Stephen Bouquin - Domination au travail ou domination du travail abstrait ? La contribution de Jean-Marie Vincent à une sociologie critique du travail (2006)

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  • 8/9/2019 Stephen Bouquin - Domination au travail ou domination du travail abstrait ? La contribution de Jean-Marie Vincent

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    tions humaines et dElton Mayo. Au cours de laprs-guerre, lmergence du fait syn-dical une chelle de masse trouvait un cho dans le monde scientifique, avec la tho-rie des relations industrielles de John T. Dunlop 4 et la sociologie des organisations deFritz J. Roethlisberger 5. Les relations collectives de travail formaient le sous-sys-tme de relations industrielles. Si le conflit social tait reconnu, ctait pour mieuxlinstitutionnaliser et le pacifier. Mme ltude du travail ouvrier dans sa traditionethno-mthodologique, telle que pratique par Donald Roy, tait marque par lesouci dune plus grande entente entre direction et collectifs de travail, dune moindreperte de rendement 6.

    linverse de ce que lon pourrait penser aujourdhui, la tradition critique hexago-nale ne sexplique pas tant par lancrage idologique gauche que par le contextesociopolitique, et plus particulirement la combinaison singulire dun taylorismeavec un autoritarisme patronal et antisyndical. Que le patronat franais ait pu prser-

    ver aussi longtemps des orientations antirpublicaines et antisyndicales ne pouvait quetourner la recherche sociologique vers ltat. Certes, le rgime bonapartiste gaullisteimposait une modernisation conservatrice, mais un changement de rgime politiquesemblait porte de main et justifiait donc une attente de rforme par le haut .Rappelons aussi que les schmas et grilles danalyses dalors induisaient une interpr-tation bien prcise des changements en cours. Dj, dans les annes soixante, les tra-vaux dAlain Touraine privilgiaient une interprtation optimiste des transformationstechniques du travail : la premire phase du travail professionnel stait substitue ladeuxime phase du travail spcialis et dqualifi, correspondant aux industries defabrication (le taylorisme). Progressivement succderait celle-ci une troisime phase

    de travail requalifi, correspondant aux industries de processet de flux, o le travailouvrier cesserait dtre physique pour redevenir intellectuel. La question sociale tantrgle par le plein emploi et laccs la socit de consommation, le travail ouvrier dis-paraissant, la question du pouvoir serait lunique enjeu conflictuel au sein du travailce qui, tt ou tard, conduirait une dmocratisation des relations de travail 7. Dansles annes soixante-dix, beaucoup de travaux en sociologie du travail avaient focalislanalyse critique sur le contenu du travail (monotone, rptitif, parcellis, dshuma-nisant et pnible), sans trop mesurer comment ce contenu tait galement le reflet desfaiblesses de laction syndicale sur les conditions de travail et dune recompositionsocio-dmographique rcente du salariat (lintgration des femmes, immigrs etruraux dans le salariat). La concidence de nouvelles formes dorganisation du travail(cercles de qualit, expression directe, etc.) avec une modernisation technologique etles lois Auroux (1982-1984) explique pour une grande partie lengouement de nom-breux sociologues pour lentreprise enfin dmocratise, le travail enfin enrichi, et lastbut not least, le travailleur enfin reconnu pour ses qualifications et comme sujet por-teur de droits individuels et collectifs. La critique sest donc dsarme elle-mme enpensant que lessentiel de la bataille tait livr. Elle ne ltait pas. La crise de profita-bilit des entreprises et la rcession conomique du dbut des annes quatre-vingtimposeront avec force une rationalit conomique oublie au cours dune re de pros-prit. Les transformations du travail devaient donc non seulement humaniser celui-

