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Séquence 1 re Séries générales et technologiques Présentation Père aveugle, père adoré, père défaillant… Le théâtre est riche de ces figures qui nous fascinent autant qu’elles nous tourmentent : les pères. De nombreux auteurs, depuis Sophocle au V e siècle avant J.-C., jusqu’à Florian Zeller, jeune dramaturge contemporain, s’emparent de ce per- sonnage pour faire avancer l’intrigue de leurs pièces. Cette séquence amènera les élèves de Première à s’intéresser à cette figure du père, pour étudier la manière dont les auteurs les malmènent ou les défendent. Ils pourront alors s’interroger sur le traitement que chaque auteur inflige à cette figure d’autorité. La première étape permet d’aborder la figure du père aveuglé, au sens propre et au sens figuré, dans des textes patrimoniaux, à la fois en tragédie et en comédie. En partant du personnage d’Œdipe, dans sa version antique (Sophocle) et plus moderne (Cocteau), les élèves abor- deront ensuite deux extraits de genres classiques : la tragédie racinienne (Phèdre) et la comédie de Molière (Le Tartuffe). La deuxième étape est consacrée à la découverte de « l’univers » de deux auteurs, l’un classique, Corneille, et l’autre contemporain, Florian Zeller. Le choix de ces auteurs s’explique par le fait que nombre de leurs pièces se penchent sur la figure du père. Cette étape sera l’occasion de travailler avec le professeur documentaliste. Enfin, la séquence s’achèvera sur un travail de lecture d’une œuvre intégrale, Le Roi Lear de Shakespeare, accompagné du visionnage d’une mise en scène ; on amorcera alors un travail sur la traduction, rarement abordé en classe, faite avec l’aide du professeur d’anglais. L’édition choi- sie, l’édition bilingue chez GF-Flammarion, permet aux élèves de voir en regard le texte original de Shakespeare et sa version française. La tra- duction choisie par André Engel pour sa mise en scène, disponible sur le site de la Copat, et que l’on projettera aux élèves afin qu’ils entrent plus facilement dans ce texte parfois difficile, est celle de Jean-Michel Déprats, disponible aux éditions Gallimard dans la collection « Folio théâtre ». Les textes étudiés dans la séquence sont disponibles en version numérique. Les textes étudiés regroupés dans un document. Dans cette séquence, vous pourrez exploiter les ressources multimédia suivantes, disponibles sur le site NRP dans l’espace « Ressources abonnés ». Rendez-vous sur http://www.nrp-lycee.com. Les numériques + Sommaire Supports : – Corpus de textes autour du mythe d’Œdipe – Racine, Phèdre, acte IV sc. 2 et acte V sc. 7 – Molière, Le Tartuffe, acte I sc. 5 – Shakespeare, Le Roi Lear, trad. A. Robin, éd. GF – DVD Le Roi Lear, mise en scène d’André Engel – Des pièces de Corneille Étape 1 : Pères défaillants, pères aveugles Séance 1 : Œdipe, à l’origine du père Séance 2 : Thésée ou l’aveuglement tragique Séance 3 : Orgon ou l’aveuglement comique Étape 2 : Deux auteurs, une obsession Séance 4 : Corneille, le père et l’honneur Séance 5 : Florian Zeller, père et fils Étape 3 : Shakespeare, Le Roi Lear Séance 6 : Découvrir la pièce par l’image Séance 7 : Annoncer la pièce par les mots Séance 8 : Lire Lear : le père fou ? Séance 9 : Mise en scène d’André Engel Par Florence Renner, professeure de Lettres au Collège Notre-Dame (Meudon) « Au nom du père » La figure du père au théâtre Objets d’étude : Le texte théâtral et ses représentations, du XVII e siècle à nos jours 38 NRP LYCÉE NOVEMBRE 2018

Séries générales et technologiques « Au nom du père » La ... · – IV, 2 : une description peu flatteuse du fils – IV, 2 : une malédiction funeste – V, 7 : l’omniprésence

