’abord sur la réserve, Pompée finit par accepter de bonne grâce la Sicile et la Sardaigne que lui proposent enpartage les triumvirs. Et pour célébrer leur entente, les invite dans son somptueux vaisseau où tous devisentgaiement, chantent, dansent et surtout boivent « jusqu’à faire tourner le monde ». Dans sa grandeur d’âme, Pompéerefuse même de prêter oreille à l’un de ses lieutenants qui lui conseille de profiter de l’occasion pour se débarrasserune fois pour toutes de ses rivaux. Une erreur qui lui sera fatale, car tout comme Lépide, il sera bientôt éliminé.Alors, ainsi que le résume un des personnages du drame, « Antoine et Octave-César demeurent seuls en présence.Comme une paire de mâchoires qui se referme sur le monde, tout ce que le monde peut jeter entre eux d'aliments, neles empêchera pas de grincer ».La confrontation décisive aura lieu sur mer, au large d’Actium ; une des plus terribles batailles navales de tous lestemps, pour l’évocation de laquelle Shakespeare avait expressément prévu une « symphonie nautique ».

N° 3 : La Bataille d’Actium

Le récitant [Récit de Plutarque] « Ce fut un désastre pour les flottes d’Antoine et de Cléopâtre : « le combat était encore douteuxet la victoire incertaine, lorsque, tout à coup, les soixante vaisseaux de Cléopâtre, déployant les voiles pour faire leurretraite, prirent la fuite à travers les galères qui combattaient : comme ils étaient placés derrière les gros vaisseauxd'Antoine, en passant au milieu des lignes ils les mirent en désordre. Les ennemis, qui les suivaient des yeux, lesvirent avec la plus grande surprise, poussés par un bon vent, cingler vers le Péloponnèse. Ce fut alors qu'Antoine,bien loin de montrer la prudence d'un général ou le courage et même le bon sens le plus ordinaire, vérifia ce quequelqu'un a dit en badinant : que l'âme d'un homme amoureux vit dans un corps étranger. Entraîné par une femmecomme s'il lui eût été collé, et qu'il fût obligé de suivre tous ses mouvements, il ne vit pas plutôt le vaisseau deCléopâtre déployer ses voiles, qu'oubliant tout, qu'abandonnant, que trahissant ceux qui combattaient et mouraientpour lui, il monta sur une galère à cinq rangs de rames, et, se mit à la suite d'une femme qui se perdait, et qui devaitbientôt le perdre lui-même ».Cependant les amants réussissent à fuir. Et, avec le retour à Alexandrie, vient pour Antoine, le temps des reprochesles plus amers envers sa compagne :

Antoine — Où donc m'as-tu conduit, Egyptienne ! Pour cacher à tes yeux ma rougeur, je me détourne et contemplederrière moi mon déshonneur et la ruine.

Cléopâtre — O mon Seigneur ! Pardonnez à nos voiles craintives. Mais je ne pouvais pas penser que vous alliez mesuivre.

Antoine — Tu savais pourtant bien que mon cœur était attaché à ta proue et que tu m'entraînerais à la remorque. Tuconnaissais ta suprématie sur mon âme et qu'un signe de toi pouvait me faire enfreindre l'ordre des dieux.

Cléopâtre — Oh ! Pardon.(…)

Antoine — Vous n'étiez encore qu'à demi-flétrie quand j'ai fait votre connaissance. Quoi ! J'ai laissé là-bas l'oreillernuptial sans même y avoir posé ma tête ; j'ai résigné l'espoir d'une descendance loyale, offerte par la plus noble desfemmes, tout cela pour disputer ma part à des valets.

Cléopâtre — Mon bon Seigneur !

Antoine — Vous avez toujours été versatile. Mais la sagesse impitoyable des dieux aveugle ceux qui se complaisentdans leur vice ; ils laissent enfoncer dans la boue le jugement le plus lucide et nous forcent d'adorer nos erreurs pours'esclaffer ensuite devant notre orgueilleuse confusion.

