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Les cahiers du CERGOR centre d'étude et de recherche en gestion des organisations et ressources humaines NUMÉRO 02/03 SEPTEMBRE 2002 Responsable de la publication J.F. AMADIEU, Professeur à l'Université Paris 1

Sources et mesures du stress au travail

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Les cahiers du CERGORcentre d'étude et de recherche en gestion des organisationset ressources humaines

NUMÉRO 02/03SEPTEMBRE 2002

Responsable de la publicationJ.F. AMADIEU, Professeur à l'Université Paris 1

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Coordination des cahiers du CERGOR : Alice Le Flanchec, Université de Paris 1, Ges-tion Sorbonne, 17 rue de la Sorbonne, 75231, Paris cedex 05. Téléphone : 0140462874,[email protected]

Les cahiers du CERGOR sont disponibles au prix de 8 euros le numéro (chèque à l'ordrede l'agent comptable de l'Université de Paris 1)

Les cahiers du CERGORNuméro 02/03 - septembre 2002

Université Paris 1 Panthéon SorbonneDirecteur de publication : J.F. AMADIEU

Sources et mesures du stress au travail,quelles nouvelles voies de recherche

envisager ?

CLAIRE EDEY GAMASSOU

TABLE DES MATIÈRES

Introduction ................................................................................................. 3Revue de littérature ................................................................................... 3Les sources de stress ............................................................................................. 7Les échelles de mesure ......................................................................................... 8Une étude exploratoire sur le stress des cadres ....................................... 9Hypothèses et méthodologie ................................................................................ 9Caractéristiques de l’échantillon ...................................................................... 10Tests des hypothèses ........................................................................................... 11Apports complémentaires ................................................................................... 12Le test du modèle de Karasek ............................................................................ 12Conclusion ................................................................................................. 13

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Sources et mesures du stress au travail, quelles nouvelles voies de recherche envisager ?

Sources et mesures du stress au travail, quelles nouvelles voies de recherche envisager ?

Claire Edey Gamassou

Introduction

Le stress est devenu un marronnier de lapresse grand public de divertissement, de santéou sur la vie des entreprises. Ce terme faitpartie du langage courant, familier. On y as-socie de nombreux phénomènes, tant et si bienqu’il pourrait être, à en croire ces médias, lasource et la conséquence de tous les maux dela vie moderne, en particulier en entreprise.

En sciences de gestion, c’est un terme ap-paru il y a une trentaine d’années. C’était aupa-ravant un concept propre aux sciences physi-ques (mécanique), biologiques (biochimie,médecine) et à la psychologie (psychosoma-tique).

C’est un concept “ valise ” ou “ enveloppe ”,c’est-à-dire qu’il recouvre d’autres conceptset les remplace.

Le stress au travail a été étudié selon deuxapproches principales très différentes. L’écoleaméricaine est de tradition behavioriste, posi-tiviste dans son positionnement épistémolo-gique et plutôt quantitativiste dans ses métho-des. L’école française s’inscrit dans un cou-rant s’inspirant des travaux faits en psychana-lyse, tel que la psychopathologie et lapsychodynamique du travail. Même si cesdeux derniers courants de recherche excluentle terme de stress, elles ont apporté beaucoupà la recherche sur ce sujet. En effet, le stressappartient au domaine de la souffrance physi-

que et psychique et se rapproche ainsi de nom-breuses autres notions.

Le stress des cadres est un sujet particuliè-rement médiatisé, malgré les travaux deCHANLAT (1986) mais malgré aussi l’ensem-ble des statistiques institutionnelles sur les iné-galités de santé qui montrent que la catégoriedes cadres est celle qui bénéficie de la plus grandeespérance de vie et de la meilleure santé.

Dans un premier temps, nous verrons avecla revue de littérature que plusieurs modèlesthéoriques on été établis pour expliquer lestress et que différentes sources et symptômesont été mis en évidence. Puis nous présente-rons l’étude que nous avons faite sur un échan-tillon de cadres. En conclusion, nous envisa-gerons les pistes de recherche qui nous pa-raissent pertinentes sur le stress au travail.

Revue de littérature

Les modèles théoriques

En 1936, Hans Selye, jeune médecin phy-siologiste canadien, publie un article dansNature où il décrit l’ensemble des réponsesnon spécifiques, c’est-à-dire susceptibles dese reproduire à l’identique malgré la diversitédes formes d’agression, provoqué par un agentagressif physique sur l’organisme. Il définitainsi en 1956 le “ syndrome général d’adap-tation ” (S.G.A.).

Le stress est devenu depuis la fin du XXème siècle un terme très couramment utilisé pour nom-mer les souffrances dues au mode de vie urbain occidental. Dans le monde du travail, la priseen compte du stress aux différents niveaux de la hiérarchie des entreprises a commencé àprendre une place dans l’approche de la gestion des hommes, sans cependant que cela mène àune remise en cause des modes de gestion traditionnels.Le stress professionnel est un objet de recherche pour différentes disciplines de sciences socia-les. De nombreux modèles et de nombreuses échelles de mesure ont été élaborées pour étudierles causes et effets du stress. La gestion des ressources humaines doit envisager des voies derecherche propres qui permettent de comprendre le phénomène et de construire des réponsesappropriées dans l’intérêt des hommes et des organisations dans lesquelles ils agissent.L’objet de cet article est donc de présenter les bases théoriques des études sur le stress et uneétude exploratoire sur le stress des cadres afin de pouvoir appréhender ces nouvelles voies derecherche.