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38 NRP LYCÉE NOVEMBRE 2018

Séquence 1re Séries générales et technologiques

38 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2017

Séquence 1re

Séries générales et technologiques

Présentation

Père aveugle, père adoré, père défaillant… Le théâtre est riche de ces figures qui nous fascinent autant qu’elles nous tourmentent : les pères. De nombreux auteurs, depuis Sophocle au ve siècle avant J.-C., jusqu’à Florian Zeller, jeune dramaturge contemporain, s’emparent de ce per-sonnage pour faire avancer l’intrigue de leurs pièces. Cette séquence amènera les élèves de Première à s’intéresser à cette figure du père, pour étudier la manière dont les auteurs les malmènent ou les défendent. Ils pourront alors s’interroger sur le traitement que chaque auteur inflige à cette figure d’autorité.

La première étape permet d’aborder la figure du père aveuglé, au sens propre et au sens figuré, dans des textes patrimoniaux, à la fois en tragédie et en comédie. En partant du personnage d’Œdipe, dans sa version antique (Sophocle) et plus moderne (Cocteau), les élèves abor-deront ensuite deux extraits de genres classiques : la tragédie racinienne (Phèdre) et la comédie de Molière (Le Tartuffe).

La deuxième étape est consacrée à la découverte de « l’univers » de deux auteurs, l’un classique, Corneille, et l’autre contemporain, Florian Zeller. Le choix de ces auteurs s’explique par le fait que nombre de leurs pièces se penchent sur la figure du père. Cette étape sera l’occasion de travailler avec le professeur documentaliste.

Enfin, la séquence s’achèvera sur un travail de lecture d’une œuvre intégrale, Le Roi Lear de Shakespeare, accompagné du visionnage d’une mise en scène ; on amorcera alors un travail sur la traduction, rarement abordé en classe, faite avec l’aide du professeur d’anglais. L’édition choi-sie, l’édition bilingue chez GF-Flammarion, permet aux élèves de voir en regard le texte original de Shakespeare et sa version française. La tra-duction choisie par André Engel pour sa mise en scène, disponible sur le site de la Copat, et que l’on projettera aux élèves afin qu’ils entrent plus facilement dans ce texte parfois difficile, est celle de Jean-Michel Déprats, disponible aux éditions Gallimard dans la collection « Folio théâtre ».

Les textes étudiés dans la séquence sont disponibles en version numérique.

Les textes étudiés regroupés dans un document.

Dans cette séquence, vous pourrez exploiter les ressources multimédia suivantes, disponibles sur le site NRP dans l’espace « Ressources abonnés ». Rendez-vous sur http://www.nrp-lycee.com.

Les numériques+

SommaireSupports :– Corpus de textes autour du mythe d’Œdipe– Racine, Phèdre, acte IV sc. 2 et acte V sc. 7– Molière, Le Tartuffe, acte I sc. 5– Shakespeare, Le Roi Lear, trad. A. Robin, éd. GF– DVD Le Roi Lear, mise en scène d’André Engel– Des pièces de Corneille

Étape 1 : Pères défaillants, pères aveuglesSéance 1 : Œdipe, à l’origine du pèreSéance 2 : Thésée ou l’aveuglement tragiqueSéance 3 : Orgon ou l’aveuglement comique

Étape 2 : Deux auteurs, une obsessionSéance 4 : Corneille, le père et l’honneurSéance 5 : Florian Zeller, père et fils

Étape 3 : Shakespeare, Le Roi LearSéance 6 : Découvrir la pièce par l’imageSéance 7 : Annoncer la pièce par les motsSéance 8 : Lire Lear : le père fou ?Séance 9 : Mise en scène d’André Engel

Par Florence Renner, professeure de Lettres au Collège Notre-Dame (Meudon)

« Au nom du père » La figure du père au théâtre

Objets d’étude : Le texte théâtral et ses représentations, du xviie siècle à nos jours

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NOVEMBRE 2018 NRP LYCÉE 39

Séries générales et technologiques Séquence 1re

ÉTAPE 1. Pères défaillants, pères aveugles

SÉANCE 1 Œdipe, à l’origine du père

Modalité : Comparaison de deux extraits.Supports : – Sophocle, Œdipe-Roi, ve s. av. J.-C. – Cocteau, La Machine infernale, 1932. – André Degaine, Histoire du théâtre dessinée, Paris, Nizet, 1992.Objectifs : – Connaître les origines du théâtre ;– Comparer deux visions d’un même personnage théâtral ;– Revoir le vocabulaire de l’analyse théâtrale.Durée : 2 heures.

