Soufisme Et Alchimie

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  • 7/27/2019 Soufisme Et Alchimie

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    Article paru dans la revue La Tourbe des Philosophesn23 (1983)

    Soufisme et Alchimie

    Dans un prcdent article, nous nous sommes efforc de suggrer la

    possibilit dtudier lalchimie islamique dans le respect tout la fois de

    la Rvlation islamique en ce quelle a de spcifique, et de lalchimieauthentique telle quelle a t revivifie en Occident par les travaux de

    Fulcanelli et dEugne Canseliet. Cette possibilit est aussi en un certain

    sens une ncessit, car la tradition alchimique a pntr en Occident parle biais de lIslam. Cette transmission a certainement d saccompagner

    dune radaptation de la tradition, mais elle implique aussi - car il ne peut

    y avoir en ce domaine de gnration spontane - quune alchimie

    intgrale a exist en terre dIslam avant de spanouir en Occident.

    Lorsque nous disons alchimie intgrale, il faut donc aussi entendre

    Cabale : nous reviendrons dans un instant sur ce point qui, dans le cas de

    la tradition islamique et de la langue arabe qui lui sert de vhicule,

    ncessite des dveloppements particuliers.

    Nous devons tout dabord prciser dans quel esprit nous concevons cette

    tude. Il parat en effet depuis quelques annes un grand nombre

    douvrages, traductions ou tudes, dont la plupart sont dailleursexcellents, sur lsotrisme musulman et le soufisme. Or, certains de ces

    travaux font, directement ou indirectement, allusion lalchimie en des

    termes qui tendent, volontairement ou non, accrditer lopinion selon

    laquelle lalchimie serait uniquement symbolique1. Quel que soit donc

    lintrt de ces travaux sur le soufisme, il nen faut pas moins rectifier

    lide de lalchimie qui risque de sen dgager. Il convient dtre attentifau fait que considrer lalchimie sous un angle uniquement symbolique et

    la considrer sous un angle uniquement matriel, cest au fond tout un.Car si le symbolisme ne renvoie qu lhomme, alors les oprations du

    laboratoire ne sont rien dautre que des manipulations chimiques au sens

    ordinaire du terme, et inversement. Dans les deux cas, on passe ct de

    lessence vritable de lalchimie, laquelle est proprement parler un

    entre-deux (en arabe : barzakh), un isthme au confluent des deux

    mers que sont les eaux suprieures et les eaux infrieures. Que

    1[Voir par exemple la traduction du chapitre 167 des FuthtdIbn `Arab sous le titre : LAlchimie du

    Bonheur parfait, Berg International, 1981.]

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    lalchimie soit symbolique, il ne sagit pas de le nier ; mais elle nest pas

    uniquement cela. Comme le remarque Henry Corbin :

    Lopration alchimique sannonce donc comme une opration

    psychospirituelle par excellence, non pas du tout que les textesalchimiques soient une allgorie de lAme , mais parce que les

    phases de lopration rellement accomplie sur une matire relle-

    ment donne, symbolisent avec les phases du retour de lAme

    elle-mme. 2

    Encore conviendrait-il dajouter, afin quaucune quivoque ne soit

    possible, que le rsultat de lopration est lui aussi bien rel. La raison

    profonde en est que le retour de lAme elle-mme peut sentendre

    aussi bien de lme de lhomme que de lAme universelle. Cest pourquoi

    la corporalisation de lEsprit saccomplit la fois lintrieur de lartiste

    et lintrieur de lathanor. Et cette descente de lEsprit se produit

    effectivement, pour autant que la matire ait t convenablement prpare

    et que les conditions ncessaires soient runies. On ne peut doncsimplement assimiler lalchimie un symbolisme destin dcrire les

    tapes dune voie spirituelle telle que le soufisme. Les moyens de grce

    propres lalchimie lui confrent indniablement un statut bien

    particulier, car toute ralisation spirituelle ne saccompagne pas

    ncessairement dune descente macrocosmique des influences dont il

    sagit.

    Linterprtation qui est habituellement donne de lalchimie islamique

    nengage donc que ses auteurs, et non lalchimie islamique elle-mme.

