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J Radiol 2006;87:639-45 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2006 article original ostéoarticulaire Signes échographiques d’enthésopathies au cours des dactylites psoriasiques T Lalande Champetier de Ribes (1), N Margarit-Coll (2), N Sans (1), O Loustau (1), ML Deysperoux (1), H Chiavasssa (1), J Giron (1), B Fournie (2) et JJ Railhac (2) e rhumatisme psoriasique (RP) pré- sente un double tropisme. Il entraîne des synovites comme le fait la poly- arthrite rhumatoïde (PR) mais aussi et surtout, des enthésopathies. Intuitivement, les différences constatées entre ces deux grands rhumatismes devaient révéler une sémiologie de l’enthésite. C’est pourquoi nous avons voulu évaluer l’apport de l’échographie doppler au cours des mani- festations digitales de la PR et du RP. Notre premier objectif était de rechercher des signes d’enthésopathies échographi- ques plus spécifiques des dactylites pso- riasiques. Secondairement nous nous sommes intéressés aux performances de l’échographie en termes de dépistage de synovite et d’anomalies des contours osseux. Matériels et méthodes Notre étude prospective a concerné 34 patients, 17 PR définis selon les critères de l’ACR (1) et 17 RP définis selon les cri- tères de Fournie (2). Quarante dactylites ont été analysées, soit 120 articulations. Le critère d’inclusion était l’existence d’au moins une dactylite aiguë ou chroni- que, caractérisée par au moins une arthrite d’une articulation métacarpophalangienne proximale (MCP), interphalango proxi- male (IPP), ou interphalango distale (IPD). L’atteinte digitale était floride, chez 94 % des PR et chez 76 % des RP, le sexe ratio (f/h) était égal à 2,4 chez les PR et 1,4 chez les RP. La moyenne d’âge des patients était de 51 ans pour les PR et de 43 ans pour les RP. La durée moyenne d’évolu- tion du rhumatisme inflammatoire était de 11 ans chez les PR et de 9 ans chez les RP. Tout état septique local, suspecté ou documenté était considéré comme un critère d’exclusion. Aucune infiltration intra-articulaire n’a été réalisée avant l’examen échographique. Après examen clinique réalisé par un rhumatologue, une radiographie des mains de face était effectuée puis interprétée par deux rhu- matologues. Pour décrire les anomalies osseuses observées, nous avons eu recours aux critères de Steinbrocker modifiés et aux critères radiologiques des doigts et des orteils (CRDO) (2, 3). Dans une dernière phase, l’échographie-Doppler était effec- tuée dans un délai maximum de 48 heures à partir du jour d’inclusion. Afin de se sous- traire aux variations liées à l’opérateur- dépendance, cet examen a été réalisé par le même radiologue dans une salle climati- sée à température constante. Le radiolo- gue échographiste ne visualisait pas les ra- diographies avant de pratiquer son examen. Les examens ont été réalisés avec une sonde type « barrette » de 13,5 MHz (Siemens Sonoline ELEGRA) munie d’une poche à eau. Le mode Doppler était de type éner- gie avec réglages (PRF) constants. L’étude analysait les contours osseux à la recherche d’une érosion, d’une produc- tion ou simplement d’une irrégularité Abstract Résumé Ultrasound features of entesopathy in patients with psoriatic dactylitis J Radiol 2006;87:639-45 Purpose. To describe the sonographic features of entesopathy in patients with psoriatic dactylitis. Materials and methods. Clinical, radiographic and sonographic evaluation of 120 hand joints with clinical abnormality including 20 fingers in 17 patients with rheumatoid arthritis (RA) and 20 fingers in 17 patients with psoriatic arthritis (PA). Results. Forty cases of dactylitis. In patients with RA: 29 cases of synovitis, 15 cases of tenosynovitis, and 2 cases of tendinitis; in patients with PA: 21 cases of synovitis and 3 cases of tenosynovitis. Bone erosions were present in RA patients whereas erosions with bone production were present in PA patients. A total of 60% of RA and PA patients showed erosions on conventional radiographs. Features suggesting entesopathy were present in PA patients only: specific changes of P3, capsular hyperostosis and periarticular periostitis. Conclusion. Based on evaluation of PA patients, it seems that sonographic features suggesting entesopathy in patients with dactylitis may be present. But. Reconnaître les signes échographiques des enthésopathies au travers du rhumatisme psoriasique. Matériels et méthodes. Examen clinique, radiographies et échogra- phies Doppler de 120 articulations de doigts cliniquement patholo- giques. 20 doigts chez 17 patients porteurs d’une polyarthrite rhuma- toïde (PR) et 20 doigts chez 17 patients porteurs d’un rhumatisme psoriasique (RP). Résultats. 40 dactylites. Dans le groupe PR : 29 synovites, 15 ténosy- novites et 2 tendinites ; dans le groupe RP : 21 synovites et 3 ténosyno- vites. L’analyse des contours osseux révélait des érosions osseuses chez les PR, des érosions et des productions osseuses chez les RP. Parmi les PR et les RP, il existait 60 % d’érosions à radiographies normales. Au sein des RP uniquement, on retrouvait des signes évocateurs d’enthé- sopathies : remaniements spécifiques de P3, hyperostoses capsulaires et périostites juxta articulaires. Conclusion. Il semble se dessiner au travers du RP une sémiologie échographique propre aux enthésopathies des doigts. Key words: Enthesopathy. Finger. Ultrasound. Psoriatic arthritis. Mots-clés : Enthésopathie. Doigts. Échographie Doppler. Rhumatisme psoriasique. L (1) Service de Radiologie Centrale, (2) Service de Rhumatologie Hôpital Purpan, Place du Dr Baylac, 31059 Toulouse Cedex 9. Correspondance : T Lalande Champetier de Ribes E-mail : [email protected]