Cette première séance sera l’occasion de présenter le genre théâtral aux élèves d’un point de vue historique.

➔➔ Rentrer dans le mythe par le biais de l’histoire littéraire

À partir des pages de l’Histoire du théâtre dessinée de Degaine consacrées au théâtre antique, on explique aux élèves les origines (fêtes en l’honneur de Dionysos) et les modalités du théâtre à l’époque de Sophocle. On leur soumet ensuite un extrait d’Œdipe-Roi, afin de revenir sur les principaux termes d’analyse théâtrale : répliques, didascalies, chœur, tirade. À partir de cet extrait, corres-pondant au dénouement de la pièce, lorsqu’Œdipe apprend la véri-té sur son histoire, on leur demande de réactiver leurs souvenirs sur ce mythe, qu’ils ont généralement abordé en classe de Troisième, à l’occasion de la lecture d’Antigone, d’Anouilh. On pourra noter au tableau l’arbre généalogique de la famille d’Œdipe (jusqu’à ses quatre enfants) afin que les élèves comprennent bien les enjeux tragiques du mythe.

➔➔ Comparaison avec un texte moderne

Les élèves lisent ensuite individuellement, en silence, l’extrait de La Machine infernale de Cocteau, et ils essaient de relever des points communs et des différences entre les deux passages. Ils devraient relever les éléments communs au mythe (l’histoire d’Œdipe, l’aveu du berger, le rôle de Tirésias…), mais aussi un caractère différent du personnage principal.

➔➔ Bilan de séanceOn demande aux élèves de formuler un court bilan sur ce per-

sonnage mythologique, à la fois à l’origine de notre histoire mais aussi de celle du théâtre. Il sera pertinent de remarquer que l’image du père est ici une image fortement maltraitée : le père est un par-ricide, incestueux, et sa culpabilité le pousse à se crever les yeux et à partir errer sur les routes avec sa fille Antigone.

SÉANCE 2 Thésée ou l’aveuglement tragique

Modalité : Travail en groupes.Supports : – Racine, Phèdre, 1677 : acte IV, scène 2 et acte V, scène 7. Objectifs : – Étudier l’aveuglement tragique d’un père dans le théâtre classique ;– Analyser l’alexandrin de Racine ;– S’initier au commentaire littéraire.Durée : 2 heures.

On commencera cette séance en rappelant en quelques mots aux élèves la fable de Phèdre, célèbre tragédie racinienne. Phèdre, épouse de Thésée, est issue d’une lignée punie par les dieux ; son châtiment consiste à éprouver un amour interdit pour son beau-fils, Hippolyte, fils de Thésée, issu d’un premier mariage.

➔➔ Présentation des textesDans la scène 2 de l’acte IV, Thésée accuse son fils Hippolyte

d’être amoureux de sa propre femme, Phèdre. C’est Œnone (la confidente de Phèdre) qui, dans la scène précédente, a rejeté la

Œdipe tuant son père Laïos roi de Thèbes, fresque égyptienne datant de l’époque romaine, musée du Caire.

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Séries générales et technologiquesSéquence 1re

faute de cet amour incestueux sur Hippolyte, alors que c’est Phèdre qui en est responsable. Ici, Thésée exprime sa colère contre son fils, le croyant coupable, et le rejette.

Dans la scène 7 du dernier acte, qui correspond au dénoue-ment, Thésée apprend que son fils, mort lors de son exil, était en réalité innocent. Phèdre meurt sur scène d’un poison qu’elle a avalé.