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    ci, mais aussi et surtout favoriser un retour des profits et de la croissance. La relecturedes trente glorieuses par les conomistes rgulationnistes en terme de rgime dac-cumulation , de compromis fordiste , proposait de btir un nouveau cercle ver-tueux de croissance qui combinerait lconomie de la varit avec un travailpolyvalent. La ralit fut moins prosaque, puisque le rtablissement dune profitabi-lit suffisante exigeait des rationalisations avec pertes massives demplois (1979-1985),le blocage des salaires rels pendant plusieurs annes (1983-1989), labolition delchelle mobile des salaires, et enfin la flexibilit contractuelle (CDD) et temporelle(annualisation). Les nouveaux modes de travail, la polyvalence et lenrichissement destches avaient dpass le taylorisme , sans quadvienne une nouvelle division du tra-vail fondamentalement distincte. Bientt, linscurit sociale et la menace du chmageaidant, les conditions de travail se dtrioreront nouveau.

    Paralllement cette rorganisation conomique et sociale profonde des mondes du

    travail, la sociologie du travail cdait le pas une sociologie bien moins critique desentreprises et des organisations 8. Cela ne fut pas forcment une rgression scienti-fique : sortir des ornires de latelier, dlaisser un certain ouvririsme, prendre encompte lensemble des acteurs, leur poids dans la construction des normes et rglestout cela a certainement permis douvrir la rflexion sur de nouveaux objets, dint-grer une complexit sociale et de reconnatre lexistence de dynamiques sociales mul-tiples, qui ne relvent pas seulement dune opposition binaire entre travail et capital.Cest galement au cours de cette priode que la question de la domination sestvanouie, et que lon escomptait lavnement dun monde du travail sans tensions niconflits structurants.

    Une pense contre-courantDe la dcennie qui court de 1977 1987, Vincent est de ceux avec Naville et

    Rolle, mais aussi des penseurs allemands comme Oskar Negt ou Gerhard Brandt 9 qui poursuivent et actualisent une critique originale du travail. Celle-ci a pour pointde dpart le fait de prendre en compte sa forme sociale prdominante, et non le tra-vail en gnral. Pour lanthropologue Maurice Godelier, toute dfinition immanentedu travail est impossible : En adoptant le point de vue comparatif, celui de lan-thropologue et historien : socits capitalistes et prcapitalistes, socits capitalistes etpostcapitalistes, chaque fois, le travail, le travailleur, ces catgories changent decontenu, condition mme quelles existent 10. Comprendre lnigme du travailimplique de prendre en compte les rapports sociaux qui se nouent au travers de cetteactivit humaine. Dans sa ralit moderne, le travail sexerce majoritairement sous uneforme salariale qui dsigne un rapport social. La nature contractuelle de ce rapportexprime mal sa ralit. Si le contrat de travail implique la reconnaissance de la subor-dination dans lexercice du travail, peut-on considrer cette subordination compense,et donc en quelque sorte annule, par une juste rmunration? Non, car la relationqui se noue dans le travail implique deux dimensions :primo, la valeur dchange du travail sur le march du travail (son prix ou sa rmunration) 11 et secundo, la valeur

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    quelle produit par lusage quen fait lacheteur, cest--dire le capitaliste. Le salaire, entant que forme de rmunration, dissimule lextorsion de surtravail et se donne lareprsentation du prix du travail, sorte de valeur du travail. Dans la mesure olachat de cette force de travail implique invitablement une libre disposition de celle-ci, il y a lieu didentifier une subordination dans leprocessde travail, qui va se doublerde la contrainte de tirer ses ressources vitales de la vente de sa force de travail. Enreconnaissant lexistence de cette double contrainte, la relation salariale apparat pource quelle est rellement, la fois rapport conomique et rapport de domination.