Cléopâtre — Quoi ! Nous en sommes là !

Antoine — Je vous ai ramassée comme un reste sur l'assiette du défunt César. Ah ! J’oubliais Cneius Pompée, sanscompter tant de petites voluptés clandestines (la renommée les passe sous silence) que votre luxure a de-ci de-làpicorées. Car je jurerais bien, si peut-être vous imaginez ce que peut être la continence, que vous ne l'avez jamaisconnue.

Cléopâtre — Où voulez-vous en venir ?

Antoine — Oh ! Permettre à ce rustre gagé, qui reçoit en se courbant son salaire, des familiarités avec ce sceau royal,ce garant de la foi des grands cœurs, ce compagnon de mes jeux, votre main ! Oh ! Que ne suis-je parmi lestroupeaux sur la montagne de Basan, pour y mugir plus haut que les autres bêtes à cornes ! Car j'ai de sauvagesgriefs, et de les proclamer civilement serait leur faire trop d'honneur.

Cléopâtre — C'est fini ?

Antoine — Hélas ! Si son astre vivant l'abandonne, comment Antoine ne sombrerait-il pas dans la nuit ?

Cléopâtre — J'attends qu'il en sorte.

Antoine — Pour flatter César, faire les yeux doux à quelque laquais de l'office !

Cléopâtre — Ne pas mieux me connaître !

Antoine — Et se montrer de glace envers moi !

Cléopâtre — Ah ! Cher, s'il en était ainsi, que le ciel empoisonne mon cœur, que de cette froideur germe la grêle ;que le premier grêlon m'assassine ; que le second frappe [mon fils] Césarion ; et que les suivants exterminent tour àtour tous ceux de ma race, puis tous mes braves Egyptiens ; qu'ils gisent pêle-mêle, sans sépulture, dans l'amas decette grêle fondue, jusqu'à ce que les mouches et les moustiques du Nil les dévorent.Antoine — Ah ! Je suis satisfait. César s'établit auprès d'Alexandrie; c'est là que je veux lui résister. Nos forces deterre ont vaillamment tenu. Notre flotte un instant égaillée se rassemble et de nouveau navigue en menaçant les flots.Où donc s'était endormi mon courage ?

N°4 « Nuit au Palais de la Reine ».

Ecoute, ma charmante : si du combat je reviens encore pour baiser ta lèvre adorée, c'est tout couvert de sang que je teveux apparaître. Pour tracer notre histoire la pointe de mon glaive sert de plume à la renommée. J'ai grand espoirencore.

Cléopâtre — Vous revoilà, mon brave Seigneur !

Antoine— Je me sens triple cœur et me veux les muscles triplés pour un combat sans défaillance : du temps que mesheures coulaient limpides, mes ennemis rachetaient leur vie par un bon mot ; mais à présent je vais serrer les dents etvouer à l'enfer tout l'encombrement de ma route. Viens ! Accordons-nous une dernière nuit de liesse. Qu'onrassemble ici mes capitaines assombris. Emplissons encore nos coupes, et nous réveillerons l'aurore.

Cléopâtre — C'est aujourd'hui le jour de ma naissance : je m'apprêtais à le passer tout tristement. Mais puisque monSeigneur veut bien redevenir Antoine, je vais être de nouveau sa Cléopâtre.

Antoine — Il y a encore du bon pour nous.

Cléopâtre — Convoquez tous les officiers

Antoine — Faites ; il faut leur parler; et je veux que ce soir le vin baigne leurs cicatrices. (Se tournant vers sesserviteurs) Mes fidèles amis, servez-moi cette nuit encore ; peut-être pour la dernière fois. Accordez-moi, n'est-cepas, ces quelques heures, puis... que les dieux vous récompensent. Allons souper ! Venez. Incendions la nuit de milletorches et noyons dans l'ivresse les importunes considérations.

Ah ! Je sens encore en moi de la sève. Quand, demain, j'irai combattre, je rendrai jaloux de moi la mort même, tantsa faux devra rendre de points à mon glaive. Viens, ma reine !