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A cette époque le terme de stress n’a pasencore de connotation biologique. Selye ledéfinit comme “ l’état se traduisant par unsyndrome spécifique correspondant à tous leschangements non spécifiques ainsi induits parun système biologique ”, c’est la “ somme detous les effets non spécifiques de facteurs (...)pouvant agir sur l’organisme ”. Le stress estdonc une réponse biologique de l’organisme,identique et identifiée. Si les effets du stresssont bons, stimulants et permette une bonneadaptation chez le sujet, on parle d’eustress,s’ils sont mauvais et causent des dommagespour l’individu, on parle de distress.

Le syndrome d’adaptation général comportetrois phases. L’alarme ou réaction d’alerte, quiconsiste en deux phases, la résistance et l’épui-sement. Elle est composée du choc (état desurprise à l’agression soudaine) et du contre-choc (mise en jeu de moyens de défense). Larésistance est une adaptation à l’agent stresseurqui peut mettre en oeuvre les mécanismes ner-veux, hormonaux et immunitaires. L’épuise-ment apparaît quand l’organisme ne parvientplus à s’adapter aux stimuli et donc quand lesmécanismes des deux premières phases sontinsuffisants : l’organisme se relâche.

Illustration 1Le syndrome d’adaptation général, tiré de SELYE (1979)

TURCOTTE et WALLOT (1979) ont décritun stress psychique, c’est-à-dire une réactionde mobilisation psychique de la personne enface d’un situation stressante. Ce stress psy-chique ne serait pas forcément toujours dé-clenché suite à un stresseur physique. En re-

vanche, un stresseur psychique suscite desmobilisations psychiques mettant en jeu unprocessus de gestion de l’information. Le sys-tème nerveux central joue un rôle primordialdans les réponses de l’individu aux agressionsexternes.

Illustration 2Mécanisme du stress psychique, tiré de TURCOTTE et WALLOT (1979)

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Dans son article fondateur du modèle destensions mentales, KARASEK (1979) expli-que qu’il n’utilise pas le terme de stress car sarecherche ne le mesure pas directement. Eneffet, il définit plutôt trois termes liés au stress: une variable indépendante qui mesure lessources de stress et qu’il appelle les exigen-ces professionnelles ou contraintes (jobdemands), une variable qui mesure la latitudede décision appelée le contrôle sur le travailou pouvoir (job control) et une variable de ten-sions mentales (job strain). La recherche deKarasek est parti du constat selon lequel lesrecherches sur les latitudes de décisions in-cluaient rarement des éléments sur les exigen-

ces professionnelles et vice et versa. Il a étu-dié des données provenant de deux sources,l’une sur des travailleurs américains et l’autresur des travailleurs suédois1 .

Karasek a d’abord proposé un modèle bi-dimensionnel de gestion du stress des contrain-tes au travail. Les dimensions du modèle sontles demandes auxquelles l’individu doit faireface et la latitude de décision dont dispose l’in-dividu. Ce modèle a donc une certaine proxi-mité avec une conception du stress en termede déséquilibre entre les exigences (les deman-des) et les ressources (les latitudes de déci-sion). A partir de ces deux dimensions, quatresituations de travail sont définies.

Illustration 3Les exigences psychologiques et physiques par rapport au degré d’autonomie dedécision, tiré de KARASEK (1989)

EXIGENCES PSYCHOLOGIQUES OU PHYSIQUES

DEGRÉ D'AUTONOMIE DE DÉCISION

risque de tension psycholo-gique et de maladiefaible

fortefaible forte

haute tension

Illustration 4Interaction entre la latitude de décision et les demandes de travail,tiré de KARASEK (1979)

LATITUDE DE DÉCISION

DEMANDES DE TRAVAIL

basse

basse

élevée

élevée

travail passif travail à haute tension

travail à basse tension travail actif

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Les tensions mentales apparaîtraient dans lessituations de faible degré d’autonomie et dedécision et de fortes exigences psychologiquesou physiques.

La situation de travail actif serait source desatisfaction tandis que celle de travail passifserait source d’insatisfaction.

L’intérêt de ce modèle selon l’auteur est dedistinguer demandes et latitudes de décisionqui ne sont en fait que rarement corrélées (con-trairement à une acceptation théorique selonlaquelle l’autorité irait avec la responsabilité).

Le modèle bi-dimensionnel des tensionsmentales déterminées par les tensions dues autravail a été établi et validé. Il conclut à la né-cessité de donner plus de latitude de décisionà ceux qui en ont peu et qui subissent des con-traintes élevées afin de les rendre plus actifset donc efficaces. Karasek ajoute que cetteconclusion contredit complètement le modèletaylorien reposant sur la séparation décision/exécution.

