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Revue de la gastronomie, des vins et du tourisme www.foodsfromspain.com Septembre-Décembre 2011. 6 73 Pickles espagnols. Tout un mode de vie Vins. Une délicieuse révolution douce Dehesa. Le cœur du chêne Pommes. Nouvelle histoire d’amour

Spain Gourmetour No. 73 (French)

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Spain Gourmetour No. 73 (French)

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Revue de la gastronomie, des vins et du tourisme

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Septembre-Décembre2011. 6

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Picklesespagnols.Tout unmodede vie

Vins.Une délicieuserévolution douce

Dehesa.Le cœurdu chêne

Pommes.Nouvelle histoired’amour

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Rédactrice en chefCathy Boirac

CoordinationAlmudena Martín RuedaAlmudena Muyo

Archives photographiquesMabel Manso

Secrétaire de rédactionÁngela Castilla

Design et Direction artistiqueManuel Estrada Design

Adaptation de la maquetteChema Bermejo

CartesJavier Belloso

PhotogravureEspacio y Punto

Imprimé en EspagneArtes Gráficas Palermo

Publicité[email protected]

D.L.:ISSN: 0214-2937

NIPO: 705-11-026-9

CouvertureAmador Toril/©ICEX

ÉditeurICEX. Secrétariat d’Etat auTourisme et au Commerce,ministère d’Industrie, du Tourismeet du Commerce.www.icex.es

Subscription:Spain Gourmetour est une revueéditée par l’ICEX (Institut Espagnol duCommerce Extérieur), attaché auSecrétariat d’Etat au Tourisme et auCommerce, ministère de l’Industrie,du Tourisme et du Commerce. Troisnuméros sont publiés chaqueannée, en anglais, français, allemandet espagnol, dont la distributiongratuite est exclusivement etseulement destinée auxprofessionnels et institutions de cesecteur. Si vous désirez avoir plusd’informations, adressez-vous auxBureaux Economiques etCommerciaux des Ambassadesd’Espagne (voir liste, page 98).

EDIT

OPour beaucoup d’entre vous l’eau minérale n’évoque sûrement pas l’Espagne. Et pourtant !Le sous-sol regorge d’eau, et les Romains puis les Arabes surent en tirer profit. Après unelongue période de léthargie, le XIXe siècle remit au goût du jour les thermes, et notre XXIe

siècle redécouvre les vertus salutaires de l’eau.Par contre, les vins doux espagnols sont à l’honneur depuis longtemps, comme entémoignent les œuvres de Shakespeare. Nous vous présentons ici l’état actuel de ces vinschargés d’histoire. Tout comme la tradition des petits légumes au vinaigre, qui font lesdélices de tous les espagnols et des consommateurs étrangers.La pomme, elle, est un fruit pour ainsi dire universel et l’Espagne en exporte vers le restede l’Europe, l’Afrique du Nord, les pays du golfe Persique et l’Amérique du Sud.La dehesa, que notre photographe a parcouru pour vous, est, quant à elle, un élémentfondamental du paysage espagnol avec ses 3,6 millions d’hectares. Elle est l’habitat natureldu porc ibérique, du taureau de combat et de bien d’autres animaux qui nous permettentde déguster des produits hors pair. Résultat de l’action de l’homme sur la nature au fildes siècles, elle est actuellement menacée par cette même action, connue aujourd’huicomme changement climatique. Voilà pourquoi Joselito, grand exportateur de jambonIbérico, a mis en place un projet de conservation qui vient de recevoir la certification FSC(Forest Stewardship Council).Et, pour finir, nous continuons notre tournée des bars à tapas de par le monde qui nousa conduit à Londres, Tokio, San Francisco, New York, Buenos Aires. Et, aujourd’hui, enAustralie, à Melbourne.

Cathy BoiracRédactrice en [email protected]

PrixGold Ladle dans la catégorie BestFood Magazine attribué par LeCordon Bleu lors de la World FoodMedia Awards 2010.

Prix des Médias “Meilleur travailjournalistique” Aliments d’Espagne –2006, ministère de l'Environnement,du milieu Rural et Marin.

Prix Marqués de Busianos, del’Académie espagnole deGastronomie, année 2002.

Prix “La Gula y Bachiller en Fogones -1998", de l’hebdomadaire d’économieespagnol Nuevo Lunes.

Prix de Design de l’AEPD(Association espagnole deprofessionnels du design), année1995.

Prix de la Presse Aliments d’Espagne– 1990, ministère de l'Environnement,du milieu Rural et Marin.

Prix Spécial de Gastronomie,Confrérie de la Bonne Table etAcadémie espagnole de Gastronomie,année 1988.

Imprimé sur papier certifiéPEFC afin de promouvoirla gestion responsable denos forêts.

Les opinions des auteurs de nosarticles ne sont pas nécessairementcelles de l’Institut Espagnol duCommerce Extérieur qui ne peut,en aucun cas, être responsabledes erreurs ou omissions dansces textes.

2010 Le Cordon Bleu World Food MediaAwards. Best Food Magazine

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SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2011 SPAIN GOURMETOUR 32 SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2011 SPAIN GOURMETOUR

SOM

MAI

REGastronomieDehesa.Le cœur du chêne.............50

EssentielsPomme. La nouvelle idylleentre l’Espagne et le plusancien des fruits ...............66Recettes ............................76

PortraitPaco Pérez ........................82

EntreprisesJoselito. Une questionde prestige ........................90

ÉpilogueUne pause espagnole !Richard Cornish depuisMelbourne........................94

RepèresExportateurs .....................96Annonceurs ......................97Infos sur l’Espagne............98Iconographie ..................100

Editorial ............................1

Gros planPickles espagnols.Tout un mode de vie...........8Recettes ............................22

Vin & EauUne délicieuse révolutiondouce ...............................26

Les eaux minéralesespagnoles. Une saveurcristalline..........................38

SPAIN GOURMETOURSeptembre-Décembre 2011 Nº 73

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SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2011 SPAIN GOURMETOUR 32 SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2011 SPAIN GOURMETOUR

SOM

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GastronomieDehesa.Le cœur du chêne.............50

EssentielsPomme. La nouvelle idylleentre l’Espagne et le plusancien des fruits ...............66Recettes ............................76

PortraitPaco Pérez ........................82

EntreprisesJoselito. Une questionde prestige ........................90

ÉpilogueUne pause espagnole !Richard Cornish depuisMelbourne........................94

RepèresExportateurs .....................96Annonceurs ......................97Infos sur l’Espagne............98Iconographie ..................100

Editorial ............................1

Gros planPickles espagnols.Tout un mode de vie...........8Recettes ............................22

Vin & EauUne délicieuse révolutiondouce ...............................26

Les eaux minéralesespagnoles. Une saveurcristalline..........................38

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R Le Consorcio del Jamón Serrano n’accorde son Sigle

qu’aux plus nobles des Serrano. L'excellence de ces jambons

tient à leur méthode d'élaboration : choix des meilleurs

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VIETout un mode de

La première fois que j’ai goûté à l’ail mariné, il y a plus de dix ans, ce fut avecune certaine réticence, je l’avoue, bien que je me considère comme uneaficionada de tous les produits marinés au vinaigre. Après tout, je venaisd’arriver en Espagne à l’époque, et je craignais de faire fuir par une odeurd'ail les rares amis que j’avais alors. Mais personne n’aurait pu me préparerau plaisir que cette petite gousse d’ail allait me donner en bouche. C’étaitcroustillant, salé, épicé et délicat, avec une légère note de clou de girofle.Imaginez ma joie lorsque j’ai découvert que ce n’était que la pointe de l’icebergdes produits espagnols marinés dans le vinaigre.

Pickles espagnols

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VIETout un mode de

La première fois que j’ai goûté à l’ail mariné, il y a plus de dix ans, ce fut avecune certaine réticence, je l’avoue, bien que je me considère comme uneaficionada de tous les produits marinés au vinaigre. Après tout, je venaisd’arriver en Espagne à l’époque, et je craignais de faire fuir par une odeurd'ail les rares amis que j’avais alors. Mais personne n’aurait pu me préparerau plaisir que cette petite gousse d’ail allait me donner en bouche. C’étaitcroustillant, salé, épicé et délicat, avec une légère note de clou de girofle.Imaginez ma joie lorsque j’ai découvert que ce n’était que la pointe de l’icebergdes produits espagnols marinés dans le vinaigre.

Pickles espagnols

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En Espagne, cornichons, oignons,gousses d’ail et autres légumes marinéssont connus sous le terme deencurtidos, et ils sont officiellementdéfinis dans le dictionnaire de la RAE(dictionnaire de la Real AcademiaEspañola) par la présence et l’arômedu vinaigre dans leur préparation. Bienque toutes les olives espagnoles

puissent correspondre à la définitionanglaise de pickles, seules sontconsidérées comme un véritableproduit mariné celles qui sontpréparées dans des sauces vinaigrées— une pratique courante danscertaines régions. Quel que soit lelégume, ces condiments marinés,acides, salés, sucrés et croquants

se retrouvent partout : dans lescommerces, les bars, les restaurantset dans les foyers.Ils sont présents à tous les échelonsde la société et souvent consomméscomme des tapas, dans les recettestraditionnelles et même dans certainesdes cuisines les plus avant-gardistes dupays. Leur variété régionale reflète la

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GROSPLAN

PICKLES

TEXTEADRIENNE SMITH/©ICEX

PHOTOSAMADOR TORIL/©ICEX

TRADUCTIONFRANÇOISE CHUFFART/©ICEX

Dans le monde entier, pendant dessiècles, on a fait macérer les légumespour pouvoir les conserver, et cettecoutume a probablement envahi lapéninsule Ibérique sous les Romainscar son utilisation est documentée parun chroniqueur comme Pline l’Ancien(23-79 ; naturaliste romain). Pour lesmariner, ou les mettre en saumure,

les légumes sont placés dans de l’eautrès salée, ce qui provoque unefermentation lactique de leurs sucres.Les marinades nouvelles sontgénéralement conservées dans duvinaigre ou dans une autre substance(acide acétique) au pH inférieur à 4,6,assez acide pour tuer les bactériesnocives. On peut aussi faire des

marinades non fermentées en plaçantles aliments directement dans unesolution de vinaigre. Dans les deuxcas, il est fréquent d’ajouter des herbeset des épices, comme des grainesde moutarde, des clous de girofle,de la cannelle et de l’ail, qui ont despropriétés bactéricides et rehaussentla saveur et l’arôme de l’aliment.

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En Espagne, cornichons, oignons,gousses d’ail et autres légumes marinéssont connus sous le terme deencurtidos, et ils sont officiellementdéfinis dans le dictionnaire de la RAE(dictionnaire de la Real AcademiaEspañola) par la présence et l’arômedu vinaigre dans leur préparation. Bienque toutes les olives espagnoles

puissent correspondre à la définitionanglaise de pickles, seules sontconsidérées comme un véritableproduit mariné celles qui sontpréparées dans des sauces vinaigrées— une pratique courante danscertaines régions. Quel que soit lelégume, ces condiments marinés,acides, salés, sucrés et croquants

se retrouvent partout : dans lescommerces, les bars, les restaurantset dans les foyers.Ils sont présents à tous les échelonsde la société et souvent consomméscomme des tapas, dans les recettestraditionnelles et même dans certainesdes cuisines les plus avant-gardistes dupays. Leur variété régionale reflète la

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PICKLES

TEXTEADRIENNE SMITH/©ICEX

PHOTOSAMADOR TORIL/©ICEX

TRADUCTIONFRANÇOISE CHUFFART/©ICEX

Dans le monde entier, pendant dessiècles, on a fait macérer les légumespour pouvoir les conserver, et cettecoutume a probablement envahi lapéninsule Ibérique sous les Romainscar son utilisation est documentée parun chroniqueur comme Pline l’Ancien(23-79 ; naturaliste romain). Pour lesmariner, ou les mettre en saumure,

les légumes sont placés dans de l’eautrès salée, ce qui provoque unefermentation lactique de leurs sucres.Les marinades nouvelles sontgénéralement conservées dans duvinaigre ou dans une autre substance(acide acétique) au pH inférieur à 4,6,assez acide pour tuer les bactériesnocives. On peut aussi faire des

marinades non fermentées en plaçantles aliments directement dans unesolution de vinaigre. Dans les deuxcas, il est fréquent d’ajouter des herbeset des épices, comme des grainesde moutarde, des clous de girofle,de la cannelle et de l’ail, qui ont despropriétés bactéricides et rehaussentla saveur et l’arôme de l’aliment.

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un restaurant. Chez eux ou dansun restaurant, les gens commencentgénéralement par un verre et unetapa qui inclut un assortiment delégumes marinés.

Marinades par ci,marinades par làNaturellement, en fonction de l’endroitet de ce que l’on va manger, le choixdes légumes marinés peut varierénormément. Selon Carlota González,directrice du Grupo Rafael González,« le monde des légumes marinéscomprend un vaste éventail deproduits de différentes régions,chacune en ayant développé certainsen fonction de ses conditions propres ».Cependant, les avancéestechnologiques et un marché enexpansion ont fait que, pour certainsproduits, ces définitions régionales nesoient plus aussi vraies que par lepassé. Certains légumes comme lespepinillos (cornichons), les cebollitas(petits oignons) et les ajitos (goussesd’ail) sont maintenant produits danstoute l’Espagne. Mais d’autres, commeles berenjenas (aubergines) de Almagro,les guindillas (piments) d’Ibarra et les

alcaparras (câpres) de Ballobar sontdes spécialités, qui ne peuvent êtrecultivées et préparées que dans deszones géographiques spécifiques.Les petits en-cas marinés comme lesbanderillas et les kimbos se situentquelque part entre ces deux extrêmes.Ces deux termes désignent descombinaisons différentes de légumesmarinés. Les kimbos sontgénéralement des olives dénoyautées,souvent de la variété Gordal, avec uncornichon au milieu — même si cekimbo peut porter un autre nom selonles régions. Les banderillas présententun autre éventail de possibilités.Ce mot de banderilla, emprunté auvocabulaire de la corrida, désigne unfin bâtonnet — qui peut être aussiappelé torera — sur lequel sontpiqués différents petits produitsmarinés qui peuvent se combiner àl’infini. À Madrid, la version la plusclassique est cornichon, oignon etolive. Cependant, la banderillaincontournable en Espagne estsans doute Gilda, qui est composéed’un piment vert, d’une olive, d’uncornichon et d’un anchois. Gilda seraà jamais associée à la ville de Saint-Sébastien où elle a été créée en 1946

et baptisée du nom du célèbrepersonnage incarné par Rita Hayworthdans le film de Charles Vidor. Commele personnage, la banderilla est à la foissalée et un peu épicée.En outre, les traditions régionales ontun impact sur l’impressionnantevariété d’olives cultivées etassaisonnées dans les différentesrégions d’Espagne. Les aliños ouassaisonnements utilisés pour préparerdes olives marinées (Spain Gourmetour,nº 60) sont souvent une indication deleur provenance géographique et ontété transmis de génération engénération. Dans la ville de Aljarafe,près de Séville, par exemple, les oliveslocales Gordal sont trempées dans dela saumure pendant deux ou troismois, puis assaisonnées avec despoivrons rouges et verts, des feuillesde laurier, du thym, de l’origan, duvinaigre et du sel.Le marché espagnol des légumesmarinés se développe à partir de tousces produits et de leurs nombreusesvariantes. Selon l’étude du MAT de2008, réalisée par Symphony IRIConsultancy Group, les ventes de cesproduits (à l’exception des olives) ontreprésenté près de 60 millions d’euros,

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richesse de l’agriculture espagnoleet de la gastronomie locale ; et leuromniprésence témoigne d’un mode devie et des traditions merveilleusementpartagées par tous. En outre, le succèsde ces produits à l’international en afait de véritables symboles de ce quisemble authentiquement espagnol auxyeux du reste du monde. Selon lesdonnées 2010 fournies par l’InstitutEspagnol de Commerce Extérieur(Icex), les exportations de cesproduits ont atteint une valeuravoisinant 71 millions d’euros, enaugmentation de 30 % par rapport àl’année précédente. Ils sont exportésdans plus de 100 pays, et plusparticulièrement aux États-Unis, enFrance, en Italie, au Royaume-Uni, auMexique, au Canada et en Australie.Un moyen idéal pour avoir un aperçude la variété des légumes marinésd’Espagne est de se rendre undimanche matin à ce bouillonnantmarché aux puces de Madrid qu’est leRastro. C’est aussi un bon endroit pourles voir en action, si l’on peut dire.À mi-pente de la rue Ribera deCurtidores, rue principale du Rastro,une longue queue serpente au coind’un petit commerce étroit tellement

bondé que sans l’enseigne, AceitunasJiménez (Olives Jiménez), il seraitimpossible de savoir ce qui s’y vend.Quand vous arrivez au début dela queue, il est enfin possibled’apercevoir des dizaines de bols tousdifférents, remplis de minusculescornichons aigres-doux, de câpres dedifférentes tailles, de petits oignonstendres, de gousses d’ail croquantes,de fins piments verts forts, et d’unegrande variété d’olives assaisonnéesprovenant de tous les coins du pays.Fermentés, vinaigrés, farcis, cesproduits sont disposés selon unevariété infinie de combinaisons, parfoispiqués sur des bâtonnets portant lesnoms évocateurs de banderillas, toreraset Gildas. Un grand bol attend près dela porte plein d’aubergines marinéesbrillantes ne demandant qu’à êtregrignotées comme des petitesbaguettes. Dehors, c’est justement ceque font les gens, tandis que d’autrescroquent avec entrain le contenu deleurs cornets en papier remplis demarinades venues de toute l’Espagne,dont le jus dégouline joyeusement surle menton.C’est justement la fonction de cespetits légumes marinés : une fonction

sociale et la clé permettant decomprendre ce qui les rend uniques.Les légumes marinés sont présentsdans tous les événements de société,et les Espagnols de tous âges adorenten manger n’importe où et n’importequand. Pour beaucoup, les produitsmarinés sont souvent leur premieraliment salé de la journée. Réputésapéritifs, ils accompagnent souventune petite bière, un vin, un Xérès ouun vermouth. Il est fréquent que leslégumes marinés soient le premierpetit plat que l’on dépose sur unetable ou sur le comptoir du bar et ladernière chose à être enlevée. En outre,ils sont consommés aussi bien à lamaison qu’à l’extérieur. Ainsi, selondes données 2008 du Moving AnnualTotals (MAT) établies par lesconsultants du Symphony IRIConsultancy Group et concernantles olives, les trois quarts de leurconsommation se fait dans les foyers.Il est difficile de comprendre lasignification de ces aliments si l’on necomprend pas les relations socialesexistant en Espagne.Sortir avec des amis ou en famillepour prendre un repas ne se limite pasà se retrouver et s’asseoir dans

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un restaurant. Chez eux ou dansun restaurant, les gens commencentgénéralement par un verre et unetapa qui inclut un assortiment delégumes marinés.

Marinades par ci,marinades par làNaturellement, en fonction de l’endroitet de ce que l’on va manger, le choixdes légumes marinés peut varierénormément. Selon Carlota González,directrice du Grupo Rafael González,« le monde des légumes marinéscomprend un vaste éventail deproduits de différentes régions,chacune en ayant développé certainsen fonction de ses conditions propres ».Cependant, les avancéestechnologiques et un marché enexpansion ont fait que, pour certainsproduits, ces définitions régionales nesoient plus aussi vraies que par lepassé. Certains légumes comme lespepinillos (cornichons), les cebollitas(petits oignons) et les ajitos (goussesd’ail) sont maintenant produits danstoute l’Espagne. Mais d’autres, commeles berenjenas (aubergines) de Almagro,les guindillas (piments) d’Ibarra et les

alcaparras (câpres) de Ballobar sontdes spécialités, qui ne peuvent êtrecultivées et préparées que dans deszones géographiques spécifiques.Les petits en-cas marinés comme lesbanderillas et les kimbos se situentquelque part entre ces deux extrêmes.Ces deux termes désignent descombinaisons différentes de légumesmarinés. Les kimbos sontgénéralement des olives dénoyautées,souvent de la variété Gordal, avec uncornichon au milieu — même si cekimbo peut porter un autre nom selonles régions. Les banderillas présententun autre éventail de possibilités.Ce mot de banderilla, emprunté auvocabulaire de la corrida, désigne unfin bâtonnet — qui peut être aussiappelé torera — sur lequel sontpiqués différents petits produitsmarinés qui peuvent se combiner àl’infini. À Madrid, la version la plusclassique est cornichon, oignon etolive. Cependant, la banderillaincontournable en Espagne estsans doute Gilda, qui est composéed’un piment vert, d’une olive, d’uncornichon et d’un anchois. Gilda seraà jamais associée à la ville de Saint-Sébastien où elle a été créée en 1946

et baptisée du nom du célèbrepersonnage incarné par Rita Hayworthdans le film de Charles Vidor. Commele personnage, la banderilla est à la foissalée et un peu épicée.En outre, les traditions régionales ontun impact sur l’impressionnantevariété d’olives cultivées etassaisonnées dans les différentesrégions d’Espagne. Les aliños ouassaisonnements utilisés pour préparerdes olives marinées (Spain Gourmetour,nº 60) sont souvent une indication deleur provenance géographique et ontété transmis de génération engénération. Dans la ville de Aljarafe,près de Séville, par exemple, les oliveslocales Gordal sont trempées dans dela saumure pendant deux ou troismois, puis assaisonnées avec despoivrons rouges et verts, des feuillesde laurier, du thym, de l’origan, duvinaigre et du sel.Le marché espagnol des légumesmarinés se développe à partir de tousces produits et de leurs nombreusesvariantes. Selon l’étude du MAT de2008, réalisée par Symphony IRIConsultancy Group, les ventes de cesproduits (à l’exception des olives) ontreprésenté près de 60 millions d’euros,

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richesse de l’agriculture espagnoleet de la gastronomie locale ; et leuromniprésence témoigne d’un mode devie et des traditions merveilleusementpartagées par tous. En outre, le succèsde ces produits à l’international en afait de véritables symboles de ce quisemble authentiquement espagnol auxyeux du reste du monde. Selon lesdonnées 2010 fournies par l’InstitutEspagnol de Commerce Extérieur(Icex), les exportations de cesproduits ont atteint une valeuravoisinant 71 millions d’euros, enaugmentation de 30 % par rapport àl’année précédente. Ils sont exportésdans plus de 100 pays, et plusparticulièrement aux États-Unis, enFrance, en Italie, au Royaume-Uni, auMexique, au Canada et en Australie.Un moyen idéal pour avoir un aperçude la variété des légumes marinésd’Espagne est de se rendre undimanche matin à ce bouillonnantmarché aux puces de Madrid qu’est leRastro. C’est aussi un bon endroit pourles voir en action, si l’on peut dire.À mi-pente de la rue Ribera deCurtidores, rue principale du Rastro,une longue queue serpente au coind’un petit commerce étroit tellement

bondé que sans l’enseigne, AceitunasJiménez (Olives Jiménez), il seraitimpossible de savoir ce qui s’y vend.Quand vous arrivez au début dela queue, il est enfin possibled’apercevoir des dizaines de bols tousdifférents, remplis de minusculescornichons aigres-doux, de câpres dedifférentes tailles, de petits oignonstendres, de gousses d’ail croquantes,de fins piments verts forts, et d’unegrande variété d’olives assaisonnéesprovenant de tous les coins du pays.Fermentés, vinaigrés, farcis, cesproduits sont disposés selon unevariété infinie de combinaisons, parfoispiqués sur des bâtonnets portant lesnoms évocateurs de banderillas, toreraset Gildas. Un grand bol attend près dela porte plein d’aubergines marinéesbrillantes ne demandant qu’à êtregrignotées comme des petitesbaguettes. Dehors, c’est justement ceque font les gens, tandis que d’autrescroquent avec entrain le contenu deleurs cornets en papier remplis demarinades venues de toute l’Espagne,dont le jus dégouline joyeusement surle menton.C’est justement la fonction de cespetits légumes marinés : une fonction

sociale et la clé permettant decomprendre ce qui les rend uniques.Les légumes marinés sont présentsdans tous les événements de société,et les Espagnols de tous âges adorenten manger n’importe où et n’importequand. Pour beaucoup, les produitsmarinés sont souvent leur premieraliment salé de la journée. Réputésapéritifs, ils accompagnent souventune petite bière, un vin, un Xérès ouun vermouth. Il est fréquent que leslégumes marinés soient le premierpetit plat que l’on dépose sur unetable ou sur le comptoir du bar et ladernière chose à être enlevée. En outre,ils sont consommés aussi bien à lamaison qu’à l’extérieur. Ainsi, selondes données 2008 du Moving AnnualTotals (MAT) établies par lesconsultants du Symphony IRIConsultancy Group et concernantles olives, les trois quarts de leurconsommation se fait dans les foyers.Il est difficile de comprendre lasignification de ces aliments si l’on necomprend pas les relations socialesexistant en Espagne.Sortir avec des amis ou en famillepour prendre un repas ne se limite pasà se retrouver et s’asseoir dans

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et les banderillas de cornichons etde piments forts ont fait le plus groschiffre d’affaires. Le groupe RafaelGonzález est un excellent exemplede cette diversification. Située dansla région fertile de La Rioja, cetteentreprise familiale s’est spécialiséedepuis plus de 50 ans dans lapréparation de cornichons et d’autreslégumes marinés. Bien qu’elle continue

un produit sain très facile à utiliser et àcombiner avec d’autres aliments, et trèsadaptable aux tendances actuelles. »Outre leur faible teneur en graisse etd’autres qualités nutritionnelles, l’acidelactique fermenté des légumes s’estrévélé contenir des bactériesprobiotiques qui favorisent lacroissance de la flore intestinale etfacilitent la digestion. C’est pourquoi

ils sont recommandés dans les régimesmacrobiotiques.À l’international, les meilleures ventesde l’entreprise concernent lescornichons, principalement exportésvers l’Amérique du Nord et l’Europe.Alors que d’autres pays européenscomme la France et l’Allemagne ontd’importants intérêts sur ce marché,González estime que c’est en

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PICKLES

démontrant la qualité et la traditionde ces produits espagnols qu’on réussiraà les faire apprécier davantage. Uneautre société, Amanida, de Saragosse,s’est lancée avec de nouveaux produitssur les marchés internationaux. Ilsse considèrent les pionniers dans lacommercialisation de l’ail marinéespagnol qu’ils exportent actuellementvers 21 pays. Les Etats-Unis, où ils

goûts des gens évoluent et quele marché doit s’adapter.González attribue aussi la popularitécroissante de ces différents produits àleurs qualités nutritionnelles. « L’avenirde ce secteur est très prometteur eten pleine croissance. Nous sommesde plus en plus conscients del’importance d’une alimentationéquilibrée. Les légumes marinés sont

à se consacrer à ces produitstraditionnels, elle a élargi sa gammepour inclure d’autres légumes commeles carottes, les betteraves, le céleri, lechou-fleur et le chou. Cette expansionest symptomatique de la croissance dece marché. Selon Carlota González, ilest important de respecter les produitset les recettes traditionnelles, et enmême temps d’être conscient que les

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SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2011 SPAIN GOURMETOUR 32 SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2011 SPAIN GOURMETOUR

SOM

MAI

REGastronomieDehesa.Le cœur du chêne.............50

EssentielsPomme. La nouvelle idylleentre l’Espagne et le plusancien des fruits ...............66Recettes ............................76

PortraitPaco Pérez ........................82

EntreprisesJoselito. Une questionde prestige ........................90

ÉpilogueUne pause espagnole !Richard Cornish depuisMelbourne........................94

RepèresExportateurs .....................96Annonceurs ......................97Infos sur l’Espagne............98Iconographie ..................100

Editorial ............................1

Gros planPickles espagnols.Tout un mode de vie...........8Recettes ............................22

Vin & EauUne délicieuse révolutiondouce ...............................26

Les eaux minéralesespagnoles. Une saveurcristalline..........................38

SPAIN GOURMETOURSeptembre-Décembre 2011 Nº 73

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Page 17: Spain Gourmetour No. 73 (French)

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et les banderillas de cornichons etde piments forts ont fait le plus groschiffre d’affaires. Le groupe RafaelGonzález est un excellent exemplede cette diversification. Située dansla région fertile de La Rioja, cetteentreprise familiale s’est spécialiséedepuis plus de 50 ans dans lapréparation de cornichons et d’autreslégumes marinés. Bien qu’elle continue

un produit sain très facile à utiliser et àcombiner avec d’autres aliments, et trèsadaptable aux tendances actuelles. »Outre leur faible teneur en graisse etd’autres qualités nutritionnelles, l’acidelactique fermenté des légumes s’estrévélé contenir des bactériesprobiotiques qui favorisent lacroissance de la flore intestinale etfacilitent la digestion. C’est pourquoi

ils sont recommandés dans les régimesmacrobiotiques.À l’international, les meilleures ventesde l’entreprise concernent lescornichons, principalement exportésvers l’Amérique du Nord et l’Europe.Alors que d’autres pays européenscomme la France et l’Allemagne ontd’importants intérêts sur ce marché,González estime que c’est en

GROSPLAN

PICKLES

démontrant la qualité et la traditionde ces produits espagnols qu’on réussiraà les faire apprécier davantage. Uneautre société, Amanida, de Saragosse,s’est lancée avec de nouveaux produitssur les marchés internationaux. Ilsse considèrent les pionniers dans lacommercialisation de l’ail marinéespagnol qu’ils exportent actuellementvers 21 pays. Les Etats-Unis, où ils

goûts des gens évoluent et quele marché doit s’adapter.González attribue aussi la popularitécroissante de ces différents produits àleurs qualités nutritionnelles. « L’avenirde ce secteur est très prometteur eten pleine croissance. Nous sommesde plus en plus conscients del’importance d’une alimentationéquilibrée. Les légumes marinés sont

à se consacrer à ces produitstraditionnels, elle a élargi sa gammepour inclure d’autres légumes commeles carottes, les betteraves, le céleri, lechou-fleur et le chou. Cette expansionest symptomatique de la croissance dece marché. Selon Carlota González, ilest important de respecter les produitset les recettes traditionnelles, et enmême temps d’être conscient que les

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While not all Spanish olives areconsidered true pickles, there is nodoubting the reality of their successin the national and global marketplace(Spain Gourmetour No. 70). Spainis, in fact, the world’s top producer,exporter and consumer of tableolives. In the words of Antonio deMora, Director of the Association ofExporters and Manufacturers of TableOlives (ASEMESA), “In Spain, the oliveforms a part of our culture andidiosyncrasy. It has been andcontinues to be a source of wealthfor our country, with regards to itscultivation, transformation and export,in which we are world leaders. And ofcourse, it’s ever-present on our table,whether in the form of a typical tapaor ingredient in our gastronomy.”

According to data provided bythe Olive Oil Agency (AAO) for the2010/2011 season, Spain produces30% of the world’s table olives, withan average annual production of526,000 tons. This puts Spain wellabove its nearest competitors: Egypt(13%), Turkey (10%) and Syria (8%).The same is true for olive exports,for which Spain also dominates theworld market at 30%, with averageannual exports of 272,000 tons.

Although Spanish olives are enjoyedin 120 countries around the world,40% of all production is consumedon a national level. This is notsurprising, given their important rolein Spanish culture as not just tapas oringredients, but also as elements ofsocial interaction and tradition thathave come to symbolize that which is“typically Spanish”. In short, Spanisholives are as indispensable as it gets!

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Rédactrice en chefCathy Boirac

CoordinationAlmudena Martín RuedaAlmudena Muyo

Archives photographiquesMabel Manso

Secrétaire de rédactionÁngela Castilla

Design et Direction artistiqueManuel Estrada Design

Adaptation de la maquetteChema Bermejo

CartesJavier Belloso

PhotogravureEspacio y Punto

Imprimé en EspagneArtes Gráficas Palermo

Publicité[email protected]

D.L.:ISSN: 0214-2937

NIPO: 705-11-026-9

CouvertureAmador Toril/©ICEX

ÉditeurICEX. Secrétariat d’Etat auTourisme et au Commerce,ministère d’Industrie, du Tourismeet du Commerce.www.icex.es

Subscription:Spain Gourmetour est une revueéditée par l’ICEX (Institut Espagnol duCommerce Extérieur), attaché auSecrétariat d’Etat au Tourisme et auCommerce, ministère de l’Industrie,du Tourisme et du Commerce. Troisnuméros sont publiés chaqueannée, en anglais, français, allemandet espagnol, dont la distributiongratuite est exclusivement etseulement destinée auxprofessionnels et institutions de cesecteur. Si vous désirez avoir plusd’informations, adressez-vous auxBureaux Economiques etCommerciaux des Ambassadesd’Espagne (voir liste, page 98).

EDIT

O

Pour beaucoup d’entre vous l’eau minérale n’évoque sûrement pas l’Espagne. Et pourtant !Le sous-sol regorge d’eau, et les Romains puis les Arabes surent en tirer profit. Après unelongue période de léthargie, le XIXe siècle remit au goût du jour les thermes, et notre XXIe

siècle redécouvre les vertus salutaires de l’eau.Par contre, les vins doux espagnols sont à l’honneur depuis longtemps, comme entémoignent les œuvres de Shakespeare. Nous vous présentons ici l’état actuel de ces vinschargés d’histoire. Tout comme la tradition des petits légumes au vinaigre, qui font lesdélices de tous les espagnols et des consommateurs étrangers.La pomme, elle, est un fruit pour ainsi dire universel et l’Espagne en exporte vers le restede l’Europe, l’Afrique du Nord, les pays du golfe Persique et l’Amérique du Sud.La dehesa, que notre photographe a parcouru pour vous, est, quant à elle, un élémentfondamental du paysage espagnol avec ses 3,6 millions d’hectares. Elle est l’habitat natureldu porc ibérique, du taureau de combat et de bien d’autres animaux qui nous permettentde déguster des produits hors pair. Résultat de l’action de l’homme sur la nature au fildes siècles, elle est actuellement menacée par cette même action, connue aujourd’huicomme changement climatique. Voilà pourquoi Joselito, grand exportateur de jambonIbérico, a mis en place un projet de conservation qui vient de recevoir la certification FSC(Forest Stewardship Council).Et, pour finir, nous continuons notre tournée des bars à tapas de par le monde qui nousa conduit à Londres, Tokio, San Francisco, New York, Buenos Aires. Et, aujourd’hui, enAustralie, à Melbourne.

Cathy BoiracRédactrice en [email protected]

PrixGold Ladle dans la catégorie BestFood Magazine attribué par LeCordon Bleu lors de la World FoodMedia Awards 2010.

Prix des Médias “Meilleur travailjournalistique” Aliments d’Espagne –2006, ministère de l'Environnement,du milieu Rural et Marin.

Prix Marqués de Busianos, del’Académie espagnole deGastronomie, année 2002.

Prix “La Gula y Bachiller en Fogones -1998", de l’hebdomadaire d’économieespagnol Nuevo Lunes.

Prix de Design de l’AEPD(Association espagnole deprofessionnels du design), année1995.

Prix de la Presse Aliments d’Espagne– 1990, ministère de l'Environnement,du milieu Rural et Marin.

Prix Spécial de Gastronomie,Confrérie de la Bonne Table etAcadémie espagnole de Gastronomie,année 1988.

Imprimé sur papier certifiéPEFC afin de promouvoirla gestion responsable denos forêts.

Les opinions des auteurs de nosarticles ne sont pas nécessairementcelles de l’Institut Espagnol duCommerce Extérieur qui ne peut,en aucun cas, être responsabledes erreurs ou omissions dansces textes.

2010 Le Cordon Bleu World Food MediaAwards. Best Food Magazine

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exportent 150 000 kg d’ail par an, sontleur meilleur client. Selon le directeurd’Amanida, José Luis Simon, « auxÉtats-Unis, les gens commencentà associer ce produit à l’Espagne engénéral ». À part les légumes marinésles plus traditionnels, la sociétéa récemment lancé une ligne deproduits innovants comme lescornichons au thé vert et les petitsoignons au goût de pesto.

AuberginesminiatureÀ l’autre bout du spectre se trouventdes marinades si particulières qu’ellesne peuvent être produites que danscertaines zones, conformément auxtraditions séculaires. Parmi cesproduits, on trouve, comme nousl’avons dit, les célèbres berenjenasd’Almagro, les guindillas d’Ibarra etles alcaparras Ballobar. Il est importantde souligner que leur caractère uniquene tient pas seulement à leur originegéographique mais aussi à leur impactsur la culture d’une région et sagastronomie. Outre leur forte présencedans les traditions culinaires du passé,

ces produits sont tellement respectésqu’ils sont également incorporés dansles recettes de la plupart des plusgrands chefs d’Espagne.Le plus connu de ces produits est sansdoute la berenjena d’Almagro, unaliment qui possède une indicationgéographique protégée (IGP). Cetteespèce génétiquement unique(Solanum melongena) est cultivée danssix villes du Campo de Calatrava, unerégion située au centre de la provincede Ciudad Real (Castille-La Manche,Centre de l’Espagne), baptisée du nomromantique de l’ordre des chevaliersde Calatrava qui la défendirent au XIIe

siècle. Les Arabes y introduisirent laplante au Xe siècle ainsi que la recettequi est encore utilisée de nos jours.Une plante quasi sauvage qui estsurtout cultivée sur de petites fermesfamiliales de 1 ou 2 hectaresseulement. Selon Vicente Malagón,dont le père a fondé la premièreentreprise commerciale (VicenteMalagón S.A.), le haut rendementde ce produit fait de la récolte unévénement social qui impliquegénéralement l’ensemble des familleslocales. Vicente souligne l’importance

de cette tradition qui contribue àpréserver les caractéristiques naturelleset traditionnelles du produit.Les aubergines sont récoltées à partirde la fin de l’été ou du début del’automne alors qu’elles sont encorejeunes (environ la taille d’un boutonde rose). Elles se caractérisent par leurpetite taille, leur tige mince et leur fruitvert foncé qui peut prendre àl’extérieur des tons violet et noir. Selonune étude réalisée par l’Universitépolytechnique de Valence, cesaubergines ont également une teneurextrêmement élevée en polyphénols— des antioxydants qui peuvent aiderà prévenir certains types de cancer,réduire les signes du vieillissementet le taux de cholestérol.Contrairement à d’autres légumesmarinés crus, les aubergines sontcuites, fermentées puis assaisonnées.Ce processus est encore réalisé dansles foyers dans toute la région. Lesberenjenas aliñadas classiques(aubergines assaisonnées) sontassaisonnées selon une recette à based’huile de tournesol, vinaigre de vin,ail violet cultivé localement (IGP AjoMorado de Las Pedroñeras), cumin, sel

gemme et paprika (de la dénominationDOP Pimentón de la Vera)Les berenjenas embuchadas sont farciesavec du poivre rouge et mises enbrochettes sur une tige de fenouilsauvage cultivé localement. Leurtexture est changeante, allant ducaoutchouteux des feuilles extérieuresà la chair lisse et élastique del’aubergine elle-même. Bien que leursaveur soit caractérisée par l’odeur duvinaigre et du cumin, leur goût estdélicat et différent de tout ce que vousayez pu goûter. Habituellementconsommée entière, mais parfoiscoupée en petits cubes, il n’est pasétonnant que les bars de la PlazaMayor de la ville historique d’Almagro(Ciudad Real) ne puissent se retenirde garnir tous leurs plats de cespetites marinades.La qualité et l’originalité de ce produitlocal ont permis son utilisation dansdes plats innovants créés par certainsdes meilleurs chefs de la région.Chaque année, le conseil régulateurde l’IGP Berenjenas de Almagroorganise un concours gastronomiquedans lequel les professionnels dusecteur sont invités à créer des tapas

originales utilisant cet ingrédient.Lors de précédents concours, onl’a vu présentée, entre autres, frite,en mousse, farcie à la viande,émulsionnée, infusée dans du painou laminée comme un carpaccio.

La fraîcheurdes petits pimentsPrès de mille kilomètres plus au nord,les petits piments marinés d’Ibarrasont aussi très appréciés pour leursapplications culinaires. Je voudraissouligner que ces piments verts ont étéutilisés dans toute l’Espagne pouraccompagner les ragoûts classiques etles légumes secs. L’un des plats les plustraditionnels de Madrid, le cocidomadrileño (pot-au-feu préparé avec despois chiches, des légumes et de laviande), ne serait pas ce qu’il est s’iln’avait été accompagné de pimentsverts marinés. Le vinaigre apporte uncontraste à l’onctuosité des pois et à lagraisse du chorizo souvent utilisé pourdonner du goût. À Ibarra, les alubiasde Tolosa (haricots noirs de Tolosa,Guipuscoa), la spécialité locale, sontaussi servies avec une bonne dose de

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PICKLES

Bien que toutes les olives espagnolesne soient pas considérées comme devéritables produits marinés, leur succèstant sur le marché national que sur lemarché mondial ne fait aucun doute(Spain Gourmetour, nº 60). L’Espagne estbien le premier producteur, exportateur etconsommateur mondial d’olives de table.Selon Antonio de Mora, directeur deAsemesa (Association des exportateurset des producteurs d’olives de table),« en Espagne, les olives font partie denotre culture et de notre identité. Ellesont été et continuent d’être une sourcede richesse pour notre pays en ce quiconcerne leur production, leurtransformation et leur exportation, dontnous sommes les leaders mondiaux.Et elles sont naturellement toujoursprésentes sur nos tables, que ce soitsous la forme d’une tapa ou d’uningrédient dans notre cuisine. »

Selon les données fournies par l’Agenciapara el Aceite de Oliva (AAO) pour lasaison 2010-2011, l’Espagne produit30 % des olives de table du monde, avecune production moyenne annuelle de526 000 tonnes. Cela situe l’Espagnebien au-dessus de ses concurrents lesplus proches : l’Egypte (13 %), la Turquie(10 %) et la Syrie (8 %). Il en est demême pour les exportations d’olives pourlesquelles l’Espagne domine 30 % dumarché mondial, avec des exportationsannuelles moyennes de 272 000 tonnes.

Bien que les olives espagnoles soientappréciées dans 120 pays du monde,40 % de la production est consomméedans le pays. Cela n’est pas surprenant,compte tenu de leur rôle important dansla culture espagnole, non seulementcomme tapas ou ingrédients culinairesmais aussi comme mode de relationssociales et comme tradition symbolisantle « typiquement espagnol». Bref, s’il estbien une chose dont on ne peut pas sepasser, ce sont les olives espagnoles.

Les olivesespagnolesUne catégorie à part

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While not all Spanish olives areconsidered true pickles, there is nodoubting the reality of their successin the national and global marketplace(Spain Gourmetour No. 70). Spainis, in fact, the world’s top producer,exporter and consumer of tableolives. In the words of Antonio deMora, Director of the Association ofExporters and Manufacturers of TableOlives (ASEMESA), “In Spain, the oliveforms a part of our culture andidiosyncrasy. It has been andcontinues to be a source of wealthfor our country, with regards to itscultivation, transformation and export,in which we are world leaders. And ofcourse, it’s ever-present on our table,whether in the form of a typical tapaor ingredient in our gastronomy.”

According to data provided bythe Olive Oil Agency (AAO) for the2010/2011 season, Spain produces30% of the world’s table olives, withan average annual production of526,000 tons. This puts Spain wellabove its nearest competitors: Egypt(13%), Turkey (10%) and Syria (8%).The same is true for olive exports,for which Spain also dominates theworld market at 30%, with averageannual exports of 272,000 tons.

Although Spanish olives are enjoyedin 120 countries around the world,40% of all production is consumedon a national level. This is notsurprising, given their important rolein Spanish culture as not just tapas oringredients, but also as elements ofsocial interaction and tradition thathave come to symbolize that which is“typically Spanish”. In short, Spanisholives are as indispensable as it gets!

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exportent 150 000 kg d’ail par an, sontleur meilleur client. Selon le directeurd’Amanida, José Luis Simon, « auxÉtats-Unis, les gens commencentà associer ce produit à l’Espagne engénéral ». À part les légumes marinésles plus traditionnels, la sociétéa récemment lancé une ligne deproduits innovants comme lescornichons au thé vert et les petitsoignons au goût de pesto.

AuberginesminiatureÀ l’autre bout du spectre se trouventdes marinades si particulières qu’ellesne peuvent être produites que danscertaines zones, conformément auxtraditions séculaires. Parmi cesproduits, on trouve, comme nousl’avons dit, les célèbres berenjenasd’Almagro, les guindillas d’Ibarra etles alcaparras Ballobar. Il est importantde souligner que leur caractère uniquene tient pas seulement à leur originegéographique mais aussi à leur impactsur la culture d’une région et sagastronomie. Outre leur forte présencedans les traditions culinaires du passé,

ces produits sont tellement respectésqu’ils sont également incorporés dansles recettes de la plupart des plusgrands chefs d’Espagne.Le plus connu de ces produits est sansdoute la berenjena d’Almagro, unaliment qui possède une indicationgéographique protégée (IGP). Cetteespèce génétiquement unique(Solanum melongena) est cultivée danssix villes du Campo de Calatrava, unerégion située au centre de la provincede Ciudad Real (Castille-La Manche,Centre de l’Espagne), baptisée du nomromantique de l’ordre des chevaliersde Calatrava qui la défendirent au XIIe

siècle. Les Arabes y introduisirent laplante au Xe siècle ainsi que la recettequi est encore utilisée de nos jours.Une plante quasi sauvage qui estsurtout cultivée sur de petites fermesfamiliales de 1 ou 2 hectaresseulement. Selon Vicente Malagón,dont le père a fondé la premièreentreprise commerciale (VicenteMalagón S.A.), le haut rendementde ce produit fait de la récolte unévénement social qui impliquegénéralement l’ensemble des familleslocales. Vicente souligne l’importance

de cette tradition qui contribue àpréserver les caractéristiques naturelleset traditionnelles du produit.Les aubergines sont récoltées à partirde la fin de l’été ou du début del’automne alors qu’elles sont encorejeunes (environ la taille d’un boutonde rose). Elles se caractérisent par leurpetite taille, leur tige mince et leur fruitvert foncé qui peut prendre àl’extérieur des tons violet et noir. Selonune étude réalisée par l’Universitépolytechnique de Valence, cesaubergines ont également une teneurextrêmement élevée en polyphénols— des antioxydants qui peuvent aiderà prévenir certains types de cancer,réduire les signes du vieillissementet le taux de cholestérol.Contrairement à d’autres légumesmarinés crus, les aubergines sontcuites, fermentées puis assaisonnées.Ce processus est encore réalisé dansles foyers dans toute la région. Lesberenjenas aliñadas classiques(aubergines assaisonnées) sontassaisonnées selon une recette à based’huile de tournesol, vinaigre de vin,ail violet cultivé localement (IGP AjoMorado de Las Pedroñeras), cumin, sel

gemme et paprika (de la dénominationDOP Pimentón de la Vera)Les berenjenas embuchadas sont farciesavec du poivre rouge et mises enbrochettes sur une tige de fenouilsauvage cultivé localement. Leurtexture est changeante, allant ducaoutchouteux des feuilles extérieuresà la chair lisse et élastique del’aubergine elle-même. Bien que leursaveur soit caractérisée par l’odeur duvinaigre et du cumin, leur goût estdélicat et différent de tout ce que vousayez pu goûter. Habituellementconsommée entière, mais parfoiscoupée en petits cubes, il n’est pasétonnant que les bars de la PlazaMayor de la ville historique d’Almagro(Ciudad Real) ne puissent se retenirde garnir tous leurs plats de cespetites marinades.La qualité et l’originalité de ce produitlocal ont permis son utilisation dansdes plats innovants créés par certainsdes meilleurs chefs de la région.Chaque année, le conseil régulateurde l’IGP Berenjenas de Almagroorganise un concours gastronomiquedans lequel les professionnels dusecteur sont invités à créer des tapas

originales utilisant cet ingrédient.Lors de précédents concours, onl’a vu présentée, entre autres, frite,en mousse, farcie à la viande,émulsionnée, infusée dans du painou laminée comme un carpaccio.

La fraîcheurdes petits pimentsPrès de mille kilomètres plus au nord,les petits piments marinés d’Ibarrasont aussi très appréciés pour leursapplications culinaires. Je voudraissouligner que ces piments verts ont étéutilisés dans toute l’Espagne pouraccompagner les ragoûts classiques etles légumes secs. L’un des plats les plustraditionnels de Madrid, le cocidomadrileño (pot-au-feu préparé avec despois chiches, des légumes et de laviande), ne serait pas ce qu’il est s’iln’avait été accompagné de pimentsverts marinés. Le vinaigre apporte uncontraste à l’onctuosité des pois et à lagraisse du chorizo souvent utilisé pourdonner du goût. À Ibarra, les alubiasde Tolosa (haricots noirs de Tolosa,Guipuscoa), la spécialité locale, sontaussi servies avec une bonne dose de

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PICKLES

Bien que toutes les olives espagnolesne soient pas considérées comme devéritables produits marinés, leur succèstant sur le marché national que sur lemarché mondial ne fait aucun doute(Spain Gourmetour, nº 60). L’Espagne estbien le premier producteur, exportateur etconsommateur mondial d’olives de table.Selon Antonio de Mora, directeur deAsemesa (Association des exportateurset des producteurs d’olives de table),« en Espagne, les olives font partie denotre culture et de notre identité. Ellesont été et continuent d’être une sourcede richesse pour notre pays en ce quiconcerne leur production, leurtransformation et leur exportation, dontnous sommes les leaders mondiaux.Et elles sont naturellement toujoursprésentes sur nos tables, que ce soitsous la forme d’une tapa ou d’uningrédient dans notre cuisine. »

Selon les données fournies par l’Agenciapara el Aceite de Oliva (AAO) pour lasaison 2010-2011, l’Espagne produit30 % des olives de table du monde, avecune production moyenne annuelle de526 000 tonnes. Cela situe l’Espagnebien au-dessus de ses concurrents lesplus proches : l’Egypte (13 %), la Turquie(10 %) et la Syrie (8 %). Il en est demême pour les exportations d’olives pourlesquelles l’Espagne domine 30 % dumarché mondial, avec des exportationsannuelles moyennes de 272 000 tonnes.

Bien que les olives espagnoles soientappréciées dans 120 pays du monde,40 % de la production est consomméedans le pays. Cela n’est pas surprenant,compte tenu de leur rôle important dansla culture espagnole, non seulementcomme tapas ou ingrédients culinairesmais aussi comme mode de relationssociales et comme tradition symbolisantle « typiquement espagnol». Bref, s’il estbien une chose dont on ne peut pas sepasser, ce sont les olives espagnoles.

Les olivesespagnolesUne catégorie à part

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légumes qui en résultent sont plusépicés et ont un goût plus relevé. JoséAntonio dit que cette distinction vientdu microclimat de la région, destempératures douces, du peud’ensoleillement et de la fortehumidité. Iñaki Labaien, d’AgiñaPiperrak, attribue aussi leur différenceaux sols mous de la région et au faitqu’il n’y a pas beaucoup d’écart entre

les températures diurnes et lestempératures nocturnes. Les deuxproducteurs insistent sur le fait queles légumes sont généralement plantés,récoltés, triés et mis en marinade à lamain selon des recettes traditionnellesqui ont été utilisées dans les famillespendant des siècles.Sur la suggestion d’Iñaki Labaien, jesuis entré en contact avec le célèbre

chef Pedro Subijana, du grandrestaurant Akelarre, situé dans lesenvirons de Saint-Sébastien. Pedroutilise souvent les guindillas d’Ibarradans son menu, et les apprécie tantpour ce qu’elles représentent au niveautraditionnel que parce qu’elles « ontune texture parfaite, la touche devinaigre nécessaire et qu’elles ne sontpas piquantes ». Il souligne que « nousles utilisons dans énormément depréparations... elles s’adaptentparfaitement à la haute cuisine, et lessaveurs de ces produits traditionnelssont définitivement inscrites sur notrepalais. Nous les avons utilisés sousdifférents présentations, y compris lasphérification, la caramélisation, eninjection et en les farcissant ».

Câpres piquantesBien qu’il s’agisse géographiquementde produits uniques, les auberginesd’Almagro comme les petits pimentsd’Ibarra ont été appréciés dans toutel’Espagne pendant des générations.Dans le cas des câpres au vinaigre etdes câpres Ballobar, ce produit uniqueet traditionnel du désert de LosMonegros, dans la province de Huesca(Aragon, Nord-Est de l’Espagne)commence à peine à retrouver sonancienne renommée.En général, les câpres espagnoles sontun produit très connu dans le reste dumonde et exporté avec grand succès.Produits autochtones du bassinméditerranéen et des zones arides dela péninsule Ibérique, les deux typesde câpres — alcaparras etalcaparrones — ont été récoltés pourl’alimentation depuis des siècles.Les câpres les plus courammentconsommées sont en fait les bourgeons

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piparras (comme on les appellesouvent au Pays basque espagnol).Malgré les ressemblances danscertaines applications, il est importantde différencier ces petits piments vertsde la variété traditionnellementmarinée dans d’autres parties del’Espagne. Les authentiques pimentsd’Ibarra ne sont cultivés que danscertaines zones spécifiques du Nord

de la province de Guipuscoa. D’autrescaractères de ces piments sont leurpeau fine, leur pulpe charnue, leurcouleur jaune verdâtre et leur saveurdouce. Mais pour la plupart desgens, la grande différence est quecontrairement à ceux d’autresrégions, les piments d’Ibarra nesont pas piquants.Selon José Antonio Urrozola,

d’Ibarraco Langostinoak, l’une des sixentreprises produisant les guindillasd’Ibarra, la ville d’Ibarra esthistoriquement connue pour sessemences de légumes. Les gensviennent de tous les coins d’Espagnepour acheter des tomates, des laitueset des grains de poivre qui sont plantésici. La différence est que, selon lesendroits où ils sont cultivés, les

PICKLES

Bien qu’il soit facile de combiner deslégumes marinés avec un apéritiftraditionnel comme la bière ou levermouth, il est peut-être un peu plusdélicat de les marier avec du vin.L’acidité existant dans la plupart desvins peut entrer en conflit avec les notesvinaigrées des légumes marinés.Cependant, certaines propriétés de vinsfortifiés comme les Xérès les rendentpropres à cette combinaison avec lessaveurs amères, salées et parfoisdouces des légumes marinés. EnAndalousie, où sont produits ces vinscélèbres, il existe dans ce sens unetradition de longue date. Il suffitd’écouter ce que dit José García, de laTaberna La Manzanilla, une véritableinstitution à Cadix, où sa famille sertdepuis 1942 des Xérès centenaires :« Le vieillissement en fûts de bois devins comme les Amontillado, PaloCortado et Oloroso leur donne du corpset le caractère sec nécessaire pourrésister à la saveur forte du vinaigre. »

Miguel Llanos, le sommelier de BodegasTradición, à Jerez, partage cetteopinion. Il explique que les Xérès quicommencent leur vieillissement selon leprocessus traditionnel appelé flor (unecombinaison de levures responsablesdu vieillissement des vins finobiologiques) sont structurés et secs etpeuvent donc s’adoucir et s’harmoniser

Légumes marinés et XérèsMarier deux grandes traditions de l’Espagne

avec les notes piquantes du vinaigre.En outre, l'association de ce type devieillissement au vinaigre et au sel deslégumes marinés fait saliver davantage lepalais, ce qui contribue aussi à optimiserles saveurs et les arômes.

Fondée en 1650, Bodegas Tradiciónproduit trois Xérès secs : l’Amontillado,l’Oloroso et le Palo Cortado, qui ont tousentre 20 et 50 ans. Entreposé dans lestraditionnels barils superposés, connussous le nom de soleras, ces vins sontvieillis progressivement et lentementoxydés, favorisant le développementd’arômes complexes. J’ai eu la chancede rencontrer Miguel et Lorenzo García-Iglesias, les responsables de la bodega, àEl Yantar de Ayer, l'incomparable boutiquede légumes marinés du Mercado de SanMiguel, à Madrid. Nous avons combinéces trois vins avec une sélection demarinades : olives, cornichons, câpres,poivrons rouges, gousses d’ail et, enfin,l’aubergine d’Almagro. Sans aucun doute,les vins qui se mariaient le mieux avec lesnotes de vinaigre étaient ceux quidégageaient un goût subtil de sel, de noixet des tons légers de peau d'orangeamère, d’amande et de noisette commel’Amontillado et le Palo Cortado qui avaienttous partiellement vieilli sous la flor. Unefois de plus, nous avons pu vérifierl’excellente union de ces deux importantestraditions gastronomiques espagnoles !

