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SOMMAIRE Chronique....................................................................................................................................................................... 1 A propos des litiges prud’homaux liés à l’amiante ................................................... 1 I. Rappel de la répartition des compétences entre le Conseil de Prud’hommes et le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale .............................. 1 II. Coup d’œil sur le dispositif de réparation spécifique lié à l’amiante .......... 3 III. La position de la Chambre sociale de la Cour de Cassation ................................... 3 IV. Le traitement prud’homal des demandes d’indemnisation du préjudice d’anxiété........................................................................................................................................................................ 4 Jurisprudence ......................................................................................................................................................... 9 Contrat de travail ....................................................................................................................................................... 9 Table des matières .................................................................................................................................. 31 Mars 2014 n° 3

SOMMAIRE · 2014-04-18 · obligation de sécurité dite « de résultat » intentée devant le Conseil de Prud’hommes va se heurter à une ... le 18 juin 2010 (QPC n°2010-8) la

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SOMMAIRE

Chronique ....................................................................................................................................................................... 1

A propos des litiges prud’homaux liés à l’amiante ................................................... 1

I. Rappel de la répartition des compétences entre le Conseil de Prud’hommes et le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale .............................. 1

II. Coup d’œil sur le dispositif de réparation spécifique lié à l’amiante .......... 3

III. La position de la Chambre sociale de la Cour de Cassation ................................... 3

IV. Le traitement prud’homal des demandes d’indemnisation du préjudice d’anxiété ........................................................................................................................................................................ 4

Jurisprudence ......................................................................................................................................................... 9

Contrat de travail ....................................................................................................................................................... 9

Table des matières ..................................................................................................................................31

Mars 2014 n° 3

© ASSEP 2013 – 1 – Cahiers prud’homaux n° 3 | Chronique

A propos des litiges prud’homaux liés à l’amiante

Les juridictions prud’homales sont saisies d’un nombre élevé de demandes en indemnisation du préjudice lié à l’amiante introduites par des salariés ayant bénéficié du dispositif de la cessation d’activité anticipée. L’importance des sommes en jeu, l’AGS étant souvent mise en cause, comme celle des questions juridiques qu’elles soulèvent en termes de compétence, de recevabilité, comme de détermination du préjudice et de son évaluation, nous conduisent à faire le point, certes de façon concise sur leur traitement par le juge prud’homal. Tel est l’objet de cette chronique qui va commencer par situer les domaines respectifs du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale et de la juridiction prud’homale. Ensuite, nous livrerons un aperçu sur le régime spécifique de réparation à savoir la cessation anticipée du travail dit « préretraite amiante ». Le 25 septembre 2013, la Cour de Cassation a pris position sur plusieurs points litigieux relatifs au préjudice d’anxiété qu’il conviendra de présenter avant de passer à l’examen concret des demandes prud’homales.

I. Rappel de la répartition des compétences entre le Conseil de Prud’hommes et le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, toute action en responsabilité civile à l'encontre de l'employeur pour exécution estimée fautive du contrat de travail et présentée comme telle ne relève pas automatiquement du Conseil de Prud’hommes. La question se pose avec acuité à propos des demandes d’indemnisation du préjudice d’anxiété lié à l’amiante.

A. Incompétence prud’homale

L’article L. 1411-4 du Code du Travail, alinéa 2, précise que « le Conseil de Prud’hommes n'est pas compétent pour connaître des litiges attribués à une autre juridiction par la loi, notamment par le code de la sécurité sociale en matière d'accidents du travail et maladies professionnelles ».

En vertu de l’article L. 451-1 du Code de la sécurité sociale, « […], aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit ».

Par ricochet, toute action en réparation des dommages liés aux accidents du travail et maladies professionnelles relève de la compétence exclusive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale.

Ajoutons deux précisions :

− cette règle n’a pas à être remise en cause lorsque la demande en réparation se veut la consé-quence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité (Cass. soc., 20 novembre

Chronique

Cahiers prud’homaux n° 3 | Chronique – 2 – © ASSEP 2014

2013, n° 12-16804 et Cass. soc., 9 octobre 2013, n° 12-11777, publiés dans la partie Jurispru-dence de ce numéro) ;

− si une action en réparation d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est masquée derrière une demande d’indemnisation formée contre l’employeur pour manquement aux obliga-tions contractuelles, la voie prud’homale se ferme (Cass. soc., 29 mai 2013, n° 11-20074, publié dans la partie Jurisprudence de ce numéro).

Ainsi, a été déclaré justifié l’arrêt d’appel qui a retenu que, sous couvert d'une action en responsabilité civile à l'encontre de l'employeur pour exécution fautive du contrat de travail, la salariée demandait en réalité la réparation d'un préjudice résultant de l'accident du travail dont elle avait été victime, la Cour d’Appel s'est à juste titre déclarée incompétente au profit du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (Cass. soc., 9 octobre 2013, n° 12-11777, publié dans la partie Jurisprudence de ce numéro).

La même solution a été dégagée à propos d’un sportif qui, sous couvert de l'indemnisation de la perte de son emploi, sollicitait en réalité la réparation du préjudice résultant de l'accident du travail, action relevant de la compétence exclusive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale et non du Conseil de Prud’hommes (Cass. soc., 11 décembre 2013, n° 12-19408, publié dans la partie Jurisprudence de ce numéro).

Dès lors, en cas de prise en charge du salarié au titre d'une maladie professionnelle causée par l'amiante, une éventuelle action en indemnisation du préjudice d’anxiété pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité dite « de résultat » intentée devant le Conseil de Prud’hommes va se heurter à une incompétence. En effet, sous l’apparence d'une action en responsabilité pour faute de l'employeur, la demande prud’homale ne tend en réalité qu'à la réparation du préjudice résultant d'une maladie professionnelle. Une telle demande ne peut être portée que devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (Cass. soc., 8 février 2012, n° 11-15231 et autres).

Si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Dès lors, viole les articles L. 451-1 et L. 142-1 du Code de la sécurité sociale la Cour d’Appel qui, pour déclarer la juridiction prud'homale compétente pour connaître du litige et accueillir la demande d'un salarié tendant au paiement de dommages-intérêts, retient que les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité ouvraient droit à réparation, alors qu'il résultait de ses constatations que l'accident dont l'intéressé avait été victime et admis au titre de la législation professionnelle et qu'ainsi, sous couvert d'une action en responsabilité contre l'employeur pour manquement à son obligation de sécurité, le salarié demandait en réalité la réparation d'un préjudice né de l'accident du travail (Cass. soc., 29 mai 2013, n° 11-20074, publié dans la partie Jurisprudence de ce numéro).

Logiquement, le contentieux en réparation d’une maladie professionnelle échoit exclusivement au TASS.

B. Compétence prud’homale

En vertu de l’article L. 1411-4 du Code du Travail, « le Conseil de Prud’hommes est seul compétent, quel que soit le montant de la demande, pour connaître des différends mentionnés au présent chapitre. Toute convention contraire est réputée non écrite ».

La juridiction prud'homale est seule habilitée à connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif au licenciement. Cela ne soulève pas de discussion.

A partir du moment où une Cour d’Appel a constaté que le litige relatif à des demandes en paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité légale de licenciement et d'indemnité « spéciale » de licenciement et de « primes de sous-sol », portait sur l'exécution du contrat de travail et sur les causes et conditions de sa rupture, la Cour d’Appel a exactement décidé que ce litige relevait de la compétence de la juridiction prud'homale (Cass soc., 14 novembre 2013, n° 11-28512, publié dans la partie Jurisprudence de ce numéro).

C. Un distinguo s’impose s’agissant des litiges liés à l’amiante

1° L'action en responsabilité exercée par le salarié à l'encontre de son employeur devant la juridiction prud'homale pour mauvaise exécution du contrat de travail est irrecevable dès lors qu'elle tend à la réparation du préjudice résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle

© ASSEP 2014 – 3 – Cahiers prud’homaux n° 3 | Chronique

2° Elle a vocation à être jugée par le Conseil de Prud’hommes dès lors qu'elle tend à la réparation d'un préjudice ne résultant pas de l'altération de l'état de santé, en clair si le salarié demandeur bénéficiaire de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA) n’a pas contracté de maladie professionnelle (cf. CA Lyon Ch. soc. C, 19 octobre 2012, n° 12/00859, publié dans la partie Jurisprudence de ce numéro).

3° La Cour de Cassation admet la compétence prud’homale dans des affaires où le salarié étant atteint d’une pathologie reconnue comme maladie professionnelle, alors que la voie prud’homale aurait dû être fermée. Se livrant à un découpage subtil qui, à cet égard, n’emporte pas pleinement l’adhésion car nous ne sommes pas loin du risque d’aboutir à une double indemnisation pour le même préjudice, elle décide que « la déclaration de la maladie et le contentieux auquel elle a donné lieu ne privent pas le salarié du droit de demander à la juridiction prud'homale la réparation des conséquences du trouble psychologique, compris dans le préjudice d'anxiété subi avant la déclaration de la maladie » (cf. Cass. soc., 25 septembre 2013, n° 12-20157, publié dans la partie Jurisprudence de ce numéro).

II. Coup d’œil sur le dispositif de réparation spécifique lié à l’amiante

Mentionnons d’abord l’indemnisation reçue au titre du régime de la maladie professionnelle. En cas d’admission d’une faute inexcusable de l’employeur, nous savons que le Conseil constitutionnel a ouvert le 18 juin 2010 (QPC n° 2010-8) la voie devant le TASS à la réparation de l’ensemble des préjudices non couverts directement par le livre IV du Code de sécurité sociale.

S’agissant du régime de préretraite amiante, l'article 41 de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 1999, modifié par l'article 36 de la LFSS pour 2000 a instauré un dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante retenant, en priorité, les activités où les maladies professionnelles liées à l'amiante apparaissent dans une proportion sensiblement plus importante que dans l'ensemble de la population.

Pour faire court, ce mécanisme spécifique qui conduit au versement d’une allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA) s’adresse tant aux salariés atteints d’une maladie professionnelle qu’à ceux qui ne souffrent d’aucune maladie mais qui ont travaillé dans une entreprise figurant sur les listes d’établissements visées par arrêtés, ayant fabriqué ou traité des matériaux contenant de l’amiante.

Retenons que tous les bénéficiaires démissionnaires de leur emploi pour entrer dans le dispositif :

− ne sont pas tous malades ;

− n’ont pas nécessairement été exposés effectivement à l’amiante.

Ce deuxième point mérite d’être noté alors même que la tendance est forte de faire du classement de l’entreprise sur la liste officielle qui conditionne le bénéfice de la préretraite amiante une présomption d’exposition. Il ne pourrait s’agir que d’une présomption simple pouvant faire l’objet de la preuve contraire à la charge de l’employeur.

Ce sont précisément ces salariés qui s’adressent au juge prud’homal pour faire juger qu’ils subissent un préjudice notamment d’anxiété en raison « d’une situation d’inquiétude face au risque de survenance à tout moment d’une maladie liée à l’amiante », et réclament en conséquence des dommages et intérêts d’un montant fort varié.

Sans nier les répercussions psychologiques qu’a pu occasionner un contact direct avec l’amiante du salarié non reconnu pour autant comme malade, il est quand même permis de s’interroger sur le point de savoir si ce régime spécial de préretraite n’a pas intégré déjà la réparation de ce risque d’anxiété. N’a-t-il pas été conçu pour appréhender déjà la crainte liée au risque de développer une maladie liée à l’amiante et fatalement de subir une diminution de l’espérance de vie ?

III. La position de la Chambre sociale de la Cour de Cassation

Exprimée de façon significative, notamment dans cinq arrêts du 25 septembre 2013, elle peut se résumer à grands traits de la manière suivante :

1° Compétence prud’homale pour examiner la demande d’indemnisation du préjudice d’anxiété (Cass. soc., 25 septembre 2013, n° 12-12883, publié dans la partie Jurisprudence de ce numéro).

Cahiers prud’homaux n° 3 | Chronique – 4 – © ASSEP 2014

Cette demande indemnitaire trouve son fondement dans le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, fondement utilisé par la Cour de Cassation pour légitimer la compétence du Conseil de Prud’hommes.

2° Compétence prud’homale y compris pour examiner la demande d’indemnisation du préjudice d’anxiété émanant également d’un salarié reconnu malade mais pour la période antérieure à cette reconnaissance (Cass. soc., 25 septembre 2013, n° 12-20157, publié dans la partie Jurisprudence de ce numéro).

3° Caractérisation du préjudice dit « spécifique » d’anxiété lorsque la Cour d’Appel a constaté que les salariés demandeurs, qui avaient travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi de 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante (Cass. soc., 25 septembre 2013, n° 12-17667, publié dans la partie Jurisprudence de ce numéro). La responsabilité contractuelle de l’employeur serait donc engagée du simple fait de l’inscription de l’entreprise sur la liste ouvrant au bénéfice de l’ACAATA.

Peu importe l’existence ou non de contrôles médicaux (Cass. soc., 25 septembre 2013, n° 12-17667, publié dans la partie Jurisprudence de ce numéro). Le 4 décembre 2012 (n° 11-26.294, Bull. civ. V, n° 316), la Cour de Cassation avait déjà estimé que le préjudice d’anxiété pouvait être caractérisé, que le salarié « se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers », ce qui tendait à décrocher la reconnaissance d’un tel préjudice de l’exigence d’une preuve individuelle pour finalement ne prendre en compte que le classement de l’entreprise et le bénéfice de la cessation anticipée.

4° Inclusion du préjudice « bouleversement des conditions d’existence » qui ne peut donner lieu à une indemnisation distincte. Fondant son raisonnement sur l’article 1147 du Code Civil et sur le principe de réparation intégrale du préjudice, la Chambre sociale de la Cour de Cassation déclare que « l’indemnisation accordée au titre du préjudice d’anxiété répare l’ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d’existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante » (Cass. soc., 25 septembre 2013, n° 12-17667 et n° 12-12883, publiés dans la partie Jurisprudence de ce numéro).

5° Garantie par l’AGS de cette créance (Cass. soc., 25 septembre 2013, n° 12-17667, publié dans la partie jurisprudence de ce numéro). Quelle est la raison ? Les dommages-intérêts sont dus au salarié à raison de l'inexécution par l'employeur d'une obligation découlant du contrat de travail. Pour défendre l’exclusion de sa garantie, l’AGS soutenait la nature légale et non contractuelle de l’obligation. Force est de constater que la Cour de Cassation, en visant régulièrement l’article L. 4121-1 du Code du Travail lorsqu’elle met en avant l’obligation de sécurité de résultat en matière de sécurité et de santé au travail, renforcerait plutôt la thèse de l’AGS.

Ajoutons deux éléments :

− antérieurement, la Cour de Cassation avait écarté la demande tirée d’un préjudice économique, le salarié ne pouvant solliciter la « réparation d’une perte de revenu résultant de la mise en œuvre du dispositif légal » (Cass. soc., 11 mai 2010, n° 09-42241 et n° 08-44952, Bull. civ. V, n° 106). C’est dans ces mêmes arrêts qu’elle avait retenu pour la première fois un préjudice d’anxiété pour les salariés qui se trouvent « par le fait de l’employeur dans une situation d’inquiétude perma-nente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante, et sont amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse » ;

− plus récemment, le 27 juin 2013 (n° 12-29347) elle a décidé que « l'indemnisation du préjudice d'anxiété qui repose sur l'exposition des salariés au risque créé par leur affectation dans un établissement figurant sur une liste établie par arrêté où étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, n'exclut pas toute cause d'exonération de responsabilité ».

Reste que l’analyse que développe la Cour de Cassation, qui a varié avec le temps comme on peut le voir et qui peut encore changer, n’épuise pas le sujet. C’est bien aux juridictions prud’homales, en première ligne, saisies de ces demandes monétaires souvent par « paquets » de se déterminer sans aucun déterminisme juridique par rapport aux montants sollicités.

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IV. Le traitement prud’homal des demandes d’indemnisation du préjudice d’anxiété

Passons en revue la série de questions à résoudre avant d’arriver à l’éventuelle fixation du montant des dommages-intérêt pour préjudice d’anxiété.

A. Les demandes de réparation sont nécessairement individuelles

L’action de groupe n’étant pas recevable en matière prud’homale, la saisine est toujours individuelle. La procédure suit les règles ordinaires sans bénéfice d’aucune dispense du passage préalable en Bureau de Conciliation : il y a autant de convocations en séance de conciliation que de demandeurs.

Par hypothèse, si une jonction des instances se conçoit ensuite au stade du Bureau de Jugement, elle est évidemment impossible entre des sections de nature différentes.

Il ne faut pas être grand clerc pour mesurer le risque de forfaitisation des indemnités que comporte la jonction des instances en audience de jugement. En effet, cette technique de facilitation risque au passage d’occulter le fait réel que chaque demandeur en réparation de son propre préjudice d’anxiété est bien un cas particulier à traiter comme tel !

L’action en réparation du préjudice d’anxiété vise l’employeur à l’époque des faits incriminés.

Qu’en est-il en cas de modification dans la situation juridique de l’entreprise ? Normalement, le nouvel employeur est tenu aux obligations incombant à l’ancien employeur (art. L. 1224-2 du Code du Travail), ce qui conduit alors le salarié à citer le repreneur devant la juridiction prud’homale. Fait exception la substitution de l’employeur en l’absence de convention entre eux, ce qui revient à considérer que la signature d’une telle convention ne change rien à la règle. Pourtant, en présence d’une telle convention, la Cour de Cassation estime que le salarié n’est pas privé du droit d'agir directement contre l'ancien employeur pour obtenir l'indemnisation de son préjudice né de fautes commises par celui-ci dans l'exécution de ses obligations avant le transfert de son contrat de travail (Cass. soc., 25 septembre 2013, n° 12-13593, publié dans la partie Jurisprudence de ce numéro).

B. La compétence du Conseil de Prud’hommes pour appréhender les demandes d’indemnisation du préjudice d’anxiété

La ligne de partage entre le TASS et le Conseil de Prud’hommes fort subtile oblige le juge à vérifier si l’action en responsabilité exercée par le salarié à l'encontre de son employeur devant la juridiction prud'homale pour mauvaise exécution du contrat de travail tend ou non – en réalité – à la réparation du préjudice résultant d'une maladie professionnelle.