La deuxième version du modèle de Karasekest tri-dimensionnelle. Aux deux premièresdimensions, KARASEK et THEORELL(1990) ajoutent la perception que le travailleura du support social existant au travail. La pré-sence des relations de support aurait un effetpositif, modérateur en cas de contraintes et leurabsence ou la présence de relations conflictuel-les auraient un effet nocif dans le même cas.

HELLEMANS et KARNAS (1999) souli-gne qu’il peut être critiquable de s’appuyersur les résultats des études de Karasek dansson article fondateur pour discuter des quali-tés métriques de l’outil utilisé. En effet, lenombre d’items de chaque dimension ainsi quela formulation de ces items ne sont pas lesmêmes dans les questionnaires utilisés dansles deux recherches. Ils ont donc entrepris detester le modèle d’un point de vue interne etexterne. Ils ont cherché à savoir si la structurefactorielle du questionnaire est bien celle dé-finie par Karasek et si les liens entre les di-mensions sont également vérifiés. L’étude aporté sur 339 sujets d’une compagnie d’assu-rance bruxelloise entre 35 et 59 ans contactéspar courrier. Le questionnaire utilisé comporte23 items fermés à évaluer sur une échelle àquatre niveaux. Les tensions mentales ont étémesurées au travers du stress perçu et de lasatisfaction au travail.

L’étude fait apparaître, du point de vue dela validité externe, que les hypothèses deKarasek quant aux relations entre les latitu-

des de décision et les demandes de travail sontvérifiées par rapport au stress perçu mais nele sont pas par rapport à la mesure de la satis-faction perçue.

Les auteurs concluent à la nécessité de pré-ciser les notions de “ tensions mentales ” dansle modèle. Karasek les définit comme la non-satisfaction au travail, l’humeur dépressive, lessymptômes physiques du stress, les problèmesde sommeil. Hors, deux de ces indices don-nent des résultats différents par rapport aumodèle. Il faut donc s’interroger quant au faitde réunir ces réalités psychiques différentessous une même notion.

Les auteurs concluent qu’il importe d’ap-porter une attention particulière dans la dé-marche de recherche à la sémantique et à laformulation claire des items par rapport auxconcepts et à leur unité. Ils concluent aussiqu’il faut poursuivre le travail sur la structuredu questionnaire de Karasek afin de ne pasutiliser une version qui simplifierait la réalitéet en donnerait une image fausse.

Le modèle de KET DE VRIES (1979),comme celui de Turcotte, vise à expliciter lesinteractions qui existent entre les agents destress et les réactions à celui-ci, en tenantcompte de l’effet de certaines variables mé-diatrices. Ils identifient trois dimensions auphénomène de stress : les stresseurs ou fac-teurs de stress, les variables médiatrices et lesréactions au stress - au niveau individuel etorganisationnel -. Les stresseurs mettent en jeudes variables organisationnelles, des variablesinterpersonnelles et des variables de carrière.

Chanlat a développé sa perspective du stressprofessionnel en retenant les travaux anglo-saxons ayant une approche organisationnelleet en s’inspirant des travaux francophones surla santé au travail, l’ergonomie, lapsychodynamique. Il a introduit la notion dereconnaissance, empruntée à la psycho-dyna-mique, aux travaux anglo-saxons, et la notionde mode de gestion dans les travaux franco-phones. Le mode de gestion est “ l’ensembledes pratiques managériales mises en place parla direction d’une entreprise ou d’une organi-sation pour atteindre les objectifs qu’elle s’estfixés ” (CHANLAT, 1999). Dans la concep-tion du stress professionnel selon Chanlat, lemode de gestion décide de la charge de tra-vail (avec ses composantes physique, cogni-tive et affective) et du degré d’autonomie dontdispose l’individu pour faire face à cettecharge. L’ensemble des relations qui lient ces

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éléments ainsi que les données spatiales ettemporelles sont déterminants dans l’appari-tion du stress professionnel. Chanlat montrequ’il est possible de réduire le stress dans lesorganisations en remettant en cause le modede gestion. Un certain nombre de mesures (re-valorisation des tâches, polyvalence de la maind’œuvre, aménagement des horaires afin d’ac-croître l’autonomie et la flexibilité sans augmen-ter la précarité) pourraient redonner à l’individuau travail la capacité de faire face aux exigencesphysiques et psychologiques dues au travail.

Ces modèles, comme celui de McLEAN(1976) (modèle à trois dimensions : agent destress, vulnérabilité, contexte) ou comme celuitrès complet de COOPER (1986, voir plus loin),dépasse les approches en terme de causalité li-néaire entre agents de stress et réaction au stress.

On retiendra donc la définition deLAZARUS et FOLKMAN (1984) selon quile stress ne réside ni dans la situation ni dansl’individu mais dans la transaction entre l’in-dividu et la situation. Dans une approcheinteractionniste, ils définissent le stress commele résultat d’une interaction entre l’individuet son environnement. Trois éléments rentrentalors en jeu dans ce phénomènes, éléments quisont autant de phases nécessaires à l’appari-tion du stress : un stimulus, une activité co-gnitive de perception et d’interprétation de cestimulus par l’individu et enfin, une réponsede l’individu. Le stress est donc “ une rela-tion particulière entre personne et environne-ment que la personne considère difficile à sup-porter ou dépassant ses ressources propres aupoint de mettre son bien-être en péril ”(LAZARUS et FOLKMAN, 1974). Quandl’individu voit son bien-être mis en danger parun demande excessive de ressources, il a re-cours à deux médiateurs : la phase d’appré-ciation (LAZARUS, 1966), appelée aussi dejugement de la menace (COOPER, 1981) etle coping, c’est-à-dire la capacité à faire faceou la mise au point de stratégies d’ajustement.