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légumes qui en résultent sont plusépicés et ont un goût plus relevé. JoséAntonio dit que cette distinction vientdu microclimat de la région, destempératures douces, du peud’ensoleillement et de la fortehumidité. Iñaki Labaien, d’AgiñaPiperrak, attribue aussi leur différenceaux sols mous de la région et au faitqu’il n’y a pas beaucoup d’écart entre

les températures diurnes et lestempératures nocturnes. Les deuxproducteurs insistent sur le fait queles légumes sont généralement plantés,récoltés, triés et mis en marinade à lamain selon des recettes traditionnellesqui ont été utilisées dans les famillespendant des siècles.Sur la suggestion d’Iñaki Labaien, jesuis entré en contact avec le célèbre

chef Pedro Subijana, du grandrestaurant Akelarre, situé dans lesenvirons de Saint-Sébastien. Pedroutilise souvent les guindillas d’Ibarradans son menu, et les apprécie tantpour ce qu’elles représentent au niveautraditionnel que parce qu’elles « ontune texture parfaite, la touche devinaigre nécessaire et qu’elles ne sontpas piquantes ». Il souligne que « nousles utilisons dans énormément depréparations... elles s’adaptentparfaitement à la haute cuisine, et lessaveurs de ces produits traditionnelssont définitivement inscrites sur notrepalais. Nous les avons utilisés sousdifférents présentations, y compris lasphérification, la caramélisation, eninjection et en les farcissant ».

Câpres piquantesBien qu’il s’agisse géographiquementde produits uniques, les auberginesd’Almagro comme les petits pimentsd’Ibarra ont été appréciés dans toutel’Espagne pendant des générations.Dans le cas des câpres au vinaigre etdes câpres Ballobar, ce produit uniqueet traditionnel du désert de LosMonegros, dans la province de Huesca(Aragon, Nord-Est de l’Espagne)commence à peine à retrouver sonancienne renommée.En général, les câpres espagnoles sontun produit très connu dans le reste dumonde et exporté avec grand succès.Produits autochtones du bassinméditerranéen et des zones arides dela péninsule Ibérique, les deux typesde câpres — alcaparras etalcaparrones — ont été récoltés pourl’alimentation depuis des siècles.Les câpres les plus courammentconsommées sont en fait les bourgeons

GROSPLAN

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piparras (comme on les appellesouvent au Pays basque espagnol).Malgré les ressemblances danscertaines applications, il est importantde différencier ces petits piments vertsde la variété traditionnellementmarinée dans d’autres parties del’Espagne. Les authentiques pimentsd’Ibarra ne sont cultivés que danscertaines zones spécifiques du Nord

de la province de Guipuscoa. D’autrescaractères de ces piments sont leurpeau fine, leur pulpe charnue, leurcouleur jaune verdâtre et leur saveurdouce. Mais pour la plupart desgens, la grande différence est quecontrairement à ceux d’autresrégions, les piments d’Ibarra nesont pas piquants.Selon José Antonio Urrozola,

d’Ibarraco Langostinoak, l’une des sixentreprises produisant les guindillasd’Ibarra, la ville d’Ibarra esthistoriquement connue pour sessemences de légumes. Les gensviennent de tous les coins d’Espagnepour acheter des tomates, des laitueset des grains de poivre qui sont plantésici. La différence est que, selon lesendroits où ils sont cultivés, les

PICKLES

Bien qu’il soit facile de combiner deslégumes marinés avec un apéritiftraditionnel comme la bière ou levermouth, il est peut-être un peu plusdélicat de les marier avec du vin.L’acidité existant dans la plupart desvins peut entrer en conflit avec les notesvinaigrées des légumes marinés.Cependant, certaines propriétés de vinsfortifiés comme les Xérès les rendentpropres à cette combinaison avec lessaveurs amères, salées et parfoisdouces des légumes marinés. EnAndalousie, où sont produits ces vinscélèbres, il existe dans ce sens unetradition de longue date. Il suffitd’écouter ce que dit José García, de laTaberna La Manzanilla, une véritableinstitution à Cadix, où sa famille sertdepuis 1942 des Xérès centenaires :« Le vieillissement en fûts de bois devins comme les Amontillado, PaloCortado et Oloroso leur donne du corpset le caractère sec nécessaire pourrésister à la saveur forte du vinaigre. »

Miguel Llanos, le sommelier de BodegasTradición, à Jerez, partage cetteopinion. Il explique que les Xérès quicommencent leur vieillissement selon leprocessus traditionnel appelé flor (unecombinaison de levures responsablesdu vieillissement des vins finobiologiques) sont structurés et secs etpeuvent donc s’adoucir et s’harmoniser

Légumes marinés et XérèsMarier deux grandes traditions de l’Espagne

avec les notes piquantes du vinaigre.En outre, l'association de ce type devieillissement au vinaigre et au sel deslégumes marinés fait saliver davantage lepalais, ce qui contribue aussi à optimiserles saveurs et les arômes.

Fondée en 1650, Bodegas Tradiciónproduit trois Xérès secs : l’Amontillado,l’Oloroso et le Palo Cortado, qui ont tousentre 20 et 50 ans. Entreposé dans lestraditionnels barils superposés, connussous le nom de soleras, ces vins sontvieillis progressivement et lentementoxydés, favorisant le développementd’arômes complexes. J’ai eu la chancede rencontrer Miguel et Lorenzo García-Iglesias, les responsables de la bodega, àEl Yantar de Ayer, l'incomparable boutiquede légumes marinés du Mercado de SanMiguel, à Madrid. Nous avons combinéces trois vins avec une sélection demarinades : olives, cornichons, câpres,poivrons rouges, gousses d’ail et, enfin,l’aubergine d’Almagro. Sans aucun doute,les vins qui se mariaient le mieux avec lesnotes de vinaigre étaient ceux quidégageaient un goût subtil de sel, de noixet des tons légers de peau d'orangeamère, d’amande et de noisette commel’Amontillado et le Palo Cortado qui avaienttous partiellement vieilli sous la flor. Unefois de plus, nous avons pu vérifierl’excellente union de ces deux importantestraditions gastronomiques espagnoles !

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fermés de ces plantes sauvages(Capparis spinosa), récoltés au début del’été. Si on les laisse faire, ces boutonss’épanouissent en fleurs violettes àfilaments blancs qui donneront plustard les baies de câpres (alcaparrones).Historiquement, les câpres ont étéproduites en grandes quantités àAlmería, Murcie et dans certaineszones de Cordoue. C’est également unproduit agricole et gastronomique trèsimportant dans les îles Baléares oùelles sont appelées tàperes. L’étudede 2008 du MAT place les câpres à la4e place parmi les légumes marinésd’Espagne en termes de volume, avecdes ventes dépassant 3,2 millionsd’euros.Dans un tel contexte, les câpresBallobar, aliment phare du Slow Food(Spain Gourmetour, nº 72), sontuniques pour plusieurs raisons. Ellesauraient été introduites par les Arabesou les Grecs et la légende veut qu’ellesaient eu un tel succès au XIVe sièclequ’à la cour du tsar elles étaientéchangées contre du caviar. Cesplantes sauvages sont adaptées à lachaleur extrême du désert de LosMonegros où, dans leur recherched’eau, leurs racines atteignentjusqu’à 30 mètres. Les températuresici peuvent atteindre 50 ºC en été.Cela rend la récolte manuelle descâpriers épineux doublement difficile ;sans compter qu’il faut environ6 000 bourgeons pour obtenirun kilo de câpres. Ces conditionsextrêmes ont conduit à la quasi-disparitionde ce produit pendant plusieursannées, mais grâce aux efforts de gensde la région, tel Miguel Ángel Salas,cette marinade traditionnelleréapparaît sur la scène.Le processus est effectué

et agréable, une texture légèrementcroustillante et un arôme parfuméparticulier. Leur qualité et leurpréparation les rendent spéciales etleur saveur ne sature pas les plats maisoffre plutôt un équilibre entre saveuret arôme que je trouve unique. »Josean utilise ce produit dans une largevariété de plats. Parmi ses créationsdéjà anciennes, on trouve le Rey, unpoisson local cuit à l’étouffée avec unbouillon à base d’ail sauvage, de câpresBallobar, de citronnelle ainsi qu’unecrème de fromage Idiazabal avec descâpres Ballobar sautées, des poussesd’herbe tendre et des petites tranchesde pain grillé croquant.Les petits légumes espagnols marinésdans le vinaigre ne se limitent pas àleur consommation locale ; ils sontaussi connus dans le monde entierpour leurs applicationsgastronomiques modernes.Finalement, on en revient au fait queles Espagnols eux-mêmes savourentces produits traditionnels siétroitement liés aux traditionsculturelles et sociales de leur pays.Depuis ma première dégustationd’ail mariné, il y a des années, jecomprends parfaitement pourquoi ilssont si appréciées !

Adrienne Smith est sommelière, chef etécrivain freelance. Elle a passé les dixdernières années à déguster les produitsalimentaires et les vins dans toutel’Espagne.

PICKLES

manuellement et une fois les câprescueillies, elles sont mises en marinadepar deux sœurs dans une petitefabrique locale — le tout sous l’œilvigilant de deux ancêtres de la villevenues prêter main forte. Les légumesmarinés sont très prisés ici et leurproduction dépend d’un effortcommunautaire. Et de fait, tous ceuxqui goûtent à ces câpres biologiquess’accordent à reconnaître qu’elles sontdifférentes de celles que l’on trouvehabituellement sur le marché. SelonMiguel Ángel, elles ont un arômedélicat qui rappelle les olives. Lasociété britannique Brindisa, quiimporte ces câpres et d’autres produitsespagnols, les décrit comme moinsamères que d’autres câpres, et dit queleur peau est plus tendre. La défensela plus enthousiaste vient de JoseanAlija Martínez, chef du mondialementcélèbre restaurant du Guggenheim,à Bilbao.Il m’a dit qu’entre autres choses ilapprécie la pureté de leur goût :« Ces câpres ont une saveur intense

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fermés de ces plantes sauvages(Capparis spinosa), récoltés au début del’été. Si on les laisse faire, ces boutonss’épanouissent en fleurs violettes àfilaments blancs qui donneront plustard les baies de câpres (alcaparrones).Historiquement, les câpres ont étéproduites en grandes quantités àAlmería, Murcie et dans certaineszones de Cordoue. C’est également unproduit agricole et gastronomique trèsimportant dans les îles Baléares oùelles sont appelées tàperes. L’étudede 2008 du MAT place les câpres à la4e place parmi les légumes marinésd’Espagne en termes de volume, avecdes ventes dépassant 3,2 millionsd’euros.Dans un tel contexte, les câpresBallobar, aliment phare du Slow Food(Spain Gourmetour, nº 72), sontuniques pour plusieurs raisons. Ellesauraient été introduites par les Arabesou les Grecs et la légende veut qu’ellesaient eu un tel succès au XIVe sièclequ’à la cour du tsar elles étaientéchangées contre du caviar. Cesplantes sauvages sont adaptées à lachaleur extrême du désert de LosMonegros où, dans leur recherched’eau, leurs racines atteignentjusqu’à 30 mètres. Les températuresici peuvent atteindre 50 ºC en été.Cela rend la récolte manuelle descâpriers épineux doublement difficile ;sans compter qu’il faut environ6 000 bourgeons pour obtenirun kilo de câpres. Ces conditionsextrêmes ont conduit à la quasi-disparitionde ce produit pendant plusieursannées, mais grâce aux efforts de gensde la région, tel Miguel Ángel Salas,cette marinade traditionnelleréapparaît sur la scène.Le processus est effectué

et agréable, une texture légèrementcroustillante et un arôme parfuméparticulier. Leur qualité et leurpréparation les rendent spéciales etleur saveur ne sature pas les plats maisoffre plutôt un équilibre entre saveuret arôme que je trouve unique. »Josean utilise ce produit dans une largevariété de plats. Parmi ses créationsdéjà anciennes, on trouve le Rey, unpoisson local cuit à l’étouffée avec unbouillon à base d’ail sauvage, de câpresBallobar, de citronnelle ainsi qu’unecrème de fromage Idiazabal avec descâpres Ballobar sautées, des poussesd’herbe tendre et des petites tranchesde pain grillé croquant.Les petits légumes espagnols marinésdans le vinaigre ne se limitent pas àleur consommation locale ; ils sontaussi connus dans le monde entierpour leurs applicationsgastronomiques modernes.Finalement, on en revient au fait queles Espagnols eux-mêmes savourentces produits traditionnels siétroitement liés aux traditionsculturelles et sociales de leur pays.Depuis ma première dégustationd’ail mariné, il y a des années, jecomprends parfaitement pourquoi ilssont si appréciées !

Adrienne Smith est sommelière, chef etécrivain freelance. Elle a passé les dixdernières années à déguster les produitsalimentaires et les vins dans toutel’Espagne.

PICKLES

manuellement et une fois les câprescueillies, elles sont mises en marinadepar deux sœurs dans une petitefabrique locale — le tout sous l’œilvigilant de deux ancêtres de la villevenues prêter main forte. Les légumesmarinés sont très prisés ici et leurproduction dépend d’un effortcommunautaire. Et de fait, tous ceuxqui goûtent à ces câpres biologiquess’accordent à reconnaître qu’elles sontdifférentes de celles que l’on trouvehabituellement sur le marché. SelonMiguel Ángel, elles ont un arômedélicat qui rappelle les olives. Lasociété britannique Brindisa, quiimporte ces câpres et d’autres produitsespagnols, les décrit comme moinsamères que d’autres câpres, et dit queleur peau est plus tendre. La défensela plus enthousiaste vient de JoseanAlija Martínez, chef du mondialementcélèbre restaurant du Guggenheim,à Bilbao.Il m’a dit qu’entre autres choses ilapprécie la pureté de leur goût :« Ces câpres ont une saveur intense

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Les vins ont étésélectionnés parToni Gata, sommelierdu Restaurant Miramar

TraductionSynonyme.net/©ICEX

PhotosToya Legidoet Tomás Zarza/©ICEX

Paco Pérez *

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GROSPLAN

Personnellement, j’adore le riz,alors, pourquoi ne pas vous laissertenter par la recette de mon ami,Julio de Casalba, et son riz auxaubergines accompagné de secretode porc ibérique fumé ? Mais nenous perdons pas en explications…

POUR 4 PERSONNES100 g de secreto de porc ibérique fumé ;

4 aubergines d'Almagro.

Pour le consommé de secreto de porc

ibérique : 500 g de secreto de porc ibérique ;

100 g de petits oignons blancs ; 50 g de

céleri ; 100 g de carotte ; du gingembre frais ;

une feuille de laurier ; 2 l d’eau minérale.

Pour le jus d’aubergine : 4 aubergines.

Pour la réduction d'oignons : 500 g de

petits oignons blancs ; un ail tendre ; 100 g

de concentré de tomate ; 50 g de vin blanc.

Pour le riz : 200 g de riz ; 100 g de réduction

d’oignons ; 100 g de jus d’aubergine ; huile

d’olive vierge extra ; 1 l de consommé de

secreto de porc ibérique.

Trancher fin le secreto de porcibérique fumé et réserver.

Consommé de secreto de porcibériqueRôtir le secreto de porc ibérique etretirer l’excès de graisse. Dans lemême temps, pocher les légumes.Mettre à bouillir dans 2 litres d’eaule secreto rôti, les légumes, legingembre et le laurier jusqu’àobtention d'un litre de liquide.

Jus d’aubergineSaisir les aubergines sur la braise.Peler et centrifuger.

Réduction d’oignonsPocher les oignons et l'ail tendre àfeu doux. Ajouter la tomate et levin. Laissez cuire, toujours à feudoux, jusqu'à évaporation complètede l’eau de la tomate et du vin.

RizSur la réduction d’oignons, fairerevenir le riz durant une minute.Hydrater petit à petit le riz avecle consommé de secreto et laissermijoter. Une fois terminée la

cuisson, ajouter le jus d’auberginepour donner un aspect crémeuxau plat.

PrésentationServir le riz. Disposer par dessusl'aubergine d'Almagro et le secretode porc ibérique fumé finementtranchés. Finir avec un filet d’huiled’olive vierge extra, et bon appétit !

Temps de préparation2 heures

Vin recommandéAfin de captiver les papilles avecce plat, nous resterons dans notrerégion et vous proposons de vivreune expérience exceptionnelle avecl'Ex Ex 7 (DO Empordà), de labodega Castillo de Peralada, un vin100 % mourvèdre. Son intensecouleur cerise et son arômepuissant en font un vinremarquable. Une touched’originalité qui nous permettraégalement de trouver l'équilibreidéal pour ce plat de riz.

(Arroz con berenjenas de Almagro y secreto Ibérico)

AUBERGINESD’ALMAGRO et au secreto

de porc ibérique

Riz aux

* Pour en savoir plus sur cechef, voir Portrait, page 82.

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Les vins ont étésélectionnés parToni Gata, sommelierdu Restaurant Miramar

TraductionSynonyme.net/©ICEX

PhotosToya Legidoet Tomás Zarza/©ICEX

Paco Pérez *

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Personnellement, j’adore le riz,alors, pourquoi ne pas vous laissertenter par la recette de mon ami,Julio de Casalba, et son riz auxaubergines accompagné de secretode porc ibérique fumé ? Mais nenous perdons pas en explications…

POUR 4 PERSONNES100 g de secreto de porc ibérique fumé ;

4 aubergines d'Almagro.

Pour le consommé de secreto de porc

ibérique : 500 g de secreto de porc ibérique ;

100 g de petits oignons blancs ; 50 g de

céleri ; 100 g de carotte ; du gingembre frais ;

une feuille de laurier ; 2 l d’eau minérale.

Pour le jus d’aubergine : 4 aubergines.

Pour la réduction d'oignons : 500 g de

petits oignons blancs ; un ail tendre ; 100 g

de concentré de tomate ; 50 g de vin blanc.

Pour le riz : 200 g de riz ; 100 g de réduction

d’oignons ; 100 g de jus d’aubergine ; huile

d’olive vierge extra ; 1 l de consommé de

secreto de porc ibérique.

Trancher fin le secreto de porcibérique fumé et réserver.

Consommé de secreto de porcibériqueRôtir le secreto de porc ibérique etretirer l’excès de graisse. Dans lemême temps, pocher les légumes.Mettre à bouillir dans 2 litres d’eaule secreto rôti, les légumes, legingembre et le laurier jusqu’àobtention d'un litre de liquide.

Jus d’aubergineSaisir les aubergines sur la braise.Peler et centrifuger.

Réduction d’oignonsPocher les oignons et l'ail tendre àfeu doux. Ajouter la tomate et levin. Laissez cuire, toujours à feudoux, jusqu'à évaporation complètede l’eau de la tomate et du vin.

RizSur la réduction d’oignons, fairerevenir le riz durant une minute.Hydrater petit à petit le riz avecle consommé de secreto et laissermijoter. Une fois terminée la

cuisson, ajouter le jus d’auberginepour donner un aspect crémeuxau plat.

PrésentationServir le riz. Disposer par dessusl'aubergine d'Almagro et le secretode porc ibérique fumé finementtranchés. Finir avec un filet d’huiled’olive vierge extra, et bon appétit !

Temps de préparation2 heures

Vin recommandéAfin de captiver les papilles avecce plat, nous resterons dans notrerégion et vous proposons de vivreune expérience exceptionnelle avecl'Ex Ex 7 (DO Empordà), de labodega Castillo de Peralada, un vin100 % mourvèdre. Son intensecouleur cerise et son arômepuissant en font un vinremarquable. Une touched’originalité qui nous permettraégalement de trouver l'équilibreidéal pour ce plat de riz.

(Arroz con berenjenas de Almagro y secreto Ibérico)

AUBERGINESD’ALMAGRO et au secreto

de porc ibérique

Riz aux

* Pour en savoir plus sur cechef, voir Portrait, page 82.

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Les piments d’Ibarra et les anchoissont en soi deux ingrédientsformidables. Il s’agit là d’uneinterprétation particulière dela recette de la Gilda, brochetteapéritive qui nous transportedans les bars de la vieille villede Saint-Sébastien.

POUR 4 PERSONNES4 piments d’Ibarra entiers ; 4 anchois frais.

Pour la crème de piment : 80 g de piment

d’Ibarra (en conserve) ; 80 g d’huile d’olive

vierge extra ; 20 g d’eau de piments ; 10 g

de vin blanc ; 0,02 g de gomme xanthane.

Pour les anchois en saumure : 4 anchois

en saumure ; huile d’olive vierge extra.

Pour l’eau de tomate : 500 g de tomates

entières.

Pour le granité de tomate : 200 g d’eau de

tomate ; une demi-feuille de gélatine ; poivre.

Crème de pimentsMettre les piments, l’huile d’olivevierge extra, l’eau des piments, levin blanc et la gomme xanthanedans le bol de la centrifugeuse etmixer jusqu’à obtention d’unepurée. Passer au chinois et réserver.

Anchois en saumureNettoyer les anchois et retirer leursarêtes sous l’eau du robinet. Sécher

avec du papier essuie-toutet réserver.

Eau de tomateCongeler les tomates pendant24 heures. Ensuite, découper enmorceaux et laisser égoutter toutela nuit à température ambiante.Réserver l’eau.

Granité de tomateChauffer un quart de la quantitéd’eau de tomate (environ 50 g).Faire fondre la gélatinepréalablement humidifiée. Ajouterl’eau restante ainsi que le poivre.Congeler et gratter la préparationau moment de servir pour obtenirle granité.

PrésentationPlacer le piment à l’intérieur del’anchois. Fermer le poisson etdresser en assiette. Accompagnerde quelques gouttes de crème depiment, du granité de tomate et dequelques dés d’anchois en saumureavec un filet d’huile d’olive.

Temps de préparation1 heure

Vin recommandéNous voyagerons jusqu’à LaGuardia, au cœur de La Rioja

alavaise, à la recherche d’un vinpuissant qui soit à la hauteur decette recette. Et, bien sûr, l’ArtadiPagos Viejos 2004 (DOCa Rioja)des bodegas Artadi nous vient toutde suite à l’esprit : ses arômes degraphite, de mûres et de myrtillesainsi que ses notes floralesaffirment sa présence. Il possèdeen outre de nombreux degrésaromatiques ainsi qu’un agréabletanin boisé. Idéal pour la Gilda.

(Guindillas de Ibarra y dos anchoas)

PIMENTSD’IBARRA aux deux

anchois

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Les piments d’Ibarra et les anchoissont en soi deux ingrédientsformidables. Il s’agit là d’uneinterprétation particulière dela recette de la Gilda, brochetteapéritive qui nous transportedans les bars de la vieille villede Saint-Sébastien.

POUR 4 PERSONNES4 piments d’Ibarra entiers ; 4 anchois frais.

Pour la crème de piment : 80 g de piment

d’Ibarra (en conserve) ; 80 g d’huile d’olive

vierge extra ; 20 g d’eau de piments ; 10 g

de vin blanc ; 0,02 g de gomme xanthane.

Pour les anchois en saumure : 4 anchois

en saumure ; huile d’olive vierge extra.

Pour l’eau de tomate : 500 g de tomates

entières.

Pour le granité de tomate : 200 g d’eau de

tomate ; une demi-feuille de gélatine ; poivre.

Crème de pimentsMettre les piments, l’huile d’olivevierge extra, l’eau des piments, levin blanc et la gomme xanthanedans le bol de la centrifugeuse etmixer jusqu’à obtention d’unepurée. Passer au chinois et réserver.

Anchois en saumureNettoyer les anchois et retirer leursarêtes sous l’eau du robinet. Sécher

avec du papier essuie-toutet réserver.

Eau de tomateCongeler les tomates pendant24 heures. Ensuite, découper enmorceaux et laisser égoutter toutela nuit à température ambiante.Réserver l’eau.

Granité de tomateChauffer un quart de la quantitéd’eau de tomate (environ 50 g).Faire fondre la gélatinepréalablement humidifiée. Ajouterl’eau restante ainsi que le poivre.Congeler et gratter la préparationau moment de servir pour obtenirle granité.

PrésentationPlacer le piment à l’intérieur del’anchois. Fermer le poisson etdresser en assiette. Accompagnerde quelques gouttes de crème depiment, du granité de tomate et dequelques dés d’anchois en saumureavec un filet d’huile d’olive.

Temps de préparation1 heure

Vin recommandéNous voyagerons jusqu’à LaGuardia, au cœur de La Rioja

alavaise, à la recherche d’un vinpuissant qui soit à la hauteur decette recette. Et, bien sûr, l’ArtadiPagos Viejos 2004 (DOCa Rioja)des bodegas Artadi nous vient toutde suite à l’esprit : ses arômes degraphite, de mûres et de myrtillesainsi que ses notes floralesaffirment sa présence. Il possèdeen outre de nombreux degrésaromatiques ainsi qu’un agréabletanin boisé. Idéal pour la Gilda.

(Guindillas de Ibarra y dos anchoas)

PIMENTSD’IBARRA aux deux

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SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2011 SPAIN GOURMETOUR 2726 SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2011 SPAIN GOURMETOUR

VINSDOUXUne délicieuse révolution douceTous les pays de grande tradition vinicole peuvent se prévaloir d'un bonéchantillon de vins doux historiques souvent riches en évocations légendaires,et l’Espagne n'y fait pas exception. Mais de surcroît, dans le cadre de la grandetransformation qu’a connue le vin espagnol au cours des vingt-cinq dernièresannées a eu lieu à un niveau modeste et de façon parfois timide une révolutiondouce véritablement passionnée.

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SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2011 SPAIN GOURMETOUR 2726 SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2011 SPAIN GOURMETOUR

VINSDOUXUne délicieuse révolution douceTous les pays de grande tradition vinicole peuvent se prévaloir d'un bonéchantillon de vins doux historiques souvent riches en évocations légendaires,et l’Espagne n'y fait pas exception. Mais de surcroît, dans le cadre de la grandetransformation qu’a connue le vin espagnol au cours des vingt-cinq dernièresannées a eu lieu à un niveau modeste et de façon parfois timide une révolutiondouce véritablement passionnée.

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VIN&

EAU

VINS DOUX

Les vins doux ont connu en Espagneune histoire glorieuse : les mountainwines de Malaga, le petit vin d’Alicantedont on dit qu’il adoucit les derniersjours de la vie du Roi Soleil (Louis XIV,1638-1715), les sherry et les canarysack qui brillaient dans les œuvres deShakespeare (1564-1616), le malvasíade Sitges et de Banyalbufar de l’île deMajorque, le vin tostadillo deRivadavia... La plupart de ces vins, quiont certainement dû être fortifiés pourpouvoir supporter les traverséesmaritimes, parcoururent toute l’Europeentre le XVIe siècle et le XVIIIe siècle,tout comme les vins de Porto et deMadère, par l’entremise des Anglais.Bien qu’il soit pratiquement impossiblede tracer une ligne continue entre lesproductions légendaires du passé etles productions actuelles, on tend deplus en plus à apprécier le vignobleespagnol pour sa douceur, à repenserles vins du passé avec les yeux duprésent et à rénover les styles pourles rendre plus séduisants aux palaisactuels.

Un « plus »de douceurDans le monde du vin, il est indéniableque doux est synonyme deconcentration, et donc de course pourobtenir des raisins plus sucrés queceux qui servent à l’élaboration desblancs et des rouges secs. Dansl’Antiquité, les vins doux étaientconsidérés comme les plus nobles. Ilsoffraient plus d’intensité, étaient plusgoûteux et supportaient les voyageset le cours du temps. Nous trouvonsla première description d’un vin deraisins secs dans l’œuvre d’Hésiode,

techniques d’élaboration qui, commeles vins élaborés à partir de raisinssecs, arrivèrent dans la Péninsule avecles Phéniciens, c’est-à-dire auxenvirons de 1100 av. J.-C.

PasserillagecompletL’exemple le plus extrême depasserillage est le PX, un vin épais,concentré et extrêmement doux quipeut contenir jusqu’à 500 g de sucrepar litre. Il est élaboré avec le cépagepedro ximénez qui lui donne son nom,et nous le trouvons en Andalousie(Sud de l’Espagne) dans lesdénominations de Malaga, de Jerez(province de Cadix) et surtout deMontilla-Moriles (Cordoue). Cettedernière dénomination peutapprovisionner légalement les deuxautres et, bien naturellement, Jerez,où il est pratiquement absent, bienqu’il existe une exception notableavec le Ximénez-Spínola, qui provientde raisins cultivés dans la région duMarco de Jerez.Le PX est un vin doux fortifié (lemoût est additionné d’alcool purde vin), car les énormes quantitésde sucre obtenues lors de l’évolutiondu grain en raisin sec rendentimpossible le travail des levures.L’évolution de ce vin réside dansl’asoleo (les baies sont disposées surdes claies et exposées au soleil) avantl’arrivée des pluies de la fin de l’été,et dans le très laborieux pressuragequi doit extraire l’« âme » du raisinsec, ainsi que dans le vieillissementpar le système de soleras quiapportera des résultats d’autant plusspectaculaires qu’il est prolongé dans

TEXTEAMAYA CERVERA/©ICEX

PHOTOSJUAN MANUEL SANZ/©ICEX

TRADUCTIONFRANÇOISE CHUFFART/©ICEX

Les travaux et les jours, du VIIIe siècleav. J.-C. En effet, la dessiccationdélibérée des grains de raisin jusqu’àce qu’ils acquièrent les rides du raisinsec représente la première formuleutilisée par l’homme pour concentrernon seulement les sucres mais tousles constituants d’un grain de raisin.Plus tard, on allait découvrir qu’ilétait possible d’obtenir un effetsemblable par l’action du froid (lacongélation de la grappe qui sert debase aux eiswein — vins de glace) oudu champignon connu sous le nomde pourriture grise (Botritys cinerea)qui donne naissance à des vins douxlégendaires comme les sauternesfrançais ou les tokajis hongrois. Cesdeux possibilités sont cependantassociées à des climats frais alorsque l’Espagne, pays ensoleillé vouénaturellement à la surmaturation, sesitue du point de vue vinicole dansl’orbite méditerranéenne. Celle-citend à favoriser des cépagesparticulièrement importants dansle monde des vins doux, commele moscatel et le malvasía, et des

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VIN&

EAUVINS DOUX

Les vins doux ont connu en Espagneune histoire glorieuse : les mountainwines de Malaga, le petit vin d’Alicantedont on dit qu’il adoucit les derniersjours de la vie du Roi Soleil (Louis XIV,1638-1715), les sherry et les canarysack qui brillaient dans les œuvres deShakespeare (1564-1616), le malvasíade Sitges et de Banyalbufar de l’île deMajorque, le vin tostadillo deRivadavia... La plupart de ces vins, quiont certainement dû être fortifiés pourpouvoir supporter les traverséesmaritimes, parcoururent toute l’Europeentre le XVIe siècle et le XVIIIe siècle,tout comme les vins de Porto et deMadère, par l’entremise des Anglais.Bien qu’il soit pratiquement impossiblede tracer une ligne continue entre lesproductions légendaires du passé etles productions actuelles, on tend deplus en plus à apprécier le vignobleespagnol pour sa douceur, à repenserles vins du passé avec les yeux duprésent et à rénover les styles pourles rendre plus séduisants aux palaisactuels.

Un « plus »de douceurDans le monde du vin, il est indéniableque doux est synonyme deconcentration, et donc de course pourobtenir des raisins plus sucrés queceux qui servent à l’élaboration desblancs et des rouges secs. Dansl’Antiquité, les vins doux étaientconsidérés comme les plus nobles. Ilsoffraient plus d’intensité, étaient plusgoûteux et supportaient les voyageset le cours du temps. Nous trouvonsla première description d’un vin deraisins secs dans l’œuvre d’Hésiode,

techniques d’élaboration qui, commeles vins élaborés à partir de raisinssecs, arrivèrent dans la Péninsule avecles Phéniciens, c’est-à-dire auxenvirons de 1100 av. J.-C.

PasserillagecompletL’exemple le plus extrême depasserillage est le PX, un vin épais,concentré et extrêmement doux quipeut contenir jusqu’à 500 g de sucrepar litre. Il est élaboré avec le cépagepedro ximénez qui lui donne son nom,et nous le trouvons en Andalousie(Sud de l’Espagne) dans lesdénominations de Malaga, de Jerez(province de Cadix) et surtout deMontilla-Moriles (Cordoue). Cettedernière dénomination peutapprovisionner légalement les deuxautres et, bien naturellement, Jerez,où il est pratiquement absent, bienqu’il existe une exception notableavec le Ximénez-Spínola, qui provientde raisins cultivés dans la région duMarco de Jerez.Le PX est un vin doux fortifié (lemoût est additionné d’alcool purde vin), car les énormes quantitésde sucre obtenues lors de l’évolutiondu grain en raisin sec rendentimpossible le travail des levures.L’évolution de ce vin réside dansl’asoleo (les baies sont disposées surdes claies et exposées au soleil) avantl’arrivée des pluies de la fin de l’été,et dans le très laborieux pressuragequi doit extraire l’« âme » du raisinsec, ainsi que dans le vieillissementpar le système de soleras quiapportera des résultats d’autant plusspectaculaires qu’il est prolongé dans

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PHOTOSJUAN MANUEL SANZ/©ICEX

TRADUCTIONFRANÇOISE CHUFFART/©ICEX

Les travaux et les jours, du VIIIe siècleav. J.-C. En effet, la dessiccationdélibérée des grains de raisin jusqu’àce qu’ils acquièrent les rides du raisinsec représente la première formuleutilisée par l’homme pour concentrernon seulement les sucres mais tousles constituants d’un grain de raisin.Plus tard, on allait découvrir qu’ilétait possible d’obtenir un effetsemblable par l’action du froid (lacongélation de la grappe qui sert debase aux eiswein — vins de glace) oudu champignon connu sous le nomde pourriture grise (Botritys cinerea)qui donne naissance à des vins douxlégendaires comme les sauternesfrançais ou les tokajis hongrois. Cesdeux possibilités sont cependantassociées à des climats frais alorsque l’Espagne, pays ensoleillé vouénaturellement à la surmaturation, sesitue du point de vue vinicole dansl’orbite méditerranéenne. Celle-citend à favoriser des cépagesparticulièrement importants dansle monde des vins doux, commele moscatel et le malvasía, et des

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Málaga,le plus douxC’est la seule dénomination espagnoleconsacrée spécifiquement aux vinsdoux. Les Malaga sacks (le terme sackvient de saca, pour signifier que cesont des vins autorisés à quitter leterritoire ou destinés à l’exportation)et les mountain wines provenant descollines escarpées de l’Axarquía,triomphèrent en Europe aux XVIe,XVIIe et XVIIIe siècles. Aujourd’hui,Malaga possède un énorme fondsde mentions traditionnelles et tantde possibilités de production et demélanges qu’une thèse de doctoratserait nécessaire pour parvenir à bienles connaître. Didier Bricout, directeurgénéral du chai centenaire BodegasMálaga Virgen, reconnaît quela terminologie du secteur estactuellement peu connue sur lemarché. La bodega conjugue des vins

de haute production comme le MálagaVirgen, qui assemble jusqu’à quatretypes de vins doux, deux excellentstrasañejos d’élevage d’environ 30 anset vieillis selon le processus de soleras,et des moscatels modernesnaturellement doux dans lesquelstout le sucre et l’alcool proviennentdu raisin, frais et fragrant, commele Tres Leones.« Le passerillage — dit Bricout — estfondamental pour élaborer les vinsmodernes naturellement douxpuisqu’il permet d’obtenir la teneuren sucre nécessaire. » Pour sonélaboration, on soumet le raisin à cequ’on appelle dans la région asoleocorto (une courte exposition ausoleil). Pour les vins douxtraditionnels concentrés, par contre,on pratique un asoleo largo qui permetde partir de raisins beaucoup plusdéshydratés. Leur plus grande teneuren sucre complique la fermentation etc’est pourquoi on en fait des vins de

liqueur avec addition d’alcool.La renaissance du moscatel de Malagaest associée aux productions moderness’appuyant sur le muscat d’Alexandrie,qui cherchent à travailler à partir dupotentiel réel du raisin. On assistealors à une récupération vigoureusedu concept de vin naturellement doux,le genre de vin qui pouvait être élaborélocalement avant le XVIIe siècle,lorsque la nécessité de voyagerimposait l’adjonction d’alcool. Ce vinde la variété moscatel possède deuxpromoteurs indiscutables. Le premier,Telmo Rodríguez, dont le travail surles variétés et les terroirs espagnols

VIN&

EAU

le temps. Le vieillissement favorisela concentration des saveurs,l’augmentation de l’acidité et laréduction du titre d’alcool. Tout celaexplique l’expérience sublime oùdensité, complexité (avec des arômesde toffee, fruits secs, café, raisin sec,caramel) et infinie longueur s’unissentà une texture veloutée. Les solerasles plus vieilles d’Alvear, de PérezBarquero ou de Toro Albalá dans ladénomination d’origine Montilla-Moriles, le trasañejo élaboré parBodegas Málaga Virgen à Malaga etles plus grands PX de Jerez (GranOrden de Garvey, Viejo Rare de

Osborne, Venerable de Domecq,Noé de González Byass…) sont desmerveilles onéreuses et rares quiméritent d’occuper une place parmiles grands vins doux du monde.Mais PX est aussi synonyme de plaisiret de bon rapport qualité-prix. LeMontilla qui se vend le mieux, le GranBarquero (des Bodegas Pérez Barquero)a de 4 à 6 ans d’élevage et coûteenviron 12 euros sur le marchénational. La bodega exporte 43 % desa production dans 45 pays des cinqcontinents et considère que leRoyaume-Uni, les Pays-Bas, l’Italie, laFrance, les États-Unis et le Japon sont

les pays où les PX sont le mieuxappréciés. En outre, les PX se sontmodernisés. Aujourd’hui, plusieursbodegas de Montilla produisent desvins doux version jeune qui ne voientpas le bois, de couleur ambre et auxarômes immédiats de raisin sec et decaramel à consommer très froids. EtAlvear, un autre poids lourd à l’export,a impulsé les PX de cuvée en versionélevage statique avec un vieillissementtrès respectable de six ans en barriqueet deux en bouteilles, et la possibilitéd’une dégustation en vertical(dégustation du même vin dedifférentes cuvées).

VINS DOUX

En dépit de la différence radicaleexistant entre les vins dont lagraduation alcoolique et la douceurproviennent uniquement du cépageet ceux qui utilisent l’addition d’alcoolet d’autres substances édulcorantesprovenant du raisin (les vins dits vinsde liqueur), beaucoup descaractéristiques figurant sur cetableau ne sont pas nécessairementexclusives. Le monde des vins douxregorge de frontières subtiles. Pourune même région et variété, il y adifférents types de vendanges,d’élaboration et de vieillissement. Ilfaut également tenir compte, commele montre cet article, du fait que latradition et l’histoire ont étéréinterprétées par les producteursactuels et que, dans nombre de cas,les savoir-faire se sont modernisés.De nos jours, par exemple, noustrouvons des PX jeunes et desmillésimes en plus des PXtraditionnels élevés selon le systèmedes soleras.

Vins doux :un monde complexeencore à découvrir

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légumes qui en résultent sont plusépicés et ont un goût plus relevé. JoséAntonio dit que cette distinction vientdu microclimat de la région, destempératures douces, du peud’ensoleillement et de la fortehumidité. Iñaki Labaien, d’AgiñaPiperrak, attribue aussi leur différenceaux sols mous de la région et au faitqu’il n’y a pas beaucoup d’écart entre

les températures diurnes et lestempératures nocturnes. Les deuxproducteurs insistent sur le fait queles légumes sont généralement plantés,récoltés, triés et mis en marinade à lamain selon des recettes traditionnellesqui ont été utilisées dans les famillespendant des siècles.Sur la suggestion d’Iñaki Labaien, jesuis entré en contact avec le célèbre

chef Pedro Subijana, du grandrestaurant Akelarre, situé dans lesenvirons de Saint-Sébastien. Pedroutilise souvent les guindillas d’Ibarradans son menu, et les apprécie tantpour ce qu’elles représentent au niveautraditionnel que parce qu’elles « ontune texture parfaite, la touche devinaigre nécessaire et qu’elles ne sontpas piquantes ». Il souligne que « nousles utilisons dans énormément depréparations... elles s’adaptentparfaitement à la haute cuisine, et lessaveurs de ces produits traditionnelssont définitivement inscrites sur notrepalais. Nous les avons utilisés sousdifférents présentations, y compris lasphérification, la caramélisation, eninjection et en les farcissant ».

Câpres piquantesBien qu’il s’agisse géographiquementde produits uniques, les auberginesd’Almagro comme les petits pimentsd’Ibarra ont été appréciés dans toutel’Espagne pendant des générations.Dans le cas des câpres au vinaigre etdes câpres Ballobar, ce produit uniqueet traditionnel du désert de LosMonegros, dans la province de Huesca(Aragon, Nord-Est de l’Espagne)commence à peine à retrouver sonancienne renommée.En général, les câpres espagnoles sontun produit très connu dans le reste dumonde et exporté avec grand succès.Produits autochtones du bassinméditerranéen et des zones arides dela péninsule Ibérique, les deux typesde câpres — alcaparras etalcaparrones — ont été récoltés pourl’alimentation depuis des siècles.Les câpres les plus courammentconsommées sont en fait les bourgeons

GROSPLAN

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piparras (comme on les appellesouvent au Pays basque espagnol).Malgré les ressemblances danscertaines applications, il est importantde différencier ces petits piments vertsde la variété traditionnellementmarinée dans d’autres parties del’Espagne. Les authentiques pimentsd’Ibarra ne sont cultivés que danscertaines zones spécifiques du Nord

de la province de Guipuscoa. D’autrescaractères de ces piments sont leurpeau fine, leur pulpe charnue, leurcouleur jaune verdâtre et leur saveurdouce. Mais pour la plupart desgens, la grande différence est quecontrairement à ceux d’autresrégions, les piments d’Ibarra nesont pas piquants.Selon José Antonio Urrozola,

d’Ibarraco Langostinoak, l’une des sixentreprises produisant les guindillasd’Ibarra, la ville d’Ibarra esthistoriquement connue pour sessemences de légumes. Les gensviennent de tous les coins d’Espagnepour acheter des tomates, des laitueset des grains de poivre qui sont plantésici. La différence est que, selon lesendroits où ils sont cultivés, les

PICKLES

Bien qu’il soit facile de combiner deslégumes marinés avec un apéritiftraditionnel comme la bière ou levermouth, il est peut-être un peu plusdélicat de les marier avec du vin.L’acidité existant dans la plupart desvins peut entrer en conflit avec les notesvinaigrées des légumes marinés.Cependant, certaines propriétés de vinsfortifiés comme les Xérès les rendentpropres à cette combinaison avec lessaveurs amères, salées et parfoisdouces des légumes marinés. EnAndalousie, où sont produits ces vinscélèbres, il existe dans ce sens unetradition de longue date. Il suffitd’écouter ce que dit José García, de laTaberna La Manzanilla, une véritableinstitution à Cadix, où sa famille sertdepuis 1942 des Xérès centenaires :« Le vieillissement en fûts de bois devins comme les Amontillado, PaloCortado et Oloroso leur donne du corpset le caractère sec nécessaire pourrésister à la saveur forte du vinaigre. »

Miguel Llanos, le sommelier de BodegasTradición, à Jerez, partage cetteopinion. Il explique que les Xérès quicommencent leur vieillissement selon leprocessus traditionnel appelé flor (unecombinaison de levures responsablesdu vieillissement des vins finobiologiques) sont structurés et secs etpeuvent donc s’adoucir et s’harmoniser

Légumes marinés et XérèsMarier deux grandes traditions de l’Espagne

avec les notes piquantes du vinaigre.En outre, l'association de ce type devieillissement au vinaigre et au sel deslégumes marinés fait saliver davantage lepalais, ce qui contribue aussi à optimiserles saveurs et les arômes.

Fondée en 1650, Bodegas Tradiciónproduit trois Xérès secs : l’Amontillado,l’Oloroso et le Palo Cortado, qui ont tousentre 20 et 50 ans. Entreposé dans lestraditionnels barils superposés, connussous le nom de soleras, ces vins sontvieillis progressivement et lentementoxydés, favorisant le développementd’arômes complexes. J’ai eu la chancede rencontrer Miguel et Lorenzo García-Iglesias, les responsables de la bodega, àEl Yantar de Ayer, l'incomparable boutiquede légumes marinés du Mercado de SanMiguel, à Madrid. Nous avons combinéces trois vins avec une sélection demarinades : olives, cornichons, câpres,poivrons rouges, gousses d’ail et, enfin,l’aubergine d’Almagro. Sans aucun doute,les vins qui se mariaient le mieux avec lesnotes de vinaigre étaient ceux quidégageaient un goût subtil de sel, de noixet des tons légers de peau d'orangeamère, d’amande et de noisette commel’Amontillado et le Palo Cortado qui avaienttous partiellement vieilli sous la flor. Unefois de plus, nous avons pu vérifierl’excellente union de ces deux importantestraditions gastronomiques espagnoles !

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Málaga,le plus douxC’est la seule dénomination espagnoleconsacrée spécifiquement aux vinsdoux. Les Malaga sacks (le terme sackvient de saca, pour signifier que cesont des vins autorisés à quitter leterritoire ou destinés à l’exportation)et les mountain wines provenant descollines escarpées de l’Axarquía,triomphèrent en Europe aux XVIe,XVIIe et XVIIIe siècles. Aujourd’hui,Malaga possède un énorme fondsde mentions traditionnelles et tantde possibilités de production et demélanges qu’une thèse de doctoratserait nécessaire pour parvenir à bienles connaître. Didier Bricout, directeurgénéral du chai centenaire BodegasMálaga Virgen, reconnaît quela terminologie du secteur estactuellement peu connue sur lemarché. La bodega conjugue des vins

de haute production comme le MálagaVirgen, qui assemble jusqu’à quatretypes de vins doux, deux excellentstrasañejos d’élevage d’environ 30 anset vieillis selon le processus de soleras,et des moscatels modernesnaturellement doux dans lesquelstout le sucre et l’alcool proviennentdu raisin, frais et fragrant, commele Tres Leones.« Le passerillage — dit Bricout — estfondamental pour élaborer les vinsmodernes naturellement douxpuisqu’il permet d’obtenir la teneuren sucre nécessaire. » Pour sonélaboration, on soumet le raisin à cequ’on appelle dans la région asoleocorto (une courte exposition ausoleil). Pour les vins douxtraditionnels concentrés, par contre,on pratique un asoleo largo qui permetde partir de raisins beaucoup plusdéshydratés. Leur plus grande teneuren sucre complique la fermentation etc’est pourquoi on en fait des vins de

liqueur avec addition d’alcool.La renaissance du moscatel de Malagaest associée aux productions moderness’appuyant sur le muscat d’Alexandrie,qui cherchent à travailler à partir dupotentiel réel du raisin. On assistealors à une récupération vigoureusedu concept de vin naturellement doux,le genre de vin qui pouvait être élaborélocalement avant le XVIIe siècle,lorsque la nécessité de voyagerimposait l’adjonction d’alcool. Ce vinde la variété moscatel possède deuxpromoteurs indiscutables. Le premier,Telmo Rodríguez, dont le travail surles variétés et les terroirs espagnols

VIN&

EAU

le temps. Le vieillissement favorisela concentration des saveurs,l’augmentation de l’acidité et laréduction du titre d’alcool. Tout celaexplique l’expérience sublime oùdensité, complexité (avec des arômesde toffee, fruits secs, café, raisin sec,caramel) et infinie longueur s’unissentà une texture veloutée. Les solerasles plus vieilles d’Alvear, de PérezBarquero ou de Toro Albalá dans ladénomination d’origine Montilla-Moriles, le trasañejo élaboré parBodegas Málaga Virgen à Malaga etles plus grands PX de Jerez (GranOrden de Garvey, Viejo Rare de

Osborne, Venerable de Domecq,Noé de González Byass…) sont desmerveilles onéreuses et rares quiméritent d’occuper une place parmiles grands vins doux du monde.Mais PX est aussi synonyme de plaisiret de bon rapport qualité-prix. LeMontilla qui se vend le mieux, le GranBarquero (des Bodegas Pérez Barquero)a de 4 à 6 ans d’élevage et coûteenviron 12 euros sur le marchénational. La bodega exporte 43 % desa production dans 45 pays des cinqcontinents et considère que leRoyaume-Uni, les Pays-Bas, l’Italie, laFrance, les États-Unis et le Japon sont

les pays où les PX sont le mieuxappréciés. En outre, les PX se sontmodernisés. Aujourd’hui, plusieursbodegas de Montilla produisent desvins doux version jeune qui ne voientpas le bois, de couleur ambre et auxarômes immédiats de raisin sec et decaramel à consommer très froids. EtAlvear, un autre poids lourd à l’export,a impulsé les PX de cuvée en versionélevage statique avec un vieillissementtrès respectable de six ans en barriqueet deux en bouteilles, et la possibilitéd’une dégustation en vertical(dégustation du même vin dedifférentes cuvées).

VINS DOUX

En dépit de la différence radicaleexistant entre les vins dont lagraduation alcoolique et la douceurproviennent uniquement du cépageet ceux qui utilisent l’addition d’alcoolet d’autres substances édulcorantesprovenant du raisin (les vins dits vinsde liqueur), beaucoup descaractéristiques figurant sur cetableau ne sont pas nécessairementexclusives. Le monde des vins douxregorge de frontières subtiles. Pourune même région et variété, il y adifférents types de vendanges,d’élaboration et de vieillissement. Ilfaut également tenir compte, commele montre cet article, du fait que latradition et l’histoire ont étéréinterprétées par les producteursactuels et que, dans nombre de cas,les savoir-faire se sont modernisés.De nos jours, par exemple, noustrouvons des PX jeunes et desmillésimes en plus des PXtraditionnels élevés selon le systèmedes soleras.

Vins doux :un monde complexeencore à découvrir

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While not all Spanish olives areconsidered true pickles, there is nodoubting the reality of their successin the national and global marketplace(Spain Gourmetour No. 70). Spainis, in fact, the world’s top producer,exporter and consumer of tableolives. In the words of Antonio deMora, Director of the Association ofExporters and Manufacturers of TableOlives (ASEMESA), “In Spain, the oliveforms a part of our culture andidiosyncrasy. It has been andcontinues to be a source of wealthfor our country, with regards to itscultivation, transformation and export,in which we are world leaders. And ofcourse, it’s ever-present on our table,whether in the form of a typical tapaor ingredient in our gastronomy.”

According to data provided bythe Olive Oil Agency (AAO) for the2010/2011 season, Spain produces30% of the world’s table olives, withan average annual production of526,000 tons. This puts Spain wellabove its nearest competitors: Egypt(13%), Turkey (10%) and Syria (8%).The same is true for olive exports,for which Spain also dominates theworld market at 30%, with averageannual exports of 272,000 tons.

Although Spanish olives are enjoyedin 120 countries around the world,40% of all production is consumedon a national level. This is notsurprising, given their important rolein Spanish culture as not just tapas oringredients, but also as elements ofsocial interaction and tradition thathave come to symbolize that which is“typically Spanish”. In short, Spanisholives are as indispensable as it gets!

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exportent 150 000 kg d’ail par an, sontleur meilleur client. Selon le directeurd’Amanida, José Luis Simon, « auxÉtats-Unis, les gens commencentà associer ce produit à l’Espagne engénéral ». À part les légumes marinésles plus traditionnels, la sociétéa récemment lancé une ligne deproduits innovants comme lescornichons au thé vert et les petitsoignons au goût de pesto.

AuberginesminiatureÀ l’autre bout du spectre se trouventdes marinades si particulières qu’ellesne peuvent être produites que danscertaines zones, conformément auxtraditions séculaires. Parmi cesproduits, on trouve, comme nousl’avons dit, les célèbres berenjenasd’Almagro, les guindillas d’Ibarra etles alcaparras Ballobar. Il est importantde souligner que leur caractère uniquene tient pas seulement à leur originegéographique mais aussi à leur impactsur la culture d’une région et sagastronomie. Outre leur forte présencedans les traditions culinaires du passé,

ces produits sont tellement respectésqu’ils sont également incorporés dansles recettes de la plupart des plusgrands chefs d’Espagne.Le plus connu de ces produits est sansdoute la berenjena d’Almagro, unaliment qui possède une indicationgéographique protégée (IGP). Cetteespèce génétiquement unique(Solanum melongena) est cultivée danssix villes du Campo de Calatrava, unerégion située au centre de la provincede Ciudad Real (Castille-La Manche,Centre de l’Espagne), baptisée du nomromantique de l’ordre des chevaliersde Calatrava qui la défendirent au XIIe

siècle. Les Arabes y introduisirent laplante au Xe siècle ainsi que la recettequi est encore utilisée de nos jours.Une plante quasi sauvage qui estsurtout cultivée sur de petites fermesfamiliales de 1 ou 2 hectaresseulement. Selon Vicente Malagón,dont le père a fondé la premièreentreprise commerciale (VicenteMalagón S.A.), le haut rendementde ce produit fait de la récolte unévénement social qui impliquegénéralement l’ensemble des familleslocales. Vicente souligne l’importance

de cette tradition qui contribue àpréserver les caractéristiques naturelleset traditionnelles du produit.Les aubergines sont récoltées à partirde la fin de l’été ou du début del’automne alors qu’elles sont encorejeunes (environ la taille d’un boutonde rose). Elles se caractérisent par leurpetite taille, leur tige mince et leur fruitvert foncé qui peut prendre àl’extérieur des tons violet et noir. Selonune étude réalisée par l’Universitépolytechnique de Valence, cesaubergines ont également une teneurextrêmement élevée en polyphénols— des antioxydants qui peuvent aiderà prévenir certains types de cancer,réduire les signes du vieillissementet le taux de cholestérol.Contrairement à d’autres légumesmarinés crus, les aubergines sontcuites, fermentées puis assaisonnées.Ce processus est encore réalisé dansles foyers dans toute la région. Lesberenjenas aliñadas classiques(aubergines assaisonnées) sontassaisonnées selon une recette à based’huile de tournesol, vinaigre de vin,ail violet cultivé localement (IGP AjoMorado de Las Pedroñeras), cumin, sel

gemme et paprika (de la dénominationDOP Pimentón de la Vera)Les berenjenas embuchadas sont farciesavec du poivre rouge et mises enbrochettes sur une tige de fenouilsauvage cultivé localement. Leurtexture est changeante, allant ducaoutchouteux des feuilles extérieuresà la chair lisse et élastique del’aubergine elle-même. Bien que leursaveur soit caractérisée par l’odeur duvinaigre et du cumin, leur goût estdélicat et différent de tout ce que vousayez pu goûter. Habituellementconsommée entière, mais parfoiscoupée en petits cubes, il n’est pasétonnant que les bars de la PlazaMayor de la ville historique d’Almagro(Ciudad Real) ne puissent se retenirde garnir tous leurs plats de cespetites marinades.La qualité et l’originalité de ce produitlocal ont permis son utilisation dansdes plats innovants créés par certainsdes meilleurs chefs de la région.Chaque année, le conseil régulateurde l’IGP Berenjenas de Almagroorganise un concours gastronomiquedans lequel les professionnels dusecteur sont invités à créer des tapas

originales utilisant cet ingrédient.Lors de précédents concours, onl’a vu présentée, entre autres, frite,en mousse, farcie à la viande,émulsionnée, infusée dans du painou laminée comme un carpaccio.

La fraîcheurdes petits pimentsPrès de mille kilomètres plus au nord,les petits piments marinés d’Ibarrasont aussi très appréciés pour leursapplications culinaires. Je voudraissouligner que ces piments verts ont étéutilisés dans toute l’Espagne pouraccompagner les ragoûts classiques etles légumes secs. L’un des plats les plustraditionnels de Madrid, le cocidomadrileño (pot-au-feu préparé avec despois chiches, des légumes et de laviande), ne serait pas ce qu’il est s’iln’avait été accompagné de pimentsverts marinés. Le vinaigre apporte uncontraste à l’onctuosité des pois et à lagraisse du chorizo souvent utilisé pourdonner du goût. À Ibarra, les alubiasde Tolosa (haricots noirs de Tolosa,Guipuscoa), la spécialité locale, sontaussi servies avec une bonne dose de

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PICKLES

Bien que toutes les olives espagnolesne soient pas considérées comme devéritables produits marinés, leur succèstant sur le marché national que sur lemarché mondial ne fait aucun doute(Spain Gourmetour, nº 60). L’Espagne estbien le premier producteur, exportateur etconsommateur mondial d’olives de table.Selon Antonio de Mora, directeur deAsemesa (Association des exportateurset des producteurs d’olives de table),« en Espagne, les olives font partie denotre culture et de notre identité. Ellesont été et continuent d’être une sourcede richesse pour notre pays en ce quiconcerne leur production, leurtransformation et leur exportation, dontnous sommes les leaders mondiaux.Et elles sont naturellement toujoursprésentes sur nos tables, que ce soitsous la forme d’une tapa ou d’uningrédient dans notre cuisine. »

Selon les données fournies par l’Agenciapara el Aceite de Oliva (AAO) pour lasaison 2010-2011, l’Espagne produit30 % des olives de table du monde, avecune production moyenne annuelle de526 000 tonnes. Cela situe l’Espagnebien au-dessus de ses concurrents lesplus proches : l’Egypte (13 %), la Turquie(10 %) et la Syrie (8 %). Il en est demême pour les exportations d’olives pourlesquelles l’Espagne domine 30 % dumarché mondial, avec des exportationsannuelles moyennes de 272 000 tonnes.