Le Conseil de Prud’hommes est compétent dès lors que la demande tend à la réparation du préjudice ne résultant pas de l'altération de l'état de santé, mais, comme en l’espèce, d’un risque d’altération de l’état de santé imputable à l’amiante générateur d’anxiété (CA Lyon, Ch. soc. C, 19 octobre 2012 n° 12/00859, publié dans la partie Jurisprudence de ce numéro). L'examen de la demande d'indemnisation du préjudice d'angoisse, présentée par l’ancien salarié relève de l'appréciation de la responsabilité contractuelle de son ancien employeur : il s'agit ainsi d'un différend individuel entre un salarié et un employeur, et donc d’un litige d’ordre prud’homal (Conseil de Prud’hommes Dieppe, section industrie, départage, 2 janvier 2014, n° F 12/00217 publié dans la partie Jurisprudence de ce numéro).

C. La recevabilité des demandes d’indemnisation du préjudice d’anxiété

Depuis la loi du 14 juin 2013 (cf. art. L. 1471-1, C. trav.,) le délai de prescription d’une demande se rapportant à l’exécution du contrat de travail, ce qui est le cas de celle en réparation du préjudice d’anxiété, est de deux ans. Pour les cessations anticipées d’activité antérieures au 14 juin 2013 et gouvernées par la loi du 17 juin 2008, l'action en réparation était soumise à la prescription quinquennale de droit commun prévue à l'article 2224 du Code Civil.

Le point de départ de la prescription se situe au jour où le titulaire d'un droit (l’ancien salarié) a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ses droits. En l’espèce le délai court logiquement de la date de rupture anticipée de son contrat de travail permettant au salarié de bénéficier du régime légal spécifique de réparation au titre de l’amiante.

Le délai de 10 ans résultant de l’article 2226 du Code Civil qui se calcule à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé régit uniquement les actions en réparation d’un dommage corporel. Il s’applique uniquement en cas d’atteinte corporelle, donc de maladie consécutive à l’inhalation de poussières d’amiante et ne concerne pas le préjudice d’anxiété, préjudice du risque de maladie. Faut-il

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rappeler que l’invocation de la prescription incombe au défendeur et ne peut pas être relevée d’office par le juge ?

D. L’examen des demandes d’indemnisation du préjudice d’anxiété en pratique

1) La justification individuelle du préjudice

La saisine simultanée de plusieurs salariés pourrait donner à penser que le juge prud’homal serait dispensé de se pencher sur le cas de chacun des demandeurs et pourrait allouer mécaniquement et souverainement une somme forfaitaire.

S’il est vrai que la lecture des arrêts de la Chambre sociale de la Cour de Cassation (cf. Cass. soc., 18 décembre 2013, n° 12-19123, publié dans la partie Jurisprudence de ce numéro) inclinerait à considérer qu’à partir du moment où les salariés demandeurs de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice d'anxiété ont travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, la réparation du préjudice irait alors de soi. Selon nous, le juge prud’homal ne pourrait pas en rester là et se devrait d’être plus explicite dans sa démarche. Les règles de la responsabilité contractuelle qui gouvernent ces litiges excluent une telle tarification collective et forfaitaire.

L’approche va se faire normalement en plusieurs étapes qui oblige, s’agissant d’un litige prud’homal donc individuel et non collectif, à une vérification, salarié demandeur par salarié demandeur.

Que la tâche soit malaisée s’agissant non de la réparation d’un préjudice mais d’un risque de préjudice, tout le monde en conviendra. Tout le monde conviendra également du caractère éminemment sensible de ces affaires prud’homales. Mais à partir du moment où la demande se situe sur le terrain judiciaire et contractuel, et qu’en second lieu il est fréquemment souligné que cette catégorie de litiges afférents à l’amiante est annonciatrice d’autres procès en indemnisation à venir sur d’autres risques, il n’est pas illogique que les juridictions du fond se montrent attentives à appréhender au plus près les situations de fait qui, évidemment, sont souvent différentes selon les salariés en demande, a fortiori, si, de surcroit, les demandeurs en indemnisation du préjudice d’anxiété invoquent un trouble dans leurs conditions d’existence, trouble par essence « personnel ».

2) La nécessité d’une exposition du salarié demandeur au risque de poussière d’amiante

Ce point de départ apparaît difficilement contournable. Si le classement de l’entreprise dans la liste officielle (opéré sur la base d’un pourcentage de salariés exposés, pourcentage qui mériterait sans doute d’être précisé lors des débats) peut présumer une telle exposition, il ne saurait s’agir que d’une présomption simple et non irréfragable, souffrant donc la preuve contraire à la charge de l’employeur cité. Reconnaissons qu’au sein de l’entreprise même « listée », la situation de l’ensemble des salariés n’est pas la même, elle varie selon le type de fonction remplie et le lieu où ils l’exercent. Ainsi, il est difficile de soutenir que tous les salariés appartenant à une telle entreprise ont été bel et bien en butte à ce risque.

Lorsque l’entreprise n’a pas fait l’objet d’un tel classement par arrêté, une action en indemnisation n’est pas à exclure mais alors le salarié demandeur supporte le poids entier de la preuve que, professionnellement, il a été en contact avec le risque de poussière d’amiante.

Le Conseil de Prud’hommes de Dieppe a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice d'angoisse, présentée par un ancien salarié à l'encontre de la liquidation judiciaire d’une société ayant succédé à son employeur (Conseil de Prud’hommes Dieppe, section industrie, départage, 2 janvier 2014, n° F12/00217, publié dans la partie Jurisprudence de ce numéro). La motivation prend en compte l'absence de la preuve de la poursuite du contrat de travail entre la société qui était l’employeur du salarié, non citée devant la juridiction prud’homale et la société qui lui a succédé seule citée et l'absence de la preuve que l’ancien salarié a été exposé à l'amiante chez le repreneur, qui ne figure pas sur la liste des sociétés établie par l'arrêté du 7 juillet 2000.

Récemment, le Conseil de Prud’hommes de Grenoble a débouté des salariés demandeur en réparation d’un préjudice d’amiante (Cons. Prud’h. Grenoble, section industrie, départage, 6 janvier 2014, X et autres c/ SAS Becton Dickinson France). Il a jugé que « le refus de reconnaître le site comme site amiante, les conditions d'emploi de la plupart des salariés, les analyses connues de l'air, le nombre minime de reconnaissances de maladie professionnelle, l'absence de manquement de la société aux règles légales et réglementaires concernant la sécurité et la santé des travailleurs, et l'amiante, n'établissent nullement un préjudice d'anxiété des salariés ».

© ASSEP 2014 – 7 – Cahiers prud’homaux n° 3 | Chronique

3) Le manquement de l’employeur à son obligation en termes de sécurité

Citons toujours le jugement grenoblois précité : en tout état de cause, pour les salariés exposés à l'amiante, le préjudice d'anxiété trouve sa cause dans la violation par l'employeur de l'obligation de sécurité de résultat. Pour qu'il y ait violation de l'obligation de sécurité, il faut un manquement de l'employeur à une obligation légale ou réglementaire de sécurité. Une analyse très fine du comportement de l’employeur et des précautions prises par lui va conduire le juge à relever qu’aucune présence d'amiante n'existait à compter d'avril 1996, cette amiante étant supprimée progressivement sur l'ensemble des machines. Or, en l'espèce, le décret du 24 décembre 1996 interdisant l'utilisation de l'amiante est postérieur.

4) Le constat de la réalité du préjudice invoqué

Nous publions dans la partie Jurisprudence de ce numéro un arrêt de la Cour d’Appel de Lyon, qui, pour remonter au 19 octobre 2012, a le mérite de dérouler clairement le raisonnement suivi quant à l’appréciation du préjudice au cas par cas.

Citons les attendus à ce sujet : « le salarié qui a été exposé à l'amiante sans développer une maladie est en droit de réclamer la réparation des préjudices que lui a occasionnés ce manquement de l'employeur ; dans la mesure où le salarié s'est placé hors du champ de la législation sur les risques professionnels et dans le champ de la responsabilité contractuelle, il doit rapporter la preuve de la réalité, de la certitude et de l'étendue des préjudices dont il réclame l'indemnisation, dans la mesure où l'action est exercée devant une juridiction civile, les dommages et intérêts ont une visée indemnitaire et non sanctionnatrice ou compensatrice ».

En l’espèce : « sont déboutés, les salariés ne versant ni document objectif ni témoignage de tiers sur leur anxiété, aucun salarié n'évoquant ses conditions d'existence et n'apportant d'élément sur un changement des conditions d'existence ».

Les salariés ne rapportant donc pas la preuve qui leur incombe d'un sentiment d'anxiété ni d'une modification des conditions d'existence sont déboutés de leurs demandes (Cour d’Appel Lyon, Ch. soc. C, 19 octobre 2012, n° 12/0085, précité).

5) L’évaluation du montant de la réparation du préjudice enfin constaté

« Cette inquiétude et cette anxiété reposent sur une perception propre selon la personnalité de chacun » avait souligné le Conseil de Prud’hommes de Saint Nazaire, section industrie, dans son jugement en date du 22 novembre 2012 (n° 11/00398, M. AT c/ SA Chantiers de l’Atlantique). Compte tenu de la situation d’inquiétude du demandeur, en l’espèce de voir apparaître à plus ou moins brève échéance une pathologie douloureuse liée à l’amiante, et, compte tenu de la durée d’exposition de l’intéressé, le jugement avait conclu à l’allocation d’une somme de 3 000 euros. Ces éléments militent bien en faveur d’une approche concrète, individualisée et non mécanique, forfaitaire et collective de chaque demande d’indemnisation du préjudice lié à l’amiante.

Quelle que soit la complexité du litige, quelle que soit son indéniable charge émotionnelle, la vigilance s’impose tant en délibéré qu’au moment de la rédaction des décisions. L’exigence d’une motivation, complète qui plus est, s’impose.

Le demandeur comme le défendeur, gagnant ou perdant doit connaitre précisément les raisons de la sentence. Ce n’est pas un hasard si le législateur par voie d’insertion à l’article L. 1235-1 du Code du Travail prescrit au juge de « justifie(r) dans le jugement qu’il prononce le montant des indemnités qu’il octroie ». Si certains diront que l’article 455 du Code de Procédure Civile requiert la motivation, il n’est pas inutile d’insister s’agissant des dommages et intérêts.

Si l'exigence résultant du Code du Travail porte spécialement sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle a en réalité une portée plus vaste.

© ASSEP 2014 – 9 – Cahiers prud’homaux n° 3 | Jurisprudence

Contrat de travail

Demande d’indemnisation du préjudice d’angoisse. Appréciation de la responsabi-lité contractuelle de l’employeur. Différend individuel entre un salarié et un employeur. Compétence du Conseil de Prud’hommes. Absence de preuve de la poursuite du contrat de travail avec la société citée. Absence de preuve d’exposition à l’amiante. Entreprise non répertoriée sur la liste des entreprises dressée par arrêté ministériel. Rejet de la demande.

L'examen de la demande d'indemnisation de son préjudice d'angoisse, présentée par l’ancien salarié relève de l'appréciation de la responsabilité contrac-tuelle de son ancien employeur, il s'agit ainsi d'un différend individuel entre un salarie et un employeur, et donc un contentieux qui est de la compétence du Conseil des Prud’hommes.

S’il est établi, par le certificat de travail du 25 mai 2001, délivré par la SA M.I.M., et les bulletins de salaire des mois d'avril 1984 à avril 1985, seuls produits au débat, que le demandeur a travaillé pour le compte de la SA A.C.M. du 31 juillet 1968 au 30 avril 1985, en qualité de chaudronnier, en revanche, la production des bulletins de salaire du demandeur d'août 1986 au 5 août 1987 émanant de la SA A.C.M.N., n'établit pas qu'il y ait eu poursuite du contrat de travail existant entre le demandeur et la SA A.C.M, par la SA A.C.M.N., dans les termes de l'article L. 122-12 du Code du Travail, devenu l'ar-ticle L. 1224-1 du même code.

En l'absence de la preuve de la poursuite du contrat de travail entre la société A.C.M.C. qui était son employeur et la société SA A.C.M.N., qui lui a

succédé et en l'absence de la preuve que l’ancien salarié a été exposé à l'amiante au sein de la SA A.C.M.N., qui ne figure pas sur la liste des sociétés établie par l'arrêté du 7 juillet 2000, la demande d'indemnisation de son préjudice d'angoisse, présentée par l’intéressé à l'encontre de la liquida-tion judiciaire de la dite société A.C.M.N. sera rejetée.

CONSEIL DE PRUD’HOMMES DIEPPE Section industrie

Départage 2 janvier 2014 N° F12/00217

M. A B c/ M° PL mandataire ad hoc SA A.C.M.N. et

AGS-CGEA

LE CONSEIL :

....................................................................................................................

PROCÉDURE

- Date de la réception de la demande : 17 Août 2012

- Bureau de Jugement du S décembre 2012

- Convocations envoyées le 20 août 2012

- Renvoi au 6 mars 2013 - 3 mai 2013 - 15 mai 2013 et 26 juin 2013

- Débats à l'audience de jugement du 26 juin 2013

- Décision du 11 septembre 2013 : renvoi au juge départiteur

- Débats à l'audience de Départage du 23 octobre 2013

- L'affaire a été mise en délibéré au 18 décembre 2013

- Délibéré prorogé à la date du 2 janvier 2014

- Prononcé de la décision le 2 janvier 2014 par mise à disposition au greffe. La minute a été signée par le Président

Jurisprudence

Cahiers prud’homaux n° 3 | Jurisprudence – 10 – © ASSEP 2014

et Mademoiselle Nathalie CLAIRE, adjoint administratif faisant fonction de greffier.

EXPOSE DU LITIGE ET DES PRETENTIONS

Le 17 août 2012, Monsieur A B a saisi le Conseil de Prud’hommes de DIEPPE des demandes suivantes à l'encontre de Maître Philippe LEBLAY en sa qualité de mandataire ad hoc de la liquidation judiciaire de la SA Ateliers Constructions Mécaniques de Neuville (ACMN), fonctions auxquelles il a été désigné par ordonnance de Monsieur le Président du Tribunal de commerce de DIEPPE du 11 juin 2012 :

- 12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice d'angoisse concernant l'amiante,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Après plusieurs renvois à la demande des parties, l'affaire a été examinée à l'audience du 26 juin 2013, au cours de laquelle, Monsieur A B, assisté de son conseil, a repris ses prétentions. L' Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés (AGS) et le Centre de Gestion et d'Etude AGS (CGEA) de ROUEN, représentés par leur conseil, ont soulevé, d'une part leur mise hors de cause, au motif que la société Ateliers et Chantiers de la Manche et Compagnie a fait l'objet d'une dissolution anticipée et n'est pas en liquidation judiciaire, et d'autre part l'incompétence du Conseil des Prud’hommes de DIEPPE au profit du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de ROUEN et du Fonds d'indemnisation des Victimes de l'Amiante, et subsidiairement se sont opposés aux prétentions de Monsieur B dont ils ont demandé la condamnation aux dépens. Maître Philippe LEBLAY en sa qualité de mandataire ad hoc de la liquidation judiciaire de la SA Ateliers Constructions Mécanique de Neuville, n'a pas comparu, ni personne pour le représenter.

Par décision du 11 septembre 2013, le Conseil des Prud’hommes de DIEPPE s'est déclaré en partage de voix, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 23 octobre 2013, à 10 heures 15, devant la même formation présidée par le Juge d'instance.

A l'audience du 23 octobre 2013, Monsieur A B, assisté de son conseil, expose qu'il a été embauché le 31 juillet 1968 par la SA ATELIERS CHANTIERS DE LA MANCHE en qualité de soudeur, et en application des dispositions de l'article L.  122-12 du Code du Travail, devenu l'article L. 1224-1 du même code, son contrat de travail s'est poursuivi, à compter de mai 1985, au profit de la SA Ateliers Constructions Mécaniques de Neuville, filiale des Ateliers Chantiers de la Manche. En mai 1987, il a fait l'objet d'un licenciement pour motifs économique, puis il a alterné des périodes d'emploi et de chômage. Compte tenu de son exposition â l'amiante au sein de SA ATELIERS CHANTIERS DE LA MANCHE et de la SA Ateliers Constructions Mécaniques de Neuville, il a dû faire valoir ses droits à la retraite de manière anticipée.

Il invoque qu'il a été exposé au risque amiante au sein de la SA ATELIERS CHANTIERS DE LA MANCHE, au titre duquel il a obtenu la cessation d'activité amiante, et que cette exposition constitue une faute engageant la responsabilité contractuelle de l'employeur. Il ajoute que le Conseil des Prud’hommes est compétent pour statuer sur la réparation de son préjudice d'anxiété, lié à une apparition possible d'une pathologie liée à l'amiante. L'incertitude de développer une maladie liée à l'amiante à laquelle il a été exposé génère un sentiment d'angoisse, et un suivi médical régulier. Il demande la réparation de son préjudice par l'octroi d'une somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts. Il précise que c'est par une erreur de forme dans ses écrit que les demandes ont été dirigées à l'encontre de la SA ATELIERS CHANTIERS DE LA MANCHE, mais rappelle qu'il a saisi le Conseil des Prud’hommes à l'encontre de la

liquidation judiciaire de la SA Ateliers Constructions Mécaniques de Neuville. Il sollicite que lui soit alloué la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure et que le jugement à intervenir soit déclaré opposable à l'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés (AGS) et au Centre de Gestion et d'Etude AGS (CGEA) de ROUEN.

L'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés (AGS) et le Centre de Gestion et d'Etude AGS (CGEA) de ROUEN, représentés par leur conseil, invoque que la SA ATELIERS CHANTIERS DE LA MANCHE, qui figure sur la liste des entreprises susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation d'activité des travailleurs de l'amiante, mentionnées dans l'arrêté du 15 mai 2008, n'est pas mise en cause sur la procédure engagée par Monsieur B.

Ils soutiennent qu'aucune demande n'étant dirigée à l'encontre de la liquidation de la SA Ateliers Constructions Mécaniques de Neuville, I'AGS et le CGEA doivent être mis hors de cause. Ils rappellent que les demandes d'indemnisation sur l'exposition à l'amiante doivent être présentées au Fonds d'indemnisation des Victimes de l'Amiante. Ils ajoutent que Monsieur B ne se prévaut pas d'un préjudice mais d'un risque de préjudice, alors que les juridictions prud'homales n'interviennent qu'en indemnisation de préjudice direct, personnel, actuel et démontrable. Ils soutiennent que la demande présentée par Monsieur B est de la compétence du TASS de ROUEN.

