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Six exemples de restructuration de la gouvernance régionale du développement social et territorial au Québec Un état de situation partiel réalisé par la Chaire de recherche du Canada en organisation communautaire (CRCOC) et le Collectif des partenaires en développement des communautés Gédéon Verreault Denis Bourque Avec la collaboration d’Audrey Mantha Cahier n o 17-04 ISBN 978-2-89251-586-2 (version imprimée) ISBN 978-2-89251-587-9 (pdf) Février 2017

Six exemples de restructuration de la gouvernance

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Page 1: Six exemples de restructuration de la gouvernance

SixexemplesderestructurationdelagouvernancerégionaledudéveloppementsocialetterritorialauQuébec

UnétatdesituationpartielréaliséparlaChairederechercheduCanadaenorganisationcommunautaire(CRCOC)

etleCollectifdespartenairesendéveloppementdescommunautés

GédéonVerreaultDenisBourque

Aveclacollaborationd’AudreyMantha

Cahier no 17-04

ISBN978-2-89251-586-2(versionimprimée)ISBN978-2-89251-587-9(pdf)

Février 2017

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LaChairede rechercheduCanadaenorganisationcommunautaire (CRCOC)adébuté sesactivitésle1erjanvier2008.Elleestsituéeàl’UniversitéduQuébecenOutaouais(UQO)etpossèdesonpropresiteinternet:http://www.uqo.ca/crcoc/.Ellefutlapremièrechaireentravail social reconnue par le programme des chaires de recherche du Canadahttp://www.chairs.gc.ca/. Ce dispositif de recherche se consacre à produire desconnaissances visant le développement de l’organisation communautaire dans le servicepublic,danslemilieumunicipaletdanslemilieucommunautaireparlacompréhensiondesconditionsdesuccèsetderenouvellementdecettepratiqueconfrontéeàlatransformationdes politiques et services publics, à celle des communautés ainsi que des mouvementssociaux.Renouveléeen2013pourunedeuxièmepériodedecinqans, lachairemènedestravaux de recherche et de diffusion sur des interventions professionnelles qui rendentpossible les actions collectives contributives au développement des communautésterritorialestanturbainesquerurales.

Laprogrammationviseàmieuxcomprendrelessystèmeslocauxd’actionconcertéequiseconstruisentàl’interfacedespolitiquespubliquesetdelamobilisationdesacteurslocaux,et cela avec le concours des professionnels de l’intervention collective. Les travaux sedéploient autour de trois axes: les pratiques d’action collective concertée sur une baseterritoriale, les déterminants de l’action et de l’intervention collectives et la contributiondesprofessionsdel’interventioncollective.

Laprésenterecherches’inscritdanslestravauxdelaChairevisantàmieuxcomprendreleterritoire comme espace de développement soutenable en termes d’intégration et detransversalité des pratiques d’action collective dans le contexte de crise du modèle dedéveloppement.Elleabordelespratiquesprofessionnellesensoutienaudéveloppementdeterritoireetàleurtransformationàpartirdepratiques-terrainreprésentatives,innovantesetsignificatives.

La chaire favorise un renouvellement des pratiques basé sur les meilleurs processusfavorisant le développement des communautés par l’accession des populations au rangd’acteurs sociaux. Elle souhaite associer les professionnels concernés, les organismes quiles emploient ainsi que les milieux où se pratique le développement de territoire à ladéfinition, la réalisation et la diffusion des connaissances produites par la recherche. LaCRCOC se consacre à la diffusion et à la valorisation des connaissances en publiant descahiers, en rédigeant des articles et des ouvrages, en livrant des communications et desconférences, en organisant des séminaires, des activités de formation, de consultation etd’accompagnement.

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COLLECTIFDESPARTENAIRESENDÉVELOPPEMENTDESCOMMUNAUTÉSNoussommesuncollectifd’organisationsissuesdediverssecteursetdecitoyensimpliquésdans le développement des communautés. C’est-à-dire que nous pensons et travaillonsdepuisdéjàplusieursannéesàsoutenirlescommunautéslocales(quartiers,villages,MRC,etc.) qui se prennent en main et travaillent à organiser leur développement tantéconomique,social,culturelqu’environnemental.

Bien qu’ayant des missions spécifiques nous nous reconnaissons dans l’appellation du«développementdescommunautés».Lesmotsnesontjamaisparfaitspourexprimeruneréalité,maisle«développementdescommunautés»estunepréoccupationquiestaucœurdechacunedenosorganisationsetunevisioncommunedecedéveloppementguidenosactions

NotredéfinitiondedéveloppementdescommunautésDans l’expression «développement des communautés», le mot développement faitréférence,pournous,àundéveloppementglobaletintégré.Noussommesconvaincusquechaquedimensionsedéveloppeentenantcomptedetouteslesautresdimensions(sociale,économique, culturelle, environnementale) et qu’aucune n’est supérieure aux autres. Lemot développement est également synonyme, pour nous, d’une action collective (àplusieurs)concertéequilaisseplaceàl’innovationdanslesmanièresdefaire.

Quantàluilemot«Communauté»renvoieàunterritoireprécis,c’est-à-direqu’ildésignele lieu où habitent des personnes et où se retrouvent des organisations.Mais c’est aussiquelquechosed’unpeuplusintangible.C’estunsentimentd’appartenanceenconstructionetunedynamiquequiestpropreà chaque territoireetdésignedonc tantôtàun secteur,tantôtàunquartier,unvillage,uneMRCouuneville.

Une communautéest, bienentendu, constituéedesgensquihabitentun territoire etqui,collectivement,veulentsedonnerunmilieudevieoùilfaitbonvivrepourtous,maisc’estaussidesorganisationsetdesinstitutionsprivéesetpubliques.

Cesgensetcesorganisationsontàlafoisdesintérêtscommunsetdesintérêtsdivergents.Toutcela formecequiestnomméparfois«lasociétécivile».Ledéfic’estderéussiràseconcerterautourd’intérêtscommunspouraméliorernotremilieudevieetnosconditionsdevie.

Par ailleurs, il y a également un enjeu de concertation régionale entre les communautéslocales. On ne peut ignorer ce que font nos «voisins» et certaines questions dedéveloppementdoiventêtreregardéesavecunevisionpluslargeduterritoire.

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NOTESBIOGRAPHIQUESDESAUTEURS

Gédéon Verreault est étudiant à la maîtrise en Études et interventions régionales àl’UniversitéduQuébecàChicoutimietassistantderechercheà laChairederechercheduCanada en organisation communautaire (UQO). Il est titulaire d’un diplôme d’étudessupérieures spécialisées en développement économique communautaire et d’unbaccalauréat en économie de l’Université Concordia. Il travaille, depuis 2012, commeconsultant avec la Coopérative Niska, principalement comme chargé de projet pour ledéveloppement de politiques, de plans stratégiques et de plans d’action territoriauxconcertésauniveaudesMRC. Il a collaboréavecDenisBourqueetChristianeLussier, en2016,àlarédactionducahier16-01portantsurLaconcertationendéveloppementsocialauQuébecàlafin2015.Iltermineactuellementlarédactiond'unemonographiepourlaCRCOCportantsurladynamiquededéveloppementdanslaMRCdeLaHaute-Côte-Nord.

DenisBourqueestprofesseurtitulaireauDépartementdetravailsocialdel’UniversitéduQuébec en Outaouais. Il est également titulaire de la Chaire de recherche du Canada enorganisationcommunautaire.IlaétéorganisateurcommunautaireauCLSCSeigneurie-de-Beauharnoisde1975à1990etcoordonnateurdesservicesàlacommunautéauCLSCJean-Olivier-Chénier de 1990 à 2002. Ses travaux de recherches et publications concernentl’organisationcommunautaire,ledéveloppementdescommunautésetlepartenariatentreorganismescommunautairesetétablissementspublics.En2007,ilacodirigéavecComeau,Favreau et Fréchette un ouvrage intitulé Organisation communautaire, fondements,approches et champsdepratique. Il a publié en 2008 un second ouvrage aux Presses del’UniversitéduQuébecdontletitreest:Concertationetpartenariat:entrelevieretpiègedudéveloppementdescommunautés. Il a cosignéavecRenéLachapelle en2010un troisièmeouvrage toujours aux Presses de l’Université du Québec dont le titre est: Service public,participationetcitoyenneté,L’organisationcommunautaireenCSSS.

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SOMMAIRE

Le Québec connaît, depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement libéral de PhilippeCouillard en 2014, de grands changements politiques et législatifs qui ont une influencemajeure sur l’action collective et le développement des territoires. Le Collectif despartenairesendéveloppementdes communautéset laChairede rechercheduCanadaenorganisation communautaire souhaitent mieux connaître les effets de ces changementsdans les territoires et, surtout, les réponses et alternativesproposéespar les acteursdesterritoires.Pourcefaire,unejournéed’échangeaétéorganiséele8avril2016aucoursdelaquelledesacteursdesixrégions–Abitibi-Témiscamingue,Bas-Saint-Laurent,Charlevoix,Gaspésie-Iles-de-la-Madeleine,Lanaudière,Vallée-du-Haut-Saint-Laurent–ontprésenté lafaçondontlesacteursdeleurterritoireréagissaientauxchangementsactuels.Lapremièresectionduprésentdocumentprésentel’expériencedecesdifférentsterritoires.Lasecondesection propose une analyse transversale. Malgré la diversité des contextes et desdynamiques entre les différents territoires, une lignede fond émerge, soit la volontédesacteursdemettreenplaceunenouvellegouvernancerégionalepourcomblerlevidegénéréparl’abolitiondesconférencesrégionalesdesélus(CRÉ).

Cette abolitionet le transfertde responsabilitésdedéveloppementvers lesMRCsont lesdeux éléments de contexte qui sont ressortis comme les plus significatifs. Les CRÉ nereprésentaientpasunmodèledegouvernancerégionaleidéale,maisellespermettaientunecertaineparticipation,variableselonlesrégions,delasociétécivile.Leurabolitioncréeunvide, en particulier pour la société civile qui se retrouve sans lieu pour influencer lesorientationsdedéveloppementdelarégion.L’abolitiondesCRÉs’inscritdansunevolontégouvernementaledetransférerplusdepouvoirsdedéveloppementauxMRC.LeProjetdeloi28(Québec,2015)modifielaLoisurlescompétencesmunicipalesetdonneauxMRClesresponsabilitésqu’avaientjusqu’alorslesCRÉenmatièrededéveloppementrégionalainsiquecellesenmatièrededéveloppementéconomiquelocaletdesoutienàl’entrepreneuriat,qu’exerçaient les Centres locaux de développement (CLD). Ce projet de loi ne donnecependant aucun mandat explicite aux MRC en développement social. Leur mandat dedéveloppement local et régional inclut néanmoins « la réalisationdeprojets structurantspour améliorer les milieux de vie, notamment dans les domaines social, culturel,économiqueou environnemental » (MAMOT, 2015), tel queprécisédans le documentdeprésentation du Fonds de développement des territoires (FDT). La création du FDTfusionne quatre fonds antérieurs dont l’enveloppe des centres locaux de développement(CLD) et le Pacte rural. Ce fondsdevient l’outil principal pour l’exercicede cesnouvellesresponsabilités. La fusion réduit les règles d’attribution imposées aux élus locaux, ce quileurdonneplusdeflexibilitédansleurschoix.Cependant,l’enveloppeestréduitedeplusde40%(Opérationveilleetsoutienstratégique,2016),cequienditlongsurlesmoyensréelsquisonttransférés.

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Onobservedanslesterritoiresétudiésunevolontédesélusetdelasociétéciviledemettreen place une nouvelle gouvernance régionale en développement territorial, couvrantl’ensembledesenjeuxd’unterritoire,ouplusspécifiquementendéveloppementsocial.Lesélusdesrégionsétudiéesenavril2016ontretravaillélacompositionetlemandatdeleurtabledespréfets.Ilsproposentunegouvernanceplusoumoinspartagée(Lévesque,2007),faisant donc une place plus oumoins grande à la société civile. Au Bas-Saint-Laurent, leForum Bas-Laurentien a une composition qui se rapproche grandement de celui de leurCRÉ:préfets,mairesdesgrandesvillesetsociétécivile.Aucontraire,enGaspésie-Îles-de-la-Madeleinelesélusontcrééuncomitécomposédespréfets,desmairesdesgrandesvillesetd’unseulreprésentantdelasociétécivile.Lasociétécivilepoursaparts’organiseafindepouvoir influencer les orientations régionales. Dans les différents territoires, les acteurssociaux ont négocié avec les élus afin de faire valoir l’importance d’une gouvernancerégionalepartagée.Dansaumoinsunerégion,cesnégociationsontavorté,essentiellementsurlavolontédesélusdecontrôlerlanominationdesparticipantsdelasociétécivile.Dansplusieurs régions, cesnégociations ont porté fruit, enparticulier dans la gouvernancedudéveloppement social, commedans laVallée-du-Haut-Saint-Laurentoù les élusdequatredescinqMRContacceptéd’êtrelesporteursd’unenouvelledémarche.

Lamise en place de ces nouvelles instances régionales soulève plusieurs questions, dontcelledel’améliorationetdelapertinencedumodèledegouvernance.Plusieursterritoiresprofitentdecetterefontepourciblerlamultiplicationdesconcertations,souventmisessurpiedaucoursdesdernièresannéespourrépondreàdesdemandesgouvernementalesoud'organismesphilanthropiques.QuelrôlejoueracenouveaupalierrégionaletenparticulierquelleserasarelationaupalierMRC?Lesexpériencesétudiéesnenouspermettentpasderépondreàcettequestion,maisonconstateunniveauvariabled’influencedu localsur lerégional, comme cela existait antérieurement. On peut aussi s’interroger sur la nouvelleplace des élus dans le développement puisque la «municipalisation du développement»(SimardetLeclerc,2008)sefaitsansmoyensconséquentsetnepermetpasdemainteniretencoremoinsd’augmenterlacapacitédedéveloppementdesterritoires.Deplusl’absencedecadrepermettantlaparticipationdesacteurslocauxetdescitoyensmarqueunnetreculentermesdedémocratisationdudéveloppement.Laparticipationdelasociétécivileetdescitoyensseratributairedelabonnevolontédesélus.

Leschangementspolitiquesquestionnentaussi lenouveaurôlede l’Étatquisedésengagede son rôle de partenaire du développement des territoires, et en particulier de saresponsabilitédegardiendel’équitédudéveloppement(Chiasson,2016).Pourl’instantlestransferts étatiques, par exemplepour le FDT, restentpondérés en faveurdes territoiresmoins développés (Québec, 2015a). Ce changement de rôle ne semble donc pas seconcrétiserparunepolitiquedepéréquationinégalitaire,maisplutôtparunretraitglobaldesressourcesdisponibles.AlorsquelesCRÉpouvaientassurerunecertainepéréquationentre les territoires d’unemême région, lesministères deviennent les seuls pouvoirs en

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mesure de mettre en œuvre des mesures d’équité territoriale. Si on ajoute que lesinstitutionspubliqueslocalessemblents’engagerdefaçonvariabledansl’actioncollectiveselonlesterritoires,onpeutcraindreunepertedecohérencedansl’actionpublique.

Outre les ressourcesdisponibles, la capacitédesacteursà travaillerde façoncoordonnéepour mettre à profit ces ressources conditionne la capacité de développement desterritoires.Onconstatedanslesexpériencesétudiéesdegrandesdisparitésàceniveauetaumoins un territoire vivait un blocage à ce chapitre en avril 2016. D’autres territoiresétaientpourleurpartdéjàenmesured’agircollectivementdefaçonconcertée.

Leprincipalconstatque l’onpeut tirerdecetteanalyseestque les territoiresaurontunecapacité inégalederéaliser leurdéveloppement.Onpeuts’attendreàvoirapparaîtreunecertaine disparité entre les réalisations effectives de développement des différentsterritoires du Québec. La diminution des ressources en provenance de l’État québécoisaffectera différemment les territoires urbains beaucoup moins dépendants de cesressources que les territoires ruraux. La capacité des acteurs de travailler de façonconcertéeaffecteraaussicettecapacitédemêmequelavolontédesélusdes’attaquerauxenjeuxrégionauxetsociaux.Enfinlavolontédesélusdecollaboreraveclasociétécivileetlescitoyensauraunimpactsurladémocratisationounondecedéveloppement.

Pour aller plus loin dans cette analyse, nous vous invitons à prendre connaissance del’analyse transversale que l’on retrouve à la section2. La lecture des cas présentés à lasection1peutpermettredemieuxconnaîtrelesexpériencesdecesdifférentsterritoiresetdemieuxsaisirl'analysetransversalequienesttirée.

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Tabledesmatières

Listedessiglesetacronymes..............................................................................................................................ix

Introduction.................................................................................................................................................................1

1.L'expériencedesixterritoires........................................................................................................................3Abitibi-Témiscamingue...........................................................................................................................................3

Périodedequestions......................................................................................................................................8BasSaint-Laurent...................................................................................................................................................12

Périodedequestions...................................................................................................................................15Charlevoix..................................................................................................................................................................21

Périodedequestions...................................................................................................................................26Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine..........................................................................................................................30

Périodedequestions...................................................................................................................................33Lanaudière.................................................................................................................................................................37

Périodedequestions...................................................................................................................................41Vallée-du-Haut-Saint-Laurent...........................................................................................................................46

Périodedequestions...................................................................................................................................51

2.Analysetransversale........................................................................................................................................572.1.Lecontexte:abolitiondesCRÉetaugmentationdesresponsabilitésdeséluslocaux...58

2.2.Unepriseenchargedesélusetdelasociétécivile.........................................................................62

2.3.Lanouvellegouvernancerégionale.......................................................................................................65

2.4.Unemeilleuregouvernance?.....................................................................................................................67

2.5.Questionnementssoulevésparlanouvellegouvernancerégionale........................................69

2.5.1.Lerôledupalierrégional..............................................................................................................692.5.2.Lamunicipalisationdudéveloppement..................................................................................702.5.3.Uneplacerenouveléepourlaphilanthropie........................................................................722.5.4.Undéveloppementinégal.............................................................................................................73

Conclusion.................................................................................................................................................................77

Bibliographie............................................................................................................................................................79

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Listedessiglesetacronymes

ADOC Agentsdedéveloppementetorganisateurs-organisatricescommunau-taires

AE Avenird’enfants

Alliance AlliancedespartenairesdanslecadreduPAGSIS

ASSS Agencedelasantéetdesservicessociaux

ATI Approcheterritorialeintégrée

CADJ Collectivitéamiedesjeunes

CDC Corporationdedéveloppementcommunautaire

CISSS Centreintégrédesantéetdeservicessociaux

CIUSSS Centreintégréuniversitairedesantéetdeservicessociaux

CJE Carrefourjeunesse-emploi

CLD Centrelocaldedéveloppement

CLSC Centrelocaldeservicescommunautaires

COSMOSS CommunautéOuverteetSolidairepourunMondeOutillé,ScolariséetenSanté

CRCOC ChairederechercheduCanadaenorganisationcommunautaire

CRC Comitérégionaldecoordination

CRD Conseilrégionaldedéveloppement

CRDAT Conseilrégionaldedéveloppementdel’Abitibi-Témiscamingue

CRÉ Conférencerégionaledesélus

CSSS Centredesantéetdeservicessociaux

DG Directeurgénéral

DSI Développementsocialintégré

DSP Directiondesantépublique

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EQ Emploi-Québec

FARR Fondsd'appuiaurayonnementdesrégions

FDT Fondsdedéveloppementdesterritoires

FondationChagnon FondationAndréetLucieChagnon

IRC Instance régionale de concertation sur la persévérance scolaire et laréussiteéducative

MADA Municipalitéamiedesaînés

MAMOT MinistèredesAffairesmunicipalesetdel’Occupationduterritoire

MAMROT MinistèredesAffairesmunicipales,desRégionsetde l’Occupationduterritoire

MRC Municipalitérégionaledecomté

MSSS MinistèredelaSantéetdesServicessociaux

MESS Ministèredel’EmploietdelaSolidaritésociale

OC Organisateurcommunautaire

QEF QuébecenForme

R2 RéunirRéussir

RESSORT Réseausolidairepourlerayonnementdesterritoires

RQDS Réseauquébécoisdedéveloppementsocial

SADC Sociétéd'aideaudéveloppementdelacollectivité

SC Sociétécivile

UQAR UniversitéduQuébecàRimouski

UQAT UniversitéduQuébecenAbitibi-Témiscamingue

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INTRODUCTION

LesrégionsduQuébecviventactuellementdegrandes transformationsauniveaude leurgouvernance suite à l'adoption de la Loi concernant principalement la mise en œuvre decertainesdispositionsdudiscourssurlebudgetdu4juin2014etvisantleretouràl’équilibrebudgétaireen2015-2016 (Projetde loi28). Celle-ciaaboli lesConférencesrégionalesdesélus (CRÉ) qui structuraient la gouvernance régionale de l’action publique ainsi que lesrapportsdeconcertationentrel’Étatetlescommunautésterritoriales.Elletouchedoncaupremier chef les élus municipaux et la société civile. Cette loi a aussi donné plus deresponsabilités aux municipalités régionales de comtés (MRC), principalement celles dudéveloppement local et régional,mais aussi lapossibilitéd’intégrerà leuradministrationles ressources de soutien au développement économique. Dans ce document, nousprésenterons la façon dont les acteurs de six territoires du Québec – Abitibi-Témiscamingue, Bas-Saint-Laurent, Charlevoix, Gaspésie-Iles-de-la-Madeleine, Lanaudière,Vallée-du-Haut-Saint-Laurent – sont intervenus afin de restructurer leur gouvernancerégionale.

Ledocumentexposedansunpremiertempsunetranscriptiondesprésentationsréaliséespardesacteursdecesterritoireslorsd'uneactivitétenuele8avril2016,organiséeparleCollectifdespartenairesendéveloppementdescommunautés.Cetteactivitévisaitàmieuxcomprendre comment se vivaient les transformations sur le terrain suite aux différentschangementspolitiquesréalisésparlegouvernementprovincial.Lecahierprésenteensuiteuneanalysetransversaledel'expériencedecesterritoires.

Il faut noter que cet état de situation est partiel, car les réalités étudiées évoluent trèsrapidementdanslecontexteactueletunévènement,parexempleunchangementauniveaudupréfetd’uneMRC,peutavoirunimpactimportantsursondéveloppement.Ilestpartielaussi,carilaétéréalisésurletémoignaged’unepersonneparrégionoud’unnombrelimitédepersonnes.Touslesrépondantsontcependantvalidéletextedeleursection.

LaChairederechercheduCanadaenorganisationcommunautaire(CRCOC)et leCollectifdes partenaires en développement des communautés considèrent que cette analyse peutêtreutileauxdifférentsacteursdanslesrégions,afindelesinformerdestransformationsen cours et qu'ils puissent s'alimenter de l’expérience des autres régions pour guider letravailderestructurationdeleurgouvernancerégionaleetterritoriale.

Noustenonsàremercierlesseptpersonnesayantréalisélesprésentations:Paul-AntoineMartel,EmmaSavard,ÉmilieDufour,FrédéricVincent,ArmandLaJeunesse,NathalieChiassonetVanessaKanga.NosremerciementsaussiàAudreyMantha,étudianteàla

maîtriseentravailsocialàl’UQO,pourlatranscriptiondesprésentations.

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1.L'EXPÉRIENCEDESIXTERRITOIRES

Abitibi-Témiscamingue-Paul-AntoineMartelPaul-AntoineMartelestanimateuràlavieruraleetcommunautairepourlaVilledeVal-d’Or. Il a étémembre, à titre de citoyen, du comité Touche pas àma régionmandatépourdoterlarégiond’unenouvelleinstancedeconcertation.

L’Abitibi-Témiscaminguecouvre65000km2etcompte148000habitants.Celaéquivautàlapopulationdel'arrondissementVilleray–Saint-Michel–Parc-ExtensiondansunterritoiregrandcommelaBelgique,IsraëletleLibanrassemblés.Enfait,ladensitédepopulationestd’environ2,5personnesparkm2alorsqu’elleestd’approximativement8700habitantsaukm2dansl’arrondissementmontréalais.

EnAbitibi-Témiscamingue, les répercussionsdescoupesbudgétairesdans les institutionsrégionales ont été majeures parce que nous sommes peu nombreux et très isolés. Nousdevons être autosuffisants, car nous n’allons pas chercher des services dans de grandscentres. La solidarité est importante. Par conséquent, nous avons une tradition deconcertation assez forte. Aussi, nous décentralisons beaucoup de choses: nous noussommes dotés d’une Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) avec descampus décentralisés et notre Centre intégré de santé et services sociaux (CISSS) a desspécialitésancréesdanschacundesterritoiresdeMRC.

La grande période de coupures a touché une fibre sensible chez les gens de l’Abitibi-Témiscamingue, car nous avons toujours largement fonctionné régionalement. Ainsi, dèsnovembre2014,suiteàlaconfirmationdel’abolitiondesCRÉetdetouteuneséried’autresorganisations, une quarantaine de partenaires et d’intervenants se sont réunis pourréfléchiràlamanièrederéagiràlasituation.Decetterencontre,uncomitéorganisateuraétéformé,communémentappeléleGroupedesdix,mêmesisonnombreréeloscillaitentredixetquatorze.IlregroupaitdesmembresactifsàlaCRÉ,notammentladirectricegénéralede la Corporation de développement communautaire (CDC) de la MRC de l’Abitibi; leprésident de Tourisme Abitibi-Témiscamingue; la directrice générale du Conseil de laculture;desgensdelaSociétédedéveloppementduTémiscamingue,regroupantlaSociétéd'aide au développement de la collectivité (SADC) et le Centre local de développement(CLD);ledéléguérégionaldelaFédérationdestravailleursettravailleusesduQuébec;desanciensemployésde laCRÉ,commeledirecteurgénéral;etdeuxmaires.Bref,différentespersonnesissuesdelasociétécivilequisiégeaientensembleetquiavaientdesantennesetunesensibilitérégionales.

Suiteàcetterencontre,nousavonsorganiséungrandrassemblementàRouyn-Norandale25novembre2014.Lamagnifique journéede tempêtedeneigen’apasempêchéenviron

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350personnesdeseréunirdansunsous-sold’église.L’idéededépartétaitdefairelebilandes structuresmenacées et des actions à prendre. À cemoment, la volonté des gens demaintenirunespacedeconcertationrégionalepourl’Abitibi-Témiscamingueaétéaffirméehaut et fort. LeGroupedesdixy a étémandatépourexplorer les avenuesqui s’offraientpour maintenir en région une instance de concertation qui, éventuellement, pourraitprendre la relèvede laCRÉ.Ainsi, ce comitéavait la tâchede réfléchir à la configurationd’unetellestructuredansunespritdeconcertationrégionalemultisectorielle,regroupantàlafoisledéveloppementsocialetéconomique,lesressourcesnaturelles,etc.

Lors de l’événement de novembre 2014, d’anciens présidents du Conseil régional dedéveloppement de l'Abitibi-Témiscamingue (CRDAT) ont proposé à l’assemblée dereprendre lacharteduCRDATquiavaitétéconservéeactive.LeCRDATétaitunsymbolepuissant. Officiellement fondé en 1964, sous le nom de Conseil économique régional duNord-OuestduQuébec,ilestdemeuréactifjusqu’en2004,jusqu'àl’instaurationdesCRÉ.Ilcomptait un conseil d’administration formé de 80 personnes, un comité exécutif d'unequinzainedemembresetplusde1000individus,institutions,entreprisesetmunicipalitésen étaient membres. Ainsi, avec seulement les cotisations des membres, on pouvaitatteindre jusqu’à 25 000$ par année. Cette option est intéressante, mais il a été décidéd’explorerd’autresformesetd’enarriveravecunesolutionquiseraitsoumisedenouveaulorsd’unprochainrassemblementrégional.

Rapidement, des efforts ont été concentrés à joindre le mouvement «Touche pas à marégion!»pourculminer le29 janvier2015avecune journéedemobilisationrégionaleaucoursdelaquelleentre5000et6000personnessontdescenduesdanslesrues,dont4000auTémiscamingueseulement,cequireprésentelequartdelapopulationdeceterritoiredeMRC.Deschaîneshumainesontétéforméesunpeupartout;cetteactivitédemobilisationaeu une résonnance importante en région. Une pétition a circulé, amassant plus de 6000signatures; elle a été déposée à l’Assemblée nationale en février 2015. Il y a eu desrencontresavecdesdéputésrégionauxpourtenter,envain,de leur faireentendreraisonquantàlanécessitédenepasdéstructurerlesoutilsrégionauxd’actioncollective.

Pendantcetemps,leGroupedesdixacontinuédeserencontrer.Avantl’adoptionduprojetde loi 28, les deux élus locaux siégeant au sein du comité ont commencé à se retirer.Parallèlement,lespréfetsreprésentantlecomitédetransitiondelaCRÉontchoisid’agirdeleur côté en faisant leur propre réflexion, posant leurs propres questions et ayant leurpropre rencontre avec le ministre des Affaires municipales Pierre Moreau et avec lePremierministre. Lorsque la loi 28 a été adoptée, on décrétait que la responsabilité dudéveloppement localet régional reviendraitdésormaisauxMRC. Iln’yavaitdoncplusderégions administratives telles qu’on les connaissait. D’un endroit à l’autre, le concept derégion varie. Parfois, il est plutôt artificiel, mais en Abitibi-Témiscamingue, cetteidentification est assez organique. Notre territoire forme une région cohérente et

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clairementdéfinie.Nousétionspersuadésquecette régionexistait toujourset lespréfetssemblaientlepenserégalement.