    Quil existe par ailleurs - les traits dalchimie proprement dite, au

    demeurant fort nombreux en Islam, ici mis part - une lecture alchimique

    possible de certains traits de soufisme dont le propos nest pas

    spcifiquement alchimique, nous avons dja indiqu quil y a de bonnes

    raisons de le penser, raisons qui nous paraissent parfaitement rsumespar ces lignes dAndr Savoret :

    Non seulement la description de luvre physique sadapte

    strictement aux phases de luvre spirituel, mais il est possible detirer dune description de luvre spirituel une adaptation

    parfaite luvre physique. 3

    2

    Henry Corbin : Histoire de la Philosophie islamique, Gallimard, Paris, 1968, p.187.3 Andr Savoret : Quest-ce que lAlchimie ? in Cahiers de lHermtisme : Alchimie, Paris, Albin

    Michel, 1978, p. 23.

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    Cest ce principe dadaptation, expressment affirm par la Table

    dEmeraude, qui nous servira de guide dans la suite de ces tudes sur la

    tradition alchimique en Islam.

    ** *

    Cest tout naturellement vers la Cabale que nous nous tournerons pour

    trouver la confirmation du bien-fond de notre entreprise. Prcisons tout

    dabord, afin de navoir pas y revenir, quen arabe la Cabale se prsente

    sous une triple forme : graphique, phontique et numrale. Ces trois

    aspects forment un tout indissociable dont lunit ne peut se comprendre

    que si lon se rappelle que larabe est une langue sacre et une langue de

    Rvlation. Une telle langue est un symbole vivant de la Ralit, gage de

    lunit sous-jacente ses diffrentes modalits.

    En un certain sens, on peut dire que la forme de la lettre correspond au

    corps, le son lme et le nombre lesprit. Il y a l matire dintressantes considrations qui, vrai dire, risqueraient de nous entra-

    ner loin de notre sujet4. Sans pouvoir entrer ici dans les dtails,

    mentionnons tout de mme que le son est lme (nafs) de la lettre, produit

    par lexpir (nafas). Selon la perspective islamique, lAme universelle

    nest dailleurs autre chose que leffet de lExpir du Misricordieux

    (Nafas al-Rahman) 5. On comprend ds lors que la rcitation (Qurn) dela Parole de Dieu soit en Islam le rite fondamental, ainsi que le caractretotalisant de la prire qui reconduit la cration son Crateur ; on

    comprend galement pourquoi, dans lsotrisme, la science des lettres

    (`ilm al-hurf) est mise en relation avec le pouvoir dinsuffler lesprit que

    dtenait Jsus, pouvoir grce auquel il ressuscitait les morts et

    communiquait la vie aux oiseaux dargile quil avait faonns (Coran :

    3;43, 5;110)6.

    Dautre part, le nombre reflte lesprit ; dans cette optique, nommer et

    nombrer sont deux oprations corrlatives qui ne vont pas lune sanslautre. Cest l au fond le principe de la thorie jabirienne de la Balance,

    et particulirement de la Balance des Lettres.

    Il importe de se convaincre que les procds dinterprtation sotriques

    bass sur la Cabale numrale ne sont pas des systmes arbitraires labors

    4 Il y a beaucoup glaner dans le livre de Jean Canteins : La Voie des Lettres, Paris, Albin Michel,

    1981.5 Voir Henry Corbin : LImagination cratrice dans le Soufisme dIbn Arab, Paris, Flammarion, 1977,

    en particulier la note 22 pp. 227-229.6 Voir la traduction par Michel Vlsan du chapitre 20 des Futht dIbn `Arab sous le titre : La Science

    propre Jsus, Etudes traditionnelles, 1971, p. 62.

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    a posteriori, mais des moyens daccs direct au mystre du nom. Il ne

    saurait en tre systmatiquement ainsi dans les langues occidentales, qui

    sont des langues indo-europennes utilisant un alphabet doriginesmitique. Dans une langue sacre au contraire, les diffrents aspects

    dun mme mot ou dune mme lettre - sonore, graphique, numrique -sont comme les reflets, chacun dans son ordre, dune mme ralit

    essentielle qui constitue leur unit vritable et institue entre eux une sorte

    dharmonie naturelle.

    Dans les langues europennes, seuls le son et le sens sont corrls ; cest

    pourquoi la Cabale est uniquement phontique. En arabe, par contre, le

    jeu de mots peut porter non seulement sur le son, mais aussi sur la

    forme graphique des lettres, ou encore sur les nombres attribus aux

    diffrentes lettres dun mot.