A titre subsidiaire, l'AGS et le CGEA font valoir que Monsieur B ne verse au débat aucun élément permettant de dire qu'il y avait usage de l'amiante au sein de la SA Ateliers Constructions Mécaniques de Neuville, société qui ne figure pas sur l'arrêté 15 mai 2008. Ils soulignent que Monsieur B n'apporte pas la preuve de la réalité de son préjudice. Ils ajoutent qu'il n'est pas démontré par le demandeur la violation d'une règle spécifique concernant l'obligation de sécurité de résultat, de la part de l'employeur. Au surplus il n'est pas établi l'existence d'un lien de causalité entre une faute prétendue et le préjudice invoqué. Ils s'opposent aux prétentions de Monsieur B, ajoutant que l'indemnité au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile n'entre pas dans le champ d'application de la garantie de I'AGS.

Maître Philippe LEBLAY en sa qualité de mandataire ad hoc de la liquidation judiciaire de la SA Ateliers Constructions Mécanique de Neuville, n'a pas comparu, ni personne pour le représenter.

Le délibéré de l'affaire, par mise à disposition du jugement au greffe, a été fixé le 18 décembre 2013, prorogé au 2 janvier 2014.

SUR CE

Sur la mise hors de cause de I'AGS et du CGEA

Si effectivement des conclusions ont été déposées le 18 octobre 2012 au nom de Monsieur B et à l'encontre de la liquidation de la SA ATELIERS CHANTIERS DE LA MANCHE prise en la personne de Maître Philippe LEBLAY es qualité, le 5 juin 2013, de nouveaux écrits, au nom de Monsieur B, ont été déposés à l'encontre de la liquidation judiciaire de la SA Ateliers Constructions Mécanique de Neuville, prise en la personne de Maître Philippe LEBLAY es qualité de mandataire ad’ hoc. Au surplus la procédure devant le Conseil des prudhommes a été engagée à l'encontre de Maître Philippe LEBLAY en sa qualité de mandataire ad hoc de la liquidation judiciaire de la SA Ateliers Constructions Mécanique de Neuville, En conséquence, il n'y a pas lieu à mettre hors de cause I'AGS et le CGEA.

© ASSEP 2014 – 11 – Cahiers prud’homaux n° 3 | Jurisprudence

Sur la compétence du Conseil de Prud’hommes

L'examen de la demande présentée par Monsieur B relève de l'appréciation de la responsabilité contractuelle de son ancien employeur, il s'agit ainsi d'un différend individuel entre un salarie et un employeur, et donc un contentieux qui est de la compétence du Conseil des Prud’hommes.

Sur la demande d'indemnisation

Il est établi, par le certificat de travail du 25 mai 2001, délivré par la SA MANCHE INDUSTRIE MARINE, et les bulletins de salaire des mois d'avril 1984 à avril 1985, seuls produits au débat, que Monsieur B a travaillé pour le compte de la SA ATELIERS CHANTIERS DE LA MANCHE du 31 juillet 1968 au 30 avril 1985, en qualité de chaudronnier.

En revanche, la production des bulletins de salaire de Monsieur B d'août 1986 au 5 août 1987 émanant de la SA Ateliers Constructions Mécanique de Neuville, n'établit pas qu'il y ait eu poursuite du contrat de travail existant entre Monsieur B et la SA ATELIERS CHANTIERS DE LA MANCHE, par la SA Ateliers Constructions Mécanique de Neuville, dans les termes de l'article L. 122-12 du Code du Travail, devenu l'article L. 1224-1 du même code,

Or en l'absence de la preuve de la poursuite du contrat de travail entre les deux sociétés précitées, et en l'absence de la preuve que Monsieur B a été exposé à l'amiante au sein de la SA Ateliers Constructions Mécanique de Neuville qui ne figure pas sur la liste des sociétés établie par l'arrêté du 7 juillet 2000, la demande d'indemnisation de son préjudice d'angoisse, présentée par Monsieur B à l'encontre de la liquidation judiciaire de la SA Ateliers Constructions Mécanique de Neuville, sera rejetée.

Le présent jugement sera déclaré opposable à l'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés (AGS) et au Centre de Gestion et d'Etude AGS (CGEA) de ROUEN, et chacune des parties conservera la charge des dépens par elle exposés.

PAR CES MOTIFS

Le Conseil de Prud’hommes de DIEPPE,

Statuant publiquement, par mise à disposition du jugement au greffe,

Par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

Dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause I'AGS et le CGEA de ROUEN,

Se déclare compétent,

Déboute Monsieur A B de ses demandes,

Déclare le présent jugement opposable à l'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés (AGS) et au Centre de Gestion et d'Etude AGS (CGEA) de ROUEN,

Dit que chaque partie conserve la charge des dépens par elle.

Observations

Pour le commentaire de ce jugement, le lecteur se reportera à la chronique du présent numéro consa-crée aux litiges prud’homaux liés à l’amiante.

Demande de dommages et intérêts pour préjudice d’anxiété. Entreprise figurant sur la liste de l’arrêté ministériel. Fabrication ou traitement de l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante. Salariés confrontés

au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante. Situation d'inquiétude permanente. Préjudice spéci-fique d'anxiété caractérisé.

La Cour d’Appel, qui a constaté que les salariés demandeurs de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice d'anxiété qui avaient travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'ils se soumettent ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, a ainsi caractérisé l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété.

COUR DE CASSATION Chambre sociale

18 décembre 2013 N° de pourvoi : 12-19123

Non publié au bulletin Rejet

SOCIETE FLINT GROUP FRANCE c/ M. X… et AUTRES

LA COUR :

....................................................................................................................

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 13 mars 2012), que d'anciens salariés de la société Inmont, aux droits de laquelle vient la société Flint group France, ont été admis au régime de l'Allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à ses anciens salariés une somme à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice d'anxiété alors, selon le moyen :

1°/ qu'il est de principe que la réparation du préjudice d'anxiété est subordonnée à la preuve de l'exposition du salarié à un risque avéré et d'une réelle gravité pour sa santé ; que, si une telle preuve est présumée pour les salariés qui travaillaient dans un établissement ouvrant droit au bénéfice de l'ACAATA pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, cette présomption est simple ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que l'établissement dans lequel les salariés avaient travaillé, bien que figurant sur la liste des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 pour des raisons historiques, ne fabriquait en réalité aucun matériaux contenant de l'amiante, en sorte qu'il n'existait pas de risque avéré et réel d'exposition à l'amiante ; que, par suite, en jugeant néanmoins que le préjudice d'anxiété serait établi de manière irréfragable, du seul fait pour les salariés d'avoir travaillé dans un établissement mentionné à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la Cour d’Appel a violé le principe susvisé et méconnu la portée de la présomption précitée, ensemble l'article 1382 du Code Civil ;

2°/ qu'il est de principe que le préjudice d'anxiété suppose une certaine permanence du sentiment d'anxiété lié à la

Cahiers prud’homaux n° 3 | Jurisprudence – 12 – © ASSEP 2014

crainte de la révélation d'une maladie aux conséquences dramatiques en termes d'espérance de vie, qui implique, en particulier, que les salariés aient été et soient soumis à des contrôles et examens médicaux réguliers ; qu'ainsi en considérant néanmoins qu'il ne serait pas nécessaire que les salariés « justifient ou non subir effectivement des contrôles ou examen préventifs », la Cour d’Appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1382 du Code Civil ;

3°/ qu'il est de principe et résulte des dispositions de l'article 1382 du Code Civil que l'existence d'un préjudice d'anxiété suppose que soit caractérisé un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; qu'en se bornant à juger que le sentiment d'inquiétude des salariés serait le fait de l'employeur sans motiver davantage sa décision, la Cour d’Appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé, ensemble l'article 1382 du Code Civil ;

Mais attendu que la Cour d’Appel, qui a constaté que les salariés, qui avaient travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l' amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'ils se soumettent ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, a ainsi caractérisé l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Flint group France aux dépens ;

Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile, la condamne à payer à M. X… et aux quarante-quatre autres défendeurs la somme globale de 3 000 euros.

Observations

Pour le commentaire de cette décision, le lecteur se reportera à la chronique du présent numéro consa-crée aux litiges prud’homaux liés à l’amiante.

Contrat de travail à durée déterminée. Joueur de rugby. Accident du travail. Inapti-tude. Rupture du contrat de travail. Invoca-tion d’une faute inexcusable. Demande prud’homale en réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi. Objet réel du litige. Demande de réparation du préjudice en résultant. Compétence exclu-sive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale. Incompétence prud’homale.

N’est pas fondé le pourvoi formé par le salarié joueur de rugby déclaré inapte à la suite d’un acci-dent du travail faisant grief à l'arrêt de la Cour d’Appel de déclarer irrecevable sa demande en répa-ration du préjudice résultant de la perte de son emploi en raison de la faute inexcusable de son employeur et de dire que cette demande doit être portée devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale alors, selon le moyen, que la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice

consécutif à la rupture du contrat de travail, que lorsque le contrat de travail a été rompu en raison d'une inaptitude consécutive à un accident du travail qui a été jugé imputable à une faute inexcusable de l'employeur, il a droit à une indemnité réparant la perte de son emploi due à cette faute de l'employeur qui est distincte des préjudices visés par l'ar-ticle L. 452-3 du Code de la Sécurité Sociale. En l'es-pèce, le demandeur faisait valoir qu'il avait saisi la juridiction de la sécurité sociale d'une demande tendant à voir juger que son accident du travail était dû à la faute inexcusable de la société et sollicitait de la Cour d’Appel qu'elle sursoie à statuer sur sa demande présentée devant elle tendant à la répara-tion du préjudice découlant de la perte de son emploi, et qu'en jugeant que cette demande fondée sur l'existence d'une faute inexcusable de l'em-ployeur est irrecevable devant la juridiction prud'ho-male dès lors que sous couvert d'une action en responsabilité pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, sa demande ne tend en réalité qu'à la réparation du préjudice résultant de son accident du travail, demande ne pouvant être portée que devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, la Cour a violé ensemble l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité Sociale par fausse application, et l'article L. 1411-1 du Code du Travail par refus d'application.

En effet, sous couvert de l'indemnisation de la perte de son emploi, le salarié demandait en réalité la réparation du préjudice résultant de l'accident du travail, relevant de la compétence exclusive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale.

COUR DE CASSATION Chambre sociale

11 décembre 2013 N° de pourvoi : 12-19408

Non publié au bulletin Cassation partielle

M. X… c/ SOCIETE AVIRON BAYONNAIS RUGBY PRO

LA COUR :

....................................................................................................................

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X… a été engagé par la société Aviron bayonnais rugby pro, par contrat de travail à durée déterminée de deux ans du 1er juillet 2007 au 30 juin 2009, en qualité de joueur de rugby professionnel ; que, victime d'un accident du travail le 2 septembre 2008, il a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail le 2 mars 2009 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour demander la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, le paiement de rappels de salaire pour la période postérieure à la déclaration d'inaptitude et diverses indemnités au titre de la rupture du contrat de travail ;

Sur le second moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi en raison de la faute inexcusable de son employeur et de dire que cette demande doit être portée devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale alors, selon le moyen, que la juridiction prud'homale est seule

© ASSEP 2014 – 13 – Cahiers prud’homaux n° 3 | Jurisprudence

compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail ; que lorsque le contrat de travail a été rompu en raison d'une inaptitude consécutive à un accident du travail qui a été jugé imputable à une faute inexcusable de l'employeur, il a droit à une indemnité réparant la perte de son emploi due à cette faute de l'employeur qui est distincte des préjudices visés par l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité Sociale ; qu'en l'espèce, M. X… faisait valoir qu'il avait saisi la juridiction de la sécurité sociale d'une demande tendant à voir juger que son accident du travail était dû à la faute inexcusable de la société Aviron bayonnais rugby pro et sollicitait de la Cour d’Appel qu'elle sursoie à statuer sur sa demande présentée devant elle tendant à la réparation du préjudice découlant de la perte de son emploi ; qu'en jugeant que cette demande fondée sur l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur est irrecevable devant la juridiction prud'homale dès lors que sous couvert d'une action en responsabilité pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, sa demande ne tend en réalité qu'à la réparation du préjudice résultant de son accident du travail, demande ne pouvant être portée que devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, la Cour d’Appel a violé ensemble l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité Sociale par fausse application, et l'article L. 1411-1 du Code du Travail par refus d'application ;

Mais attendu que, sous couvert de l'indemnisation de la perte de son emploi, le salarié demandait en réalité la réparation du préjudice résultant de l'accident du travail, relevant de la compétence exclusive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1242-13 du Code du Travail ;

Attendu que pour rejeter la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, l'arrêt retient que le 1er juillet 2007 étant un vendredi, le lundi 4 juillet, jour de la signature du contrat, était bien le deuxième jour ouvrable suivant l'embauche ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que l'embauche avait été effectuée le 1er juillet 2007, ce dont il résultait que ce jour étant, non un vendredi mais un dimanche, le délai de deux jours ouvrables expirait le 3 juillet suivant à 24 heures, la Cour d’Appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. X… tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, l'arrêt rendu le 15 mars 2012, entre les parties, par la Cour d’Appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’Appel d'Agen ;

Condamne la société Aviron bayonnais rugby pro aux dépens ;

Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile, rejette la demande de la société Aviron bayonnais rugby pro et condamne celle-ci à payer à M. X… la somme de 2 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.

Observations

Pour le commentaire de cette décision, le lecteur se reportera à la chronique du présent numéro consa-crée aux litiges prud’homaux liés à l’amiante.

Indemnisation de l’ensemble des dommages résultant d'un accident du travail. Incompé-tence prud’homale. Compétence exclusive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale. Conséquence ou non d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Circonstance indifférente.

En vertu des articles L. 142-1 et L. 451-1 du Code de la Sécurité Sociale relève de la compétence exclusive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale l'indemnisation de tous les dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité

Encourt la cassation l’arrêt d’appel qui, pour déclarer recevable l'action des ayant droit du salarié devant le Conseil de Prud’hommes et accueillir cette demande, après avoir relevé que ceux-ci deman-daient la réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur à ses obligations rela-tives à la protection de la santé et de la sécurité de ses salariés, tout particulièrement à celle relative à l'obligation de faire procéder à la visite médicale d'embauche, retient, d'une part que cette obligation, inhérente au contrat de travail et indépendante d'une éventuelle action en faute inexcusable, repose sur un fondement distinct de celui d'une telle action qu'ils avaient exercée, d'autre part que la visite d'embauche aurait pu permettre aux médecins du travail d'apprécier l'aptitude du salarié, qui souffrait depuis 1992 d'une maladie cardiaque, au poste qu'il avait dû occuper dans des circonstances particu-lières, enfin que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, ne rapportant pas la preuve du fait que le malaise dont le salarié a été victime est dû à un cas de force majeure ou à une cause étrangère à l'ab-sence de prévention consécutive au défaut de visite médicale, sa responsabilité est engagée.

COUR DE CASSATION Chambre sociale

20 novembre 2013 N° de pourvoi : 12-16804

Non publié au bulletin Cassation

SOCIETE MANPOWER c/ CONSORTS X…

LA COUR :

....................................................................................................................

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 142-1 et L. 451-1 du Code de la Sécurité Sociale ;

Attendu que relève de la compétence exclusive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale l'indemnisation de tous les dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mohamed X…, salarié de la société Manpower mis à disposition de la société Socatop,

Cahiers prud’homaux n° 3 | Jurisprudence – 14 – © ASSEP 2014

a été victime d'un accident mortel sur le lieu de son travail ; que postérieurement à la saisine de la juridiction de sécurité sociale d'une demande en reconnaissance d'une faute inexcusable, les ayants droit de ce salarié ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la condamnation de la société Manpower au paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que pour déclarer recevable l'action des consorts X… devant le Conseil de Prud’hommes et accueillir cette demande, l'arrêt, après avoir relevé que ceux-ci demandaient la réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur à ses obligations relatives à la protection de la santé et de la sécurité de ses salariés, tout particulièrement à celle relative à l'obligation de faire procéder à la visite médicale d'embauche, retient, d'une part que cette obligation, inhérente au contrat de travail et indépendante d'une éventuelle action en faute inexcusable, repose sur un fondement distinct de celui d'une telle action qu'ils avaient exercée, d'autre part que la visite d'embauche aurait pu permettre aux médecins du travail d'apprécier l'aptitude du salarié, qui souffrait depuis 1992 d'une maladie cardiaque, au poste qu'il avait dû occuper dans des circonstances particulières, enfin que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, ne rapportant pas la preuve du fait que le malaise dont le salarié a été victime est dû à un cas de force majeure ou à une cause étrangère à l'absence de prévention consécutive au défaut de visite médicale, sa responsabilité est engagée ;

Qu'en statuant ainsi, la Cour d’Appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 janvier 2012, entre les parties, par la Cour d’Appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’Appel de Douai, autrement composée ;

Condamne les consorts X… aux dépens ;

Vu les articles 700 du Code de Procédure Civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.

Observations

Pour le commentaire de cette décision, le lecteur se reportera à la chronique du présent numéro consa-crée aux litiges prud’homaux liés à l’amiante.

Salarié. Inaptitude physique. Accident du travail. Licenciement. Demandes prud’ho-males d’indemnisation d'un préjudice en découlant. Litige relatif à l’exécution du contrat de travail. Litige sur les causes et conditions de la rupture. Compétence exclu-sive de la juridiction prud'homale.

La juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif au licenciement.

La Cour d’Appel ayant constaté que le litige consistant en des demandes en paiement de diverses

sommes à titre de dommages-intérêts pour licencie-ment sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité légale de licenciement et d'indemnité « spéciale » de licenciement, ainsi qu'au titre de « primes de sous-sol » portait sur l'exécution du contrat de travail et sur les causes et conditions de sa rupture a exac-tement décidé qu'il relevait de la compétence de la juridiction prud'homale.

COUR DE CASSATION Chambre sociale

14 novembre 2013 N° de pourvoi : 11-28512

SOCIETE Y… REPRESENTEE PAR SON LIQUIDATEUR

AMIABLE ET LA SOCIETE PHARMACIE SAINT-MAUR

OBERKAMPF c/ M. X…

LA COUR :

....................................................................................................................