Nousavonsobtenuunepremièrerencontre,enavril2015,aveclaConférencedespréfets,un organisme à but non lucratif dûment incorporé depuis 1996 servant de lieu derassemblement, d’échanges et de mise en commun pour les préfets sur leurs enjeuxcommuns qui touchent le monde municipal. Ils nous proposaient, en guise de structurerégionaledeconcertation,unorganigrammedirigépar lescinqMRC,puisque,selon la loi28, ilsnepeuventdéléguer leurscompétencesparticulières.LesMRCsedoteraientd’uneConférence des préfets qui deviendrait ainsi l’instance de concertation régionale. ChaqueMRCpossèderaitundroitdevétoetundroitderetraitpourtouteslesdécisionsprisesparlaConférencedespréfets.Onyretrouveraituncomitéconsultatifformédescinqpréfets,decinq autresmaires et cinq personnes de la société civile qui seraient nommées par eux.Nous n’étions pas nécessairement en accord avec tous les points; nous voulions que lecomitésoitparitaire,soit10–10,etsurtoutquelesdixmembresdelasociétécivilesoientchoisis par leurs pairs pour assurer la représentativité. Ils ont pris bonne note de nosdemandes,ilsétaientprêtsàfaireunboutdecheminenacceptantlaparité,maisinsistaientpourlesnommer,àpartird’unecourtelistequenousleurfournirions.

Denotrecôté,nousavonsconvoquéànouveaulaquarantainedepartenairesàl’originedumouvement.Deuxpréfetsétaientprésentspourlamoitiédelajournéeafindesoumettrelemodèle qu’ils avaient développé. Ils ont quitté à l’heure du dîner et nous avons eu unebonne discussion. Nous avions plusieurs questionnements: Qu’est-ce qui est le plusimportant entre une représentativité territoriale ou une par secteur d’activité? Lesmembres du comité consultatif doivent-ils être nommés par la société civile ou par lespréfets? Est-ce que la Conférence des préfets doit devenir l’instance de concertationrégionale?Devrions-nouscréerunetoutautrestructure,indépendante?Ainsi,àpartirdesdiscussions,nousensommesvenusàlaconclusionqu’ilétaitpertinentdecréeruneautreinstanceregroupantlasociétécivileetmobilisantdemanièrebeaucouppluslarge,avecunmandatdifférentdeceluidelatabledespréfets.Cetteinstanceparallèlepourraittravaillerencollaborationet,ultimement,servirànommerlesdixsiègesducomitéconsultatif.

Nousavonseuuneseconderencontreavec lespréfetsen juin2015.Nous leuravons faitpartde lavolontédesacteursdecréerunenouvellestructureregroupant lasociétécivilequiseraitcomplémentaireàlaConférencedespréfets.Nousleuravonsexpliquéquel’idéen’étaitpasdevolerdesmandatsoud’occuperunespacequileurrevient.Noussouhaitionsune instance qui permettrait de mobiliser les gens, mais également d’aligner nosorientations et notre vision des enjeux. Ils nous ont informé qu’ils tenaient toujours àformerleurcomitéconsultatifetqu’ilstiendraientprochainementunLac-à-l’épaule.

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LorsdeceLac-à-l'épaule,ilsonttentédenousconvaincred’accepterleurstructure.Enplusdescinqpréfets,ilyavaitcinqélussupplémentaires.Aprèsnégociations,lesélusontoffertde nous laisser nommer les dix sièges du comité consultatif; ils nous ont demandé defournirunelistedenomsetlesraisonsquimotivaientnotresélection.

Peu de temps après, nous avons tenu notre grand rassemblement le 19 septembre 2015dontl’objectifétaitdeprésenterlebilandesenjeuxquenousavionsabordésaveclegroupeinitiallorsdenotrerencontredumoisdemaiprécédent.Enfait,nouscherchionségalementàasseoirnotre légitimitépuisquenousétions toujours sur lavaguedumandatdonnéennovembre2014parlesquelque350personnesréunies;nousdevionsactualisercemandat.Encoreune fois,nousavons faituneplaceauxpréfets; lemairedeVal-d’Oraprésenté lastructuredespréfets.Puis,ilaquittéafindenouslaisserdébattreentoutequiétude.Aprèsdiscussions,nousavonschoisidedéléguerleGroupedesdix,letempsdetrouverunmoyenpertinent pour la sélection des représentants de la société civile au sein du comitéconsultatifdelaConférencedespréfets.D’ailleurs,nousneremettionspasenquestionleurinitiative de former ce comité consultatif; il estmême souhaitable que ce regroupementexistepourque lespréfetspuissentcompter,dans leursprisesdedécision,suruncomitéd’individusancrésdanslacollectivité.

Finalement,danslesderniersvotesdelajournée,nousavonsconsulténospartenairessurlanécessitéd’unestructureparallèleàcelledelaConférencedespréfets.Massivement,lesgens ont voté pour mettre en place une structure représentant la société civile, malgrél’existenceducomitéconsultatifdelaConférencedespréfets.Àl’unanimité,lespartenairesont choisi de remettre surpied leCRDAT.De ce fait, un comité transitoire a éténommé,ayantpourmandatd’organiser,danslestroismois,uneassembléegénéralederefondationenbonneetdueformeavecavisdeconvocationetobjetprécisdelarencontre.Cecomitétransitoire est formé de sept personnes: une par territoire de MRC, deux pour ceux del’Abitibi-OuestetduTémiscamingue.

Unelettreaétéenvoyéeauxpréfetslesavisantquenousavionschoisideremettresurpiedle Conseil régional de développement de l’Abitibi-Témiscamingue et que cette nouvelleinstance délèguerait éventuellement les dix personnes du comité consultatif. Les préfetsn'ont pas donné suite à cette lettre et ont décidé de nommer eux-mêmes les dixreprésentants.Enapprenantcettenouvelle,nousavonsdécidédediffuseruncommuniquéde presse – puisque les préfets n’avaient pas fait de sortie publique – annonçant les dixmembres,àsavoirnotrepetitgroupe.Ainsi,nousaffirmionsquenousavionsrespecténotrepart de l’entente établie avec les préfets et nous nommions les personnes qui devaientsiégeraucomitéconsultatifdelaConférencedespréfets.Enfin,nousavonsdiscutéquelquepeuaveclespréfets,puisnousavonslâchéprise.

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Le 5 décembre a eu lieu l’assemblée générale de refondation officielle. Lors de cetterencontre,unconseild’administrationcomplet,enbonneetdueforme,aétéélu.Depuiscetemps,ilss’apprivoisentetfontdesvérificationspours’assurerdeleurlégalité.Iln’yapaseu de discussion formelle avec la Conférence des préfets. Le conseil d’administrationsouhaitemettreenplaceunréseaudeveillestratégiquequipourraitsaisircertainssujetsau vol et produire des avis, de la connaissance et de la conscientisation afin de seprononcer,dénoncerousuggérersurcertainsenjeux.

Ilyaaussiunecampagned’adhésionquidevraitdémarrerbientôt.Ilfaudraallerchercherplusdemembrespoursedonnerdupoidset,éventuellement,rechercherdufinancement,d’autantplusqu’iln’yapasdefinancementdutout.

POST-SCRIPTUM–situationau6novembre2016D’abord, aucune nouvelle du comité consultatif de la Conférence des préfets n’a filtréjusqu’à l’attentiondupublic.Parailleurs, les limitesde lacapacitédes’entendredesMRContétéatteintesdeuxfoisaumoins,dansdesdossiershautementsymboliques:d’abord,leTémiscamingue a refusé de contribuer au financement de l’Observatoire de l’Abitibi-Témiscamingue,quipourtantfaitl’enviedebiendesrégionsetquiétaitfinancéparlaCRÉjusqu’au début de 2015; puis les MRC d’Abitibi et d’Abitibi-Ouest ont choisi de ne pluss’associer à Valorisation Abitibi-Témiscamingue, une démarche qui travaille à stimulerl’identité régionale et à rendre notre région plus attractive pour de nouveaux résidents,dans une perspective de la pénurie de main-d’œuvre annoncée. Dans les deux cas, onconstateunepertedusentimentrégional,unreplides trois territoires lesmoinspeuplés,quisemblentcroirequ’ilsserontmieuxservisenagissantseulsdanscertainsdomaines.Iln’yaeuaucundébatpublicsurlasurviedecesinstitutions,etencoremoinssurcequ’ellesreprésentent.

Parailleurs, leCRDATs’est luiaussi faitdiscretaucoursdesapremièreannéed'activité.Peuoupasdeprisedeposition, un travail centré sur sa structuration, aucun fondspoursoutenir les démarchesde ses administrateurs bénévoles. Le fruit de ses efforts de2016seraprésentéauxmembresàl’occasiond’uneassembléegénéraleprévuele26novembre2016.Chosecertaine,l’erred’allerquianimaitlemouvementTouchepasàmarégions’estessoufflé.

Enfin, ladémarchevisantàdéterminerunmodèle régionalde soutienaudéveloppementsocial a connu quelques rebondissements: alors que le CRDAT était pressenti pour êtremandataire de la contribution de la Fondation Lucie et André Chagnon (FondationChagnon), cette option a été abandonnée devant la réticence de certaines organisationsrégionalesàluifaireconfiance(fragilitédesastructure,doutessursareprésentativité).Etdans un revirement spectaculaire, la Conférence des préfets s’est portée volontaire pourrecevoirlasubvention,affichantainsiuneencourageanteouverturepourledéveloppement

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social et pour le travail en collaboration avec le milieu. Cependant, elle s’est informéeauprès de la Fondation Chagnonde la possibilité de diviser la subvention en 5 parts quiauraientété répartiesdans les territoiresdeMRC, cequin'étaitpaspossibledupointdevuedelaFondationChagnon.

Périodedequestions

Q:Est-cequ’il vous restedes instances régionales, comme l’Observatoire endéveloppementsocialouenréussiteéducative?

P-A.M.:Oui,ilnousrestedesinstancesrégionales,notammentleConseildelaculture,quiest trèsdynamique cheznous;TourismeAbitibi-Témiscamingue, l’Association touristiquerégionale,quiamisenplaceune initiativequis’appelleCULTURATvisantàmobiliser lescollectivités, les entreprises et les citoyens pour qu’ils mettent de l’avant les arts et laculture;leConseilrégionald’environnement,quin’estpastrèsactif;l’UQATetleCégepdel’Abitibi-Témiscamingue, qui sont présents avec un campus à Amos, un à Val-d’Or et unprincipalàRouyn-Noranda,enplusdescentresderecherchesdel’UQATàVille-MarieetàDuparquet,enAbitibi-Ouest.Donc,ilenrestequelques-unes.

Q:LaCRÉAbitibi-Témiscamingueaétéforteaupointdevueconcertation.J’entendsqu’ilyaunbrisentrelesélusetlasociétécivile;l’essentieldecequiestdit,estautourdereconstruirece lien. Pourquoi aujourd’hui en êtes-vous à ce lien brisémalgréuneCRÉqui était forte enconcertation?

P-A.M.: Notre expertise en innovation sociale est régionale. Nous ne sommes pasnombreux;noussommes150000.ÇapartaitdurégionaletçavenaitatterriretprendrelescouleursdesterritoiresdesMRC.Donc,ilyadesterritoiresdeMRCquiontpeud’expertisedans cedomaine.L’expertiseendéveloppement localqui existait étaitbeaucoupdans lesCLD,autresendroitsquiontétédécimésaussi.Lemondemunicipalatrouvéintéressantdesefairedonnerdenouveauxpouvoirsparlegouvernement;ilaeupeurqu’onluivoledespouvoirs. Honnêtement, la société civile ne veut pas prendre leur place. Ce que l’onsouhaite,c’estlamobilisationdesgens,qu’ilss’approprientleurrégionetaientlegoûtdeladévelopper.Lespréoccupationssontdifférentes.

Q:Enfait,lamobilisationdesélusestleprincipalenjeu.Onpeutsedirequelesélusn’ontpasétémis au pouvoir dans lesMRC pour faire du développement des communautés; c’est uneresponsabilité qui leur a été transférée aujourd’hui et qu’ils n’avaient pas avant. Ce seradifficiledetravaillersurdesprojetsavecvotreCRDATsansqueleséluscautionnent.Pourqueles régions se relèvent de la déstructuration, je pense qu’il est inévitable que les élus soientassociésaveclasociétécivile.Jesensdanstontémoignagequ’ilyabeaucoupdeconfrontation,maisilvafalloirunecertainesynergiepourfaireavancerleschoses.

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P-A.M.: Il y avait énormément d’ouverture et de transparence de notre côté; encontrepartie, nous n’avons aucune idée de leurs démarches. Ils devront se structurer etfaire preuve de beaucoup plus de transparence; il faut qu’ils comprennent qu’une desétapesprimordialesdudéveloppement,c’estl’adhésiondelasociétécivile.Leurconceptiondu développement semble inexistante. Pour eux, essentiellement, c’est de la gestion destaxesetdessubventions.

Q:Est-cequeçavousatentéd’avoiruneapprocheplusd’influenceetinformelle?

P-A.M.:Oui.Entrechaquerencontre,ilyaunpeudelobbying.Enprivé,ilssontintéressésparnosprojets,maislorsqu’ilssontengrandgroupe,ilsdisentautrechoseetletonchange.

Q:Parcontre,lespréfetsontbeaucoupdepressionetilsnefontpascequ’ilsveulentavecleurconseildesmaires.

P-A.M.: Oui. D’ailleurs, c’est pour cette raison que nous souhaitons que la collectivitérégionalesoitaucentredelastructureetqu’ilyaitdifférentescomposantesàl’intérieurquijoueraientchacuneunrôle.Danslastructurequ’ilsnousproposaient,lesMRCsontenhautde lastructureet lesmairesdesmunicipalitésendessous.Mais,comme lesmunicipalitésont des écarts importants au niveau du nombre d’habitants, certains projets quibénéficieraient à l’ensemble de la région pourraient être bloqués par certainsmaires depetitesmunicipalités. Il y aurait un déséquilibre. Enmême temps, c’est certain qu’on nepeut pas faire des référendums sur tout non plus, mais s’il y a un dialogue et desconsultations,onpeutatteindredesconsensus.

Q: Il y a un an, la Fondation Chagnon avait annoncé un soutien transitoire pour deuxinstancesrégionales,enpersévérancescolaireetendéveloppementsocial.Presquetouteslesrégionssontvenueschercherlessous,saufAbitibi-Témiscamingue.Ilyaquelquesrégionsquin’étaientpasprêtesàlarecevoirtoutdesuite.

P-A.M.: Enmême temps, il y a plein de choses en parallèle qui semettent en place enAbitibi-Témiscamingue.Onamisenplaceunecommunautédepratiqueendéveloppementdescollectivités,notammentavecladirectiondelasantépublique.Parallèlement,ons’estregroupés pour discuter de quelles formes pourrait prendre le développement social enAbitibi-Témiscamingue.Ilyauncomitéadhocavecnosagentsrégionaux,Avenird’enfants(AE) et des gens de la santé publique, de Loisir et Sport Abitibi-Témiscamingue et descommissions scolaires. J’y ai été invité aussi. On en est venu à la conclusion qu’il fallaitconvaincre un peu plus de gens de l’importance d’un espace de concertation régionaleautourdudéveloppementsocial,maisquiserviraitdesoutienetdebougied’allumagepourlesterritoires. Ilresteraà faireunetournéepourallerconvaincre lesdirigeantsduCISSS,les élus, etc. Puis, il y a un autre mouvement en lien avec la Fondation Chagnon et sesservices d’évaluation, pour doter l’Abitibi-Témiscamingue d’une culture évaluative, pour

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intégrer l’évaluation dans nos processus de développement. On a un bon soutien de laFondation Chagnon, en plus de celui d’un professeur de l’Université d’Ottawa, JacquesChevalier,quinousaccompagneradansladémarche.Ondeviendraitunesortedeterritoirepilote. JacquesChevalieraimeraitdégagerunoutilquipourraitêtreutileàd’autresparlasuite.Nousaurionsl’outilparfait,adaptéànotreréalité.Ilrestedesbeauxmorceaux,maisilmanquele lienentretoutça.Quandonparledespréfets,certainsdisentqu’aufondonsefoutdecequ'ilspensent.Jenesuispasnécessairementd’accord.Lemilieumunicipalaunrôleàjouer,maisilnepeutpasprendretoutelaplace.ÀlaVilledeVal-d’Or,onserépètesouventqu’onnepeutpas tout faire.Nosbudgets sont limités; ça touche l’impôt foncier.Alors,tantmieuxsilasociétéciviles’organise.Quandellelefait,onsauvedel’argent,onestplusperformant,onestplushumainetonaplusdeplaisir.

Q:Àlafin,tuasparlédecenouveloutilendéveloppementsocial.Cesdeuxoutils,leCRDATetceluidedéveloppementsocialsontdifférents?Pourquoipasunseuloutil?

P-A.M.:Oui,cesontdesoutilsdifférents.LeCRDATestessentiellementnéd’unevolontépopulaire;iln’yapasbeaucoupd’instancesetd’organisationsquiontvoulusemouillerparcraintedesemettrelespréfetsàdos.

Q:Etl’autre,c’estquelquechosedeplusmitoyen,donc?Deplusrassembleur?

P-A.M.:C’estlasantépubliquequilemetenplaceetquivachercherdespartenaires.Nousavonsunoutilquiaunpotentieldemobilisationde lasociétécivile,maisvraimentmultisecteurs.

Q: Quand on parle du Conseil régional de développement de l’Abitibi-Témiscamingue, ontraitetouslesdossiersconfondusentermesdedéveloppement?

P-A.M.:C’estcequiresteàdéfinir.Oncherchaitunespacededialoguerégional,deprojetset de rêves, mais nous avons zéromoyen en ce moment. On est en lien un peu avec laFondation Chagnon qui souhaite financer la continuité de certaines démarches endéveloppementsocial.Nousn’avionspasd’instanceparticulièreendéveloppementsocial.C’estpeut-êtreunefaiblessequ’onavait.Maintenant,sachantquelaFondationChagnonestprêteàfinancerpouraideràstructurerouàmaintenirlesacquissuiteauchambardement,onsedemandequiest lemieuxplacé: laConférencedespréfetsouuneorganisationquiregroupe des partenaires? On ne veut pas que ce ne soit qu’unmouvement citoyen. Onsouhaite que ce soit une toile d’araignée qui se déploie sur l’ensemble de l’Abitibi-Témiscamingue.

Pour l’instant, le CRDAT c’est du bénévolat. Il y a peut-être des ententes possibles, parexempleavec laFondationChagnon,quipermettraientd’avancer.Certainesorganisationspourraientcontribuerfinancièrement,maisenmêmetemps,lebutn’estpasdereproduire

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le modèle de la CRÉ où tu avais 25 employés. Le but est d’être prêt à un éventuelchangement de gouvernement et à un financement d’une structure régionale composéed’unmélanged’élusetdelasociétécivile.C’estsurtoutd’avoirunespacededialoguepourmettredelapressionpositivesurlesélus;déjà,ceseraitimmense.

Q:QuellessontlesperspectivespourleCRDAT?

P.A.M.:Ilparticipeauxdiscussionspourlastructurationdudéveloppementsocialetnoustrouvonsquec’étaitunlieuquiseraitassezpertinentpourfaireatterriruneressourcequipourrait être en soutien aux territoires pour le développement social. Davantage encoreque laConférencedespréfets,parexemple,quin’apasd’expertise là-dedans,quin’apasexprimédevolontéparticulièrenonplus.Et,d’après cequenous savonsde laFondationChagnon, elle n’était pas nécessairement ouverte à faire affaire exclusivement avec lemonde municipal. Elle cherchait davantage des regroupements de partenaires. L’enjeu,pourleCRDAT,estsesmembres,parcequesitutetarguesdereprésenterlasociétécivile,ilfaut qu’on sente que tu la représentes. Il faut susciter une adhésion et uneparticipation.C’est ce qui va lui donner sa force et sa valeur aussi parce que les membres vont luipermettre d’activer certains réseaux, et ce, dans les deux sens: faire monter despréoccupations ou partager de l’information avec le terrain. Pour une fois, c’est uneplanificationstratégiquerégionaleplutôtquedelaCRÉ.Mais,pourl’instant,iln’yaplusdeporteur,personnenefaitlesuivietn’assurequ’onavanceensemble.Nousnoussommesditque le CRDAT pourrait peut-être contribuer à l’atteinte de certains objectifs, mais cepourraitêtredeconcertaveclaConférencedespréfetsaussi.

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BasSaint-Laurent–EmmaSavardEmmaSavard est directrice, depuis sept ans, de la démarcheCommunautéOuverte etSolidairepourunMondeOutillé,ScolariséetenSanté(COSMOSS).Elleatravaillé16ansàlaConférencerégionaledesélusduBas-Saint-Laurent.

COSMOSS est une démarche demobilisation partagée par les huit territoires deMRC duBas-Saint-Laurent. Elle vise l’égalité des chances pour tous les jeunes de 0–30 ans, de laconception à l’âge adulte, et ce, dans une perspective de prévention. Nous travaillonsparticulièrement sur quatre enjeux: développement des tout-petits avec une entréescolaire réussie; les saines habitudes de vie; la persévérance scolaire et la réussiteéducative; ainsi que l’intégration socioprofessionnelle ou le passage à l’âge adulte. Ainsi,touslesterritoiresdeMRCtravaillentsurcetronccommun.

Aussi,nousavonsunComitérégionaldecoordination(CRC)regroupantlesdirectionsdesréseaux régionaux desministères et des partenaires, qui coordonne la démarche, décidedes grandes orientations, fait le lien entre le national et le local et recueille les besoinslocaux.Parailleurs,dans chaque territoiredeMRC, il y aune instance locale formée,parexemple,desdirectionsdelacommissionscolaire,ducentrelocald’emploi,desorganismescommunautaires,etc.Ils’agitdoncd’unréseaulocaldedécideursalimentéspardescomitésdetravailetdescomitésconsultatifsformésdeprofessionnelssoitpargrouped’âgeouparenjeuthématique.

Endécembre2012,lerapportdeladeuxièmeévaluationdeladémarcheCOSMOSSestsortiet il était positif: 93% des partenaires locaux indiquaient qu’il fallait poursuivre notredémarche demobilisation. Ils observaient des effets sur la situation des jeunes de notreterritoire. Par contre, certains éléments à améliorer étaient nommés dans lesrecommandations. Entre autres, les partenaires locaux auraient souhaité uneharmonisation complète, ancrée dans notre modèle de développement territorial, avecQuébec en Forme (QEF), Avenir d’enfants (AE) et Réunir Réussir (R2). Nous avions déjàentendumentionner cette lourdeuradministrativepar certains acteursdumilieu.Malgréque nous ayons opéré des rapprochements dans les dernières années – par exemple, lesFondsreconnaissentnotremodèleetnotrestructureenplusdeparticiperauCRC–,cettequestionétait soulevéedans le rapportd’évaluationetnous trouvionsqu’il fallaitdonnersuiteauxélémentsnommés.Enmême temps, il yavait égalementVieillir en santéqui sedéployaitauBas-Saint-Laurent.ÀlaCRÉ,nousavionsdeséchosdesacteursmunicipauxquisesentaientsursollicitésparplusieursdémarchesdedéveloppementsocial.

Par conséquent, la CRÉ nous avait donné lemandat de faire le point sur la question del’harmonisation sur le territoire. Tous les agents régionaux, travaillant sur différentsdossiersdedéveloppementsocialdelarégion,sesontréunispouranalyserlacompositionde toutes les tables locales. Ensuite, nous avons conclu que le réseau de la santé et le

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secteurmunicipalétaientlesseulsàdevoirêtrepartout.Pourlesautresconcertations,lesacteurs ne sont pas lesmêmes. En ce sens, nous avions évalué qu’en joignant toutes lesdémarches,iln’yauraitquedeuxacteurssatisfaits–ceuxquis’enplaignaient–,maisquelagrandemajoriténeseraitpasconcernéependantlamoitiédesrencontres.Lorsquelesgenss’ennuient en réunion d’entendre parler de préoccupations qui ne les touchent pas, à uncertainmoment, lamobilisationestendanger.Ainsi,cetteanalysenousa incitésànepasrassembler toutes les démarches puisque cette action pourrait entraîner encore plusd’enjeux.

Parailleurs,enobservantnosrésultatsd’analyse,nousavonsconstatédesinégalitésdansl’ampleur de l’accompagnement des communautés entre les différentes approches ouprogrammes.Certainement, lesrésultatsnesontpas lesmêmesd’unenjeuà l’autresi lesmoyensdiffèrent:parexempleunagentrégionalpourseizeterritoiresouinstanceslocalesversus un agent pour quatre. Toutefois, nous avons aussi remarqué qu’un bonaccompagnementfaisaittouteladifférence.Eneffet, lesdossiersquibénéficiaientduplusgrand accompagnement, soit Québec en Forme et Avenir d’enfants, avaient demeilleursrésultatsquelesautres.CesnouvellesinformationsontfaitpartiedenotreréflexionetontremisenquestionnospratiquespuisquelaCRÉfaisaitdavantagedelagestiondefondsetdes appels de projets. Nous avons réalisé que l’accompagnement était important si nousvoulions progresser dans le développement de notre territoire et, pour se faire, nousdevionsrééquilibrerlesressourcesdisponibles.

Ainsi, suite au rapport d’évaluation, nous avons beaucoup réfléchi à la structure dudéveloppementsocialduBas-Saint-Laurent,conjointementaveclesmilieuxlocaux.Ilfallaittrouver des solutions à la lourdeur administrative nommée par rapport aux sociétés degestiondefonds.Aussi, ilyavait l'Alliancesolidaritéet l'inclusionsocialeintégréedansladémarcheCOSMOSSdanslamoitiédesterritoiresetgéréeparl’instancelocale.Aussi,nousnous demandions si nous devions aller vers les 0–100 ans ou demeurer 0–30 ans. Nousavons consulté les instances localesCOSMOSSà ce sujet et à l’exceptiondu territoiredesBasques,lesseptautresinstancesontdécidédedemeurerdédiéesauxjeunesde0-30ans.Les décideurs participant à la réflexion nous ont demandé de régler au régionall’harmonisationdeQuébecenForme,Avenird’enfantsetRéunirRéussirpourles0–30ans.De même, les milieux locaux nous ont nommé leur intérêt d’avoir des planificationsstratégiques précises et porteuses de résultats. Conséquemment, ils ne souhaitaient pasélargirleursciblesetrisquerdeperdredelafinessedanslesstratégies,maisplutôtobtenirdavantagederésultats.Aussi,ilsmentionnaientundésird’êtreaccompagnésparlerégionaldansleprocessusdeplanificationpouraméliorerleurspratiquesets’outiller.

Parlasuite,leComitérégionaldecoordinationaenvoyéunecorrespondanceauxdirectionsgénéralesdestroisfondsendemandantunerencontreafindedéfinirensembleunnouveaumodèle d’intervention pour le Bas-Saint-Laurent. En fait, nous voulions coconstruire un

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projet-pilote,uneexpérimentationquenousavonsappelélacohésiondesapproches.Nousproposionsdeuxélémentsmajeurspouréquilibrerl’accompagnementsurlesenjeuxvisésparladémarcheCOSMOSSetallégerlachargeadministrative.Lepremierproposaitquelesagents régionaux soient regroupés dans une même équipe, au service de la région, afind’éviterdetravaillerensilossurdesdossiers.Ledeuxièmerecommandaitderéunirtoutesnos ressources humaines et financières dans une entente de partenariat régional quipermettrait un seul protocole d’entente sur le territoire local et une seule démarche deplanificationparterritoire.Ilfautnoterqu’àcemoment,chaqueterritoiredeMRCavaitunminimumde quatre protocoles d’entente juste en ce qui concerne COSMOSS et les fondsassociés,enplusde laredditiondecompteetde laplanification, impliquantdesdatesdedépôts,desdémarchesd’évaluationsetduvocabulairedifférents.LesdirectionsdesFondsont accepté. Nous avons entrepris des travaux pour coconstruire ce modèle durant ladernièreannée.

Puis, il y a eu l’annonce de la fermeture des CRÉ, suivie de celle des Forums jeunesserégionaux.Quandlanouvelleestsortie,laplupartdenospartenairesétaientrégionauxetlaCRÉ était fiduciaire de COSMOSS. Malgré tout, nous avons continué notre travail decoconstructiondumodèleavecQuébecenFormeetAvenird’enfants–lemandatdeRéunirRéussir étant terminé à ce moment. Enfin, à l’été 2015, nous avons envoyé unecorrespondance à tous les milieux locaux annonçant qu’après un an de réflexion et dediscussions,nousavionsconvenud’unmodèlesatisfaisantdanslequelnousréunissionslesressources.Depuis,nousavonsforméuneéquiperégionaled’accompagnementdédiéeàlarégion.Lesagentsnetravaillentplusparfonds,maisplutôtpourladémarcheCOSMOSSetenfonctiondesmêmesvisées.

Pendantcetemps,lesélusduBas-Saint-Laurentontaussidécidéd’incorporerunenouvelleinstancerégionaledeconcertationpourêtreprêtsàcollaborersurdesdossierscommunsde région. On s’est amusé à l’appeler CRD pour Collectif régional de développement. Ceprojetnes’estpasfaitdujouraulendemain,maisilsontcrééuneorganisationgéréeparleshuit préfets. Chaque territoiredeMRCa acceptéde verser20000$par annéedans cetteplate-forme afin de couvrir une structure minimale, soit un poste de direction et un desecrétariat,danslebutdedévelopperdesinitiativesensemble.Cecollectifaprislarelèveetest devenu le nouveau fiduciaire de la démarche COSMOSS. L’entente de partenariat de2015–2020aveclesFonds,gérésparleComitérégionaldecoordination,adoncétésignéeendécembredernierparleCRD.Enfait,lesfonds,quiétaientnormalementinvestisdansleBas-Saint-LaurentparQuébecenFormeetAvenird’enfants, sontconfiésà la régionavecdélégation de pouvoir pour soutenir les communautés. Par ailleurs, les élus, constatantqu’ils ne voulaient pas se passer de l’expertise de la société civile, ont également créé leForum Bas-Laurentien de concertation dont la composition rappelle celle de la CRÉ:préfets, maires des grandes villes et société civile. Le Forum est une table du CRD quiintègre des représentants des différents secteurs de la région: le Conseil régional de

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l’environnement, l'Université du Québec à Rimouski (UQAR), la Table de concertationagroalimentaire du Bas-Saint-Laurent, etc. Il dicte les grandes orientations régionalescollectives et identifie les enjeux régionaux sur lesquels nous souhaitons travaillerensemble.