    Cet aspect napparat que tardivement dans les crits de Marx qui, dans ses uvresde jeunesse et notamment dans Les Manuscrits de 1844, a entretenu lide dun travailcomme autoproduction de lhomme. Or, toute sa rflexion ultrieure consista sedgager de cette approche tlologique. Pour Vincent, il est essentiel de comprendreque chez Marx la gnralit du travail ne renvoie pas au travail en gnral ni lpa-

    nouissement de lactivit humaine, mais au contraire une gnralisation dun rap-port social de production o le travail est un moment dans la mise en rapport de laforme-valeur de la technique et la forme-valeur de lactivit, pour donner une forme-valeur des produits devenant marchandises 12. Ce que Marx expose ainsi dans lesFondements de la critique de lconomie politique : Le travail ainsi que le produit nesont plus la proprit du travailleur particulier et isol. Cest la ngation du travail par-cellaire, car le travail est dsormais collectif ou associ, tant sous sa forme dynamiqueque sous sa forme arrte ou fige du produit, est pos directement comme tant dif-frent du travail singulier rellement existant. Cest la fois lobjectivit dautrui (pro-prit trangre) et la subjectivit du capital 13. Une totalisation dans et par le travail

    devient alors impossible, puisque cest le capital qui totalise et reproduit les relationssociales. Le travail en tant que rapport social se dtache de ceux qui le produisent,pour se les subordonner et les entraner dans le mouvement de valorisation 14.

    Contrairement lanalyse proudhonienne, le travail totalisant de lartisan ne sedcompose pas sous les effets de la division manufacturire du travail ou des tchesrptitives, mais par la domination du travail abstrait , qui dsigne ici le caractresocial du travail, sous forme de travail mesurable et quantifiable, napprciant dans letravail concret (individuel) que la capacit de produire de la plus-value et de partici-per la reproduction largie du capital. La domination que Marx dsigne par le des-potisme de fabrique doit donc plutt tre comprise comme un despotisme du travailabstrait et de la forme-valeur sur les relations sociales. Ce despotisme reprsente uneforme de subsomption (ou soumission) relle et non pas formelle, puisquelle sestdpouille de cadres rglementaires 15. Dans cette optique, la subsomption du travailnest pas seulement soumission au commandement du capital dans le rapport au tra-vail, elle est aussi soumission des processus abstraits de socialisation. Ceux-ciconcernent autant les oprations sociales produisant le travail abstrait (la formationprofessionnelle, la constitution du march du travail, la forme-valeur des produits dutravail) que la technologie dont leffet social est dinduire des modes spcifiques derelation aux milieux techniques, un positionnement dans le procs de travail et dans

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    les relations aux autres. La subsomption est plus fondamentalement soumission auxformes de lchange marchand qui formalisent et estampillent les changes, la com-munication et lagir humain. Par le ftichisme de la marchandise, [] la socialitnest pas faite que de rapports humains, mais de rapports entre des objectivations ani-mes et les hommes, entre les prolongements techniques des activits humaines etlagir subordonn des hommes 16. Le travail salari est la fois captation dnergie autravers de la logique de valorisation, le processus daccumulation de capital, mais aussiconflit et rsistance cette subsomption relle. Le travail comme pratique concrte,transformatrice, rciproque du sujet et de lobjet, est positif, alors que le travail soussa forme abstraite et socialise apparat comme une ralit ngative, bien quil articuleles individus les uns aux autres. la suite de Rolle, Vincent reprend lide que le tra-vail concret na plus rien voir avec le travail artisanal et quil ne pourra y retourner 17.Ce travail artisanal, port au pinacle par les philosophes et les conomistes qui chan-

    tent la ralisation de soi, nest rien dautre quune transfiguration idologique, unelgende comme il le dira plus tard (1995). Le modle de lactivit tlologique de ra-lisation de soi dans le travail ne peut donc exister que de manire priphrique, mar-ginale, sinon comme ralit inverse des autres formes de travail.