    Le principe de la Cabale numrale est simple : chacune des vingt-huit

    lettres de lalphabet est associ un nombre dunit, de dizaine, de

    centaine, ou de mille. En ralit, il y a deux systmes de correspondance,lun en usage dans la partie orientale de lIslam, lautre au Maghreb. La

    diffrence entre ces deux systmes ne porte toutefois que sur six lettres7.

    Lapplication la plus courante consiste faire la somme des valeurs

    attribues aux lettres dun mot. On voit en particulier que le total ainsi

    obtenu est invariant lors dune permutation des lettres de la racine.

    Signalons enfin que lon est parfois amen considrer non seulement lavaleur de la lettre, mais encore le total obtenu en faisant la somme desvaleurs des lettres qui la composent. Donnons un exemple afin dtre plus

    clair : la premire lettre de lalphabet est alif: savaleur est 1. Toutefois,

    lorsque le mot aliflui-mmeest dcompos en ses lettres constitutives, on

    voit quil est form des lettres alif, lm, f. Le lm valant 30 et lef 80,

    on aura pour valeur compose de lalif111.

    *

    * *

    Le mot Cabale lui-mme nous renvoie au verbe qabala qui a le sens

    daccepter, accueillir, recevoir, et en particulier recevoir un enseigne-

    ment. La racine QBL connote lide de se trouver devant, en face. Cest

    ainsi que la qibla dsigne la direction vers laquelle doit se tourner lorant

    pendant la prire rituelle. II est remarquer que par permutation de cette

    racine, on obtient le mot qalb, le cur ; par suite, les mots qabala et qalb

    ont aussi le mme nombre, qui est 132 ( = 11 x 12). De ces rapproche-

    7 Sans doute faut-il voir lorigine de cette particularit dans le fait que lalphabet hbreu ne comporteque 22 lettres.

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    ments, nous retiendrons que la Cabale, linstar de la prire, est avant

    tout une orientation du cur, une attitude intrieure qui ractualise la

    prdisposition de lme humaine entendre la langue des oiseaux, mreet origine de toutes les langues, dont le Coran nous apprend que Salomon

    avait la parfaite connaissance :

    Salomon hrita de David ; il dit : O hommes, la langue desoiseaux nous a t enseigne, et nous avons reu le don de toute

    chose. Certes, cest l une grce vidente. (Coran : 27; 16)

    Voyons prsent si la Cabale peut nous clairer sur les rapports qui

    existent entre soufisme et alchimie. Les tymologies proposes pour le

    mot soufi (f) sont multiples. Parmi les plus souvent mentionnes,

    citons :f

    (laine),aff

    (rang),uffa

    (banc),ifa

    (qualit), ainsi que le

    mot grec sofos (sage). La drivation la plus satisfaisante quant au sens est

    cependant celle qui rattache le mot af : puret, clart, srnit,

    apparent au verbe af : trepur, clair, limpide, do aussi le verbe de la

    deuxime forme aff : purifier,clarifier, filtrer, passer au tamis, etc. Or, ces rapprochements dj suggestifs, nous ajouterons les mots af,

    aft, afw, qui signifient : pierre, rocher. Le mot afw, en particulier,

    peut galement se lire comme le fminin de af, latif de f : pur,

    serein, et peut donc la fois signifier pierre, et trs pure. Enfin, afw

    signifie : puret, limpidit ; la plus pure partie dune chose ; une eau

    claire et limpide.

    En rapport avec lide de puret ici nonce, Ibn `Ajiba8, dans son

    glossaire de la mystique musulmane, cite Sahl al-Tustar :

    Le soufi est celui qui est pur (af) du trouble... Celui pour qui

    lor et la boue ont la mme valeur.

    et Junayd :

    Le soufi est comme la terre ; on y jette tout le rebut et il nen sort

    que de bonnes choses.

    Du mme Junayd, nous ne croyons pas quil soit hors de propos de

    rappeler la clbre rponse faite un interlocuteur qui lui demandait ce

    quest le connaissant :

    La couleur de leau est celle de son rcipient

    8 Voir Jean-Louis Michon : Le Soufi marocain Ahmad Ibn `Ajiba et son Mi`rj, Paris, Vrin, 1973.

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    ce qui est un excellent exemple dadage pouvant se lire aussi bien en un

    sens mtaphysique gnral quen un sens alchimique bien prcis.