Par l’entremise d’évaluations, nous suivons actuellement le cheminement des huitterritoiresdeMRCquisontenexerciceintensedeplanificationstratégiqueintégrée.Deuxévaluateurssesontjointsànotreéquipe.Ainsi,lesmilieuxlocauxtravaillentaudépôtd’uneseuleplanificationstratégiquepourl’ensembledesquatreenjeuxCOSMOSS,dansuneidéedecontinuumetdeparcoursdeviedes jeunes.Nousavonsprisungrosrisqueparcequenous voulions préciser nos interventions et avoir plus d’effet sur les jeunes. La frontièreétaitminceetnousaurionsputomberfacilementdansletropcomplexe.Ladémarcheestexigeante,certes,maisfinalement,l’effetaétéinverse:lamobilisationn’ajamaisétéaussiforte. Effectivement, les partenaires locaux nous témoignent qu’ils ont réellementl’impressionderépondreauxbesoinsdelacommunautéetqueladémarchefaitbeaucoupde sens pour eux. Quatre territoires de MRC adopteront leur planification stratégiqueintégréeen janvier2017et lesquatreautresaurontégalementcomplétéceprocessusenmars 2017. Actuellement, le constat est positif. Sur le terrain, les gens sont satisfaits etdemandentdavantagederassemblementspourtravaillercollectivement.Enfin,localement,lescoordonnateurslocaux–soitàAvenird’enfants,QuébecenFormeouCOSMOSS–sontmaintenant intégrés à des équipes locales regroupant les agents ruraux des MRC et lesorganisateurscommunautaires.Ainsi,tousceuxquidétiennentdel’expertiseensoutiendeplanificationterritorialetravaillentensembleauservicedeleurterritoire.

Périodedequestions

Q:Qu’est-cequiaétésignificatifpourconvaincrelestroisbailleursdefondsd’accepterqu’iln’y ait qu’un seul dépôt, une seule reddition de compte? Qui a été le leader dans cettedémarche?Quelsétaientlesargumentsetlesrésistances?

E.S.: Premièrement, c’était un besoin qui était exprimé par les milieux. Puis, noustravaillons ensemble depuis plusieurs années. Chez nous, les fonds siègent sur notreinstancerégionale.Ilsnousconnaissentetvoientcommentnoustravaillons.Àlabase,ilyaune confiance en nos capacités d’agir. Je suis devenue traductrice. Il a fallu que j’adaptenotre vocabulaire à chacun, puis rassurer tous les partenaires que nous partagions lesmêmesvisées.

Q:Quellessontlesautrescompétencesnécessairespourarriveràporterunetelledémarche?

E.S.:Ilfautavoiruneconnaissancedesprocessusaveclesquelslespartenairestravaillentpourlesrejoindresurleurterrain,maisc’estsurtoutlapatiencequiaétéleplusnécessairedurantladernièreannée.

Q:Est-cequeladémarchereposebeaucoupsurtoi,Emma?

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E.S.:Sijequittais,quelqu’und’autrepourraitassumerleleadership,maisilestclairquelefaitdetravailleraudéveloppementdelarégiondepuis16ansestfacilitant.Touslesacteurslocauxmeconnaissentetj’ail’appuiduCRC.

Q: Donc, on gagne, collectivement, à garder les gens de talent en poste pendant le pluslongtempspossible.

E.S.:Quandilsontlaconfiance,oui.

Q: Enmême temps, souvent, on voit beaucoup de rotation de personnel dans ce genre deposte,carlesenjeuxsontcomplexeset,constamment,ilfautsebattre.

E.S.: C’est la même chose au local; il faut s’assurer que les personnes ont l’appui et laconfiance des acteurs. Il faut également que les acteurs sachent que nous sommes desressourcesneutres,auserviced’uncollectif.

Q:J’ail’impressionquevosorientationssonttropalignéessurlesorientationsdesbailleursdefonds.Est-cequejemetrompe?

E.S.: Ils ont été très influents au sein du Comité régional de coordination allant jusqu’àteinter lesmots. Il est clairqu’ilsnousont influencés,maisnousavons trouvéqu’au-delàdesmotslesviséesnousrejoignaient.

Q:Entre lesorientationsdesbailleursde fonds,est-cequ’iln’yauraitpasdesanglesmorts,c’est-à-diredesbesoinsquinesontpasrépondus?

E.S.: C’est certain. Par exemple, toute la question de la santé mentale est évacuée. Lesmilieux travaillent toutdemêmesur cetteproblématique. Ils sont trèspréoccupéspar lasanté mentale dès le jeune âge, entre autres, et toutes les difficultés d’adaptation desenfants.

Q:Tudisquelesmilieuxtravaillentsurlasantémentale,maiscetteproblématiquenefaitpaspartiedesplanifications.

E.S.: Oui, elle fera partie de leur planification. Jusqu’àmaintenant, ils n’arrivaient pas àavoirdu financement,maismaintenant, cene seraplus seulementattachéaux fonds.Lesmilieuxanalysentlesbesoinsprioritairesdesjeunesde0–30anssurlesquelsilfautagir.Ilsonttoutdemêmelalunettedenosquatreenjeux.

Q:Est-cequevoustravaillezaussiaveclesecteurprivé?

E.S.:Non,nousnetravaillonspasaveclesecteurprivé.NousavonseuunpartenariatavecTÉLUSpour letravailderue. Ilaétéunpartenaire financier important,mais le travailderueestplusconcretquelaconcertation.Donc,non,nousnesommespasavecleprivé.

Q:Est-cequelesdirecteursgénéraux(DG)deCentresdesantéetdeservicessociaux(CSSS)–à l’époque,mêmedesCentres locauxde services communautaires (CLSC)–ont jouéun rôledanscettemobilisationautourdelacréationdeCOSMOSS?

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E.S.:Dansnotrerégion,laDirectiondelasantépublique(DSP),auniveaurégional,ajouéunrôledeleaderimportantetc’esttoujourslecas.Àl’époque,cen’étaitpastantlesDGdeCSSSque lesdirectionsEnfance/Famille/Jeunessequi étaientprésents. Surnos instanceslocales,ilyaencoredesreprésentantsdusecteurjeunessequisiègentpourreprésenterlesecteurdelasantéparcequelaDSPn’apasdedirectionlocalecheznous.Ilsontunréseaud’organisateurscommunautaires.Donc,nousavonsunedémarchetrèshiérarchique:ilyaledécisionneletlesintervenants.Lesintervenantsnourrissentledécisionnel,maiscesontdeux choses chez nous. Donc, la DSP est importante et, au comité régional de COSMOSS,c’est laprésidente-directricegénéraleduCISSSquiestprésenteetellenemanquepasderéunion. Elle envoie des correspondances à l’interne pour réitérer que COSMOSS estimportant.C’estbienintégré.

Q: Les agents ruraux et les organisateurs communautaires relèvent de deux employeursdifférents,soitlaMRCetleCISSS.Malgrétout,ilstravaillentensemble.

E.S.:Oui,ilssoutiennentensemblel’exercicelocaldeplanificationstratégiqueintégrée.Cen’estplusseulementissudeCOSMOSS;c’estdavantageancrédansleterritoireaveclaMRCetleCISSS.

Q:Commentsepasseladoublecoordination?

E.S.: Jenepensepasqu’ilyaitunenjeuàceniveau.Lesprofessionnelsontbeaucoupdemargedemanœuvrepourcollaborerselonleursforces.L’instancelocale,leComitélocaldecoordination,aidentifiéuncoordonnateurdansl’équipelocale.Donc,lameilleurepersonnepourrassemblerl’équipe–cepeutêtrel’organisateurcommunautaireoul’agentCOSMOSS– est à la coordination et est responsable du lien avec l’instance, le Comité local deconcertation.

Q:Commentsepasselaconcertationrégionaleendehorsdu0-30ans,s’ilyenaune?

E.S.:Endéveloppementsocial,àpartCOSMOSS,ilneresteàpeuprèsplusrien.Quandladirectionetleconseild’administrationdelaCRÉontapprislafermeture,ilsontdécidéqu’ilyavaitundossierprioritaireàsauveretc’étaitCOSMOSS.Ilsontfaitunchoix.Donc,cheznous, la table régionale Solidarité et inclusion sociale n’existe plus et le CISSS essaie desoutenirlesdossiersaînésautrement.Auniveaulocal, lesprojetscontinuent,maisiln’yaplusdeleadershiprégional.

Q:Tuasparlédeplanificationstratégiqueintégrée,est-ceseulementpourles0–30ans?

E.S.: Oui, c’est 0–30 ans. Il y a un territoire qui a décidéde le faire 0–100 ans. La seulechose,c’estquenousnemettonspasplusd’énergiedansleterritoirequifaitdu0–100quedansceuxquifontdu0–30.L’accompagnementestlemêmepartout.

Q:Etlesressourcesfinancièressont-ellespourles0–30?

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E.S.:Oui.S’ilsfontuneplanification0–100,ilfautqu’ilyaitd’autrespartenariatsfinancierspourvenircomblercespriorités.LesressourceshumainesCOSMOSSsontaussi0–30sinonnousn’arriverionspasàatteindrenoscibles.

Q:Est-cequ’ilyaunetentationàcequeCOSMOSSdeviennentdu0–100?

E.S.: Non, pas pour le moment. Nous avons fait le point sur cette question durant ladernièreannée.Lesgensveulentmettre l’emphasesur les jeunesetobtenirdesrésultatsplusimportants.Ilsavaientpeurqueleursprioritéssoientdiluées.

Q:DanscetteréorganisationdeCOSMOSS,qu’avez-vousgagnéetperdu?

E.S.:AvecCOSMOSS,nousavonsgagnébeaucoup.Deun,nousavonsgagnéparcequedetravaillersuruncontinuumplutôtqueparmorceaufaitplusdesenspourlesacteurs.Aussi,dans l’équipe régionale, nous pouvons travailler en complémentarité. Néanmoins, lafermeturedelaCRÉestunelourdepertepourlarégion.

Q: Au niveau organisationnel, est-ce que COSMOSS était un organisme autonome ou undossierdelaCRÉ?Est-cequelefinancementvenaitdelaCRÉet,maintenant,quellessontlesconséquencespourvousauniveaudufinancement?

E.S.:COSMOSSn’ajamaisétéincorporé.C’étaitlaCRÉquiétaitnotrefiduciairerégionaletquimelibéraitdansmontempspourenassumerlagestion.Évidemment,notrepartenariatfinancierrégionalacomplètementchangé.Avant,cen’étaientquelespartenairesrégionauxqui finançaient COSMOSS: la direction régionale du ministère de l’Éducation, le Forumjeunesse,laCRÉ,l’Agencedelasantéetdesservicessociaux,Emploi-QuébecetSolidaritéetinclusionsociale.L’ensembledenotrepartenariatfinancierachangé,misàpartleCISSSquiestdemeurénotrepartenairerégional.

Q:Donc,votrebudgetadiminuébeaucoup?

E.S.:Non.Avecl’ententesignéeavecQuébecenFormeetAvenird’enfants,onyarrive.

Q:Est-cequelesélussontimpliquésdansladémarche?QuelestleurlienauniveaudelaMRC(pluslocal)etauniveaudeCOSMOSS,duCRDetdelaTabledespréfets(régional)?Comments’inscrivent-ilsdansladémarcheetqu’enpensent-ils?

E.S.:Localement–territoiredeMRC,instancelocale–,ilyatoujoursunreprésentantdelaMRC.Laplupartdutemps,c’estledirecteurouladirectricedelaMRC.Cheznous,lesMRCsont fiduciairesd’à peuprès lamoitié des ressources locales et les élusmunicipaux sontinvités dans les grands-messes et les exercices collectifs. Actuellement, nous faisons uneffort particulier pour qu’ils soient présents et qu’ils comprennent les enjeux de leurterritoire.LeséquipeslocalesCOSMOSSvontrégulièrementauConseildemairesprésenterl’étatdesituationdesjeunesdeleurterritoireetlesprioritésd’actionpourlesgarderbieninformés. Ils sontenappuietnous fontconfiance.Ponctuellement, je faisdessuivisde ladémarcheànotrenouvelleinstancerégionale,leCRD,doncauxhuitpréfets.Leurréaction

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enestunedefiertéetd’appui.NousavonsaussiunreprésentantdelaTabledespréfetsauseinduComitérégionaldecoordinationdeCOSMOSS.

Q:Danscertainesrégions,lorsdelafermeturedesCRÉetdelavaguededé-régionalisation,certainesMRCnevoulaientplusriensavoird’instancesrégionales,quellequesoitsanature,mêmesicen’étaitquedelaconcertation.CommentlarelationentrelesMRCetlesinstancesrégionaless’est-ellepasséechezvous?

E.S.:ÉtantdonnéquelesMRCavaientàfinancer,ilyaeudeuxterritoiresdeMRCquiontrefuséd’embarqueraudépart.Puis,despréfetsontrencontrélesConseilsdesmairesdecesdeuxterritoirespourleurexpliquercequelaCRÉavaitfaitdanslesdernièresannéesetlaplus-value de travailler ensemble. À partir de ce moment, les gens ont adhéré. Avec lesélectionsmunicipalesquis’enviennent,l’importanced’expliquerestunenjeu.

Q:Quelestlerapportentrelesélusetlesnouvellesinstances?

E.S.:Entrelespréfetsetlasociétécivile,toutvatrèsbien.Souvent,lespréfetsparticipaientàlagestiondelaCRÉdepuisuncertainnombred’années,maiscen’estpasgagnéaveclesélusauniveaulocalquiconnaissentparfoismoinslaplus-valuedutravailrégional.Donc,lacompréhensionde travailler collectivement sur des enjeuxde fond, ce n’est pas gagné. Ilfautcontinueràfaireconnaîtrelesretombéesconcrètesdesdossiersquiontététravaillésrégionalement.Ilfauttoujoursd’abordcomprendrepouradhérer.C’estnormal.

Q: Dans la démarche, quelle est la place des jeunes? Juste au niveau consultatif ou dansl’action?

E.S.:ÀCOSMOSS,laparticipationcitoyennen’estpasnotreforce.Avant,jecoordonnaislaCommissionjeunesseduBas-Saint-Laurent.OnavaitdesancragesdanschaqueterritoiredeMRC.C’estbeaucoupdetravail.Nousconsidéronsquenousn’avonspaslesressourcespourmobiliser les citoyens. Déjà,mobiliser les organisations n’est pas évident. Par contre, lesmilieux locaux ont le souci d’aller consulter les comités de parents des commissionsscolaires, les conseilsd’administrationdes centresdepetite enfance,LaVoixdesparentsavecAvenird’enfants...Onnevapaschercherlecitoyendansnotredémarche;c’estplusdelaconsultationàcemoment-ci.

Q:Est-cequevouspouveznousdiredeuxmotssurladémarched’évaluationencours?

E.S.:Noussommesuneéquiperégionale,c’est-à-direquetouteslesressourcesquiétaientsoitenpersévérancescolaire,enintégrationsocioprofessionnelle,pourAvenird’enfantsoupourQuébecenForme, travaillentdansunemêmeéquiperégionale.Aussi,nousvoulionsavoiruneseuleapproched’évaluation.Donc,depuisquelquesannées,noustravaillonsavecunprofesseurretraitéde l’UQARetundesesétudiants.Lesmilieux lesconnaissentet ilsont confiance en eux. Nous les avons intégrés dans notre équipe régionaled’accompagnement.D’abord,nousposonsun regard sur lesdernières années. Ils sont entrainderévisernosplansd’actionpourquenouspuissionstémoignerducheminparcouru.

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Aussi, ilsaccompagnent lesmilieuxdans leurplanificationstratégique intégrée, jouantunrôle d’ami critique, c’est-à-dire qu’ils défient les partenaires sur la cohérence entre lesobjectifscibléset leportraitdesactionsaufildesétapes.Cesonteuxaussiquioffrentunsoutien pour l’identification des priorités d’évaluation des indicateurs, du pland’autoévaluation,etc.Noussommesaussiendémarched’évaluationévolutive,soutenueparInnoweave. Nos agents d'évaluation sont constamment en train de ramasser del’information sur le déroulementde la démarche avec les agents et partenaires locaux etrégionauxdemanièreàs’ajusteraufuretàmesure.

Et puis, pour chaque territoire de MRC, les agents régionaux se donnent un pland’accompagnementconjoint.Nousfaisonsd’abordlepointparterritoiredeMRCdeuxfoisparannéeetonregarde,àpartird’indicateursquenousavonsciblés,commentsepasseletravail sur le terrain: est-ceque lesacteurs sont tousbienmobilisés?est-cequ’il yadesdifférences? etc. Puis, nous nous donnons chacun des stratégies d’intervention pourremédierauxproblèmes.

Q:Dansvotredémarcheactuelle,est-cequ’ilyadesécueilsàéviterquevousavezidentifiés?L’arrimage des fonds et la collaboration entre le local et le régional, ce n’est pas toujoursévident:est-cequ’ilyadeschosessurlesquellestuaimeraisnousmettreengarde?

E.S.:Nousaimerionscontinueràtravaillerpournous,commeterritoire,plutôtqued’avoirdu soutien auquel il faut continuellement s’adapter. Nous aimerions que les autress’adaptentunpeuànous.C’estpeut-êtredesvœuxpieux.Aussi,commeCOSMOSSestunedémarchederégion,avecleshuitterritoiresdeMRC,c’estcertainqu’ilyatoujoursunenjeudecommunication.Malheureusement,nousn’avonspasderessourcesencommunication.Les communications exigent beaucoup d’effort, ne serait-ce que pour partager lesintentions, le travailaccompli, lacompréhensionde tous.Aussi, il fautnourrir ledialoguelocal-régional,maisenmêmetemps,ilnefautpasquecesoittroplourd.C’esttoujoursunequestiond’équilibre.Ilfautêtrecapabledetémoignerdenosrésultatsdefaçonvulgarisée.

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Charlevoix–ÉmilieDufourÉmilieDufourestconseillèreendéveloppementsocialpourlesMRCdeCharlevoixetdeCharlevoix-Est.Elleestaussiresponsabledeladémarche«Développementsocialintégré(DSI)Charlevoix»quicouvrecesdeuxterritoiresdeCharlevoix.

Charlevoix est un territoire composé de deuxMRCqui couvrent de plus de 6000km2 etregroupentprèsde30000habitant.e.srépartisdans13municipalitésetunterritoirenonorganisé. Bien que Charlevoix fasse partie de la région administrative de la Capitale-Nationale, la population considère que Charlevoix est une région distincte. Le sentimentd’appartenanceàlarégionadministrativedelaCapitale-Nationaleestfaible,sinonabsent.Charlevoixesttouchéeparunindicededéfavorisationsocialeetmatérielletrèsélevé,maiscetteréalitéestpeuvisible.Lorsqu’onparcourt larégion,onvoitgénéralementcequiestbeau.Au-delàdecepremiercoupd’œil,ilyabeaucoupdepauvretéetd’exclusionsociale.D’ailleurs, sur l’échellede l’indicededéfavorisationde la régionde laCapitale-Nationale,Charlevoix se retrouve dans les dernières positions. Son indice de défavorisation secompare à celui des quartiers centrauxde la ville deQuébec, comme les quartiers Saint-Roch et Limoilou. De plus, entre 2006 et 2011, on a constaté que les écartssocioéconomiques s’accentuent entre les différents secteurs du territoire. MentionnonségalementqueCharlevoixappuiesonéconomieprincipalementsur l’industrie touristiqueetqu’onyretrouvelesrevenusannuelsparpersonnelesplusfaiblesdetoutelaCapitale-Nationale. Généralement, on associe à l’industrie touristique des emplois saisonniers,précaires et peu rémunérés. Aussi, cette belle région, entre fleuve et montagnes, attireénormément de retraités, qui sont généralement assez aisés. De ce fait, on observe unphénomène de gentrification important qui peut entraîner des difficultés d’accès à lapropriété,particulièrementpourlesjeunesnatifsmoinsbiennantis.Parailleurs,auniveaude la courbe démographique, Charlevoix est le territoire de la Capitale-Nationale avec latendance au vieillissement la plus prononcée. La population jeune diminue et celle plusâgée augmente. De plus, dans le cadre de la démarche de recherche-action participativeCollectivité amie des jeunes (CADJ), le pendant jeunesse de l’approcheMunicipalité amiedesaînés(MADA),onaconstatéquelesécartssecreusententrelesjeuneseux-mêmes.Defaçongénérale,onobservequeles jeunesquiquittentleterritoiresontlesplusscolarisésalors que les moins scolarisés demeurent. La recherche nous révèle également queplusieurs jeunes qui restent dans la région perçoivent peu de perspectives d’avenir enraisonducontextesocioéconomiquedelarégion.

AuniveaududéveloppementsocialdansCharlevoix,lesconcertationssonthabituellementorganisées sur la base territoriale qui réunit les deux MRC. On y rencontre un enjeuimportant d’hyperconcertation et on a constaté que la majorité des concertations dessecteurs social et jeunesse travaillaient de façon parallèle et quelque peu éparpillée. Lespartenairesassocientcettesituationàlacultureduparachutagedeconcertationdécoulant

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delogiquespubliquesetphilanthropiquesapparuessurtoutdepuisles20dernièresannéesCette logique descendante multipliant les concertations a entraîné, entre autres,énormémentdesursollicitationdespartenairesterrain.DansCharlevoix,seulementdanslesecteur social, il y avait une vingtaine de concertations et, dans le secteur jeunesse, aumomentoùnousenavonsfaitl’analyseen2014,ilyavaitseptconcertations.Danschacune,onretrouveessentiellementlesmêmespartenaires.Cecontextenousaamenésàprioriserl’harmonisation des concertations afin d’optimiser notre efficacité, mais également decontrer la démobilisation des partenaires lorsqu’il est question d’efforts concertés. Lamobilisationestunenjeuréeldansnotrerégion.

Le dernier élément de contexte repose sur les responsabilités accrues qui ont ététransféréesauxMRCauniveaududéveloppementsocial.Cesresponsabilitésn’ontpasétéaccompagnéesd’uneaugmentationdesressourcesfinancières,bienaucontraire.LaMRCdeCharlevoixàelleseuleaperduautourde400000$aveclescompressionsenprovenancedugouvernementduQuébec.Malgré cela, laMRCdeCharlevoix a choisidemaintenir enposte l’agente de développement rural et il y a également une intention de conserver leposted’agentededéveloppementsocial.DanslaMRCdeCharlevoix-Est,ilyaeubeaucoupde pertes, notamment l’agent rural et l’agente de développement social. Ceci risqued’accentuerlesécartsquisecreusententrelaMRCdeCharlevoixetlaMRCdeCharlevoix-Estquinedisposentplusdesmêmeseffectifs.Aussi,cescoupurescontribuentàaugmentermaproprechargedetravailpuisquejemeretrouveàcouvrirmaintenantlesdeuxMRC.Cessituationsfontpartiedesdéfisrencontrésactuellement.

Dans la région de la Capitale-Nationale, l’approche territoriale intégrée (ATI) a étéintroduiteparenhautviaunprogrammeduMinistèredel’EmploietdelaSolidaritésociale(MESS),quidécouledusecondplandelutteàlapauvretéetàl’exclusionsocialeetquiétaitgéréparlaCRÉCapitale-Nationale.Unepremièrevagued’agent.e.sATIontétéfinancésen2007 et une seconde, en 2013. Dans la MRC de Charlevoix-Est, l’approche territorialeintégréeestenplacedepuis2007etdans laMRCdeCharlevoix,depuis2013.Cesont lespartenaires dumilieu qui ont demandé à ce que laMRC de Charlevoix puisse égalementavoiraccèsauxressourcesliéesàceprogramme.

Àmonarrivéeenposteen2013,lapremièreétapeaétédeprendreletempsdeconsulterlespartenairespourprendrelepoulsdesdynamiquesetdelamobilisation.Enallantàleurrencontre, nous avons pu recueillir leur point de vue. Leur réaction a alors été assezéloquente, ilsnevoulaientsurtoutpasuneautreconcertation.Lemotconcertationfaisaitpeur.Or,ilsavaientunevolontédetravaillerensemblesurdespréoccupationscommunessil’onreconnaissaitleurconnaissanceetleurcompréhensiondesenjeuxterritoriaux.Cheznous, la nécessité d’harmoniser les efforts dans une perspective intégrée, pour mieuxintervenir collectivement sur des enjeux complexes et préoccupants comme levieillissement de la population,la pauvreté et l’exclusion sociale, s’est introduite

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progressivement et tout doucement… C’est peu à peu devenu une évidence que nousdevionstravaillerdecettefaçon.

Une première rencontre s’est tenue à l’hiver 2014; nous nous sommes alors doté d’unespace d’analyse collective à partir des différents rapports, plutôt récents, notamment lerapport du directeur de la santé publique sur les inégalités sociales de santé dans laCapitale-Nationale.Àcetterencontre,nousavionsréunià la fois leséluset laplupartdesacteurs en développement social (organismes communautaires, institutions, etc.). Lesrapports ont été présentés ainsi que le portrait des concertations dans Charlevoix. À lalumièredecesinformations,unevolontédejoindreleseffortsdesdeuxMRCs’estdégagéepouragirsurdesenjeuxprioritairesquisontcommunsauxdeuxMRCduterritoire.Ainsi,cette rencontre a créé une onde de choc. Sur cette base, nous avons donc commencé àunifieretàharmoniserlesdifférentesdémarchesconcertées,dontlesdeuxdémarchesATI.

La Table en sécurité alimentaire est également devenue un chantier de la démarche endéveloppement social intégré (DSI) de Charlevoix. Nous avons aussi commencé, à cettepériode, à travailler sur le grand défi de l’harmonisation des concertations jeunesse duterritoire.Deuxpremièrestablesjeunessessesontharmonisées:leregroupementlocaldeQuébec en Forme et celui d’Avenir d’enfants, maintenant fusionnés au sein de la tablefamille élargie de Charlevoix. Devant la nécessité de refaire la planification stratégique,nous avons réfléchi pour tenter de faire les choses autrement. Entre autres, nous avonsinvité laTabled’actionspréventives jeunesse, associéeauCentre intégréuniversitairedesantéetservicessociaux(CIUSSS),àsejoindreàcetexercice.NousavonségalementinvitélesmembresduComitéderéussiteéducativeenCharlevoix,alorsliéauprogrammeRéunir-Réussir,àsejoindreànous.C’estainsiquecesquatredémarchesconcertéesontforméungrandregroupementquiatravaillésuruneseuleetmêmeplanificationstratégiquepourlajeunesseduterritoire.Mentionnonségalementquel’expertiseduvécudesjeunesetcellesdesfamillesaégalementétéintégréeàl’exercice,vialesdémarchescitoyennesCADJetVoixdesparents.

À l’automne 2014, la première assemblée territoriale en DSI s’est tenue, réunissant lesacteursetdesélusdesdeuxMRCdeCharlevoix.L’objetdecetteassembléeconjointeétaitde dresser un portrait global pour réactualiser les préoccupations territoriales surlesquellesagir. Septenjeuxprioritairesontémergé,dont lepremierétait l’harmonisationdesconcertationsetdesleadershipssurleplandudéveloppementsocial;lesautressontlesenjeux que l’on retrouve habituellement dans les régions, par exemple, un système detransportplus inclusif, laréussiteéducative, l’accèsau logement,etc.Deplus,nousavonsidentifié six principes-guides pour baliser la démarche, tels que la lutte aux inégalitéssociales/desantéetledéveloppementdupouvoird’agirdesindividus,maiségalementdescollectivités et des partenaires impliqués dans le projet. Tous les détails se trouvent surhttp://charlevoixsocial.ca,danslasectiondéveloppementsocialintégréCharlevoix.Àlafin

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decetteassemblée,nousavonsforméleComitédelaprochaineétape,comitépilotedontlemandat était de prendre l’ensemble des ingrédients qui se dégageaient de cerassemblement et d’arriver à la prochaine assemblée avec, entre autres, une ébauche deplanification stratégique. Ce comité, formé de volontaires, était principalement composéd’agents de développement liés soit à notre commission scolaire, à Québec en Forme, àAvenird’enfants,auxMRC,etauCIUSSS(organisateursetorganisatricescommunautaires),enplusdecertainsacteursdumilieu.

À l’hiver 2015, nous avons subi le choc des mesures d’austérité, donc nous avons dûrebondir. De retour en assemblée avec une ébauche de planification stratégique, nousétionsprêtsàplongerdansl’actionaveclessommesissuesdesAlliancespourlasolidaritéet l’inclusion sociale (150000$ réservés pour Charlevoix). En même temps, nousapprenionsque la CRÉ était abolie et nousne savionspas ceque deviendraient nosCLDalorsmandatairesdes fondsATIdansCharlevoixet leadersdans lestravaux.Alorsque ladémarche était bien en route, onmettait un terme aux ententes gérées par la CRÉ et onexigeaitquelessommessoientutiliséesensixmois.Cetterencontreaétéassezparticulière.Nousl’avonsaniméedemanièreànepasannoncerlafindequelquechose,maisplutôtlafin d’une forme de financement. De ce fait, l’assemblée s’est rapidement positionnée enfaveur de la poursuite de la démarche. Lemessage que nous avons reçu des partenairesprésentsàl’assembléeétaitdenepasreculer,maisbiendecontinuerd’avanceretdepartiràlarecherchedenouvellesfaçonsdefinancerlasuite,tantsacoordinationquelesactions.