Signes échographiques d’enthésopathies au cours des dactylites psoriasiques

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Page 1: Signes échographiques d’enthésopathies au cours des dactylites psoriasiques

J Radiol 2006;87:639-45© Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2006

article original

ostéoarticulaire

Signes échographiques d’enthésopathies au cours des dactylites psoriasiques

T Lalande Champetier de Ribes (1), N Margarit-Coll (2), N Sans (1), O Loustau (1), ML Deysperoux (1), H Chiavasssa (1), J Giron (1), B Fournie (2) et JJ Railhac (2)

e rhumatisme psoriasique (RP) pré-sente un double tropisme. Il entraînedes synovites comme le fait la poly-

arthrite rhumatoïde (PR) mais aussi etsurtout, des enthésopathies. Intuitivement,les différences constatées entre ces deuxgrands rhumatismes devaient révéler unesémiologie de l’enthésite. C’est pourquoinous avons voulu évaluer l’apport del’échographie doppler au cours des mani-festations digitales de la PR et du RP.Notre premier objectif était de rechercherdes signes d’enthésopathies échographi-ques plus spécifiques des dactylites pso-riasiques. Secondairement nous noussommes intéressés aux performances del’échographie en termes de dépistagede synovite et d’anomalies des contoursosseux.

Matériels et méthodes

Notre étude prospective a concerné34 patients, 17 PR définis selon les critèresde l’ACR (1) et 17 RP définis selon les cri-tères de Fournie (2). Quarante dactylitesont été analysées, soit 120 articulations.Le critère d’inclusion était l’existenced’au moins une dactylite aiguë ou chroni-que, caractérisée par au moins une arthrited’une articulation métacarpophalangienneproximale (MCP), interphalango proxi-male (IPP), ou interphalango distale (IPD).L’atteinte digitale était floride, chez 94 %des PR et chez 76 % des RP, le sexe ratio(f/h) était égal à 2,4 chez les PR et 1,4 chezles RP. La moyenne d’âge des patientsétait de 51 ans pour les PR et de 43 anspour les RP. La durée moyenne d’évolu-tion du rhumatisme inflammatoire étaitde 11 ans chez les PR et de 9 ans chez lesRP. Tout état septique local, suspectéou documenté était considéré comme uncritère d’exclusion. Aucune infiltrationintra-articulaire n’a été réalisée avant