Sources de stress et échelles de mesure

Les sources de stressOn a vu que les modèles théoriques du stress

professionnel sont nombreux. Ils ont tous misen évidence des sources de stress. Ces sour-ces sont de différentes natures comme l’illus-tre bien le modèle de Cooper.

D’autre part, la notion de stress a connu ungrand succès en psychologie car elle a servi àcette discipline pour essayer de corréler les évè-

nements psychologiques avec leurs fondementset conséquences physiologiques. En médecine,la question d’une corrélation entre évènementscourants de la vie quotidienne et la maladie seposait depuis longtemps. Des étudesépidémiologiques ont mis en évidence un liendès les années cinquante (Kissen, Howkins etHolmes sur l’apparition de la tuberculose).

Certaines études ont porté sur les agentsstresseurs ou facteurs de stress, aboutissant àl’établissement de liste d’évènements stres-sants (RAHE et HOLMES, 1967 ; PAYKEL,1987), tandis que d’autres ont porté sur lestraits de la personnalité ou profils de vulnéra-bilité (FRIEDMANN et ROSENMANN, 1971et 1974), répertoriant les comportementsstressogènes et définissant des types d’indi-vidu selon leur sensibilité au stress. Le com-portement de Type A, caractérisé par la vo-lonté de contrôler son environnement (agres-sivité, combativité, impatience, ambition,compétitivité) serait pathogène car associé àde nombreux facteurs de risques (hyperten-sion, cholestérol, tabac) et à deux fois plus demaladies cardio-vasculaires (angine, infractus,troubles coronariens) que le Type B, caracté-risé par la patience, la décontraction, le calme,un faible esprit de compétition et l’absence desentiment d’urgence.

Certains chercheurs soulignent l’influencedu management dans les comportements.L’exigence de sur-performance dans les en-treprises en situation fortement concurrentielleencourage des comportements propres au TypeA. OUIMET (1994) appelle travaillomanie lecomportement consistant dans la recherche del’estime d’autrui par le dépassement de soi autravail. LARDERA (1994) utilise le termeaméricain de workaholic, bourreau ou droguéde travail. Le terme d'ergomane a fait récem-ment son apparition dans la littérature franco-phone canadienne. AUBERT et GAULEJAC(1991), qui utilisent peu le terme de stress dansleur ouvrage commun, associent l’épuisementprofessionnel - appelé aussi décompensationmentale, combustion interne, traduction deburn out - au type de management qui fondeson action sur la notion d’excellence et sur larencontre entre le système imaginaire de l’in-dividu et le système organisationnel de l’en-treprise. L’excellence prend un nouveau sens,empreint d’absolu (il faut toujours faire plus)et la poursuite par l’individu de cet objectiftoujours réévalué est porteuse de forts risquespour la santé physique et mentale.

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Illustration 5Modèle graphique du stress professionnel, tiré de COOPER, (1986)

Les échelles de mesure

De nombreuses échelles existent pour me-surer les potentialités d’apparition de réactionscaractéristiques du stress autant que pour me-surer des états de stress. Nous allons en pré-senter quelques unes.

Le questionnaire de l’Hopital Middlesex(Middlesex Hospital Questionnaire, M.H.Q.),utilisé par COOPER (1984), mesure la santémentale. Il est notamment composé de troissous-échelles mesurant la dépression, l’anxiétéet les tendances psychosomatiques.

L’échelle de satisfaction professionnelle (JobSatisfaction Scale, CAPLAN, COBB etFRENCH, 1975), également utilisée par COO-PER (1984), permet de mesurer l’insatisfac-tion au travail en six items.

Le questionnaire sur le stress professionnelde Cooper (Cooper Job Stress Questionnaire,COOPER, 1981) mesure le stress.

Le coping ou capacité à faire face peut êtremesuré par le questionnaire de STEINMETZ(1979) et les manifestations du stress peuventaussi être mesurée par des questionnaires surles symptômes psychosomatiques (GURIN,

VEROFF et FELD, 1960). Ces deux derniè-res échelles ont été utilisées par COOPER etDAVIDSON (1984).

Le comportement de Type A peut être me-suré par l’échelle de BORTNER etROSENMAN (1967) (Type A Behavior Ques-tionnaire) composé de quatorze échelles sé-mantiques bi-polaires et de onze échelles deLikert ou par les seize sous-échelles du ques-tionnaire de la personnalité (16 PersonalityFactor Questionnaire, 16PF).

Les sources de stress peuvent être mesuréespar le questionnaire de Marshall et Cooper surles pressions et les satisfactions profession-nelles (Marshall and Copper Job Pressure andSatisfaction Questionnaire, COOPER etMARSHALL, 1979).