Conséquemment,auprintemps2015,noussommespassésenvitessesupérieure.LeComitédelaprochaineétapeestrepartiavecunmandatcolossal.Avecles150000$,nousavonsdéployé six chantiers structurants traitant de problématiques jugées prioritaires. Entreautres, avec une logique de réduction des inégalités sociales, nous avons développé etréalisé le renouvellement des politiques familiales dans les treizemunicipalités des deuxMRC,baliséparlesprincipes-guidesquenousavionsénoncés.Puis,nousavonsamorcéuntravail de démarchage auprès de partenaires externes qui pourraient être intéressés àinvestir dans la continuité de notre démarche et à appuyer ce projet d’émancipationcollective.Aussi,nousavonsentreprisunvaste chantier sur leplandu transport collectifafindecréerunréseauinclusifetplusefficientquecequenousavionsconnudanslarégionjusqu’àmaintenant,enenvisageantentreautreslamiseenplaced’unsystèmedeTaxibus.

Pour structurer « l’agir ensemble,», nous avons progressivement établi un système decollaboration. Le système de collaboration du DSI de Charlevoix permet de mettre enrelation les acteurs sociaux de Charlevoix, de façon structurée et durable, pour qu’ilspartagentdel’information,discutentdeproblèmesspécifiquesauterritoire,identifientdesprioritésetconviennentderésultatsàatteindreetdebalisesàrespecter.Noustenonsuneassembléedeuxfoisparannéeàlaquelleparticipel’ensembledespartenaires,incluantlesélus et plusieurs organisations communautaires et associations citoyennes qui

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jouentunrôlemajeurenassociantaudéveloppementlespersonnesetlesgroupessociauxdont les intérêts sont souvent moins considérés. Lors des assemblées, on présente lesavancéesparchantier,onapprofonditcertainsdossiersetondiscutedesprochainesétapes.

Élu à l’automne 2016, le comité-conseil est composé de représentant.e.s élu.e.s parl’assembléeselonunprinciped’équilibreentreorganismescommunautairesetinstitutions.Il réalise les mandats donnés par l’assemblée et agit comme porte-parole et conseillerauprèsdesélu.e.slocaux.Ilfacilitel’accèsàdifférentsleviersfinanciers,ilestgardiendelacohérenced’ensembleetveilleaudéveloppementstratégiquedeladémarche.Leschantiersdu DSI, pour leur part, sont composés d’acteurs qui détiennent des connaissances,compétencesouintérêtsliésauxtransformationssouhaitées.Chaquechantierpossèdesonproprecomitédécisionnelquitientinformélecomité-conseiletl’assembléedesavancéesetdesdéfisàrelever.

À l’hiver 2016, nous arrivions à la fin du cycle de financement, qui nous a permis dedémarrer le projet et d’organiser les premiers chantiers collectifs autour des prioritésterritoriales.DepuislafindufinancementdeladémarchevialaCRÉ,touteladémarchedepérennisationestportéeavecbeaucoupdedéterminationparlesdeuxpréfetsdesMRC.Enfait, les conseils des maires ont adressé une proposition de collaboration à différentspartenaires financiers externes en s’appuyant toujours sur les enjeux identifiés parl’ensembledesacteursdumilieu.Aussi,ilssesontengagésàassumer25%descoûtsdeceprojet sur une période de trois ans, ce qui correspond à leur capacité financière pourpoursuivreladémarche.Parailleurs,leCLDaétéintégréàlaMRCetestdevenuleServicededéveloppementlocaletentrepreneurial.Parconséquent,lesagentesdedéveloppementont l’opportunité de dialoguer très souvent avec les élus. Ce lien a eu un effetd’appropriation considérable. Ils comprennentmieux les enjeux du territoire sur le plansocial et prennent conscience de l’expertise des acteurs terrain dans cette démarche. Enjuillet 2016, n’ayant toujours pas réussi à consolider le financement permettant lapérennitédeladémarche,lesconseilsdesmairesdesdeuxMRCdeCharlevoixontmisleursressourcesencommunpourintensifierlarecherchedepartenairesfinanciersd’icilafindel’année2016.LapoursuitedeladémarcheDSICharlevoixdépendradoncdel’engagementd’autrespartenairesfinanciers,etce,avantlafindel’année2016.

Concluonsendégageantlesprincipauxélémentsclésdeladémarche.D’unepart,lesagentsde développement collectif (coordonnateurs des regroupements Québec en Forme etAvenir d’enfants, agents de développement liés aux MRC et à la commission scolaire,organisatrices et organisateurs communautaires du CIUSSS-secteur Charlevoix) se sontregroupéspour formerune instance, l’ADOC(Agentsdedéveloppementetorganisateurs-organisatrices communautaires), qui anime avec cohérence la démarche. Aussi, leleadershipdesélusestunecomposantetrès importantepuisqu’ilsdemeurentdesacteursdétenant un pouvoir décisionnel et ayant de plus en plus de responsabilités en

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développement social.Connecterdescompétencesà cette responsabilitédevientd’autantplus intéressant pour eux. Enfin, dans l’intérêt de notre région, il est nécessaire decontinuerdecoordonnernoseffortscollectifspouraugmenternotreimpactsurlebien-êtreet la santé de nos communautés. Nous souhaitons préserver nos acquis, continuer demettreàprofitl’expertisedéveloppéeetpoursuivrenosavancéescollectivement.

Périodedequestions

Q: En tant qu’actrice au cœur de ce changement, si tu avais trois conditions gagnantes ànommerspontanément,lesquellesseraient-ce?

E.D.: La collaboration, l’ouverture et l’assouplissement des cadres de référence sontnécessaires.Ilfautseledire,lemilieumunicipaletlemilieucommunautairen’ontpaslesmêmesréférentsenmatièrededéveloppementsocialet il fautcréerprogressivementdesvases communiquant. L’autre condition, c’est la disponibilité de sommes pour soutenirnotamment la cohérenced’ensemble. Et, un troisième élément, le leadershipdes élus estcentral. Lorsque nous nous sommes donné des espaces de réflexion avec des portraitsrécents,onaconstatéunesituationplusgravequ’onlepensait.Lesélusontacceptélesfaitsprésentés, ce qui a permis des tremplins vers l’action. Or, il faut dire que tous les élusn’avancentpasaumêmerythme.

Q:Danslesrésistances,onparled’hyperconcertation;ilyadesconcertationsquis’ajoutentetd’autressontparachutées.Enmêmetemps,ilyadel’hyperconcertationsouventparcequ’ilyadeschassesgardéesetonneveutpass’asseoirensemble.

E.D.: Oui. En fait, je vais donner l’exemple de Cap-Jeunesse, qui est la table d’actionpréventive jeunesse liée au CIUSSS, dans Charlevoix. Nous avons préparé une animationpour permettre auxmembres de la table d’évaluer la pertinence de se joindre ou non àl’exercice de planification stratégique jeunesse. Lorsque nous avons fait l’analysedécisionnelle (go-no-go) avec SoniaRacinedeCommunagir, ona évalué laplus-value, lespertesliéesàsejoindreounonàladémarchedeplanificationstratégique.Parmilespeursnommées, il y avait celle de perdre sa spécificité comme table. On disait apprécier lafonction de réseautage de Cap-Jeunesse. Au final, les membres ont décidé de joindre ladémarchedeplanificationstratégiqueciblant lebien-êtrecollectifdes jeunes,à conditiondepréserveretdemaintenir cette communautédepratique. Jepensequ’il y amoyendes’harmoniser sans tout fusionner. Il faut comprendrecequi se cachederrière les chassesgardées si on veut pouvoir avancer. Nous nous sommes donné un espace aussi pournommerlespeurs,lescraintesetlesrésistances,lesintégrerenfaitdansleprojetcollectifetlesconsidérer.

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Q: Jetrouveque,malgrétout,ilsepassedeschosestrèsimportantesdanscettemobilisationdansCharlevoix.Les élusont cruà ceprojet.Commentavez-vous réussi, dans le systèmedecommunication,àmobiliser?

E.D.:Enfait,ledéfiestencoretrèsprésent.Ontravaillebeaucoupparphase.Actuellement,nousensommesàlaconsolidationdesmécanismesdecommunicationetdecollaboration,sur le plan de la structure, de la gouvernance, mais également sur le plan descommunications. On tente de se doter d’outils de communication efficaces avec lescollectivités, surtout avec les non rejoints. Une partie des sommes des Alliances pour lasolidarité et l’inclusion sociale a d’ailleurs été utilisée pour développer un portail endéveloppementsocial: lehttp://charlevoixsocial.ca.Surceportail, ilyauraaussiunvoletintranetquiserautileàl’ensembledespartenairesduDSIdontlesmunicipalités.L’intranetfaciliteral’organisationdeladémarche.Chaquechantierpourranotammentydéposersesoutils(ex.PV,pland’action,etc.).

Sur le portail, il y aura aussi un volet bottin des ressources et des activités sur la paged’accueil. Au-delà du portail et de son intranet, la principale clé pour maintenir lamobilisation, c’est de garder les canaux de communications ouverts et de les entretenir.Fairedessautsrégulièrementauxconseilsdesmairespourparlerdesenjeux,desavancées,alimenterleursentimentdefiertéfaceàladémarche,lesimpliquerdanslesréflexions,leurdémontrerlesimpactsdesinvestissementsdansleurmunicipalitéetc.Cen’estpassimple,maisc’estnécessaire.Évidemment,pourmaintenirlamobilisation,lesassembléessontdesespacesclés.

Q: Je voulais savoir comment votre réorganisation se situe dans un plan plus macro, àproximitédeQuébec.

E.D.:AvectoutecetterestructurationliéeauxmesuresdugouvernementduQuébec,ilyaeupertede joueurs importantsdans ledéveloppementdenotre territoire.NotreCSSSdeCharlevoixaétéintégréauCIUSSSdelaCapitale-NationaleetnotrecommissionscolairedeCharlevoix lutte toujours (au printemps 2016) pour demeurer une commission scolairedistincte. L’enjeu c’est qu’elle soit intégrée à la commission scolaire des PremièresSeigneuries, ce qui aurait plusieurs impacts chez nous. De différente façon, on tente detrouverdesfaçonspourpréservernotreautonomieetlacapacitéd’agirdenotreterritoire.Aussi,lareconnaissancedeCharlevoixcommeterritoiredistinctetimportantdanslarégionde laCapitale-Nationalen’estpasacquise.Disonsqu’il resteencorebeaucoupde travailàfaire sur ce dossier avec la ville deQuébec.Heureusement, nospréfets y travaillent avecacharnement.

Q: Il y a environ deux ans, le CSSS était un partenaire contributif à la structuration d’unegouvernanceterritorialedudéveloppementcollectif.QuandilestdevenuCIUSSS,quelsontétéleschangements?

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E.D.: Les discussions et réflexions autour de la mise en place de cette structure degouvernance territoriale – on parle plutôt de système de collaboration – s’articulaientbeaucoupauconseildespartenairesquiétaitliéauCSSSdeCharlevoix.DanslecontextederestructurationetaveclafusiondenotreCSSSauCIUSSSdelaCapitale-Nationale,leconseildes partenaires du CSSS s’est doucement transformé. Je peux dire que cette instance estprésentement sous le leadership des MRC. Le conseil des partenaires s’est déplacéprogressivementversl’assembléeduDSIdeCharlevoix.Toutletravailréaliséetl’expertisedemeurentlesmêmesetc’estl’ADOCquicontinued’animerladémarche.Aussi,çademeureun projet porté conjointement par les MRC, le CIUSSS, la commission scolaire et lesorganisationsduterritoire.Depuislarestructuration,leleadershipn’estplusassuréparleCSSS, mais plutôt par les MRC. Selon moi, ce changement a favorisé une connexionbeaucoupplusdirecteaveclesconseilsdesmairesetlapolitiquemunicipale.

Q:Est-cequeleCSSSrecule,contribuedavantageougardelestatuquo?

E.D.: En fait, sur le plan de la pratique, les OC contribuent à animer la démarche dansl’ADOC.Sinon,jesaisquel’ancienneéquipededirectionduCSSScroitauprojetetsouhaitepréserverl’autonomieetlacapacitéd’agirduterritoire.Éventuellement,nousinviteronslesdirections du CIUSSS de la Capitale-Nationale à s’inscrire en appui à la démarche et àreconnaître qu’elle a continué d’évoluer malgré la disparition du CSSS de Charlevoix.Heureusement,lesviséesrestentlesmêmes.

Q:Avez-vousressentiunerésistanceoumêmeuneoppositiondecertainsacteurs?Manque-t-ildesacteursàvotredémarche?

E.D.: Actuellement, le secteur économique ne figure pas parmi les acteurs dans notredémarche,maisleslienssontentraindesedévelopper.Lespontssontàconstruire.IlyalaSADCquiestdeplusenplusimpliquéeetd’autresacteursdudéveloppementéconomiquecommelesCerclesd’empruntsdeCharlevoix.Jusqu’àmaintenant,àchaqueassemblée,ilyaenviron5nouveauxacteursprésents.

Q: Tu as parlé de levier financier. Dans le cas de la sécurité alimentaire, de quels acteurséconomiquesparles-tu?Quelleestlaplacedel’économiesociale?

E.D.: En sécurité alimentaire, notre chantier est financé par la Direction de la santépublique du CIUSSS de la Capitale-Nationale, via une entente triennale (2014-2017) quinousadonnéaccèsàunesommede69000$.Cetteenveloppenousapermis,entreautres,dedévelopperdespartenariatspérennesavec lesacteursagroalimentairesdeCharlevoix,qui soutiennent de plus en plus de réseaux d’aide alimentaire de Charlevoix. Noussouhaitonsdévelopperd’autrespartenariatsfinanciersaveclesecteurprivé,auniveaudeladémarche. Nous souhaiterions également que le secteur économique, via notamment laChambre de commerce, soit un acteur présent à l’assemblée des partenaires. Il y a des

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entreprisesd’économiesocialequisontpartiesprenantesduprojet–jepense,entreautres,au projet de Corporation de la Réserve mondiale de la Biosphère de Charlevoix qui estportéeparlaCoopdel’arbreetavecquiontentedefairedesrapprochements.Sinon,macollègueSylvieGermain,responsabledel’économiesociale,estpartieprenanteduprojetetparticipeponctuellementàl’ADOCetàl’assemblée.

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Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine–FrédéricVincentFrédéricVincentesttravailleurautonomeensoutiendesprocessusderéflexioncollectifs.IlœuvredansledomainedudéveloppementsocialetdesorganismesàbutnonlucratifdanslarégiondelaGaspésie–Îles-de-la-Madeleine.Ilasoutenul’ensembledessixMRC,répartiesdans cinq regroupements territoriauxdepartenaires, dans leurprocessusdeplanificationstratégiquearrimée.

Leterritoireaccueille90000habitantsrépartisainsi:13000dansl’agglomérationdesÎleset les autres sur une étendue de 1000km qui fait le tour la Gaspésie. La majorité descommunautéssont toutespetites.à l’exceptiondeGaspéquicompte15000habitants,deChandler avec ses 8000 et de Sainte-Anne-des-Monts qui en a un peu plus. Les autrescommunautéssont forméesdequelquesmilliersoumêmequelquescentainesd’habitantsseulement.Sionregardetouslesindicateurssocioéconomiquesdelarégion,lasituationestmalheureusement défavorable; elle se trouve dans le palmarès des régions les plusdévitaliséesavecuntauxélevédeproblèmessociauxassociés.

La Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine compte six MRC, mais est structurée en cinqregroupements locaux de partenaires pour adresser les enjeux du développement social.Depuis cinq ans, la plupart ont entamé des démarches d’arrimage en termes deplanification,demiseenœuvredesactions,d’évaluation,degouvernanceetderessourceshumaines. Quand les fonds liés à la Fondation Lucie et André Chagnon sont arrivés, lespartenairesontrapidementmanifestéunevolontédeserassemblerafindetravailleretderéfléchir ensemble. L’intégration a débuté avec la planification. Le projet-pilote avait étéréalisé dans laBaie-des-Chaleurs, afin d’intégrer les fondsAvenir d’enfants etQuébec enForme.Élaboreruneplanificationpourchaquefondsconcernéauraitnécessitédesolliciterlesmêmespartenairesdansplusieursexercicessimilairesetallaitàl’encontredudésirdespartenairesd’éviterdetravaillerensilos.Ceprocessusd’intégrationquiadébutépardesplanifications stratégiques arrimées s’est poursuivi par des dépôts arrimés, des plansd’action arrimés, des instances de gouvernance arrimées, etc. Aujourd’hui, troisregroupementssurcinqcouvrentuneclientèle0–100ansdemanièrearrimée,etce,pourtouteslespréoccupationsdudéveloppementsocial:petiteenfance,saineshabitudesdevie,réussiteéducative, insertionsocioprofessionnelle,approcheterritoriale intégrée, lutteà lapauvretéetàl’exclusionsociale,aînés,etc.

Lesdeuxautresregroupementsn’ontpaslemêmedegréd’arrimage,maistendentverscemodèle.Cettedémarcheposecertainsdéfis.Nousavonsréfléchilonguementpourtrouverle bon équilibre entre des discussions globales, en collectivité, et d’autres plus pointues.Quand on est nombreux à travailler ensemble, il faut arriver à être pertinents; tout lemonde n’est pas expert en tout. Ainsi, au début du processus, nous nous rassemblonscollectivementpouréchangersurlavision,lesconstatsetlesbesoinsainsiquepourdéfiniret prioriser les objectifs à travailler. Lorsqu’il est temps d’approfondir un objectif,

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d’élaborerunpland’actionetdetravailleràsamiseenœuvre,lesacteursconcernésparunobjectifcommunseregroupentenchantiersthématiques.Enfin,ilyatoujoursdesphasesderetourencollectivitépourpartagerlesréflexionsetlaprogressiondesplansd’action.Aufinal,l’ensembledespartenairesserencontreaumoinsuneàdeuxfoisparannéeparMRC.

Par exemple, la MRC de La Haute-Gaspésie développe actuellement son Plan decommunauté,uneplanificationstratégiqueintégrée0–100ans.Cettedémarches’étendsurenviron huit mois et réunit une centaine d’acteurs différents afin d’arriver à un plancommun.LescontributionsfinancièrespourlesactionsquiendécoulerontserontassuméesnotammentparQuébecenForme,Avenird’enfants,maislaMRCparticipeégalementavecson Fonds de développement des territoires. De son côté, Emploi-Québec souhaite sejoindre aux objectifs qui découlent davantage de l’insertion sociale tandis que le CISSSs’impliquedansceprojet,endédiantparexempledesressourcespouranimercesexercicesde réflexions.Prochainement, laMRCdéposera sonPlande communautépour lapériodeallantjusqu'à2022,puisqu’elledésiremettreenplacedeschangementsdurablessurlelongterme et qu'une mise à jour du portait statistique est prévue à ce moment. Même si,initialement,lesacteursdumilieusesontconcertéssuiteàl’arrivéedesfonds,cetexempledémontre à quel point l’intégration ne répond pas à une commande. Les échéances desdiversfondsarriventen2017,2018,2019toutauplus.

Avecleschangementsauniveaudespolitiquesprovinciales,noussommesinévitablementdans une phase de transition, non seulement en termes de réflexion, mais égalementd’investissements, de gouvernance, de participation d’acteurs, etc. Donc, en ce moment,chacunedesMRCestàl’étapedelamiseenœuvredupland’actionetàl’adaptationdelagouvernance.

À l’époque, quand les fonds avaient accepté de soutenir la planification intégrée, ilsn’avaientpeut-êtrepasenvisagéque l’intégrationserépercuteraitdans tout leprocessus.Eneffet,nousnepouvonspasêtreintégrésuniquementdanslaréflexionsansl’êtredanslefinancementoul’accompagnement.Audébut,nousavonsintégrélaplanification,maisnousdevons ensuite en faire le dépôt. Il fallait éviter de retomber dans les silos. Ainsi, nousn’effectuonspasdedépôtauprèsdechacundesfonds,maisplutôtunseulintégré, lePlande communauté qui comprend toutes les actions. Par la suite, les fonds doivent sedébrouiller pour décider les actions qu’ils vont soutenir. Un dépôt arrimé suggère uneanalysearriméedesfondsainsiqu’unaccompagnementarrimédesagents,notammentdesfonds,maisauniveaurégionalaussi.

Depuis trois ans, tous les agents des fonds et les intervenants qui coordonnent lesdémarchesdedéveloppementsocialauseindesregroupementssesontunispouroffriruncomitérégionaldeco-accompagnement.Cecomitéintégréserencontrehebdomadairementafind’échangersurlesoutienoffertsurleterritoire;ildiscutedesbonstrucsdel’unetde

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l’autre, des défis rencontrés, des stratégies d’amélioration de l’accompagnement.Aujourd’hui,lesagents,toujourspayésparleurfondsrespectif,sesontrépartileterritoiredemanièreà cequechaqueMRCbénéficied’unagentpivotattitréetpouréviterque lesagents interviennent avec tous les territoires. Il devient ainsi la voie de transmissiond’informations pertinentes pour son territoire et non seulement de son employeur. Ensomme, l’intégration s’est matérialisée au niveau du co-accompagnement et des agentsrégionaux.

Deplus,uncomitédecohésion,forméd’acteursnationauxetdesdirectionsdefonds,s’estmisenplacepoursuivreetsoutenirl’expérience-piloted’arrimage.Entreautres,lesenjeuxd’investissement et d’évaluation relèvent davantage des directions; l’intégration doit segénéraliser dans une co-évaluation et, pour se faire, il est nécessaire d’avoir accès auxdécideurs.Puisqu’ilexisteplusieursméthodesd’évaluationutiliséesparlesfonds,latâched’arrimagecomporteundéfisupplémentaire,maispourconserverunesuitelogiquedansleprocessus,ilfautentreprendreuneévaluationglobaleetcommune.

LeRéseausolidairepourlerayonnementdesterritoires(RESSORT)Lasectionci-dessousaétérédigéeparlaCRCOCàpartird'untextedeFrédéricVincentetdescommentairesdeGilbertScantlandetdeLucPotvinquenousremercions.

Auniveaurégional,uneorganisationestnéesousl'égidedelaCRÉaucoursdesdernièresannéesafindefédérerlaconcertationrégionaledansledomainedudéveloppementsocial,leRéseausolidairepourlerayonnementdesterritoires(RESSORT).Pourl’instant,ilssontfinancés par un résidu de financement de la CRÉ qui a fermé au 31mars 2016. Ils sontégalementfinancésunpeupard'autresfonds.LeRESSORTadûfairedesdémarchesquiontprisbeaucoupd’énergiepourtrouverunfiduciaire.

Danslecontexteactueld’arrimage,leRESSORTestunoutilrégionaldereprésentationetdecoordinationdudéveloppementsocial.Aujourd’hui,suiteàunepériodederéorganisationadministrative, c’est l’instance appelée à être le lieu de convergence du développementsocial.LeRESSORTpossèdeuncomitéstratégique,leconseildespartenairescomposédespersonnes responsables du développement social au sein des MRC, des représentantsd’organismescommunautaires,desreprésentantsduCISSS.

Un mouvement populaire a aussi émergé en réaction aux politiques d'austérité et enparticulierà l'abolitionde laCRÉ, lemouvementTouchepasàmarégion.Cemouvementcitoyenquiabénéficiédel'appuidelaCRÉ,s'estorganiséauniveaudechaqueMRC.Ils'estopposédefaçonactiveàl'abolitiondelagouvernancerégionaleetdesressourcesassociées.Ilamobilisélesorganismesdelasociétécivileafindeproposerunenouvellegouvernancerégionale.Ungrouped'organismesaétéforméincluantentreautresleConseildelaculture,la Fédération régionalede l'Uniondesproducteurs agricoles et des citoyens. Il s'est dotéd'un document fondateur posant les principes, vision, valeurs du mouvement. Puis, il a

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organiséenmars2015àMurdochvilleunegranderencontreaveclesacteursquiamenéàla création d'un comité intérimaire avec des représentants de différents secteurs et uncitoyen.Onyaformulélesouhaitdesedoterd'uneinstancedelasociétécivileautonomefaceaugouvernement.Lecomité faitaussidesdémarchesauprèsde laTabledespréfetspourparticiperàlagouvernanceterritoriale,auxdécisionssurlesorientationsdelarégion.Enjanvier2016,laTabledespréfetsaccepted’adjoindreunreprésentantdelasociétécivileàuneTableélargie.

LaTabledespréfetsoùsiègentlespréfetsetlesdirecteursgénérauxdesMRC,existaitdéjàenGaspésie.Elleaétéélargiepourinclurelesmairesdesplusgrandesvillesdelarégion,ainsi qu'un représentant de la société civile. Cette table élargie vise à gérer les dossiersrégionaux,enparticulierceuxquiétaientportéspar laCRÉ.Néanmoins,ellepossèdetrèspeudemoyens financierspourappuyercetteambition.La tabledespréfetsprévoitaussimettre en place des commissions sectorielles. En Gaspésie, il a été décidé que les MRCallaient se partager des champs de compétence, par exemple c'est la MRC de la Haute-Gaspésiequigèrel'enveloppeduRESSORT.

Durant la dernière année, le comité intérimaire amis son énergie principalement sur lacollaboration avec la Table des préfets élargie. Il a été convenu avec les préfets que lasociété civile pourrait y présenter les dossiers qu'elle porte. Le projet de se doter d'uneinstancepropreà la sociétécivileestencoresur la table,néanmoins, les ressourcespourappuyeruntelprojetsontlimitées.

LapertedelaCRÉquiavaitdonnéenGaspésie-Îles-de-la-Madeleineuneimpulsionpositiveavec, entre autres, le développement du secteur éolien et la rétention et l'attraction desjeunes, génère un climat de morosité. La capacité de développer des actions concertéesdemande aujourd'hui aux organismes (ainsi qu'aux ministères) de faire des démarchesauprèsdel'ensembledespartenairessurcetrèsgrandterritoire.

Actuellement, une démarche a été initiée par le ministre responsable de la région pouridentifierdesprioritésdedéveloppementpour larégion.Cettedémarches'inscritdans lecadrede l'annoncepar legouvernementd'un fondsde100millionsdedollarsparannéepourledéveloppementrégional,leFondsd’appuiaurayonnementdesrégions(FARR).Uncomitéde laTabledespréfetsélargieaétécréépourfaire lesuivideceprojet. Ilcompteactuellementunreprésentantde lasociétécivile,maiscertainesdémarchessontencourspouryadjoindred'autresreprésentants.

Périodedequestions

Q: J’aicrucomprendrequ’audébut, lesacteursoulesregroupementstravaillaientavecunelogiquedeprogramme,c’est-à-direenfonctiondesbailleursdefondsetque,petitàpetit,vous

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avezcommencéàvousapproprierlesdémarchesetàréfléchiràlongtermeenvousdonnantunpland’actionjusqu’en2022.D’aprèstoi,quelestl’élémentdéclencheurdecechangement?

F.V.: La concertation locale dans le domaine du développement social relevaitprincipalement des organisateurs communautaires au sein du secteur de la santé et desservices sociaux. Ils essayaient de créer des liens avec les différents acteurs du milieu.L’arrivée des fonds a permis de rassembler les acteurs pour développer des projets. Lesfonds ont donc facilité la communication dans le milieu et rendu possible l’adoptiond’habitudesdetravailetlamiseenplaced’unestructure.

C’estaussiavecl’arrivéedesfondsquenoussommespassésd’unethématiqueàplusieurs.Lepremier,QuébecenForme,voulaitque l’onparledessaineshabitudesdevie.Puis,undeuxième,petiteenfance,afaitsonentrée.Àuncertainmoment,nousavonsobservéqueles acteurs souhaitaient s’impliquer sur plus d’un dossier. Par la suite, le fondspersévérancescolaires’estajouté.

D’abord, je croisque lespartenairesnevoulaientpasêtre sursollicités.Personnenepeutparticiperàtouteslesréunions.Ilétaitplusefficaceden’enfairequ’uneseuleetd’abordertouslesdossiersetainsiéviterlessilos.

Q: Je trouve intéressant que ce soit un peu grâce aux fonds que nous ayons commencé àtravaillercollectivementetqu’onveuilledévelopperunedémarcheintégréeplusancréedanslemilieu.C’estparadoxal,maistrèsintéressant.

Q:Tuasparlédel’ouverturedesacteursexternes,notammentdessociétésdegestiondeQEFoud’Avenird’enfants.DansCharlevoix, nousavonsplongédansun exercicedeplanificationstratégiqueavecquatreconcertationsjeunesseet,concrètement,nousn’avonspasvécucetteouverturedanslesbalisesdesfonds.Nouslesentonsdedifférentesfaçons,maisdanslafaçonderecevoirlesprioritésquiontétéidentifiéesparlacollectivité,ilfautencores’ajuster.Cettesituationcréeuneffetdedémobilisation.Commentcréercetteouverturedesacteursexternes?

F.V.:Lesfondsontleurmission;ilsnepeuventpasensortir,maisilyatoutdemêmeunespaceàprendreouàcréer.Lesacteursexternesontchacunleurplateformedanslaquellenousdevonsdéposerdesdemandes.Dansnotrecas,c’étaitledépôtd’unplan.Nousavonsdoncconçuledocumentquenousdéposonsàuncollectifdefondsquiserassemblentpouren faire l’analyse. Par la suite, ce collectif nous indique comment remplir nos demandespourqu’ellessoientconformes.Aussi,lesagentsrégionauxpeuventapporterdusupportàceniveaupuisqu’ilssontenmesuredeparlerauxpersonnes-clés.C’estévidentqued’avoiruncontactaveclesdirectionsdesfondsnousaétéfacilitant.

