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R ésu m és d'interv e n ti o n s 2 ème journée du polyhandicap de l’enfant et de l’adulte Station assise et appareillage chez l’enfant et l’adulte polyhandicapés Objectifs, conséquences et qualité de vie 28 septembre 2001 Sous la direction du Dr Philippe Denormandie et du Pr Brigitte Estournet Mission Missi n HANDIC HANDICAPS APS

Station assise et appareillage chez l’enfant et l’adulte

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2ème journée du polyhandicap de l’enfant et de l’adulte

Station assise et appareillagechez l’enfant et l’adultepolyhandicapésObjectifs, conséquences et qualité de vie

28 septembre 2001

Sous la direction du Dr Philippe Denormandieet du Pr Brigitte Estournet

MissionMissi nHANDICHANDICAPSAPS

2ème journée du polyhandicap de l’enfant et de l’adulte

Station assise et appareillagechez l’enfant et l’adultepolyhandicapésObjectifs, conséquences et qualité de vie

28 septembre 2001

Sous la direction du Dr Philippe Denormandieet du Pr Brigitte Estournet

MissionMissi nHANDICHANDICAPSAPS

Assistance Publique - Hôpitaux de Paris3, avenue Victoria75100 Paris RP

Réalisation : Secteur Editions - Direction de la Communication de l’AP-HP© 2002 Assistance Publique - Hôpitaux de Paris

Imprimé en France

Sommaire

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

Première partie : Objectifs de la station assise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

• Point de vue du médecin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

• Point de vue des professionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

• Point de vue des parents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

Deuxième partie : Retentissement orthopédique du polyhandicap . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

• Chez l’enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

Troisième partie : L’appareillage : objectifs, moyens, problématiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

- Chez l’enfant :

• Point de vue du médecin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

• Point de vue du kinésithérapeute . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

• Point de vue du psychologue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

• Point de vue des parents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55

- Chez l’adulte

• Point de vue du médecin, de l’ergothérapeute et de l’orthoprothésiste . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

• Point de vue du kinésithérapeute . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

• Point de vue des parents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65

Quatrième partie : La spasticité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

• Evaluation clinique de la spasticité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

• Spasticité de l’enfant : traitements médicamenteux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

• Utilisation thérapeutique de la toxine botulique chez l’enfant handicapé . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

• Chirurgie de la spasticité chez l’enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78

Cinquième partie : La complémentarité chirurgie/appareillage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83

• Handicap et station assise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85

Sixième partie : Table ronde : appareillage et qualité de vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

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Introduction

La station assise est primordiale pour tous, car elle va permettre la communication et la socialisation. Outre son intérêt médical chez le polyhandicapé en diminuant les complicationsdigestives et respiratoires, elle favorisera la stimulation sensorielle et cognitive et surtout l'exploitation des possibilités motrices.

Cette journée permet de rappeler les objectifs, les moyens mais aussi les difficultés de la station assise vue par les professionnels et les parents.

Nous évoquerons les moyens médicaux anciens ou récents permettant de faciliter cette station assise en luttant en particulier contre la spasticité :

- médicaments, chirurgie orthopédique ou neurochirurgie, injections intrathécale de liorésal

Malgré ses difficultés de réalisation, la station assise doit rester l'un des objectifs majeurs dela prise en charge des polyhandicapés, car d'elle dépend son intégration dans la société.

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PREMIÈRE PARTIE

Objectifs de la station assise

Les différents points de vue :

• du médecin• des professionnels• des parents

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Objectifs de la station assiseLes différents points de vue du médecin

Docteur Marie-Christine RousseauChef du service de polyhandicapés adultes

Hôpital San Salvadour - AP-HP

La définition du polyhandicap n’est pas univoque ; selon l’annexe 24 ter, c’est un handicap grave à expression multipleassociant déficience motrice et déficience mentale sévère ou profonde entraînant une restriction extrême de l’autonomieet des possibilités de perception, d’expression et de relation.

Ce polyhandicap éventuellement aggravé d’autres déficiences ou troubles nécessite le recours à des techniques spécialisées pour le suivi médical, l’apprentissage des moyens de relation et de communication, le développement descapacités d’éveil sensori-moteur et intellectuelles concourant à l’exercice d’une autonomie optimale.

Le patient polyhandicapé est un patient dont le cerveau a été atteint précocement pendant sa période de dévelop-pement (de la conception à l’âge de 5 ans). Il en résulte une encéphalopathie chronique.

La plupart des patients polyhandicapés sont diagnostiqués avant l’âge de 2 ans.

Cela aboutit à des états mal formatifs complexes dont les étiologies sont très diverses : (30 à 40% d’encéphalopathieschroniques d’origine indéterminées).

• Les différentes causes

- causes prénatales : génétiques,- causes périnatales : maladies maternelles (métaboliques : diabète-néphropathies, infections : rubéole-

toxoplasmose viroses, prématurité, anoxie de cause maternelle, traumatisme obstétrical),- causes postnatales : traumatismes crâniens, infections méningées, anoxie d’autre cause.

Ces patients vont présenter un certains nombre de troubles directement et indirectement liés à l’encéphalopathie : défi-cience mentale, gros troubles moteurs confinant souvent à la dépendance complète, comitialité souvent difficile à équilibrer, troubles de la déglutition, complications orthopédiques, pulmonaires, digestives, cutanées, ophtalmologiques, stomatologiques.

• Il existe plusieurs types cliniques de patients polyhandicapés : - les patients présentant peu de troubles moteurs mais chez qui les troubles de la personnalité sont au premier

plan avec notamment des traits psychotiques (repli autistique),- les patients présentant des troubles moteurs massifs allant souvent jusqu’à la quadriplégie spastique avec retard

intellectuel mais contact préservé,- les patients présentant des syndromes polymalformatifs avec hypotonie.

Les objectifs de la station assise sont multiples.

I - Les objectifs cognitifsHistoriquement le problème de la verticalisation des patients polyhandicapés est récent 15-20 ans environ.La verticalisation en assurant l’horizontalité du regard permet de mettre le patient polyhandicapé face à la vie.La verticalisation en ouvrant le champ de la perception, de l’association, de l’interaction, de la coopération et permet lasocialisation.

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1. Prévenir le handicap secondaire

Le patient "encéphalopathe" présente un "double handicap" : celui de l’encéphalopathie chronique additionnée de celuide la carence d’apprentissage.

Pour qu’un apprentissage se fasse, il est indispensable que l’individu soit soumis à des stimulations multiples, variées etrépétées. Ces stimulations sont naturellement effectuées auprès des enfants dits normaux.

Par contre, chez l’enfant polyhandicapé, ces conditions sont rarement réunies du fait des déficits sensoriels, des appareillages, des difficultés de communication (infra verbale).

Ceci a pour résultat de créer un handicap secondaire consécutif aux expériences rendues impossibles du fait des atteintes motrices, sensitives et sensorielles, à cela s’ajoute la difficulté d’éduquer ces enfants.

Cela est difficile et ce d’autant plus que le désir de tenir assis (manque d’appétence motrice) ou de communiquer chezces patients peut être absent.

2. Faciliter la prise en chargeLa station assise ouvre le champ de la perception.Ils voient les autres, ils voient leur propre corps.L’installation permet la socialisation, évite l’aliénation.

• Permet de réaliser le projet de vie en utilisant et en dégageant les possibilités motrices exploitables, la verticalisa-tion peut aboutir à une certaine indépendance fonctionnelle (cela va de la préhension à l’utilisation d’un fauteuil électrique). La verticalisation facilite la mobilisation de ces patients et permet quelques activités : les déplacements, lespromenades, la prise en charge éducative, l’installation aux ateliers, diminuer la dépendance etc.

• Favorise la communication :- avec le personnel,- avec les familles,- avec les autres patients.

La verticalisation n’a de sens que si on l’exploite : cela ne doit pas être un élément isolé de rééducation mais doit tenircompte de l’état de dépendance maximal. On ne peut espérer un progrès de personnification que si on inscrit la sta-tion assise dans quelque chose qui a un sens, il faut en faire un acte intégré dans une prise en charge globale dupatient.

• Facilite le nursing : toilette périnéale plus facile des enfants aux hanches luxées, bains.

Prévention des complications du décubitus permanent

A - Les complications œsophagiennesLa plupart des patients polyhandicapés entre 40 et 50 % suivant les études souffrent de RGO et de complications œsophagiennes.

1. Les causes sont multiples

• Neurologiques : par déficience de la commande centrale, atonie du sphincter œsophagien inférieur, troubles de ladéglutition.

• Anatomiques : estomac intra thoracique, malformations rachidiennes majorant ces perturbations anatomiques etentraînant des perturbations de la dynamique du diaphragme.

La principale complication de ce reflux est l’œsophagite qui peut, elle-même, se compliquer d’hémorragies digestives.

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2. Le diagnostic

• Clinique

Le RGO est très souvent occulte chez le patient polyhandicapé :- vomissements à répétition,- infections respiratoires à répétition,- douleur (grille),- malaise après le repas,- refus alimentaire,- toux aux changements de position.

Le plus souvent le diagnostic sera porté au stade d’œsophagite qui, elle-même, peut rester pauci symptomatique surce type de patients :

- douleur,- amaigrissement,- anémie chronique,- dysphagie,- méléna, hématémèse.

• Para clinique

Pour le RGO, le diagnostic est la Ph-métrie.

Pour l’œsophagite, c’est la fibroscopie qu’il ne faudra pas hésiter à faire, qui nécessitera chez ce type de patients uneanesthésie générale.

Les lésions retrouvées sont des lésions d’œsophagite souvent ulcérée, volontiers associées à une gastrite : penser àrechercher H. pilori.

3. Le traitement

• La posturation +++.

• Des traitements hormonaux et les neuroleptiques sont à éviter

• Des aliments qui diminuent le tonus du sphincter œsophagien inférieur (graisses) sont à éviter

• Alimentation fragmentée (difficile à réaliser à l’hôpital)

• Traitements médicaux : les épaississeurs (alginates), les prokinétiques (dompéridone, metoclopramide mais souci principal = augmentation de la prolactine, risques de troubles du rythme cardiaque), et en cas d’œsophagite un anti-acide (inhibiteur de la pompe à protons et anti-histaminique H2).

En cas d’alimentation entérale, il faut utiliser des débits assez bas, verticaliser le patient pendant et après l’alimen-tation, éviter les aliments qui diminuent le tonus du sphincter œsophagien inférieur.

Ces traitements doivent être associés à fortes doses et au long cours.

• Le traitement chirurgical (fundoplicature de Nissen)

Il est invasif et non dénué de risques chez ces patients à la fonction respiratoire précaire. A San Salvadour, nous ne lepratiquons pas.

20 % de décès dans l’année qui suit.

En complément dans la prévention des complications digestives de l’état grabataire lié au polyhandicap, la positionorthostatique en est le principal moyen de prévention, mais elle est souvent difficile à instaurer et à maintenir à causedes appareillages et à la douleur liée à la verticalisation.

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B - Les complications pulmonaires

1. Les causes sont multiples et intriquées

• Troubles respiratoires directement liés à l’encéphalopathie responsables d’hypoventilation alvéolaire.

Atteinte partielle des centres respiratoires entraînant un dysfonctionnement du rythme respiratoire avec souvent des pau-ses respiratoires aggravées par la prise de traitements anticomitiaux ou neuroleptiques ou tout autre sédatif . Il faut doncveiller à prescrire des doses minimales efficaces.

• Les atteintes musculaires

Paralysies musculaires diffuses pouvant nécessiter la mise en jeu permanente de la musculature accessoire.

• Ossature thoracique

Déformations thoraciques et rachidiennes aggravant le syndrome restrictif respiratoire.

• Obstacle de la région pharyngée

Souvent proche de l’apraxie de la déglutition :- fausses routes alimentaires ou à la salive ;- inhalation de liquide gastrique en cas de RGO ;- glossoptose.

• Disparition ou diminution du réflexe de toux

• Distribution anormale de la vascularisation pulmonaire avec hyper vascularisation des zones déclives

• Trachéo et broncho-malacie qui peut être favorisé par la fuite calcique due à l’état grabataire

Tous ces facteurs souvent additionnés font qu’en cas d’agression pulmonaire supplémentaire ou d’élévation des besoinsmétaboliques, on aboutit à la détresse respiratoire.

2. La station assise

• Agit sur les obstacles à la région pharyngée en diminuant le RGO, les fausses routes alimentaires ou à la salive.

• Facilite l’admission d’air dans les poumons en diminuant la glossoptose, en facilitant l’ouverture de la trachée et desbronches malgré la trachéo bronchomalacie.

• Rétablit la vascularisation pulmonaire.

Mais elle n’a pas d’action sur les déformations thoraciques et les déficit musculaires ni sur le réflexe de toux

Elle doit s’intégrer dans un ensemble de mesures préventives des complications pulmonaires réalisées quotidiennement(drainage bronchique, traitement du RGO, posturation lors de l’alimentation, aspirations, etc.).

C - Les complications cutanéesLes patients polyhandicapés sont principalement victimes de nécroses cutanées ou d’escarres provoquées par lespoints d’appui permanents aggravés par la dénutrition et les troubles vasomoteurs.

La dégrabatisation en soulageant les pressions locales contribuera à améliorer la trophicité cutanée. Elle doit bien sûrs’ajouter à la mobilisation (côté à côté pluriquotidienne), massages, alimentation riche en protéines.

D - Prévention des thromboses veineuses profondes (TVP)La verticalisation qui permet une mobilisation du patient, permet de diminuer le risque de TVP.

Cependant, malgré de nombreux facteurs de risques observés chez ces patients (immobilisation, chirurgie orthopédique), les TVP restent exceptionnelles. La spasticité explique sans doute partiellement cela, peut-être aussi l’hypogonadisme lié à l’encéphalopathie. Ainsi ces patients ne reçoivent-ils pas de prophylaxies contre les thrombo-veineuses profondes.

Cependant, il me semble important de réaliser une prophylaxie après une chirurgie orthopédique ou abdominale : surélévation des membres inférieurs et contention de classe II, mobilisation passive, pendant 6 semaines en post-opératoire.

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E - Les complications osseusesLa station assise ne prévient pas la déminéralisation osseuse, source de fractures et de douleurs.

Le poids du corps est indispensable au développement morphologique notamment de la hanche. La position couchéeest donc mauvaise aussi sur le plan orthopédique : luxation de hanches, déviation rachis-bassin, aplatissement du thorax.

Cela entraîne un handicap moteur secondaire qui s’aggrave rapidement au cours de la période de croissance et pluslentement par la suite.

Les patients polyhandicapés qui sont actuellement adultes ont été verticalisés tardivement (cf. historique) et présententdes déformations et des états de contactions généralisés qui dans l’avenir ne devraient plus se rencontrer.L’aplatissement du thorax, les scolioses aux impressionnantes angulations qu’ils présentent et les luxations difficilementévitables des hanches obligent à «négocier» des installations qui auront pour objectif non pas la réduction des anomalies orthopédiques mais l’antalgie, la verticalisation, la mise en œuvre de la motricité résiduelle. Ceci passe par l’analyse des différents schémas de contractures, des déformations osseuses, car chaque cas est particulier et en fonction de tous ces paramètres on s’efforcera de construire autour du patient l’appareillage le plus adapté (confort pourles mousses de nuit, verticalisation la plus tolérable possible pour les coquilles de station assise).

Cependant, comme nous le verrons dans les communications suivantes, la verticalisation ou à défaut la station assise,dès l’enfance, de ces patients permet de prévenir partiellement les déformations du rachis et de la cage thoracique etdans une certaine mesure la luxation des hanches.

Pour qu’elle soit efficiente, la verticalisation doit donc être précoce et s’inscrire dans la prévention. On doit essayer depréserver des hanches mobiles et si possible en place, l’horizontalité du bassin, un rachis équilibré.

Conclusion

• Du point de vue cognitifLa verticalisation en assurant l’horizontalité du regard permet de mettre le patient polyhandicapé face à la vie.La verticalisation en ouvrant le champ de la perception, de l’association, de l’interaction, de la coopération permet lasocialisation.

• Du point de vue somatiqueNe pas laisser le patient polyhandicapé en décubitus permanent, c’est éviter une dégradation physiologique progressive.Quel que soit l’état mental, le pronostic de marche éventuel a fortiori pour ceux qui ne marcheront jamais, le problè-me de la verticalisation ne doit pas être abandonné.

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Interaction avec l’environnementLes différents points de vue des professionnels

Monique Pouget, Agnès RousselleÉducatrices spécialisées

Annick DefaqueErgothérapeute moniteur-cadreService de soins à domicile 95

Cesap Montigny-lès-Cormeilles

Préambule

Présentation du service

Le service de soins à domicile du Val d’Oise (95) a été créé par une association, le Cesap. Il accueille 40 enfants polyhandicapés du département âgés de 0 à 12 ans (1/3, environ étant âgés de 0 à 3 ans, 1/3 de 3 à 7 ans et 1/3 de7 à 12 ans). la prise en charge globale des enfants et l’accompagnement de leurs familles sont assurés par une équipepluridisciplinaire ; selon les besoins de l’enfant, elle élabore, puis propose à la famille un projet individualisé qui sera régulièrement réactualisé en collaboration avec celle-ci. Les interventions s’effectuent dans les différents lieux de vie del’enfant : domicile et groupes organisés par le service, crèche et crèche familiale, halte-garderie et école maternelle.

La station assise, un projet d’équipe

C’est avec intérêt que l’équipe du SSAD s’est interrogée sur le thème de cette journée d’étude : en effet, chacun de sesmembres se sent concerné dans son travail par les différents aspects humains et matériels qu’implique la position assise de l’enfant polyhandicapé ; chacun est partie prenant, selon sa fonction, dans les processus visant à la mettre enplace. Cet exposé qui va mettre l’accent sur les points de vue des éducatrices spécialisées et de l’ergothérapeute rendcompte de cette réflexion commune et de la collaboration des différents acteurs professionnels de l’équipe qui jouentaussi un rôle déterminant et complémentaire dans cette accession à la position assise : pédiatre, médecin de rééduca-tion fonctionnelle, ortho-prothésiste, kinésithérapeutes et psychomotriciens, en particulier par leurs attentes et leur participation, les parents, l’enfant et son entourage, sont évidemment les partenaires primordiaux et dynamiques du projet thérapeutique et éducatif de la station assise envisagée.

I - Point de vue des éducatrices

La station assise, une étape structurante dans la vie de l’enfant polyhandicapé

• Motivations d’éducatrices : une longue histoire...Si ce sujet de la station assise tient particulièrement à cœur aux éducatrices, c’est que nous nous rappelons avec émotion nos débuts professionnels dans le secteur, il y a plus de vingt ans : à l’époque, l’équipe ne comportait, commeintervenants à domicile, que des kinésithérapeutes et éducateurs ; le service s’occupait aussi d’adolescents et de jeunes adultes qui n’avaient, jusqu’alors, pu bénéficier de prise en charge, faute de structures adaptées ou d’infor-mation. Il nous arrive encore d’évoquer, entre collègues, notre effarement devant les impressionnantes déformationsorthopédiques de ces jeunes qui passaient le plus clair de leur temps allongés dans leur lit, avec la télévision, heureu-sement, comme source de stimulations, ou dans les bras de leur mère pour les soins et repas quotidiens : dépourvus d’installation, leur dépendance permanente et leur isolement social, ainsi que celui de leur entourage, dévoué et disponible jusqu’à l’épuisement souvent, nous avaient bouleversées. Rompre cet isolement, faciliter la vie quotidienneet les déplacements, conquérir l’autonomie possible dans des situations de confort variées, nous étaient apparus alorscomme les objectifs de notre travail éducatif avec ces jeunes pour améliorer leur qualité de vie. Prévenir au mieux l’avenir des tout-petits et de leur famille de ces évolutions restrictives et préjudiciables physiquement et psychiquementdont nous avions été témoins, fut l’autre impératif qui orienta l’action de l’équipe. C’est la raison pour laquelle, nousavons toujours été convaincues du bien-fondé de la nécessité de proposer la station assise aux enfants poly-handicapés et de surmonter nos réticences devant les appareillages nécessaires à la prévention et à la correctionorthopédique, malgré leurs caractéristiques contraignantes et parfois «spectaculaires» (d’autant plus à cette époqueque les kinés ne disposaient alors que de bandes plâtrées comme matériau pour réaliser les sièges moulés !).

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A - La station assise au solAu cours du développement psychomoteur, généralement, le stade de la station assise s’acquiert graduellement entrele sixième et le neuvième mois ; cette étape ne peut advenir naturellement chez les enfants que nous suivons.Kinésithérapeutes, psychomotriciennes, ergothérapeute et éducatrices, chacune avec son approche spécifique, nousproposons, si possible, aux enfants que nous suivons, des stimulations répétées et des enchaînements posturaux visantà cette étape de l’évolution motrice. Dans les jeux de tiré-assis, par exemple, l’enfant est incité à coopérer à son redres-sement et à son changement de posture en initiant un mouvement de la tête, des épaules ou une tension tonique desbras ; en jouant à «bateau sur l’eau», les éducatrices seront plus attentives aux manifestations de sa reconnaissance dela comptine (expressions du visage de l’enfant et son anticipation du mouvement) et à sa capacité relationnelle à jouersur l’alternance éloignement et rapprochement corporel.

Certains enfants, mais pas tous, arrivent progressivement à passer, seuls ou avec aide, de la position allongée à uneposition assise, plus ou moins « orthodoxe » ; d’autres arrivent à maintenir plus ou moins longtemps une station assisestabilisée par ses parachutes ou un soutien latéral. Sur les recommandations du kiné, l’éducatrice est vigilante à aiderl’enfant à s’asseoir au sol en tailleur et avec un redressement de l’axe, pour que son attitude soit la moins pathologiquepossible pour ses hanches, sa colonne et ses articulations. Mais malgré les progrès positifs de certains, la plupart desenfants que nous suivons ont besoin, à certains moments de la journée, ou presque en permanence, d’une assistancepour être assis avec le maintien corporel par un tiers ou la suppléance d’un appareillage, en raison de leur fatigabilité,de leur fragilité somatique (épilepsie, encombrement bronchique, fausses-routes) et de leurs atteintes neurologiques,(hypotonicité, spasticité, spasmes en extension, mouvements involontaires, etc.). Le médecin de rééducation fonction-nelle prescrit pour la majorité des enfants un siège moulé, confectionné en polypropylène et mousse de confort par leprothésiste ; sa réalisation tient compte aussi des remarques et avis de la famille et des intervenants pour qu’il puisseévoluer selon ses différentes fonctions.

B - Station assise et objectifs éducatifsÉducatrices, nous avons bien sûr en tête la nécessité orthopédique des sièges moulés et les améliorations qu’ils offrentaux enfants dans la journée au niveau respiratoire et de la déglutition. Mais, outre ses indications orthopédiques et médi-cales premières, l’installation de l’enfant polyhandicapé en position assise, le plus souvent passive grâce à un siègemoulé, va concourir à son éveil et transformer sa vie quotidienne. Les nouvelles modalités de soins qu’elle apporte,notamment au moment des repas, vont avoir des incidences sur sa maturation psychique et l’évolution de ses relationsfamiliales. La station assise va lui offrir des occasions d’expériences vestibulaires, proprioceptives et kinesthésiquesvariées, des possibilités d’interrelations nouvelles avec son entourage et d’interactions sur son environnement. Adaptéà une poussette, le siège moulé va lui apporter une mobilité facilitant les déplacements qui lui ouvriront de nouveaux horizons sociaux. Ces arguments peuvent favoriser l’acceptation et l’investissement (autant que faire se peut) d’un maté-riel qui souligne le handicap, mais qui fait du passage à la station assise un auxiliaire du projet d’accompagnement éducatif. Ces bénéfices secondaires de l’installation, qui interfèrent entre eux, concernent les différentes dimensions dudéveloppement de l’enfant.

1. Au niveau sensoriel et psychomoteur

La station assise va contribuer à la maturation de la vision et de l’audition de l’enfant polyhandicapé. L’enfant allongéreçoit des messages sonores latéralement ; sa vision est limitée au plan horizontal et balaie le plafond. La station assisea de nombreux avantages. Assis, les perceptions des enfants se modifient, s’enrichissent et sont plus sécurisantes ; lesstimulis sonores et visuels qui lui arrivent sur un plan vertical peuvent contribuer à son orientation vers leurs sources, àson redressement axial, à la tenue de sa tête et l’amélioration de sa poursuite oculaire. Assis, l’enfant peut découvrir denouveaux repères spatiaux, un ressenti différent de sa position dans l’espace. Il peut mieux suivre les déplacements etactivités des personnes de son entourage. Il est moins surpris par les soins dont il est l’objet, quand il assiste à leur prémices et que la parole l’annonçant précède l’acte de soins. Sa compréhension de l’univers peut mieux commencerà s’organiser et devenir moins angoissante. La motricité incontrôlée et débordante de certains enfants, très désor-ganisante au niveau psychique, trouve dans l’installation en siège moulé, complété parfois par le port d’un corset, unepossibilité de contenant rassurante : celle-ci permet à l’enfant d’éprouver les limites de son corps, l’aide à construire sonenveloppe corporelle et une image du corps moins éclatée en prolongement durable d’un corps à corps réunifiant expérimenté dans les bras de sa mère, les câlins de son entourage, pendant les séances de psychomotricité et le travail relationnel avec l’éducatrice.

Complétant les techniques pratiquées au cours des séances ponctuelles de kinésithérapie (mobilisations, massages, étirements, stimulations), le siège moulé assoit correctement l’enfant polyhandicapé de façon durable dans la journée.

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Son effet positif sur le maintien de l’axe permet à l’enfant de se redresser avec moins d’efforts. Il contribue à l’inhibitionde certains mouvements parasites et du rejet de l’axe ; il peut atténuer le réflexe des bras en chandeliers, la tablette pouvant constituer un appui. Les membres supérieurs de l’enfant polyhandicapé sont alors libérés. Il peut ainsi canaliser son énergie sur les activités proposées par l’éducatrice en fonction de ses possibilités et centres d’intérêt. Il luiest plus facile aussi de se concentrer. Ses gestes fonctionnels vont être sollicités pour toucher, saisir, tenir ou manipulerun objet : faire des expériences tactiles et produire un son, une lumière, un mouvement ou une trace lui permettront d’avoir une action sur son environnement, de développer son intentionnalité, d’améliorer sa précision du geste et sespossibilités de préhension. L’utilisation de contacteurs et la reconnaissance d’images, puis de pictogrammes pratiquéesen position assise peuvent amener certains enfants vers une communication non-verbale et des apprentissages cognitifs.

Possibles grâce aux déplacements en poussette, les promenades sont également des occasions enrichissantes pourles perceptions sensorielles ; les odeurs, bruits et impressions visuelles sont différentes au dehors. L’enfant y décou-vrent aussi les effets sur sa peau et son visage du vent, du froid, de la chaleur ou de l’humidité ambiante. Les sorties offrent aussi des situations pour expérimenter avec le soutien de l’adulte une station assise hors du siège l’incitant à unredressement tonique, à se mouvoir ou à rechercher son équilibre : se balancer, glisser sur un toboggan, tourner sur un manège, tenir sur un poney, s’asseoir sur l’herbe, le sable ou dans l’eau d’une piscine, s’enfoncer dans une piscine deballes etc.

Toutes ces activités contribuent à son éveil et favorisent les échanges avec son entourage, puis avec ses pairs dans lesregroupements qui lui seront proposés.

2. Au niveau relationnel et social

La station assise est une étape structurante dans le développement de l’enfant polyhandicapé : elle concourt à son indépendance psychique par rapport à son environnement familial. La distance physique qu’elle instaure permet, eneffet, à chacun de trouver une certaine autonomie et contribue à la défusion corporelle, en dehors des moments précieux de câlins et de portages lors des transferts l’enfant, installé confortablement et en sécurité, peut observer et semontrer attentif à la vie de la maison ; il peut s’intéresser aux diverses stimulations sensorielles émises par son environ-nement et participer aux conversations par ses manifestations personnelles. Quand cela est possible, il peut s’occuperde façon autonome avec des objets et jouets adaptés disposés sur sa tablette, regarder la télévision ou écouter de lamusique, tandis que les parents peuvent vaquer à leurs propres activités. Le repas de l’enfant se déroule en face à faceet non plus dans les bras du parent présent, ce qui devient difficile physiquement quand l’enfant grandit et devient lourd.Selon les habitudes familiales, il peut être installé au même niveau que les autres membres de la famille et assister à leursregroupements lors des repas ou loisirs communs, ce qui favorise son intégration et sa participation à la vie familiale.

Quand l’enfant est prêt à se séparer momentanément de sa famille et que celle-ci a suffisamment confiance pour êtred’accord avec un tel projet, l’équipe propose son inscription dans l’un des groupes de socialisation organisé par le service. Au cours des activités et repas collectifs, la réunion des enfants polyhandicapés autour d’une table, possiblegrâce à leurs installations, favorise la convivialité et les interractions ; les repas en collectivité peuvent être l’occasion dedécouvrir de nouvelles saveurs et textures alimentaires dans un contexte de partage de l’attention des adultes référents.

Moyen pour l’enfant et sa famille de continuer à sortir du domicile, la poussette est un vecteur d’intégration sociale. Lasécurité de l’enfant et son confort sont garantis par le siège moulé qui y est fixé par des sangles. Les sorties ouvrent deshorizons nouveaux et distrayants à l’enfant. Comme la rencontre avec ses pairs dans les activités de groupes, les sorties préviennent le repli sur soi, participent à l’épanouissement et suscitent la réactivité de l’enfant. Son installation luipermet de fréquenter les lieux publics tels que la forêt, les squares, les salles de spectacles, les magasins, la boutiquedu coiffeur ou les restaurants. Accompagner ses parents pour faire les courses peut l’amener à manifester ses préférences pour certains achats. Ses multiples expériences sociales et son plaisir renouvelé dans certaines situationsparticulières contribuent à la formation de sa personnalité et à l’émergence de ses désirs ; son entourage peut appren-dre à identifier ses goûts et à reconnaître, quand cela est possible, sa capacité à s’exprimer et à choisir.

L’installation assise de l’enfant polyhandicapé est aussi un facteur favorisant son inscription et son intégration dans lesstructures ordinaires d’accueil de la petite enfance, crèche, halte-garderie et école maternelle où il peut bénéficier de stimulations positives pour son éveil et sa socialisation. Son appareillage lui permet d’être associé aux activités collec-tives avec une certaine autonomie sans solliciter en permanence l’attention d’un personnel trop souvent restreint, de faciliter ses déplacements grâce à la poussette ou une chaise à roulettes, ce qui préserve aussi le dos des adultes.

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C - La station assise à l’usage

1. Réalités familiales et médiation de l’éducatrice

Dans le séjour, la place de l’enfant polyhandicapé est au milieu des autres. Installé au sol, il peut prendre part aux jeuxde ses frères et sœurs. assis sur le canapé, entouré de coussins protecteurs, l’enfant participe à la sociabilité familiale ;sa «différence» est alors moins marquée et parfois plus supportable pour recevoir des visiteurs. Quand les parents signa-lent que le transat devient trop petit, que les observations cliniques des kinésithérapeutes et bilans des médecins anticipent sur l’évolution orthopédique de l’enfant, il faut rechercher avec la famille les solutions adaptées aux besoinsde l’enfant et à sa croissance. Il faut prendre en compte, aussi, d’autres critères dans la fabrication du siège tels que lacompatibilité avec l’espace disponible dans le domicile et l’ascenseur, le type de chaise, de poussette et de véhicule surlequel il s’adaptera successivement et aux différentes utilisations envisagées du siège selon les temps de la journée(repas, détente, activités) impliquant des possibilités de variations d’inclinaison du siège, de la tablette, ainsi que différents appuis-tête.

