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www.enass.fr l’Enass Ecole nationale d’assurances Societas Europaea, mutuelle européenne : sésames ou chimères de l’assurance ? Pierre-Emmanuel CHALVIN

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l’EnassEcole nationale d’assurances

Societas Europaea, mutuelle européenne :sésames ou chimères de l’assurance ?

Pierre-Emmanuel CHALVIN

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier également toutes les personnes qui, directement ou indirectement, m’ont

apporté leur concours. Je pense tout particulièrement à :

• Madame Noëlle LENOIR, Ministre des affaires européennes (2002-2004), membre du

Conseil constitutionnel (1992-2001), membre du Conseil d’Etat depuis 1984, avocate au

barreau de Paris, pour le temps précieux qu’elle m’a consacré, la pertinence de ses

propos, ses conseils avisés et sa bienveillance.

• Madame Catherine CATHIARD, avocate au barreau de Paris, pour son approche

opérationnelle et pratique de la Société européenne.

• Monsieur Didier PORACCHIA, Professeur agrégé en droit, Directeur de l’Institut de

Droit des affaires de la faculté d’Aix-Marseille, pour ses précieux conseils.

• Madame Anita WIEJA, Membre du Cabinet du Commissaire Michel BARNIER, DG

pour le marché intérieur et les services, pour ses multiples contacts.

• Monsieur Apostolos IOAKIMIDIS, Administrateur principal, DG Entreprise et industrie,

Unit D4, SBA and SME Policies - Cooperatives, Mutuals, Social Entreprises, Family

Businesses, pour son intéressante vision de la mutualité européenne.

• Monsieur Adam CAMOU, Responsable Solvabilité, Expertise, Finance chez Malakoff-

Médéric, pour ses précieux éclaircissements sur Solvabilité II.

• Monsieur Jérôme DEROULEZ, Conseiller à la Représentation permanente de la France

auprès de l’Union européenne.

• Madame Catherine HOCK, VP International relations au sein de l’International

Cooperative and Mutual Insurance Federation (ICMIF).

• Monsieur Patrick BEZIER, Directeur général d’AUDIENS.

J’exprime ma reconnaissance à Monsieur Patrick THOUROT, pour le temps qu’il m’a consacré,

son éclairage pertinent et sa vision stratégique du pilotage des groupes d’assurance, ainsi qu’à

Anne RAMIN et Martine MAILLARD pour leur professionnalisme.

J’ai également une pensée pour mes condisciples de la promotion 2011-2013.

Je remercie chaleureusement Marlène, ma compagne, pour ses encouragements et son soutien.

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SOMMAIRE REMERCIEMENTS ....................................................................................................................... 2 RÉSUMÉ ET MOTS CLÉS ..................................................................................................................... 4 EXECUTIVE SUMMARY AND KEY WORDS .......................................................................................... 5 INTRODUCTION ........................................................................................................................... 6 PARTIE 1 LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE, UN OUTIL STRATÉGIQUE POUR LES ASSUREURS ? ............ 12

I. Des modalités de création adaptées au développement européen des assureurs… ........... 13 1 Conditions ................................................................................................................ 13 2 Modes de création .................................................................................................... 14

II. … qui permettent une implication des salariés ................................................................. 31 1 Le dialogue avec les partenaires sociaux ................................................................. 31 2 L’accord avec les partenaires sociaux ...................................................................... 34

III. … en préservant une Gouvernance classique .................................................................... 36 1 Capital ...................................................................................................................... 36 2 Siège social .............................................................................................................. 36 3 Organes sociaux ....................................................................................................... 37 4 Actionnaires ............................................................................................................. 40

IV. … sans conséquences fiscales dommageables .................................................................. 42 1 SE et mobilité ........................................................................................................... 43 2 SE et fiscalité des bénéfices ..................................................................................... 47

PARTIE 2 LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE, UN OUTIL AU SERVICE DES ASSUREURS ? ........................ 49 I. Un dispositif d’essence européenne… .............................................................................. 49

1 Une personnalité juridique européenne.................................................................... 50 2 Une référence aux textes nationaux sans doute trop marquée ................................. 53 3 Un atout de taille : la mobilité .................................................................................. 58

II. … qui répond aux besoins spécifiques assurantiels .......................................................... 62 1 Enjeux financiers : la fongibilité des fonds propres, un enjeu capital ..................... 65 2 Les obligations de communication .......................................................................... 68 3 La supervision de groupe ......................................................................................... 71 4 La complexité de la gestion de risque ...................................................................... 77

PARTIE 3 LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE, UNE RÉFÉRENCE POUR LA MUTUELLE EUROPÉENNE ? .... 81 I. Les Spécificités du monde mutualiste… ........................................................................... 81

1 Un secteur éclectique… ........................................................................................... 81 2 … profondément ancré dans l’économie sociale et solidaire .................................. 86

II. … justifient l’élaboration d’un statut de mutuelle européenne ......................................... 87 1 Une réelle volonté politique… ................................................................................. 87 2 … Qui souligne les problématiques posées par ce statut… ..................................... 90 3 … pour favoriser les opérations transfrontalières .................................................... 92

III. des préconisations fondées sur l’expérience passée .......................................................... 93 1 La définition et le champ d’application de la Mutualité .......................................... 93 2 La Gouvernance ....................................................................................................... 95

CONCLUSION ................................................................................................................................ 102 TABLE DES MATIÈRES ................................................................................................................... 104 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................ 106 ANNEXES ................................................................................................................................ 110

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RÉSUMÉ ET MOTS CLÉS

Après avoir mis en place le Marché unique de l’assurance en Europe, les Institutions européennes cherchent à renforcer le cadre européen de l’assurance, notamment avec la Directive Solvabilité II. Or, dans ce contexte législatif d’une rare effervescence, tous les opérateurs du secteur assurantiel ne disposent pas des mêmes outils pour y faire face, alors même que tous se livrent une bataille féroce. Dès lors, il est logique que tout assureur mette en œuvre une stratégie de développement international de ses activités et se dote de structures juridiques capables de répondre aux enjeux à venir. A ce titre, la Société européenne dispose d’atouts indéniables pour le secteur de l’assurance. Tout d’abord, le label européen confère à cette structure un attrait jamais démenti en pratique, car la Société européenne permet une réelle européanisation de la gouvernance. Cette véritable « nationalité européenne » ne serait rien si elle n’était pas associée à une mobilité totale sur le territoire européen, qui plus est avec une neutralité fiscale attractive. De plus, les contraintes prudentielles portées par la Directive Solvabilité II vont considérablement alourdir les obligations des assureurs, de sorte qu’il sera nécessaire de rationaliser l’organisation et la gouvernance des groupes, de façon à améliorer la gestion de leurs risques tout en s’attachant à assurer une fongibilité optimisée de leurs capitaux. Le passage en Société européenne a permis à certains assureurs de réaliser des économies substantielles sur leurs coûts de gestion. Ensuite, la Société européenne peut parfaitement répondre à la stratégie de croissance externe et de restructurations internes des groupes d’assurance. Si l’impossibilité de créer une Société européenne ex nihilo est regrettable, les modalités de constitution de la Société européenne sont suffisamment larges pour répondre à chaque orientation stratégique, quelle que soit l’implantation des groupes d’assurance sur le territoire européen. La création d’une telle structure juridique permet d’impliquer les salariés puisqu’il est fait obligation de créer un Groupe Spécial de Négociation (GSN), basé sur un dialogue social constructif. Enfin, les acteurs mutualistes, qui ne se reconnaissent pas pleinement dans une structure capitalistiques, revendiquent la création de la Mutuelle européenne. Or, le monde mutualiste, fortement ancré dans l’économie sociale et solidaire, est protéiforme et éclectique, aussi bien France qu’en Europe où l’on recense une quarantaine de formes juridiques différentes. Toutes partagent des valeurs et des principes, tels que l’indépendance, la solidarité, la gouvernance démocratique ou l’absence de but exclusivement lucratif, qui constituent l’ADN à partir duquel un modèle de Mutuelle européenne doit être bâti. Une réelle volonté des instances politiques favorisera sans doute la création d’une telle structure juridique qui permettra au secteur mutualiste de lutter à armes égales avec les compagnies d’assurance, au moins sur le terrain des structures juridiques.

Mots clés : société européenne, societas europaea, mutuelle européenne, mutualité, assurance, réassurance, Solvabilité II, gouvernance, stratégie, restructuration, mobilité transfrontalière, fusion

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EXECUTIVE SUMMARY AND KEY WORDS

After setting up the single Market of insurance in Europe, the European Institutions strengthen the European frame of the insurance, in particular the Solvency II Directive. Yet, in this exciting legislative context, all operators of the insurance sector do not have the same tools to face it, even though all are engaged in a wild economic battle. Therefore, it is logical that every insurer implements a strategy of international development activities and acquires legal structures which can answer the previous stakes. In this respect, the European Company has undeniable advantages for the insurance sector. First, the European label conferes on this Company attraction never denied in practice, because the European Company provides a real Europeanisation of the corporate governance. This real "European citizenship" would be nothing if it was not associated with total mobility in the European territory, besides with an attractive tax neutrality. Furthermore, prudential framework of the Solvency II Directive will significantly going to weigh down the obligations of the insurers. It will be necessary to rationalize the organization and governance of the groups, in order to improve the management of their risks and optimize the fungibility of their capital. The transition into a European Company has allowed some insurers to realize substantial savings on their management costs. Then, the European Company can perfectly meet the external growth strategy and internal restructuring of insurance’s groups. Despite it is impossible to create ex nihilo a European Company, the methods of constitution of the European Company are wide enough to satisfy every strategic plan, whaterver is the setting of insurance groups in the European Union. The creation of such a legal structure permits to involve the employees through the Special Group of Negociation, based on a constructive social dialog. Finally, the mutualist stakeholders, who do not fully recognize themselves in a capitalistic structure, claim to create the European Mutual. But the mutualist world, strongly anchored in the social and solidarity economy, is eclectic, both in France and in Europe where does exist forty different mutualist legal forms. All share values and principles, such as the independence, the solidarity, the democratic governance or the absence of exclusively lucrative objective, which constitute the DNA from which a model of European Mutual must be built. A willingness of the political authorities will doubtless favor the creation of such a legal structure that will enable the mutualist sector to compete on an equal termes with the insurance companies, at least on the ground of the legal structures.

Key words : European company, societas europaea, European Mutual, mutuality, insurance, reinsurance, Solvency II, corporate governance, strategy, restructuring, cross-border mobility, merger

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INTRODUCTION

Le Marché français de l’assurance a connu de profondes mutations au cours des dernières

décennies. Aux vagues de restructurations et fusions ayant donné lieu à la naissance de plusieurs

acteurs significatifs, tels qu’AXA, CNP, Predica, Groupama, Harmonie Mutuelles ou AG2R La

Mondiale, pour ne citer que certains d’entre eux, ont succédé le boom des nouvelles

technologies, l’avènement de bancassureurs et l’arrivée d’acteurs internationaux, notamment en

provenance des autres pays de l’Union Européenne et des USA. Aucun des acteurs français de

l’assurance, qu’il s’agisse des sociétés, des mutuelles ou des institutions de prévoyance

n’échappe à cette concurrence exacerbée.

La construction européenne n’est pas étrangère à ces évolutions. Ainsi, les trois premières

Directives européennes adoptées entre 1974 et 1992 ont conduit à l’adoption du passeport

européen unique et au système de contrôle prudentiel par le pays d’origine. Cet arsenal législatif

avait pour but de permettre aux entreprises de commercialiser leurs produits dans d’autres Etats

de l’Union européenne par le truchement de la libre prestation de services ou de la liberté

d’établissement. Ainsi, chaque consommateur peut solliciter des prestations assurantielles auprès

de toute entreprise d’assurance agréée dans un Etat de l’Union Européenne.

Cette vision d’un marché unique de l’assurance, la Commission européenne en a fait un objectif

prioritaire. Les différents acteurs en ont pleinement conscience et on intégré cette dimension

dans leurs stratégies de développement. En 2007, Jean AZEMA énonçait que « (…) demain nous

n’aurons plus une somme de marchés [nationaux], mais un marché européen de l’assurance1. »

Dans ce contexte, et après une cinquantaine d’années de riches discussions, de débats parfois

houleux, de propositions ambitieuses suivies de voltefaces, de construction législative jalonnée

d’atermoiements, les défenseurs de la « societas europaea » connurent, le 8 octobre 2001, une

joie à la hauteur de leurs espérances : la publication du Règlement n° 2157/2001 complété par la

Directive 2001/86/CE marquait la création de la « societas europaea ».

1 Argus de l’assurance, 2007, Jean AZEMA, Directeur général GROUPAMA

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Si cette gestation fut l’une des plus longues de l’histoire de la construction européenne, il faut

bien admettre que cela tient principalement à l’ancrage de la culture d’entreprise dans le

patrimoine de chaque Etat, tant dans ses aspects juridiques, fiscaux ou sociaux que dans sa

dimension managériale. La création d’une société de droit européen avait été perçue comme un

abandon de souveraineté, à l’image de la monnaie unique, l’Euro. Dans les deux cas, seule une

volonté politique d’Etats influents, la France et l’Allemagne en l’occurrence, a permis

l’avènement de ces deux dispositifs.

Ainsi, cette nouvelle forme sociétale existe depuis 2004 dans le droit positif français. Cet outil

juridique donne aux entreprises qui opèrent dans plusieurs États membres de l’Union européenne

la possibilité de se constituer en société de droit communautaire et d'évoluer comme un opérateur

unique dans toute l'Union, en appliquant un jeu unique de règles et un système unique de gestion

de l'entreprise et de publication de l'information financière.

Après un démarrage timide, plus de 1730 sociétés ont adopté cette forme juridique en Europe2,

principalement en République Tchèque et en Allemagne. S’il est indéniable que ce nombre

semble peu en adéquation avec le nombre de candidats potentiels, la « societas europaea »

constitue aujourd’hui un indéniable moyen de développement à l’international des assureurs et

réassureurs.

En effet, la création de la monnaie unique a supprimé tout risque de fluctuation des taux de

change, facilitant ainsi la mise en œuvre d’opérations de fusions-acquisitions à l’intérieur du

Marché européen.

De plus, la quasi-totalité des dispositions légales applicables sont d’origine européenne, de sorte

que l’ensemble des sociétés de l’Union se voient appliquer des contraintes opérationnelles de

plus en plus proches, pour ne pas dire identiques, dans certains domaines, tels que les obligations

sociales, les normes comptables, les évolutions de capital et autres opérations de haut de bilan

(fusions, scissions).

L’harmonisation constatée dans les différentes Directives publiées depuis les années 60 permet

de définir un socle sur lequel la societas europaea s’appuie. Dans le domaine boursier, les

Directives n° 2003/71/CE, dite « Prospectus », qui permet la publication d’un seul prospectus sur

le territoire Européen en cas d’appel d’émission de titres sur un marché réglementé, et n°

2004/109/CE, dite « Transparence », qui renforce la protection des actionnaires, ont

2 Source : ETUI, « The ETUI’s european company (SE) database ». Nombre de SE au 26 mars 2013 : 1734, contre 1112 SE au 1er mars 2012

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profondément remanié les obligations des groupes cotés, tout en renforçant l’intérêt que peuvent

susciter d’éventuelles opérations transfrontalières, parmi lesquelles la societas europaea. Ainsi,

les groupes Chubb, Allianz et SCOR ne s’y sont pas trompés et ont adopté cette forme juridique

tandis que Hannover Re, qui avait annoncé en avril 2012 l’adoption prochaine de ce statut, vient

de finaliser le projet. Ulrich Wallin, président du directoire de Hannover re SE, a précisé que

« cette nouvelle forme juridique donne de la visibilité à la perception entrepreneuriale d'un

groupe européen dotés d'activités d'envergure mondiale ».3

Si les structures capitalistiques disposent d’un outil juridique depuis maintenant une dizaine

d’années, il en est tout autrement pour les groupes mutualistes et paritaires. En effet, les

différents acteurs de ce secteur de l’Economie sociale et solidaire, qui se singularisent

notamment par l’absence de capital social, ne peuvent adopter la Société européenne pour loger

leurs activités assurantielles « cœur de métier ». Les associations et fédérations professionnelles

représentant ce secteur, ainsi que les acteurs eux-mêmes, appellent de leurs vœux et militent en

faveur de l’adoption d’un tel statut qui leur permettrait de développer leurs activités au-delà des

frontières nationales sans avoir à créer de filiales capitalistiques, dont l’essence même est peu en

rapport avec les principes et valeurs mutualistes, et de mettre fin à une réelle distorsion de

concurrence avec les acteurs capitalistiques de l’assurance.

Un projet de Mutuelle européenne avait été présenté par la Commission européenne avant de

l’abandonner en 2006, faute de réelle volonté politique. On assiste désormais à un réel

engouement en faveur de ce statut.

Il faut dire que les acteurs mutualistes n’ont pas été épargnés par les décisions législatives

« défavorables ». Par exemple, en France, le passage à une fiscalité complète au regard des

impôts commerciaux avait été vécu par les Institutions de prévoyance et des Mutuelles du code

de la mutualité comme une remise en cause de leur caractère lucratif. Or, cette décision avait été

prise, en 1997, par les Institutions européennes pour mettre fin à une forme de distorsion de

concurrence par rapport aux compagnies d’assurance.

Il serait dès lors logique que l’on mette fin à la distorsion de concurrence liée à l’absence de

forme juridique européenne, en créant une Mutuelle européenne respectueuse de leur identité et

de leurs spécificités.

3 Argus de l’assurance, 20 mars 2013

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Cette thèse a pour objet de dresser un état des lieux critique et constructif des mécanismes

juridiques de la societas europaea, en analysant la pertinence de ce modèle au regard des autres

dispositifs juridiques en vigueur dans l’Union européenne, telles que la fusion transfrontalière ou

la libre prestation de services.

La pratique des créations de societas europaea a permis de dégager quelques enseignements,

repris dans un Rapport rédigé par Noëlle LENOIR. Si la transformation en SE peut s’avérer

coûteuse et nécessite une approche sociologique des dirigeants des sociétés absorbées, elle révèle

un intérêt non négligeable en termes financiers et de contrôle prudentiel, très intéressant dans

l’optique de Solvabilité II.

Comme le souligne Patrick THOUROT, la mise en œuvre d’un projet de restructuration visant le

passage de tout ou partie des entités juridique d’un groupe est parfois conditionné à une forme de

« conjonction des astres », dont l’approche analytique relève d’une étude d’opportunité propre à

chaque groupe d’assurance.

Les enjeux, opportunités et contraintes d’un tel système seront ainsi analysés sous le prisme

assurantiel, tout en extrapolant des solutions comparables pour des structures mutualistes. En

effet, les acteurs mutualistes (mutuelles livre II du code de la mutualité et sociétés d’assurance

mutuelle…) ont perçu très tôt la nécessité de diversifier leurs activités en se développant à

l’international et, pour certains, œuvrent à la mise en place d’une structure juridique de type

« mutuelle européenne ». Nous analyserons donc les voies qui s’offrent à ces acteurs.

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Les principales problématiques abordées seront les suivantes :

En matière de contraintes juridiques, y compris sociales, et fiscales applicables,

quels sont les freins et les atouts d’une telle structure ?

Comment prendre en compte les impacts sur la restructuration des groupes :

systèmes d’information, organisation, gouvernance… ? Comment les valoriser ?

En quoi ce type de structure s’intègre dans la stratégie de développement de

l’entreprise ?

Ce type de structure offre-t-il une réponse adaptée aux évolutions réglementaires

à venir (refonte des normes IFRS, Directive Solvabilité II) ?

Cette organisation permet-elle la mise en œuvre d’une stratégie de marque unique

sur le territoire européen ?

Au niveau prudentiel, quels sont les impacts et avantages d’une telle stratégie de

groupe ?

Ces structures permettraient-elles de renforcer le contrôle de groupe ?

Une réorganisation autour de ces structures juridiques permet-elle aux assureurs

européens de peser sur le marché mondial eu égard au contexte de crise ?

La création d’un outil juridique similaire pour les mutuelles (et institutions de

prévoyance) est-elle souhaitable ? Quid des autres structures telles que SGAM,

UMG, UGM… ?

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Nous le verrons tout au long de cette thèse : il faut se projeter au-delà du Règlement de 2001 et

étudier le droit national, dédié à la SE ou applicable aux sociétés anonymes pour appréhender la

SE dans sa globalité et en démythifier la complexité, sans passer sous silence la lourdeur de

certains de ses dispositifs.

Nous aborderons, dans un premier temps, nous verrons que la Société européenne, que nous

identifierons sous l’acronyme « SE », s’inscrit dans une démarche stratégique de développement

et de rationalisation avant d’en étudier les impacts opérationnels.

Dans un deuxième temps, la manière dont la Société européenne peut répondre aux besoins des

assureurs. Il s’agit d’une structure européenne qui répond à un cadre assurantiel européen sur un

Marché unique européen.

Enfin, nous étudierons les enseignements que nous pouvons tirer de la Société européenne afin

de proposer un cadre à la future Mutuelle européenne.

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PARTIE 1 LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE, UN OUTIL STRATÉGIQUE POUR LES ASSUREURS ?

Nous étudierons principalement les caractéristiques de la SE française. Le statut de la SE a été

intégré en droit français en 2005 et 2006 :

La loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 sur la confiance et la modernisation de l’économie

a inséré les articles L 225-245-1, L 229-1 et suivants, L 238-1 et L 244-5 du code de

commerce, ainsi que les articles L 439-25 et suivants et L 483-1-3 du code du travail.

Le décret n° 2006-448 du 14 avril 2006 relatif à la société européenne a institué les

articles 203-3 à 203-29 et 251-2 du décret n°67-236 du 23 mars 1967 et articles 15, 19-1,

40-1, 57-1 et suivants du décret n°84-406 du 3à mai 1986.

Le décret n°2006-1360 du 9 novembre 2006 relatif à l’implication des salariés dans la

société européenne à modifié le code du travail en insérant les articles R 439-4 et

suivants.

La SE immatriculée en France se rapproche véritablement de la société anonyme, si ce n’est sa

mobilité. En effet, le gouvernement français n’a pas souhaité appliquer à la SE des distorsions

trop fortes avec la société anonyme. Il faut dire que de nombreuses dispositions du Règlement

sont d’inspiration française telles les dispositions suivantes :

La notion de transmission universelle de patrimoine,

La théorie du siège réel, par laquelle le siège statutaire doit se situer dans l’Etat du siège

administratif,

Le double système de gouvernance : moniste (conseil d’administration) et dualiste

(directoire et conseil de surveillance).

Ainsi, la plupart des entreprises françaises, secteur de l’assurance compris, devraient saisir

l’opportunité de la forte ressemblance entre ces deux structures juridiques. Le législateur n’a pas

saisi l’opportunité qui lui était offerte de procéder à une véritable innovation juridique permettant

ainsi de dépoussiérer et moderniser le droit des sociétés.

De plus, un autre élément milite en faveur de la SE : la liberté statutaire offerte aux SE non

cotées s’apparente à celle de la société par actions simplifiée (SAS).

La SE présente un intérêt indéniable en ce qu’elle s’intègre parfaitement dans la stratégie de

développement et de restructuration d’un groupe d’assurance ou de réassurance. Les exemples

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d’Allianz SE et de SCOR SE (dont les organigrammes juridiques simplifiés, avant et après

« bascule » en SE, figurent en annexe) sont emblématiques de la place que peut occuper la SE

dans une stratégie de réorganisation et rationalisation des structures d’un groupe d’assurance.

En effet, outre des modes de création variés, qui trouvent place dans tout positionnement

international, la SE permet aux dirigeants d’associer les salariés à leur projet de restructuration

en leur conférant un rôle consultatif important et constructif, à l’image du modèle de

codétermination à l’allemande.

De plus, les modalités de gouvernance sont présentent peu de singularités au regard des autres

formes juridiques plus couramment utilisées, un « classicisme » que les dirigeants apprécieront.

I. DES MODALITÉS DE CRÉATION ADAPTÉES AU DÉVELOPPEMENT EUROPÉEN DES ASSUREURS…

1 Conditions

Pour créer une SE, il faut que plusieurs sociétés préexistent : c’est le critère d’antériorité.

De plus, elles doivent disposer d’implantations dans différents Etats membres. C’est le critère

d’extranéité, qui puise son origine dans la dimension communautaire de la SE.