l’examen échographique. Après examenclinique réalisé par un rhumatologue,une radiographie des mains de face étaiteffectuée puis interprétée par deux rhu-matologues. Pour décrire les anomaliesosseuses observées, nous avons eu recoursaux critères de Steinbrocker modifiés etaux critères radiologiques des doigts et desorteils (CRDO) (2, 3). Dans une dernièrephase, l’échographie-Doppler était effec-tuée dans un délai maximum de 48 heuresà partir du jour d’inclusion. Afin de se sous-traire aux variations liées à l’opérateur-dépendance, cet examen a été réalisé parle même radiologue dans une salle climati-sée à température constante. Le radiolo-gue échographiste ne visualisait pas les ra-diographies avant de pratiquer son examen.Les examens ont été réalisés avec une sondetype « barrette » de 13,5 MHz (SiemensSonoline ELEGRA) munie d’une poche àeau. Le mode Doppler était de type éner-gie avec réglages (PRF) constants.L’étude analysait les contours osseux àla recherche d’une érosion, d’une produc-tion ou simplement d’une irrégularité

Abstract Résumé

Ultrasound features of entesopathy in patients with psoriatic dactylitis

J Radiol 2006;87:639-45

Purpose.

To describe the sonographic features of entesopathy in patients with psoriatic dactylitis.

Materials and methods.

Clinical, radiographic and sonographic evaluation of 120 hand joints with clinical abnormality including 20 fingers in 17 patients with rheumatoid arthritis (RA) and 20 fingers in 17 patients with psoriatic arthritis (PA).

Results.

Forty cases of dactylitis. In patients with RA: 29 cases of synovitis, 15 cases of tenosynovitis, and 2 cases of tendinitis; in patients with PA: 21 cases of synovitis and 3 cases of tenosynovitis. Bone erosions were present in RA patients whereas erosions with bone production were present in PA patients. A total of 60% of RA and PA patients showed erosions on conventional radiographs. Features suggesting entesopathy were present in PA patients only: specific changes of P3, capsular hyperostosis and periarticular periostitis.

Conclusion.

Based on evaluation of PA patients, it seems that sonographic features suggesting entesopathy in patients with dactylitis may be present.

But.

Reconnaître les signes échographiques des enthésopathies au travers du rhumatisme psoriasique.

Matériels et méthodes.

Examen clinique, radiographies et échogra-phies Doppler de 120 articulations de doigts cliniquement patholo-giques. 20 doigts chez 17 patients porteurs d’une polyarthrite rhuma-toïde (PR) et 20 doigts chez 17 patients porteurs d’un rhumatisme psoriasique (RP).

Résultats.

40 dactylites. Dans le groupe PR : 29 synovites, 15 ténosy-novites et 2 tendinites ; dans le groupe RP : 21 synovites et 3 ténosyno-vites. L’analyse des contours osseux révélait des érosions osseuses chez les PR, des érosions et des productions osseuses chez les RP. Parmi les PR et les RP, il existait 60 % d’érosions à radiographies normales. Au sein des RP uniquement, on retrouvait des signes évocateurs d’enthé-sopathies : remaniements spécifiques de P3, hyperostoses capsulaires et périostites juxta articulaires.

Conclusion.

Il semble se dessiner au travers du RP une sémiologie échographique propre aux enthésopathies des doigts.

Key words:

Enthesopathy. Finger. Ultrasound. Psoriatic arthritis.

Mots-clés :

Enthésopathie. Doigts. Échographie Doppler. Rhumatisme psoriasique.