    Simultanment, la domination du travail abstrait permet darticuler le salariat ladivision sexuelle du travail tout comme celle des temps sociaux. En effet, cette domi-nation ne se fait pas seulement sentir dans les institutions comme lcole (prparantau travail), mais galement au sein de la famille o lactivit de la mre, tourne versllevage et la reproduction de la force de travail, se prsente comme un travail domes-tique harassant qui laisse peu de place pour des activits propres, surtout lorsque cette

    mre travaille professionnellement18

    . Pour Vincent, mme la fin du XXe

    sicle, lesfemmes demeurent assujetties des dispositifs symboliques et matriels qui leur fontapporter une triple contribution la production du travail abstrait : Elles procrentet lvent la future force de travail; elles dchargent les hommes de beaucoup detches, ce qui les rend plus disponibles pour le travail et elles occupent enfin lesemplois les plus subordonns et les moins bien pays dans les usines, les bureaux et lesadministrations 19. Par consquent, labstraction sociale du travail pse de son poidssur elles . Si cette analyse ne faisait que rendre cho aux travaux dauteurs fministes(Christine Delphy, Helena Hirata, Danile Kergoat), elle devait nanmoins conduire une reformulation des problmatiques et une intgration des rapports sociaux desexe et des relations de travail salari, ce qui ntait possible quen prenant en comptele rle de ltat et de la dichotomie entre espace public et espace priv.

    De manire unanime, on admettra que le temps de travail a toujours jou un rlecentral dans lvolution de la condition salariale. La flexibilisation du temps de travailfut en revanche longtemps sous-estime sinon apprhende de manire unilatrale-ment positive. Sopposant lide dune mancipation rampante de lactivit cap-te par rapport labstraction du travail, Vincent considre que la flexibilit reprsenteun extraordinaire oprateur de domination qui ramne sans cesse les activits de pro-duction dans des agencements de dpendance et de subordination. Pour lui, la flexi-

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    bilisation du temps de travail est une vritable atteinte la plasticit humaine20 ;elle contient lexigence dairain de la soumission de toutes les temporalits sociales celle du travail, et ceci concerne dautant plus les strates suprieures du salariatquelle reprsente la condition dune mobilit professionnelle ascendante pour lesindividus. La domination du travail abstrait est donc aussi une domination de la tem-poralit du travail sur les autres temporalits sociales.

    Le retour dune thmatique oublieDepuis la seconde moiti des annes quatre-vingt-dix, la question de la domination

    est redevenue lobjet dune rflexion sociologique. La publication de deux numrossuccessifs sur cette thmatique dans les Actes de la Recherche en Sciences Socialesen1996 reprsente sans doute le point de basculement 21. Plusieurs enqutes sur lesconditions de travail notamment de la DARES 22 avaient prcd ces publications,

    mettant en vidence que le travail navait que marginalement chang : lusage de lachane (par convoyeur) stendait depuis la fin des annes soixante-dix 23, et les condi-tions de travail (pnibilit, intensit, usure) se durcissaient tandis que les modes demise au travail semblaient hsiter entre lancien et le nouveau. Dans le champ de lasociologie du travail, certains avaient commenc critiquer lavnement du post-tay-lorisme 24. Mais quelques annes plus tard, la controverse autour du post-taylorisme afini par spuiser delle-mme, car aucun des protagonistes navait totalement raisonou tort, et il fallait bien observer comment lancien et le nouveau cohabitaient pourdonner lieu des ralits aussi hybrides quinstables. Le retour de la problmatique dela domination sannonce aussi avec les travaux de psychosociologues et psycho-