Il en va ainsi des autres entités européennes : le Groupement Européen d’Intérêt Economique

(GEIE) et la Société Coopérative Européenne (SCE) doivent disposer d’une dimension

transfrontalière. Toutefois, à l’inverse de ces structures, une SE ne peut être créée ex nihilo. A

titre d’exemple, ARTE a été créée en 1991 sous forme de GEIE, en l’absence de GIE

préexistants.

De même, le Règlement ne prévoit pas la possibilité pour une SE d’être créée par des personnes

physiques alors que la SCE peut l’être sous réserve qu’elles résident dans plusieurs Etats

membres.

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Cette impossibilité de créer une SE ex nihilo est un véritable frein quant au choix de la SE par les

groupes d’assurance dont l’activité est française et qui souhaiteraient développer leurs activités

dans d’autres Etats membres de l’Union européenne.

La loi française n’autorise pas à des sociétés de pays tiers à participer à la constitution d’une SE.

Cette notion de préférence communautaire est donc ici réaffirmée.

2 Modes de création

Le Règlement prévoit 4 modes de constitution de la SE.

a) Fusion transfrontalière

La fusion transfrontalière paraît tout à fait adaptée aux groupes d’assurance et de réassurance qui

disposent d’une implantation européenne et souhaitent procéder à une simplification de leur

organisation.

En effet, l’article 2 § 1 du Règlement prévoit que deux ou plusieurs sociétés anonymes de

l’Union européenne peuvent créer une SE à la condition expresse qu’au moins deux d’entre elles

relèvent d’Etats membres distincts. L’Annexe 1 du Règlement répertorie l’ensemble des sociétés

concernées par cette disposition, parmi lesquelles figure, bien évidemment, la société anonyme

française. A ce titre, il est intéressant de noter que les sociétés par actions simplifiée, qui

connaissent un franc succès en France, ne peuvent participer à cette opération de fusion

transfrontalière. En pratique, cela impliquerait une opération supplémentaire de transformation

en société anonyme, préalablement à la fusion.

De plus, l’article 3 du Règlement précise qu’une SE déjà constituée peut participer à une

opération de fusion transfrontalière car elle est considérée comme une société anonyme de l’Etat

de son immatriculation pour l’application de l’article 2 du Règlement :

« Aux fins de l’article 2, paragraphes 1,2 et 3, la SE est considérée comme une société anonyme

relevant du droit de l’Etat membre de son siège statutaire. »

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15

La condition d’extranéité est ici renforcée puisque sont prévues plusieurs conditions

cumulatives. Ainsi, les sociétés doivent :

être constituées selon le droit d’un Etat membre,

avoir leur siège statutaire dans un Etat membre,

avoir leur administration centrale dans la Communauté.

Par conséquent, une société qui disposerait de bureaux administratifs dans un Etat et de son siège

statutaire dans un Etat différent se trouverait dans l’obligation de transférer son siège social dans

l’Etat de ses bureaux, ou réciproquement, avant de procéder à la fusion en SE.

Dans le cadre de l’étude de faisabilité d’un projet de fusion mené par un groupe d’assurance, ce

point devra être étudié avec beaucoup d’acuité. En effet, il n’est pas rare que les acteurs de

l’assurance soient structurés de cette manière.

Par ailleurs, le Règlement4 a laissé la possibilité aux Etats membres de participer à la création

d’une SE par voie de fusion à une société dont l’administration centrale serait située hors de

l’Union européenne, « si elle est constituée selon le droit d’un Etat membre, a son siège

statutaire dans ce même Etat membre et a un lien effectif et continu avec l’économie d’un Etat

membre ».

Il en va ainsi, par exemple, de sociétés qui disposeraient d’un établissement dans un Etat membre

à partir duquel elle réalise l’ensemble de ses opérations sur le territoire européen.

La France a choisi de ne pas lever cette option, à l’inverse de l’Espagne, du Royaume Uni ou des

Pays-Bas.

4 Article 2 § 5

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16

(1) Modalités de fusion Le Règlement mentionne, à l’article 17, deux modalités de fusion :

la fusion par absorption : c’est la société absorbante qui, fort logiquement,

devient la SE.

la fusion par constitution d’une société nouvelle : c’est la société nouvelle

qui prend la forme d’une SE.

« Article 17

1. Une SE peut être constituée par voie de fusion conformément à l'article 2, paragraphe 1.

2. La fusion peut être réalisée:

a) selon la procédure de fusion par absorption conformément à l'article 3, paragraphe 1, de la

directive 78/855/CEE(7), ou

b) selon la procédure de fusion par constitution d'une nouvelle société conformément à l'article

4, paragraphe 1, de ladite directive.

Dans le cas d'une fusion par absorption, la société absorbante prend la forme de SE

simultanément à la fusion. Dans le cas d'une fusion par constitution d'une nouvelle société, la SE

est la nouvelle société. »

La Directive 78/855/CEE du 9 octobre 1978 définit les deux modes de la manière suivante :

La fusion absorption est « l’opération par laquelle une ou plusieurs sociétés transfèrent, par

suite d’une dissolution sans liquidation, l’ensemble de leur patrimoine activement et passivement

moyennant l’attribution à leurs actionnaires d’actions de la nouvelle société et, éventuellement,

d’une soulte en espèces ne dépassant pas 10% de la valeur nominale des actions attribuées ou, à

défaut de valeur nominale, de leur pair comptable »5.

La société ALLIANZ SE est devenue une société européenne en optant pour cette modalité. La

filiale italienne RAS a été absorbée par son actionnaire immatriculé en Allemagne.

Conformément à l’article 31 du Règlement, la fusion par absorption d’une filiale à 100% rentre

dans le champ de cette modalité de fusion.

5 Article 3 § 1

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17

La fusion par constitution de société nouvelle est « l’opération par laquelle plusieurs sociétés

transfèrent à une société qu’elles constituent, par suite de leur dissolution sans liquidation,

l’ensemble de leur patrimoine activement et passivement moyennant l’attribution à leurs

actionnaires d’actions de la nouvelle société et, éventuellement, d’une soulte en espèces ne

dépassant pas 10% de la valeur nominale des actions attribuées ou, à défaut de valeur nominale,

de leur pair comptable »6.

(2) Projet de fusion

D’un point de vue pratique, l’opération de fusion est approuvée par l’assemblée générale des

actionnaires à la majorité qualifiée.

Cette opération comporte une autre spécificité : une négociation sociale doit absolument

déboucher sur la mise en place d’un dispositif d’implication des travailleurs, conformément aux

dispositions de la Directive du 8 octobre 2001.

Rédaction d’un projet de fusion

L’article 20 du Règlement prévoit un certain nombre de mentions à faire apparaître

obligatoirement dans le rapport de fusion établi par les organes de direction ou d’administration :

« a) la dénomination sociale et le siège statutaire des sociétés qui fusionnent ainsi que ceux

envisagés pour la SE;

b) le rapport d’échange des actions et, le cas échéant, le montant de la soulte;

c) les modalités de remise des actions de la SE;

d) la date à partir de laquelle ces actions donnent le droit de participer aux bénéfices ainsi que

toute modalité particulière relative à ce droit;

e) la date à partir de laquelle les opérations des sociétés qui fusionnent sont considérées du

point de vue comptable comme accomplies pour le compte de la SE;

f) les droits assurés par la SE aux actionnaires ayant des droits spéciaux et aux porteurs de titres

autres que des actions ou les mesures envisagées à leur égard;

6 Article 4 § 1

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g) tout avantage particulier attribué aux experts qui examinent le projet de fusion ainsi qu’aux

membres des organes d’administration, de direction, de surveillance ou de contrôle des sociétés

qui fusionnent;

h) les statuts de la SE;

i) des informations sur les procédures selon lesquelles les modalités relatives à l’implication des

travailleurs sont fixées conformément à la directive 2001/86/CE. »

Cette liste non exhaustive, des mentions à faire apparaître a un double effet vertueux :

uniformiser les règles applicables à l’ensemble des sociétés sur le territoire

européen et

permettre à l’opération de fusion « d’être adoptée dans les mêmes termes »

par les différentes parties à l’opération, conformément à l’article 26§3 du

Règlement.

Publicité du projet de fusion

Les sociétés qui prennent part à l’opération de fusion doivent procéder à la publicité de leur

projet commun, conformément à l’article 21 du Règlement.

Un avis doit ainsi être publié par chaque société au « bulletin national » propre à chaque Etat.

En application de l’article 21, certaines mentions sont obligatoires :

« la forme, la dénomination et le siège social statutaire des sociétés

parties à la fusion ;

Le registre où est immatriculé chaque société partie à la fusion et le

numéro d’inscription dans ce registre ;

Les modalités d’exercice des droits des créanciers et des actionnaires

minoritaires des sociétés fusionnant ainsi que l’adresse où pourra être

obtenue gratuitement une information sur ces modalités ;

La dénomination et le siège statutaire envisagés pour la SE. »

Là encore, cette liste n’est pas limitative. Elle constitue le minimum des informations à faire

apparaître. Dans la mesure où chaque Etat membre pouvait en imposer d’autres, il convient d’y

être très attentif et de vérifier ce point dans le cadre de la mise en œuvre d’un tel projet.

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19

En France, la législation sur les sociétés anonymes s’applique, de sorte que le projet doit être

publié au greffe du tribunal de commerce où chaque société est immatriculée, un mois avant la

date de l’assemblée générale.

Intervention d’un tiers expert

Le Règlement prévoit la possibilité de faire appel à un ou plusieurs experts indépendants, tel

que le commissaire à la fusion ou le commissaire aux apports.7

Ces experts doivent être indépendants, ce qui est généralement le cas dans toute opération de

fusion, de quelque nature qu’elle soit (fusion « classique » ou transfrontalière).

Leur mission consiste à analyser le projet de fusion puis rédiger un rapport soumis aux

actionnaires.

Dans l’hypothèse où les sociétés parties à la fusion demanderaient la désignation conjointe d’un

expert, dans l’Etat membre d’une seule des sociétés, un rapport unique sera établi pour les

actionnaires de l’ensemble des sociétés.

Une exception est prévue par le Règlement pour les fusions simplifiées : une dispense de

désignation est alors possible, sauf si la législation de l’Etat membre l’impose.

En France, le commissaire à la fusion est désigné judiciairement. Le président du tribunal,

statuant sur requête, est l’autorité compétente. Toutefois, les actionnaires peuvent décider de la

suppression du commissaire à la fusion à deux conditions :

L’assemblée générale statuant sur ce point doit se tenir au moins un mois

avant l’assemblée générale décidant de la fusion,

La décision doit être prise à l’unanimité des actionnaires.

7 Article 22 du Règlement n°2157/2001

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Cas particulier de la Fusion simplifiée

Le Règlement pose le principe le caractère facultatif du recours à un commissaire à la fusion

dans le cadre d’une opération de fusion simplifiée et énonce 3 exceptions :

En cas d’émission de valeurs mobilières donnant droit à du capital dans la

société absorbée,

en cas d’apports en nature dans la société absorbée,

en cas d’avantages particuliers.8

Assemblée générale d’approbation

Il est expressément prévu que l’assemblée générale de chaque société participante doit approuver

l’opération à la majorité qualifiée (majorité des 2/3 en France, majorité des ¾ en Allemagne, par

exemple).

Contrôle et droit d’opposition

Dès lors que l’assemblée générale de chaque société approuve le projet de fusion, plusieurs

acteurs procèdent à un certain nombre de contrôles et peuvent exerce leur droit d’opposition.

Contrôle de la légalité

Ce contrôle de la légalité de la fusion évite tout risque de nullité.

Chaque Etat dispose d’une certaine liberté pour désigner l’autorité compétente : « un tribunal, un

notaire ou une autre autorité compétente dans l’Etat membre du futur siège statutaire »9

En France, ce n’est pas une autorité mais deux autorités qui ont été désignées :

le greffier du tribunal de commerce, ,

le notaire.

8 Articles L 236-10, L 236-11 et L 228-101 alinéa 2 du code de commerce français 9 Article 26 du Règlement n°2157/2001 du Conseil

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Ce processus de contrôle s’opère en 3 temps :

Dans un premier temps, le greffier contrôle l’accomplissement de

l’ensemble des formalités requises et délivre le certificat de légalité.

Dans un deuxième temps, le notaire vérifie les certificats de légalité de

chaque société participante ainsi que toutes les étapes concourant à la

réalisation de la fusion (par exemple, la consultation des créanciers

obligataires, les modalités d’implication des travailleurs).

Dans un troisième temps, le greffier procède à l’immatriculation de la SE.

L’assemblée générale ne matérialise pas l’acte de naissance de la SE. C’est bel et bien son

immatriculation au registre du commerce de l’Etat qui lui confère sa personnalité juridique.

Droit d’opposition

Le Règlement prévoit la possibilité pour chaque Etat membre de définir un droit d’opposition à

la fusion10, susceptible d’être mis en œuvre par les actionnaires et plusieurs autorités publiques.

La France n’a pas levé l’option pour l’exercice de ce droit en faveur des actionnaires. En

revanche, le Procureur de la République, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) et l’Autorité

de Contrôle Prudentiel (ACP) ont été désignés.

En ce qui concerne les autorités publiques, ce droit d’opposition est conditionné par les éléments

suivants :

Il doit être exercé avant la délivrance du certificat de légalité à chaque

société participante,

Il doit se fonder sur des « raisons d’intérêt public »11

En revanche, le Procureur de la République, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) et

l’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP) ont été désignés.

Ce droit d’opposition n’est pas clairement défini. Ainsi, des autorités de régulation pourraient

être tentées « de garder le contrôle de sociétés dont la surveillance risque de leur échapper du

fait des restructurations dans le cadre de la SE »12

10 Ce droit est également prévu en cas de transfert de siège transfrontalier. 11 Article 19 du Règlement 12 Rapport LENOIR, page 45

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Il est intéressant de relever l’exemple du groupe suédois NORDEA, une banque scandinave bien

connue, qui avait choisi de créer une SE par voie de fusion. L’idée des dirigeants consistait à

rationaliser la gestion de l’ensemble du groupe qui possédait plusieurs filiales au Danemark, en

Finlande et en Norvège. Les assemblées générales de chacune des filiales avaient approuvé

l’opération de fusion permettant de constituer NORDEA SE, société suédoise… Les autorités de

régulation ont exercé leur droit d’opposition et ont exigé que la future NORDEA SE prévoie des

garanties de dépôt plus importantes. On observe ici le principal effet pervers de ce droit

d’opposition : la concurrence des régulateurs nuit à la création de SE, probablement par peur de

voir partir hors des frontières nationales des fleurons de leur économie domestique.

Dans le domaine assurantiel, ce risque de concurrence entre autorités peut sembler limité. En

effet, l’EIOPA organise la coopération de l’ensemble des régulateurs de l’Union européenne.

EXEMPLE DE SCOR SE

C’est ce mode de création de la SE que le groupe SCOR a mis en œuvre. Patrick THOUROT,

alors Directeur général délégué du Groupe, explique qu’il n’était « pas surprenant de constater

que les motivations de SCOR sont analogues à celles de toute grande entreprise ayant choisi le

statut de la SE, en général, et de toute entreprise du secteur financier ou des assurances, en

particulier. »

Il dégage plusieurs raisons et objectifs poursuivis à travers cette réorganisation :

• « Renforcer l’identité transnationale et européenne du groupe,

• faciliter ses opérations d’acquisition en Europe,

• améliorer sa flexibilité financière dans l’allocation de son capital,

• simplifier ses structures,

• anticiper les contraintes de solvabilité contenues dans la future directive « Solvabilité

II »,

• et enfin, recentrer le contrôle des superviseurs sur le groupe tout en valorisant

l’utilisation du « passeport européen » institué par la directive de novembre 2005 sur la

réassurance ».

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b) SE Holding

Ce mode de création de SE est tout particulièrement conseillé aux groupes qui souhaiteraient

disposer d’un outil européen susceptible de coordonner et mettre en œuvre une stratégie globale.

Généralement, la holding a non seulement pour objet la détention de participations d’une société

dans d’autres sociétés, mais encore la garantie d’une direction uniforme au sein du groupe ainsi

constitué.

Elle peut également s’avérer fort utile en cas de prise participation majoritaire au capital d’une

société car elle permet de contourner l’écueil psychologique lié à la « domination » par le nouvel

actionnaire… a fortiori s’il s’agissait d’un concurrent. En adoptant ce mode de création, les deux

sociétés concourent ainsi à la création d’un nouveau groupe.

Ce mode de création est ouvert aux sociétés anonymes ainsi qu’aux sociétés à responsabilité

limitée, dont la définition est donnée dans l’annexe II du Règlement. Pour la France, seule la SA

et la SARL ont été mentionnées. La société par actions simplifiée (SAS) en est absente.

De plus, une SE peut participer à la création d’une SE Holding13.

En pratique, les sociétés françaises d’assurance sont toutes constituées sous forme de sociétés

anonymes. L’intérêt d’opter pour une SE Holding plutôt que pour une autre forme sociale réside

dans son cadre législatif plus uniforme. En effet, la création de la holding et les apports qui

peuvent lui être faits sont identiques, indépendamment de la nationalité des sociétés

participantes.

Le processus de création d’une SE Holding demeure toutefois assez complexe.

13 Article 3§1 du Règlement

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Projet de constitution

Fort logiquement, un projet de constitution doit être élaboré par les organes de direction ou

d’administration des sociétés participantes.

Il comporte « un rapport expliquant et justifiant les aspects juridiques et économiques de la

constitution et indiquant les conséquences pour les actionnaires et pour les travailleurs de

l’adoption de la forme de SE ».

On peut regretter que le Règlement soit assez évasif sur les éléments à mentionner dans le

rapport. Toutefois, cet aspect lacunaire offre aux dirigeants une certaine latitude quant aux

messages à transmettre aux actionnaires. Comme le souligne Madame Catherine CATHIARD14,

« en fonction des relations des dirigeants avec leurs actionnaires, il pourra s’avérer opportun

d’être concis ou, selon le cas, de développer les points sensibles. »

Un certain nombre de mentions obligatoires doivent apparaître dans le projet de constitution15. Il

s’agit des « indications prévues à l’article 20, paragraphe 1, points a), b), c), f), g), h) et i) » :

a) la dénomination sociale et le siège statutaire des sociétés qui fusionnent ainsi que ceux

envisagés pour la SE;

b) le rapport d’échange des actions et, le cas échéant, le montant de la soulte;

c) les modalités de remise des actions de la SE;

f) les droits assurés par la SE aux actionnaires ayant des droits spéciaux et aux porteurs de titres

autres que des actions ou les mesures envisagées à leur égard;

g) tout avantage particulier attribué aux experts qui examinent le projet de fusion ainsi qu’aux

membres des organes d’administration, de direction, de surveillance ou de contrôle des sociétés

qui fusionnent;

h) les statuts de la SE;

i) des informations sur les procédures selon lesquelles les modalités relatives à l’implication des

travailleurs sont fixées conformément à la directive 2001/86/CE.

14 « La pratique du droit européen des sociétés », Catherine CATHIARD et Arnaud LECOURT, Editions JOLLY - 2010 15 Article 32 du Règlement

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De plus il « fixe le pourcentage minimal des actions ou parts de la SE de chacune des sociétés

promouvant l’opération que les actionnaires devront apporter pour que la SE soit constituée. Ce

pourcentage doit consister en actions conférant plus de 50 % des droits de vote permanents

Publicité du projet de constitution

Le projet de constitution fait l’objet d’une publicité par chaque société participante au moins un

mois avant la tenue de l’assemblée générale appelée à statuer selon des modalités propres à

chaque Etat

En France, c’est l’article L 229-5 du Code de commerce qui précise que ce projet doit être

déposé au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel se trouve la société.

De plus, le projet est publié dans un journal d’annonces légales situé dans le département du

siège social de chaque société participante et au BALO, pour des sociétés dont les actions sont

admises sur des marchés réglementés ou quand ces actions ne revêtent pas une forme

nominative.

Intervention d’un tiers expert

Le mécanisme est proche de celui prévu pour la création de SE par voie de fusion.

Un rapport destiné aux actionnaires de chaque société est établi en vue d’expliquer les

éventuelles difficultés rencontrées dans l’évaluation des actions et le rapport d’échanges

d’actions.

Assemblée générale des actionnaires

Le projet de constitution doit être approuvé par les actionnaires de chaque société réunis en

assemblée générale.

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Apport de titres à la SE

Suite à l’établissement de l’acte de constitution d’une SE holding, les actionnaires (ou associés)

disposent d’un délai de trois mois pour communiquer à leur société leur intention de procéder à

un apport de titres leur permettant de recevoir des actions de la SE en rémunération de leur

apport.

Il ne faut pas perdre de vue que les actionnaires et associés concernés doivent impérativement

apporter un nombre de titres conférant à la SE plus de 50% des droits de vote permanents dans

chaque société concourant à l’opération.

Peu de groupes ayant eu recours à la constitution d’une SE ont utilisé la voie de la création d’une

holding. La raison tient aux contraintes opérationnelles que nous venons d’aborder, contraintes

proches de celles de la fusion.

c) Transformation d’une société anonyme en SE

L’article 2§4 du Règlement permet à toute société anonyme constituée selon le droit national

d’un Etat membre de se transformer en SE :

« Une société anonyme, constituée selon le droit d’un Etat membre et ayant son siège statutaire

et son administration centrale dans la Communauté, peut se transformer en SE si elle a depuis

au moins deux ans une société filiale relevant du droit d’un autre Etat membre. »

Dès lors qu’elle remplit le critère d’extranéité, une société anonyme peut se transformer en SE

selon un processus similaire aux autres modes de création.

Il est important de noter que cette transformation n’opère ni dissolution ni création d’une

personne morale nouvelle.

On peut déduire de ces considérations que ce mode de création de SE répond aux objectifs des

groupes qui veulent avant tout capitaliser sur l’image européenne conféré par la SE.

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Projet de constitution

L’organe d’administration ou de direction de la société anonyme doit établir un projet de

transformation ainsi qu’un rapport présenté aux actionnaires qui explique et justifie « les aspects

juridiques et économiques de la constitution et [indique] les conséquences pour les actionnaires

et pour les travailleurs de l’adoption de la forme de SE ».

Dans la mesure où le Règlement n’apporte pas de précisions quant au contenu du projet, les

rédacteurs pourraient reprendre les éléments suivants :

Les motivations du projet de transformation, les modalités et les

caractéristiques majeures du projet,

Les principales étapes nécessaires,

Les impacts et conséquences sur la société.

En ce qui concerne le rapport, les considérations du Règlement sont vagues. Ainsi, nous

pourrions imaginer reprendre le contenu du projet ci-dessus visé tout en les développant ou en

les explicitant davantage. En effet, ce rapport n’a vocation qu’à être lu par les actionnaires.

Aucune publicité n’en sera faite.

Publicité du projet de constitution

La publicité du projet est réalisée au moins 1 mois avant la tenue de l’assemblée générale qui se

prononce sur la transformation. Le Règlement reste muet quant aux modalités de publicité et

laisse à chaque Etat le soin de les définir.

En France, l’article L 225-245-1 du code de commerce prévoit que :

Le projet doit être déposé au greffe du tribunal de commerce du lieu

d’immatriculation de la société ;

Un avis doit être publié dans un journal d’annonces légales au moins 2

mois avant la date d’assemblée générale.

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Cet avis comporte un certain nombre de mentions obligatoires :

« 1° La dénomination sociale suivie, le cas échéant, de son sigle, l'adresse du siège social, le

montant du capital social et les mentions prévues aux 1° et 2° de l'article R 123-23716 ;

2° La mention que la société anonyme envisage de se transformer en société européenne ;

3° La date du projet ainsi que la date et le lieu de son dépôt au greffe du tribunal dans le ressort

duquel la société est immatriculée. »

Intervention d’un tiers expert

Un ou plusieurs experts indépendants peuvent être désignés. Le Règlement renvoie aux

dispositions nationales le soin de définir leur mode de désignation.

En France, il s’agit d’un commissaire à la transformation nommé par ordonnance du Président du

tribunal de commerce sur requête17.

L’objet du rapport rédigé par cet expert est d’attester que les capitaux propres sont au moins

équivalents au capital social augmenté des réserves non distribuables en application de la loi ou

des statuts.

Assemblée générale des actionnaires

Fort logiquement, l’assemblée générale doit approuver le projet de transformation ainsi que les

statuts de la société transformée, à la majorité qualifiée.

En droit français, il s’agit de la majorité requise en assemblée générale extraordinaire.