La santé psychologique peut aussi être me-surée par le questionnaire des habitudes detensions nerveuses de l’école de médecine del’université John Hopkins (Habits of NervousTension Questionnaire, H.N.T.Q.) qui mesurel’état de santé émotionnelle.

Ces quatre dernières échelles ont été utili-sées par COOPER et MELHUISH (1980).

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Toutes ces échelles consistent en des échel-les de Likert.

Hugo D’HERTEFELT (1994) a étudié laquestion de la mesure du stress. La complexitédu phénomène de stress et la multiplicité desfacteurs et des effets à observer rendent diffi-ciles la construction et l’utilisation d’une mé-thode simple et valable de mesure du stressau travail. Selon lui, en se limitant aux cir-constances de travail et à la situation des per-sonnes, le chercheur peut trouver des infor-mations sur les sources potentielles de stressd’une part et sur les réactions possibles destress des individus d’autre part. La questionde l’objectivité et de la subjectivité des mesu-res est également importante. SelonD’Hertefelt, les mesures objectives nécessi-tent l’observation et l’enregistrement des pa-ramètres physiques, psychosociaux et physio-logiques tandis que les mesures subjectivesportent sur les expériences et opinions despersonnes et ne peuvent être mises en évidencequ’au moyen d’un questionnaire. En matièrede stress, seraient alors mesurables les carac-téristiques ergonomiques et sociotechniquesdu travail, les réactions physiologiques et bio-chimiques des personnes, le vécu du travail etle vécu de la santé.

Le stress au travail n’étant pas directementmesurable, les chercheurs se limitent donc àmesurer par les méthodes existantes les sour-ces de stress et les réactions dues au stress.Les informations rassemblées par les instru-ments de mesure existants permettent d’énon-cer des constatations sur les circonstances detravail et les conditions dans lesquelles se trou-vent les personnes. Ces informations semblentd’ores et déjà suffisantes pour pouvoir élabo-rer des actions préventives et susciter des amé-liorations si nécessaire.

Nous allons présenter ci-après une étude.Son objet n’était pas de donner lieu à la miseen oeuvre de préconisations et donc d’actionspréventives ou visant à améliorer la situationde gestion mais plutôt d’essayer de compren-dre les mécanismes du stress au travail.

Une étude exploratoire sur le stressdes cadres

Présentation de l’étude

L’objet de recherche choisi est le stress descadres. Le sens commun considère que lescadres sont plus concernés par le stress que

les autres catégories de salariés car leurs res-ponsabilités sont plus importantes, qu’ils sontplus soumis à des pressions diverses et tra-vaillent plus. Nous avons voulu savoir ce qu’ilen est réellement mais surtout plus précisé-ment, nous avons voulu savoir si le stress descadres est essentiellement dû à leur travail.

Notre problématique se présente alors sous laquestion de recherche suivante : quelle est la partdu stress des cadres due au contexte de travail ?

Hypothèses et méthodologie

Nous avons formulé des hypothèses quenous avons essayé tester.

Le premier type d’hypothèses vise à répon-dre à notre problématique de recherche.

H.1.1.1. Il existe des sources personnellesde stress.

H.1.1.2. Il existe des sources organisation-nelles de stress.

H.1.2. Ces sources se cumulent et créent lephénomène de stress.

H.1.3. Les sources organisationnelles cons-tituent la principales cause de stress.

Le deuxième type d’hypothèses consiste àvérifier des conclusions de recherches avan-cées, en particulier celles sur le modèle deKarasek et des recherches comparatives surles cadres féminins et masculins.

H.2.1. Si en même temps l'autonomie est fai-ble et que les contraintes sont fortes, alors leniveau de stress est élevé.

H.2.2. Les femmes ont des niveaux de stressplus élevés que leurs homologues masculins

H.2.3. Les femmes ressentent des discrimi-nations à leur égard.

H.2.4. Les femmes souffrent plus de l’inter-face famille-travail.

H.2.5. Les femmes ont plus tendance à faireface au stress en parlant à leurs proches.

Nous avons choisi d’utiliser une méthodequantitative. Cette méthode a consisté dansl’élaboration d’un questionnaire portant sur lessources potentielles de stress et les états desanté des cadres interrogés, puis au recueil dedonnées et enfin à l’analyse des données.

Les échelles de mesure utilisées par Coo-per, Karasek et Stora ont servi de base à laconstruction d’échelles particulières qui s’ins-pirent des variables et dimensions établies parces chercheurs. Les travaux de STORA (1993et 1999) et de HELLEMANS et KARNAS(1999) en particulier ont permis d’utiliser destraductions existantes. Le questionnaire éla-boré pour l’étude comporte 241 items regrou-

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pés en 14 indicateurs auxquels s’ajoutent desvariables nominales regroupées par thèmes (aunombre de cinq). 191 questions sont des échel-les de Likert à quatre niveaux (pas d’accord,plutôt pas d’accord, plutôt d’accord, d’accord).

Trois dimensions ont été distinguées : lasanté de l’individu, la dimension individuelleet la dimension organisationnelle.

La dimension de santé permet de diagnosti-quer l’état de stress de l’individu. Elle com-porte deux indicateurs : l’état de santé physi-que et l’état de santé psychologique. Cette di-mension mesure l’état d’énervement, de dé-prime, de confiance en soi du cadre.