➔➔ Lecture à voix hauteLe professeur lit à voix haute les deux scènes, en mettant le ton

et en insistant sur la lecture de l’alexandrin (« e » sonore, diérèse, etc.) afin de faire entendre l’alexandrin « sublime » de Racine à la classe. Cette lecture pourra être l’occasion de rappeler les règles de lecture (versification).

➔➔ Travail sur les deux scènesLa classe est partagée en plusieurs groupes de travail ; le pro-

fesseur essaie de former des groupes de niveaux hétérogènes en partageant les rôles : un ou deux élèves à l’aise dans l’analyse des textes, un élève responsable de la prise de note et de la restitution, un élève qui prendra la parole lors de la mise en commun du travail.

Pour la première scène, nous ne conservons que le travail sur la tirade de Thésée. Les groupes se partagent le travail sur les élé-ments suivants (plusieurs groupes peuvent travailler sur les mêmes scènes) :

– IV, 2 : un texte rythmé et vivant– IV, 2 : un discours organisé, qui progresse– IV, 2 : le registre polémique– IV, 2 : une description peu flatteuse du fils– IV, 2 : une malédiction funeste– V, 7 : l’omniprésence de la mort – V, 7 : Thésée, un père au désespoir– V, 7 : les accusations faites contre Phèdre – V, 7 : l’aveu ambigu de Phèdre

➔➔ Mise en communAu terme d’une heure de travail, les élèves prennent la parole,

par groupe, pour faire part des éléments d’analyse qu’ils ont relevés dans leur scène. Le professeur note les éléments au tableau. À partir de cette restitution, les élèves, à l’aide du professeur, cherchent un plan d’étude qui pourrait correspondre à l’analyse de chaque scène. On pourra demander aux élèves de rédiger l’une des parties ou sous-parties en devoir maison.

➔➔ Proposition de plans détaillés

1. Pour la scène IV, 2

I. Un discours particulièrement éloquenta. Un texte rythmé et vivant• Étude des temps (présent) ; interpellations ; rythme des vers

(césures etc.)b. Un discours organisé, qui progresse• Étude des trois parties du discours (rappel de la faute / exil /

malédiction)• Étude de la malédiction portée par Neptune

II. Le blâme du filsa. Le registre polémique• Impératif, ponctuation expressive, lexique de la colère,

adresses au filsb. Une description peu flatteuse du fils• La description physique monstrueuse et la description morale

peu flatteuse

2. Pour la scène V, 7

I. Thésée, un père tragiquea. Un père au désespoir• Registre pathétique, allitérations en [m] et assonances en [on],

exclamatives et interjections, hyperboles insistant sur sa douleurb. Une scène sur laquelle pèse le poids de la mort• Champ lexical de la mort et du crime, rime « remords » /

« morts »

II. Les aveux de Phèdrea. Une femme que tout accuse• Étude des accusations de Thésée et de la parole que prend

Phèdre face à Thésée (impératifs et injonctions) « Et moi, fils inconnu d’un si glorieux père » : Hippolyte dans

Phèdre de Racine, acte III, sc. 5, gravure d’après Girodet, 1677, Paris.

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Séries générales et technologiques Séquence 1re

• Phèdre se présente pourtant comme victime des dieux, et d’Œnone (termes péjoratifs qui la décrivent)

b. Des aveux douloureux• Rythme alterné, d’abord rapide puis lent (cf. le poison) dans

les répliques de Phèdre• Allitérations en [s], [f ], [r] qui évoquent le râle, le souffle qui

meurt

SÉANCE 3 Orgon ou l’aveuglement comique

Modalité  : Lecture à voix haute du texte et questions sur l’extrait.Support : Molière, Le Tartuffe, 1669, acte I, scène 5. Objectifs : – Étudier l’aveuglement comique d’un père dans le théâtre classique ;– Analyser les procédés du comique.Durée : 2 heures.

➔ Mise en voixOn partagera le travail de lecture à préparer à la maison entre

plusieurs groupes d’élèves ; chaque élève prend en charge les répliques d’un personnage (Dorine, Orgon). La séance commence-ra par la lecture de la scène, par deux groupes différents. On peut demander aux élèves qui observent la scène de surligner directe-ment sur leur texte les passages qui les font rire lors de la lecture.