L

(1) Service de Radiologie Centrale, (2) Service de Rhumatologie Hôpital Purpan, Place du Dr Baylac, 31059 Toulouse Cedex 9.Correspondance : T Lalande Champetier de RibesE-mail : [email protected]

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Signes échographiques d’enthésopathies au cours des dactylites psoriasiques

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osseuse. Le type de matériel (sonde barette)confronté à l’anatomie de la base des doigtsne permettait pas d’étudier correctementles facettes latérales et médianes des basesde P1 et des MCP des 4 derniers rayons.L’étude de la synoviale recherchait descritères de synovite : épaississement de lasynoviale, distension, épanchement intra-articulaire. Nous avons recherché destendinopathies sur les tendons fléchisseurset extenseurs : remaniements fibrillaires,modification de calibre tendineux, etdes ténosynovites : double bande hypo-échogène péritendineuse. L’examen étaitcomplété par la recherche d’anomaliespulpaires : épaississement hypervascula-risé des parties molles de P3 et une ana-lyse des sésamoïdes.Cet examen échographique-Doppler étaitcomparatif tentant d’étudier systémati-quement un doigt cliniquement sain.

Résultats

L’analyse clinique

retrouvait 25 gonfle-ments articulaires et 10 ténosynovites dansle groupe des PR, et 20 gonflements arti-culaires, 8 ténosynovites et 6 pulpites dansle groupe des RP.

La lecture des clichés radiologiques

desmains de face a révélé des lésions arti-culaires chez 12 des 17 PR : déminérali-sation en bandes (2 cas) (St1), présenced’un pincement global de l’interligne oud’une érosion (12 cas) (St2), associationd’un pincement et d’une érosion (6 cas)(St3), destruction complète de l’articula-tion (3 cas) (St4). Douze des 17 radiogra-phies des mains des RP étaient pathologi-ques : pincement ou érosion articulaire(8 cas), pincement et érosions (2 cas),arthrite destructrice d’une IPD (3 cas)(CRDO1), ostéolyse interphalangienne(2 cas) (CRDO2), ankylose interphalan-gienne (2 cas) (CRDO3), périostite juxta-articulaire (12 cas) (CRDO4), ostéopé-riostite de la phalangette (1 cas)(CRDO5).

L’échographie

des 40 dactylites a révélédans le groupe PR : 29 synovites, 11 téno-synovites et 2 tendinites des fléchisseurs,ainsi que 4 ténosynovites des extenseurs.Dans le groupe RP, l’échographie a mon-tré 21 synovites et 3 ténosynovites des flé-chisseurs. Sur l’ensemble des synovites,13 présentaient un signal Doppler (soit26 % des synovites). L’analyse des contoursosseux révélait des érosions dans le grou-pe PR alors qu’elle reconnaissait des éro-

sions et des productions osseuses dans legroupe RP. L’échographie détectait desérosions chez 60 % des PR et RP à radio-graphie normale.Au sein du groupe RP, on notait plusieurslésions évocatrices d’enthésopathies, nonretrouvées dans le groupe PR : • extrémité tendineuse hypoéchogène àl’insertion du fléchisseur sur P3 (4 cas)avec dans un cas une zone calcifiée intra-tendineuse ;• perte de l’échogénicité de la corticaleosseuse et une irrégularité de l’os à l’inser-tion tendineuse (3 cas) ;• hyperostose capsulaire, à distance del’interligne articulaire (3 cas) ;• périostite juxta-articulaire (7 cas), avecun hyper signal Doppler chez 57 % d’en-tre eux, 3 périostites n’étaient pas visiblessur le cliché standard ;• irrégularité du sésamoïde (1 cas).Parmi les 6 patients qui présentaient unepulpite clinique, des anomalies échogra-phiques ont été notées chez 4 d’entre euxsous la forme d’enthésite d’insertion dutendon fléchisseur sur P3 et d’hypersignaldoppler de la pulpe.