Le récitant

De ce que fut cette nuit pour les deux amants, Shakespeare n’en donne nul détail. Mais Plutarque nous dit qu’elle seprolongea longtemps par « une harmonie d'instruments de toute espèce, mêlée de cris bruyants, de danses de satyreset de chants de réjouissance, tels que ceux qui accompagnent les fêtes de Bacchus ».

N° 5 Orgies et Danses.

Le récitant L’adversité et les trahisons de ses lieutenants auront pourtant raison du regain de vigueur et d’espoir de Marc-Antoine. Se croyant un moment victorieux d’une dernière bataille terrestre, il verra ensuite ses vaisseaux se rendresans combattre à la flotte d’Octave. Résolu à mourir, il se plonge une épée dans le cœur et, agonisant, se fait porterauprès de la Reine.

C’est aux portes du tombeau de la dynastie des Ptolémées, où Cléopâtre s’était réfugiée, qu’aura lieu la dernière entrevue entre les amants.

Cléopâtre (au serviteur). — Quoi ! Serait-il mort ?

Un serviteur — La mort plane sur lui, mais il respire encore. Ses gardes vous l'amènent ; le voici.

Cléopâtre — O Soleil, incendie ton axe, consume ton support, disparais, abandonne à l'obscurité le rivage inconsistant du monde. Antoine ! Antoine ! Antoine ! A moi Charmion ! A moi Iras ! A l'aide, à la rescousse, amis. Aidez à le hisser jusqu'ici.

Antoine — Doucement ! Non point César ; Antoine seul a triomphé d'Antoine.

Cléopâtre — Je savais qu'Antoine ne pouvait être vaincu que par Antoine. Mais hélas !

Antoine — Je meurs, Egypte ! Je meurs. Je ne puis écarter la mort que juste le temps de poser, de tant de légions debaisers, le pauvre dernier, sur tes lèvres.

Cléopâtre — Je n'ose pas descendre, cher. — Mon seigneur, pardon, j'ai peur, peur d'être prise. Il ne faut pas que lefortuné César dans sa parade puisse se glorifier de m'avoir. Et tant qu'il y aura encore pour moi des couteauxaiguisés, du poison, des serpents, des lacets, je suis tranquille. Votre épouse, la chaste Octavie, ne doit pas goûter leplaisir de reposer sur ma déconvenue ses yeux modestes. Mais viens ! Viens, mon ami ! Femmes, aidez-moi, il fautque nous le tirions jusqu'ici. — Allons, camarades : un coup de main.

Antoine — Ah ! Faites vite ou il ne sera plus temps.

Cléopâtre — En voilà un exercice ! Non ! mais ce que vous êtes lourd, mon Seigneur ! Toute notre faiblesse s'ajouteà votre poids. Si j'étais Junon, j'ordonnerais à Mercure ailé de vous enlever jusqu'au trône de Jupiter. Mais lessouhaits sont les gestes de fous. Bien, encore un effort ! Oh ! viens ! viens ! viens !

Un serviteur — Qu’on le porte -avec douceur- au plus près de la Reine…

Cléopâtre. — Te voilà ! Te voilà ! Viens mourir où tu voulais vivre. Ranimer avec des baisers ! Ah ! si je leurconnaissais ce pouvoir, j'y userais mes lèvres.

Un serviteur — Quel triste spectacle !

Antoine — Je meurs, Egypte ! Je meurs ! Un peu de vin je vous prie. Je veux te dire...

Cléopâtre — Non, laisse-moi parler. Je pousserai mon imprécation jusqu'au ciel où de confusion trébuchera sur saroue la Fortune.

Antoine — Un mot seulement, reine adorée. Cherche auprès de César l'honneur et la sécurité.

Cléopâtre — Hélas ! En cherchant l'un, je perds l'autre.

(…)

Antoine — Oublie la décevante fin de l'histoire. Ramène complaisamment ta pensée sur l'heureux temps où, pourtoute la terre, rien n'était de plus fort, de plus noble que moi. Je meurs sans honte, Romain vaincu par un Romain etce n'est pas à un ennemi du sol, ni lâchement, qu'aujourd'hui, je rends mon épée. Mon souffle me quitte, je suis àbout.