    dynamiciens : Nicole Aubert et Vincent de Gaulejac portaient le regard sur le cotde lexcellence , tandis que Christophe Dejours mettait en avant les thmatiquesdusure puis de souffrance au travail 25. Progressivement, une nouvelle critique du tra-vail merge avec la mise en cause de lintensification, des dispositifs de mobilisation,dvaluation, de contrle, mais aussi disolement, de mise en concurrence des indivi-dus et de culte de la performance. Depuis lors, la question de la domination au tra-vail est devenue un objet en soi. Nous retiendrons ici deux auteurs : Danilo Martucelliet David Courpasson 26. Le premier refuse toute conception totalisante de la domina-tion, et propose dans Dominations ordinairesune grammaire permettant de saisir lex-tension et la diversification des formes de domination. Dans un article publi dans laRevue franaise de sociologie, Figures de la domination , Martucelli propose de croi-ser deux grands axes analytiques 27 : outre les formes de domination perues commedes contraintes insurmontables, se dvelopperaient des expressions paradoxales dela domination, qui conjuguent assujettissement et responsabilisation. Il dresse enfinquatre grands idaux-types de lexprience de la domination qui ne se limitent pas la sphre du travail : linculcation, limplosion, linjonction, la dvolution.Courpasson montre de son ct comment les formes contemporaines de dominationau travail sont devenues impersonnelles, composes de normes, de procdures et tra-vesties par le march. Convergeant ici avec les observations de Danile Linhart et

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    Jean-Pierre Durand sur limplication contrainte, Courpasson dsigne lexistence de communauts molles , cadre partir duquel sorganise et se rationalise la coopra-tion dans le travail, mais qui entrave en mme temps la constitution de groupes et col-lectifs autonomes. Les dispositifs de contrle recherchent lassentiment de la part desindividus, afin quils donnent sens leur subordination; un sens qui leur est nces-saire afin de pouvoir se dvouer corps et me au travail, en poursuivant une carrireet en prennisant la valorisation symbolique toujours aussi incertaine que leur inser-tion professionnelle. Il retient lhypothse dune soumission lucide de la part des sala-ris, et le fonctionnement des organisations reposerait plutt sur un rapportdacceptation des principes dobissance que sur le marchandage et la ngociation. Ilreste enfin identifier quel serait le seuil de tolrance de la soumission, la difficulttant que ce dernier tend slever sous la menace de la disqualification profession-nelle et du licenciement 28.

    On peut dire, de manire plus gnrale, que ces travaux mettent en vidence la ten-dance labstraction de la domination, qui devient une sorte de coercition invisible comme le dit Loup Wolff29. Disons-le, le retour dune sociologie critique des ralitscontemporaines du travail a le mrite de ne plus laisser une part de la ralit socialedans lombre, de dvoiler lexistence de politiques dentreprise, comme de chasser la mythologie de lautonomie et de la crativit. En ce sens, ces travaux participent demanire considrable une lucidation du social. Sil faut saluer le retour dune socio-logie critique du travail et du management, il faut en mme temps constater quelle secantonne la plupart du temps dsigner et dconstruire des dispositifs internes len-treprise, que ceux-ci soient de nature socio-organisationnels, psychologiques ou sym-

    boliques (avec une nouvelle smantique des mtiers et une culture dentreprisecommunautariste). Certes, les travaux de Luc Boltanski et ve Chiapello, mettant cesdispositifs en rapport avec un nouvel esprit du capitalisme , largissent la perspec-tive et font relativement consensus sur ce plan-l (peut-tre moins dans la confusionentre discours et corpus lexicaux dune part et pratiques du management dautrepart) 30.

    Selon nous, ce retour de la thmatique de la domination en sciences socialesdemeure nanmoins marqu par certaines limites, notamment sur un plan conceptuelet thorique. Pour beaucoup dauteurs, les dfinitions explicites ou sous-jacentes de ladomination sont dabord dinspiration weberienne; la domination signifie alors obis-sance, consentement et doit tre lgitime 31. Pierre Bourdieu a, quant lui, enrichicette dfinition avec la notion dhabitus, dsignant lintriorisation des normes etvaleurs et prolongeant ici lapproche dmile Durkheim. Ce dernier considre les faitssociaux comme des contraintes, extrieures lindividu et simposant lui au traversde la morale, des normes et valeurs 32.