Les professionnels sont parfois en décalage avec le ressenti de la famille attachée de façon compréhensible à l’aspectnormalisé et ordinaire du canapé familial et du transat. Le temps et le dialogue sont nécessaires pour partager ensem-ble les questions que suscite la proposition d’un siège moulé : ce signe visible du handicap fait resurgir les inquiétudesdes parents sur l’avenir de leur enfant, les projets familiaux modifiés et la crainte du regard de l’autre. Il arrive que certaines familles privilégient l’éducatrice comme interlocutrice pour exprimer leurs interrogations, réserves, mécon-tentements ou rejets, vis à vis des installations ou des interventions chirurgicales prévues : elles peuvent être plus difficilement formulables d’emblée auprès des médecins et paramédicaux directement impliqués dans l’indication et laprescription. Nous les encourageons à s’adresser ensuite aux professionnels compétents pour leur apporter les répon-ses médicales précises, les médecins, les kinésithérapeutes ou l’ergothérapeute. Nous pouvons servir aussi parfois d’intermédiaires pour transmettre leurs soucis et leurs remarques concernant des modifications à apporter au matériellivré ou bien leur souhait d’une acquisition nouvelle pouvant faciliter leur vie quotidienne. Pendant la fabrication du siège,les familles sont sollicitées à plusieurs reprises pour les séances de mesures, moulage, essayages et livraisons. Lesparents nous font part parfois de leur soulagement quand cette étape exigeante est finie. Malgré leur vécu éprouvant,certains reconnaissent avoir apprécié d’être impliqués, aussi dans le choix des couleurs et motifs du polypropylène correspondant aux goûts esthétiques de leur famille. À la demande des familles, les séances éducatives sont souventl’occasion d’expérimenter ces nouvelles installations pour permettre à l’enfant de s’y habituer progressivement dans uncontexte ludique, de l’aider à surmonter son inquiétude et le malaise initial qu’il peut ressentir dans cette contention. Ilpermet également aux parents et à l’intervenant de partager ensemble la difficulté physique contraignante d’installer l’enfant dans le siège, les émotions que cela provoque et la modification du regard sur l’enfant qu’elle entraîne.

A l’extérieur, les installations attirent davantage les regards étonnés ou inquisiteurs des passants. Malgré leur envie oules nécessités, certains parents hésitent à sortir avec leur enfant installé dans leur appareillage, de crainte, bien légitimement, d’être confrontés à cette situation blessante pour eux et leur enfant. Pour avoir perçu des regards etréflexions gênantes lors de sorties dans le cadre de leur travail éducatif, bien que ce ne soit pas de la même place, leséducatrices peuvent proposer d’accompagner les familles pour des courses ou promenades pour partager cette situation et aider celles qui le souhaitent à se sentir moins démunies.

Il arrive que des familles nous font part de leur sentiment d’être envahies par la somme d’appareillages nécessaire. D’autres nous montrent des utilisations inédites d’un siège moulé réformé transformé après bricolage en chaise hautepour le repas d’un cadet, siège de balançoire ou siège-pot. De nombreux petits frères et sœurs guettent l’instant opportun où il est vacant pour essayer à leur tour le siège dévolu à leur aîné sous notre regard ; cela peut être une occasion d’évoquer avec les parents et leurs enfants l’histoire, le vécu ou la place respective de chacun.

2. Contraintes techniques

Les caractéristiques des installations peuvent limiter, cependant, les avantages éducatifs escomptés. Quand elles nesont pas réglables, certaines inclinaisons de siège et têtière optimales pour la correction orthopédique, certaines hau-teurs de fixation de la tablette ne sont pas appropriées à l’utilisation recherchée (repas, repos, trajets, activités diverses).La coordination oculo-manuelle possible de l’enfant ne peut être opérante si les objets posés trop bas n’entrent pas dansson champ visuel ; certains objets ne peuvent tenir en vertical sur un chevalet. Les découpes du siège au niveau desaisselles présentent parfois un inconvénient quand elles restreignent ou contrecarrent l’aisance ou l’amplitude des mouvements des membres supérieurs que peuvent imposer certaines activités. Malgré les astuces matérielles et la gymnastique à laquelle se livre l’intervenant, il lui est parfois compliqué de gérer tout à la fois les stimulations et activitésproposées, avec la facilitation du geste de l’enfant, sa détente musculaire des bras, la tenue de sa tête et l’ouverture dela main.

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La transpiration de l’enfant, parfois liée à son émotivité est accentuée par la chaleur et les matériaux du siège ; de même,sa fatigue possible ou l’apparition de douleurs ne sont pas compatibles avec une installation assise prolongée et fixe.Ces faits limitent la durée de certaines activités.

Les sorties tournent hélas parfois à l’exploit sportif en raison de l’exiguïté d’un ascenseur, d’escaliers ou de la difficultéphysique de soulever l’enfant assis dans son siège pour l’installer de sa poussette à la banquette d’une voiture.

Pour que la station assise soit la plus confortable et profitable à l’enfant, des solutions pratiques et modulables sont àenvisager par l’équipe qui doit prendre en compte les différents points de vue.

II - Point de vue de l’ergothérapeute

Lorsque l’on regarde la vie de l’individu du 21ème siècle, on se rend vite compte qu’il passe la majorité de son temps assis: pour manger, pour se déplacer, pour travailler, pour ses loisirs.

Nous sommes des individus essentiellement assis. Pour être acteur dans la vie actuelle, il faut pouvoir bien asseoir saposition et chaque station assise a sa position et son siège.

C’est ce que nous essayons de proposer aux jeunes personnes polyhandicapées que nous accompagnons dans notreservice de soins à domicile.

L’enfant qui n’a pas acquis la station assise et réduit en quelque sorte à l’état “grabataire” : souvent lorsque nous arrivons à son domicile il est dans son lit, sur le canapé du salon, ou pour les plus jeunes sur un tapis avec des jouets.Lui permettre d’être assis va changer considérablement son statut, ses expériences, sa place dans la société (famille,groupe).

Une personne couchée (dans notre société) est une personne fatiguée ou malade.

Une personne assise est une personne qui est à l’écoute, qui regarde, qui est en relation (une communication) face àface, qui a les membres supérieurs libérés pour toucher, pour faire, pour agir sur son environnement.

Le siège moulé avec corrections orthopédiques va être l’orthèse de la position assise.

L’installation de l’enfant polyhandicapé est très complexe et jamais satisfaisante.

Elle doit permettre à l’enfant d’avoir un maintien orthopédique le plus harmonieux possible. Elle doit être la moins contrai-gnante possible pour l’enfant mais aussi pour les transferts effectués par la famille ou la tierce personne. Elle doit permettre l’éveil et si possible ne pas entraver la personne dans le peu de mobilité dont elle dispose (ce qui n‘est pasvraiment le cas pour les sièges moulés).

Le rôle de l’ergothérapeute dans l’installation assise du jeune enfant est triple :

- essayer de trouver l’installation assise la meilleure possible en fonction des difficultés de l’enfant et de ses besoins,- personnaliser cette installation,- et surtout accompagner la famille et l’entourage de l’enfant à comprendre, accepter, choisir, s’approprier l’installa-

tion assise. À quoi servirait un magnifique siège ou une magnifique poussette si elle restait au fond du placard ?

A - Le siège mouléIl est la base de la station assise assistée. En tant qu’ergothérapeute nous participons avec l’équipe à sa concep-tualisation.

Notre rôle se situe à deux niveaux :

- établir avec les parents une sorte de cahier des charges des exigences environnementales “écologiques” aux-quelles doit répondre ce siège,

- l’accompagnement de la famille lors de la réception du siège.

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B - Le cahier des chargesC’est par exemple :

- cerner avec la famille dans quelles pièces il sera le plus installé ;- sera-t-il déplacé d’une pièce à l’autre ? ;- à quelle activité l’enfant est-il susceptible de participer dans ce siège : repas, télévision, jeu sur la tablette ;- quels sont les membres de la famille qui vont l’installer ? ;- les parents partent-ils en week-end ou pour de longues vacances ;- l’enfant bouge-t-il beaucoup, a-t-il des schèmes en hyperextension ?

L’ensemble de ces questions permettent de définir s’il faut un siège muni de roulettes, si le pied doit être télescopiqueavec vérin, blocable ou non, s’il faut qu’il soit incliné, avec une tablette...

Dans notre service, nous partons du principe que l’enfant doit être installé dans son siège orthopédique progressivementjusqu’à 4h par jour.

Cette installation apporte de nombreux avantages mais elle a aussi ses limites.

Un enfant ne reste pas 12h par jour assis, sans bouger le rachis, le bassin et les hanches, généralement légèrement incliné vers l’arrière, le regard perdu dans le lointain, sanglé, figé au fond de son siège.

Les enfants ont comme la plupart des enfants de leur âge un certain nombre d’activités.

Je vais au travers de quelques-unes de celles-ci aborder les exigences de la position assise et les installations que nousproposons.

C - L’arrivée du siège dans la familleC’est un temps important, qui va conditionner l’utilisation ultérieure.

Nous allons alors expliquer, faire, accompagner les gestes qui vont permettre d’installer la PPH en protégeant le dos dela tierce personne, en décontractant la PPH, en ménageant sa participation.

Nous adaptons ce siège pour qu’il soit plus confortable, qu’il ne blesse pas, ou nous encourageons la famille à le faire,le père et ou la mère se l’appropriant un peu plus.

C‘est initier l’entourage à repérer les signes de douleurs : rougeurs, irritations, augmentation du tonus.

Le cas échéant nous voyons avec le prothésiste des modifications possibles.

Mais notre rôle est surtout d’accompagner la famille dans cette nouvelle aventure qui bien souvent n’est pas facile àvivre.

Mettre toutes ces sangles, ces “velcros” à son enfant, nécessite écoute, persévérance, compréhension...

En dehors du temps de posture dans le siège moulé :

1. Position assise de détente

Afin de soulager les points d’appui, de diminuer la pression sur le rachis due à la pesanteur, d’éviter la chute de la tête lorsque le maintien n’est pas automatique, nous proposons aux familles une installation alternative dans un siège“poire” :

• L’installation sur la “poire” (sac rempli de billes de polystyrène) permet d’être comme dans un fauteuil avec son entourage au salon par exemple ; les billes de polystyrène permettent de modeler une position assise en fonction des possibilités de l’enfant : maintien de la tête, inclinaison du tronc, abduction des membres supérieurs, flexion des membres inférieurs. Lorsque le maintien dans le siège moulé est un élément de réassurance (référence postérieure), ou lors d’un tempscalme après le repas, nous modelons la poire pour que l’enfant puisse y être installé dans son siège.Ainsi il se trouve dans une position beaucoup moins exigeante au niveau du maintien postural de la tête et les pointsd’appui sont redistribués différemment.

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• Le bain

C’est un moment privilégié de détente qui doit être assisté par une aide technique, permettant ainsi à l’enfant d’être“autonome” dans la baignoire pour jouer, pour bouger ses membres avec l’aisance que lui procure l’eau. Mais aussi libérer la personne qui assiste la toilette. En effet celle-ci n’est plus obligée de faire une gymnastique périlleuse, où courbée au-dessus de la baignoire elle doit tenir l’enfant tout en le savonnant...

La plupart des enfants préfèrent la position assise à la position couchée.

Il existe un certain nombre de sièges pour les enfants sur le marché qui bénéficient pour la majorité d’une prise en charge.

Exemple : ce siège en tubes plastiques et filets permet une installation en position assise dans le bain, mais aussi dansle jardin ou dans une petite piscine (l’été). Rehaussé sur un cadre à roulettes il permet aussi une position assise à hauteur d’une table pour une activité de groupe. Il est particulièrement intéressant pour les enfants ayant un maintien detête difficile.

2. Position d’activité

• Repas

L’installation assise au repas a pour premier avantage comme pour le bain : de libérer la maman du portage (mal de dos),limiter les fausses routes et réinstaurer la convivialité du repas.

L’enfant a souvent une alimentation qui est complètement assistée par un adulte.

L’installation assise dans le siège moulé est en général la meilleure, la flexion des hanches permettant d’inhiber l’hyper-extension du rachis, le maintien du tronc libère les mouvements de la tête et celle-ci doit afin d’éviter les fausses routes faire avec le tronc un angle de 30 à 40° possible grâce au réglage de la têtière ou un petit coussin ou encore lamain de l’adulte.

Passé les premiers temps où l’enfant et l’adulte vont quitter les bras l’un de l’autre cette installation réclame peu d’adaptation de la position assise car c’est souvent celle du siège moulé.

Actuellement, notre recherche avec les familles se fait autour de l’installation assise de l’adulte qui donne à manger. Ilfaut que son siège soit réglable en hauteur afin de maintenir la tête de l’enfant sans trop d’effort, par ex. il faut que l’assise soit suffisamment large pour un bon confort si possible avec un petit dossier permettant un maintien lombaire.Il vaut mieux éviter les roulettes qui apportent une certaine instabilité.

• École

La scolarisation en maternelle exige de l’installation :- que l’enfant soit installé avec ses camarades à la même table basse ;- qu’il soit en sécurité en position assise, ne risque pas de tomber ou qu’on le fasse tomber ;- que sa station assise soit suffisamment stable pour libérer ses membres supérieurs afin de participer aux activités

de graphisme et autres manipulations ;- enfin il faut que cette installation permette les déplacements dans la classe d’un atelier à l’autre.

C’est pourquoi nous avons fabriqué une petite chaise avec des roulettes blocables et une assise suffisamment large pourrecevoir le socle du siège moulé.

• Jeux et manipulations

Pour que la manipulation soit efficace il faut :- une bonne coordination œil-main. Pour certains enfants l’espace fonctionnel de cette préhension n’est pas sur la

tablette mais bien en dehors parfois dans un plan vertical décalé sur le côté ;- le maintien postural tronc-tête étant défaillant, les sangles et le maintien en arrière sont nécessaires le regard se

situant bien au-dessus de la tablette où sont les jeux.

Dans certains cas l’intervention à domicile ne nous permet pas des installations trop compliquées. Il faut que celles-cirestent facilement accessibles à la famille et compatibles avec les habitudes de chacune d’elle.

Les petits réglages : hauteur du siège et de la tablette, inclinaison de l’assise et de la têtière.

Les aides techniques classiques : éclairage amplifié, lutrin, tapis antidérapant, aimants sont facilement utilisé dans lesdifférents lieux de vie avec une coopération importante de l’entourage.

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• Ordinateur

Lorsque l’enfant a compris qu’en agissant sur un contacteur cela provoque une réaction à distance. Nous pouvons luiproposer d’utiliser l’ordinateur.

Outre les divers intérêts qu’apporte l’ordinateur au niveau du jeu, de l’apprentissage pré-scolaire et de la communi-cation, le fait que l’écran soit dans le plan frontal est moins exigeant sur le plan coordination visuo-motrice. La coordi-nation oculo-manuelle est alors moins nécessaire.

L’installation en position assise se fait en général dans le siège moulé habituel, seuls les réglages de la hauteur de l’écran et du contacteur sont nécessaires mais indépendamment l’un de l’autre.

3. Position assise et déplacement

Le siège moulé avec ses corrections maximales devient vite incompatible avec une vie sociale ordinaire. La largeur del’assise est souvent trop grande par rapport aux assises de poussettes ou de fauteuil roulant.

L’abduction des hanches rend difficile : le passage des portes, les transferts et le regard des autres. Il convient alors defabriquer un deuxième siège avec des corrections minimales mais actuellement seul, un siège par an est pris en charge.

• Position assise en voiture

L’installation dans le siège moulé permet un maintien assez satisfaisant pour les petits trajets. Elle permet à l’enfant d’être maintenu avec la ceinture de sécurité, elle évite une nouvelle installation (gain de place et de transfert).

Mais elle n’est pas pratique :

- pour l’entourage parce qu’il faut porter l’enfant dans son siège dans la voiture, ce qui est très exigeant au niveaupoids et torsion du rachis

- pour l’enfant lorsqu’il s’agit de grands trajets, car le siège moulé est fait avec les amplitudes maximales de correc-tion (c’est donc beaucoup trop exigeant pour lui et rend les trajets trop fatigants), amenant : transpiration, macération, rougeurs crampes...

Il faut donc un siège que l’on puisse laisser dans la voiture, qui pivote pour se mettre face à la portière, qui soit réglableen largeur, en hauteur et en profondeur afin de maintenir l’enfant le mieux possible et soit inclinable pour décharger leplus possible le rachis.

• La poussette

La poussette est l’aide technique qui va sortir du domicile, il faut que la maman (en général c’est elle) soit à l’aise lorsdes sorties avec son enfant. L’achat de la poussette va marquer une nouvelle étape dans le long cheminement desfamilles.

Notre rôle va consister à essayer de cerner tous les paramètres que doit rassembler cette poussette. De permettre auxparents de faire un vrai choix et des essais, puis viendra la recherche du financement avec l’aide de l’assistante socialede service. Il faut un certain temps entre le début et la réalisation totale du projet entre 3 et 6 mois.

Pendant ce temps le relais est assuré par un prêt de matériel par un organisme émanant de la caisse de sécurité sociale dans le 95.

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Critères de choix de la poussette

1. Au niveau de l’enfant

• sa croissance staturo-pondéralele choix se fera en fonction de la taille et du poids de l’enfant mais aussi sur l’importance de la croissance pressentie.

• sa motricitéen général l’enfant ne peut pas ou n’a pas les possibilités « mentales » de se propulser lui-même, sa station assise peut exiger une certaine inclinaison vers l’arrière.

• ses problèmes orthopédiques exigent une installation complexe avec siège moulé membres inférieurs en abduction, corset, têtière.

C’est pourquoi dans certains cas, nous sommes obligés de faire un siège moulé en position intermédiaire pour que l’installation soit suportable de longues heures et aussi pour que la poussette soit facilement maniable (exp. abduction des membres inférieurs et passagede porte).

2. Au niveau des parents

• leurs déplacements : à quoi va servir la poussette ? pour les déplacements dans la maison, les petits déplacements en terrain plat(dans un super marché, à l’école), les grands déplacements (les parents n’ayant pas de voiture), les déplacements tout terrain

• leur voiture- type de voiture (hayon arrière, break, espace ou petite berline)- taille de la famille- type du coffre : essai obligatoire- parfois le choix d’une poussette intermédiaire sera retenu pour permettre à toute la famille de se déplacer au supermarché

une fois par semaine...

• le domicile (marche, escaliers, ascenseur)- l’accès au domicile est déterminant pour le poids lorsqu’il y a des marches à monter- la taille de l’ascenseur détermine l’empâtement au sol de la poussette.

• l’entretien : selon le bavage, les régurgitations il faut une toile facilement lavable et facilement déhoussable.

• Le fauteuil roulant

Le passage au fauteuil roulant est une étape difficile à vivre pour les familles. Mais petit à petit, le regard des autres changent vis-à-vis du fauteuil roulant.

Le Téléthon, les dessins animés qui ont comme héros des enfants en fauteuil roulant, l’intégration scolaire facilitée cesdernières années, font qu’il s’insère mieux dans notre quotidien. Tous les enfants ne peuvent pas être installés en fauteuil roulant. Mais pour certains qui peuvent en bénéficier, le temps de passage se raccourcit. Il est maintenant plusguidé par l’intérêt de l’enfant, son autonomie que par la peur du regard des autres.

Conclusion

Ces dernières années, l’installation assise du jeune enfant polyhandicapé a beaucoup évolué : matériaux plus légers,plus esthétiques, choix plus important, meilleure prise en charge financière... mais elle reste encore complexe, car il fautà l’enfant des installations différentes en fonction de ses activités.

Si chez le tout jeune enfant, le changement régulier de positions par un tiers ne pose pas trop de difficultés et se faitrelativement facilement. Pour l’enfant grandissant, tous les transferts deviennent difficiles et pénibles autant pour la personne polyhandicapée que pour son entourage et le personnel.

Face à toutes ces limites, on pourrait réfléchir à la conception de “sièges dynamiques“: c’est-à-dire avec des para-mètres programmables de façon à permettre dans la journée de passer aisément des temps de correction stricte (orthopédique, avec des amplitudes bien définies) à des temps de détente et des temps d’activité.

Il devrait être facilement maniable par l’entourage et aussi bien sûr esthétique.

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Station assise et appareillage chez l’enfant et l’adulte polyhandicapésLes différents points de vue des parents

Mme Ignacio-VicMaman de Albert, 8 ans, Externe à l’IMP des Amis de Karen

Marie-Christine Tézenas du Montcel,Maman de Grégoire, 16 ans, Externe à l’IMP des Amis de Karen

I - Intervention de Mme Ignacio-Vic

Je souhaite évoquer devant l’arrivée de la coque moulée d’Albert, notre fils polyhandicapé âgé actuellement de 8 ans,dans la vie de notre famille : c’est-à-dire en tout premier lieu dans la vie d’Albert, mais aussi dans la vie de sa sœur aînéeMarie, actuellement âgée de 11 ans et dans la vie de ses parents.

Albert a été accueilli tout à fait normalement à l’âge de 6 mois à la crèche de la rue Thorel (Paris) puis vers l’âge de 9 mois il a été suivi parallèlement au CAMPS de la rue Rozanoff. Vers l’âge de 3 ans il a quitté la crèche pour être accueillià l’hôpital Saint Maurice qu’il a quitté à l’âge de 7 ans pour rejoindre l’IMP les Amis de Karen.

Je souhaiterais vous dire que cette coque moulée a été pour nous beaucoup plus qu’un simple appareillage et que nousavons vécu son arrivée dans la famille de façon tout à fait particulière qui n’a rien eu à voir avec les attelles de nuit parexemple ou les attelles qu’Albert porte aux pieds pour limiter la déformation de ses chevilles.

A - Arrivée de la coque moulée dans la vie de notre fils et dans la vie de la famille1. Préparation de la famille par les professionnels du CAMPS de la rue Rozanoff (Paris)

• Préparation psychologique. Nous avons tout d’abord bénéficié d’une préparation “en douceur” à l’arrivée de cetappareillage dans la vie de la famille. Le vocabulaire employé était extrêmement rassurant. On nous a parlé de sou-tien, de confort, d’un siège, d’une aide au maintien, de dynamisme, d’un autre regard sur la vie, d’une meilleure appré-hension du monde. Tout cela était très positif et nous ne pouvions qu’adhérer à de telles perspectives. Je ne me rap-pelle pas que le mot appareillage ait été prononcé. Peut-être l’a-t-il été ? Je ne me souviens pas davantage avoir évoquéles vertus orthopédiques de la coque moulée. Sans doute nous en a-t-on parlé.

• Préparation pratique. Le matériel nous a été présenté, nous avons été invités lors des moulages (nous avions étéprévenus : le moulage pourrait nous sembler barbare), la coque a été essayée et rectifiée au CAMPS puis Albert l’autilisée, toujours au CAMPS, avant que nous la recevions à la maison.

2. Arrivée de la coque moulée dans la famille : moment de bonheur pour chacun d’entre nous pour des raisons différentes

- pour notre fils : il était radieux, il vocalisait et avait un petit air de défi et de conquête dans le regard que nous ne luiconnaissions pas.

- pour notre fille qui avait trois ans et qui était tout sourire ; enfin chacun à sa place autour de la table et non plus lepetit frère sur les genoux des parents comme cela était auparavant.

- pour les parents : partager la joie d’Albert, le voir “petit garçon” et non plus “bébé”, le regarder droit dans les yeux etnon plus penchés au-dessus de lui dans une attitude enveloppante et accentuant sa dépendance, dîner sans enfantsur les genoux (et devrais-je dire sans avoir les deux enfants sur les genoux…) sans que cela nous empêche de faireun câlin si nous le souhaitions. Nous avons pris des photos d’Albert pour son cahier de vie, nous avons même télé-phoné aux grands-parents pour leur apprendre la bonne nouvelle.

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3. Sortie de l’appartement : le choc

- c’est dons en toute confiance que nous sommes sortis de l’appartement le lendemain matin pour accompagnerAlbert à la crèche et nous avons dû faire face à des réactions intriguées, choquées, consternées. Ce fut tout d’abordune voisine croisée au bas de l’escalier qui nous dit : “Jamais je n’aurais pensé que vous lui auriez fait cela. L’attachercomme cela c’est vraiment barbare, c’est une honte.” Albert ne manifestait pourtant aucune souffrance, au contrai-re il était souriant lorsque nous avons croisé cette dame.

- décontenancée par cette première réaction, je souhaitais parvenir à la crèche le plus discrètement possible, maisAlbert en avait décidé autrement. Comme il était fier et content, il n’a cessé de vocaliser, de babiller ce qui réduisaità néant tous mes espoirs de discrétion. J’avais l’impression que tous les regards convergeaient vers nous, ce quin’était probablement pas tout à fait le cas.

- arrivée à la crèche je fus soulagée, mais mon répit n’a été que de courte durée. En entrant dans la pièce où lesenfants étaient accueillis à leur arrivée, j’ai annoncé bien fort : “Bonjour, voici Albert et son nouveau siège.” Et là, unsilence suivi de réactions : “Je n’avais pas compris que c’était si encombrant, ça a l’air d’être compliqué toutes cessangles, mais il est attaché, il va avoir ça toute sa vie…” (Je tiens à préciser que le personnel de la crèche a fait untravail remarquable auprès d’Albert et de nous-mêmes pendant plus de trois ans, sans formation spécifique à l’accueil des enfants polyhandicapés, en devant gérer des contraintes pratiques, notre propre désarroi lors de ladécouverte du handicap d’Albert et avec pour seule aide, mais elle fût heureusement de qualité, celle du CAMPS).En l’occurrence, alors que nous avions nous-mêmes été extrêmement bien préparés à l’arrivée de la coque moulée,nous n’avons pas su faire bénéficier les personnes de la crèche de cette préparation.

4. Ce que je retiens de cette expérience quelques années plus tard

- nous n’avons pas pleinement anticipé le changement de statut d’Albert. Nous avons été extrêmement bien prépa-rés à l’arrivée du siège. Albert était heureux. Nous avions le sentiment qu’il avait franchi un cap essentiel. Avant l’arrivée de la coque, Albert était soit “un bébé” ce qui ne nous convenait pas puisque Albert grandissait, soit “unenfant grabataire”. Ces deux images se superposaient sans être satisfaisantes puisqu’elles nous empêchaient, enfait, de la voir grandir.

- dans l’entourage proche ou lointain la coque moulée avait une signification tout autre. Avant l’arrivée de la coque,tous les espoirs étaient permis. Albert était petit, tout pouvait encore s’arranger : C’est un enfant un peu en retard,qui n’est pas très tonique…, entendions nous dire. Nous-mêmes confortions notre entourage dans cette idée :“Albert est encore jeune, le cerveau est quelque chose de très compliqué, on ne peut pas préjuger de l’avenir.” Aprèsl’arrivée de la coque moulée, il devenait évident qu’Albert avait un problème. Avant l’arrivée de la coque tout étaitpossible. Après, le handicap ne pouvait être nié. L’image d’un bébé est autrement moins dérangeante que l’imaged’un enfant handicapé. Moi-même au début je reconnais avoir préféré promener Albert avachi dans sa poussette(après tout, lui aussi a le droit d’être fatigué) plutôt que de le promener bien installé dans sa coque moulée mais devoiraffronter tous les regards.

- cette confrontation au regard des autres est d’autant plus douloureuse que la découverte du handicap est récente,les parents étant eux-mêmes dans leur toute première phase d’acceptation du handicap. Il nous a donc fallu gérerdes réactions différentes : la nôtre, notre fils vient de passer une étape essentielle, il est un petit garçon, et celle des“autres”, quel malheur Albert est un enfant handicapé. Cette confrontation était inévitable mais heureusement nousétions convaincus que grâce à sa coque Albert pouvait grandir plus facilement.

Voilà pourquoi je commençais en vous disant que cette coque moulée a été pour notre fils et pour sa famille beaucoupplus qu’un simple appareillage à tel point qu’aujourd’hui je n’imagine pas Albert passer une journée sans sa coque. Jepense également que cette première expérience réussie d’appareillage nous a permis d’aborder plus facilement l’arrivéedes autres appareillages, postures et attelles dans la vie d’Albert.

B - Beaucoup plus brièvement, quelques remarques- tout d’abord un grand merci aux professionnels de nous avoir aussi étroitement associés à chaque étape de la vie

d’Albert à la mise en place des appareillages, attelles, postures,… Qu’il s’agisse du CAMPS, de l’hôpital national deSaint Maurice (service du Docteur Quentin), de l’IMP les Amis de Karen ou du Docteur Khouri (hôpital Saint Joseph).Le fait de nous en parler, de nous y préparer, d’échanger afin de trouver la meilleure solution pour l’enfant en tentantde trouver le juste équilibre entre un appareillage à la fois confortable et orthopédique fait que l’appareillage est d’autant mieux supporté et donc d’autant plus souvent utilisé.

- un espoir : celui de voir les matériaux utilisés de plus en plus légers car les enfants grandissant et les parents vieillissant…

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- au-delà de la coque moulée, il serait intéressant de pouvoir alterner les positions assises en utilisant d’autres siègesdont les objectifs orthopédiques seraient présents mais moins essentiels et qui permettraient aux enfants handica-pés de profiter d’une position “plus relax” sans pour autant être dans une position totalement avachie.

II - Intervention de Mme Marie-Christine Tézenas du Montcel

Mon fils aîné, 16 ans, est polyhandicapé de naissance, à la suie d’une malformation du cortex. La médecine dit “micro-gyries”. La médecine conclut encéphalopathie convulsivante, tétraplégie spastique, déficience mentale. La famille ditimpossibilités, limitations, manques. Pour lui comme pour nous. Absence totale de facilité.

La famille conclut inventivité, obstination, entêtement, courage. Difficulté, fatigue. Pour lui comme pour nous. Et le plusbeau sourire du monde. Et beaucoup d’amour, de part et d’autre...

Chez lui, comme chez nous, une même volonté de s’en sortir.

Pour ce qui nous intéresse dans le cadre de ce colloque, il n’a pas, aujourd’hui, acquis de station assise autonome. En clair, il ne peut pas tenir assis tout seul sans aide, humaine ou matérielle. C’est de ce que représente cette stationassise “assistée” que je veux parler.

Avant lui, il ne m’était jamais venu à l’esprit qu’en dehors de quelques pathologies transitoires ou de maladie gravis-sime, on puisse ne pas pouvoir s’asseoir. Cela n’existait simplement pas.

En tant que parent, j’ai fait un apprentissage inattendu : toute ma vie j’avais considéré que la station assise était antagoniste de la station debout. (“Mais ne restez pas debout, prenez donc un siège, etc”) ; qu’elle était le contraire dumouvement.

J’ai découvert peu à peu que chez certaines personnes, dont mon propre enfant, la station assise est antagoniste de laposition allongée. Que sa maîtrise n’est pas si évidente ; et enfin qu’elle n’est pas simplement un repos mais aussi unevictoire.

Et une victoire, pour nous, chèrement acquise, une défaite transformée en victoire.

La station assise est au cœur des problèmes du polyhandicap et je suis très frustrée de ne disposer que de 12,5 minu-tes de temps de parole alors que je pourrais bavarder avec vous jusqu’à ce soir sur un quotidien de plus de 6 000 jours !.Je vais donc essayer, à partir de mon expérience de parent, de dégager quelques points essentiels.