Sur le moyen unique des pourvois principal et incident :

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant sur contredit (Paris, 3 novembre 2011), que M. X… employé en qualité de « rayonniste » depuis le 18 décembre 2007 par la société Y… a été victime d'un accident du travail en juillet 2008 et été licencié le 3 décembre 2009 pour inaptitude physique par la société Pharmacie Saint-Maur Oberkampf venant aux droits de la société Y… ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale, en dernier lieu, de demandes en paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité légale de licenciement et d'indemnité « spéciale » de licenciement, ainsi qu'au titre de « primes de sous-sol » ; que les défendeurs ont soulevé l'incompétence du Conseil de Prud’hommes au profit du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale ;

Attendu que la société Y… représentée par son liquidateur amiable et la société Pharmacie Saint-Maur Oberkampf font grief à l'arrêt de déclarer la juridiction prud'homale compétente pour connaître du litige, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aucune action en réparation des accidents du travail et maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun par la victime ou ses ayants-droit ; qu'en l'espèce, la Cour d’Appel a expressément relevé que M. X… basait ses demandes d'indemnités de licenciement sur la législation des accidents du travail, en faisant valoir que l'employeur avait commis une faute inexcusable dans l'accident du travail dont il avait été victime, dans la mesure où celui-ci résultait de la violation de son obligation de résultat de sécurité dans l'entreprise ; qu'en conséquence, M. X… invoquait une faute inexcusable de l'employeur dans l'exécution de son contrat de travail à l'origine de son inaptitude physique ayant abouti à son licenciement sur ce motif ; qu'en retenant néanmoins la compétence de la juridiction prud'homale, quand il résultait de ces constatations que sous couvert de demandes d'indemnités de licenciement, M. X… demandait en réalité la réparation du préjudice résultant de l'accident du travail dont il avait été victime, de sorte qu'une telle action ne pouvait être portée que devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale et que la juridiction prud'homale était incompétente pour en connaître, la Cour d’Appel a violé l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité Sociale, ensemble les article L. 142-1 du Code de la Sécurité Sociale et L. 1411-1 du Code du Travail ;

2°/ que l'exercice, devant la juridiction de sécurité sociale, d'une action tendant à la réparation du préjudice résultant d'un accident du travail ne fait pas obstacle à ce que le

© ASSEP 2014 – 15 – Cahiers prud’homaux n° 3 | Jurisprudence

salarié demande, devant la même juridiction, réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du Code de la Sécurité Sociale ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand la compétence du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale ne pouvait être écartée du seul fait de la demande de M. X… relative à une prime de sous-sol, la Cour d’Appel a derechef violé l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité Sociale, ensemble les article L. 142-1 du Code de la Sécurité Sociale et L. 1411-1 du Code du Travail ;

Mais attendu que la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif au licenciement ;

Et attendu que la Cour d’Appel qui a constaté que le litige portait sur l'exécution du contrat de travail et sur les causes et conditions de sa rupture a exactement décidé qu'il relevait de la compétence de la juridiction prud'homale ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Condamne in solidum la société Y…, M. Y… et la société Pharmacie Saint-Maur Oberkampf aux dépens ;

Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne in solidum la société Y…, M. Y… et la société Pharmacie Saint-Maur Oberkampf à payer à Me Occhipinti la somme de 3 000 euros.

Observations

Pour le commentaire de cette décision, le lecteur se reportera à la chronique du présent numéro consa-crée aux litiges prud’homaux liés à l’amiante.

Accident de travail. Inaptitude. Licencie-ment. Saisine du Conseil de Prud’hommes. Action en réparation du préjudice résultant de l’accident du travail. Compétence exclu-sive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale. Conséquence ou non d'un manque-ment de l'employeur à son obligation de sécurité. Incompétence du Conseil de Prud’hommes.

Selon l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité Sociale, aucune action en réparation des accidents du travail et maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit, il en résulte que relève de la compétence exclusive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale l'indemnisation de tous les dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Est justifié l’arrêt d’appel qui, ayant retenu que, sous couvert d'une action en responsabilité civile à l'encontre de l'employeur pour exécution fautive du contrat de travail, la salariée demandait en réalité la réparation d'un préjudice résultant de l'accident du travail dont elle avait été victime, s'est à juste titre, déclarée incompétente au profit du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale.

COUR DE CASSATION Chambre sociale 9 octobre 2013

N° de pourvoi : 12-11777

Mme X… c/ APRR et AREA

LA COUR :

....................................................................................................................

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 novembre 2011), que Mme X… a été engagée le 31 janvier 1999 par la société des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR), aux droits de laquelle vient la société des Autoroutes Rhône-Alpes (AREA), en qualité de receveur ; que, victime d'un accident du travail le 6 juin 2006, puis d'une rechute à compter du 11 février 2008, elle a été déclarée, le 19 janvier 2009, inapte à son emploi par le médecin du travail ; qu'elle a été licenciée le 16 mars 2009 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de déclarer le Conseil de Prud’hommes incompétent au profit du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale pour statuer sur sa demande tendant à la condamnation des sociétés APRR et AREA à lui verser des dommages-intérêts en réparation de leurs manquements fautifs, alors, selon le moyen :

1°/ que subit un préjudice distinct de celui résultant d'un accident du travail, le salarié qui n'a pas bénéficié du respect par son employeur des préconisations du médecin du travail et a été victime de conditions de travail inacceptables et vexatoires ; que la salariée demandait à être indemnisée du préjudice résultant du non-respect des préconisations du médecin du travail, des circonstances de sa mutation et des conditions de travail inacceptables et vexatoires imposées par l'entreprise où elle avait été mise à disposition ; qu'en décidant néanmoins que ces demandes visaient en réalité à réparer le préjudice résultant de l'accident du travail et ne relevaient pas de la compétence du Conseil de Prud’hommes, la Cour d’Appel a méconnu les termes du litige et partant violé l'article 4 du Code de Procédure Civile ;

2°/ que subit un préjudice distinct de celui résultant d'un accident du travail, le salarié qui n'a pas bénéficié du respect par son employeur des préconisations du médecin du travail et a été victime de conditions de travail inacceptables et vexatoires ; qu'il est constant que la salariée demandait à être indemnisée du préjudice résultant du non-respect des préconisations du médecin du travail, des circonstances de sa mutation et des conditions de travail inacceptables et vexatoires imposées par l'entreprise où elle avait été mise à disposition ; qu'en déclarant néanmoins que ces demandes visaient en réalité la réparation du préjudice résultant de l'accident du travail dont elle avait été victime, la Cour d’Appel a violé l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité Sociale ;

Mais attendu que, selon l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité Sociale, aucune action en réparation des accidents du travail et maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit ; qu'il en résulte que relève de la compétence exclusive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale l'indemnisation de tous les dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;

Et attendu que la Cour d’Appel, ayant retenu que, sous couvert d'une action en responsabilité civile à l'encontre de l'employeur pour exécution fautive du contrat de travail, la salariée demandait en réalité la réparation d'un préjudice résultant de l'accident du travail dont elle avait été victime,

Cahiers prud’homaux n° 3 | Jurisprudence – 16 – © ASSEP 2014

s'est à juste titre, sans méconnaître les termes du litige, déclarée incompétente au profit du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X… aux dépens ;

Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile, rejette les demandes.

Observations

Pour le commentaire de cette décision, le lecteur se reportera à la chronique du présent numéro consa-crée aux litiges prud’homaux liés à l’amiante.

Travail dans un établissement figurant sur la liste ministérielle. Activité de fabrication ou de traitement de l’amiante par l’entreprise. Situation d'inquiétude permanente des sala-riés. Risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante. Soumission à des contrôles et examens médicaux. Condition d’indemnisation (non). Préjudice spécifique d’anxiété caractérisé. Obligation découlant du contrat de travail. Inexécution par l'employeur. Dommages-intérêt. Garantie par l’AGS. Préjudice d’anxiété. Indemnisation. Réparation de l'ensemble des troubles psychologiques. Bouleverse-ment dans les conditions d'existence pris en compte.

La Cour d’Appel, qui a constaté que les salariés, qui avaient travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi de 1998 et figu-rant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'ils se soumettent ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, a ainsi caractérisé l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété.

Les dommages-intérêts dus au salarié à raison de l'inexécution par l'employeur d'une obligation découlant du contrat de travail sont garantis par l'AGS dans les conditions prévues par l'ar-ticle L. 3253-6 du Code du Travail.

L'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psycholo-giques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante.

COUR DE CASSATION Chambre sociale

25 septembre 2013 Nos de pourvoi : 12-17667 12-17668 12-17669

12-17670 12-17671 12-17672 12-17673 12-17674 12-17675 12-17676 12-17677 12-17678 12-17679 12-17680 12-17681 12-17685 12-17686 12-17687 12-17688 12-17689 12-17690 12-17691 12-17692 12-17693 12-17694 12-17695 12-17696 12-17697 12-17698 12-17699 12-17700 12-17701 12-17702

12-17703 12-17704 12-17705 12-17706

M. X… et autres c/ ZF Masson

LA COUR :

....................................................................................................................

Vu leur connexité, joint les pourvois n° B 12-17667, C  12-17668, D 12-17669, E 12-17670, F 12-17671, H  12-17672, G 12-17673, J 12-17674, K 12-17675, M 12-17676, N 12-17677, P 12-17678, Q 12-17679, R 12-17680, S 12-17681, W 12-17685, X 12-17686, Y  12-17687, Z 12-17688, A 12-17689, B 12-17690, C  12-17691, D 12-17692, E 12-17693, F 12-17694, H  12-17695, G 12-17696, J 12-17697, K 12-17698, M 12-17699, N 12-17700, P 12-17701, Q 12-17702, R 12-17703, S 12-17704, T 12-17705 et U 12-17706 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X… et trente-six autres salariés de la société ZF Masson ont présenté leur démission pour prétendre au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) en application de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la condamnation de leur ancien employeur à leur verser des dommages-intérêts réparant le préjudice économique résultant de la perte de revenu consécutive à l'entrée dans le dispositif de l'ACAATA, ainsi qu'un préjudice d'anxiété ; que par un jugement du 7 juin 2005, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société ZF Masson, M. Y… étant désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan puis, par ordonnance du 11 avril 2007, M. Z… étant désigné en qualité de mandataire ad hoc ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'AGS fait grief aux arrêts d'allouer une somme aux salariés en réparation de leur préjudice d'anxiété, alors, selon le moyen, que le salarié ne peut obtenir la réparation de son préjudice d'anxiété que s'il est effectivement amené à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse ; que la Cour d’Appel a, au cas d'espèce, réparé le préjudice d'anxiété du salarié en relevant qu'il se trouvait par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, situation le contraignant à subir des contrôles et examens réguliers de nature à réactiver cette angoisse, ce qui constitue un préjudice d'anxiété appelant réparation ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, ainsi que cela lui était expressément demandé, si, au vu de sa situation personnelle, le salarié était effectivement amené à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver son angoisse, la Cour d’Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code Civil ;

Mais attendu que la Cour d’Appel, qui a constaté que les salariés, qui avaient travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi de 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux

© ASSEP 2014 – 17 – Cahiers prud’homaux n° 3 | Jurisprudence

contenant de l'amiante, se trouvaient par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'ils se soumettent ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, a ainsi caractérisé l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que l'AGS fait grief aux arrêts de dire qu'elle doit sa garantie, alors, selon le moyen, que la réparation par l'employeur du préjudice d'anxiété et du préjudice découlant du bouleversement des conditions d'existence de son salarié ne résulte pas de l'inexécution d'une obligation résultant de son contrat de travail ; qu'il s'en suit que les dommages-intérêts dus à ce titre n'entrent pas dans le cadre de la garantie de l'AGS ; qu'en statuant en sens contraire, la Cour d’Appel a violé l'article 1147 du Code Civil, ensemble l'article L. 3253-6 du Code du Travail ;

Mais attendu que les dommages-intérêts dus au salarié à raison de l'inexécution par l'employeur d'une obligation découlant du contrat de travail sont garantis par l'AGS dans les conditions prévues par l'article L. 3253-6 du Code du Travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1147 du Code Civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

Attendu que pour allouer aux salariés une somme en réparation du bouleversement de leurs conditions d'existence, la Cour d’Appel énonce que, contaminés par une inhalation prolongée de fibres d'amiante sur leurs lieux de travail, les salariés voient leur projet de vie bouleversé indépendamment de l'inquiétude face au risque de déclaration à tout moment d'une pathologie grave et qu'un tel bouleversement dans les conditions d'existence, autre composante du préjudice dit de contamination, est une réalité en ce qu'il est lié à une probable perte d'espérance de vie, ces salariés étant ainsi privés de la possibilité de penser leur avenir avec sérénité puisque contraints dans leur vie quotidienne de tenir compte de cette réalité au regard des orientations qu'ils sont ou seront amenés à donner à leur existence, ce qui n'est pas sans conséquences sur leur entourage ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, la Cour d’Appel a violé le texte et le principe susvisés ;

Et vu l'article 627 du Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils fixent à une certaine somme la créance de chaque salarié en réparation des troubles subis dans les conditions d'existence, les arrêts rendus le 15 février 2012, entre les parties, par la Cour d’Appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE les demandes en réparation du bouleversement dans les conditions d'existence ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;

Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés.

Observations

Pour le commentaire de cette décision, le lecteur se reportera à la chronique du présent numéro consa-crée aux litiges prud’homaux liés à l’amiante.

Entreprise figurant sur la liste légale des entreprises liées à l’amiante. Substitution d'employeurs par voie de convention. Trans-fert de contrat de travail. Amiante. Alloca-tion de cessation anticipée d’activité. Admission des salariés. Invocation d’un préjudice spécifique d’anxiété. Action contre l’ancien employeur. Préjudices nés avant le transfert des contrats. Indemnisation (oui). Situation d’inquiétude permanente. Risque de déclaration d’une maladie liée à l’amiante. Soumission à des contrôles et examens médicaux. Condition d’indemnisa-tion (non).

L'article L. 1224-2 du Code du Travail, selon lequel lorsque la substitution d'employeurs inter-vient dans le cadre d'une convention entre ceux-ci, le nouvel employeur est tenu aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de cette modification, ne prive pas le salarié du droit d'agir directement contre l'ancien employeur pour obtenir l'indemnisation de son préjudice né de fautes commises par celui-ci dans l'exécution de ses obli-gations avant le transfert de son contrat de travail.

Les salariés, qui avaient travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel du 7 juillet 2000 pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvent, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'ils se soumettent ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, cette situation caractérise l'existence d'un préjudice spéci-fique d'anxiété.

COUR DE CASSATION Chambre sociale

25 septembre 2013 N° de pourvoi : 12-13593

M. X… et autres c/ SOCIETE ACH CONSTRUCTION NAVALE

(ACHCN)

LA COUR :

....................................................................................................................

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 6 décembre 2011), que M. X… et 51 autres salariés ont été employés par la société Ach construction navale (ACHCN) sur le site du Havre ; que MM. Y…, Z…, A…, B…, C…, D…, E…, F… et G… ont

Cahiers prud’homaux n° 3 | Jurisprudence – 18 – © ASSEP 2014

poursuivi leur contrat de travail à partir de novembre 1997 au sein de la société Ach Engineering à la suite d'un traité d'apport partiel d'actif du 26 novembre 1997 ; que les autres salariés ont cessé leur activité lors de la dissolution anticipée le 22 septembre 2000 de la société ACHCN, pour laquelle un liquidateur amiable a été désigné ; que l'ensemble des salariés ont été admis au régime de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale afin de voir condamner la société ACHCN à les indemniser de divers préjudices nés de leur exposition à l'amiante ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société ACHCN fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt de MM. Y…, Z…, A…, B…, C…, D…, E…, F… et G… à former une action à son encontre et de la condamner en conséquence à leur payer des dommages-intérêts au titre du préjudice d'anxiété, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article L. 1224-2 du Code du Travail que si la substitution d'employeurs intervient dans le cadre d'une convention entre ceux-ci, le nouvel employeur est tenu des obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de cette modification ; qu'il s'ensuit que l'apporteur - ancien employeur - ne peut être poursuivi pour des fautes commises antérieurement au traité d'apport partiel d'actif ; qu'après avoir constaté que suivant « traité d'apport partiel d'actif » du 26 novembre 2007, la Société nouvelle des ateliers chantiers du Havre (SNACH), ultérieurement dénommée Ach construction navale (ACHCN) avait apporté à la société Ach Engineering notamment l'ensemble des contrats de travail des salariés de l'activité du bureau d'études, la Cour d’Appel, qui a toutefois considéré que la société Ach, société apporteuse, pouvait être tenue pour des fautes commises personnellement dans le cadre de l'activité apportée antérieurement à la scission aux motifs inopérants que ces salariés avaient travaillé avant 1997 pour la société Ach construction navale quand seule la société Ach Engineering pouvait être poursuivie pour lesdits manquements, la Cour d’Appel a violé l'article L. 1224-2 du Code du Travail ;

Mais attendu que l'article L. 1224-2 du Code du Travail ne prive pas le salarié du droit d'agir directement contre l'ancien employeur pour obtenir l'indemnisation de son préjudice né de fautes commises par celui-ci dans l'exécution de ses obligations avant le transfert de son contrat de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société ACHCN fait grief à l'arrêt de la condamner à payer aux salariés des sommes à titre de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété, alors, selon le moyen :

1°/ que la décision rendue sur le fondement de pièces qui n'ont pas été communiquées encourt la nullité pour violation des droits de la défense ; qu'en énonçant, par motifs adoptés des premiers juges, que le conseil conclura que ces salariés, du fait de l'employeur, se retrouvaient dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, que les examens médicaux réguliers qu'ils devaient normalement subir étaient propres à réactiver, voire amplifier cette angoisse et que ces examens confirmaient l'existence du risque, la Cour d’Appel, qui s'est fondée sur des pièces qui n'avaient pas été régulièrement produites ni soumises au débat contradictoire des parties, a violé les articles 15, 16, alinéa 2, et 132 du Code de Procédure Civile ;

2°/ que le préjudice spécifique d'anxiété imputable à l'employeur implique que les salariés ayant travaillé dans un des établissements dont le personnel peut demander le bénéfice de la « préretraite amiante », se trouvent par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude

permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et sont amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse ; qu'en décidant, pour dire que les salariés étaient fondés à réclamer une réparation du préjudice d'anxiété, que compte tenu des temps de latence des différentes affections que pouvait entraîner l'exposition à l'amiante, les salariés pouvaient craindre à tout moment que se déclare une maladie en lien avec l'amiante, sans même constater que les salariés auraient été amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à activer ou réactiver ladite angoisse, élément de nature à caractériser l'existence du préjudice spécifique d'anxiété, la Cour d’Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code Civil ;

3°/ que par des écritures demeurées sans réponse la société Ach construction navale faisait valoir qu'aucun des salariés demandeurs n'avait produit aux débats une quelconque pièce médicale dont il aurait pu être permis de tirer la réalité d'un trouble effectivement constaté de nature à renvoyer à un tel préjudice d'anxiété ; qu'elle invitait la Cour d’Appel à procéder à l'examen de cette question dès lors qu'aucun des demandeurs ne communiquait de certificat médical ou de prescriptions médicamenteuses qui permettraient de constituer un élément d'appréciation, sachant que l'anxiété pour un même risque n'était pas nécessairement vécue ou appréhendée de la même façon par chacun, et qu'il n'existait pas d'instrument permettant d'évaluer le degré de cette anxiété ; qu'en faisant droit à la demande des salariés sans même répondre à ce moyen déterminant, la Cour d’Appel a violé l'article 455 du Code de Procédure Civile ;

Mais attendu que la Cour d’Appel, qui a constaté que les salariés, qui avaient travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel du 7 juillet 2000 pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'ils se soumettent ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, a ainsi caractérisé l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété et légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. H…, ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile, rejette la demande de la société ACHCN et de M. H…, ès qualités.