    Or, face la varit de situations, la tentation est grande de juxtaposer plusieurstypes de dominations. En son temps, Weber distinguait les formes rationnelles, cha-rismatiques ou bureaucratiques, tandis quaujourdhui ces dominations seront cono-miques, symboliques ou politiques. Dans lexamen des relations de travail, cela peut

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    poser quelques problmes. En effet, cette juxtaposition tend cloisonner, distingueret finalement effacer la cohrence globale des formes de domination, leur sens com-mun si on veut. Autrement dit, la plupart des analyses sensibles la question traitentde la domination au travail et nullement de la domination du travail, et plus particu-lirement du travail abstrait , comme le proposait Vincent. Or, la domination autravail ne fait quexprimer de manire visible la domination du travail abstrait. Ensabstenant de faire remonter lanalyse de la domination au travail jusquau travail lui-mme non pas comme ralit mythique ou idelle mais comme ralit concrte quiprend la forme dune abstraction impose la volont des individus cest bien ladomination sur la matrialit des relations sociales qui est mconnue. Or, le rapportsalarial exprime aujourdhui toute sa force, son indpendance par rapport ses com-posants, et en premier lieu le travail vivant. On peut lobserver dans les formes dusagede soi par soi, au niveau de la subjectivit maltraite par les pratiques et discours du

    management de lautocontrle la logique de comptences, de lempowerment laqualit totale. cet gard, Vincent parlait d oprateurs disolement , tels la valori-sation individuelle et le culte de la performance, mais dont leffet nest pas unilatra-lement positif dun point de vue managrial, puisquils produisent des formesmonadiques et paranoaques dauto-ralisation qui alimentent ces conduites rebours(identification, auto-agression, harclement) 33.

    Mconnatre les liens qui unissent la domination au travail avec la relation salarialene dbouche pas seulement sur un clatement de lanalyse, mais alimente aussi, lins-tar des analyses de Friedmann et Touraine au cours des annes cinquante et soixante,lespoir de lavnement dun travail sans domination qui omet de poser la question de

    ses conditions sociales de ralisation. La critique contemporaine de la domination autravail demeure tente par un dualisme analogue celui qui opposait le mauvais travail (dgrad, tayloris, monotone et alinant) au bon travail (enrichi, auto-nome, artisanal) 34. lpoque, ce dualisme na cess dtre critiqu par Naville etRolle. Pour ces auteurs, lanti-thse du travail salari se nommait jouissance, jeu,comdie, non-travail, et au lieu dune rforme du travail il fallait en rduire la dureet transformer son contenu social 35. Or, notre poque, la tentation dopposer mau-vais et bon travail rencontre quelques difficults objectives. Quelle serait en effetla forme de travail sans domination ? Quelle figure sociale pourrait lincarner? Lestravailleursfree-lanceou les intermittents? Cela semble difficile Pour les premiers,le nombre de donneurs dordre (de clients) tend se restreindre tellement que lonprfre les dsigner comme parasubordonns se situant la lisire du salariat tan-dis que pour les seconds, la libert dans lactivit laborieuse associe la continuit derevenu a pour corollaire une mise sous tutelle (surveillance) de ltat. Au final, il nereste gure que les nouveaux sublimes informaticiens, ingnieurs et technicienssuprieurs dont la raret des comptences sur le march de lemploi permet de jouirdune certaine forme dautonomie socio-conomique et professionnelle, mais dont lenombre restera forcment limit. Aucune figure sociale ne semble donc sannoncerempiriquement pour incarner le bon travail, et les analyses sociologiques de la

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    pensable dintgrer la subjectivit, mme mutile ou nie, dans le champ de lanalysedu travail 45. On ne peut quabonder dans le sens de la proposition faite par AlexNeumann, poursuivant ici la rflexion dOskar Negt et Alexander Kluge, de lier sub-

    jectivit, travail et espace public afin de runifier conceptuellement les moments dif-frencis de la vie sociale. Il devient alors possible de reconstituer la logique dactionpsychologique, sociale et politique de la force de travail qui se voit confronte larationalit du capital sans pouvoir se dissoudre en elle [] et de poursuivre le pro-

    jet de dvelopper une conomie politique de la force de travail vivante qui nest ni unesociologie de la rationalisation capitaliste ni une dduction de la thorie de la valeur,mais une sociologie du conflit se jouant entre soumission aux abstractions du capita-lisme et existence vivante 46.