Cléopâtre — O le plus grand des hommes, tu veux donc mourir ! N'as-tu donc plus souci de moi ? Faut-il que jem'attarde sans toi dans ce monde décoloré qui sans toi ne m'est rien plus qu'un cloaque. O mes filles, voyez ! Lacouronne de l'univers se dénoue. Seigneur ! la guirlande flétrit, la palme du combat se fane et l'étendard est abattu, Aprésent tous les enfants des hommes se valent ; ce qui superbement les dominait n'est plus. Tout se nivelle et s'égaliseet la lune en visitant la terre ne saura plus où regarder.

Le récitantLa suite du drame est universellement connue : S’étant procuré un aspic auprès d’un paysan, Cléopâtre se donnera àson tour la mort en appliquant à son sein le fatal venin. Et, pour la postérité, le mot de la fin reviendra à Octave-César qui, décidant de faire ensevelir les deux amants côte à côte, proclama qu’ « aucun tombeau de ce monde ne sesera jamais saisi d'un couple plus fameux. »

N° 6 « Le Tombeau de Cléopâtre »

JACQUES MERCIER

Premier prix de direction d’orchestre à l’unanimité au Conservatoire national supérieur de musique de Paris,Jacques Mercier obtient aussi le Premier prix du Concours international de jeunes chefs d’orchestre deBesançon.Assistant de Pierre Boulez à l’Opéra de Paris et à l’Ensemble Intercontemporain, il bénéficie des conseils de Herbertvon Karajan.Jacques Mercier entame rapidement une carrière internationale. Il dirige de prestigieuses formations : l’Orchestre deParis, l’Orchestre national de France, le London Symphony Orchestra, l’Orchestre de la Suisse Romande… Qualifiéde « Souveräner Dirigent » à Berlin, Jacques Mercier se produit au festival de Salzbourg tout comme à Séoul,Montréal, Kyoto, Helsinki… et Madrid où il est cité par la critique comme « l’un des meilleurs chefs français eteuropéens de sa génération ».

De 1982 à 2002, Jacques Mercier est directeur artistique et chef permanent de l’Orchestre national d’Île-de-France. «Déployant une énergie et un enthousiasme communicatifs, Jacques Mercier est parvenu à hisser sa formation aupremier rang des orchestres français » (Olivier Bellamy dans L’Événement du Jeudi). « Jacques Mercier a fait lapreuve irréfutable de son grand talent fait de précision et de maîtrise, mais aussi de flamme et de panache » (PierrePetit, Le Figaro).

Durant sept années, Jacques Mercier est chef permanent du Turku Philharmonic en Finlande : uneexpérience déterminante dans son approche des oeuvres des compositeurs du Nord de l’Europe comme Sibeliusdont il s’attache à faire découvrir le répertoire en France. Mais son talent, fait de précision, de rigueur, de finesse etd’une extrême sensibilité, s’illustre à merveille dans le répertoire français du XIXe et XXe siècles jusqu’à la musiqued’aujourd’hui qu’il défend avec passion. Il crée en particulier des œuvres de Iannis Xenakis, Luis de Pablo, PhilippeManoury et Wolfgang Rihm…

Pour le choix de ses enregistrements, Jacques Mercier fait preuve de curiosité et de pertinence. On lui décerne leGrand Prix de l’Académie Charles Cros pour Bacchus et Ariane d’Albert Roussel ainsi que le Prix de l’Académie dudisque lyrique pour Djamileh de Bizet. Son enregistrement du Martyre de Saint-Sébastien de Claude Debussy paruchez RCA a obtenu le Choc du Monde de la Musique. En 2007, son premier disque avec l’ONL, L’An Mil de GabrielPierné, ainsi que celui enregistré en 2008, consacré à Antoine et Cléopâtre de Florent Schmitt, ont obtenu unDiapason d’or.Dans le domaine de l’opéra, Jacques Mercier dirige tout particulièrement des œuvres issues du répertoire français :Carmen, Faust, Béatrice et Benedict, Lakmé, Les Pêcheurs de perles…L’Orchestre national de Lorraine se produit dans de nombreux festivals : La Chaise-Dieu, Brighton, La Côte Saint-André, El Jem… Jacques Mercier est élu Personnalité musicale de l’année 2002 par le Syndicat professionnel de lacritique dramatique et musicale. En janvier 2011, lors d’une tournée de l’ONL, la presse allemande a qualifié JacquesMercier de « Magicien de la baguette » (Mannheim).