Observations

Pour le commentaire de cette décision, le lecteur se reportera à la chronique du présent numéro consa-crée aux litiges prud’homaux liés à l’amiante.

Allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. Salariés béné-ficiaires. Demandes indemnitaires liées à l’amiante. Moyen invoqué. Manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat. Compétence prud’homale. Dommages-intérêts. Redressement judi-ciaire. AGS. Garantie. Préjudice spécifique d’anxiété. Réparation de l’ensemble des

© ASSEP 2014 – 19 – Cahiers prud’homaux n° 3 | Jurisprudence

troubles psychologiques. Liste des entre-prises fabriquant ou travaillant avec l’amiante. Constat du préjudice. Evaluation souveraine du montant de la réparation.

Dès lors que les salariés demandeurs n'avaient pas déclaré souffrir d'une maladie professionnelle causée par l'amiante et que n'étaient contestés ni leur droit à bénéficier de l'ACAATA, ni son montant, la Cour d’Appel, qui ne s'est pas fondée sur les déci-sions précédentes, en a exactement déduit que les demandes indemnitaires fondées sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat relevaient de la compétence de la juridiction prud'homale.

Les dommages-intérêts dus au salarié à raison de l'inexécution par l'employeur d'une obligation découlant du contrat de travail sont garantis par l'AGS dans les conditions prévues par l'ar-ticle L. 3253-6 du Code du Travail.

L'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psycholo-giques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante.

Les salariés, qui avaient travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient, par le fait de l'employeur, dans une situation d'in-quiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une telle maladie, qu'ils se soumettent ou non à des contrôles et examens médi-caux réguliers, a ainsi caractérisé l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété qu'elle a souveraine-ment évalué.

COUR DE CASSATION Chambre sociale

25 septembre 2013 Nos de pourvoi : 12-12883 ; 12-13307

M. A… mandataire ad hoc SOCIETE ZF MASSON c/ M. Y…

et autres

LA COUR :

....................................................................................................................

Vu la connexité, joint les pourvois nos B 12-12883 et N 12-13307 ;

Donne acte au CGEA-AGS de Chalon-sur-Saône de son désistement partiel de pourvoi à l'égard de Ramdane X…, décédé ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, l'un statuant sur renvoi après cassation (Soc., 11 mai 2010, nos 08-44952 et 08-45222), que M. Y… et trente-quatre autres salariés de la société ZF Masson (la société) ont présenté leur démission

pour prétendre au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) en application de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ; qu'ils ont ultérieurement saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la condamnation de leur ancien employeur à leur verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts ; que par un jugement du 7 juin 2005, la société a été placée en redressement judiciaire, M. Z… étant désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan puis, par ordonnance du 11 avril 2007, M. A… étant désigné en qualité de mandataire ad hoc ;

Sur le premier moyen du pourvoi de l'employeur, pris en ses deux premières branches :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction prud'homale compétente pour connaître des demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que le jugement du Conseil de Prud’hommes et l'arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 1er décembre 2011, en ce qu'ils ont affirmé la compétence de la juridiction prud'homale pour statuer spécifiquement sur les demandes en réparation d'un prétendu préjudice économique, résultant d'une différence entre l'allocation ACAATA et le salaire de référence, usent de motifs entièrement inopérants, en violation de l'article 455 du Code de Procédure Civile, pour trancher la question de la compétence des juridictions aptes à statuer sur les chefs de préjudices distincts constitués par l'anxiété et les troubles dans les conditions de la vie, invoqués pour la première fois devant la cour de renvoi et servant de fondement aux condamnations prononcées par celle-ci ;

2°/ que l'anxiété est un trouble psychologique qui, s'il découle de l'activité professionnelle, doit être pris en charge pour les soins éventuellement nécessaires dans le cadre de l'article L. 461-1 du Code de la Sécurité Sociale et ne peut donner lieu à une réparation complémentaire au titre des « souffrances morales » que dans le cadre de l'article L. 452-3 ; que de surcroît, si, selon la décision 2010-8 du Conseil constitutionnel, le salarié peut mettre en cause la responsabilité de son employeur pour obtenir éventuellement la réparation de préjudices non couverts par le texte susvisé, de telles actions continuent à relever exclusivement de la compétence des organismes gestionnaires du risque des maladies professionnelles et des juridictions du contentieux de la sécurité sociale, de sorte qu'en affirmant la compétence de la juridiction de droit commun pour statuer, en application de l'article 1147 du Code Civil, sur la réparation du préjudice d'anxiété consécutif à l'inhalation de poussières d'amiante sur le lieu de travail, la Cour d’Appel a violé ensemble les articles L. 142-1, L. 411-1, L. 431-1, L. 441-1, L. 451-1, L. 452-1, L. 452-3, L. 461-1 du Code de la Sécurité Sociale et par fausse application les articles 1147 du Code Civil et L. 511-1 du Code du Travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les salariés n'avaient pas déclaré souffrir d'une maladie professionnelle causée par l'amiante et que n'étaient contestés ni leur droit à bénéficier de l'ACAATA, ni son montant, la Cour d’Appel, qui ne s'est pas fondée sur les décisions précédentes, en a exactement déduit que les demandes indemnitaires fondées sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat relevaient de la compétence de la juridiction prud'homale ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi de l'employeur, pris en ses trois dernières branches, et le premier moyen du pourvoi de l'AGS, réunis :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'ordonner la réparation d'un préjudice d'anxiété, alors, selon le moyen :

1°/ que la Cour d’Appel se contente d'affirmer, sans aucun examen approprié, que tous les salariés de la société ZF Masson auraient été « contaminés » et qu'ils avaient « une parfaite connaissance de leur contamination » justifiant une

Cahiers prud’homaux n° 3 | Jurisprudence – 20 – © ASSEP 2014

indemnisation uniforme de 15 000 euros, éludant ainsi, en violation des articles L. 112-2, L. 315-1 et suivants, L. 452-1, L. 441-10 et suivants et 434-2 du Code de la Sécurité Sociale, le contrôle qui doit normalement s'exercer en matière de risque professionnel tant sur la nature et la réalité d'une contamination que sur l'existence et l'ampleur du trouble physique ou psychologique ressenti ainsi que sur le lien de causalité entre celui-ci et le poste occupé par la victime à l'époque considérée ;

2°/ que, même en droit commun, il appartient à celui qui entend obtenir réparation au titre d'un préjudice personnel d'en démontrer la réalité et l'étendue, de sorte qu'en dispensant chaque demandeur d'apporter la preuve de sa propre contamination par une atteinte à son intégrité physique et, le cas échéant, de son état personnel d'anxiété ainsi que de l'ampleur de son trouble, en se contentant d'affirmer -en l'absence de la moindre constatation- qu'ils se trouveraient tous dans la même situation quant au risque, quant à l'anxiété et quant aux troubles allégués, la Cour d’Appel a méconnu, ensemble, les articles 1315 et 1147 du Code Civil, ainsi que le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;

3°/ que faute de pouvoir faire état de la moindre instruction du bien-fondé de chaque prétention, la Cour d’Appel viole l'article 5 du Code Civil en énonçant de façon générale et absolue que, les fumées étant évacuées par une aspiration non filtrée, « tous les salariés de ZF Masson avaient été contaminés », qu'ils se trouvent anxieux et perturbés dans leurs conditions de vie, et en décidant, dans son dispositif, que devait être uniformément fixée au passif du règlement judiciaire de l'entreprise une créance de 15 000 euros au titre du préjudice d'anxiété pour chacun des salariés et de 12 000 euros au titre du préjudice lié au bouleversement de la vie ;

4°/ que la réparation d'un dommage, qui doit être intégrale, ne peut excéder le montant du préjudice ; qu'il en résulte que le juge doit apprécier, pour chaque salarié, l'existence et le quantum de son préjudice d'anxiété ; que la Cour d’Appel a énoncé de façon générale et absolue que les fumées étant évacuées par une aspiration non filtrée, « tous les salariés de ZF Masson avaient été contaminés quels qu'aient été leurs postes » pour en déduire qu'ils étaient tous placés dans une situation d'inquiétude permanente et pour fixer forfaitairement leur préjudice à la somme de 15 000 euros ; qu'en statuant de la sorte, la Cour d’Appel, qui n'a pas apprécié l'existence et le quantum du préjudice pour chacun des salariés, a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, ensemble l'article 1382 du Code Civil ;

5°/ que le salarié ne peut obtenir la réparation de son préjudice d'anxiété que s'il démontre avoir été personnellement et effectivement exposé à l'amiante de manière fautive par l'employeur, pour établir qu'il a été placé par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente, face aux risques de déclaration à tout moment de la maladie liée à l'amiante ; que la Cour d’Appel a énoncé de façon générale et absolue que, les fumées étant évacuées par une aspiration non filtrée, « tous les salariés de ZF Masson avaient été contaminés quels qu'aient été leurs postes » pour en déduire qu'ils étaient tous placés dans une situation d'inquiétude permanente et pour fixer collectivement leur préjudice à la somme de 15 000 euros ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si chacun des salariés avait effectivement et personnellement été exposé à un risque de contamination d'une maladie liée à l'amiante par la faute de l'employeur et avait en conséquence été placé par la faute de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente, la Cour d’Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code Civil ;

6°/ qu'enfin le salarié ne peut obtenir la réparation de son préjudice d'anxiété que s'il est amené à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse ; que la Cour d’Appel a, au cas d'espèce, réparé le préjudice d'anxiété des salariés à hauteur de 15 000 euros, en relevant que la surveillance médicale post-professionnelle était indispensable pour favoriser la mise en place de traitements adaptés en cas de déclaration desdites maladies, dans les meilleurs délais et conditions ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, ainsi que cela lui était expressément demandé, si chacun des salariés était effectivement amené à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver son angoisse, la Cour d’Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code Civil ;

Mais attendu que la Cour d’Appel, qui a constaté que les salariés, qui avaient travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une telle maladie, qu'ils se soumettent ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, a ainsi caractérisé l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété qu'elle a souverainement évalué ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi de l'AGS :

Attendu que l'AGS fait grief à l'arrêt de dire qu'elle doit sa garantie à titre subsidiaire, alors, selon le moyen, que la réparation par l'employeur du préjudice d'anxiété et du préjudice découlant du bouleversement des conditions d'existence de son salarié ne résulte pas de l'inexécution d'une obligation résultant de son contrat de travail ; qu'il s'en suit que les dommages-intérêts dus à ce titre n'entrent pas dans le cadre de la garantie de l'AGS ; qu'en statuant en sens contraire, la Cour d’Appel a violé l'article 1147 du Code Civil, ensemble l'article L. 3253-6 du Code du Travail ;

Mais attendu que les dommages-intérêts dus au salarié à raison de l'inexécution par l'employeur d'une obligation découlant du contrat de travail sont garantis par l'AGS dans les conditions prévues par l'article L. 3253-6 du Code du Travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen du pourvoi de l'employeur et le deuxième moyen du pourvoi de l'AGS :

Vu l'article 1147 du Code Civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

Attendu que pour fixer à une somme la créance de chaque salarié en réparation des troubles subis dans les conditions d'existence, la Cour d’Appel énonce que les anciens salariés de la société ZF Masson, conscients de la diminution de leur espérance de vie, sont amputés, pour une part, de la possibilité d'anticiper sereinement leur avenir et sont ainsi directement et dès à présent contraints dans leur vie quotidienne de tenir compte de cette réalité au regard des orientations qu'ils sont amenés à donner à leur existence ; qu'il s'ensuit que leurs projets de vie dans de nombreux domaines autres que matériel ou économique sont irrémédiablement et quotidiennement affectés par cette amputation de leur avenir ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, la Cour d’Appel a violé le texte et le principe susvisés ;

Et vu l'article 627 du Code de Procédure Civile ;

© ASSEP 2014 – 21 – Cahiers prud’homaux n° 3 | Jurisprudence

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du second et du deuxième moyens des pourvois :

REJETTE l'arrêt rendu le 20 décembre 2007 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé à une certaine somme la créance de chaque salarié en réparation des troubles subis dans les conditions d'existence, l'arrêt rendu le 1er décembre 2011, entre les parties, par la Cour d’Appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE les demandes de réparation du bouleversement dans les conditions d'existence ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;

Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.

Observations

Pour le commentaire de cette décision, le lecteur se reportera à la chronique du présent numéro consa-crée aux litiges prud’homaux liés à l’amiante.

Contrat de travail. Amiante. Déclaration d’une maladie professionnelle. Contentieux. Demande de réparation des préjudices psychologiques subis avec la déclaration de la maladie. Compétence prud’homale. Allo-cation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. Dommages inté-rêts. Redressement judiciaire. AGS. Préju-dice spécifique d’anxiété. Trouble dans les conditions d'existence. Manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat. Compétence prud’homale.

La déclaration de la maladie et le contentieux auquel elle a donné lieu ne privent pas le salarié du droit de demander à la juridiction prud'homale la réparation des conséquences du trouble psycholo-gique, compris dans le préjudice d'anxiété, subi avant la déclaration de la maladie.

Les demandes indemnitaires fondées sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat relevaient de la compétence de la juridiction prud'homale.

L'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psycholo-giques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante.

COUR DE CASSATION Chambre sociale

25 septembre 2013 N° de pourvoi : 12-20157

M. X… et autres c/ SOCIETE BABCOCK WANSON

LA COUR :

....................................................................................................................

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X… et quatre autres salariés de la société Babcock Wanson (la société) ont présenté leur démission pour prétendre au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) en application de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la condamnation de la société à leur verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts réparant leur préjudice économique, ainsi qu'un préjudice d'anxiété résultant de leur exposition à l'amiante ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une somme en réparation du préjudice résultant de son exposition à l'amiante, subi par M. Y…, alors, selon le moyen :

1°/ que le « trouble dans les conditions d'existence » est un préjudice consécutif à un dommage corporel handicapant et causé par lui, de sorte qu'en allouant à M. Y… une indemnisation correspondant à la « période antérieure » au déclenchement de sa maladie, la cour d'Agen a violé l'article 1147 du Code Civil et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

2°/ que constatant que le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale avait débouté M. Y… de sa demande en faute inexcusable dirigée contre la société Babcock Wanson, la Cour d’Appel, saisie d'une nouvelle action en droit commun, ne pouvait sans violer l'article L. 451 du Code de la Sécurité Sociale décider à l'encontre du même employeur qu'une telle décision « n'interdit pas à la juridiction prud'homale de constater d'une part l'exposition du salarié au risque d'inhalation des poussières d'amiante et le manquement à son obligation de sécurité de résultat » ;

3°/ que dès lors qu'un employeur a été condamné à réparer, dans les termes de l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité Sociale qui comprend l'indemnisation des « souffrances morales », le dommage consécutif à une exposition à un produit toxique, dont il est l'auteur direct, le juge ne saurait, sans organiser un cumul d'indemnisation, condamner un autre employeur en raison de la simple exposition au même risque dont la réalisation ne lui est pas imputable ; qu'en mettant à la charge de la société Babcock Wanson une indemnité de 1 000 euros pour trouble dans les conditions d'existence tout en relevant que M. Y… devait obtenir de la Société générale de Fonderie la pleine indemnisation du préjudice résultant du déclenchement d'une maladie liée au même risque, la Cour d’Appel est entrée dans une double réparation en violation, ensemble des articles L. 452-1, L. 452-3 du Code de la Sécurité Sociale et du principe de la responsabilité intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

Mais attendu que la déclaration de la maladie et le contentieux auquel elle a donné lieu ne privent pas le salarié du droit de demander à la juridiction prud'homale la réparation des conséquences du trouble psychologique, compris dans le préjudice d'anxiété, subi avant la déclaration de la maladie ; que le moyen n'est pas fondé ;

Cahiers prud’homaux n° 3 | Jurisprudence – 22 – © ASSEP 2014

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement de diverses sommes en réparation d'un préjudice d'anxiété et du bouleversement dans les conditions d'existence subis par MM. X…, Z…, A… et B…, alors, selon le moyen :

1°/ que tant le Conseil des Prud’hommes que la cour d'Agen ont relevé que la société Babcock Wanson avait contesté le droit à indemnisation des prétendues victimes en l'absence de tout « état pathologique constaté » et en l'absence de toute « preuve médicale » ; que de surcroît l'exposante faisait valoir que le risque d'anxiété dans la population concernée s'avérait inférieur à 3 % et pouvait, en ce cas, être « médicalement pris en charge » ; qu'en se contentant d'affirmer que tous les demandeurs seraient recevables à invoquer « une situation d'inquiétude permanente » caractérisant un préjudice d'anxiété et une impossibilité invalidante d'envisager l'avenir, sans répondre au moyen fondé sur la nécessité d'établir médicalement le trouble psycho-social invoqué, la cour d'Agen a violé l'article 455 du Code de Procédure Civile ;

2°/ qu'en imputant à une faute de l'employeur une « forte inquiétude » permanente de nature à entraîner « une modification dans les conditions d'existence » et en caractérisant l'ampleur de ces troubles psychiques consécutifs à l'activité professionnelle par des indemnités atteignant respectivement 5 000 et 3 000 euros, la cour d'Agen, qui déclare par ailleurs que les « salariés appelants ne sont pas malades », prive sa décision de toute base légale au regard des articles L. 451-1 et L. 461-1 du Code de la Sécurité Sociale et, par fausse application, 1147 du Code Civil ;

3°/ que l'anxiété consécutive à une prétendue exposition à des agents nocifs, dans le cadre de l'exécution d'un contrat de travail constitue une maladie d'origine professionnelle hors tableau et doit, comme telle, relever du contrôle des organismes gestionnaires du risque de maladie professionnelle prévus par les articles L. 461-1 et D. 461-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale ; que de surcroît, ce trouble psychique doit, en vertu de l'article L. 451-1 être porté au contentieux exclusivement devant les juridictions de sécurité sociale de sorte qu'en affirmant la recevabilité des demandes formées devant le juge prud'homal par les anciens salariés de Babcock, et en constatant, par elle-même, l'existence de l'anxiété perturbatrice affectant les travailleurs, en en appréciant l'importance chez chacun d'eux et en évaluant la réparation, la Cour d’Appel a violé les textes susvisés ainsi que l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité Sociale ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté que les quatre requérants n'avaient pas déclaré souffrir d'une maladie professionnelle causée par l'amiante et que n'étaient contestés ni leur droit à bénéficier de l'ACAATA, ni son montant, la Cour d’Appel en a exactement déduit que leurs demandes indemnitaires fondées sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat relevaient de la compétence de la juridiction prud'homale ;

Et attendu, ensuite, que, répondant aux conclusions prétendument délaissées, la Cour d’Appel, qui a relevé que les salariés, qui avaient travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi de 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, a ainsi caractérisé l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa cinquième branche :

Vu l'article 1147 du Code Civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

Attendu que pour condamner leur ancien employeur à leur verser diverses sommes en réparation du préjudice résultant du bouleversement de leurs conditions d'existence, la Cour d’Appel énonce que les salariés exposés à l'amiante subissent un risque de diminution de leur espérance de vie et de développer une maladie grave les empêchant d'envisager sereinement leur avenir ; qu'ils peuvent être amenés à modifier, en raison de ce risque, les orientations de leur vie quotidienne et leurs projets de vie ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, la Cour d’Appel a violé le texte et le principe susvisés ;

Et vu l'article 627 du Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Babcock Wanson à payer à MM. X…, Z…, A… et B…, diverses sommes en réparation du préjudice résultant du bouleversement de leurs conditions d'existence, l'arrêt rendu le 27 mars 2012, entre les parties, par la Cour d’Appel d'Agen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette les demandes de réparation du préjudice résultant du bouleversement de leurs conditions d'existence présentées par MM. X…, Z…, A… et B… ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.