Bien que les olives espagnoles soientappréciées dans 120 pays du monde,40 % de la production est consomméedans le pays. Cela n’est pas surprenant,compte tenu de leur rôle important dansla culture espagnole, non seulementcomme tapas ou ingrédients culinairesmais aussi comme mode de relationssociales et comme tradition symbolisantle « typiquement espagnol». Bref, s’il estbien une chose dont on ne peut pas sepasser, ce sont les olives espagnoles.

Les olivesespagnolesUne catégorie à part

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C’est une opinion que partage PepeMendoza, de la bodega familialeEnrique Mendoza, à Alfaz del Pi. Cettesignature, pionnière dans l’élaborationde rouges de qualité dans la DOAlicante, offre sur le marché deux vinsde moscatel produits selon le systèmetraditionnel de la région et consistantà éteindre la fermentation avec del’alcool, contrairement aux tendancesoxydatives du passé. Le vin appeléMoscatel de la Marina est produit àpartir de raisin vendangé avec unpotentiel de 12,5 degrés Baumé (degréprobable d’alcool à partir de la

concentration de sucre dans le raisin)et représente la recherche de lafraîcheur variétale, tandis que leMoscatel de Mendoza, provenant d’unevendange plus mûre, macère avec lespeaux et vieillit en barrique, donnantun vin plus complexe et de plus grandpoids en bouche. Pepe Mendoza, quia réussi à positionner ses étiquettesdouces en Grande Bretagne, enAllemagne, en Suisse, au Mexique etaux États-Unis, affirme que « dansla culture méditerranéenne, on neconçoit pas de terminer un repas sansun vin doux ».

Le cépagemonastrellet le fondillónLe fondillón est le vin doux d’Alicantedont l’histoire est la plus riche. Il estproduit à partir du cépage monastrellsurmaturé et presque passerillé sur laplante. C’est un vin naturellementdoux dont l’alcool provientexclusivement du processus defermentation. Le conseil régulateurde la DO Alicante exige soitl’utilisation de levures autochtones

VIN&

EAU

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oubliés permit de récupérer les vieuxmountain wines de l’Axarquía dans cequi constitue probablement son projetles plus passionné : élaborer des vinsdoux de moscatel de pizarra caliente etde raisin séché au soleil où l’influencede la montagne est évidente. SonMolino Real (Spain Gourmetour, nº 71),né de la cuvée 1998, est une véritableicône des nouveaux vins douxespagnols. Avec une production deplus de 6 000 bouteilles et 20 moisen chêne français, ses meilleurescuvées combinent le mielleuxcaractéristique du cépage, les arômesprimaires délicats et frais et le souvenird’herbes aromatiques. Leur capacitéde développement en bouteille estremarquable.Le deuxième est Jorge Ordóñez,importateur de vins espagnols auxÉtats-Unis, qui a du sang malaguènedans les veines. Contrairement àd’autres initiatives en Espagne pourlesquelles il a cherché à s’associer àd’autres producteurs, c’est là un projetpersonnel et le seul à porter son nom(Bodegas Jorge Ordóñez & Co.). Surles conseils œnologiques de la familleautrichienne Kracher, spécialistesreconnus des vins doux, il produitquatre marques dont la concentrationsuit une progression croissante, desplus jeunes — Nº 1 Special Selectionet Nº 2 Victoria —, fermentés en cuvesd’acier inoxydable, en passant par leNº 3 Viejas Viñas qui fermente 18 moisen fût de chêne français, jusqu’àl’original Esencia, un vin unique dansla région produit avec le moscatel leplus passerillé. Ce vin dense etprofond qui rappelle inévitablementles essenczia hongroises de Tokaj a plusde 500 g de sucre résiduel et titre à 4º.

Les autresmoscatelsespagnolsLe pionnier des vins modernesnaturellement doux élaborés enEspagne fut un moscatel de Navarre,Ochoa, dont la première cuvéeremonte à 1994. Grâce à Javier Ochoa,à l’époque responsable de l’Evena(Station de viticulture et d’œnologiede Navarre), organisme leader dansla recherche dans la DO Navarra, lenouveau vin doux atteint un doubleobjectif : moderniser les moscatelstraditionnels locaux, conçusjusqu’alors comme des vinos de licorqui évoluaient en s’oxydant, etrécupérer le cépage à petit grain,presque disparu, à partir d’unesélection de vieux vignobles. Résultat :un vin net, fragrant, frais, fruité qui aréussi à capter l’expression la pluscroustillante et délicieuse du grainde raisin lui-même. À partir d’unevendange tardive, la fermentation estinterrompue à froid en prenant commeréférence un titre d’environ 12,5º eten variant le sucre résiduel en fonctiondes caractéristiques de la cuvée. C’estl’une des références les plusimportantes et du meilleur rapportqualité-prix en matière de vins doux.Ce style a eu de nombreux adeptes etbien que la production soit très réduite(à peine 0,2 % de la production de ladénomination en 2010), il a étéaccepté comme une catégorie tout àfait spéciale parmi les vins de Navarre(Spain Gourmetour, nº 71).Fernando Chivite fit un pas de plus enintroduisant la barrique, en s’inspirantdes vins doux classiques européens et

en ajoutant en plus la botrytis oupourriture grise, si peu fréquente enEspagne. Son Chivite Colección 125Vendimia Tardía est élaboré avec dumoscatel surmaturé vendangé en trèspetits lots, de la mi-octobre au débutdécembre. C’est un vin doux complexeet beaucoup plus concentré, avec debons taux d’acidité et une excellentecapacité de développement enbouteille ; selon moi, l’un desmeilleurs du pays.L’autre grande région des moscatelsespagnols, Alicante (Sud-Est del’Espagne), a également vécu sa proprerévolution. Les plus remarquablesproviennent de la région de La Marina,marquée par l’influence de la mer, oùl’on cultive traditionnellement lemuscat d’Alexandrie. Ici, le grandpionnier est Felipe Gutiérrez de laVega, un passionné d’opéra qui a fondéune école avec ses Casta Diva, très bienaccueillis aux États-Unis. La gammeest très variée : le Casta Diva FurtivaLágrima, de style frais et fermenté enacier inoxydable ; le Casta DivaCosecha Miel, son vin phare, quicombine raisin sec et raisin très mûr,fermenté en cuve d’acier puis élevé12 mois en chêne français, enfin leCasta Diva La Diva, le plus concentréde tous, un vin naturellement douxélaboré à partir de raisin passerillé etégalement vieilli en bois. VioletaGutiérrez de la Vega qui a pris la relèvede la production après avoir suivi uneformation à Sauternes, reconnaît quedans le monde des vins doux lesfrontières sont compliquées. Sespréférences au moment d’interromprela fermentation vont toujours versl’addition d’alcool plutôt que versl’ajout d’anhydride sulfureux.

VINS DOUX

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C’est une opinion que partage PepeMendoza, de la bodega familialeEnrique Mendoza, à Alfaz del Pi. Cettesignature, pionnière dans l’élaborationde rouges de qualité dans la DOAlicante, offre sur le marché deux vinsde moscatel produits selon le systèmetraditionnel de la région et consistantà éteindre la fermentation avec del’alcool, contrairement aux tendancesoxydatives du passé. Le vin appeléMoscatel de la Marina est produit àpartir de raisin vendangé avec unpotentiel de 12,5 degrés Baumé (degréprobable d’alcool à partir de la

concentration de sucre dans le raisin)et représente la recherche de lafraîcheur variétale, tandis que leMoscatel de Mendoza, provenant d’unevendange plus mûre, macère avec lespeaux et vieillit en barrique, donnantun vin plus complexe et de plus grandpoids en bouche. Pepe Mendoza, quia réussi à positionner ses étiquettesdouces en Grande Bretagne, enAllemagne, en Suisse, au Mexique etaux États-Unis, affirme que « dansla culture méditerranéenne, on neconçoit pas de terminer un repas sansun vin doux ».

Le cépagemonastrellet le fondillónLe fondillón est le vin doux d’Alicantedont l’histoire est la plus riche. Il estproduit à partir du cépage monastrellsurmaturé et presque passerillé sur laplante. C’est un vin naturellementdoux dont l’alcool provientexclusivement du processus defermentation. Le conseil régulateurde la DO Alicante exige soitl’utilisation de levures autochtones

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oubliés permit de récupérer les vieuxmountain wines de l’Axarquía dans cequi constitue probablement son projetles plus passionné : élaborer des vinsdoux de moscatel de pizarra caliente etde raisin séché au soleil où l’influencede la montagne est évidente. SonMolino Real (Spain Gourmetour, nº 71),né de la cuvée 1998, est une véritableicône des nouveaux vins douxespagnols. Avec une production deplus de 6 000 bouteilles et 20 moisen chêne français, ses meilleurescuvées combinent le mielleuxcaractéristique du cépage, les arômesprimaires délicats et frais et le souvenird’herbes aromatiques. Leur capacitéde développement en bouteille estremarquable.Le deuxième est Jorge Ordóñez,importateur de vins espagnols auxÉtats-Unis, qui a du sang malaguènedans les veines. Contrairement àd’autres initiatives en Espagne pourlesquelles il a cherché à s’associer àd’autres producteurs, c’est là un projetpersonnel et le seul à porter son nom(Bodegas Jorge Ordóñez & Co.). Surles conseils œnologiques de la familleautrichienne Kracher, spécialistesreconnus des vins doux, il produitquatre marques dont la concentrationsuit une progression croissante, desplus jeunes — Nº 1 Special Selectionet Nº 2 Victoria —, fermentés en cuvesd’acier inoxydable, en passant par leNº 3 Viejas Viñas qui fermente 18 moisen fût de chêne français, jusqu’àl’original Esencia, un vin unique dansla région produit avec le moscatel leplus passerillé. Ce vin dense etprofond qui rappelle inévitablementles essenczia hongroises de Tokaj a plusde 500 g de sucre résiduel et titre à 4º.

Les autresmoscatelsespagnolsLe pionnier des vins modernesnaturellement doux élaborés enEspagne fut un moscatel de Navarre,Ochoa, dont la première cuvéeremonte à 1994. Grâce à Javier Ochoa,à l’époque responsable de l’Evena(Station de viticulture et d’œnologiede Navarre), organisme leader dansla recherche dans la DO Navarra, lenouveau vin doux atteint un doubleobjectif : moderniser les moscatelstraditionnels locaux, conçusjusqu’alors comme des vinos de licorqui évoluaient en s’oxydant, etrécupérer le cépage à petit grain,presque disparu, à partir d’unesélection de vieux vignobles. Résultat :un vin net, fragrant, frais, fruité qui aréussi à capter l’expression la pluscroustillante et délicieuse du grainde raisin lui-même. À partir d’unevendange tardive, la fermentation estinterrompue à froid en prenant commeréférence un titre d’environ 12,5º eten variant le sucre résiduel en fonctiondes caractéristiques de la cuvée. C’estl’une des références les plusimportantes et du meilleur rapportqualité-prix en matière de vins doux.Ce style a eu de nombreux adeptes etbien que la production soit très réduite(à peine 0,2 % de la production de ladénomination en 2010), il a étéaccepté comme une catégorie tout àfait spéciale parmi les vins de Navarre(Spain Gourmetour, nº 71).Fernando Chivite fit un pas de plus enintroduisant la barrique, en s’inspirantdes vins doux classiques européens et

en ajoutant en plus la botrytis oupourriture grise, si peu fréquente enEspagne. Son Chivite Colección 125Vendimia Tardía est élaboré avec dumoscatel surmaturé vendangé en trèspetits lots, de la mi-octobre au débutdécembre. C’est un vin doux complexeet beaucoup plus concentré, avec debons taux d’acidité et une excellentecapacité de développement enbouteille ; selon moi, l’un desmeilleurs du pays.L’autre grande région des moscatelsespagnols, Alicante (Sud-Est del’Espagne), a également vécu sa proprerévolution. Les plus remarquablesproviennent de la région de La Marina,marquée par l’influence de la mer, oùl’on cultive traditionnellement lemuscat d’Alexandrie. Ici, le grandpionnier est Felipe Gutiérrez de laVega, un passionné d’opéra qui a fondéune école avec ses Casta Diva, très bienaccueillis aux États-Unis. La gammeest très variée : le Casta Diva FurtivaLágrima, de style frais et fermenté enacier inoxydable ; le Casta DivaCosecha Miel, son vin phare, quicombine raisin sec et raisin très mûr,fermenté en cuve d’acier puis élevé12 mois en chêne français, enfin leCasta Diva La Diva, le plus concentréde tous, un vin naturellement douxélaboré à partir de raisin passerillé etégalement vieilli en bois. VioletaGutiérrez de la Vega qui a pris la relèvede la production après avoir suivi uneformation à Sauternes, reconnaît quedans le monde des vins doux lesfrontières sont compliquées. Sespréférences au moment d’interromprela fermentation vont toujours versl’addition d’alcool plutôt que versl’ajout d’anhydride sulfureux.

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Europe qu’aux États-Unis et en Asie,fermente jusqu’à 3º ou 4º d’alcoolà la recherche d’arômes defermentation absents dans les mistelas.Il macère ensuite à froid pour obtenirune bonne extraction aromatique et,à la différence d’Olivares, il passedirectement en barrique (8-10 mois).Prédominent le fruit noir très mûr,les figues et les notes balsamiques degarrigue méditerranéenne quidistingue le monastrell de la régionde Murcie.

D’autres vins douxméditerranéensEn Catalogne (Nord-Est de l’Espagne),c’est le cépage garnacha (rouge oublanc), qui, avec le moscatel, sert debase aux vins doux traditionnels quel’on peut trouver sous forme demistelas, de vins rancios (des vins àl’élevage oxydatif par vieillissementen carafes de verre) ou de vins douxnaturels. Les dénominations d’origined’Empordà, à Gérone, et celles de la

du caractère du raisin qui visent àmaintenir l’identité variétale récupéréepar les rouges secs fruités etgourmands actuellement produits dansces dénominations de la province deMurcie. Bodega Olivares, dans la DOJumilla, fut la première à décider de sepasser de barrique pour conserver lemaximum de fruit. Partant de vieuxceps de pied franc, le raisin estsurmaturé sur plante jusqu’à finoctobre-début novembre et lafermentation est interrompue avecde l’alcool ; on effectue cependant unemacération avec les peaux pendantplus de 30 jours. Le vin est mis enbouteille en juin et y reste deux ansavant sa commercialisation. En 2003,la dénomination DO Jumilla a modifiéson règlement pour pouvoir accueillircette typologie de vin de liqueur etOlivares la commercialise à présentavec la même contre-étiquette.Dans la DO Yecla, Bodegas Castañoévolue dans le même sens. Son rougedoux de monastrell, qui a réussi unebonne percée à l’international tant en

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et un minimun de 10 ans devieillissement statique en barrique, soitle système de soleras, et dans ce cas levin le plus jeune ne peut avoir moinsde 4 ans. En outre, ce conseil a crééune commission spécifique pour lesuivi de ce vin doux qui n’est produitque dans une douzaine de bodegasde la région.S’il est certain que les sourcesdocumentaires ne permettent pasd’établir une connexion claire entreles fondillons actuels et ceux du passé,ce qui est indiscutable ce sont lesaptitudes naturelles de ce cépage siméditerranéen qu’est le monastrell(Spain Gourmetour, nº 65) à atteindredes taux élevés de maturité et deconcentration. Et si les fondillons lesplus traditionnels possèdent unélément oxydatif évident, la modernitéest venue une fois de plus de Gutiérrezde la Vega qui en s’inspirant desproductions de la Huerta d’Alicante,plus douces et plus épaisses que cellesde Monóvar, signe deux versionsartisanales et rares de 10 et 15 ans quifermentent en barils ouverts et sontplus proches par leur concentrationet leur expression fruitée d’un Portovintage que des goûts aigres et plussecs élaborés par d’autres producteursde la dénomination.Dans un esprit de plus grande liberté,la famille Mendoza produit un vindoux moderne de monastrell, le Dolçde Mendoza, également à partir deraisins passerillés sur la plante et élevésen chêne français pendant trois ouquatre ans. Naturellement, la densitéest importante et le fruité du cépageest très présent dans le verre.De même, les ancienes mistelas (moûtde raisin auquel est ajoutée une petitequantité d’alcool de vin) de la variétémonastrell de Yecla et de Jumilla(Murcie, Sud-Est de l’Espagne) ont faitplace à des rouges doux plus proches

CaractéristiquesVendanges tardives et raisins plus ou moinssurmaturés

Raisin surmaturé et passerillé sur la plante

Baie exposée au soleil ou passerillée horsde la plante

Vins naturellement doux avec du sucre et del’alcool provenant du raisin

Vins de liqueur avec addition d’alcool et/ou demoûts concentrés et d’autres substancesédulcorantes provenant du raisin

Sans élevage en bois

Soleil et sable (vieillissement en carafes en verre)

Système de soleras

Élevage statique en bois

Vins-La plupart des vins doux proviennent de cépages à trèshaute teneur en sucre

-Fondillón-Vins de malvasía et d’autres vins doux des îles Canaries-Beaucoup de vins de liqueur catalans

-PX (Malaga, Montilla, Jerez)-Moscatels de Malaga-Quelques vins de malvasía et des vins doux canariens

-Fondillón et certains vins doux de monastrell-Malvasías canariens-Nouveaux moscatels navarrais-Quelques vins doux de Malaga, surtout des moscatels-Vins Rancio doux du Priorat et rouges doux de facturemoderne de la région et de la Catalogne en général

-Malaga-Vins traditionnels catalans : Empordà, Montsant, Priorat,Tarragona, Terra Alta-Quelques vins doux de monastrell-Jerez (moscatels et vins généreux de liqueur)-PX (Montilla, Jerez, Malaga)-Moscatels traditionnels d’Alicante, de Navarre, d’Aragon,de Catalogne, des îles Canaries-Canary-Mistelas-Malvasía de Sitges

-Vins jeunes de moscatel et malvasía-PX jeunes-Quelques vins de mistela

-Rancio doux, surtout en Catalogne

-PX de Jerez et de Montilla et quelques-uns de Malaga-D’autres vins doux de Jerez-Beaucoup de garnatxas de l'Empordà et quelques vinsde liqueur et rancio catalans-Malvasías canaríens-Fondillón

-Rares exemples de PX de cuvées vieillies en botas-Fondillón-La plupart des vins doux de Malaga-La plupart des vins doux catalans, y compris le malvasíade Sitges-La plupart des vins de moscatel et des vins douxde facture moderne

Vendange

Élaboration

Vieillissement

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Europe qu’aux États-Unis et en Asie,fermente jusqu’à 3º ou 4º d’alcoolà la recherche d’arômes defermentation absents dans les mistelas.Il macère ensuite à froid pour obtenirune bonne extraction aromatique et,à la différence d’Olivares, il passedirectement en barrique (8-10 mois).Prédominent le fruit noir très mûr,les figues et les notes balsamiques degarrigue méditerranéenne quidistingue le monastrell de la régionde Murcie.

D’autres vins douxméditerranéensEn Catalogne (Nord-Est de l’Espagne),c’est le cépage garnacha (rouge oublanc), qui, avec le moscatel, sert debase aux vins doux traditionnels quel’on peut trouver sous forme demistelas, de vins rancios (des vins àl’élevage oxydatif par vieillissementen carafes de verre) ou de vins douxnaturels. Les dénominations d’origined’Empordà, à Gérone, et celles de la

du caractère du raisin qui visent àmaintenir l’identité variétale récupéréepar les rouges secs fruités etgourmands actuellement produits dansces dénominations de la province deMurcie. Bodega Olivares, dans la DOJumilla, fut la première à décider de sepasser de barrique pour conserver lemaximum de fruit. Partant de vieuxceps de pied franc, le raisin estsurmaturé sur plante jusqu’à finoctobre-début novembre et lafermentation est interrompue avecde l’alcool ; on effectue cependant unemacération avec les peaux pendantplus de 30 jours. Le vin est mis enbouteille en juin et y reste deux ansavant sa commercialisation. En 2003,la dénomination DO Jumilla a modifiéson règlement pour pouvoir accueillircette typologie de vin de liqueur etOlivares la commercialise à présentavec la même contre-étiquette.Dans la DO Yecla, Bodegas Castañoévolue dans le même sens. Son rougedoux de monastrell, qui a réussi unebonne percée à l’international tant en

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et un minimun de 10 ans devieillissement statique en barrique, soitle système de soleras, et dans ce cas levin le plus jeune ne peut avoir moinsde 4 ans. En outre, ce conseil a crééune commission spécifique pour lesuivi de ce vin doux qui n’est produitque dans une douzaine de bodegasde la région.S’il est certain que les sourcesdocumentaires ne permettent pasd’établir une connexion claire entreles fondillons actuels et ceux du passé,ce qui est indiscutable ce sont lesaptitudes naturelles de ce cépage siméditerranéen qu’est le monastrell(Spain Gourmetour, nº 65) à atteindredes taux élevés de maturité et deconcentration. Et si les fondillons lesplus traditionnels possèdent unélément oxydatif évident, la modernitéest venue une fois de plus de Gutiérrezde la Vega qui en s’inspirant desproductions de la Huerta d’Alicante,plus douces et plus épaisses que cellesde Monóvar, signe deux versionsartisanales et rares de 10 et 15 ans quifermentent en barils ouverts et sontplus proches par leur concentrationet leur expression fruitée d’un Portovintage que des goûts aigres et plussecs élaborés par d’autres producteursde la dénomination.Dans un esprit de plus grande liberté,la famille Mendoza produit un vindoux moderne de monastrell, le Dolçde Mendoza, également à partir deraisins passerillés sur la plante et élevésen chêne français pendant trois ouquatre ans. Naturellement, la densitéest importante et le fruité du cépageest très présent dans le verre.De même, les ancienes mistelas (moûtde raisin auquel est ajoutée une petitequantité d’alcool de vin) de la variétémonastrell de Yecla et de Jumilla(Murcie, Sud-Est de l’Espagne) ont faitplace à des rouges doux plus proches

CaractéristiquesVendanges tardives et raisins plus ou moinssurmaturés

Raisin surmaturé et passerillé sur la plante

Baie exposée au soleil ou passerillée horsde la plante

Vins naturellement doux avec du sucre et del’alcool provenant du raisin

Vins de liqueur avec addition d’alcool et/ou demoûts concentrés et d’autres substancesédulcorantes provenant du raisin

Sans élevage en bois

Soleil et sable (vieillissement en carafes en verre)

Système de soleras

Élevage statique en bois

Vins-La plupart des vins doux proviennent de cépages à trèshaute teneur en sucre

-Fondillón-Vins de malvasía et d’autres vins doux des îles Canaries-Beaucoup de vins de liqueur catalans

-PX (Malaga, Montilla, Jerez)-Moscatels de Malaga-Quelques vins de malvasía et des vins doux canariens

-Fondillón et certains vins doux de monastrell-Malvasías canariens-Nouveaux moscatels navarrais-Quelques vins doux de Malaga, surtout des moscatels-Vins Rancio doux du Priorat et rouges doux de facturemoderne de la région et de la Catalogne en général

-Malaga-Vins traditionnels catalans : Empordà, Montsant, Priorat,Tarragona, Terra Alta-Quelques vins doux de monastrell-Jerez (moscatels et vins généreux de liqueur)-PX (Montilla, Jerez, Malaga)-Moscatels traditionnels d’Alicante, de Navarre, d’Aragon,de Catalogne, des îles Canaries-Canary-Mistelas-Malvasía de Sitges

-Vins jeunes de moscatel et malvasía-PX jeunes-Quelques vins de mistela

-Rancio doux, surtout en Catalogne

-PX de Jerez et de Montilla et quelques-uns de Malaga-D’autres vins doux de Jerez-Beaucoup de garnatxas de l'Empordà et quelques vinsde liqueur et rancio catalans-Malvasías canaríens-Fondillón

-Rares exemples de PX de cuvées vieillies en botas-Fondillón-La plupart des vins doux de Malaga-La plupart des vins doux catalans, y compris le malvasíade Sitges-La plupart des vins de moscatel et des vins douxde facture moderne

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pour les productions douces. Lesmarchands vénitiens diffusèrent leursvins dans le bassin méditerranéen et cecépage, qui se sent à l’aise près de lamer, eut une présence particulièrementimportante en Italie et en Espagne.Dans notre pays, sur tout ce qui portele nom de malvasía, seul celuide Sitges et le cépage canariencorrespondent à son profilauthentique, à l’arôme caractéristiquede moscatel. Les études d’ADN ontpermis de déterminer que la variétéde Sitges (Catalogne) est la mêmemalvasía que celle de Lípari (Italie),de Sardaigne et de Croatie et que lamême souche est présente dans laplupart des dénominations des îlesCanaries (Spain Gourmetour, nº 70) àl’exception de Lanzarote où la variétérécemment nommée malvasía volcánica(en référence au beau paysage lunairede l’île et à ce fascinant système deculture en trous) aurait été le résultatde l’union du malvasía de Sitges etd’un cépage local, probablementle marmajuelo.Lanzarote est aujourd’hui la régiond’Europe qui produit le plus demalvasía, bien que les vins doux nereprésentent que 8 % de la productiontotale de la dénomination et que seuls4 % correspondent à ce cépage.L’habitude est de travailler ce cépagesur le mode naturellement doux. Lestyle peut aller de vins plus jeunes etfruités, dans la ligne d’El Grifo, àd’autres vins qui vieillissent par lesystème de soleras comme ceux quepratiquent Los Bermejos et Stratvs(cette dernière emploie six cuvesde chêne à la place des barriques).L’exposition au soleil est égalementcouramment pratiquée pour obtenirune plus grande concentration de

sucres, ce qui se reflète en termesorganoleptiques dans les notespasserillées de ces vins. On distingueégalement les canary des malvasíasélaborés comme des vins de liqueur etinspirés des fameux vins consommésen Angleterre aux XVIe et XVIIe siècles.Juan José Otamendi, d’El Grifo, défendque ces malvasías du passé étaientdes vins qui sortaient jeunes de l’îleet auxquels les Anglais rajoutaientensuite de l’alcool. Le Canary de labodega El Grifo est un vin de liqueurproduit à partir de malvasía exposé ausoleil, hors de la plante, pour préserverau maximum ses arômes. Il est élaboréavec des vins anciens des années 50,60 et 90 du XXe siècle conservés enbarrique et élevés dans un systèmede soleras, ce qui le dote d’unecomplexité et d’une persistanceparticulières.L’univers des vins doux est un mondecompliqué de vendanges tardives, etde maturations généreuses et mêmeextrêmes, dans lequel est recherchél’équilibre le plus parfait entre l’alcool,le sucre et l’acidité. En dépit de cepanorama complexe, les vins douxpossèdent bien quelque chose despécial pour qu’un bon nombre deproducteurs espagnols continuentà en explorer sur leurs vignes lespossibilités les plus gourmandes.Sitges, la belle ville maritime dela province de Tarragone, estactuellement beaucoup plus associéeau tourisme qu’au malvasía jadiscélèbre dont il ne reste plus quequelques hectares. Le vin a survécugrâce au legs du diplomate ManuelLlopis, qui laissa en héritage sa vigned’Aiguadolç à l’Hôpital de Sant JoanBaptista de la localité, à la conditionque continue à y être produit du

malvasía doux. À Majorque, lacoopérative Malvasía de Banyalbufara récupéré la variété et il existe déjàun vin doux sur le marché, léger,aromatique et d’une douceurraisonnable. Dans le Nord del’Espagne, ont été produits lespremiers txakolis de vendange tardivequi bénéficient de la fraîcheur duclimat septentrional. La Coopérativedu vin de Ribeiro, à Orense (en Galice,Nord-Ouest de l’Espagne), a récupéréil y a quelques années la tradition desvins tostadillos — vins ambrés — deRibadavia, produits avec des cépagespasserillés pendant des mois. DinastíaVivanco, la bodega de La Rioja qui aimpulsé le fantastique musée du Vinde la commune de Briones, récupèreactuellement la tradition du supurado,un vin produit avec des cépagespasserillés qui étaient habituellementpressés à Noël et fermentaitlentement pendant des mois. Labodega en proposera une versionmodernisée avec des raisins récoltésen janvier, pourriture noble inclusegrâce aux brouillards matinaux quise forment sur les rives de l’Èbre.La révolution douce espagnole esttrès loin d’être achevée.

Amaya Cervera est une journalistespécialisée dans les vins espagnols. Ellea été rédactrice en chef de la revueSibaritas et membre du comité dedégustation de Guía Peñín. Elle acollaboré avec des publications commeRobb Report et est actuellement laresponsable des contenus de Todovinoet membre du comité de dégustation deGuía Todovino.

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région de Tarragone comme TerraAlta, Montsant et Priorat ainsi quela dénomination Tarragona ontété les plus actives dans ce sens,bien qu’aujourd’hui les vinsdoux soient très minoritaires(ils représentent 4 % de la DOEmpordà, 2,5 % de Tarragona et moinsde 1 % de Terra Alta).À l’exception de certains vins douxrancio comme ceux du Priorat, lacoutume est de travailler à partir decépages surmaturés et de vins coupésavec de l’alcool, ce qui place la plupartdes vins doux de la région dans legroupe des vins de liqueur. Le grandbastion des productions classiques estla firme centenaire De Muller, située àReus, qui élabore de 200 000 à300 000 bouteilles de vins doux paran et exporte dans tous les continentsà l’exception de l’Océanie. L’un deses joyaux est le Pajarete, provenantd’une barrique de 150 litres datantde l’époque de la fondation de labodega (1851), dont ne sortent que100 bouteilles par an (vendues sur lemarché espagnol au prix très accessiblede 75 €, compte tenu de son histoire)et qui se remplit avec les meilleurs vinsde la bodega. Leurs soleras (1926Tarragona de garnacha blanca, 1918Priorat Dom Berenguer de garnachatinta ou Moscatel Solera 1926Tarragona) se situent tous entre 50 et60 € la bouteille. Le vieillissement parce système de transvasement d’unebarrique à l’autre est moins strict quecelui de Jerez, et en Catalogne on peutl’appliquer aussi aux vins rancio et àla plupart des garnachas de l’Empordà.La modernité dans les régionscatalanes est arrivée soit grâceà la technologie (Gramona, dansle Penedès, avec ses vins de glace

de riesling et de gewürztraminerproduits par cryo-extraction oucongélation artificielle du raisin unefois vendangé), soit par l’actualisationdes styles traditionnels (comme cela seproduit avec les excellentes mistelasde Vins Piñol de la DO Terra Alta,présentées au consommateur dans desbouteilles séduisantes et avec la plushaute expression de fruit et la vivacitéhabituelle de ces vins), soit encore parla recherche personnelle dans levignoble. Un exemple emblématiqueest le Dolç de l’Obac que CarlesPastrana, l’un des pionniers de laDO Priorat, produit depuis 1991 danssa bodega de Gratallops. Pastrana serendit compte que les garnachasexposés à la bise surmaturaient trèsfacilement et sans problèmes depourriture, ce qui permettait d’obtenirdes raisins d’un potentiel alcooliquesuffisamment élevé pour produireun vin doux dans lequel « l’alcool,l’acidité et le sucre proviennent du

même cépage sans apports externes ».La pause de fermentation se fait parle froid et il en résulte « un vin rougeavec un résiduel élevé de sucre », autourde 70 g par litre et 16 % d’alcool.D’un point de vue technique, les vinsnaturellement doux sont toujours pluscompliqués mais ils ont l’avantaged’apporter des arômes et uneexpression dans la fermentation quen’ont pas la majorité des vins coupésavec de l’alcool ; sans parler du défique cela représente pour le producteurqui doit travailler exclusivement avecles éléments contenus dans le cépage,sans aide de facteurs externes.

La route du malvasíaprend finaux îles CanariesLe cépage malvasía est, avec lemoscatel, l’autre grand cépagehistorique ayant une vocation naturelle

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pour les productions douces. Lesmarchands vénitiens diffusèrent leursvins dans le bassin méditerranéen et cecépage, qui se sent à l’aise près de lamer, eut une présence particulièrementimportante en Italie et en Espagne.Dans notre pays, sur tout ce qui portele nom de malvasía, seul celuide Sitges et le cépage canariencorrespondent à son profilauthentique, à l’arôme caractéristiquede moscatel. Les études d’ADN ontpermis de déterminer que la variétéde Sitges (Catalogne) est la mêmemalvasía que celle de Lípari (Italie),de Sardaigne et de Croatie et que lamême souche est présente dans laplupart des dénominations des îlesCanaries (Spain Gourmetour, nº 70) àl’exception de Lanzarote où la variétérécemment nommée malvasía volcánica(en référence au beau paysage lunairede l’île et à ce fascinant système deculture en trous) aurait été le résultatde l’union du malvasía de Sitges etd’un cépage local, probablementle marmajuelo.Lanzarote est aujourd’hui la régiond’Europe qui produit le plus demalvasía, bien que les vins doux nereprésentent que 8 % de la productiontotale de la dénomination et que seuls4 % correspondent à ce cépage.L’habitude est de travailler ce cépagesur le mode naturellement doux. Lestyle peut aller de vins plus jeunes etfruités, dans la ligne d’El Grifo, àd’autres vins qui vieillissent par lesystème de soleras comme ceux quepratiquent Los Bermejos et Stratvs(cette dernière emploie six cuvesde chêne à la place des barriques).L’exposition au soleil est égalementcouramment pratiquée pour obtenirune plus grande concentration de

sucres, ce qui se reflète en termesorganoleptiques dans les notespasserillées de ces vins. On distingueégalement les canary des malvasíasélaborés comme des vins de liqueur etinspirés des fameux vins consommésen Angleterre aux XVIe et XVIIe siècles.Juan José Otamendi, d’El Grifo, défendque ces malvasías du passé étaientdes vins qui sortaient jeunes de l’îleet auxquels les Anglais rajoutaientensuite de l’alcool. Le Canary de labodega El Grifo est un vin de liqueurproduit à partir de malvasía exposé ausoleil, hors de la plante, pour préserverau maximum ses arômes. Il est élaboréavec des vins anciens des années 50,60 et 90 du XXe siècle conservés enbarrique et élevés dans un systèmede soleras, ce qui le dote d’unecomplexité et d’une persistanceparticulières.L’univers des vins doux est un mondecompliqué de vendanges tardives, etde maturations généreuses et mêmeextrêmes, dans lequel est recherchél’équilibre le plus parfait entre l’alcool,le sucre et l’acidité. En dépit de cepanorama complexe, les vins douxpossèdent bien quelque chose despécial pour qu’un bon nombre deproducteurs espagnols continuentà en explorer sur leurs vignes lespossibilités les plus gourmandes.Sitges, la belle ville maritime dela province de Tarragone, estactuellement beaucoup plus associéeau tourisme qu’au malvasía jadiscélèbre dont il ne reste plus quequelques hectares. Le vin a survécugrâce au legs du diplomate ManuelLlopis, qui laissa en héritage sa vigned’Aiguadolç à l’Hôpital de Sant JoanBaptista de la localité, à la conditionque continue à y être produit du

malvasía doux. À Majorque, lacoopérative Malvasía de Banyalbufara récupéré la variété et il existe déjàun vin doux sur le marché, léger,aromatique et d’une douceurraisonnable. Dans le Nord del’Espagne, ont été produits lespremiers txakolis de vendange tardivequi bénéficient de la fraîcheur duclimat septentrional. La Coopérativedu vin de Ribeiro, à Orense (en Galice,Nord-Ouest de l’Espagne), a récupéréil y a quelques années la tradition desvins tostadillos — vins ambrés — deRibadavia, produits avec des cépagespasserillés pendant des mois. DinastíaVivanco, la bodega de La Rioja qui aimpulsé le fantastique musée du Vinde la commune de Briones, récupèreactuellement la tradition du supurado,un vin produit avec des cépagespasserillés qui étaient habituellementpressés à Noël et fermentaitlentement pendant des mois. Labodega en proposera une versionmodernisée avec des raisins récoltésen janvier, pourriture noble inclusegrâce aux brouillards matinaux quise forment sur les rives de l’Èbre.La révolution douce espagnole esttrès loin d’être achevée.

Amaya Cervera est une journalistespécialisée dans les vins espagnols. Ellea été rédactrice en chef de la revueSibaritas et membre du comité dedégustation de Guía Peñín. Elle acollaboré avec des publications commeRobb Report et est actuellement laresponsable des contenus de Todovinoet membre du comité de dégustation deGuía Todovino.

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région de Tarragone comme TerraAlta, Montsant et Priorat ainsi quela dénomination Tarragona ontété les plus actives dans ce sens,bien qu’aujourd’hui les vinsdoux soient très minoritaires(ils représentent 4 % de la DOEmpordà, 2,5 % de Tarragona et moinsde 1 % de Terra Alta).À l’exception de certains vins douxrancio comme ceux du Priorat, lacoutume est de travailler à partir decépages surmaturés et de vins coupésavec de l’alcool, ce qui place la plupartdes vins doux de la région dans legroupe des vins de liqueur. Le grandbastion des productions classiques estla firme centenaire De Muller, située àReus, qui élabore de 200 000 à300 000 bouteilles de vins doux paran et exporte dans tous les continentsà l’exception de l’Océanie. L’un deses joyaux est le Pajarete, provenantd’une barrique de 150 litres datantde l’époque de la fondation de labodega (1851), dont ne sortent que100 bouteilles par an (vendues sur lemarché espagnol au prix très accessiblede 75 €, compte tenu de son histoire)et qui se remplit avec les meilleurs vinsde la bodega. Leurs soleras (1926Tarragona de garnacha blanca, 1918Priorat Dom Berenguer de garnachatinta ou Moscatel Solera 1926Tarragona) se situent tous entre 50 et60 € la bouteille. Le vieillissement parce système de transvasement d’unebarrique à l’autre est moins strict quecelui de Jerez, et en Catalogne on peutl’appliquer aussi aux vins rancio et àla plupart des garnachas de l’Empordà.La modernité dans les régionscatalanes est arrivée soit grâceà la technologie (Gramona, dansle Penedès, avec ses vins de glace

de riesling et de gewürztraminerproduits par cryo-extraction oucongélation artificielle du raisin unefois vendangé), soit par l’actualisationdes styles traditionnels (comme cela seproduit avec les excellentes mistelasde Vins Piñol de la DO Terra Alta,présentées au consommateur dans desbouteilles séduisantes et avec la plushaute expression de fruit et la vivacitéhabituelle de ces vins), soit encore parla recherche personnelle dans levignoble. Un exemple emblématiqueest le Dolç de l’Obac que CarlesPastrana, l’un des pionniers de laDO Priorat, produit depuis 1991 danssa bodega de Gratallops. Pastrana serendit compte que les garnachasexposés à la bise surmaturaient trèsfacilement et sans problèmes depourriture, ce qui permettait d’obtenirdes raisins d’un potentiel alcooliquesuffisamment élevé pour produireun vin doux dans lequel « l’alcool,l’acidité et le sucre proviennent du

même cépage sans apports externes ».La pause de fermentation se fait parle froid et il en résulte « un vin rougeavec un résiduel élevé de sucre », autourde 70 g par litre et 16 % d’alcool.D’un point de vue technique, les vinsnaturellement doux sont toujours pluscompliqués mais ils ont l’avantaged’apporter des arômes et uneexpression dans la fermentation quen’ont pas la majorité des vins coupésavec de l’alcool ; sans parler du défique cela représente pour le producteurqui doit travailler exclusivement avecles éléments contenus dans le cépage,sans aide de facteurs externes.

La route du malvasíaprend finaux îles CanariesLe cépage malvasía est, avec lemoscatel, l’autre grand cépagehistorique ayant une vocation naturelle

VINS DOUX

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flavorless liquid also known as the “universal solvent”. In those terms,drinking bottled water probably seems a little extravagant, andone brand of water should be very much the same as thenext. Anyone who has visited a city other than their own and

05_AF_AGUA.qxd 8/7/11 00:42 Página 38

On nous a appris que l’eau est un liquide incolore, inodore, sans saveur, connuégalement comme le solvant universel. De ce point de vue, il peut paraître un peuextravagant de boire de l’eau en bouteille et toutes les marques d’eau devraientplus ou moins se ressembler. Quiconque a visité une autre ville que lasienne, et porté à ses lèvres un verre d’eau, sait cependant qu’iln’en est rien. Qui n’a songé alors à l'eau qu'il trouverait chez luià son retour et à quel point elle était différente ? Saúl Aparicios'est immergé dans le problème afin de comprendre pourquoi,et combien cela est important.

Les eaux minérales espagnoles

SAVEURUne

cristalline

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flavorless liquid also known as the “universal solvent”. In those terms,drinking bottled water probably seems a little extravagant, andone brand of water should be very much the same as thenext. Anyone who has visited a city other than their own and

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On nous a appris que l’eau est un liquide incolore, inodore, sans saveur, connuégalement comme le solvant universel. De ce point de vue, il peut paraître un peuextravagant de boire de l’eau en bouteille et toutes les marques d’eau devraientplus ou moins se ressembler. Quiconque a visité une autre ville que lasienne, et porté à ses lèvres un verre d’eau, sait cependant qu’iln’en est rien. Qui n’a songé alors à l'eau qu'il trouverait chez luià son retour et à quel point elle était différente ? Saúl Aparicios'est immergé dans le problème afin de comprendre pourquoi,et combien cela est important.

Les eaux minérales espagnoles

SAVEURUne

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EAU MINÉRALE

dégustation en aveugle exige unelongue formation. « Après tout —dit-elle —, nous parlons demicrogrammes de substances dans lacomposition d’un verre d’eau. » Lamoindre influence extérieure peutdominer et étouffer les subtilités dansun verre de liquide clair. « Chaque foisque je reçois des gens pour unedégustation, j’insiste pour qu’ils neportent ni parfum ni crème, quipeuvent masquer complètement lessubtilités de l’eau. » La persistance dugoût de l’eau en bouche, par exemple,est extrêmement brève : quelquessecondes au plus. Le goût d’un vin,en revanche, peut durer plusieursminutes.« Un autre aspect dont il faut tenircompte, explique-t-elle, est la texturedes eaux : la sensation qu’elles laissentau palais. Des eaux très riches encalcium, par exemple, sont souventconsidérées comme “dures” à causede la sensation au palais. Certainspeuvent l’identifier comme unerugosité ; d’autres comme une légèresécheresse et contraction de la bouchequi n’est pas sans rappelerl’astringence de certains vins. »Bien que les subtilités de certainséléments puissent être difficiles àcapter, d’autres sont aisémentidentifiables. Certaines eaux minéralesont un goût salé. Si tel est le cas, il y afort à parier que la teneur en sodiumaura tendance à être élevé. Un soupçonde douceur peut indiquer la présencede fluor et le fer peut transmettre uneteinte métallique. D’autres substancesnaturelles et fréquentes dans les eauxminérales sont le magnésium (Mg),le calcium (Ca), le potassium (K), lesulfate (SO4), le bicarbonate (HCO3),la silice (SiO2) et des oligo-éléments

comme le fer (Fe), l’iode (I), le cuivre(Cu), le fluorure (F-), le zinc (Zn) –qui ont tous leurs propriétés et leurgoût, aisément perceptibles à partirde certaines concentrations.Cela signifie qu’on peut, avec un peude bon sens, utiliser les eaux pourcompenser ou équilibrer un repas, unpeu comme un bon sommelier le faitavec le vin. Si vous avez un platd’anchois, par exemple, il serait sagede ne pas choisir une eau forte ensodium et éviter ainsi que l’eau quevous boirez pour compenser le salédu plat ne soit elle-même salée.Un autre exemple serait les eauxgazeuses. Les eaux minérales naturellesgazeuses proviennent de sources plusprofondes situées à des emplacementsoù elles sont soumises à une chaleurintense. Cela signifie qu’au fil des ans,elles ont eu tendance à accumuler deplus fortes concentrations de minérauxet ont un goût plus fort. Ainsi, textureet sensation mises à part, leur natureplus goûteuse les rend aptes àaccompagner des aliments puissants,facilitant l’élimination de saveurs enbouche entre deux bouchées. Si l’onajoute à cet effet le rafraîchissementque le gaz carbonique produit dansnotre bouche, on comprend pourquoielles sont idéalement adaptées à des

plats tels que la viande rouge ou lesragoûts. Toutefois, une nourriture plusdélicate — comme, par exemple, unfilet de sole ou une meringue —s’accommodera mal de ces eauxfortement aromatisées, et se combineramieux avec une eau légèrement acideà faible teneur en minéraux.

Le goûtde l’EspagneSi l’eau minérale a le goût du sol d’oùelle provient, on peut imaginer queplus les terrains et les sols d’une régionsont variés, plus forte est la probabilitéqu’il existe des variations importantesdans la saveur de ses eaux minéralesnaturelles. L’Espagne est, à cet égard,un pays privilégié. La plupart desrégions sont très montagneuses etpeu peuplées, et il est donc facile detrouver des zones relativement isoléesdans lesquelles l’eau peut effectuer sonlong parcours souterrain avantd’affleurer au travers de couches de solnon perturbées. Mais, ce qui est plusimportant encore, l’Espagne présented’énormes contrastes climatiques etgéologiques, des montagnes enneigéesaux déserts arides, des collinescouvertes d’herbes aux forêtsméditerranéennes.Les aquifères calcaires des Asturieset de la Cantabrie (côte nord del’Espagne) produisent des eaux richesen bicarbonate de calcium, tandis queles eaux qui se filtrent à travers lessols riches en granit de la Catalogne(Nord-Est de l’Espagne) et de la Galice(Nord-Ouest de l’Espagne), onttendance à être riches en silice. Ladifférence de composition, saveuret texture est donc importante.Si nous ajoutons à cela le nombre

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VIN&

EAU

L’eau potable, formée par l’union dedeux atomes d’hydrogène à un atomed’oxygène, contient un certain nombred’autres substances, naturellementprésentes ou artificiellement ajoutées,qui produisent une large variété degoûts. S’il en est ainsi, la premièrequestion qui vient immédiatement àl’esprit est : comment ces goûts et cescomposants deviennent-ils partieintégrante de l’eau ? Dans le cas del’eau du robinet, la réponse est bienévidente : l’eau potable est traitée avecdes composants chimiques commele chlore ou le fluor pour éliminerdes risques sanitaires ou procurerdes bénéfices (tel le renforcementde l’émail dentaire).

Différentsnoms pourdifférentes eauxLe cas des eaux embouteillées peutêtre différent. Bien que les définitionsjuridiques des différentes eaux varientd’un pays à l’autre, il y a troisprincipales catégories d’eaux que nouspouvons trouver dans une bouteille.La première catégorie est celles deseaux traitées, c’est-à-dire manipuléesd’une manière ou d’une autre avantd’être offertes au public. Ces eauxpeuvent provenir de diverses sourcesmais toutes ont été traitées pour enmodifier la composition. Ce serait lecas des marques qui « purifient » l’eau,éliminant le chlore et autres élémentsde l’eau du robinet pour la revendreen bouteilles.Une autre catégorie serait l’eau desource, c’est-à-dire l’eau provenantd’une source souterraine naturelle— qu’elle surgisse spontanément ou

qu’elle soit extraite par des moyensmécaniques — et propre à laconsommation pratiquement sanstraitement (le filtrage de particulesen cas d’excès de soufre et de ferest toutefois autorisé). Pour pouvoirarborer le label eau de source, ilest obligatoire qu’elle soit miseen bouteille à la source.Enfin, nous avons les eaux minéralesnaturelles : ces eaux sont riches enminéraux qui s’accumulent dans l’eauinfiltrée à travers la terre et les rochespendant des périodes allant deplusieurs décennies à plusieurs siècles.Parfois, ces eaux s’infiltrent dans unréservoir souterrain où elles restentprotégées des polluants externes.Non seulement une telle eau estimmédiatement propre à laconsommation humaine mais ellecontient également une quantitéconstante de minéraux et d’autreséléments dans sa composition, quireste inchangée en dépit de l’extraction.Encore une fois, ce produit doit êtreembouteillé à la source même afin quel’étiquette puisse porter la mention« eau minérale ».Sachant que la saveur et le caractèred’une eau dépendent du sol qu’elletraverse pour atteindre son réservoirnaturel, il ne serait pas faux de dire

que chaque eau minérale naturelle ason propre terroir. En fait, étant donnéque l’eau distillée est fade et que— comme l’explique ManuelaRomeralo, sommelière et pionnièrede la dégustation des eaux, « pourrecevoir le nom d’eau minérale, lacomposition d’une eau ne doit pas êtremodifiée après avoir quitté la source »,une eau minérale naturelle aexclusivement le goût de l’endroit d’oùelle provient. C’est une eau mouléedans l’image de la terre d’où elle jaillit.

Une dégustatriced’eauPour parvenir à sa situation peuconventionnelle d’experte endégustation de l’eau, Romeralo aconnu dans son parcours professionnelune série de tournants guère plusconventionnels. Bien qu’elle ait suiviune formation de psychologue, elles’intéressa aux cocktails au pointqu’elle finit par en faire son métier.Elle se vit ensuite confier la cave à vindu restaurant La Sucursal de Valenciaet, après avoir dépensé une fortunependant des années dans l’achat delivres sur le vin qu’elle dévoraitavidement, elle devint une sommelièrerespectée. Sa curiosité la conduisit àoffrir en Espagne des dégustationsguidées. Elle est aujourd’hui un pivotimportant de l’équipe du VuelveCarolina, restaurant né du cerveaufécond du chef Quique Dacosta, connuinternationalement pour son deuxétoiles Michelin, El Poblet.Sa reconversion en spécialiste de l’eaului demanda beaucoup de temps etd’efforts. Romeralo elle-même avouequ’apprendre à identifier les élémentsqui distinguent les eaux dans une

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TRADUCTIONFRANÇOISE CHUFFART/©ICEX

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EAU MINÉRALE

dégustation en aveugle exige unelongue formation. « Après tout —dit-elle —, nous parlons demicrogrammes de substances dans lacomposition d’un verre d’eau. » Lamoindre influence extérieure peutdominer et étouffer les subtilités dansun verre de liquide clair. « Chaque foisque je reçois des gens pour unedégustation, j’insiste pour qu’ils neportent ni parfum ni crème, quipeuvent masquer complètement lessubtilités de l’eau. » La persistance dugoût de l’eau en bouche, par exemple,est extrêmement brève : quelquessecondes au plus. Le goût d’un vin,en revanche, peut durer plusieursminutes.« Un autre aspect dont il faut tenircompte, explique-t-elle, est la texturedes eaux : la sensation qu’elles laissentau palais. Des eaux très riches encalcium, par exemple, sont souventconsidérées comme “dures” à causede la sensation au palais. Certainspeuvent l’identifier comme unerugosité ; d’autres comme une légèresécheresse et contraction de la bouchequi n’est pas sans rappelerl’astringence de certains vins. »Bien que les subtilités de certainséléments puissent être difficiles àcapter, d’autres sont aisémentidentifiables. Certaines eaux minéralesont un goût salé. Si tel est le cas, il y afort à parier que la teneur en sodiumaura tendance à être élevé. Un soupçonde douceur peut indiquer la présencede fluor et le fer peut transmettre uneteinte métallique. D’autres substancesnaturelles et fréquentes dans les eauxminérales sont le magnésium (Mg),le calcium (Ca), le potassium (K), lesulfate (SO4), le bicarbonate (HCO3),la silice (SiO2) et des oligo-éléments

comme le fer (Fe), l’iode (I), le cuivre(Cu), le fluorure (F-), le zinc (Zn) –qui ont tous leurs propriétés et leurgoût, aisément perceptibles à partirde certaines concentrations.Cela signifie qu’on peut, avec un peude bon sens, utiliser les eaux pourcompenser ou équilibrer un repas, unpeu comme un bon sommelier le faitavec le vin. Si vous avez un platd’anchois, par exemple, il serait sagede ne pas choisir une eau forte ensodium et éviter ainsi que l’eau quevous boirez pour compenser le salédu plat ne soit elle-même salée.Un autre exemple serait les eauxgazeuses. Les eaux minérales naturellesgazeuses proviennent de sources plusprofondes situées à des emplacementsoù elles sont soumises à une chaleurintense. Cela signifie qu’au fil des ans,elles ont eu tendance à accumuler deplus fortes concentrations de minérauxet ont un goût plus fort. Ainsi, textureet sensation mises à part, leur natureplus goûteuse les rend aptes àaccompagner des aliments puissants,facilitant l’élimination de saveurs enbouche entre deux bouchées. Si l’onajoute à cet effet le rafraîchissementque le gaz carbonique produit dansnotre bouche, on comprend pourquoielles sont idéalement adaptées à des

plats tels que la viande rouge ou lesragoûts. Toutefois, une nourriture plusdélicate — comme, par exemple, unfilet de sole ou une meringue —s’accommodera mal de ces eauxfortement aromatisées, et se combineramieux avec une eau légèrement acideà faible teneur en minéraux.

Le goûtde l’EspagneSi l’eau minérale a le goût du sol d’oùelle provient, on peut imaginer queplus les terrains et les sols d’une régionsont variés, plus forte est la probabilitéqu’il existe des variations importantesdans la saveur de ses eaux minéralesnaturelles. L’Espagne est, à cet égard,un pays privilégié. La plupart desrégions sont très montagneuses etpeu peuplées, et il est donc facile detrouver des zones relativement isoléesdans lesquelles l’eau peut effectuer sonlong parcours souterrain avantd’affleurer au travers de couches de solnon perturbées. Mais, ce qui est plusimportant encore, l’Espagne présented’énormes contrastes climatiques etgéologiques, des montagnes enneigéesaux déserts arides, des collinescouvertes d’herbes aux forêtsméditerranéennes.Les aquifères calcaires des Asturieset de la Cantabrie (côte nord del’Espagne) produisent des eaux richesen bicarbonate de calcium, tandis queles eaux qui se filtrent à travers lessols riches en granit de la Catalogne(Nord-Est de l’Espagne) et de la Galice(Nord-Ouest de l’Espagne), onttendance à être riches en silice. Ladifférence de composition, saveuret texture est donc importante.Si nous ajoutons à cela le nombre

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EAU

L’eau potable, formée par l’union dedeux atomes d’hydrogène à un atomed’oxygène, contient un certain nombred’autres substances, naturellementprésentes ou artificiellement ajoutées,qui produisent une large variété degoûts. S’il en est ainsi, la premièrequestion qui vient immédiatement àl’esprit est : comment ces goûts et cescomposants deviennent-ils partieintégrante de l’eau ? Dans le cas del’eau du robinet, la réponse est bienévidente : l’eau potable est traitée avecdes composants chimiques commele chlore ou le fluor pour éliminerdes risques sanitaires ou procurerdes bénéfices (tel le renforcementde l’émail dentaire).

Différentsnoms pourdifférentes eauxLe cas des eaux embouteillées peutêtre différent. Bien que les définitionsjuridiques des différentes eaux varientd’un pays à l’autre, il y a troisprincipales catégories d’eaux que nouspouvons trouver dans une bouteille.La première catégorie est celles deseaux traitées, c’est-à-dire manipuléesd’une manière ou d’une autre avantd’être offertes au public. Ces eauxpeuvent provenir de diverses sourcesmais toutes ont été traitées pour enmodifier la composition. Ce serait lecas des marques qui « purifient » l’eau,éliminant le chlore et autres élémentsde l’eau du robinet pour la revendreen bouteilles.Une autre catégorie serait l’eau desource, c’est-à-dire l’eau provenantd’une source souterraine naturelle— qu’elle surgisse spontanément ou

qu’elle soit extraite par des moyensmécaniques — et propre à laconsommation pratiquement sanstraitement (le filtrage de particulesen cas d’excès de soufre et de ferest toutefois autorisé). Pour pouvoirarborer le label eau de source, ilest obligatoire qu’elle soit miseen bouteille à la source.Enfin, nous avons les eaux minéralesnaturelles : ces eaux sont riches enminéraux qui s’accumulent dans l’eauinfiltrée à travers la terre et les rochespendant des périodes allant deplusieurs décennies à plusieurs siècles.Parfois, ces eaux s’infiltrent dans unréservoir souterrain où elles restentprotégées des polluants externes.Non seulement une telle eau estimmédiatement propre à laconsommation humaine mais ellecontient également une quantitéconstante de minéraux et d’autreséléments dans sa composition, quireste inchangée en dépit de l’extraction.Encore une fois, ce produit doit êtreembouteillé à la source même afin quel’étiquette puisse porter la mention« eau minérale ».Sachant que la saveur et le caractèred’une eau dépendent du sol qu’elletraverse pour atteindre son réservoirnaturel, il ne serait pas faux de dire

que chaque eau minérale naturelle ason propre terroir. En fait, étant donnéque l’eau distillée est fade et que— comme l’explique ManuelaRomeralo, sommelière et pionnièrede la dégustation des eaux, « pourrecevoir le nom d’eau minérale, lacomposition d’une eau ne doit pas êtremodifiée après avoir quitté la source »,une eau minérale naturelle aexclusivement le goût de l’endroit d’oùelle provient. C’est une eau mouléedans l’image de la terre d’où elle jaillit.