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Q: Où se situent les élus dans les plans de communauté en développement social? Sont-ilsprésentsduranttoutleprocessusouensont-ilsinformés?CesontdesplansdeMRC,sij’aibiencompris.

F.V.:Exactement,c’estunplandecommunautéendéveloppementsocialparMRC; ilyadeux niveaux, MRC et régional. Dans le niveau MRC, on a cette volonté de ne pas sedéconnecter des élus. Il faut qu’ils aient à cœur ce projet, surtout que chez nous, lesregroupementssontdanslesMRCetcesontsouventelleslesfiduciaires.Donc,ontravailleencesens,enallantprésenter leprojetauconseildesmairesparexemple.Plusieursélusainsi que le préfet assistent aux séances pour la planification stratégique. C’est un effortconstant. Le fait que laMRC soit fiduciaire est intéressantpuisqu’à chaque fois quenousvoulons engager une ressource, donner un contrat ou autre chose, les maires doiventl'approuver.Donc, forcément, le conseildesmaires est au courant.Auniveau régional, leRESSORTfaitdeseffortspourêtreenlienaveclesélus.LesélusetleRESSORTontétéprisdansdesmécanismesadministratifsdusàlarestructuration,doncilyaencoredeschosesàaméliorer,maisnoussommessurlabonnevoie.

Q: Il y a plusieurs acteurs en développement social dans votre région: les organisateurscommunautaires(OC)etlesagentsdedéveloppement,maisaussilesélus,leCISSSetd’autres.Comment décrirais-tu le leadership? Est-ce qu’il est vraiment partagé? Quel est le rôle desagentsdedéveloppement?Au-delàdelavolontédesacteurs,quiporteréellementleprojet?

F.V.: Officiellement, ce sont les MRC, qui sont fiduciaires. II y a une équipe endéveloppementsocialauseindelaMRCregroupantlescoordonnateursdudéveloppementsocialquisontlesleadersdelamobilisation.Après,enfonctiondesindividus,tupeuxavoirdesleadersnaturels,unorganisateurcommunautaire,parexemple.Parailleurs, ilyaunegouvernance,ilyadesemployésauseindelaMRCchargésdudéveloppementsocial.Ilyadoncuncomitéstratégique–quiestunpeuleconseild’administration–quiveilleàcequetout fonctionne. Ce comitépeut être formépardesOC, des représentantsde la tabledesorganismescommunautaires,delacommissionscolaire,desreprésentantsduCISSS,etc.

Ensuite,lesassembléesdespartenairespermettentdetisserdesliensentrelesacteurs.Lespartenaires sont convoqués notamment en période de planification stratégique; ils sontsollicitéspourvenir contribuer à la réflexion, entre autres sur les actions.À l’étapede laréalisationdesactions,descomitésseréunissentparobjectifspourtravailleràmettreenœuvre les actions et il y a toujours une grande assemblée aumoins une à deux fois parannéepourpartagerlesavancéesdechacun.

Q:Était-celamêmechoseavantl’abolitiondelaCRÉ?

F.V.: Localement, oui. C’est dur à dire puisque le modèle évolue constamment. Il estévidentquelaCRÉavaitunehabitudedeprendreleleadershiprégional,maisleRESSORT

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lereprenddeplusenplus.Etlesorganisateurscommunautairesjouentégalementunrôlefondamental. Auparavant, ils étaient parmi les seuls à mener la concertation locale dudéveloppement social.Aujourd’hui, ils sont très investisdans ladémarche,mais il y aunréajustement à faire, car ilsne sontplus seuls etdonc ledéveloppement socialne se faitpluscommeavant.Leurrôleestunpeuenredéfinition,maisilsontjouéetilsjouentencoreun rôle fondamental. Avec la disparition prochaine des fonds, ils seront certainementappelésàjouerunnouveaurôlequiresteàdéfinir.

Q:Qu’enest-ildelaparticipationcitoyenne?

F.V.: La participation citoyenne est dans les grandes assemblées. Dans la planificationstratégique,lescitoyenssontsollicités.C’estsûrquecen’estpastoujoursdansdeshorairesadaptés aux citoyens. Dans laMRC du Rocher-Percé, ils ont fait beaucoup d’efforts danscertaines thématiques, par exemple Sport Loisir, pour faire des rencontres le soir pourpermettreauxcitoyensd’assisterauxrencontres.

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Lanaudière–ArmandLaJeunesseArmand La Jeunesse est retraité. Il a travaillé à la Coopérative de développementrégional de Lanaudière durant 25 ans. Il a aussi, au cours de sa carrière, représentépendantdixansl’actioncommunautaireauConseilrégionaldedéveloppement.

LarégiondeLanaudièreestcomposéedesixMRC,dontdeuxplusurbaines,lesMoulinsetl’Assomption,colléessurMontréaletLaval,desortequ’ellesfontpartiedelagranderégionmétropolitainequidébordeaussidanslesMRCdeD'AutrayetMontcalm.LesquatreautresauNord sont plus rurales, à l’exception de Joliette qui se prétend centrale. Le sentimentd’appartenanceàlarégionestbeaucoupplusfortdanscellesduNord.PourcellesduSud,cetteappartenanceestdavantageréfléchiequ'unsentimentducœur.

Au niveau du monde municipal, les MRC ont longtemps eu pour tradition de s’occuperchacune de leur territoire sans embêter les autres. Dans l’application de programmes,d’enveloppes ou de budgets, les MRC se partageaient le tout au prorata et, souvent, ondivisait de la mêmemanière entre les municipalités. Ce type de gestion témoigne d’unevision globale et d’une dimension régionale assez limitées. Évidemment, cette méthodeentraînedesinégalitésparrapportauxMRCdéfavoriséesquiregroupentdesmunicipalitéspresque complètement dévitalisées et d’autres plus actives. D’ailleurs, une desparticularités de la région est que l’économie y est très diversifiée. Il y a à la fois desservices, notamment l’éducation et la santé, mais également de l’agriculture et del’industriel.Iln’yadoncpasdesecteurprioritaire.LesMRCplusaunordontdéveloppéuneéconomiedavantage centrée sur l’exploitationde ressourcesnaturelles. Le sudestmieuxnanti tandis qu’on retrouvedavantagedepauvreté aunord.Néanmoins, lesMRCavaientconservécertainsgrandsenjeuxrégionaux.Aveclesfondsdedéveloppementdesrégions,ilexistait chez nous une convention entre les acteurs dumilieu pour un partage équitableentrelesdiversterritoires.

Lorsque nous avons appris la nouvelle du grand tsunami, la première réaction, tant dumondemunicipalquedesgroupesde la société civile, aété la surprise,puis l’inquiétude.Les élus municipaux avaient reçu une promesse de renouvellement du pacte fiscal enéchange de quoi toutes les organisations de concertation disparaîtraient.Dorénavant, lesresponsabilités de gestion et de développement seraient entre les mains des élus. Enparallèle, puisque le moteur du développement régional était la CRÉ, l’ensemble desgroupesquiavaientdesententesspécifiquesdanslesorganisationsétaitinquietpourleuravenir. Du côté de la société civile, chacun faisait sa démarche distincte. Suivant unedirectiveduministreMoreau,laCRÉavaitannoncésaliquidationavantmêmequelaloinesoitvotée:ilfallaitsedépêcheràenvoyerlesavisdemiseàpiedpouréviterdegarderdupersonnel sur la liste de paie et ainsi réduire les frais. Alors, la CRÉ a convoqué tous lesbénéficiaires d’ententes spécifiques, notamment en culture, en environnement, en

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développement social et bioalimentaire, pour annoncer que le calendrier desinvestissements,lesmodesdeversementainsiquelesmontantsaccordésseraientchangés.

Devant ce choc, toutes les ressources humaines au service du développement local etrégionalsesontconsultéesafinderéfléchiràlamarcheàsuivrepourconserverl’expertiseacquise. Reconnaissantmon engagement à la Coopérative de développement régional, ilsm’ontapprochépourtenterdecréerunecoopérativedetravail.Leprojetn’atoutefoispasfonctionnépourtoutessortesderaisons.

Devant ce constat,moi etmonamiAlainCoutu, retraité et anciennementprésidentde laTable des partenaires du développement social avons décidé d’aller à la recherched’informations supplémentaires pourmieux comprendre la situation. Des individus nousont fourni de l’information, selon leur secteur respectif, sur lamanière dont les grandespolitiquess’actualisaient.Ilstémoignaientdelasituationvécuedanschacundeleurréseauà travers le Québec. Entre autres, les acteurs liés à la CRÉ avaient des contacts dans lesministères et dans d’autres régions. Ainsi, nous pouvions suivre l’évolution de chaquesecteuretlesréactionsdesmilieux.D’ailleurs,nousavonsremarquéqueplusieursrégionssemobilisaientsurlabasedelaCRÉ,maismêmelorsquetouteslesCRÉsesontrencontréeslamobilisationn’apasatteintunniveaunational,unrapportdeforcepourtémoignernotremécontentementaugouvernement.

Pendant que nous procédions à la cueillette d’informations, les préfets des MRCcommençaient eux aussi à être questionnés par les maires de leur territoire pourcomprendrel’arrimagedelanouvellegestiondansleurmunicipalitérespective.Donc,avectout ce chambardement, les préfets étaient également inquiets du pouvoir, desresponsabilitésainsiquedesressourcesqu’ilsauraientàgérer.Néanmoins,leprésidentdelaCRÉquiétaitégalementpréfetde laMRCde laMatawinie, l'unedesplusdéfavorisées,était déjà sensibilisé aux besoins de concertation et avait invité tous les acteurs dudéveloppement, incluant le monde municipal, à manifester leur désaccord face à ladéstructuration.Unedesrésolutionsamenéesauministèreétait lanécessitédemaintenirunetabledeconcertationrégionaleentrelespartenairessocioéconomiquesetmunicipauxdelarégion,àconditiond’avoirunfinancementpourlasoutenir.

Entre temps, lesgroupessocioéconomiquesréagissaient individuellement,entreprenaientdes démarches auprès de leur préfet respectif ou de leurministère d'attache. D’ailleurs,certains regroupements du secteur économique, notamment Tourisme Lanaudière, leConseil de développement bioalimentaire ou Lanaudière Économique, avaient demandéunerencontreaveclespréfetspournégocierleursententesspécifiques,etce,sansenparlerauxautres.Lesgroupescommunautaireseffectuaientleurpropredémarche.Enfait,chacunessayaitdesurvivre,pensantqu’ils’ensortiraitmieuxseulqu’aveclesautres.

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LaCRÉayantprislarésolutiondedissoudrel’organisation,lesavisdemiseàpiedavaientétéenvoyés,maislesententesrestantescontinuaientd’êtregéréesparunpersonnelréduit.Àladernièreréuniondedissolution,laConfédérationdessyndicatsnationaux,présenteàlatablede laCRÉpar son siègeauCégep régional et représentantedu secteuréducation, aquestionné les acteurs du monde municipal à propos de leurs intentions quant auxprochaines démarches avec les groupes socioéconomiques. Lemunicipal a répondu qu’ildevaitd’abordsefairesapropreidéedesenjeuxàveniretainvitélesautresacteursàfairelamêmechose.

La Table des partenaires du développement social, le Conseil de développementbioalimentaire et la Table régionale de l’économie sociale ont convoqué l’ensemble desacteurs de la région à une grande assemblée publique pour partager l’analyse destransformationsetprendrelepoulsdesréactionsfaceàl’absencedeconcertationàvenir.Tenue au mois de mars 2015, la première rencontre regroupait une soixantaine depersonnes,issuesd’unequarantained’organisations,rassembléesafindepartagerleseffetsde la déstructuration: perte de références et de ressources, absence de concertation,annoncesdecoupures,etc.Unconstatressortunanimement:lasituationestintenableetilfautagir.Toussontd’accordpourserevoirets’entendresurlavoieàprendre.Uncomitédetreizepersonnes,dontneufmembresvenaientdesecteursquisiégeaientdéjààlaCRÉ,estmissurpiedaveccommemandatdemobiliserl’ensembleduterritoireetdefaireunétatdelasituation.Nousavonstenudesrencontrespendantlesquellesnousavonsrecueilli,aveclesancienssalariésdesorganisations,desinformationsàlafoisconcernantlesorientationsdugouvernement,maiségalementsur lessecteurseux-mêmes, informationsquinousontpermis d’organiser une deuxième assemblée en juin 2015. À cemoment, nous avions laconfirmationqu’iln’yavaitplusd’interlocuteurrégional,sinonlaTabledespréfets.

Le comité a demandé aux préfets une table de concertation formelle entre les groupessocioéconomiques et la table des préfets. Évidemment, cet exercice s’est effectué enmarchantsurdesœufspournepaseffrayerlemondemunicipalquivoyaitarriveràlafoistoute une série de nouvelles demandes auxquelles les préfets n’étaient pas habiletés àrépondreet,enmêmetemps,uninterlocuteurquisemobilisait.

Parlasuite,nousavonsmissurpiedladeuxièmeassemblée,afindefairelebilandenotredémarcheauprèsdespréfets.Lorsdecetévènement,unevingtained’organisationsétaientreprésentées par une quarantaine de personnes. Nous étions dans une vague dedémobilisation,dedécouragement.Plusieursn’avaientplusderessourcespourseconcerteretplusdetempsàyaccorder.Tousétaientenmodesurvie.

Néanmoins, nous voulions transmettre la décision de la Table des préfets en réponse ànotrepropositiondebâtirunpartenariatpourréagiràl’ensembledesnouvellespolitiquespourrepenserledéveloppementduterritoire.Lespréfetsavaientacceptéquenousayons

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un comité technique conjoint, composé des directeurs généraux des MRC et de troisreprésentants de notre organisation, pour réfléchir à une nouvelle structure. La seuleconditiondespréfetsétaitd’avoirundroitde regard surnos troismembres.Nousavonsdélégué des personnes qui siégeaient déjà avec eux et doncmoinsmenaçantes, mais ilsétaientaussidevraisreprésentantsd’organisations.

Après cette rencontre, le comité s’est élargi à quinzemembres – la Table des aînés s’estajoutée ainsi que la communauté autochtone Atikamekw. Dans la région de Lanaudière,nous avons tissé des liens très formels avec les Atikamekws. Auparavant, ils étaienttoujoursprésentsàlaCRÉetauCRDpourlesenjeuxliésaudéveloppementrégional.Dansla réforme proposée, les communautés autochtones ne sont nulle part. Leurs territoiresrelèvent du fédéral et non du provincial. Malgré tout, la communauté avait fait desdémarches pour être présente à la Table des préfets. Leur demande a été rejetée. Notrecomitéétaituneopportunitépourlacommunautédesiégeretdeparticiperauxdécisionsqui la concernent.Leurprésencecréeunedynamiquedifférentepuisqu’ilsontunevisionterritoriale alors que les autres membres du regroupement travaillent en termes desecteurs.Danslesfaits,ilsnesontpasrattachésàunterritoirespécifiquesinonàlarégionelle-même.Cetteparticularitéseraundesdéfisàreleverpours’assurerqu’ilyaitunpontentre les territoires de MRC, gérés par les préfets, et la grande région de Lanaudière,incluant ses secteursd’activité.En repartantde l’assembléede juin, legroupedesquinzeavait reçu le mandat clair de tenir un grand forum régional sur les enjeux dudéveloppementetlesstructuresenvisageables.

Nousavonsorganisécetterencontreenjanvier2016,àlaquelleontassisté200personnesreprésentantunesoixantained’organisations.Enplus,onzemairesdemunicipalités,lessixpréfets et les attachés politiques étaient présents. Bref, tous ceux qui travaillent à lamobilisation,tantauniveaulocal,sous-régionaletrégional,sesontréunisetontmandatélegroupe des quinze pour organiser une assemblée de fondation d’une table formelle deconcertationrégionaledelasociétécivile.Cetteorganisation,visantàreprésentertouslesacteurssocioéconomiquesdelarégiondeLanaudière,deviendraunéventuelpartenairedelaTabledespréfets.

Entretemps,lespréfetsavaientacceptédemodifierleurstructure.D’abord,leurassembléeseraitdorénavantlaTabledespréfetsetdespréfetsadjoints.Ensuite,ilsontfaitappelàuncoordonnateur pour gérer les dossiers régionaux. Également, ils ont voté un budgetrégional de 325000$, c’est-à-dire 100000$ accordés pour la coordination et 225000$attribuésausoutiendesprojetsrégionaux.Enfin,commejel’aimentionné,ilsontapprouvélaprésenced’uncomitétechniquepourlesconseilleràtraverslesétapesduprocessus.

Aujourd’hui,nousavons lemandatde formalisercetteconcertationrégionale.Lespréfetstémoignentd’unevolontédecréerunetablepartenarialeaveclasociétécivile,s’engagent

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dans le financement de dossiers régionaux, acceptent de travailler conjointement avec lecomité consultatif que nous souhaiterions bonifier. Pour lemoment, le comité a proposéune grille d’analyse des projets pour effectuer une démarche de priorisation. Avec lesdemandesdefinancementquisemultiplient,cetoutildevientpertinent,d’autantplusqu’iln’yapasdebudgetdévoludanslesMRCpourledéveloppementrégional.LepactefiscalaproposéunFondsdedéveloppementdesterritoires(FDT)de100millions,maisce fondsestdestinéauxMRC.LorsquelesMRCconnaîtrontlesmodalitésdecefondsnouspourronséventuellementaborderlesquestionsdudéveloppementrégional.

Périodedequestions

Q: Quelles sont lesprincipalesétapesdevotrepland’actionpour lesdeux, troisprochainesannées?

A.L.: La commande de l’assemblée du mois de janvier était d’instaurer une structureformelle de représentation et de concertation régionale. Donc, le comité devra faire unpremier arbitrage – règlements, membres, type de représentation, etc. – dans uneperspective de développement durable. Par la suite, l’objectif serait d’avoir une table departenaires avec les préfets beaucoupplus grandeque le petit comité techniquede troisreprésentants.

Q:Commentpourrait-onqualifierlarelationaveclaTabledespréfets?

A.L.: Les points de vue varient. Elle est actuellement cordiale parce que les gens seconnaissentbien.Onaprissoin–etc’estvolontairede lapartdugroupe–d’envoyer lesbonnes personnes qui n’étaient pas menaçantes. Aussi, on n'arrivait pas avec desrevendications.Onneveutpasallerenconfrontationaveclemondemunicipal,aucontraire,maisonneconnaîtpasleuruniverseteuxnesaventpascommenttravailleravecnous.

Q:Lorsdevotresommet,j’aiététrèsimpressionnéparleniveaudemobilisationainsiqueladiversité des acteurs. Qu’est-ce qui a déclenché cette mobilisation? Puis, qu’est-ce qui lamaintientenvie?Finalement,pourl’avenir,quelleestlaviabilitéd’unesigrossemobilisationavecautantd’acteurs?

A.L.: Le déclencheur, c’est que tous ces acteurs avaient des habitudes de concertation.Pendant dix ans, je les côtoyais régulièrement à la CRÉ et en développement régionalcoopératif.Toutlemondeaeulamêmeréactiondevantl’absencedeconcertation.Toutcequ’onleurafourni,jepense,c’estunprétexte.

Un élément intéressant, c’est que la base sur laquelle nous avions convoqué les gens lapremière fois était effectivement la concertation régionale et le développement de notreterritoire,maisdansuneperspectivededéveloppementdurable.Àlapremièreassembléepublique,lesgensontadhéréàcetteidée.

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Lafaisabilitépourl’avenirresteundéfi.L’objectifestd’avoirunlieudeconcertation.Ledéfisera d’harmoniser tout ça. La mise en œuvre des actions jumelée au peu de ressourcesdisponiblesvacréer,àmonavis,unjoyeuxbrassage.Aussi,parterritoiredeMRC,ilyavaitbeaucoup d’organisations locales, quelques supralocales et d’autres régionales. Il y a unpontà faireentre les locales–parcequ’ellessontrattachéesà leurpréfetdeMRC–et larégion.L’envieactuelledesgrandssecteursrégionauxestdeseconcerterseulemententreeux et ne pas intégrer tout de suite les organisations locales. Cette situation comportebeaucoupd’enjeux.Onnesaitpascommentelleseragéréepourl’instant.

Puis, plus il y ad’acteurs autourde la table, plus la concertationdevient complexe.Noussommes habitués de travailler sur les grands déterminants de la santé et dans uneperspectived’ensemble,maischacundessecteursn’estpascommeça.

Q: L’État renforce beaucoup le contrôle sectoriel à Québec. Quel espace reste-t-il pour larégion?

A.L.: Un espace de résistance d’abord. Jamais Québec n’a été capable de satisfaire lesbesoins et les réalités des régions. La recherche des moindres fonds disponibles peutfonctionnerpouruntemps,maispourtouslesbesoinsquineserontpascouverts,quelquechosesedessinera.Nous,onpourrafournirleprétexteoulelieupourdonnerladimensionlapluslargepossibleauxdiversesinitiatives.

Q: La Table des partenaires en développement social a joué un rôle majeur dans ledéveloppementdeshabitudesdeconcertation.Qu’enest-ild’elle?

A.L.:LaTabledespartenairesestenredéfinitionparcequ’undesmotsd’ordredelarégionestdefaireautrement,deneplusrépéterlemêmemodèle.Alors,ilsensontàredéfiniràlafoisleurcomposition,leursorientations,leursrôles.

Q: Une des forces de la Table était son lien avec des fonctionnaires régionaux, desreprésentants de différentsministères et organismes qui siégeaient collectivement. La tablepouvait les interpeler par rapport aux différents programmes. Est-ce que ce lien existetoujours?

A.L.: Effectivement, une des grandes réussites de la Table des partenaires dudéveloppement social est d’avoir assis ensemble lesministères et différents partenaires.Mais quand le grand tsunami est arrivé l’an dernier, le mot d’ordre de chacun desministères étaitde ne plus se prononcer ou participer. Les informations qu’on pouvaitobtenir,venaientduréseaudesagentsdedéveloppement.Àuntelpointqu’Emploi-Québec,qui était un des partenaires, s’est retiré officiellement de la table d’où en partie tout lequestionnementdelatableactuellement.

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La conférence administrative régionale, où tous les ministères sont présents, se réunitencore,maisilestdifficiledecommuniqueraveceux.Ilsnerépondentàaucuneinvitation,ilsneparticipentpas…

Q: Quel rôle a joué la participation du citoyen, comme Alain et toi? Est-ce qu’il y a unleadershipcitoyenquiacimentévotredémarche?

A.L.: Non. Très honnêtement, il n’y en a pas. On s’adresse à des groupes structurés etorganisés. Si on faisait l’analysede l’état des troupesdans chacunedes organisations, onconstateraitprobablementune faiblemobilisationà l’intérieurmêmedesorganisations,àl'exception des groupes communautaires. Pendant longtemps, on s’est satisfaitsd’assembléesgénéralesannuelles, laissant lagestionauconseild’administrationetauDG.Untellaisser-allerexplique,enpartie,l’étatdelamobilisationdelaparticipationcitoyenneet lemanquederelèvedanslesorganisationsqu’onconnaîtactuellement.Donc, il fautunleader qui propose pour susciter des réponses chez les citoyens. Mais, pour que cettestratégiefonctionne,ilfautqueleleaderaitunecrédibilitéetunereconnaissancedumilieusansquoilescitoyensnerépondrontpasàl’appel.

Q: En même temps, la conjoncture est pénible, mais elle va obliger le mouvementcommunautaire, en particulier, à se redéfinir. À partir du moment où la politique dereconnaissancedel’actioncommunautaireaétémiseenplace,ilyaeuunepériodeoùons’estun peu installé. Cette installation a fait en sorte qu’on a également assimilé le discours degestiondominant,discoursquiacontaminélemilieucommunautaire.Lavitalitédecedernierrepose sur la mobilisation. Pour être mobilisés, les citoyens doivent voir les enjeux. Il estdifficiledelesmobilisersurlatenued’uneassembléegénérale.Ilfautquetulesmobilisessurdesquestionsqui les intéressentetqui les touchent.Actuellement, il yauneoccasionqui seprésentepourlesorganisations.

A.L.:C’estvraipourtouslessecteurs.Onaàinventerunenouvellefaçondelesmobiliseretdelesinformer.Elleseraàrecommencer.Malheureusement,onnevapaslefaireunefoispour toutes. Par contre, tous les secteurs seront obligés de partager une vision politiqueplus largequesonpropresecteuretsespropres intérêts.Parexemple,si tuveuxêtreunpartenaireouundéveloppeurdelacultureausenslarge,ilvafalloirquetuparlesàlafoisaumondemunicipal,aumondecommunautaireetauxgensd’affaires.

Q:Est-cequ’ilyadéjàeuunprécédentàcequ’onestentraindevivreactuellement?Est-cequetuasétéconfrontéàuncontextesemblabledanstonparcours?

A.L.:Rappelons-nousdelagrandedémobilisationdesannées1980–l’après-référendum.L’action communautaire s’est repliée dans son territoire et même dans des secteursnouveaux.Lesecteurdel’environnement,parexemple,estnéàcetteépoque.Lesgensontvouluentreprendreunprojetàleurhauteurplutôtqu’ungrandprojetglobal.Ilyaeuune

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dizaine d’années de vide, qui ont été longues à combler.De voir se rebâtir des tables deconcertation régionales et nationales a pris énormément de temps.Mais on y est arrivé,passantdeCRDàlaCRÉ,reconnaissantformellementl'économiesocialenotamment.

Q:UnanciendirecteurdeCRDLaurentidesm’aparléduSommetdesrégionsen2002.Ildisaitqu’àcetteépoque,lesMRContrevendiquél’augmentationdeleurpouvoirparuneréductiondeceluidesrégions.Aujourd’hui,ilditqu’ilsontfiniparl’avoir.Cheznous,entoutcas,ilsnesontpasintéressésàrecréeruneinstancerégionale.

A.L.: Iln’yapasunélumunicipalquivaspontanémentpartagersonpouvoir.Çan’existepas.Cequ’ilssontprêtsàpartager,cesontlessolutionsauxproblèmesqu’ilsrencontrent,maispaslepouvoir.Etcequelemondemunicipaldel’époquerevendiquaitestsemblableàladynamiquedugouvernement.LeministèredesAffairesmunicipalesatoujourspenséquec’était lui lemaitred’œuvre. Il faut admettreque, du côtéde la société civile, on est trèsignorants des responsabilités et des complexités du monde municipal. Quand on lesfréquented’unpeuplusprèsetque l’onconstate larèglementationet lesresponsabilités,on remarque à quel point ces personnes sont peu ou pas préparées à une conceptionglobale.Ilsontunetâchedegestionbiendéfinieetexigeante.

Q:Donc,sionconcilielesdeux,lasociétécivileetlesélus,onpeutfaireavancerleschoses.

A.L.: Convaincu. Anciennement, on avait des comités d’action politique dans le mondemunicipal oùnotre société civileparticipait aux électionsmunicipales et soutenaitmêmedescandidats,maisonaarrêté.Jepensequ’ilyalàunespaceàtravailler.Dansl’histoiredeLanaudière, certains maires ont été porteurs du développement régional pendant dix,quinze, vingt ans au détriment de leur propre territoire de MRC. Notre préfet de laMatawinie,ancienprésidentdelaCRÉ,estquelqu’unavecquionatravaillédansplusieursdossiers. Quand les nouvelles arrivent, on sait à qui parler et on le fait. Cet espace estpossible.

Q:Qu’est-cequirestedespactesrurauxoud’autressuccèsrencontrésgrâceàlaconcertationlocaleetrégionale?

A.L.:Decequej’ensais,iln’enresterien,saufpourJolietteoùilyauncasintéressant:laMRC a décidé qu'elle maintenait son CLD distinct sans contrôle municipal au conseild’administration– seulement lespartenaires.Dans le casde Joliette, entreautres,undesmaires qui était l’ancien président de la CRÉ, avait comme conception de donner desorientations,despriorités,etdeconfierlemandatauxpartenaires.Àl’inverse,d’autresCLDrelèvent maintenant du directeur général de la MRC. On avait des agents culturels, desagentsenéconomiesociale,maisondoitrecommenceràzéro.

Q:Quelsacteursmanquentàvotredémarcheetpourquoi?Lesquelsseraientessentiels?

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A.L.: Santéet servicessociaux.Avec leCSSSet la santépublique,entreautres, jenesaispluscombiend’interventionsnousavons faitessur lesdéterminantsde lasanté.C’étaientdes partenaires d’à peu près tous les secteurs. C’était lamême chose en éducation. On atoujourseuunetableéducationdanslarégion.Maisactuellement,lesacteursmanquantscesont lasantéet lesservicessociauxainsique l’éducationet, commepartoutauQuébec jepense,lesecteuréconomiquequiresteratoujoursundéfidemobilisation.

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Vallée-du-Haut-Saint-Laurent–NathalieChiassonetVanessaKangaNathalie Chiasson occupait le poste de coordonnatrice en développement social à laConférence régionale des élus de laVallée-du-Haut-Saint-Laurent. Elle supervisait uneéquipe de huit conseillers qui travaillaient différents dossiers tels que aînés, égalité,économie sociale, lutte à la pauvreté, réussite éducative et sociale, etc. Elle était aussiresponsabled'uneCommissionrégionaleendéveloppementsocialcomposéed’élus,maiségalementdetouslesacteursconcernés.