La dimension individuelle permet de mesu-rer les données relatives aux caractéristiquespropres à l’individu, c’est-à-dire à la fois desdonnées nominales (situation de vie, forma-tion, responsabilités hors travail, évènementsrécents - échelle inspirée de celle de Rahe etHolmes - ) et des données quantitatives (sou-tien familial, réponse aux difficultés, épanouis-sement, attitude par rapport à la vie - c’est-à-dire détermination du type de profil de vulné-rabilité).

La dimension organisationnelle mesure lesdonnées propres à l’organisation et à la fonc-tion de l’individu au travail, au contexte detravail. Elle comporte elle aussi des donnéesnominales (situation de l’individu dans sa car-rière, situation de l’entreprise, évènementsrécents au travail, contenu du travail, horai-res) et des données quantitatives (autonomiedans le travail, dans la relation au travail, en-vironnement relationnel de travail, satisfactionet intégration, soutien des supérieurs, collè-gues, subordonnés, pressions, perspectivesd’évolution, pression du temps, dérangement,charge de travail, intérêt du travail).

La dimension de santé est la variable dépen-dante et les dimensions individuelle et orga-nisationnelle sont les variables indépendantes.

Le choix de l’échantillon est le résultat d’unconstat et d’un opportunité.

Un constat, celui du fait que le stress est unsujet tabou en entreprise. On en a déduit que lesindividus interrogés en parleront d’autant plusfacilement qu’ils sont interrogés dans le cadred'une relation extérieure au contexte de travail.

Une opportunité : celle qui m’a permis d’ac-céder aux adresses électroniques d’un certainnombre d’anciens élèves d’une grande écolede commerce de Paris.

Nous avons donc choisi l’échantillon et lemoyen de collecter les données suite à ce cons-

tat et à cette opportunité.Plus de 775 diplômés de la même école de

commerce appartenant aux promotions 1988à 1993 ont été contactés par voie électroni-que. 53 réponses ont été retenues, dont 16 sontparvenues par voie postale. Le taux de retourest donc de 6% sur une durée de collecte dedonnées de six semaines.

Les échelles de mesure ont été épurées avantanalyse selon certains critères. Ont été rete-nues les échelles dont la structure est telle queles tous les items ont une variance suffisante(valeurs propres supérieures à 1) et telles queles variables sur les axes ont un poids facto-riels supérieur ou égal à 0,5 sur un unique axe.

La fiabilité de la cohérence interne est me-surée avec l’alpha de Cronebach qui doit êtresupérieure ou égale à 0,6.

Ainsi, après identification des axes facto-riels, les nouveaux facteurs retenus au finalcomportent au total 93 items composant 30axes factoriels repartis selon les trois dimen-sions initiales du modèle.

Caractéristiques de l’échantillon

Les caractéristiques de l’échantillon sonttelles que 55,8% des cadres ayant répondu sontdes hommes pour 44,2% de femmes. Lamoyenne d’âge est de 33 ans avec unemoyenne d’environ 9 ans d’ancienneté dansle monde du travail (écart-type : 2 ans et demi)et 5 ans dans l’entreprise où ils travaillent ac-tuellement (écart-type : 3 ans). Ils ont à 85%suivi une classe préparatoire dans leur cursusde formation initiale et sont à plus de 92% encontrat à durée indéterminée. Plus de 80% tra-vaillent dans une entreprise privée qu’ils n’ontpas créée, la moitié dans une structure de plusde 1000 salariés et 21% au siège social de leurentreprise (pour 39,5% dans la filiale d’ungrand groupe et la même proportion dans unePME). Le secteur le plus représenté est celui dela finance et de l’assurance avec 12% de l’échan-tillon y ayant son activité professionnelle et lesfonctions les plus représentées sont celles de di-rection et de vente avec chacune 8% de l’échan-tillon. Mais l’échantillon est composé de cadresexerçant plus de dix fonctions différentes dansplus de onze secteurs différents.

Près du tiers d’entre eux a des responsabili-tés en dehors du travail (et de la famille : as-sociation, etc.).

45% travaillent à Paris, 35% à l’étranger et20% en province. Ces deux dernières réparti-tions vont nous permettre d’explorer de nou-

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DIMENSION ÉTAT DE SANTÉ

État de santé physique 1 État de fatigue 5 0,8459État de santé physique 2 Alimentation et sommeil 2 0,6190État de santé physique 3 Fourmillements et picotements 2 0,8544État de santé physique 4 Troubles musculo-squeletiques 2 0,7072État de santé psychique Stress psychique 5 0,7774DIMENSION PERSONNELLE

Vie privée 1 Interface vie de couple 3 0,5633Vie privée 2 Soutien familial et affectif 2 0,4963Vie personnelle 1 Loisirs 3 0,7274Vie personnelle 2 Soutien amical 2 0,7878Attitude par rapport à la vie 1 Compétitivité 3 0,7744Attitude par rapport à la vie 2 Anxiété 3 0,7286Attitude par rapport à la vie 3 Exigences 2 0,7655Attitude par rapport à la vie 4 Rapport au temps 3 0,7064DIMENSION ORGANISATIONNELLE