A - L’apprentissage du handicap et la station assiseTrès rapidement, alors que je ne supposais pas la gravité de sa pathologie, malgré quatre mois d’hôpital, je l’ai assis. Je l’ai assis pour lui donner à manger, pour le poser, pour lui permettre de regarder autour de lui. Je l’ai assis et caléquand je ne l’avais pas dans les bras comme n’importe quel nourrisson qu’on assied quand on ne veut pas le coucher

Comme n’importe quel enfant. Je ne savais pas que ce n’était pas un enfant ordinaire. Il a eu son transat comme lescopains à une époque où je n’imaginais pas qu’à un problème qui n’était à mes yeux qu’un problème de convulsionsallait se surajouter, se révéler devrais-je dire, un problème moteur et neurologique de cette ampleur, qui irait jusqu’à l’empêcher d’acquérir une station assise autonome.

Consciemment ou pas on nie le plus longtemps possible l’évidence, surtout lorsque l’on ne dispose pas de diagnostic,et donc de pronostic, ce qui est d’ailleurs très fréquent.

Pour peu que l’enfant tienne un peu assis tout seul, voire debout avec un peu d’aide on croit au progrès possible et l’onn’y pense pas plus que ça.

Mais tout cela ne dure guère.

Un jour on finit par comprendre qu’il ne marchera peut-être pas. Alors la station assise… On ne se pose même pas laquestion.

C’est finalement autour d’elle que se cristallisera une bonne partie des problèmes liés au handicap.

B - La négation du handicap et les bricolages de la petite enfance à la maisonDans le cas de mon fils, il y avait –il y a toujours- plusieurs difficultés lorsqu’on tentait de l’asseoir. Il glissait en avant ous’effondrait sur le côté. Hypotonie axiale et schème d’extension, disent les professionnels. Pour moi c’était pareil ; je n’ai

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compris que plus tard cette affaire de schème d’extension qui le faisait s’étendre, poussant son bassin en avant commedans un toboggan. Moi je croyais simplement qu’il glissait et que ça allait s’arranger.

Cela ne s’est pas arrangé.

Grégoire a été pris en charge par un service de soins à domicile du CESAP. Il avait un an et j’entends encore la directri-ce de l’époque, Madame Darretche lui dire : “mais comme c’est difficile de s’asseoir quand on est raide !”. J’étais médu-sée. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien vouloir dire ?

Après la période transat, il y a eu la période chaise haute avec aménagements, sangle de bassin et grand dossier enmousse, puis une sorte de bergère que j’avais fabriqué en contreplaqué, inclinée en arrière, posée sur la structure mêmedu transat, avec un pied de sommier en guise de cale d’entrejambes, le tout douillettement capitonné de mousse. J’aidécouvert après coup que Coram faisait ça beaucoup mieux que moi !

Tout cela restait du mobilier de jeune enfant.

Puis on est passé, avec le CESAP, au siège moulé en plâtre que les parents peignaient ou décoraient pour leur donnerun petit air guilleret. C’était le début de l’appareillage, mais là encore, je ne l’ai pas compris tout de suite. Après deuxsièges “classiques” le kiné qui le suivait avait opté pour une “chaise de fumeur”, avec un dossier devant, si j’ose dire etqui était bien la chose la plus vilaine qui soit jamais rentrée à la maison. Je lui avais alors fabriqué, avec du papier jour-nal, des bandes plâtrées, des yeux et un nez prélevés sur une peluche une sympathique tête de brave toutou, qui enfaisait plutôt un jouet décoratif qu’un appareillage orthopédique.

Entre temps, la famille s’était agrandie de deux petits frères. Nous avons installé un grand tapis de sol dans le salon eton vivait par terre ou à peu près. Puis l’un a pris place dans la chaise haute. Puis l’autre.

Grégoire, lui, avait un fauteuil Coram, sur pied, et une immense poussette, dans laquelle il était face à nous, une pous-sette suédoise dont nous avions acheté, une fortune, le premier modèle importé, découvert dans un salon “Autonomic”.

J’emmenais Grégoire, âgé de 5/6ans aux journées de regroupement du CESAP, tout près de chez moi, son frère de 18 mois assis sur le marchepied. Ils étaient craquants ! Cette poussette, outre sa fonction première, remplissait également une fonction de fauteuil relativement confortable qu’elle partageait avec le siège Coram. Elle remplissait éga-lement une fonction que je n’ai comprise que plus tard. Son allure à la fois normale et géante, son confort en faisaientlà encore un objet suffisamment original pour nous donner l’illusion de ne pas appartenir au monde du handicap.C’étaient les années d’illusion entretenue où l’on s’imaginait que tout pouvait sinon s’arranger du moins aller mieux. Ontrouvait à peu près dans le commerce ce dont on avait besoin et pendant tout ce temps-là, on a joué en trompe-l’œil.

D’abord, on n’avait pas accès au matériel spécialisé, et puis ça nous a permis de nous habituer à la situation, de continuer à utiliser du matériel d’enfant, simplement, en XXL. Il ne faut pas oublier qu’à cette époque nous n’avions pasencore de diagnostic ; et que nous étions, par la grâce des deux petits frères, maintenus dans le monde de la petiteenfance.

Je ne sais pas comment se passe, dans les autres familles, la découverte et l’acceptation du handicap ; mais il me semble, d’après ce que j’ai entendu, que dans notre cas ce temps de progression très lent en termes de matériel, cesmesures dilatoires, ont sans doute été bénéfiques dans la mesure où les choses se sont faites, sinon en douceur, dumoins à leur rythme, pour le plus grand bonheur de tout le monde.

C - Station assise avec appareillageVers 6/7 ans, il y a eu l’IMP des “Amis de Karen”. En inscrivant mon fils, sous la pression du CESAP, je faisais, objectivement, pour lui, la bonne démarche.

Moi, je savais que j’entérinais définitivement l’inacceptable. Et qu’il n’y avait rien d’autre à faire.

Tout cela pour vous dire que j’ai eu un peu de mal avec les premiers sièges moulés, les corset-sièges. Cela me paraissait dur, inconfortable, barbare en un mot. D’autant que là, il nous a fallu passer au fauteuil roulant, le passagepoussette-fauteuil étant, bien sûr, difficile à gérer.

Je pense que Grégoire, lui, a eu moins de mal. Ce qu’il a pensé, éprouvé du corset-siège, je ne sais pas bien le mesurer. Il y a eu, bien sûr, les inévitables rougeurs, les tâtonnements. L’équipe des professionnels a été formidable,attentive aux sensations de Grégoire, à l’écoute ; nous avions vraiment la sensation de travailler en équipe, et je penseque Grégoire l’a vraiment ressenti aussi.

Donc nous sommes passés au matériel spécialisé qui, cette fois, avait l’air de ce qu’il était, c’est-à-dire du matériel pourenfant handicapé, malgré les efforts des fabricants et appareilleurs pour le rendre le plus attrayant possible.

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Il faut bien se rendre compte que pour le parent “débutant”, le regard des autres, famille proche comprise, et la perception que l’on en a est parfois décisif dans l’acceptation du handicap de son enfant. Et que l’attitude du parent estcapitale dans l’évolution de l’enfant, de son caractère et de son bien-être.

C’est dire à quel point, et je le souligne, nous, parents de jeunes enfants, avons besoin pour l’enfant de l’aide et de lacompréhension des professionnels. Nous avons besoin que les appareillages soient vraiment sympathiques ; jolis, discrets ou rigolos mais attirent plutôt la sympathie ou l’admiration que le rejet. Vous connaissez ce vieux dicton : “il vautmieux faire envie que pitié”. Il faut vraiment arriver à ce que le parent ait envie d’utiliser ce matériel au maximum car sansce matériel, vous n’avez pas de station assise possible ; vous le privez alors d’autonomie, j’irais presque jusqu’à dired’existence propre.

D - Aspects fondamentaux de la station assise

Et quand je dis d’existence...

Je voudrais vous raconter une anecdote récente qui m’est arrivée à moi, adulte et qui m’a permis de comprendre biendes choses. Avec un tout petit peu d’imagination, vous comprendrez vous aussi. Cela se passe chez un dentiste, unnouveau dentiste, les autres ayant jeté l’éponge. Je suis installée sur le fauteuil, semi allongée après l’examen de mesdents ; et le praticien, assis à côté de moi, me fait un bilan plutôt sombre et un plan de traitement si formidablementdéprimant que je ne peux pas le supporter et que je l’arrête de manière assez vive. J’écarte le scialytique et le plateau,le repousse en disant “laissez-moi m’asseoir” ; et je me retrouve assise face à lui.

Là je peux à nouveau l’entendre, voire lui parler.

Je ne suis pas venue pour vous parler de moi, vous interpréterez donc la chose à votre guise. En tout cas cette affairem’a donné beaucoup à penser ; et j’en suis arrivée à la conclusion que la station assise était un acte fondateur de l’expression, de l’affirmation de la personnalité et donc de sa construction.

C’est maintenant, avec le recul, que je le comprends, que je le souligne. Être assis seul et de façon autonome, mêmes’il s’agit d’une autonomie assistée, est quelque chose de fondamental. C’est un peu “Je suis assis donc j’existe”.

Assis, pour nos enfants, c’est le “debout” des damnés de la terre, c’est le “debout” du président américain après ledrame de Manhattan. Cela peut vous faire sourire mais je suis sûre qu’au-delà des avantages physiques et matérielscités plus haut, elle est psychologiquement indispensable à nos enfants qui sont, ne l’oubliez pas, si dépourvus demoyens. Je n’y avais jamais pensé avant, mais je l’ai comme Monsieur Jourdain, appliqué sans le savoir.

Aujourd’hui, Grégoire a 16 ans. C’est un peu moins difficile depuis que ses pieds touchent le sol, mais il ne peut êtrevraiment assis seul, sauf quelques minutes sur une bergère enveloppante ou un canapé à haut dossier ; mais il ne tardepas à basculer sur le côté et continue à se pousser en avant.

La solution réside dans son corset siège, qui lui permet d’être assis en voiture ou dans son fauteuil roulant. En tout casassis de façon autonome. Aujourd’hui, je ne peux plus le porter, ou seulement sur des courtes distances. Avec le fauteuil, je peux l’emmener se promener, prendre l’ascenseur, aller chez un dentiste, chez des amis même si rien n’estprévu pour lui, déjeuner chez sa grand-mère, en un mot lui offrir une vie à peu près ordinaire avec des relations à d’autres personnes, des sorties, des distractions, des activités éducatives et j’en passe, que ce soit dans le cadre familial ou à l’IMP. Et c’est clair, il aime ça !

Il peut être assis à table avec nous au cours d’un repas ou d’un jeu de société. La station assise a un peu facilité le mouvement de ses mains même s’il ne peut pas saisir ni manipuler.

Il peut être assis seul, face à face et ainsi développer une relation que j’appellerai d’égal à égal.

Conclusion

À vous, personnel de santé, personnel éducatif, je ne vais pas énumérer les avantages digestifs, orthopédiques, éduca-tifs de la station assise, le mieux-être, la facilité accrue pour se nourrir ou boire, ni bien entendu, les avantages pratiquespour les sorties, les transports et j’en passe. Tout cela tombe sous le sens dès qu’on y réfléchit un peu. En centre commeà la maison.

Quand on est parent d’un très jeune et premier enfant, on ne le perçoit pas la difficulté d’acquisition et le caractèreindispensable de cette station assise, on ne mesure pas tout de suite les enjeux.

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Quand on a un enfant handicapé, on a parfois tendance à le surprotéger, à le prendre dans les bras, à ne pas lui deman-der d’efforts. Il a, c’est vrai, besoin de tendresse et de câlins, sans doute plus qu’un autre. Mais il a aussi besoin qu’onl’aide à acquérir, au sein de son extrême dépendance, les moyens d’un minimum d’autonomie. Il a besoin qu’on l’aideà grandir, et l’aider à grandir, c’est aussi l’aider à s’asseoir.

La station assise est un moyen d’affirmer son autonomie, son existence, sa personnalité. C’est un moyen de créer desliens, face à face, d’égal à égal.

Cela est probablement si vrai dans l’inconscient collectif que pour désigner l’impossibilité de s’asseoir ou de se lever, ona forgé un terme à connotation misérabiliste à partir de grabat qui n’évoque pas précisément des draps de soie et desédredons de duvet choisi ! ..

Donc, avant même de passer à toute activité ludique, éducative, sociale, il faut pouvoir bénéficier d’une station assiseconfortable.

C’est pourquoi je veux souligner à quel point nos enfants ont besoin de vous, non pas seulement dans votre travail, maisaussi par le biais des rapports que vous entretenez avec nous. Vous connaissez mieux le polyhandicap que nous, carvous avez l’expérience de beaucoup d’enfants, d’adolescents, d’adultes et le recul du temps. Nous connaissons mieuxnotre enfant que vous, malgré toute la subjectivité qui parasite parfois cette connaissance, mais qui parfois l’exacerbe.

C’est pourquoi il est indispensable que dans les centres, professionnels et parents, appareilleurs et parents se rencontrent et que l’élaboration de quelque chose qui va faire partie de la vie quotidienne de votre enfant ne soit passimplement laissée aux seuls professionnels. Le soir, le week-end, les vacances, l’enfant est chez ses parents. Il ne peutpas y être bien dans un appareillage seulement conçu sur des observations de jour. Son confort, son bien-être en dépen-dent, et avec eux, son ouverture au monde. L’observation des parents est précieuse, complémentaire et inséparable decelle des professionnels.

Sinon cela revient à amputer l’enfant d’une partie de son vécu. Il ne faut pas hésiter à demander des choses plus légères, plus maniables. La vie et l’aide en centre ne sont pas la vie et l’aide à la maison. Cela fait aussi partie de notreboulot de parents, et en plus, les appareilleurs l’apprécient.

Certaines choses sont de la compétence des professionnels, kinésithérapeutes, médecins rééducateurs, appareilleurs.D’autres sont du domaine des parents. Il ne faut pas confondre domaine et compétence, qui ne doivent pas s’excluremais bien au contraire former un tout dans l’intérêt de jeune handicapé

Ces enfants sont exactement comme vous et moi. Il n’y a qu’une chose qui les intéresse vraiment, c’est d’être recon-nus et aimés. Mais comme ils sont moins sollicités que vous et moi par des activités parasites, chez eux, cela prend plusd’ampleur.

L’amour, quoi qu’en dise Saint-Exupéry, c’est aussi parfois se regarder l’un l’autre. Les yeux dans les yeux. À la mêmehauteur. Et assis.

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DEUXIÈME PARTIE

Retentissement orthopédiquedu polyhandicap

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Le retentissement orthopédique du polyhandicap chez l’enfant

Docteur C. Jaubert-BrissePraticien hospitalier

Rééducation fonctionnelleGroupe hospitalier Cochin - Saint-Vincent-de-Paul - La Roche Guyon

I - Introduction

Le retentissement orthopédique du polyhandicap doit s’entendre bien sûr en terme de déformations orthopédiques etnous savons tous combien elles sont fréquentes et multiples notamment au niveau des hanches et du rachis condition-nant par là les possibilités de station assise, mais ce retentissement doit surtout s’entendre en termes de qualité de vieimmédiate et future.

Cette notion de futur complexifie considérablement notre approche.

Pour maintenir la possibilité d’une station assise suffisamment prolongée et confortable, l’enfant, sa famille et l’équipevont devoir parcourir ensemble un long chemin, véritable parcours du combattant parfois. Il faut repérer et cibler l’enne-mi actuel et ceux à venir, ré ajuster constamment les objectifs en fonction de l’évolution de l’enfant, de sa pathologiemais aussi de nos techniques sans discrimination, avec réalisme, chaque sujet étant un cas particulier.

• La littérature nous laisse dans l’expectative du devenir douloureux d’une luxation de hanche, un sur deux sem-ble-t-il, sans qu’aucun caractère prédictif n’ait été repéré.

• Nos techniques chirurgicales s’élargissent et s’allègent, cependant nous connaissons tous les contraintes opéra-toires et post opératoires chez ces enfants particulièrement fragiles.

• Actuellement les douleurs d’appui sont de mieux en mieux prévenues par des installations adaptées et un nursing soigneux y compris pour des déformations importantes.

• Enfin, les progrès thérapeutiques permettent de voir désormais souvent s’amender les périodes de décompen-sations somatiques de la première enfance après l’adolescence, laissant alors une situation orthopédique très dégra-dée sans doute du fait de notre « frilosité » interventionniste.

Compte tenu de toutes ces considérations, cette journée de partage de nos expériences, de notre savoir faire à traversles âges était véritablement indispensable.

II - PhysiopathologieChez l’enfant polyhandicapé la lésion cérébrale précoce est responsable d’une multi déficience mentale, sensorielle,comitiale et motrice. Cette atteinte motrice couplée aux autres déficiences survenant sur un sujet en croissance vaengendrer des troubles orthopédiques, véritable surhandicap que nous nous efforçons tous d’éviter par des mesurespréventives et curatives plus ou moins lourdes.Ces déformations orthopédiques vont évoluer dans le temps pouvant devenir source d’inconfort et de douleur, elles aug-mentent la morbidité, voire la mortalité de ces jeunes.Le devenir orthopédique est devenu une préoccupation constante dans leur accompagnement pour l’ensemble de l’équipe sans que cela prenne toujours un sens pour le jeune et sa famille.

Le déficit moteur se traduit d’abord par :- des troubles du tonus et de sa régulation avec souvent l’association d’une hypotonie axiale à une hypertonie

périphérique pouvant toucher les 4 membres, prédominant classiquement sur les fléchisseurs de hanches et lesadducteurs de hanches, les triceps mais aussi les fléchisseurs de coudes …

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- des déséquilibres de la force musculaire- des troubles de la coordination et de l’équilibre

• Ces troubles surviennent sur un squelette en croissance, ils entraînent des postures asymétriques ou anormale-ment prolongées, couplés à l’absence de sollicitation de la marche ils retentissent sur les cartilages de croissance,générant des déformations osseuses, articulaires mais aussi des rétractions musculaires qui vont évoluer tout au longde la croissance avec une recrudescence au moment de l’adolescence.

• Le dépistage et la lutte contre toute asymétrie entre les deux hémicorps commence dès le plus jeune âge pen-dant la phase hypotonique des premières semaines de vie (attitude en grenouille écrasée décrite par M. le Dr Grenier)par un coussinage adapté, relayé par une coque de maintien postural du tronc et du bassin que l’on inclinera plus oumoins ainsi que par des mobilisations et des étirements des groupes musculaires associés à une stimulation en pos-tural et motrice, encore faut-il que le diagnostic ait été effectué, précocémment.

• Chez le sujet polyhandicapé, particulièrement celui présentant une atteinte de type quadriplégique les déformationsvont s’installer progressivement au niveau des hanches, du rachis, des pieds, des genoux et des membres supérieurs.

III - Au niveau des hanches

On constate souvent une dysplasie avec anté version augmentée et coxa valga qui pourront évoluer avec la bascule dubassin et la fixation de l’attitude en coup de vent vers une excentration de la tête fémorale jusqu’à la luxation postéroexterne avec un retentissement fonctionnel très variable mais presque toujours problématique.Dans certains cas les rétractions se feront vers l’abduction rotation externe et pourront conduire à des luxations anté-rieures toujours douloureuses dans notre expérience.La prévention passera par un positionnement alterné limitant cette bascule du bassin et maintenant une abduction symé-trique et nécessaire au bon recentrage grâce à diverses contentions allant du corset siège +/- abducté +/- incliné, auxinstallations nocturnes, coussin de mousse, attelles pelvi pédieuses, sans oublier bien sûr la verticalisation et les séan-ces de rééducation.

Dans un certain nombre de cas et malgré tous nos efforts les attitudes vicieuses vont se fixer imposant le recours à lachirurgie :

• Ténotomie, neuroclasie suivie de posture plâtrée ou de mise en traction chez les plus jeunes, classiquement avant8/10 ans.

• Geste osseux : ostéotomie de varisation +/- dérotation et ostéotomie pelvienne, avec immobilisation plâtrée audécours en cas de subluxation avancée voire de luxation avérée.

Le vécu autour de ces interventions s’est bien amélioré ces dernières années du fait d’une meilleure communication interéquipe, d’une prise en charge plus efficace de la douleur, du 1er jour à la sortie de plâtre, et sans doute des verticalisa-tions plus précoces autorisées par les chirugiens. Cependant la fragilité cutanée, somatique et relationnelle de ces jeu-nes rendent ces périodes de séparation difficiles avec une récupération souvent longue pouvant atteindre de 6 mois àun an pour les gestes osseux.

Une étude de la littérature sur la prévalence et la morbidité de l’excentration de la hanche de l’Infirme Moteur Cérébral,réalisée fin 99 par l’équipe de Lyon, retrouvait 50 % de hanches luxées, douloureuses sans précision sur le caractèredes douleurs ni sur leurs circonstances de survenue et surtout sans qu’aucun caractère prédictif ne soit retrouvé. Lesdifficultés d’installation assise étaient seulement évoquées par les différents auteurs.

Bien que ces études aient été effectuées sur des populations très différentes, les « IMOC quadriplégiques », non mar-chants, étaient jugés les plus à risque.

Pour mieux appréhender le retentissement fonctionnel et douloureux du parcours orthopédique de nos jeunes, j’ai reprisles dossiers des enfants pris en charge à l’hôpital de La Roche-Guyon âgés de 6 à 26 ans en répertoriant leurs attein-tes neuro motrices, orthopédiques, leurs installations actuelles, les douleurs éventuelles récentes ou anciennes, leurappareillage, leur parcours chirurgical.

A - Présentation des enfants et adolescents pris en charge à l’hôpital de La Roche-GuyonNotre mission sanitaire nous amène à accompagner des enfants et grands adolescents sévèrement polyhandicapésdont le plus jeune a actuellement 6 ans et le plus âgé 28 ans. Quinze de nos plus âgés devraient être très prochaine-ment orientés vers des structures d’adultes, la vocation de l’hôpital restant pédiatrique. Sur 80, 57 ont moins de 20 ans.

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- 10 sur 79 (12 %) seulement ont accès à une marche plus ou moins assistée - 43 sur 79 (60 %) ont une atteinte majeure des 4 membres avec trouble du tonus axial, hypertonie périphérique,

absence ou mauvaise tenue de tête

parmi ce groupe 25 présentent un schèma d’hyper extension

- 8 sur 79 (12 %) présentent une atteinte plutôt de type paraparésie avec hypertonie des membres inférieurs - 7 sur 79 (11 %) ont plutôt une atteinte de type hémiplégique - 5 sur 79 n’ont pas accès à la marche sans déficit évident- 70 % présentent une comitialité sévère- 23 sur 79 ont une alimentation entérale (21 gastrostomies – 2 sondes)- 79 % présentent plus de 4 déficiences associées- la dépendance est extrême pour la plupart

(cf tableau et graphique p. 37 sur l’atteinte neuromotrice)

Parmi cette population on retrouve ce jour sur 79 jeunes :

• 38 jeunes ayant des hanches dites en place et fonctionnelles

- dont 10 sujets marchants dont 1 opéré - et 9 sujets parmi les non marchants ayant bénéficié d’une intervention osseuse (2 au prix de 3 interventions)

Cela représente 50 % de notre population mais seulement 40 % de la population non marchante

• 19 jeunes présentent une ou deux hanches subluxées, indolores et fonctionnelles

- 7 d’entre eux ont bénéficié d’interventions osseuses sur les parties molles- ils représentent 27 % de la population non marchante

Ce qui élève à 67 % le nombre de sujets ayant des hanches sans retentissement majeur sur la station assise.

• 22 sujets ont des hanches luxées ou presque, ce qui représente 30 % de la population non marchante

- tous sont assis, cela devient impossible pour un de nos jeunes ces dernières semaines- 3 jeunes présentent des enraidissements majeurs et bénéficient d’installation dite 1/3 assise- des corsets-sièges de maintien ou répartissant les appuis autorisent la station assise au moins 1 heure 30 pour

tous les autres.- dans ce groupe 4 jeunes ont des douleurs intermittentes jusqu’à présent répondant aux antalgiques de palier 1.

La plupart doivent être mobilisés en douceur surtout le matin au réveil - 11 jeunes ont été opérés avec récidive au décours (6 gestes osseux : 5 sur les parties molles)- 1 seul garde une bonne mobilité de hanches- à noter que 19 d’entre eux sont porteurs d’une scoliose majeure associée (7 ayant été arthrodésés).

Parmi les jeunes ayant une atteinte de type quadriplégique (60 %) on peut très schématiquement distinguer 2 grandsgroupes :

- 26 ont un schème d’hyper extension majeure, asymétrique dans 20 cas ayant entraîné une luxation ou une sub-luxation de hanches , 10 ont dû être opérés, 4 ont un schème symétrique avec plutôt un tableau dystonique dys-kinétique et des hanches qui restent en place , 12 jeunes restent luxés ;

- 21 ont essentiellement une grande hypotonie axiale ; parmi eux 10 ont présenté des subluxations, voire luxationsmajeures ;

- 6 sont subluxés ;- 10 ont des hanches correctes.

(cf tableau et graphique p. 28 sur la déformation au niveau des hanches)

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B - Interventions chirurgicales• 27 jeunes ont bénéficié d’interventions autour du bassin soit 37 % des sujets non marchants

- 24 ténotomies diverses (adducteurs, droit interne, un demi tendineux …) avec neuroclasie dans 4 cas ;

- 22 interventions osseuses ce qui correspond à 17 enfants ;

- En ce qui concerne les ténotomies dans 4 cas la ténotomie a suffi pour maintenir des hanches fonctionnelles,indolores et à peu près en place (3 grands adolescents et un jeune avec un recul de seulement un an)

- 18 jeunes ont bénéficié de ténotomie avant leur arrivée à La Roche-Guyon ;12 avant l’âge de 7 ans ; 21 avantl’âge de 10 ans ;

- dans 8 cas ce geste a été suivi d’une deuxième intervention osseuse.

• Au niveau osseux sur les 17 enfants opérés, 11 ont des hanches en place et fonctionnelles soit les 2/3.

Les périodes post opératoires ont souvent été complexes surtout au moment de la sortie des plâtres.

On note de nombreuses complications : (1 fois nécrose, 3 fois désunion de la cicatrise, fracture supra condylienne 6 fois,escarre 3 fois, ostéome …) avec des vécus jugés très douloureux de façon subjective pour 12 d’entre eux.

Avec une récupération d’une situation assise jugée confortable, là encore de façon très subjective autour d’un an.

En ce qui concerne les fractures post opératoires on observe une nette diminution puisqu’on en a eu qu’une seule depuis1992. Ceci est à rapporter à la reprise de verticalisations plus précoce sous plâtre autorisées chirurgicalement, à la supplémentation en vitamine D systématique de façon prolongée pour tous les jeunes ayant un traitement anti comitialet sans doute aussi à la formation des équipes aux techniques de mobilisation et de manutention.

Pour conclure sur ce chapitre des fractures sur lequel nous ne reviendrons pas, j’ai retrouvé 16 fractures au total dansle parcours de nos jeunes, 6 en période post opératoire, 6 fractures spontanées dont 4 cette année rapportées à l’utili-sation sans doute inadéquat du lève-patient pour des jeunes ayant des raideurs en extension des genoux et 4 fracturestraumatiques.

(cf tableau et graphique p. 39 interventions sur le bassin)

C - Vécu douloureux• 7 enfants ont présenté une symptomatologie douloureuse à rapporter à une subluxation de hanches avec recours

aux morphiniques pour 3 d’entre eux et aux antalgiques de palier 2 pour les autres.

- 3 hanches douloureuses étaient instables avec une luxation antérieure.

- 4 étaient en rapport avec une subluxation appuyée et une souffrance de la tête fémorale.

Tous ont bénéficié d’interventions chirurgicales.

- 5 sont indolores avec le recul

- 2 restent douloureux mais de façon très intermittente, l’un ayant récidivé, l’autre étant subluxé ;

• 4 jeunes présentent des douleurs de type intermittentes, rattachées à la mobilisation des hanches, notamment aumoment de l’installation en position assise

Nous reviendrons sur les douleurs d’appui indissociables des autres déformations.

1. Installation et appareillage

Il n’est pas toujours simple de retrouver la trace des installations initiales. Depuis les années 80, les installations en corset-siège semblent plus précoces.

L’étude est encore plus complexe en ce qui concerne les attelles d’abduction, notamment nocturnes.

Actuellement

• Installations nocturnes (1/4)

- 3 jeunes sont équipés d’attelles cruro pédieuses en abduction

- 10 bénéficient de dauphins ou de gouttières en mousse

32

- 6 sont installés dans des lits de mousse

- 18 jeunes ont bénéficié pendant plusieurs années d’attelles, le plus souvent plâtrées dans notre expérience,notamment autour des interventions. (1/4)

• Verticalisation

- 18 ont été régulièrement verticalisés parmi eux 15 ont des hanches préservées

- 11 autres le sont encore régulièrement avec une bonne tolérance

IV - Les déformations rachidiennes

Les déformations rachidiennes, scolioses et/ou cyphoses sont excessivement fréquentes chez l’enfant polyhandicapéparticulièrement chez le quadriplégique.

Découvertes parfois précocement dans la 1ère enfance, devant l’apparition d’une asymétrie para vertébrale puis d’unegibbosité, le plus souvent sur un bassin oblique, elle s’aggrave presque toujours à l’adolescence, notamment dès l’ap-parition des premiers poils pubiens. L’aggravation est d’autant plus à craindre que cette apparition est précoce.

On retrouve le plus souvent des scolioses dorso lombaires en C ou en S, sur un bassin oblique avec souvent une com-posante d’effondrement en cyphose dû à l’hypotonie axiale qui peut évoluer seule parfois.

Dans certains cas, l’évolution se fait vers un dos creux avec hyper lordose en rapport avec l’hypertonie des spinaux.

Les radios répétées en position couchée, tous les 6 mois, au premier doute permettent de juger de l’évolutivité et de lanécessité devant l’aggravation régulière sur les premières années de quelques degrés, de prescrire un corset bien sûren plus de la kinésithérapie et du bon positionnement dans le siège.

Lorsque la rotation n’est pas majeure et que la composante hypotonique est importante, le TLSO garde des indicationsmais le plus souvent on a recours au corset garchois moulé en position de correction qui respecte les ampliations thoraciques et abdominales qui reste compatible avec une gastrostomie. Une minerve est souvent nécessaire pour améliorer la correction axiale et le bon positionnement de la tête mais pas toujours acceptée par l’entourage.

L’efficacité de nos corsets est relative. Ils permettent essentiellement de limiter l’évolution de la déformation et ses réper-cutions viscérales, de garder une certaine souplesse et d’atteindre ainsi le temps de l’arthrodèse éventuelle. On espèreainsi pouvoir souvent se contenter d’un seul temps d’instrumentation postérieure sans avoir obligatoirement en recoursau temps de libération antérieure préalable.

Classiquement autour de 13 ans d’âge osseux chez les filles et 15 ans chez les garçons on est parfois amené à intervenirplus précocement en fonction de l’évolutivité.

Il s’agit d’une décision collective bien sûr en fonction de l’état général et de l’avis des parents et des anesthésistes. Ellenécessite des équipes entraînées pendant et après l’intervention, notamment au niveau réanimation. Ces interventionspermettent le plus souvent de faciliter la station assise avec ou sans corset siège.