Une dégustatriced’eauPour parvenir à sa situation peuconventionnelle d’experte endégustation de l’eau, Romeralo aconnu dans son parcours professionnelune série de tournants guère plusconventionnels. Bien qu’elle ait suiviune formation de psychologue, elles’intéressa aux cocktails au pointqu’elle finit par en faire son métier.Elle se vit ensuite confier la cave à vindu restaurant La Sucursal de Valenciaet, après avoir dépensé une fortunependant des années dans l’achat delivres sur le vin qu’elle dévoraitavidement, elle devint une sommelièrerespectée. Sa curiosité la conduisit àoffrir en Espagne des dégustationsguidées. Elle est aujourd’hui un pivotimportant de l’équipe du VuelveCarolina, restaurant né du cerveaufécond du chef Quique Dacosta, connuinternationalement pour son deuxétoiles Michelin, El Poblet.Sa reconversion en spécialiste de l’eaului demanda beaucoup de temps etd’efforts. Romeralo elle-même avouequ’apprendre à identifier les élémentsqui distinguent les eaux dans une

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EAU MINÉRALE

important de stations et de sourcesthermales (d’origine volcanique) enEspagne (qui peut donner lieu à lamerveille extrêmement rare qu’est l’eaunaturelle carbonée), on peut affirmerque l’éventail de goûts des eauxminérales naturelles espagnoles estextraordinaire.

Une terre sècheriche en eauxSi l’on pense à une terre très riche eneau, l’Espagne n’est probablement pasle premier pays qui vient à l’esprit. Etce n’est évidemment pas un pays quipossède une grande abondance d’eauxde surface. Malgré un certain nombrede grandes rivières, une grande partiedu pays (excepté les verts pâturages duNord) tend à la sécheresse, voire àl’aridité. Comment se fait-il donc queles colonisateurs romains et arabes aientpu décrire une terre d’abondance et enaient fait le grenier de leur empire ?La réponse à cette question nous esten partie fournie par l’étonnante bonnesanté des sources d’eau souterraines.Selon Aneabe, l’association espagnolela plus représentative de l’industriede l’eau en bouteille, il existe plus demille sources naturelles dans le pays,dispensant une eau pure qui est lerésultat de décennies ou de siècles degouttelettes filtrant à travers la terre etles roches en abandonnant au passagetoute impureté. Confinée sous uneroche imperméable (généralementargile ou schiste), cette eau resteintacte, non contaminée et isolée detout contact avec l’extérieur. Jusqu’àce qu’un jour une fissure dans le sol —naturelle ou non — déchire le terrainet en laisse échapper ce cadeau.Cette précieuse ressource souterraine aété très exploitée tant par les Romainsque par les Arabes : ils avaient une

l’Espagne). La première référence écritesur cette source, découverte dans laSierra de Cameros, date de l’an 1029,bien qu’il soit plus que probablequ’elle ait été utilisée depuis l’époquepréromaine des Celtes. En 1861, cettesource fut déclarée d’utilité publique,et l’une des premières stationsthermales de la région vinicole deLa Rioja fut fondée sur ce site.Construite pour explorer les propriétéscuratives d’un puits artésien de 550mètres de profondeur (un aquifèreartésien est une nappe souterrainesoumise à une pression positive où,comme un puits de pétrole, l’eau jaillitnaturellement à la surface) cette stationfut malheureusement abandonnée aumilieu du XXe siècle. L’eau, cependant,se conserva telle quelle : le mêmeliquide richement minéralisé continueà jaillir à une température constantede 22 ºC, par temps de pluie ou partemps ensoleillé, hiver ou été, jour ounuit. La composition de l’eau estégalement restée inchangée et continueà présenter une assez hauteconcentration en sulfate de calcium,des quantités importantes debicarbonate, de magnésium et decalcium, et des traces significativesd’éléments comme le fluor et lestrontium. La seule différence est quela même eau qui remplissait les bassinsdes stations thermales est actuellementdirigée vers les installations ultra-modernes de mise en bouteille.Même s’il s’agit d’une eaumoyennement minéralisée, pardéfinition, la présence de minérauxen fait une eau différente etreconnaissable : rafraîchissante, pleinede caractère et agréable au palais. L’eaude Peñaclara est en fait une boisson debase des restaurants de La Rioja, duPays basque, de la Cantabrie, du Nordde la Castille-et-Léon et de la Navarre,

saine obsession de la propreté etcanalisèrent cette eau souterrainesi pure pour la boire et s’y baigner.Ils surent apprécier les propriétéscuratives de l’eau qui émanait desentrailles de la terre et le paysageespagnol se retrouva truffé de thermesromains et de hammams arabes.Bien qu’un bon nombre de ces lieux,considérés détenteurs d’une eau« spéciale », soient tombés endésuétude à la fin du Moyen Âge et àl’époque moderne, l’intérêt pour lespropriétés médicinales de l’eauminérale fut relancé au cours desXVIIIe et XIXe siècles, âge d’or desstations thermales. En Espagne,beaucoup de stations thermales furentconstruites à la fin du XIXe, et on yretrouve l’origine des plus célèbreseaux minérales du pays.

L’eau et saquiétudePrenons, par exemple, les sourcesde Peñaclara (La Rioja, Nord de

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important de stations et de sourcesthermales (d’origine volcanique) enEspagne (qui peut donner lieu à lamerveille extrêmement rare qu’est l’eaunaturelle carbonée), on peut affirmerque l’éventail de goûts des eauxminérales naturelles espagnoles estextraordinaire.

Une terre sècheriche en eauxSi l’on pense à une terre très riche eneau, l’Espagne n’est probablement pasle premier pays qui vient à l’esprit. Etce n’est évidemment pas un pays quipossède une grande abondance d’eauxde surface. Malgré un certain nombrede grandes rivières, une grande partiedu pays (excepté les verts pâturages duNord) tend à la sécheresse, voire àl’aridité. Comment se fait-il donc queles colonisateurs romains et arabes aientpu décrire une terre d’abondance et enaient fait le grenier de leur empire ?La réponse à cette question nous esten partie fournie par l’étonnante bonnesanté des sources d’eau souterraines.Selon Aneabe, l’association espagnolela plus représentative de l’industriede l’eau en bouteille, il existe plus demille sources naturelles dans le pays,dispensant une eau pure qui est lerésultat de décennies ou de siècles degouttelettes filtrant à travers la terre etles roches en abandonnant au passagetoute impureté. Confinée sous uneroche imperméable (généralementargile ou schiste), cette eau resteintacte, non contaminée et isolée detout contact avec l’extérieur. Jusqu’àce qu’un jour une fissure dans le sol —naturelle ou non — déchire le terrainet en laisse échapper ce cadeau.Cette précieuse ressource souterraine aété très exploitée tant par les Romainsque par les Arabes : ils avaient une

l’Espagne). La première référence écritesur cette source, découverte dans laSierra de Cameros, date de l’an 1029,bien qu’il soit plus que probablequ’elle ait été utilisée depuis l’époquepréromaine des Celtes. En 1861, cettesource fut déclarée d’utilité publique,et l’une des premières stationsthermales de la région vinicole deLa Rioja fut fondée sur ce site.Construite pour explorer les propriétéscuratives d’un puits artésien de 550mètres de profondeur (un aquifèreartésien est une nappe souterrainesoumise à une pression positive où,comme un puits de pétrole, l’eau jaillitnaturellement à la surface) cette stationfut malheureusement abandonnée aumilieu du XXe siècle. L’eau, cependant,se conserva telle quelle : le mêmeliquide richement minéralisé continueà jaillir à une température constantede 22 ºC, par temps de pluie ou partemps ensoleillé, hiver ou été, jour ounuit. La composition de l’eau estégalement restée inchangée et continueà présenter une assez hauteconcentration en sulfate de calcium,des quantités importantes debicarbonate, de magnésium et decalcium, et des traces significativesd’éléments comme le fluor et lestrontium. La seule différence est quela même eau qui remplissait les bassinsdes stations thermales est actuellementdirigée vers les installations ultra-modernes de mise en bouteille.Même s’il s’agit d’une eaumoyennement minéralisée, pardéfinition, la présence de minérauxen fait une eau différente etreconnaissable : rafraîchissante, pleinede caractère et agréable au palais. L’eaude Peñaclara est en fait une boisson debase des restaurants de La Rioja, duPays basque, de la Cantabrie, du Nordde la Castille-et-Léon et de la Navarre,

saine obsession de la propreté etcanalisèrent cette eau souterrainesi pure pour la boire et s’y baigner.Ils surent apprécier les propriétéscuratives de l’eau qui émanait desentrailles de la terre et le paysageespagnol se retrouva truffé de thermesromains et de hammams arabes.Bien qu’un bon nombre de ces lieux,considérés détenteurs d’une eau« spéciale », soient tombés endésuétude à la fin du Moyen Âge et àl’époque moderne, l’intérêt pour lespropriétés médicinales de l’eauminérale fut relancé au cours desXVIIIe et XIXe siècles, âge d’or desstations thermales. En Espagne,beaucoup de stations thermales furentconstruites à la fin du XIXe, et on yretrouve l’origine des plus célèbreseaux minérales du pays.

L’eau et saquiétudePrenons, par exemple, les sourcesde Peñaclara (La Rioja, Nord de

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devint rapidement l’une des pluscélèbres et populaires d’Espagne. À lafin du XIXe et début du XXe siècle,Mondariz fut l’une des retraitespréférées de la famille royale et desclasses aisées de l’Espagne. L’eau deMondariz était alors transportée àMadrid en grandes quantités pour yêtre vendue à des fins médicinales.Des analyses ultérieures ont révéléque l’eau de Mondariz jaillit à unetempérature constante de 16,5 ºC,après avoir passé entre 60 et 150 anssous terre, dans des réservoirs de

granit avant d’affleurer en surface,ce qui explique la richesse de sacomposition. Cette eau est ce qu’onappelle une eau faiblementminéralisée, ce qui signifie qu’ellecontient une faible concentration deminéraux qui la rend particulièrementutile pour les personnes souffrant decalculs rénaux ou ayant cette tendance.L’eau de Mondariz contient unequantité importante de fer (par rapportaux autres éléments de sacomposition) qui lui confère un goûtabsolument unique.

VIN&

EAU

régions où elle est leader du marché.L’entreprise, cependant, a récemmentcommencé à se tourner vers l’extérieuret à présenter son eau premium,nommée 22, à l’étranger. Et ce avec uncertain succès, comme l’a expliqué sondirecteur général, Ignacio Evangelio,lorsque nous l’avons contacté. « Nousvenons de nous voir décerner 3 étoilespour haute saveur par l’Institutinternational du Goût et de la Qualité(ITQUI - International Taste et QualityInstitute). C’est une distinctionattribuée par un jury international dechefs, de sommeliers et d’associationsculinaires. Vous comprendrez doncque nous soyons absolument ravisde l’avoir reçu au moment où nouscommençons à mettre l’accent surl’export. Nous avons déjà une certaineprésence au Royaume-Uni, enBelgique, au Luxembourg et en France,en particulier dans les restaurants.Nous allons faire cette année un groseffort en direction des Pays-Bas. »

Une retraitede renomUne autre lauréate des 3 étoiles pourhaute saveur possède une histoire trèsproche de celle de Peñaclara : l’eau deMondariz (Spain Gourmetour, nº 71),issue de la commune du même nomdans la province de Pontevedra(Galice), a commencé à être mise enbouteille et vendue en 1877. Mais làaussi, les archives concernant cettesource sont beaucoup plus ancienneset on trouve des références dans destextes romains. S’étant rendu compteque les habitants utilisaient cette eaupour soigner des blessuressuperficielles, un homme d’affairesgalicien, Enrique Peinador Vela,construisit une station thermale qui

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devint rapidement l’une des pluscélèbres et populaires d’Espagne. À lafin du XIXe et début du XXe siècle,Mondariz fut l’une des retraitespréférées de la famille royale et desclasses aisées de l’Espagne. L’eau deMondariz était alors transportée àMadrid en grandes quantités pour yêtre vendue à des fins médicinales.Des analyses ultérieures ont révéléque l’eau de Mondariz jaillit à unetempérature constante de 16,5 ºC,après avoir passé entre 60 et 150 anssous terre, dans des réservoirs de

granit avant d’affleurer en surface,ce qui explique la richesse de sacomposition. Cette eau est ce qu’onappelle une eau faiblementminéralisée, ce qui signifie qu’ellecontient une faible concentration deminéraux qui la rend particulièrementutile pour les personnes souffrant decalculs rénaux ou ayant cette tendance.L’eau de Mondariz contient unequantité importante de fer (par rapportaux autres éléments de sacomposition) qui lui confère un goûtabsolument unique.

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régions où elle est leader du marché.L’entreprise, cependant, a récemmentcommencé à se tourner vers l’extérieuret à présenter son eau premium,nommée 22, à l’étranger. Et ce avec uncertain succès, comme l’a expliqué sondirecteur général, Ignacio Evangelio,lorsque nous l’avons contacté. « Nousvenons de nous voir décerner 3 étoilespour haute saveur par l’Institutinternational du Goût et de la Qualité(ITQUI - International Taste et QualityInstitute). C’est une distinctionattribuée par un jury international dechefs, de sommeliers et d’associationsculinaires. Vous comprendrez doncque nous soyons absolument ravisde l’avoir reçu au moment où nouscommençons à mettre l’accent surl’export. Nous avons déjà une certaineprésence au Royaume-Uni, enBelgique, au Luxembourg et en France,en particulier dans les restaurants.Nous allons faire cette année un groseffort en direction des Pays-Bas. »

Une retraitede renomUne autre lauréate des 3 étoiles pourhaute saveur possède une histoire trèsproche de celle de Peñaclara : l’eau deMondariz (Spain Gourmetour, nº 71),issue de la commune du même nomdans la province de Pontevedra(Galice), a commencé à être mise enbouteille et vendue en 1877. Mais làaussi, les archives concernant cettesource sont beaucoup plus ancienneset on trouve des références dans destextes romains. S’étant rendu compteque les habitants utilisaient cette eaupour soigner des blessuressuperficielles, un homme d’affairesgalicien, Enrique Peinador Vela,construisit une station thermale qui

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L’eau de Mondariz, l’une des plusanciennes du secteur des eauxembouteillées, s’exporte dans 29 payset se situe parmi les eaux minéralesles plus bues en Espagne.

Faveur royaleEgalement très bue en Espagne, l’eaude Solán de Cabras provient de laprovince de Cuenca, au sud-est deMadrid. Cette région fut trèsfréquentée par la famille royaleespagnole au XVIIe siècle, à l’occasionde parties de chasse. Un ami du roiCharles III (1716-1788) prétendaitavoir été guéri de ses maux par cetteeau, ce qui donna au roi l’idée d’yétablir des thermes en 1775. En 1790,Charles IV (1748-1819), sonsuccesseur, fut tellement enchanté parcet endroit et par ses eaux qu’il ledéclara site royal et se fit apporter leseaux chaque jour à Madrid. Dans lesannées 1900, l’eau de Solán de Cabrasétait vendue dans de nombreusespharmacies de Madrid et d’autresvilles espagnoles.La première analyse de cette eau donton ait connaissance fut commandée

par Charles III en 1786 et on peutaffirmer que sa composition n’a subiaucune modification depuis lors. Eneffet, contrairement à d’autres eauxminérales provenant d’eaux de pluies’infiltrant dans la terre, l’eau de Solánde Cabras est le résultat del’écoulement de courants souterrainssurgissant depuis des couches calcairesperméables jusqu’à ce qu’ils atteignentun réservoir naturel dont la seulesortie est la source de Solán.Si nous devions mettre en évidenceun aspect de cette eau faiblementminéralisée, il conviendrait desouligner la teneur élevée enmagnésium, chose rare dans les eauxà faible taux de calcium. Encore unefois, le goût est extrêment pur etéquilibré, avec un soupçon dedouceur fluorée équilibrée par lanetteté de sa minéralité.Parmi les autres eaux minéralesremarquables, on peut citer l’eau deBezoya (dans la province de Ségovie,Centre de l’Espagne), l’eau de Solares(en Cantabrie, sur la côte nord del’Espagne) et l’eau de FontVella(Catalogne, Nord de l’Espagne), qui sesituent dans une gamme de moyenne-

basse teneur en minéraux. Pourtrouver un goût minéral plus intense,à la fois en Espagne et dans la plupartdes pays du monde, on doitgénéralement se tourner vers leseaux gazeuses.

PersonnalitépétillanteL’eau gazeuse naturelle n’est vraimentpas ce qu’il y a de plus fréquent dansle monde des eaux embouteillées !Une combinaison très rare defacteurs géologiques doit se produire— généralement dans des régionsprésentant une certaine activitévolcanique — pour que l’eau puisseavoir une quantité suffisante de CO2et produise un « pétillement ». Il nesemble donc pas surprenant que lessources produisant de l’eau gazéifiéesoient devenues incroyablementcélèbres au XIXe siècle, époque où lesstations thermales connurent leur âged’or. Comme nous l’avons indiqué plushaut, un bon nombre d’endroits où setrouvaient des « eaux médicinales »(comme on les appelait alors) sont

devenus des stations thermales oùles personnes pouvaient boire et« prendre ces eaux » capables de« diluer » leurs troubles. Finalement,ces stations ont commencé à vendreces eaux pour que leurs hôtes puissentles emporter chez eux. C’est seulementun peu plus tard qu’ils décidèrent deles mettre en bouteille pour que desrégions plus éloignées puissentbénéficier de leurs bienfaitsmédicinaux. Deux des plus célèbreseaux embouteillées du monde, Perrier

(France) et San Pellegrino (Italie),bâtirent leur renommée sur lacarbonisation naturelle de leur eau.C’est aussi ce que fit en Espagne VichyCatalan, l’eau minérale la plus connuedu pays.

Un grand classiqueLa prospère région située autour deCaldes de Malavella (le mot catalancaldes, qui vient de caldera, signifiechaudron), en Catalogne, a étécontinuellement habitée depuis lepaléolithique, en grande partie sansdoute grâce à la présence d’eau. L’eaude pluie — constante, sauf en été —s’infiltre à travers le granite jusqu’àde grandes profondeurs, où l’activitévolcanique augmente la températuredes nappes souterraines et expliquela présence de grandes quantités deminéraux et de dioxyde de carbone.La pression produite par la chaleur faitjaillir l’eau avec force de trois sources,situées dans trois montagnes voisines,à une température de 58 à 60 ºC.Modest Furest Roca, médecin àGérone, eut connaissance de cessources grâce aux personnes qu’il

connut dans la région, et décida en1880 d’acheter les terrains où ellesétaient situées. En huit ans seulement,les propriétés bénéfiques des eaux etle succès de la station thermale et del’usine d’embouteillage qu’il construisitfurent tels que la société Vichy Catalanfut autorisée à participer à l’ExpositionUniverselle de 1888, où elle reçut unemédaille d’or. D’autres reconnaissancessuivirent lors de l’ExpositionUniverselle de 1889, à Paris, quiconduisirent en 1890 le gouvernementargentin à recommander officiellementcette eau à des fins médicales. Ce futdonc la première eau espagnole à êtreexportée. À cette époque, tout commeaujourd’hui, les rapports soulignentle caractère exceptionnel de cette eauà haute teneur en bicarbonates et ensodium et d’un faible niveau decalcium, idéale pour combattre lesdigestions difficiles.Aujourd’hui, on trouve l’eau VichyCatalan dans le monde entier, et elleest généralement reconnue commel’une des eaux minérales naturelles lesplus remarquables, en raison de sagrande quantité de gaz carbonique etde sa concentration en sels minéraux.Sa saveur et son caractère en ont faitun ingrédient recherché de célèbreschefs espagnols qui l’ont incluse dansleurs recettes et leurs cocktails. Desgéants de la cuisine comme FerranAdrià, Joan Roca, Carme Ruscalleda,

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EAU

Sodium (Na) : Les eaux ayant une forteteneur en sodium se distinguent par leurgoût salé.

Magnesium (Mg) : Les eaux riches enmagnésium possèdent parfois un certaingoût amer.

Fluorure (F-) : Les eaux fluoréesnaturellement, contrairement aux eauxriches en magnésium, ont un goûtlégèrement doux.

Calcium (Ca) : En excès, naturel ouartificiellement ajouté, le calcium peutavoir un goût calcaire, mais en quantitéraisonnable, il peut présenter une saveuragréable, légèrement amère.

Fer (Fe) : La présence de fer produit deseaux ferrugineuses qui peuvent donnerune sensation de propreté.

Bicarbonate de sodium : Peut intensifierd’autres goûts dans l’eau et fairebaisser l'acidité, et aussi ajouterun certain goût épicé.

Ph (acidité ou alcalinité) : Les eauxnaturellement acides (ph inférieur à 7),ont un certain piquant qui peut êtreextrêmement rafraîchissant. Les eauxbasiques ou alcalines (ph supérieur à 7),par contraste, sont plutôt plus rondeset plus douces.

Découvrez leur goûtQuelques goûtscourants dans leseaux minérales

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Europe qu’aux États-Unis et en Asie,fermente jusqu’à 3º ou 4º d’alcoolà la recherche d’arômes defermentation absents dans les mistelas.Il macère ensuite à froid pour obtenirune bonne extraction aromatique et,à la différence d’Olivares, il passedirectement en barrique (8-10 mois).Prédominent le fruit noir très mûr,les figues et les notes balsamiques degarrigue méditerranéenne quidistingue le monastrell de la régionde Murcie.

D’autres vins douxméditerranéensEn Catalogne (Nord-Est de l’Espagne),c’est le cépage garnacha (rouge oublanc), qui, avec le moscatel, sert debase aux vins doux traditionnels quel’on peut trouver sous forme demistelas, de vins rancios (des vins àl’élevage oxydatif par vieillissementen carafes de verre) ou de vins douxnaturels. Les dénominations d’origined’Empordà, à Gérone, et celles de la

du caractère du raisin qui visent àmaintenir l’identité variétale récupéréepar les rouges secs fruités etgourmands actuellement produits dansces dénominations de la province deMurcie. Bodega Olivares, dans la DOJumilla, fut la première à décider de sepasser de barrique pour conserver lemaximum de fruit. Partant de vieuxceps de pied franc, le raisin estsurmaturé sur plante jusqu’à finoctobre-début novembre et lafermentation est interrompue avecde l’alcool ; on effectue cependant unemacération avec les peaux pendantplus de 30 jours. Le vin est mis enbouteille en juin et y reste deux ansavant sa commercialisation. En 2003,la dénomination DO Jumilla a modifiéson règlement pour pouvoir accueillircette typologie de vin de liqueur etOlivares la commercialise à présentavec la même contre-étiquette.Dans la DO Yecla, Bodegas Castañoévolue dans le même sens. Son rougedoux de monastrell, qui a réussi unebonne percée à l’international tant en

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VINS DOUX

et un minimun de 10 ans devieillissement statique en barrique, soitle système de soleras, et dans ce cas levin le plus jeune ne peut avoir moinsde 4 ans. En outre, ce conseil a crééune commission spécifique pour lesuivi de ce vin doux qui n’est produitque dans une douzaine de bodegasde la région.S’il est certain que les sourcesdocumentaires ne permettent pasd’établir une connexion claire entreles fondillons actuels et ceux du passé,ce qui est indiscutable ce sont lesaptitudes naturelles de ce cépage siméditerranéen qu’est le monastrell(Spain Gourmetour, nº 65) à atteindredes taux élevés de maturité et deconcentration. Et si les fondillons lesplus traditionnels possèdent unélément oxydatif évident, la modernitéest venue une fois de plus de Gutiérrezde la Vega qui en s’inspirant desproductions de la Huerta d’Alicante,plus douces et plus épaisses que cellesde Monóvar, signe deux versionsartisanales et rares de 10 et 15 ans quifermentent en barils ouverts et sontplus proches par leur concentrationet leur expression fruitée d’un Portovintage que des goûts aigres et plussecs élaborés par d’autres producteursde la dénomination.Dans un esprit de plus grande liberté,la famille Mendoza produit un vindoux moderne de monastrell, le Dolçde Mendoza, également à partir deraisins passerillés sur la plante et élevésen chêne français pendant trois ouquatre ans. Naturellement, la densitéest importante et le fruité du cépageest très présent dans le verre.De même, les ancienes mistelas (moûtde raisin auquel est ajoutée une petitequantité d’alcool de vin) de la variétémonastrell de Yecla et de Jumilla(Murcie, Sud-Est de l’Espagne) ont faitplace à des rouges doux plus proches

CaractéristiquesVendanges tardives et raisins plus ou moinssurmaturés

Raisin surmaturé et passerillé sur la plante

Baie exposée au soleil ou passerillée horsde la plante

Vins naturellement doux avec du sucre et del’alcool provenant du raisin

Vins de liqueur avec addition d’alcool et/ou demoûts concentrés et d’autres substancesédulcorantes provenant du raisin

Sans élevage en bois

Soleil et sable (vieillissement en carafes en verre)

Système de soleras

Élevage statique en bois

Vins-La plupart des vins doux proviennent de cépages à trèshaute teneur en sucre

-Fondillón-Vins de malvasía et d’autres vins doux des îles Canaries-Beaucoup de vins de liqueur catalans

-PX (Malaga, Montilla, Jerez)-Moscatels de Malaga-Quelques vins de malvasía et des vins doux canariens

-Fondillón et certains vins doux de monastrell-Malvasías canariens-Nouveaux moscatels navarrais-Quelques vins doux de Malaga, surtout des moscatels-Vins Rancio doux du Priorat et rouges doux de facturemoderne de la région et de la Catalogne en général

-Malaga-Vins traditionnels catalans : Empordà, Montsant, Priorat,Tarragona, Terra Alta-Quelques vins doux de monastrell-Jerez (moscatels et vins généreux de liqueur)-PX (Montilla, Jerez, Malaga)-Moscatels traditionnels d’Alicante, de Navarre, d’Aragon,de Catalogne, des îles Canaries-Canary-Mistelas-Malvasía de Sitges

-Vins jeunes de moscatel et malvasía-PX jeunes-Quelques vins de mistela

-Rancio doux, surtout en Catalogne

-PX de Jerez et de Montilla et quelques-uns de Malaga-D’autres vins doux de Jerez-Beaucoup de garnatxas de l'Empordà et quelques vinsde liqueur et rancio catalans-Malvasías canaríens-Fondillón

-Rares exemples de PX de cuvées vieillies en botas-Fondillón-La plupart des vins doux de Malaga-La plupart des vins doux catalans, y compris le malvasíade Sitges-La plupart des vins de moscatel et des vins douxde facture moderne

Vendange

Élaboration

Vieillissement

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L’eau de Mondariz, l’une des plusanciennes du secteur des eauxembouteillées, s’exporte dans 29 payset se situe parmi les eaux minéralesles plus bues en Espagne.

Faveur royaleEgalement très bue en Espagne, l’eaude Solán de Cabras provient de laprovince de Cuenca, au sud-est deMadrid. Cette région fut trèsfréquentée par la famille royaleespagnole au XVIIe siècle, à l’occasionde parties de chasse. Un ami du roiCharles III (1716-1788) prétendaitavoir été guéri de ses maux par cetteeau, ce qui donna au roi l’idée d’yétablir des thermes en 1775. En 1790,Charles IV (1748-1819), sonsuccesseur, fut tellement enchanté parcet endroit et par ses eaux qu’il ledéclara site royal et se fit apporter leseaux chaque jour à Madrid. Dans lesannées 1900, l’eau de Solán de Cabrasétait vendue dans de nombreusespharmacies de Madrid et d’autresvilles espagnoles.La première analyse de cette eau donton ait connaissance fut commandée

par Charles III en 1786 et on peutaffirmer que sa composition n’a subiaucune modification depuis lors. Eneffet, contrairement à d’autres eauxminérales provenant d’eaux de pluies’infiltrant dans la terre, l’eau de Solánde Cabras est le résultat del’écoulement de courants souterrainssurgissant depuis des couches calcairesperméables jusqu’à ce qu’ils atteignentun réservoir naturel dont la seulesortie est la source de Solán.Si nous devions mettre en évidenceun aspect de cette eau faiblementminéralisée, il conviendrait desouligner la teneur élevée enmagnésium, chose rare dans les eauxà faible taux de calcium. Encore unefois, le goût est extrêment pur etéquilibré, avec un soupçon dedouceur fluorée équilibrée par lanetteté de sa minéralité.Parmi les autres eaux minéralesremarquables, on peut citer l’eau deBezoya (dans la province de Ségovie,Centre de l’Espagne), l’eau de Solares(en Cantabrie, sur la côte nord del’Espagne) et l’eau de FontVella(Catalogne, Nord de l’Espagne), qui sesituent dans une gamme de moyenne-

basse teneur en minéraux. Pourtrouver un goût minéral plus intense,à la fois en Espagne et dans la plupartdes pays du monde, on doitgénéralement se tourner vers leseaux gazeuses.

PersonnalitépétillanteL’eau gazeuse naturelle n’est vraimentpas ce qu’il y a de plus fréquent dansle monde des eaux embouteillées !Une combinaison très rare defacteurs géologiques doit se produire— généralement dans des régionsprésentant une certaine activitévolcanique — pour que l’eau puisseavoir une quantité suffisante de CO2et produise un « pétillement ». Il nesemble donc pas surprenant que lessources produisant de l’eau gazéifiéesoient devenues incroyablementcélèbres au XIXe siècle, époque où lesstations thermales connurent leur âged’or. Comme nous l’avons indiqué plushaut, un bon nombre d’endroits où setrouvaient des « eaux médicinales »(comme on les appelait alors) sont

devenus des stations thermales oùles personnes pouvaient boire et« prendre ces eaux » capables de« diluer » leurs troubles. Finalement,ces stations ont commencé à vendreces eaux pour que leurs hôtes puissentles emporter chez eux. C’est seulementun peu plus tard qu’ils décidèrent deles mettre en bouteille pour que desrégions plus éloignées puissentbénéficier de leurs bienfaitsmédicinaux. Deux des plus célèbreseaux embouteillées du monde, Perrier

(France) et San Pellegrino (Italie),bâtirent leur renommée sur lacarbonisation naturelle de leur eau.C’est aussi ce que fit en Espagne VichyCatalan, l’eau minérale la plus connuedu pays.

Un grand classiqueLa prospère région située autour deCaldes de Malavella (le mot catalancaldes, qui vient de caldera, signifiechaudron), en Catalogne, a étécontinuellement habitée depuis lepaléolithique, en grande partie sansdoute grâce à la présence d’eau. L’eaude pluie — constante, sauf en été —s’infiltre à travers le granite jusqu’àde grandes profondeurs, où l’activitévolcanique augmente la températuredes nappes souterraines et expliquela présence de grandes quantités deminéraux et de dioxyde de carbone.La pression produite par la chaleur faitjaillir l’eau avec force de trois sources,situées dans trois montagnes voisines,à une température de 58 à 60 ºC.Modest Furest Roca, médecin àGérone, eut connaissance de cessources grâce aux personnes qu’il

connut dans la région, et décida en1880 d’acheter les terrains où ellesétaient situées. En huit ans seulement,les propriétés bénéfiques des eaux etle succès de la station thermale et del’usine d’embouteillage qu’il construisitfurent tels que la société Vichy Catalanfut autorisée à participer à l’ExpositionUniverselle de 1888, où elle reçut unemédaille d’or. D’autres reconnaissancessuivirent lors de l’ExpositionUniverselle de 1889, à Paris, quiconduisirent en 1890 le gouvernementargentin à recommander officiellementcette eau à des fins médicales. Ce futdonc la première eau espagnole à êtreexportée. À cette époque, tout commeaujourd’hui, les rapports soulignentle caractère exceptionnel de cette eauà haute teneur en bicarbonates et ensodium et d’un faible niveau decalcium, idéale pour combattre lesdigestions difficiles.Aujourd’hui, on trouve l’eau VichyCatalan dans le monde entier, et elleest généralement reconnue commel’une des eaux minérales naturelles lesplus remarquables, en raison de sagrande quantité de gaz carbonique etde sa concentration en sels minéraux.Sa saveur et son caractère en ont faitun ingrédient recherché de célèbreschefs espagnols qui l’ont incluse dansleurs recettes et leurs cocktails. Desgéants de la cuisine comme FerranAdrià, Joan Roca, Carme Ruscalleda,

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Sodium (Na) : Les eaux ayant une forteteneur en sodium se distinguent par leurgoût salé.

Magnesium (Mg) : Les eaux riches enmagnésium possèdent parfois un certaingoût amer.

Fluorure (F-) : Les eaux fluoréesnaturellement, contrairement aux eauxriches en magnésium, ont un goûtlégèrement doux.

Calcium (Ca) : En excès, naturel ouartificiellement ajouté, le calcium peutavoir un goût calcaire, mais en quantitéraisonnable, il peut présenter une saveuragréable, légèrement amère.

Fer (Fe) : La présence de fer produit deseaux ferrugineuses qui peuvent donnerune sensation de propreté.

Bicarbonate de sodium : Peut intensifierd’autres goûts dans l’eau et fairebaisser l'acidité, et aussi ajouterun certain goût épicé.

Ph (acidité ou alcalinité) : Les eauxnaturellement acides (ph inférieur à 7),ont un certain piquant qui peut êtreextrêmement rafraîchissant. Les eauxbasiques ou alcalines (ph supérieur à 7),par contraste, sont plutôt plus rondeset plus douces.

Découvrez leur goûtQuelques goûtscourants dans leseaux minérales

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which stimulates the taste buds.”Given the fact that so many elementsare present in water, that it can beacidic or alkaline, salty or sweet,sparkling or still, it is hardlysurprising that chefs care what onedrinks with their creations. But, asthey say, the proof is in the pudding:next time you find yourself at agourmet shop, why not try to tastetwo mineral waters side by side andlet your taste buds tell you why?

Saul Aparicio Hill is a Madrid-based freelance journalist whose workas a writer and broadcaster hasappeared in media in Spain, the UK,Ireland, India, Australia and theUSA, among other countries.

www.aneabe.esSpanish Association of BottledWater Companies, ANEABE. Closeto 100 members which account for98% of bottled water production inSpain. Spanish.

www.penaclara.esSpanish.

www.aguasdemondariz.comEnglish, Galician, Spanish.

www.grupovichycatalan.esCatalan, English, French, Spanish.

www.cabreiroa.es

Spanish.

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C’est une opinion que partage PepeMendoza, de la bodega familialeEnrique Mendoza, à Alfaz del Pi. Cettesignature, pionnière dans l’élaborationde rouges de qualité dans la DOAlicante, offre sur le marché deux vinsde moscatel produits selon le systèmetraditionnel de la région et consistantà éteindre la fermentation avec del’alcool, contrairement aux tendancesoxydatives du passé. Le vin appeléMoscatel de la Marina est produit àpartir de raisin vendangé avec unpotentiel de 12,5 degrés Baumé (degréprobable d’alcool à partir de la

concentration de sucre dans le raisin)et représente la recherche de lafraîcheur variétale, tandis que leMoscatel de Mendoza, provenant d’unevendange plus mûre, macère avec lespeaux et vieillit en barrique, donnantun vin plus complexe et de plus grandpoids en bouche. Pepe Mendoza, quia réussi à positionner ses étiquettesdouces en Grande Bretagne, enAllemagne, en Suisse, au Mexique etaux États-Unis, affirme que « dansla culture méditerranéenne, on neconçoit pas de terminer un repas sansun vin doux ».

Le cépagemonastrellet le fondillónLe fondillón est le vin doux d’Alicantedont l’histoire est la plus riche. Il estproduit à partir du cépage monastrellsurmaturé et presque passerillé sur laplante. C’est un vin naturellementdoux dont l’alcool provientexclusivement du processus defermentation. Le conseil régulateurde la DO Alicante exige soitl’utilisation de levures autochtones

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oubliés permit de récupérer les vieuxmountain wines de l’Axarquía dans cequi constitue probablement son projetles plus passionné : élaborer des vinsdoux de moscatel de pizarra caliente etde raisin séché au soleil où l’influencede la montagne est évidente. SonMolino Real (Spain Gourmetour, nº 71),né de la cuvée 1998, est une véritableicône des nouveaux vins douxespagnols. Avec une production deplus de 6 000 bouteilles et 20 moisen chêne français, ses meilleurescuvées combinent le mielleuxcaractéristique du cépage, les arômesprimaires délicats et frais et le souvenird’herbes aromatiques. Leur capacitéde développement en bouteille estremarquable.Le deuxième est Jorge Ordóñez,importateur de vins espagnols auxÉtats-Unis, qui a du sang malaguènedans les veines. Contrairement àd’autres initiatives en Espagne pourlesquelles il a cherché à s’associer àd’autres producteurs, c’est là un projetpersonnel et le seul à porter son nom(Bodegas Jorge Ordóñez & Co.). Surles conseils œnologiques de la familleautrichienne Kracher, spécialistesreconnus des vins doux, il produitquatre marques dont la concentrationsuit une progression croissante, desplus jeunes — Nº 1 Special Selectionet Nº 2 Victoria —, fermentés en cuvesd’acier inoxydable, en passant par leNº 3 Viejas Viñas qui fermente 18 moisen fût de chêne français, jusqu’àl’original Esencia, un vin unique dansla région produit avec le moscatel leplus passerillé. Ce vin dense etprofond qui rappelle inévitablementles essenczia hongroises de Tokaj a plusde 500 g de sucre résiduel et titre à 4º.

Les autresmoscatelsespagnolsLe pionnier des vins modernesnaturellement doux élaborés enEspagne fut un moscatel de Navarre,Ochoa, dont la première cuvéeremonte à 1994. Grâce à Javier Ochoa,à l’époque responsable de l’Evena(Station de viticulture et d’œnologiede Navarre), organisme leader dansla recherche dans la DO Navarra, lenouveau vin doux atteint un doubleobjectif : moderniser les moscatelstraditionnels locaux, conçusjusqu’alors comme des vinos de licorqui évoluaient en s’oxydant, etrécupérer le cépage à petit grain,presque disparu, à partir d’unesélection de vieux vignobles. Résultat :un vin net, fragrant, frais, fruité qui aréussi à capter l’expression la pluscroustillante et délicieuse du grainde raisin lui-même. À partir d’unevendange tardive, la fermentation estinterrompue à froid en prenant commeréférence un titre d’environ 12,5º eten variant le sucre résiduel en fonctiondes caractéristiques de la cuvée. C’estl’une des références les plusimportantes et du meilleur rapportqualité-prix en matière de vins doux.Ce style a eu de nombreux adeptes etbien que la production soit très réduite(à peine 0,2 % de la production de ladénomination en 2010), il a étéaccepté comme une catégorie tout àfait spéciale parmi les vins de Navarre(Spain Gourmetour, nº 71).Fernando Chivite fit un pas de plus enintroduisant la barrique, en s’inspirantdes vins doux classiques européens et

en ajoutant en plus la botrytis oupourriture grise, si peu fréquente enEspagne. Son Chivite Colección 125Vendimia Tardía est élaboré avec dumoscatel surmaturé vendangé en trèspetits lots, de la mi-octobre au débutdécembre. C’est un vin doux complexeet beaucoup plus concentré, avec debons taux d’acidité et une excellentecapacité de développement enbouteille ; selon moi, l’un desmeilleurs du pays.L’autre grande région des moscatelsespagnols, Alicante (Sud-Est del’Espagne), a également vécu sa proprerévolution. Les plus remarquablesproviennent de la région de La Marina,marquée par l’influence de la mer, oùl’on cultive traditionnellement lemuscat d’Alexandrie. Ici, le grandpionnier est Felipe Gutiérrez de laVega, un passionné d’opéra qui a fondéune école avec ses Casta Diva, très bienaccueillis aux États-Unis. La gammeest très variée : le Casta Diva FurtivaLágrima, de style frais et fermenté enacier inoxydable ; le Casta DivaCosecha Miel, son vin phare, quicombine raisin sec et raisin très mûr,fermenté en cuve d’acier puis élevé12 mois en chêne français, enfin leCasta Diva La Diva, le plus concentréde tous, un vin naturellement douxélaboré à partir de raisin passerillé etégalement vieilli en bois. VioletaGutiérrez de la Vega qui a pris la relèvede la production après avoir suivi uneformation à Sauternes, reconnaît quedans le monde des vins doux lesfrontières sont compliquées. Sespréférences au moment d’interromprela fermentation vont toujours versl’addition d’alcool plutôt que versl’ajout d’anhydride sulfureux.

VINS DOUX

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Santi Santamaria récemment disparu,Juan Mari Arzak ou Pedro Subijana onttous introduit cette eau pétillante dansleurs créations.

Infuséessous le volcanContrastant avec la tradition séculairede Vichy Catalan, Magma, une eaulégèrement gazéifiée de la sociétéd’embouteillage Cabreiroá, de Galice,vient juste d’apparaître sur le marché.Cette société suit un itinérairesemblable à celui d’autres entreprisesdont nous avons parlé ici : la traditionlocale célèbre cette eau curative qui,lors des analyses — réalisées, dans lecas de Cabreiroá, par le Nobel demédecine Santiago Ramón y Cajal audébut du XXe siècle —, s’est révéléelibre de toute impureté et possédantune teneur en minéraux intéressante.Les propriétaires protégèrentrapidement cette source, y installèrentune fontaine et se mirent à vendrel’eau aux visiteurs locaux puisconstruisirent une usined’embouteillage, en 1906, et unestation thermale, en 1907. En 1936,la Guerre Civile espagnole éclata etentraîna la fermeture de la station maisla mise en bouteille prospéra et l’eauest devenue l’une des plus connuesd’Espagne sous le nom de Cabreiroá.Profitant du succès d’une source siparticulière, la société lança ennovembre 2010 une eau trèsparticulière. Les précipitations dansla région s’infiltrent à environ 3 000 msous terre, le long de la faillevolcanique de Regua Verín. À unetempérature de plus de 100 ºC, l’eauentre en contact avec des vapeurs dumagma volcanique qui infusent l’eaud’une légère carbonisation avant degénérer de fortes pressions qui la

propulsent vers le haut dans unréservoir naturel souterrain. Dansce réservoir, complètement protégéde l’extérieur, à 150 mètres deprofondeur, l’eau conserve une légèrecarbonisation naturelle. Au lieu de lapomper au moyen d’une fontainesituée plus en hauteur, ce qui lui feraitperdre son gaz, l’eau Magma estextraite à cette profondeur et placéedans des bouteilles noiresd’aluminium. Pourquoi avoir choisile noir ? Le réservoir souterrain estnaturellement dans le noir. Enl’extrayant et en l’embouteillant sousterre, les responsables de Magmas’assurent que la première fois où leureau verra le jour sera le moment oùleur client débouchera la bouteille.Magma aussi a fait sensation parmi leschefs espagnols et en fournit certainsparmi les grands comme Pepe Solla etXosé Torres — reconnus par des étoilesMichelin — qui en sont arrivés à penserque l’eau était un bon complément àleur cuisine galicienne à base de fruitsde mer « grâce à sa combinaison de trèsfines bulles et de bicarbonate quistimule les papilles gustatives ».

Compte tenu du fait que tantd’éléments sont présents dans l’eau,qu’elle peut être acide ou alcaline,salée ou sucrée, gazeuse ou plate, iln’est guère surprenant que les chefss’intéressent à ce que l’on boit avecleurs créations. Mais, comme on dit,la preuve est dans le pudding : laprochaine fois que vous entrerez dansune épicerie fine, pourquoi ne pasessayer de goûter deux eaux minéralesl’une après l’autre et de laisser parlervos papilles ?

Saúl Aparicio Hill est un journalistefreelance qui publie des articles dans lesmédias en Espagne, au Royaume-Uni,en Irlande, en Inde, en Australie et auxÉtats-Unis.

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EAU

Sites webwww.aneabe.esANEABE Asociación Nacional deEmpresas de Aguas de BebidaEnvasadas. L’Association nationaled’entreprises d’embouteillage d’eaucompte près de 100 membres etcouvre 98 % de la production d’eauconditionnée d’Espagne. (Espagnol.).www.penaclara.es(Espagnol.)www.aguasdemondariz.com(Anglais, espagnol, galicien.)www.grupovichycatalan.es(Anglais, catalan, français, espagnol.)www.cabreiroa.es(Espagnol.)

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which stimulates the taste buds.”Given the fact that so many elementsare present in water, that it can beacidic or alkaline, salty or sweet,sparkling or still, it is hardlysurprising that chefs care what onedrinks with their creations. But, asthey say, the proof is in the pudding:next time you find yourself at agourmet shop, why not try to tastetwo mineral waters side by side andlet your taste buds tell you why?

Saul Aparicio Hill is a Madrid-based freelance journalist whose workas a writer and broadcaster hasappeared in media in Spain, the UK,Ireland, India, Australia and theUSA, among other countries.

www.aneabe.esSpanish Association of BottledWater Companies, ANEABE. Closeto 100 members which account for98% of bottled water production inSpain. Spanish.

www.penaclara.esSpanish.

www.aguasdemondariz.comEnglish, Galician, Spanish.

www.grupovichycatalan.esCatalan, English, French, Spanish.

www.cabreiroa.es

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Santi Santamaria récemment disparu,Juan Mari Arzak ou Pedro Subijana onttous introduit cette eau pétillante dansleurs créations.

Infuséessous le volcanContrastant avec la tradition séculairede Vichy Catalan, Magma, une eaulégèrement gazéifiée de la sociétéd’embouteillage Cabreiroá, de Galice,vient juste d’apparaître sur le marché.Cette société suit un itinérairesemblable à celui d’autres entreprisesdont nous avons parlé ici : la traditionlocale célèbre cette eau curative qui,lors des analyses — réalisées, dans lecas de Cabreiroá, par le Nobel demédecine Santiago Ramón y Cajal audébut du XXe siècle —, s’est révéléelibre de toute impureté et possédantune teneur en minéraux intéressante.Les propriétaires protégèrentrapidement cette source, y installèrentune fontaine et se mirent à vendrel’eau aux visiteurs locaux puisconstruisirent une usined’embouteillage, en 1906, et unestation thermale, en 1907. En 1936,la Guerre Civile espagnole éclata etentraîna la fermeture de la station maisla mise en bouteille prospéra et l’eauest devenue l’une des plus connuesd’Espagne sous le nom de Cabreiroá.Profitant du succès d’une source siparticulière, la société lança ennovembre 2010 une eau trèsparticulière. Les précipitations dansla région s’infiltrent à environ 3 000 msous terre, le long de la faillevolcanique de Regua Verín. À unetempérature de plus de 100 ºC, l’eauentre en contact avec des vapeurs dumagma volcanique qui infusent l’eaud’une légère carbonisation avant degénérer de fortes pressions qui la

propulsent vers le haut dans unréservoir naturel souterrain. Dansce réservoir, complètement protégéde l’extérieur, à 150 mètres deprofondeur, l’eau conserve une légèrecarbonisation naturelle. Au lieu de lapomper au moyen d’une fontainesituée plus en hauteur, ce qui lui feraitperdre son gaz, l’eau Magma estextraite à cette profondeur et placéedans des bouteilles noiresd’aluminium. Pourquoi avoir choisile noir ? Le réservoir souterrain estnaturellement dans le noir. Enl’extrayant et en l’embouteillant sousterre, les responsables de Magmas’assurent que la première fois où leureau verra le jour sera le moment oùleur client débouchera la bouteille.Magma aussi a fait sensation parmi leschefs espagnols et en fournit certainsparmi les grands comme Pepe Solla etXosé Torres — reconnus par des étoilesMichelin — qui en sont arrivés à penserque l’eau était un bon complément àleur cuisine galicienne à base de fruitsde mer « grâce à sa combinaison de trèsfines bulles et de bicarbonate quistimule les papilles gustatives ».

Compte tenu du fait que tantd’éléments sont présents dans l’eau,qu’elle peut être acide ou alcaline,salée ou sucrée, gazeuse ou plate, iln’est guère surprenant que les chefss’intéressent à ce que l’on boit avecleurs créations. Mais, comme on dit,la preuve est dans le pudding : laprochaine fois que vous entrerez dansune épicerie fine, pourquoi ne pasessayer de goûter deux eaux minéralesl’une après l’autre et de laisser parlervos papilles ?

Saúl Aparicio Hill est un journalistefreelance qui publie des articles dans lesmédias en Espagne, au Royaume-Uni,en Irlande, en Inde, en Australie et auxÉtats-Unis.

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Sites webwww.aneabe.esANEABE Asociación Nacional deEmpresas de Aguas de BebidaEnvasadas. L’Association nationaled’entreprises d’embouteillage d’eaucompte près de 100 membres etcouvre 98 % de la production d’eauconditionnée d’Espagne. (Espagnol.).www.penaclara.es(Espagnol.)www.aguasdemondariz.com(Anglais, espagnol, galicien.)www.grupovichycatalan.es(Anglais, catalan, français, espagnol.)www.cabreiroa.es(Espagnol.)

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Couvrant une superficie équivalente à cellede la Belgique, l'immense dehesa n'estpas seulement l'écosystème le plusrépandu en Espagne, c’est aussiune ressource durable pour

certains de ses produits alimentaires lesplus emblématiques. Paul Richardsoneffectue un périple à travers ce paysagebeau et généreux à la fois.

La Dehesa et ses Produits

CHÊNETextePaul Richardson/©ICEX

PhotosMatías Costa/©ICEX

TraductionFrançoise Chuffart/©ICEX

Le cœur du

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Couvrant une superficie équivalente à cellede la Belgique, l'immense dehesa n'estpas seulement l'écosystème le plusrépandu en Espagne, c’est aussiune ressource durable pour

certains de ses produits alimentaires lesplus emblématiques. Paul Richardsoneffectue un périple à travers ce paysagebeau et généreux à la fois.

La Dehesa et ses Produits

CHÊNETextePaul Richardson/©ICEX

PhotosMatías Costa/©ICEX

TraductionFrançoise Chuffart/©ICEX

Le cœur du

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Sites web· www.carnedemoruchadesalamanca.org

· www.carnedeavila.org

· www.carneguadarrama.com

· www.corderex.es

· www.dehesa-extremadura.com

· www.domielvilluercasibores.com

· www.foroencinal.es

· www.iprocor.org

· www.jamondehuelva.com

· www.jamondelospedroches.com

· www.jamonguijuelo.net

· www.quesoibores.org

· www.quesoserena.com

· www.terneradeextremadura.org

· www.tortadelcasar.eu

Porrino, à Salvaleón (province deBadajoz, au sud-ouest de l’Espagne),immense domaine appartenant auvillage dont elle constitue uneressource agricole inestimable.(Voir ci-dessous.)

Chêne, ô mondoux chêne !La dehesa représente l’agriculture dansce qu’elle a de plus simple et de plusdurable. Sous sa forme la plus pure,elle est constituée de chênes verts,de chênes-lièges (Quercus suber) etde chênes-rouvres (Quercus pyrenaica)dans des proportions qui varient de5 % à 20 % de la superficie totale(MARM), avec beaucoup de pâturages

entre les arbres. Son principal atoutnaturel est le gland, nourritureirremplaçable du porc ibérique quicomplète son régime avec des insectes,des tubercules et des herbesaromatiques de toutes sortes. Car cequi pousse entre les chênes représenteégalement une précieuse ressourcealimentaire pour les porcs, bien sûr,mais aussi pour les vaches, lesmoutons ou les chèvres.Dans la dehesa, rien ne se perd, toutest utilisé et bien utilisé. Les branchesélaguées sont laissées sur le sol où lebétail consommera leurs feuilles tandisque le bois sera utilisé pour lechauffage ou brûlé pour produire ducharbon de bois (le picón avec lequelon se protège encore du froid dansles campagnes espagnoles, grâce au

plus typique encore que les plagesde sable de la Méditerranée.La dehesa est un nom, ou pour êtreplus exact, deux noms en un seul,puisqu’il désigne à la fois un type depaysage et un écosystème. L’étymologiedu mot nous apporte des éléments sursa nature. Dehesa vient du latin defensaqui signifie « défendue » ou « fermée ».Il est vrai que la plupart des étenduesde dehesa d’Espagne sont divisées enpropriétés privées couvrant parfois descentaines, voire des milliers d’hectares.Il est cependant également certain qu’ilexiste des dehesas publiques — desterres qui furent jadis communescomme la Dehesa de la Villa de Madridou la Dehesa du Parc de Gérone —ainsi que des dehesas boyales oucomunales comme la Dehesa Monte

constituant est le chêne vert, Quercusilex, une essence de la famille deschênes à feuilles persistantes dont lesglands, ainsi que les herbes variées etles plantes aromatiques qui poussentautour, fournissent leur nourritureaux animaux qui y paissent. Sur uneétendue d’environ 3,6 millionsd’hectares, selon le ministère espagnolde l’Agriculture — MARM —, dont35 % correspondent à l’Estrémadure(Sud-Ouest de l’Espagne), 27 % àl’Andalousie (Sud de l’Espagne), 21 %à Castille-La Manche (Centre-Sud del’Espagne), 14 % à Castille-et-Léon(Centre-Nord de l’Espagne) et 3 %à la région de Madrid (Centrede l’Espagne), il n’est pas exagéréde décrire la dehesa comme laquintessence du paysage espagnol,

J’ai roulé et roulé sur les routesdésertes de l’Estrémadure, traversantl’une des régions les moins peupléesd’Europe. Des deux côtés de la route,un paysage d’arbres à l’aspect rude,bien séparés les uns des autres par despâturages verts. On a l’impression d’uneétendue à perte de vue d’arbres auxtroncs sombres, au feuillage gris-verttouffu ; ces arbres s’étendent au loin, àune distance que seule ponctue parfoisun mur de pierre sinueux, un ruisseauou de petites collines éparses.Ce paysage, appelé dehesa en espagnol,a vu le jour grâce à un éclaircissementprogressif de la dense forêt originellepour donner naissance à des étenduesde pâturages pour le bétail. La dehesaest une forêt domestiquée, unécosystème aménagé. Son principal

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Sites web· www.carnedemoruchadesalamanca.org

· www.carnedeavila.org

· www.carneguadarrama.com

· www.corderex.es

· www.dehesa-extremadura.com

· www.domielvilluercasibores.com

· www.foroencinal.es

· www.iprocor.org

· www.jamondehuelva.com

· www.jamondelospedroches.com

· www.jamonguijuelo.net

· www.quesoibores.org

· www.quesoserena.com

· www.terneradeextremadura.org

· www.tortadelcasar.eu

Porrino, à Salvaleón (province deBadajoz, au sud-ouest de l’Espagne),immense domaine appartenant auvillage dont elle constitue uneressource agricole inestimable.(Voir ci-dessous.)