Discussion

Il est acquis que le rhumatisme psoriasi-que s’apparente aux spondylarthropa-thies par son penchant enthésique. Il estmême possible que son tropisme synovialne soit que le prolongement d’une attein-te de l’enthèse intra-osseuse (4-6). Quoi-qu’il en soit nous nous sommes servi delui pour tenter d’enrichir la sémiologieéchographique des enthésopahies au ni-veau des doigts, l’échographie étant unetechnique sensible dans l’étude des lésionstendineuses inflammatoires ou dégénéra-tives (7).Ce qui était connu jusqu’alors avait étéécrit notamment par Grassi qui décrivaitau cours de RP un aspect épaissi et hypoé-chogène a l’insertion du fléchisseur sur P3(8). Cette sémiologie générique des enthé-sopathies peut vraisemblablement êtrecomplétée de particularités étant donné larichesse en enthéses des extrémités.Au cours du RP ou plus généralement desspondylarthropathies, les études échogra-phiques des doigts se sont intéressées à lacaractérisation des dactylites psoriasiquesdans leur aspect le plus caractéristique en-core appelées doigts en saucisse. Diffé-rents auteurs décrivent ainsi au cours decette atteinte digitale une association de

ténosynovites et de synovites voire d’uneenthésite de l’IPD (6). Dans notre expé-rience, chaque doigt en saucisse présentaitavant tout un épaississement des partiesmolles sous-cutanées au moins de l’hypo-derme alors qu ‘il n’existait pas systémati-quement de ténosynovite ou de synovites.

Notre objectif principal

était la recherchede signes plus spécifiques du rhumatismepsoriasique au cours des dactylites. Nousavons pu décrire plusieurs signes échogra-phiques d’enthésopathies digitales obser-vées uniquement au cours du rhumatismepsoriasique.Il s’agit tout d’abord de lésions touchantl’IPD et la troisième phalange qui fontpartie plus que le reste des doigts du terri-toire enthésique étant donné la faiblecomposante synoviale de l’articulationet les multiples tendons et ligaments quis’insèrent sur P3 (11). Nous avons retrou-vé des pathologies d’insertion du tendonfléchisseur sur la troisième phalange(15 % de nos RP) avec la classique extré-mité tendineuse hypoéchogène du fléchis-seur sur P3

(fig. 1)

. Ce signe générique dela pathologie inflammatoire tendineuse(8) doit être confronté à une technique ri-goureuse afin de s’affranchir de l’artéfactd’anisotropie. Dans un cas, il existaitune zone calcifiée intra-tendineuse dontil est difficile d’affirmer la nature ossifiéequi correspondrait à un stade évolué del’enthésopathie

(fig. 2)

. Nous avons re-marqué une perte de l’échogénicité natu-relle de la corticale osseuse de la base de P3seulement parfois discrètement irréguliè-re lui conférant un aspect « fantomati-que »

(fig. 3)

. On comprend intuitive-ment ce signe quand on rappelle lacomposante initialement intra-osseusedes enthésopathies et l’analogie avec leszones radioclaires des radiographies stan-dard témoignant de phénomènes inflam-matoires.Même si il paraît pour l’instant peu envi-sageable de différencier une capsule d’unesynoviale en regard des doigts quand,l’une seulement, est pathologique

(fig. 4)

,nous n’avons considéré comme évocatri-ces d’enthésopathies que les fines calcifi-cations ou ossifications longeant le bordexterne de la synoviale dessinant alors lacapsule. Nous dénommons ces lésions :capsulites. Il faut garder à l’esprit quel’IPD est physiologiquement souvent rema-niée par des éléments dits « dégénératifs »qui doivent pondérer la valeur pathologi-que des irrégularités de la base de P3 etfaire éviter les faux positifs. Une hyper-

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Fig. 1 : Aspect hypo-échogène du fléchisseur à l’insertion sur P3.

Fig. 1: Hypoechoic aspect of P3 flexor insertion.

Fig. 2 : Fine calcification de l’insertion du fléchisseur sur P3 (non visible en radiographie standard).

Fig. 2: Thin calcification at the flexor insertion on P3.