(cf graphiques p. 40 sur la déformation rachidienne)

Dans notre population

- 45 jeunes sont porteurs de scoliose importante dont 3 marchant

- 20 jeunes ont bénéficié d’arthrodèse

- 25 n’ont pas été traités chirurgicalement parmi lesquels

* 5 doivent être opérés prochainement

* 10 sont corsetés garchois pour la plupart

Parmi les sujets récusés on note

- 2 refus de la famille

- 5 sujets porteurs de pathologie très évolutive

- 5 sujets jugés trop fragiles avec pour certains un questionnement tardif sur les intérêts antérieurs compte tenu desdéformations problématiques

33

- 3 au moment de l’adolescence sont jugés équilibrés dont 2 jeunes marchant

- on doit rajouter 7 cyphoses isolées dont 2 ont été corsetées (population hémiplégique)

- sur les 45 sujets présentant une scoliose importante 34 appartiennent au groupe des sujets tétraplégiques, 14 ontété arthrodésés

• Types de déformation

- 11 présentent une triple courbure (1/4)

- 22, la moitié, ont une scoliose thoraco lombaire, de plus souvent dans les grandes hypotonies axiales

- 6 présentent des dos creux lombaires ou dorsal

- enfin 6 sont des scolioses lombaires sur bassin oblique

Les formes lombaires avec télescopage des dernières cotes sur la crête iliaque gênent considérablement la station assise surtout lorsqu’il y a des renforcements toniques à la moindre stimulation.

Les formes avec dos creux sur hypertonie des spinaux (6) sont rapidement évolutives particulièrement au moment del’adolescence, souvent impossible à tenir, elles sont sources de douleurs en station assise, et les résultats des arthro-dèses (4) sont moins spectaculaires que dans les autres formes.

1. Appareillages

• 28 jeunes ont été corsetés antérieurement et parmi cela

- 19 ont été arthrodésés

• 10 sont actuellement corsetés, la plupart à l’aide de corset garchois avec pour objectif essentiel de freiner l’évo-lution, de garder une certaine réductibilité pour atteindre le temps en chirurgical

(cf graphiques p. 41 sur les sujets laxés 12 jeunes et déformations 12 jeunes)

Le port des corsets reste malheureusement limité dans le temps, souvent diurne et reste aléatoire, à la merci du moindre épisode somatique. Il est le plus souvent bien toléré lorsque adapté, ce d’autant lorsqu’il est mis en place précocement.

Le garchois malgré son aspect rébarbatif ne fait plus peur et est d’installation aisée, la gastrostomie n’est pas un obstacle, il nécessite cependant une parfaite mise en place sous peine d’être source de douleur et d’inconfort. Il fautpouvoir le coupler au corset siège ; l’idéal étant d’avoir deux installations, ce qui n’est pas toujours notre cas.

2. Interventions chirurgicales

L’arthrodèse a été pratiquée chez 20 jeunes,

- 10 fois avec un temps de libération antérieure préalable

- 10 fois avec un seul temps, l’arthrodèse postérieure

- 6 fois on a pu laisser le bassin libre

- 14 jeunes font partie du groupe des quadriplégiques

Les plus jeunes avaient 10 ans, le plus âgé 22 ans, la plupart ont eu lieu entre 14 et 16 ans (12)

L’instrumentation la plus fréquente a été de type Coterel-Dubousset.

3 jeunes seulement ont porté un corset plâtré dans les suites.

La rééducation a été réalisée pour la plupart dans l’établissement avec reprise immédiate de la station assise dans unfauteuil modulable, type Solaris.

On note peu de symptomatologie douloureuse, répondant le plus souvent aux antalgiques de palier 1, excepté dans lescomplications :

- 3 infections à bas bruit ayant nécessité l’ablation du matériel après la prise des greffons 15 mois à 2 ans aprèsl’intervention.

34

- 1 hématome surinfecté évacué à J20

- 1 recrudescence des troubles du transit

- 1 escarre sous plâtre

Pour tous nos jeunes la station assise a été grandement facilitée, 9 d’entre eux pouvant désormais se contenter d’uneassise simple en fauteuil.

28 jeunes ont présenté l’association d’une scoliose majeure et d’une subluxation de hanches (5 ont été athrodésés, 8 ont bénéficié d’une ostéotomie efficace).

- 16 d’entre eux, particulièrement ceux qui restent luxés présentent une limitation de la durée de la station assise,1 heures 30 et de grosses difficultés d’installation.

Enfin on retrouve les raideurs du rachis cervical souvent en extension dans plus de 23 cas, y compris jeunes, essen-tiellement chez les sujets tétraplégiques, cela participe certainement à l’aggravation des troubles de déglutition et nécessite la poursuite de notre réflexion sur les appuis-tête et le positionnement précoce.

Une remarque à part concernant les sujets jugés très souples, laxes

- 12 jeunes font partie de ce groupe à travers les différents classements (on retrouve 5 marchants, 5 tétra hypotoniques, 1 hémiplégique, 1 sans déficit organisé)

- 9 jeunes ont développé des scolioses importantes

- 5 ont dû être arthrodésés

- 1 est en attente

- 1 est corseté

- 2 scolioses sont jugées stables chez des sujets marchants après l’arrêt du corset

- 2 jeunes ont présentés des hanches instables qui ont dû être opérées

V - Les déformations des genoux

Elles se font souvent vers la flexion. Dans notre pratique, 2 rétractions des ischio jambiers ont considérablement gêné lastation assise.

On retrouve un flexum dans 22 cas (30 %) avec des répercussions essentiellement sur la verticalisation et l’installationallongée.

Les raideurs en extension ne sont pas rares (10 sur 69 [15 %]) souvent au delà de nos ressources thérapeutiques. Ellescomplexifient l’installation assise impliquant des reposes jambes divers qui augmentent considérablement l’empâtementdu fauteuil.

Elles ont été la source de fracture supra condylienne lors de manutention avec le lève patient.

Enfin, les schèmes d’hyper extension peuvent être eux aussi très gênants lors du passage des portes notamment avecles installations d’abduction surtout chez l’adolescent.

VI - Au niveau des membres supérieurs

L’attitude en chandelier doit être prévenue sous peine de générer des difficultés traumatiques.

VII - Les déformations des pieds

Constantes, elles retentissent peu sur la station assise, une répartition de l’appui étant toujours possible.

• Traitement antispastique

23 jeunes en bénéficie avec pour la plupart, entre autre, l’objectif de faciliter l’installation dans le siège.

35

• Les répercussions cutanées

Elles sont globalement moins fréquentes qu’on ne pourrait l’imaginer compte tenu d’un nursing soigneux et d’un changement de position fréquent.

- 14 jeunes ont présenté des escarres débutants rapportés à la station assise, rapidement résolutifs, justifiant unegrande vigilance et des installations à réajuster constamment

- 5 lésions ont été observées au niveau ischiatique

- 4 au niveau du sacrum

- 4 en sous axillaire

- et 1 au niveau d’une saillie costale sur une gibbosité

Les problèmes les plus complexes se trouvent au niveau de la crête iliaque lors du téléscopage du tronc sur le bassin(3 cas).

Actuellement la station assise :

- 53 jeunes (67 %) ont des assises de type coquille

* 4 coques coram

* 8 corsets sièges avec mousse expansée

* 41 corsets sièges dont 21 sont réalisés à visée de confort en respectant les déformations, répartissant aumieux les appuis, en essayant de préserver l’excitant et de limiter les attitudes vicieuses

Dans plus de la moitié des cas, la mise au fauteuil reste très délicate nécessitant plusieurs personnes et plusieursmanœuvres.

- 16 jeunes (23 %) sont installés en fauteuil avec assise confortable et système de maintien, parmi cela 9 sujets sontporteurs d’une arthrodèse

(cf graphique p. 42 sur la station assise, ce jour, 69 jeunes)

VIII - Conclusion

• Une seule certitude sur le devenir orthopédique des personnes polyhandicapées et son retentissement : chaque sujetest un cas particulier.

• Il ne faut pas être défaitiste, tous «nos» jeunes ont accès a une station assise :

- Dans notre expérience, la prise en charge orthopédique et chirurgicale des déformations rachidiennes, bien quenon dénuée de risque et nécessitant des équipes entraînées, apporte une amélioration certaine des possibilitéset du confort de la station assise ;

- Les résultats au niveau de l’accompagnement des déformations des hanches pour maintenir le confort assis sontplus aléatoires mais non négligeables. Il faut savoir constamment réajuster objectifs et moyens, maintenir nosefforts en allégeant au maximum les contraintes ;

- Un ratio supérieur de kinésithérapeutes faciliterait ce travail au long cours.

• Nos regards se tournent avec impatience vers les nouvelles approches qui, nous l’espérons, permettront un jour delimiter ces évolutions asymétriques au niveau du bassin afin de maintenir avec de moindre contrainte des hanchesfonctionnelles et un rachis +/- aligné :

- toxine botulinique

- traitement anti spastique

- «colle chirurgicale osseuse»

36

Atteinte neuromotrice

79 sujets polyhandicapés Nombre %

Marche +/- assistée 10 13,0 %

Atteinte majeure des 4 membres 47 59,5 %

Atteinte type paraparésie 8 10,0 %

Atteinte hémiparésie 8 10,0 %

Non déficitaire - non marchant 6 7,5 %

37

Marche +/- assistée13 %

Non déficitaire non marchant8 %

Atteinte hémiplégique10 %

Atteinte type paraparésie10 %

Atteinte majeure des 4 membres 59 %

Déformations au niveau des hanches

Marchant Non marchant Total

Non opéré Opéré Non opéré Opéré Total % % nonmarchant marchant

Hanche en place 9 1 19 9 38 48 40

Hanche subluxées 12 7 19 24 28

Hanches luxées 11 11 22 28 32

Sujets non marchant

38

79 sujets

Hanches subluxées 28 %

Hanches en place 40 %Hanches luxées 32 %dont 86 % avec scoliose

Interventions sur le bassin

27/69 jeunes Nombre d’intervention Nombre d’enfants

Tenotomies 24 19

Ostéotomies 22 17

Les 2 interventions successivement 8

39

Non opérés 60 %

Les deux interventionssuccessivement

Ostéotomies

Tenotomies

Déformation rachidienneType de scoliose 45 jeunes

Traitement

Arthrodèse 19 jeunes

40

Scoliose triple courbure 24 %

Scoliose thoraco-lombaire 50 %

Scoliose lombaire 13 %

Dos creux 13 %

Corset actuel 22 %

Autres 16 %

Corset antérieur 62 %dont 42 % arthrodésé

Temps antérieur et postérieur 47 %

Temps postérieur 53 %dont 31 % bassin libre

Sujets laxés 12 jeunes

Déformations 12 jeunes

41

Non marchant sans déficit8 % soit 1

Hémiparésie8 % soit 1

Tétraplégique hypotonique 42 % soit 5

Marchant 42 % soit 5

Luxation instable opérée17 % soit 2

RAS 8 % soit 1

Scoliose arthrodésés42 % soit 5

Scoliose33 % soit 4

Station assise ce jour 69 jeunes

42

Corset siège 28 %

Coram 6 %

Corset siège dit de maintient 43 %

Fauteuil 23%

TROISIÈME PARTIE

L’appareillage Objectifs, moyens, problématiques

Chez l’enfant, les différents points de vue :- du médecin- du kinésithérapeute- du psychologue- des parents

Chez l’adulte, les différents points de vue :- du médecin, de l’ergothérapeute

et de l’orthoprothésiste- du kinésithérapeute- des parents

43

Chez l’enfantLe point de vue du médecin

Docteur Elisabeth PorsmoguerMédecine physique et réadaptation

Hôpital San-Salvadour

La station assise est bénéfique au plan général (digestif, respiratoire) comme l’a très bien démontré Madame le Dr Rousseau.

Etre assis, c’est aussi regarder, être face à face, communiquer, manipuler, jouer, apprendre, se déplacer, être un peu plusautonome, être regardé.

L’appareillage doit essayer de répondre à beaucoup d’exigences.

Une évaluation factorielle rigoureuse, non seulement neuromotrice mais globale, permettra de définir les objectifs :- Neuromoteurs,- Orthopédiques,- Fonctionnels,- Educatifs,- A visée antalgique parfois,- Familiaux.

Ces objectifs souvent associés, parfois contradictoires et toujours évolutifs. Ils sont établis en collaboration avec la familleet l’équipe.

I - Neuromoteurs

Un examen rigoureux définira le type de corset-siège, en fonction de l’atteinte neuromotrice. 75 % de la populationaccueillie à l’hôpital San Salvadour, présente des atteintes de degré IV, avec une grande insuffisance des capacités anti-gravitaires, des schèmes pathologiques obligatoires asymétriques, associés fréquemment à de fortes contractions enextension.

Pour cet enfant, la pesanteur aggrave les contractions et entraîne un effondrement. Ainsi, trop verticalisé, cet enfant seplace en hyper-lordose cervicale, élévation des épaules, les contractions diffusent aux muscles antérieurs du cou, ce quientrave une bonne déglutition. Il est nécessaire d’incliner de façon à obtenir un relâchement des contractions, souventjusqu’à 45° ou plus si cela est nécessaire. Une attention particulière est portée à la tête, aux épaules, au placement desmembres supérieurs. La tête est fléchie aux environs de 30°, les épaules sont placées en rotation interne, les avant-brasen pronation, position nécessaire à une bonne déglutition. Cette position n’empêche pas l’horizontalisation du regard.

• Les troubles visuels

Dans l’élaboration du corset-siège, on doit les considérer avec attention. La posture de la tête ne doit pas empêcher laprise d’informations visuelles, mais les faciliter. On tient compte d’une éventuelle amputation du champ visuel inférieur,d’une paralysie de l’élévation du regard. On pourra même supprimer un appui-tête pour certaines activités.

II - Orthopédiques

A - HancheLe corset-siège doit assurer la prévention des luxations de hanches et le maintien des amplitudes acquises après chirurgie. C’est avant tout la recherche de la position de recentrage de la hanche, en établissant un diagramme précis.La position est évaluée par la palpation de la tête fémorale. Ainsi, sont définis des secteurs de mobilité dans lesquels latête est recentrée. Souvent une forte flexion est nécessaire pour contrôler l’hyper-extension. Cette flexion impose uneaugmentation d’abduction nécessaire au recentrage.

45

Cette installation, avec forte flexion, illustre bien, comme l’a démontré le Docteur A. Lespargot, l’importance de la posi-tion des pieds. Ici, en haut, la force qui tend à éjecter le bassin, replaque dans le corset-siège. Cette installation a per-mis la suppression de diverses sangles (brachiales, pelviennes….).

B - RachisL’équilibre du bassin garantit l’alignement du rachis dans les 3 plans de l’espace. La rétroversion responsable de cypho-se sera contrôlée par la détente des ischio-jambiers en ouvrant l’angle de flexion tronc/cuisse ou chirurgicalement quandils sont trop rétractés. Dans les autres plans, il faudra savoir respecter une asymétrie lors de la fabrication du siège.L’objectif pendant le moulage est d’obtenir un bassin en position de référence.

Si l’enfant présente des possibilités de redressement actif, il bénéficiera d’un siège de stimulation (ex. : siège court plaçant le bassin en antéversion). Si les capacités motrices le permettent, une selle de Vaucresson sera proposée.Moulée à cheval sur un rouleau, elle permet un contrôle orthopédique par l’abduction des hanches et l’érection du rachis,en associant un éventuel déplacement par l’appui au sol.

En fonction des capacités de redressement et de la fatigabilité de l’enfant, on alternera siège de repos, avec appui-têteet siège de stimulation. Des appuis thoraciques antérieurs peuvent, par exemple, faciliter les activités manuelles, dessoutiens partiels de tête peuvent être proposés si l’enfant l’accepte pour faciliter l’utilisation des membres supérieurs.

Dans les atteintes neuro-motrices très sévères, un coutil élastique, tendu sur l’appui-tête, favorisera la rotation de la tête.Dans le même esprit, des appuis-pieds «élastiques» souples, des articulations de genoux (en veillant à l’axe) procurentdu confort en évitant aux forces d’éjection de s’exprimer.

L’aggravation d’une scoliose peut imposer un corset dans l’attente d’une arthrodèse.

Le corset-siège est un des moyens de prévention orthopédique. Cette prévention repose sur l’alternance des positions,guidée par des bilans cliniques réguliers.

Par contre, une installation en corset-siège, des heures durant, est néfaste. Il faut toujours préserver une motricité active, quel que soit le niveau moteur de l’enfant. La prévention, c’est l’alternance des positions et des installations, bienintégrée dans la vie quotidienne, en collaboration avec la famille.

III - Fonctionnels

Ils ne sont pas toujours parfaitement conciliables avec les impératifs orthopédiques (installation sur un fauteuil roulantélectrique, par exemple, due à l’encombrement, etc…).

Il est nécessaire de définir, dans ce cas, une prévention orthopédique en jouant sur la durée et la variété des installationsbénéfiques.

Pour les plus dépendants, l’installation en corset doit être facile, sinon il serait mal ou peu utilisé :

- échancrure pour faciliter les prises, allégement de la hauteur des bords cruraux, pas forcément

- symétriques en interne et externe (selon le schéma moteur), butées amovibles si l’état orthopédique le permetpour faciliter un transfert, si la réaction d’appui existe, butée large permettant un éventuel appui, etc…. Ne pasmultiplier les réglages, selon les contextes institutionnels.

Quelques principes importants pour la réalisation : les appuis.

• les appuis à favoriser

- l’appui des pieds, sauf exception (cf ci dessus),

- l’appui des coudes (par l’utilisation d’une tablette),

- les appuis pré-ischiatiques, qui empêchent le glissement, ils sont souvent associés à un fond capitonné épais,

- les appuis sur la face interne des cuisses,

- les appuis pré-tibiaux, plus utilisés chez l’adolescent (risque d’augmentation de la laxité du genou chez l’enfant)associés à un retour jambier,

46

• les appuis à supprimer

- le sommet de la cyphose,

- les appuis pubiens : ils doivent être verticaux, arrondis et échancrés éventuellement. Ils évitent la rétroversion, lesacrum et le coccyx.

IV - Educatifs

Il est important de faire participer l’équipe éducative qui prend en charge l’enfant et qui l’observe dans toutes les situa-tions de la vie quotidienne, les situations d’apprentissage ou ludiques.

Le corset-siège doit favoriser l’activité des membres supérieurs, faciliter les repas, autonomiser le plus possible l’enfantdans les différentes activités, faciliter sa socialisation.

V - A visée antalgique

L’arrivée des mousses expansées et réalisées sur mesure, a considérablement amélioré la qualité de vie de ces jeunesou moins jeunes adultes, qui présentent des troubles orthopédiques gravissimes, n’ayant pu bénéficier d’une préventionorthopédique précoce. La qualité de ces orthèses, dont on peut choisir la densité, a transformé la qualité de vie de cespersonnes surhandicapées, dont les installations, jusque-là précaires, engendraient inconfort et douleur.

VI - Familiaux

Dans tous les cas, le corset-siège est élaboré en partenariat avec la famille. Il est important d’expliquer progressivementles exigences orthopédiques, mais d’élaborer avec les parents les différentes adaptations (poignée, inclinaison, appui-tête amovible ….) en tenant compte de l’utilisation dans la vie quotidienne, loisirs (corset-siège adaptable à un vélo, sellede moto, du cavalier, etc.).

Une grande importance est accordée à l’esthétique.

Conclusion

Le corset-siège est le résultat d’une analyse multifactorielle et d’un travail transdisciplinaire réalisé avec la famille. Sesobjectifs sont multiples, parfois difficiles à associer, et surtout variables dans le temps. Les priorités doivent être réguliè-rement redéfinies, selon l’évolution de l’enfant.

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Le point de vue du kinésithérapeuteChristian Valette

Cadre kinésithérapeute formateurHôpital San Salvadour

I - Introduction

Les objectifs d’installer une personne polyhandicapée en station assise sont multiples et les avantages nombreux (cf. lesexposés des docteurs Marie Christine Rousseau Médecin - Chef de Service et d’Élisabeth Porsmoguer, Médecin réédu-cateur).

Bref historique de la mise en station assise à San Salvadour.

Il y a près de vingt ans maintenant, sous l’impulsion et grâce aux prescriptions du Docteur Élisabeth Porsmoguer, leskinésithérapeutes de l’équipe de rééducation de l’hôpital San Salvadour ont pu progressivement procéder à l’installa-tion dans des coquilles en plâtre de station assise, des patients qui jusque-là étaient bien nourris et maintenus bien pro-pres, mais dont l’horizon était la plupart du temps vertical pour ne pas dire zénithal, puisqu’ils ne pouvaient guèrecontempler plus que les plafonds -parfois picturalement couverts de scènes allégoriques très en vogue à la fin du XIXsiècle - des salles communes.

À la belle saison, qui fort heureusement commence en général tôt et se prolonge assez longtemps dans notre région,nos patients pouvaient plonger leur regard dans l’azur...

Asseoir des patients jusque-là grabataires a été, à l’époque, une révolution en soi, dans notre monde un peu à part dupolyhandicap. Il a fallu changer le regard des équipes soignantes sur la personne polyhandicapée: un être humain quin’était pas considéré en tant que tel, c’est-à-dire une personne à part entière.

Ce travail de “dégrabatiser” les patients n’a pas été simple.

Mais la volonté et la conviction de médecins novateurs ayant su fédérer autour de leur projet des équipes soignantes,éducatives et rééducatives enthousiastes, avec l’appui des décideurs de l’Administration, ont eu raison des réticenceset des doutes.

II - Kinésithérapeute et station assise du patient

Le/la kinésithérapeute peut et doit évaluer les capacités de son patient polyhandicapé à tenir assis, à supporter une aideà la station assise, à développer ses potentialités.

Cela peut aller de la simple stimulation à partir d’exercices au tapis faisant appel aux techniques de sollicitation neuro-motrices, ou assis en bord de table en favorisant le redressement du tronc, jusqu’à la recherche et à la confection desièges moulés parfois très complexes compte tenu des déformations, en passant par la réalisation de petits sièges destimulation en plâtre ou dans d’autres matériaux, découpés dans des blocs de mousse, pour faire des installations quirépondent à des demandes afin de favoriser certaines postures, ou pour des prises en charge éducatives. Dans ce cas,il s’agira bien souvent de réaliser une adaptation favorisant telle ou telle fonction dans un but bien défini.

III - Formation des kinésithérapeutes

Il n’existe pas de réelle formation des kinésithérapeutes sur le polyhandicap dans le programme des études préparantau Diplôme d’État (D.E.). Tout au plus, et au mieux, quelques heures de cours, ou quatre semaines estivales de stagedans notre établissement pour répondre à quelques demandes.

Des stages complémentaires sur le polyhandicap font partie de formations sur l’I.M.C. (infirmité motrice cérébrale) proposées aux rééducateurs.

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On y apprend à transposer ce qui peut l’être, de l’I.M.C. au polyhandicap.

Cela va, dans le domaine de la pratique, à l’apprentissage des manœuvres de détente (techniques de monsieur MichelLe Métayer) à la conception et à la réalisation d’installations : en charge (“verticalisations”), de nuit (lits mousses) et desièges moulés avec leurs adaptations (appuie-tête, repose-bras, repose-pieds).

Tous les kinésithérapeutes de l’hôpital San Salvadour ont pu bénéficier de ces formations complémentaires.L’apprentissage de la réalisation des installations se fait “sur le tas”, avec le médecin rééducateur et les collègues déjàformés qui transmettent leur savoir-faire.

IV - Le bilan orthopédique

Le bilan orthopédique est essentiel.

Il est réalisé par le médecin rééducateur, avec le kinésithérapeute du patient. Les problèmes de la station assise et del’appareillage sont examinés avec soin. Un diagramme de mobilité de la hanche est fait, si besoin est, selon le protocole duDocteur Alain Lespargot, pour évaluer dans quelles amplitudes la hanche est couverte et ce qui est en deçà du seuildouloureux.

Les chiffres obtenus lors de cet examen permettent de concevoir un siège qui sera adapté au mieux des capacités etde la tolérance du patient.

V - Réalisation du siège moule : vigilance et suivi

Le siège : siège moulé, siège assis tailleur, petit siège de stimulation pour ramener le bassin en antéversion pour luttercontre l’attitude cyphotique ou pour inverser une attitude scoliotique, siège demi assis pour le décubitus etc...Il est pres-crit par le médecin rééducateur.

A - Diagramme de hancheNous sommes parfois amenés à effectuer ce type d’investigation lorsque l’installation peut se révéler délicate.

Les points reportés sur le diagramme nous donnent une précieuse indication de l’espace de mobilité de la hanche endélimitant les amplitudes où la tête fémorale n’est pas couverte (zones à risque) et celles où elle est recentrée (zones desécurité).

Nous savons alors quels angles de flexion -ou de déflexion et d’abduction nous pouvons donner au siège moulé pourqu’il soit bien réalisé.

B - La vigilance et le suiviLa vigilance du rééducateur s’impose lors du moulage, puis plus tard avec les essayages en dehors de la présence dumédecin rééducateur. Il faut souvent apporter des modifications et des adaptations. Il faut alors prendre le temps etsavoir retenir l’orthoprothésiste... Lorsque l’appareillage semble convenir, il ne faut pas relâcher la vigilance. En effet, lestroubles neuromoteurs et orthopédiques sont parfois difficiles à contrôler et très vite, nous pouvons passer d’une situa-tion satisfaisante à une situation où l’installation n’est plus supportée, voire est devenue douloureuse. Cela exige de notrepart, un suivi permanent de l’installation en observant le comportement de notre patient, mais aussi en étant à l’écoutedes autres membres des équipes de soins et éducatives, ainsi que des familles.

C - Contrôle radiologique de la station assiseLe/la kinésithérapeute réalise le moulage, selon les cas avec l’orthoprothèsiste et le médecin rééducateur. Pour les autres réalisations, elles sont faites soit seules ou avec l’aide d’un(e) collègue kinésithérapeute et/ou de l’ergothérapeute.

Nous avons la chance de disposer d’un service de radiologie. Ainsi pouvons-nous contrôler s’il le faut et après discus-sion avec le médecin rééducateur si le bassin et les hanches sont convenablement positionnés.

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VI - L’installation

Bien installer les personnes polyhandicapées en station assise fait appel à des techniques de détente.

Nous pratiquons pour notre part les techniques citées plus haut de monsieur Michel Le Métayer.

Il est nécessaire de détendre préalablement tout patient, de l’amener dans une posture de relâchement maximum, quece soit pour une prise en charge en rééducation ou dans d’autres situations : habillage/déshabillage, temps éducatifsetc.

Ainsi, dans la manutention du patient pour l’installer dans son siège moulé, il est indispensable de faire appel à ces techniquespour le poser dans son installation.

• La posture- tête fléchie,- tronc enroulé bras en avant si possible en rotation interne,- hanches fléchies, genoux fléchis.

permet de bien placer les fesses au fond du siège ainsi que le bassin.

• La douleur

Il arrive que l’installation ne soit plus supportée et soit cause d’inconfort pour le moins et de douleurs. Le rééducateuren rend compte au médecin. Un nouveau bilan permet de s’orienter sur une nouvelle conduite à tenir. Parfois l’orthopédien’est pas en cause. Si un geste chirurgical est pratiqué, le kinésithérapeute assure le suivi, post opératoire sur le plandes installations. Il est souvent amené à réaliser ou à aménager des installations provisoires. Les changements de positions sont à faire régulièrement pour prévenir les douleurs ou l’inconfort en rapport avec les points d’appui.

VII - Un travail d’équipe pluridisciplinaire

Asseoir le patient polyhandicapé répond, nous l’avons vu à des objectifs bien définis : sur le plan orthopédique, maisaussi sur le plan de la stimulation de l’éveil et du regard que l’on porte sur cette personne.

Pour y parvenir, ces objectifs doivent remporter l’adhésion de l’équipe en s’intégrant au projet de soins du patient.

Il est nécessaire que chaque acteur du projet de soins puisse faire valoir son point de vue.

Nous devons tenir compte de l’avis des équipes de soins qui, chaque jour et plusieurs fois par jour, doivent manuten-tionner ces patients. Ainsi avons-nous dû rediscuter avec le médecin rééducateur et l’orthoprothèsiste, la conception desièges qui demandaient de la part des soignants des manutentions difficiles, dangereuses pour leur dos et pouvantentraîner des risques pour les patients.

De même, nous devons prendre en compte les avis des membres de l’équipe éducative qui recherchent une adaptationpour une activité précise comme permettre l’activité peinture.

Le/la kinésithérapeute se doit d’être bricoleur et inventif certes, mais pour certaines adaptations délicates il faut faireappel à l’ergothérapeute.

Dans certains cas, des installations doivent être remplacées assez rapidement pour diverses raisons, entre autres :- le patient a grandi et son siège n’est plus adapté,- une intervention chirurgicale a été nécessaire et l’installation précédente ne convient plus,- les déformations du patient, sous l’influence des troubles neurologiques et orthopédiques, sont telles qu’il ne supporte

plus son installation.

Il nous faut alors argumenter une demande de rallonge budgétaire, si les limites de notre crédit sont atteintes.

Enfin, si le patient rentre périodiquement dans sa famille, il faut prévoir avec elle une installation -si elle est acceptée audomicile qui puisse être transportée dans un véhicule, dans un ascenseur, passer les portes et être installée dans unepièce d’habitation. Bien souvent également, les équipes de soins et/ou éducatives donnent leur avis sur les coloris desrevêtements du siège moulé... ainsi que quelques patients qui sont en mesure de s’exprimer ou de se faire comprendre !

VIII - Station assise et repas

Une des applications directes de la station assise à la vie quotidienne de nos patients est la prise des repas.

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Être assis, en d’autres termes, être bien installé pour prendre ses repas, entre dans la prévention des fausses-routeset/ou du reflux gastro-œsophagien, au-delà de la notion de confort proprement dite.

Là aussi, la recherche de la détente, par la conception du siège moulé est une de nos préoccupations.

Pour cela, nous recherchons :- une flexion optimum supportable et non douloureuse des hanches,- un bon positionnement des accoudoirs qui maintiennent les épaules abaissées et en rotation interne,- un appuie-tête qui permet de posturer la nuque (et la tête) dans un angle de sécurité de 35 à 40° par rapport au

tronc pour déglutir sans risque de fausse route, ou pour prévenir la glossoptose responsable de décès par étouf-fement (la nuque est en hyperextension, la base de la langue qui est plus lourde bascule en arrière et obture lesvoies respiratoires.

- une inclinaison de l’ensemble du siège moulé pour permettre un champ de vision plus orienté à l’horizontale.

IX - Former les soignants à la manutention

Nous avons sorti des lits nos patients pour les installer dans des coquilles de station assise réalisées d’abord en plâtre,puis, au fur et à mesure que des moyens budgétaires nous ont été accordés pour répondre aux besoins de nos patients,dans des appareillages tels que les sièges moulés en matériaux thermoformables.

Au passage, nous remercions les décideurs qui ont prêté une oreille attentive à nos demandes soutenues et justifiées.Ils ont répondu et agi avec conviction en défendant et en partageant nos objectifs pour nos patients.

Les manutentions répétées tout au long de la journée par les différentes équipes, pour effectuer les transferts :- lit/fauteuil avec siège moulé/lit,- fauteuil avec siège moulé/table de change/fauteuil avec siège moulé- fauteuil avec siège moulé/tapis de sol/fauteuil avec siège moulé- fauteuil avec siège moulé/table de radiologie, fauteuil de soins dentaires,- en balnéothérapie, à l’équitation,- sorties diverses et séjours en camps, etc.- prises en charge éducatives nombreuses et diversifiées

ont amené une charge de travail supplémentaire et accru notablement les risques pour le dos des personnels des équipessoignantes et éducatives.