En 2002, Jacques Mercier est nommé Directeur musical. La même année, en reconnaissance de l’excellence de sontravail, la Philharmonie de Lorraine se voit décerner le label « national » par le Ministère de la Culture, 26 ans aprèssa fondation. Aujourd’hui, la confiance accordée à cette phalange, devenue Orchestre national de Lorraine, lui vautde bénéficier de conditions de travail uniques en France : non seulement il se produit à l’Arsenal (reconnue commel’une des meilleures salles de concert européennes) mais aussi à l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole.Véritable ambassadeur de la vie culturelle lorraine, l’ONL rayonne non seulement à travers sa région d’attache maiségalement en France et à l’étranger : Espagne, Italie, Autriche, Grande-Bretagne, Suisse, Allemagne, Belgique etLuxembourg.L’Orchestre national de Lorraine entretient une étroite coopération avec la Deutsche Radio PhilharmonieSaarbrücken Kaiserslautern et le Musikfestspiele Saar. Depuis la création de « Metz en Scènes » en 2009, l’ONL arenforcé ses liens avec cet établissement en devenant un partenaire privilégié, élaborant des projets conjoints commede grands concerts, mais également l’accueil de compositeurs en résidence.

Sous l’impulsion de Jacques Mercier, l’Orchestre national de Lorraine aborde un répertoire des plus variés, composéd’oeuvres classiques jusqu’à la création contemporaine, avec une affection particulière pour la musique française.

Pour parfaire sa politique d’ouverture du répertoire, l’ONL participera occasionnellement à des projets aux Trinitaireset à la BAM (Boîte à musiques), nouvelle salle des musiques actuelles à Metz.

Depuis 2009, l’ONL présente des spectacles dans sa magnifique « Maison de l’Orchestre », qui va devenirprogressivement un lieu d’innovation pour son projet d’action culturelle, tout en renforçant les activités orchestralesmessines du futur Pôle lyrique, symphonique et chorégraphique lorrain.

L’Orchestre national de Lorraine est administré et soutenu financièrement par un syndicat mixte réunissant la Ville deMetz et le Conseil régional de Lorraine. Le Ministère de la Culture et de la Communication (DRAC Lorraine) participeégalement à son financement.

Ivan MORANE

Né en 1956, Chevalier des Arts et des Lettres, comédien et metteur en scène de Théâtre, d'Opéra et de grands spectacles de sons et lumières depuis 1974 - Président d'Honneur du Mouvement Corneille - Centre de recherches internationales - Sociétaire de la SACD.

Ivan MORANE est metteur en scène et comédien. Au Théâtre et à l’Opéra, il a signé plus de 50 mises en scène depuis 1974.Dès 1979, il met également en scène de grands spectacles comme le transfert des cendres de Dumas au Panthéon en 2002.

De 1996 à 2006, il est directeur de la Scène Nationale d’Albi où il organise de nombreuses résidences de compositeurs.

Depuis 2009, il est directeur artistique de l’Ensemble ZELLIG pour lequel il crée la mise en scène de plusieurs concerts donnés au CentQuatre et au Théâtre du Chatelet à Paris, à la Ferme du Buisson de Marne-la-Vallée, au CDN de Montreuil, au Parc Floral de Vincennes et à l’Opéra-Comique.

Il joue régulièrement comme comédien et participe à différentes lectures de textes classiques et contemporains.