Fig. 3 : Perte de l’hyperécho cortical à l’insertion d’un fléchisseur sur P3. Cet aspect fantôme de la corticale peut être plus ou moins étendu sur la large base d’implantation du FPD.

Fig. 3: Lost of cortical hyperechogenicity at P3 flexor insertion. This “ghost” cortical aspect can be more or less extensive.

Fig. 4 : Hyperostose capsulaire à la base de P3. La lésion est sous tendineuse hors d’un contexte de synovite. La lésion est focalisée et il n’existe pas d’anomalie sur les autres doigts.

Fig. 4: Capsular hyperostosis at the P3 base. Lesion is solitary and just under the tendon.

Fig. 5 : Hypersignal Doppler des parties molles de la pulpe au décours d’une pulpite clinique.

Fig. 5: Power Doppler ultrasound in a patient with inflammatory process of the distal finger.

Fig. 6 : Périostite juxta-articulaire de la face ventrale de P2.

Fig. 6: Juxta articular periostitis along the ventral surface of P2.

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vascularisation localisée à la pulpe étaitdétectée en cas de pulpite témoignant del’hyperhémie inflammatoire de l’extrémitédu doigt

(fig. 5)

. Une comparaison étaitsystématiquement réalisée avec les autresdoigts pour tenter de s’affranchir de la va-riabilité inter patient de la vascularisationdes doigts. En effet, outre les variantes ana-tomiques, des études ont considéré les va-riations de la vascularisation en fonction dela température des tissus étudiés (11) ; noussignalons qu’il est important mais aussitrès contraignant de comparer des doigts àla même température…Toujours à la recherche de signes d’enthé-sopathies, nous avons pu remarquer quel’échographie permettait de détecter uneapposition périostée juxta-articulaire dansplus d’un tiers des cas de RP, 3 étaientinfra-radiologiques

(fig. 6)

. L’étude Dopplerrévélait une hypervascularisation en re-gard de la périostite dans plus de 50 % descas confirmant ainsi son caractère inflam-matoire

(fig. 7)

.Il n’existe pas actuellement d’explicationanatomique de ces lésions mais seulementune physiopathologie de l’enthésopathiedont l’inflammation initialement intra-osseuse pourrait se développer à proximi-té ou au sein de la capsule et peut-être dela plaque palmaire. Dans l’appréciationdes périostites n’étaient pas prises encompte les irrégularités osseuses desbords diaphysaires des phalanges qu’ilfaut reconnaître et que l’on peut constateren situation physiologique.Nous avons signalé dans nos résultats uneirrégularité d’un sésamoïde au cours d’unRP que son caractère unique rend peu si-gnificatif mais qui devrait être systémati-quement étudié étant donné sa nature depoint d’ancrage fibroligamentaire et ten-dineux.Nous avons conscience des biais induits parla participation d’un seul échographiste re-cherchant des lésions sans gold standard.Cependant, il nous semble profitable derapporter le résultat d’une expérience quivoit émerger une sémiologie échographi-que des enthésopathies en 4 points : ir-régularités corticales de P3 ; aspect épaissiet hypo-échogène de l’insertion du FPD ;hyperostose capsulaire et périostite juxta-articulaire. Un cinquième point qui devraêtre validé pourrait être la tuméfaction desparties molles associée à une hypervascula-risation en l’absence de synovite ou surtoutde ténosynovite expliquant habituellementle doigt en saucisse ou la pulpite. Devant lepeu de cas étudiés nous ne retiendrons que

toute tuméfaction clinique des doigts plusou moins fluctuante n’est pas synonyme deténosynovite.