Le médecin du travail a enregistré une augmentation sensible des déclarations d’accidents du travail en rapport avec lesmanutentions.

Parallèlement, nous avons constaté plus de fractures au niveau des membres supérieurs (fractures du tiers supérieur del’humérus et sous capitales) et aux membres inférieurs (fractures supra condyliennes et de l’extrémité supérieure du tibia).

Ces localisations de fractures sont caractéristiques de prises mal faites lors de manutentions.

Aussi est-il devenu urgent de mettre en place :• des formations longues et complètes de kinésithérapeutes qui en faisaient la demande, pour apprendre la bonne ges-

tuelle de manutention des malades.Ils se sont formés à ces techniques afin de les diffuser au sein de l’établissement aux personnes qui travaillent quotidiennement auprès des patients.

Ces kinésithérapeutes se sont formés aux techniques “classiques” de manutention des malades élaborées par PaulDotte, mais aussi et surtout aux techniques de manutention, de détente et/ou de stimulation de Michel Le Métayer,basées sur des réponses neuromotrices automatiques et programmées à des sollicitations. Elles sont tout à fait adaptéesà la personne polyhandicapée.

• des actions de formation :- chaque année, au centre de formation des aides-soignants,- de l’ensemble des personnels,- ponctuelles et ciblées dans chaque unité de soins,- des personnels nouvellement recrutés,- des personnes qui effectuent des remplacements vacances.

La prévention des risques pour le dos des soignants et des fractures chez nos patients sont deux priorités étroitementliées dans les actions que nous menons.

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X - Conclusion

Aujourd’hui, plus personne ne remet en cause le fait d’installer nos patients. Tout le monde a bien compris qu’asseoir,et quand cela est possible verticaliser, présentent de multiples avantages pour nos sujets polyhandicapés.

Nous l’avons vu, sur le plan :- de l’état général- de l’amélioration du maintien postural,- du contrôle orthopédique (hanches, bassin, rachis),- cardio-pulmonaire,- digestif (prévention du RGO),- de la prise des repas (maintien postural de la tête dans un angle de sécurité de 35°/40° par rapport au tronc- de l’éveil- des prises en charge éducatives- de la relation aux autres (un autre regard)

Cependant, nous devons rester vigilants : rien n’est jamais acquis définitivement.

Nos patients grandissent et grossissent. Les troubles neurologiques et orthopédiques évoluent et entraînent des déformations que nous avons dans certains cas bien du mal à contrôler.

À chaque fois, nous devons repenser nos installations en tenant compte des points de vue et des spécificités -parfoisdivergents :

- de chaque catégorie de personnels formant l’équipe pluridisciplinaire,- de l’avis des familles (leur enfant sera-t-il installé à leur domicile et si oui dans quelles conditions? L’installation

pose-t-elle des problèmes de transport? Aspect social: “ça fait handicapé!”)...

Nous devons être également vigilants avec les orthoprothésistes sur la réalisation, et/ou les modifications des siègesmoulés pour qu’ils correspondent en tous points à la prescription du médecin rééducateur, c’est-à-dire réaliser l’adéquation entre les objectifs orthopédiques, les contraintes dues aux troubles neurologiques, et le confort. Cetterecherche d’un compromis entre rigueur orthopédique et confort n’est pas toujours simple.

Nous installons maintenant avec succès des personnes ayant des déformations orthopédiques extrêmes. Pour cela, lesinstallations en général, et de station assise en particulier, sont devenues de plus en plus complexes ou audacieuses.Elles ont pour corollaire un encombrement important. Ceci créée une charge de travail supplémentaire pour les soignantsen raison des manutentions délicates de patients fragiles, parfois très déformés et lourds.

C’est pourquoi il est impératif de former les soignants aux techniques de manutention spécifiques aux personnes poly-handicapées (techniques Le Métayer, basées sur des changements posturaux obtenus en provoquant des réponsesautomatiques à des stimulations et/ou des guidages).

Le/la kinésithérapeute est une personne de terrain présente au quotidien auprès des patients, assurant souvent auprèsde ceux-ci une prise en charge pluri hebdomadaire depuis parfois de nombreuses années...

Chaque kinésithérapeute est ainsi en prise directe avec les autres membres des équipes soignantes mais aussi et d’abord, avec le médecin rééducateur dont il dépend directement pour la grande majorité des actes qu’il pratique sursa prescription.

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Chez l’enfant polyhandicapéLe point de vue du psychologue

Michel FontainePsychologue

Centre éducatif Jules Verne à Amiens

Mon propos est tiré de mon expérience de travail au centre éducatif Jules-Verne à Amiens, I.E.M. créé en 1991, quiaccueille 26 enfants polyhandicapés. J’y ai vu se constituer auprès des enfants et de leurs parents une équipe pluridis-ciplinaire dans l’interactivité, l’échange et l’analyse des pratiques. Avec le temps, 10 ans, l’expérience, mais surtout avecle contenant institutionnel et le travail personnel de chacun - disons “le travail sur soi”- les professionnels se sont déga-gés des positions projectives les plus envahissantes et encombrantes.

Face à l’enfant polyhandicapé, ses silences, ses énigmes, le contrôle de l’implication personnelle de l’intervenant paraîtinfluencer la dimension thérapeutique de la relation et de l’activité de soins. Ainsi la représentation des orthèses et appa-reillages a évolué : perçus comme facteur de souffrance ou comme obstacle à la relation, ils ont pu être considérés aussien tant que condition nécessaire au développement, au bien-être et aux activités de l’enfant.

Demeure au quotidien la question très concrète du port du corset, qui met le corset et pour combien de temps ? Est-ilbien adapté ? Comment fait-on face aux réactions de l’enfant ? Il me semble que l’ajustement d’un corset au corps del’enfant, et la tolérance qu’il manifeste, sont largement facilités par les ajustements préalables entre personnes -profes-sionnels et parents- ainsi que par les ajustements de rôle et de place tout en veillant bien à ce qu’il y ait du jeu.

On est bien là dans un domaine qui ne souffre pas d’idéologie, ni d’idées reçues. Notre nature nous inciterait bien à toutrejeter d’emblée, orthèses et prescriptions, à soutenir l’expression libre de l’enfant, son propre mouvement ; commentne pas souffrir à l’idée de l’entraver ? J’ai aussi entendu les mots de carcan, de carapace et même de sarcophage. Oui,la question de la mort est ici bien présente. L’appareillage condense en lui des représentations des plus noires.Appareiller est une rude épreuve pour le corps de l’enfant, sa personne toute entière, mais aussi pour le psychisme desparents. C’est aussi une épreuve pour les praticiens.

On sait à quel point le polyhandicap suscite des modes de relations parents-enfants très singuliers, parfois fusionnels.Comment les parents vivent-ils le port du corset par leur enfant ? Je ne peux m’empêcher de penser aux nombreuxtémoignages de pères et de mères entendant leur enfant crier, appeler, taper encore alors qu’il n’est plus là et déjà arrivé dans l’institution. Quels modes de vécu par procuration ne s’installent-ils pas entre parents et enfants du fait del’appareillage ? Même convaincus du bien fondé de l’argument médical, les adultes, à plus forte raison les parents, sontmis en difficulté, quand il s’agit de mettre le corset à l’enfant, les témoignages sont émouvants, éloquents, toujours trèsintimes.

On peut penser que le corset renvoie à l’intolérable du handicap, alors comment faire avec ?

- est-ce en l’oubliant un peu et en trouvant des relais ?

- est-ce en entretenant l’illusion ? A chacun ses illusions, mais le recours est éphémère,

- est-ce en désignant le corset comme source de tous les maux ? C’est vrai, il peut être un bouc émissaire muet.

Le milieu professionnel médical et paramédical est exposé à être insatisfaisant pour les parents blessés et inquiets, quiattendent le mieux pour leur enfant, et voient dans le corset ce qui enserre, qui contrarie la croissance, qui comprime,qui étouffe, blesse parfois... Comment faire avec ? lui trouver des aspects intéressants ? C’est vrai qu’en coque, avecson corset, l’enfant est là, présent, en position de pouvoir mieux échanger, participer, assis à table, il prend lui-mêmeplace significativement dans la vie sociale. Certains sont heureux, soulagés de voir pour la première fois leur enfant droit,se tenant, regardant, dans l’échange, tout simplement de le voir, pouvoir se regarder et c’est parfois une découverteextraordinaire, vitale, réalisant un soutien narcissique fort.

On voit aussi, sur un mode plutôt désespéré et inadapté, des demandes d’appareillage dans la surenchère de la correction qui nous inquiètent et nous conduisent à la vigilance.

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Quand les parents se tiennent dans l’énoncé rationnel d’une pratique de soin, dans la confiance au soignant, leur angois-se et leur culpabilité ne sont pas ipso facto résolues. Je pense à ce papa qui me disait récemment : “Oh, Lucie avec le corset, elle est très bien, elle l’a, ça va, mais ce qu’il faudrait, c’est ni lui mettre, ni lui enlever” et d’ajouter “c’est irrationnel en lui mettant, j’ai peur de la casser et en lui enlevant de découvrir que je l’ai fait”. Le corset semble être iciun corps étranger mettant l’enfant en danger quand on le manipule (Lucie n’est pourtant pas physiquement fragile). Pource papa, dans l’entre-temps de la manipulation : “ça va, elle redevient elle-même, tout cela repose”. Tout cela ? le corpsde l’enfant et le mental du papa.

Je pense aussi à la maman de Sandrine... qui pour être dans une demande d’appareillage n’en était pas pour autantsatisfaite quoique l’on fasse. On avait le sentiment d’un quiproquo permanent, il est vraisemblable que les objectifs del’institution et de la famille étaient trop éloignés pour que l’appareil réalisé soit satisfaisant. Sandrine a 16 ans, une fortescoliose s’est installée et sa maman s’est trouvée fort désemparée face à la proposition de l’institution de ne plus pres-crire de nouveau corset (de ne plus se confronter à elle, peut-être “d’abandonner” son enfant). Les parents de Sandrinene parvenaient pas à lui faire porter le corset à la maison. Leur demander d’adhérer à cette nouvelle attitude leur estapparu intolérable. Cela renvoyait probablement à leur responsabilité, à une profonde ambivalence envahie de repré-sentations mortifères. On voit comme l’institution est utilisée par les parents pour “faire” là où ils ne le peuvent euxmêmes et surtout dans la dimension d’aide personnelle.

Je pense à un couple de jeunes parents, les parents de Marie, elle même jeune enfant, peu marquée encore par le han-dicap. Il prennent avec elle beaucoup de plaisir, jouent, dans le corps à corps, les jeux d’eau, le mouvement. C’est avecune grande simplicité qu’ils ont pu nous dire que le corset, c’était pour nous....qu’ils n’allaient pas se priver et priverMarie du plaisir qu’ils prenaient ensemble. Sans en être dupe, ils laissaient bien entendre qu’ils avaient besoin à la fois,d’un sursis et d’un relais dans une réalité trop dure pour ne pas être en partie objet de déni.

A propos du corset, les parents de Marie parlent de carapace...et la maman d’interroger l’éducatrice pour connaître lesréactions de sa fille à la mise du corset. La maman voit sa fille changer d’expression, s’éteindre, rentrer dans sa cara-pace. Ce n’est pas ce qu’observe l’éducatrice. Ce qui se passe entre l’enfant et son parent ne paraît pas différent de ceque l’on connaît dans toute relation parent-enfant, l’enfant polyhandicapé use lui aussi de son pouvoir sur l’autre et d’au-tant plus s’il perçoit son doute anxieux. On voit là tout l’intérêt d’un tiers entre l’enfant et sa famille, c’est bien ce quepeut offrir le relais institutionnel.

De son côté, lors d’un séjour de vacances organisé par l’institution, l’éducatrice a découvert que vivre au quotidien avecMarie était bien différent selon qu’elle portait ou pas son corset. Les parents, eux qui connaissent le mieux leur enfant,le savent bien et c’est là, au-delà des résistances liées au traumatisme initial et aux aménagements défensifs secondai-res, c’est là une raison pour eux de ne pas suivre les indications des professionnels de santé.

Je ne distinguerai ni bonnes, ni mauvaises raisons, mais peut-être faut-il faire la part des choses. Si la prévention deseffets de la pathologie et la thérapeutique sont liées au respect des projets de soin et des prescriptions, il n’y a de bonpour l’enfant et sa famille que le tolérable et l’acceptable de leur propre point de vue. C’est ce que l’institution “forte deson savoir” peut parfois négliger.

Ainsi les formes dans lesquelles on se rencontre, on se parle, on propose et on pratique, sont essentielles pour la réus-site d’un projet thérapeutique qui n’a de sens, pour l’enfant polyhandicapé, que si ses parents y sont associés et à condi-tion qu’on prenne en compte ce que l’enfant exprime au quotidien, souvent de manière symptomatique et hermétique.Dans l’équipe d’intervenants et avec les parents, observation et communication deviennent essentielles.

Conclusion

Pour ne pas laisser l’usage du corset et des appareils à la spontanéité de chacun, pour éloigner l’enfant de l’assujettis-sement, la pratique éclairée d’une équipe institutionnelle en lien avec la famille s’appuie sur le projet individualisé, projetde l’enfant, cadre de pratiques pensées et parlées.

On sait à quel point la dimension de l’appareillage n’est pas qu’orthopédique. Il me semble que son usage au profit del’enfant handicapé requiert un savoir plutôt qu’un pouvoir, le savoir de l’enfant surtout et son écoute, afin que l’avoir oupas l’avoir, le corset, ait toujours un sens pour lui, la présence, les gestes et les mots de l’adulte proche restant déter-minants.

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Parent et angoissé (plus de 20 ans que ça dure !)Le point de vue des parents

Alain Olesker

Moi, 56 ans, marié, trois enfants (28 ans, 25 ans et Alexis, 20 ans 1/2).

Alexis, 20 ans 1/2, polyhandicapé avec une microcéphalie confirmée par scanner à l’âge de 9 mois ; grosse déviationde la colonne vertébrale (scoliose), crises comitiales, fragilité des systèmes respiratoire et digestif.

Placé en établissement comme externe (l’Ormailles) dès l’âge de 2 ans 1/2 ; puis dans un autre établissement (E.E.P.Les Tout-Petits comme interne à l’âge de 15 ans. Enfin, intégration en M.A.S. des Tout-Petits depuis 10 mois.

I - Appareillages

Le 1er appareillage, si l’on peut dire, a été des lunettes avec secteurs, dès son jeune âge.

La vue de notre « p’tit bout d’chou » avec ses lunettes n’était pas agréable et nous faisait peur quant à l’avenir qui restait alors très flou.

Des visites, avec différents spécialistes, étaient systématiquement organisées au sein de l’externat d’Alexis, avec uneconvocation des parents pour faire le point, en présence des responsables de l’établissement, du personnel médicalconcerné et d’un éducateur. C’est ainsi qu’a démarré son suivi rhumatologique, dès 3 ans avec comme acte de baseune radiographie de l’ensemble de la colonne vertébrale et des hanches, et l’apparition, assez rapidement d’une pre-mière coque en plâtre.

Commentaire

- Je pense qu’il est crucial, pour l’avenir de l’enfant polyhandicapé, d’aider précocement les parents dans sa priseen charge médicale ; des examens de spécialistes (neuro, rhumato, ophtalmo, pneumo, gastro et dentiste) per-mettent une mise en place des premiers soins et d’une surveillance de l’enfant ; les parents, surtout au début,sont complètement « déboussolés » et sont incapables de prendre ces décisions rapidement. Cette prise encharge peut être orchestrée directement par la direction de l’établissement qui fait venir les spécialistes en sonsein ou bien par un généraliste œuvrant dans l’établissement qui sert de relais et établit un réseau de spécialis-tes. Les 2 systèmes ont des avantages et des inconvénients, mais si les liens avec la famille s’établissent dansun bon climat de confiance, c’est bénéfique pour l’enfant.

Avant la nécessité de la première coque en plâtre, il y a donc eu 2 à 3 rencontres avec le spécialiste et des conclusionsnous ont été présentées ; ce n’est que longtemps après que, me semble-t-il, j’ai compris le sens exact des conclusionsqu’il nous présentait avec insistance : « Alexis a une évolution normale de sa croissance, sans problèmes au niveau dela colonne vertébrale, car il remue beaucoup ». Et moi, je pensais : on n’a pas de problème de ce côté-là ! (sous-enten-du, on en a assez d’autres, comme ça, crises d’épilepsie, insomnie, etc). Je crois savoir maintenant ce qu’il fallait com-prendre : «Pour le moment, Alexis a une croissance normale, mais la surveillance continuera car, vu la gravité de sonhandicap, des problèmes apparaîtront certainement au cours de son adolescence, problèmes qu’il faudra bien essayerde contenir».

Commentaire

- Je pense qu’il est important, de présenter des jugements et des conclusions aux parents, même si cela ne pro-voque pas de questions ou de réactions de leur part dans l’immédiat, les choses importantes ont été dites et ellespréparent le futur.

La 1ère coque en plâtre, grâce à cette prise en charge, et ces échanges, avec le spécialiste a été relativement bienacceptée ; d’autant plus qu’il nous était facile d’observer sa grande fréquence au sein de l’établissement ; on compre-nait très bien sa nécessité pour qu’Alexis puisse être assis correctement, ce qui lui permettait aussi (importance de laverticalité) de maintenir une relation avec son entourage (monde extérieur) ; par contre les premiers petits bobos (rou-geurs, cals) sont vite apparus aux points de contacts. Je ne m’étendrai pas sur le poids que représentaient Alexis et sacoque en plâtre pour mon dos, pour le transférer d’un endroit à un autre.

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Commentaire

- Même s’il y a eu, de notre part, une bonne acceptation de cette première coque, la vue de notre fils dedans nousa procuré des sensations désagréables, avec l’impression (en fait, la réalité) de nous enfoncer un peu plus loindans le monde du handicap lourd. Pour notre part, au sein de l’externat et en premier lieu avec le médecin, lesexplications de la nécessité de cette coque ont bien été données, et nous avons bien été prévenus des effetssecondaires (rougeurs, cals) et surtout de l’obligation de ne pas les combattre par des crèmes hydratant ouramollissant la peau (conséquences encore pires !). J’espère que cette prise en charge efficace du point de vuemédical et du point de vue humain (bonnes relations avec la famille) est présentée à l’ensemble des parents ; jeveux bien admettre que tous les parents ne sont peut-être pas autant à l’écoute des professionnels qui tententde les aider ; que voulez-vous, le handicap est délétère ! ! Les conséquences d’un mauvais dialogue sont évi-dentes : refus de l’utilisation de la coque correctrice lors des séjours en famille, blessures à la place des cals, etc.

Dans notre cas, il y a donc eu plusieurs coques en plâtre successives puis est venu la première coque en plastique mouléavec un rembourrage doux à l’intérieur, et possibilité d’inclinaison : c’était ressenti comme une amélioration très appré-ciable et comme un vrai gadget, plein de couleurs vives pour nos grandes filles : les cals ont disparu peu à peu, il étaitplus facile de faire boire et manger Alexis, le transport de la coque était simplifié (plus légère et moins fragile).

Entre temps, Alexis avait bien grandi et les coques aussi et s’est posé le problème de l’achat du premier fauteuil roulant.Je ne sais pas si cela fait partie du sujet de cette réunion, mais il y aurait beaucoup à dire : les parents, fortement trau-matisés par ce nouveau fait, sont complètement « paumés » devant un tel éventail de fauteuils et évidemment notrechoix, guidé par l’établissement, s’est porté sur un fauteuil adapté au jeune âge d’Alexis et plus léger pour nous (donc,à l’époque non-standard et sans accord S.S.), mais ce fauteuil, tout simple pourtant, n’a jamais été remboursé par lasécurité sociale ! ! C’est à ce moment-là, aussi que j’ai tenu à être présent aux séances de moulage chez l’appareilleur :un moment assez pénible et stressant pour tout le monde, y compris pour Alexis, devenu plus grand et plus réceptif aumonde extérieur. Je suis sûr que ma présence le rassurait et diminuait ses craintes.

La plus grave désillusion et la plus grosse déprime est survenue lorsque, à un contrôle, le spécialiste, vu la mauvaiseévolution de la croissance d’Alexis nous a annoncé qu’il était indispensable que notre fils porte, en plus un corset ; etceci malgré toute la surveillance que je viens d’évoquer, sans oublier le travail régulier des kinés et des infirmières del’établissement. Nous l’avons ressenti comme un échec et nous avons très mal supporté de voir notre fils devenu intou-chable dans sa carapace ; cette sensation de ne plus pouvoir l’approcher et sentir la chaleur humaine de son corps, cescontacts froids et durs avec les tiges métalliques, c’était vraiment déprimant et difficile à accepter : on avait l’impressionde s’enfoncer un peu plus dans les « sables mouvants » du découragement. En plus, on pensait que cela serait défini-tif, pour le restant de sa vie et l’on comprenait bien que les déformations ne se figeaient pas.

À toutes ces désillusions, s’ajoutaient les problèmes pratiques de la pose et de la dépose du corset : crainte de bles-sures (pincements) provoquées par notre maladresse, ou bien un mauvais positionnement ayant un effet inverse à celuiescompté. De plus, pendant l’habillage, l’adolescent, (c’en était devenu un !) plus durement et plus longtemps manipulédans tous les sens, ne nous renvoyait pas des signes de détente et de plaisir et je suis sûr qu’il ressentait nos signes denervosité.

Commentaire

- À ce moment-là, les parents ont besoin de beaucoup d’explications (sur la nécessité et sur les aspects pratiquesde la manipulation) et de soutien moral de la part des professionnels : un manque de relations entraînerait un rejetde l’utilisation du corset au sein de la famille ou bien risquerait de provoquer des blessures à l’adolescent.

Même si cela n’a pas été notre cas (bonnes explications et bonnes relations), c’est resté un passage difficile à assumer ;les problèmes annexes concernent l’entretien du corset et la rapidité d’intervention des appareilleurs : en effet, l’adolescent grandit, les contraintes subies par le corset le déforment, abîment des éléments, usent les vis et les bou-lons et les réparations tardent parfois ce qui agace encore plus les parents dans ce climat tendu.

Je ne ferais qu’évoquer l’étape suivante, là encore bien douloureuse, même s’il ne s’agit pas d’un problème d’appa-reillage «stricto sensus» mais de relation avec le médecin : là encore la situation a été expliquée clairement, malgré sagravité : arrivé en fin de croissance, Alexis avait une très grosse déformation de la colonne vertébrale ; deux grosses opé-rations successives étaient théoriquement envisageables, avec certains dangers sérieux, sur une durée d’au moins sixmois avant un retour à une vie normale ; les opérations étaient certes chirurgicalement envisageables, mais vu les pro-blèmes annexes d’Alexis, l’issue était difficilement prévisible, et c’était à nous parents d’y réfléchir avant de prendre unedécision, ne pas l’opérer ayant aussi des conséquences difficilement prévisibles. Cela a été donc notre décision.

Par contre, les contraintes que subissait Alexis, dans son corset étaient devenues inutiles et inopérantes et la coque aété remplacée par un siège moulé souple de confort. Ce type de siège (en mousse sculptée) avait aussi l’avantage

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d’avoir reçu, depuis peu de temps, une A.M.M. Par contre, nous n’avons pu trouver de base roulante adaptable avecremboursement.

Des problèmes pratiques actuels demeurent : le siège moulé souple ne rentre pas dans une voiture, même de type«monospace», ce qui nous oblige à n’effectuer que des petits parcours avec une ancienne coque totalement inadaptée.Il faudrait envisager l’investissement d’une voiture spécialement équipée pour un grand handicapé appareillé.Connaissez-vous le prix d’un tel achat ?

Conclusion

Une question nous obsède : dans quel état serait maintenant Alexis si, n’ayant pas trouvé d’établissements successifs,nous n’avions pas eu, aussi précocément et efficacement, de telles prises en charge ? Combien d’enfants, en France,sont dans cette situation ?

Merci de votre écoute et merci à tous les professionnels.

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Chez l’adulte polyhandicapéLe point de vue du médecin, de l’ergothérapeute et de l’orthoprothésiste

Expérience d’une consultation pour adultes IMC/IMOC/polyhandicapés de 1996 à 2001

Hôpital national de Saint-Maurice (94)

Docteur Véronique QuentinCatherine Boulesteix, Marie-Christine Bernard,

Jean-François Belloch

Définitions

• Polyhandicap : concept protéiforme pouvant laisser parfois les patients aux confins des «annexes» (24bis/24ter/22).Nous nous situerons au carrefour des différentes définitions bien recensées dans l’article consacré au polyhandicap parMadame Rongières dans Réadaptation en 2000.

- définition selon l’annexe 24ter (décret d’octobre 1989) : handicap grave à expression multiple associant déficience motrice et déficience mentale sévère ou profonde et entraînant une restriction extrême de l’autonomieet des possibilités de perception, d’expression et de relation.

- définition médicale (selon F. Batistelli) : Lésions entraînant des déficiences cérébrales précoces graves. On peuty adjoindre la notion de lésions cérébrales fixées ou évolutives à l’atteinte d’autres organes ; enfin le problème del’exclusion des polyhandicaps acquis tardivement et posant des problématiques similaires.

- définition sous l’angle de la dépendance (E. Zucman – rapport Bordelou) : troubles associés avec retard men-tal moyen, sévère ou profond, entraînant une dépendance importante à l’égard d’une aide humaine et techniquepermanente, proche et individualisée.

• Adultes : nous avons fait le choix de prendre la référence de la majorité (18 ans, que les patients se situent ou nonau-delà de la période de fin de croissance ou fin de période pubertaire).

• Station assise : nous l’envisagerons sous l’angle de la déficience, de l’incapacité et du désavantage social.

Population

Age : de 18 à 58 ans - moyenne : 26,5 ans

Sexe : hommes = 75 % - femmes = 25 %

Lieux de vie : MAS – foyer occupationnel = 50 % - Famille = 50 %

Origine géographique : Ile-de-France = 85 % - hors Ile-de-France = 15 %

Nombre de consultants : depuis 1996 = 137 patients (environ 30 nouveaux patients par an avec forte augmentation des polyhandicapés depuis deux ans).

Motif de la consultation : demande d’un suivi = 79 % (au-delà de 40 ans, on a souvent des patients pour lesquels il n’y a pas eu de suivi régulier, même dans l’enfance. Nous avons eu plusieurs cas de patients totalement «hors circuit» et vivant au domicile des parents.

Accompagnés lors de la consultation par la famille ou l’équipe référente.

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I - Démarches thérapeutiques

• Au minimum deux phases : phase d’évaluation, essentiellement neuromotrice : consultation pluridisciplinaire avec médecin de médecine phy-sique et réadaptation/ rééducateurs (kiné/ergo) / orthoprothésiste -----> chirurgien orthopédiste-neurochirurgien :détermination des objectifs.phase d’appareillage : = moulage – essayages – livraison – consultation à distance.

• Durée de chaque phase : minimum 1 h 30.

• Collaboration indispensable : Famille et/ou équipe de référence ou intervenant de ville. ± visite à domicile si nécessaire.

II - Évaluation

• Besoins ressentis :

- par le patient et/ou sa famille,

- par l’équipe de référence

• Évaluation clinique neuromotrice / cognitive / comportementale / générale

a. Neuromotrice

• Examen analytique et factoriel

• Examen fonctionnel

- prise en compte des contingences topographiques : tête et cou / membres supérieurs / tronc / bassin / memb-res inférieurs,

- troubles du tonus : hypertonus (spasticité, co-contractions spastiques, dystonie spastique) / hypotonie,

- mouvements anormaux,

- réactions antigravitaires,

- faiblesse motrice et troubles de la commande,

- rétractions musculaires et limitations articulaires.

b. Cognitive

- capacité de communication,

- activités éducatives, de loisirs, de vie quotidienne.

c. Comportementale

- tolérance aux contraintes (vis-à-vis du moulage, de l’installation assise, …).

d. Générale

- essentiellement digestive : troubles de la déglutition,

- troubles respiratoires,

- troubles trophiques : rapport taille/poids, problèmes cutanés,

• Radiographies : clichés radiographiques du rachis / bassin récents.

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Au total

• D’emblée : siège moulé ou assise modulable

• Les possibilités de maintenir, restaurer une station assise nécessitent d’abord la mise en œuvre de :

- la reprise ou poursuite d’une rééducation : entretien articulaire, étirements musculaires, introduction de techniquede relaxation, intérêt de la balnéothérapie),

- la mise en place de traitements médicamenteux : utilisation principalement de myorelaxants - de première inten-tion per-os - mise en route de traitement par Baclophène en intrathécal – indication à des injections locales detoxine botulique. Le traitement médicamenteux est aussi utilisé ponctuellement lors du moulage, de façon à obte-nir une détente.

- la chirurgie :

* neurochirurgie : bloc moteur pour aide à la décision, pompe à Baclophène, …

* orthopédique : rachis – membres inférieurs.

III - Objectifs de la station assise

Toujours sous l’angle des trois niveaux ± intriqués : déficiences / incapacités / désavantages.

A - Déficiences- conserver le potentiel orthopédique et neuromoteur, voire éviter les aggravations mais aussi parfois améliorer,

- prévenir et diminuer les douleurs : vis-à-vis des déformations, raideurs, troubles du tonus et mouvements anormaux (confort, détente).

B - Incapacités- maintenir et restaurer la station assise --> les échecs de la station assise (liés à l’état orthopédique, aux

difficultés d’installation, à une absence de consensus)

- faciliter les transferts, les déplacements :

• en intérieur : installation du siège moulé sur un fauteuil roulant manuel, sur un pied roulant, une poussetteque nous essayons de choisir en fonction du siège moulé. Une adaptation de l’assise (chaise percée) peutcontribuer à améliorer l’autonomie sphinctérienne.• en extérieur : la restauration de la station assise permet parfois le rétablissement ou l’apprentissage de l’u-sage du fauteuil roulant électrique,

- faciliter l’installation, les manipulations (maximiser l’autonomie).

- faciliter l’utilisation des membres supérieurs. L’alimentation autonome redevient parfois possible, ainsi que l’accèsà certains loisirs.

- horizontaliser le regard,

- faciliter la relation, l’éveil, les interactions, la socialisation, …

- faciliter le temps de repas, limiter les fausses routes

C - Désavantages- qualité de vie du patient / de l’entourage

- transports : l’installation assise dans le véhicule familial nécessite d’aménager le véhicule et son accès, voire d’enchanger (rails d’accès, système d’élévation, modification d’un siège).

- activités éducatives et de loisirs,

- esthétique.

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V - Phase d’appareillage

A - Démarche«Asseoir» un patient s’inscrit dans un ensemble d’interventions et résulte d’un compromis entre contraintes orthopé-diques, fonctionnelles et qualité de vie.

La réalisation du moulage est conjointe, entre le médecin, la kinésithérapeute, l’ergothérapeute, l’orthoprothésiste de laconsultation, et l’équipe qui prend en charge quotidiennement le patient avec sa famille et ceci après avis chirurgical sinécessaire.

L’expérience nous a fait constater que l’essayage et la livraison doivent se faire dans les mêmes conditions pour unebonne acceptation du siège moulé.

La consultation assure un suivi à distance avec l’équipe durant les premiers mois.