Cette modalité de création de SE a intéressé bon nombre d’entreprises : UNIBAIL-RODAMCO,

SCOR, LIMAGRAIN… Elles ont ainsi pu affirmer leur dimension européenne.

16 Il s’agit du numéro unique d’identification ainsi que la mention RCS suivie de la ville où se trouve le greffe dans laquelle elle est immatriculée 17 Article R 225-163 du code de commerce

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d) Constitution d’une SE filiale

Ce mode de constitution répond tout particulièrement aux exigences de groupes qui

souhaiteraient tisser des liens de partenariat. En effet, la constitution d’une SE filiale permettrait

à deux groupes de rapprocher une partie de leurs activités, de mutualiser leurs moyens avant de

se développer sur tout ou partie du territoire européen.

La constitution d’une SE filiale peut également constituer la première étape du rapprochement

entre deux groupes.

La constitution d’une SE par création d’une filiale est prévue à l’article 2§3 du Règlement.

Il s’agit du mode de constitution le plus simple, surtout si on le compare à la création d’une SE

Holding, ce qui la rend, à mon sens, particulièrement attractive.

En effet, toute société ou toute entité juridique de droit privé ou public peut participer à la

création d’une SE filiale : société anonyme, SAS, société en commandite par action, société en

commandite simple, société en nom collectif, société civile, GIE, GEIE, SE, société coopérative,

SEC…

La condition d’extranéité est exigée : deux des sociétés concourant à l’opération doivent relever

de deux Etats membres ou disposer d’une filiale ou d’une succursale située dans un autre Etat

membre depuis deux ans.

L’article 36 du Règlement procède à un renvoi intégral sur les modalités de constitution d’une

société anonyme définies par le droit national de chaque Etat membre.

A l’inverse de la création d’une SE Holding, il n’est nullement question d’apports de titres

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30

Une SE peut elle-même créer une SE filiale à 100%18. En France, où il est impensable de créer

une société anonyme unipersonnelle, le droit a été adapté afin de tenir compte de cette

spécificité. L’article L 229-6 du code de commerce mentionne explicitement cette exception :

« Par exception à la deuxième phrase de l'article L. 225-1, une société européenne peut

constituer une société européenne dont elle est le seul actionnaire. Elle est soumise aux

dispositions applicables à la société européenne et à celles relatives à la société à responsabilité

limitée à associé unique édictées par les articles L. 223-5 et L. 223-31. »

Ce sont donc les dispositions légales propres à la SE et celles propres à la société à responsabilité

limitée unipersonnelle qui s’appliquent, conférant ainsi la SE unipersonnelle une dimension

hybride tout à fait inattendue.

Cette possibilité permet de créer des pans entiers d’activités uniquement pilotées par une SE, qui

deviendrait ainsi la holding du groupe (ou sous-groupe).

A ce titre, l’exemple de SCOR est intéressant. En 2008, SCOR Global Investments SE a été

créée en tant que filiale unipersonnelle de SCOR SE.

Comme le suggère Madame Noëlle LENOIR dans son rapport, « cette formule a de l’avenir. Elle

peut aider à simplifier l’organisation des groupes européens, japonais ou américains, à la

recherche d’un modèle de gestion plus cohérent de leurs filiales en Europe. »

18 Article 3§2 du Règlement

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II. … QUI PERMETTENT UNE IMPLICATION DES SALARIÉS

Le statut social de la SE symbolise le modèle d’entreprise au niveau européen. Il s’appuie sur la

Directive n°2001/86 du 8 octobre 2001 qui pose des principes permettant de garantir les droits

des travailleurs.

Ainsi, toute opération de création ou de modification structurelle de la SE doit obligatoirement

prendre en compte ce volet social, lequel constitue une partie de l’ADN de la SE. C’est pourquoi

tout projet relatif à la SE doit être construit en intégrant le volet social, d’autant qu’il s’agit d’une

condition nécessaire à son immatriculation.

Le dispositif d’implication s’appuie sur la négociation entre les partenaires sociaux au niveau de

l’entreprise formalisée par un accord garantissant les droits acquis par les salariés des

entreprises.

1 Le dialogue avec les partenaires sociaux

La négociation est l’élément phare du volet social de la SE. Comme le souligne Madame Noëlle

LENOIR, elle est le fruit d’un large consensus politique autour du rapport Davignon qui avait

proposé de reconnaître la liberté aux partenaires sociaux de chaque SE de décider d’un commun

accord du mode d’implication des travailleurs.

Ainsi, la Directive laisse tout liberté aux partenaires sociaux de définir contractuellement le sort

des salariés dans la gestion de la SE.

Une contrainte subsiste : les salariés de chaque société participante ne doivent pas voir leurs

droits acquis diminuer en matière d’information, consultation et participation.

Le dialogue est structuré par la Directive qui prévoit la mise en place obligatoire d’un Groupe

Spécial de Négociation (GSN) qui a la lourde tâche de définir les modalités d’implication des

travailleurs dans la future SE et de former le Comité d’Entreprise Européen (CEE).

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32

C’est l’article 3 de la Directive qui prévoit la constitution du GSN :

« Lorsque les organes de direction ou d’administration des sociétés participantes établissent le

projet de constitution d’une SE, ils prennent, dès que possible après la publication du projet de

fusion ou de constitution d’une société holding ou après l’adoption d’un projet de constitution

d’une filiale ou de transformation en une SE, les mesures nécessaires, y compris la

communication d’informations concernant l’identité des sociétés participantes, des filiales ou

des établissements, ainsi que le nombre de leurs travailleurs, pour engager des négociations

avec les représentants des travailleurs des sociétés sur les modalités relatives à l’implication des

travailleurs dans la SE. »

En France, pour couper court à toute interprétation, la notion « dès que possible » étant très

floue, le délai de constitution du GSN a été fixé à un mois.

L’organe chargé de constituer le GSN varie selon la nature de l’opération visant la création de la

SE :

En cas de fusion, ce sont les organes de direction de chaque société participante

qui vont agir de concert afin de constituer le GSN,

Dans les autres cas, c’est au conseil d’administration ou au directoire de la société

anonyme française qu’incombe cette mission.

L’information fournie porte sur les points suivants :

Précisions nécessaires sur les sociétés, filiales et succursales participantes à

l’opération de création de la SE,

Le nombre des salariés, structure par structure,

Les formes de participation existantes dans les différentes implantations,

Le nombre de sièges au GSN revenant aux salariés dans chaque Etat.

En pratique, eu égard à la complexité de mise en place du GSN, il convient d’être diligent afin de

ne pas retarder les étapes de création de la SE. En effet, la composition du GSN est définie par

chaque Etat membre et les promoteurs d’une opération de création de SE doivent respecter la

législation de chaque société participante.

Quelques règles prédominent. Le nombre de membres du GSN varie en fonction des effectifs de

salariés : 1 siège par tranche de 10% de l’effectif de la société participante au regard de l’effectif

total.

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33

De plus, les salariés de chaque Etat doivent être représentés, ce qui peut occasionner des

difficultés de représentativité des travailleurs des sociétés des différents Etats.

L’exemple d’ALLIANZ est symptomatique. Créé par voie de fusion absorption de sa filiale

italienne, le GSN comprenait 30 membres en provenance de 20 Etats membres. Or, le nombre de

salariés allemands était de 75000, pour un effectif global de plus de 177000 salariés, représentés

par 12 membres allemands, et plus d’un quart des sociétés d’autres Etats comptaient moins de 40

salariés, obtenant chacune 1 siège. Le GSN ainsi constitué a connu une surreprésentation de

petites sociétés au regard des effectifs réels.

Dès lors que le nombre de membres est défini, il appartient à chaque Etat de définir les modalités

de désignation. En France, ce sont les organisations syndicales qui ont le monopole de

désignation selon les règles classiques prévues au code du travail.

Les désignations sont par la suite transmises aux dirigeants de chaque société participante, aux

salariés et à l’inspection du travail (en France).

Doté de la personnalité juridique, le GSN dispose de moyens pour accomplir sa mission, au

besoin en se faisant assister par un ou plusieurs experts, selon la législation de l’Etat membre au

sein duquel la SE aura son siège social.

Les membres bénéficient des mêmes garanties que celles accordées aux délégués d’institutions

représentatives du personnel.

La Directive prévoit expressément que les négociations entre les organes de direction et le GSN

doivent être menées « dans un esprit de coopération en vue de parvenir à un accord sur les

modalités relatives à l’implication des travailleurs au sein de la société européenne »19, avec la

plus grande confidentialité.

19 Article 4§1 de la Directive n°2001/86/CE du 8 octobre 2001

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34

Les décisions sont prises à la majorité absolue des membres représentant également la majorité

des salariés concernés par la création de la SE. Dans certains cas limitativement énumérés, la

majorité est portée à 2/3 des membres représentant au moins 2/3 des travailleurs :

Lorsque la SE est constituée par fusion, si la participation concerne au moins 25%

du nombre total des travailleurs employés par les sociétés participantes,

Lorsqu’il s’agit d’une SE Holding ou d’une SE filiale, si la participation concerne

au moins 50% du nombre total des travailleurs employés par les sociétés

participantes.

2 L’accord avec les partenaires sociaux

La liberté contractuelle qui préside au dispositif d’implication des travailleurs dans la SE n’est

pas totale, on s’en doute.

L’accord avec les partenaires sociaux est basé sur le principe « avant/après » qui garantit aux

salariés des sociétés participantes à la création de la SE qu’ils continueront à bénéficier des droits

à participation dans la gestion conformément à leur situation antérieure à leur entrée dans la SE.

La conséquence opérationnelle est implacable et doit être appréhendée avec beaucoup d’attention

dans tout projet de création de SE : c’est le système d’implication le plus élevé des sociétés

participantes qui trouvera à s’appliquer, sauf renonciation selon les règles de majorité des 2/3 ci-

dessus exposées.

Le GSN et les organes dirigeants des sociétés se réunissent, selon les règles de négociation

prévues au sein de l’Etat membre où se situe le siège social de la SE, afin de trouver un accord

sur l’implication des travailleurs dont le contenu est prévu par la Directive20 et se compose des

éléments suivants :

L’information,

La consultation,

La participation,

Ainsi que tout « mécanisme par lequel les salariés peuvent exercer une influence

sur les décisions à prendre au sein de la SE ».

20 Article 2 de la Directive n°2001/86/CE

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35

L’information et la consultation sont deux notions classiques, bien connues au niveau

européen21.

La participation est définie par la Directive comme étant le droit de recommander, ou de

s’opposer à, la désignation de représentants aux organes d’administration et de surveillance, ou

comme le droit d’élire ou désigner ces représentants. Elle permet ainsi aux représentants

d’influer sur la marche de la SE par le truchement du vote en conseil.

Cette notion est très présente en droit français et ne devrait pas inquiéter les groupes d’assurance.

L’actionnariat salarié est très répandu de même que la représentation des salariés en conseil

d’administration ou de surveillance de sociétés cotées.22

Au niveau social, le statut de la SE prévient toute velléité de « dumping social » et repose sur

une « philosophie des droits des salariés, en tant que parties prenantes de l’entreprise »23,

intégrant pleinement la notion de « stakeholders »

Le processus de négociation s’intègre dans un délai de six mois, renouvelable une fois, à compter

de la constitution du GSN. En pratique, une difficulté surgit car la Directive n’a pas prévu de

formalisation spécifique à la création du GSN, rendant incertaine l’appréciation de la date de fin

des négociations. Il convient donc d’acter formellement la constitution, idéalement dans le

procès-verbal de la première réunion du GSN.

Cette clôture ne signifie pas pour autant que le GSN soit obligatoirement trouvé. Trois situations

ont été envisagées par la Directive :

Accord écrit permettant à la SE d’intégrer le volet social négocié au cours de la

négociation,

Pas d’accord du GSN en raison du caractère satisfaisant du dispositif

d’implication des travailleurs prévu par la législation en vigueur ou par les

accords-cadres signés au niveau du européen,

Echec des négociations engendrant l’application des dispositions subsidiaires,

appelées « dispositions de référence ». Si elles obéissent aux règles de base

énoncées par la Directive, les dispositions de référence sont définies par les

dispositions légales de chaque Etat membre. 21 Cf Directive n°2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 11 mars 2002 : elle établit un cadre général relatif à l’information et à la consultation des travailleurs au sein de l’Union européenne. 22 Cf 3ème loi de finance rectificative 23 Noëlle LENOIR dans son Rapport

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III. … EN PRÉSERVANT UNE GOUVERNANCE CLASSIQUE

Hérités d’un temps « ancien », les modes de gouvernance de la SE semblent assez classiques et

ne comportent pas d’innovation particulière.

1 Capital

Le capital, exprimé en euros, est constitué d’actions24. Son montant est obligatoirement supérieur

ou égal à 120 000 euros25.

Néanmoins, le Règlement admet que des dispositions nationales définissent un montant de

capital plus élevé pour des SE qui exerceraient une activité réglementée. Ainsi, pour les groupes

d’assurance, ce montant est très nettement inférieur aux montants exigés :

800 000 euros « pour pratiquer les opérations entrant dans les branches

mentionnées aux 10 à 15 et aux 20, 21, 22, 24, 25 et 28 de l'article R. 321-1 ainsi

que les opérations de réassurance »26.

480 000 euros « pour pratiquer des opérations entrant dans d'autres branches

que celles énumérées à l'alinéa précédent (…), non compris les apports en

nature ».

2 Siège social

Le siège social d’une SE doit être situé dans l’Etat où elle dispose de son administration centrale.

Il faut donc distinguer cette règle de celles applicables à la constitution d’une SE puisque les

sociétés qui concourent à la création d’une SE ne sont pas contraintes d’avoir une unité de lieu

entre siège social et siège administratif.

24 Article 1 du Règlement 25 Article 4 du Règlement 26 Article R 322-5 du code des assurances

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Le Règlement prévoit même une option obligeant une SE à avoir son siège social et son

administration centrale en un lieu identique. La France a levé cette option, ce qui réduit

l’attractivité de la SE française. Par exemple, une société d’assurance française faisant le choix

de constituer une SE ne pourrait avoir son siège social à Paris et son administration centrale à La

Défense…

Le choix du « siège réel » opéré par le législateur européen répond à une triple problématique :

1. éviter la création de sociétés « boîtes aux lettres ».

2. éviter le « law shopping ».

3. permettre aux Etats de préserver leur contrôle sur les SE ainsi créées.

En réalité, ce choix obère la mobilité des SE.

3 Organes sociaux

A la lecture du Règlement, les principes de gouvernance sont restés fidèles à l’esprit des

fondateurs de la SE. Il s’agit de principes principalement hérités du droit allemand, mais on

observe malgré tout une certaine influence du droit français.

Le Règlement est peu disert sur les règles à respecter en matière d’administration et de direction.

En effet, beaucoup de renvois aux droits nationaux ont été prévus, complétés par une certaine

liberté statutaire.

Il existe deux modes d’organisation :

organisation moniste,

organisation dualiste.

Ces deux modes existent en droit français et les juristes y sont parfaitement habitués. En

revanche, d’autres pays de l’Union européenne ne connaissaient qu’un seul des deux systèmes.

En Allemagne, les sociétés anonymes (Aktiengesellschaft) étaient obligatoirement pilotées sous

la forme dualiste avec un conseil de surveillance paritaire permettant la codétermination. L’Italie

ou l’Espagne n’appliquaient que le système moniste.

Chaque Etat a été contraint d’offrir la possibilité aux SE de choisir entre monisme ou dualisme.

Il est intéressant d’observer que le Royaume Uni, pays de « common law », considère le mode

d’organisation d’une société relève des statuts et non du « Companies Act », équivalent du code

de commerce en France.

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a) Le mode dualiste

Les articles 39 à 42 du Règlement définissent les règles applicables.

Ainsi, l’organe de direction se voit confier la gestion de la SE. Il peut déléguer à un ou plusieurs

directeurs généraux le soin d’assurer « la gestion courante de la SE dans les mêmes conditions

que pour les sociétés anonymes ayant leur siège statutaire sur son territoire27. »

L’organe de surveillance assure le contrôle la gestion réalisée par l’organe de direction et ne peut

en aucun cas exercer le pouvoir de gestion, selon des modalités non mentionnées dans le

Règlement.

En revanche, les informations des organes sont détaillées dans le Règlement. L’organe de

direction doit transmettre chaque trimestre une information sur « la marche des affaires de la SE

et leur évolution prévisible » et toute information « en temps utile » pour tout évènement

susceptible d’avoir des « répercutions sensibles sur la situation de la SE »28. De plus, l’organe de

surveillance peut obtenir toute information lui permettant d’exercer son contrôle. Enfin, chaque

membre peut, individuellement, prendre connaissance des informations qui lui paraissent utiles à

sa mission.

De plus, il est expressément prévu qu’une même personne ne peut cumuler la qualité de membre

de l’organe de gestion et membre de l’organe de surveillance29. Une seule dérogation contrevient

au principe ci-dessus énoncé : en cas de vacance au sein de l’organe de gestion, l’organe de

surveillance peut désigner l’un de ses membres pour pendant la période de remplacement. Les

fonctions du membre ainsi désigné sont suspendues durant le laps de temps.

Les membres de l’organe de gestion sont nommés pour six ans maximum30, période

renouvelable, et révoqués par l’organe de surveillance, tandis que les membres de l’organe de

surveillance le sont par l’assemblée générale.

27 Article 38 du Règlement 28 Article 41§1 et 2 du Règlement 29 Articles 39§3 et 40§1 du Règlement 30 Les statuts peuvent prévoir une durée moindre

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Le Règlement prévoit une option : les actionnaires réunis en assemblée générale peuvent

nommer et révoquer les membres de l’organe de gestion si la loi nationale le prévoyait avant la

publication du Règlement31. En France, les nominations sont du ressort du conseil de

surveillance et les révocations relèvent de l’assemblée générale ou du conseil de surveillance si

les statuts le prévoient.

En ce qui concerne le nombre de membres des organes, le Règlement laisse une totale liberté aux

rédacteurs des statuts, tout en laissant aux Etats la possibilité de fixer un nombre minimal et un

nombre maximal.

En France, le droit de la société anonyme s’applique. Le Directoire comprend ainsi :

5 membres au maximum dans les sociétés ne faisant pas appel public à l’épargne,

7 membres au maximum dans les sociétés faisant appel public à l’épargne.

Le conseil de surveillance comprend, quant à lui, entre 3 et 18 membres (article L 225-69 du

code de commerce). Le Président du conseil fait obligatoirement partie des membres désignés

par l’assemblée générale.

b) Le mode moniste

Les articles 43 à 45 définissent les règles applicables.

Dans cette option, la SE est administrée par un seul organe : l’organe d’administration. En

France, fort logiquement, il s’agit du conseil d’administration.

Les membres sont nommés par l’assemblée générale et nomment leur président qui exerce les

pouvoirs de gestion de la SE. Leur nombre, compris entre 3 et 18, est défini par les statuts de la

SE.

Il est également possible de désigner un ou plusieurs directeurs généraux chargé(s) de la gestion

courante « dans les mêmes conditions que pour les sociétés anonymes », si les Etats membres ont

prévu cette possibilité. C’est le cas de la France.

31 Article 47§4 du Règlement

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40

Par ailleurs, si le droit de la société anonyme de chaque pays s’applique, le Règlement fixe un

certain nombre de règles à respecter :

Le droit de chaque administrateur de prendre connaissance des informations

nécessaires à l’exercice de leur mandat,

La périodicité des réunions du conseil : chaque trimestre, ce qui constitue une

vraie contrainte pour des sociétés de taille peu importante.

4 Actionnaires

Bien que renvoyant pour l’essentiel aux droits nationaux des sociétés anonymes, le Règlement

est assez disert sur ce point.

L’assemblée générale doit ainsi se réunir au moins une fois par an, dans les six mois de la clôture

des comptes, en vue de l’approbation des comptes.

De plus, sa convocation est le fait de l’organe de surveillance, lorsque la SE est dualiste, et de

l’organe de direction en cas de SE moniste, étant entendu que les « autorités compétentes » ont

également cette faculté. En France, en cas de carence des conseils d’administration ou

surveillance, les commissaires aux comptes, les liquidateurs ou les actionnaires (sous certaines

conditions) peuvent convoquer une assemblée générale.

Le Règlement prévoit une disposition tout à fait intéressante. Des actionnaires représentant au

moins 10% du capital souscrit peuvent convoquer une assemblée générale. Le taux de détention

de capital souscrit nécessaire peut être diminué dans deux hypothèses :

Si les actionnaires l’ont prévu dans les statuts de la SE,

Si la loi nationale applicable aux sociétés anonymes le prévoit.

Or, en France, le taux de 5% est requis pour permettre à des actionnaires de convoquer une

assemblée générale par le biais du président du tribunal de commerce qui désigne un mandataire

et fixe l’ordre du jour de la réunion. On peut donc penser que la SE permet d’éviter cet écueil

administratif et coûteux, les actionnaires assumant intégralement les frais inhérents à cette

procédure…

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Les règles de majorité sont, là encore, très classiques puisque le Règlement renvoie aux Etats

membres le soin d’adapter le droit applicable. Ainsi, en France, la majorité des 2/3 est requise

pour toute décision affectant les statuts, aucune modification n’a été apportée.

La principale différence réside dans le calcul des voix : dans la SE, seules les voix exprimées

comptent, sans prise en compte des absentions, votes blancs ou nuls.

Par ailleurs, il est tout à fait possible de prévoir des catégories d’actions particulières. Leurs

titulaires ne pourront voir leurs droits modifiés sans avoir été préalablement consultés.

En dépit des intentions affichées dans l’article 9 du Règlement, qui octroie une place importante

aux statuts dans la hiérarchie des normes applicables à la SE, la liberté statutaire est in fine

encadrée par les options que peuvent lever, ou pas, les Etats membres.

En ce qui concerne les conventions réglementées, ce sont les statuts qui déterminent les

catégories d’opérations soumises à autorisation de l’organe d’administration ou de surveillance.

Toutefois, il est prévu que les Etats membres puissent établir une liste d’opérations devant

obligatoirement apparaître dans les statuts. En France, l’article L 229-7 alinéa 6 du code de

commerce énonce le principe selon lequel les catégories de conventions listées dans les statuts de

la SE doivent être identiques à celles des sociétés anonymes.

De même, dans le cas de SE unipersonnelles, la mention de la convention au registre des

délibérations vaut approbation de celle-ci.

Cette caractéristique ressemble furieusement aux dispositions de la société par actions simplifiée

française. Un autre élément accrédite l’idée selon laquelle la SE pourrait être appréhendée

comme une création hybride de la société anonyme et de la société par actions simplifiée. Pour

les SE non cotées, la France offre une liberté statutaire quant aux clauses de cessions de titres.

Clauses d’agrément, de sortie conjointe, de suspension de droits non pécuniaires, de changement

de contrôle ou de préemption peuvent être insérées dans les statuts, conférant la SE française une

souplesse particulièrement appréciable en termes de pilotage de la gouvernance.

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42

Enfin, le Règlement présente une grande souplesse quant aux règles de quorum et de majorité

des organes de direction et de surveillance puisque la liberté statutaire prévaut. C’est seulement à

défaut de précision dans les statuts que l’article 50§1 trouve à s’appliquer :

quorum : la moitié des membres présents ou représentés,

majorité : majorité des présents ou représentés et voix prépondérante du président,

sous réserve que les dispositions statutaires ne prévoient pas le contraire.

IV. … SANS CONSÉQUENCES FISCALES DOMMAGEABLES

Dans la première proposition de Règlement de la Commission européenne, il était admis que « la

société européenne [devait] demeurer soumise aux exigences fiscales nationales, l’élaboration

d’un régime fiscal propre à la société anonyme européenne risquant d’être la source de

discrimination dans un sens ou dans l’autre par rapport aux sociétés anonymes de droit

national ».

La version finale du Règlement de 2001 ne comporte aucune disposition fiscale. Dans l’un de ses

considérants32, « les Etats membres sont tenus de veiller à ce que les dispositions applicables

aux sociétés européennes en vertu du règlement n’aboutissent […] à des restrictions

disproportionnées à la formation d’une société européenne ou au transfert de son siège

statutaire. »

Or, il est certain que l’environnement fiscal a considérablement évolué depuis les années 70,

mais aussi depuis la date de parution du Règlement, notamment en raison de la jurisprudence de

la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

32 Considérant 5 du Règlement

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43

L’absence de cadre fiscal spécifique à la SE, appréhendée par beaucoup comme un frein à son

développement, se traduit à un double niveau :

Lors des opérations de création et de mobilité de la SE,

Lors de la gestion fiscale « courante » de la SE.