Chêne, ô mondoux chêne !La dehesa représente l’agriculture dansce qu’elle a de plus simple et de plusdurable. Sous sa forme la plus pure,elle est constituée de chênes verts,de chênes-lièges (Quercus suber) etde chênes-rouvres (Quercus pyrenaica)dans des proportions qui varient de5 % à 20 % de la superficie totale(MARM), avec beaucoup de pâturages

entre les arbres. Son principal atoutnaturel est le gland, nourritureirremplaçable du porc ibérique quicomplète son régime avec des insectes,des tubercules et des herbesaromatiques de toutes sortes. Car cequi pousse entre les chênes représenteégalement une précieuse ressourcealimentaire pour les porcs, bien sûr,mais aussi pour les vaches, lesmoutons ou les chèvres.Dans la dehesa, rien ne se perd, toutest utilisé et bien utilisé. Les branchesélaguées sont laissées sur le sol où lebétail consommera leurs feuilles tandisque le bois sera utilisé pour lechauffage ou brûlé pour produire ducharbon de bois (le picón avec lequelon se protège encore du froid dansles campagnes espagnoles, grâce au

plus typique encore que les plagesde sable de la Méditerranée.La dehesa est un nom, ou pour êtreplus exact, deux noms en un seul,puisqu’il désigne à la fois un type depaysage et un écosystème. L’étymologiedu mot nous apporte des éléments sursa nature. Dehesa vient du latin defensaqui signifie « défendue » ou « fermée ».Il est vrai que la plupart des étenduesde dehesa d’Espagne sont divisées enpropriétés privées couvrant parfois descentaines, voire des milliers d’hectares.Il est cependant également certain qu’ilexiste des dehesas publiques — desterres qui furent jadis communescomme la Dehesa de la Villa de Madridou la Dehesa du Parc de Gérone —ainsi que des dehesas boyales oucomunales comme la Dehesa Monte

constituant est le chêne vert, Quercusilex, une essence de la famille deschênes à feuilles persistantes dont lesglands, ainsi que les herbes variées etles plantes aromatiques qui poussentautour, fournissent leur nourritureaux animaux qui y paissent. Sur uneétendue d’environ 3,6 millionsd’hectares, selon le ministère espagnolde l’Agriculture — MARM —, dont35 % correspondent à l’Estrémadure(Sud-Ouest de l’Espagne), 27 % àl’Andalousie (Sud de l’Espagne), 21 %à Castille-La Manche (Centre-Sud del’Espagne), 14 % à Castille-et-Léon(Centre-Nord de l’Espagne) et 3 %à la région de Madrid (Centrede l’Espagne), il n’est pas exagéréde décrire la dehesa comme laquintessence du paysage espagnol,

J’ai roulé et roulé sur les routesdésertes de l’Estrémadure, traversantl’une des régions les moins peupléesd’Europe. Des deux côtés de la route,un paysage d’arbres à l’aspect rude,bien séparés les uns des autres par despâturages verts. On a l’impression d’uneétendue à perte de vue d’arbres auxtroncs sombres, au feuillage gris-verttouffu ; ces arbres s’étendent au loin, àune distance que seule ponctue parfoisun mur de pierre sinueux, un ruisseauou de petites collines éparses.Ce paysage, appelé dehesa en espagnol,a vu le jour grâce à un éclaircissementprogressif de la dense forêt originellepour donner naissance à des étenduesde pâturages pour le bétail. La dehesaest une forêt domestiquée, unécosystème aménagé. Son principal

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brasero placé sous la table de cuisine).En saison, ce vaste paysage est richeen gibier, en champignons, comme lacriadilla de tierra (Terfezia arenaria), eten légumes sauvages, comme les tigesde chardon et l’ail. Quelquesentreprises, parmi lesquelles ProductosSilvestres Julian Martin, à Moraleja, etIndustrias León, à Torrecilla de la Tiesa(toutes deux à Cáceres, Sud-Ouest del’Espagne), sont spécialisées dans leconditionnement de ces produits pourle marché espagnol. Le toro de lidia(taureau de combat) est l’un desprincipaux habitants de la dehesa,avec les milliers d’hectares dedomaines privés clôturés qui lui sontdestinés, et l’industrie générée par lacorrida démontre à l’évidence le rôlequ’il joue dans la conservation de cenoble paysage. Comme si tout cela nesuffisait pas, la dehesa de chênes-liègesreprésente une ressource vitale— même à l’époque des bouchons enplastique et des bouchons vissés —pour les producteurs de bon vin.D’après les chiffres donnés parl’industrie, l’Espagne fournit 26 %du marché mondial des bouchonsde liège.Au cours des années 60 et 70,la dehesa, et sa capacité a générerune prospérité rurale, ont étécomplètement éclipsées par le glamourdu développement urbain de la côteméditerranéenne. Les chênes vertsfurent progressivement arrachés pourfaire place à des plans d’irrigation ou àdes plantations d’eucalyptus. Pendantquelques années, la race du porcibérique, si elle ne s’éteignit pastotalement, se trouva menacée et futdangereusement proche de l’oubli.Actuellement, et c’est heureux, ladehesa est plus que jamais valoriséecomme écosystème et ressourcenaturelle. Les écologistes louent

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brasero placé sous la table de cuisine).En saison, ce vaste paysage est richeen gibier, en champignons, comme lacriadilla de tierra (Terfezia arenaria), eten légumes sauvages, comme les tigesde chardon et l’ail. Quelquesentreprises, parmi lesquelles ProductosSilvestres Julian Martin, à Moraleja, etIndustrias León, à Torrecilla de la Tiesa(toutes deux à Cáceres, Sud-Ouest del’Espagne), sont spécialisées dans leconditionnement de ces produits pourle marché espagnol. Le toro de lidia(taureau de combat) est l’un desprincipaux habitants de la dehesa,avec les milliers d’hectares dedomaines privés clôturés qui lui sontdestinés, et l’industrie générée par lacorrida démontre à l’évidence le rôlequ’il joue dans la conservation de cenoble paysage. Comme si tout cela nesuffisait pas, la dehesa de chênes-liègesreprésente une ressource vitale— même à l’époque des bouchons enplastique et des bouchons vissés —pour les producteurs de bon vin.D’après les chiffres donnés parl’industrie, l’Espagne fournit 26 %du marché mondial des bouchonsde liège.Au cours des années 60 et 70,la dehesa, et sa capacité a générerune prospérité rurale, ont étécomplètement éclipsées par le glamourdu développement urbain de la côteméditerranéenne. Les chênes vertsfurent progressivement arrachés pourfaire place à des plans d’irrigation ou àdes plantations d’eucalyptus. Pendantquelques années, la race du porcibérique, si elle ne s’éteignit pastotalement, se trouva menacée et futdangereusement proche de l’oubli.Actuellement, et c’est heureux, ladehesa est plus que jamais valoriséecomme écosystème et ressourcenaturelle. Les écologistes louent

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ibérica, base de l’IGP Carne de Ávila,est également noire et, comme lamorucha, robuste et d’une grandelongévité. Mais sa zone géographiqued’extension est plus vaste : on la trouvenon seulement dans les provinces deCastille et au sud du Léon — sa patriehistorique — mais aussi dans lesprovinces de Huelva, Jaén, Séville,Teruel, Ciudad Real, Tolède, Cáceres,Badajoz, La Rioja et Madrid. Le conseilrégulateur de l’IGP a fait remonter lagénéalogie de cette race à la Castilledes XIVe et XVe siècles, et plus avantaux taureaux qui tiraient les charrettesà l’époque romaine. La race avileña-negra ibérica, parfaitement adaptée,supporte les hivers extrêmes de laSierra Nevada et les étés torridesd’Estrémadure.La race avileña-negra ibérica et lesraces limousine et charolaise sont lesraces admises par l’IGP Carne de laSierra de Guadarrama, pour lesdehesas des montagnes de la provincede Madrid.Deux autres races de bœuf bienadaptées aux conditions de la dehesasont la retinta, commune à la foisà l’Estrémadure et à l’Ouest del’Andalousie, et la blanca cacereña.Elles sont toutes deux admises parl’IGP Ternera de Extremadura, ainsique les races classiques plus typiques,déjà mentionnées, de Salamanque etd’Ávila, en plus des races de berrendaen colorado et de berrenda en negro.Si l’on considère la dehesa comme unespace producteur de viande, on nedoit pas omettre de parler de l’IGPCordero de Extremadura (connueaussi sous le nom de Corderex), unedénomination couvrant le moutonmerinos. Le lien entre mouton etEstrémadure remonte loin dans letemps — d’ailleurs une hypothèseassez vraisemblable considère que le

nom de cette communauté autonomepourrait venir du verbe extremar, quisignifie séparer les brebis de leursagneaux. Un célèbre recensement dubétail datant du XVIIIe siècle, leCatastro (cadastre) du Marqués de laEnsenada (homme d’État 1703-1781)recensait 1 300 000 moutons mérinosdans la région. De nos jours, commejadis, le mouton est la viandeprincipale de la cuisine d’Estrémadureet on la retrouve dans des plats commela caldereta de cordero (un plat d’agneauà l’oignon, tomate, ail, poivre, jambonet persil) et la chanfaina (agneau àl’oignon, ail, laurier et piment fort).Le mouton mérinos étant égalementune race laitière, des fromagesd’Estrémadure aussi renommés que laTorta del Casar et la Torta de la Serena(Spain Gourmetour, nº 65) peuvent êtrecomptés parmi les meilleurescontributions de la dehesa à l’universdes fromages.

Des porcsde haute voléeCe que cet écosystème produit demeilleur est indiscutablement le porc.L’Estrémadure possède, dans sadénomination d’origine protégée DOPDehesa de Extremadura, l’une desplus nobles expressions de la dehesasous la forme de l’exquis JamónIbérico de bellota. La dénominationest généralement considérée commel’un des plus actifs de tous les labelsde qualité. Elle institue une série decontrôles stricts que le conseilrégulateur définit sous trois formes :Control de Campo — contrôle deterrain — (pureté de la race del’animal et bien-être), Control delproceso de Elaboración — contrôle duprocessus de production — et Control

son fonctionnement très évolué, sadurabilité exemplaire : le naturalisteJoaquín Araujo (premier Espagnol àavoir reçu en 1991 le prix Global 500du PNUE, Programme des NationsUnies pour l’environnement), qui vitdans une ferme en Estrémadure, parleavec admiration de la dehesa commed’« un exemple de synchronicité entrenature et culture ».Ceux qui tirent leur subsistance dela dehesa la défendent avec passion.José Gómez, de la société Joselito(voir page 90), le célèbre producteurdes incomparables jambons etcharcuteries ibériques, considère ladehesa comme un environnement

Statut protégéParmi les produits de la dehesaespagnole bénéficiant de l’indicationgéographique protégée (IGP), on peutdistinguer ceux dont la connexion àl’écosystème est directe et nécessaire,et ceux pour lesquels cette association,pour être moins clairement définie,n’en est pas moins réelle. Dans lapremière catégorie, se trouve la viandebovine de la race morucha, deSalamanque, la viande d’Ávila, laviande de la Sierra de Guadarramaet d’Estrémadure (Spain Gourmetour,nº 67), ainsi que le moutond’Estrémadure.J’ai vu une fois parmi les chênes vertset les rochers de granit de CiudadRodrigo (Salamanque) des vachesnoires Longhorn qui étaientprobablement toutes des moruchas— une race qui descend directementdu Bos taurus ibericus — et qui est trèsappréciée pour sa viande maigre augoût excellent. La race morucha, basede l’IGP Carne de Morucha deSalamanca, est élevée principalementdans les provinces de Salamanque,Valladolid, Zamora, Ávila, Cáceres etBadajoz, toujours en régime extensif,sa robustesse naturelle ne nécessitantd’autre abri que l’ombre d’un chênevert ou d’un pin d’Alep (Pinushalepensis). Un récent recensementde la race morucha en Espagne donnacomme résultat 120 000 animaux,répartis en petits troupeaux d’environ80 à 100 vaches reproductrices.Cependant, la race avileña-negra

de haute valeur et un élémentfondamental pour sa société et sesproduits. Gómez fait observer quel’existence des chênes et de leursglands n’est pas le seul intérêt dela dehesa, même si les huiles et lesenzymes qu’ils contiennent sontessentielles pour la production debons jambons ibériques. Ce sont lesracines des arbres qui, en apportantau sol de l’eau et des nutrimentspermettent que l’herbe pousse et éviteainsi l’érosion des sols, diminuant latempérature en été, augmentantl’humidité relative de l’air etfournissant un abri pour les animaux.

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ibérica, base de l’IGP Carne de Ávila,est également noire et, comme lamorucha, robuste et d’une grandelongévité. Mais sa zone géographiqued’extension est plus vaste : on la trouvenon seulement dans les provinces deCastille et au sud du Léon — sa patriehistorique — mais aussi dans lesprovinces de Huelva, Jaén, Séville,Teruel, Ciudad Real, Tolède, Cáceres,Badajoz, La Rioja et Madrid. Le conseilrégulateur de l’IGP a fait remonter lagénéalogie de cette race à la Castilledes XIVe et XVe siècles, et plus avantaux taureaux qui tiraient les charrettesà l’époque romaine. La race avileña-negra ibérica, parfaitement adaptée,supporte les hivers extrêmes de laSierra Nevada et les étés torridesd’Estrémadure.La race avileña-negra ibérica et lesraces limousine et charolaise sont lesraces admises par l’IGP Carne de laSierra de Guadarrama, pour lesdehesas des montagnes de la provincede Madrid.Deux autres races de bœuf bienadaptées aux conditions de la dehesasont la retinta, commune à la foisà l’Estrémadure et à l’Ouest del’Andalousie, et la blanca cacereña.Elles sont toutes deux admises parl’IGP Ternera de Extremadura, ainsique les races classiques plus typiques,déjà mentionnées, de Salamanque etd’Ávila, en plus des races de berrendaen colorado et de berrenda en negro.Si l’on considère la dehesa comme unespace producteur de viande, on nedoit pas omettre de parler de l’IGPCordero de Extremadura (connueaussi sous le nom de Corderex), unedénomination couvrant le moutonmerinos. Le lien entre mouton etEstrémadure remonte loin dans letemps — d’ailleurs une hypothèseassez vraisemblable considère que le

nom de cette communauté autonomepourrait venir du verbe extremar, quisignifie séparer les brebis de leursagneaux. Un célèbre recensement dubétail datant du XVIIIe siècle, leCatastro (cadastre) du Marqués de laEnsenada (homme d’État 1703-1781)recensait 1 300 000 moutons mérinosdans la région. De nos jours, commejadis, le mouton est la viandeprincipale de la cuisine d’Estrémadureet on la retrouve dans des plats commela caldereta de cordero (un plat d’agneauà l’oignon, tomate, ail, poivre, jambonet persil) et la chanfaina (agneau àl’oignon, ail, laurier et piment fort).Le mouton mérinos étant égalementune race laitière, des fromagesd’Estrémadure aussi renommés que laTorta del Casar et la Torta de la Serena(Spain Gourmetour, nº 65) peuvent êtrecomptés parmi les meilleurescontributions de la dehesa à l’universdes fromages.

Des porcsde haute voléeCe que cet écosystème produit demeilleur est indiscutablement le porc.L’Estrémadure possède, dans sadénomination d’origine protégée DOPDehesa de Extremadura, l’une desplus nobles expressions de la dehesasous la forme de l’exquis JamónIbérico de bellota. La dénominationest généralement considérée commel’un des plus actifs de tous les labelsde qualité. Elle institue une série decontrôles stricts que le conseilrégulateur définit sous trois formes :Control de Campo — contrôle deterrain — (pureté de la race del’animal et bien-être), Control delproceso de Elaboración — contrôle duprocessus de production — et Control

son fonctionnement très évolué, sadurabilité exemplaire : le naturalisteJoaquín Araujo (premier Espagnol àavoir reçu en 1991 le prix Global 500du PNUE, Programme des NationsUnies pour l’environnement), qui vitdans une ferme en Estrémadure, parleavec admiration de la dehesa commed’« un exemple de synchronicité entrenature et culture ».Ceux qui tirent leur subsistance dela dehesa la défendent avec passion.José Gómez, de la société Joselito(voir page 90), le célèbre producteurdes incomparables jambons etcharcuteries ibériques, considère ladehesa comme un environnement

Statut protégéParmi les produits de la dehesaespagnole bénéficiant de l’indicationgéographique protégée (IGP), on peutdistinguer ceux dont la connexion àl’écosystème est directe et nécessaire,et ceux pour lesquels cette association,pour être moins clairement définie,n’en est pas moins réelle. Dans lapremière catégorie, se trouve la viandebovine de la race morucha, deSalamanque, la viande d’Ávila, laviande de la Sierra de Guadarramaet d’Estrémadure (Spain Gourmetour,nº 67), ainsi que le moutond’Estrémadure.J’ai vu une fois parmi les chênes vertset les rochers de granit de CiudadRodrigo (Salamanque) des vachesnoires Longhorn qui étaientprobablement toutes des moruchas— une race qui descend directementdu Bos taurus ibericus — et qui est trèsappréciée pour sa viande maigre augoût excellent. La race morucha, basede l’IGP Carne de Morucha deSalamanca, est élevée principalementdans les provinces de Salamanque,Valladolid, Zamora, Ávila, Cáceres etBadajoz, toujours en régime extensif,sa robustesse naturelle ne nécessitantd’autre abri que l’ombre d’un chênevert ou d’un pin d’Alep (Pinushalepensis). Un récent recensementde la race morucha en Espagne donnacomme résultat 120 000 animaux,répartis en petits troupeaux d’environ80 à 100 vaches reproductrices.Cependant, la race avileña-negra

de haute valeur et un élémentfondamental pour sa société et sesproduits. Gómez fait observer quel’existence des chênes et de leursglands n’est pas le seul intérêt dela dehesa, même si les huiles et lesenzymes qu’ils contiennent sontessentielles pour la production debons jambons ibériques. Ce sont lesracines des arbres qui, en apportantau sol de l’eau et des nutrimentspermettent que l’herbe pousse et éviteainsi l’érosion des sols, diminuant latempérature en été, augmentantl’humidité relative de l’air etfournissant un abri pour les animaux.

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del Producto final — contrôlede la qualité du produit final.En dépit de son excellence, la DOPDehesa de Extremadura a de puissantsrivaux parmi les produits deSalamanque, de Cordoue (siège dela nouvelle DOP Jamón Ibérico LosPedroches) et de Huelva (avec lefameux jambon de Jabugo). La DOPGuijuelo est réputée produire lesmeilleurs jambons d’Espagne ainsiqu’une gamme de produits decharcuterie — lomo embuchado (filetsec), salchichón (saucisson) et chorizo— tous issus du porc ibérique. On netrouve pas n’importe où à la fois desconditions de vie idéales pour le porcibérique et un climat approprié pourle séchage des jambons, mais c’est

justement le cas du Sud-Est de laprovince de Salamanque. Les alentoursde la ville de Ciudad Rodrigo, parexemple, possèdent une dehesaabondante, avec des hivers secs etfroids parfaits pour le séchage deces porcs nourris de glands.La famille Hernández appartient à cetteculture et en est l’une de meilleuresambassadrices. L’entreprise familiale,Ibéricos de Bellota Felipe Hernández,implantée à Ciudad Rodrigo, à uneheure au sud de Salamanque, estsurtout connue pour ses jambons et sesmagnifiques saucisses dont la plupartproviennent des porcs ibériques purerace élevés dans la ferme familiale de300 hectares située dans les alentoursde la petite ville.

Il y a cinq Hernández : Felipe, lepatriarche, ses deux fils José et Ramónet leurs épouses. La famille a sonquartier général à un carrefour justeà l’extérieur de l’enceinte de la vieilleville, avec une boutique à l’avant quisert de vitrine à ce qui se passederrière. José, un jeune battant encostume blanc taché de pimentón(sorte de paprika espagnol) et bottesblanches, me conduit allégrement àtravers un dédale de salles culminantdans des galeries supérieures où descentaines de jambons sont suspendusau plafond en rangs serrés, séchantlentement et affinés dans une obscuritésèche et froide. Je me penche vers l’unde ces jambons suspendus à la hauteurde mes yeux : il sent moins la viande

que les herbes aromatiques et la résine.Des moisissures grisâtres et des tachesnoires se sont dessinées à la surfacependant les 24 mois de vieillissement,comme en écho sympathique auxtroncs recouverts de lichen des arbresde la dehesa.L’importance d’un séchage correct estindéniable. Cependant, la partie laplus importante du processus est cettepériode de trois mois que le porc apassée dans la dehesa.À la ferme de la famille Hernández,dans la Dehesa de Valverde, il y a1 500 chênes verts pour 300 animaux :un bon ratio, tout bien considéré.Jusqu’à ce que les glands se formentsur les arbres en fin d’automne, lesporcs sont nourris avec un mélange

Saviez-vous qu’ils épluchent les glandsdans leur bouche et qu’ils recrachentles morceaux trop durs ?Personnellement, je l’ignorais. Maisje savais que les glands, riches englucides et en huiles naturelles,constituent l’un des meilleurs alimentspour le bétail et comptent parmi lesplus parfaitement équilibrés. Le glandde chêne vert possède une teneurélevée en acide oléique, le même acidegras insaturé présent dans l’huiled’olive ; il s’ensuit donc que la graissedu porc ibérique peut réduiresensiblement le « mauvais »cholestérol (LDL) et maintenir leniveau du « bon » cholestérol (HDL).Le porc ibérique est un descendantdu sanglier (Sus mediterraneus) qui

de blé moulu, d’orge et de maïs. Le1er Novembre, jour de la Toussaint, ilssont lâchés dans la dehesa pour unepériode d’alimentation concentrée auxproportions prodigieuses connue sousle nom de montanera — au cours delaquelle les animaux prennent enmoyenne 40 % de leur poids final. Ilsengraissent si vite que si on les regardebien, on peut s’en apercevoir. JoséHernández m’a dit que, lorsque letapis de glands est épais sur le sol etque les porcs s’en gavent, ils peuventprendre jusqu’à un kilo par jour.« Certains arbres donnent des glandsplus doux que d’autres », affirme José.« Et les porcs savent choisir les bonsarbres et commencer par les plusdoux. Ce sont des vrais gourmets.

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del Producto final — contrôlede la qualité du produit final.En dépit de son excellence, la DOPDehesa de Extremadura a de puissantsrivaux parmi les produits deSalamanque, de Cordoue (siège dela nouvelle DOP Jamón Ibérico LosPedroches) et de Huelva (avec lefameux jambon de Jabugo). La DOPGuijuelo est réputée produire lesmeilleurs jambons d’Espagne ainsiqu’une gamme de produits decharcuterie — lomo embuchado (filetsec), salchichón (saucisson) et chorizo— tous issus du porc ibérique. On netrouve pas n’importe où à la fois desconditions de vie idéales pour le porcibérique et un climat approprié pourle séchage des jambons, mais c’est

justement le cas du Sud-Est de laprovince de Salamanque. Les alentoursde la ville de Ciudad Rodrigo, parexemple, possèdent une dehesaabondante, avec des hivers secs etfroids parfaits pour le séchage deces porcs nourris de glands.La famille Hernández appartient à cetteculture et en est l’une de meilleuresambassadrices. L’entreprise familiale,Ibéricos de Bellota Felipe Hernández,implantée à Ciudad Rodrigo, à uneheure au sud de Salamanque, estsurtout connue pour ses jambons et sesmagnifiques saucisses dont la plupartproviennent des porcs ibériques purerace élevés dans la ferme familiale de300 hectares située dans les alentoursde la petite ville.

Il y a cinq Hernández : Felipe, lepatriarche, ses deux fils José et Ramónet leurs épouses. La famille a sonquartier général à un carrefour justeà l’extérieur de l’enceinte de la vieilleville, avec une boutique à l’avant quisert de vitrine à ce qui se passederrière. José, un jeune battant encostume blanc taché de pimentón(sorte de paprika espagnol) et bottesblanches, me conduit allégrement àtravers un dédale de salles culminantdans des galeries supérieures où descentaines de jambons sont suspendusau plafond en rangs serrés, séchantlentement et affinés dans une obscuritésèche et froide. Je me penche vers l’unde ces jambons suspendus à la hauteurde mes yeux : il sent moins la viande

que les herbes aromatiques et la résine.Des moisissures grisâtres et des tachesnoires se sont dessinées à la surfacependant les 24 mois de vieillissement,comme en écho sympathique auxtroncs recouverts de lichen des arbresde la dehesa.L’importance d’un séchage correct estindéniable. Cependant, la partie laplus importante du processus est cettepériode de trois mois que le porc apassée dans la dehesa.À la ferme de la famille Hernández,dans la Dehesa de Valverde, il y a1 500 chênes verts pour 300 animaux :un bon ratio, tout bien considéré.Jusqu’à ce que les glands se formentsur les arbres en fin d’automne, lesporcs sont nourris avec un mélange

Saviez-vous qu’ils épluchent les glandsdans leur bouche et qu’ils recrachentles morceaux trop durs ?Personnellement, je l’ignorais. Maisje savais que les glands, riches englucides et en huiles naturelles,constituent l’un des meilleurs alimentspour le bétail et comptent parmi lesplus parfaitement équilibrés. Le glandde chêne vert possède une teneurélevée en acide oléique, le même acidegras insaturé présent dans l’huiled’olive ; il s’ensuit donc que la graissedu porc ibérique peut réduiresensiblement le « mauvais »cholestérol (LDL) et maintenir leniveau du « bon » cholestérol (HDL).Le porc ibérique est un descendantdu sanglier (Sus mediterraneus) qui

de blé moulu, d’orge et de maïs. Le1er Novembre, jour de la Toussaint, ilssont lâchés dans la dehesa pour unepériode d’alimentation concentrée auxproportions prodigieuses connue sousle nom de montanera — au cours delaquelle les animaux prennent enmoyenne 40 % de leur poids final. Ilsengraissent si vite que si on les regardebien, on peut s’en apercevoir. JoséHernández m’a dit que, lorsque letapis de glands est épais sur le sol etque les porcs s’en gavent, ils peuventprendre jusqu’à un kilo par jour.« Certains arbres donnent des glandsplus doux que d’autres », affirme José.« Et les porcs savent choisir les bonsarbres et commencer par les plusdoux. Ce sont des vrais gourmets.

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de ses fromages est recouvert d’unbrin de lavande de la dehesa,simplement placé à l’intérieur dupapier d’emballage pour y instillerun parfum délicat.)Près de la route, le troupeau reposetranquillement au milieu des chênesverts, dans ce pâturage printanierluxuriant de la dehesa avec sonmélange impressionniste de couleurs :lavande, ciste blanc (Cistus ladanifer),genêt jaune, coquelicots rouges. Lafragrance est si merveilleuse qu’on sedemande pourquoi personne n’a eul’idée de breveter un parfum floralinspiré par la dehesa. Avis auxparfumeurs espagnols.

Une activitéde rucheEn ce qui concerne les fleurs et lesparfums, il est un autre produit de ladehesa qui en fait bon usage. Le miel

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parcourait les forêts du bassinméditerranéen. Pendant des siècles,ce fut la seule race de porc réellementimportante en Espagne, jusqu’àl’arrivée des porcs « blancs » desraces d’Europe du Nord telles durocet landrace, à la viande maigre ets’adaptant bien au nouvel élevageintensif. Le porc ibérique estindissociablement lié à son habitat.À tel point que les personnes quiécrivent sur ce sujet utilisenthabituellement le terme françaisterroir, emprunté à l’univers du vin,pour se référer à l’ensemble desfacteurs environnementaux qui sontà l’origine du jambon Ibérico tel qu’ilest. Le porc et la dehesa ont étépresque littéralement faits l’un pourl’autre. L’ensemble du processus, duchêne vert au jambon, est en fait unsystème si parfait que l’on a peineà croire que cela se soit réalisé defaçon volontaire.

Le grand fromageQuelques semaines après mesexplorations en Castille, je suis partiun week-end rendre visite à un amidont la famille gère un petit hôtelmerveilleux dans la Sierra Norte, àune heure au nord de Séville. Cettepropriété du nom de Trasierra estentourée de dehesa dans sa formela plus authentique, chênes vertset chênes-lièges, et toutes sortes debétails y paissent, élevages de bovinsretinta, moutons mérinos ou porcsibériques. Gioconda Scott, la chef del’hôtel, utilise en cuisine les viandesde toutes ces races et fait l’éloge dela dehesa comme source d’ingrédientsde première catégorie. Elle racontecomment elle a organisé un stage decuisine à Trasierra avec un cultivateurde Cazalla de la Sierra (Séville) quisavait tout ce que l’on peut savoir surles collejas (Silene vulgaris), lespissenlits (Hispanicus scolymus), l’ailsauvage, les asperges communes,la lengua de buey (Anchusa azurea),et d’autres légumes que l’on peuttrouver dans la dehesa à certainespériodes de l’année.Un dimanche matin, Gioconda meconduisit chez une femmeremarquable qui élabore dans uneferme près de Castilblanco de losArroyos (province de Séville) desfromages de chèvre qui se combinentparfaitement à ces salades sauvages.Un certain nombre de fromagesd’Espagne sont associés à la dehesa,leur DOP indique qu’ils proviennentde systèmes de pâturage extensif.Les tortas d’Estrémadure, ces fromagesronds, comme la Torta del Casar etle Queso de la Serena, sont de bonsexemples de produits pour lesquelsla dehesa, même si elle n’est pas unfacteur aussi essentiel et irremplaçable

que pour le jambon Ibérico, constituecependant un milieu privilégié, habitatde choix des brebis laitières mérinos. Ilen est de même pour le fromage DOPQueso de Ibores (Spain Gourmetour,nº 64) dont l’origine géographiqueest définie comme méditerranéenne :dehesas de Ibores, Villuercas, La Jaraet Trujillo (villages du Sud-Est dela province de Cáceres).D’autres spécialités fromagères sontégalement en lien étroit avec la dehesa— mais aucune ne l’est autant quele fromage de chèvre élaboré parMare Nostrum, à Castilblanco de losArroyos (Séville).Un chêne vert géant devant la portede la laiterie : symbole ou déclarationd’intention ? María Orzaez, la créatricedes fromages de chèvre au lait cruMare Nostrum, achète son laitexclusivement au chevrier local,Manuel Fernández, qui élève ses 200animaux de races florida et retinta surune propriété de 100 hectares où setrouvent la maison de Maria et lafromagerie. Elle a choisi ce site et sonfournisseur de lait avec beaucoup desoin, en tenant compte des conditions« impressionnantes » de la dehesalocale et de la robustesse du bétailtraditionnel de cette partie del’Andalousie. Le lait, dit-elle, a unesuperbe richesse aromatique provenanten partie de l’alimentation desanimaux à base de plantes et d’herbesde la dehesa. (Les chèvres mangentaussi les glands des chênes verts, etMaría jure qu’elle est capable de sentirune léger goût amer dans les fromagesqu’elle élabore à partir du mois denovembre.) Elle me fait déguster unpetit fromage de deux mois d’affinage,de style français, gluant à l’intérieur etextrêmement riche, qu’elle saupoudrede cendres de bois de chêne vert pourobtenir une croûte grisâtre. (Un autre

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de ses fromages est recouvert d’unbrin de lavande de la dehesa,simplement placé à l’intérieur dupapier d’emballage pour y instillerun parfum délicat.)Près de la route, le troupeau reposetranquillement au milieu des chênesverts, dans ce pâturage printanierluxuriant de la dehesa avec sonmélange impressionniste de couleurs :lavande, ciste blanc (Cistus ladanifer),genêt jaune, coquelicots rouges. Lafragrance est si merveilleuse qu’on sedemande pourquoi personne n’a eul’idée de breveter un parfum floralinspiré par la dehesa. Avis auxparfumeurs espagnols.

Une activitéde rucheEn ce qui concerne les fleurs et lesparfums, il est un autre produit de ladehesa qui en fait bon usage. Le miel

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parcourait les forêts du bassinméditerranéen. Pendant des siècles,ce fut la seule race de porc réellementimportante en Espagne, jusqu’àl’arrivée des porcs « blancs » desraces d’Europe du Nord telles durocet landrace, à la viande maigre ets’adaptant bien au nouvel élevageintensif. Le porc ibérique estindissociablement lié à son habitat.À tel point que les personnes quiécrivent sur ce sujet utilisenthabituellement le terme françaisterroir, emprunté à l’univers du vin,pour se référer à l’ensemble desfacteurs environnementaux qui sontà l’origine du jambon Ibérico tel qu’ilest. Le porc et la dehesa ont étépresque littéralement faits l’un pourl’autre. L’ensemble du processus, duchêne vert au jambon, est en fait unsystème si parfait que l’on a peineà croire que cela se soit réalisé defaçon volontaire.

Le grand fromageQuelques semaines après mesexplorations en Castille, je suis partiun week-end rendre visite à un amidont la famille gère un petit hôtelmerveilleux dans la Sierra Norte, àune heure au nord de Séville. Cettepropriété du nom de Trasierra estentourée de dehesa dans sa formela plus authentique, chênes vertset chênes-lièges, et toutes sortes debétails y paissent, élevages de bovinsretinta, moutons mérinos ou porcsibériques. Gioconda Scott, la chef del’hôtel, utilise en cuisine les viandesde toutes ces races et fait l’éloge dela dehesa comme source d’ingrédientsde première catégorie. Elle racontecomment elle a organisé un stage decuisine à Trasierra avec un cultivateurde Cazalla de la Sierra (Séville) quisavait tout ce que l’on peut savoir surles collejas (Silene vulgaris), lespissenlits (Hispanicus scolymus), l’ailsauvage, les asperges communes,la lengua de buey (Anchusa azurea),et d’autres légumes que l’on peuttrouver dans la dehesa à certainespériodes de l’année.Un dimanche matin, Gioconda meconduisit chez une femmeremarquable qui élabore dans uneferme près de Castilblanco de losArroyos (province de Séville) desfromages de chèvre qui se combinentparfaitement à ces salades sauvages.Un certain nombre de fromagesd’Espagne sont associés à la dehesa,leur DOP indique qu’ils proviennentde systèmes de pâturage extensif.Les tortas d’Estrémadure, ces fromagesronds, comme la Torta del Casar etle Queso de la Serena, sont de bonsexemples de produits pour lesquelsla dehesa, même si elle n’est pas unfacteur aussi essentiel et irremplaçable

que pour le jambon Ibérico, constituecependant un milieu privilégié, habitatde choix des brebis laitières mérinos. Ilen est de même pour le fromage DOPQueso de Ibores (Spain Gourmetour,nº 64) dont l’origine géographiqueest définie comme méditerranéenne :dehesas de Ibores, Villuercas, La Jaraet Trujillo (villages du Sud-Est dela province de Cáceres).D’autres spécialités fromagères sontégalement en lien étroit avec la dehesa— mais aucune ne l’est autant quele fromage de chèvre élaboré parMare Nostrum, à Castilblanco de losArroyos (Séville).Un chêne vert géant devant la portede la laiterie : symbole ou déclarationd’intention ? María Orzaez, la créatricedes fromages de chèvre au lait cruMare Nostrum, achète son laitexclusivement au chevrier local,Manuel Fernández, qui élève ses 200animaux de races florida et retinta surune propriété de 100 hectares où setrouvent la maison de Maria et lafromagerie. Elle a choisi ce site et sonfournisseur de lait avec beaucoup desoin, en tenant compte des conditions« impressionnantes » de la dehesalocale et de la robustesse du bétailtraditionnel de cette partie del’Andalousie. Le lait, dit-elle, a unesuperbe richesse aromatique provenanten partie de l’alimentation desanimaux à base de plantes et d’herbesde la dehesa. (Les chèvres mangentaussi les glands des chênes verts, etMaría jure qu’elle est capable de sentirune léger goût amer dans les fromagesqu’elle élabore à partir du mois denovembre.) Elle me fait déguster unpetit fromage de deux mois d’affinage,de style français, gluant à l’intérieur etextrêmement riche, qu’elle saupoudrede cendres de bois de chêne vert pourobtenir une croûte grisâtre. (Un autre

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est un délice ancestral produit dansla plupart des espaces naturels del’Espagne, et la dehesa n’y fait pasexception. Dans le passé, lesapiculteurs espagnols préféraient lesruches en liège — un matériau idéalpour cet usage, à la fois léger, isolant,et facilement disponible à partir desmillions de chênes-lièges de la dehesa.Mais le rôle de la dehesa dansl’apiculture espagnole est pluscomplexe que vous ne le pensez.Selon Ramón Rodríguez, de la grandecoopérative Euromiel, de Mérida, lesruches de l’Estrémadure produisentdeux récoltes principales : le mielmilflores — miel mille fleurs —,lorsque les fleurs de la dehesaexplosent au printemps, et le miel dechêne vert, aussi appelé miel de bosque— miel de forêt —. Ce produit uniqueest différent des autres miels àplusieurs égards. Tout d’abord, sacouleur vive, brun foncé, ressembleà celle de la mélasse. Ensuite, sacomposition minérale, riche en fer,en fait presque un médicament àrecommander aux personnes âgéeset à tous ceux qui souffrent d’anémieet de troubles digestifs (diarrhéenotamment). Plus important encore,le miel de chêne vert ne provient pasdes fleurs mais de l’écorce du chêne etdu gland en mûrissement qui secrètenttous les deux une substance sucréecollante dont se nourrissent les abeillespendant les grosses chaleurs de l’été,quand les fleurs brillent par leurabsence dans la dehesa.Euromiel commercialise 1 300 tonnesde miel de chêne vert et exporte 35 %de la production totale espagnole dece miel remarquable, principalementen Allemagne où il est largementutilisé dans des mélanges appelésWaldhonig (miel de forêt).Anastasio Marcos, de la société El TíoPicho, l’un des producteurs de mield’Estrémadure les plus connus,considère que ce miel de chêne vert est

le meilleur des miels, un « pata negra »du genre. Au moment où je l’appellesur son téléphone portable, il se trouvedans une propriété située auxalentours de Plasencia (province deCáceres), et il est en train de s’entendreavec le propriétaire chez qui il laisserases ruches à miel de chêne vertpendant l’été. L’Estrémadure est leprincipal producteur de ce type demiel, dit Anastasio Marcos, bien queles dehesas de Salamanque, Ávila etZamora soient également en bonneplace. Les apiculteurs sont de grandsvoyageurs, et les rangées de ruchesdéposées dans les dehesas du Sud del’Estrémadure appartiennent souvent àdes producteurs du Nord de la région,notamment à ceux de Las Hurdes etde Las Villuercas. (Cette dernièrelocalité produit le seul mield’Estrémadure, le miel de Villuercas,excellent et de bonne réputation).

Monte Porrino : Unedehesa du peuplepour le peuple« Salvaleón : Cuna del Ibérico »,indique le panneau à la sortie duvillage. « Berceau du jambon Ibérico »,

c’est peut-être un peu exagéré mais pastellement. Salvaleón et d’autres villagessitués à l’extrême sud de la province deBadajoz (Estrémadure) subsistent dansune large mesure grâce à leurs élevagesde porcs ibériques auxquels ils offrentdes conditions proches de l’idéal.Il vit dans cette région reculée du Sud-Ouest de l’Estrémadure, tout contre lafrontière portugaise, certainement plusde porcs que d’êtres humains. Quantaux chênes verts, il peut y en avoirdes centaines, voire des milliers, pourchaque habitant de ces ondulantessierras méridionales. Avec 727 587hectares, la province de Badajozpossède, selon l’organisme deprotection, Encinal, la plus grandesurface de dehesa d’Espagne, suivie deCáceres (662 968 hectares), Cordoue(452 813) et Séville (250 978).Et la bonne nouvelle est que l’on nevoit nulle part ici d’arbres à feuillesbrunes ou dénudés. Parlez-leur de laseca (voir Santé et Sécurité. Le futurde la dehesa, page 65) et les gens d’iciouvriront de grands yeux.Salvaleón, un village rural de 2 100âmes, possède à la fois le seul muséede l’Espagne dédié à la dehesa commeécosystème et l’un des plus grandsespaces de dehesa publique du pays.Située juste à la sortie du village, onle visite facilement. Le Centro deInterpretación de la Dehesa, ouvert en2003, a pour mission d’expliquer larelation complexe entre le paysage etles êtres humains qui le gèrent etl’exploitent à leur manière. La grandecollection ethnographique du muséeillustre la riche histoire naturelle de ladehesa. Elle contient également uneréplique de cette hutte ronde ou chozooù habitaient les familles de pasteursjusque dans les années 1960.Après avoir jeté un coup d’œil aumusée, j’ai quitté le village et me suisdirigé vers la Dehesa Monte Porrino,une étendue de 1 690 hectares depâturages de chênes verts où chaque

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Couvrant une superficie équivalente à cellede la Belgique, l'immense dehesa n'estpas seulement l'écosystème le plusrépandu en Espagne, c’est aussiune ressource durable pour

certains de ses produits alimentaires lesplus emblématiques. Paul Richardsoneffectue un périple à travers ce paysagebeau et généreux à la fois.

La Dehesa et ses Produits

CHÊNETextePaul Richardson/©ICEX

PhotosMatías Costa/©ICEX

TraductionFrançoise Chuffart/©ICEX

Le cœur du

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est un délice ancestral produit dansla plupart des espaces naturels del’Espagne, et la dehesa n’y fait pasexception. Dans le passé, lesapiculteurs espagnols préféraient lesruches en liège — un matériau idéalpour cet usage, à la fois léger, isolant,et facilement disponible à partir desmillions de chênes-lièges de la dehesa.Mais le rôle de la dehesa dansl’apiculture espagnole est pluscomplexe que vous ne le pensez.Selon Ramón Rodríguez, de la grandecoopérative Euromiel, de Mérida, lesruches de l’Estrémadure produisentdeux récoltes principales : le mielmilflores — miel mille fleurs —,lorsque les fleurs de la dehesaexplosent au printemps, et le miel dechêne vert, aussi appelé miel de bosque— miel de forêt —. Ce produit uniqueest différent des autres miels àplusieurs égards. Tout d’abord, sacouleur vive, brun foncé, ressembleà celle de la mélasse. Ensuite, sacomposition minérale, riche en fer,en fait presque un médicament àrecommander aux personnes âgéeset à tous ceux qui souffrent d’anémieet de troubles digestifs (diarrhéenotamment). Plus important encore,le miel de chêne vert ne provient pasdes fleurs mais de l’écorce du chêne etdu gland en mûrissement qui secrètenttous les deux une substance sucréecollante dont se nourrissent les abeillespendant les grosses chaleurs de l’été,quand les fleurs brillent par leurabsence dans la dehesa.Euromiel commercialise 1 300 tonnesde miel de chêne vert et exporte 35 %de la production totale espagnole dece miel remarquable, principalementen Allemagne où il est largementutilisé dans des mélanges appelésWaldhonig (miel de forêt).Anastasio Marcos, de la société El TíoPicho, l’un des producteurs de mield’Estrémadure les plus connus,considère que ce miel de chêne vert est

le meilleur des miels, un « pata negra »du genre. Au moment où je l’appellesur son téléphone portable, il se trouvedans une propriété située auxalentours de Plasencia (province deCáceres), et il est en train de s’entendreavec le propriétaire chez qui il laisserases ruches à miel de chêne vertpendant l’été. L’Estrémadure est leprincipal producteur de ce type demiel, dit Anastasio Marcos, bien queles dehesas de Salamanque, Ávila etZamora soient également en bonneplace. Les apiculteurs sont de grandsvoyageurs, et les rangées de ruchesdéposées dans les dehesas du Sud del’Estrémadure appartiennent souvent àdes producteurs du Nord de la région,notamment à ceux de Las Hurdes etde Las Villuercas. (Cette dernièrelocalité produit le seul mield’Estrémadure, le miel de Villuercas,excellent et de bonne réputation).

Monte Porrino : Unedehesa du peuplepour le peuple« Salvaleón : Cuna del Ibérico »,indique le panneau à la sortie duvillage. « Berceau du jambon Ibérico »,

c’est peut-être un peu exagéré mais pastellement. Salvaleón et d’autres villagessitués à l’extrême sud de la province deBadajoz (Estrémadure) subsistent dansune large mesure grâce à leurs élevagesde porcs ibériques auxquels ils offrentdes conditions proches de l’idéal.Il vit dans cette région reculée du Sud-Ouest de l’Estrémadure, tout contre lafrontière portugaise, certainement plusde porcs que d’êtres humains. Quantaux chênes verts, il peut y en avoirdes centaines, voire des milliers, pourchaque habitant de ces ondulantessierras méridionales. Avec 727 587hectares, la province de Badajozpossède, selon l’organisme deprotection, Encinal, la plus grandesurface de dehesa d’Espagne, suivie deCáceres (662 968 hectares), Cordoue(452 813) et Séville (250 978).Et la bonne nouvelle est que l’on nevoit nulle part ici d’arbres à feuillesbrunes ou dénudés. Parlez-leur de laseca (voir Santé et Sécurité. Le futurde la dehesa, page 65) et les gens d’iciouvriront de grands yeux.Salvaleón, un village rural de 2 100âmes, possède à la fois le seul muséede l’Espagne dédié à la dehesa commeécosystème et l’un des plus grandsespaces de dehesa publique du pays.Située juste à la sortie du village, onle visite facilement. Le Centro deInterpretación de la Dehesa, ouvert en2003, a pour mission d’expliquer larelation complexe entre le paysage etles êtres humains qui le gèrent etl’exploitent à leur manière. La grandecollection ethnographique du muséeillustre la riche histoire naturelle de ladehesa. Elle contient également uneréplique de cette hutte ronde ou chozooù habitaient les familles de pasteursjusque dans les années 1960.Après avoir jeté un coup d’œil aumusée, j’ai quitté le village et me suisdirigé vers la Dehesa Monte Porrino,une étendue de 1 690 hectares depâturages de chênes verts où chaque

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which stimulates the taste buds.”Given the fact that so many elementsare present in water, that it can beacidic or alkaline, salty or sweet,sparkling or still, it is hardlysurprising that chefs care what onedrinks with their creations. But, asthey say, the proof is in the pudding:next time you find yourself at agourmet shop, why not try to tastetwo mineral waters side by side andlet your taste buds tell you why?

Saul Aparicio Hill is a Madrid-based freelance journalist whose workas a writer and broadcaster hasappeared in media in Spain, the UK,Ireland, India, Australia and theUSA, among other countries.

www.aneabe.esSpanish Association of BottledWater Companies, ANEABE. Closeto 100 members which account for98% of bottled water production inSpain. Spanish.

www.penaclara.esSpanish.

www.aguasdemondariz.comEnglish, Galician, Spanish.

www.grupovichycatalan.esCatalan, English, French, Spanish.

www.cabreiroa.es

Spanish.

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Santi Santamaria récemment disparu,Juan Mari Arzak ou Pedro Subijana onttous introduit cette eau pétillante dansleurs créations.

Infuséessous le volcanContrastant avec la tradition séculairede Vichy Catalan, Magma, une eaulégèrement gazéifiée de la sociétéd’embouteillage Cabreiroá, de Galice,vient juste d’apparaître sur le marché.Cette société suit un itinérairesemblable à celui d’autres entreprisesdont nous avons parlé ici : la traditionlocale célèbre cette eau curative qui,lors des analyses — réalisées, dans lecas de Cabreiroá, par le Nobel demédecine Santiago Ramón y Cajal audébut du XXe siècle —, s’est révéléelibre de toute impureté et possédantune teneur en minéraux intéressante.Les propriétaires protégèrentrapidement cette source, y installèrentune fontaine et se mirent à vendrel’eau aux visiteurs locaux puisconstruisirent une usined’embouteillage, en 1906, et unestation thermale, en 1907. En 1936,la Guerre Civile espagnole éclata etentraîna la fermeture de la station maisla mise en bouteille prospéra et l’eauest devenue l’une des plus connuesd’Espagne sous le nom de Cabreiroá.Profitant du succès d’une source siparticulière, la société lança ennovembre 2010 une eau trèsparticulière. Les précipitations dansla région s’infiltrent à environ 3 000 msous terre, le long de la faillevolcanique de Regua Verín. À unetempérature de plus de 100 ºC, l’eauentre en contact avec des vapeurs dumagma volcanique qui infusent l’eaud’une légère carbonisation avant degénérer de fortes pressions qui la

propulsent vers le haut dans unréservoir naturel souterrain. Dansce réservoir, complètement protégéde l’extérieur, à 150 mètres deprofondeur, l’eau conserve une légèrecarbonisation naturelle. Au lieu de lapomper au moyen d’une fontainesituée plus en hauteur, ce qui lui feraitperdre son gaz, l’eau Magma estextraite à cette profondeur et placéedans des bouteilles noiresd’aluminium. Pourquoi avoir choisile noir ? Le réservoir souterrain estnaturellement dans le noir. Enl’extrayant et en l’embouteillant sousterre, les responsables de Magmas’assurent que la première fois où leureau verra le jour sera le moment oùleur client débouchera la bouteille.Magma aussi a fait sensation parmi leschefs espagnols et en fournit certainsparmi les grands comme Pepe Solla etXosé Torres — reconnus par des étoilesMichelin — qui en sont arrivés à penserque l’eau était un bon complément àleur cuisine galicienne à base de fruitsde mer « grâce à sa combinaison de trèsfines bulles et de bicarbonate quistimule les papilles gustatives ».

Compte tenu du fait que tantd’éléments sont présents dans l’eau,qu’elle peut être acide ou alcaline,salée ou sucrée, gazeuse ou plate, iln’est guère surprenant que les chefss’intéressent à ce que l’on boit avecleurs créations. Mais, comme on dit,la preuve est dans le pudding : laprochaine fois que vous entrerez dansune épicerie fine, pourquoi ne pasessayer de goûter deux eaux minéralesl’une après l’autre et de laisser parlervos papilles ?

Saúl Aparicio Hill est un journalistefreelance qui publie des articles dans lesmédias en Espagne, au Royaume-Uni,en Irlande, en Inde, en Australie et auxÉtats-Unis.

VIN&

EAU

Sites webwww.aneabe.esANEABE Asociación Nacional deEmpresas de Aguas de BebidaEnvasadas. L’Association nationaled’entreprises d’embouteillage d’eaucompte près de 100 membres etcouvre 98 % de la production d’eauconditionnée d’Espagne. (Espagnol.).www.penaclara.es(Espagnol.)www.aguasdemondariz.com(Anglais, espagnol, galicien.)www.grupovichycatalan.es(Anglais, catalan, français, espagnol.)www.cabreiroa.es(Espagnol.)

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chef de famille de Salvaleón (870familles au total) a le droit de fairepaître son bétail — héritage uniqueremontant à plusieurs siècles.Par une chaude journée de printemps,la dehesa était une explosionsensationnelle de verdure, parfuméedes senteurs de ciste, de genêt, delavande et de bruyère. Elle donnaitl’impression d’être un safari park bienentretenu : j’ai vu des huppes et descigognes, des aigles et des vautours— juste un petit échantillon d’unebiodiversité naturelle comprenantoiseaux, reptiles, amphibiens,mammifères, grands et petits, et unevaste gamme de flore indigène. Detemps en temps, un cercle gris cendréme rappelait que le métier producteurdu charbon de bois est encore trèsvivant dans le Sud de l’Estrémadure.De la dehesa Monte Porrino, il estassez logique de se diriger vers lacoopérative de jambon IbéricoMonteporrino baptisée pour desraisons évidentes du nom de la dehesaelle-même. Les membres de lacoopérative sont tous des habitantsde Salvaleón qui, lorsque la société aété fondée en 1982, conduisaient leursporcs dans la dehesa Monte Porrinopour la saison hivernale des glands.

Beaucoup de Porrineros (gentilé deshabitants de Salvaleón) avaient étécontraints d’émigrer en Suisse, enBelgique et en France, et la coopérativefut considérée comme le moyenpermettant à ces émigrés de gagnerleur vie dans leur ville natale.Les origines de la coopérative,explique Gracia, sa porte-parole, furentmodestes : 30 porcs et une seule salled’élaboration. La dehesa MontePorrino était la résidence d’hiver detous les porcs ibériques de MontePorrino. Près de trente ans plus tard,la société (coopérative Monteporrino)gère entre 14 000 et 16 000 porcspar an (tous des porcs ibériques,naturellement), et a commencé àexporter ; le succès a été tel quebeaucoup de ses membres ont étéen mesure de s’acheter des dehesasprivées. Le caractère unique deMonteporrino reste en tout cas safidélité absolue à la sphère locale : laferme la plus éloignée de l’usine setrouve à Barcarrota, à six kilomètres,et la majorité des porcs sont encoreélevés dans les dehesas de Salvaleón.Comme le fait remarquer Gracia,l’avantage est le court trajet de ladehesa à l’usine, ce qui réduit auminimum le stress des animaux

et ceci n’est pas à négliger.Elle ouvre la fenêtre : une brise fraîchesouffle. L’horizon ? Des chênes vertsà perte de vue.« Les guarros (porcs) sont juste enhaut, sur cette colline. On peutpresque les voir », dit-elle en montrantdu doigt la douce ondulation del’étendue vert-gris.« Si la dehesa existe encore, c’estvraiment grâce à ces porcs », me ditGracia, non sans un frisson d’émotiondans la voix. « La dehesa et uneressource qui appartient à chacunde nous ici depuis toujours. C’estréellement l’une de ces choses dontil faudrait être privé pour prendreconscience de l’importance qu’ellea dans notre vie. »

Paul Richardson vit dans une fermedans le Nord de l’Estrémadure. Écrivaingastronomique freelance et voyageur,il est l’auteur de A Late Dinner :discovering the food of Spain(Bloomsbury, Royaume Uni et Scribner,USA).

La dehesa souffre d’un problème quis'appelle la seca. Une maladie dont lescauses sont mystérieuses et qui a demultiples facettes. La seca (seco signifiesec) est apparue au début des années1980 et est devenu extrêmementvirulente ces dernières années, causantla mort subite de milliers et de milliersd'arbres. Encinal (Forum pour la défenseet la conservation de la dehesa), dit quel'ampleur du problème varie selon laprovince : à Badajoz, par exemple, surun total de 727 587 hectares de dehesa,seuls 30 000 hectares sont considéréscomme touchés par la seca, alors quedans la province de Cadix, avec 128 533hectares, la maladie est endémique sur70 000 hectares. Bien que diversremèdes aient été essayés, y comprisun vaccin injecté directement dans lesarbres, le fait alarmant est qu'il n’existepas encore de traitement pour la seca.

En tant que leaders du secteur Ibérico,gérant 100 000 hectares de dehesadans le Sud-Ouest de l'Espagne et auPortugal, les professionnels de Joselitosont très conscients du problème et deses effets potentiellementépouvantables à la fois sur l'écosystèmeet sur les nombreux métiers qui endépendent. José Gómez, PDG deJoselito, décrit les causes de la seca

Santé et sécurité : le futur de la dehesa

comme « la pollution environnementale,la diminution de la nappe phréatique,l'acidification progressive et la perte dela biodiversité du sol. Les racines duchêne abritent des micro-organismes,appelés mycorhizes, qui existent ensymbiose avec l'arbre et l'aident àassimiler certains nutriments du solenvironnant. Le déclin de cesorganismes est un facteursupplémentaire qui contribue auphénomène connu sous le nom deseca. Il en va de même du changementclimatique : le naturaliste Joaquín Araujoestime que ses effets sont déjà visiblesdans le paysage. « Il affecte la dehesa.Il y a moins de régénération, et la secaest amplifiée par les importantesdifférences des températures et desprécipitations », écrit-il. « Vous n'avezqu'à voir les millions de chênes vertset de chênes-lièges qui sont morts pourréaliser que le changement climatiquea déjà présenté sa carte de visite dansle paysage de l'Estrémadure. »

Que faut-il faire ? Pour sa part, Joselitoprend les devants de différentesmanières. Tout d'abord, la sociétéreplante des chênes verts et deschênes-lièges dans les dehesas qu'ellegère, à hauteur de 70 000 à 80 000arbres par an, avec un objectif de

2 400 000 nouveaux arbres dans les30 prochaines années. Deuxièmement,il est prudent de réduire le stress dontsouffre ce fragile écosystème enconservant un faible ratio d'animauxdans la dehesa (les bienheureux porcsde Joselito ont la chance de disposerde 4 hectares par tête) et en minimisantl'utilisation des eaux souterraines. Sapolitique de conservation a valu à cetteentreprise de producteurs de vianded'être la première au monde à recevoirle label du Forestry Stewardship Council(Conseil de gestion forestière).

Les conséquences à long terme d'undépérissement massif et incontrôlédes populations de chênes verts et dechênes-lièges d’Espagne sont presquetrop épouvantables pour êtreenvisagées. Heureusement, noussommes encore loin du point derupture, mais le secteur du porcibérique, en particulier, doit rester surses gardes. Il faudrait probablementun peu plus de respect pour cetécosystème aussi délicat que généreux.Si la dehesa offre un rare exempled'équilibre entre les besoins de l'hommeet ceux de la nature, il est crucial quecet équilibre soit conservéénergiquement.

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chef de famille de Salvaleón (870familles au total) a le droit de fairepaître son bétail — héritage uniqueremontant à plusieurs siècles.Par une chaude journée de printemps,la dehesa était une explosionsensationnelle de verdure, parfuméedes senteurs de ciste, de genêt, delavande et de bruyère. Elle donnaitl’impression d’être un safari park bienentretenu : j’ai vu des huppes et descigognes, des aigles et des vautours— juste un petit échantillon d’unebiodiversité naturelle comprenantoiseaux, reptiles, amphibiens,mammifères, grands et petits, et unevaste gamme de flore indigène. Detemps en temps, un cercle gris cendréme rappelait que le métier producteurdu charbon de bois est encore trèsvivant dans le Sud de l’Estrémadure.De la dehesa Monte Porrino, il estassez logique de se diriger vers lacoopérative de jambon IbéricoMonteporrino baptisée pour desraisons évidentes du nom de la dehesaelle-même. Les membres de lacoopérative sont tous des habitantsde Salvaleón qui, lorsque la société aété fondée en 1982, conduisaient leursporcs dans la dehesa Monte Porrinopour la saison hivernale des glands.