    Nous avons dit au dbut de cet article que lalchimie tait un isthmeentre les deux mers . De toute vidence, cette expression possde gale-

    ment plusieurs sens symboliques qui ne sexcluent pas plus quils ne se

    confondent. De cet isthme (barzakh)9, ilest plusieurs reprises question

    dans le Coran :

    Il a spar les deux mers qui se touchaient. Entre elles il y a un

    isthme quelles ne franchissent pas. Lequel des bienfaits de votre

    Seigneur nierez-vous ? (Coran : 55 ; 18-20.)

    De mme:

    Cest Lui qui a spar les deux mers, celle-ci douce et rafrachis-

    sante, celle-l sale et amre, et qui a lev entre elles un isthme et

    une barrire infranchissable (hijran mahjran). (Coran : 25 ; 55.)

    Il est noter que les deux derniers mots drivent tous deux de la racine

    HJR, laquelle appartient aussi le mot hajar, pierre. Le mot hijr peut

    signifier mur, enceinte sacre, mais galement esprit, et finalement,

    comme pour nous confirmer que nous sommes sur la bonne voie, jument,cavale.

    10

    9Sur le barzakh en gnral, voir Titus Burckhardt : Symboles, Arch, Milano, 1980, p. 85.

    10 [ (La cabale hermtique) tait la langue secrte des cabaliers, cavaliers ou chevaliers. Initis et

    intellectuels de lantiquit en avaient tous la connaissance. Les uns et les autres, afin datteindre la

    plnitude du savoir, enfourchaient mtaphoriquement la cavale, vhicule spirituel dont limage type est

    le Pgase ail des potes hellniques. Connatre la cabale, cest parler la langue du cheval, dont Swift

    indique expressment, dans lun de ses Voyages allgoriques, la valeur effective et la puissancesotrique. (Fulcanelli, Les Demeures philosophales, Pauvert, 1977, t.II, pp. 267-268.) Car le sujet

    des sages nest gure quune eau congele, ce qui lui a fait donner, pour cette raison, le nom de Pgase

    (de

    rocher, glace, eau congele ou terre dure et sche). Et la fable nous apprend que Pgase,

    entre autres actions, fit jaillir, dun coup de pied, la fontaine Hippocrne. gase, a pour ! " # $ %

    source, de sorte que le coursier ail des potes se confond avec la source hermtique

    (ibid. p. 175) Ajoutons encore que dans ltude quil a consacre prcisment LHermtisme dansla Vie de Swift et dans ses "Voyages" (Cahiers du Sud, n344), Eugne Canseliet ajoute ce qui suit :

    Ce langage phontique et universel se manifeste Christian Rosencreutz, ds le premier jour de ses

    Noces chimiques La cabale y apparat incarne dans une femme admirablement belle qui tient, de sa

    main droite, une trompette dor marque dun nom irrvlable et, dans sa main gauche un paquet de

    lettres crites dans toutes les langues. Cest elle encore que dsigne nettement Tophile (sic) Artius,

    dans sonEloge dHenri Khunrath :

    La source de la SOPHIA est limpide, cest la divine CABALEQue les MAGESpossdent avec les encens odorants du pays de SABA,

    A chacun elle donne la VIRIDITE et le SELfusible au nom secret. ]

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    Les deux mers sont encore mentionnes dans un passage de la Sourate de

    la Caverne. Avant de le reproduire, nous devons dire quil prcde

    immdiatement le rcit de la rencontre de Mose avec un mystrieuxpersonnage auquel Mose demande de laccepter pour disciple et de lui

    enseigner un peu de sa science. Lidentit de ce personnage nest pasprcise, mais la tradition nous a conserv son nom : al-Khidr, ou al-

    Khadir, cest--dire le Vert11

    . Cest lui qui dispense linitiation ceux

    qui la reoivent directement du monde cleste. Mose, dailleurs, ne peut

    rester longtemps avec lui, faute de comprendre le sens de ses actions.