1 SE et mobilité

a) Lors de la constitution

Si le Règlement est muet quant à la fiscalité applicable, il n’en demeure pas moins que la

Directive CE n°2005/91 du 17 février 200533 trouve à s’appliquer aux opérations de création et

de mobilité de la SE puisqu’elle s’applique aux fusions, apports partiel d’actifs et échanges

d’actions contribuant à la création d’une SE.

La Directive n°2005/91 du 1er février 2005 consacre le principe de la neutralité fiscale en ce qui

concerne l’impôt sur les sociétés ainsi que l’impôt sur le revenu d’opérations de fusions, apports

partiels d’actifs et échanges de titres.

Les opérations de constitution de SE sont traitées de manière similaire à toute opération de

fusion transfrontalière.

Les SE peuvent bénéficier du régime de faveur prévu pour les opérations de fusion et d’apports

partiels d’actifs34 dès lors qu’elles sont créées par voie de fusion.

En matière de droits d’enregistrement, la Directive 2008/7 du 12 février 2008 prévoit une

exonération de droits d’apport les rassemblements de capitaux, sauf à ce que les Etats membres

disposent d’un droit d’apport antérieurement au 1er janvier 2006. Dans cette hypothèse, le taux

ne doit pas être supérieur à celui antérieurement appliqué, sans pouvoir excéder 1%. En France,

la constitution d’une SE par voie de fusion engendre l’application de 375 € pour une SE de

capital inférieur à 225 K€ et 500 € dans les autres cas.

33 Modifiant la Directive CEE n°90/434 du 23 juillet 1990 34 Articles 210 A et 210 B du Code général des impôts

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44

Dans le cas de la constitution d’une SE Holding, la Directive 2008/7 mentionne que, pour

bénéficier du régime de faveur, l’apport de titres doit permettre un contrôle de la majorité des

droits de vote de la société apportée. En France, cette exigence n’est pas exigée, ce qui rend

l’opération de constitution de SE encore plus attractive en France.

Dans le cas de la constitution d’une SE Filiale, le régime de faveur est applicable aux apports

d’actifs si ceux-ci correspondent à une branche complète d’activité. Une société française doit

respecter les conditions de l’article 210 B du code général des impôts et maintenir un

établissement stable en France. Les sociétés apporteuses françaises doivent obtenir l’agrément

prévu à l’article 210 C, 2 du Code général des impôts en cas de SE constituée dans un autre Etat

membre. De même, les apports de branche d’activité française par des sociétés étrangères

pourront être exonérées en application du régime de faveur, sous réserve de respecter certaines

conditions.

Par conséquent, les plus-values d’apports réalisés par les sociétés ayant concouru à la création de

la SE par fusion ou par apport de branche d’activité ou de titres peuvent exonérées.

De même, les actionnaires des sociétés absorbées peuvent différer l’imposition des plus values

d’échanges de leurs titres par le biais d’un sursis d’imposition.

En cas d’apport, la société apporteuse s’engage à conserver les titres reçus pendant trois ans

b) Lors d’un transfert de siège

Tout projet de restructuration d’un groupe oblige à choisir avec beaucoup d’acuité le nouveau

lieu du siège social.

Cette préoccupation peut avoir des conséquences multiples, notamment sur le plan fiscal. En

effet, en l’absence d’un cadre fiscal harmonisé sur l’ensemble de l’Union européenne, la

tentation pour une entreprise de changer son lieu d’imposition, bien évidemment afin de faire

baisser son taux effectif d’imposition, peut être tentant.

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45

A priori, la « délocalisation » purement fiscale est plus délicate pour une SE que pour une autre

structure en raison de l’obligation de réunir le siège social et l’administration centrale dans le

même Etat membre, voire dans la même ville (comme c’est le cas en France). Un tel projet de

transfert serait susceptible de contraindre des centaines de salariés à quitter leur Etat pour un

autre Etat.

Juridiquement, le transfert de siège d’une SE dans un autre Etat membre n’engendre pas

dissolution de la société, suivie de la création d’une personne morale35.

Fiscalement, il en va autrement.

Jusqu’à la loi de finance rectificative pour 2012 n°2012-1510 en date du 29 décembre 2012,

l’article 221, 2 du code général des impôts mentionnait que le transfert de siège dans un autre

Etat membre de la Communauté européenne, qu’il s’accompagne ou non de la perte de la

personnalité juridique en France, n’emportait pas les conséquences de la cessation d’entreprise.

En effet, la Directive n°2005/19 du 1er février 2005 ayant prévu la neutralité fiscale pour cette

opération, les plus-values qui devraient être imposées en cas de dissolution d’une société

transférant son siège social n’étaient donc pas imposées sous réserve que la société transférée

conserve un établissement stable dans l’Etat d’origine.

Dans l’hypothèse où l’Etat d’origine ne soumettait pas à l’impôt sur les sociétés les plus-values

sur les titres de participation et n’imposait pas le maintien d’un établissement stable, le transfert

d’une SE Holding bénéficiait d’une portée juridique et fiscale tout à fait intéressante. Seule

l’Autriche permettrait une telle démarche.

La loi de finances rectificative pour 2012 a modifié l’article 221, 2 du Code général des impôts.

Désormais, les plus values latentes constatées sur des éléments d’actif immobilisé rentrant dans

l’opération de transfert de siège intracommunautaire, de même que celles en report ou en sursis

d’imposition, sont ;

Soit imposées immédiatement pour leur totalité,

Soit imposées sur cinq ans, par tranches de 20%.

Ainsi, la SE qui transfère son siège dispose de deux mois à compter du transfert de siège pour

s’acquitter de la totalité du montant d’impôt sur les sociétés au titre des plus values visées ou

seulement le cinquième, sur demande expresse à l’administration fiscale.

35 Règlement n°2157/2001, article 8

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46

L’article 221, 2 est ainsi rédigé :

« 2 (…)

Lorsque le transfert du siège ou d'un établissement s'effectue dans un autre Etat membre de

l'Union européenne ou dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant

conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la

fraude et l'évasion fiscales ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de

recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil

du 16 mars 2010 précitée et qu'il s'accompagne du transfert d'éléments d'actifs, l'impôt sur les

sociétés calculé à raison des plus-values latentes constatées sur les éléments de l'actif

immobilisé transférés et des plus-values en report ou en sursis d'imposition est acquitté dans

les deux mois suivant le transfert des actifs :

a) Soit pour la totalité de son montant ;

b) Soit, sur demande expresse de la société, pour le cinquième de son montant. Le solde est

acquitté par fractions égales au plus tard à la date anniversaire du premier paiement au cours

des quatre années suivantes. Le solde des fractions dues en application de la première phrase du

présent b peut être versé à tout moment, en une seule fois, avant chaque date anniversaire du

premier paiement.

L'impôt devient immédiatement exigible lorsque intervient, dans le délai de cinq ans, la cession

des actifs ou leur transfert dans un autre Etat que ceux mentionnés au troisième alinéa du

présent 2 ou la dissolution de la société. L'impôt devient également exigible en cas de non-

respect de l'une des échéances de paiement.

La société adresse chaque année au service des impôts des non-résidents un état conforme au

modèle fourni par l'administration faisant apparaître les renseignements nécessaires au suivi

des plus-values latentes sur les éléments de l'actif immobilisé transférés, mentionnées au

troisième alinéa. »

Cette rédaction est conforme à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union Européenne qui

a été amenée à se prononcer à plusieurs reprises.

L'article 221, 2 du Code général des impôts n'écarte pas expressément les conséquences de la

cessation d'activité en cas de transfert du siège ou d'un établissement vers un État membre de

l'UE ou de l'EEE.

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47

Comme énoncé dans le rapport LENOIR, le second alinéa de ce texte prévoit que la cessation est

caractérisée lorsqu'une entreprise cesse totalement d'être soumise à l'IS. Au cas particulier, tel

pourrait être le cas d'une société qui transfère son siège et l'ensemble de ses actifs vers un autre

État membre de l'UE.

Il appartiendra à l'administration de préciser les règles à suivre dans cette hypothèse, à savoir,

soit la seule imposition des plus-values latentes, soit les conséquences d'une cessation

d'entreprise.

2 SE et fiscalité des bénéfices

Il semblerait assez logique que la SE, au regard de son statut particulier et spécifique, soit

soumise à une fiscalité adaptée. Le Parlement européen l’avait mentionné en indiquant que « la

totalité des avantages découlant de la société européenne ne se concrétiseront que si les

entreprises peuvent opter pour cette structure sans encourir des coûts fiscaux additionnels et si

certains obstacles fiscaux actuels entravant l’extension des activités à plus d’un Etat membre

sont supprimés36 ».

Une ACCIS optionnelle pourrait ainsi être envisagée. En effet, la Commission européenne

estime que le seul moyen systématique de lutter contre les entraves fiscales auxquelles se

heurtent les entreprises qui effectuent des opérations dans plus d'un État membre au sein du

marché intérieur est de permettre à ces entreprises d'être imposées sur la base d'une assiette

consolidée de l'impôt sur les sociétés couvrant l'ensemble de leurs activités dans l'UE. Les

mesures ciblées présentent de nombreux avantages et permettraient de progresser vers la

suppression des obstacles fiscaux.

L'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés est un ensemble unique de règles de

détermination du résultat imposable, susceptibles d’être utilisées par les sociétés exerçant leur

activité au sein de l'UE. En d'autres termes, une société ou un groupe de sociétés éligible ne

devrait se conformer qu’à un seul régime au sein de l’Union pour calculer son résultat

36 Communication Com. CE, 23 octobre 2001, COM (2001) 582

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48

imposable, plutôt qu'aux différents régimes propres à chacun des Etats membres dans lesquels

l’activité est exercée.

En outre, les groupes soumis au régime ACCIS auraient la possibilité de ne remplir qu’une seule

déclaration fiscale consolidée pour l’ensemble de leurs activités au sein de l'UE. Les résultats

imposables consolidés du groupe seraient répartis entre chacune des sociétés qui le constituent

par application d’une formule simple permettant à chaque Etat membre d’imposer les bénéfices

des sociétés résidentes de cet Etat, au taux d'imposition choisi par celui-ci (comme c’est le cas

aujourd'hui).

La Commission européenne a proposé le 16 mars 2011 un système commun destiné à calculer

l'assiette de l'impôt des sociétés actives dans l'Union européenne.

L'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (CCCTB) implique que les sociétés

bénéficieraient d'un système de "guichet unique" pour déposer leur déclaration fiscale et qu'elles

pourraient consolider tous les bénéfices et toutes les pertes enregistrés dans l'ensemble de

l'Union européenne. Les Etats membres garderaient leur droit souverain de fixer le taux

d'imposition des sociétés.

Cette solution permettrait à chaque SE de souscrire une déclaration d’impôt sur les sociétés

reprenant le résultat net imposable dans l’Etat de son siège social, reprenant l’ensemble des

résultats réalisés par ses succursales et filiales à 100% des différents Etats membres. « Un seul

corps de règles s’appliquerait donc à la détermination de l’assiette imposable, mettant ainsi fin,

sur ce plan, à la concurrence fiscale dommageable. 37. »

Dans la mesure où une harmonisation fiscale européenne relève encore aujourd’hui d’une

certaine forme d’utopie, l’ACCIS répondrait à une préoccupation majeure en permettant un

traitement uniforme de la fiscalité de l’impôt sur les sociétés de la SE pour l’ensemble de ses

succursales et filiales à 100%.

37 Droit et Patrimoine N°163 – Octobre 2007 : « les enjeux de la localisation de la SE dans l’espace européen », Noëlle LENOIR, Pierre-Pascal BRUNEAU et Michel MONJUCQ

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49

PARTIE 2 LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE, UN OUTIL AU SERVICE DES ASSUREURS ?

L’analyse du dispositif de la SE révèle toute sa pertinence dans une approche de rationalisation

structurelle d’un groupe d’assurance et son attractivité. En effet, le cadre légal du marché de

l’assurance est défini au niveau de l’Union européenne.

La SE est ainsi une société européenne, qui répond à des besoins assurantiels européens.

I. UN DISPOSITIF D’ESSENCE EUROPÉENNE…

A titre liminaire, il convient de souligner que sa personnalité juridique et ses moyens d’action

transfrontaliers confèrent à la SE un positionnement de société anonyme assouplie.

Inspirée par le droit allemand et finalement très proche du droit français, la SE peut être

appréhendée :

Non seulement, comme une société anonyme classique, ce qui la rend très facile d’accès

pour les juristes et les opérationnels concernés (financiers, comptables…) des groupes

d’assurance,

Mais encore, comme une société par actions simplifiée grâce à la liberté statutaire

octroyée aux SE ne faisant pas appel public à l’épargne.

De plus, sa nationalité européenne permet à toute SE de se prévaloir d’un véritable « label

européen » permettant de transcender les nationalités de groupes d’assurance qui envisageraient

un rapprochement avec un autre groupe ou une restructuration transfrontalière.

Enfin, la mobilité de la SE est un atout dans le cadre de restructurations. Cette mobilité s’inscrit

pleinement dans le cadre de la jurisprudence communautaire qui porte davantage sur la liberté

d’établissement « secondaire » (création de succursales ou de filiales dans l’Union européenne),

alors que la SE est le seul véritable outil juridique bénéficiant d’une liberté d’établissement

« primaire », grâce au transfert de siège social et à la fusion transfrontalière.

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L’une des spécificités premières de la SE est d’être une entité hybride, régie tant par des

éléments de source communautaire que par les dispositions nationales applicables aux sociétés

anonymes de chaque Etat. Ainsi, alors même que l’objectif initial était de constituer une entité

juridique à vocation fédérale dont le statut aurait été unique, la SE est issue du Règlement

2157/2001 du 8 octobre 2001, lequel renvoie aux dispositions nationales pour tous les thèmes

qu’il ne régit pas.

1 Une personnalité juridique européenne

Le Règlement 2157/2001 confère à la SE une personnalité juridique européenne tout à fait

intéressante. Elle permet aux sociétés « dont l’activité n’est pas limitée à la satisfaction de

besoins purement locaux (…) [de] concevoir et entreprendre la réorganisation de leurs activités

au niveau communautaire38 ».

A ce titre, comme le souligne Madame Noëlle LENOIR : « La personnalité juridique

européenne de la SE ne lui confère pas seulement une valeur symbolique. Elle élargit la gamme

de ses moyens d’action dans l’espace européen. La SE dispose de plus de liberté de mouvement

que les autres SA pour la gestion de ses activités transfrontalières. »39

Cette institutionnalisation des entités européennes n’en est pas à ses premiers pas. En effet, les

institutions européennes ont créé plusieurs structures, telles que le groupement européen

d’intérêt économique (GEIE), la société coopérative européenne (SCE) ou le comité d’entreprise

européen (CEE), et s’attachent actuellement à la création d’un modèle de « mutuelle

européenne » sur lequel nous aurons l’occasion de revenir durant cette étude.

Sans livrer une analyse détaillée de ces différentes structures, il semble intéressant de les décrire

à grands traits afin d’en connaître les principales caractéristiques.

38 Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la société européenne (SE) – Considérant (1) 39 Rapport Lenoir « La SE ou Societas Europaea : pour une citoyenneté européenne de l'entreprise », Mars 2007, La Documentation française

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51

Le groupement européen d’intérêt économique

Le GEIE, créé par le règlement n°2135-85 du Conseil du 25 juillet 1985, est un instrument

de coopération contractuelle entre entités d’Etats membres distincts. A l’instar du

groupement d’intérêt économique (GIE) bien connu en France, le GEIE permet à plusieurs

entités transfrontalières de réaliser des économies par la mise en commun de moyens.

Ainsi, il ne peut réaliser de bénéfices pour son propre compte, de sorte que les résultats

bénéficiaires remontent systématiquement dans les comptes de ses membres. En France, il

dispose de la personnalité juridique : il peut ester en justice ou contracter, en son propre

nom, avec des tiers. Au 24 décembre 2012, plus de 2 200 GEIE ont été créés depuis 1989,

année d’applicabilité dans les Etats membres40.

La société coopérative européenne

Après que les négociations avaient débuté en 1992, la SCE a pour acte fondateur le

règlement nº1453/2003, adopté le 22 juillet 2003 par le Conseil, transposé en droit français

dans le courant de l’année 200841.

Comme le souligne Laurent GROS, « la société coopérative européenne n’emporte pas de

grandes spécificités. On peut ainsi la qualifier de « petite sœur » de la société européenne,

tant elle lui est semblable à la fois dans sa genèse, dans les règles applicables et dans son

fonctionnement. »42 Toutefois, il est une différence fondamentale entre les deux structures

juridiques, à faire pâlir d’envie les défenseurs les plus ardents de la Société européenne : la

SCE, à l’inverse de la SE, peut être constituée ex nihilo par cinq personnes morales ou

physiques résidant dans au moins deux Etats membres différents.

L’implication des travailleurs a constitué une question prégnante sur laquelle les rédacteurs ont

achoppé pendant plusieurs années. L’accord conclu au Conseil européen de Nice visant la

création de la SE avait vraisemblablement permis d’aboutir au lancement de cette nouvelle

structure juridique avec la promulgation du Règlement ci-dessus visé et d’une Directive

2003/72/CE du Conseil du 22 juillet 2003.

40 Source : LIBERTAS – Europäisches Institut GmbH - Europäisches EWIV-Informationszentrum 41 Loi nº2008- 89 du 30 janvier 2008 et L. nº 2008-649 du 3 juillet 2008 ; complétées par 3 décrets : D. n° 2008-439 et n° 2008-440 du 7 mai 2008 ; D. n° 2009-767 du 22 juin 2009 42 « LA SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE EUROPÉENNE : UN NOUVEAU MODÈLE POUR LES GROUPES COOPÉRATIFS ? » - Laurent Gros - ATER Université de Lille 2 - Centre de Recherches en droits et perspectives du droit - Equipe René Demogue

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Il est intéressant de constater que la pratique du renvoi aux textes nationaux pour toutes les

questions non traitées dans le Règlement a, là encore, été utilisée. Cette construction avait offert

aux sociétés coopératives la possibilité de conserver leurs particularismes nationaux tout en

s’ancrant dans le modernisme des sociétés par actions, notamment par le choix de la

gouvernance entre les formes dualiste et moniste.

Ce processus législatif communautaire devrait pouvoir se poursuivre dans les années à venir avec

la relance du processus de création de la Mutuelle européenne43, ou le lancement de projets de

création d’association européenne et de fondation européenne.

L’européanisation du monde des affaires se traduit également par la mise en place de Comités

d’entreprise européens, des groupes spéciaux de négociation en charge de la préparation

d’accords sur l’implication des salariés dans les GEIE, les SCE et SE, ainsi que les comités de

groupe de SE.

La personnalité juridique européenne tend à devenir un outil fondamental, car central, de la

construction européenne. Les Institutions européennes en sont elle-même dotées telles l’Union

européenne, la Banque Centrale Européenne ou l’autorité de contrôle prudentiel EIOPA

(European Insurance and Occupational Pensions).

Dans le cadre du Rapport de Madame Noëlle LENOIR, le Professeur Michel MENJUCQ

suggère une transposition de citoyenneté européenne aux personnes morales européennes, quelle

que soit la forme juridique (SE, SCE ou GEIE) en se fondant sur l’article 48 du Traité CE,

remplacé depuis par le Traité de Lisbonne : « Les sociétés constituées en conformité de la

législation d’un Etat membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur

principal établissement à l’intérieur de la Communauté sont assimilées […] aux personnes

physiques ressortissantes des Etats membres. »

Ainsi, depuis le Traité de Maastricht de 1992, chaque ressortissant d’un Etat membre est tout à la

fois citoyen de son pays et citoyen européen.

43 Cf Partie 3 La SE, une référence pour la Mutuelle européenne ?

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Un parallèle peut donc être fait entre la citoyenneté européenne des personnes physiques et celle

de la SE.

Dans les deux cas, il s’agit d’une notion subsidiaire en ce qu’elle trouve sa source dans la

citoyenneté nationale : l’individu, par le truchement de son état civil, et la SE par le biais

de son immatriculation au registre national des sociétés.

La liberté de circulation du citoyen est totale. La reconnaissance de la SE tient à son

statut propre sans qu’il soit nécessaire qu’un traité spécifique tranche la question,

nonobstant la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne sur la liberté

d’établissement qui oblige tout Etat membre à reconnaître sur son territoire la capacité

juridique des sociétés étrangères créées dans un autre Etat44.

En conclusion sur ce point, je reprendrais une proposition du professeur Michel MENJUCQ : il

serait tout à fait pertinent de permettre aux SE de bénéficier des traités commerciaux,

d’établissement ou d’investissement conclus, avec des pays tiers, par les Etats membres dans

lesquels elles disposent d’une activité.

Nous l’avons vu, la citoyenneté européenne conférée à la SE est un atout indéniable pour toute

société qui choisirait cette forme juridique. Il n’en demeure pas moins que la SE dans sa

conception originelle est singulièrement différente de la SE finalement créée par le Règlement de

2001 en raison du grand nombre de renvois aux textes nationaux.

2 Une référence aux textes nationaux sans doute trop marquée

Les premières versions du projet de Règlement sur la SE laissaient apparaître une SE

correspondant à une entité juridique transnationale fondée sur le droit communautaire, sans

référence aux droit nationaux quant aux modes de constitution et de fonctionnement.

Dans cette logique, le développement et la consolidation des groupes au niveau européen aurait

prévalu sur la concurrence entre chaque Etat dans la défense de son attractivité économique.

Au final, la SE est considérée comme une société anonyme de l’Etat membre dans laquelle elle

est immatriculée et qui dispose d’une personnalité juridique européenne.

44 CJCE « Centros » du 9 mars 1999, aff. C-212/97 ; CJCE « Überseering » du 5 novembre 2002, aff. C-208/00 ; CJCE « Inspire Art » du 30 septembre 2003, aff. C-167/01

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Ainsi, les particularismes et spécificités nationaux ont été préservés grâce aux renvois nationaux

et aux options prévues par le Règlement.

Une rapide analyse comparative des textes susvisés laisse apparaître la subsistance de deux

caractéristiques fondamentales de la SE :

1. la personnalité juridique européenne.

2. la mobilité. Il est important de noter qu’il s’agissait, en 2001, du premier instrument

juridique permettant cette mobilité intracommunautaire. Depuis, la Directive 2005/56/CE

sur les fusions transfrontalières a permis, avec une certaine réussite, aux sociétés par

actions de procéder à des restructurations transnationales.

Cette évolution traduit quarante années de discussions et de compromis ayant permis un accord

politique, accord évidemment nécessaire à l’adoption du statut de la SE. Du point de vue

purement juridique, on peut regretter que ce compromis n’ait pas permis la création d’un

véritable outil communautaire dépassant le cadre législatif national de chaque Etat membre.

On l’aura compris, la SE s’est construite dans le temps, sans toutefois que soit remise en cause sa

dimension européenne. Bien au contraire, la SE est devenue la pierre angulaire du droit européen

des sociétés, matérialisant un véritable modèle d’inspiration pour les structures juridiques à

venir.

Le socle européen obtenu après 40 ans de discussions se caractérise par les éléments suivants :

la mobilité, par le truchement de la fusion transfrontalière et le transfert de siège.

l’implication des travailleurs.

Le label européen.

L’exigence d’un capital minimal.

Pour le siège de la SE, le Règlement applique la théorie du « siège réel », de sorte que le

siège statutaire correspond au lieu de son administration centrale.

L’immatriculation est uniforme pour tous les Etats membres. Cet élément est

fondamental puisqu’il conditionne la personnalité juridique.

La forme de gouvernance, moniste ou dualiste, y compris dans les Etats qui n’ont prévu

que l’un des deux systèmes pour la société anonyme.

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On comprendra aisément que ce socle européen laisse place à de nombreux renvois aux droits

nationaux : chaque Etat membre dispose donc de sa propre SE.