Observations

Pour le commentaire de cette décision, le lecteur se reportera à la chronique du présent numéro consa-crée aux litiges prud’homaux liés à l’amiante.

Rupture du contrat de travail. Demande d’in-demnisation d'un préjudice. Litige. Compé-tence prud’homale. Exclusion. Litiges dont la connaissance est attribuée à une autre juridiction par la loi. Accident du travail. Préjudice en résultant. Demande en répara-tion. Invocation d’un manquement de l'em-ployeur à son obligation de sécurité. Absence d'influence. Incompétence prud’ho-male. Indemnisation des dommages résul-tant d'un accident du travail. Compétence exclusive du Tribunal des Affaires de Sécu-rité Sociale.

Si la juridiction prud'homale est seule compé-tente pour connaître d'un litige relatif à

© ASSEP 2014 – 23 – Cahiers prud’homaux n° 3 | Jurisprudence

l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Dès lors, viole les articles L. 451-1 et L. 142-1 du Code de la Sécurité Sociale la Cour d’Appel qui, pour déclarer la juridiction prud'homale compétente pour connaître du litige et accueillir la demande d'un salarié tendant au paiement de dommages-intérêts, retient que les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité ouvraient droit à réparation, alors qu'il résultait de ses constatations que l'acci-dent dont l'intéressé avait été victime avait été admis au titre de la législation professionnelle et qu'ainsi, sous couvert d'une action en responsabilité contre l'employeur pour manquement à son obliga-tion de sécurité, le salarié demandait en réalité la réparation d'un préjudice né de l'accident du travail.

COUR DE CASSATION Chambre sociale

29 mai 2013 N° de pourvoi : 11-20074

Mme X…. c/ SOCIETE TEXTO FRANCE

LA COUR :

....................................................................................................................

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X… a été engagée le 22 juillet 2002 par la société Texto France (la société), en qualité de responsable de magasin ; que, victime le 17 janvier 2006 d'une chute dans un escalier qualifiée accident du travail, elle a été déclarée définitivement inapte à son poste par le médecin du travail le 10 mai 2006 et licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 28 juin 2007 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour contester ce licenciement et demander la condamnation de l'employeur à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour manquement à son obligation de sécurité ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et des congés payés afférents alors, selon le moyen :

1°/ que la consultation des délégués du personnel n'est soumise à aucune forme particulière ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir, offres de preuve à l'appui, que les délégués du personnel avaient été convoqués par courrier du 11 mai 2007 à une réunion extraordinaire du 14 mai 2007, qu'ils avaient rendu à cette date un avis favorable à la proposition de reclassement de la salariée et avaient attesté avoir été effectivement consultés le 14 mai 2007 au cours d'une réunion organisée en vue de se prononcer sur ladite proposition de reclassement ; qu'en relevant que le procès-verbal de la réunion du 14 mai 2007 n'était signé que par la direction de la société, sans à aucun moment rechercher si la preuve de la consultation régulière des délégués du personnel ne résultait pas de l'ensemble des éléments de preuve versés aux débats par l'employeur à

cette fin, la Cour d’Appel a violé l'article L. 1226-10 du Code du Travail ;

2°/ que l'avis des délégués du personnel sur le reclassement d'un salarié devenu inapte doit être recueilli après la déclaration d'inaptitude et avant que le licenciement n'ait été décidé ; qu'en jugeant la consultation irrégulière au prétexte qu'un seul jour se serait écoulé entre l'avis du médecin du travail et la convocation des délégués du personnel, la Cour d’Appel a ajouté à l'article L. 1226-10 du Code du Travail une condition qu'il ne comportait pas et violé ce texte ;

3°/ que l'existence d'une recherche sérieuse de reclassement doit s'apprécier par rapport à la structure et l'organisation de l'entreprise ; qu'en l'espèce, la société Texto France faisait valoir que le médecin du travail avait demandé à l'employeur de rechercher un poste « ne nécessitant pas de déplacements, pas de station debout, pas de descentes ni de montées d'escaliers, pas de manutention » ; qu'elle soutenait que la société étant structurée autour d'un siège administratif situé à Aubagne et de points de vente répartis sur toute la France, seul un poste administratif à Aubagne était susceptible d'être proposé à Mme X…, les postes situés dans les points de vente (vendeur et responsable de magasin) nécessitant une station debout ainsi que des actes de manutention contraires aux prescriptions du médecin du travail ; qu'en reprochant à l'employeur d'avoir mis une seule journée pour la recherche de poste, sans s'attacher, ainsi qu'elle y était invitée, à la structure et l'organisation de la société qui ne permettaient pas de trouver d'autres postes conformes aux prescriptions médicales, la Cour d’Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du Code du Travail ;

Mais attendu que la Cour d’Appel ayant fait ressortir que, compte tenu de sa dimension nationale et du nombre d'emplois qu'elle représentait, la société affirmait vainement avoir recherché un poste de reclassement pour la salariée, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles L. 451-1 et L. 142-1 du Code de la Sécurité Sociale ;

Attendu que si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;

Attendu que pour déclarer la juridiction prud'homale compétente pour connaître du litige et accueillir la demande de la salariée tendant au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient que les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité ouvraient droit à réparation ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'accident survenu le 17 janvier 2006 avait été admis au titre de la législation professionnelle et que, sous couvert d'une action en responsabilité contre l'employeur pour manquement à son obligation de sécurité, la salariée demandait en réalité la réparation d'un préjudice né de l'accident du travail dont elle avait été victime, la Cour d’Appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Texto France à payer à Mme X… la somme de 2 000 euros pour manquement à son obligation de sécurité, l'arrêt rendu le 27 avril 2011, entre les parties, par la Cour d’Appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la

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cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’Appel de Versailles ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu les articles 700 du Code de Procédure Civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.

Observations

Pour le commentaire de cette décision, le lecteur se reportera à la chronique du présent numéro consa-crée aux litiges liés à l’amiante.

Salariés exposés à l’amiante. Action en responsabilité contre l’employeur. Demande de réparation du préjudice occasionné. Exigence de preuve de la réalité, de la certi-tude et de l'étendue des préjudices. Dommages et intérêts à visée indemnitaire et non sanctionnatrice ou compensatrice.

En application des articles L. 142-2 et L. 461-5 du Code de la Sécurité Sociale, toute maladie profes-sionnelle dont la réparation est demandée doit être déclarée à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie et les litiges afférents sont portés devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale.

L'article L. 451-1 du Code de la Sécurité Sociale interdit qu'une action en réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles soit exercée conformément au droit commun par la victime ou ses ayants droit.

L'article L. 1411-1 du Code du Travail confère compétence au Conseil des Prud’hommes pour connaître des différends qui peuvent s'élever à l'oc-casion de tout contrat de travail ; en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat et la violation de cette obligation se résout par des dommages et intérêts.

Il résulte de la combinaison de ces textes que l'action en responsabilité exercée par le salarié à l'encontre de son employeur devant la juridiction prud'homale pour mauvaise exécution du contrat de travail est irrecevable dès lors qu'elle tend à la répa-ration du préjudice résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle et est recevable dès lors qu'elle tend à la réparation d'un préjudice ne résultant pas de l'altération de l'état de santé.

Le salarié qui a été exposé à l'amiante sans déve-lopper une maladie est en droit de réclamer la répara-tion des préjudices que lui a occasionnés ce manquement de l'employeur ; dans la mesure où le salarié s'est placé hors du champ de la législation sur les risques professionnels et dans le champ de la

responsabilité contractuelle, il doit rapporter la preuve de la réalité, de la certitude et de l'étendue des préju-dices dont il réclame l'indemnisation ; dans la mesure où l'action est exercée devant une juridiction civile, les dommages et intérêts ont une visée indemnitaire et non sanctionnatrice ou compensatrice.

Les salariés demandeurs ne versant ni document objectif ni témoignage de tiers sur leur anxiété ; aucun salarié n'évoquant ses conditions d'existence et n'apportant d'élément sur un changement des conditions d'existence ne rapportent donc pas la preuve qui leur incombe d'un sentiment d'anxiété ni d'une modification des conditions d'existence.

En conséquence, ils doivent être déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts pour préju-dice d'anxiété et de dommages et intérêts pour bouleversement dans leurs conditions d'existence.

COUR APPEL DE LYON Chambre sociale C 19 octobre 2012

AFFAIRE PRUD'HOMALE : R.G : 12/00859

M. B… et autres c/ SOCIETE SAS GARLOCK FRANCE

LA COUR :

....................................................................................................................

EXPOSE DU LITIGE

La S.A.S. GARLOCK FRANCE qui a été successivement dénommée LES JOINTS FARGERE, LES JOINTS CURTY, CEFILAC et LE CARBONNE LORRAINE fabrique et commercialise des joints d'étanchéité industriels ; un arrêté ministériel du 1 août 2001 a inscrit son établissement de SAINT-ETIENNE sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante pour la période de 1879 à 1997.

M. B a été employé au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1963 à 2001 en qualité de repousseur ; il fabriquait des joints garnis d'amiante ; il a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 1 janvier 2002 ; il n'est pas atteint d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

C B a été employé au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1960 à 2001 ; il a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du i juillet 2001 ; il n'est pas atteint d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

R C a été employé au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1969 à 2003 ; il découpait et garnissait des joints à base d'amiante ; il a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante â compter du 10 août 2003 ; il n'est pas atteint d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

R C a été employé au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1967 à 2001 ; il fabriquait des joints garnis d'amiante ; il a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 1er août 2001 ; il n'est pas atteint d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

R C a été employé au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1967 à 2001 ; il garnissait les joints d'amiante ;

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il a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 1er août 2001 ; il n'est pas atteint d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

A C a été employé au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1973 à 2001 en qualité de soudeur ; il travaillait sur des pièces garnis d'amiante ; il a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 1er octobre 2001 ; il n'est pas atteint d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

J F a été employée au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1982 à 2004 en qualité d'agent de fabrication ; elle triait, garnissait et emboutissait des joints garnis d'amiante elle a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 1er novembre 2004 ; elle n'est pas atteinte d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

Patrick F a été employé au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1976 à 2007 en qualité d'agent de production ; il découpait des plaques d'amiante et gérait le stockage et l'évacuation des déchets il a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 1er juillet 2007 ; il n'est pas atteint d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

Jean-Marcel H a été employé au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1962 à 2003 en qualité d'agent de production : il a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 1 août 2003 ; il n'est pas atteint d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

Suzanne H a été employée au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1971 à 2003 en qualité d'agent de production ; elle a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 1er octobre 2003 ; elle n'est pas atteinte d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

Alain J a été employé au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1976 à 2007 en qualité d'agent de production il a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 1er juillet 2007 ; il n'est pas atteint d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

Gilbert L a été employé au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1974 à 2001 en qualité d'agent de production il a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 18 juillet 2001 ; il n'est pas atteint d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

Jean-François L a été employé au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1969 à 2004 en qualité d'administratif ; il travaillait dans les bureaux situés au dessus des ateliers et circulait dans les ateliers ; il a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 1er avril 2004 ; il n'est pas atteint d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

Bernadette M a été employée au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1976 à 2005 ; elle garnissait les joints d'amiante ; elle a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 1er novembre 2005 ; elle n'est pas atteinte d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

Léonardo M a été employé au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1977 à 2008 en qualité de tourneur-repousseur ; il a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 1er mars 2008 ; il n'est pas atteint d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

Josiane M a été employée au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1978 à 2002 ; elle découpait des rouleaux d'amiante et effectuait le conditionnement elle a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 1er juin 2001 ; elle n'est pas atteinte d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

Roger M a été employé au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1968 à 2001 en qualité d'agent de production ; il travaillait à proximité de l'atelier où l'amiante était utilisée ; il a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 1er juillet 2001 ; il n'est pas atteint d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

Jacques P a été employé au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1967 à 2001 en qualité d'agent technique ; il a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 1er mai 2001 ; il est atteint de plaques pleurales que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a reconnu maladie professionnelle causée par l'amiante.

André R a été employé au sein de l'établissement de BELLEY de 1963 à 1986 et de celui de SAINT-ETIENNE de 1987 à 2001 en filière administratif et technicien ; il a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 1er janvier 2001 ; il n'est pas atteint d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

Guy R a été employé au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1979 à 2005 en qualité d'agent d'expédition ; il a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 1er mai 2005 il n'est pas atteint d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

M T a été employé au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1968 à 2001 en qualité d'agent de maîtrise ; il a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 1er décembre 2001 ; il n'est pas atteint d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

G T-C a été employé au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1977 à 2001 ; il fabriquait des joints garnis d'amiante ; il a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du1er mai 2001 ; il n'est pas atteint d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

C V a été employé au sein de l'établissement de SAINT-ETIENNE de 1964 à 2001 en qualité de tourneur-repousseur ; il découpait des plaques d'amiante pour fabriquer des joints ; il a bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à compter du 1er août 2001 il n'est pas atteint d'une maladie professionnelle causée par l'amiante.

Maurice B, Charles B, Roland C, Roger C, Roger C, Alain C, Josette F, Patrick F, Jean-Marcel H, Suzanne H, Alain J, Gilbert L, Jean-François L, Bernadette M, Léonardo M, Josiane M, Roger M, Jacques P, André R, Guy R, Marcel T, Gérard T-C et Camille V ont saisi le Conseil des Prud’hommes de SAINT-ETIENNE ; ils ont réclamé des dommages et intérêts en réparation du préjudice économique, des dommages et intérêts en réparation du bouleversement dans les conditions d'existence, des dommages et intérêts en réparation du préjudice d'anxiété et une indemnité au titre des frais irrépétibles.

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Par jugement du 10 janvier 2012, le Conseil des Prud’hommes sous la présidence du juge départiteur a :

- débouté les salariés de leur demande fondée sur le préjudice économique,

- condamné la S.A.S. GARLOCK FRANCE à verser à chaque salarié la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice résultant du bouleversement dans les conditions d'existence et la somme de 12.000 euros en réparation du préjudice d'anxiété,

- condamné la S.A.S. GARLOCK FRANCE à verser à chaque salarié la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles et à acquitter les dépens de l'instance.

Le jugement a été notifié le 18 janvier 2012 à la S.A.S. GARLOCK FRANCE qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 31 janvier 2012.

Par conclusions visées au greffe le 14 septembre 2012 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.S. GARLOCK FRANCE :

- soulève l'irrecevabilité de l'action, et, à cet effet, expose que l'anxiété constitue un trouble psychique, qu'elle est par conséquent une pathologie liée à la profession et qu'elle ne peut être indemnisée qu'après souscription d'une déclaration de maladie professionnelle sur décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie et, en cas de recours, sur décision des juridictions de sécurité sociale,

- soutient qu'elle a toujours respecté la réglementation et a toujours veillé à la santé de ses salariés,

- précise qu'en concertation avec le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le comité d'entreprise, le médecin du travail et l'inspecteur du travail, elle établissait annuellement la liste des salariés travaillant sur des postes sur lesquels l'amiante était utilisée et que Maurice B, Alain C, Suzanne H, Jean-François L, Bernadette M, Léonardo M, Roger M, Jacques P, André R, Guy R, Gérard T-C et Camille V n'ont jamais été inscrits sur cette liste,

- observe, s'agissant du préjudice d'anxiété, qu'il appartient au salarié de rapporter la preuve d'une faute, d'un préjudice certain et d'un lien de causalité entre ces deux éléments et, s'agissant du préjudice résultant des troubles dans les conditions d'existence, qu'il est soit de nature patrimoniale et dès lors insusceptible d'indemnisation à l'instar du préjudice économique soit de nature extra-patrimoniale et dès lors inclus dans le préjudice d'anxiété,

- objecte que les salariés ne prouvent pas la réalité des préjudices dont ils réclament réparation,

- demande le rejet des prétentions des salariés et, subsidiairement, la réduction du montant des sommes réclamées,

- sollicite la condamnation des salariés aux dépens.