Beaucoup de Porrineros (gentilé deshabitants de Salvaleón) avaient étécontraints d’émigrer en Suisse, enBelgique et en France, et la coopérativefut considérée comme le moyenpermettant à ces émigrés de gagnerleur vie dans leur ville natale.Les origines de la coopérative,explique Gracia, sa porte-parole, furentmodestes : 30 porcs et une seule salled’élaboration. La dehesa MontePorrino était la résidence d’hiver detous les porcs ibériques de MontePorrino. Près de trente ans plus tard,la société (coopérative Monteporrino)gère entre 14 000 et 16 000 porcspar an (tous des porcs ibériques,naturellement), et a commencé àexporter ; le succès a été tel quebeaucoup de ses membres ont étéen mesure de s’acheter des dehesasprivées. Le caractère unique deMonteporrino reste en tout cas safidélité absolue à la sphère locale : laferme la plus éloignée de l’usine setrouve à Barcarrota, à six kilomètres,et la majorité des porcs sont encoreélevés dans les dehesas de Salvaleón.Comme le fait remarquer Gracia,l’avantage est le court trajet de ladehesa à l’usine, ce qui réduit auminimum le stress des animaux

et ceci n’est pas à négliger.Elle ouvre la fenêtre : une brise fraîchesouffle. L’horizon ? Des chênes vertsà perte de vue.« Les guarros (porcs) sont juste enhaut, sur cette colline. On peutpresque les voir », dit-elle en montrantdu doigt la douce ondulation del’étendue vert-gris.« Si la dehesa existe encore, c’estvraiment grâce à ces porcs », me ditGracia, non sans un frisson d’émotiondans la voix. « La dehesa et uneressource qui appartient à chacunde nous ici depuis toujours. C’estréellement l’une de ces choses dontil faudrait être privé pour prendreconscience de l’importance qu’ellea dans notre vie. »

Paul Richardson vit dans une fermedans le Nord de l’Estrémadure. Écrivaingastronomique freelance et voyageur,il est l’auteur de A Late Dinner :discovering the food of Spain(Bloomsbury, Royaume Uni et Scribner,USA).

La dehesa souffre d’un problème quis'appelle la seca. Une maladie dont lescauses sont mystérieuses et qui a demultiples facettes. La seca (seco signifiesec) est apparue au début des années1980 et est devenu extrêmementvirulente ces dernières années, causantla mort subite de milliers et de milliersd'arbres. Encinal (Forum pour la défenseet la conservation de la dehesa), dit quel'ampleur du problème varie selon laprovince : à Badajoz, par exemple, surun total de 727 587 hectares de dehesa,seuls 30 000 hectares sont considéréscomme touchés par la seca, alors quedans la province de Cadix, avec 128 533hectares, la maladie est endémique sur70 000 hectares. Bien que diversremèdes aient été essayés, y comprisun vaccin injecté directement dans lesarbres, le fait alarmant est qu'il n’existepas encore de traitement pour la seca.

En tant que leaders du secteur Ibérico,gérant 100 000 hectares de dehesadans le Sud-Ouest de l'Espagne et auPortugal, les professionnels de Joselitosont très conscients du problème et deses effets potentiellementépouvantables à la fois sur l'écosystèmeet sur les nombreux métiers qui endépendent. José Gómez, PDG deJoselito, décrit les causes de la seca

Santé et sécurité : le futur de la dehesa

comme « la pollution environnementale,la diminution de la nappe phréatique,l'acidification progressive et la perte dela biodiversité du sol. Les racines duchêne abritent des micro-organismes,appelés mycorhizes, qui existent ensymbiose avec l'arbre et l'aident àassimiler certains nutriments du solenvironnant. Le déclin de cesorganismes est un facteursupplémentaire qui contribue auphénomène connu sous le nom deseca. Il en va de même du changementclimatique : le naturaliste Joaquín Araujoestime que ses effets sont déjà visiblesdans le paysage. « Il affecte la dehesa.Il y a moins de régénération, et la secaest amplifiée par les importantesdifférences des températures et desprécipitations », écrit-il. « Vous n'avezqu'à voir les millions de chênes vertset de chênes-lièges qui sont morts pourréaliser que le changement climatiquea déjà présenté sa carte de visite dansle paysage de l'Estrémadure. »

Que faut-il faire ? Pour sa part, Joselitoprend les devants de différentesmanières. Tout d'abord, la sociétéreplante des chênes verts et deschênes-lièges dans les dehesas qu'ellegère, à hauteur de 70 000 à 80 000arbres par an, avec un objectif de

2 400 000 nouveaux arbres dans les30 prochaines années. Deuxièmement,il est prudent de réduire le stress dontsouffre ce fragile écosystème enconservant un faible ratio d'animauxdans la dehesa (les bienheureux porcsde Joselito ont la chance de disposerde 4 hectares par tête) et en minimisantl'utilisation des eaux souterraines. Sapolitique de conservation a valu à cetteentreprise de producteurs de vianded'être la première au monde à recevoirle label du Forestry Stewardship Council(Conseil de gestion forestière).

Les conséquences à long terme d'undépérissement massif et incontrôlédes populations de chênes verts et dechênes-lièges d’Espagne sont presquetrop épouvantables pour êtreenvisagées. Heureusement, noussommes encore loin du point derupture, mais le secteur du porcibérique, en particulier, doit rester surses gardes. Il faudrait probablementun peu plus de respect pour cetécosystème aussi délicat que généreux.Si la dehesa offre un rare exempled'équilibre entre les besoins de l'hommeet ceux de la nature, il est crucial quecet équilibre soit conservéénergiquement.

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John Barlow part à la recherche de l’humble pomme et se retrouve devant ununivers de production écologiquement durable, de magie technologique etd’innovation tous azimuts. Et il découvre aussi que la relation traditionnelle del’Espagne avec ses pommes se porte mieux que jamais et que de nouvelles manièresde l’apprécier font de ce fruit l’une des productions les plus prisées du pays.

POMMEN’oublions pas la

La nouvelle idylle entre l’Espagneet le plus ancien des fruits

TEXTEJOHN BARLOW/©ICEX

PHOTOSJUAN MANUEL SANZ/©ICEX

TRADUCTIONFRANÇOISE CHUFFART/©ICEX

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John Barlow part à la recherche de l’humble pomme et se retrouve devant ununivers de production écologiquement durable, de magie technologique etd’innovation tous azimuts. Et il découvre aussi que la relation traditionnelle del’Espagne avec ses pommes se porte mieux que jamais et que de nouvelles manièresde l’apprécier font de ce fruit l’une des productions les plus prisées du pays.

POMMEN’oublions pas la

La nouvelle idylle entre l’Espagneet le plus ancien des fruits

TEXTEJOHN BARLOW/©ICEX

PHOTOSJUAN MANUEL SANZ/©ICEX

TRADUCTIONFRANÇOISE CHUFFART/©ICEX

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plus en plus importantes sur le marchéeuropéen où, encore une fois, l’Italieet la France sont des pays plus actifs.Où l’Espagne se situe-t-elle doncsur la photo ?Eh bien, de nouvelles variétés sontégalement produites ici. La Pink Lady,star actuelle du firmament Pomme,est cultivée par plusieurs grandsproducteurs espagnols. Mais l’Espagnea également adopté un deuxièmemoyen de se positionner dans cebusiness mondial hautementcompétitif.

Poma de GironaGirona Fruits, où je me trouveaujourd’hui, est l’une des trois sociétésinstallées dans la province catalane deGérone (Nord-Est de l’Espagne), quipromotionne ses fruits sous la marquePoma de Girona. La culture despommes est une tradition ancienneici, comme celle des nectarines, despêches et des poires. Mais ce sont lespommes qui prospèrent vraiment,et de nos jours les producteurs sespécialisent de plus en plus dans ce

fruit. Les trois sociétés de Poma deGirona (associées dans la sociétéFruilar) sont le plus grand producteurde pommes d’Espagne. L’objectif deFruilar n’est pas la quantité mais laqualité et il est le seul producteurespagnol qui ait obtenu en 2001 lareconnaissance convoitée d’IGP pourleurs pommes.L’Indication Géographique Protégée(IGP) est une norme de l’Unioneuropéenne qui distingue les produitsencore élaborés ou cultivés dans leurszones historiques de production et

ESSENTIELS

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La pastèque ? Ah oui, la pastèque. Avecune production mondiale d’une bonnecentaine de millions de tonnes par an,elle est le premier fruit du monde.Mais voilà, une seule pastèque pèse àpeu près autant qu’un âne suralimenté,et c’est essentiellement de la peau et del’eau (la pastèque, pas l’âne). Bref, cettestatistique flatteuse est un rientrompeuse. Les vrais rois des fruits,vous l’aurez sans doute deviné, sontla banane, la pomme et l’orange. Cestrois-là sont, avec l’« âne à la peauépaisse », les fruits les plusconsommés dans le monde.Et vous, quel fruit préférez-vous ? Labanane est indiscutablement le fruitpréféré des enfants. Pratique, simpleet amusante, c’est un fruit vraimentfestif. À l’opposé se trouve l’orange,fruit d’adulte par excellence, à dévorerà pleine bouche dans une urgencequasi sexuelle, son jus picotantdégoulinant autour du menton et surles mains, doucement collant, estabsolument irrésistible.Et maintenant, examinons la pomme...Précisément. La pomme est à la foismoins extravagante. Elle est modesteet autonome. C’est ce que vous pensezprobablement. Si les fruits étaient despersonnes, la pomme travaillerait dansune banque. Pourtant, malgré sonaspect posé, la pomme porte en elle unvaste bagage. Une dispute concernantune pomme d’or conduisit à la guerrede Troie, ne l’oublions pas. Et,auparavant, une pomme nous avaitchassés du Paradis. Sans compter quesi l’Europe jouit de l’afflux de « fruitsexotiques » à partir de 1492, orange etbanane comprises, la pomme, elle, est

sortir du stockage où ils se trouvaientdepuis la récolte, il y a sept mois,maintenus avec une humiditécontrôlée à 1 ºC et sous 1 %seulement d’oxygène. J’ai vraimentl’impression que ces pommes sontcomme toutes les autres pommes etque dans un ou deux jours, aprèsavoir été emballées et transportéespar la route dans des conteneursjusqu’au marché londonien de NewCovent Garden, elles seront prisessur une étagère et mangées par leshabitants des quartiers de Hampsteadet de Hackney qui ne penseront pasune seconde que ce fruit a été récoltéil y a 30 semaines : elles ont en effetle croquant et le goût d’une pommequi aurait quitté sa branche depommier le matin même.L’Espagne est un acteur majeur danscette industrie mondiale de la pommequi représente 70 milliards de dollars.Elle produit plus de 500 000 tonnesde pommes par an, soit la onzièmeproduction du monde par habitant etla quinzième en termes de productionbrute, selon Faostats, la base dedonnées de la FAO. La plupart desexportations sont destinées à l’Europe,à l’Afrique du Nord, au golfe Persiqueet à l’Amérique du Sud. Et l’objectifest toujours le même : que la premièrebouchée soit croquante et évoque lefruit fraîchement cueilli.Ses voisins, la France et l’Italie,dépassent l’Espagne par le tonnagebrut. L’entreprise italienne La Trentina,par exemple, produit chaque annéeprès du double des pommes produitesdans toute l’Espagne. En outre, se posela question des nouvelles variétés de

POMME

indigène à la fois en Europe et en Asie,après avoir été cultivée pendant desmilliers d’années, peut-être pluslongtemps qu’aucune autre plante.Elle a toujours existé, tout simplement.Certes, ce n’est pas le fruit le plusglamour dans un compotier et l’on atendance à la considérer comme allantde soi. Arrêtons-nous un moment etvoyons plutôt dans quelle mesureet de quelle manière la pomme peutmarcher en Espagne.

PommesespagnolesMe voilà sur une passerelle en acierau-dessus d’un réservoir aussi grandqu’une piscine municipale. Sur dixrangées parallèles, des milliers depommes rouges et brillantes ballottentdoucement sous la pression ducourant d’eau. Ces fruits viennent de

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plus en plus importantes sur le marchéeuropéen où, encore une fois, l’Italieet la France sont des pays plus actifs.Où l’Espagne se situe-t-elle doncsur la photo ?Eh bien, de nouvelles variétés sontégalement produites ici. La Pink Lady,star actuelle du firmament Pomme,est cultivée par plusieurs grandsproducteurs espagnols. Mais l’Espagnea également adopté un deuxièmemoyen de se positionner dans cebusiness mondial hautementcompétitif.

Poma de GironaGirona Fruits, où je me trouveaujourd’hui, est l’une des trois sociétésinstallées dans la province catalane deGérone (Nord-Est de l’Espagne), quipromotionne ses fruits sous la marquePoma de Girona. La culture despommes est une tradition ancienneici, comme celle des nectarines, despêches et des poires. Mais ce sont lespommes qui prospèrent vraiment,et de nos jours les producteurs sespécialisent de plus en plus dans ce

fruit. Les trois sociétés de Poma deGirona (associées dans la sociétéFruilar) sont le plus grand producteurde pommes d’Espagne. L’objectif deFruilar n’est pas la quantité mais laqualité et il est le seul producteurespagnol qui ait obtenu en 2001 lareconnaissance convoitée d’IGP pourleurs pommes.L’Indication Géographique Protégée(IGP) est une norme de l’Unioneuropéenne qui distingue les produitsencore élaborés ou cultivés dans leurszones historiques de production et

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La pastèque ? Ah oui, la pastèque. Avecune production mondiale d’une bonnecentaine de millions de tonnes par an,elle est le premier fruit du monde.Mais voilà, une seule pastèque pèse àpeu près autant qu’un âne suralimenté,et c’est essentiellement de la peau et del’eau (la pastèque, pas l’âne). Bref, cettestatistique flatteuse est un rientrompeuse. Les vrais rois des fruits,vous l’aurez sans doute deviné, sontla banane, la pomme et l’orange. Cestrois-là sont, avec l’« âne à la peauépaisse », les fruits les plusconsommés dans le monde.Et vous, quel fruit préférez-vous ? Labanane est indiscutablement le fruitpréféré des enfants. Pratique, simpleet amusante, c’est un fruit vraimentfestif. À l’opposé se trouve l’orange,fruit d’adulte par excellence, à dévorerà pleine bouche dans une urgencequasi sexuelle, son jus picotantdégoulinant autour du menton et surles mains, doucement collant, estabsolument irrésistible.Et maintenant, examinons la pomme...Précisément. La pomme est à la foismoins extravagante. Elle est modesteet autonome. C’est ce que vous pensezprobablement. Si les fruits étaient despersonnes, la pomme travaillerait dansune banque. Pourtant, malgré sonaspect posé, la pomme porte en elle unvaste bagage. Une dispute concernantune pomme d’or conduisit à la guerrede Troie, ne l’oublions pas. Et,auparavant, une pomme nous avaitchassés du Paradis. Sans compter quesi l’Europe jouit de l’afflux de « fruitsexotiques » à partir de 1492, orange etbanane comprises, la pomme, elle, est

sortir du stockage où ils se trouvaientdepuis la récolte, il y a sept mois,maintenus avec une humiditécontrôlée à 1 ºC et sous 1 %seulement d’oxygène. J’ai vraimentl’impression que ces pommes sontcomme toutes les autres pommes etque dans un ou deux jours, aprèsavoir été emballées et transportéespar la route dans des conteneursjusqu’au marché londonien de NewCovent Garden, elles seront prisessur une étagère et mangées par leshabitants des quartiers de Hampsteadet de Hackney qui ne penseront pasune seconde que ce fruit a été récoltéil y a 30 semaines : elles ont en effetle croquant et le goût d’une pommequi aurait quitté sa branche depommier le matin même.L’Espagne est un acteur majeur danscette industrie mondiale de la pommequi représente 70 milliards de dollars.Elle produit plus de 500 000 tonnesde pommes par an, soit la onzièmeproduction du monde par habitant etla quinzième en termes de productionbrute, selon Faostats, la base dedonnées de la FAO. La plupart desexportations sont destinées à l’Europe,à l’Afrique du Nord, au golfe Persiqueet à l’Amérique du Sud. Et l’objectifest toujours le même : que la premièrebouchée soit croquante et évoque lefruit fraîchement cueilli.Ses voisins, la France et l’Italie,dépassent l’Espagne par le tonnagebrut. L’entreprise italienne La Trentina,par exemple, produit chaque annéeprès du double des pommes produitesdans toute l’Espagne. En outre, se posela question des nouvelles variétés de

POMME

indigène à la fois en Europe et en Asie,après avoir été cultivée pendant desmilliers d’années, peut-être pluslongtemps qu’aucune autre plante.Elle a toujours existé, tout simplement.Certes, ce n’est pas le fruit le plusglamour dans un compotier et l’on atendance à la considérer comme allantde soi. Arrêtons-nous un moment etvoyons plutôt dans quelle mesureet de quelle manière la pomme peutmarcher en Espagne.

PommesespagnolesMe voilà sur une passerelle en acierau-dessus d’un réservoir aussi grandqu’une piscine municipale. Sur dixrangées parallèles, des milliers depommes rouges et brillantes ballottentdoucement sous la pression ducourant d’eau. Ces fruits viennent de

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donner le calibre de leurs pommes.Jordi Bagudà, de Bagudà Fruits, est unjeune producteur qui dirige avec sonpère une petite entreprise familialede pommes reconnue par la IGP deGérone, à 8 km de la côte. Ils sontpropriétaires de 84 hectares de vergers

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suivant des lignes directrices de qualitétrès sévères. Il s’agit donc d’unemarque d’authenticité et de qualité.Le développement de la qualité, ici àGérone, s’explique en partie par le faitque le gouvernement régional dela Catalogne a réalisé d’importantsinvestissements dans la rechercheagricole, principalement sur lespommes. Compte tenu que laCatalogne produit les deux tiers despommes d’Espagne, une telle politiques’explique facilement.Ce matin de bonne heure, j’ai visitéle laboratoire de Mas Badia (Gérone)qui fait partie de l’IRTA, Institut derecherche et de technologie

agroalimentaire de la région, et j’aiobservé que des pommes parfaitementsaines étaient soumises à plus de testsque je n’aurais pu imaginer réalisablessur ce modeste fruit. Le laboratoirefournit un appui technique intensifaux producteurs, en testant lespommes sur chaque parcelle dechaque plantation tout au long de leurcroissance. Une application de GoogleMaps est utilisée pour tracer lacartographie exacte des attaques etdes maladies, permettant un traitementprécis plus rapide et plus efficaceet par conséquent une moindreutilisation de pesticides. En effet, lesproducteurs de l’IGP travaillent sous

un certain nombre de certifications,y compris GlobalGAP (un organismeprivé du secteur qui définit des normesvolontaires pour la certification desprocessus de production des denréesagricoles dans le monde entier), BRC(British Retail Consortium) et IFS(International Food Standard), ainsique le propre système de productionintégré de la Catalogne pour unemeilleure durabilité et qualité, dontle but est de réduire progressivementl’utilisation de pesticides.Après la récolte des pommes, unenouvelle analyse est effectuée enlaboratoire. La teneur en sucre estévaluée, ainsi que l’acidité, la fermeté

POMME

et la teneur en amidon, ce qui permetde mieux calculer la durée de stockage(plus d’amidon signifie généralementla possibilité d’une plus longueconservation). Ceci explique que desvariétés pour lesquelles la récolte a lieuen automne, généralement en moinsd’un mois, puissent être venduesfraîches et croquantes pendantune bonne partie de l’année.En fait, ces pauvres pommescommencent à me faire pitié : souspression, espionnées et scrutées toutau long de leur vie, elles sont ensuitesoumises à l’obscurité silencieuse dechambres froides appauvries enoxygène. Et pourtant, mise à part cettemaltraitance, l’approche hi-tech durablede la production des pommes deGérone a non seulement donnénaissance à un produit plus écologiqueet de qualité supérieure mais a aussifacilité la survie d’un petit réseau deproducteurs locaux. Les trois sociétésde Poma de Girona commencèrenttoutes comme des coopératives etleurs producteurs indépendants, dontcertains n’avaient guère plus quequelques hectares, possèdentactuellement un niveau techniqueincroyablement sophistiqué.L’ensemble des banques de donnéesest constamment mis à jour sur lesparcelles de chaque producteur : terresde culture, traitements, herbicides,régimes d’arrosage, engrais, visitestechniques, contrôle de qualité et, bienentendu, la qualité finale de la récolte(et donc sa valeur marchande). Aprèsla fin de la récolte, certainsproducteurs, me dit-on, sontcomplètement dépendants de leurécran d’ordinateur qui va leur

En Espagne, comme dans beaucoupd'autres pays européens, on boit ducidre doux et gazeux. Cependant, pourtout amateur de cidre, le véritabletrésor est le cidre traditionnel produitdans les Asturies et dans le Paysbasque (Spain Gourmetour, nº 64),dans le Nord du pays. Ce cidretraditionnel est probablement celuiqui ressemble le plus au cidre brutfrançais ou à un léger scrumpy anglais.Toutefois, ce qui différencie le cidretraditionnel espagnol de ces deuxderniers est sa fraîcheur unique etune carbonisation légère, presqueimperceptible, avec un fruit sec etaromatique en bouche et un équilibreséduisant d’acidité et d'amertume,souvent suivi d'une sécheresseprononcée en fin. Un liquide jovial bienque subtil, à boire à larges gorgées,pas à siroter.

Le meilleur cidre des Asturiespossède désormais sa propredénomination d’origine protégée(DOP Sidra de Asturias). Seuls lesproducteurs qui utilisent des fruitsfigurant sur une des 22 variétés depommes à cidre originaires desAsturies peuvent porter le label DOP.Ce sont toutes des pommes à cidre etnon des pommes à couteau et leursvariétés vont de la pomme acide(Durona de Tresali) à la pomme douce(Verdialona, Ernestina), plus toutesles variétés intermédiaires, au goût amer

Le cidre en Espagne

acide, amer demi-acide, doux-amerou demi-acide.

Avec un examen aussi scrupuleuxde la qualité, la production de cidretraditionnel de haute qualité serapproche de plus en plus des normesen vigueur dans l'industrie vinicole.La société du groupe Trabanco,Cosecha Propia, offre par exemple uncidre gourmet élaboré exclusivementà partir de pommes des Asturiesprovenant des vergers de l'entrepriseet son cidre a été cette annéele premier cidre d’Espagne à sevoir accorder le label ManzanaSeleccionada, après une dégustationréalisée par un panel indépendantorganisé par Bureau Veritas.

Tout près de là, au Pays basque,quelque chose de semblable esten train de se produire. Cette année,vingt producteurs basques de cidreont commencé à vendre du cidretraditionnel sous le label de qualitéEusko Label établi par legouvernement régional basque.Ici aussi, seules sont autorisées lesvariétés locales de pommes à cidre(Errezila, Goikoetxe, Mozoloa, parexemple). De nombreux producteurssont en passe d’adopter ce quisuscite de la part des cultivateursun intérêt croissant pour les variétéslocales. Le statut de dénominationd’origine protégée DOP devrait êtrela prochaine étape logique.

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donner le calibre de leurs pommes.Jordi Bagudà, de Bagudà Fruits, est unjeune producteur qui dirige avec sonpère une petite entreprise familialede pommes reconnue par la IGP deGérone, à 8 km de la côte. Ils sontpropriétaires de 84 hectares de vergers

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suivant des lignes directrices de qualitétrès sévères. Il s’agit donc d’unemarque d’authenticité et de qualité.Le développement de la qualité, ici àGérone, s’explique en partie par le faitque le gouvernement régional dela Catalogne a réalisé d’importantsinvestissements dans la rechercheagricole, principalement sur lespommes. Compte tenu que laCatalogne produit les deux tiers despommes d’Espagne, une telle politiques’explique facilement.Ce matin de bonne heure, j’ai visitéle laboratoire de Mas Badia (Gérone)qui fait partie de l’IRTA, Institut derecherche et de technologie

agroalimentaire de la région, et j’aiobservé que des pommes parfaitementsaines étaient soumises à plus de testsque je n’aurais pu imaginer réalisablessur ce modeste fruit. Le laboratoirefournit un appui technique intensifaux producteurs, en testant lespommes sur chaque parcelle dechaque plantation tout au long de leurcroissance. Une application de GoogleMaps est utilisée pour tracer lacartographie exacte des attaques etdes maladies, permettant un traitementprécis plus rapide et plus efficaceet par conséquent une moindreutilisation de pesticides. En effet, lesproducteurs de l’IGP travaillent sous

un certain nombre de certifications,y compris GlobalGAP (un organismeprivé du secteur qui définit des normesvolontaires pour la certification desprocessus de production des denréesagricoles dans le monde entier), BRC(British Retail Consortium) et IFS(International Food Standard), ainsique le propre système de productionintégré de la Catalogne pour unemeilleure durabilité et qualité, dontle but est de réduire progressivementl’utilisation de pesticides.Après la récolte des pommes, unenouvelle analyse est effectuée enlaboratoire. La teneur en sucre estévaluée, ainsi que l’acidité, la fermeté

POMME

et la teneur en amidon, ce qui permetde mieux calculer la durée de stockage(plus d’amidon signifie généralementla possibilité d’une plus longueconservation). Ceci explique que desvariétés pour lesquelles la récolte a lieuen automne, généralement en moinsd’un mois, puissent être venduesfraîches et croquantes pendantune bonne partie de l’année.En fait, ces pauvres pommescommencent à me faire pitié : souspression, espionnées et scrutées toutau long de leur vie, elles sont ensuitesoumises à l’obscurité silencieuse dechambres froides appauvries enoxygène. Et pourtant, mise à part cettemaltraitance, l’approche hi-tech durablede la production des pommes deGérone a non seulement donnénaissance à un produit plus écologiqueet de qualité supérieure mais a aussifacilité la survie d’un petit réseau deproducteurs locaux. Les trois sociétésde Poma de Girona commencèrenttoutes comme des coopératives etleurs producteurs indépendants, dontcertains n’avaient guère plus quequelques hectares, possèdentactuellement un niveau techniqueincroyablement sophistiqué.L’ensemble des banques de donnéesest constamment mis à jour sur lesparcelles de chaque producteur : terresde culture, traitements, herbicides,régimes d’arrosage, engrais, visitestechniques, contrôle de qualité et, bienentendu, la qualité finale de la récolte(et donc sa valeur marchande). Aprèsla fin de la récolte, certainsproducteurs, me dit-on, sontcomplètement dépendants de leurécran d’ordinateur qui va leur

En Espagne, comme dans beaucoupd'autres pays européens, on boit ducidre doux et gazeux. Cependant, pourtout amateur de cidre, le véritabletrésor est le cidre traditionnel produitdans les Asturies et dans le Paysbasque (Spain Gourmetour, nº 64),dans le Nord du pays. Ce cidretraditionnel est probablement celuiqui ressemble le plus au cidre brutfrançais ou à un léger scrumpy anglais.Toutefois, ce qui différencie le cidretraditionnel espagnol de ces deuxderniers est sa fraîcheur unique etune carbonisation légère, presqueimperceptible, avec un fruit sec etaromatique en bouche et un équilibreséduisant d’acidité et d'amertume,souvent suivi d'une sécheresseprononcée en fin. Un liquide jovial bienque subtil, à boire à larges gorgées,pas à siroter.

Le meilleur cidre des Asturiespossède désormais sa propredénomination d’origine protégée(DOP Sidra de Asturias). Seuls lesproducteurs qui utilisent des fruitsfigurant sur une des 22 variétés depommes à cidre originaires desAsturies peuvent porter le label DOP.Ce sont toutes des pommes à cidre etnon des pommes à couteau et leursvariétés vont de la pomme acide(Durona de Tresali) à la pomme douce(Verdialona, Ernestina), plus toutesles variétés intermédiaires, au goût amer

Le cidre en Espagne

acide, amer demi-acide, doux-amerou demi-acide.

Avec un examen aussi scrupuleuxde la qualité, la production de cidretraditionnel de haute qualité serapproche de plus en plus des normesen vigueur dans l'industrie vinicole.La société du groupe Trabanco,Cosecha Propia, offre par exemple uncidre gourmet élaboré exclusivementà partir de pommes des Asturiesprovenant des vergers de l'entrepriseet son cidre a été cette annéele premier cidre d’Espagne à sevoir accorder le label ManzanaSeleccionada, après une dégustationréalisée par un panel indépendantorganisé par Bureau Veritas.

Tout près de là, au Pays basque,quelque chose de semblable esten train de se produire. Cette année,vingt producteurs basques de cidreont commencé à vendre du cidretraditionnel sous le label de qualitéEusko Label établi par legouvernement régional basque.Ici aussi, seules sont autorisées lesvariétés locales de pommes à cidre(Errezila, Goikoetxe, Mozoloa, parexemple). De nombreux producteurssont en passe d’adopter ce quisuscite de la part des cultivateursun intérêt croissant pour les variétéslocales. Le statut de dénominationd’origine protégée DOP devrait êtrela prochaine étape logique.

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POMME

du Can Nau, a ouvert ses portes en1974, bien que cette maison soitpropriété de sa famille depuis 250 ans.Lorsqu’on entre dans ce restaurant, ona l’impression d’entrer chez quelqu’un :quatre petites salles à manger baignantdans une atmosphère du passé, un peuvieille Europe, où la grande douceur del’ambiance permet de se sentir à l’aise.Au moment de la commande,M. Castells se permet un petit discours :il m’explique que lorsque quelqu’uncommande en entrée une saucissedouce et des pommes, il refuse (il faitle geste du doigt). Sa douceur aupalais, explique-t-il, nuit à la saveurdu plat suivant. La botifarra dolça esthabituellement cuite dans un peud’eau ou frite. On ajoute dans la poêlequelques morceaux de pomme et onles laisse ramollir. Au Can Nau, lapomme est offerte en compote et lemélange de la saucisse douce et de lapomme, encore plus douce, estenivrant. Entre parenthèses, Castellsavait raison quant à l’ordre des plats.Après ma botifarra, j’ai dégusté monplat de petits pois et de haricots quiétaient excellents mais un peudépassés par la douceur persistantedu plat précédent. J’avais été prévenu !Une autre recette traditionnelle de larégion est la pomme farcie. Vousprenez des pommes évidées et lesfarcissez avec un mélange de porchaché, de poudre d’amandes, debiscuit sucré, d’œufs, de sucre, unepincée de sel, le zeste d’un citron etde la cannelle. Vous faites dorer lespommes farcies dans de l’huile d’olivepuis les mettez dans un moule et vousversez quelques gouttes de sucrecaramélisé. Vous ajoutez ensuite desbâtons de cannelle et le zeste de citronet recouvrez les pommes avec de l’eau.Portez ensuite à ébullition et laissezmijoter pendant au moins deux

heures. Puis laissez refroidir pendantune nuit, et faites mijoter à nouveaule lendemain pendant une heure etdemie de plus. Ajoutez de l’eau sinécessaire. Plus vous les faites cuire,meilleures elles sont, c’est la voix dela sagesse. Et plus j’ai l’occasion deparler avec des gens de la préparationdes pommes farcies, plus je voisqu’elles sont souvent cuisinéespendant trois ou quatre jours au longdesquels elles brunissent et deviennentvraiment excellentes.

Pommes de raceLa plupart des pommes de la provincede Gérone poussent dans une régionnommée Empordan dotée d’un climatidéal pour cette culture : ensoleillé ethumide pendant les mois d’été maisfrais sous l’influence de laMéditerranée et des Pyrénées pendantle reste de l’année. Le sol est forméde riches dépôts fluviaux et très biendrainé. Le terroir est en effet le facteurprincipal pour la qualité de cespommes.Certes, les prouesses technologiquessont bien utiles. Et les quatre variétésreconnues par l’IGP — Golden et RedDelicious, Granny Smith et RoyalGala — sont des pommesaristocratiques. Non seulement ellessont choyées et dorlotées tout au longde leur vie par des hommes en blousesblanches mais elles sont constammentaméliorées et greffées pour enmodifier la couleur, la douceur, le juset le croquant. Ce processus merappelle l’élevage des chiens de race.Les pommiers, cependant, ne halètentni salivent de façon incontrôlée et nedéveloppent pas de troubles desorganes internes pour avoir étémodifiés et posséder un plus jolimuseau. Non, les pommes de racesont vraiment une bonne chose.L’Empordan est traversé par le massifmontagneux du Montgrí. Connulocalement sous le nom de Bisbe Mort(évêque mort), on dit que cette chaînemontagneuse ressemble à un évêqueincliné dans une pose funéraire, avecla silhouette carrée du château deMontgrí, situé sur l’un des picscentraux, comme un bijou en formed’anneau sur son doigt. Je confirmeque si on le voit du nord, il ressembleétrangement à un évêque mort. Maisvu du sud, il ressemble plutôt à une

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ESSENTIELS

et d’environ 16 hectares consacrés àd’autres cultures. « Actuellement, nouseffectuons une plantation importantedes variétés principales pour que notreproduction soit plus moderne etattrayante pour le marché. En ce quiconcerne les lignes directrices deproduction extrêmement strictesimposées par Poma de Girona »,poursuit Jordi Badugà, « l’IGPreprésente une garantie puisque tousles producteurs travaillent selon lesmêmes règles qui sont en constanteévolution... Elle donne au public uneimage de marque du produit et de larégion qui permet au consommateurde connaître le niveau de qualité quenous possédons ici. »

En cuisineLe chef Juan Roca est un grand fan despommes locales. « Ces pommes sontd’une importance vitale pour nous »,dit-il. « Je suis toujours à la recherchede produits locaux. » Naturellement,les pommes de Gérone sont présentesdans certains des plats classiques dela carte du restaurant El Celler de CanRoca (3 étoiles Michelin), comme latimbale de pomme et de foie gras àl’huile de vanille pour laquelle il utiliseles Golden Delicious. « La qualité desproduits catalans, explique-t-il, etparticulièrement des produits deGérone est ce qui permet à mescréations d’être aussi bien accueillies.Je tiens à souligner la territorialité dema cuisine. » Une autre utilisationnovatrice de la pomme est la sauceRoca pour le bar : liquéfier la peau(et un peu de pulpe) de la GrannySmith, puis laisser réduire jusqu’à unecertaine densité ; incorporer lentementde l’huile d’olive jusqu’à émulsion.Simple, intense et homogène.Dans cette partie du monde,

l’alimentation n’est quand même pasuniquement une question d’étoilesMichelin et de placement sur la listeSan Pellegrino. Je me dirige vers levillage calme un peu style carte postalede Peratallada pour goûter une dolçabotifarra, une saucisse d’un porc nourri

avec de graines comme dans le passémais avec une spécificité inhabituelle :du sucre, du zeste de citron et un peude cannelle. Dans le restaurant CanNau, cette saucisse est préparée àl’ancienne, avec des pommes.Andreu Castells, le vieux propriétaire

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POMME

du Can Nau, a ouvert ses portes en1974, bien que cette maison soitpropriété de sa famille depuis 250 ans.Lorsqu’on entre dans ce restaurant, ona l’impression d’entrer chez quelqu’un :quatre petites salles à manger baignantdans une atmosphère du passé, un peuvieille Europe, où la grande douceur del’ambiance permet de se sentir à l’aise.Au moment de la commande,M. Castells se permet un petit discours :il m’explique que lorsque quelqu’uncommande en entrée une saucissedouce et des pommes, il refuse (il faitle geste du doigt). Sa douceur aupalais, explique-t-il, nuit à la saveurdu plat suivant. La botifarra dolça esthabituellement cuite dans un peud’eau ou frite. On ajoute dans la poêlequelques morceaux de pomme et onles laisse ramollir. Au Can Nau, lapomme est offerte en compote et lemélange de la saucisse douce et de lapomme, encore plus douce, estenivrant. Entre parenthèses, Castellsavait raison quant à l’ordre des plats.Après ma botifarra, j’ai dégusté monplat de petits pois et de haricots quiétaient excellents mais un peudépassés par la douceur persistantedu plat précédent. J’avais été prévenu !Une autre recette traditionnelle de larégion est la pomme farcie. Vousprenez des pommes évidées et lesfarcissez avec un mélange de porchaché, de poudre d’amandes, debiscuit sucré, d’œufs, de sucre, unepincée de sel, le zeste d’un citron etde la cannelle. Vous faites dorer lespommes farcies dans de l’huile d’olivepuis les mettez dans un moule et vousversez quelques gouttes de sucrecaramélisé. Vous ajoutez ensuite desbâtons de cannelle et le zeste de citronet recouvrez les pommes avec de l’eau.Portez ensuite à ébullition et laissezmijoter pendant au moins deux

heures. Puis laissez refroidir pendantune nuit, et faites mijoter à nouveaule lendemain pendant une heure etdemie de plus. Ajoutez de l’eau sinécessaire. Plus vous les faites cuire,meilleures elles sont, c’est la voix dela sagesse. Et plus j’ai l’occasion deparler avec des gens de la préparationdes pommes farcies, plus je voisqu’elles sont souvent cuisinéespendant trois ou quatre jours au longdesquels elles brunissent et deviennentvraiment excellentes.

Pommes de raceLa plupart des pommes de la provincede Gérone poussent dans une régionnommée Empordan dotée d’un climatidéal pour cette culture : ensoleillé ethumide pendant les mois d’été maisfrais sous l’influence de laMéditerranée et des Pyrénées pendantle reste de l’année. Le sol est forméde riches dépôts fluviaux et très biendrainé. Le terroir est en effet le facteurprincipal pour la qualité de cespommes.Certes, les prouesses technologiquessont bien utiles. Et les quatre variétésreconnues par l’IGP — Golden et RedDelicious, Granny Smith et RoyalGala — sont des pommesaristocratiques. Non seulement ellessont choyées et dorlotées tout au longde leur vie par des hommes en blousesblanches mais elles sont constammentaméliorées et greffées pour enmodifier la couleur, la douceur, le juset le croquant. Ce processus merappelle l’élevage des chiens de race.Les pommiers, cependant, ne halètentni salivent de façon incontrôlée et nedéveloppent pas de troubles desorganes internes pour avoir étémodifiés et posséder un plus jolimuseau. Non, les pommes de racesont vraiment une bonne chose.L’Empordan est traversé par le massifmontagneux du Montgrí. Connulocalement sous le nom de Bisbe Mort(évêque mort), on dit que cette chaînemontagneuse ressemble à un évêqueincliné dans une pose funéraire, avecla silhouette carrée du château deMontgrí, situé sur l’un des picscentraux, comme un bijou en formed’anneau sur son doigt. Je confirmeque si on le voit du nord, il ressembleétrangement à un évêque mort. Maisvu du sud, il ressemble plutôt à une

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ESSENTIELS

et d’environ 16 hectares consacrés àd’autres cultures. « Actuellement, nouseffectuons une plantation importantedes variétés principales pour que notreproduction soit plus moderne etattrayante pour le marché. En ce quiconcerne les lignes directrices deproduction extrêmement strictesimposées par Poma de Girona »,poursuit Jordi Badugà, « l’IGPreprésente une garantie puisque tousles producteurs travaillent selon lesmêmes règles qui sont en constanteévolution... Elle donne au public uneimage de marque du produit et de larégion qui permet au consommateurde connaître le niveau de qualité quenous possédons ici. »

En cuisineLe chef Juan Roca est un grand fan despommes locales. « Ces pommes sontd’une importance vitale pour nous »,dit-il. « Je suis toujours à la recherchede produits locaux. » Naturellement,les pommes de Gérone sont présentesdans certains des plats classiques dela carte du restaurant El Celler de CanRoca (3 étoiles Michelin), comme latimbale de pomme et de foie gras àl’huile de vanille pour laquelle il utiliseles Golden Delicious. « La qualité desproduits catalans, explique-t-il, etparticulièrement des produits deGérone est ce qui permet à mescréations d’être aussi bien accueillies.Je tiens à souligner la territorialité dema cuisine. » Une autre utilisationnovatrice de la pomme est la sauceRoca pour le bar : liquéfier la peau(et un peu de pulpe) de la GrannySmith, puis laisser réduire jusqu’à unecertaine densité ; incorporer lentementde l’huile d’olive jusqu’à émulsion.Simple, intense et homogène.Dans cette partie du monde,

l’alimentation n’est quand même pasuniquement une question d’étoilesMichelin et de placement sur la listeSan Pellegrino. Je me dirige vers levillage calme un peu style carte postalede Peratallada pour goûter une dolçabotifarra, une saucisse d’un porc nourri

avec de graines comme dans le passémais avec une spécificité inhabituelle :du sucre, du zeste de citron et un peude cannelle. Dans le restaurant CanNau, cette saucisse est préparée àl’ancienne, avec des pommes.Andreu Castells, le vieux propriétaire

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Essayez chez vous. Utilisez l’écorce etparticulièrement la peau. GrannySmiths fera le reste.

Un toastIl se passe beaucoup de choses enEspagne dans le secteur de la pomme,de la peau aux pétales, de la durabilitédes pommes de la province de Géroneà la dénomination d’origine protégéedans El Bierzo. Et je ne suis pas

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danseuse au ventre nu étendue surle dos dans un froid glacial.Pour ma prochaine étape dans cetteprovince, je me trouve au-dessus del’évêque ou de la danseuse et sur lacôte juste au-dessous du golfe deRoses. Sant Pere Pescador est unvillage de pêcheurs d’environ 1 700habitants bien qu’il n’en ait pasvraiment l’air. Des deux côtés de laroute, des vergers et des arbres fruitierset ce jusqu’au rivage. De nombreuxpetits producteurs locaux fournissentFrutícola Empordà, une autre dessociétés de Poma de Girona, qui leurdonne en échange accès aux marchésinternationaux. La conversation quej’engage avec Isidre Solà de FrutícolaEmpordà, est intéressante. Selon lui,il y a des gens qui pensent que l’onconsacre actuellement trop d’attentionà l’apparence des pommes. Pour lesgalas, par exemple, les producteurssont en train de passer de la Galaxyà la Brookfield car bien que ces deuxvariétés aient le même goût, lapomme Brookfield a un fond d’unebelle couleur verte sur lequel lesrayures rouges se distinguent mieux(en réalité, elle est aussi un peuplus ferme).Je ne comprends pas vraimentpourquoi la production d’un fruit derace d’une belle couleur produit unetelle méfiance. À dix minutes de SantPere Pescador se trouve le restaurantelBulli où l’apparence des produitsalimentaires a toujours été prise trèsau sérieux. La nourriture est, en partiedu moins, un plaisir pour les yeux ;son aspect favorise la production desucs gastriques bien avant le contactavec les papilles gustatives.

leur qualité exceptionnelle, ce que lesRomains devaient déjà savoir puisquela reinette a été implantée dans larégion à l’époque de l’Empire romain.Cette reinette a une chair extrêmementferme, compacte et non farineuse,et elle est donc bien croquante.Cependant, malgré sa fermeté, ellecontient énormément de jus très douxmais bien équilibré par une aciditéagréable. Elle possède toutes lescaractéristiques permettant de laqualifier de pomme parfaite, de cellesque vous mangez vraiment jusqu’aubout. S’il y a réellement eu unepomme au Paradis, c’étaitprobablement une reinette.

Le pouvoirde la fleurIl reste un aspect de la pomme quenous n’avons pas encore abordé : lafleur. Et si vous voulez des fleurs survotre nourriture, personne ne le faitavec plus de savoir et de passion quela chef Iolanda Bustos dans sesprogrammes de télévision. Avec sapartenaire Jacint Codina, elle gère lerestaurant La Calendula, au centre dela ville de Gérone. Et c’est justementlà que je suis en train de dîner.Le « menu fleur » d’aujourd’huicomprend une variété de délicesfloraux : fromage frais et salade depétales de soucis, magret de canardaux fruits confits et pétales demarguerite, tatin de pommes à la fleurde romarin... Cependant, j’ai envie deplats particuliers et Iolanda a acceptéde me préparer un menu spécial enutilisant non seulement des pommeslocales mais aussi leurs fleurs qu’elle

POMME

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a cueillies elle-même dansles pommiers sauvages.Le restaurant La Calendula offre uneatmosphère fraîche, calme, avec unplan cuisine ouvert au centre de lasalle à manger. Après des croquettesde fromage et de soucis, je prends despeaux de morue croustillantes avecune compote de pommes et de fleursde pommier. C’est drôle, la fleur depommier ! Un pétale peut être toutà fait inoffensif et un autre offrir unecombinaison séduisante de parfumdoux et de lointaine amertume.Le pétale de pomme (les pétalesseulement, le reste de la fleur est tropamer) est indiqué pour les problèmesrespiratoires et fait baisser la fièvre et latension artérielle ; on ne peut donc pasvraiment être déçu en les consommant.Arrive ensuite l’une des meilleuressalades que j’aie jamais mangées. Et jevis avec une personne végétarienne etsait donc presque tout de la nourrituresans viande. La version de ce soir— salade de printemps avec pommeaigre-douce et foie gras — est uneexplosion de couleur sur l’assiette etla saveur est magiquement piquante,crémeuse et parfumée en même temps.Le fait qu’elle puisse en outre fairebaisser ma tension artérielle est unplus. Suit un plat d’agneau farci à lapomme et à la crème de fromage, etle repas se termine sur une pâted’amande à la fleur de sureau avecun coulis de fraise et un verre de fleurde sureau à la champenoise.Et juste au moment où je suis en trainde penser que je pourrais difficilementêtre plus étonné par cette modestepomme, on me sert une tisane depomme, aneth frais et réglisse.

ESSENTIELS

descendu jusqu’à Valence où la vieillepomme Esperiega revit grâce à lacoopérative Chega et a étérécemment reconnue par l’organisationSlow Food.Cependant, j’ai eu envie de terminercette aventure en prenant une bière :une Moska de Girona Poma pour êtreprécis. Le brasseur indépendantJosep Borrell ajoute une touche uniqueà cette bière en bouteille en y faisantmacérer de la Granny Smith.Le résultat ? Une bière sèche etcroustillante avec des notes de pommeaudacieuses. Surprenant et innovant.Il n’y a pas de meilleure façon determiner ce bref voyage à la découvertede ce que l’Espagne sait tirer demoderne du plus ancien des fruits.

John Barlow est l’auteur d’œuvres defiction et d’autres ouvrages publiés danshuit langues. Son dernier livre,Everything But The Squeal, décrit unlong séjour dans son pays d’adoption, laGalice, au nord-ouest de l’Espagne, où ila étudié l’importance gastronomiqueet culturelle des porcs.

Sites web

· www.pomadegirona.catPoma de Girona. (Catalan).

· www.sidradeasturias.esSidre des Asturies. (Anglais, français, espagnol.)

· www.manzanareinetadelbierzo.esPomme Reineta du Bierzo. (Espagnol.)

Personnellement, j’aime les pommestrès colorées, particulièrement cellesde la province de Gérone. Et si vousavez des enfants peu amateurs defruits, ils seront au moins sensiblesà leurs couleurs.

Statutde la dénominationd’origine protégéeUne pomme qui n’a aucun besoinde croisement est la reinette du Bierzo(Léon), région du Nord-Ouest del’Espagne. Ce gros fruit roux bénéficiedu statut DOP (Dénominationd’origine protégée), ce qui montrebien toute l’importance que l’Espagneattache désormais à sa production depommes. La raison d’être de cette DOPest que ces reinetas du Bierzo sontétonnamment bonnes, bien meilleuresque la même variété produite ailleurs.Les conditions de production sont, unefois de plus, la raison principale de

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Essayez chez vous. Utilisez l’écorce etparticulièrement la peau. GrannySmiths fera le reste.

Un toastIl se passe beaucoup de choses enEspagne dans le secteur de la pomme,de la peau aux pétales, de la durabilitédes pommes de la province de Géroneà la dénomination d’origine protégéedans El Bierzo. Et je ne suis pas

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danseuse au ventre nu étendue surle dos dans un froid glacial.Pour ma prochaine étape dans cetteprovince, je me trouve au-dessus del’évêque ou de la danseuse et sur lacôte juste au-dessous du golfe deRoses. Sant Pere Pescador est unvillage de pêcheurs d’environ 1 700habitants bien qu’il n’en ait pasvraiment l’air. Des deux côtés de laroute, des vergers et des arbres fruitierset ce jusqu’au rivage. De nombreuxpetits producteurs locaux fournissentFrutícola Empordà, une autre dessociétés de Poma de Girona, qui leurdonne en échange accès aux marchésinternationaux. La conversation quej’engage avec Isidre Solà de FrutícolaEmpordà, est intéressante. Selon lui,il y a des gens qui pensent que l’onconsacre actuellement trop d’attentionà l’apparence des pommes. Pour lesgalas, par exemple, les producteurssont en train de passer de la Galaxyà la Brookfield car bien que ces deuxvariétés aient le même goût, lapomme Brookfield a un fond d’unebelle couleur verte sur lequel lesrayures rouges se distinguent mieux(en réalité, elle est aussi un peuplus ferme).Je ne comprends pas vraimentpourquoi la production d’un fruit derace d’une belle couleur produit unetelle méfiance. À dix minutes de SantPere Pescador se trouve le restaurantelBulli où l’apparence des produitsalimentaires a toujours été prise trèsau sérieux. La nourriture est, en partiedu moins, un plaisir pour les yeux ;son aspect favorise la production desucs gastriques bien avant le contactavec les papilles gustatives.

leur qualité exceptionnelle, ce que lesRomains devaient déjà savoir puisquela reinette a été implantée dans larégion à l’époque de l’Empire romain.Cette reinette a une chair extrêmementferme, compacte et non farineuse,et elle est donc bien croquante.Cependant, malgré sa fermeté, ellecontient énormément de jus très douxmais bien équilibré par une aciditéagréable. Elle possède toutes lescaractéristiques permettant de laqualifier de pomme parfaite, de cellesque vous mangez vraiment jusqu’aubout. S’il y a réellement eu unepomme au Paradis, c’étaitprobablement une reinette.

Le pouvoirde la fleurIl reste un aspect de la pomme quenous n’avons pas encore abordé : lafleur. Et si vous voulez des fleurs survotre nourriture, personne ne le faitavec plus de savoir et de passion quela chef Iolanda Bustos dans sesprogrammes de télévision. Avec sapartenaire Jacint Codina, elle gère lerestaurant La Calendula, au centre dela ville de Gérone. Et c’est justementlà que je suis en train de dîner.Le « menu fleur » d’aujourd’huicomprend une variété de délicesfloraux : fromage frais et salade depétales de soucis, magret de canardaux fruits confits et pétales demarguerite, tatin de pommes à la fleurde romarin... Cependant, j’ai envie deplats particuliers et Iolanda a acceptéde me préparer un menu spécial enutilisant non seulement des pommeslocales mais aussi leurs fleurs qu’elle

POMME

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a cueillies elle-même dansles pommiers sauvages.Le restaurant La Calendula offre uneatmosphère fraîche, calme, avec unplan cuisine ouvert au centre de lasalle à manger. Après des croquettesde fromage et de soucis, je prends despeaux de morue croustillantes avecune compote de pommes et de fleursde pommier. C’est drôle, la fleur depommier ! Un pétale peut être toutà fait inoffensif et un autre offrir unecombinaison séduisante de parfumdoux et de lointaine amertume.Le pétale de pomme (les pétalesseulement, le reste de la fleur est tropamer) est indiqué pour les problèmesrespiratoires et fait baisser la fièvre et latension artérielle ; on ne peut donc pasvraiment être déçu en les consommant.Arrive ensuite l’une des meilleuressalades que j’aie jamais mangées. Et jevis avec une personne végétarienne etsait donc presque tout de la nourrituresans viande. La version de ce soir— salade de printemps avec pommeaigre-douce et foie gras — est uneexplosion de couleur sur l’assiette etla saveur est magiquement piquante,crémeuse et parfumée en même temps.Le fait qu’elle puisse en outre fairebaisser ma tension artérielle est unplus. Suit un plat d’agneau farci à lapomme et à la crème de fromage, etle repas se termine sur une pâted’amande à la fleur de sureau avecun coulis de fraise et un verre de fleurde sureau à la champenoise.Et juste au moment où je suis en trainde penser que je pourrais difficilementêtre plus étonné par cette modestepomme, on me sert une tisane depomme, aneth frais et réglisse.

ESSENTIELS

descendu jusqu’à Valence où la vieillepomme Esperiega revit grâce à lacoopérative Chega et a étérécemment reconnue par l’organisationSlow Food.Cependant, j’ai eu envie de terminercette aventure en prenant une bière :une Moska de Girona Poma pour êtreprécis. Le brasseur indépendantJosep Borrell ajoute une touche uniqueà cette bière en bouteille en y faisantmacérer de la Granny Smith.Le résultat ? Une bière sèche etcroustillante avec des notes de pommeaudacieuses. Surprenant et innovant.Il n’y a pas de meilleure façon determiner ce bref voyage à la découvertede ce que l’Espagne sait tirer demoderne du plus ancien des fruits.

John Barlow est l’auteur d’œuvres defiction et d’autres ouvrages publiés danshuit langues. Son dernier livre,Everything But The Squeal, décrit unlong séjour dans son pays d’adoption, laGalice, au nord-ouest de l’Espagne, où ila étudié l’importance gastronomiqueet culturelle des porcs.

Sites web

· www.pomadegirona.catPoma de Girona. (Catalan).

· www.sidradeasturias.esSidre des Asturies. (Anglais, français, espagnol.)

· www.manzanareinetadelbierzo.esPomme Reineta du Bierzo. (Espagnol.)

Personnellement, j’aime les pommestrès colorées, particulièrement cellesde la province de Gérone. Et si vousavez des enfants peu amateurs defruits, ils seront au moins sensiblesà leurs couleurs.

Statutde la dénominationd’origine protégéeUne pomme qui n’a aucun besoinde croisement est la reinette du Bierzo(Léon), région du Nord-Ouest del’Espagne. Ce gros fruit roux bénéficiedu statut DOP (Dénominationd’origine protégée), ce qui montrebien toute l’importance que l’Espagneattache désormais à sa production depommes. La raison d’être de cette DOPest que ces reinetas du Bierzo sontétonnamment bonnes, bien meilleuresque la même variété produite ailleurs.Les conditions de production sont, unefois de plus, la raison principale de

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Les vins ont étésélectionnés parToni Gata, sommelierdu Restaurant Miramar.

TraductionSynonyme.net/©ICEX

PhotosToya Legidoet Tomás Zarza/©ICEX

Paco Pérez *

Il s’agit d’une spécialité typique del’Ampurdan, assez méconnue horsde cette région. Avec cette recette, jeveux aussi rendre hommage à un demes amis, boucher de profession etamant de la gastronomie.

POUR 4 PERSONNESPour les pommes au four : 4 pommes

golden IGP Poma de Girona ; un bâton de

cannelle ; une gousse de vanille, vin de

muscat ; sucre brun ; 150 ml d’eau minérale.

Pour la purée de pomme : 300 g de

pommes golden IGP Poma de Girona ;

70 g de sucre ; caviar de vanille.

Pour les boutifarres sucrées : 200 g de

pluma ibérique ; 175 g de sucre ; zestes de

citron ; cannelle moulue ; sel ; beurre ;

100 g de vin doux de grenache.

Pour la sauce du rôtissage : 300 g de

viande de bœuf ; une larme de cognac ;

500 ml d’eau minérale ; 3 g de kudzu

(Pueraria lobata).

Pommes au fourPrélever le trognon des pommes.Ensuite, enfourner les pommesavec la cannelle, la vanille, le sucreet l’eau minérale à 160 ºC durant45 minutes. À mi-cuisson, arroserde vin de muscat.

Purée de pommesPeler et découper les pommes.Placer les morceaux de pommesparsemés de sucre et de caviar devanille au micro-ondes à pleinepuissance pendant 24 minutes enprenant soin de remuer toutes lesdeux ou trois minutes. Puis hachermenu la préparation au thurmixe.

Boutifarres sucréesHacher la viande et mélanger avec lesucre, les zestes de citron, la cannelleet le sel. Farcir puis dorer à feu douxsur un fond de beurre. À mi-cuisson,arroser d’une larme de vin doux degrenache et terminer la cuisson.

Sauce du rôtissageDans un fait-tout, dorer la viandeet ajouter le cognac. Une fois laréduction obtenue, ajouter l’eauminérale. Réduire à nouveaujusqu’à l’obtention de 250 g desauce puis laisser refroidir. Lorsque

la préparation est froide, ajouterle kudzu et porter à ébullition.

PrésentationAplatir la pomme au four dansle fond d’une assiette creuse.Disposez par-dessus les boutifarressucrées revenues dans le beurre etarrosées de grenache en fin decuisson. Ajouter des médaillonsde purée de pommes. Incorporerle jus de cuisson des boutifarresau concentré de rôtissage et saucer.

Temps de préparation1 heure

Vin recommandéFefiñanes III 2004 (DO RíasBaixas), des Bodegas Palacio deFefiñanes. Nous partirons desarômes de base de la pomme enmisant sur la variété pour tenterd’obtenir un équilibre harmonieuxavec son acidité. Et c’est pourtrouver l’alliance parfaite entrele vin et cette recette que nousmettrons le cap sur les Rías Baixas,à la recherche de la fraîcheur d’unalbariño qui, grâce à ses arômeset ses nuances, nous permettrade trouver l’alliance parfaite.

(Manzanas de Girona y butifarra dulce)

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ESSENTIELS

et boutifarre sucréePOMMES DE GIRONE

* Pour en savoir plus sur cechef, voir Portrait, page 82.

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Les vins ont étésélectionnés parToni Gata, sommelierdu Restaurant Miramar.