    Si un certain pessimisme proche de ses inspirateurs de lcole de Francfort a tou-jours perc dans les crits de Vincent, il faut en mme temps reconnatre la qualit de

    son observation, et surtout son audace dans le choix davoir su dplacer les lignes delopposition entre capital et travail au lieu de les effacer : que ce soit dans les rsistancesau taylorisme et les conduites de retrait par rapport au travail des annes sans chmagecomme dans la crise contemporaine de lethosde travail que lon peut dceler chez lespopulations au chmage et parmi les segments qualifis du salariat. Le fait de mettreen rapport ces conduites avec un possible avenir parachve en quelque sorte le rai-sonnement. En effet, Vincent considrait que les agencements contemporains de laproduction facilitent la circulation dans leprocessde production. Pour lui, lmergencedungeneral intellect sorte de rflexivit et dintelligence collective de lorganisationdu travail pouvait contribuer lextinction de la division sociale du travail 47. Mme

    si cegeneral intellectest brid par la valorisation et la recherche de profit, mme si lapuissance sociale des collectifs de travail est absorbe dans le processus de production,ce processus devient de plus en plus sensible la coopration et la motivation. Cestl le talon dAchille de la domination, puisque la coopration menace en permanencedentrer en conflit avec le travail abstrait et sa logique de valorisation. Tout lart dumanagement des ressources humaines consiste alors repousser ce conflit aux marges.Fondamentalement, la rsistance la domination du travail abstrait peut donc aussise mener au sein mme du travail, ce que les thses de lexode dAndr Gorz refu-saient 48. Lexpression au sein du travail nest triviale que lorsquon la comprendcomme au sein de latelier ou du bureau; elle lest beaucoup moins quand ondsigne ici la nature collective du travail, qui dborde lenceinte de lentreprise etprend forme lchelle de la socit. La dfense dun certain droit inconditionnel aurevenu permettrait alors de faire converger la bataille pour labolition du chmageavec celle pour la transformation des relations au travail afin quelle devienne mouve-ment dabolition pratique du salariat vers lavnement dun rpublique de lgali-bert (pour utiliser lexpression dtienne Balibar) et lextinction du royaume de lacontrainte .

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    1 Stephen Bouquin est matre de confrences en sociologie lUniversit dAmiens et y dirige la revueLes Mondes du travail. Il vient de publier La Valse des crous. Travail, capital et action collective dans lin-dustrie automobile (1970-2004), Syllepse, 2006.

    2

    Cet article reprend et augmente notre communication au colloque Hommage Jean-MarieVincent 27 mai 2005 Universit de Paris 8.3 Rappelons ici larticle de Jean-Marie Vincent La domination du travail abstrait publi dans le

    numro 1 de la revue Critiques de lconomie politique, 1977; louvrage Critique du travail. Le faire etlagir, PUF, 1987; de nombreux articles publis dans la revue Futur antrieur, ainsi que La lgende dutravail in : Pierre Cours-Salies (coord.), La Libert du travail, Syllepse, 1995, et encore Flexibilit dutravail et plasticit humaine , publi dans le volume Crise du travail, coordonn par Jacques Bidet et

    Jacques Texier, PUF, 1997.4 Voir John T. Dunlop, Wage Determination under Trade Unions(1950); Collective Bargaining(1962);

    The Industrial Relations System (1977).5 Voir Fritz J. Roethlisberger, William J. Dickson,Management and the Worker : Early Sociology of