Par conclusions visées au greffe le 14 septembre 2012 maintenues et soutenues oralement à l'audience, Maurice B, Charles B, Roland C, Roger C, Roger C, Alain C, Josette F, Patrick F, Jean-Marcel H, Suzanne H, Alain J, Gilbert L, Jean-François L, Bernadette M, Léonardo M, Josiane M, Roger M, Jacques P, André R, Guy R, Marcel T, Gérard T et Camille V,

- affirment la compétence d'attribution du Conseil des Prud’hommes dans la mesure où aucun d'entre eux ne souffraient d'une maladie professionnelle à la date de l'introduction de leur instance devant le Conseil des Prud’hommes,

- invoquent l'article L. 4121-1 du Code du Travail qui permet d'engager la responsabilité contractuelle de l'employeur

qui a failli à son obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de ses salariés et protéger leur santé,

- affirment qu'ils ont été exposés à l'amiante dans le cadre de leur profession et en veulent pour preuve l'activité de l'entreprise, l'inscription de l'établissement où ils travaillaient sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante et des témoignages de collègues de travail,

- soulignent que l'exposition à l'amiante génère des risques sanitaires et diminue l'espérance de vie,

- prétendent que leur employeur connaissait les dangers causés par l'amiante,

- arguent de la jurisprudence de la Cour de Cassation qui reconnaît un préjudice d'anxiété au salarié victime d'une exposition à l'amiante et de la jurisprudence de la Cour d’Appel de PARIS qui retient un préjudice résultant du bouleversement dans les conditions d'existence distinct du préjudice économique,

- qualifient les dommages et intérêts qu'ils réclament de satisfactoires et non de compensatoires,

- souhaitent la confirmation du jugement entrepris, réclamant chacun la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice résultant du bouleversement dans les conditions d'existence et la somme de 12.000 euros en réparation du préjudice d'anxiété,

- sollicitent chacun en cause d'appel la somme complémentaire de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La disposition du jugement rejetant les demandes fondées sur le préjudice économique n'est pas déférée à la Cour.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'action

En application des articles L. 142-2 et L. 461-5 du Code de la Sécurité Sociale, toute maladie professionnelle dont la réparation est demandée doit être déclarée à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie et les litiges afférents sont portés devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale.

L'article L. 451-1 du Code de la Sécurité Sociale interdit qu'une action en réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles soit exercée conformément au droit commun par la victime ou ses ayants droit.

L'article L. 1411-1 du Code du Travail confère compétence au Conseil des Prud’hommes pour connaître des différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail ; en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat et la violation de cette obligation se résout par des dommages et intérêts.

Il résulte de la combinaison de ces textes que l'action en responsabilité exercée par le salarié à l'encontre de son employeur devant la juridiction prud'homale pour mauvaise exécution du contrat de travail est irrecevable dès lors qu'elle tend à la réparation du préjudice résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle et est recevable dès lors qu'elle tend à la réparation d'un préjudice ne résultant pas de l'altération de l'état de santé.

Maurice B, Charles B, Roland C, Roger C Roger C, Alain C, Josette FE, Patrick F, Jean-Marcel H, Suzanne H, Alain J, Gilbert L, Jean-François L, Bernadette M, Léonardo M, Josiane M, Rager M, André R, Guy R, Marcel T, Gérard T-C et Camille V-R ne sont pas atteints d'une maladie provoquée par le travail et plus spécialement causée par l'amiante ; ils invoquent une anxiété ; or, l'anxiété est une émotion et n'est pas une maladie ; elle dégénère en trouble

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psychologique et en pathologie seulement lorsqu'elle devient envahissante et entraîne une souffrance significative ; ces anciens salariés de la société GARLOCK réclament des dommages et intérêts à raison d'un manquement par l'employeur de son obligation de sécurité née du contrat de travail ils ne réclament donc pas l'indemnisation d'une maladie d'origine professionnelle mais la réparation d'une violation des obligations issues du contrat de travail n'ayant pas eu d'incidence sur leur santé.

Il s'ensuit que la procédure propre aux maladies professionnelles ne s'applique pas à l'action intentée par ces salariés et que le litige les concernant relève de la compétence du Conseil des Prud’hommes.

En conséquence, les actions exercées par Maurice B, Charles B, Roland C, Roger C, Roger C, Alain C, Josette F, Patrick F, Jean-Marcel HE, Suzanne H, Alain J, Gilbert L, Jean-François L, Bernadette M, Léonardo M, Josiane M, Rager M, André R, Guy R, Marcel T, Gérard T-C et Camille V sont recevables.

Le jugement entrepris doit être confirmé.

Jacques P souffre de plaques pleurales ; la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a reconnu l'origine professionnelle de sa pathologie au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles ; la prise en charge de sa maladie au titre de la législation sur les risques professionnels frappe d'irrecevabilité son action en réparation de ses préjudices complémentaires présentée devant la juridiction prud'homale, peu important le fait que la demande ait été introduite antérieurement à la reconnaissance de la maladie professionnelle.

En conséquence, l'action exercée par Jacques P doit être déclarée irrecevable.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur le bien fondé de l'action :

L'article L. 4121-1 du Code du Travail fait peser sur l'employeur l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Le fait que Maurice B, Alain C, Suzanne H, Jean-François L, Bernadette M, Léonardo M, Rager M, Jacques P, André R, Guy R, Gérard T-C et Camille V n'ont jamais été inscrits sur la liste des salariés travaillant sur des postes sur lesquels l'amiante était utilisée ne suffit pas à établir, comme le prétend l'employeur, qu'ils n'ont pas été exposés aux poussières d'amiante.

En effet, Jacques P est atteint de plaques pleurales que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a reconnu maladie professionnelle causée par l'amiante ; le service médical interprofessionnel du travail a établi une attestation d'exposition à l'amiante pour Maurice B de septembre 1963 à 1997, pour Charles B de mai 1964 à 1997, pour Roland C d'octobre l969 a 1997, pour Roger C, pour Roger C de janvier 1967 à 1997, pour Alain C de décembre 1973 à 1997, pour Josette F d'octobre 1982 à 1997, pour Patrick F d'avril 1976 à 1997, pour Jean-Marcel H de juin 1962 à 1997, pour Suzanne H de mai 1971 à 1997, pour Alain J de juin 1976 à 1997, pour Gilbert L d'octobre 1974 à 1997, pour Jean-François L d'avril 1969 à 1997, pour Bernadette de septembre 1976 à 1997, pour Léonardo M, pour Josiane M de mai 1978 à 1997, pour Roger M d'avril 1968 à 1997, pour Marcel T de 1968 à 1997, pour Gérard T-C de mai 1977 à 1997 et pour Camille V ; l'employeur a attesté qu'André R avait été exposé à l'amiante d'octobre 1963 à juillet 1967 ; une collègue de travail atteste que Guy R a été exposé à l'amiante de septembre 1979 à 1997 ; l'établissement de SAINT-ETIENNE de la S.A.S. GARLOCK FRANCE a été inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ;

les salariés, parties à l'instance, ont tous bénéficié du dispositif précité ; enfin, il s'évince du compte rendu de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société GARLOCK du 11 décembre 1996 que de l'amiante était stockée dans l'entreprise et que la charpente métallique était empoussiérée d'amiante.

Ces éléments établissent que les salariés en cause ont tous été exposés aux poussières d'amiante.

Le danger inhérent aux poussières a été stigmatisé par un décret du 10 mars 1894 qui exigeait que les poussières soient évacuées au fur et à mesure de leur production et que soit installés dans les ateliers des systèmes de ventilation aspirante ; plusieurs décrets ultérieurs ont édicté des réglementations de plus en plus strictes pour préserver les salariés des poussières ; le danger sur la santé des salariés causé par l'amiante a été admis par le droit du travail et le droit de la sécurité sociale ; ainsi, la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières renfermant de l'amiante a été inscrite au tableau des maladies professionnelles le 2 août 1945 ; l'asbestose qui trouve sa cause dans l'inhalation de poussières d'amiante a été inscrite au tableau des maladies professionnelles le 31 août 1950 le décret du 17 août 1977 a pris des mesures particulières d'hygiène pour les établissements où les salariés étaient exposés aux poussières d'amiante et a notamment exigé un contrôle de l'atmosphère, la mise en place d'installations de protection collective et la mise à la disposition des salariés d'équipements de protection individuelle ; s'agissant de l'activité spécifique de la S.A.S GARLOCK FRANCE qui fabriquait des joints d'étanchéité à base d'amiante, le décret n° 51-1215 du 3 octobre 1951 a fait figurer sur le tableau des maladies professionnelles dans la liste des travaux susceptibles de provoquer l'asbestose engendrée par les poussières d'amiante la fabrication des joints en amiante et en caoutchouc.

Dès lors, la SAS. GARLOCK FRANCE avait conscience du danger causé par son activité sur la santé de ses salariés.

Pour démontrer qu'elle n'a commis aucune faute, la S.A.S. GARLOCK FRANCE verse de nombreux documents.

Sur demande du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, la société GARLOCK a diffusé des consignes destinées aux salariés et relatives à la lutte contre les poussières d'amiante ; il était rappelé les risques possibles de maladie ; les consignes sont de 1978, de 1979, de 1993 ; Maurice B, Roland C, Roger C, Roger C, Josiane M et Marcel T ont été individuellement destinataires des consignes.

Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société GARLOCK a noté :

- le 22 novembre 1989 que le résultat des comptages de l'amiante était dans les plus fiables,

- le 21 février 1990 que les résultats des mesures de l'amiante étaient très inférieurs à la limite admise (0,1 à 0,3 fibres par centimètres cube mesuré avec une limite à I fibre par centimètre cube),

- le 6 novembre 1990 que l'entreprise faisait toujours partie du groupe 1 en ce qui concerne le circuit de comparaison de l'amiante,

- le 9 janvier 1991 et le 10 avril 1991 que les résultats des mesures de l'amiante étaient toujours très inférieurs à la limite admise,

- le 12 mai 1992 que les résultats des mesures de l'amiante étaient en parfait accord avec les critères de l'l.N.R.S., du L.H.C.F. et de l'Abestose International Association,

- le 25 janvier 1995 que les résultats des mesures de l'amiante étaient toujours très inférieurs à la limite admise

Cahiers prud’homaux n° 3 | Jurisprudence – 28 – © ASSEP 2014

et que la consommation de l'amiante était en baisse, 7 tonnes en 1994 pour 15 tonnes en 1991,

- le 20 septembre 1995 que les résultats des mesures de l'amiante étaient tous inférieurs à 0,6 fibres par centimètres cube,

- le 20 mars 1996 que les résultats des mesures de l'amiante étaient toujours très inférieurs à la limite admise telle que modifiée par le décret et l'arrêté du 7 février 1996,

- le 11 décembre 1996 que beaucoup de stocks d'amiante avaient été éliminés, que toute l'amiante, ses dérivés et la céramique auront disparu de l'usine pour le 1er janvier 1997 et qu'une entreprise assurera le dépoussiérage de la charpente métallique de certaines sections.

Des documents internes montrent que la société GARLOCK a recherché des substitutifs à l'amiante en 1993, en 1994 et en 1995.

La société verse les rapports annuels sur l'amiante de 1980 à 1996 :

- en 1980, il est fait état de la mise en place d'une table aspirante à la section J, de la commande d'un aspirateur pour la section G, de l'essai d'un aspirateur pour les sections V et G, de l'étude d un aménagement spécial pour le travail des joints métalloplastique et du regroupement des travaux amiante,

- en 1981, il est fait état de l'exécution de deux lèvres aspirantes pour le découpoir, de difficultés sur l'utilisation des aspirateurs, d'un projet de réimplantation des secteurs découpage et de la réimplantation du travail amiante concernant les sections G, V et J,

- en 1982, il est fait état d'une demande du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail visant à l'amélioration de l'aspiration en section X et d'une demande de l'inspecteur du travail visant à la mise en place d'une aspiration sur la chantoumeuse et de tiroirs et placards pour stocker l'amiante en section J,

- en 1983, il est fait état de l'installation de l'aspirateur deuxième tranche et des dangers de l'amiante,

- en 1984, il est fait état des projets d'aspiration des presses automatiques en section G et V, de révision du stockage de l'amiante en section J, de la mise en place d'une machine automatique et capotée en section L, du remplacement d'une machine aspirée et de la réalisation d'emballage unitaire sous plastique en section N et R,

- en 1985, il est fait état des réalisations suivantes : aspirateur pour presse automatique, lèvres aspirantes sur presses et découpoirs, presse automatique aspirée et capotée pour les sections G et V, mise en place de capots, de deux aspirateurs et d'une machine automatique et capotée en section L, emballage unitaire sous plastique en section N et R,

- en 1986 et 1968, il n'est pas fait état de réalisation mais de réimplantations,

- en 1987, il est fait état des réalisations suivantes : fixation des tuyauteries aspiration en sections G et V,

- en 1989, il n'est pas fait état de réalisation,

- en 1990, il est fait état d'une étude de réimplantation de la benne à déchets et d'étiquetage des produits contenant de l'amiante et du remplacement de deux aspirateurs en sections L et V,

- en 1991, il est fait état des consignes d'utilisation du broyeur destructeur, de la mise en place d'une benne pour les déchets et de l'ensachage des déchets d'amiante,

- en 1992, sont rappelées les consignes d'utilisation du broyeur destructeur,

- en 1993, sont données des consignes générales amiante,

- en 1994, il est fait état des réalisations suivantes : aspiration des presses automatique en section G, aspiration des tours à repousser en section J, aspiration tour modifiée en section O,

- en 1995 et 1996, il n'est pas fait état de réalisation mais d'un arrêt à compter du 1er janvier 1997 de l'utilisation de l'amiante.

Les rapports annuels précisent de 1980 à 1982 que les sections concernées par l'amiante sont les sections G, V, J, K, L. N, X et préparation ensachage, de 1983 à 1985 que les sections concernées par l'amiante sont les sections G, V, J, K, L, N, R et préparation ensachage, de 1986 à 1988 que les sections concernées par l'amiante sont les sections G, V, J, K, L, B, N, R et préparation amiante, de 1989 à 1992 que les sections concernées par l'amiante sont les sections G, V, J, K, L, B, R, en 1993 et 1994 que les sections concernées par l'amiante sont les sections G, V, J, K, L, B, R, O, D, en 1995 et 1996 que les sections concernées par l'amiante sont les sections G, V, J, K, L, B, R, O, D et le magasin.

Les salariés produisent des documents pour démontrer la faute de la société GARLOCK.

Le rapport annuel sur l'amiante de 1978 fait état d'une mesure qui a conduit aux résultats suivants : 2,6 fibres par centimètres cube en section G, 2,2 fibres par centimètres cube et 7,8 fibres par centimètres cube à l'ensachage, 1,9 fibres par centimètres cube en section V et 33,3 fibres par centimètres cube en section J ; les rapports montrent qu'en 1979 et 1980, sept postes de travail étaient soumis à plus de 2 fibres par centimètres cube, deux postes en 1981 et trois postes en 1982.

Un contrôle réalisé par le laboratoire d'hygiène et de contrôle des fibres minérales les 3 et 4 février 1982 a donné des taux de concentration de fibres par centimètres cube plus élevés que ceux obtenus suite aux mesures opérées par la société GARLOCK.

Le 27 juillet 1983, l'inspecteur du travail a invité la société GARLOCK à poursuivre l'installation des aspirations et à revoir l'aspiration sur la scie pour la section J.

Enfin, tous les salariés témoignent de l'absence de protection individuelle et aucun document ne vient démentir leurs assertions.

Il s'évince de l'ensemble de ces éléments que, postérieurement au décret n° 51-1215 du 3 octobre 1951 qui a consacré un lien entre l'asbestose et la fabrication des joints en amiante et en caoutchouc et postérieurement au décret du 17 août 1977 spécifique à la protection des salariés contre les poussières d'amiante, la S.A.S. GARLOCK FRANCE n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour protéger tous ses salariés soumis aux poussières d'amiante ; notamment, elle a échelonné les moyens d'aspiration collective dans le temps et selon les section d'activité sans pour autant mettre des équipements individuels de protection à la disposition des salariés.

Ainsi, la S.A.S. GARLOCK FRANGE a exposé ses salariés aux poussières d'amiante même après qu'elle ait été informée des risques causés par ce matériau.

En conséquence, la S.A.S. GARLOCK FRANCE a failli à son obligation de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale de ses travailleurs et sa responsabilité issue du contrat de travail se trouve engagée.

Le salarié qui a été exposé à l'amiante sans développer une maladie est en droit de réclamer la réparation des préjudices que lui a occasionnés ce manquement de l'employeur ; dans la mesure où le salarié s'est placé hors du champ de la législation sur les risques professionnels et dans le champ

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de la responsabilité contractuelle, il doit rapporter la preuve de la réalité, de la certitude et de l'étendue des préjudices dont il réclame l'indemnisation ; dans la mesure où l'action est exercée devant une juridiction civile, les dommages et intérêts ont une visée indemnitaire et non sanctionnatrice ou compensatrice.

Maurice B, Charles B, Roland C, Roger C, Roger C, Alain C, Josette F, Patrick F, Jean-Marcel H, Suzanne H, Alain J, Gilbert L, Jean-François L, Bernadette M, Léonardo M, Josiane M, Roger M, André R, Guy R, Marcel T, Gérard T-C et Camille V produisent le certificat de travail, des bulletins de salaire, la notification d'attribution de l'allocation des travailleurs de l'amiante, des documents sur la retraite et des attestations sur leur exposition à l'amiante.

Les salariés versent des courriers qu'ils ont rédigés sur leurs conditions de travail et leur anxiété ; Roland C et Patrick F expliquent que le décès de leur collègue Roland B en mai 2007 les a personnellement beaucoup touché ; Jean-Marcel H et Suzanne H signalent la situation de Roland B décédé d'un cancer de l'amiante ; Roger M évoque le cas de Roland B décédé en mai 2007 de l'amiante et qui travaillait dans le même atelier que lui ; Rager C précise qu'une personne de son entourage souffre de graves problèmes respiratoires Gérard T-C allègue son état dépressif et écrit sur ses parents qui souffraient d'affections respiratoires ; Roger C mentionne que beaucoup de collègues décédés avant l'âge de la retraite ; Alain C relie sa décision de prendre sa retraite au décès d'un collègue suite à un cancer ; Camille V décrit les dangers de l'amiante ; les autres salariés font uniquement état de leur travail.

Les salariés ne versent ni document objectif ni témoignage de tiers sur leur anxiété ; aucun salarié n'évoque ses conditions d'existence et n'apporte d'élément sur un changement des conditions d'existence.

Les salariés ne rapportent donc pas la preuve qui leur incombe d'un sentiment d'anxiété ni d'une modification des conditions d'existence.