Le second objectif

était de préciser lesperformances de l’échographie dans lesrhumatismes inflammatoires chroniquesétudiant synovites, ténosynovites et ano-malies des contours osseux.Dans ce cadre, notre étude s’accorde avecles données de la littérature qui montre lasupériorité de l’échographie par rapport ala radiographie et l’examen clinique dansl’évaluation des synovites (12-14). Disten-sion, épanchement et surtout épaississementsynovial qui forment le trépied qualifiantdes synovites peuvent être associés ou non

(fig. 8)

. Boutry et coll ont bien décritl’écho anatomie des MCP (15) tout en gar-dant à l’esprit qu’il n’existe pas de valeurde référence par l’imagerie de l’épaisseurou du volume synovial à l’état normal.Etant données les différences de morpho-logie, nous pensons qu’il est préférabled’avoir une bonne connaissance anatomi-que et histologique des doigts que d’effec-tuer de fastidieuses mesures articulaires.L’étude Doppler couleur est bien sûr, ma-chine et opérateur dépendant ; il sembletoutefois, qu’en situation physiologique iln’existe pas ou très peu de signal synovial(16). Par comparaison, un important si-gnal dessinant les contours synoviaux té-moignerait du caractère aigu de l’inflam-mation synoviale

(fig. 9)

. Les synovialeshyperhémiées sont évaluées par le Dop-pler avec ou sans produit de contrasteclassiquement de façon jusqu’alors semiquantitativement (11), ce qui renforce en-core le biais induit par le caractère opéra-teur dépendant et rend difficile l’établis-sement d’une norme. Le problème del’étude des synovites est le défaut de goldstandard qui, pour certains, pourrait êtrel’IRM. Szkudlarek a alors observé unesensibilité de 88,8 % et une spécificité de97,9 % de l’échographie pour le diagnosticde synovite (16). D’autres auteurs mon-trent la supériorité de l’échographie Dop-pler dans l’étude des synoviales et des ten-dons révélant encore les limites de l’IRMen pratique courante dans l’étude des os àfaible contingent spongieux et les partiesmolles de faible épaisseur sous cutanée(17). Certaines études cherchent à prouverque le mode Doppler permettrait d’éva-luer le degré d’activité d’un rhumatismechronique. L’efficacité d’un traitementanti-inflammatoire ou d’un traitement defond pourrait être estimée par le suivi dessignaux Doppler synoviaux. Ceci a été réa-

lisée par Fiocco qui a évalué en mode dop-pler énergie la réponse des synovites de PRet RP sous Etanercept au niveau du genou(18). Il retrouvait une diminution signifi-cative des signes d’inflammation dès letroisième mois.L’étude des ténosynovites retrouvait làencore un avantage de l’échographie surl’examen clinique. Du point de vue spécifi-cité d’abords puisque nous avons pu re-marquer que six fois l’examinateur prenaità tort un empâtement global du doigtpour une ténosynovite des fléchisseurs.Mais aussi du point de vue sensibilité avecla détection chez deux patients de doublesbandes hypoéchogènes irrégulières en re-gard de doigts non florides qui correspon-daient vraisemblablement a des lésionsanciennes ou chroniques

(fig. 10, 11)

. Ilfaudra savoir s’affranchir de l’artéfactd’anisotropie, principal pourvoyeur defaux positif

(fig. 12)

. Cet artefact est quasiconstant dans l’étude de l’insertion du FPdes doigts sur P3. On s’attachera donc àmodifier l’angle d’incidence des ultrasons(pression sur l’extrémité de la pulpe, profil).Nous avons noté, dans les deux groupes demalades, des ténosynovites localisées seule-ment en regard de synovites, en faveur deremaniements de contiguïté. Cette hypo-thèse est d’autant plus probable que ces« ténosynovites » de contact n’étaient re-trouvées qu’au niveau des extenseurs donton sait qu’ils ne présentent pas, au contrai-re des fléchisseurs, de gaine synoviale biendéfinie. Il faudrait alors plutôt parler depéri-tendinite. L’absence de « ténosyno-vite » des extenseurs dans le groupe RP peutn’être qu’un phénomène statistique et seradonc a réévaluer par d’autres travaux.Notre étude confirme la supériorité del’échographie par rapport à la radiographiedans le dépistage des anomalies descontours osseux. En effet, elle a détecté desérosions osseuses chez 60 % des patientsayant une radiographie normale