Pour bien comprendre, il convient de se reporter à l’article 9 du Règlement, reproduit ci-après :

« 1. La SE est régie :

a) par les dispositions du présent règlement ;

b) lorsque le présent règlement l’autorise expressément, par les dispositions du statut de la

SE, ou

c) pour les matières non réglées par le présent règlement ou, lorsqu’une matière l’est

partiellement, pour les aspects non couverts par le présent règlement par :

i) les dispositions de la loi adoptées par les Etats membres en application de mesures

communautaires visant spécifiquement les SE ;

ii) les dispositions de loi des Etats membres qui s’appliqueraient à une société anonyme

constituée selon le droit de l’Etat membre dans lequel la SE a son siège statutaire ;

iii) les dispositions des statuts de la SE, dans les mêmes conditions que pour une société

anonyme constituée selon le droit de l’Etat membre dans lequel la SE a son siège

statutaire.

2. Les dispositions de loi adoptées par les Etats membres spécifiquement pour la SE doivent être

conformes aux directives applicables aux sociétés anonymes figurant à l’annexe I.

3. Si la nature des activités par une SE est régie par des dispositions spécifiques de la législation

nationale, celles-ci s’appliquent intégralement à la SE. »

Cet enchevêtrement dans la hiérarchie des normes est la résultante directe du compromis et

pourrait rebuter les juristes les plus aguerris des groupes d’assurance. En 70 articles, le

Règlement prévoit 65 renvois au droit national et propose 32 options laissées à la discrétion de

chaque Etat.

Il semble donc nécessaire d’œuvrer à une plus grande homogénéisation de ce dispositif et de

profiter du projet de refonte du droit européen des sociétés actuellement initié par la Commission

européenne pour ce faire.

En attendant, la coexistence d’application de normes européennes (Règlement n°2157/2001 du

Conseil et la Directive n°2001/56/CE) et nationales (droit national de chaque Etat applicable à la

société anonyme) rend la déclinaison opérationnelle de la SE assez complexe.

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Cela étant, de l’article 9 du Règlement Maître Catherine CATHIARD et Arnaud LECOURT ont

distingué 5 grandes étapes45.

1. Les dispositions envisagées par le Règlement sont d’application impérative en ce qu’elles

écartent le droit national, même si ces dernières dérogent au droit communautaire.

Il en va ainsi des formes de constitution limitativement énumérées par le Règlement, de

sorte qu’il n’est pas possible d’en prévoir d’autres.

2. Toute disposition du Règlement renvoyant à la liberté contractuelle est réglée dans les

statuts de la SE, lesquels dérogeront donc au droit national applicable aux sociétés

anonymes.

Il en va ainsi des règles de quorum et de majorité des organes de la SE.

3. Le Règlement prévoit des options permettant à chaque Etat de légiférer sur la SE dans

trois hypothèses :

En l’absence de dispositions dans le Règlement,

En cas de renvoi par le Règlement à la liberté statutaire,

En cas de dispositions parcellaires du Règlement.

Par exemple, le Règlement a prévu une option permettant aux Etats de laisser la

possibilité à une entité juridique ayant son siège social hors Communauté de participer à

la création d’une SE si elle est constituée selon le droit d’un Etat membre, a son siège

statutaire dans ce même Etat membre tout en ayant un lien effectif et continu avec

l’économie d’un Etat membre. La France n’a pas levé cette option.

Une autre option, levée par la France, prévoit un droit d’opposition d’autorités (en

France, le Procureur de la République et la Banque de France) au transfert d’un siège

social dans un autre Etat membre.

4. En l’absence de précisions tant dans le Règlement qu’en droit interne spécifique à la SE,

le droit national de la société anonyme s’applique.

Il en va ainsi des règles applicables au droit fiscal, la propriété intellectuelle,

l’insolvabilité ou la concurrence.

5. Dès lors que le Règlement ne prévoit aucune disposition, le droit interne applicable aux

sociétés anonymes peut donner aux statuts de fixer telle ou telle règle.

45 « La pratique du droit européen des sociétés », éditions Joly, 2010

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En termes de compétitivité, nous venons de le voir, la SE peut offrir une réelle souplesse puisque

la liberté statutaire constitue la deuxième source de droit applicable. En ce sens, la SE peut

permettre aux groupes d’assurance de moduler leurs statuts en fonction d’objectifs particuliers,

notamment au regard de leur gouvernance.

De plus, les groupes d’assurance de dimension européenne pourraient être intéressés à l’idée

d’utiliser la SE afin de contourner les difficultés rencontrées dans l’harmonisation des

législations nationales. Fondée sur un socle communautaire auquel s’agrègent nombre de

dispositions légales applicables à la société anonyme, la SE constitue une forme juridique assez

familière de celles utilisées actuellement par le monde de l’assurance. Les groupes peuvent donc

s’appuyer sur le savoir-faire de leurs équipes juridiques…

Par conséquent, la SE est, et à l’instar de la SCE, de « forme juridique européenne, de nature

spécifique et communautaire »46. Nous pourrions reprendre la formule utilisée par la CJCE dans

l’arrêt du 2 mai 2006 précité : la SCE « a pour objet de créer une forme nouvelle de société

coopérative, qui se superpose aux formes nationales ». La SE représente une forme nouvelle de

société par actions, qui se superpose aux formes nationales.

Pour toutes les raisons évoquées précédemment, beaucoup d’observateurs pensent qu’il existe

autant de SE que d’Etats membres. Ce n’est pas tout à fait faux…

Tentons à présent d’analyser l’impact de cette complexité sur la mobilité de cette structure

juridique.

46 CJCE, « Parlement européen contre Conseil de l’Union européenne » du 2 mai 2006, aff. C-436/03.

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3 Un atout de taille : la mobilité

a) Le transfert de siège

Depuis le Traité de Rome, la liberté de circulation est un droit fondamental dans la

construction européenne. Si ce droit est largement reconnu pour les personnes physiques,

il n’en était pas de même pour les personnes morales, principalement en raison du

changement de loi applicable à la société.

Ainsi, le fait pour une société de transférer son siège revient à perdre sa personnalité

juridique, ce qui entraîne une cascade de contraintes et inconvénients dont l’exigibilité

immédiate de l’ensemble des impôts sur les bénéfices, les dividendes et les plus-values.

La personnalité européenne de la SE permet d’éviter ces contraintes puisque la mise en

œuvre d’un droit d’établissement principal des sociétés au niveau européen est l’une des

principales innovations de cette forme juridique.

S’il est évident qu’un transfert de siège social ne peut en aucune façon constituer un

objectif à part entière, il peut s’intégrer dans une stratégie globale de restructuration et

permettre de résoudre un certain nombre de difficultés rencontrées lors de rapprochement

entre deux groupes.

L’article 8 du Règlement mentionne le droit pour chaque SE de transférer son siège dans

tout Etat membre, sans disparition de sa personnalité juridique « Le siège statutaire de la

SE peut être transféré dans un autre Etat membre conformément aux paragraphes 2 à 13.

Ce transfert ne donne lieu ni à dissolution ni à création d’une personne morale

nouvelle. »

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Dès lors, la SE dispose d’une longueur d’avance par rapport aux autres structures

juridiques. En effet, dans l’attente de la 14ème Directive sur le transfert de siège

transfrontalier, il est quasiment impossible pour une société d’un Etat membre relevant

d’un des deux régimes47 de transférer son siège dans un Etat membre appliquant l’autre

régime sans qu’il y ait radiation dans l’Etat d’origine et, par voie de conséquence, fin de

la personnalité juridique.

Par conséquent, le transfert de siège social de la SE engendre peu de conséquences, dès

lors qu’elle maintient une succursale dans l’Etat de son ancien siège, et peut même

s’avérer transparente sur certains élément, tels :

Les caractéristiques de la SE (montant du capital, nombre et valeur des actions,

mode de gouvernance, …),

Les contrats de travail pour les salariés restant à l’ancien siège social,

Les droits des créanciers.

Toutefois, le processus de transfert de siège social est relativement lourd, ce qui rend

cette opération assez complexe à mener. Il se rapproche de celui des fusions

transfrontalières.

Ainsi, le Règlement décline de manière précise le cadre à respecter.

(1) Projet de transfert

Ainsi, à l’image de l’opération de fusion, un projet de transfert doit être rédigé par

l’organe de direction de la SE. Il comprend un certain nombre de mentions obligatoires,

et fait l’objet de formalités de publicité.

Même en l’absence de transfert d’emplois dans le nouvel Etat membre, l’info-consulte

des représentants des salariés est obligatoire. Elle porte sur l’analyse du projet de

transfert, préalablement à sa signature. De même, il convient d’analyser les règles en

vigueur sur les modalités d’implication des salariés afin de s’assurer de leur efficience

dans le nouveau dispositif.

47 Il convient de rappeler que deux régimes coexistent : le régime du siège statutaire et le régime du siège réel

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Il doit être accompagné d’un rapport des dirigeants « justifiant les aspects juridiques et

économiques du transfert et expliquant les conséquences du transfert pour les

actionnaires, les créanciers et les tiers », présenté aux actionnaires avant la tenue de

l’assemblée générale, dans les délais prévus par les Etats membres.

(2) Droit d’opposition des autorités publiques

La publication du projet de transfert fait courir un délai de deux mois au cours duquel un

certain nombre d’acteurs peuvent faire opposition au projet48. S’agissant d’une option

proposée par le Règlement, l’Italie et l’Allemagne ne l’ont pas levée.

En France, ce droit est défini pour le procureur de la République ainsi qu’à l’Autorité des

Marchés Financiers (AMF) et à l’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP).

(3) Décision de transfert

L’assemblée générale ne peut décider du transfert qu’à compter de l’expiration du délai

d’opposition de deux mois.

Cette décision est prise selon les règles de majorité prévues pour tout changement

statutaire. En effet, il sera sans doute nécessaire d’adapter les statuts au regard des

dispositions nationales pour tous les points sur lesquels le Règlement prévoit des options

à lever.

(4) Droit des tiers

Selon le Règlement, les actionnaires minoritaires peuvent obtenir le rachat de leurs

actions en cas d’opposition à l’opération à condition que l’Etat membre d’origine ait

adopté cette mesure.

48 Article 8§14 du Règlement

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C’est le cas en France, alors qu’elle n’a pas levé cette option en cas de fusion, mais aussi

en Finlande ou en Espagne.

Comme le souligne Madame Noëlle LENOIR dans son rapport, cette option est très

« pénalisante pour l’entreprise qu’elle peut exposer à des coûts prohibitifs, reflète le

refus d’Etats comme la France de laisser partir les entreprises de leur territoire. »

De même, la SE doit prouver que les droits des créanciers et titulaires d’autres droits

seront bel et bien respectés après le transfert.

(5) Contrôle de la légalité - Immatriculation de la SE et radiation

Le Règlement prévoit que les Etats membres devront désigner une ou plusieurs autorités

chargées de délivrer un certificat de conformité. Il s’agit d’une formalité commune à

celle de la fusion.

En France, ce contrôle est exercé entre :

Le notaire, qui délivre « un certificat attestant de manière concluante

l’accomplissement des actes et formalités préalables au transfert »,

le greffier du tribunal de commerce, qui procède à la radiation à réception de la

notification de l’immatriculation par le registre.

En effet, l’immatriculation dans le pays d’accueil ne se fait que sur présentation du

certificat de légalité. Le registre notifie l’immatriculation au registre du pays d’origine.

Une publication au Journal Officiel des Communautés Européennes se fait ensuite dans le

mois qui suit la publicité au niveau national.

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b) La fusion transfrontalière

Lors de l’entrée en vigueur du Règlement, certains auteurs se sont posé la question de la

possibilité pour une SE de participer à des opérations de fusion transfrontalière. Cette

problématique, aussi incongrue qu’elle puisse paraître pour une société fondée sur la mise

en commun du potentiel des entreprises européennes par fusion, n’en était pas moins

fondée. C’est seulement la Directive n° 2005/56/CE relative aux fusions transfrontalières

qui a levé les derniers doutes.

Ainsi, une SE déjà immatriculée peut fusionner avec :

Une société relevant d’un autre Etat membre, dans le but de créer une nouvelle

SE : l’opération sera soumise au Règlement ainsi qu’à la Directive 2001/86/CE.

Une société relevant d’un autre Etat membre, sans créer une nouvelle SE :

l’opération sera soumise à la Directive n° 2005/56/CE relative aux fusions

transfrontalières.

Dans les deux hypothèses, le régime fiscal de faveur créé par la Directive n° 90/434/CE

sera applicable, respectant ainsi la neutralité fiscale propre aux SE.

II. … QUI RÉPOND AUX BESOINS SPÉCIFIQUES ASSURANTIELS

Au-delà des intérêts communs à tout groupe, quel que soit son secteur d’activité, la

réglementation spécifique au secteur de l’assurance doit être appréhendée afin d’identifier les

raisons pour lesquelles les groupes d’assurance ont tout intérêt à analyser la transformation de

leurs sociétés en SE.

Il convient, par conséquent, d’étudier la réglementation prudentielle en tenant compte des

normes applicables actuellement, rassemblées sous l’appellation « Solvabilité I », mais aussi à la

lumière des dispositions de la Directive 2009/138/CE du Parlement Européen et du Conseil du

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25 novembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice,

dite « Solvabilité II ».

Pour les besoins de cette étude, nous partirons du principe que toute entreprise d’assurance fait

partie d’un groupe et étudierons donc les aspects prudentiels et financiers sous cet angle.

Solvabilité I, régime construit dans les années 1970, a été remanié dans les années 2000 afin de

simplifier les précédentes normes devenues complexes. Ainsi, des normes minimales ont été

fixées en matière d’exigence de marge de solvabilité, étant entendu que chaque Etat conserve la

possibilité d’imposer des règles plus strictes49.. De plus, en matière d’assurance vie, une

Directive 2002/83/CE a refondu les précédents textes applicables pour le clarifier et en faciliter

la compréhension.

Toutefois, ce travail législatif communautaire s’est avéré insuffisant. En effet, de nombreuses

évolutions techniques et financières nécessitent une adaptation du cadre réglementaire à un

environnement économique particulièrement changeant.

On peut noter, à titre d’exemple :

• La progression des systèmes d’information et leur impact sur la gestion des risques ou

l’ingénierie financière,

• Le désengagement des Etats dans la couverture de certains risques, tels que la santé, la

prévoyance ou la retraite,

• L’avènement de la « bancassurance »,

• La mondialisation de l’activité d’assurance et l’essor de poids lourds européens et

internationaux,

• L’apparition de nouveaux risques (terrorisme, climatique…) peu ou mal appréhendés.

De plus, Solvabilité I n’incite pas suffisamment à une approche de l’assurance par le risque et ne

conduit pas les assureurs à améliorer leur système de gouvernance.

49 Directives 2002/12/CE et 2002/13/CE

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Dès lors, dans la mesure où l’allocation des actifs n’est pas optimale, la Commission a considéré

que les assureurs faisaient peser des risques sur les preneurs d’assurance qu’il convenait de

diminuer, d’autant que les dispositifs nationaux durcissant le corpus de règles faussaient le jeu de

la concurrence entre les Etats membres.

Enfin, Solvabilité I appréhende le contrôle prudentiel au niveau de l’entité juridique, alors même

que c’est bel et bien la notion de groupe qui prédomine dans le secteur, notamment en raison des

principes de spécialité et de spécialisation édictés par la législation.

Dès lors, la Commission européenne a lancé une refonte plus large et ambitieuse visant la refonte

complète des normes applicables

La directive Solvabilité II édicte un certain nombre de règles qui alourdissent considérablement

les obligations des entreprises et groupes d’assurance. Si les dirigeants n’agissent pas, les coûts

humains et matériels (principalement, les systèmes d’information) augmenteront sensiblement en

raison de la nécessité pour le secteur de l’assurance et de la réassurance de se mettre en

conformité.

Elle fixe les niveaux des fonds propres que les compagnies d’assurances devront afficher dans

leur bilan pour couvrir chaque type de risque auquel leur activité les expose à horizon d’un an.

En particulier, les risques (par exemple, de marché, de taux d’intérêt, de crédit) liés aux

placements des compagnies - qui sont là pour leur permettre de faire face à leurs engagements

vis-à-vis des assurés - font l’objet d’une attention étroite sous la forme de mesure de sensibilité

et in fine d’une pondération importante dans le calcul de l’exigence de fonds propres.

De plus, elle place l’information et le contrôle au cœur de ses exigences.

Les groupes d’assurance et de réassurance vont donc être confrontés à la nécessité de procéder à

une rationalisation de leurs structures, de leur organisation et de leur gouvernance, afin

d’absorber, autant que faire se peut, les impacts de la Directive Solvabilité II. La recherche

d’économies, si possible, substantielles sera nécessaire.

La réorganisation des groupes par le biais de SE peut contribuer à l’atteinte de ces objectifs en

simplifiant les obligations des différentes entités d’un groupe.

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1 Enjeux financiers : la fongibilité des fonds propres, un enjeu capital

Les premiers travaux réalisés par le biais des études d’impact quantitatives, les fameuses QIS50,

ont permis de mettre en exergue le besoin en fonds propres lié aux investissements, mais plus

encore la volatilité des fonds propres réglementaires. Cette volatilité est en lien direct avec une

mesure du risque de sur un an, durée en totale contradiction avec le caractère long terme de la

plupart des activités d’assurance.

Or, la gestion du capital est devenue un facteur de performance absolument déterminant pour les

groupes d’assurance et de réassurance. En effet, la gestion du capital se situe à la confluence des

enjeux stratégiques assurantiels que sont :

• La solvabilité,

• La rentabilité,

• et la croissance.

Les entreprises doivent toujours chercher à optimiser leur gestion du capital, En effet, ainsi que

le souligne Denis KESSLER, « un manque de capital nuit au développement des entreprises et

peut conduire à leur disparition », de même qu’un « excès trop important de capital dégrade la

rentabilité »51.

La Directive Solvabilité II va considérablement modifier les exigences en fonds propres

réglementaires en introduisant le « solvency capital requirement », définissant le capital cible et

appelé « SCR », ainsi que le « minimal capital requirement », ou « MCR », traduisant le capital

minimal au deçà duquel l’autorité de contrôle sera amenée à prendre toute mesure utile.

Au niveau des groupes, le SCR devrait pouvoir être calculé de trois manières différentes :

• Agrégation totale, en utilisant notamment des matrices de corrélation,

• Entité solo, sur la base des comptes consolidés,

• Somme des entités solos.

50 Quantitative impact studies 51 Denis KESSLER, Président Directeur Général de SCOR, « Vers une gestion optimale du capital dans l’assurance », discours tenu lors de la Cérémonie de remise des diplômes du CHEA, 19 septembre 2012

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Compte tenu de la complexité de ces dispositifs de calculs, il sera nécessaire de consolider les

bases en les rendant fiables et cohérentes. De plus, la recherche des effets de diversification

devrait être au cœur des préoccupations des assureurs et réassureurs et poussera ceux-ci à utiliser

des outils permettant d’homogénéiser leurs pratiques.

Ainsi, les groupes seront amenés à déterminer leur bilan prudentiel « groupe » en appliquant les

règles de valorisation, principalement énoncées par la Directive Solvabilité II52, puis les règles

de consolidation classiques neutralisant les transactions et participations intragroupes. En effet,

les opérations intragroupes ne doivent pas compromettre la solvabilité de l'entreprise d'assurance.

Cela vaut aussi bien pour les opérations d'une entreprise d'assurance avec sa société mère ou ses

filiales que pour celles réalisées avec une entreprise dans laquelle une entreprise d'assurance

détient une participation.

Ce n’est qu’après cette première étape franchie que les groupes prendront en compte les effets de

la diversification. Chaque filiale devra évaluer le surplus de fonds propres non disponibles pour

le groupe, correspondant à la différence entre les fonds propres non disponibles et la contribution

au SCR du groupe, et se verra allouer l’effet de diversification du groupe.

Enfin, les fonds propres disponibles pour couvrir le SCR du groupe seront calculés.

On le perçoit : l’allocation d’actifs devient de plus en plus fondamentale dans le pilotage des

groupes d’assurance. Du fait de la valorisation en valeur de marché, et non à la valeur historique,

le taux de couverture de l’assureur sera davantage impacté par les fluctuations de cours ou de

taux. Les actifs risqués, tels que les actions ou les hedges funds, devient donc pénalisante. On

peut penser que les stratégies d’asset-management seront certainement profondément modifiées ;

il sera nécessaire d’en garantir une certaine centralisation avec pour objectif de préserver un

coussin de marge de solvabilité au dessus du minimum réglementaire indépendamment des

conditions de marché.

52 Les groupes disposant de sociétés financières intégreront également les règles de valorisation spécifiques et appropriées.

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Cette stratégie sera d’autant plus importante que le besoin en capital diffère selon le risque

assurantiel visé et dans le temps53. Ainsi, les assureurs vont devoir optimiser leurs portefeuilles

de risques en cherchant à maximiser leur return on equity (ROE) en tenant compte du montant

total de capital à allouer et de leur appétit au risque. Dès lors, l’optimisation de la gestion de

capital sera source de création de valeur pour l’entreprise.

Ainsi, pour le groupe SCOR, au 30 juin 2012, la diversification s’est traduite par un gain de 27

% de besoins en capital grâce au cumul vie/non vie, soit 1 Milliard d’euros de capital.

Cette stratégie ne saurait être pertinente et produire des effets bénéfiques qu’à condition que la

fongibilité du capital soit possible au niveau des groupes. A ce titre, « les effets de

diversification ne pourront être reconnus qu’à la condition de pouvoir librement utiliser les

actifs d’une entité pour couvrir les pertes d’une autre et de pouvoir démontrer que le capital

disponible au niveau groupe conduit effectivement à une libération de capital » 54. Or, plusieurs

contraintes réglementaires limitent la fongibilité du capital, telles que la participation aux

bénéfices de contrats, pour laquelle les actifs admis en représentation ne sont pas disponibles.

Si l’utilisation d’instruments financiers facilitant la mobilité du capital doit être privilégiée, la

réduction du nombre d’entités juridiques permettra d’augmenter la fongibilité du capital. Une

meilleure convergence est nécessaire afin de diminuer les coûts administratifs et opérationnels,

une remise à plat des systèmes d’information étant incontournable, ainsi que les risques

opérationnels générés par une certaine décentralisation des prises de décision.

De plus, le risque étant placé au cœur du pilotage des groupes d’assurance et de réassurance,

c’est bel et bien leur appétence au risque qui définira le cadrage de la gestion de capital. Ainsi,

pour SCOR, l’appétit pour le risque modéré conduit le groupe à éviter toute exposition aux

risques extrêmes

53 Pour SCOR SE, pour un euro de prime, le besoin en capital au cours de la première année varie entre 0,5 euro en assurance vie et plus de 3 euros pour l’assurance catastrophes naturelles 54 Franck COISNON, « Solvabilité II : le renouveau de l’approche Groupe »,

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2 Les obligations de communication

En matière de reporting prudentiel et de communication à l’égard du public, chaque entreprise

d’assurance et de réassurance doit respecter un certain nombre d’obligations, considérablement

renforcées par la Directive Solvabilité II.

a) Des exigences considérablement renforcées pour chaque entreprise…

Le considérant 23 de la Directive Solvabilité II énonce le principe selon lequel « les autorités de

contrôle devraient être en mesure d’obtenir des entreprises d’assurance et de réassurance les

informations nécessaires aux fins de contrôle ». A cette fin, la Directive Solvabilité II contient

plusieurs mesures d’application et de lignes directrices reprenant les informations qui seront

remises aux superviseurs.

Les professionnels de l’assurance devront fournir des informations uniformisées permettant aux

autorités de contrôle de vérifier différentes éléments définis par l’article 35 de la Directive

Solvabilité II :

« a) évaluer le système de gouvernance appliqué par les entreprises, leurs activités, les

principes d’évaluation qu’elles appliquent à des fins de solvabilité, les risques auxquels

elles sont exposées et leurs systèmes de gestion des risques, la structure de leur capital,

leurs besoins en capital et la gestion de leur capital;

b) prendre toute décision appropriée qu’appelle l’exercice de leurs droits et fonctions en

matière de contrôle. »

De plus, les entreprises d’assurance et de réassurance devront adapter leurs organisations,

structures et systèmes afin de se conformer aux nouvelles exigences légales. Une politique écrite

et circonstanciée devra être adoptée par l’organe d’administration de chaque entreprise.

Ce « supervisory reporting » a pour objectif notable de fournir toutes les informations

nécessaires au contrôle afin de favoriser le développement du marché unique de

l’assurance.

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Le secteur de l’assurance estime que le volume de documents exigés croîtra de manière

exponentielle. Les différents documents exigés devront être transmis selon un calendrier strict. Il

en va ainsi :

• D’un rapport sur la situation financière et sur la solvabilité destiné au public,

• D’un rapport narratif,

• D’un rapport sur l’ORSA,

• Des états quantitatifs annuels et trimestriels.