L’installation du patient dans son corset siège nécessite un apprentissage de la part de l’équipe de la famille et dupatient.

Il est parfois nécessaire de faire intervenir une tierce personne au domicile et de prescrire un lève personne.

B - Principes généraux :Nous recherchons :

- une position de décontraction limitant les efforts anti-gravitaires.

- une répartition maximum des appuis, sans oublier les pieds et les membres supérieurs. Ceci afin de supprimer lerisque d’escarres, les points d’appuis douloureux qui augmentent les contractions en privilégiant le confort et laqualité de vie. Pression = force /surface (plus on aura de surface de contact moins on aura d’appui). Il faut doncréaliser un moulage précis exploitant chaque cm2 d’appui.

- au niveau de la tête et du cou : on cherche à limiter le risque de fausse route, à faciliter l’alimentation, à permet-tre une tenue de tête, à horizontaliser le regard grâce à l’emploi des cale-nuque et à l’inclinaison du siège.

- au niveau du rachis : on utilise la souplesse existante dans un but d’alignement. Nous avons fait à plusieurs descorsets à l’intérieur de siège moulé dans les cas de grandes asymétries avec hypotonie. Prise en compte d’une ligne de charge globale (sur une forte inclinaison latérale du rachis, on inclinera la coquepour recentrer la ligne de charge du corps. Il est plus facile de contrôler un hyper-appui fessier de surface relati-vement large qu’un hyper-appui costal sous-axillaire de faible surface d’appui).

- au niveau bassin : on recherche une horizontalité, même si les membres inférieurs doivent être en position asymétrique. Nous limitons la possibilité de rétroversion du bassin, par un ajustement du corset siège.

- au niveau des membres inférieurs : on recherche le confort du patient dans le siège et au cours des transferts.On utilise l’appui plantaire pour le confort.

. rétractions : ± dégagement sous la coque pour permettre une flexion initiale amenant les pieds en arrière quitte à les ramener par la suite avec des segments jambiers amovibles

. mouvements anormaux : ± sangles de cuisses ou libres de mouvements.

- au niveau des membres supérieurs : les appuis brachiaux ou les tablettes sont souvent nécessaires pour re-centrer la tête humérale et augmenter le confort.

. rétractions : ± pose de cales d’abduction sous-axillaires ± ongulées avec ou sans accoudoirs évitant ainsi leserrage du ou des bras sur les bords latéraux de la coque

. mouvements anormaux : ailes brachiales englobantes.

C - Réalisation du moulage- moulage : technique du sac à bille.

avantages : précision, mise en situation directe, effet non traumatisant. À plusieurs mains. Positionnement dusujet : recherche de confort.

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D - Matériaux. mousses épaisses expansées : problème de leur relative fragilité,

. mousses sculptées,

. mousses à mémoires incluses en complément,

. gels de silicone en complément,

. les housses.

E - Autonomie - manipulations• La pose d’un plot amovible peut faciliter les manipulations. Il est efficace pour l’extraction du sujet mais rarement pour

son introduction en raison de l’absence de repère de bon positionnement fourni par le plot.

• Hauteur du siège par rapport au sol : les épaisseurs (mousse + structure de la coque+ socle) réhaussent de façonsignificative la hauteur de l’assise, la plaçant au-dessus du point de flexion des genoux. Il faut alors remplacer le socletraditionnel par des cales latérales de mousse dure injectée, tenter d’encastrer la coque en soubassement de l’assisedu fauteuil roulant, choisir un fauteuil surbaissé.

• Épaisseur de la coque en dorsal se cumulant avec gibbosité : le siège est placé trop en avant sur le fauteuil roulantdont les roues ne peuvent plus être atteintes ; le centre de gravité est alors dangereusement déplacé vers l’avant etles cale-pieds situés trop en arrière.

• Corsets siège articulés aux hanches + fauteuil roulant à dossier inclinable : solution de manutention mais génère glis-sements du dos du patient par rapport au siège.

• Sangles placées sous les cuisses et munies de poignées : facilitent la manutention.

F - Les limites du siège mouléNous avons rencontré plusieurs échecs à l’installation en corset siège du fait :

- de l’état orthopédique,

- de la difficulté des transferts, surtout lorsque les patients sont au domicile avec des parents vieillissants,

- du refus de patients âgés de modifier leurs habitudes,

- de l’absence de consensus avec la famille,

- de la taille et de l’esthétisme du siège qui nécessite l’installation en fauteuil et entraîne l’abandon de la poussette.

V - Conclusion

La station assise chez l’adulte polyhandicapé :

- l’étape d’évaluation est le préalable indispensable,

- réflexion sous l’angle des déficiences / incapacités / handicaps.

- préserver (mais aussi parfois améliorer) le potentiel neuromoteur et orthopédique,

- privilégier la qualité de vie.

Collaboration indispensable entre une équipe spécialisée / une équipe référente / patient et/ou famille.

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Chez l’adulteLe point de vue du kinésithérapeute

Annie DeltheilService de rééducation

Hôpital Marin d’Hendaye – AP-HP

Depuis une dizaine d’années le service de rééducation, sous l’impulsion de son médecin chef Mme le Dr Soudrie, a pourobjectif d’installer en position assise les adultes polyhandicapés de l’hôpital marin qui vivaient jusqu’alors en positionallongée.

Ces personnes dont la moyenne d’âge est de quarante ans, présentent des troubles cérébro-moteurs de degrés III etIV. Les troubles posturaux et antigravitaires, le maintien prolongé de positions viscieuses ont entraîné d’importantesdéformations. Des coups de vent des membres inférieurs (asymétrie et limitation articulaire de hanche) ou des attitudesen batraciens (abduction, rotation externe extrême) signent des luxations de hanche antérieures et ou postérieures par-fois bilatérales. Des bascules du bassin et des scolioses à grand rayon de courbure dans les trois plans de l’espace nepermettent pas une tenue du tronc et de la tête satisfaisante. Celles-ci s’accompagnent et accentuent des troubles vis-céraux (alimentation, déglutition, reflux gastro-oesophagien, constipation …) respiratoires (diminution de la capacitérespiratoire, fausse route, encombrement…) et des phénomènes trohiques (cutané, circulatoire) et douloureux lors desmanipulations ou des changements de position.

Pour atteindre notre objectif nous avons privilégié la technique de moulage sur coussin à dépression de notre orthopro-tésiste ORTHODYNAMIC pour réaliser des corsets sièges de maintien et de confort pour plusieurs raisons :

Le confort et la sécurité qu’elle procure. Les résidents restent habillés et ne sont pas positionnés dans des attitudesinconfortables génératrices de stress (décubitus ventral, jambes pendantes), les intervenants ne sont pas tributaires descontraintes des matériaux (vitesse d’exécution, maintien de la position le temps de la réalisation du moulage). Après un« pré-formage » de la position assise possible, déterminée au préalable en rééducation, la personne est posée sur lecoussin. Nous recherchons une décontraction posturale globale en répartissant les appuis depuis la tête jusqu’auxpieds. L’installation enveloppe, soutient, guide leurs corps pour limiter la persistance des schémas pathologiques et lesphénomènes douloureux responsables des déformations.

Un temps d’évaluation est alors possible. La première étape terminée nous laissons le résident s’installer dans le cous-sin et réagir dans cette nouvelle position. Nous pouvons alors apporter les modifications éventuelles (position de la têteà 30°, soutien thoracique) ou même recommencer si cette position présente trop de contraintes (intolérance, inconfort,douleurs). Ce temps nous a permis de perfectionner :

- des appuis huméraux : le résident n’a plus les membres supérieurs tombant vers l’arrière (aggravé par le phéno-mène d’apesanteur) mais soutenus et guidés vers l’avant et dans son champ visuel pour faciliter d’éventuelsmouvements volontaires,

- des coques pédieuses : évitant les troubles trophiques et sources d’informations sensorielles au niveau des mem-bres inférieurs,

- des cale-pieds sur vérin qui répondent aux mêmes principes que les étriers élastiques utilisés chez les plus jeunes.

Afin de permettre à ces personnes souvent très fatigables de rester plus longtemps dans cette position, nous avonschoisi d’installer ces corsets sièges sur des châssis inclinables par vérin hydraulique type Caravelle d’ALBATROS ouPony de LCD Concept.

Une bonne répartition des appuis, une meilleure stabilité du tronc, un contrôle du port de tête permettant une horizon-talisation du regard, et, une libéralisation des membres supérieurs ont favorisé l’émergence et l’épanouissement de leurscapacités relationnelles et motrices jusqu’alors inexploitées :

Les repas pris ensemble dans la salle à manger ou sur la terrasse, par beau temps, sont plus conviviaux et l’aide à l’alimentation se fait plus facilement et plus sereinement, certains d’entre eux ont pu acquérir une certaine autonomie etmangent seuls.

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Des activités de groupe sous forme d’ateliers : musicothérapie, stimulation basale, contes, ordinateur, se sont consti-tuées et une nouvelle dynamique s’est instaurée à travers les échanges devenus possibles entre les uns et les autres etselon les moyens de communication dont ils disposent. La compétence de chacun, sur le plan relationnel comme sur leplan moteur, est ainsi favorisée et stimulée.

Des activités extérieures plus diversifiées se sont mises en place et généralisées : handi-plage, promenades en vélo-pousseur, en bus, en calèche, sorties en ville, au théâtre, au cirque, en voilier, séjours à l’extérieur, ils participent à desspectacles (centenaire, carnaval), des rencontres sportives.

Certains sont devenus acteurs de la vie de l’hôpital en accompagnant les soignants dans d’autres services (pharmacie,administration), d’autres ont pu accéder à un déplacement autonome en fauteuil électrique adapté (commande à latête…).

Ainsi installés, nos résidents sont plus disponibles au monde qui les entoure. Le regard des autres s’en est trouvé modifié.Avec les soignants et leur famille, des relations plus étroites et plus fines se sont établies. Leur qualité de vie s’en esttrouvée largement améliorée.

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Chez l’adulte handicapé Le point de vue des parents

Janine RousseauAssociation Notre Dame de Joye - les Amis de Karen

Bonjour, je m’appelle Janine Rousseau. Je suis maman d’un IMC de 30 ans qui fréquente la MAS Notre Dame de Joye.

L’infirmité de mon fils Cédric est due à une trop grande prématurité et à un arrêt respiratoire prolongé au sortir de l’incubateur. Il est tétraplégique, ne tient pas assis et ne tient pas sa tête.

Petit, lorsqu’il ne voyageait pas à nos pieds sur la moquette, Cédric était installé dans un baby-relax.

A 4 ans, il est entré à la Croix Faubin puis à 6 ans aux Amis de Karen. Parallèllement il a été équipé d’un corset et noussommes passés du baby-relax à une poussette spécialisée.

Je ne garde pas un très bon souvenir des corsets, je ne les ai connus que inconfortables, contraignants, voire blessantset pour le dernier, impossbile à installer par une personne seule.

Il avait en effet deux charnières sur le devant mais qui ne donnaient qu’une petite ouverture.

Pour le mettre à un jeune assis, il suffisait de présenter le corset de biais. Pour moi, c’est mon fils qu’il fallait présenterdevant le corset tout en maintenant celui-ci ouvert, ce qui m’était matériellement impossible.

A ce propos, je voudrais souligner que les familles monoparentales sont aujourd’hui monnaie courante, même celles quiont eu un enfant handicapé, (peut-être surtout celles là d’ailleurs). Je pense donc que lors de la création d’une nouvelleinstal-lation il faudrait faire le maximum pour qu’une personne seule s’en sorte correctement à l’utilisation.

Cédric avait seize ans lorsque, vu l’ampleur de sa scoliose, il a été décidé d’arthrodéser sa colonne vertébrale.

L’opération a parfaitement réussie, et nous sommes passés à la première coquille moulée. J’ai tout de suite dit Ouf ! etnous avons sans regret dit adieu aux corsets.

Les premières coques, qui avaient pourtant encore l’ambition d’être correctrices, étaient bien moins contraignantes queles corsets, pour mon fils et pour moi-même et puis, peu à peu, Cédric étant devenu adulte, on a renoncé à la correc-tion pour penser davantage à son confort et à son bien-être tout en le maintenant dans une position correcte pour qu’ilne se déforme pas davantage.

En 14 ans, les coquilles se sont succédées en s’améliorant constamment et celle que nous avons aujourd’hui estpresque parfaite. Je dis presque parce qu’elle n’est pas vraiment intégrale. La têtière est amovible et réglable et de cefait source de beaucoup d’ennuis.

Personnellement, je ne vois pas l’intérêt d’une têtière réglable pour un adulte dont la croissance est terminée. Par contre, j’en connais très bien les inconvénients.

Elles sont constamment déréglées, d’où une mauvaise position du cou avec des douleurs au bout d’un certain temps.

Elle cassent, avec bien entendu chute brutale de la tête en arrière, ce qui peut être très grave.

Celle de Cédric a ainsi cassé, il y a 15 jours. Heureusement, j’étais à côté de lui car le support métallique était resté enplace,... je ne vous fais pas un croquis.

Ceci a entrainé une journée et demie de station allongée, le temps que je fasse récupérer l’ancienne coque au centre.

Si je n’avais pas été convaincue que la station assise est primordiale pour nos handicapés,

mon fils m’en aurait persuadée ce jour-là

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QUATRIÈME PARTIE

La spasticité

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Evaluation clinique de la spasticité C. Kiefer, B. Bussel

Service de rééducation neurologiqueHôpital Raymond-Poincaré – AP-HP

I - Introduction, définitions

La spasticité est un des symptômes du syndrome pyramidal qui associe également déficit moteur et perte de sélec-tivité du mouvement (syncinésies, co-contraction). Ainsi, les voies de la spasticité et celle de la motricité sont intimementliées, expliquant que le traitement de la spasticité retentit sur la motricité.

Mais qu’appelle-t-on spasticité ? S’agit-il d’hypertonie, de contracture, de clonus, de spasmes ? Tous ces termes recou-vrent des symptômes distincts correspondants à autant d’aspects de la spasticité.

• Pour Lance [6]

La spasticité est un désordre moteur caractérisé par l’augmentation vitesse-dépendante du réflexe tonique d’étirementassociée à l’exagération des réflexes ostéotendineux (ROT).

Cette augmentation du réflexe tonique d’étirement est encore appelée hypertonie spastique. Elle est élastique et cèdeen lame de canif. Elle concerne les muscles fléchisseurs aux membres supérieurs et les muscles extenseurs aux mem-bres inférieurs. Quand cette hypertonie est majeure, on parle de « contracture », impossible à différencier cliniquementdes rétractions musculo-tendineuses.

Les ROT sont vifs, polycinétiques et diffusés avec une augmentation de la zone réflexogène. Cette exagération des ROTprovoque un clonus qui peut se réduire à quelques secousses, ou au contraire, être inépuisable [4].

Hypertonie spastique et clonus sont dus à l’hyperexcitabilité de l’arc réflexe myotatique, réflexe monosynaptique (fibre IaÆ Motoneurone a), libéré des afférences inhibitrices supraspinales [9].

• Les spasmes

En flexion ou en extension, ils sont provoqués par la stimulation d’afférents cutanés, articulaires, nociceptifs, muscu-laires (fibres du groupe II musculaire [3]), ou des terminaisons libres.

Le mécanisme physiopathologique qui les sous-tend est différent, puisqu’il repose sur des réflexes polysynaptiques mul-tisegmentaires, libérés des afférences inhibitrices supraspinales.

II - Evaluation clinique de la spasticité

L’hypertonie spastique est évaluée sur l’échelle de Held et Tardieu [10] ou sur l’échelle d’Ashworth [1] modifiée 1986 (cfannexe).

Les spasmes sont évalués sur l’échelle de spasmes d’Ashworth (nombre de spasmes par heure) ou celle de Penn (nom-bre de spasmes par jour).

Syncinésies et co-contractions sont évaluées cliniquement ou au laboratoire d’analyse du mouvement (EMG, vidéo…)

III - Evaluation clinique du retentissement de la spasticité

Si la spasticité peut être utile, comme par exemple la spasticité des quadriceps ou des adducteurs qui facilite la stationdebout sur des muscles déficitaires, elle est le plus souvent délétère.

Les conséquences de la spasticité doivent être appréciées en termes de déficiences, d’incapacités et de handicap.

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A - En termes de déficiencesLa spasticité peut provoquer des lésions cutanées (de macération dans les plis, escarres sur hyperappui), des lésionsarticulaires (arthrose, luxation), favoriser la survenue de rétractions musculo-tendineuses (même si le lien de cause à effetn’est pas totalement démontré [7]). Toutes ces complications sont sources de douleurs et donc d’accentuation de laspasticité.

B - En termes d’incapacitésLa spasticité peut rendre difficile voire impossible la station debout, les transferts, la marche, la préhension, l’habillage,la toilette. Les fonctions vésico-sphinctériennes et génito-sexuelles peuvent aussi être altérées (dysurie, rétention urinaire, mictions impérieuses, fuites urinaires ou fécales, constipation).

Les échelles d’incapacités les plus utilisées sont le Barthel et la Mesure d’Indépendance Fonctionnelle ou MIF.

L’étude réalisée par Azouvi et al [2] a prouvé que la spasticité pouvait à elle seule entraîner des incapacités, réduites parle Liorésal intrathécal.

C - En termes de handicap et de qualité de vieLe retentissement de la spasticité peut être important, ce qui est attesté par les patients dont la spasticité est traitée efficacement. Une étude est en cours à Garches sur le bénéfice, en terme de qualité de vie, du traitement par Liorésalintrathécal.

IV - Différencier spasticité et rétractionsLa part respective de la spasticité et d’éventuelles rétractions musculo-tendineuses, le déficit moteur et les troubles dela commande doivent être évalués dans la gêne observée. C’est parfois très difficile cliniquement. Certains tests per-mettent de neutraliser la spasticité et donc de réfléchir « par soustraction » au bénéfice ou au préjudice causé par laspasticité.

A - Blocs anesthésiques tronculaires [5]Ils sont intéressants en cas de spasticité focale.

Le nerf est repéré par électrostimulation et anesthésié par injection de Xylocaïne ou de Marcaïne. Les muscles qu’il innerve, peuvent alors être évalués sans leur composante spastique. La limitation d’amplitude articulaire résiduelle estdue à des rétractions. Dans un certain nombre de cas, les muscles antagonistes s’expriment mieux.

Les limites de cette technique sont la coopération du patient (indispensable) et l’induction de troubles sensitifs (en casd’anesthésie d’un nerf mixte) qui peuvent considérablement perturber les tests fonctionnels post-anesthésiques.

B - Injections intrathécales de Liorésal [8]Ils sont intéressants en cas de spasticité diffuse et/ou prédominante aux membres inférieurs. Le Baclofène est généra-lement injecté en intrathécal par bolus, soit par ponction lombaire directe, soit par l’intermédiaire d’un site placé sous lapeau.

Si les injections-tests diminuent ou annulent la spasticité, le bilan des rétractions devient possible. Si celles-ci sont peuou pas importantes et que la neutralisation de la spasticité s’accompagne d’un gain fonctionnel, l’indication de pose depompe à Baclofène sera retenue.

ConclusionLa spasticité est un symptôme ou plutôt une association de symptômes (hypertonie, clonus, spasmes) qu’il faut diffé-rentier car leur retentissement clinique et fonctionnel est différent.

Mais la spasticité n’est elle-même qu’un des symptômes du syndrome pyramidal, dont chaque composante doit êtreévaluée (déficit moteur, trouble de la commande, spasticité) et rapportée à la gêne fonctionnelle observée : la spasticitéest-elle utile ou délétère ? quelle est la gêne fonctionnelle imputable à la spasticité, au déficit moteur, au trouble de lacommande ? Les tests anesthésiques et les injections intrathécales de Baclofène apportent des éléments d’apprécia-tion. Rétractions et douleurs sont évaluées dans le même temps.

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Bibliographie

1. Ashworth B. : Preliminary trial of carisoprodol in multiple sclerosis. Practitioner 1964 ; 192 : 540-542.

2. Azouvi Ph., Mane M., Thibaut J.B., Denys P., Remy-Neris O., Bussel B. : Intrathecal Baclofen Administration forControl of Severe Spinal Spasticity : Functional Improvement and Long-Term Follow-Up. Arch Phys Med Rehabil 1996,77, 35-39.

3. Remy-Néris O., Barbeau H., Daniel O., Boiteau F. and Bussel B. : Effects of intrathecal clonidine on spinal reflexesand human locomotion in incomplete paraplegic subjects. Exp. Br. Res. 2000.

4. Delwaide P.J. : Etude expérimentale de l’hyperréflexie tendineuse en clinique neurologique. Ed Arscia, Bruxelles 1971

5. Filipetti P., Decq P., Feve A., Kolanovski E., Deltombe T. : Blocs moteurs périphériques et restauration fonction-nelle. A propos de 202 blocs. Ann Réadaptation Med Phys 1998 ; 41 : 23-30.

6. Lance J.W. : Symposium Synopsis in Felfmann RG Young RR Koella WP Eds Spasticity: disordered motor control.Chicago, Year book medical publisher, 1980 pp185-230

7. O’ Dwyer N.J., Ada L., Neilson P.D. : Spasticity and muscle contracture following stroke. Brain 1996; 19: 1730-7

8. Penn R.D., Kroin J.S. : Continuous intrathecal baclofen for severe spasticity. Lancet 1985; 2:125-127

9. Pierrot Deseiligny E., Pradat Diehl P., Robain G. : Physiopathologie de la spasticité Ann Réadaptation Med Phys1993; 36: 309-320

10. Tardieu G., Shentoub S., Delarue R. : A la recherche d’une technique de mesure de la spasticité. Revue Neurol1954 ; 91 (2) : 143-144.

Annexe : Echelle d’Ashworth (cotation de 0 à 4 ou de 1 à 5)

0. Pas d’augmentation du tonus musculaire.

1. Résistance minime à la fin d’une mobilisation passive en extension ou en flexion d’un segment de membre.

2. Résistance apparaissant à la moitié de la course du mouvement de mobilisation passive d’un segmentde membre.

3. Résistance marquée durant toute la course du mouvement.

4. Résistance importante, le segment de membre est fixé en flexion (ou extension).

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Spasticité de l’enfantTraitements médicamenteux

Pr Gérard PonsotChef du service de neuropédiatrie

Hôpital Saint-Vincent-de-Paul

La spasticité est due à la libération d’activités motrices réflexes normalement inhibées par les voies descendantes "modulantes" du système nerveux central (cerveau et/ou moelle), pyramidales, vestibulo-spinales, réticulo-spinales.

La spasticité par des mécanismes divers est responsable d’une limitation plus ou moins importante de la motilité desenfants, les exposant à des rétractions articulaires (flexum) extrêmement invalidantes.

La spasticité comporte d’une part des phénomènes négatifs responsables d’une diminution de la coordination des mou-vements et d’une lenteur dans leur réalisation, d’une diminution de la force musculaire entraînant une fatigabilité exces-sive à l’effort et d’autre part des phénomènes positifs, hypertonie, exagération des réflexes ostéo-tendineux, persistan-ce et exagération des réflexes primitifs, activation excessive et inadaptée des différents groupes musculaires, clonus etsigne de Babinski.

Si la spasticité a le plus souvent des conséquences très délétères pour la motricité, elle comporte également des"aspects utiles" qu’il convient de respecter lors de la prise en charge comme certains équins des pieds ou spasticité duquadriceps, souvent indispensables à l’équilibre lors de la marche.

Tableau I"Paramètres" indispensables à évaluer

pour les indications thérapeutiques dans la spasticité

• Fonctions cérébrales supérieursTroubles comportementauxSituation socio-familiale

• Situation de la croissance de l’enfant• Recherche des " épines irritatives "• Caractéristiques de la spasticité :

- qualitatifs. évaluation des "phénomènes positifs et négatifs". évaluation des aspects "néfastes" et "utiles". atrophie / rétraction musculaire. limitations articulaires. retentissement fonctionnel. douleurs / spasmes. retentissement esthétique

- localisation. cérébrale et/ou médullaire. généralisée. focale

- étiologies. congénitale. acquise (post-traumatique +++)

- aspects évolutifs. aiguë. chronique. stable / amélioration / aggravation

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Les étiologies chez l’enfant sont diverses, la plus fréquente est l’infirmité motrice cérébrale dont la prévalence est de 1 à 5 cas pour 1000 naissances. La spasticité est retrouvée dans 75% des cas d’infirmité motrice cérébrale.

Les questions fondamentales qui se posent chez un enfant spastique, sont les suivantes : Qui traiter ? Pourquoi le traiter ? Quand et comment le traiter ? Quel est le retentissement du traitement ?

La décision du traitement de la spasticité et ses modalités ne peuvent être prises qu’après une évaluation complète del’état de l’enfant et de son environnement familial et social. Le tableau I résume les principaux éléments de cette évaluation (1).

Une équipe pluridisciplinaire comprenant neuropédiatres, orthopédistes, médecins de rééducation fonctionnelle, estindispensable pour réaliser cette évaluation et pour proposer les meilleures indications entre les différents moyens médi-camenteux, chirurgicaux et rééducatifs dont on dispose pour lutter contre la spasticité (voir tableau II).

Tableau II

Traitement de la spasticité - Moyens thérapeutiques

• Traitement des épines "irritatives"

• Thérapeutique physique : kinésithérapie

• Thérapeutiques médicamenteusesOral : Baclofen

DiazepamDantrolèneTizanidine

Intrathécal : Baclofen

• Dénervation chimique

Alcoolisation

Toxine botulinique

• Traitements orthopédiques

• Rhizotomie dorsale sélective

• Neurotomie motrice sélective

Dans cet article, nous envisagerons uniquement les thérapeutiques médicamenteuses orales (2) qui sont une des possibilités du traitement de la spasticité de l’enfant (tableau III). Les médicaments oraux anti-spastiques sont surtoutemployés en pédiatrie lors des atteintes aiguës du système nerveux central (cerveau ou moelle). Ils sont également utilisés dans certaines infirmités motrices cérébrales comprenant une spasticité invalidante sur le plan fonctionnel. Le trai-tement médical oral de la spasticité chroniques est toujours associé à d’autres mesures comme les traitements phy-siques et orthopédiques. Il est difficile actuellement de dégager des indications précises entre les différents médicamentsoraux anti-spastiques. Ces médicaments doivent être choisis en fonction de leur tolérance, en connaissant leurs incidents et accidents, et en les introduisant toujours de façon progressive. Il n’y a pas de dose idéale et c’est la poso-logie qui permet d’obtenir un résultat positif sans effet secondaire, qui sera maintenue. Il est indispensable en l’absenced’effet secondaire gênant de faire un essai d’au moins six semaines avec ces médicaments avant de conclure à leur inefficacité.

Les différents médicaments actuellement disponibles avec leur modalité d’action, leur posologie, leurs incidents et accidents sont résumés dans le tableau III . Les deux médicaments les plus employés dans la spasticité de l’enfant sontle Diazepam (Valium) et le Baclofen (Liorésal).

Notre expérience personnelle nous a conduit à proposer les indications suivantes dans la spasticité (tableau IV).

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Tableau IV

Médicaments oraux de la spasticité - Expérience du service

* spasticité en phase aiguë : Diazepam

* spasticité chronique : Baclofen ++ - Diazepam

* spasticité / maladie hérédo-dégénérative : L. DOPA

Conclusion

La thérapeutique médicamenteuse orale de la spasticité reste actuellement décevante même si l’utilisation bien condui-te de ces médicaments peut apporter parfois des améliorations sensibles.

La prise en charge multidisciplinaire médico-chirurgicale est essentielle pour poser les indications les plus efficaces entreles différentes possibilités dont on dispose pour lutter contre la spasticité, en espérant que la recherche pharmacolo-gique permettra prochainement de mettre au point des drogues de plus en plus spécifiques et efficaces contre la spas-ticité.

Bibliographie

1. Goldstein Em. Spasticity Management : an overview. J Child Neurol, 2001, 16 : 16-23.

2. Krach Le. Pharmacotherapy of spasticity : oral medications and intrathecal Baclofen. J Child Neurol, 2001,

16 : 31-36.

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Tableau III : Médicaments "anti-spatiques"

Mécanisme et action Posologie Effets secondaires Formes galéniques

Diazepam Inhibition pré-synaptique 0,5 mg à 2 mg/kg Somnolence Comprimé à 2, 5, 10 mg

(Valium) � affinité GABA 3 prises Gouttes : 30 gouttes = 10 mgpour GABA récepteurs Ampoules : 10 mg

Baclofen Liaison GABA-B récepteur : 0,75 mg à 5 mg/kg Somnolence Comprimé à 10 mg

(Liorésal) � agoniste GABA 3 prises Vertige

Moelle Crise épileptique ?

Dysurie

Dantrolène Musculaire 0,5 mg à 3 mg/kh/jour Hépatique Gélule à 25 à 100 mg

(Dantrium) Inhibe libération Ca++ du Somnolence Ampoule IV = 20 mg

Réticulum sarcoplasmique Vertiges, Incontinence

Gabapentine � GABA cérébral 10 mg à 30 mg/kg/jour Trouble Gélules à 100, 300, 400 mg

(Neurontin) 3 prises du comportement

Signes digestifs

Troubles hépatiques

Vigabratrin Inhibition GABA 30 mg à 50 mg / kg Champ visuel Comprimé à 500 mg

(Sabril) 2 prises Sachet à 500 mg

Tizanidine Agoniste 2 mg à 6 mg Hypotension Comprimé à 2 mg, 4 mg

(Zanaflex) α 2 adrénergique 3 fois par jour Hépatique

Somnolence

Hallucinations

Clonidine Agoniste 0,05 à 0,1 mg / jour Hypotension Comprimé à 0,1 mg

(Catapressan) α 2 adrénergique 2 prises Atteinte hépatique

Somnolence

Hallucinations

Levodopa Antagoniste Dopa 3 à 4 prises Troubles Comprimé à 62,5 mg,

L-Dopa psychiques 125 mg, 250 mg

(Modopar)

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Utilisation thérapeutique de la toxine botulique chez l’enfant polyhandicapé

Dr Servane DebeddeDr Alain Lespargot

I - Mode d’action

La toxine botulique injectée dans un muscle provoque une diminution transitoire de la force contractile. Cet effet appa-raît progressivement pour être maximum quinze jours à trois semaines après l’infiltration ; il persiste pendant deux à sixmois. L’action de la toxine botulique est comparable à celle du pincement chirurgical des nerfs moteurs (neuroclasie) bienque le point d’impact soit différent : la toxine botulique agit au niveau de la jonction entre les neurones et les fibres mus-culaires en inhibant la libération d’un médiateur chimique, l’acétylcholine.

La toxine botulique a d’abord été utilisée chez l’homme pour affaiblir la contraction de petits muscles (yeux, paupières)puis dans des muscles plus volumineux permettant son emploi comme traitement de la spasticité chez l’enfant.

Nous retiendrons que :

- la toxine botulique affaiblit globalement la force contractile du muscle et n’est donc pas un traitement spécifiquede la spasticité,

- l’effet est localisé au muscle infiltré,

- que l’action est transitoire,

- et ne constitue donc qu’un traitement d’appoint.

II - Technique d’injection

Un examen électromyographique de surface préalable est souvent nécessaire pour repérer précisément le ou les mus-cles à infiltrer. L’injection doit être faite dans un muscle relâché. Nous utilisons une anesthésie superficielle par EMLA®ainsi que le protoxyde d’azote dilué qui suppriment les manifestations liées à l’anxiété.