➔ Questions1. Quels sont les passages qui vous ont fait rire ? Essayez d’ex-

pliquer ce qui vous a paru drôle, en vous appuyant sur les différents types de comique (geste, situation, caractère, mot, et répétition).

2. En quoi peut-on dire qu’Orgon, le père de famille, apparaît comme totalement aveuglé par Tartuffe ?

➔ Éléments de réponse1. On rit, dans cette scène, du décalage entre les préoccupa-

tions d’Orgon, qui ne s’intéresse qu’à Tartuffe, et la situation dans la maison (comique de situation). En effet, Elmire (la femme d’Orgon) a été malade, mais le récit qu’en fait Dorine (la servante) n’intéresse pas du tout Orgon, qui répète à chaque fin de réplique de Dorine la question « Et Tartuffe ? » (comique de répétition). Orgon appa-raît ainsi comme un personnage égoïste, aveuglé par son attache-ment à Tartuffe (comique de caractère). Le portrait de Tartuffe que dresse Dorine, un personnage gourmand et profiteur, est égale-ment amusant (comique de caractère). Enfin, le personnage de la servante qui se moque de son maître est un classique des procédés comiques (situation) dans les pièces de Molière.

2. Orgon apparaît comme totalement aveuglé par Tartuffe, car il s’intéresse davantage à lui qu’à sa femme, alors que sa femme a été malade, tandis que Tartuffe à l’air de se porter « à merveille ». Dorine d’ailleurs se moque de son maître dans la description qu’elle fait de Tartuffe, mais Orgon ne s’en aperçoit pas, car son intérêt pour cet homme le rend également totalement sourd à toute critique.

Molière, Tartuffe, acte IV, sc. 7, 1667, gravure de Jean Lepaultre, Paris.

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Séries générales et technologiquesSéquence 1re

ÉTAPE 2. Deux auteurs, une obsession

SÉANCE 4 Corneille, le père et l’honneur

Modalité : Séance au CDI et/ou en salle informatique ; travail en groupes.Supports : Corneille, Médée, L’Illusion comique, Le Cid, Polyeucte, Le Menteur.Objectifs : – Étudier l’importance du père dans les pièces de Corneille ;– Revoir la notion de dilemme cornélien ;– Préparer un exposé oral.Durée : 2 heures.

Cette séance aura lieu au CDI, et sera préparée en lien avec le professeur documentaliste. On proposera aux élèves différentes éditions de plusieurs pièces de Corneille, dans lesquelles appa-raissent des figures de père (Jason et Créon dans Médée, Pridamant dans L’Illusion comique, Don Gomes et Don Diègue dans Le Cid, Félix dans Polyeucte, Géronte dans Le Menteur).

Au préalable, le professeur de français pourra rappeler à l’oral ou à l’aide d’une fiche donnée aux élèves la définition du dilemme cornélien, qui soumet le personnage à un choix impossible à faire entre son amour et son honneur.

Les élèves travailleront en groupes à partir des ouvrages, de recherches effectuées sur internet avec l’aide du professeur docu-mentaliste, et chez eux, afin de préparer un exposé sur ces figures paternelles. Ils devront répondre au plan d’étude suivant :

1. Présenter l’intrigue de la pièce en quelques mots ;2. Faire un portrait moral du père dans la pièce (est-il un per-

sonnage noble, ridicule, valeureux, etc. ?) ;3. Expliquer en quoi le personnage est, dans certains cas, à l’ori-

gine d’un dilemme ;4. Montrer quelle image du père ressort de la pièce.

SÉANCE 5 Florian Zeller, père et fils

Modalité : Mise en scène d’un extrait de pièce contemporaine.Support : Extrait de la pièce de F. Zeller, Le Fils, scène 12. Objectifs : – S’approprier un texte par sa mise en scène ;– Étudier l’ancrage du théâtre dans la société contemporaine.Durée : 2 heures.