(fig. 13)

.Cette supériorité de l’échographie a été rap-portée dans la littérature par Wakefield (12)dont l ‘échographie avait dépisté 6,5 foisplus d’érosions chez 7,5 fois plus de PR dé-butantes. Ces données s’expliquent par leslimites de la radio standard, dans l’étude desremaniements osseux qui ne sont pas tan-gents aux rayons habituellement antéropos-térieurs pour l’étude des doigts. Les petitesérosions ou hyperostoses et les faibles démi-néralisations (corticales fantomatiques…)ne seront donc pas vues. L’échographiepermet, elle, une étude précise descontours osseux dont il faut connaître les

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Fig. 7 : Hypersignal Doppler puissance en regard d’une périostite de la face dorsale proche d’une IPD.

Fig. 7: Power Doppler ultrasound in a patient with periostitis near a DIP.

Fig. 8 : Synovite d’une IPP associant épaississement synovial, épanchement et distension modérée.

Fig. 8: PIP synovitis with synovial thickening, fluid and moderate distension.

Fig. 9 : Doppler puissance sur une synovite témoignant de l’hyperhémie sur un doigt floride.

Fig. 9: Power Doppler ultrasound in synovitis showing hyperemia.

Fig. 10 : Double bande hypoéchogène péritendineuse en vague au cours d’une ténosynovites évoluant de façon chronique.

Fig. 10: Wave like peritendinous hypoechoic double line in chronic tenosynovitis.

Fig. 11 : Aspect classique de ténosynovite en double bande hypo-échogène péritendineuse sur un fléchisseur.

Fig. 11: Classic appearance of peritendonous hypoechoic double line in tenosynovitis.

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Signes échographiques d’enthésopathies au cours des dactylites psoriasiques

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variantes de la normale : encoches dorsalesou palmaires de la MCP irrégularités osseu-ses de P3 ou des diaphyses phalangienne(15)

(fig. 14)

. On rappelle l’importance de lacomparaison à d’autres doigts sains. Aprèsavoir dans notre expérience personnelleétudié des doigts de patients sains, nous té-moignons de difficultés dans l’analyse desirrégularités isolées des contours osseux del’extrémité des doigts. C’est pourquoi ilnous semble utile et préférable de recher-cher l’association de plusieurs signes d’en-thésopathies, pour pouvoir orienter le dia-gnostic d’un doigt douloureux vers celuid’un rhumatisme à tropique enthésique.

Conclusion

Au travers du rhumatisme psoriasique, ilse dessine une sémiologie échographique

des enthésopathies au niveau des doigtsqui pourrait être en 4 points. Elle est axéesur l’IPD et les insertions tendineuses surP3, les périostites juxta articulaires et leshyperostoses capsulaires. L’échographiepourrait ainsi aider dans la démarche dia-gnostique orientant vers une maladie del’enthèse plutôt que de la synoviale et rac-courcir le délai entre le début de la symp-tomatologie clinique et la reconnaissanced’anomalie en imagerie conventionnelle.

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Fig. 12 :a Artéfact d’anisotropie bien visible.b Il peut être plus discret ou trompeur notamment en prenant un aspect en bande hypoéchogène.

Fig. 12: Anisotropic artifact. a Can be easy to recognise, or b more difficult with misleading hypoechoic line.

a b

Fig. 13 : Encoche pathologique face ventrale de l’extrémité distale de P1 sur synovite de l’IPP. Lésion non visible en radiogra-phie standard.

Fig. 13: Pathological ventral notch at the distal end of P1 in a patient with synovitis. No plain radiographic abnormality was detectable.

Fig. 14 : Encoche physiologique sur la face dorsale de la base de la tête d’un métacarpien, peut aussi exister face ven-trale.

Fig. 14: Physiological dorsal metacacarpal notch, may be palmar too.

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