VanessaKanga était conseillère au dossier réussite éducative et sociale à la CRÉ. Elleétait également responsable de l’Instance régionale de concertation (IRC) enpersévérance scolaire de la Vallée-du-Haut-Saint-Laurent et de la Commissionformation, recherche et sciences assurant la mobilisation des acteurs en réussiteéducative.

LaVallée-du-Haut-Saint-Laurent,quiregroupecinqMRC,estenfaitundestroisterritoiresde la Montérégie, avec Longueuil et la Montérégie-Est. Dans la Vallée-du-Haut-Saint-Laurent, nous avions une gouvernance en développement social. La CRÉ s’occupait denégocierdesententesetd’amasserdessommes,maiségalementdefaireensorteque lessommesd'argentdescendentverslesMRC.LaCRÉfonctionnaitselonl’approcheterritorialeintégrée. En ce sens, nous étions trop loindesbesoins locauxdesmilieuxpour identifieradéquatement les priorités et les promoteurs. Par conséquent, on décentralisait l’argentquenousétionsalléschercherpourl’injecterauniveaudesterritoiresdesMRC.ToutétaitdiviséentrelescinqMRC.LaCRÉgéraithuitcommissions.Lalutteàlapauvretéavaituneenveloppede2,4millions et la réussite éducative et sociale, de3,2millions.Toutefois, laCRÉ avait défini une condition: les MRC devaient être structurées de façon globale etintersectorielleetentouréesdesbonsjoueursdumilieu.Danscetesprit,nousleursavionsdemandédesedoter,àlahauteurdeleurterritoire,d’uncomitéendéveloppementsocialetd’un autre en réussite éducative. Dans certaines régions, le développement social et laréussite éducative sont deux concertations régionales indépendantes. Dans notre cas,puisqu’ilsétaientdéjàsousl'égidedelaCRÉ,l’arrimagedesdeuxdossiersàl’annoncedelafermetureaétérapideetfacile.

Ainsi, lorsque la CRÉ a fermé, il ne restait que les territoires des MRC, mais ils avaienttoujoursleurscomitésrespectifsquisedéclinaientjusqu’aulocal.Avantmêmel’annoncedel’abolitiondelaCRÉ,uneautreconditiongagnanteavaitétéétabliepourpermettrelamiseenplacedelaconcertationintégrée.Eneffet,nousavionsplacédesagentspivots,nommésagentsdesoutienaudéveloppementsocial,quiveillaientàsoutenir lescomitésquenousavionspréalablementinstaurés.NousavionssignédesententesaveclesMRC:nousallionspayercesintervenantspendantcinqanssielless’engageaientàpérennisercespostesaprèscettepériode.En fait, cespostes sontnésd’unprojet conjoint entre l’entente en réussiteéducative et l’alliance pour la solidarité et l’inclusion sociale, qui permettait à un Centre

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localdedéveloppementouàuneMRCd’avoirunagentpivot.Ainsi, cesagentssiégeaientsurlescomitésterritoriauxendéveloppementsocialetenréussiteéducative,maisfaisaientégalement lepontentre lerégionalet le local.À laCRÉ, lorsqu’onavait,parexemple,desredditions de comptes, des projets ou des investissements à effectuer, les agentsrepartaientdansleurterritoiredeMRCet,avecl’approbationdeleurscomitésterritoriaux,assuraientlesinvestissementsdemêmequel’accompagnementdespromoteursdeprojets.Durant toute la durée d’opérationnalisation des investissements, ils étaient au fait desprojetsetdel’argentquicirculaitdanslesmilieux.Ilsavaientdéjàunebonneconnaissancedes effets que le développement social et la réussite éducative avaient dans leursdifférentes MRC. Ainsi, la présence de ces agents permettra à Concertation Horizon, lanouvelleconcertationrégionaleendéveloppementsocialmisesurpiedsuiteàl’abolitiondelaCRÉ,d’avoirdesyeuxetdesoreillesdanslesterritoires.

Donc,àl’annoncedelafermeturedelaCRÉ,certainesconfigurationspréétabliesontpermisaux territoires de MRC d’être forts et structurés en plus de se doter des outilsnécessairesen matière de planification, de politiques et de ressources humaines afin desoutenir leurs concertations, dégager leurs priorités, leurs besoins, leurs actions et lefinancementdeprojets.Nousavionsconstruitdesconcertationsquioffraientlapossibilitéde travaillerensemble,mêmesi lamajoritédesactions s’exécutaient sur le territoiredesMRC.De plus, la nouvelle gouvernance de proximité, avec l’adoption du projet de loi 28,octroie aux MRC la responsabilité de leur développement local et régional. Si nous nevoulions pas échapper le dossier du développement social et de la réussite éducative,encore fallait-il avoir la préoccupation de mobiliser le monde municipal autour de cesenjeux.

À la finde l’année2014, l’abolitionde laCRÉa été officialisée. Lespréfets ontdécidédeprendretoutel’annéedetransitionpours’assurerdefinaliserlesprojetsetdemaintenirlesacquis.Néanmoins,plusieursdossiersontétérapatriésdanslacourdesMRC.Toutefois,ilestimportantdesoulignerlechoixdesélusdecontinueràsoutenirledéveloppementsocialetlaréussiteéducative.Effectivement,voyantl’importancedesinvestissementsetleseffetsdescommissions,ilsontdécidédeconservercesdeuxchantiersactifspourl’année,cequinous a permis de travailler à la mise en place de la concertation intégrée. Nous avionstoujoursunpointdechuteactif,lecomitédetransition,etlesdeuxressourcesrégionalesendéveloppementsocialetenréussiteéducativeétaientencoreenposte.

Parlasuite,lorsquenousavonsreçulalettredepropositiondelaFondationAndréetLucieChagnonquantàlapossibilitéd’unfinancementtransitoire,nousl’avonsdéposéeaucomitéde transition de la CRÉ où siégeaient tous les préfets et on leur a demandé ce qu’ils enpensaient. Certes, il y avait des conditions à respecter, mais il y avait aussi une grandeopportunitédefinancement-levier.

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Lespréfets,reconnaissantlesexpertisesdesdeuxcommissions,nevoulaientpasperdrecesacquis. Le développement social n’étant pas un champ d’activité auquel ils avaient étéhabitués, ils ont choisi de se regrouper et de se doter d’une concertation régionale pourprendre en compte ces enjeux. Ainsi, le fait de travailler dans un domaine moins biencomprispartousajouéennotrefaveur.LesMRCpossédaientdebonnesconnaissancesenvoirie, en aménagement, en urbanisme et en agroalimentaire, mais beaucoup moins endéveloppementsocialetenréussiteéducative.

Jefaissouventréférenceauxjeuxdesvis-à-vis:l’opérationnelconnaîtbienlelangageetlesenjeuxdel’opérationnel,lestratégiqueconnaîtbienceuxdustratégiqueetlepolitiqueceuxdupolitique.Encesens,ilétaitdifficiled’approcherlasphèrepolitique.Alors,nousavonsdiscuté avec le président du comité de transition qui est également maire d’unemunicipalité rurale. Nous l’avons questionné sur la pertinence de proposer aux MRC detravailler ensemble au plan régional par l’entremise du financement de la FondationChagnon.Ilaacceptédejouerunrôledansleprocessus,àsavoird’êtrenotreambassadeur.Afind’assurerleboncheminementduprojet,ilaouvertlesportesdumilieupolitiquealorsquenousassurionsl’opérationneletlestratégique.NousavonsoptépourunpointdevueaccessiblepourlesMRC.Nousprécisionsqu’enétantstructurésetorganisés,lesacteursdumilieu en saisiraient l’opportunité. Seulement en développement social et en réussiteéducative,danslescinqdernièresannées, laCRÉdelaVallée-du-Haut-Saint-Laurentavaitinvesti 12 millions en projets dont une centaine en réussite éducative uniquement.Présentéeainsi,laconcertationdevenaitintéressante.Lespréfetsontréalisélenombredepromoteurs déjà impliqués dans plusieurs projets qui seraient probablement attirés parl’effervescenceduterritoire.

Il fallait s’assurerque lesMRCsoientstructuréesdevant l’arrivéedepromoteurs,qu’ellesconnaissentlanaturedesprojetsfinancésparlaCRÉainsiquesescritèresdesélectionetqu’elles soient enmesure de consulter les partenaires. À travers ces réflexions, lesMRCprenaient conscience qu’il était plus facile de conserver une expertise régionale et de seregrouper.Ceprojetleurpermettait,d’unepart,deseréunirpouréviterdedédoubleret,del’autre, d’assoir autour d’une même table de concertation les expertises et les champsd’activitédétenusparlesacteursdumilieu,issusautantduterritorialquedurégional.

Ducoup,nousnousmettonsensembleetrassemblonsdessommes.D’ailleurs,lesconseilsdesmairesonttousvotédesrésolutionspourmettreenplacecetteconcertationrégionale.Nousavonsfourniunerésolutiontypequelepréfetavaitpourmandatd’amenerauconseildesmaires.Cedernierdevait indiquerà la foiss’ilsouhaitaituneconcertationets’ilétaitd’accord pour s’y joindre. En ce sens, ce sont des résolutions officielles des conseils desmairesquinousontpermisdecontinuer.

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À l’heure actuelle, sur les cinq MRC, quatre ont approuvé le projet et y adhèrent. Noussommes gérés par ce groupe de 4 MRC, mais nos bureaux sont installés à la MRC desJardins-de-Napierville, notre fiduciaire. Vaudreuil-Soulanges a reçu toute l’information,commelesautres,maisadécidé,dansunpremiertempsdumoins,denepassejoindre.IlfautcomprendrequecetteMRCesttrèsperformanteencequiconcerneledéveloppementsocial.Ellejouitd’unediversitéetadesenjeuxplusdiversifiésquelesautres.

NousavonsobtenulefinancementdelaFondationChagnon,maisnoustenionsàcequ’unepartie du financement provienne des MRC. Elles ont versé un montant symbolique de5000$chacune.Decettemanière,ellestémoignaientdeleurvolontéetdeleurengagementdanslacontinuitéd’unecollaboration.

Les MRC devenaient les patrons de cette nouvelle concertation régionale. Nous étionstoutefoisconscientsquesinousconservionsunpointdevuestrictementmunicipal,nouspasserionscomplètementàcôtédenotreobjectif.Lespartenaires-clésétaientessentielsàla démarche: la société civile, le CISSS, les commissions scolaires, les organismescommunautaires, etc.Parconséquent,nousavons faitunevaguedereprésentationspourmobiliser les acteurs fondamentaux concernés en développement social et en réussiteéducative.

Finalement, nous aurons très bientôt l’actualisation d’une grande concertation et d'uncomitédirecteur.Cedernier,suivantlaplanificationdelatable,seracomposéd’unoudeuxpréfets,desquatreDGdeMRCetdequelquessiègesdereprésentation,notammentdeuxenéducation (commission scolaire et collège), un en santé et services sociaux et un issu ducommunautaire. À la grande table, on retrouvera toute la société civile et les secteursd’activités: lesmunicipalités, lesCISSS,leDirecteurdelasantépublique,lesCorporationsdedéveloppementcommunautaire, lescommissionsscolaires,Avenird’enfant,Québecenforme, Loisir et Sport Montérégie, le Pôle d’économie sociale ainsi que des sièges dereprésentationdontunsiègeaînéetunenégalité.Ensomme,laconcertationdevraitréunirenviron25acteursdumilieupoursepenchersurlesdossiersconjointsettransversauxquitouchentaudéveloppementsocialetàlaréussiteéducative,maissurtoutetprincipalementpour prendre en compte les enjeux qui débordent leur territoire ou qui les rassemblenttous.Enfin,ilenrésulterauneéconomiederessourcespourlesMRC.

Encorefallait-ils’assurerd’avoirunmandatclairpourcettetableafind’éviterdedédoubler.Nous avons ainsi choisi d’être un canal nommé Concertation Horizon. Toutefois cetteappellationresteàofficialiserànotreprochainerencontredecomité.

Lapropositionprésentéeauxélusquiontàstatuersurnotremandat,n’arienàvoiraveclemandat de la CRÉ. La CRÉ avait auparavant le mandat d’être l’intermédiaire entre legouvernement et lemonde régional. On amassait des sommes, on élaborait des ententesspécifiquessectoriellesavecdifférentsministères,ons'assuraitdurespectdescritèresde

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financementetaprès,l’argentsedéclinaitdanslesmilieux.Aujourd’hui,nousdevenonsunespaced’échangeàl’intérieurduquellesquatreMRCayantdécidédesedoterd’uneforced’action régionale en développement social et en réussite éducative ont la possibilité detravaillerensemble.Nousavonségalementsubdivisénotremandatencinqobjectifs.

D’abord,nousavons identifié ledésird’êtreuncanald’informationprivilégié.Du faitdesinstances et des commissions que nous avons pilotées durant notre carrière, nous avonsdespointsd’ancrageauplannational.Quecesoitentantqu’IRCenréussiteéducativeouauniveau du Réseau québécois en développement social (RQDS), ces participations nouspermettentd’êtreàl’affûtdesopportunitésdansnosdomainesrespectifspourlesramenerdans notre région. Les MRC, à elles seules, n’ont pas cette possibilité. Également, nousvoudrionsqueConcertationHorizonsoitunespaced’échangeetd’expertiserégionale.Lapanoplied’acteursavec lesquelsnous travaillionsdéjàdans lescommissionschapeautéesparlaCRÉ,seranaturellementréintégréeauprocessusdeconcertation.

Ensuite, le troisième élément que nous souhaitons développer est un lieu de mise encommun. Cet objectif est primordial, car les MRC impliquées partagent des réalitéssemblables:ellesontunportraitdéfavorisédanslesecteurruraletlesresponsablesdecesmunicipalités savent qu’ils ne peuvent avoir à eux seuls un impact suffisamment grand.D’oùl’importancedelamiseencommun,dutravailàl’échellerégionale,delaplanificationcollectiveetdelacommunautédepratique.Puisqu’iln’yapasénormémentd’argentdansces zones territoriales, on se rassemble pour gagner en efficacité. Entre autres, les troispremièresMRCàavoiracceptéleprojetdeconcertation–Beauharnois-Salaberry,Jardins-de-NapiervilleetHaut-Saint-Laurent–ontexprimérapidementleurbesoindeseregrouperafin d’augmenter l’impact sur leur population. Par ailleurs, le développement social et laréussite éducative sont des enjeux que lesMRC ont décidé d’affronter en front communpour avoir une plus grande force de frappe. Ainsi, elles souhaitent se réunir à une tablepour constater les avancées de leurs voisins et développer des stratégies d’actionscommunes.

Découlant de cette volonté demise en commun, le quatrième objectif est de devenir uncentre de référence, entre autres pour alimenter les agents pivots avec des outils, desmodèles de bonnes pratiques et de nouvelles façons de faire à ramener dans leur MRCrespective. La CRÉ et les diverses commissions ont généré beaucoup de documentation:portraits,plansd’action,planifications,évaluation,etc.Nousnepouvionspasignorertoutescesdonnéesrecueilliesauprofitdesrégions.Particulièrement,enréussiteéducative,nousavons instauré une grande culture d’évaluation. Avec notre partenaire majeur, RéunirRéussir, pour qui l’évaluation était une condition sinequanon de plusieurs actions, nousavons accompagné les milieux dans les processus d’évaluation. En quelque sorte, nousavonschangélespratiques.

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Enfin,noussouhaitonsqueConcertationHorizonjouelerôled’unacteur-conseil.Depuisunanetdemi,noussommesdevenusexpertsduchangement.Noustémoignonsaujourd’huidelarestructurationdenotrerégion.

Périodedequestions

Q:D’oùvientl’impulsiondanslecadredecetteconcertation?Était-ceunecommandequedetrouver un modèle alternatif ou est-ce plutôt votre initiative personnelle, une sorted’entrepreneuriatsocial?

N.C.: En fait, c’est de la coconstruction. Nous soumettions, nous retravaillions, puisresoumettions.Enfait,nousavonstravailléuncertaintempsavec lecomitédetransition,maisilyaégalementeudeuxrencontresavectouslesDGetlespréfets,c’est-à-direqu’ilyavait lagrandetableHorizonet lecomitédirecteur.Certainsacteurs,commeleCISSS, lescommissionsscolairesetlemilieucommunautaireauraientpuseproposerpourremplirlemandantdefiduciaire.Mais,avecleprojetdeloi28,s’accoleraumondemunicipaldevenaitun gage de reconnaissance et d’implication des élus dans les dossiers de développementsocialetderéussiteéducative.Celaademandélereplidecertainsacteurs,soitauniveaudeleurgouvernanceoudeleurexpertise.

Q:Àquellefréquencevousrencontrez-vous?

N.C.:Cetteannée,lecomitédirecteurs’estrencontrétroisfoisetilyaégalementeudeuxrencontres du comité en ce qui concerne uniquement la mise en place de l’instance deconcertationrégionale.Donc,ilyauraeupratiquementunerencontreparmois.

Q:Aumêmemomentquel’annoncedelafermeturedesCRÉ,ilaeudevotrepartlelancementd’un plan d’action en développement social. Qu’est-il advenu de ce plan d’action entre lemomentoùvousétiezfièredelelanceretlafermeturedesCRÉ?

N.C: Il n’y a pas d’acquis ni d’expertise qui se perd, mais il faudra remodeler et être àl’écoutedesbesoinsdesMRC.Pourmapart, jemetsnotreexpertiseà ladispositionde latable. Certaines compétencesne seront pas adaptées tandis qued’autres seront utiles autravailàaccomplir.

Q:Sil’objectifestlepartaged’informations,quelestl’objetdevotreconcertation?

V.K.:C’estunetrèsbonnequestion.Laconcertationexistepoursedoterdestratégiesdedéveloppementsocialetderéussiteéducativeauniveaurégional.Dansnotrerégion,nousavonsdéveloppéunegouvernancedesortequ’ilyait toujoursun lienentre lesdifférentspaliers.Lelocalrevientauniveauduterritorial, leterritorialrevientaurégionaletonfaitune circulation comme ça. Donc, avec la disparition du régional, beaucoup d’incertitudesont émergé, surtout avec les investissements massifs qui ont été faits au niveau desdifférents promoteurs. Donc, nous sommes un peu forcés – les quatre MRC ont

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heureusement très bien compris – à continuer à travailler enmatière de développementrégionalparcequec’estcequia fait la forcede larégionpendant leshuitansque laCRÉétaitprésente.À la finde l’ententeen réussiteéducative, jemerappelleque laCRÉavaitorganisé un évènement et avait invité toutes les personnes qui avaient participé à desprojetsàvenirparlerdeleurexpérienceet,danslebilan,lamêmechoseressortait:qu’est-cequ’ilyaaprès?Qu’est-cequisepasseaprès?Mais,onneparlaitpasd’unaprèsentermesde municipalités ou de MRC. On se demandait où allait notre région au niveau dudéveloppementsocialetdelaréussiteéducative?

Q: J’aiunequestionàproposdevotreancien titreou lamanièredontvousnommiezvotreconcertationauparavant–ConcertationendéveloppementsocialetenréussiteéducativedelaVallée-du-Haut-Saint-Laurent.Selonmesconnaissances,ledéveloppementsocialenglobelaréussite éducative, la sécurité alimentaire, le logement, l’itinérance… Pourquoi nomme-t-onréussiteéducativeplusquelesautres?

N.C.: C’est dans la perspective où les bailleurs de fonds commencent à définir certainsdossiers.PourlaFondationChagnon,développementsocialetréussiteéducativesontdeuxdossiers distincts. Elle finançait du développement social, mais également de la réussiteéducative. Donc, tranquillement, le gouvernement s’en rapproche avec le ministère del’Éducation et celui de la Solidarité, avec des fonds d’urgence, avec les IRC qui, elles,s’accolent à la réussite éducative. Chez nous, cela fait sens, car c’était vraiment deuxcommissions,quiavaientdeuxplanificationsrégionalesquenousavonsfusionnées.

Q:J’aimeraisquevousdéveloppiezunpeuplussurcequiamotivélechoixdesélusàvouloirtravailler le développement social et la réussite éducative plus particulièrement de façonconcertéesurquatreterritoires?

V.K: En fait, je crois que le développement social était le département de la CRÉ qui agénéré le plus d’investissement et le plus de projets. Donc, les effets étaient tellementancrés dans lesmilieux et les localités que, àmon avis, il allait un peu de soi de ne pasperdrecegrosmorceau.

Q:Àunmomentdonnélorsdetaprésentation,j’avaiscrucomprendrequedesélusdisaientque le développement social était flou pour eux. Pourtant, on parle d’un préfet qui sertd’ambassadeurpourledéveloppementsocial.Donc,pourlui,cen’estpasflou.Commentgérez-vous cette contradiction ou cette différence de perception du développement social de cepréfetaveclestroisautres?

N.C:Pourrépondreàvotrepremièrequestion,cepréfetambassadeurestun familierdudéveloppementsocial,c’est-à-direqu’ilsiégeaitàlacommissiondedéveloppementsocial.Ilétaitréticentaudépartparrapportaudéveloppementsocial.Ilacommencéàvenirsiégeràla commission de développement social et après, il a réalisé toute l’ampleur des projets

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réalisés et l’impact de ceux-ci dans les municipalités locales qui font du développementsocial au quotidien. Par la suite, lorsqu’on a sensibilisé chacundes préfets, il venait avecnous. Nous avions comme mandat de démystifier le développement social, mais aussid’exposerlespratiquesquotidiennesdedéveloppementsocialdesmunicipalitésquinesontpastoujoursenmesuredebienlesidentifier.Lepréfetambassadeuramenaitleconceptdetravailencollaboration,présentaitl’opportunitédefinancementcommeunleviermajeuretencourageaitlesmunicipalitésàadhérerauprojet.

Q:PuisquecetteconcertationestdifférentedutravaildelaCRÉ,commentvousavezprécisévotremandatetsurquelsélémentsvousêtes-vousbaséspourpréciserlesobjectifs?

N.C.: En fait, la CRÉ avait comme mandat de récolter des sommes, mais elle faisaitégalementbeaucoupdegestion,desuivisadministratifs,etc.Alors,faisions-nousréellementdelaconcertation?Noussommespartisduprincipequ’ilseraitintéressant,pourunefois,desepayerdelaconcertation:analysernosenjeuxetavoirdutempspourlestravaillerdefaçoncommune.Ensuite,nousnoussommesbaséssurlesprincipesdelaconcertation:lieucommun, échange, informations privilégiées, etc. Elle ne venait rien dédoubler parce quesurnotreterritoire,laseulechosequiestrestéeauniveaurégionalestlepôleenéconomiesociale.Leresteadisparu.

Q: Par contre, la Table de concertation régionale des aînés existe toujours puisqu’elle estfinancéeparlesecrétariatauxaînés.

Q:Dansvosrôlesetfonctions,allez-vousajouterlapromotionetledéploiementdespolitiquesdedéveloppementsocial?

N.C.:Biensûr.Enfait,cequenousvoulons,c’estdes’assoirensemble…NousavonsditauxMRC que si elles se dotaient d’une concertation, nous allions faire siéger une panoplied’acteurs disposant d’expertises,mais aussi leur fournir une liste de collaborateurs pourapporter l’information à la table. Clément Bergeron, anciennement à la CRÉ, avait pourmandatdedévelopperdespolitiquesdedéveloppement socialenmilieumunicipal. Il yaénormémentdeMRCcheznous,maisencoreplusdemunicipalités.Plusieurssesontdotéesdepolitiquesdedéveloppementsocial.Donc,ClémentpourraêtreuncollaborateurassociéàConcertationHorizonpourpartagersonexpertise.

V.K.: Puis, c’est intéressant au niveaude la circulation d’information. À un seul endroit,vousavezaccèsaumondemunicipal,auxexperts,auxreprésentantsdeslocalitésettoutlemonde a la même information. Le niveau d’information politique, stratégique etopérationnelle est traduit différemment, mais au moins l’information transmise est lamême pour tous. Ainsi, tous peuvent profiter, de façon équitable, de l’ensemble desressourcesquiysontapportées.

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Q: Au-delàdu lieude rencontre, je trouve intéressant votreobjectif de centrede référence.Commentlevoyez-vous?Quelsensontlesoutils?

N.C.:LeRQDSaproposéderassemblertouslesoutilsquiontétéfaitsendéveloppementsocialparrégionetdelesrassemblerdansunegrandebibliothèquenationale.Quandnousenavonsfaitlaliste,jepensequenousavonssoumisenvironunecinquantained’outilssurun totalde80 répertoriés. Commenousavionshuit conseillers endéveloppement social,nousavionsunebibliothèquededocumentsaînés,uneenégalité,uneautreenéconomiesociale,etc.Nousnoussommesdemandéquoifairedecesdocuments.Nousavonseul’idéede devenir un centre de référence pour les données, les outils, les évaluations, ladocumentationgénéraleetdeconservercesinformationsauxprofitsdesMRC.

Depuisl’annoncedelafermeturedesCRÉ,leRQDSamissurpieduneplate-formevirtuellequiseralancéelorsdenotreactivitéaumoisdemai.Ellecomprendunemultituded'outilsprovenant de 12 régions différentes. Elle sera mise à la disposition de tous sur le siteinternetduRQDS.

V.K.: Pour ajouter à ce queNathalie amentionné, enplus de ce centre de référence, enréussiteéducativeparticulièrement,nousavonsdéveloppéunegrandecultured’évaluation.Une consultante accompagnait les promoteurs non seulement à la fin du processus deprojet, mais réalisait également une évaluation évolutive de la démarched’opérationnalisation.

Q:Est-cequ’ilyadestypesd’acteursquimanquentdansvotredémarcheetquevousaimeriezintégrer,miseàpartlacinquièmeMRC?

N.C.: Nous avons vraiment la préoccupation d’avoir un siège citoyen à la grandeconcertation,peut-êtremêmeaucomitédirecteur.Jeneparlepasd’assoir15citoyenspourfaire le contrepoids, mais il faut vendre aux élus que le citoyen a des besoins. Lors duprochain comité, nous voulons argumenter sur la nécessité de la participation citoyennedans ledéveloppement social. C’est leprincipal acteurquimanqueetnous souhaiterionsl’intégrer.

Q:Est-cequecelavousapparaîtsuffisant?15,peut-êtrepas,maisunseul?Etqui?

N.C.: Nous avons toujours procédé étape par étape, petit à petit, puisqu’il y a unerestructurationàtouslesniveaux;cen’estpasuneseuleorganisationquibouge,maisunepanoplie d’organisations qui bougent enmême temps. Pournous, avoir un siège citoyen,c’est un début pour ouvrir la porte à deux ou trois autres. Si nous arrivons avec unedemandedecinqcitoyens,nousallonsessuyerun«non». Jepensequenotremanièredetravailler démontre que nous utilisons une approche très harmonieuse, et très prudente.Tranquillement,leschosesgrossissent,prennentvie.

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Q: Est-ce que la cinquième MRC, qui ne prend pas part à cette concertation, a unecompréhensiondudéveloppementsocial?Est-ceunerésistance?

N.C.:LepréfetambassadeuretmoisommesallésprésenterleprojetauconseildesmairesetVaudreuil-Soulangesavaittoutel’informationnécessaire.CetteMRCamis100000$endéveloppementsocialetelleesttrèsprésenteendéveloppementsocial.Nousnoussommesditqu’elle se joindrapeut-êtreànous lorsqu’elleverra ledéploiementdenotreprojet. Sic’estlecas,elleseralabienvenue.Pourl’instant,effectivement,cettesituationpourraitêtreperçuecommeunerésistance,maisonneconnaîtpastoutàfaitleurspropresenjeux.

Q: Je suggèrerais peut-être un ou deux points, très modestement. Il y a plusieurs années,lorsque ce modèle s’est développé, vous trouviez important d’avoir un certain nombred’exigencesdanslacompositiondesinstanceslocalesauniveaudesMRCetvousavezreconnucelle de Vaudreuil-Soulanges parce qu’elle avait déjà développé une politique dedéveloppementsocial.Mais,dansd’autresmilieux,ilyavaitaussidespratiquesantérieuresdeconcertationsurledéveloppementsocial.Aulieudepartirdesmodèlesémergents,vousavezmis quelque chose denouveau enplace. Si c’était à refaire, je ne pensepas que ce serait lechoixleplusstratégique.Finalement,danslemodèlequevousdéveloppezactuellement,cettequestion de prioriser au plan régional le soutien des instances locales m’apparaîtextrêmementimportante.Jesoulèvelaquestionsuivante:peut-êtreserait-cemieuxquelelienentrelesinstanceslocalesetl’instancerégionalenesoitpasassuméparl’agentdesoutienendéveloppementsocial.Pourdonnerdupoidspolitique,ilseraitmieuxquecesoitdescitoyensouàlalimitedesélusquiviennentdestableslocalesplutôtqu’unprofessionnel.

V.K.: Pour réagir rapidement, c’est exactement la réflexion que l’onmène actuellement.Depuisunanetdemi,noussommesdanslespourparlers, lesrésolutions,lepolitique,etc.Depuis lundi dernier, nous avons emménagé dans nos bureaux. C’est exactement un despoints que nous mettrons à l’ordre du jour de notre première rencontre du comité dedirectionofficiel.

Q: Dans la région de la Mauricie, il y avait une structure corporative où les agents dedéveloppementdetouslesorganismesserencontraientendéveloppementsocialetilsavaientnégocié avec les municipalités la nomination d’un.e représentant.e citoyen.ne par village.C’était le conseilmunicipal, avec certains critères, qui nommait quelqu’un, ce qui faisait unpendantcitoyenetunpendantcorporatif.Jenesaispasoùenestleprojetdanssonprocessus,mais je le trouvais intéressant. À unmoment donné, ces deux entités se rencontraient pourpartagerdesanalysesetc’étaitintéressantparcequ’ellesn’avaientpaslemêmepointdevuedutout,cequirendaitleséchangesriches.