TraductionSynonyme.net/©ICEX

PhotosToya Legidoet Tomás Zarza/©ICEX

Paco Pérez *

Il s’agit d’une spécialité typique del’Ampurdan, assez méconnue horsde cette région. Avec cette recette, jeveux aussi rendre hommage à un demes amis, boucher de profession etamant de la gastronomie.

POUR 4 PERSONNESPour les pommes au four : 4 pommes

golden IGP Poma de Girona ; un bâton de

cannelle ; une gousse de vanille, vin de

muscat ; sucre brun ; 150 ml d’eau minérale.

Pour la purée de pomme : 300 g de

pommes golden IGP Poma de Girona ;

70 g de sucre ; caviar de vanille.

Pour les boutifarres sucrées : 200 g de

pluma ibérique ; 175 g de sucre ; zestes de

citron ; cannelle moulue ; sel ; beurre ;

100 g de vin doux de grenache.

Pour la sauce du rôtissage : 300 g de

viande de bœuf ; une larme de cognac ;

500 ml d’eau minérale ; 3 g de kudzu

(Pueraria lobata).

Pommes au fourPrélever le trognon des pommes.Ensuite, enfourner les pommesavec la cannelle, la vanille, le sucreet l’eau minérale à 160 ºC durant45 minutes. À mi-cuisson, arroserde vin de muscat.

Purée de pommesPeler et découper les pommes.Placer les morceaux de pommesparsemés de sucre et de caviar devanille au micro-ondes à pleinepuissance pendant 24 minutes enprenant soin de remuer toutes lesdeux ou trois minutes. Puis hachermenu la préparation au thurmixe.

Boutifarres sucréesHacher la viande et mélanger avec lesucre, les zestes de citron, la cannelleet le sel. Farcir puis dorer à feu douxsur un fond de beurre. À mi-cuisson,arroser d’une larme de vin doux degrenache et terminer la cuisson.

Sauce du rôtissageDans un fait-tout, dorer la viandeet ajouter le cognac. Une fois laréduction obtenue, ajouter l’eauminérale. Réduire à nouveaujusqu’à l’obtention de 250 g desauce puis laisser refroidir. Lorsque

la préparation est froide, ajouterle kudzu et porter à ébullition.

PrésentationAplatir la pomme au four dansle fond d’une assiette creuse.Disposez par-dessus les boutifarressucrées revenues dans le beurre etarrosées de grenache en fin decuisson. Ajouter des médaillonsde purée de pommes. Incorporerle jus de cuisson des boutifarresau concentré de rôtissage et saucer.

Temps de préparation1 heure

Vin recommandéFefiñanes III 2004 (DO RíasBaixas), des Bodegas Palacio deFefiñanes. Nous partirons desarômes de base de la pomme enmisant sur la variété pour tenterd’obtenir un équilibre harmonieuxavec son acidité. Et c’est pourtrouver l’alliance parfaite entrele vin et cette recette que nousmettrons le cap sur les Rías Baixas,à la recherche de la fraîcheur d’unalbariño qui, grâce à ses arômeset ses nuances, nous permettrade trouver l’alliance parfaite.

(Manzanas de Girona y butifarra dulce)

77

ESSENTIELS

et boutifarre sucréePOMMES DE GIRONE

* Pour en savoir plus sur cechef, voir Portrait, page 82.

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POMME,AJOBLANCO

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POMME

Lorsque l’été frappe à la porte, quoi demieux que l’ajoblanco. Cette fantastiquesoupe froide se marie à merveille avec lapomme… Et la sardine est splendideà cette époque de l’année…Personnellement, je la dégusteraisà l’ombre, sur d’une terrasse, encontemplant l’immensité de la mer !

POUR 4 PERSONNES500 g de sardines fraîches (dont 200 g seront

réservés à l’élaboration de l’huile de sardine).

Pour l’huile de sardine : 200 g de sardines ;

100 g d’huile de tournesol.

Pour le jus de pomme : 1 kg de reinettes

blanches DOP Manzana Reineta del Bierzo ;

persil.

Pour le granité de pomme : 300 g de jus de

reinette blanche ; 1 feuille de gélatine.

Pour la gelée de pomme : 350 g de jus de

reinette blanche ; 1,2 g d’agar-agar ; 100 g de

jus de pomme rafraîchi.

Pour l’ajoblanco : 100 g d’amandes, la moitié

d’une gousse d’ail ; 200 g de mie de pain ;

100 g d’huile d’olive ; 700 g d’eau minérale ;

1 cuillerée de vinaigre de Xérès ; 0,4 g de

gomme xanthane ; sel.

SardinesCouper les têtes des sardines et lesplacer dans un récipient contenantde l’eau et de la glace durant20 minutes.Lever les filets et préparer lessuprêmes. Réserver. Au moment deservir, découper en petits dés pourélaborer un tartare.

Huile de sardineMarquer à la braise les sardinespuis les placer dans une poêle avecl’huile de tournesol chauffée à80 ºC. Laisser infuser jusqu’àobtention de la densité souhaitéepuis filtrer et réserver l’huile.

Jus de pommeCouper les pommes et passer aumixeur pour obtenir le jus. Ne pasoublier de rajouter quelquesbranches de persil au jus obtenuafin qu’il ne s’oxyde pas.

Granité de pommeChauffer 50 g de jus et ajouter lagélatine préalablement humidifiéeet égouttée. Incorporer ensuite lejus restant puis congeler. Pourobtenir le granité, il suffit degratter le jus congelé.

Gelée de pommeAjouter l’agar-agar à 100 g de jusréfrigéré puis porter à ébullitionen remuant la préparation avec unfouet. Ajouter le jus restant et bienmélanger. Mouler dans chaqueassiette et laisser la gelée sesolidifier juste avant de servir.

AjoblancoMettre à tremper la mie de paindans l’eau pendant une heure.Pendant ce temps, blanchir lesamandes avant de les peler. Passerles amandes et l’ail avec une pointede sel au thurmix. Incorporer petità petit la mie de pain égouttée et

et sardines

l’huile d’olive au mélange obtenu.Lier la préparation lentement avecle vinaigre et l’eau ayant servi àl’humidification de la mie de pain.Enfin, incorporer la gommexanthane et terminer de lier.

PrésentationDans une assiette creuse froide,verser la gelée de pomme puislaisser prendre. Ensuite, disposerle tartare de sardine accompagnédu granité de pomme et del’ajoblanco. Parsemer de quelquesgouttes d’huile de sardineà la braise.

Temps de préparation1 heure et demie.

Vin recommandéPour accompagner cette recette,nous recherchons un vin structuré.C’est pourquoi nous avons misésur El Transistor 2009 (DO Rueda)de la Compañía de Vinos TelmoRodríguez. L’explosion d’arômes dece vin, élaboré à partir du cépageverdejo, ravit notre palais ainsi quenous nous y attendions. En outre,il nous laissera en bouche ses notesde fruits à noyau ainsi qu’uneacidité équilibrée.

(Manzana, ajoblanco y sardinas)

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John Barlow part à la recherche de l’humble pomme et se retrouve devant ununivers de production écologiquement durable, de magie technologique etd’innovation tous azimuts. Et il découvre aussi que la relation traditionnelle del’Espagne avec ses pommes se porte mieux que jamais et que de nouvelles manièresde l’apprécier font de ce fruit l’une des productions les plus prisées du pays.

POMMEN’oublions pas la

La nouvelle idylle entre l’Espagneet le plus ancien des fruits

TEXTEJOHN BARLOW/©ICEX

PHOTOSJUAN MANUEL SANZ/©ICEX

TRADUCTIONFRANÇOISE CHUFFART/©ICEX

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POMME,AJOBLANCO

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POMME

Lorsque l’été frappe à la porte, quoi demieux que l’ajoblanco. Cette fantastiquesoupe froide se marie à merveille avec lapomme… Et la sardine est splendideà cette époque de l’année…Personnellement, je la dégusteraisà l’ombre, sur d’une terrasse, encontemplant l’immensité de la mer !

POUR 4 PERSONNES500 g de sardines fraîches (dont 200 g seront

réservés à l’élaboration de l’huile de sardine).

Pour l’huile de sardine : 200 g de sardines ;

100 g d’huile de tournesol.

Pour le jus de pomme : 1 kg de reinettes

blanches DOP Manzana Reineta del Bierzo ;

persil.

Pour le granité de pomme : 300 g de jus de

reinette blanche ; 1 feuille de gélatine.

Pour la gelée de pomme : 350 g de jus de

reinette blanche ; 1,2 g d’agar-agar ; 100 g de

jus de pomme rafraîchi.

Pour l’ajoblanco : 100 g d’amandes, la moitié

d’une gousse d’ail ; 200 g de mie de pain ;

100 g d’huile d’olive ; 700 g d’eau minérale ;

1 cuillerée de vinaigre de Xérès ; 0,4 g de

gomme xanthane ; sel.

SardinesCouper les têtes des sardines et lesplacer dans un récipient contenantde l’eau et de la glace durant20 minutes.Lever les filets et préparer lessuprêmes. Réserver. Au moment deservir, découper en petits dés pourélaborer un tartare.

Huile de sardineMarquer à la braise les sardinespuis les placer dans une poêle avecl’huile de tournesol chauffée à80 ºC. Laisser infuser jusqu’àobtention de la densité souhaitéepuis filtrer et réserver l’huile.

Jus de pommeCouper les pommes et passer aumixeur pour obtenir le jus. Ne pasoublier de rajouter quelquesbranches de persil au jus obtenuafin qu’il ne s’oxyde pas.

Granité de pommeChauffer 50 g de jus et ajouter lagélatine préalablement humidifiéeet égouttée. Incorporer ensuite lejus restant puis congeler. Pourobtenir le granité, il suffit degratter le jus congelé.

Gelée de pommeAjouter l’agar-agar à 100 g de jusréfrigéré puis porter à ébullitionen remuant la préparation avec unfouet. Ajouter le jus restant et bienmélanger. Mouler dans chaqueassiette et laisser la gelée sesolidifier juste avant de servir.

AjoblancoMettre à tremper la mie de paindans l’eau pendant une heure.Pendant ce temps, blanchir lesamandes avant de les peler. Passerles amandes et l’ail avec une pointede sel au thurmix. Incorporer petità petit la mie de pain égouttée et

et sardines

l’huile d’olive au mélange obtenu.Lier la préparation lentement avecle vinaigre et l’eau ayant servi àl’humidification de la mie de pain.Enfin, incorporer la gommexanthane et terminer de lier.

PrésentationDans une assiette creuse froide,verser la gelée de pomme puislaisser prendre. Ensuite, disposerle tartare de sardine accompagnédu granité de pomme et del’ajoblanco. Parsemer de quelquesgouttes d’huile de sardineà la braise.

Temps de préparation1 heure et demie.

Vin recommandéPour accompagner cette recette,nous recherchons un vin structuré.C’est pourquoi nous avons misésur El Transistor 2009 (DO Rueda)de la Compañía de Vinos TelmoRodríguez. L’explosion d’arômes dece vin, élaboré à partir du cépageverdejo, ravit notre palais ainsi quenous nous y attendions. En outre,il nous laissera en bouche ses notesde fruits à noyau ainsi qu’uneacidité équilibrée.

(Manzana, ajoblanco y sardinas)

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chef de famille de Salvaleón (870familles au total) a le droit de fairepaître son bétail — héritage uniqueremontant à plusieurs siècles.Par une chaude journée de printemps,la dehesa était une explosionsensationnelle de verdure, parfuméedes senteurs de ciste, de genêt, delavande et de bruyère. Elle donnaitl’impression d’être un safari park bienentretenu : j’ai vu des huppes et descigognes, des aigles et des vautours— juste un petit échantillon d’unebiodiversité naturelle comprenantoiseaux, reptiles, amphibiens,mammifères, grands et petits, et unevaste gamme de flore indigène. Detemps en temps, un cercle gris cendréme rappelait que le métier producteurdu charbon de bois est encore trèsvivant dans le Sud de l’Estrémadure.De la dehesa Monte Porrino, il estassez logique de se diriger vers lacoopérative de jambon IbéricoMonteporrino baptisée pour desraisons évidentes du nom de la dehesaelle-même. Les membres de lacoopérative sont tous des habitantsde Salvaleón qui, lorsque la société aété fondée en 1982, conduisaient leursporcs dans la dehesa Monte Porrinopour la saison hivernale des glands.

Beaucoup de Porrineros (gentilé deshabitants de Salvaleón) avaient étécontraints d’émigrer en Suisse, enBelgique et en France, et la coopérativefut considérée comme le moyenpermettant à ces émigrés de gagnerleur vie dans leur ville natale.Les origines de la coopérative,explique Gracia, sa porte-parole, furentmodestes : 30 porcs et une seule salled’élaboration. La dehesa MontePorrino était la résidence d’hiver detous les porcs ibériques de MontePorrino. Près de trente ans plus tard,la société (coopérative Monteporrino)gère entre 14 000 et 16 000 porcspar an (tous des porcs ibériques,naturellement), et a commencé àexporter ; le succès a été tel quebeaucoup de ses membres ont étéen mesure de s’acheter des dehesasprivées. Le caractère unique deMonteporrino reste en tout cas safidélité absolue à la sphère locale : laferme la plus éloignée de l’usine setrouve à Barcarrota, à six kilomètres,et la majorité des porcs sont encoreélevés dans les dehesas de Salvaleón.Comme le fait remarquer Gracia,l’avantage est le court trajet de ladehesa à l’usine, ce qui réduit auminimum le stress des animaux

et ceci n’est pas à négliger.Elle ouvre la fenêtre : une brise fraîchesouffle. L’horizon ? Des chênes vertsà perte de vue.« Les guarros (porcs) sont juste enhaut, sur cette colline. On peutpresque les voir », dit-elle en montrantdu doigt la douce ondulation del’étendue vert-gris.« Si la dehesa existe encore, c’estvraiment grâce à ces porcs », me ditGracia, non sans un frisson d’émotiondans la voix. « La dehesa et uneressource qui appartient à chacunde nous ici depuis toujours. C’estréellement l’une de ces choses dontil faudrait être privé pour prendreconscience de l’importance qu’ellea dans notre vie. »

Paul Richardson vit dans une fermedans le Nord de l’Estrémadure. Écrivaingastronomique freelance et voyageur,il est l’auteur de A Late Dinner :discovering the food of Spain(Bloomsbury, Royaume Uni et Scribner,USA).

La dehesa souffre d’un problème quis'appelle la seca. Une maladie dont lescauses sont mystérieuses et qui a demultiples facettes. La seca (seco signifiesec) est apparue au début des années1980 et est devenu extrêmementvirulente ces dernières années, causantla mort subite de milliers et de milliersd'arbres. Encinal (Forum pour la défenseet la conservation de la dehesa), dit quel'ampleur du problème varie selon laprovince : à Badajoz, par exemple, surun total de 727 587 hectares de dehesa,seuls 30 000 hectares sont considéréscomme touchés par la seca, alors quedans la province de Cadix, avec 128 533hectares, la maladie est endémique sur70 000 hectares. Bien que diversremèdes aient été essayés, y comprisun vaccin injecté directement dans lesarbres, le fait alarmant est qu'il n’existepas encore de traitement pour la seca.

En tant que leaders du secteur Ibérico,gérant 100 000 hectares de dehesadans le Sud-Ouest de l'Espagne et auPortugal, les professionnels de Joselitosont très conscients du problème et deses effets potentiellementépouvantables à la fois sur l'écosystèmeet sur les nombreux métiers qui endépendent. José Gómez, PDG deJoselito, décrit les causes de la seca

Santé et sécurité : le futur de la dehesa

comme « la pollution environnementale,la diminution de la nappe phréatique,l'acidification progressive et la perte dela biodiversité du sol. Les racines duchêne abritent des micro-organismes,appelés mycorhizes, qui existent ensymbiose avec l'arbre et l'aident àassimiler certains nutriments du solenvironnant. Le déclin de cesorganismes est un facteursupplémentaire qui contribue auphénomène connu sous le nom deseca. Il en va de même du changementclimatique : le naturaliste Joaquín Araujoestime que ses effets sont déjà visiblesdans le paysage. « Il affecte la dehesa.Il y a moins de régénération, et la secaest amplifiée par les importantesdifférences des températures et desprécipitations », écrit-il. « Vous n'avezqu'à voir les millions de chênes vertset de chênes-lièges qui sont morts pourréaliser que le changement climatiquea déjà présenté sa carte de visite dansle paysage de l'Estrémadure. »

Que faut-il faire ? Pour sa part, Joselitoprend les devants de différentesmanières. Tout d'abord, la sociétéreplante des chênes verts et deschênes-lièges dans les dehesas qu'ellegère, à hauteur de 70 000 à 80 000arbres par an, avec un objectif de

2 400 000 nouveaux arbres dans les30 prochaines années. Deuxièmement,il est prudent de réduire le stress dontsouffre ce fragile écosystème enconservant un faible ratio d'animauxdans la dehesa (les bienheureux porcsde Joselito ont la chance de disposerde 4 hectares par tête) et en minimisantl'utilisation des eaux souterraines. Sapolitique de conservation a valu à cetteentreprise de producteurs de vianded'être la première au monde à recevoirle label du Forestry Stewardship Council(Conseil de gestion forestière).

Les conséquences à long terme d'undépérissement massif et incontrôlédes populations de chênes verts et dechênes-lièges d’Espagne sont presquetrop épouvantables pour êtreenvisagées. Heureusement, noussommes encore loin du point derupture, mais le secteur du porcibérique, en particulier, doit rester surses gardes. Il faudrait probablementun peu plus de respect pour cetécosystème aussi délicat que généreux.Si la dehesa offre un rare exempled'équilibre entre les besoins de l'hommeet ceux de la nature, il est crucial quecet équilibre soit conservéénergiquement.

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LA POMME

81

La pomme est un produit qui ouvreun large éventail de possibilités.C’est pourquoi dans cette recette,nous vous la présentons en dessertdans une diversité de texturesamusantes et savoureuses.

POUR 4 PERSONNESPour les pommes au four : 10 pommes

golden IGP Poma de Girona ; 5 bâtons de

cannelle ; 100 g de sucre ; 200 g d’eau

minérale ; 400 g d’eau minérale.

Pour la purée de pomme : 700 g de

pommes golden IGP Poma de Girona ;

70 g de sucre ; une demi-gousse de vanille.

Pour la sauce du rôtissage : pelures et

trognons de pomme ; 400 g d’eau minérale.

Pour le jus de pomme : 1 kg de pommes

Granny Smith IGP Poma de Girona ; persil.

Pour les médaillons de pomme : 200 g

de jus de rôtissage ; 25 g de sucre ; 4 g de

glucose ; 0,4 g de gomme xanthane.

Pour la gelée de pomme : 175 g de jus

de rôtissage ; 0,6 g d’agar-agar.

Pour le granité de pomme : 200 g de jus

de pomme Granny Smith; 1 demi feuille de

gélatine .

Pour la glace à la pomme : 550 g de

pomme Granny Smith IGP Poma de Girona ;

20 g de dextrose ; 38 g de stabilisateur ;

0,8 g d’acide ascorbique.

Pommes au fourDans un plat, mettre les pommes,la cannelle, le sucre et les 200 gd’eau puis enfourner 30 minutesà 150 ºC. Une fois les pommesrefroidies, égoutter et déglacer le

jus de cuisson avec 400 g d’eau.Réserver le liquide pourl’élaboration des médaillons etde la gelée de pomme. Disposerles pommes entières (avec la peauet les trognons) sur un plateauet garder au chaud.

Purée de pommesPeler les pommes et prélever lestrognons. Réserver les pelures etles trognons pour élaborer le jusde rôtissage.Mettre dans un récipient lespommes épluchées, le sucre etla vanille et cuire 24 minutes aumicro-ondes à pleine puissanceen remuant toutes les 5 minutes.Mixer et passer au chinois.

Sauce du rôtissageDans le plat ayant servi à la cuissondes pommes au four, ajouter l’eauminérale ainsi que les pelures et lestrognons des pommes de la purée.Laisser infuser 30 minutes, filtreret réserver.

Jus de pommeCouper les pommes et passer aumixeur pour obtenir le jus. Nepas oublier de rajouter quelquesbranches de persil au jus obtenuafin qu’il ne s’oxyde pas.

Médaillon de pommeMélanger la sauce de rôtissage avecle sucre et la gomme xanthane etémulsionner. Incorporer le glucosepar la suite.

Variations sur

Gelée de pommeChauffer le jus à 60 ºC etincorporer l’agar-agar sans cesser deremuer au fouet jusqu’à ébullition.

Granité de pommeDissoudre la gélatine dans le jus depomme tiédi puis congeler. Gratterla préparation pour obtenirle granité.

Glace à la pommeBroyer les pommes, le dextrose,le stabilisateur et l’acide ascorbiquedans le thurmix puis congeler.Mixer dans le pacojet.

PrésentationDans une assiette froide, disposezlibrement les différentespréparations selon votre goût.Terminer par la glace.

Temps de préparation3 heures

Vin recommandéPour ce plat, nous ouvrons notreporte aux saveurs du Sud grâce à lafamille Kracher (voir Une délicieuserévolution douce, p. 26) et nous nousdécanterons pour un Botani 2010(DO Sierras de Málaga) des bodegasJorge Ordóñez & Co. Ce vin, 100 %muscat, se marie à la perfection aveccette variation fruitée grâce à sa noteflorale et la justesse de son acidité.Un tourbillon de nuances sensoriellesqui accompagne à merveillela pomme.

(Diversidad en la manzana)

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Page 83: Spain Gourmetour No. 73 (French)

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LA POMME

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La pomme est un produit qui ouvreun large éventail de possibilités.C’est pourquoi dans cette recette,nous vous la présentons en dessertdans une diversité de texturesamusantes et savoureuses.

POUR 4 PERSONNESPour les pommes au four : 10 pommes

golden IGP Poma de Girona ; 5 bâtons de

cannelle ; 100 g de sucre ; 200 g d’eau

minérale ; 400 g d’eau minérale.

Pour la purée de pomme : 700 g de

pommes golden IGP Poma de Girona ;

70 g de sucre ; une demi-gousse de vanille.

Pour la sauce du rôtissage : pelures et

trognons de pomme ; 400 g d’eau minérale.

Pour le jus de pomme : 1 kg de pommes

Granny Smith IGP Poma de Girona ; persil.

Pour les médaillons de pomme : 200 g

de jus de rôtissage ; 25 g de sucre ; 4 g de

glucose ; 0,4 g de gomme xanthane.

Pour la gelée de pomme : 175 g de jus

de rôtissage ; 0,6 g d’agar-agar.

Pour le granité de pomme : 200 g de jus

de pomme Granny Smith; 1 demi feuille de

gélatine .

Pour la glace à la pomme : 550 g de

pomme Granny Smith IGP Poma de Girona ;

20 g de dextrose ; 38 g de stabilisateur ;

0,8 g d’acide ascorbique.

Pommes au fourDans un plat, mettre les pommes,la cannelle, le sucre et les 200 gd’eau puis enfourner 30 minutesà 150 ºC. Une fois les pommesrefroidies, égoutter et déglacer le

jus de cuisson avec 400 g d’eau.Réserver le liquide pourl’élaboration des médaillons etde la gelée de pomme. Disposerles pommes entières (avec la peauet les trognons) sur un plateauet garder au chaud.

Purée de pommesPeler les pommes et prélever lestrognons. Réserver les pelures etles trognons pour élaborer le jusde rôtissage.Mettre dans un récipient lespommes épluchées, le sucre etla vanille et cuire 24 minutes aumicro-ondes à pleine puissanceen remuant toutes les 5 minutes.Mixer et passer au chinois.

Sauce du rôtissageDans le plat ayant servi à la cuissondes pommes au four, ajouter l’eauminérale ainsi que les pelures et lestrognons des pommes de la purée.Laisser infuser 30 minutes, filtreret réserver.

Jus de pommeCouper les pommes et passer aumixeur pour obtenir le jus. Nepas oublier de rajouter quelquesbranches de persil au jus obtenuafin qu’il ne s’oxyde pas.

Médaillon de pommeMélanger la sauce de rôtissage avecle sucre et la gomme xanthane etémulsionner. Incorporer le glucosepar la suite.

Variations sur

Gelée de pommeChauffer le jus à 60 ºC etincorporer l’agar-agar sans cesser deremuer au fouet jusqu’à ébullition.

Granité de pommeDissoudre la gélatine dans le jus depomme tiédi puis congeler. Gratterla préparation pour obtenirle granité.

Glace à la pommeBroyer les pommes, le dextrose,le stabilisateur et l’acide ascorbiquedans le thurmix puis congeler.Mixer dans le pacojet.

PrésentationDans une assiette froide, disposezlibrement les différentespréparations selon votre goût.Terminer par la glace.

Temps de préparation3 heures

Vin recommandéPour ce plat, nous ouvrons notreporte aux saveurs du Sud grâce à lafamille Kracher (voir Une délicieuserévolution douce, p. 26) et nous nousdécanterons pour un Botani 2010(DO Sierras de Málaga) des bodegasJorge Ordóñez & Co. Ce vin, 100 %muscat, se marie à la perfection aveccette variation fruitée grâce à sa noteflorale et la justesse de son acidité.Un tourbillon de nuances sensoriellesqui accompagne à merveillela pomme.

(Diversidad en la manzana)

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Page 84: Spain Gourmetour No. 73 (French)

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82 SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2011 SPAIN GOURMETOUR SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2011 SPAIN GOURMETOURR 83

Sincère, honnête, goûteuse, créative et surprenante,telle est la cuisine que développe Paco Pérez dont lamaxime est : « Il faut faire ce en quoi l’on croit vraimentet ne pas aller à l’encontre de ses idées. » Cuisinierrécompensé par trois étoiles au Michelin, deux pour leMiramar, à Llançá (Gérone, Est de l’Espagne), sonrestaurant porte-drapeau, et une pour Enoteca, situédans l’hôtel Arts de Barcelone. D’apparence sereine, cechef actif gère aussi le restaurant de l’hôtel Mirror, àBarcelone, et se prépare à faire le grand saut jusqu’àBerlin, la capitale allemande, où il va ouvrir le restaurantFive by Paco Pérez.

Honnêteté

CRÉATIVE

TexteAlmudena Muyo/©ICEX

PacoPérez Traduction

Françoise Chuffart/©ICEXPhotosTomás Zarza etToya Legido/©ICEX

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Page 85: Spain Gourmetour No. 73 (French)

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82 SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2011 SPAIN GOURMETOUR SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2011 SPAIN GOURMETOURR 83

Sincère, honnête, goûteuse, créative et surprenante,telle est la cuisine que développe Paco Pérez dont lamaxime est : « Il faut faire ce en quoi l’on croit vraimentet ne pas aller à l’encontre de ses idées. » Cuisinierrécompensé par trois étoiles au Michelin, deux pour leMiramar, à Llançá (Gérone, Est de l’Espagne), sonrestaurant porte-drapeau, et une pour Enoteca, situédans l’hôtel Arts de Barcelone. D’apparence sereine, cechef actif gère aussi le restaurant de l’hôtel Mirror, àBarcelone, et se prépare à faire le grand saut jusqu’àBerlin, la capitale allemande, où il va ouvrir le restaurantFive by Paco Pérez.

Honnêteté

CRÉATIVE

TexteAlmudena Muyo/©ICEX

PacoPérez Traduction

Françoise Chuffart/©ICEXPhotosTomás Zarza etToya Legido/©ICEX

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PORTRAIT

84 85

d’accord sur tout, il est possible quetout ne soit pas parfait maisactuellement c’est notre situation,et je sais qu’elle finira bien par changerpuisque, pour moi, le plus importantest d’être près des personnes quej’aime. En outre, pour maintenir unespace comme le Miramar, il estimportant de ne pas s’y enfermeret de se rendre visible. »L’organisation n’est pas simple : MontseSerra, sa femme, passe la semaine àBarcelone, à l’Enoteca de l’hôtel Artsoù travaille également leur fille aînée ;Paco descend le lundi, jour defermeture du Miramar, et rentre àLlançá le mardi, le jour où les produitsarrivent car, comme me l’explique sonéquipe, c’est lui qui s’occupe des

achats : « Personne ne connaît lepoisson aussi bien que lui, il aimetoucher, sentir ce qu’il achète. » Et, lemercredi, il repart pour Barcelone, auMirror, ou il reste un ou deux joursselon les besoins puis il regagne Llançáet y reste jusqu’à la fin de la semaine.La question est inéluctable : commentcombiner un agenda aussi rempli etl’ouverture du restaurant de Berlin ?Paco a pensé à tout : « Je suis à deuxheures d’avion, souvent je mets pluslongtemps à arriver à Barcelone envoiture, et je pense que, lorsque toutmarchera bien, je ferai une échappée àBerlin une fois par mois, le dimanche,après la fermeture du Miramar (aprèsle déjeuner), et j’y passerai la fin del’après-midi et le lundi ; et si tout va

bien et que ma présence n’est pas

indispensable, je serai en contact

permanent par téléphone avec l’équipe

de Berlin. Et s’il faut que j’y aille, il

faudra qu’on s’organise pour que ce

soit possible. Ce qui est important

ce sont les équipes, que tout le monde

soit content et se sente bien dans

ce qu’il fait, c’est ce sur quoi nous

travaillons en permanence. » Et ce

sont ses équipes sur lesquelles il

compte pour pouvoir récupérer une vie

de famille.

Entre les fourneauxPaco dirige les équipes mais il cuisine

aussi car, comme il le répète, « je suis

cuisinier et je cuisine tous les jours ».

PACO PÉREZ

La tramontane, l’éternelle tramontane !Ce terrible vent souffle toujours avec lamême vigueur lorsque je m’approchede la côte de l’Empordan, ce quim’arrive au moins deux fois par an. Telun aimant, à l’occasion de ma venue àl’hôtel-restaurant Miramar de Llançádans le but de découvrir les clés dela cuisine de Paco Pérez, le vent nepouvait manquer au rendez-vous etil finit toujours par m’envoûter. Lavigueur et la ténacité que déploie cevent de terre sur les eaux tourmentéesde ce coin de la Méditerranée contrasteavec l’affabilité de Paco Pérez, uncuisinier self-made man, discret, éloignédu cercle médiatique des congrès etautres mondanités. Assis à la terrassecouverte du restaurant, face à la mer,

nous bavardons à propos des vingtans qu’il a consacrés à un projetgastronomique, celui du restaurantMiramar, de son activité de conseilauprès des restaurants situés dansdeux hôtels de Barcelone — l’Arts(avec Enoteca), et le Mirror — et destrois étoiles que lui a attribuées leMichelin, deux pour le Miramar et unepour Enoteca. Et, comme s’il s’agissaitd’un coup de mer, nous parlons ausside son projet international à Berlin,avec ce restaurant Five by Paco Pérezsitué encore dans un hôtel cinq étoiles,le Das Stue.L’objectif de tout ce mouvement estdouble : « Conserver la vivacité duMiramar qui est l’essentiel de tout leprojet, l’endroit où je réussis à exercer

pleinement la partie créative de montravail, là où me vient l’inspiration. Etde façon parallèle et intimement liée,essayer que toute l’équipe qui travailleavec moi depuis tant d’années auMiramar se sente plus à l’aise et puissese reposer un peu plus et avoir une viede famille. » Un surcroît de vie defamille qu’il a gagné pour son équipemais au détriment de sa proprefamille, son talisman : « Pour lemoment, je n’ai presque pas de viede famille, alors qu’il y a deux ans jeprenais pratiquement tous les matinsmon petit déjeuner avec ma femme,Montse, et nous passions une grandepartie de la journée ensemble. Je suisconscient de la situation et je sais quebien que nous soyons pratiquement

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PORTRAIT

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d’accord sur tout, il est possible quetout ne soit pas parfait maisactuellement c’est notre situation,et je sais qu’elle finira bien par changerpuisque, pour moi, le plus importantest d’être près des personnes quej’aime. En outre, pour maintenir unespace comme le Miramar, il estimportant de ne pas s’y enfermeret de se rendre visible. »L’organisation n’est pas simple : MontseSerra, sa femme, passe la semaine àBarcelone, à l’Enoteca de l’hôtel Artsoù travaille également leur fille aînée ;Paco descend le lundi, jour defermeture du Miramar, et rentre àLlançá le mardi, le jour où les produitsarrivent car, comme me l’explique sonéquipe, c’est lui qui s’occupe des

achats : « Personne ne connaît lepoisson aussi bien que lui, il aimetoucher, sentir ce qu’il achète. » Et, lemercredi, il repart pour Barcelone, auMirror, ou il reste un ou deux joursselon les besoins puis il regagne Llançáet y reste jusqu’à la fin de la semaine.La question est inéluctable : commentcombiner un agenda aussi rempli etl’ouverture du restaurant de Berlin ?Paco a pensé à tout : « Je suis à deuxheures d’avion, souvent je mets pluslongtemps à arriver à Barcelone envoiture, et je pense que, lorsque toutmarchera bien, je ferai une échappée àBerlin une fois par mois, le dimanche,après la fermeture du Miramar (aprèsle déjeuner), et j’y passerai la fin del’après-midi et le lundi ; et si tout va

bien et que ma présence n’est pas

indispensable, je serai en contact

permanent par téléphone avec l’équipe

de Berlin. Et s’il faut que j’y aille, il

faudra qu’on s’organise pour que ce

soit possible. Ce qui est important

ce sont les équipes, que tout le monde

soit content et se sente bien dans

ce qu’il fait, c’est ce sur quoi nous

travaillons en permanence. » Et ce

sont ses équipes sur lesquelles il

compte pour pouvoir récupérer une vie

de famille.

Entre les fourneauxPaco dirige les équipes mais il cuisine

aussi car, comme il le répète, « je suis

cuisinier et je cuisine tous les jours ».

PACO PÉREZ

La tramontane, l’éternelle tramontane !Ce terrible vent souffle toujours avec lamême vigueur lorsque je m’approchede la côte de l’Empordan, ce quim’arrive au moins deux fois par an. Telun aimant, à l’occasion de ma venue àl’hôtel-restaurant Miramar de Llançádans le but de découvrir les clés dela cuisine de Paco Pérez, le vent nepouvait manquer au rendez-vous etil finit toujours par m’envoûter. Lavigueur et la ténacité que déploie cevent de terre sur les eaux tourmentéesde ce coin de la Méditerranée contrasteavec l’affabilité de Paco Pérez, uncuisinier self-made man, discret, éloignédu cercle médiatique des congrès etautres mondanités. Assis à la terrassecouverte du restaurant, face à la mer,

nous bavardons à propos des vingtans qu’il a consacrés à un projetgastronomique, celui du restaurantMiramar, de son activité de conseilauprès des restaurants situés dansdeux hôtels de Barcelone — l’Arts(avec Enoteca), et le Mirror — et destrois étoiles que lui a attribuées leMichelin, deux pour le Miramar et unepour Enoteca. Et, comme s’il s’agissaitd’un coup de mer, nous parlons ausside son projet international à Berlin,avec ce restaurant Five by Paco Pérezsitué encore dans un hôtel cinq étoiles,le Das Stue.L’objectif de tout ce mouvement estdouble : « Conserver la vivacité duMiramar qui est l’essentiel de tout leprojet, l’endroit où je réussis à exercer

pleinement la partie créative de montravail, là où me vient l’inspiration. Etde façon parallèle et intimement liée,essayer que toute l’équipe qui travailleavec moi depuis tant d’années auMiramar se sente plus à l’aise et puissese reposer un peu plus et avoir une viede famille. » Un surcroît de vie defamille qu’il a gagné pour son équipemais au détriment de sa proprefamille, son talisman : « Pour lemoment, je n’ai presque pas de viede famille, alors qu’il y a deux ans jeprenais pratiquement tous les matinsmon petit déjeuner avec ma femme,Montse, et nous passions une grandepartie de la journée ensemble. Je suisconscient de la situation et je sais quebien que nous soyons pratiquement

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pour permettre à la lumière dela mer d’y pénétrer.Et, avec une « cuisine sincère,honnête, goûteuse, créative et, selonmoi, assez surprenante », ils furentrécompensés en 2006 par unepremière étoile au Michelin. « Cettepremière étoile apporta deschangements en termes d’affluence dupublic, mais la véritable convulsion seproduisit en 2009, lorsque nous futaccordée la première étoile au Michelinpour Enoteca et, l’année dernière, ladeuxième du Miramar. Le rythmede travail s’est intensifié mais ce quinous encourage c’est que nos clientscontinuent à venir avec la mêmeassiduité et que de nouveaux clientsviennent nous découvrir. »

Berlin, une halteen cheminEt c’est au cours de ces annéesd’agitation que commença à naître leprojet de Berlin, d’un style semblableà celui des hôtels de charme où l’ona envie de rester tellement on se sentbien. « Un client et ami, propriétairede l’hôtel Das Stue, né après laréhabilitation de l’ancien édifice del’ambassade du Danemark, me proposeil y a trois ans de m’occuper de l’offregastronomique de cet hôtel cinqétoiles. Au début, je lui ai réponduque je vivais très loin, que le projetm’échappait un peu, mais il a insisté et

m’a proposé de venir voir sans aucunengagement. Je vis qu’il s’agissait d’uneconstruction allemande typiqued’avant la Seconde Guerre mondiale,très robuste, mais ce qui attira monattention, c’est que sur la façade étaitindiquée l’année de sa construction,1939, curieusement la même annéeque le Miramar. Devant ce hasard etl’insistance de mon ami, je me suis dit :Pourquoi pas ? Il y a un moment dansla vie d’un cuisinier où il faut aller del’avant, comme le fit Ferran, et jedécidai de promouvoir la gastronomieet les produits espagnols enAllemagne. »L’hôtel Das Stue fait partie de la chaîneespagnole Whim Hotels et les plansoriginaux de ce qui fut l’ancienneambassade du Danemark ont étésignés par Johann Emil Schaudt, lefameux architecte des grands magasinsberlinois KaDeWe. Situé dans lequartier du Tiergarten, à côté du siègeactuel de l’ambassade d’Espagne, lapréinauguration aura lieu en octobreprochain et il ouvrira officiellementses portes en décembre : « J’assisteraià ces deux événements et, profitant dela fermeture du Miramar en janvier etfévrier 2012, je me consacrerai au Fiveby Paco Pérez pendant ces deux moispour que la machinerie soitparfaitement au point. »Quel sera le concept gastronomique decet espace berlinois ? « Berlin sera uneextension du Miramar, avec la même

cuisine. J’envisage d’offrir la carte duMiramar de l’année précédente, desplats que nous connaissons bien, pourlesquels tout le travail est fait, et quel’on pourra développer à Berlin danstoute leur plénitude. » Pacom’explique qu’il y a déjà suffisammentde concepts en cours : à l’Enoteca,on recherche une cuisine sansexcentricités, respectant beaucouples temps de cuisson, avec despréparations très simples, où mer etmontagne, riz et fruits de mer sontles personnages centraux. La cuisinedu Mirror est une cuisine urbaine,avec des plats très accomplis, offertsdans un espace moderne, avec laMéditerranée comme toile de fond.Réellement, tant de formulesdifférentes impliquent un grand effortde créativité.Ainsi, à Berlin, le chef jouera la cartede l’évolution, une carte pleine delumière, de soleil, de Méditerranée.Paco a été prévenu, entre autres parson ami Ferran, que Berlin est uneville un tantinet traditionnelle dans ledomaine de la gastronomie. Mais Pacoest convaincu que la fraîcheur de sesproduits — les espardenya ouconcombres de mer (Stichopus regalis),les petits pois de Llabaneras, le jambonIbérico, huitres ou couteaux, et sesmenus créatifs — se marierontparfaitement avec cette villeconsidérée comme l’une des plusavant-gardistes d’Europe.

PORTRAIT

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Une passion qui lui vient de l’enfance,quand avant de terminer ses étudesprimaires, son grand plaisir était dese faufiler dans la cuisine, d’observer etd’essayer de faire ce qu’il voyait faire.Plus tard, donnant libre cours à savocation, il travailla dans un petitbar à tapas dont sa famille étaitpropriétaire, d’abord en salle puis encuisine : « Je considère fondamentalel’expérience de la salle, c’est le contactdirect avec la clientèle. Soncomportement devant les différentessaveurs et odeurs apporte uneinformation à laquelle on n’a pasaccès depuis la cuisine. »Une fois ses études terminées,il se plonge dans le monde de lagastronomie et effectue en France,chez Michel Guérard (l’un des pèresde la nouvelle cuisine), plusieursstages qu’il doit interrompre pourfaire son service militaire en Espagne.Et l’interruption, qui devait êtretemporaire, devient définitive quandMontse entre dans sa vie. « Je faisaisla mili (service militaire) à Madrid

lorsqu’un ami m’a dit que ses parentsqui géraient un petit hostal devant laplage de Llançà, avaient besoin dequelqu’un pour la Semaine Sainte, etj’ai décidé de leur donner un coup demain et d’y passer mes vacances. » Etil y est resté. L’idée était de revenir enFrance pour continuer sa formationmais le cœur l’emporta et il resta avecMontse, la sœur de l’ami qui lui avaitfait connaître le Miramar. Il ne cesserapourtant jamais de se former. C’estd’ailleurs à cette époque qu’il contactaFerran Adrià ; ce fut à elBulli qu’iltrouva le sens de sa cuisine, « unecuisine que l’on voit, que l’on sent, quel’on respire, que l’on mange, que l’ondéguste, qui vous émeut et dont on sesouvient », dit Paco. Nombreux sontceux qui le considèrent comme uncuisinier bulliniano. Ce qui est pourlui une flatterie, « pour moi, êtrebulliniano, un cuisinier d’elbulli,c’est être constant, créatif, humble ettravailleur, et c’est bien le meilleuréloge que l’on puisse me faire ».À cette époque-là, le Miramar n’était

en réalité qu’une fonda (une auberge)devant la plage ; il avait peu évoluédepuis sa fondation en 1939 et Julia,la grand-mère, louait sa chambre etdormait sur la plage, même sil’établissement s’était développé.À un moment donné, Paco et Montsedécident de prendre en charge cethôtel-restaurant, « mais nous n’avonspas eu de chance et mon beau-pèremourut en 1997. Le pari était risqué,nous voulions faire un espacegastronomique ; nous avons doncdécidé de faire des travaux dans lacuisine et d’ouvrir toute l’année. Ilpense que Llançà n’est sur le chemind’aucun endroit connu, c’est unedestination en elle-même. Il s’agitd’une petite ville de 4 000 habitantstrès marquée par les saisons, avecun hiver très long et un été très court.Paco évoque cette période où, endépit des contraintes naturelles, ilsdéfendirent leur différence etconservèrent les six chambres avecvue sur la mer, ouvrirent un restaurantsur le paseo et agrandirent la cuisine

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pour permettre à la lumière dela mer d’y pénétrer.Et, avec une « cuisine sincère,honnête, goûteuse, créative et, selonmoi, assez surprenante », ils furentrécompensés en 2006 par unepremière étoile au Michelin. « Cettepremière étoile apporta deschangements en termes d’affluence dupublic, mais la véritable convulsion seproduisit en 2009, lorsque nous futaccordée la première étoile au Michelinpour Enoteca et, l’année dernière, ladeuxième du Miramar. Le rythmede travail s’est intensifié mais ce quinous encourage c’est que nos clientscontinuent à venir avec la mêmeassiduité et que de nouveaux clientsviennent nous découvrir. »

Berlin, une halteen cheminEt c’est au cours de ces annéesd’agitation que commença à naître leprojet de Berlin, d’un style semblableà celui des hôtels de charme où l’ona envie de rester tellement on se sentbien. « Un client et ami, propriétairede l’hôtel Das Stue, né après laréhabilitation de l’ancien édifice del’ambassade du Danemark, me proposeil y a trois ans de m’occuper de l’offregastronomique de cet hôtel cinqétoiles. Au début, je lui ai réponduque je vivais très loin, que le projetm’échappait un peu, mais il a insisté et

m’a proposé de venir voir sans aucunengagement. Je vis qu’il s’agissait d’uneconstruction allemande typiqued’avant la Seconde Guerre mondiale,très robuste, mais ce qui attira monattention, c’est que sur la façade étaitindiquée l’année de sa construction,1939, curieusement la même annéeque le Miramar. Devant ce hasard etl’insistance de mon ami, je me suis dit :Pourquoi pas ? Il y a un moment dansla vie d’un cuisinier où il faut aller del’avant, comme le fit Ferran, et jedécidai de promouvoir la gastronomieet les produits espagnols enAllemagne. »L’hôtel Das Stue fait partie de la chaîneespagnole Whim Hotels et les plansoriginaux de ce qui fut l’ancienneambassade du Danemark ont étésignés par Johann Emil Schaudt, lefameux architecte des grands magasinsberlinois KaDeWe. Situé dans lequartier du Tiergarten, à côté du siègeactuel de l’ambassade d’Espagne, lapréinauguration aura lieu en octobreprochain et il ouvrira officiellementses portes en décembre : « J’assisteraià ces deux événements et, profitant dela fermeture du Miramar en janvier etfévrier 2012, je me consacrerai au Fiveby Paco Pérez pendant ces deux moispour que la machinerie soitparfaitement au point. »Quel sera le concept gastronomique decet espace berlinois ? « Berlin sera uneextension du Miramar, avec la même

cuisine. J’envisage d’offrir la carte duMiramar de l’année précédente, desplats que nous connaissons bien, pourlesquels tout le travail est fait, et quel’on pourra développer à Berlin danstoute leur plénitude. » Pacom’explique qu’il y a déjà suffisammentde concepts en cours : à l’Enoteca,on recherche une cuisine sansexcentricités, respectant beaucouples temps de cuisson, avec despréparations très simples, où mer etmontagne, riz et fruits de mer sontles personnages centraux. La cuisinedu Mirror est une cuisine urbaine,avec des plats très accomplis, offertsdans un espace moderne, avec laMéditerranée comme toile de fond.Réellement, tant de formulesdifférentes impliquent un grand effortde créativité.Ainsi, à Berlin, le chef jouera la cartede l’évolution, une carte pleine delumière, de soleil, de Méditerranée.Paco a été prévenu, entre autres parson ami Ferran, que Berlin est uneville un tantinet traditionnelle dans ledomaine de la gastronomie. Mais Pacoest convaincu que la fraîcheur de sesproduits — les espardenya ouconcombres de mer (Stichopus regalis),les petits pois de Llabaneras, le jambonIbérico, huitres ou couteaux, et sesmenus créatifs — se marierontparfaitement avec cette villeconsidérée comme l’une des plusavant-gardistes d’Europe.

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Une passion qui lui vient de l’enfance,quand avant de terminer ses étudesprimaires, son grand plaisir était dese faufiler dans la cuisine, d’observer etd’essayer de faire ce qu’il voyait faire.Plus tard, donnant libre cours à savocation, il travailla dans un petitbar à tapas dont sa famille étaitpropriétaire, d’abord en salle puis encuisine : « Je considère fondamentalel’expérience de la salle, c’est le contactdirect avec la clientèle. Soncomportement devant les différentessaveurs et odeurs apporte uneinformation à laquelle on n’a pasaccès depuis la cuisine. »Une fois ses études terminées,il se plonge dans le monde de lagastronomie et effectue en France,chez Michel Guérard (l’un des pèresde la nouvelle cuisine), plusieursstages qu’il doit interrompre pourfaire son service militaire en Espagne.Et l’interruption, qui devait êtretemporaire, devient définitive quandMontse entre dans sa vie. « Je faisaisla mili (service militaire) à Madrid

lorsqu’un ami m’a dit que ses parentsqui géraient un petit hostal devant laplage de Llançà, avaient besoin dequelqu’un pour la Semaine Sainte, etj’ai décidé de leur donner un coup demain et d’y passer mes vacances. » Etil y est resté. L’idée était de revenir enFrance pour continuer sa formationmais le cœur l’emporta et il resta avecMontse, la sœur de l’ami qui lui avaitfait connaître le Miramar. Il ne cesserapourtant jamais de se former. C’estd’ailleurs à cette époque qu’il contactaFerran Adrià ; ce fut à elBulli qu’iltrouva le sens de sa cuisine, « unecuisine que l’on voit, que l’on sent, quel’on respire, que l’on mange, que l’ondéguste, qui vous émeut et dont on sesouvient », dit Paco. Nombreux sontceux qui le considèrent comme uncuisinier bulliniano. Ce qui est pourlui une flatterie, « pour moi, êtrebulliniano, un cuisinier d’elbulli,c’est être constant, créatif, humble ettravailleur, et c’est bien le meilleuréloge que l’on puisse me faire ».À cette époque-là, le Miramar n’était

en réalité qu’une fonda (une auberge)devant la plage ; il avait peu évoluédepuis sa fondation en 1939 et Julia,la grand-mère, louait sa chambre etdormait sur la plage, même sil’établissement s’était développé.À un moment donné, Paco et Montsedécident de prendre en charge cethôtel-restaurant, « mais nous n’avonspas eu de chance et mon beau-pèremourut en 1997. Le pari était risqué,nous voulions faire un espacegastronomique ; nous avons doncdécidé de faire des travaux dans lacuisine et d’ouvrir toute l’année. Ilpense que Llançà n’est sur le chemind’aucun endroit connu, c’est unedestination en elle-même. Il s’agitd’une petite ville de 4 000 habitantstrès marquée par les saisons, avecun hiver très long et un été très court.Paco évoque cette période où, endépit des contraintes naturelles, ilsdéfendirent leur différence etconservèrent les six chambres avecvue sur la mer, ouvrirent un restaurantsur le paseo et agrandirent la cuisine

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à Cadaqués (Gérone). Cela expliquemaintenant la tache bleue, figurant leprofil de la côte, qui apparaît sur tousles tableaux, plus ou moins intégréeen fonction de la création de l’artiste.Des peintres illustres ont laissé ici leursignature, comme les catalans AntoniPitxot, ami de Dalí, et Carlos Pazos,prix national des Arts plastiques 2004 ;le Japonais Koyama ; ou l’UruguayenIgnacio Iturria. Ce dernier signeégalement les grandes huiles desdifférentes salles qui composent lerestaurant. Ce n’est pas la première foisque j’observe un tel lien entre les artsplastiques et les grands cuisiniers.Est-ce un hasard ? En fin de compte,ces domaines font l’un et l’autre unlarge appel à la créativité.

Almudena Muyo a travaillé pendantdouze ans comme journaliste spécialiséedans le commerce international et estactuellement coordinatrice de la revueSpain Gourmetour.

RESTAURANTE MIRAMARPasseig Marítim, 717490 - Llançà (Gérone)Tél. : 00 34 972 380 [email protected]

RESTAURANTE ENOTECAHotel Arts BarcelonaMarina, 19-21, BarceloneTél. : 00 34 932 211 000www.hotelartsbarcelona.com/sub/20/32/es/restaurantes-enoteca

RESTAURANTE THE MIRRORThe Mirror BarcelonaCórcega, 255, BarceloneTel. : 00 34 932 028 [email protected]/restaurante.php

que les convives ne comprendrontpas ou en préparer un très simple quiplaira beaucoup. » La magie est là etaussi l’art du cuisinier : une bonneconnexion avec les émotionsdes convives.Les algues accaparent à présent toutel’attention et l’expérimentation de Paco,« nous étudions actuellement les alguesd’Antonio Muiños (Spain Gourmetour,nº 62), et nous avons déjà réussi un gelnaturel d’algues que nous préparonsessentiellement à partir du kombu(Laminaria saccharina) ; ce gel a l’aspectd’une gélatine et nous l’utilisons déjà.Le kombu est une algue brune qui sentfortement la mer et a une fragrancepénétrante qui n’est pas sans rappelerl’olive mûre, l’herbe fraîchementcoupée, le fenouil et la moutarde,le tout sur un fond d’iode.Je me permettrais presque de direque tout dans le restaurant Miramara un composant de créativité. Uneaffirmation un peu audacieuse maisqui se vérifie quand on observe ladécoration du restaurant. Des tableauxde différentes dimensions décorentla pièce. Les petits tableaux sontsaisissants, ils ont en commun quelquechose que je ne parviens pas àdéchiffrer seule. Je pose doncla question et on me répond queces tableaux ont été peints sur descartes du Miramar. Lorsqu’elles sontdétériorées ou qu’on les remplace,on les donne à des peintres installés

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ÉmotionEn fin de compte, la carte du Miramarest conçue pour émouvoir : uneproposition ouverte où la sole ou lalimande de San Pedro sont proposéesaux côtés des tapas les plus avant-gardistes comme l’exquise tenpurad’œuf de caille accompagnée d’unesauce de soja et de saké où toute lapuissance du jaune d’œuf éclate enbouche une fois brisée la fine tenpuraet se confond en une harmonieparfaite, ou encore les couteaux servisdans un bouillon thaï.Paco combine avant-garde et tradition ;par exemple, sur sa carte, outre lemenu dégustation — avant-garde àl’état pur —, le convive peut trouverdes plats où la vedette est le produit,et d’autres où il exprime le plusparfaitement sa technique, commeles espardeñas ibéricas a la brasa(concombres de mer ibériques à labraise), présentées sous une cloche

en verre transparent, qui est soulevéeà la présentation. La brume contenuesous la cloche n’est ni plus ni moins quede la fumée de sarment piégée qui,une fois libérée, enivre d’autant pluslorsque l’on goûte à ces délicieusesespardeñas face à une mer ce jour-làpassablement démontée du faitde la tramontane.Il est indiscutable qu’un tel repasprend le caractère d’une expériencesensorielle fascinante et de grandebeauté, d’un émouvant voyage àtravers les sens. Les múrgulas(Morchella vulgaris), des morilles à lacrème avec une poudre de glace defoie, un classique selon Paco, en sontun exemple très représentatif danslequel le goût puissant de la morille etsa texture incroyable se mêle au froidde la poudre de foie, créant une fusionfabuleuse capable de réveiller toutesles papilles gustatives.En vérité, Paco Pérez est un cuisinierqui applique son solide bagage

technique à une cuisine « synthétique »dans laquelle prédomine la présence dumeilleur produit. Le menu dégustationen est la quintessence, « c’est vraimentla cuisine comme nous la ressentons,et c’est cela qui à mon sens peut êtresource d’émotion. »

Art et gastronomieLe processus de création de ce cuisiniertrouve son origine et son débouchédans le travail mais sans oublier lesmoments propres à la réflexion. « Noustrouvons chaque jour un moment pourla créativité : tout le monde apporte sesidées et, à partir des conclusionsauxquelles nous parvenons, nous nousmettons au travail. Il y a des choses quiviennent toutes seules et d’autres quenous recherchons ; mais il n’y a pas dehasard à la base, il y a beaucoup detravail. » La saisonnalité est l’une de sesréférences, « comme nous connaissonsbien les produits que nous offrentles saisons, nous en étudions lespossibilités et lorsqu’elles se présentent,nous en profitons, nous lesmanipulons, nous les goûtons et yappliquons les résultats de notre effortde réflexion. Parfois, il suffit de deuxéléments pour préparer un platcomplexe car il y a des textures, desgoûts différents et différentes tonalités,en fonction de ce que l’on cherche etde ce que l’on espère du résultat final.On peut faire un plat très complexe

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à Cadaqués (Gérone). Cela expliquemaintenant la tache bleue, figurant leprofil de la côte, qui apparaît sur tousles tableaux, plus ou moins intégréeen fonction de la création de l’artiste.Des peintres illustres ont laissé ici leursignature, comme les catalans AntoniPitxot, ami de Dalí, et Carlos Pazos,prix national des Arts plastiques 2004 ;le Japonais Koyama ; ou l’UruguayenIgnacio Iturria. Ce dernier signeégalement les grandes huiles desdifférentes salles qui composent lerestaurant. Ce n’est pas la première foisque j’observe un tel lien entre les artsplastiques et les grands cuisiniers.Est-ce un hasard ? En fin de compte,ces domaines font l’un et l’autre unlarge appel à la créativité.

Almudena Muyo a travaillé pendantdouze ans comme journaliste spécialiséedans le commerce international et estactuellement coordinatrice de la revueSpain Gourmetour.