    Pour revenir au sujet qui nous occupait, voici donc les quelques versets

    qui prcdent ceux o est relate la rencontre de Mose et dal-Khidr :

    Et Moise dit son compagnon (Josu) : je naurai de cesse quejaie atteint le confluent des deux mers, duss-je y mettre des

    annes.

    Ils parvinrent au confluent des deux mers ; ils oublirent leur

    poisson (ht), qui schappa et prit le chemin de la mer.

    Ils poursuivirent leur chemin ; Mose dit son compagnon : sers-

    nous notre repas, nous sommes fatigus de notre voyage.

    Son compagnon dit : as-tu vu ? Lorsque nous nous sommes arrtsprs du rocher, je nai plus pris garde au poisson. Il ny a que

    Satan qui ait pu me le faire oublier. Il a pris le chemin de la mer ;

    cest trange.

    Cest ce que nous voulions, dit Mose, et ils retournrent sur leurs

    pas. (Coran : 18 ; 59-63.)

    Il est question dans ce passage dun certain poisson, en des termes vrai

    dire assez mystrieux. Rien ne nous permet didentifier ce poisson aveccertitude ; mais rien ne nous interdit de penser quil sagit l du poisson

    connu sous le nom de poisson de Mose (samak Ms) ; or ce poisson

    nest autre que la sole, ce qui confirme en quelque sorte le caractre

    solaire attribu Mose en Islam, caractre que lui reconnat la

    cosmologie traditionnelle qui lui assigne le sixime ciel (ciel de Jupiter).

    Nous avons dj dit que le laurier tait galement mis en relation avec

    Mose. Dautre part, ce poisson oubli au confluent des deux mers

    nous renvoie la racine HJR dont nous avons vu quelle en dsignait la

    11 Sur ce trs important personnage, les rfrences sont multiples, mais il importe de consulter Corbin :

    Imagination cratrice, op. cit., pp. 48 sq.

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    limite, donc la pierre (hajar), et de l, pourquoi pas, au poisson saint-

    pierre. On sait que le saint-pierre, encore appel poisson de Saint-

    Christophe, poule de merou dore, porte le nom savant deZeusfaber(cequi renvoie dune autre manire Jupiter), en souvenir de la lgende

    selon laquelle Saint Pierre aurait trouv une pice de monnaie dans labouche de ce poisson en un moment o il en avait besoin. Terminons ces

    considrations en remarquant quune autre varit de poisson osseux, lecoq de mer ou dore des Indes, est appel le gal. En Provence, cest

    dailleurs le saint-pierre lui-mme qui est le gal.12

    Le lecteur voudra bien

    convenir que, bien quapplique des langues fort diffrentes, la Cabale

    fournit ici un faisceau convergent dindices difficilement rcusables. Cela

    peut paratre tonnant de prime abord. A la rflexion, toutefois, nous y

    voyons une confirmation du principe fondamental de la Cabale, qui est

    que des ides semblables tendent sexprimer par des sons semblables,

    ou, si lon prfre, que des rapports dides doivent avoir dune manire

    ou dune autre leur reflet dans des rapports de mots. Lunit de tradition

    qui, par-del toutes les diffrences, a toujours exist spirituellement entre

    gens du Livre et gographiquement entre peuples de la Mditerrane,suffit expliquer des similitudes dont la conscience a pu sattnuer avec

    le temps, mais dont il est toujours possible de retrouver des traces soit

    dans les textes sacrs ou hermtiques, soit dans la mmoire des peuples,

    et la source desquelles on doit pouvoir remonter, non par vain jeu

    intellectuel, mais parce que ces lignes dEdouard Schur, qui datent de

    1926, nont rien perdu aujourdhui de leur actualit 13 :

    Seule la certitude de lAme immortelle peut devenir une base

    solide de la vie terrestre et seule lentente des grandes Religions,

    par un retour leur source commune dinspiration, peut assurer la

    fraternit des peuples et lavenir de lhumanit.

    A. A.

    12 [Le jeu dallusions dont il est question ici nest gure comprhensible sans rfrence Fulcanelli : Le

    Mystre des Cathdrales, Pauvert, 1977, pp. 196-197, o il est question de la galle fournie par le chne,

    de gallus (coq), de gala (lait), et de leurs rapports avec le Mercure, matire de la Pierre.]13 Edouard Schur : Les grands Initis, prface ldition de 1926, Paris, Librairie acadmique Perrin,

    1960.