En conséquence, Maurice B, Charles B, Roland C, Rager C, Roger C, Alain C, Josette F, Patrick F, Jean-Marcel H Suzanne H, Alain J, Gilbert L, Jean-François L, Bernadette M, Léonardo M, Josiane M, Roger M, André R, Guy R, Marcel T, Gérard T-C et Camille V doivent être déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts pour préjudice d'anxiété et de dommages et intérêts pour bouleversement dans leur conditions d'existence.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'équité commande de débouter Maurice B, Charles B, Roland C, Roger C, Rager C, Alain C, Josette F, Patrick F, Jean-Marcel H, Suzanne H, Alain J Gilbert L, Jean-François L, Bernadette M, Léonardo M, Josiane M, Rager M, Jacques P, André R, Guy R, Marcel T, Gérard T-C et Camille V de leurs demandes présentées en première instance au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

L'équité commande de débouter Maurice B, Charles B, Roland C, Roger C, Rager C, Alain C, Josette F, Patrick F, Jean-Marcel H, Suzanne H, Alain J, Gilbert L, Jean-François L, Bernadette M, Léonardo M, Josiane M, Roger M, André R, Guy R, Marcel T, Gérard T-C et Camille V de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Maurice B, Charles B, Roland C, Rager CL, Roger C, Alain C, Josette F, Patrick F, Jean-Marcel H, Suzanne H, Alain J, Gilbert L, Jean-François L, Bernadette M, Léonardo M, Josiane M, Roger M, Jacques P, André R, Guy R, Marcel T, Gérard T et Camille V qui succombent doivent supporter solidairement les dépens de première instance et d'appel.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme dans les limites de l'appel le jugement entrepris en ce qu'il a reçu les actions en indemnisation exercées par Maurice B, Charles B, Roland C, Roger C, Roger C, Alain C, Josette F, Patrick F, Jean-Marcel H, Suzanne H, Alain J, Gilbert L, Jean-François L, Bernadette M, Léonardo M, Josiane M, Roger M, André R, Guy R, Marcel T, Gérard T-C et Camille V,

Infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

Déclare irrecevable l'action en indemnisation exercée par Jacques P,

Déboute Maurice B, Charles B, Roland C Roger CL, Roger CO, Alain C, Josette F Patrick F, Jean-Marcel H, Suzanne H, Alain J, Gilbert L, Jean-François L, Bernadette M, Léonardo M, Josiane M, Roger M, André R, Guy R, Marcel T, Gérard T-C et Camille V de leurs demandes de dommages et intérêts pour préjudice d'anxiété et pour bouleversement dans les conditions d'existence,

Déboute Maurice B, Charles B, Roland C, Roger C, Roger C, Alain C, Josette F, Patrick F, Jean-Marcel H, Suzanne H, Alain J, Gilbert L, Jean-François L, Bernadette M, Léonardo M, Josiane M, Roger M, Jacques P, André R, Guy R, Marcel T, Gérard T-C et Camille V de leurs demandes présentées en première instance au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Laisse les dépens de première instance à la charge solidaire de Maurice B, Charles B, Roland C, Roger C, Roger C, Alain C, Josette F, Patrick F, Jean-Marcel H, Suzanne H, Alain J, Gilbert L, Jean-François L, Bernadette M, Léonardo M, Josiane M, Roger M, Jacques P, André R, Guy R, Marcel T, Gérard T-C et Camille V,

Ajoutant,

Déboute Maurice BACCHIS, Charles B, Roland C, Roger C, Roger C, Alain C, Josette F, Patrick F, Jean-Marcel H, Suzanne H, Alain J, Gilbert L, Jean-François L, Bernadette M, Léonardo M, Josiane M, Roger M, André R, Guy R, Marcel T, Gérard T-C et Camille V de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Laisse les dépens d'appel à la charge solidaire de Maurice B, Charles B, Roland C, Roger C, Roger C, A C, J F, Patrick F, Jean-Marcel H, S H, A J, G L, J-François L, Bernadette M, Léonardo M, Josiane M, Roger M, Jacques P, André R, Guy R, Marcel T, Gérard T-C et Camille V.

Observations

Pour le commentaire de cette décision, le lecteur se reportera à la chronique du présent numéro consa-crée aux litiges liés à l’amiante.

Cahiers prud’homaux n° 3 | Jurisprudence – 30 – © ASSEP 2014

© ASSEP 2014 – 31 – Cahiers prud’homaux n° 3 | Table des matières

Jurisprudence Chronique Textes

Contrat de travailLes litiges prud’homaux liés à l’amiante ............................................................................................................ 3Demande d’indemnisation du préjudice d’angoisse. Appréciation de la responsabilité

contractuelle de l’employeur. Différend individuel entre un salarié et un employeur. Compétence du Conseil de Prud’hommes. Absence de preuve de la poursuite du contrat de travail avec la société citée. Absence de preuve d’exposition à l’amiante. Entreprise non répertoriée sur la liste des entreprises dressée par arrêté ministériel. Rejet de la demande. (Cons. Prud. 2 janvier 2014) ............................................................................................................................. 3 p. 9

Demande de dommages et intérêts pour préjudice d’anxiété. Entreprise figurant sur la liste de l’arrêté ministériel. Fabrication ou traitement de l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante. Salariés confrontés au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante. Situation d'inquiétude permanente. Préjudice spécifique d'anxiété caractérisé. (Cass. soc., 18 décembre 2013) ...................................................................................................................... 3 p. 11

Contrat de travail à durée déterminée. Joueur de rugby. Accident du travail. Inaptitude. Rupture du contrat de travail. Invocation d’une faute inexcusable. Demande prud’homale en réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi. Objet réel du litige. Demande de réparation du préjudice en résultant. Compétence exclusive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale. Incompétence prud’homale. (Cass. soc., 11 décembre 2013) .......................... 3 p. 12

Indemnisation de l’ensemble des dommages résultant d'un accident du travail. Incompétence prud’homale. Compétence exclusive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale. Conséquence ou non d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Circonstance indifférente. (Cass. soc., 20 novembre 2013) ................................................................. 3 p. 13

Salarié. Inaptitude physique. Accident du travail. Licenciement. Demandes prud’homales d’indemnisation d'un préjudice en découlant. Litige relatif à l’exécution du contrat de travail. Litige sur les causes et conditions de la rupture. Compétence exclusive de la juridiction prud'homale. (Cass. soc., 14 novembre 2013) ..................................................................... 3 p. 14

Accident de travail. Inaptitude. Licenciement. Saisine du Conseil de Prud’hommes. Action en réparation du préjudice résultant de l’accident du travail. Compétence exclusive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale. Conséquence ou non d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Incompétence du Conseil de Prud’hommes. (Cass. soc., 9 octobre 2013) ......................................................................................................................................................................... 3 p. 15

Travail dans un établissement figurant sur la liste ministérielle. Activité de fabrication ou de traitement de l’amiante par l’entreprise. Situation d'inquiétude permanente des salariés. Risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante. Soumission à des contrôles et examens médicaux. Condition d’indemnisation (non). Préjudice spécifique d’anxiété caractérisé. Obligation découlant du contrat de travail. Inexécution par l'employeur. Dommages-intérêt. Garantie par l’AGS. Préjudice d’anxiété. Indemnisation. Réparation de l'ensemble des troubles psychologiques. Bouleversement dans les conditions d'existence pris en compte. (Cass. soc., 25 septembre 2013) .................................................................................... 3 p. 16

Table des matières

Cette Table donne, pour chacune des trois rubriques, la référence de toutes les matières traitées dans les Cahiers Prud'homaux, depuis le début de l'année 2014.

Enfin en ce qui concerne les matières traitées pendant les années antérieures, il conviendra de se reporter aux tables quinquennales 1976-1980, 1981-1985, 1986-1990, 1991-1995 et 1996-2010, à la table triennale 2001-2003, ainsi qu’à la table annuelle 2004.

Cahiers prud’homaux n° 3 | Table des matières – 32 – © ASSEP 2014

Jurisprudence Chronique Textes

Entreprise figurant sur la liste légale des entreprises liées à l’amiante. Substitution d'employeurs par voie de convention. Transfert de contrat de travail. Amiante. Allocation de cessation anticipée d’activité. Admission des salariés. Invocation d’un préjudice spécifique d’anxiété. Action contre l’ancien employeur. Préjudices nés avant le transfert des contrats. Indemnisation (oui). Situation d’inquiétude permanente. Risque de déclaration d’une maladie liée à l’amiante. Soumission à des contrôles et examens médicaux. Condition d’indemnisation (non). (Cass. soc., 25 septembre 2013)....................................................................... 3 p. 17

Allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. Salariés bénéficiaires. Demandes indemnitaires liées à l’amiante. Moyen invoqué. Manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat. Compétence prud’homale. Dommages-intérêts. Redressement judiciaire. AGS. Garantie. Préjudice spécifique d’anxiété. Réparation de l’ensemble des troubles psychologiques. Liste des entreprises fabriquant ou travaillant avec l’amiante. Constat du préjudice. Evaluation souveraine du montant de la réparation. (Cass. soc., 25 septembre 2013) ................................................................................................................................. 3 p. 18

Contrat de travail. Amiante. Déclaration d’une maladie professionnelle. Contentieux. Demande de réparation des préjudices psychologiques subis avec la déclaration de la maladie. Compétence prud’homale. Allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. Dommages intérêts. Redressement judiciaire. AGS. Préjudice spécifique d’anxiété. Trouble dans les conditions d'existence. Manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat. Compétence prud’homale. (Cass. soc., 25 septembre 2013) ..................... 3 p. 21

Rupture du contrat de travail. Demande d’indemnisation d'un préjudice. Litige Compétence prud’homale. Exclusion. Litiges dont la connaissance est attribuée à une autre juridiction par la loi. Accident du travail. Préjudice en résultant. Demande en réparation. Invocation d’un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Absence d'influence. Incompétence prud’homale. Indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail. Compétence exclusive du Tass. (Cass. soc., 29 mai 2013) .................................................... 3 p. 22

Salariés exposés à l’amiante. Action en responsabilité contre l’employeur. Demande de réparation du préjudice occasionné. Exigence10 de preuve de la réalité, de la certitude et de l'étendue des préjudices. Dommages et intérêts à visée indemnitaire et non sanctionnatrice ou compensatrice. (CA Lyon, 19 octobre 2012) ....................................................................................... 3 p. 24

Procédure de licenciementLe règlement amiable des différends nés à l’occasion du contrat de travail ....................................... 1Licenciement. Transaction. Effet vis-à-vis des tiers. Effet relatif des contrats. Employeur

repreneur. Droit d’invoquer la renonciation du salarié (oui). (Cass. soc., 2 novembre 2013) .. 1 p. 9Transaction. Prévisions des parties. Prétentions à restitution des cotisations. Inclusion. Demande

de condamnation de l’employeur à leur paiement. Irrecevabilité. (Cass. soc., 20 novembre 2013) ......................................................................................................................................................................... 1 p. 10

Accord collectif. Ouverture de droits au bénéfice des salariés. Subordination à la conclusion de transaction individuelle. Impossibilité. Nullité de la transaction. Application directe des avantages conventionnels. (Cass. soc., 15 octobre 2013) .................................................................... 1 p. 11

Transaction. Signature postérieure à la notification du licenciement. Régularité. (Cass. soc., 10 avril 2013) ....................................................................................................................................................... 1 p. 12

Transaction. Renonciation du salarié aux demandes de paiement d’heures supplémentaires et du repos compensateur. Augmentation substantielle de salaire avec effet rétroactif. Concessions réciproques (oui). (Cass. soc., 3 avril 2013) ...................................................................... 1 p. 12

Transaction. Objet. Evaluation du préjudice consécutif au licenciement. Portée. Autorité de chose jugée. Plan de souscription d’action. (Cass. soc., 27 février 2013) ...................................... 1 p. 14

Rupture du contrat de travail. Transaction. Fin du différend avec l'employeur. Contenu. Droits acquis au titre de la participation aux résultats. Absence de référence. Date de signature. Droits pour les exercices litigieux ni déterminés ni déterminables. Inclusion dans la transaction (non). (Cass. soc., 20 février 2013) ........................................................................................ 1 p. 16

Transaction. Demande d’annulation. Autorité de la chose jugée. Juge lié. Faits énoncés dans la lettre de licenciement. Qualification juridique. (oui) Examen des éléments de fait et de preuve (non). (Cass. soc., 13 février 2013) ................................................................................................. 1 p. 17

Salarié. Membre élu du comité d'entreprise. Démission du mandat. Transaction postérieure avec l’employeur. Objet. Conflit salarial et modification du contrat de travail. Protection en matière de rupture non affectée. Annulation de la transaction (non). (Cass. soc., 29 janvier 2013) ....................................................................................................................................................................... 1 p. 18

Reçu pour solde de tout compte. Signature par le salarié. Rédaction en termes généraux. Portée. Droit de contester le bien-fondé du licenciement. Renonciation du salarié (non). (Cass. soc., 15 janvier 2013) .................................................................................................................................................. 1 p. 18

Saisine de la juridiction prud’homale. Parties au contrat de travail. Signature d’un acte. Double objet. Rupture d’un commun accord et transaction. Transaction non valable. (Cass. soc., 5 décembre 2012) ................................................................................................................................................ 1 p. 20

La demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ......................................... 2

© ASSEP 2014 – 33 – Cahiers prud’homaux n° 3 | Table des matières

Jurisprudence Chronique Textes

Rupture conventionnelle. Conclusion. Existence au moment de sa conclusion d'un différend. Source d’invalidité (non). Intervention d’un syndicat à l’instance. Atteinte à l’intérêt collectif de la profession (non) (Cass. soc., 5 janvier 2014). .................................................................................. 2 p. 9

État de santé. Licenciement. Absence prolongée ou absences répétées du salarié. Perturbation du fonctionnement de l’entreprise. Licenciement. Nécessité pour l'employeur de procéder au remplacement définitif du salarié. Engagement d'un autre salarié. Cause réelle et sérieuse. (Cass. soc., 15 janvier 2014) .......................................................................................................... 2 p. 10

Documents de la cause. Interdiction pour le juge de les dénaturer. Lettre adressée au salarié. Qualification de lettre de licenciement. Contenu. Mention du non-respect des obligations contractuelles. Motivation. (Cass. soc., 18 décembre 2013) ............................................................... 2 p. 11

Utilisation de l'ordinateur mis à sa disposition par l'entreprise. Envois aux collègues de travail. Courriels accompagnés de vidéos à caractère sexuel, humoristique, politique ou sportif. Licenciement pour faute grave. Défaut de cause réelle et sérieuse. Cassation. Prohibition des connexions sur internet à des fins personnelles. Violation des obligations contractuelles et du règlement intérieur de l'entreprise. Faute constituée. (Cass. soc., 18 décembre 2013) 2 p. 12

Démission. Reçu pour solde de tout compte. Obligation pour l’employeur de dresser un inventaire des sommes versées. Rédaction en termes généraux. Absence d’effet libératoire. Demandes prud’homales en contestation de la rupture recevables. (Cass. soc., 18 décembre 2013) ......................................................................................................................................................................... 2 p. 13

Licenciement. Tribunal indépendant et impartial. Article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme. Récusation. Violation article 6-1. Demande soulevée en cassation. Recevabilité (non). Salarié d’une banque. Archipel de St-Pierre et Miquelon. Etroitesse de l'archipel. Notoriété du licenciement. Faute de l’employeur (non). Dommages et intérêts au titre de la réparation du préjudice. Cassation. (Cass. soc., 18 décembre 2013) ......................................................................................................................................................................... 2 p. 14

Arrêt d’appel sur renvoi après cassation. Organisme de droit privé. Mission d’intérêt général. Entreprise de conviction. Règlement intérieur. Obligation de neutralité. Interdiction de porter tout signe ostentatoire de religion. Association employeur. Crèche spécifique. Intérêt général. Principe de neutralité. Application limitée. Règlement intérieur. Objet. Activités d'éveil et d'accompagnement des enfants. Discrimination (non). Refus de retirer le voile islamique. Licenciement. Faute grave. (CA Paris, 27 novembre 2013) ........................................... 2 p. 15

Licenciement. Notification. Inaptitude. Lettre de licenciement remise par un tiers. Défaut de cause réelle et sérieuse (non). Irrégularité de la notification non privative de cause réelle et sérieuse. (Cass. soc., 23 octobre 2013) ........................................................................................................ 2 p. 18

Lettre de licenciement. Enonciation des motifs précis et matériellement vérifiables. Invocation de toutes circonstances de fait à l’appui du motif énoncé. Droit de l’employeur. Mouvement de cessation collective de travail. Référence de la lettre à l’ordonnance du président du TGI. Participation à une grève illicite. Motifs précis et vérifiables. Eléments avancés par l'employeur en justice pour en justifier. Obligation pour le juge de se prononcer. (Cass. soc., 15 octobre 2013) .................................................................................................................................................. 2 p. 18

Demande de requalification de la rupture en un licenciement sans cause. Prise d’acte de la rupture par le salarié. Prise en compte des faits invoqués par lui devant le juge. Condition d’antériorité par rapport à la prise d’acte. Exigence de connaissance par le salarié avant la prise d’acte. (Cass. soc., 9 octobre 2013) .................................................................................................... 2 p. 19

Modification dans la situation juridique de l'employeur. Licenciement. Licenciement par l'employeur sortant. Continuation du contrat de travail par le cessionnaire. Rupture ultérieure. Mise en cause du cessionnaire. Demande portant sur les conséquences de la rupture du contrat de travail. Possibilité. Transaction avec le cédant. Portée. Impossibilité d’obtenir deux fois la réparation du même préjudice. (Cass. soc., 25 septembre) ...................... 2 p. 20

Contrat de travail. Démission. Demande de dispense de préavis. Refus. Absence du salarié. Non-respect du préavis par le salarié. Convention collective des personnels des voies ferrées. Demande de dommages-intérêts de la part de l’employeur. Estimation du préjudice (non). Inobservation du préavis. Conséquence. Paiement de l’indemnité compensatrice. (Cass. soc., 23 mai 2013) ............................................................................................................................................... 2 p. 21

Licenciement. Irrégularité de la procédure. Absence de cause réelle et sérieuse. Salariée. Ancienneté supérieure à deux ans. Effectifs de l’entreprise de plus de dix salariés. Indemnité pour inobservation de la procédure (non). (Cass. soc., 24 avril 2013).............................................. 2 p. 22

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