Autonomie 1 Autonomie poste de travail 5 0,8848Autonomie 2 Autonomie et procédures 4 0,6524Satisfaction et intégration 1 Management de l’organisation 3 0,7844Satisfaction et intégration 2 Communication 2 0,6951Satisfaction et intégration 3 Ambiance 3 0,8064Soutien social 1 Encadrement reçu 4 0,7924Soutien social 2 Soutien professionnel 4 0,8596Soutien social 3 Support social 3 0,7186Perspective de promotion 1 Perspectives de progression 5 0,6726Perspective de promotion 2 Instabilité 1Pression du temps 1 Pression du temps 5 0,8393Pression du temps 2 Polychronie 2 0,7159Dérangement 1 Contradictions et incertitudes 4 0,6548Dérangement 2 Gestion du temps 3 0,6573Charge de travail Situations internes difficiles 2 0,6342Intérêt du travail 1 Développement des compétences 4 0,7338Intérêt du travail 2 Utilisation des compétences 2 0,6644

INDICATEUR FACTEUR RETENU NOMBRE D’ITEMS ALPHA DE CRONEBACH

Dans la dimension état de santé, les indica-teurs 1 et 3 - état de fatigue et fourmillements-picotements - de l’état de santé physique sontsignificativement positivement corrélés auniveau 0,01 à l’indicateur de santé psychique(corrélation de Pearson égale à 0,639 et 0,361).De même les indicateurs 1, 3 et 4 (troublesmusculo-squeletiques) de santé physique sontcorrélés entre eux (indicateur 1 et indicateur3: 0,575, indicateur 1 et indicateur 4 : 0,447,indicateur 3 et indicateur 4 : 0,381, à 0,01 designification).

Les sources personnelles telles que les exi-gences propres au profil A (attitude par rap-port à la vie 3) et le fait d’occuper des respon-sabilités en dehors de son activité profession-nelle sont corrélés positivement entre eux (auniveau de signification 0,001, corrélation dePearson égale à 0,439). De même, le faitd’avoir fait un classe préparatoire est corréléà la caractéristiques d’exigence élevée du pro-

fil A (0,348). On trouve également une corré-lation entre le fait d’avoir fait une classe pré-paratoire et le fait d’exercer d’autres respon-sabilités (0,388).

Résultats

Tests des hypothèsesLes sources organisationnelle telles que les

échéances dans le travail sont liées de façonsignificative à l’état de santé physique danstrois de ses dimensions.

Échéances F Significationdans le travail

Troublesmusculo-squeletiques 24,7 0,004

Fatigue 6,0 0,002

Fourmillements 3,5 0,022

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Sources et mesures du stress au travail, quelles nouvelles voies de recherche envisager ?

Les indicateurs de l’état de santé physique1 et 3 (fatigue et fourmillements) sontsignificativement négativement corrélés àl’importance des échéances dans le travail auniveau 0,01 (corrélation de Pearson égale à-0,512 et -0,368).

Le fait d’avoir des enfants est négativementcorrélé au stress psychique (corrélation dePearson = -0,355 au niveau 0,05 de significa-tion).

Enfin, le profil A (attitude par rapport à lavie) est positivement corrélé au stress psychi-que (F=41,8, signification inférieure à 0,001).

Il existe donc bien des sources personnelleset des sources organisationnelles de stress quipeuvent se cumuler et créer le phénomène destress. En revanche, il ne semble pas que lessources organisationnelles constituent la prin-cipales cause de stress.

Des différence significatives ont été trouvéesentre les cadres féminins et masculins quant àl’état de stress psychique (F=50,2, significa-tion = 0,005).

Les femmes ont donc bien des niveaux destress plus élevés que leurs homologues mascu-lins

En revanche, il n’est pas apparu que les fem-mes ressentent des discriminations à leurégard, ni qu’elles souffrent plus de l’interfacefamille-travail ou qu’elles ont plus tendance àfaire face au stress en parlant à leurs proches.

Apports complémentaires

Les cadres ayant occupé des responsabili-tés associatives durant leur scolarité présen-tent plus que les autres des caractéristiquesd’exigences propres au profil A (F=7,5, signi-fication =0,008), de même que ceux occupantaujourd’hui encore d’autres responsabilités(F=11,9, signification = 0,001).

L’état de santé physique dans sa dimensionde troubles musculo-squeletiques est corréléavec le fait d’occuper d’autres responsabili-tés (F=25,4, signification = 0,001).

Le lieu de travail a, semble-t-il, une influencesur l’état de stress physique dans sa dimen-sion de Fatigue (F=3,3, signification=0,045).L’échantillon ne permet pas de comparer lestrois groupes (Paris, province, étranger) defaçon rigoureuse (différences d’effectif) maisil apparaît que ce sont les facteurs de supportsocial, communication et autonomie par rap-port au poste de travail et, donc, leurs effetssur l’état de fatigue qui jouent un rôle impor-tant dans ces différences selon le lieu de tra-

vail. Le Test de Duncan ne met pas en évi-dence trois groupes homogènes donc pas derelation évidente entre le lieu, le stress et lesagents stresseurs mais il pourrait être intéres-sant d'approfondir cette question.