III - Effets secondaires

- épisode d’asthénie transitoire vers le troisième jour,

- douleur locale à l’étirement musculaire accessible aux antalgiques banaux,

- possibilité de diffusion aux muscles voisins qui impose des précautions lors des injections dans les muscles de laface et du cou,

- surveillance du transit intestinal et de la diurèse les jours suivant une injection dans les adducteurs des hanches.

IV - Indications

La toxine botulique remplace de plus en plus souvent la chirurgie nerveuse périphérique, mais ne constitue pas en soiun traitement de la spasticité. Elle est indiquée pour faciliter un projet thérapeutique. Dans le traitement de l’équin, l’af-faiblissement du triceps sural peut optimiser l’efficacité et améliorer la tolérance des bottes d’étirement, du chaussageet de l’appareillage. Les autres indications chez l’enfant sont moins fréquentes et encore hors de l’AMM : adducteurs etischio-jambiers pour faciliter l’hygiène et les installations.

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V - Objectifs de la kinésithérapie après injection

- Faciliter la diffusion de la toxine dans le muscle

- Assouplir le muscle infiltré

- Éducation fonctionnelle centrée sur l’objectif de l’injection

- Adaptation de l’appareillage et des installations

Conclusion

La toxine botulique est un traitement d’appoint de la spasticité, simple et bien toléré, mais dont les indications sont limi-tées en raison de l’effet localisé au muscle injecté et à la durée d’action brève. C’est un élément d’appoint dans un projet thérapeutique incluant la kinésithérapie et l’appareillage.

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Chirurgie de la spasticité chez l’enfantThomas Roujeau

Interne de neurochirurgiePr M. Zerah

NeurochirurgienHôpital Necker - Enfants malades

Définition de la spasticité

Il s’agit d’une hyperexcitabilité de l’arc réflexe myotatique, à l’origine d’une augmentation, liée à la vitesse, des réflexestendineux et d’étirement 4.

L’arc réflexe myotatique est un réflexe monosynaptique, c’est-à-dire entre deux neurones. D’une part, un neurone effé-rent, le motoneurone a, conduisant l’influx moteur de la corne antérieure de la moelle jusqu’au muscle et, d’autre part,un neurone afférent, le neurone Ia ou fibre Ia, conduisant l’influx sensitif de l’effecteur (muscle) jusqu’à la corne posté-rieure de la moelle 5-7.

L’atteinte de la voie pyramidale, quelle que soit la pathologie en cause, peut être à l’origine de spasticité, s’intégrant dansle syndrome pyramidal. Ce dernier comprend une hypertonie dite spastique ou élastique, des réflexes ostéotendineuxvifs, diffusés et polycinétiques, une diminution de la contraction musculaire volontaire et un déficit moteur.

A - Étiologies de la spasticitéLes principales étiologies ou causes de la spasticité sont :

- l’infirmité motrice cérébrale ou “cerebral palsy” des anglo-saxons

- le traumatisme crânien

- l’accident vasculaire cérébral

- la sclérose en plaque

- les traumatismes ou accidents vasculaires médullaires

- l’anoxie

- Tout autre atteinte de la voie pyramidale

On peut classer ces pathologies selon la topographie de l’atteinte de la voie pyramidale, cérébrale ou médullaire.

On considère classiquement qu’il existe trois types de spasticité, selon les modalités de l’exagération des réflexes ostéo-tendineux.

• Type I : Exagération du réflexe d’étirement, principalement phasique, associée à une exagération du réflexe tendineux.Il semble exister une participation prédominante du réflexe myotatique.

• Type II : Exagération du réflexe d’étirement principalement tonique sans exagération du réflexe tendineux. Il existe éga-lement des schémas stéréotypés en extension ou en flexion, spontanés et pouvant être déclenchés par des stimula-tions cutanées ou articulaires.

• Type III : Exagération du réflexe d’étirement sans exagération du réflexe tendineux ni déclenchement de schéma sté-réotypé aux stimulations cutanées ou articulaires.

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B - Évaluation clinique de la spasticitéOn utilisera, pour quantifier l’importance de la spasticité des échelles cliniques, parmi lesquelles, principalement,Aschworth et Tardieu, respectivement dans les spasticités de type II-III et de type I.

En plus des séquelles physiques, liées à l’atteinte neurologique et à ses conséquences, telles que la diminution ou perted’activité, la « qualité de vie » est également en jeu.

Bien que difficile à analyser, en particulier par des études contrôlées, la notion de qualité de vie diminuée prend en comp-te le retentissement négatif de la spasticité sur la mobilité, l’autonomie, le retentissement cosmétique, l’hygiène, l’estimede soi, l’humeur ou les fonctions sexuelles.

Le traitement doit être celui non de la spasticité en elle-même, mais de ses complications fonctionnelles.

En plus des critères déjà définis, tels que la modification du tonus et de réflexes, la spatialité s’accompagne d’autres éléments qui, sous le terme «syndrome pyramidal», participent, parfois plus encore que par les modifications du tonuselles-mêmes, à la gêne des patients.

La spasticité a pour conséquences une diminution des capacités fonctionnelles, ayant à leur tour pour résultats des accidents de décubitus, des troubles cardiovasculaires, des thrombophlébites, des troubles et infections respiratoires,des rétractions musculaires plus ou moins sévères voire fixées, des troubles sphinctériens, ainsi qu’un isolement social.L’ensemble de ces conséquences de la perte de mobilité va, à son tour, retentir négativement sur la force musculaire etla fonction.

Lorsque l’on s’attache à développer un programme de traitement de la spasticité, il est important de considérer plusieurspoints :

• La spasticité est-elle une gêne à la fonction ou à l’autonomie ?

• La spasticité est-elle responsable de douleur ?

• Quels sont les traitements déjà utilisés et avec quels résultats ?

Il est ensuite important de considérer d’autres facteurs, tels que :- la gravité,- la topographie, en opposant une spasticité locale, à une spasticité régionale ou généralisée,- le rapport risque-bénéfice, - limites et effets secondaires des traitements,- la “qualité de vie” du patient,- les objectifs du traitement ; ceux-ci doivent être identifiés de façon spécifique et adaptée à chaque patient.

Les objectifs habituels sont :- diminuer les douleurs induites par la spasticité,- prévenir ou diminuer des contractures, - améliorer les déplacements,- faciliter la rééducation.

Le choix de thérapeutiques adaptées ne peut se faire qu’à la condition d’avoir défini ces objectifs clairement. Ceux-cidoivent être définis en partenariat avec les médecins rééducateurs. On choisira en première intention les traitements auxeffets secondaires moindres.

La prise en charge de patients atteints de spasticité nécessitera donc une approche multidisciplinaire, intégrant l’expertisede neurologues, médecins-rééducateurs ou de médecine physique, de même qu’orthopédistes ou urologues.

Chez certains patients, les traitements médicamenteux par voie orale sont inefficaces (soit d’emblée, soit le sont devenus)ou efficaces mais à des doses élevées, induisant des effets secondaires. C’est alors qu’intervient le chirurgien.

C - Indications et techniques chirurgicalesLa chirurgie est indiquée dans le traitement de la spasticité lorsque les autres thérapeutiques ont échoué :

- échec de la rééducation

- échec des traitements médicamenteux ; baclofène, dantrolène, diazépam

- échec des injections locales ; alcool, phénol, toxine botulinique

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Elle s ’adresse à des patients stables neurologiquement depuis au moins un an, afin d ’éviter des modifications du sché-ma de la spasticité, rendant inutile voir néfaste le geste chirurgical.

On peut classer les objectifs de la chirurgie en deux groupes, fonctionnels d’une part et des objectifs de confort, d’autrepart.

Objectifs de la chirurgie

• Fonctionnels

- amélioration de la marche

- amélioration de la préhension d’objets larges

- amélioration du contrôle du mouvement

- habillage

• De confort

- disparition du clonus

- amélioration de l’aspect esthétique

- douleur

- nursing

Différents gestes chirurgicaux peuvent être pratiqués sur la spasticité. Il peut s’agir de gestes destructeurs et donc irré-versibles ou encore de gestes de reconstruction. On verra ici les principaux gestes neurochirurgicaux : les neurotomiessélectives, la drezotomie et les rhizotomies postérieures sélectives.

À chaque type de spasticité peut correspondre un type de chirurgie, parfois plusieurs, mais il n’existe en tout cas pasde geste chirurgical unique. Ainsi, les neurotomies sélectives s’adressent principalement à la spasticité de type I ; lespompes à bacloféne (ITB), la Drezotomie et la Rhizotomie postérieure sélective(SR) sont plutôt indiquées dans la spas-ticité de type II ; enfin les neurectomies sont réservées à la spasticité de type III.

L’indication chirurgicale, quelle qu’elle soit, ne doit être portée qu’après une évaluation clinique rigoureuse, afin d’appré-cier la sévérité de la spasticité et son retentissement.

Il convient, comme dit précédemment, de définir clairement les objectifs, qu’il s’agisse de ceux du chirurgien commeceux du patient.

D - Spasticité localeLe traitement chirurgical d’une telle spasticité est principalement la neurotomie sélective.

L’indication chirurgicale est posée, comme nous l’avons vu, après un bilan clinique détaillé.

Afin de déterminer ces objectifs, outre le bilan clinique, nous disposons d’un outil important, que sont les blocs moteurssélectifs 3.

En effet, on peut « mimer » de façon transitoire l’effet de la neurotomie par injection locale d’éthidocaïne au niveau dunerf impliqué par la spasticité.

L’anesthésique local est injecté dans la gaine du nerf après que celui-ci a été stimulé, afin de s’assurer qu’il s’agit biendu nerf moteur «visé».

L’effet au bout de quelques minutes sera une disparition de l’hypertonie au niveau du groupe musculaire considéré. Ceteffet se prolongera environ 8 heures. Par ailleurs, il peut exister une diffusion de l’anesthésie à des fibres sensitives adjacentes, responsables de troubles sensitifs transitoires associés.

Le bloc neuromusculaire effectué, on va pouvoir juger l’amélioration clinique, confirmer ou infirmer la participation de telou tel groupe musculaire dans la spasticité. Par ailleurs, le patient va pouvoir de lui-même juger des modifications qu’apportera la neurotomie.

Ces blocs neuromusculaires peuvent être pratiqués au niveau de tout nerf moteur, innervant un muscle ou groupe musculaire spastique ou considéré comme tel.

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De même, les neurotomies peuvent être pratiquées au niveau de chaque nerf moteur responsable de spasticité, aussibien au membre supérieur, qu’au membre inférieur.

• En quoi consiste la neurotomie ? 1-3

La neurotomie sélective consiste à pratiquer une section sélective des branches collatérales du nerf “responsable” decette spasticité : nerf du soleaire ou des gastrocnémiens pour le pied équin et le clonus de cheville ou les branches dunerf tibial postérieur pour le pied varus et la griffe des orteils, par exemple. Après une dissection microchirurgicale desdifférentes branches du nerf et leur identification par stimulation bipolaire, les branches sélectionnées sont partiellementsectionnées sous contrôle du microscope opératoire. Dans leur principe, les neurotomies périphériques consistent enune section partielle des collatérales motrices du ou des muscles où siègent une spasticité jugée excessive. Cette sec-tion partielle intéresse les fibres afférentes à la moelle et notamment les grosses fibres myélinisées Ia qui sont le supportdu réflexe myotatique. On réalise ainsi une interruption partielle de l’arc réflexe myotatique, associée à la disparition dela spasticité. En contrepartie, la section intéresse également les axones des motoneurones a et réalise ainsi une déner-vation partielle.

Il existe cependant une repousse des fibres motrices a au niveau du muscle. De ce fait, la neurotomie induit une sup-pression prolongée de la spasticité sans paralysie.

L’enregistrement du réflexe H chez le patient spastique met en évidence un rapport Hmax/Mmax nettement augmenté.Après neurotomie, on note une diminution de ce rapport, traduisant une diminution de la spasticité (interruption de l’arcréflexe) proportionnellement plus importante que la dénervation 3.

E - Spasticité globaleLorsqu’il s’agit de spasticité globale, les techniques chirurgicales que l’on peut proposer sont représentées par les rhi-zotomies sélectives postérieures et les drezotomies.

Là encore, le geste chirurgical va consister en l’interruption de l’arc réflexe myotatique Ia-a par interruption des afféren-ces sensitives Ia.

Cette chirurgie centrale peut être réalisée soit au niveau des racines nerveuses avant leurs entrées dans la moelle, c’estla rhizotomie sélective postérieure, soit au niveau de la zone d’entrée des racines dorsale dans la moelle, c’est laD.R.E.Zotomie (Dorsal Root Entry Zone).

La rhizotomie sélective postérieure consiste en une section d’une ou plusieurs racines nerveuse postérieure « spas-tique ». L’abord de cette racine postérieure est permis par un abord de la moelle épinière ou du cône terminal. La sec-tion va concerner au moins 60 % des radicelles de chaque racine postérieure.

L’indication principale est la spasticité globale des membres inférieurs chez l’IMC.

La rhizotomie permet une normalisation du tonus dans 60 % des cas ; les objectifs de cette intervention peuvent êtreune amélioration de la marche, de la position assise ou une facilitation du nursing.

La drezotomie est également une intervention centrale, qui, comme la rhizotomie, interrompt l’arc réflexe myotatique parinterruption des voies afférentes sensitives. Par contre, l’intervention est dirigée directement sur les cordons postérieursde la moelle, au niveau de la zone d’entrée de la racine postérieure. Cette intervention, mise au point et développée parle Pr M. Sindou, à Lyon, vise à réduire une spasticité globale des membres inférieurs. Elle est parfois indiquée en cas devessie spastique, et exceptionnellement, en cas d’atteinte des membres supérieurs.

Là encore, l’intervention permet une amélioration dans plus de 60 % des cas, principalement de la position assise et/oudu nursing.

Conclusion

Les indications de chirurgie de la spasticité sont en augmentation. Cependant, les interventions centrales sont progres-sivement supplantées par la mise en place de pompes à bacloféne (Liorésal).

Par ailleurs, la prise en charge des patients spastiques, et en particuliers des enfants, ne peut se résumer à un gestetechnique.

Le succès de l’intervention ne peut être obtenu qu’à la condition d’en avoir préalablement déterminé les objectifs. De cefait, la chirurgie doit être perçue comme un élément de l’arsenal thérapeutique, le neurochirurgien devant être intégré àl’équipe multidisciplinaire prenant en charge le patient.

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Bibliographie

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7. Tardieu G : [Physiopathology of spasticity]. J Belge Med Phys Rehabil 3:93-99, 1980.

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CINQUIÈME PARTIE

La complémentarité chirurgie / appareillage

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Handicap et station assiseComplémentarité chirurgie et appareillage

Pr Jean DuboussetHôpital St Vincent-de-PaulUniversité René-Descartes

Mon maître Pierre Queneau le premier jour de mon internat à St Vincent-de-Paul m’a appris deux phrases fondamenta-les que j’ai essayées tout au long de ma carrière de mettre en œuvre de toutes mes forces, que j’ai essayé de trans-mettre fidèlement à mes élèves et dont j’ai pu vérifier l’exactitude au cours de la prise en charge de bien des handicapscomme auprès des polyhandicapés.

Ce terme de polyhandicapé, je ne l’aime pas car il camoufle, en particulier auprès de nos amis étrangers, le vrai sens del’atteinte mentale associée aux troubles moteurs d’origine centrale et j’espère donc qu’un jour vous le changerez.D’ailleurs dans le langage anglo-saxon le terme « mental retardation » est clairement exprimé.

Ces deux phrases étaient :

«La station assise est une fonction»

«Quel que soit le handicap moteur d’un enfant, il vaut mieux essayer de le mettre debout, même contre un meuble, plu-tôt que de le laisser grabataire dans son lit» (excusez-moi du pléonasme).

De sorte que cette station assise dont nous avons parlé toute la journée, elle est bien fondamentale chez ces malades.

La chirurgie du polyhandicapé va toujours osciller entre deux possibilités : améliorer ou aggraver la fonction. En effet c’estun risque non négligeable que de décider un acte chirurgical chez ce type d’enfants.

Il faut bien comprendre d’abord que le complexe chirurgie / appareillage a deux finalités : d’une part pour le malade lui-même, d’autre part pour son entourage.

Il faut bien comprendre aussi d’abord les bases orthopédiques de la station assise. Il y a bien longtemps que j’ai pro-posé, en particulier chez les enfants paralysés, handicapés, (mais pour tout individu c’est la même chose) de considé-rer la colonne vertébrale avec la tête comme première vertèbre et l’ensemble du bassin comme dernière vertèbre. Cettevertèbre pelvienne, c’est une des bases de cette station assise avec les 6 degrés de liberté qu’elle peut présenter, d’a-bord au niveau des deux hanches mobiles (il faut qu’elles soient mobiles et si possible en place) et avec un rachis équi-libré stable au-dessus.

En effet, la station assise, et on le voit bien lorsqu’on étudie les fesses du malade assis sur podoscope par exemple oul’équivalent, on voit bien que cette station assise est réalisée par la face postérieure des deux cuisses, les deux ischions,et on peut facilement mesurer ces pressions, les techniques modernes maintenant permettent de quantifier exactementen 3D ces appuis avant et après intervention et ces mesures ont une valeur beaucoup plus importante pour moi quel’angle de Cobb de correction scoliotique qui ne rend compte en rien de l’état fonctionnel.

On comprend donc bien que pour cette station assise, ce polygone de sustentation sur lequel on est assis, va être labase au-dessus de laquelle le tronc va pouvoir se trouver, surmonté de la vertèbre céphalique qui est constituée par l’en-semble de la tête et qui va donner une situation assise confortable, équilibrée et stable dans certains cas, inconfortable,déséquilibrée et instable dans d’autres.

Par exemple lorsqu’il existe un bassin oblique qui doit être étudié dans les trois dimensions, on va aboutir à des situa-tions spatiales néfastes pour ce bon équilibre.

La situation des membres inférieurs va influer indiscutablement sur la qualité de cette station assise et selon que l’onaura d’abord au niveau de la hanche des attitudes vicieuses en abduction, flexion, extension, et autres, symétriques ouasymétriques, on aura difficultés ou facilités pour cette station assise. Et même la situation des genoux intervient selonque l’on a le genou en extension ou le genou fléchi et en fonction des mobilités possibles des hanches, on pourra avoirdifficulté ou gêne.

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Même la position du pied pour une station assise peut intervenir, bien que le malade ne soit mis en charge directementet des désorientations du pied ou des déformations en équin, peuvent rendre difficile l’installation sur un siège, voire lerepose-pied d’un fauteuil roulant.

Bien entendu selon l’état rachidien, déformation, scoliose, cyphose, capotage du bassin en avant ou en arrière, on aurades troubles de cette station assise qui deviendront de plus en plus gênants. On sait bien qu’il est très rare que l’on obs-erve chez ces malades des escarres, mais la station assise peut être rendue extrêmement pénible par une inadéquationentre la mobilité des hanches, la mobilité du rachis, la déformation de la colonne vertébrale, surtout au niveau lombaireet dorso-lombaire, mais aussi au niveau thoracique.

La situation du cou est importante et on en reparlera après la chirurgie car souvent les scolioses cervicales peuventapparaître ou s’aggraver après la correction des régions sous-jacentes et gêner aussi cet équilibre.

La dernière base orthopédique de cette assise est, bien entendu, que sa qualité permette ou non l’utilisation correctedes membres supérieurs, l’utilisation d’une mobilité éventuelle de la tête et entrera pour une bonne part dans la relationde ces malades.

Quel va donc être le rôle de la chirurgie orthopédique chez ces malades en relation avec cette station assise ?

I - Améliorer

A - D’abord pour le malade lui-même

1. Ce sera pour alléger, voire supprimer un appareillage et effectivement ce sera surtout la chirurgie combinée, hanches, rachis.

En effet chaque fois que la mobilité est possible et que la station assise est difficile, l’appareillage et en particulier le siègemoulé, va pouvoir donner une orientation au niveau de cette vertèbre pelvienne et une orientation des membres inférieurs qui permettra au rachis d’être stable.

Mais il ne faut pas compter sur le siège moulé pour maintenir un rachis. Lorsqu’une déformation rachidienne deviendrastructurale ou sera structurale, il faudra adjoindre à ce siège moulé un corset orthopédique de contention dont le meilleurest, bien entendu, le corset Garchois, meilleur car sa facilité d’utilisation est grande par rapport à un corset de typeTLSO, parce que dans ce corset Garchois on pourra avoir une tenue du bassin (c’est la base même du corset) qui serabonne et il n’est pas rare que l’on puisse être amené à placer le corset Garchois dans un siège moulé, le siège mouléayant pour but d’orienter essentiellement les membres inférieurs, les cuisses fléchies, les genoux fléchis, et le corsetmaintenant correctement le rachis lui-même.

Au fur et à mesure que l’enfant va grandir, la chirurgie pourra aider lorsqu’il y a des attitudes vicieuses au niveau deshanches, rétractions en abduction, ou autres, par des libérations, des ténotomies, voire des ostéotomies pour permettre unappareillage beaucoup plus facile, ceci se faisant dans la petite enfance. Cet appareillage est fondamental car il y a uncertain nombre d’enfants qui ont des spasticités et des rétractions en abduction, qui ont donc un bassin oblique decause basse, qui entraîne de temps en temps des défauts de flexions tellement importants que petit à petit la hancherisque de se luxer en avant et que donc l’appareillage est indispensable pour mettre la hanche fléchie et permettre àcette hanche de se développer de la meilleure façon possible.

Dans d’autre cas lorsqu’on est arrivé plus tard, tardivement, lorsque la hanche était déjà luxée et interdisait toute stationassise, la chirurgie de hanche était nécessaire, souvent de réduction sanglante avec ostéotomie pour pouvoir permettred’acquérir cette station assise, ce que certains enfants n’ont jamais pu acquérir du fait d’une situation grabataire et d’unabandon pendant un certain temps.

C’est la raison pour laquelle il est extrêmement fondamental que les recommandations faites il y a déjà bien longtempspar Grenier soient appliquées dans les services de réanimation pour justement permettre le meilleur développement pos-sible de ces hanches dès les premiers jours, dès les premiers mois. Et combien voit-on de malades qui ont été aban-donnés sur le plan orthopédique car tout le monde était branché sur cette réanimation vitale, sur ces gestes vitaux, quiont abouti à des développements d’attitudes vicieuses au niveau des hanches rendant la vie très difficile, voire impossi-ble, à ces malades puisque leur ayant interdit de telle manière la position assise.

Donc cette chirurgie permettra soit d’appareiller les malades lorsqu’on le peut et plus tard, bien entendu, cette chirurgiepourra, en particulier pour la chirurgie rachidienne, permettre de pouvoir désappareiller les malades, de pouvoir les sortir de leur corset, les sortir de leur siège moulé, et leur permettre d’avoir une situation assise au fauteuil facile.

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Cette chirurgie rachidienne n’est pas la plus difficile techniquement à réaliser chez ce type de malades, elle demandepar contre des prises en charge pluridisciplinaires pour être menée à bien, non seulement au moment de l’indication,mais aussi dans sa réalisation. Elle réclame parfois des chirurgies antérieures et postérieures associées, demandantpresque toujours la prise du bassin pour assurer un équilibre stable rachidien au-dessus de la vertèbre pelvienne.

On a vu que, dans certains cas, cette chirurgie était nécessaire pour permettre l’appareillage et ceci étant essentielle-ment chez le petit enfant, mais pouvant se trouver tout aussi bien chez les enfants âgés, en particulier pour corriger lesattitudes vicieuses des membres inférieurs et de permettre ainsi l’installation du malade dans un siège, dans un fauteuil.

2. Cette collaboration chirurgie / appareillage a aussi un avantage.

C’est qu’elle permet parfois de libérer, en tout cas d’améliorer souvent, l’usage des membres supérieurs, qui au contrai-re sur un malade déséquilibré aident à tenir assis au prix de l’utilisation de ce membre supérieur comme appui ou commetuteur. La stabilisation chirurgicale obtenue par l’arthrodèse rachidienne ou les ostéotomies de hanches libérant l’usagede ces membres supérieurs.

3. Bien sûr l’association complémentaire chirurgie / appareillage va intervenir pour améliorer les grandes fonc-tions vitales, aussi bien la respiration et en premier la respiration avec son corollaire le fonctionnement car-diaque, mais aussi les fonctions digestives et urinaires.

N’oublions pas en effet que chez un certain nombre de ces malades, l’état général était très médiocre du fait de diffi-cultés de nutrition, du fait d’anémie permanente due à des reflux gastro-duodénaux avec des œsophagites qui vont pou-voir être corrigés par la chirurgie, voire chez certains malades complètement dénutris, possibilité de leur réaliser des gas-trostomies qui vont permettre une alimentation beaucoup plus simple en améliorant considérablement l’état général desmalades et il faut savoir que cette nutrition améliorée pendant quelques mois va pouvoir améliorer les actes chirurgicauxavec beaucoup plus de chances de succès en diminuant le nombre des complications.

B - Pour l’entourageLa complémentarité chirurgie / appareillage va aider pour les soins, va aider pour la toilette, va aider pour les manipula-tions, pour la nutrition bien sûr on l’a vu, et aussi pour les déplacements, la communication.

II - Aggraver

Il ne faut pas oublier que cette chirurgie peut être très nocive car parfois cette chirurgie va empêcher ou même gênerl’appareillage et cela est particulièrement évident au niveau de la chirurgie des hanches, en particulier chez le petit enfant.

Cette chirurgie des hanches faite sans discernement va pouvoir aboutir à des hyper corrections, et je voudrais insisterlà encore sur le danger des neurotomies qui aboutissent parfois à aller nettement au-delà de ce que l’on voulait et à destransformations d’attitudes vicieuses dans un sens, dans le sens opposé, souvent irrattrapables et où le malade va êtreplus mal après qu’avant l’intervention. Cette recherche à tout prix de mettre la tête fémorale en place a abouti à desexcès d’indications chirurgicales car toutes les hanches luxées des polyhandicapés ne sont pas douloureuses.Certaines, oui bien sûr, mais parfois les poly-opérés des hanches sont pires qu’au début du traitement. Il ne faut jamaisl’oublier.

Ceci pour dire qu’il faut vraiment doser chez ces malades l’acte chirurgical. Il vaut mieux rester moins corrigé que d’a-boutir à une hyper correction. L’attitude vicieuse en abduction de hanche hyper corrigée n’est pas rattrapable, y com-pris par une ostéotomie de varisation ou d’orientation de la diaphyse car après un résultat momentané, comme il n’y apas de muscles actifs pour aller dans l’autre sens, la récidive se produit.

De même que lorsqu’on veut absolument réduire les luxations de hanches, même avec raccourcissement, etc…, onpeut aboutir à des reluxations qui ne sont pas aussi rares que l’on pense, on peut aboutir à des infections, on peut abou-tir à des réinterventions, ostéoporose, fractures. Bref, se retrouver dans un état bien pire sur le plan fonctionnel qu’au-paravant avec son attitude vicieuse.

Lorsqu’on va trop loin dans les indications, on peut même aboutir à des complications vitales, à la fois sur le plan respi-ratoire comme lorsqu’un malade a des troubles de la déglutition et qu’il doit avoir une anesthésie générale relativementlongue pour une chirurgie vertébrale, on peut ne pas pouvoir débrancher le malade de sa machine en post opératoireet donc le rendre entièrement dépendant d’un appareillage respiratoire. Est-ce un service qu’on lui a rendu, non seule-ment à lui, mais aussi à sa famille aussi, en le rendant encore plus dépendant ?

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Donc bien être conscient de ces risques, ce d’autant que toutes les hanches luxées ne sont pas douloureuses à l’âgeadulte. On voit donc l’oscillation permanente qu’il y a dans les indications chirurgicales entre trop en faire et n’en fairepas assez. C’est le juste milieu qui est difficile à vraiment trouver.Sous le prétexte d’avancer, bien des secteurs de la médecine actuelle, en particulier avec les polyhandicapés, s’isolenttrop facilement du dialogue franc et loyal avec la famille des intéressés, ce qui aboutit souvent à des excès souvent plusnéfastes qu’utiles. Cela ne me paraît pas éthiquement correct.

C’est pourquoi la détection, la prévention, anté et péri natale des affections neurologiques d’origine centrale, devraientêtre le but de ce siècle.

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SIXIÈME PARTIE

Table ronde :Appareillage et qualité de vie

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Laoucine Ben-BelaidAide soignant

Hôpital La Roche Guyon – AP-HP

Bonjour, je m’appelle Laoucine, je suis aide soignant à l’hôpital de La Roche-Guyon, accueillant des enfants, des ado-lescents et jeunes adultes polyhandicapés.

Ma première impression, ma première question ?

Pourquoi ces enfants déjà lourdement handicapés ont-ils à supporter une contrainte, telle que les différents appareilla-ges, comme un corset ou corset-siège, orthèses, attelles …

On éprouve pour eux le sentiment d’une souffrance supplémentaire mais au fur et à mesure de mon expérience, j’ai puprendre conscience de l’intérêt des différents appareillages.

Ceci étant, ce n’est pas toujours facile de mettre un corset en raison :

• Des raideurs ou au contraire des enfants très mous

• Des résistances volontaires ou incontrôlées des enfants

• Du sentiment d’inconfort, plus ou moins partagé par le soignant qui pense que l’enfant est trop contraint et pas for-cément en position confortable

De plus, l’enfant grandit, son corps se modifie et les appareillages deviennent trop justes. Il faut aussi tenir compte del’évolution et des changements dus à l’âge. L’enfant qui avance en âge est plus difficile à mobiliser en raison de sonpoids, de sa taille, des raideurs qui s’accentuent …

De ce fait, on peut parler de la fonction " d’alerte " du soignant

Devant ces situations différentes, le soignant est plus à même de repérer les réactions du jeune face aux contraintes del’appareillage. Il se doit d’en informer l’équipe, et de faire part de sa connaissance pointue des enfants par sa présencequotidienne d’où un travail de collaboration avec les kinésithérapeutes.

Voilà, le corset est mis, il faut installer le jeune avec, dans son fauteuil ou dans un corset-siège

La manipulation est un peu plus difficile quand le jeune a son corset.

Cela ne facilite pas toujours l’installation, même avec le lève-patient qui est pourtant un moyen pratique mais pas tou-jours adapté pour la population d’enfants ou de jeunes que nous accueillons.

Cela demande un ajustement lors de l’installation car il y a différents exemples comme un enfant avec un corset àinstaller dans un corset-siège, mais aussi un enfant sans corset et la manipulation parfois n’est pas plus facile pourautant car les corsets ou les corsets-sièges nous semblent trop ajustés (notamment l’hiver, en fonction des vêtements)et c’est encore plus compliqué de les installer confortablement.

Dans tous ces moments de l’installation, le soignant doit être encore plus vigilant par rapport au point d’appui, aupositionnement du filet …

Il est un relais pour l’équipe. Dans le travail au quotidien, une grande partie, concerne la mise de l’appareillage et cetteinstallation nécessite une bonne coopération, pas toujours facile à bien ajuster dans un fonctionnement d’équipe.

Lors de la journée, de nombreux changements de position sont effectués (lors des changes, du repas, des temps autapis, …) nécessaires pour la vie quotidienne. Cependant, quand la personne polyhandicapée avance en âge, les chan-gements de position sont de plus en plus contraignants.

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C’est pour cela qu’en tant que soignant, nous devons toujours être soucieux du confort du jeune étant le plus à mêmeà repérer sa tolérance par rapport aux différents positionnements ce qui nous amène à proposer un programme per-sonnalisé quand à la durée et au rythme de ces différents postures.