RESTAURANTE MIRAMARPasseig Marítim, 717490 - Llançà (Gérone)Tél. : 00 34 972 380 [email protected]

RESTAURANTE ENOTECAHotel Arts BarcelonaMarina, 19-21, BarceloneTél. : 00 34 932 211 000www.hotelartsbarcelona.com/sub/20/32/es/restaurantes-enoteca

RESTAURANTE THE MIRRORThe Mirror BarcelonaCórcega, 255, BarceloneTel. : 00 34 932 028 [email protected]/restaurante.php

que les convives ne comprendrontpas ou en préparer un très simple quiplaira beaucoup. » La magie est là etaussi l’art du cuisinier : une bonneconnexion avec les émotionsdes convives.Les algues accaparent à présent toutel’attention et l’expérimentation de Paco,« nous étudions actuellement les alguesd’Antonio Muiños (Spain Gourmetour,nº 62), et nous avons déjà réussi un gelnaturel d’algues que nous préparonsessentiellement à partir du kombu(Laminaria saccharina) ; ce gel a l’aspectd’une gélatine et nous l’utilisons déjà.Le kombu est une algue brune qui sentfortement la mer et a une fragrancepénétrante qui n’est pas sans rappelerl’olive mûre, l’herbe fraîchementcoupée, le fenouil et la moutarde,le tout sur un fond d’iode.Je me permettrais presque de direque tout dans le restaurant Miramara un composant de créativité. Uneaffirmation un peu audacieuse maisqui se vérifie quand on observe ladécoration du restaurant. Des tableauxde différentes dimensions décorentla pièce. Les petits tableaux sontsaisissants, ils ont en commun quelquechose que je ne parviens pas àdéchiffrer seule. Je pose doncla question et on me répond queces tableaux ont été peints sur descartes du Miramar. Lorsqu’elles sontdétériorées ou qu’on les remplace,on les donne à des peintres installés

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ÉmotionEn fin de compte, la carte du Miramarest conçue pour émouvoir : uneproposition ouverte où la sole ou lalimande de San Pedro sont proposéesaux côtés des tapas les plus avant-gardistes comme l’exquise tenpurad’œuf de caille accompagnée d’unesauce de soja et de saké où toute lapuissance du jaune d’œuf éclate enbouche une fois brisée la fine tenpuraet se confond en une harmonieparfaite, ou encore les couteaux servisdans un bouillon thaï.Paco combine avant-garde et tradition ;par exemple, sur sa carte, outre lemenu dégustation — avant-garde àl’état pur —, le convive peut trouverdes plats où la vedette est le produit,et d’autres où il exprime le plusparfaitement sa technique, commeles espardeñas ibéricas a la brasa(concombres de mer ibériques à labraise), présentées sous une cloche

en verre transparent, qui est soulevéeà la présentation. La brume contenuesous la cloche n’est ni plus ni moins quede la fumée de sarment piégée qui,une fois libérée, enivre d’autant pluslorsque l’on goûte à ces délicieusesespardeñas face à une mer ce jour-làpassablement démontée du faitde la tramontane.Il est indiscutable qu’un tel repasprend le caractère d’une expériencesensorielle fascinante et de grandebeauté, d’un émouvant voyage àtravers les sens. Les múrgulas(Morchella vulgaris), des morilles à lacrème avec une poudre de glace defoie, un classique selon Paco, en sontun exemple très représentatif danslequel le goût puissant de la morille etsa texture incroyable se mêle au froidde la poudre de foie, créant une fusionfabuleuse capable de réveiller toutesles papilles gustatives.En vérité, Paco Pérez est un cuisinierqui applique son solide bagage

technique à une cuisine « synthétique »dans laquelle prédomine la présence dumeilleur produit. Le menu dégustationen est la quintessence, « c’est vraimentla cuisine comme nous la ressentons,et c’est cela qui à mon sens peut êtresource d’émotion. »

Art et gastronomieLe processus de création de ce cuisiniertrouve son origine et son débouchédans le travail mais sans oublier lesmoments propres à la réflexion. « Noustrouvons chaque jour un moment pourla créativité : tout le monde apporte sesidées et, à partir des conclusionsauxquelles nous parvenons, nous nousmettons au travail. Il y a des choses quiviennent toutes seules et d’autres quenous recherchons ; mais il n’y a pas dehasard à la base, il y a beaucoup detravail. » La saisonnalité est l’une de sesréférences, « comme nous connaissonsbien les produits que nous offrentles saisons, nous en étudions lespossibilités et lorsqu’elles se présentent,nous en profitons, nous lesmanipulons, nous les goûtons et yappliquons les résultats de notre effortde réflexion. Parfois, il suffit de deuxéléments pour préparer un platcomplexe car il y a des textures, desgoûts différents et différentes tonalités,en fonction de ce que l’on cherche etde ce que l’on espère du résultat final.On peut faire un plat très complexe

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SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2011 SPAIN GOURMETOUR 9190 SEPTEMBER-DECEMBER 2011 SPAIN GOURMETOUR

Voyagez dans les provinces de l’Ouestde l’Espagne et vous trouverez une terrede prairies vallonnées et de ciel à pertede vue. Il y a des siècles, ce paysmajestueux et indomptable engendrales Conquistadores, ces aventuriersdésespérés d’Estrémadure qui partirentpour le Nouveau Monde en quête degloire et de fortune. De nos jours, cetterégion frontalière du Portugal possèdesa propre source de richesse qui suscitel’intérêt des gourmets du monde entier.Une armée de porcs erre sur despâturages infinis, se gavant de glandsproduits en abondance par des milliersde chênes. Ces animaux sont à l’origined’une importante exportation espagnole :un succulent jambon et un éventaild’autres produits tirés du porc.Une certaine légende s’est développéeautour du jambon espagnol et, parmi lesconnaisseurs, la ville de Guijuelo, dansla province de Salamanque (Castille-et-Léon), a acquis la réputation de produireles plus belles pièces. En fait, alors queles jambons sont séchés ici, les porcsse trouvent essentiellement enEstrémadure. De tous les producteursde jambon, aucun ne jouit d’un plusgrand prestige que l’entreprise familialeJoselito, qui exporte ses produits dans48 pays et a maintenant comme pointde mire la Chine et les Etats-Unis.Les jambons Joselito, qui sont parmiles plus chers du marché, ont reçu leslouanges des plus grands chefs. Selonle cuisinier basque Juan Mari Arzak etla prestigieuse chef Carme Ruscalleda(ses restaurants, l’un près de Barceloneet un autre à Tokyo, comptent un totalde cinq étoiles au Michelin — SpainGourmetour, nº 64), le Joselito est« le meilleur jambon du monde ».

Plus qu’unélevage porcinLors d’une visite récente à Guijuelo,Robert Parker, qui passe pour le critiquele plus influent dans le domaine du vin,a salué les jambons Joselito comme « leplus grand trésor culinaire de l’Espagne

et l’un des meilleurs produits naturelsdu monde ». Quant au célèbre chefFerran Adrià, il n’hésite pas : « Joselitoest toute ma vie. »Quel est donc le secret de ce succès ?Un marketing astucieux, bienévidemment, mais pas seulement. Etune visite au siège de cette entrepriseva nous le révéler.À première vue, la petite ville deGuijuelo, 6 000 habitants, est unlieu plutôt banal. Mais, grâce à soncommerce florissant de produitsporcins, c’est l’une des localités les plusprospères d’Espagne, avec relativementpeu de chômage. Il y a bien une criseéconomique dans d’autres parties del’Espagne, mais pas ici. À 1 000 mètresd’altitude, la ville jouit d’un climat idéalpour le séchage du jambon : glacialen hiver, chaud en été.Il y a ici beaucoup de secaderos, maiscelui de Joselito possède certainementl’entrée la plus impressionnante avecson imposante façade ultra-moderned’acier, de verre et de poutres de bois.Entrez et vous découvrirez que lebusiness du jambon ne consiste passeulement à élever des porcs et àsuspendre leur chair pour la fairesécher pendant quelques mois.Juan José Gómez est le président deJoselito. Il appartient à la quatrièmegénération d’une famille dont l’activitéremonte à la fin du XIXe siècle. Lepalais sophistiqué de José s’est formé

tout au long des trente années durantlesquelles il a travaillé dans l’entreprisefamiliale où il débuta à l’âge de 15 ans.Son enthousiasme pour ses produitsest sans égal.« Le goût de notre jambon est vraimentquelque chose de spécial », affirme-t-il.« Ce goût peut rester en bouche deuxheures et il est différent du goûtd’autres produits fins. J’aime le caviarmais je m’en lasse et il en va de mêmepour les truffes. Mais le jambon, je nem’en lasse jamais. »Tandis que son frère Juan Luis s’occupeessentiellement de la reproduction etde l’élevage des nombreux troupeauxde l’entreprise, José est un infatigableglobe-trotter pour la promotiondes qualités de leurs produits.« Nous n’avons rien inventé », insisteJosé. « Les méthodes de séchageremontent à l’époque des Romains.Nous suivons une longue tradition,mais jusque récemment personne n’avaitréellement étudié pourquoi tel jambonse révélait en fin de compte meilleurqu’un autre. À présent, nous avons dupersonnel de laboratoire qui analyse nosproduits et nos méthodes afin que nouspuissions les améliorer. »

Nature et rechercheLes cerdos ibéricos de bellota Joselitoparcourent plus de 100 000 hectaresde dehesa (voir « Le cœur du chêne »,p. 50), en grande partie propriété del’entreprise Joselito, le reste en location,dans les régions d’Estrémadure etd’Andalousie, dans la province deSalamanque, et au Portugal. Dans lecadre d’un plan de reboisement sur30 ans, la société plante chaque année de70 000 à 80 000 arbres, principalementdes chênes verts (Quercus ilex) et deschênes-lièges (Quercus suber). Les effortsde Joselito ont été récompensés cetteannée par un certificat de gestion de laForest Stewardship Council (FSC),l’organisation non-gouvernementale quifavorise une gestion responsable desforêts au niveau international. C’est la

PRESTIGEUne question de

Les gourmets l'adorent. Les restaurateurs en chantent les louanges. Le jambonséché de porc Ibérico vivant en liberté et nourri de glands a toujours été appréciéen Espagne. Mais il prend maintenant ses marques dans le monde entier. Uneentreprise se distingue par la qualité de ses produits. Elle est située à l’ouest dupays là où les pâturages parsemés de chênes s'étendent à perte de vue.

TEXTEDAVID BAIRD/©ICEX

PHOTOSJOSELITO

TRADUCTIONFRANÇOISE CHUFFART/©ICEX

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Voyagez dans les provinces de l’Ouestde l’Espagne et vous trouverez une terrede prairies vallonnées et de ciel à pertede vue. Il y a des siècles, ce paysmajestueux et indomptable engendrales Conquistadores, ces aventuriersdésespérés d’Estrémadure qui partirentpour le Nouveau Monde en quête degloire et de fortune. De nos jours, cetterégion frontalière du Portugal possèdesa propre source de richesse qui suscitel’intérêt des gourmets du monde entier.Une armée de porcs erre sur despâturages infinis, se gavant de glandsproduits en abondance par des milliersde chênes. Ces animaux sont à l’origined’une importante exportation espagnole :un succulent jambon et un éventaild’autres produits tirés du porc.Une certaine légende s’est développéeautour du jambon espagnol et, parmi lesconnaisseurs, la ville de Guijuelo, dansla province de Salamanque (Castille-et-Léon), a acquis la réputation de produireles plus belles pièces. En fait, alors queles jambons sont séchés ici, les porcsse trouvent essentiellement enEstrémadure. De tous les producteursde jambon, aucun ne jouit d’un plusgrand prestige que l’entreprise familialeJoselito, qui exporte ses produits dans48 pays et a maintenant comme pointde mire la Chine et les Etats-Unis.Les jambons Joselito, qui sont parmiles plus chers du marché, ont reçu leslouanges des plus grands chefs. Selonle cuisinier basque Juan Mari Arzak etla prestigieuse chef Carme Ruscalleda(ses restaurants, l’un près de Barceloneet un autre à Tokyo, comptent un totalde cinq étoiles au Michelin — SpainGourmetour, nº 64), le Joselito est« le meilleur jambon du monde ».

Plus qu’unélevage porcinLors d’une visite récente à Guijuelo,Robert Parker, qui passe pour le critiquele plus influent dans le domaine du vin,a salué les jambons Joselito comme « leplus grand trésor culinaire de l’Espagne

et l’un des meilleurs produits naturelsdu monde ». Quant au célèbre chefFerran Adrià, il n’hésite pas : « Joselitoest toute ma vie. »Quel est donc le secret de ce succès ?Un marketing astucieux, bienévidemment, mais pas seulement. Etune visite au siège de cette entrepriseva nous le révéler.À première vue, la petite ville deGuijuelo, 6 000 habitants, est unlieu plutôt banal. Mais, grâce à soncommerce florissant de produitsporcins, c’est l’une des localités les plusprospères d’Espagne, avec relativementpeu de chômage. Il y a bien une criseéconomique dans d’autres parties del’Espagne, mais pas ici. À 1 000 mètresd’altitude, la ville jouit d’un climat idéalpour le séchage du jambon : glacialen hiver, chaud en été.Il y a ici beaucoup de secaderos, maiscelui de Joselito possède certainementl’entrée la plus impressionnante avecson imposante façade ultra-moderned’acier, de verre et de poutres de bois.Entrez et vous découvrirez que lebusiness du jambon ne consiste passeulement à élever des porcs et àsuspendre leur chair pour la fairesécher pendant quelques mois.Juan José Gómez est le président deJoselito. Il appartient à la quatrièmegénération d’une famille dont l’activitéremonte à la fin du XIXe siècle. Lepalais sophistiqué de José s’est formé

tout au long des trente années durantlesquelles il a travaillé dans l’entreprisefamiliale où il débuta à l’âge de 15 ans.Son enthousiasme pour ses produitsest sans égal.« Le goût de notre jambon est vraimentquelque chose de spécial », affirme-t-il.« Ce goût peut rester en bouche deuxheures et il est différent du goûtd’autres produits fins. J’aime le caviarmais je m’en lasse et il en va de mêmepour les truffes. Mais le jambon, je nem’en lasse jamais. »Tandis que son frère Juan Luis s’occupeessentiellement de la reproduction etde l’élevage des nombreux troupeauxde l’entreprise, José est un infatigableglobe-trotter pour la promotiondes qualités de leurs produits.« Nous n’avons rien inventé », insisteJosé. « Les méthodes de séchageremontent à l’époque des Romains.Nous suivons une longue tradition,mais jusque récemment personne n’avaitréellement étudié pourquoi tel jambonse révélait en fin de compte meilleurqu’un autre. À présent, nous avons dupersonnel de laboratoire qui analyse nosproduits et nos méthodes afin que nouspuissions les améliorer. »

Nature et rechercheLes cerdos ibéricos de bellota Joselitoparcourent plus de 100 000 hectaresde dehesa (voir « Le cœur du chêne »,p. 50), en grande partie propriété del’entreprise Joselito, le reste en location,dans les régions d’Estrémadure etd’Andalousie, dans la province deSalamanque, et au Portugal. Dans lecadre d’un plan de reboisement sur30 ans, la société plante chaque année de70 000 à 80 000 arbres, principalementdes chênes verts (Quercus ilex) et deschênes-lièges (Quercus suber). Les effortsde Joselito ont été récompensés cetteannée par un certificat de gestion de laForest Stewardship Council (FSC),l’organisation non-gouvernementale quifavorise une gestion responsable desforêts au niveau international. C’est la

PRESTIGEUne question de

Les gourmets l'adorent. Les restaurateurs en chantent les louanges. Le jambonséché de porc Ibérico vivant en liberté et nourri de glands a toujours été appréciéen Espagne. Mais il prend maintenant ses marques dans le monde entier. Uneentreprise se distingue par la qualité de ses produits. Elle est située à l’ouest dupays là où les pâturages parsemés de chênes s'étendent à perte de vue.

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TRADUCTIONFRANÇOISE CHUFFART/©ICEX

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ENTREPRISES

le plus fort marché à l’international. LaGrande Bretagne est le plus ancienet le premier client, mais l’Allemagne,l’Italie, la France et la Scandinavie nesont pas loin derrière tandis que l’Asie,l’Australie et l’Amérique latineprennent de plus en plusd’importance. Récemment, la Russieest entrée sur scène. « Ils ont très bienaccueilli nos produits et nous sommestrès satisfaits des progrès réaliséslà-bas », affirme la société.Joselito se prépare à affronter un défiparticulièrement difficile : exporteraux États-Unis. Un certain nombred’aficionados de ce pays adorent lejambon espagnol, mais il n’arrive surce marché qu’en petite quantitéet il est peu connu du publicétatsunien en général.Le premier obstacle, l’obtentionofficielle de la licence permettantd’importer du porc espagnol, exigeque les installations de Guijuelo soientinspectées afin de pouvoir être certifiéesconformes aux normes sanitairesétatsuniennes. Cela ne devrait poseraucun problème à Joselito, mais le plusgrand défi consiste à réussir à ce quele jambon espagnol devienne aussifamilier aux consommateurs de cepays que le prosciutto italien. Le jambonitalien est aussi bien installé auxÉtats-Unis que l’huile d’olive italienne ;c’est donc une question desensibilisation.« Le lobby italien est très puissant auxÉtats-Unis mais nous travaillons poury positionner notre produit », dit José.Ensuite, il y a la Chine, potentiellementle plus grand marché du monde.Environ 100 millions deconsommateurs chinois ont un hautpouvoir d’achat et d’ici 2015, ils serontprobablement 300 millions à avoir lemême pouvoir d’achat que la moyenneeuropéenne. Cependant, comme JoséGómez le sait parfaitement, cettenouvelle superpuissance présente desdifficultés particulières.

« Nous avons déjà reçu la visite desservices d’inspection sanitaires et leuravons montré nos produits sur place »,ajoute-t-il. « Nos jambons sontappréciés par une grande partie del’élite. Les Chinois aiment les petitsplats comme les tapas et ils adorentle porc. Être capable d’acheter etde consommer un produit commenotre meilleur jambon est unequestion de prestige.« J’ai visité la Chine sept fois et je vais yretourner cette année. C’est une affairequi prendra de 15 à 20 ans pour quenos jambons y soient largement connus.Mais nous devons tout d’abord êtrecertains de choisir le bon importateuret le bon distributeur. »L’Espagne exporte chaque annéeenviron 20 000 tonnes de jambon séchéet de palette de toutes les races, ce quireprésente des chiffres de vente de plusde 170 millions d’euros. Seulement10 % du jambon cru espagnol vient dela race ibérique mais c’est ce produit quiétablit la norme et renforce le prestigedu pays sur les marchés étrangers.Selon Ferran Adrià : « Des jambonscomme ceux de Joselito sont le porte-drapeau d’un secteur dont le mondeentier peut profiter. »

David Baird est né en Angleterre et atravaillé pour des journaux et desmagazines du Royaume-Uni, du Canada,de l’Australie et de Hong Kong. Il estinstallé en Espagne depuis les annéessoixante-dix et a couvert le pays, avecses articles et ses photos, pour diversmedias internationaux. Il a reçu deuxfois le prix décerné en Espagne auxécrivains voyageurs et il a aussi publiéun certain nombre d’ouvragesd’information et de fiction.

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première fois qu’une entreprise de cegenre a été sélectionnée.Un aspect essentiel dans la productionde jambons de qualité est la liberté del’animal de se déplacer. Chaque porccherche sa nourriture et son eau surplus de deux à quatre hectares depâturages. Ceci les maintient en formeet contribue à la texture particulièrede leur chair. Au cours de la montanera,entre les mois d’octobre et de février,chaque porc ingère environ 15 kilosde glands par jour.Lorsque les porcs âgés de deux anspèsent environ 180 kilos, 40 000d’entre eux ou davantage sonttransportés à Guijuelo pour y êtreabattus. Les jambons sont ensuitecouverts de sel marin pendant une oudeux semaines, puis lavés et suspendusdans les secaderos — salles deséchage — minutieusement entretenuset bien ventilés. Les jambons suent dansla chaleur de l’été et la graisse extérieurefond et pénètre dans les fibresmusculaires, processus essentiel quirend la chair tendre et aromatique.Pour la suite de la maturation, lesjambons sont entreposés dans descaves sombres à une température de14 à 18 ºC et une humidité de 60 à80 %. Plus de 400 000 jambons, desannées 2004 à 2011, sont suspendusdans les installations de Joselito. Lesjambons de paleta (épaule) sont séchéspendant au moins deux ans, et lesjambons de patte arrière, connus sousle nom Gran Reserva, y restent pendantau moins trois ans. Un certain nombrede jambons sélectionnés, connus sousle nom de Colección Premium, sontaffinés pendant près de 7 ans. Laplupart de ces jambons sont vendusà l’avance et, selon José Gómez, lademande dépasse l’offre.Pendant le processus de séchage, unexpert jamonero contrôle la qualité enenfonçant dans la chair une sonde(cala) qu’il va renifler. L’expérience esttrès appréciée parmi les 50 employés

de Joselito à Guijuelo. Beaucoup ontdes décennies d’ancienneté, et lorsque29 d’entre eux gagnèrent un gros lotde 41 millions d’euros à la Loterienationale espagnole, il y a quatre ans,la plupart choisirent de continuerà travailler pour la maison.La chair succulente des jambonsJoselito est de couleur violet-rougeet marbrée de veines de graisse rosée.La société affirme que son jambonest un produit sain, contenant del’acide oléique, des vitamines et desantioxydants naturels qui contribuentà diminuer le cholestérol et les risquesd’artériosclérose. Joselito corroborecette hypothèse avec les résultats d’untravail de recherche et souligne que100 g de leur jambon contiennentmoins de calories qu’un plat de 100 gde riz. Pour améliorer la qualité, lesquinze membres du département R&Dde Joselito analysent absolument tout,depuis le régime alimentaire du porcjusqu’au produit final.Les jambons provenant de porcsnourris de glands sont clairementidentifiés avec des étiquettesnumérotées. Les clients commandentleurs jambons au moins deux ans àl’avance. La plupart de ceux qui sontaffinés à Guijuelo portent des étiquettesindiquant qu’ils sont déjà vendus à desboutiques gastronomiques et desrestaurants haut de gamme, un systèmed’achat à l’avance qui n’existe que pourdes produits premium comme les vinsmillésimés.Bien que le produit final ne vaille pastout à fait son poids en or, il est trèsapprécié par les gourmets qui sontprêts à en payer le prix. Un jambonGran Reserva de huit kilos vautenviron 560 euros au rayongastronomie d’El Corte Inglés (le plusgrand magasin espagnol).

Un produit haut degamme pour desmarchés premiumChaque année, la société commercialisedes jambons bien affinés dans desemballages design pour sa ColecciónPremium. L’an dernier, 55 jambons decette édition spéciale furent vendus à2 500 euros l’unité. Les boîtes contenantles jambons, conçues par le StudioMoneo Brock, étaient des œuvres d’artsusceptibles d’être montées en éléganteslampes. L’année dernière, lors d’unevente aux enchères en Pologne, unjambon Joselito de sept ans dans uneboîte Moneo a atteint les 23 000 euros.Joselito commercialise également du filetsec et plusieurs variétés de saucisses deporc, chorizo, saucisson et longaniza(saucisse longue épicée avec du poivre,du sel et de l’ail), produits provenanttous de porcs ibériques élevés en libertéet séchés naturellement.Environ 20 % de la production deJoselito est exportée et José Gómez, ledirecteur de la société, passe une grandepartie de l’année en déplacement,en collaboration avec une équipe demarketing. La société organise desséminaires et des dégustations pourse faire connaître. Elle collabore avecDom Pérignon pour présenter le jamboncomme le parfait accompagnement duchampagne. Mais le contact personnelest très important et José a noué desliens avec de grands restaurants et desmagasins gastronomiques.Parmi ces points de vente gourmetcitons Harrods et Fortnum & Mason, àLondres, KaDeWe, à Berlin, et Hédiard,à Paris. Quant aux restaurants, parmi lesmeilleurs à servir les jambons Joselito,on trouve Cracco Peck, à Milan,L’Atelier de Joël Robuchon, à Paris,Carme Ruscalleda, à Tokyo, Akelarre,à San Sebastián, et La Viñadel Ensanche, à Bilbao.Traditionnellement, l’Europe a été

JOSELITO

Cárnicas Joselito· Création fin du XIXe siècle

· Effectifs 50

· Chiffres d’affaires 2010

(estimé) 60 millions d’euros

· Part des exportationsenviron 20 %

· Principaux marchés étrangersRoyaume-Uni, France, Allemagne,Italie, Scandinavie, Japon etAustralie.

· ProduitsJamón Joselito Gran Reserva(jambon Joselito Gran Reserva),séché 36 mois minimum.

Paleta Joselito Gran Reserva(jambon de la patte avant), séchagede 24 mois minimum.

Lomo Joselito (filet sec), fumé aucharbon naturel et dans des foursà bois puis mis en séchoirs naturelspendant 5 à 6 mois.

Chorizo Joselito, élaboré avec desmorceaux de viande premium et mispendant 6 mois en séchoirs naturelset en celliers.

Salchichón Joselito (saucisson),élaboré avec des morceaux deviande premium et mis pendant6 mois minimum dans des séchoirsnaturels et des celliers.

· Site webwww.joselito.com (Anglais,espagnol, italien, japonais, russe.)

· Adresse: Santa Rita, 837770 Guijuelo, Salamanque

·Tél. : (+34) 923 580 375·Email : [email protected]

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ENTREPRISES

le plus fort marché à l’international. LaGrande Bretagne est le plus ancienet le premier client, mais l’Allemagne,l’Italie, la France et la Scandinavie nesont pas loin derrière tandis que l’Asie,l’Australie et l’Amérique latineprennent de plus en plusd’importance. Récemment, la Russieest entrée sur scène. « Ils ont très bienaccueilli nos produits et nous sommestrès satisfaits des progrès réaliséslà-bas », affirme la société.Joselito se prépare à affronter un défiparticulièrement difficile : exporteraux États-Unis. Un certain nombred’aficionados de ce pays adorent lejambon espagnol, mais il n’arrive surce marché qu’en petite quantitéet il est peu connu du publicétatsunien en général.Le premier obstacle, l’obtentionofficielle de la licence permettantd’importer du porc espagnol, exigeque les installations de Guijuelo soientinspectées afin de pouvoir être certifiéesconformes aux normes sanitairesétatsuniennes. Cela ne devrait poseraucun problème à Joselito, mais le plusgrand défi consiste à réussir à ce quele jambon espagnol devienne aussifamilier aux consommateurs de cepays que le prosciutto italien. Le jambonitalien est aussi bien installé auxÉtats-Unis que l’huile d’olive italienne ;c’est donc une question desensibilisation.« Le lobby italien est très puissant auxÉtats-Unis mais nous travaillons poury positionner notre produit », dit José.Ensuite, il y a la Chine, potentiellementle plus grand marché du monde.Environ 100 millions deconsommateurs chinois ont un hautpouvoir d’achat et d’ici 2015, ils serontprobablement 300 millions à avoir lemême pouvoir d’achat que la moyenneeuropéenne. Cependant, comme JoséGómez le sait parfaitement, cettenouvelle superpuissance présente desdifficultés particulières.

« Nous avons déjà reçu la visite desservices d’inspection sanitaires et leuravons montré nos produits sur place »,ajoute-t-il. « Nos jambons sontappréciés par une grande partie del’élite. Les Chinois aiment les petitsplats comme les tapas et ils adorentle porc. Être capable d’acheter etde consommer un produit commenotre meilleur jambon est unequestion de prestige.« J’ai visité la Chine sept fois et je vais yretourner cette année. C’est une affairequi prendra de 15 à 20 ans pour quenos jambons y soient largement connus.Mais nous devons tout d’abord êtrecertains de choisir le bon importateuret le bon distributeur. »L’Espagne exporte chaque annéeenviron 20 000 tonnes de jambon séchéet de palette de toutes les races, ce quireprésente des chiffres de vente de plusde 170 millions d’euros. Seulement10 % du jambon cru espagnol vient dela race ibérique mais c’est ce produit quiétablit la norme et renforce le prestigedu pays sur les marchés étrangers.Selon Ferran Adrià : « Des jambonscomme ceux de Joselito sont le porte-drapeau d’un secteur dont le mondeentier peut profiter. »

David Baird est né en Angleterre et atravaillé pour des journaux et desmagazines du Royaume-Uni, du Canada,de l’Australie et de Hong Kong. Il estinstallé en Espagne depuis les annéessoixante-dix et a couvert le pays, avecses articles et ses photos, pour diversmedias internationaux. Il a reçu deuxfois le prix décerné en Espagne auxécrivains voyageurs et il a aussi publiéun certain nombre d’ouvragesd’information et de fiction.

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première fois qu’une entreprise de cegenre a été sélectionnée.Un aspect essentiel dans la productionde jambons de qualité est la liberté del’animal de se déplacer. Chaque porccherche sa nourriture et son eau surplus de deux à quatre hectares depâturages. Ceci les maintient en formeet contribue à la texture particulièrede leur chair. Au cours de la montanera,entre les mois d’octobre et de février,chaque porc ingère environ 15 kilosde glands par jour.Lorsque les porcs âgés de deux anspèsent environ 180 kilos, 40 000d’entre eux ou davantage sonttransportés à Guijuelo pour y êtreabattus. Les jambons sont ensuitecouverts de sel marin pendant une oudeux semaines, puis lavés et suspendusdans les secaderos — salles deséchage — minutieusement entretenuset bien ventilés. Les jambons suent dansla chaleur de l’été et la graisse extérieurefond et pénètre dans les fibresmusculaires, processus essentiel quirend la chair tendre et aromatique.Pour la suite de la maturation, lesjambons sont entreposés dans descaves sombres à une température de14 à 18 ºC et une humidité de 60 à80 %. Plus de 400 000 jambons, desannées 2004 à 2011, sont suspendusdans les installations de Joselito. Lesjambons de paleta (épaule) sont séchéspendant au moins deux ans, et lesjambons de patte arrière, connus sousle nom Gran Reserva, y restent pendantau moins trois ans. Un certain nombrede jambons sélectionnés, connus sousle nom de Colección Premium, sontaffinés pendant près de 7 ans. Laplupart de ces jambons sont vendusà l’avance et, selon José Gómez, lademande dépasse l’offre.Pendant le processus de séchage, unexpert jamonero contrôle la qualité enenfonçant dans la chair une sonde(cala) qu’il va renifler. L’expérience esttrès appréciée parmi les 50 employés

de Joselito à Guijuelo. Beaucoup ontdes décennies d’ancienneté, et lorsque29 d’entre eux gagnèrent un gros lotde 41 millions d’euros à la Loterienationale espagnole, il y a quatre ans,la plupart choisirent de continuerà travailler pour la maison.La chair succulente des jambonsJoselito est de couleur violet-rougeet marbrée de veines de graisse rosée.La société affirme que son jambonest un produit sain, contenant del’acide oléique, des vitamines et desantioxydants naturels qui contribuentà diminuer le cholestérol et les risquesd’artériosclérose. Joselito corroborecette hypothèse avec les résultats d’untravail de recherche et souligne que100 g de leur jambon contiennentmoins de calories qu’un plat de 100 gde riz. Pour améliorer la qualité, lesquinze membres du département R&Dde Joselito analysent absolument tout,depuis le régime alimentaire du porcjusqu’au produit final.Les jambons provenant de porcsnourris de glands sont clairementidentifiés avec des étiquettesnumérotées. Les clients commandentleurs jambons au moins deux ans àl’avance. La plupart de ceux qui sontaffinés à Guijuelo portent des étiquettesindiquant qu’ils sont déjà vendus à desboutiques gastronomiques et desrestaurants haut de gamme, un systèmed’achat à l’avance qui n’existe que pourdes produits premium comme les vinsmillésimés.Bien que le produit final ne vaille pastout à fait son poids en or, il est trèsapprécié par les gourmets qui sontprêts à en payer le prix. Un jambonGran Reserva de huit kilos vautenviron 560 euros au rayongastronomie d’El Corte Inglés (le plusgrand magasin espagnol).

Un produit haut degamme pour desmarchés premiumChaque année, la société commercialisedes jambons bien affinés dans desemballages design pour sa ColecciónPremium. L’an dernier, 55 jambons decette édition spéciale furent vendus à2 500 euros l’unité. Les boîtes contenantles jambons, conçues par le StudioMoneo Brock, étaient des œuvres d’artsusceptibles d’être montées en éléganteslampes. L’année dernière, lors d’unevente aux enchères en Pologne, unjambon Joselito de sept ans dans uneboîte Moneo a atteint les 23 000 euros.Joselito commercialise également du filetsec et plusieurs variétés de saucisses deporc, chorizo, saucisson et longaniza(saucisse longue épicée avec du poivre,du sel et de l’ail), produits provenanttous de porcs ibériques élevés en libertéet séchés naturellement.Environ 20 % de la production deJoselito est exportée et José Gómez, ledirecteur de la société, passe une grandepartie de l’année en déplacement,en collaboration avec une équipe demarketing. La société organise desséminaires et des dégustations pourse faire connaître. Elle collabore avecDom Pérignon pour présenter le jamboncomme le parfait accompagnement duchampagne. Mais le contact personnelest très important et José a noué desliens avec de grands restaurants et desmagasins gastronomiques.Parmi ces points de vente gourmetcitons Harrods et Fortnum & Mason, àLondres, KaDeWe, à Berlin, et Hédiard,à Paris. Quant aux restaurants, parmi lesmeilleurs à servir les jambons Joselito,on trouve Cracco Peck, à Milan,L’Atelier de Joël Robuchon, à Paris,Carme Ruscalleda, à Tokyo, Akelarre,à San Sebastián, et La Viñadel Ensanche, à Bilbao.Traditionnellement, l’Europe a été

JOSELITO

Cárnicas Joselito· Création fin du XIXe siècle

· Effectifs 50

· Chiffres d’affaires 2010

(estimé) 60 millions d’euros

· Part des exportationsenviron 20 %

· Principaux marchés étrangersRoyaume-Uni, France, Allemagne,Italie, Scandinavie, Japon etAustralie.

· ProduitsJamón Joselito Gran Reserva(jambon Joselito Gran Reserva),séché 36 mois minimum.

Paleta Joselito Gran Reserva(jambon de la patte avant), séchagede 24 mois minimum.

Lomo Joselito (filet sec), fumé aucharbon naturel et dans des foursà bois puis mis en séchoirs naturelspendant 5 à 6 mois.

Chorizo Joselito, élaboré avec desmorceaux de viande premium et mispendant 6 mois en séchoirs naturelset en celliers.

Salchichón Joselito (saucisson),élaboré avec des morceaux deviande premium et mis pendant6 mois minimum dans des séchoirsnaturels et des celliers.

· Site webwww.joselito.com (Anglais,espagnol, italien, japonais, russe.)

· Adresse: Santa Rita, 837770 Guijuelo, Salamanque

·Tél. : (+34) 923 580 375·Email : [email protected]

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cuisinier, il s’est formé chez l’un desmeilleurs chefs italiens de Melbourneavant de retourner en Espagnependant plusieurs années pour seplonger dans la culture de son paysnatal et comprendre les fondements dela cuisine espagnole. « Les Australiensavaient l’habitude de manger uneentrée, un plat principal et un dessert,et il a fallu un certain temps pourqu’ils acceptent l’idée des tapas et desraciones (petits plats à partager). Nousproposons des versions raffinées desclassiques espagnols en utilisant desingrédients que tous les Espagnolsreconnaîtraient, tout en les préparantselon une méthode très moderne quipermet néanmoins de conserverl’intégrité du plat. » Lorsqu’en 2008,un local se libéra à quelques mètres deMoVida, Camorra et son équipe, dontJimmy Parker, chef de MoVida Next

Door, purent réaliser leur rêve de créerun bar inspiré par leurs fréquentsvoyages dans le Sud de l’Espagne, où lafamille de Camorra vit toujours. Pendantla journée, la salle est inondée delumière mais l’ambiance y est toujoursintime. En soirée, elle s’ouvre sur lessymboles traditionnels de Melbourneilluminés : les tramways, l’historiquegare de Flinders Street, FederationSquare et le Melbourne Cricket Ground.À l’intérieur sont suspendues des lampesfaites avec de vieilles tuiles espagnolesen terre cuite et il y a seulement deuxaffiches de corrida encadrées. Les platsdu jour, dont les ingrédients viennenttout droit du marché, sont écrits enespagnol sur des ardoises accrochéesau-dessus du bar. Ce n’est pas unpastiche de l’esthétique espagnole maisun simple espace où la nourriture, le vinet les patrons eux-mêmes occupent ledevant de la scène. Le personnel qui est

Au cœur de Melbourne, au bout d’uneruelle pavée couverte de graffitis, unpetit bar espagnol avec une cuisineouverte. À l’intérieur, sur un petit grilà charbon de bois, des cailles dodues.A côté, une plaque de 100 kg d’acierbrûlant sur laquelle crépitent etgrésillent une poignée de crevettessauvages fraîches. Assaisonnées avecune pincée de sel, une pointe d’ail etun filet de vinaigre de Xérès, ellesseront servies à un jeune couple assisà la fenêtre de ce bar animé situé aurez-de-chaussée d’un vieil immeuble.C’est MoVida Next Door, le petit frèrede MoVida, le restaurant espagnolphare de Frank Camorra, natif deBarcelone, élevé à Cordoue et vivantdepuis 37 ans à Melbourne, Australie.« Nous avons ouvert MoVida en fin2003 », dit Camorra sur un tonmodeste. Au début de sa carrière de

SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2011 SPAIN GOURMETOUR 95

TexteRichard Cornish/©ICEX

TraductionFrançoise Chuffart/©ICEX

PhotosMoVida

Une pause espagnole !RichardCornish depuis

derrière le comptoir peut découperquelques tranches du jamón IbéricoCarrasco qu’il servira avec un verre demanzanilla La Goya glacée ou ouvrirune boîte de moules Cuca àl’escabèche servies cette fois avec unverre de bière Moritz. Le chef JimmyParker est limité par l’espace, et lanourriture est donc très simple.Spécialité : fruits de mer sauvagesfraîchement pêchés. Disposés sur un litde glace, en attendant de passer sur legril, des moules, des écrevisses, desgambas et des petits poissons de labaie. Il y a généralement une sélectiond’huîtres, provenant d’Australie oud’élevages du Pacifique, qui, ouvertessur place, sont le faire-valoir idéal pourune coupe bien fraîche de cava duPenedès. La carte des vins estexclusivement composée de vinsespagnols avec un grand choix deblancs à la forte texture, venant de

Galice ou de Catalogne, quiaccompagnent bien un robuste menude fruits de mer. Parker utilise diversestechniques traditionnelles de cuissontels le charbon de bois (la parrilla) etla plaque chauffante (la plancha) maisaussi la technologie moderne — ainsiun collier d’agneau peut mijoter48 heures dans une sauce chilindrón(petits piments rouges, tomates, oignon,du vin fino, ail et thym) dans un sac enplastique sous vide. Le résultat final, unplat succulent très riche qu’un verre detempranillo de DOCa Rioja équilibreraparfaitement. Avec à sa porte l’une desscènes de rock les plus fréquentés de laville et non loin de là le MelbourneTennis Centre, la clientèle qui se pressepour manger et boire dans ce petit bard’une cinquantaine de places setransforme à mesure que la nuit avance.Cadres avalant une bouchée après letravail, jeunes fondus de haute cuisine,

couples d’âge moyen qui viennent dîneravant ou après le théâtre, foules desortie de concerts, plus de 300 personnespeuvent passer chaque soir parMoVida Next Door.

MoVida Next DoorCorner Hosier Lane and FlindersStreetMelbourne VIC 3000, Australiewww.movida.com.au

Richard Cornish est un écrivain spécialisédans la gastronomie et installé à Melbourne.Il est l’auteur de livres de cuisine parmilesquels quatre ouvrages sur la cuisineespagnole, certains ayant reçu des prix.

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cuisinier, il s’est formé chez l’un desmeilleurs chefs italiens de Melbourneavant de retourner en Espagnependant plusieurs années pour seplonger dans la culture de son paysnatal et comprendre les fondements dela cuisine espagnole. « Les Australiensavaient l’habitude de manger uneentrée, un plat principal et un dessert,et il a fallu un certain temps pourqu’ils acceptent l’idée des tapas et desraciones (petits plats à partager). Nousproposons des versions raffinées desclassiques espagnols en utilisant desingrédients que tous les Espagnolsreconnaîtraient, tout en les préparantselon une méthode très moderne quipermet néanmoins de conserverl’intégrité du plat. » Lorsqu’en 2008,un local se libéra à quelques mètres deMoVida, Camorra et son équipe, dontJimmy Parker, chef de MoVida Next

Door, purent réaliser leur rêve de créerun bar inspiré par leurs fréquentsvoyages dans le Sud de l’Espagne, où lafamille de Camorra vit toujours. Pendantla journée, la salle est inondée delumière mais l’ambiance y est toujoursintime. En soirée, elle s’ouvre sur lessymboles traditionnels de Melbourneilluminés : les tramways, l’historiquegare de Flinders Street, FederationSquare et le Melbourne Cricket Ground.À l’intérieur sont suspendues des lampesfaites avec de vieilles tuiles espagnolesen terre cuite et il y a seulement deuxaffiches de corrida encadrées. Les platsdu jour, dont les ingrédients viennenttout droit du marché, sont écrits enespagnol sur des ardoises accrochéesau-dessus du bar. Ce n’est pas unpastiche de l’esthétique espagnole maisun simple espace où la nourriture, le vinet les patrons eux-mêmes occupent ledevant de la scène. Le personnel qui est

Au cœur de Melbourne, au bout d’uneruelle pavée couverte de graffitis, unpetit bar espagnol avec une cuisineouverte. À l’intérieur, sur un petit grilà charbon de bois, des cailles dodues.A côté, une plaque de 100 kg d’acierbrûlant sur laquelle crépitent etgrésillent une poignée de crevettessauvages fraîches. Assaisonnées avecune pincée de sel, une pointe d’ail etun filet de vinaigre de Xérès, ellesseront servies à un jeune couple assisà la fenêtre de ce bar animé situé aurez-de-chaussée d’un vieil immeuble.C’est MoVida Next Door, le petit frèrede MoVida, le restaurant espagnolphare de Frank Camorra, natif deBarcelone, élevé à Cordoue et vivantdepuis 37 ans à Melbourne, Australie.« Nous avons ouvert MoVida en fin2003 », dit Camorra sur un tonmodeste. Au début de sa carrière de

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TexteRichard Cornish/©ICEX

TraductionFrançoise Chuffart/©ICEX

PhotosMoVida

Une pause espagnole !RichardCornish depuis

derrière le comptoir peut découperquelques tranches du jamón IbéricoCarrasco qu’il servira avec un verre demanzanilla La Goya glacée ou ouvrirune boîte de moules Cuca àl’escabèche servies cette fois avec unverre de bière Moritz. Le chef JimmyParker est limité par l’espace, et lanourriture est donc très simple.Spécialité : fruits de mer sauvagesfraîchement pêchés. Disposés sur un litde glace, en attendant de passer sur legril, des moules, des écrevisses, desgambas et des petits poissons de labaie. Il y a généralement une sélectiond’huîtres, provenant d’Australie oud’élevages du Pacifique, qui, ouvertessur place, sont le faire-valoir idéal pourune coupe bien fraîche de cava duPenedès. La carte des vins estexclusivement composée de vinsespagnols avec un grand choix deblancs à la forte texture, venant de

Galice ou de Catalogne, quiaccompagnent bien un robuste menude fruits de mer. Parker utilise diversestechniques traditionnelles de cuissontels le charbon de bois (la parrilla) etla plaque chauffante (la plancha) maisaussi la technologie moderne — ainsiun collier d’agneau peut mijoter48 heures dans une sauce chilindrón(petits piments rouges, tomates, oignon,du vin fino, ail et thym) dans un sac enplastique sous vide. Le résultat final, unplat succulent très riche qu’un verre detempranillo de DOCa Rioja équilibreraparfaitement. Avec à sa porte l’une desscènes de rock les plus fréquentés de laville et non loin de là le MelbourneTennis Centre, la clientèle qui se pressepour manger et boire dans ce petit bard’une cinquantaine de places setransforme à mesure que la nuit avance.Cadres avalant une bouchée après letravail, jeunes fondus de haute cuisine,

couples d’âge moyen qui viennent dîneravant ou après le théâtre, foules desortie de concerts, plus de 300 personnespeuvent passer chaque soir parMoVida Next Door.

MoVida Next DoorCorner Hosier Lane and FlindersStreetMelbourne VIC 3000, Australiewww.movida.com.au

Richard Cornish est un écrivain spécialisédans la gastronomie et installé à Melbourne.Il est l’auteur de livres de cuisine parmilesquels quatre ouvrages sur la cuisineespagnole, certains ayant reçu des prix.

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96 SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2011 SPAIN GOURMETOUR

La présente sélectiond’exportateurs est faite par lesorganismes cités sous laréférence Source.

ProduitsalimentairesLégumes marinésAceitunas Karina, S.L

Tél. : (+34) 968 801 [email protected]

ACORSA, Aceitunas deMesa de Córdoba S.C.A.(GRUPO HOJIBLANCA)

Tél. : (+34) 957 535 [email protected]

AGRUCAPERS

Tél. : (+34) 968 410 [email protected]

Alcaparras AsensioSánchez, S.L.

Tél. : (+34) 968 406 [email protected]

Aliminter, S.A.

Tél. : (+34) 968 693 [email protected]

Amanida, S.A.

Tél. : (+34) 976 613 [email protected]

Anfora Quality Products,S.L.

Tél. : (+34) 957 315 [email protected]

Pommes

AOP Manzana Reinetadel Bierzo

Comercial Fruticultores delBierzo, ASAT

Tél. : (+34) 987 562 [email protected]

Source : Consejo ReguladorDOP Manzana Reineta delBierzoTél. : (+34) 987 562 [email protected]

IGP Poma de Girona

Costa Brava Fructicultors,S.L.

Tél. : (+34) 972 755 [email protected]

Girona Fruits, S.C.C.L.

Tél. : (+34) 972 490 [email protected]

Giropoma, S.L.

Tél. : (+34) 972 755 [email protected]

Fructícola Empordà, S.L.

Tél. : (+34) 972 520 [email protected]

Source : Consejo ReguladorIGP Poma de GironaTél. : (+34) 972 780 [email protected]

Angel Camacho, S.A.

Tél. : (+34) 955 854 [email protected]

BT Exportadora deAceitunas, S.A.

Tél. : (+34) 954 271 [email protected]

Comercial Rioverde, S.A.

Tél. : (+34) 941 222 [email protected]

Compañía EnvasadoraLoreto, S.A.

Tél. : (+34) 954 113 [email protected]

Faroliva, S.L.

Téls. : (+34) 968 252666/252 [email protected]

Fine Foods Spain, S.L.

Tél. : (+34) 973 235 [email protected]

Internacional Granadina deAlcaparra, S.L.

Téls. : (+34) 958 733 100 -958 736 [email protected]/integra

Luxeapers, S.L.

Tél. : (+34) 950 350 [email protected]/index. html

Source : ICEX

EXPORTATEURS

11 EXPORTADORES F.qxd 12/7/11 17:30 Página 96 (FRANCES plancha)

PORTRAIT

84 85

d’accord sur tout, il est possible quetout ne soit pas parfait maisactuellement c’est notre situation,et je sais qu’elle finira bien par changerpuisque, pour moi, le plus importantest d’être près des personnes quej’aime. En outre, pour maintenir unespace comme le Miramar, il estimportant de ne pas s’y enfermeret de se rendre visible. »L’organisation n’est pas simple : MontseSerra, sa femme, passe la semaine àBarcelone, à l’Enoteca de l’hôtel Artsoù travaille également leur fille aînée ;Paco descend le lundi, jour defermeture du Miramar, et rentre àLlançá le mardi, le jour où les produitsarrivent car, comme me l’explique sonéquipe, c’est lui qui s’occupe des

achats : « Personne ne connaît lepoisson aussi bien que lui, il aimetoucher, sentir ce qu’il achète. » Et, lemercredi, il repart pour Barcelone, auMirror, ou il reste un ou deux joursselon les besoins puis il regagne Llançáet y reste jusqu’à la fin de la semaine.La question est inéluctable : commentcombiner un agenda aussi rempli etl’ouverture du restaurant de Berlin ?Paco a pensé à tout : « Je suis à deuxheures d’avion, souvent je mets pluslongtemps à arriver à Barcelone envoiture, et je pense que, lorsque toutmarchera bien, je ferai une échappée àBerlin une fois par mois, le dimanche,après la fermeture du Miramar (aprèsle déjeuner), et j’y passerai la fin del’après-midi et le lundi ; et si tout va

bien et que ma présence n’est pas

indispensable, je serai en contact

permanent par téléphone avec l’équipe

de Berlin. Et s’il faut que j’y aille, il

faudra qu’on s’organise pour que ce

soit possible. Ce qui est important

ce sont les équipes, que tout le monde

soit content et se sente bien dans

ce qu’il fait, c’est ce sur quoi nous

travaillons en permanence. » Et ce

sont ses équipes sur lesquelles il

compte pour pouvoir récupérer une vie

de famille.

Entre les fourneauxPaco dirige les équipes mais il cuisine

aussi car, comme il le répète, « je suis

cuisinier et je cuisine tous les jours ».

PACO PÉREZ

La tramontane, l’éternelle tramontane !Ce terrible vent souffle toujours avec lamême vigueur lorsque je m’approchede la côte de l’Empordan, ce quim’arrive au moins deux fois par an. Telun aimant, à l’occasion de ma venue àl’hôtel-restaurant Miramar de Llançádans le but de découvrir les clés dela cuisine de Paco Pérez, le vent nepouvait manquer au rendez-vous etil finit toujours par m’envoûter. Lavigueur et la ténacité que déploie cevent de terre sur les eaux tourmentéesde ce coin de la Méditerranée contrasteavec l’affabilité de Paco Pérez, uncuisinier self-made man, discret, éloignédu cercle médiatique des congrès etautres mondanités. Assis à la terrassecouverte du restaurant, face à la mer,

nous bavardons à propos des vingtans qu’il a consacrés à un projetgastronomique, celui du restaurantMiramar, de son activité de conseilauprès des restaurants situés dansdeux hôtels de Barcelone — l’Arts(avec Enoteca), et le Mirror — et destrois étoiles que lui a attribuées leMichelin, deux pour le Miramar et unepour Enoteca. Et, comme s’il s’agissaitd’un coup de mer, nous parlons ausside son projet international à Berlin,avec ce restaurant Five by Paco Pérezsitué encore dans un hôtel cinq étoiles,le Das Stue.L’objectif de tout ce mouvement estdouble : « Conserver la vivacité duMiramar qui est l’essentiel de tout leprojet, l’endroit où je réussis à exercer

pleinement la partie créative de montravail, là où me vient l’inspiration. Etde façon parallèle et intimement liée,essayer que toute l’équipe qui travailleavec moi depuis tant d’années auMiramar se sente plus à l’aise et puissese reposer un peu plus et avoir une viede famille. » Un surcroît de vie defamille qu’il a gagné pour son équipemais au détriment de sa proprefamille, son talisman : « Pour lemoment, je n’ai presque pas de viede famille, alors qu’il y a deux ans jeprenais pratiquement tous les matinsmon petit déjeuner avec ma femme,Montse, et nous passions une grandepartie de la journée ensemble. Je suisconscient de la situation et je sais quebien que nous soyons pratiquement

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Ángel CamachoAlimentación, S.A.(Fragata)Tél. : (+34) 955 854 [email protected] : 4e de couverture

Consorcio del JamónSerrano EspañolTél. : (+34) 917 356 085Fax : (+34) 917 350 [email protected] : 5

F.J. Sánchez Sucesores, S.A.Tél. : (+34) 950 364 [email protected] : 3e de couverture

Foods from SpainPage : 6

Grupo GourmetsTél. : (+34) 915 489 [email protected] : 4

Industrial QueseraCuquerellaTél. : (+34) 926 266 [email protected] : 98

Grupo Mahou – San MiguelTél. : (+34) 915 269 [email protected] : 2e de couverture

Loreto Speciality Foods,S.L.Tél. : (+34) 954 113 [email protected] : 7

Quesos Cerrato, S.Coop.Tél. : (+34) 979 790 [email protected] : 97

Wines from Spainwww.winesfromspain.comPage : 99

ANNONCEURS

12 ANUNCIANTES F.qxd 12/7/11 17:29 Página 97 (FRANCES plancha)

Page 100: Spain Gourmetour No. 73 (French)

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82 SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2011 SPAIN GOURMETOUR SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2011 SPAIN GOURMETOURR 83

Sincère, honnête, goûteuse, créative et surprenante,telle est la cuisine que développe Paco Pérez dont lamaxime est : « Il faut faire ce en quoi l’on croit vraimentet ne pas aller à l’encontre de ses idées. » Cuisinierrécompensé par trois étoiles au Michelin, deux pour leMiramar, à Llançá (Gérone, Est de l’Espagne), sonrestaurant porte-drapeau, et une pour Enoteca, situédans l’hôtel Arts de Barcelone. D’apparence sereine, cechef actif gère aussi le restaurant de l’hôtel Mirror, àBarcelone, et se prépare à faire le grand saut jusqu’àBerlin, la capitale allemande, où il va ouvrir le restaurantFive by Paco Pérez.

Honnêteté

CRÉATIVE

TexteAlmudena Muyo/©ICEX

PacoPérez Traduction

Françoise Chuffart/©ICEXPhotosTomás Zarza etToya Legido/©ICEX

08 CHEFS F.qxd 12/7/11 19:36 Página 82 (FRANCES plancha)

INFOSURL’ESPAGNE

Pour de plus amplesinformations veuillez vousadresser aux BureauxÉconomiques et Commerciauxdes Ambassades d'Espagnecorrespondants.

BELGIQUETél. : (2) 551 10 [email protected]

CANADATél. : (416) 967 04 [email protected]

FRANCETél. : (1) 53 57 95 [email protected]

SUISSETél. : (31) 381 21 [email protected]

Pour les demandesd'information concernantles sujets touristiques,adressez-vous à I'Officeespagnol du tourisme leplus proche.

BELGIQUETéls. : (2) 280 19 26/[email protected]

CANADATéls. : (416) 961 31 31/40 [email protected]

FRANCETél. : (1) 45 03 82 [email protected]

SUISSETél. : (44) 253 60 [email protected]

Centrale de Réservationsdes ParadoresTél. : (+34) 902 54 79 [email protected]

13 ESPAÑA EN EL MUNDO F.qxd 19/7/11 19:56 Página 98 (FRANCES plancha)

FROMAGE ESPAGNOL DE QUALITE SUPERIEURE

-NOBLESSE D’ESPAGNE-

MEDAILLE D’OR AU “CONCOURS GRANDE SELECTION 2010”“CONFRERIE DU FROMAGE MANCHEGO” OCTUBRE 2008

PREMIER PRIX DU FROMAGE MANCHEGOAFFINE 12 MOIS

TARTESANA, S.L“Tarquessia de La Mancha”

Ctra. de Toledo, s/n13420 Malagón (C.Real) Spain

Tel: +(34) 926 266 410Fax: +(34) 926 266 413

[email protected]

I. QUESERA CUQUERELLA, S.L. - QUESOS ROCINANTEMalagón (C. Real) - Spain - Tel.: +34 926 266 410 - Fax: +34 926 266 413

[email protected] - www.rocinante.es

“LE BIJOU DE LA COURONNE”

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C M Y CM MY CY CMY K

Page 102: Spain Gourmetour No. 73 (French)

100 SEPTEMBRE-DÉCEMBRE 2011 SPAIN GOURMETOUR

ICONOGRAPHIECouvertureAmador Toril/©ICEX

Sommairep. 2 Juan Manuel Sanz/©ICEXp. 3 De gauche à droite :Amador Toril/©ICEX; MatíasCosta/©ICEX; FernandoMadariaga/©ICEX

Pickles espagnolspp. 8 – 15 Amador Toril/©ICEXp. 16 gauche Juan ManuelSanz/©ICEX ; droite AmadorToril/©ICEXpp. 17 – 21 AmadorToril/©ICEXpp. 22 – 25 Toya Legido etTomás Zarza/©ICEX

Vins douxpp. 26 – 27 Juan ManuelSanz/©ICEXp. 28 Fernando Briones/©ICEXpp. 29 – 33 Juan ManuelSanz/©ICEXp. 34 Carte : Javier Bellosop. 35 Nano Cañas/©ICEXp. 36 Juan Manuel Sanz/©ICEX

Eau minéralepp. 38 – 49 FernandoMadariaga/©ICEX

Dehesap. 50 Up Matías Costa/©ICEX,bas de gauche à droite : MatíasCosta/©ICEX ; CiucoRodríguez/©ICEXpp. 51 – 55 MatíasCosta/©ICEXp. 56 Matías Costa/©ICEX ;Carte : Javier Bellosopp. 57 – 61 Matías Costa/©ICEXp. 62 Patricia R. Soto/©ICEXpp. 63 – 65 MatíasCosta/©ICEX

Pommespp. 66 – 67 Juan ManuelSanz/©ICEXp. 68 Luis Carré/©ICEXpp. 69 – 70 Juan ManuelSanz/©ICEXp. 71 Carte : Javier Bellosopp. 72 – 73 Juan ManuelSanz/©ICEXp. 74 Luis Carré/©ICEXp. 75 Juan Manuel Sanz/©ICEXpp. 76 – 81 Toya Legido etTomás Zarza/©ICEX

Portrait : PacoPérezpp. 82 – 89 Toya Legido etTomás Zarza/©ICEX

Joselitopp. 90 – 93 Joselito

Richard Cornishdepuis Melbournepp. 94 – 95 MoVida

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