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2.ANALYSETRANSVERSALE

Le portrait des six expériences exposées précédemment était celui en vigueur auprintemps2016.L’analysetransversalequel’onpeutenfaireestforcémentdatée.Ellepeutcependantéclairer ladynamiquequ’ontconnueet connaissentencoreuncertainnombrede régions au Québec en termes de transformation des pratiques de développementcollectif, particulièrement en développement social. L’ensemble des régions et desterritoiresduQuébecfaitfaceàdegrandsbouleversementstouchantl’actioncollective.LarégiondeMontréalaétémoinsaffectéeenraisondel’existencedel’Initiativemontréalaisede soutien au développement social local (IMSDSL), un programme tripartite (Ville deMontréal,DirectiondelasantépubliquedeMontréaletCentraideduGrandMontréal)quiexistedepuis1997.Reconduiteen2015,l’IMSDSLsoutient30tablesdequartierdansleurprocessus autonome d’identification des priorités de leur milieu et d’action collectiveconcertée(IMSDSL,2006).

Lessixcasprésentésicitémoignentd’unerestructurationdelagouvernancerégionaledudéveloppementrenduenécessaireparl’abolitiondesconférencesrégionalesdesélus(CRÉ).Lesacteursde lasociétéciviledesdifférentesrégionsn’attendentpasqu’on leuroffreunespace de participation à la gouvernance,mais prennent plutôt l’initiative d’engager uneréflexion collective et un mouvement de mise en place d’un tel espace. Les élus sontinterpellésparlasociétéciviledansledéveloppementdecettenouvellegouvernance,maisilssontaussiproactifs.Ilsredéfinissentlacompositionetlerôledeleurstablesdespréfets.Ils adhèrent de manière variable à la démarche de la société civile pour développer unnouvelespacedegouvernancepartagéeouproposenteux-mêmesunegouvernanceplusoumoinspartagéeàlasociétécivile.

La notion de gouvernance partagée intègre « des idéaux de démocratie participative etdélibérative [Côté et Lévesque, 2009; Lévesque, 2006], ainsi que des acteurs pluriels,émanantdumarchéetdelasociétécivile»(Valade,2013,p.135).Plusspécifiquementdansnotre cas, onparle d’une gouvernancedes élus, qui détiennent actuellement la légitimitépolitiqueauniveaulocaletrégional,ouverteàlaparticipationdelasociétécivile,incluantdes acteurs dumilieu économique (chambre de commerce, regroupement touristique ouagroalimentaire,etc.).

Nousutilisonslanotionderégionetdegouvernancerégionalepourfaireréférenceauxsixcas étudiés, même si deux d’entre eux (Charlevoix et Vallée-du-Haut-Saint-Laurent) sesituentplutôtàl’échelled’unterritoiresupra-MRC,c’est-à-direqu’ilsregroupentplusieursMRCd’unemêmerégion,maispasleurtotalité.Cechoixfaciliteralalecturedudocument,même si nous croyons que la notion de région devrait être réservée aux régionsadministratives. Puisque le document traite de la question régionale, nous utilisons les

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notionsde local etde concertation localepour faire référenceaux territoiresdeMRC.Lanotiondeterritoirefaitréférence,poursapart,auxdifférenteséchellesterritorialesqu’ellessoientrégionale,supra-MRCoulocale.

Lagouvernancerégionaledontnousparlentlessixcasétudiésportesurdeuxthématiques:ledéveloppementsocialspécifiquementouledéveloppementterritorialglobalement.Dansquatre des six cas, la société civile s’est mobilisée pour le développement d’unegouvernancetouchantunepluralitéd’enjeuxrégionaux(Abitibi-Témiscamingue,Bas-Saint-Laurent, Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine et Lanaudière). C’est le type de gouvernance quel’on retrouvait dans les CRÉ avec des emphases différentes d’une région à l’autre sur ledéveloppement social, économique, culturel et environnemental. Cinq des six cas (saufl’Abitibi-Témiscamingue)touchentunegouvernancespécifiqueaudéveloppementsocial,ettroisd’entreeuxenontfaitlecœurdeleurprésentation(Bas-Saint-Laurent,CharlevoixetVallée-du-Haut-Saint-Laurent). Nous distinguons donc dans cette analyse ce qui relèved’une nouvelle gouvernance régionale territoriale (donc intégrée) et ce qui touche unenouvellegouvernancerégionaleendéveloppementsocial.

Nousprésentonsdansunpremiertempslecontextequeconstituentl’abolitiondesCRÉetl’augmentation des responsabilités des municipalités régionales de comté qui sont lesprincipaux changements soulignés dans les expériences présentées. Nous regardonscomment lasociétécivileet lesélusprennentenchargelaredéfinitiondelagouvernancerégionale et les trois formes de gouvernance régionale incluant la société civile qui endécoulent.Nousanalyseronslavolontédesacteursd’améliorerleurgouvernancerégionale.Cetteanalysetransversaledessixcasnousamèneàposerquelquesquestionnementspluslarges,soitlerôledupalierrégional,lenouveaurôledesélusmunicipaux,del’Étatetdelaphilanthropie,ainsiquel’impactdeschangementsactuelssurlacapacitédedéveloppementdesterritoiresetenparticuliersurleurcapacitédedéveloppementdémocratique.

2.1.Lecontexte:abolitiondesCRÉetaugmentationdesresponsabilitésdesMRC

L’abolition des CRÉ génère un vide au niveau de la gouvernance régionale et réduit lefinancement disponible pour la concertation et le développement, principalement ledéveloppement social. De leur côté, les MRC se voient attribuer la responsabilité dudéveloppement local et régional et peuvent assumer directement les responsabilités dedéveloppement économique des centres locaux de développement (CLD) si elles lesouhaitent.

Notons que les CRÉ ne représentaient pas unmodèle optimal de gouvernance régionale.Leur création en 2003 venait remplacer la structure des Conseils régionaux dedéveloppement (CRD). La place des élus sur le conseil d’administration est passée d’unmaximumd’untiersàunminimumdedeuxtiersdesadministrateurs.Cechangementavaitété vivement critiqué à l’époque, car il constituait un déplacement de pouvoir dans la

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gouvernance régionale des mains des acteurs de la société civile à celles des élusmunicipaux,commelesoulignaientJouve(2004)etKlein(Harvey,2005)dansLeDevoir.Lasociété civile avait quand même, dans la majorité des cas, une place au conseild’administration des CRÉ et pouvait donc influencer les orientations de la région. Elletrouvaitaussidesespacesdegouvernanceplussectorielsdanslescommissionsoucomitésrégionauxdeconcertationtraitantd’enjeuxsectoriels.

Les CRÉ pouvaient jouer des rôles différents selon les régions comme leader dudéveloppementoucommefacilitateurdecelui-ci.FortinetBrassard(2016,p.47)soulignentqu’il existe àQuébecet àMontréal «plusieurs instancesde concertation, cequin’estpasforcémentlecasdanslesautresrégions.Encesens,lesCRÉnejoueraientpaslemêmerôleselon la région où elles s’inscrivent et la densité de son tissu institutionnel.» Leurimportancepouvaitdoncvarierd’unerégionàl’autre.

De leur côté, plusieurs élus ne voyaient pas la plus-value de cette structure, comme lesouligne le maire de Drummondville: « Comme nouveau maire, je mesuis souventquestionnéaucoursdeladernièreannéesurlapertinencedemaintenirautantdepaliersauseindesquelscesontsouvent lesmêmespersonnesquiseretrouvent,entraînantainsidenombreusesheuresderéunions»(Cusson,2014).FortinetBrassard(2016),sebasantsur une enquête auprès d’une quinzaine d’intervenants provenant de six CRÉ, soulèventdifférents éléments pouvant expliquer lemanque d’attachement des élus aux CRÉ. Selonelles, les élus locauxontunattachementà leurmunicipalitébeaucoupplus fortqu’à leurrégion et préfèrent se concerter à l’échelle MRC: « cette échelle infra-régionale serapprochedavantagede l’échelon localquicorrespondà leurpremièreappartenanceetàleur imputabilité en tant qu’élu municipal. C’est pourquoi nombre d’élus semblentfavorablesàundélaissementdel’échellerégionaleauprofitdeceluidelaMRC.»(FortinetBrassard, 2016, p.49) Aussi, selon les intervenants rencontrés, plusieurs élusn’appréciaientpas forcément l’expertisedesprofessionnelsdesCRÉet celagénérait «unclivageentredesélusetleursprofessionnels»(idem,p.46).

Ainsi,lepeud’attachementdeséluset,pluslargement,desacteursàlaCRÉdansplusieursrégionsduQuébecaurait facilitésonabolitionpar legouvernement.Notonscependant lemouvementTouchepasàmarégionamobiliséde façonsignificativepourconserverunegouvernancerégionaleetdesleviersdedéveloppementrégionalenAbitibi-Témiscamingue,dans le Bas-Saint-Laurent, en Chaudière-Appalaches, en Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine,dansLanaudière,enMauricie,dansl’OutaouaisetauSaguenay-Lac-Saint-Jean.

L’abolition des CRÉ exprime une volonté du gouvernement de remettre davantage depouvoirsetderesponsabilitésdedéveloppementdanslesmainsdesMRC.Ilapparaîtdansles expériencesprésentéesque cette volontén’était pas aussi clairepour tous audépart,mais qu’assez rapidement des acteurs de la société civile et des élus en ont pris

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connaissanceetquecelaainfluencéleurpositionautourdudéveloppementdelanouvellegouvernance, particulièrement en Abitibi-Témiscamingue. Le Projet de loi28, adopté enavril 2015 par le gouvernement du Québec, donne aux MRC la responsabilité dudéveloppementlocaletrégional:«Unemunicipalitérégionaledecomtépeutprendretoutemesure afinde favoriser le développement local et régional sur son territoire » (Québec,2015, art. 126.2). Comme cette affirmation le laisse entendre, le gouvernement actuelidentifie la notion de région au territoire de MRC. Néanmoins, le Ministère des Affairesmunicipales et de l'Occupation du territoire (MAMOT) considère que le Projet de loi 28implique « que les MRC ont acquis les responsabilités de développement régionalqu’avaientlesconférencesrégionalesdesélus»1.NotonsqueceprojetdeloitransfèreauxMRClacapacitédesignerdesententesavec lesministèresetautrespartenaires,quiétaitauparavant dévolue aux CRÉ. Cela aura comme impact que les différentes mesuresgouvernementalesquipassaientparlesCRÉdevronttransitermaintenantparlesMRC.

Le Projet de loi28 permet aussi aux MRC d'assumer directement les responsabilités dedéveloppement économique des centres locaux de développement (CLD). Elles peuventencorechoisirdedéléguerledéveloppementéconomiqueàunorganismeexterne,maisuneproportion importante de MRC a choisi d’intégrer à leur administration un service dedéveloppementéconomique.SelonleRapport-Bilan2015-2016delaTabledeconcertationsur ledéveloppement localetrégional(2016),39MRCsur87ontchoisidesedoterd’unserviceinterne(soit44%desMRC)et48MRContpréférédéléguercesresponsabilitésàun organisme externe. Notons, ici aussi, que l’abolition des CLD amène à limiter lareprésentation de la société civile qui siégeait au conseil d’administration de cettestructure.

LePactefiscaltransitoireconcernantlestransfertsfinanciersauxmunicipalitéspour2015etune nouvelle gouvernance régionale (MAMOT, 2014) vient aussi clarifier la volonté dugouvernement de faire des municipalités des acteurs de premier plan en matière dedéveloppementdansuneperspectivededécentralisation:

NousfranchissonsunepremièreétapedanslebutdechangerlarelationentrelegouvernementduQuébecetlesmunicipalitésafinquecelles-cisoientréellementconsidérées, en théorie comme en pratique, comme des gouvernements deproximité.Nousmodernisonsnosfaçonsdefairepourqu’ellessoientdavantagecolléesauxréalitésetauxbesoinsdelapopulationenreconnaissantpleinementl’importancedeséluslocauxetrégionauxsurlesquelssefondentnoseffortsdedécentralisation.(Québec,2014)

LePactefiscaltransitoireclarifieaussi lesressourcesdisponiblespourlenouveaumandatdedéveloppementlocaletrégionaldesMRC.LacréationduFondsdedéveloppementdesterritoires(FDT)vientfusionner«lessommesdequatrefondsanciennementdédiésàdes1 http://www.mamrot.gouv.qc.ca/publications/bulletin-muni-express/2015/n-05-23-juin-2015/

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programmesetmesuresdedéveloppement localet régional: leFondsdedéveloppementrégional, l’enveloppe des Pactes ruraux incluant les agents de développement rural, leprogrammed’aide auxMRC et l’aide audéveloppement économique local (CLD)» (OVSS,2016). Cette nouvelle approche donneplus de latitude auxMRCdans la gestion de leursfonds. Celapeut êtrepositif,mais peut aussi amenerdesMRCà répartir les sommesparmunicipalités et à promouvoir ainsi seulement un développement local et non undéveloppementconcertéauniveaudelaMRC.

Les nouvelles responsabilités des MRC n’arrivent pas avec plus de financement. Aucontraire,leFDTestdotéd’uneenveloppede100millions,cequiconstitueunediminutionde70millionsparrapportautotaldesfondsfusionnéspour2014-2015(OVSS,2016).Cettediminution de moyens questionne la capacité des MRC à prendre en charge de façoneffectiveledéveloppementdeleurterritoire.Ellepeutlimiterleurintérêtetleurcapacitéàinvestir dans des projets plus régionaux ou sur des enjeux liés au développement social.Fortin et Brassard (2016) parlent de concurrence entre les enjeux et expliquent ladynamiqueàlaquellefontfacelesélus.Lesenjeux

associés au palier local étaient estimés prioritaires parce c’est d’abord à cetteéchellequ’ilssont imputables,entantqu’élusmunicipaux.Celaestencoreplusvrai pour les petites municipalités disposant de peu de ressources humainesspécialisées. D’autre part, les dossiers susceptibles de générer des retombéeséconomiquesmobilisaientdavantagelesélus.(FortinetBrassard,2016,p.46)

Lanouvellegouvernancerégionale(entendreiciMRC)proposéeparleProjetdeloi28etlePacte fiscal transitoire n’implique pas de mandat spécifique pour les MRC en termes dedéveloppement social. L’abolition des CRÉ qui canalisaient beaucoup de ressources etstructuraient laconcertationrégionalesur lesenjeuxsociauxcréeunvide.Néanmoins, leFDTpermetde financerplusieursmandats,dont«lamobilisationdescommunautéset lesoutien à la réalisation de projets structurants pour améliorer les milieux de vie,notamment dans les domaines social, culturel, économique et environnemental»(http://www.mamrot.gouv.qc.ca/developpement-territorial/programmes/fonds-de-developpement-des-territoires/). La création du FDT exige des MRC qu’elles se dotentd’une «politique de soutien aux projets structurants pour améliorer lesmilieux de vie»(http://www.mamrot.gouv.qc.ca/publications/bulletin-muni-express/2015/n-05-23-juin-2015/). Toutefois, pour l’instant, la façon de développer cette politique, demobiliser lescommunautés et d’identifier ces projets est laissée à la discrétion des MRC, ce qui peutimpliquer, selon les milieux, plus ou moins d’importance à la question sociale et à lamobilisation des communautés. Actuellement, les MRC semblent s’approprier de façoninégalelaresponsabilitédudéveloppementsocial.

Le nouveau Fonds d'aide au rayonnement des régions (FARR) démontre un intérêtrenouvelé du gouvernement pour le développement des régions administratives. Doté àtermede100millionsdedollarspar année, sonutilisation serabasée surunedémarche

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d'identificationdesprioritésrégionalespour2017-2021,pilotéedanschacunedesrégionspar lesMRC et leministre responsable de la région (Québec, 2017). Ces priorités serontaussiutiliséesdanslecadredelaprochainestratégiepourassurerl'occupationetlavitalitédes territoires (Idem). Le FARR favorisera « la concertation à l’échelle régionale pour laconcrétisationdeprojetsdedéveloppementéconomiquedontlesretombéesdépassentleslimitesd’uneseuleMRC»(MAMOT,2016).Ledéveloppementrégionalestdoncassociéiciàdesprojetstouchantplusd'uneMRC.Laréalisationdeprojetstouchantledéveloppementde l'ensemble d'une région administrative est donc laissée à la volonté des MRC. Onconstatedanslescasétudiésquel’intérêtpourundéveloppementrégionalconcertévaried’unerégionàl’autre.

Àterme,cetransfertderesponsabilitésdedéveloppementlocaletrégionalauxMRCsefaitaux dépens de la participation de la société civile: «Cette nouvelle gouvernance metégalementfinaupartageduleadershipetdel’imputabilitéentrelesélusmunicipauxetdesreprésentants de la société civile au sein des instances de développement territorial»(OVSS,2016,p.15).

2.2.Unepriseenchargedesélusetdelasociétécivile

Ce contexte et les situations régionales influencent la capacité des acteurs de la sociétécivileàjouerunrôleactifdanslagouvernancerégionaleetterritoriale.Néanmoins,c’estlacapacitédelasociétécivileàsecoordonneretàs’organiser,àassumerunleadershipsurlaquestion et à négocier avec les élus qui est déterminante pour le développement d’unegouvernancerégionalepartagée.

En développement social, l’existence d’une démarche antérieure joue aussi un rôleimportant sur cette capacité. On retrouvait des démarches régionales en développementsocialdanstouslesterritoiresétudiés,saufenAbitibi-Témiscamingue.Ellesétaientplusoumoinsintégréesà laCRÉ.Parexemple,danslaVallée-du-Haut-Saint-Laurent, ladémarcheavaitétémisesurpiedparlaCRÉ,dansleBas-Saint-LaurentlaCRÉétaitfiduciaireetdansCharlevoix ladémarchededéveloppementsocialest issuede l’ATIquirelevaitde laCRÉ.Dans le Bas-Saint-Laurent, COSMOSS a su se positionner son action auprès des 0-30 anscommel’enjeuàprioriserdanslarégionetaconservél’appuidespartenairesetdesélus.DansCharlevoix,unedémarcheestenémergencepourfusionnerlesapprochesterritorialesintégrées (ATI) des MRC de Charlevoix et de Charlevoix Est. Les partenaires ont choisid’allerdel’avantavecceprojet,malgréleschangementslégislatifsetinstitutionnels.DanslaVallée-du-Haut-Saint-Laurent,puisqueladémarcheétaitportéeparlaCRÉ,sacontinuitéademandéuntravailspécifique.Lacrédibilitéque laCRÉavaitsudévelopperauprèsdeséluspardes investissementsendéveloppement social et le faitqu’elle s’appuyait surdesdémarches de développement social au niveau des MRC, ont facilité la création d’unenouvellestructurerégionalededéveloppementsocialportéeparlesélusdelamajoritédesMRC.

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Autantauniveaududéveloppementsocialquedudéveloppementterritorial,lacapacitédelasociétécivileàsemobiliseretàs’organiseraétédéterminantedans ledéveloppementd’unenouvellegouvernancepartagée.EnAbitibi-TémiscamingueetenGaspésie-Îles-de-la-Madeleine, le mouvement Touche pas à ma région a mobilisé des citoyens et desorganisations. Dans ces régions, ainsi que dans Charlevoix et dans Lanaudière, la sociétécivile s’est organisée autour de grandes rencontres d’orientations impliquant entre 40 et350 participants et des comités porteurs composés de 10 à 15 partenaires. Cettemobilisationdespartenairesaétésuscitéepardifférentstypesde leadership. Ilyaeuunleadershipcitoyen liéaumouvementTouchepasàmarégion.Danscesquatre territoiresdesorganisationsde la société civileontmobilisé leurspairspour formerdes comitésetorganiser des grandes rencontres. Au niveau du Bas-Saint-Laurent le leadership de lasociétécivileestpasséparCOSMOSS,parsadirectionetparsesmembres.LaCRÉajouéunrôle actif dans certaines régions, comme en Gaspésie et dans la Vallée-du-Haut-Saint-Laurent,pour favoriser lapriseenchargecollective.Le leadershipestaussipassépar lesagentsdedéveloppementdelaCRÉ,parexempledanslaVallée-du-Haut-Saint-Laurent,oudesMRC,commedansCharlevoix.

L’efficacitédeseffortsde lasociétécivilepourmettreenplaceunegouvernancepartagéeaveclesélusdépendbeaucoupdupositionnementdecesderniers.Pourlagouvernancedudéveloppement social, la place des élus est importante, mais moins essentielle qu’endéveloppementterritorial.Lespartenairesdelasociétécivilepeuventallerdel’avantdansunegouvernancedudéveloppementsocialavecuneparticipationetunappuiplusoumoinsimportant des élus, car beaucoup d’acteurs jouent un rôle en développement social pluscentralqueceluidesélus(santé,éducation,employabilité,philanthropie,communautaire,citoyens). En développement territorial cependant les élus sont des acteursincontournables.Sionsouhaiteidentifierlesprioritésdedéveloppementduterritoire,ilestimpératifd’assurer laprésencedesélus,carcesderniersdonnentunelégitimitépolitiqueauxchoixcollectifssurleterritoireetpeuventfinancercertainsprojets(Lachapelle,2017).

Dans toutes les régions étudiées, on souligne un travail de négociation avec les élus. Lanouvelle répartition du pouvoir en faveur des élus municipaux oblige la société civile àentrerdansunestratégiedenégociation.Lesacteursdelasociétéciviledoiventdémontrerauprèsdesélus laplus-valued’uneapprochedeconcertationetde l’actionsur lesenjeuxsurlesquelsilsinterviennent.Lesargumentsmobilisésportentparfoissurlesbénéficesdel’action collective: on souligne par exemple le bilan en termes de mobilisation deressources financières en développement social dans la Vallée-du-Haut-Saint-Laurent. Ilsportentparfoissur les limitesde l’actionnoncoordonnée:certainsacteursont faitvaloiraux élus qu’avec l’abolition de la CRÉ, ils pouvaient s’attendre à ce que les porteurs deprojets en développement social se tournent vers eux pour avoir un soutien et qu’ilsauraient avantage à travaillerde façon concertée entreMRCpour sedoterd’orientationscohérentesainsiquede ressourcesetd’expertises communes.Le financement transitoire

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de laFondationChagnonaaussi étéutilisé commeunoutild’approcheetdenégociationavec les élus. Ceux-ci avaient en effet qu’à affecter une sommemoindre que celle de lafondation pour appuyer la continuité des démarches de concertation en développementsocial régional (Verreault, Lussier et Bourque, 2016). Dans certaines régions, les élusétaient plus ouverts à l’établissement d’une gouvernance partagée, mais plusieursnégociationsontportéplutôtsurlaparticipationd’unpetitnombredereprésentantsdelasociété civile à une gouvernance dirigée par les élus. En Abitibi-Témiscamingue, lanégociationaavortécequiabloqué,aumomentdel’évocationdesévénementscitésdanscecahier,lamisesurpiedd’unegouvernancerégionalepartagéeeteffective.

Le positionnement des élus par rapport à une gouvernance partagée dépend de leurrapportà larégion,audéveloppementsocialetà lasociétécivile.Lerapportdesélusàlarégion influence leur intérêt pour une gouvernance et un développement régional.L’ensembleouunepartiedesMRCd’unerégionpeutpréférerplanifierledéveloppementàl’échellelocaleplutôtqu’àl’échellerégionale.Néanmoins,cetattachementàlarégionpeutévoluer.ParexempleLanaudière,quiaunhistoriquedepartagedesenveloppesentre lesMRC, a décidé de se doter d’un coordonnateur et d’une enveloppe de développementrégional.Aucontraire,onsouligneenAbitibi-Témiscamingueque lesMRCse sontdotéesd’un droit de retrait sur chaque décision de la Table des préfets et que les MRCmoinspeupléesonttendanceàseretirerduprojetrégional.

L’historiquedecollaborationentre leséluset lasociétécivilevaried’unerégionà l’autre.LesCRÉ,etlesCRDavantelles,ontassurémentjouéunrôlepourdévelopperlacapacitédecollaborationentrelesélusetlasociétécivile,mêmesicelas’estfaitdefaçoninégaleselonlesrégions.Cesdeuxgroupesnesontpashomogènescequiimpliquequecertainsélussontplus ouverts à la société civile et certains groupes de la société civile ont demeilleuresrelationsavec lesélus.Celaexpliqued’ailleurs lavolontédesélusdenommerdesacteursaveclesquelsilsontplusd’affinitéspoursiégersurlesinstancesdegouvernance.

De même, au niveau du développement social, les CRÉ ont aussi pu jouer un rôle pourfamiliariser lesélusaveccesdifférentsenjeux. Ilestclaircependantquel’intérêtpour lesenjeuxdedéveloppementsocialvarieselonlesélusetlesrégions.Danslescasprésentésici,on note le rôle de leaders de certains élus, en particulier les préfets de Charlevoix etCharlevoix-EstetunpréfetdelaVallée-du-Haut-Saint-Laurent.

Chacune des quatre régions étudiées possède une table des préfets.Dans ces régions lesélusontretravaillélacompositionoulemandatdecettetablepoursedoterd’uneinstancepropre de gouvernance mieux adaptée au nouveau contexte. Dans le Bas-Saint-Laurent,l’instancecomposéedeshuitpréfetsapris lenomdeConseilrégionaldedéveloppement.ChaqueMRCamisunmontantde20000$pour financer ladirectionet le secrétariatdecetteinstance.DansLanaudière,laTabledespréfetsaétémodifiéepourinclurelespréfets

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adjointsetlesélusluiontfourniunbudgetde325000$pourfinancerunedirectionetdesprojetsrégionaux.EnGaspésie-Îles-de-la-Madeleine,lesélusontplutôtcrééuneTabledespréfetsélargiequiinclutlesmairesdesgrandesvillesetunreprésentantdelasociétécivile.

Lorsquelesélusacceptentd’allerau-delàdelagouvernancerégionaleentreeux,ilsjouentaussiunrôleactifdans ledéveloppementd’unegouvernancepartagéepar leurouvertureaux propositions de la société civile et par leurs propres propositions et leur leadership.Danslesexpériencesprésentées,lesélusproposenthabituellementunefaibleparticipationdelasociétécivileàuncomitédelaTabledespréfets.Iln’yaquedansleBas-Saint-Laurentoù le Forum Bas-Laurentien, un comité de la Conférence régionale de développement,compte une participation plus significative de la société civile. Dans les deux territoiressupra-MRC étudiés, les élus collaborent avec la société civile comme partenaires oufiduciairesdeladémarche.

2.3.Lanouvellegouvernancerégionale

Lesexpériencesprésentéesnouspermettentd’observercertaines formesdegouvernancerégionaleimpliquant lasociétécivile.Cesformessesituentsuruncontinuumallantd’unegrandeconcentrationparlesélusàunegouvernancepartagée.Lasociétécivilepeutaussichoisir de faire cavalier seul pour se doter d’une instance indépendante de concertationrégionale. Les éléments qui permettent de positionner les formes de gouvernance sur lecontinuum sont le nombre et le poids relatif des représentants de la société civile surl’instancedegouvernance,leurmodededésignation,ainsiquelapluralitédespartenairesetdessecteurssocioéconomiquesreprésentés.

EnAbitibi-TémiscamingueetenGaspésie-Îles-de-la-Madeleine,onretrouveunevolontédesélus de mettre en place une gouvernance régionale territoriale sous leur contrôle. ParexempleenAbitibi-Témiscaminguelesélussouhaitaientcréeruncomitécomptantdixéluset cinq représentantsde la société civilenomméspareux.C’est cedernierélément selonnous qui est le plus caractéristique d’un souhait des élus de contrôler l’instance degouvernance. D’ailleurs ces élus étaient plus ouverts à la proposition de la société civiled’uncomitéparitairequ’à cellede leur laissernommer leurs représentants.EnGaspésie-Îles-de-la-Madeleine,lesélusontmissurpieduneTabledespréfetsélargieaveclesélusdesgrandes villes de la région et un seul représentant de la société civile, nommé par cettedernière.Lepoidsdecereprésentantestlimitéfaceaunombreimportantd’élusprésents.Néanmoins,lasociétéciviles’estvuereconnaîtrelapossibilitédeprésenterdesdossiersàlaTable.Cetypedemécanismepeutcompenserenpartielepeudeplacedelasociétécivile,maisn’augmentecependantpassonpoidsrelatifentermesdepouvoirdedécision.

Entermesdegouvernanceterritorialepartagée,soulignonsenpremierlieuleForumBas-Laurentienquiaétémissurpiedparlespréfetsetquipossèdeunecompositionrappelantcelle des CRÉ: préfets,maires des grandes villes et société civile. C’est l’exemple le plus

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abouti d’une gouvernance régionale partagée dans les expériences présentées. DansLanaudière, les préfets se sont montrés ouverts à mettre sur pied une gouvernancepartagéeetuncomitéconsultatifamêmeétécrééàcettefin.Auniveaudelagouvernancepartagéeendéveloppementsocial,notonsenpremierlieulaConcertationHorizondanslaVallée-du-Haut-Saint-Laurent qui vise le développement social et la réussite éducative.Cetteorganisationquiestsouslaresponsabilitédespréfetsdelarégionpossèdeuncomitédirecteur composé de deux préfets, quatre directeurs généraux de MRC et quatrereprésentantsde lasociétécivile.Lagrandetabledecetteorganisationcompterapoursapart25membresdedifférentesorganisationsduterritoire.Autrecasdefigure,ladémarchededéveloppementsocialintégrédansCharlevoixcompteuneparticipationdespréfets.Lagouvernancedanscecasestpartagéeentredesélusminoritairesdanscettedémarcheetlesinstitutions,lesorganismescommunautairesetlepersonneldesMRC.