Il est important de vous dire que face à une absence de langage pour nombre d’entre eux, la vigilance nécessite uneattention particulière aux modes d’expression du jeune (pleurs, larmes, grimaces, petits cris, mimiques, agitation, endor-missement).

Pour conclure, le maintien de la posture assise pour nombre d’entre eux, n’est pas possible seul, les enfants ont besoind’un soutien.

Ce soutien nous venons d’en parler, pour beaucoup c’est le corset et le corset-siège

Ceux-ci permettent une meilleure installation donnant la possibilité à la personne polyhandicapée de s’ouvrir sur lemonde qui l’entoure.

Elle peut mieux appréhender son environnement, le regard est facilité par un bon maintien de la tête et permet d’ins-taurer une relation, un échange avec la personne qui porte le regard sur les enfants.

C’est à dire qu’une petite complicité peut exister entre le soignant et le jeune. C’est aussi le début du travail de com-munication et de compréhension de l’autre.

Ce soutien est une aide pour les repas, car une meilleure posture facilite la déglutition c’est à dire moins de fausseroute, moins d’appréhension, le repas peut devenir au fil du temps, un repas plaisir. De plus, lorsque les jeunes sontmieux positionnés, ils respirent mieux.

Et puis, en tant que soignant, on a appris avec l’expérience, en reprenant les différents cas des jeunes, que le maintienorthopédique par les corsets ou par un acte chirurgical est indispensable pour assurer le confort et la qualité de vie dela personne polyhandicapée.

Conclusion

On voit souvent les inconvénients au quotidien, les contraintes, mais lorsque l’enfant, ou l’adolescent n’a pas son corset ou appareillage pour raison de maladie, on remarque de suite l’inconfort, la mauvaise position ; on voit réap-paraître les problèmes respiratoires et la relation devient plus difficile à établir.

Merci de votre attention.

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Michel BelotDocteur en psychologie

Hôpital Marin Hendaye - AP-HP

I - Les avantages de la station assise

L’installation en position assise est un moyen indispensable qui améliore la qualité de vie des personnes polyhandicapées.A l’hôpital Marin de Hendaye, certaines sont restées mal installées ou alitées pendant plus de 30 ans. Les progrès récents dans la conception de sièges moulés ont permis un réel changement, à commencer par celui de sortirde la chambre.

A - La verticalisation facilite les capacités perceptives du corpsLa tête est tenue droite. C’est une véritable tour de contrôle où sont concentrés les principaux organes de perception :vue, ouïe, odorat, sensibilité de la peau, système vestibulaire. Le regard est à l’horizontale. Elle est mobile, permet l’orientation spatiale (tourner la tête vers un stimulus visuel ou auditif).

Le tronc droit permet une meilleure utilisation des bras et des mains qui sont dégagés. L’axe du corps, vertical favorisela latéralisation, la perception du côté droit, gauche, haut, bas.

Le dos est protégé, contenu, enveloppé par le siège, ce qui donne une sensation de sécurité.

Les cales-pieds donnent un appui, une limite corporelle. Les re-positionnements du corps sont possibles. Ils vont aussiparticiper à la stabilisation du corps et donnent la sensation d’ "avoir les pieds sur terre".

Le corset-siège peut être utilisé pour des stimulations vibratoires (en roulant sur des revêtements irréguliers par exemple) etdes stimulations vestibulaires (inclinaison de la coquille, terrains en déclive, adaptation sur des balançoires…).

Donc, globalement la perception de son corps est facilitée.

B - La position assise améliore la qualité de la vie 2

- dans les actes de la vie quotidienne : La station assise peut être utile dans les soins de nursing, (la toilette, lessoins esthétiques…) et les changements de lieux. Nous notons par exemple pendant les repas une meilleure présence et qualité d’attention, une déglutition facili-tée, moins de stress dû au risque de fausse route, une autonomie facilitée par la libéralisation des membres supé-rieurs.

- dans les activités : la position assise favorise l’éveil et la communication. Elle permet le déplacement et uneouverture à la vie : la stimulation, l’animation, la socialisation, les loisirs.Nous pouvons mettre en place des activités qui ont pour but d’enrichir la vie des personnes : elles sont sensiblesà la stimulation de la communication par les massages, le toucher, la balnéothérapie, les stimulations vibratoires(promenades en vélo, calèche, bus) ou vestibulaires (activités nautiques et bains). Nous pouvons aussi leur pro-poser des animations (petits ateliers, fêtes, musique…) des sorties, des séjours, des vacances… Ces activitéssont proposées avec des objectifs à leur portée.

II - Conditions pour construire un projet "qualité de vie"

Les problèmes de santé (douleurs, constipation, reflux…), d’hygiène, de confort doivent être suffisamment réglés. Laqualité de vie commence lorsque la personne n’est pas gênée, qu’elle est installée confortablement et qu’elle peut jouiret participer à l’instant présent. Elle est alors disponible pour s’enraciner dans la vie.

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III - L’enracinement dans un projet de vie

Les personnes polyhandicapées que nous accueillons à l’hôpital Marin d’Hendaye ont souffert de ruptures traumatisantesd’avec leurs familles et des difficultés pour comprendre et intégrer leur environnement et leur histoire.

Elles ont besoin de s’enraciner dans un projet de vie à long terme.

Comment ?

- en établissant et renforçant les liens avec leur famille, les fratries, les soignants…

- en leur proposant des stimulations et des activités adaptées.

S’enraciner, c’est se sentir bien là où on se trouve, se relier aux autres, connaître, sentir l’épaisseur, la consistance, lavaleur de sa vie.

IV - L’évaluation de la qualité de vie

Les critères d’une qualité de vie sont fluctuants, subjectifs, temporaires. Chaque personne a sa manière d’équilibrer savie, de lui donner un sens (ou plusieurs), réaliser une vie qui mérite d’être vécue. Ces critères peuvent être très variés,graves ou très futiles, mais toujours " indispensables " : avoir un travail, former un couple, avoir des enfants, une vie fami-liale, des amis, avoir une belle voiture, une télévision, faire du sport, aller au cinéma, en voyage, aller chez le coiffeur oul’esthéticienne… Voilà quelques critères !

Pour la personne polyhandicapée, nous devons – et c’est d’une grande difficulté – penser pour lui, questionner ses critères à sa place.

V - Le lexique "qualité de vie de la personne polyhandicapée"

Le rôle du psychologue, du médecin, du cadre, de l’équipe sera de construire un projet individuel avec la famille entenant compte :

- des potentialités de la personne, de ses goûts, de ses désirs ;

- des ressources de l’environnement, de l’équipe, de la famille…

Nous avons conçu un lexique qui sert de trame à la réunion de synthèse pour questionner la qualité de vie de chaquepersonne avec deux objectifs :

- faire une évaluation de la situation actuelle, dans les actes de la vie quotidienne ;

- poser les jalons d’une amélioration de la qualité de vie.

Le lexique comprend 10 rubriques prenant en compte les actes de la vie quotidienne (repas, hydratation, toilette, dépla-cements…), les relations sociales et affectives, les activités, les loisirs.

• Quelques exemples de questions :

- comment est organisé le repas ? Position de l’accompagnant ? Durée et fréquence des repas ? Comment sontneutralisées les agressions sonores et visuelles ? Comment nous le stimulons et captons son attention ? A-t-ilune stimulation du goût (indispensable si gastrostomie) ? Peut-il aider ? Toucher guidé ?

- décrire précisément la toilette, la douche. Que sait-il faire seul (un simple petit mouvement est important) ?Fréquence des brossages des dents ? Va-t-il chez le coiffeur ?

- comment peut-il choisir ? Comment l’informons-nous ? Quel est son temps de réaction pour les réponses ?

- est-il fréquemment changé d’endroit dans la journée ? Est-il promené, part-il en séjour, en vacances ? Va-t-il à laplage ? Au restaurant ? Dans les magasins ? Quels sont ses amis ?

- quels sont ses goûts : musique, vidéo ?

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VI - Qualité de vie : un changement de paradigme ?

La prise en compte de la qualité de vie s’adresse à toute personne, même les plus démunies et lourdement handicapées.

Elle permet de lutter contre les habitudes, l’ennui, la chronicité.

Elle rapproche les personnes polyhandicapées de la vie habituelle. Nos propres vies (aller en vacances, au restaurant,avoir des loisirs, sortir…) prennent sens pour eux. Nous partageons avec eux les mêmes pôles d’intérêts.

La qualité de vie recentre l’existence sur le plaisir immédiat, dans l’instant présent : un instant de joie, de gaieté qui atténue les petits malheurs de la vie banale. Elle introduit aussi la nécessité de durer, "le dur désir de durer", de se renou-veler tout le long de la vie.

C’est un réel changement de référence pour la personne et pour l’entourage lorsqu’on ouvre la porte à la qualité de vie.Nous constatons chaque jour les effets positifs d’une installation assise qui est un des moyens indispensables à unequalité de vie. Elle permet de réaliser des projets.

Et nous n’oublierons pas toutes ces "premières fois" que les équipes et les familles connaissent lorsque la personnepolyhandicapée peut faire une nouvelle expérience dans sa vie (sortir de la chambre, avoir un trousseau, le premier voyage,repas au restaurant séjours vacances, bain de soleil sur la plage…).

1 - Michel Belot - Couchés pendant trente ans et enfin assise : une nouvelle vie. Actes du XXéme colloque AIR. 1999.Besançon p 99 - 113.

2 - Ces aspects sont développés dans le film vidéo : Hôpital Marin de Hendaye. Station assise et qualité de vie.Collection connaissances hospitalières. Direction de la communication secteur audiovisuel de l'AP-HP. 8-10, rue desFossés Saint-Marcel, 75005 Paris.

Autres références bibliographiques

1. Heqol ; Echelle d'évaluation qualité de vie Hélios 4, programme européen 1996.

2. Les travaux d'Andréas Fröhlich, notamment :

- la stimulation basale, éditions SZH Lucerne. 2000.

- la qualité de vie : l’accompagnement des personnes ayant un handicap grave. Recueil de textesInstitution de Lavigny. Distribué par SZH Lucerne. 1995.

3. JM Chauvie et coll. Polyhandicap qualité de vie et communication Aspect 57, éditions SZH Lucerne 1994.

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Marie-Odile Legrand Mère de Mélodie, 9 ans, syndrome de Rett

Association "Quelque Chose en Plus" - Vaucresson

Voici ce qui me vient à l’esprit quand on me pose la question "qu’est ce pour vous la qualité de vie avec les appareillages ?".

Nous vivons jour et nuit avec de nombreux appareils : siège moulé, corset, minerve, attelles, chaussures orthopédiques.Je dis nous car bien que ne les portant pas, je les supporte. Et voilà bien la question !

Si un appareillage est inconfortable ou douloureux, il sera mal supporté par l’enfant et sera alors rejeté par les parentscar quand l’enfant a mal, les parents ont mal. La qualité de vie avec les appareillages n’est possible que si les deux par-ties, parents et enfant, en ont accepté l’utilisation.

Si les parents n’acceptent pas les contraintes de l’appareillage et ne sont pas convaincus de la nécessité du port decelui-ci, alors ce n’est pas la peine d’insister. Ils mettront de la mauvaise volonté à l’installer, râleront à la moindre diffi-culté et ne le mettront pas. L’enfant sentira cette animosité et réagira lui aussi négativement face à la contrainte mêmes’il ne ressent pas vraiment de gêne.

Personnellement, j’ai toujours refusé les appareillages tant que je n’étais pas prête psychologiquement à les supporter.Il y a toujours une phase d’adaptation mentale nécessaire avant l’acceptation.

C’est là qu’intervient la qualité des consultations.

Elles doivent être un lieu de discussion d’égal à égal, entre les parents et les médecins. Il doit y avoir une explication claire et nette sur la nécessité du port de l’appareillage et le but de celui-ci.

Ce n’est que dernièrement que, mettant en cause le port du corset depuis 4 ans, l’évolution de la scoliose de ma filleétant toujours aussi importante, j’ai pu entendre que le corset n’avait pas pour but d’arrêter l’évolution de la scoliosemais seulement de la freiner. Que l’arthrodèse était inéluctable mais que le corset permettait de préserver les organesde la déformation en vue de l’opération. Ceci ne m’avait jamais été dit clairement.

Je trouve cela dommage car j’aurais certainement accepté plus facilement toutes ces "engins" divers qui nous étaientproposés.

La franchise doit être de mise, même si tout n’est pas facile à entendre.

La consultation est un moment de négociation et tant qu’il n’y a pas accord, rien n’est possible. Le médecin qui suit mafille le sait bien et rien n’est imposé tant que je ne suis pas convaincue.

L’enfant doit être intimement lié à la conversation, le médecin doit aussi s’adresser à lui et non le manipuler comme unobjet.

Le port de l’appareillage passe souvent par une longue période d’adaptation. De nombreuses modifications sont néces-saires pour que celui-ci ait une efficacité optimale et soit bien supporté.

Là aussi la négociation est de rigueur, entre les parents qui veulent un peu plus de place et l’ortho-prothésiste qui veutplus cintrer. Il faut trouver un compromis.

Dans ce cas-là, une tierce personne, kinésithérapeute, médecin, est la bienvenue pour peser la part des choses et arriver à un accord.

L’enfant doit pouvoir choisir la couleur des nouveaux accessoires qui vont l’accompagner partout. Il est important aussique la fratrie et la famille participent à la décoration et au choix esthétique des appareils, cela contribue à l’acceptationde tout l’entourage.

Il faut que les professionnels mettent tout leur savoir au service de la famille. Ils connaissent beaucoup d’aides techniques qu’ils ne pensent pas à proposer et qui pourtant changent le quotidien. Les familles dont les enfants sont àdomicile ou dans de petites structures n’ont pas l’occasion de connaître tout le matériel en vente sur le marché et quifacilite grandement la vie de tous les jours.

C’est par le bouche à oreille et le "salon autonomic"que j’ai appris que je pouvais bénéficier d’un pied à roulettes adap-table en hauteur et inclinable pour poser le corset-siège et que j’ai pu ranger la chaise sur laquelle j’avais fixé des roulettes et dont je coupais les pieds régulièrement depuis 2 ans.

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Le lit électrique en location a aussi permis de soulager mon dos, a donné la possibilité à son frère et à ses sœurs delever Mélodie en lui posant les pieds par terre sans la porter, autorisé une inclinaison plus facile lors des problèmes pul-monaires et évité le reflux. Cette inclinaison permet aussi à ma fille de participer aux activités qui se passent dans sachambre et de regarder dehors. Bien sûr, je savais que de tels lits existaient mais financièrement nous ne pouvions sup-porter l’achat d’un tel matériel. Si un médecin ne m’avait pas parlé récemment de cette possibilité de location prise encharge par la sécurité sociale, j’en serais toujours à glisser des planches sous le matelas et à porter et me courber au-dessus du lit.

Tous ces petits plus qui aident à la vie de tous les jours doivent être proposés car ils permettent une réelle qualité de vieavec les appareillages et avec le handicap.

Toutefois la possibilité de vivre avec les appareillages n’est possible que si les enfants et les parents ont le pouvoir dedire NON.

Quand ma fille me fait comprendre qu’elle en a assez, ou quand j’estime que cela suffit, tout saute et vive la liberté.

Il doit y avoir des moments sans appareillage, des câlins sans que le corset me perfore les côtes, des chahuts sans barrières, des contacts charnels sans obstacles. Il faut ménager des heures sans contraintes, sans acharnement.

C’est cela notre qualité de vie avec les appareils et nous vivons en paix avec eux.

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Témoignage des parents

Éliane A. GodotInfirmière clinicienne, mère de R. Alexandre – 25 ans

hospitalisé depuis 1993 à l’hôpital Marin d’Hendaye - AP-HP

Une leçon de vie

A 14 ans, le destin de R. Alexandre bascule un jour d’octobre 1989 dans le service de neurologie à l’hôpital de St-Vincentde-Paul.

"Annonce d’une maladie apparentée à un syndrôme type Parkinsonien au pronostic très sévère " : 6 mois de vie !!!

Avais-je compris ?… Qu’avais-je compris ?... Etait-ce la vérité ?… Où était la vérité ????…

Cette maladie orpheline, nous l’avons adoptée en octobre 1989 !

Maladie au nom étrange : " Encéphalopathie d’origine métabolique évolutive ".

En qualité de parents, nous avons accompagné, soutenu R. Alexandre, à la recherche d’une qualité, d’une espérancede vie que nous souhaitons toujours meilleure pour lui.

I - Mon vécu avant l’appareillage

J’étais anxieuse face à l’aggravation de la cyphose chez Alexandre, surtout avec l’accentuation de l’enroulement de saposture, celle de la tête penchée en avant.

Je ressentais une culpabilité, un désir de réparation pour se rapprocher de la "normalité".

Seul un acte chirurgical " l’arthrodèse " que je savais lourd de conséquences pouvait lui redonner une meilleure image àmes yeux, surtout aux yeux des autres.

Quel droit, quel pouvoir m’octroyais-je sur le corps de notre fils devenu une personne adulte ???

Alors, il m’a fallu faire le deuil du fauteuil roulant simple, accepter l’idée d’un corset siège.

Une année de résistance pendant laquelle l’équipe soignante a su écouter mes réticences, accueillir les mots de masouffrance.

Elle m’a accompagnée sans jamais me culpabiliser, me recentrant sur la personne d’Alexandre, sur le bien-être, leconfort de vie que lui apporterait ce nouvel appareillage.

Un jour d’août 1999, à l’hôpital Marin d’Hendaye, face au Dr Soudrie qui reconnaît les compétences des familles, ici monrôle de mère, ma résistance a cédé : je consentais à l’acceptation d’un corset-siège pour R. Alexandre, avec l’exigencede pouvoir choisir une couleur sobre : noire pour le siège et le repose-pieds, rouge pour le châssis.

Ainsi je restais fidèle aux couleurs qu’avaient choisies R. Alexandre lors de l’achat de son premier fauteuil roulant.

Le rendez-vous avec l’orthoprothésiste fut pris immédiatement. J’assistais à la séance de moulage du corset-siège.

II - Le vécu de R. Alexandre

A - Avant l’installation dans le corset-siège

1. Aux repas

Pour R. Alexandre, les séances de repas deviennent des cauchemars. Il a perdu le plaisir et la convivialité de la table !

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Je constate :

- sa perte d’appétit, sa lenteur, ses difficultés à la prise des repas qu’il ne termine pas.

Les complications sont :

- de fausses-routes, un reflux gastro-œsophagien avec acidité, une récurrence des manifestations de la hernie hia-tale avec de nombreux vomissements d’où perte de poids important, un teint pâle, une hypotonie, une grandefatigue.

- il régurgite en toussant d’où quelques infections de la sphère O.R.L. et broncho-pulmonaire.

- une stase salivaire et malocclusion des lèvres entraînant un bavage permanent ainsi que la sortie incontrôlée dela langue.

- un transit lent favorise une constipation sévère.

2. Changement dans son comportement social

- Je constate une régression psychique ; R. Alexandre ne répond plus aux sollicitations qui déclenchaient chez lui,bien souvent, un clin d’œil, un large sourire, une production de son.

- il présente un repli sur soi, un visage aminique, inexpressif, déprimé, une idéation très ralentie. Il est isolé dans lavie de groupe, au sein des activités.

- les sorties au restaurant se raréfient. R. Alexandre est coupé petit à petit du monde extérieur.

B - Après l’installation dans le corset-siège C’est une renaissance à la vie

De par le confort dans la position assise, le buste, le tronc sont maintenus par un plastron. Sa dignité humaine estretrouvée.

Il exprime son envie de vivre, son visage est épanoui de bonheur, ses yeux sont pétillants, rieurs, très mobiles, trèsexpressifs avec un brin de taquinerie.

Il retrouve son appétit ainsi que le plaisir de s’alimenter et a repris une dizaine de kilos "aujourd’hui 59 kg".

Il est très interactif dans la communication avec l’environnement, le groupe ; il reproduit des sons lorsque je m’adresseà lui.

Il peut soutenir l’horizontalité du regard d’où une reprise de ses activités. Curieux de ce qui l’entoure, il réagit vivementaux stimulations environnementales.

Très présent, il apprécie pleinement les compliments sur sa tenue vestimentaire, sur sa coiffure. Il reprend une vie sociale àl’extérieur de l’hôpital, profite des loisirs.

Bonheur et dignité sont retrouvés ainsi que notre joie, à nous parents, de partager avec lui les petits moments commeles grands, tels que les déjeuners au restaurant.

Finalité : vivre, mais bien vivre… même appareillé.

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Maryse AnchordoquyAide soignante

Nathalie LaussucqInfirmière diplômée d’État

Danièle MatanCadre infirmier - Pavillon Adamski - Hôpital marin Hendaye – AP-HP

Éliane GodotAssociation Les 2 jumeaux

R. Alexandre , né le 24.01.1976

1993 : admission à Hendaye pavillon Adamski

Son état se dégrade progressivement :

- la tête et le tronc penchent en avant

- salivation abondante : bave

- tient ses mains

- rétraction des jambes

I - Problèmes rencontrés

• Difficultés pour

- les soins d’hygiène et de confort

- l’habillement

- l’alimentation et l’hydratation

• Vomissements fréquents

• Constipation opiniâtre

• Isolement :

- relation rendue plus difficile avec les autres résidents et le personnel

- moins de participation aux activités de la vie quotidienne

A - Août 1999Objectif du moulage du corset-siège et du plastron

Du fait de l’attitude cyphotique très importante avec chute de la tête en avant responsable d’un bavage important etgênant pour la relation.

"À ce jour, il s’agit d’une 2ème naissance" dit la maman.

Alexandre est plus éveillé et épanoui grâce à sa nouvelle installation :

Les soins sont facilités :

- brossage des dents- soins de peau- rasage- coiffure- soins des mains

L’ergothérapeute a pu mettre en place la technique du "toucher guide".

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Le transit intestinal est satisfaisant.

La courbe de poids harmonieuse.

ex : 46,7kg en janvier 1998

58,8 kg en septembre 2001

L’achat d’un fauteuil bien adapté permet d’assurer des transferts avec :- sécurité- maniabilité- efficacité- confort

Cependant la manutention est délicate et pour lutter contre les lombalgies tous les membres du service ont participé aune formation de manutention et de facilitation.

Il a été préconisé l’utilisation du lève-personne pour les transferts d’Alexandre.

L’entretien du fauteuil est assuré par les soignants selon une planification et besoins ponctuels.

La collaboration avec le moniteur d’atelier est précieuse pour les réparations.

Pour faciliter la vie d’Alexandre, de ses parents et du personnel, la maman envisage l’installation d’un moteur sur le fauteuil.

Depuis août 1999 le projet de vie d’Alexandre s’est considérablement transformé.

L’ensemble des membres de l’équipe a contribué à l’amélioration de sa qualité de vie en lui proposant des loisirs nonréalisables avant :

ex :- sorties en voile- baignade dans un centre aquatique- bains de mer- sorties au restaurant- séjour vacances- sorties en calèche- voyages en avion pour séjour en famille à Paris- promenades en vélo monopousseur- activité musique avec la psychomotricienne et les aides-soignants- activité occupationnelle avec l’animatrice…..

Conclusion

Notre mission de soignants est valorisée et trouve tout son sens.

Au-delà de la qualité de vie et des loisirs que nous proposons à Alexandre ce qui à nos yeux de soignants et à ceux dela famille est fondamental :

Préserver l’image d’Alexandre

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Dr Anne-Marie BoutinCesap

Si l’importance de la station assise pour la personne polyhandicapée est bien reconnue, on sait combien, dans de nom-breux cas, elle peut être, pour elle, compromise, difficile à obtenir et à maintenir correctement en raison :• du déficit de tonus axial ;• des raideurs aboutissant souvent à des déformations fixées ;• de la motricité incontrôlée :

- renforcements toniques,- schèmes d’hyperextension,- dystonie,- mouvements parasites.

Cette station assise est importante pour faciliter et améliorer tout d’abord les fonctions vitales (respiration, alimentation,élimination) mais aussi, de façon variable bien sûr selon les cas et les possibilités de chacun, les "fonctions instrumen-tales" : un positionnement adapté qui "casse" les schèmes d’hyperextension, le maintien de la tête en bonne position,la facilitation des mouvements de rotation du tronc, lorsqu’ils sont possibles, ne serait-ce qu’au niveau des épaules, permettront une meilleure utilisation du regard et une meilleure appréhension de l’environnement.

Pour tous, la station assise permet d’être plus " comme les autres " " avec les autres " et de mieux participer à la vie collective.

Tout cela (à des niveaux différents selon les possibilités de chacun) favorise l’appréhension de l’environnement par la personne polyhandicapée, son action sur cet environnement et son interaction avec lui. Ce sont donc des apportsessentiels à sa qualité de vie.

On a vu cependant, qu’en raison des difficultés évoquées tout au long de la journée, la station assise n’est pas facile àobtenir pour bon nombre de personnes polyhandicapées et que le soutien et le maintien par un appareillage est souvent, pour elles, nécessaire.

La recherche du confort doit toujours accompagner ces propositions de positionnement.

L’appareillage ayant une fonction de soutien ou de maintien adaptée aux objectifs fonctionnels et de confort qui ont étéévoqués, doit aussi permettre de maintenir la personne polyhandicapée dans une position qui évite l’installation et l’aggravation de déformations orthopédiques car, lorsque celles-ci s’installent, elles compromettent, souvent gravement,cette station assise, entraînant inconfort, douleurs et peuvent avoir des conséquences sévères sur les fonctions vitales.

Ces objectifs " orthopédiques " entraînent un certain nombre de " contraintes ". Ces contraintes sont d’autant plus dif-ficiles, parfois, à admettre, qu’elles sont, le plus souvent, proposées préventivement en fonction de critères évolutifs. Cescritères " prévisibles " pour les professionnels " avertis " de la rééducation ne sont pas encore " patents " au moment oùles mesures sont proposées et apparaissent alors moins évidentes aux familles et autres professionnels prenant en char-ge la personne polyhandicapée.

Des échanges sont, dans ce cas, plus que jamais nécessaires pour éviter que ces appareillages ne soient vécus surtoutque comme des contraintes avec le risque d’être peu ou non utilisés.

Dans certains cas, même pour les professionnels " avertis ", cette dimension " préventive " rend les indications d’appa-reillage et, encore plus, de chirurgie difficiles à poser et à proposer.

C’est ainsi que la précarité de l’état général ou l’évolutivité connue de la pathologie causale rendent parfois les indica-tions difficiles à poser. Mais, à ce propos, nous avons constaté, à plusieurs reprises, que certains enfants polyhandica-pés ayant passé des périodes de grande fragilité qui avaient entraîné une mise au second plan de la prévention ortho-pédique, retrouvaient ensuite une certaine stabilité avec une amélioration de leur état général mais un état orthopédiquegravement compromis aux conséquences néfastes à plus long terme.Ceci nous a amené à apprécier différemment les indications des mesures à proposer, dans certains cas cependant ellesrestent difficiles à évaluer.

Par ailleurs, si le caractère prévisible de l’évolution peut être établi avec certitude pour certains aspects, il peut être pluscontesté pour d’autres et il faut sans doute poursuivre les travaux sur ces critères évolutifs afin de pouvoir étayer encoreplus finement les indications et mieux les ajuster.

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Les installations et les appareillages sont proposés dans une visée de confort, d’amélioration fonctionnelle dans lesdifférents aspects et de prévention orthopédique.

Le "cahier des charges" est donc vaste, varié et variable d’une personne polyhandicapée à l’autre et pour la même personne polyhandicapée en fonction des différents temps de la journée : détente, sorties, jeux, repas, activités… néces-sitant des positionnements adaptés différents.

Tous ces aspects doivent être pris en compte dans les propositions d’installation et le fait de prioriser tel ou tel aspectde l’objectif peut être source d’incompréhension, de non-utilisation ou de conflit au sein de l’équipe de professionnelset/ou avec la famille.L’idéal serait de pouvoir proposer des positionnements différents adaptés prenant en compte tous ces objectifs deconfort, fonction et prévention orthopédique et que, pour cela, les installations soient plus modulables.

Si les personnes polyhandicapées sont maintenant beaucoup plus " installées " et mieux " installées " qu’il y a vingt ans,un risque apparaît, semble-t-il, surtout lorsque la personne polyhandicapée prend de l’âge et du poids, c’est que, dansce contexte " d’installation " elle ait de moins en moins la possibilité d’exprimer sa motricité, de bouger et que cela contribue ou aggrave la perte de ses capacités motrices préservées.

Cette installation peut aussi entraîner, à la longue des problèmes cutanés et douloureux pour les personnes polyhandi-capées incapables de modifier elles-mêmes leurs points d’appui.Les changements de position et les mobilisations doivent donc être proposés pour rendre cette station assise plusconfortable et mieux tolérée dans la durée.Si ces changements de position sont plus facilement proposés à l’enfant au cours de la journée, ils deviennent de plusen plus difficiles pour l’adolescent et l’adulte.Mobiliser les personnes polyhandicapées adolescentes ou adultes n’est pas simple ; les lève-personnes sont plus oumoins adaptés, souvent difficiles à utiliser lorsque la personne est installée dans son siège moulé ; ils atteignent parfoisdifficilement le niveau des tapis de sol.

Des aménagements sont nécessaires pour les temps " hors " du siège moulé, aménagement permettant la détente, lechangement des appuis et permettant aussi de bouger.

Les changements de position, les mobilisations ne relèvent pas exclusivement des professionnels de la rééducation maisdoivent être proposés, tout au long de la journée par tous les accompagnants de la personne polyhandicapée qu’ilssoient familiaux ou professionnels.

Il apparaît, cependant, très important d’insister sur la nécessité de mieux reconnaître et prendre en compte les besoinsimportants de rééducation et en particulier de kinésithérapie des personnes polyhandicapées. Il y a, actuellement, unesous évaluation de ces besoins qui s’aggrave avec l’âge et devient très préoccupante pour les personnes polyhandica-pées adultes. A cette sous-évaluation des besoins s’ajoute une difficulté de recrutement de kinésithérapeutes, difficultéqui s’accentue d’année en année et aggrave encore une réelle situation de carence de soins de la personne polyhandi-capée en particulier à l’âge adulte.Les kinésithérapeutes présents devant assurer l’adaptation de l’appareillage, la kinésithérapie respiratoire dont lesbesoins sont importants pour cette population, ont souvent très peu de temps disponible pour assurer l’entretien de lamobilité articulaire, la stimulation motrice et les autres prises en charge de kinésithérapie nécessaires à la personne polyhandicapée.Ceci peut entraîner la non-motivation ou la démotivation aggravant encore ce problème de l’accompagnement kinési-thérapeutique très préoccupant actuellement.

Conclusion

Malgré ces difficultés, les aspects négatifs et les contraintes de l’appareillage qui ont été évoqués (matériel lourd, encom-brant, contraignant, inesthétique, marqueur du handicap, cher…) cet appareillage apporte un bénéfice certain aux personnes polyhandicapées.

Certaines situations très difficiles de personnes polyhandicapées adultes, mal ou non installées, nous amènent à mesurer combien cette installation est nécessaire et combien elle contribue au confort, à l’amélioration de l’interactionde la personne polyhandicapée avec son environnement et, par-là, à sa qualité de vie. Cependant, cette installation nereste possible que si la prévention a maintenu un état orthopédique suffisamment correct pour permettre cette stationassise.

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