S’il n’est pas question, dans la présente thèse, de procéder à une description détaillée de

l’ensemble de ces rapports, il est important d’en saisir la complexité et d’en apprécier les

conséquences opérationnelles et financières.

Par ailleurs, le pilier 3 de la Directive Solvabilité II prévoit un alourdissement des obligations

imposées à chaque entreprise d’assurance en matière de communication à destination du public.

Le « Solvency and Financial Condition Report », le SFCR, devra décrire leur solvabilité ainsi

que leur situation financière, dans des délais préalablement définis. Les différentes activités ainsi

que la performance de l’entreprise devront être mises en perspective avec le système de

gouvernance. Dès lors, une description du système de gestion de risques et des règles de contrôle

interne, l’évaluation de la solvabilité ou la gestion du capital devront faire l’objet de

développements précis.

On constate, à travers le schéma ci-après présenté, que les entreprises d’assurance et de

réassurance vont devoir tenir plusieurs agendas de réalisation afin de tenir compte d’une période

transitoire prévue par la Directive Solvabilité II.

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b) … applicables également au niveau des groupes

Ce renforcement des obligations de communication et de reporting prudentiel s’imposera à

chaque entreprise. La tâche s’annonce d’autant plus ardue pour les groupes d’assurance et de

réassurance qui disposent de structures juridiques à travers l’Union européenne que des

exigences importantes seront imposées au niveau de chaque groupe.

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En effet, en vertu de l’article 254 de la Directive Solvabilité II, les groupes devront appliquer les

exigences de l’article 35 de la Directive Solvabilité II « mutatis mutandis » et dupliquer

l’ensemble des rapports, documents et états détaillés au niveau groupe, en tenant compte des

spécificités y afférentes que la réalisation d’un ORSA au niveau Groupe ne suffira pas à lisser

complètement.

De plus, en juin 2011, l’European Insurance and Occupational Pensions Authority, l’EIOPA,

avait validé le langage XBRL55 comme format unique de reporting. L’utilisation d’un langage

uniforme et spécifique sur le territoire européen permettra de répondre à l’un des objectifs

d’harmonisation des reportings.

Le secteur de l’assurance se trouve donc en face d’enjeux primordiaux car ces nouvelles

exigences en matière de reporting nécessiteront une évolution en profondeur de leur organisation

et de leurs systèmes d’information, tant au niveau de l’entreprise qu’au niveau de chaque groupe.

Une centralisation des pouvoirs décisionnels, associée à une simplification de la gouvernance,

est l’une des solutions à envisager pour garantir une certaine efficacité dans la gestion des

risques, notamment en matière de Gouvernance, et, in fine, réaliser des économies d’échelle.

3 La supervision de groupe

Il convient, en premier lieu, de rappeler que l’intégration d’une entreprise d’assurance au sein

d’un groupe est prévue par les règles prudentielles actuelles.

Sur le plan de la surveillance prudentielle, l’enjeu d’une rationalisation des structures d’un

groupe consiste à analyser l’opportunité de création d’une SE à travers la question suivante : est-

il plus judicieux de se voir appliquer le contrôle « solo » ou le contrôle de « groupe » ?

55 eXtensible Business Reporting Language

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En effet, il existe 2 types de contrôles, dont les modalités diffèrent singulièrement :

• Contrôle solo,

• Contrôle de groupe.

Ces deux dispositifs vont évoluer avec Solvabilité II, de sorte que ce point de l’étude doit

véritablement être traité au regard des normes prudentielles actuellement applicables et celles à

venir sous Solvabilité II.

a) Un contrôle de groupe insuffisant sous Solvabilité 1…

Par application de la troisième directive, l'Autorité de contrôle prudentiel, l’ACP, dispose d’un

pouvoir de contrôle sur les entreprises d’assurance françaises, y compris pour leurs succursales

ou leurs activité pratiquées par le biais de la liberté de prestations de services (LPS) dans d'autres

États de l'Union européenne.

En revanche, les entreprises d’assurance dont le siège social est situé hors de France et qui

développent une activité en France ne sont plus surveillées par l’ACP. Un système de

coordination communautaire avec les autorités de contrôle des autres États européens lui offre la

possibilité de se prévaloir de prérogatives de contrôle et de sanction56

Ce schéma est le même pour chaque Etat membre de l’Union européenne, de sorte que le

contrôle applicable à une seule entreprise d’assurance est clair et pragmatique.

A l’inverse, le contrôle de groupe est plus complexe. En effet, au dispositif « solo », dont les

grands principes ont été résumés ci-dessus, se superpose un dispositif dit de « surveillance

complémentaire » applicable aux groupes. Ce dispositif a été mis en œuvre en 1998 par une

Directive 98/78/CE du 27 octobre 1998 sur la surveillance complémentaire des entreprises

d'assurance faisant partie d'un groupe d'assurance.

56 Article L 363-2 du code des assurances

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Ce dispositif s’applique à toutes les sociétés disposant d’une influence sur la situation financière

ainsi que l'activité de l'entreprise d'assurance. Il en va ainsi des sociétés liées ou disposant d’une

participation dans l'entreprise d'assurance et plus généralement, des sociétés filiales :

• entreprises de réassurance ;

• sociétés holdings, la distinction étant faite entre les compagnies financières dont les

filiales opèrent principalement ou exclusivement dans le secteur des assurances et les

compagnies mixtes dont le champ d'activité est plus large ;

• compagnie financière holding mixte ;

• entreprises d'assurance ou de réassurance des pays tiers.

Les autorités compétentes ne sont pas tenues d’exercer de surveillance sur :

• l’entreprise d’assurance ou de réassurance du pays tiers;

• la société holding d’assurance;

• la compagnie financière holding mixte;

• la société holding mixte d’assurance.

Les États membres ou les autorités compétentes chargées d'exercer la surveillance

complémentaire peuvent renoncer lorsque celle-ci est inappropriée ou lorsque l'entreprise ne

présente qu'un intérêt négligeable. De plus, les entreprises d’assurance doivent mettre en œuvre

des procédures internes appropriées pour la production des informations réglementaires. Lorsque

les autorités compétentes d'un État membre souhaitent vérifier des informations portant sur une

entreprise d'assurance située dans un autre État membre, elles doivent demander aux autorités

compétentes de l'autre État membre qu'il soit procédé à cette vérification.

Lorsque des entreprises d’assurance ou de réassurance agréées dans au moins deux États

membres ont pour entreprise mère la même société holding d’assurance, entreprise d’assurance

ou de réassurance d’un pays tiers, compagnie financière holding mixte ou société holding mixte

d’assurance, les autorités compétentes ont la possibilité d’établir un accord pour désigner celle

qui doit assurer la surveillance complémentaire.

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Toutefois, bon nombre de spécialistes, parmi lesquels Philippe HERZOG, considèrent encore

que les filiales ne sont pas correctement supervisées en tant que filiales de groupes

transnationaux. Les autorités de contrôles nationales s’attachent davantage à la situation locale

qu’aux incidences transnationales propres à la notion de groupe.

« Le superviseur local a, de ce fait, peu de visibilité quant aux difficultés globales du groupe à

respecter les règles locales de solvabilité du capital consolidé ou quant à ses difficultés dans

d’autres marchés. C’est pourquoi la réalité économique des groupes financiers, caractérisée par

une gestion centralisée du capital et des risques doit être prise en compte pour assurer

l’efficacité de la protection du consommateur. » 57

La transformation des sociétés d’un groupe d’assurance en SE présente donc un avantage non

négligeable au regard de la simplification des modalités de contrôle : le passage d’un contrôle de

groupe, réalisé par plusieurs autorité de contrôle, et tant décrié par les assureurs, à un contrôle

solo réalisé par une seule autorité de contrôle présente un avantage certain pour un groupe

d’assurance présent dans plusieurs Etats membres.

Il est toutefois clair qu’aucun groupe ne parviendra à réunir toutes ses activités assurantielles en

une seule et même société. Ce n’est pas souhaitable pour des raisons stratégiques, d’autant que la

réglementation ne le permet pas en raison du principe de spécialisation58. Il est plutôt judicieux

de raisonner par type d’activités (vie vs non-vie) et de simplifier l’organigramme d’un groupe en

ce sens, par le biais de fusions des entités. A ce titre, la notion de contrôle de groupe restera

prégnante sous Solvabilité I.

Reste à savoir si la réglementation future Solvabilité II peut rendre la SE aussi pertinente…

57 Philippe HERZOG : « Solvabilité II : poursuivre la négociation pour une directive ouvrant la voie à une supervision européenne » dans l’Option n°25 « Solvabilité II Pour une meilleure protection des consommateurs en Europe – Un projet de directive en débat » de Confrontations Europe, Mars 2009 58 Articles L 321-1 du code des assurances, L 211-7 et R 211-4 du code de la mutualité et L 931-1 du code de la sécurité sociale. Le principe de spécialisation est assoupli par les organismes français qui ont pour activité exclusive la réassurance : un organisme de réassurance peut être agréé en vie ou en non-vie ou pour l’ensemble des branches (L 321-1-1 CA ; L 211-7-2 CM ; L 931-4-1 CSS).

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b) … Renforcé par la Directive Solvabilité II, mais encore insuffisant

Avec Solvabilité II, le groupe est appréhendé comme une entité à part entière. Ainsi, la

conception bicéphale du contrôle prudentiel de Solvabilité I disparaît : il n’est plus question

d’appliquer un « contrôle complémentaire » en cas de groupe de sociétés d’assurance.

Cette évolution législative traduit une prise en compte de la dimension transnationale des

groupes d’assurance et renforce les règles à respecter. Le considérant 104 de la Directive

Solvabilité II est ainsi formulé : « la présente directive illustre un modèle innovant de contrôle

dans lequel un rôle essentiel est attribué au contrôleur de groupe, mais qui reconnaît et conserve

un rôle important au contrôleur de chaque entreprise en particulier. Les pouvoirs et

responsabilités des contrôleurs vont de pair avec leur obligation de rendre compte. »

Un contrôleur unique pour le groupe est désigné parmi les autorités de contrôle concernées, selon

des modalités définies par la Directive Solvabilité II. Si la désignation du contrôleur unique ne

pose aucune difficulté pour un groupe national, elle peut s’avérer complexe pour des groupes

ayant des filiales présentes dans plusieurs Etats membres.

Par principe, c’est l’autorité de contrôle ayant agréé l’entreprise d’assurance ou de réassurance

tête de groupe qui assumera cette fonction.

Dans l’hypothèse où la société tête de groupe n’est pas une entreprise d’assurance ou de

réassurance, plusieurs cas sont envisagés par la Directive :

• une société d’assurance est pilotée par une société holding d’assurance, l’autorité de

contrôle est celle qui a agréé la société d’assurance ;

• plusieurs sociétés d’assurance situées dans plusieurs Etats membres ont la même société

mère holding d’assurance, si l’une d’elles est située dans le même Etat membre que la

holding, c’est l’autorité de contrôle de cet Etat membre qui sera désignée ;

• dans tous les autres cas de figure, sera désignée l’autorité de contrôle de l’Etat membre

dans lequel se trouve la société d’assurance ayant le total de bilan le plus élevé.

Le contrôleur du groupe assume une mission de coordination en matière de collecte et de

diffusion de l’information nécessaire.

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Par ailleurs, il est chargé des missions « classiques » de :

• contrôle prudentiel, d’évaluation de la situation financière, la solvabilité, la concentration

des risques ainsi que des transactions intragroupes et

• d’évaluation de la gouvernance.

Enfin, le contrôleur de groupe sera chargé de coordonner les actions des différentes autorités de

contrôle susceptibles d’être concernées par le contrôle de groupe.

Cette coordination s’inscrira dans un « collège des contrôleurs », collège déjà prévu par la

réglementation actuelle59 et renforcé par Solvabilité II.

Il est intéressant de noter que des contrôleurs des Etats dans lesquels des filiales sont implantées

participeront à ce collège.

Les modalités de fonctionnement du collège seront déterminées par des accords de coordination

avec pour objectif majeur de définir des processus permettant toute prise de décision en matière

de contrôle.

Au regard de ce système de contrôle prenant en considération la notion de groupe, on peut penser

que la transformation en SE sera moins intéressante que sous l’empire des règles actuelles.

Toutefois, il ne saurait être question de transformer un groupe dans son ensemble en une seule

société, en l’occurrence une SE.

Ainsi, restructurer un groupe en rationalisant son organisation juridique est un enjeu qui

demeurera prégnant sous Solvabilité II. Le contrôle de groupe, si perfectionné soit il, restera une

source de difficultés opérationnelles et de coûts supplémentaires si les groupes d’assurance ne

simplifient pas leurs organisations.

Ces difficultés sont et resteront d’autant plus prégnantes que la gestion des risques prendra une

place prépondérante au cœur de la stratégie des groupes, ce qui accroit l’appétence appétence

pour la SE.

59 Le Protocole d’Helsinki avait déjà jeté les bases du collège en 2000. Des réformes avaient été entreprises afin d’instituer des comités de coordination pour les groupes d’assurance.

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4 La complexité de la gestion de risque

La Directive Solvabilité II mentionne la nécessité pour les entreprises d’assurance et de

réassurance de mettre en place « un système de gestion des risques efficace » 60.

Les éléments qui composent ce dispositif, à savoir les stratégies, les processus et les procédures

d’information, doivent répondre à cinq objectifs :

1. Déceler et identifier les risques de manière exhaustive,

2. Les mesurer, quantitativement et qualitativement,

3. Les contrôler, notamment par le biais de « stress-tests »,

4. Les gérer, en particulier en suivant et en garantissant leur maîtrise conformément aux

décisions des instances de gouvernance,

5. Les déclarer et prévoir des plans de secours en cas de détérioration.

De plus, la Directive Solvabilité II définit les domaines des la gestion des risques61 tout en

imposant la création d’une fonction « gestion de risques », laquelle figure parmi les quatre

fonctions clés d’une entreprise d’assurance. Une décentralisation de la fonction et de la gestion

des risques pourrait générer des difficultés quant à l’atteinte des objectifs ci-dessus définis.

L’ensemble du secteur de l’assurance a admis la nécessité de renforcer le système de

management des risques, tout en l’adaptant au dimensionnement du groupe.

Ce changement de culture, alors que les assureurs sont plus habitués à des temps de gestion longs

et des passifs stables, s’accompagne de plus en plus par une nécessaire réactivité afin de tenir

compte des impacts de l’ensemble des risques et d’en minimiser la portée pour les assureurs et

réassureurs.

Cette réactivité passera désormais par une industrialisation des processus de modélisation des

bilans et de la mesure des risques qui devront permettre d’adapter les stratégies des groupes

d’assurance en tenant compte, par exemple, des chocs de marché sur le plan financier ou de

sinistres majeurs.

60 Article 44 de la Directive Solvabilité II 61 Souscription et provisionnement, gestion actif-passif, investissements, risque de liquidité et de concentration, risque opérationnel, réassurance et « risk mitigation »

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Il apparaît donc pertinent, voire nécessaire, d’unifier et de centraliser les remontées

d’information pour des prises de décision efficaces. En dépit d’un système de gestion de risques

formalisant des procédures de reporting drastiques, une trop grande déconcentration ne permettra

probablement pas une efficacité en cas de filiales multiples, réparties sur le territoire européen.

L’article 45 de la Directive Solvabilité II décrit l’approche ORSA62 qui détermine les moyens de

mesure et de pilotage du risque au service de la prise de décision stratégique. S’il n’est pas

question, ici, de décrire ce dispositif, il est important d’en appréhender les principales

caractéristiques.

Comme le précise l’article 45 précité, l’ORSA doit permettre de d’engager l’entreprise

d’assurance dans une démarche d’évaluation des risques liés à son activité et de définir les

besoins en capital y afférents.

Ainsi, il s’agit de :

• vérifier la pertinence du besoin global de solvabilité de l’assureur, eu égard à son profil

de risque, à sa tolérance au risque et à sa stratégie commerciale,

• respecter les exigences de capital et de provisionnement technique,

• mesurer les écarts de risques avec les hypothèses ayant conduit à déterminer le capital de

solvabilité requis.

L’ORSA est dit « régulier », car il est réalisé au moins une fois par an, et « exceptionnel », en ce

qu’il devra être réalisé chaque fois que le profil de risque évoluera significativement (par

exemple, lors du lancement d’un nouveau produit, lors de la modification de la politique de

réassurance ou lors d’une modification importante de la stratégie d’allocation d’actifs).

Il est expressément prévu que l’organe d’administration, de gestion ou de contrôle est chargé de

d’approuver le processus ORSA. Ainsi, l’entreprise et le groupe devront définir et mettre en

œuvre une stratégie globale autour de l’ORSA, en adéquation avec les règles de gouvernance

énoncées par Solvabilité II.

62 ORSA = Own Risk and Solvency Assesment »

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Chaque mise en œuvre d’un ORSA devra donner lieu à l’établissement d’un rapport transmis

ensuite à l’autorité de contrôle compétente après approbation par l’organe d’administration.

Ainsi, le poids de la gestion des risques devient de plus en plus lourd ; d’autant plus lourd, que

les entreprises d’assurance, dans leur écrasante majorité, font partie de groupes souvent

transnationaux. Or, un ORSA doit être mené au niveau de chaque groupe, en plus de l’ORSA de

chaque société d’assurance ou de réassurance. Un rapport ORSA devra être rédigé par chaque

filiale et par la société holding au niveau du groupe, sauf à ce que l’autorité de contrôle accepte

que la société mère rédige un document unique retraçant l’ensemble des ORSA.

On perçoit ici tout l’intérêt pour un groupe de simplifier son organisation : plus les filiales sont

nombreuses, plus le système de gestion de risque est lourd et coûteux.

Toutefois, il est intéressant de noter que la Directive Solvabilité II prévoit la possibilité pour les

groupes d’adopter une gestion centralisée des risques à une double condition :

• Les procédures de gestion de risques de la société mère doivent couvrir la(es) filiale(s),

• Le contrôle interne de la société mère doit également couvrir la(es) filiale(s).

A ce titre, la société holding devra mettre en place un système de gestion de risques lui

permettant d’en assurer l’efficience au niveau de chacune de ses filiales, tout en garantissant

auprès de l’autorité de contrôle qu’elle agit avec prudence.

Ce système centralisé, tel que proposé actuellement, permet de prendre en compte la dimension

« groupe » en offrant la possibilité de centraliser et uniformiser les démarches opérationnelles,

sans pour autant résoudre les contraintes générées par la Directive Solvabilité II.

La simplification de la gestion du risque justifie, là encore, le recours à la SE comme outil de

restructuration des groupes d’assurance et réassurance.

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Ainsi que nous venons de le voir, la SE constitue un élément pertinent car elle permet à tout

groupe d’assurance d’adapter son organisation aux évolutions réglementaires actuellement en

cours d’élaboration, notamment Solvabilité II. Il convient d’observer que son intégration dans un

plan de réorganisation permet également de dégager des économies substantielles. A titre

d’exemples on ne peut plus significatifs, Mickael DIECKMANN, CEO d’ALLIANZ SE,

annonçait en 200763 que la restructuration de son groupe autour de la SE avait permis de dégager

une économie de 1 milliard d’euros, tandis que Patrick THOUROT, ancien Directeur général

délégué de SCOR SE, évoque un gain de deux points de chargement en termes de frais de

gestion annuels…

De par son essence européenne, elle permet aux groupes d’assurance et de réassurance de fédérer

toutes leurs parties prenantes autour de leurs stratégies de développement à l’international.

63 Interview de Michael DIECKMANN, Magazine CAPITAL, avril 2007. Information reprise dans l’Argus de l’assurance, le 31 août 2007, sur le site argusdelassurance.com.

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PARTIE 3 LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE, UNE RÉFÉRENCE POUR LA MUTUELLE EUROPÉENNE ?

Si les groupes mutualistes disposent, en théorie, de toute latitude pour développer leurs activités

sur le territoire européen et international, les structures juridiques susceptibles de porter ce

déploiement ne satisfont pas pleinement les principes mutualistes.

Ainsi, dans un premier temps, nous tenterons de mieux comprendre les spécificités du monde

mutualiste, avant, dans un second temps, de les confronter à l’expérience et aux enseignements

tirés de la pratique entourant la Société européenne, ce afin d’amorcer une approche du statut de

Mutuelle européenne.

I. LES SPÉCIFICITÉS DU MONDE MUTUALISTE… Pour beaucoup, l’identité mutualiste ne doit pas se diluer dans le développement de leurs

activités et être sacrifiée sur l’autel de la concurrence.

Les difficultés liées à la création d’un modèle mutualiste européen tiennent au manque de

connaissance du mutualisme dans différents pays, notamment au niveau des autorités de

contrôle, voire à son absence dans certains Etats.

1 Un secteur éclectique…

a) Tant en France… Le secteur est composé de deux catégories de structures juridiques :

• Les sociétés mutuelles d’assurance, placées sous l’égide du Code des assurances, que

nous identifierons par l’acronyme « SAM »,

Les SAM ont un objet non commercial. Elles sont constituées conformément à l’article L

322-26-1 du Code des assurances dans le but de couvrir les risques de leurs sociétaires,

lesquels recherchent plus un assureur non commerçant qu’une mutualisation, technique

assurantielle que pratique toute entreprise d’assurance.

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Parmi ces SAM, existent des sociétés mutuelles d’assurances, des sociétés à forme

tontinière, des sociétés d’assurance et de réassurance mutuelles agricoles64.

Actuellement, on compte une vingtaine de SAM65., parmi lesquelles la MAIF, la MAAF

ou la MACIF, qui proposent des garanties dans les domaines de l’assurance vie et

dommages

• Les mutuelles relevant du Code de la mutualité, parfois appelées « mutuelle 45 », ci-

après dénommées « mutuelles »66.

Comme les SAM, elles n’ont pas pour objet exclusif de réaliser des bénéfices. Elles

mènent, notamment au moyen des cotisations versées par leurs adhérents, et dans l'intérêt

de ces derniers et de leurs ayants droit, des actions de prévoyance, de solidarité et

d'entraide. Elles proposent principalement des garanties santé et prévoyance

complémentaire, et mènent aussi des actions de prévention tout en prodiguant des soins

par le truchement de centres de santé.

Les mutuelles peuvent créer et adhérer à une union mutualiste, personne morale de droit

privé à but non lucratif. Une personne physique doit être membre d’une mutuelle

adhérente de l’union mutualiste pour bénéficier directement des prestations ou services

proposés par l’union. Les unions peuvent exercer les mêmes missions que les mutuelles.

Une union de groupe mutualiste est une union qui a pour objet de coordonner les

activités de ses membres. En aucune façon cette union ne peut exercer une activité

d’assurance, de sorte que chaque membre reste responsable de ses engagements. Sa

spécificité consiste en la possibilité de faire adhérer des institutions de prévoyance, des

SAM ainsi que tout organisme d'assurance à forme mutuelle, coopérative ou paritaire

dont le siège est situé dans un État membre de l’Union européenne ou de l'Espace

économique européen.

64 Article L 322-26-4 du code des assurances 65 Source : GEMA, « Les chiffres clés du GEMA au 31 décembre 2012 », site internet « gema.fr » 66 Le terme « mutuelle » entretient une certaine confusion. L'article L 114-53 du Code de la mutualité punit de 30 000 € d'amende le fait d'utiliser frauduleusement les termes « mutuel », « mutuelle », « mutualité », et « mutualiste ». Ainsi, les entreprises relevant du code des assurances autorisés à utiliser dans leur nom ou raison sociale le terme « mutuelle » doivent obligatoirement lui associer celui d'assurance.

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« À ce jour, suite au mouvement de concentration des organismes mutualistes, un peu

plus de 800 mutuelles et unions mutualistes adhèrent à la Mutualité Française. Les 500

mutuelles du Livre II adhérentes à la Mutualité Française représentent plus de 95 % des

cotisations perçues par l’ensemble de ces mutuelles.

Une partie des mutuelles du Livre II, les mutuelles dites de prévoyance-retraite, sont

principalement agréées pour proposer à leurs adhérents des garanties de prévoyance,

d’épargne et de retraite.

Les mutuelles du Livre III sont dédiées à la gestion des services de soins et

d’accompagnement mutualistes (SSAM), mais aussi à l’action sociale et à la prévention.