En termes d’instance de concertation indépendante des élus, cinq des six cas étudiés enpossèdentousouhaitentenposséderune.Ellepeutsesituerauniveaurégionalcommeuneinstance régionalepouvant asseoir la légitimitéde la société civile et lui permettrede sepositionner par rapport à la nouvelle gouvernance régionale. C’est l’intention en Abitibi-Témiscamingue, en Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine et dans Lanaudière. Elle peut aussi seprésentercommeuneinstanced’actionconcertéeendéveloppementsocial,commeauBas-Saint-LaurentetdansCharlevoix.

En Abitibi-Témiscamingue, la société civile a mis sur pied un Conseil régional dedéveloppement,sanslesélus.Soulignons,quecettecréations’estfaitedansuncontextedetensionaveclesélusetqu’aucunespacedegouvernancen’existaitàl’été2016aveclesélus.Danscecontexte,cettemobilisationendéveloppementterritorialadeladifficultéàfairesaplace car elle n’arrive pas à obtenir la reconnaissance de l’ensemble des acteurs de lasociétécivile.EnGaspésie-Îles-de-la-MadeleineetdansLanaudière,lasociétéciviletravailleàsedoterd’uneinstancepropre.DansLanaudière,cettetabledeconcertationdesacteurssocioéconomiquessevoitcommeunpartenairede laTabledespréfets.Ellepourrait,parexemple,nommerlesreprésentantssiégeantsurlatableconjointe.EnGaspésie-Îles-de-la-Madeleine,l’énergieaétémiseaucoursdeladernièreannéeàasseoirlacollaborationavecles préfets. La mise sur pied de cette instance fait face aussi à l’enjeu du financement.Néanmoins, les partenaires ont exprimé le souhait de posséder une instance autonomepour ne pas revivre la situation de 2014 où le gouvernement a choisi unilatéralementd’abolirlagouvernancerégionale.

AuBas-Saint-Laurent,onpeutconsidérerCOSMOSScommeuneinstanceautonome,mêmesi la Table des préfets est son nouveau fiduciaire. Elle est composée d’un ensemble departenaires régionaux dont un représentant du fiduciaire, qui donnent à la table sesorientations.Demême,dansCharlevoix,ladémarchededéveloppementsocialintégrépeutaussiêtreconsidéréecommeunedémarcheautonome,mêmesielleestsoutenueparune

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agente de laMRC. Là encore ce sont les partenaires qui lui donnent ses orientations. Letableaurésumelagouvernancequel’onretrouvedanslesdifférentsterritoiresétudiés.

Tableau1-Lagouvernancedanslesdifférentsterritoiresétudiés

2.4.Unemeilleuregouvernance?

Dansleurdémarchederestructuration,lesacteursnesouhaitentpasseulementrétablirlestatuquo,maisessaientplutôtd’améliorerlagouvernancesurleurterritoire.Undesenjeuxque l’onretrouvedans lesdifférents territoiresest lasursollicitationdesacteursdueà la

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multiplicationdesespacesdeconcertation.Cesespacesontsouventétécréésdanslecadrede programmes gouvernementaux ou philanthropiques sectoriels et descendants. Il enrésulte fréquemmentunmanquede cohérencedans l’action concertée sur les territoires.C’est essentiellement dans les démarches de restructuration de la gouvernance endéveloppement social que cette question est posée. C’est aussi dans ce secteurspécifiquement que se vit cet enjeu. Dans Charlevoix, la volonté de traiter del’hyperconcertation(Bourque,2008)etenparticulierdudédoublementdesconcertationsentrelesdeuxterritoiresdelarégionestàlabasedeladémarchededéveloppementsocialintégré.Ladémarchead’ailleursmenéà l’arrimagedeplusieurstablesciblantdesenjeuxjeunesse.AuBas-Saint-Laurentetdans laVallée-du-Haut-Saint-Laurent, lesdémarchesdedéveloppement social visent essentiellement une action concertée et cohérente sur leterritoire.Cettecoordinationdel’actionsevitaupalierrégional,maisaussienregarddesdémarches au niveau des MRC. En Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, on expérimente uneapprocheplusintégréeauniveaudesMRC.Cettepréoccupationdecohérenceetd’arrimageestfavoriséeparadoxalementparladiminutiondufinancementquivientdel’abolitiondelaCRÉ, mais aussi du retrait progressif des programmes issus du partenariat entre laFondationChagnonetleGouvernementduQuébec.

Unautreenjeucentraldelagouvernancerégionaleestsarelationaveclagouvernanceauniveau des MRC ou avec ce qu’on peut appeler les démarches locales. Avant leschangements récents, il existait différentes formes de relations entre les démarchesrégionales en développement social et les démarches locales. Certaines concertationsrégionales étaient axées sur des projets régionaux, alors que d’autres se positionnaientdavantage en soutien aux démarches locales (Verreault, Lussier et Bourque, 2016). Larestructurationdelagouvernancerégionalepermetdeciblercettequestion.Chaquerégionpeutidentifierlapartdegouvernancedescendanteouascendanteparrapportaulocalquiluisemblepréférable.DansdesrégionscommeleBas-Saint-Laurent,lesdémarcheslocalessonttrèsactives.Celan’empêchepas larégiond’avoiruncomitérégionaldeconcertationcomposé essentiellement d’acteurs régionaux. D’ailleurs, dans aucune des expériencesrégionalesprésentées, onmentionne laprésencede représentantsdesdémarches localesauniveaudelagouvernancerégionale.DansLanaudière,onnotequelesacteursrégionauxsouhaitentseconcerterentreeux,avantd’intégrerlesacteurslocaux.Ilsembledoncquelesacteurs locaux se trouvent souvent impliqués dans la coproduction des orientationsterritoriales plutôt que dans leur coconstruction, le régional définissant les grandesorientationsetlesacteurslocauxétantimpliquésdansleurmiseenœuvre.

Unautreenjeusoulevédanslesdifférentscasestceluidelaparticipationcitoyenne.Dansplusieurs territoires, on a vu un leadership citoyen se manifester dans la mobilisationautourdelarestructurationdelagouvernancerégionale.EnGaspésie-Îles-de-la-Madeleine,uncitoyensiègesurlecomitéintérimaire.Certainsterritoiressontplusouvertsetd’autresmoinsàlaparticipationcitoyenneauniveaudelagouvernancerégionale.Ilenvademême

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au niveau des démarches plus locales. Dans Charlevoix, des citoyens participent à ladémarche,maisdansleBas-Saint-Laurentonconsidèrequel’onn’apaslesressourcespourinvestirdanscetenjeuetonpréfèreconsulterlescitoyensaubesoin.

Unautreélémentquiressortdescascommeunoutilpermettantd’augmenterlacohérencedel’actioncollectiveestletravailconcertédesagentsdedéveloppement.EnGaspésie-Îles-de-la-Madeleine, un comité de co-accompagnement a été créé qui regroupe desintervenants régionaux, comme la coordinatrice du RESSORT, et des représentantsrégionauxdesbailleursde fonds.Cecomitécoordonne l’accompagnementdesdémarcheslocales. Dans Charlevoix et le Bas-Saint-Laurent, des équipes d’agents regroupant lesorganisateurs communautaires et les autres agents de développement ont étémises surpied pour coordonner l’accompagnement des démarches locales et aussi pour jouer uncertainrôledesensibilisationauprèsdesélus.

2.5.Questionnementssoulevésparlanouvellegouvernancerégionale

Cetteanalysetransversaledessixcasétudiéssoulèveplusieursquestionnementsdontceluidurôledelagouvernancerégionale,delanotiondemunicipalisationdudéveloppementquimetenlumièrelenouveaurôledesélusmunicipaux,etdelaredéfinitiondurôledel’État,ainsi qu’un questionnement sur la redéfinition de la place de la philanthropie. Nousterminons en analysant la façon dont les changements affectent la capacité dedéveloppementdesterritoires.

2.5.1.LerôledupalierrégionalL’analyse expose essentiellement la dynamique des acteurs dans la redéfinition de lagouvernance régionale, ainsi que les différentes formes de structuration de celle-ci. Elleaborde peu la question du rôle de cette nouvelle structure, puisque ces rôles sontactuellementenredéfinition.Lerôledupalierrégionalsedéfinitencomparaisonaveclesrôles des paliers nationaux et locaux. Proulx (2015) présente ainsi les rôles de lagouvernancepubliqueauxpaliersmunicipaux,MRCetrégionaux:

Lesmunicipalités localespossèdent leurraisond’êtredans lagestionpubliquedesbiensetservicescollectifsdebase.Lesrégionsadministrativesont illustréleur efficacité commeairesde gestiondesprogrammesgouvernementaux. Lesterritoires supralocaux MRC exercent les missions d’aménagement, dedéveloppement et aussi de gestion publique de biens et servicesintermunicipaux et non municipaux qui nécessitent à la fois la proximité desclientsetd’importantsbassinsdeceux-ci.(Proulx,2015,p.14-15)

La gouvernance territoriale, incluant la société civile et pas seulement les organismespublics,ancrésdans laconcertationrégionaleet locales’arrimeàcesrôles,maisvaaussiplus loin. Les instances locales de concertation exercent principalement un rôle lié à laplanificationetàlamiseenœuvredeprojetsetdeservicespermettantd’agirsurlesenjeuxlocaux.Encohérenceavecl’analysedeProulx(2015),Communagir(Sansdate)soulignele

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rôledupalierrégionald’articulationentrelesprogrammesnationauxetlesbesoinslocauxet régionaux: «en facilitant la cohérence (et l’adaptation) des grandes politiques, desprogrammes,desmoyensetdesattentesdéployésparlenational,d’unepart,etdesbesoinset attentes du régional et du local, d’autres part» (Communagir, SD, p.1). Ainsi, le palierrégionalsertàl’harmonisationentreleslogiquessectoriellesdéployéesparl’Étatàtraverssesdifférentesmissionsetlalogiqueterritorialedupalierlocaloulesenjeuxsontvécusdefaçonintégrée.Mêmesilepalierrégionalestsouventstructuréselonunmodèlesectorieletselonlesmissionsdesdifférentsministères, ilpeutplusfacilementquel’Étatadopterunepostureterritoriale.

Lerôledupalierrégionalneselimitecependantpasàcetravaild’articulation,ilintervientaussi au niveau de la coordination de l’action régionale et du développement régional.Communagirsoulignelerôletraditionneldupalierrégionalcommeplanificateurquivoitàla cohérence du développement régional, à la planification et lamise enœuvre d’actionsrégionales et comme expert qui développe une compréhension des problématiques etsoutient le local dans la mise en œuvre d’interventions spécialisées liées à cesproblématiques. Communagir considère que ce rôle est en évolution et que le palierrégional jouedeplusenplusunrôlede facilitateurenconservantsesrôles traditionnels,maisenjouantplusieursautrestell’orientation,lacohérence/arrimage,laqualification.Cerôledefacilitateursejoueàdeuxniveauxsoitauniveaudel’articulationnational-régional-localetdanslesoutienàl’actionlocale.FortinetBrassard(2016)soulignentaussilerôledemobilisationdes ressources jouépar lesCRÉauniveau régional. Il existehistoriquementune certaine confusion sur les rôlesdupalier régionalpar rapport aupalier local (MRC),confusionquicréeunetensionentrecespaliers.Ilestdifficiledediredansquellemesurelanouvellegouvernancerégionaleseraenmesuredeclarifierdesquestionsetde jouersonrôledefaçoneffective.Onpeuts’attendreàunegrandediversitédanslepositionnementetl’efficacitédecettegouvernancedanslesdifférentesrégions.

Notons aussi que le portrait réalisé ici représente le point de vue d’acteurs régionaux etqu’auniveaulocalplusieursacteursnesouhaitentpasd’instancerégionale.Ilsn’envoientpas la pertinence et sont en compétition avec le régional pour les ressources deconcertationetdedéveloppement.

2.5.2.LamunicipalisationdudéveloppementSelon Chiasson (2015), les réformes actuelles remettent en question le «modèlequébécois»dedéveloppementbasésur«lareconnaissancede lasociétécivilecommeunpartenaire privilégié et la redéfinition du rôle de l’État comme un “accompagnateur”»(Chiasson,2015,p.38).EncontinuitéaveclacréationdesCRÉparlegouvernementlibéralde Jean Charest, elles démontrent «une volonté de remettre le développement dans lesmainsdeséluslocauxetdemieuxle«localiser»danslepouvoirmunicipal.C’esttoutàfaitdans le sens de ce que Jean-François Simard et Yvon Leclerc (2008: 39) qualifient de

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«municipalisationdudéveloppement» (Chiasson, 2015,p.39). Commenous l’avonsnoté,cesréformessefontaudétrimentdelacapacitéd’actionetd’influencedelasociétécivile.

Lemilieumunicipal devient donc le nouvel interlocuteur privilégié du gouvernement. LeProjet de loi 122 fait de la Table Québec-Municipalité «l’instance privilégiée deconcertationentrelegouvernementetlemilieumunicipal»(Québec,2016,art.176).DanslesnotesexplicativesduProjetdeloi,legouvernementsedonne,parexemple,l’obligationde «consulter le milieu municipal lors de l’élaboration de ses orientationsgouvernementalesenmatièred’aménagementduterritoire»(Québec,2016,p.2).LesMRCdeviennent lesnouveaux interlocuteurs«régionaux»dugouvernementet remplacent lesCRÉ à la Table Québec-Région (MAMOT, 2016). Néanmoins, cette municipalisation dudéveloppementsefaitsansréelsmoyensfinanciersd’agir.C’estcequifaitdireàChiasson(2016: 40) que «les réformes Couillard semblent représenter un recul par rapport à lavolonté de l’État québécois d’assurer son rôle de “catalyseur”, en particulier auprès desmilieuxplusdévitalisés».

Le recul de la participation de la société civile dans la gouvernance du développementrégionaletlocalposelaquestiondel’effetdesréformesactuellessurladémocratisationdudéveloppement. On peut penser que la décentralisation des responsabilités dedéveloppementetl’augmentationdespouvoirsdesmunicipalitésrapprochentlepouvoiretles décisions des citoyens. Les réformesde la Loi découlant duProjet de loi 28 (Québec,2015) sont d’ailleurs saluées par Solidarité rurale duQuébec (2015: 14) qui «considèrequeleterritoiredeMRCestceluiquicorrespondlemieuxaumilieudeviedescitoyens».Néanmoinsl’absencedecadrefavorisantlaparticipationdesacteursetdescitoyenspermetdecroire«quedespratiquespeuventalorssedéployerselonlebonvouloirdeséluslocauxouselondesréflexesdepratiquesobsolètesassurémentbienintentionnées,maissouventdéficitaires sur leplandesprocessusdémocratiques» (Richard, Lachapelle etBourque, àparaître,p.34).LaPolitiquenationaledelaruralité(Québec,2013),abolieen2015etdontlessommessontmaintenantfusionnéesdansleFDT,présentaituncontre-exempleàcettesituation.Ellegénéraitdesimpactspositifsenrégulantlaparticipation.Elleoffraituncadrefavorisant l’action concertée des municipalités et la consultation et la mobilisation dumilieutoutenlaissantunegrandemargedemanœuvresurlesprojetsfinancés.Deplus,«surleplandeladémocratieparticipativeetdélibérative,lesdernièrestransformationsnestructurentenrienninerégulentenrienlaparticipationcitoyennepuisquelaplupartdesespaces qui permettaient l’expression de ces formes démocratiques ont été abolis outransformés » (Richard, Lachapelle et Bourque, à paraître, p.33). Le retrait de la sociétécivile des structures de développement (CRÉ et CLD) amène aussi une perte d’expertisemajeure pour le développement. La société civile se spécialisant dans des domainesparticuliers, elle est enmesure d’alimenter les élusmunicipaux qui possèdent pour leurpartune responsabilitéetune imputabilitéenvers l’ensemblede lapopulation.Ce retraitréduit ainsi la diversité des perspectives permettant d’appréhender la complexité des

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enjeux, ce qui est un «passage obligé pour qu’une gouvernance soit partagée dans uneperspectivederenouvellementdeladémocratieparticipativeetdudéveloppementintégrédesterritoires»(idem,p.28).

Lamunicipalisationdudéveloppementsefaitaussi,commenousl’avonsvu,audétrimentd’uneapprocheconcertéeauniveaurégional.L’absencedecadredevientunenjeuautantau niveau régional qu’au niveau local. La nouvelle gouvernance au niveau des régionsadministrativesseratributairedel’ouverturedesélusàtravaillerdefaçonconcertéeentreeuxetaveclasociétécivile.Lesélusontunrôlecentralàjouerdanslenouveauparadigmede gouvernance régionale dans la façon dont ils s’approprieront leurs nouvellesresponsabilités de développement économique, de même que dans leur choix des’approprier ou non la responsabilité du développement social. Cela passera par leurcapacité à rendre disponible des ressources pour se coordonner au niveau régional etfinancerdesprojets collectifs.Celapasseraaussipar leur choixdemaintenir enplaceounondesagentsdedéveloppementrégionaletlocal.Etpluslargement,c’estleurouvertureàlasociétécivileetleleadershipdontilssaurontfairepreuvepourmobiliserl’ensembledesacteursquiauraunimpactsur ledéveloppementconcertéde leurrégion.Onperçoitdéjàunegrandediversitéfaceàcetenjeudanslescasétudiésici.

2.5.3.UneplacerenouveléepourlaphilanthropieLa question de la place des fondations, et en particulier de la Fondation Lucie et AndréChagnon(FondationChagnon),estabordéedefaçonmarginaledanslessixcasétudiésici.Deux des six cas avaient reçu un appui dans le cadre du programme de cette Fondationvisant à faciliter la transitiondes instances régionalesde concertationendéveloppementsocialetenréussiteéducativesuiteà l’abolitiondesCRÉ.Deplus, le retraitprogressifdecettefondationdesonpartenariatavecl’Étatpourlefinancementdefondsvisantàappuyerl’action intersectorielle et concertée sur les enjeux des saines habitudes de vie, de laréussiteéducativeetdusoutienàlapetiteenfanceestunélémentparticulieraussidanslecontexteactuel.Ceretraitvients’ajouteràceluidel’Étatdanslesoutienàlaconcertationrégionale et au développement social. L’hyperconcertation renforcée dans plusieursterritoiresparl’arrivéedecesfondsdanslesdernièresannéesestaussiunenjeuidentifiéparlesacteursdanslaredéfinitiondeleurgouvernancerégionale.

Le retrait de la Fondation Chagnon du partenariat avec le Gouvernement du Québecs’inscrit dans une volonté de redéfinir son action en soutien aux acteurs du milieu. EnGaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent, les fonds de gestions liés à la Fondation Chagnonexpérimentaient déjà une approche plus intégrée en appui aux priorités locales etrégionales.LanouvellePolitiquedefinancementdeprojets(2016)decettefondation,mêmesi elle est encore très préliminaire, entend s’inscrire dans une approche plus flexible ensoutien aux territoires en concentrant son soutien dans les milieux défavorisés, ensoutenantdifférentesconfigurationsdeterritoires,ens’inscrivantdansuneapprocheplus

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globale et intégrée auprès des jeunes et en établissant une relation respectueuse avec lemilieu.

Lamajoritédescasétudiésbénéficiaitàlafinde2016d’unnouveausoutiendelapartdecetteFondation.Cettedernièreentendétendresonsoutiendanslesprochainesannéesàunnombreimportantdeterritoires.

2.5.4.UndéveloppementinégalLeschangementspolitiquesactuelsontdesimpactsinégauxselonlesrégions.Lesgrandesvilles du Québec sont beaucoup moins affectées par l’abolition des structures deconcertationrégionaleetparladiminutiondesressourcesdisponibles,commelesouligneChiasson(2016,p.41):

Les plus grandesmunicipalités urbaines qui ont accès à une richesse foncièrerelativement importante sont passablement moins dépendantes sur lestransferts gouvernementaux pour prendre des nouvelles responsabilités enmatière de développement régional. C’est bien différent pour bien des petitesmunicipalités rurales pour qui les fonds provenant de Québec sont essentielspourassurerunecertaineactionenmatièrededéveloppementrégional.

Au-delàdelaseuletailledelapopulation,lesterritoirespossèdentdescapacitésdifférentesde développement. Leur base économique, leur niveau d’éloignement ou encore ladynamique des acteurs viennent influencer cette capacité. Depuis les années1960, l’Étatquébécois joue un rôle important pour favoriser un développement plus équitable desdifférents territoires. LaLoipourassurer l’occupationet lavitalitédes territoires (Québec,2012)vacomplètementdanscesens.Néanmoins,lespolitiquesactuellesdonnentàpenserquel’Étatsedégagedecerôlederégulation,commelenoteChiasson(2015,p.41):

Cettenetteimpressionquelegouvernementsedésengageenversleprincipedel’«occupation dynamique du territoire» et les municipalités dévitalisées estfortement renforcée par le fait que le gouvernement a abandonné la Politiquenationale de la ruralité et n’a pas renouvelé le Plan d’action en appui auxmunicipalités dévitalisées (Vachon, 2015), tous deux des mesures qui donnait[sic] des moyens d’action aux municipalités locales et les MRC dans descontextesdedéfavorisation.

Ce changement deposturede l’État québécois impliquerait une cassure avec le «modèlequébécoisdedéveloppement»quiimpliquaitunrôleactifdelapartdel’Étatquébécoisensoutien au dynamisme des acteurs du territoire, et en particulier des territoires plusdévitalisés (Chiasson, 2015). Au-delà de l’abolition de certains programmes spécifiques,c’estlaréductiondutransfertderessourcesallouéesaudéveloppementdelapartdel’Étatqui semble caractériser ce retrait. Les ressources transférées aux municipalités, enparticulier le FDT, possèdent toujours un certain niveau de pondération favorisant lesmunicipalitésmoinsdéveloppées(Québec,2015a).Cechangementnesembledoncpasse

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concrétiser par une politique de péréquation inégalitaire, mais plutôt par un retrait desressourcesdisponibles.

Cechangementsecaractériseaussi,etsurtout,parleretraitd’unespacederégulationentreles territoires. Les CRÉ permettaient une certaine forme de redistribution entre lesMRCd’unterritoire.Certainscadresliésàdespolitiques,parexemplelaPolitiquenationaledelaruralité(2013),impliquaientuneredistributiondesressourcesentrelesmunicipalitésd’unterritoire.L’absenced’espacederégulationremetcetteresponsabilitéentrelesmainsdeséluslocauxetgénéreraunniveauderedistributionvariableselonlesrégions.Commenousl'avonsvu,leFARRneconstituepasunmouvementinversecariln'appuiepasdesprojetsrégionaux,maisseulementdesprojetstouchantplusd'uneMRC.

Au-delà des capacités financières, d’autres éléments viennent influencer le possibledéveloppementinégaldesterritoires.Onpeutsedemanderquelseral’impactdutransfertdepouvoirverslesMRCetsoncorolaire,laréductiondupouvoird’influencedelasociétécivileetdesprofessionnelsdudéveloppement,enparticulierceuxquiétaientliésauxCRÉ.La société civile et les professionnels de développement apportent une expertise en lienaveclesenjeuxetlesdémarchesdedéveloppement.Lamarginalisationdelasociétécivileimpliquera obligatoirement une perte d’expertise. La diminution du nombre d’agents dedéveloppementdanslesterritoiresrégionauxetlocauxauraaussiunimpactsurlacapacitéde développement collectif. On peut se demander également si la concentration desresponsabilités de développement entre lesmains des élus ne risque pas de politiser lesdécisionsdedéveloppement,enparticulieràl’intérieurducadreélectoraldequatreansquiencadrelesmandatsdesélus.

Enplusde la réductiondesressourcespar l’État, leschangementspolitiqueset législatifsactuelsontunimpactsurl’engagementdesinstitutionspubliqueslocalesetrégionalesdansle développement concerté des territoires. Dans les cas étudiés ici, on perçoit un niveauvariabled’unerégionà l’autrede l’engagementdesprincipauxacteurs institutionnelsquesont les CISSS/CIUSSS, les commissions scolaires, les centres locaux d’emploi et certainsministères. La variabilité dans l’engagement de ces acteurs est préoccupante, car ellesoulèveunrisquededésengagementetunepertedecohérencedel’actionpublique.

Finalement,lacapacitédedéveloppementd’unterritoirenesebasepasseulementsurlesressources disponibles, mais aussi sur la capacité des acteurs à travailler de façoncoordonnée pourmettre à profit ces ressources. La concentration des responsabilités dedéveloppement entre les mains des élus locaux n’est pas d’emblée favorable audéveloppement d’une action concertée avec l’ensemble des acteurs. La capacité d’actioncollective dépendra, comme nous l’avons montré, de la volonté des élus à travailler encollaboration entre eux et avec la société civile. Cela générera une variation importanteentre les territoires. Par exemple, on perçoit une situation de blocage en Abitibi-

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Témiscamingueen2015danslarestructurationdelagouvernanceenraisondeladistanceentrelesélusetlasociétécivile.Aucontraire,d’autresrégionscommeleBas-Saint-LaurentetlaVallée-du-Haut-Saint-Laurentsontenpositiond’agirdefaçonconcertée.Lesterritoiresqui, à travers une compréhension de la valeur ajoutée de l’action concertée, choisirontd’agirdefaçonsolidaireaméliorerontleurcapacitéd’action.

Enanalysant les sixexpériencesprésentées,onpeut faire l’hypothèseque le transfertdupouvoir de développement vers les MRC, sans ressources adéquates ni encadrement etaccompagnementappropriés,généreradesinégalitésdanslescapacitésdedéveloppementdesdifférentsterritoires.Lesterritoiresquisaurontréunirunecapacitédecollaborationetd’organisation de l’ensemble des acteurs, seront favorisés par rapport à ceux qui neréussiront pas à organiser l’action collective de façon efficace. De plus, au-delà de lacapacité de développement des territoires, c’est la question de la capacité dedéveloppementdémocratiquedes territoiresqui sepose.Lamarginalisationde la sociétécivile et l’absence de balise pour la participation citoyenne font courir le risque de voirémergerundéveloppementquineprendpasencompteleurspréoccupations.Notonsparexemple, les changements apportés par le Projet de loi 122 qui veut permettre aux élusmunicipauxd’identifierdeszonesoùlescitoyensneserontplusenmesuredebloquerdeschangementsdezonageoudesrèglementsd’empruntaumoyenderéférendum(Dutrisac,2017).Ilestprobablequecetypedemesurefaciliteletravaildedéveloppementdesélus,maismoinssoncaractèredémocratique.

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CONCLUSION

Cetétatde situationpartiel soulèveuncertainnombredequestions sur le rôledupalierrégional, le nouveau rôle des élus, de l’État et de la philanthropie, ainsi que sur lesconséquencesdeschangementsactuelssurladémocratisationdudéveloppement,ainsiquesurl’équitéentrelesterritoires.Leschangementsactuelsvontavoirunimpactàlongtermesurlafaçonderéaliserledéveloppementdesterritoires.Onpeuts’attendreàvoirémergerun développement inégal entre les territoires, ainsi qu’un développement prenant encomptedefaçoninégalelespréoccupationsdesacteursdelasociétécivileetdescitoyens.Ilest probableque la société civile seraplus àmêmede faire entendre sespréoccupationsdans les régions où elle aura réussi à instaurer une gouvernance partagée avec les élus.Certains territoires ont clairement plus de succès que d’autres dans lamise en place decette nouvelle gouvernance partagée. Pour certains, il faudra attendre avant de voirl’aboutissement du travail des acteurs. Néanmoins, il est clair que la capacité d’actionconcertéevarieragrandementd’unerégionàl’autre.

L’abolitiondesCRÉetl’augmentationdesresponsabilitésdedéveloppementdesMRCavecmoins de moyens financiers ont été dans un premier temps déstructurantes pour lesrégionsetlesterritoiresdeMRC.Lapertedesleviersfinanciersdedéveloppementetd’unespace de gouvernance reconnu vient limiter grandement la capacité de développementdémocratique et intégré des régions.Notons cependant que cemoment de transition estpropice à l’innovation sociale comprise comme la capacité des acteurs à inventer denouvelles façons de répondre aux enjeux collectifs. Les formesde gouvernance régionalepourrontdansplusieurscasmieuxreprésenter laréalitédes territoireset,peut-être,êtreplus efficaces. Dans tous les cas étudiés, on assiste à une volonté de prise en chargecollectivedelagouvernancedesterritoiresdelapartdesacteurs,dontlasociétécivile.

La période de changement ayant initié cette restructuration n’est pas terminée. LegouvernementduQuébecvientd’annoncerunnouveauFondsd’appuiaurayonnementdesrégions. «LeFARR,dotéà terme [en2021]d’uneenveloppeannuellede100millionsdedollars, visera à soutenir lamobilisationainsique la coordinationdes élus locauxautourd’initiatives ayant un rayonnement régional. Le gouvernement entend appuyer laconcertation à l’échelle régionale pour la concrétisation de projets de développementéconomique dont les retombées dépassent les limites territoriales d’une seule MRC»(Québec, 2016b). Cette annonce s’inscrit dans une période de réinvestissement par legouvernementenplace.Elle est cohérenteavec sonapprochededonnerplusdepouvoirauxMRCenmettantl’emphasesurledéveloppementéconomique.

Cetétatdesituationet l’analysetransversalesesituentdansuncontextedechangementsimportants pour les territoires. Ils apportent des connaissances et des éclairagesparticulierspourmieuxcomprendrecommentlesacteursdecertainsterritoiresfontfaceà

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ces changements. Ilmet en lumière l’importance pour les acteurs d’avoir des espaces degouvernance régionale leur permettant de se donner des orientations conjointes et detravaillerensemblepourledéveloppementdeleurrégionetdeleurterritoire.

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