Le test du modèle de Karasek

Le questionnaire utilisé comprenant notam-ment les items utilisés par Hellemans et Karnaspour leur étude de validation du modèle deKarasek, nous avons pu suivre la démarchede ces chercheurs et comparer nos conclusionsavec les leurs.

Après l’analyse en composantes principa-les avec rotation varimax, nous n’avons pastrouvé la même structure (neuf axes au lieude six) que les auteurs.Nous avons choisi de procéder à une épura-tion des échelles afin d’observer les six axesidentifiés par les auteurs et nous avons pour-suivi selon la démarche décrite par Hellemanset Karnas en construisant une mesure des “ res-sources disponibles ” (réunissant les scoresfactoriels des facteurs de latitude de décision,apprentissage, soutien du supérieur, soutien descollègues auquel on soustrait le score des fac-teurs de pressions et dérangement).Nous avons trouvé que les relations avec les supé-rieurs et les collègues, la quantité de travail et lesoutien professionnel sont significativement liés àla satisfaction au travail.

p<0,01 satisfaction au travail 3

Relations avec les supérieurs 3,115Relations avec les collègues 4,887Quantité de travail 3,041Soutien professionnel 3,456

On trouve une corrélation positive de 0,586avec un risque d’erreur de 0,01 entre l’am-biance et les ressources disponibles du cadre.En revanche, le modèle des tensions mentalesn’est pas confirmé sur l’échantillon.

Ainsi, les variables nominales relatives à ladimension individuelle telles que le sexe, lefait d’avoir des enfants et les traits de la per-sonnalité sont des situations susceptibles deproduire du stress.

Cependant, le lieu de travail, les relationsavec les supérieurs, les échéances et évène-ments importants dans le travail, appartenantà la dimension organisationnelle, sont aussides sources de stress avérées par cette étude.Mais les autres sources organisationnelles destress ne semblent pas jouer de rôle dans l’ap-parition du stress. Le modèle des tensions

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Sources et mesures du stress au travail, quelles nouvelles voies de recherche envisager ?

mentales n’a pas été confirmé. Ce résultat estcependant à relativiser en particulier par rap-port à l’échantillon qui ne permet pas de com-paraisons entre catégories professionnelles.

La faible fiabilité interne de certains facteursn’a pas permis de tester les conclusions d’étu-des examinées (sur la charge de travail horssituations internes difficiles par exemple).

Conclusion

Vers quelles directions les futures études surle stress au travail doivent elles d’orienter ?Quelles études confirmatoires ou causales en-treprendre pour de nouveaux travaux sur lestress professionnel ?

L’étude de sources de stress au travail tellesque l’insécurité (instabilité professionnelle ouorganisationnelle), les relations sociales autravail, en particulier les relations avec la hié-rarchie, avec les supérieurs directs mais aussiavec les collègues, les pressions subies maisaussi le lieu de travail et les sources que lesens commun rend généralement coupables enpremier lieu, la charge de travail et la pres-sion au temps demeurent, malgré un très grandnombre d’études, des objets de recherche iné-puisables.

Mais la perception du stress au travail entant que telle est peut-être un objet de recher-che moins exploré mais tout aussi intéressant.Nous sommes partis, dans l’étude présentée,pour le choix de l’échantillon du constat quele stress est un mot, un sujet tabou dans lemonde du travail. On peut s’interroger sur ce

simple fait supposé. Comment le stress (leterme en lui même, le vécu de chacun, de sonentourage, l’existence et la connaissance decas connus, médiatisés ou non) est-il perçu,parlé dans l’entreprise ? S’il y a réellement untabou , comment cela s’exprime-t-il et com-ment peut-on l'expliquer ?

La connaissance du stress qu’ont les acteursgagnerait sans doute aussi à être sondée.Qu’est ce que les individus entendent parstress, que mettent-ils dans ce mot? Quellessont les caractéristiques d’un évènement stres-sant (KEENAN et NEWTON, 1985) seloneux? Quelles sont les manifestations du stressacceptées comme telles par les concernés ?

On peut aussi s’interroger sur la pertinencesupposée par un certain nombre d’études dela relation entre le stress et l’insatisfaction autravail.

De nombreuses pistes à explorer existentencore en ce qui concerne le stress au travail.Le choix de ses voies de recherche ne sauraitêtre séparé d’une réflexion sur le positionne-ment épistémologique. La recherche d’unesynthèse entre les deux grandes écolesparadigmatiques, l’école anglo-saxonne,behavioriste, positiviste et l’école françaised’inspiration psychanalytique, compréhen-sive, pour avancer dans la révélation des cau-ses des souffrances dues au travail, commenous y invite Danielle PICARD (2000) est sansdoute une piste à étudier. Ces deux approchessont en effet par de nombreux aspects com-plémentaires et partent de la même définitioninteractionniste du stress qui prend en compteà la fois l’environnement et l’individu dans lephénomène de stress.

Notes1 Etude sur la qualité de l’emploi (Université du Michigann, Etats-Unis, 1972) et données de l’étude de Johansson S. (1971) enSuède

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Sources et mesures du stress au travail, quelles nouvelles voies de recherche envisager ?

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