Les mutuelles relevant du Livre I sont des unions de mutuelles, des unions régionales, des

unions techniques ou des fédérations ». 67

Par ailleurs, on observe que le monde mutualiste français s’est construit autour de deux axes :

• Un axe corporatiste,

• Un axe régional.

Ainsi, aux origines « modernes » de la mutualité (que nous ferons arbitrairement remonter au

dix-septième-siècle), les ouvriers se sont structurés en sociétés de secours mutuel, afin de se

garantir une entraide mutuelle. Chaque corporation a été concernée par ce mouvement qui s’est

ensuite développé au niveau départemental, puis régional, pour devenir aujourd’hui un maillon

central du système français de protection sociale.

A ce jour, bon nombre de mutuelles restent implantées dans une région et/ou concernent une

corporation ou un secteur d’activité, en dépit de la course à la « taille critique » qui occasionne

fusions et rapprochements…68

Les SAM, quant à elles, ont davantage orienté leur stratégie vers un élargissement de leurs bases

« clients », hors de leur sociétariat historique. La MAIF, dédiée initialement au corps enseignant,

s’est dotée de structures juridiques lui permettant de capter une clientèle plus large, mais proche

de ses valeurs. Il en va de même de la MACIF ou de la MAAF. 67 Source : FNMF, « La Mutualité en chiffres », Edition 2012 68 Pour une vision intéressante sur cette question, voir : Lefèvre E., « Fusions, regroupements et partenariats : les mutuelles françaises et l’intégration européenne », MBA Manager d’entreprise spécialisation Assurances, CNAM-ENASS, février 2011

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Ces particularismes géographiques (régionalisme) et corporatistes pourrait rendre délicat le

traitement de la question de la Mutuelle européenne. C’est ce que suggère le considérant E du

Rapport 2012/2039 (INI) rédigé par la Commission des affaires juridiques du Parlement

européen, « Rapport contenant des recommandations à la Commission sur le statut de la

mutualité européenne » :

« E. considérant que, compte tenu de leur diversité, les mutualités d'Europe s'inscrivent dans

un cadre très morcelé tant du point de vue des services qu'elles fournissent que de leurs

dimensions, leur mission ou leur impact géographique ; »

En effet, on serait tentés de penser que les besoins de développement européen de ces structures

sont limités voire inexistants, tant que leur activité est concentrée sur une partie seulement du

territoire français. Toutefois, il me semble que les vagues de fusions, d’unions et de partenariats

prouvent que ce secteur a compris la nécessité de faire face à une concurrence exacerbée en

s’assurant des perspectives de croissance, tout en dépassant leur ancrage historique sans renier

leurs valeurs. Par la voie de leurs fédérations professionnelles, elles ont exprimé leur besoin de

disposer d’outils juridiques leur permettant de se battre à armes égales avec les autres entreprises

d’assurance.

b) … qu’en Europe

En Europe, les mutuelles et SAM emploient plus de 350 000 salariés et proposent des services de

santé et sociaux à plus de 160 (voire, pour certains69, 230) millions de personnes sur le territoire

de l’Union européenne, collectant plus de 180 milliards d’Euros de primes et cotisations

d’assurance. Elles représentent 25% du marché de l’assurance et 70% du nombre total

d’entreprises d’assurance.70

69 « Study on the current situation and prospects of mutuals in Europe, Final Report », rédigé par Panteia, 12 novembre 2012. Il s’agit d’une étude financée par la Commission européenne 70 Rapport 2012/2039 (INI) rédigé par la Commission des affaires juridiques du Parlement européen, « Rapport contenant des recommandations à la Commission sur le statut de la mutualité européenne », Considérants G et H

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Si l’importance des acteurs mutualistes est largement reconnue sur le territoire européen, il est

important de constater que les situations sont très disparates selon les Etats. En effet, il existe une

grande diversité de structures juridiques associées au secteur. On en dénombre une quarantaine71,

mais elles sont absentes dans certains Etats. Il en va ainsi en Estonie, en Lituanie, à Chypre, en

République Tchèque, en Slovaquie et en Islande.

Par ailleurs, au Royaume-Uni, l’activité des acteurs mutualistes n’est pas exclusivement centrée

sur l’assurance puisqu’ils commercialisent des services de crédit, la distribution d’eau ou les

transports.

De nombreux Etats de l’Espace Economique européen reconnaissent l’existence des mutuelles72.

Dans les faits, la plupart des acteurs mutualistes sont des mutuelles, des associations, des

coopératives voire des sociétés. On observe principalement deux formes juridiques :

• Les Sociétés d’assurance mutuelles, qui commercialisent des garanties assurantielles en

vie et non vie ;

• Les Organismes de prévoyance et de secours mutuels ou mutuelles d’assurance santé, qui

fournissent des prestations de service en matière de santé, prévoyance, action sociale.

De plus, leurs rôles respectifs diffèrent selon l’organisation du système de protection sociale. On

distingue ainsi trois types de situations :

• La gestion de la protection sociale est partagée entre l’Etat et les acteurs mutualistes.

C’est le cas en France.

• L’Etat gère l’intégralité du dispositif, les acteurs mutualistes intervenant uniquement à

titre alternatif au système national de santé (Espagne, Italie, Portugal).

• Le dispositif de protection sociale obligatoire est intégralement pris en charge par les

acteurs mutualistes (Allemagne, Belgique).

71 « Study on the current situation and prospects of mutuals in Europe, Final Report », rédigé par Panteia, 12 novembre 2012 72 Autriche, Belgique, Bulgarie, Allemagne, Danemark, Grèce, Espagne, Finlande, France, Hongrie, Italie, Luxembourg, Lettonie, Liechtenstein, Malte, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Suède, Slovénie

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2 … profondément ancré dans l’économie sociale et solidaire

L’ensemble de ces acteurs, aussi disparates soient ils, partagent des valeurs communes qui leur

confère une forte identité mutualiste européenne. On peine à l’imaginer, tant les spécificités

géographiques et corporatistes sont prégnantes.

La Commission européenne a tenté de définir les mutuelles comme des « groupes volontaires de

personnes (physiques et morales) qui veulent avant tout répondre aux besoins de leurs membres

plutôt qu’obtenir un retour sur investissement. Elles fonctionnent conformément au principe de

la solidarité entre membres, lesquels participent à la gestion de la société »73.

Ainsi, les acteurs mutualistes se caractérisent par des fondements et valeurs communes74 :

Absence de titres (actions ou parts sociales) : les mutuelles sont composées d’un groupe

de personnes (physiques et morales), appelées membres, adhérents, sociétaires, et ne sont

pas un rassemblement de fonds comme dans le cas des sociétés ;

Affiliation gratuite : toute personne qui remplit les conditions établies dans les statuts et

qui respectent les principes de mutualité peut adhérer, ou se retirer, gratuitement ;

Solidarité entre les membres : il s’agit d’un principe historique qui trouve son origine

dans le mouvement ouvrier du XIXe siècle et l’idéologie du mouvement de solidarité. De

nos jours, cela se traduit par une responsabilité conjointe et une mutualisation des risques

sans aucune discrimination à l’égard des membres ;

Gouvernance démocratique : elle se fonde sur le principe « une personne, un vote », à

l’inverse de la règle «une action, une voix» qui symbolise la gouvernance des sociétés.

Les membres du conseil d’administration sont tous bénévoles ;

73 Commission des Communautés européennes, Document de consultation: Les mutuelles dans une Europe élargie, 3 octobre 2003 74 Parlement Européen, DG des politiques internes, Département thématique A : Politiques économiques et scientifiques, Emploi et affaires sociales, « Le rôle des sociétés mutuelles au XXI° siècle », Etude IP/A/EMPL/ST/2010-004 PE 464.434, juillet 2011

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Indépendance: les mutuelles sont des organisations privées et indépendantes, et ne sont

ni contrôlées par des représentants des pouvoirs publics, ni financées par des fonds

publics;

Partage limité des bénéfices : les bénéfices d’une mutuelle peuvent être partagés entre

les titulaires ou membres, habituellement sous la forme de réductions de primes ou d’un

remboursement, mais la majeure partie des recettes de l’entreprise y est réinvestie pour

améliorer les services, financer son développement ou augmenter ses fonds propres.

Comme nous l’avons vu précédemment, les problèmes rencontrés par le monde mutualiste sont,

pour partie, de même nature que ceux des acteurs capitalistiques : l’assimilation des normes

prudentielles à venir, le développement international de leurs activités... Tirer profit de

l’expérience de la SE ne semble donc pas déraisonnable, à condition de respecter leur identité et

leurs spécificités.

II. … JUSTIFIENT L’ÉLABORATION D’UN STATUT DE MUTUELLE EUROPÉENNE

Beaucoup appellent de leurs vœux à la création de la Mutuelle européenne, soutenus en cela par

les Institutions européennes.

1 Une réelle volonté politique…

Ainsi, après avoir retiré de ses priorités, en 2006, le projet de création d’un statut de Mutuelle

européenne75, la Commission européenne a insisté sur la nécessité de placer les acteurs

mutualistes au cœur du marché intérieur de l’Union européenne :

« Les mutuelles agissent dans des secteurs clés pour les citoyens (santé, banque, assurance,

etc.), mais il est rare qu’elles offrent leurs services dans plusieurs États membres. Pourtant, avec

75

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25 % du marché des assurances et 70 % du nombre total des entreprises du secteur, elles ne

peuvent pas être ignorées du marché unique. »76

Les représentants de la DG Entreprise and industry Unit D4, SBA and SME Policies

Cooperatives, Mutuals, Social Entreprises, Family Businesses de la Commission européenne77

reconnaissent une difficulté : c’est au Conseil européen que reviendrait la décision de créer une

telle structure. En effet, une décision à l’unanimité sera nécessaire, unanimité qui pourrait être

difficile à obtenir car plusieurs pays de l’Union ne sont dotés d’aucune structure mutualiste.

Lors de la 5ème édition du Forum Convergences 2015, qui s’est tenu le 19 septembre 2012,

Michel Barnier s’est exprimé en faveur du statut de Mutuelle européenne et semble vouloir

donner une impulsion nouvelle à la création de ce statut : « (…) nous voulons adapter

l’environnement règlementaire, en rendant les règles relatives aux aides d’Etat et aux marchés

publics plus favorables aux entreprises sociales, et en développant un statut européen pour les

fondations et un meilleur statut pour les coopératives et les mutuelles européennes »78. Le

rapport que la Commission européenne avait commandé a été publié le 12 novembre 201279

tandis qu’une consultation publique80 a été lancée par la Commission afin d’« examiner avec

précision quels sont les obstacles potentiels au développement des mutuelles au-delà des

frontières nationales »81 le 8 mars 2013.

Cette impulsion fait ainsi écho à celle du Parlement européen, lequel donne, depuis de nombreux

mois, une impulsion particulièrement forte. Ainsi, En octobre 2012, la Commission Emploi et

affaires sociales du Parlement européen avait émis un avis favorable sur le rapport d’initiative

législatif de Luigi Berlinguer, que la Commission des Affaires juridiques du Parlement

européen a adopté le 22 janvier dernier, à l’unanimité.

76 Commission européenne, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, « L'Acte pour le marché unique Douze leviers pour stimuler la croissance et renforcer la confiance "Ensemble pour une nouvelle croissance" », 13/04/2011 77 Monsieur Apostolos Ioakimidis, mail du 15 janvier 2013 78 Forum Convergence 2015, 5ème édition, intervention de Monsieur Michel BARNIER « L'entrepreneuriat social, tête de pont d'une nouvelle croissance en Europe », 19 septembre 2012 79 PANTEIA, « Study on the current situation and prospects of mutuals in Europe – Final report », 12 novembre 2012 80 Commission européenne, « Consultation on the results of the study on the current situation and prospects of mutuals in Europe », 8 mars 2013 81 Forum Convergence 2015, 5ème édition, intervention de Monsieur Michel BARNIER « L'entrepreneuriat social, tête de pont d'une nouvelle croissance en Europe », 19 septembre 2012

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89

Constatant le poids du secteur mutualiste à l’échelle européenne, ainsi que sa stabilité financière,

ce rapport estime que l’adoption du statut de Mutuelle européenne « apporterait une claire

valeur ajoutée au marché de l’assurance européen, aux consommateurs, à la société et à

l’économie en général ».

Pour le Parlement, l’adoption du statut de mutuelle européenne augmenterait encore leur valeur

ajoutée, conférerait davantage de visibilité à un « modèle d’entreprise plus démocratique et

résilient, et facteur de bien-être économique ». Le statut permettrait également aux mutuelles la

réalisation d’économies d’échelle. Le rapport reconnaît toutefois que l’un des enjeux sera de

mettre effectivement à disposition des mutuelles des outils juridiques leur permettant de réaliser

des regroupements transfrontaliers (à l’image de ce qui existe en France avec la SGAM).

« Avec un tel statut, nous favoriserions l’émergence d’acteurs mutualistes transfrontaliers grâce

à un cadre communautaire souple, facultatif et subsidiaire. Il devrait être possible de former une

mutuelle européenne en fusionnant des mutuelles nationales ; inversement, une mutuelle

nationale devrait pouvoir aussi se transformer en une mutuelle européenne », défend la députée

européenne Françoise Castex, membre de la commission des affaires juridiques.

Ainsi, le Parlement européen a adopté ce rapport, jeudi 14 mars 2013, en séance plénière, avec

un objectif clairement affiché : demander à la Commission européenne de faire une proposition

législative en vue de créer ce statut. Luigi BERLINGUER soulignait : « Nous avons besoin de ce

statut. La Commission doit agir, il faut mettre un terme à toute tergiversation ».

Pour pouvoir se développer et répondre aux contraintes prudentielles futures, les acteurs

mutualistes devront bénéficier de modes d’organisation spécifiques au sein du Marché intérieur.

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90

2 … Qui souligne les problématiques posées par ce statut…

La Commission a pris acte de la position du Parlement européen et a affirmé, par la voix de

Monsieur Michel BARNIER qu’ils sont « prêts à envisager d'aller plus loin, mais il faut pour

cela mettre en évidence l'existence d'obstacles à la libre prestation de services ou à la liberté

d'établissement des mutuelles dans un autre Etat membre. »82

Un certain nombre de problématiques peuvent être identifiées, à l’aune de l’étude PANTEIA

commandée par la Commission européenne.

1. Questions liées à la création d'une Mutuelle européenne :

• Les besoins en capitaux au titre de l’activité assurantielle représentent l’un des

principaux enjeux de la création d’une Mutuelle européenne. Les fonds ne peuvent être

sollicités qu’auprès des membres fondateurs, ce qui implique par ailleurs de fixer un

nombre minimal de membres.

Toutefois, il existe d’autres possibilités de financement permettant d’obtenir les fonds

exigés. Dans beaucoup d’Etats membres, des investisseurs « non membres » peuvent

contribuer à alimenter les fonds nécessaires. De même, des prêts subordonnés ou du

capital garanti sont autorisés pour les acteurs mutualistes.

• La souscription de capitaux extérieurs, quelle que soit leur forme, a des conséquences en

ce qui concerne les valeurs mutualistes. Ne pas permettre à des capitaux extérieurs

pourrait être considéré par certains comme un mécanisme de protection des valeurs

mutualistes. On peut toutefois objecter que les sociétés coopératives européennes

disposent de cette faculté sans que le valeurs de l’économie sociale et solidaire s’en

trouvent singulièrement affectées.

82 Forum Convergence 2015, 5ème édition, intervention de Monsieur Michel BARNIER « L'entrepreneuriat social, tête de pont d'une nouvelle croissance en Europe », 19 septembre 2012

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• En plus des obstacles en matière d'exigences de capital, le manque d'expertise et

d'information sur la façon de constituer une mutuelle, constitue un obstacle indéniable.

Dans de nombreux pays, le cadre juridique applicable aux mutuelles semble désuet.

Il faut rappeler que plusieurs pays (l'Estonie, la Lituanie, la République tchèque, la

Slovaquie, le Liechtenstein et l'Islande), ne permettent pas de créer une mutuelle ou une

SAM, en raison de l'absence de cadre juridique. En outre, des organisations de type

mutualiste sont limitées à certaines activités dans d'autres pays (par exemple, dans le

domaine de l'assurance vie ou celui de l’assurance non-vie).

• Pour les mutuelles qui ne sont pas concernées par l'assurance, mais qui proposent d'autres

services tels que l'assistance, des soins de santé, des services sociaux, la situation est

différente. Comme ils ne sont pas confrontés à la barrière liée à l’obligation de fonds

minimaux, ces typologies d’acteurs mutualistes peuvent s’établir plus facilement. En

fait, les obstacles à la création d'une organisation de type mutuel se rapportent le plus

souvent à l'absence de règles, de règlements et d'informations.

2. La fusion des organisations de type mutuel n’est juridiquement pas considérée comme un

problème dans de nombreux pays.

3. En ce qui concerne la démutualisation, c'est-à-dire la transformation d'une mutuelle en une

structure juridique non mutualiste, elle s’opère dans la plupart des Etats membres par

l'intermédiaire d'une opération de dissolution / liquidation et un transfert de portefeuille à une

nouvelle entité juridique. D’un point de vue dogmatique, la démutualisation peut être

appréhendée comme dangereuse pour le secteur mutualiste et il serait surprenant que les

lobbyistes la favorisent dans le cadre de la création du statut de Mutuelle européenne.

4. La question des groupements de mutuelles sera prégnante. Dans certains pays, ces structures

sont considérées comme portant atteinte aux valeurs et aux principes mutualistes, notamment le

droit de propriété. Une telle interprétation puriste, voire puritaine, du mutualisme ne constitue

pas un courant majoritaire au sein de l’Union européenne. Les pays nordiques autorisent ces

groupements, mais les structures les plus abouties sont développées en France (SGMA, UMG et

UGM).

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5. L'impact de la Directive Solvabilité II sur la gouvernance de la Mutuelle européenne doit être

étudié avec une attention toute particulière.

En effet, le caractère « fit and proper » des administrateurs risque de poser problème et suscite de

vifs débats. Eu égard au caractère bénévole de leurs fonctions, les administrateurs d’une

Mutuelle européenne pourraient voir leurs compétences appréciées de manière globale, en lieu et

place d’un examen des qualifications, connaissances et de l'expérience des membres du conseil.

De plus, il conviendrait de s’assurer des conditions de mise en œuvre du principe de

proportionnalité, élément essentiel du Pilier III, à l’égard de la Mutuelle européenne.

3 … pour favoriser les opérations transfrontalières

A ce stade, la question des opérations transfrontalières n’est pas prégnante pour la plupart des

acteurs mutualistes. En effet, ils agissent principalement sur un territoire national, voire régional,

et la question de leur croissance à l’international, en Europe plus particulièrement, n’est pas

placée au cœur de leur stratégie. Pourtant, leur développement et leur salut passe par

l’européanisation de leurs activités.

Actuellement, les acteurs mutualistes disposent de plusieurs solutions.

Tout d'abord, un acteur mutualiste peut avoir des adhérents dans d’autres Etats membres et

bénéficient de droits identiques ou similaires aux adhérents du lieu du siège social situé dans le

pays d'origine.

Ensuite, une mutuelle peut créer une filiale dans un pays d'accueil sous la forme d'une société

anonyme (Groupama en Italie, par exemple), une société européenne (MUTAVIE pour la

MACIF) ou d’une société coopérative en créant ainsi un groupement transfrontalier (Fondo

Salute SCE pour Harmonie Mutuelle). Ainsi, les adhérents de l’acteur mutualiste « cohabitent »

au sein du groupe avec les clients de la filiale ainsi constituée.

Dès lors, nous pourrions être tentés que penser que les acteurs mutualistes peuvent d’ores et déjà

réaliser des opérations transfrontalières. En pratique, les véritables obstacles juridiques ont

principalement trait à l’absence de structures mutualistes ou de groupement de mutuelles dans

certains Etats membres. De plus, il n'est pas possible de créer des groupements « verticaux »

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dans lesquelles des mutuelles seraient membres d’autres mutuelles. C’est un frein réel que les

Unions de mutuelles françaises ne parviennent pas à lever.

En dépit des règles applicables en matière de libres prestations de services et d'établissement, il

n'est pas évident que les acteurs mutualistes puissent réellement en bénéficier. Les obstacles

juridiques peuvent - au moins en théorie - ne pas être insurmontables dans de nombreux cas. Plus

encore que par des obstacles juridiques, les organisations mutualistes sont plus limitées dans

leurs ambitions transfrontalières par les disparités entre les quarante formes mutualistes

actuellement en vigueur en Europe.

On constate, une nouvelle fois, que tous ces questionnements convergent vers la nécessité de

définir un cadre mutualiste européen « plus uniforme, modernisé et harmonisé » selon l’étude

menée par Pantéia.

III. DES PRÉCONISATIONS FONDÉES SUR L’EXPÉRIENCE PASSÉE

1 La définition et le champ d’application de la Mutualité

a) Définition d’une Mutuelle

Nous l’avons vu : il existe une grande variété de mutuelles en Europe. Il est essentiel de définir

l’ADN mutualiste commun à l’ensemble des acteurs mutualistes européens.

Il convient également de prendre en compte le fait que certains groupes mutualistes ont créé des

sociétés d’assurance afin de développer leurs activités auprès de populations non ciblées par le

sociétariat historique, voire à l’international, faute de structure mutualiste adaptée. Il semble

important de recourir à certaines contraintes, telles que le pourcentage de sociétaires et pour les

groupes un pourcentage de contrôle des sociétés anonymes filiales, de façon à préserver

l’identité mutualiste.

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b) Fonds d’établissement

Au regard des spécificités nationales, le montant du fonds d’établissement devrait être commun à

tous. Une harmonisation semble donc nécessaire afin d’éviter tout « law shopping » qui

entraînerait une implantation privilégiée dans des Etats où le fonds serait le plus bas. Ainsi, sur

ce point, le renvoi aux législations nationales, tel qu’on le retrouve dans les Règlements

instaurant la SE et la société coopérative européenne, devrait être proscrit.

Établir un fonds d’établissement est indispensable au démarrage de l’activité de toute entreprise

d’assurance. Ceci pourrait prendre la forme de prêts subordonnés ou d'autres formes de quasi-

capital garanti. Puisque les acteurs du secteur croient fermement aux valeurs mutualistes,

constituer un fonds d’établissement ne soulèvera certainement aucune difficulté. Reste à

s’entendre sur le montant à définir dans le futur projet de Règlement… Les dispositifs législatifs

nationaux pourraient également être totalement harmonisés afin de faciliter la surveillance des

Mutuelles européennes

c) Conditions de constitution de la Mutuelle Européenne

Les différentes études citées précédemment laissent apparaître qu’un nombre minimal de 500

personnes physiques, dans au moins deux pays permettrait à presque toutes les mutuelles

S’agissant des personnes morales, le précédent projet (depuis abandonné) prévoyait au moins

deux personnes morales dans deux pays différents tout en édictant une liste précise des types des

entités juridique susceptibles d’être acceptées comme membres. Les sociétés anonymes en

étaient, fort logiquement, exclues.

L’un des inconvénients majeurs de la Société européenne réside dans l’impossibilité d’être créer

ex nihilo. Sur ce point, il convient donc de s’inspirer très fortement de la Société coopérative

européenne et œuvrer en faveur de la création ex nihilo d’une Mutuelle européenne, en plus des

autres modes de création que sont la transformation, la création d’une Mutuelle européenne

commune ou la fusion de plusieurs mutuelles de nationalités différentes.

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2 La Gouvernance

a) Assemblée Générale et Délégués

La représentation par le biais de délégués est une pratique couramment admise par les acteurs

mutualistes. Pour une Mutuelle européenne, disposant par essence d’une implantation

géographique vaste, la présence de délégués paraît adaptée et pertinente. Un renvoi aux statuts

permettrait de gérer, entité par entité, les modalités de définition de cette représentativité. Il

conviendrait de souligner la nécessité de respecter les principes mutualistes ci-avant rappelés et

d’en faire une condition expresse de validité d’un tel système.

De plus, il existe une autre piste permettant de répondre à la problématique de l’éloignement

géographique : le vote électronique, là encore mentionné dans les statuts, pourrait être utilisé à

l’image des pratiques déjà existantes. Ce système pourrait également permettre de satisfaire les

acteurs mutualistes réticents à adopter un dispositif de représentation par des délégués.