➔➔ Mise en scèneEn classe entière, on lit la scène en surlignant les didascalies.

On demande ensuite à des volontaires de travailler chez eux ou en classe, sous le regard des autres élèves, la mise en scène de l’extrait de la pièce. Ils pourront prendre en charge tout ou par-tie de la scène, et l’on pourra proposer deux mises en scène diffé-rentes, l’une particulièrement tragique, l’autre plus légère, afin de voir que les choix de mise en scène, personnels, peuvent changer l’ambiance d’une scène. Les élèves présentent ensuite leur mise en scène à la classe.

➔➔ Réflexion à l’oral sur la scèneOn demande aux élèves, au terme de cette « représentation »,

d’expliquer pourquoi cette scène s’inscrit parfaitement dans des réflexions actuelles sur les rapports entre père et fils (ou fille). On pourra leur demander s’ils ont déjà eu ce type de conversations avec leurs propres parents, et pourquoi le théâtre paraît être un bon moyen de partager des faits sociaux communs.

Thibaut Corrion (Don Rodrigue) et Bruno Sermonne (Don Diègue) dans Le Cid de Pierre Corneille, mise en scène d’Alain Olivier, le 9 octobre 2007 au théâtre Gérard Philippe à Saint-Denis.

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Séries générales et technologiques Séquence 1re

ÉTAPE 3. Shakespeare, Le Roi Lear

SÉANCE 6 Découvrir la pièce par l’image

Modalité  : Travail oral commun sur l’image et création d’une affiche en groupes.Supports : Affiches.Objectifs : – Imaginer des pistes de lecture pour la pièce de Shakespeare ;– S’approprier la pièce par l’image.Durée : 2 heures.

L’objectif de cette première séance consacrée à l’étude du Roi Lear de Shakespeare est de faire découvrir aux élèves l’univers de la pièce, en même temps que celui du théâtre shakespearien. Familiers du théâtre français classique étudié en 2de, les élèves ima-ginent souvent que les règles des trois unités s’appliquent à tout le théâtre, et ils méconnaissent l’influence de Shakespeare sur le drame romantique au xixe siècle en France. Cette séance est l’occa-

sion de leur faire découvrir l’ambiance de la pièce étudiée, ainsi que la caractéristique du drame shakespearien, qui est de mélanger le grotesque au sublime.

1. Projeter plusieurs affiches de mises en scène du Roi Lear

Le professeur projette en classe le document disponible en res-source numérique , proposant deux affiches de mises en scène du Roi Lear.

➔➔ Questions1. Quels sont les éléments communs que l’on retrouve sur ces

affiches ?2. Quelle impression se dégage de ces différentes affiches ?

Affiche du Roi Lear par la Cie Théâtre 2 L’Acte, mise en scène de Michel Mathieu, 2007, graphiste : Ronald Curchod, Toulouse.

Affiche du Roi Lear de William Shakespeare, mise en scène de Georges Lavaudant au centre dramatique national des Alpes, 1976, graphiste : Jean-Pierre Vergier, Grenoble.

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Séries générales et technologiquesSéquence 1re

➔ Éléments de réponse1. L’élément le plus commun est la couronne du roi, qui

vient faire écho au titre de la pièce. On retrouve aussi l’idée de mort grâce au crâne présent sur l’affiche du théâtre de l’Acte, et l’on peut supposer qu’il va s’agir de la mort du roi lui-même. Cette « destruction » de la figure du roi se perçoit aussi sur de nom-breuses affiches des représentations du Roi Lear. La folie est visible sur l’affiche du Centre national des Alpes, avec les yeux exorbités et le sourire étrange du roi. Enfin, cette affiche annonce l’importance dans la pièce des trois filles du roi qui prennent place dans la cou-ronne de leur père.

2. L’impression générale qui se dégage de ces affiches est celle d’une pièce un peu « folle », axée sur une figure centrale royale inquiétante parce que rattachée à la folie et à la mort.

Activité personnelle de l’élève : on pourra demander aux élèves, au terme de la lecture de la pièce, de créer, en groupe de 3 ou 4, leur propre affiche.

2. Découvrir l’univers shakespearienUne fois ces éléments mis en place, on fera quelques rappels

sur le théâtre élisabéthain, et sur l’importance pour Shakespeare de plaire à un public alors très varié. En effet, toutes les classes sociales se pressaient au théâtre du Globe pour assister aux pièces du dra-maturge, et l’auteur devait alterner scènes sérieuses pour satisfaire le public bourgeois, et scènes plus paillardes pour que les classes sociales moins aisées, ennuyées par trop de sérieux, ne lui jettent pas des œufs ou des tomates ! La mise en scène du Roi Lear pro-

posée par Olivier Py au festival d’Avignon en 2015 permet de faire comprendre aux élèves l’importance de ce mélange de grotesque et de sublime, qui sera repris par Victor Hugo lorsqu’il posera les règles du drame romantique.

SÉANCE 7 Annoncer la pièce par les mots

Modalité : Mise en voix d’extraits de la pièce.Supports : Extraits choisis de la pièce, dans les versions de Shakespeare, de François-Victor Hugo, d’Armand Robin et d’Olivier Py. Objectifs : – Découvrir la langue de Shakespeare ;– Réfléchir aux enjeux de la traduction.Durée : 2 heures.

Cette séance sera l’occasion pour les élèves de continuer à découvrir la pièce en s’appropriant le langage de Shakespeare.

1. Comparer trois traductions du texte d’origineOn distribue d’abord aux élèves le document présentant des

extraits du texte de Shakespeare , en leur demandant de travail-ler la traduction avec leur professeur d’anglais.

On leur distribue ensuite les trois traductions de François-Victor Hugo, d’Armand Robin et d’Olivier Py des passages correspondants, en leur demandant de réagir face au choix des traducteurs (voir les

Philippe Girard (Lear) et Laura Ruiz Tamayo (Cordelia) lors de la représentation du Roi Lear de William Shakespeare dans la Cour d’honneur du Palais des Papes le 15 juillet 2015, mise en scène d’Olivier Py, festival d’Avignon.

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Séries générales et technologiques Séquence 1re

questions au bas des traductions dans le document numérique. Il sera intéressant de noter qu’Olivier Py prend beaucoup plus de liber-tés par rapport au texte d’origine qu’Armand Robin et F.-V. Hugo. Pour les élèves en Première L, cette réflexion pourra être le point de départ d’une séance plus complète sur la notion de récriture.

2. Mettre en voixChaque élève apprend par cœur une des répliques, en anglais

ou dans la traduction de son choix, et la répète plusieurs fois, en la « scandant » (choix du rythme et de l’intensité vocale à travailler). On peut mettre les élèves par groupes de deux, face à face, et leur demander de calquer le rythme et l’intensité de leur réponse sur celle de leur camarade, et d’aller en crescendo puis en decrescendo, aussi bien en intensité qu’en vitesse.

SÉANCE 8 Lire Lear : le père fou ?

Modalité : Travail en classe entière.Support : Extrait de l’acte I, scène 1, de « Dites-moi, mes filles » (GF p. 57) à « Partagez cette couronne entre vous », p. 65).Objectif : Comprendre l’enjeu de la pièce par l’étude d’une par-tie de la scène d’exposition.Durée : 2 heures.

Pour lancer la lecture intégrale de l’œuvre (et/ou son visionnage dans la mise en scène d’André Engel), on consacrera cette dernière séance à l’étude de la première scène, entre le roi Lear et ses filles, et à cette demande étonnante d’exprimer leur amour pour leur père. Cette séance sera l’occasion d’un travail de questionnement sur le texte et d’un travail d’écriture.

➔➔ Questions1. Qu’est-ce que le roi demande à ses filles ?2. Analysez le caractère des trois filles ; à quoi ce rapport entre

les sœurs peut-il nous faire penser ?3. Quel lien le roi et Cordélia partagent-ils ?4. En quoi la réponse de Cordélia est-elle surprenante ? 5. Comment le père réagit-il à cette réponse ? Qu’annonce cette

réaction pour le moins excessive ?