Il faut rappeler que l’Article 2 du précédent projet avait prévu la possibilité pour une Mutuelle

Européenne d’avoir des mutuelles membres. Cette faculté est particulièrement intéressante car

elle éviterait la difficulté liée aux groupements créés dans certains Etats, tels que la SGAM,

l’Union de mutuelles de groupe ou l’Union de groupe mutualiste. En effet, ces structures, jugées

très intéressantes par les acteurs mutualistes, n’existent que dans très peu d’Etats, et

constitueraient presque une spécificité française… Prévoir la possibilité de faire adhérer des

mutuelles à une Mutuelle européenne permettrait ainsi de structurer les groupes mutualistes sur

le territoire européen, sans avoir à débattre autour de la création de SGAM ou d’UMG

européennes, débat dont l’issue serait très incertaine.

Concernant l’organisation de l’Assemblée Générale, elle pourrait être laissée à la discrétion des

statuts.

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b) Système d’administration et de gestion

Offrir la possibilité à une Mutuelle européenne de choisir entre un système dualiste, organe de

surveillance et organe de direction, et un système moniste, semble ne faire l’objet d’aucune

contestation possible.

Cette faculté est désormais largement admise sur l’ensemble du territoire européen. En effet,

chaque Etat avait du adapter sa législation nationale pour la création du statut de Société

européenne.

c) Dissolution

Dans le précédent projet de Règlement, l’Article 53 sur la dissolution reprenait la réglementation

française dite du «verrou français» dans laquelle le sociétaire ne reçoit rien en cas de dissolution.

En effet, dans une telle hypothèse l’actif net serait dévolu « soit à des Mutuelles Européennes ou

à des Mutuelles relevant du droit de l’un des états membres, soit à un ou plusieurs organismes

ayant pour objet le soutien et la promotion des mutualités ».

Ce point n’avait pas emporté l’unanimité, notamment pour les Pays-Bas qui privilégiaient le

renvoi aux statuts de chaque Mutuelle européenne. Une comparaison avec la société coopérative

européenne est intéressante (article 79 du Règlement) : « L’actif net est dévolu en fonction du

principe de dévolution désintéressée ou, lorsque la loi de l’État membre du siège de la SCE le

permet, selon d’autres modalités définies dans les statuts de la SCE. »

Une telle position, renvoyant à la législation nationale, serait opportune car elle permettrait à la

France de conserver sa législation sur ce point et ne contraindrait pas les autres pays à adopter.

Toutefois, il paraît primordial d’éviter l’écueil consistant à opérer un morcellement trop

important de la Mutuelle européenne.

Préserver les principes mutualistes dans le cadre de la Mutuelle européenne est louable et

nécessaire. Toutefois, il conviendrait de respecter des principes fondamentaux, tels que le droit

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de propriété des adhérents/sociétaires, droit reconnu notamment dans la Charte de Nice sur les

Droits Fondamentaux.

Les dispositions applicables aux sociétés coopératives européennes pourraient aussi convenir à la

Mutuelle européenne. Une Mutuelle européenne pourrait être créée dans un Etat membre et

serait libre d’inclure dans ses statuts une clause reflétant le système du verrou français.

d) Alliances - Fusions

Les alliances offriront aux acteurs mutualistes la possibilité de développer leur présence sur le

territoire européen. La création, notamment par voie de fusion, d’une Mutuelle européenne

commune à plusieurs acteurs leur permettrait de surmonter les contraintes liées à leur taille et à

l’exigence de fonds propres.

De plus, il serait intéressant de réfléchir à la possibilité de prévoir la possibilité de procéder à une

opération de fusion-absorption d’une société capitalistique par un acteur mutualiste dont elle

constitue la filiale. En effet, cela permettrait aux acteurs déjà présents sur le territoire européen

de recentrer leurs activités internationales au sein d’une forme juridique mutualiste.

De nombreuses solutions s’offrent à tous afin d’éviter toute velléité de démutualisation sauvage,

sans que la liberté, principe fondamental du marché unique de l’Union européenne, ne s’en

trouve affectée. Ainsi que le disait Benedetto Croce : « si vous êtes dans le doute, optez toujours

pour la liberté ».

A ce titre, il conviendrait de créer des structures de regroupement, à l’image de ce que la France

a créé avec les SGAM, UMG et UGM.

De plus, il faudrait également que, dans le cadre de Solvabilité II, les enjeux des groupes

« horizontaux » mutualistes, dans lesquels aucun acteur ne prédomine sur l’autre, soient

pleinement pris en compte afin de bénéficier des effets de la diversification et des avantages

admis pour leurs concurrents capitalistiques. Pour ce faire, les acteurs mutualistes devraient, au

niveau national, œuvrer pour que des modifications législatives soient initiées afin de reconnaître

l’absence de capital social, comme c’est le cas en matière d’intégration fiscale, par exemple.

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Les acteurs mutualistes ont su faire preuve d’ingéniosité pour trouver des formes juridiques

diverses, tout en garantissant le respect des principes mutualistes communs que les législations

nationales n’ont pas altéré.

Ainsi, la liberté statutaire permettrait aux adhérents/sociétaires/assurés et aux acteurs mutualistes

de trouver la structure idoine au regard de leurs objectifs en termes de regroupement.

Actuellement les législations nationales semblent respecter la richesse, la diversité et l’originalité

des acteurs mutualistes. La construction du modèle de Mutuelle européenne doit s’inscrire dans

cette démarche.

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En synthèse, l’environnement mutualiste est très diversifié, ce qui s’explique principalement par

des considérations historiques et géographiques, des choix politiques ou les composantes

structurelles du marché assurantiel à proprement parler.

Les principaux obstacles à la création d’un statut de Mutuelle européenne sont de trois ordres :

• L’absence de structures mutualistes dans plusieurs pays et la méconnaissance du secteur

dans d’autres pays européens.

• L’absence de capital social, l’existence d’un fonds d’établissement dont les contours

doivent être correctement appréhendés et les besoins de ces structures, tout à fait

spécifiques au regard des structures capitalistiques.

• Les freins à la constitution de groupes mutualistes.

Les spécificités mutualistes semblent clarifiées sur le territoire européen. Il est désormais

fondamental que les acteurs de ce secteur, les superviseurs ainsi que les institutions européennes

échangent afin de définir précisément les détails du schéma directeur du statut de Mutuelle

européenne.

La Commission européenne aura un rôle fondamental et central à jouer.

La construction du statut de Mutuelle européenne s’annonce donc délicate. Il conviendra de

définir l’objectif que les acteurs fixent : la Mutuelle européenne sera-t-elle une forme juridique

amenée à supplanter les formes juridiques nationales ou, plus vraisemblablement, une structure

juridique destinée à compléter l’état du droit préexistant ?

L’ensemble des parties prenantes doivent se sentir impliqués : les acteurs mutualistes,

gouvernements et institutions européennes.

Il paraît souhaitable que les Autorités de contrôle et les Gouvernements lancent une action

pédagogique auprès de leurs homologues dans pays dans lesquels le mouvement mutualiste

n’existe pas. Cette démarche pédagogique semble être un préalable incontournable, tant sur le

plan juridique que politique. Par ailleurs, plus les Autorités de contrôle connaîtront le secteur

mutualiste, plus les actions transfrontalières seront faciles à réaliser.

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De plus, ainsi que le suggère le rapport Pantéïa, créer un centre mutualiste spécialisé dans les

aspects légaux, managériaux et prudentiels dont l’objet consisterait à soutenir et aider les acteurs

mutualistes nationaux à créer une Mutuelle pourrait être pertinent.

Les acteurs mutualistes souhaitant développer leurs activités sur le territoire européen, il

conviendrait de défendre l’idée d’un outil dont la souplesse permettrait de préserver les valeurs

et principes mutualistes ainsi que les spécificités géographiques et professionnelles. En effet, une

harmonisation d’ampleur trop importante aboutirait à une uniformisation des structures

mutualistes qui pourrait faire courir, à terme, un risque de dilution de l’identité mutualiste. En

effet, eu égard à la quarantaine de formes juridiques mutualistes distinctes observées sur le

territoire européen, il est important que chacun des acteurs mutualistes puisse conserver ce qui

fait son originalité et sont attractivité, au-delà de son ADN mutualiste.

Toutefois, dans l’hypothèse où la Mutuelle européenne aurait vocation à remplacer, à l’avenir,

les structures nationales, nous pouvons nous poser la question de savoir si elle ne pourrait pas

devenir obligatoire pour tout acteur qui souhaiterait développer son activité en Europe. Beaucoup

pourraient penser que ce schéma, un brin provocateur, serait néfaste pour le mouvement

mutualiste. L’exemple de la Société européenne, plus précisément l’articulation légale du

Règlement qui l’a créée. En effet, si on peut considérer que les renvois multiples aux dispositions

nationales et aux statuts constituent un frein pour une structure capitalistique dont l’uniformité

sur le territoire européen serait un gage de sécurité juridique, les renvois aux spécificités

nationales serait un gage de maintient des spécificités de chaque acteur mutualiste tout à fait

salutaire pour le mouvement mutualiste.

Ainsi, il conviendrait d’adopter un ensemble de règles de base qui seraient le reflet des principes

fondamentaux énumérés précédemment et garantirait la préservation de l’esprit mutualiste. Les

autres dispositions seraient traitées par application des droits nationaux et des dispositions

statutaires. La subsidiarité garantirait ainsi la proximité, laquelle est caractéristique des acteurs

mutualistes.

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En conclusion sur la question de la création d’un statut de Mutuelle européenne, il convient de

définir les éléments saillants à prendre en considération et à défendre :

- la Mutuelle européenne doit impérativement être créée par des personnes

physiques résidant dans des États membres différents ou des personnes morales

relevant du droit d'États membres différents.

- la fusion transfrontalière de plusieurs mutuelles existantes ne doit pas être la seule

voie de création possible. Dans la mesure où la directive relative aux fusions

transfrontalières ne s’applique pas aux acteurs mutualistes, il faut définir un cadre

spécifique et adapté aux singularités mutualistes.

- à l’image de la Société européenne, la création d’une Mutuelle européenne par

voie de transformation d'une mutuelle devra se faire sans disparition de cette

dernière, donc sans dissolution, sous réserve que la mutuelle transformée aura son

siège statutaire et son administration centrale dans un État membre et un

établissement ou une filiale dans un autre État membre.

- de permettre la création de groupes mutualistes européens.

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CONCLUSION

« Imagine-t-on que Bill Gates aurait eu un tel succès aux Etats-Unis avec Microsoft s’il avait dû

créer une filiale dans chaque Etat au lieu d’opérer dans tous les Etats-Unis avec la même

société? »83

A n’en point douter, la question des structures juridiques européennes est et restera prégnante

dans les mois et années à venir. Ainsi, en décembre 2012, la Commission Européenne a publié

un Plan d’action84 qui expose les initiatives visant à moderniser le cadre de la gouvernance

d’entreprise et du droit des sociétés. Il s’articule autour de trois axes :

• accroître la transparence,

• impliquer les actionnaires,

• soutenir la croissance des entreprises et leur compétitivité.

Après avoir mené une consultation publique sur l’avenir du droit européen des sociétés au

printemps 2012, la Commission veut ainsi réduire les « risques d’incohérence » en matière de

droit des sociétés, notamment dans le domaine des fusions transfrontalières et améliorer la

lisibilité du droit européen des sociétés. En ce qui concerne la SE, la Commission constate

l’intérêt croissant qu’elle suscite, sans pour autant prévoir de révision à court terme. Elle

s’attachera plutôt à communiquer autour de cette forme juridique et lancera, dans le courant de

l’année 2013, une vaste campagne d’information avec la mise en ligne d’un « site web complet

associant conseils pratiques et documents utiles ».

Pour la Mutuelle européenne, une enquête a été lancée par la Commission européenne85 et la

fenêtre n’a jamais été aussi grande ouverte pour faire de cette forme juridique un formidable

outil de développement mutualiste en Europe.

83 Mario Monti (Discours CCIP 1997) 84 Commission Européenne - COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS : « Plan d'action: droit européen des sociétés et gouvernance d'entreprise - un cadre juridique moderne pour une plus grande implication des actionnaires et une meilleure viabilité des entreprises », COM(2012) 740/2, décembre 2012 85 Commission européenne - « Consultation on the results of the study on the current situation and prospects of mutuals in Europe », 8 mars 2013

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La Société européenne constitue-t-elle le sésame du secteur de l’assurance pour entrer dans

l’univers de Solvabilité II ? La Mutuelle européenne restera-t-elle à l’état de projet ? Le secteur

mutualiste poursuit-il une chimère ?

Au regard des enjeux réglementaires et prudentiels qui s’imposent à eux, et en prévision des

économies substantielles qu’ils vont devoir dégager, les groupes d’assurance et de réassurance ne

peuvent faire l’impasse sur l’opportunité de recourir à une forme juridique européenne telle que

la Société européenne.

Pour les mêmes raisons, et parce que la question de leur développement international est devenue

un enjeu stratégique capital pour leur développement, les acteurs mutualistes vont devoir œuvrer

activement pour l’adoption d’un statut de Mutuelle européenne.

Nul doute que la volonté de toutes les parties prenantes du secteur de l’assurance (assureurs,

réassureurs, fédérations et syndicats professionnels, gouvernements, parlementaires, institutions

européennes), constituera un catalyseur, je n’ose écrire un « détonateur », qui permettra

certainement aux décideurs et dirigeants de s'approprier ces outils et de les intégrer dans leur

stratégie de développement.

Il leur reviendra alors de choisir le moment opportun pour entamer leur restructuration et définir

ce qui constituera leur propre « conjonction des astres »86…

86 Formule de Patrick THOUROT

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TABLE DES MATIÈRES REMERCIEMENTS ....................................................................................................................... 2 RÉSUMÉ ET MOTS CLÉS ..................................................................................................................... 4 EXECUTIVE SUMMARY AND KEY WORDS .......................................................................................... 5 INTRODUCTION ........................................................................................................................... 6 PARTIE 1 LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE, UN OUTIL STRATÉGIQUE POUR LES ASSUREURS ? ............ 12

I. Des modalités de création adaptées au développement européen des assureurs… ........... 13 1 Conditions ................................................................................................................ 13 2 Modes de création .................................................................................................... 14

a) Fusion transfrontalière ............................................................................................. 14 (1) Modalités de fusion ............................................................................................. 16 (2) Projet de fusion .................................................................................................... 17

b) SE Holding ............................................................................................................... 23 c) Transformation d’une société anonyme en SE ........................................................ 26 d) Constitution d’une SE filiale .................................................................................... 29

II. … qui permettent une implication des salariés ................................................................. 31 1 Le dialogue avec les partenaires sociaux ................................................................. 31 2 L’accord avec les partenaires sociaux ...................................................................... 34

III. … en préservant une Gouvernance classique .................................................................... 36 1 Capital ...................................................................................................................... 36 2 Siège social .............................................................................................................. 36 3 Organes sociaux ....................................................................................................... 37

a) Le mode dualiste ...................................................................................................... 38 b) Le mode moniste ...................................................................................................... 39

4 Actionnaires ............................................................................................................. 40 IV. … sans conséquences fiscales dommageables .................................................................. 42

1 SE et mobilité ........................................................................................................... 43 a) Lors de la constitution .............................................................................................. 43 b) Lors d’un transfert de siège ...................................................................................... 44

2 SE et fiscalité des bénéfices ..................................................................................... 47 PARTIE 2 LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE, UN OUTIL AU SERVICE DES ASSUREURS ? ........................ 49

I. Un dispositif d’essence européenne… .............................................................................. 49 1 Une personnalité juridique européenne.................................................................... 50 2 Une référence aux textes nationaux sans doute trop marquée ................................. 53 3 Un atout de taille : la mobilité .................................................................................. 58

a) Le transfert de siège ................................................................................................. 58 (1) Projet de transfert ................................................................................................. 59 (2) Droit d’opposition des autorités publiques .......................................................... 60 (3) Décision de transfert ............................................................................................ 60 (4) Droit des tiers ....................................................................................................... 60 (5) Contrôle de la légalité - Immatriculation de la SE et radiation ........................... 61

b) La fusion transfrontalière ......................................................................................... 62 II. … qui répond aux besoins spécifiques assurantiels .......................................................... 62

1 Enjeux financiers : la fongibilité des fonds propres, un enjeu capital ..................... 65 2 Les obligations de communication .......................................................................... 68

a) Des exigences considérablement renforcées pour chaque entreprise… .................. 68 b) … applicables également au niveau des groupes ..................................................... 70

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3 La supervision de groupe ......................................................................................... 71 a) Un contrôle de groupe insuffisant sous Solvabilité 1… .......................................... 72 b) … Renforcé par la Directive Solvabilité II, mais encore insuffisant ....................... 75

4 La complexité de la gestion de risque ...................................................................... 77 PARTIE 3 LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE, UNE RÉFÉRENCE POUR LA MUTUELLE EUROPÉENNE ? .... 81

I. Les Spécificités du monde mutualiste… ........................................................................... 81 1 Un secteur éclectique… ........................................................................................... 81

a) Tant en France… ...................................................................................................... 81 b) … qu’en Europe ....................................................................................................... 84

2 … profondément ancré dans l’économie sociale et solidaire .................................. 86 II. … justifient l’élaboration d’un statut de mutuelle européenne ......................................... 87

1 Une réelle volonté politique… ................................................................................. 87 2 … Qui souligne les problématiques posées par ce statut… ..................................... 90 3 … pour favoriser les opérations transfrontalières .................................................... 92

III. des préconisations fondées sur l’expérience passée .......................................................... 93 1 La définition et le champ d’application de la Mutualité .......................................... 93

a) Définition d’une Mutuelle ........................................................................................ 93 b) Fonds d’établissement .............................................................................................. 94 c) Conditions de constitution de la Mutuelle Européenne ........................................... 94

2 La Gouvernance ....................................................................................................... 95 a) Assemblée Générale et Délégués ............................................................................. 95 b) Système d’administration et de gestion ................................................................... 96 c) Dissolution ............................................................................................................... 96 d) Alliances - Fusions ................................................................................................... 97

CONCLUSION ................................................................................................................................ 102 TABLE DES MATIÈRES ................................................................................................................... 104 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................ 106 ANNEXES ................................................................................................................................ 110

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BIBLIOGRAPHIE

TEXTES DE RÉFÉRENCE

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l’implication des travailleurs Directive n° 2005/19/CE DU CONSEIL du 17 février 2005 modifiant la directive

90/434/CEE concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents

Directive n° 2009/138/CE du Parlement européen et du conseil du 25 novembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (Solvabilité II)

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Œuvre collective sous la direction de Philippe RAIMBOURG et Martine BOIZARD, « Ingénierie financière, fiscale et juridique », Editions DALLOZ, 2009/2010, Septembre 2009

Catherine CATHIARD, Arnaud LECOURT, « La pratique du droit européen des sociétés – Analyse comparative des structures et des fusions transfrontalières », Joly Editions, Avril 2010

Marie-Laure DREYFUSS, « Les grands principes de Solvabilité II », Editions L’Argus de l’assurance, Juin 2012

REVUES PROFESSIONNELLES

Lettres d’Europe & Entreprises, juillet 2007 – n°38 : « Un statut européen pour les mutuelles : une nécessaire reconnaissance », Daniel

LENOIR, Directeur général de la Fédération nationale de la Mutualité française, « Favoriser la convergence des droits des sociétés grâce à la Société européenne »,

Noëlle LENOIR, Ancienne ministre des Affaires européennes, entretien réalisé par Euractiv,

« Pourquoi choisir le statut de Société européenne ? », Entretien avec le Dr. Henning SCHULTE-NOELLE, Président du Conseil de surveillance d’Allianz, Entretien réalisé par Lieven TAILLIE

L’Option, Confrontation Europe, « Solvabilité II, Pour une meilleure protection des assurés en Europe – Un projet de Directive en débat » N° 25, mars 2009, Philippe HERZOG : « Solvabilité II : poursuivre la négociation pour une directive ouvrant la voie à une supervision européenne »

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Droit et Patrimoine N°163 – Octobre 2007 : « Les enjeux de la localisation de la SE dans l’espace européen », Noëlle LENOIR,

Pierre-Pascal BRUNEAU et Michel MONJUCQ, « Société européenne et fusions transfrontalières », Olivier du MOTTAY et Fabrice

FAGES, « La Société européenne, outil d’optimisation de la gestion des groupes financiers »,

Catherine CATHIARD, « Plaidoyer pour une libéralisation des modes de constitution d’une société

européenne », Reinhard DAMMANN et Mélanie FRONTY La Semaine Juridique – Entreprise et affaires, n° 13, 29 mars 2012 – Catherine

CATHIARD : « Le transfert transfrontalier du siège social des sociétés européennes » RECMA – Revue internationale de l’économie sociale, n° 299 – Olivier BONED : « Est-il

légitime de parler d’identité mutualiste en Europe ? Une réponse fondée sur quelques mutuelles santé »

Journal de Droit européen, Noëlle LENOIR « L’avenir de la « Societas europaea » », Février 2008

SWISS RE, SIGMA n° 3/2010 : « Les questions réglementaire dans l’assurance », 26 juillet 2010

Lettre d’information JEANTET et associés, Droit européen des sociétés, Février 2013 OTC Conseils – Franck COISNON : « Solvabilité II, le renouveau de l'approche groupe »

PRÉSENTATIONS - CONFÉRENCES - COLLOQUES CREDA – Université Paris 1 – Colloque sur « LES NOUVEAUX OUTILS DE LA

MOBILITÉ DES ENTREPRISES EN EUROPE - Fusions transfrontalières, SE, SPE », 2 juin 2008

Commission européenne, Conférence sur l’avenir du droit des sociétés, Discours de D. KLING à la table ronde : « Mobilité des sociétés et droit européen des sociétés » 17 mai 2011

ENASS-CNAM, Cérémonie de remise des diplômes du CHEA, Denis KESSLER : « Vers une gestion optimale du capital dans l’assurance », 19 septembre 2012

Forum Convergence 2015, 5ème édition, intervention de Monsieur Michel BARNIER « L'entrepreneuriat social, tête de pont d'une nouvelle croissance en Europe », 19 septembre 2012

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SITES INTERNET Entretien avec Gérard ANDRECK, président du Gema : « L'effervescence réglementaire à

laquelle nous assistons crée une instabilité majeure », Argusdelassurance.com - Publié le 08 mars 2013

Madeleine Vatel : « Grande étape dans l’adoption d’un statut commun des mutuelles en Europe » - Argusdelassurance.com - Publié le 10 décembre 2012

Géraldine Vial : « Solva 2 : Bruxelles maintient la pression sur l’Europe de l’assurance » - Argusdelassurance.com - Publié le 07 décembre 2012

Commission européenne - Consultation Publique sur l’avenir du Droit européen des sociétés, 20 février 2012

ARTICLES DE PRESSE L’AGEFI Hebdo, « Le statut de Société européenne bientôt revisité », 22 mars 2007 L’Argus de l’assurance, « Solvabilité II et Bâle 3, le double obstacle », 13 mai 2011

STATUTS Statuts de SCOR SE, mis à jour par le conseil d’administration du 27 juillet 2001

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ANNEXES Simplification et rationalisation des structures

Exemple d’ALLIANZ SE

Source : Allianz SE

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Source : Allianz SE

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Exemple de SCOR SE Avant création des SE

Après création des SE

Source : SCOR SE

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Thèse professionnelle soutenue en mars 2013

pour l’obtention du MBA Manager d’entreprise majeure Assurance

Sous la direction de : Patrick THOUROT

Président du Jury : François EWALD

Une école est un lieu de production et de diffusion de connaissances.

L’Ecole nationale d’assurances s’organise pour répondre le mieux possible à cette mission en direction de ses élèves d’abord, mais aussi de la profession de l’assurance et de ses partenaires :

• les « séminaires innovation » animés par les auditeurs du Centre des Hautes Etudes d’Assurance (CHEA), permettent aux professionnels de suivre les grandes innovations en assurance telles qu’on peut les observer à l’étranger ;

• les « dialogues de l’Enass » éclairent l’actualité par le débat avec une personnalité remarquable ;

• « les travaux de l’Enass » sont destinés à faire bénéficier la profession des travaux menés au sein de l’Enass par ses professeurs et ses élèves, à tous les niveaux, dans la mesure où les jurys qui les ont évalués ont noté leur qualité et leur originalité. Ces travaux vous seront adressés par Internet, certains d’entre eux pouvant faire l’objet d’un tirage sur papier ou même, être édités.

Nous souhaitons que toutes ces initiatives vous soient profitables.

François Ewald Président du Conseil scientifique et pédagogique de l’Université de l’Assurance