➔➔ Éléments de réponse1. Le roi demande à ses filles d’exprimer leur amour pour lui,

pour savoir laquelle est la plus aimante afin de lui laisser une partie de ses terres (« Dites-moi, mes filles […] / Dites-moi qui de vous nous devons juger la plus aimante ? / Afin que notre bonté la plus géné-reuse, nous puissions l’étendre / Là où le mérite et la nature ensemble l’exigent. » GF p. 57-59).

2. Les deux sœurs aînées ont un caractère proche, elles sont faites du « même métal » ; elles sont sûres d’elles, capables d’hypo-crisie pour gagner les terres de leur père. Leur discours est très élo-quent, mais leur amour ne semble pas sincère. À l’inverse, Cordélia, qui parle en aparté, éprouve un amour sincère pour son père mais elle ne maîtrise pas aussi bien que ses sœurs la parole, et elle sait ne pas pouvoir leur faire concurrence sur le terrain des mots. Cette

opposition entre les deux aînées prêtes à tout et une benjamine rejetée peut nous faire penser aux sœurs des contes de fée, par exemple dans Cendrillon.

3. Cordélia est la fille préférée du roi, comme l’indiquent les périphrases : « toi, cadette qui es notre joie, / Bien que notre der-nière-née et notre plus petite, […] / Que peux-tu dire pour recueillir un troisième lot plus opulent que celui de tes sœurs ? » (GF p. 61).

4. La réponse de Cordélia est inattendue, car elle répète le mot « Rien », alors que le roi s’attendait à la déclaration la plus sincère et la plus aimante. Mais si elle ne répond rien, c’est que son amour est si pur et si fort qu’elle ne trouve pas les mots pour l’exprimer, et qu’elle croit davantage au pouvoir de l’amour qu’à celui du langage (« je suis sûre que mon amour / A plus de poids que mon langage » GF p. 61). Malheureusement pour elle, ça ne sera pas le cas.

5. En effet, le roi devient furieux lorsqu’il entend cette réponse, et il répudie sa fille qui tente tant bien que mal de lui expliquer que son discours est le plus sincère des trois : « que donc la sincé-rité soit ta dot » (GF p. 63), lui rétorque-t-il sur un ton ironique. On comprend alors que cette répudiation de la fille préférée signe le déclenchement de la tragédie, et du début de la folie du roi qui ne s’en remettra pas. Ainsi, plus loin dans l’acte, à la scène 4, alors qu’il ressasse cette rupture, Lear parle d’arrachement (« wrench’d »), comme si, par ce reniement, il avait fait sauter un gond essentiel, désaxant le cadre de son esprit.

Activité d’écriture : on demande aux élèves de rédiger la ré-ponse que Cordélia aurait pu apporter à son père. La production devra prendre la forme d’un texte théâtral (répliques et didas-calies), et faire alterner les paroles de Lear et de Cordélia (ainsi que celles des sœurs si les élèves le souhaitent). Cordélia devra prendre en charge une tirade argumentative visant à prouver son amour sincère à son père.

SÉANCE 9 Mise en scène d’André Engel

Modalité  : Visionnage de la pièce en intégralité, ou de pas-sages choisis.Support : DVD COPAT1 de la mise en scène du Roi Lear par André Engel, Odéon – Théâtre de l’Europe, 2006.Objectif : Accéder à une pièce difficile par le biais de sa mise en scène plutôt que par l’unique lecture du texte.Durée : 2 heures.

Activité finale de l’élève : on pourra demander, au terme du visionnage de la mise en scène ou de la lecture de la pièce, de rédiger un portrait le plus complet possible du roi Lear, et de son évolution au fil de la pièce.

1. Le dossier pédagogique, sur dévédérom, comporte notamment une ana-lyse de l’œuvre, un historique des mises en scènes, une anthologie critique et des réflexions du metteur en scène. Le livret présente la mise en scène d’André Engel.