    Management and Organizations, Routledge, 2003 (Science Editions, 1964).6 Donald Roy, Un sociologue lusine, textes prsents par J-P. Briand et J-M. Chapoulie, La

    Dcouverte, 2006.7 Voir Alain Touraine, La Conscience ouvrire, Seuil, 1966, ainsi que la critique de Marcel David, Les

    Travailleurs et le sens de leur histoire, 1967.8 Nous pensons ici aux travaux de Philippe Bernoux, Renaud Sainsaulieu, Denis Segrestin. Pour une

    critique de ce tournant scientifique, voir Joseph Romano, Du travail lentreprise, dune sociologie lautre , in Sociologia del lavoro, 66-67.

    9 Gerhard Brandt, Arbeit, Technik und gesellschaftliche Entwicklung, Transformationsprozesse desmoderne kapitalismus, 1971-1987, Suhrkamp, 1990; Oskar Negt, Alexander Kluge, ffentlichkeit undErfahrung, Suhrkamp, 1972; Geschichte und Eigesinn, 1984; Pierre Rolle, Travail et salariat. Bilan de lasociologie du travail, PUG, 1988.

    10 Maurice Godelier Travail et travailleur : perspectives anthropologiques et historiques, problmesactuels in Que va devenir le travail? Socit Franaise de psychologie du travail, 1978, pp. 29-40.

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    Que le salaire soit devenu un barme, une institution rglemente et rgule par des ngociationset des relations professionnelles modifie la situation mais ne la transforme pas. La valeur dchange de laforce de travail stablit galement par la situation du march de lemploi, de loffre et de la demande demain-duvre. Au-del de la captation du surtravail, le salari est en situation de concurrence avecdautres salaris. Dans la relation entre vendeur et acheteur de la force de travail agissent aussi les absents , notamment le contingent industriel de rserve, renvoyant la dynamique densemble ducapital qui sexprime dans lexistence de classes sociales o les salaris sont libres, mais sans proprit suf-fisante pour initier une dynamique daccumulation, ce qui les contraint trouver un employeur, sinon sauto-employer.

    12 Lire ce propos le chapitre IV de Critique du travail, le faire et lagir, PUF, 1987, pp. 93-122.13 Karl Marx, Fondements de la critique de lconomie politique, 1967, t.1, p. 43514 Parmi plusieurs textes o J-M. Vincent expose ce raisonnement, voir La domination du travail

    abstrait , in Critiques de lconomie politique, n 1, 1977, pp. 19-49 et La dstabilisation du travail

    vivant in Futur Antrieur, 1996, n 2, pp. 13-32.15 Il y a une soumission formelle au commandement du capital lorsquil sagit simplement dun com-

    mandement qui laisse relativement intacts, par exemple au niveau de la force de travail, les mtiers, lessavoir-faire, les tours de main; et les travailleurs, dans la soumission formelle au stade de la manufacture,restent encore largement possesseurs de leur force de travail. Aujourdhui, travers tous les processus tech-nologiques, travers tous les dispositifs mdiatiques divers, travers la marchandisation, la subsomptionrelle tend tre totale, bien que la subsomption relle ne puisse jamais tre complte de mme que lesindividus ne sont jamais totalement de fiables supports des rapports sociaux capitalistes. Dune certainefaon, ils sont des supports branlants. , J-M. Vincent, propos de lappropriation du capital : La bar-barie ordinaire , in Revue Politique virtuelle, n 13-14, 2003. http://www.alencontre.org/archives

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    16 Jean-Marie Vincent, La lgende du travail in P. Cours-Salies (coord.), La Libert du travail,Syllepse, 1995, p. 77.

    17 Voir ce propos aussi P. Rolle, lorigine de la sociologie du travail, proudhonisme et marxisme ,

    in C. Durand, P. Dubois, Le Travail et sa sociologie. 1985, pp. 94-114.18Jean-Marie Vincent, Flexibilit et plasticit humaine , in J. Bidet, J. Texier, La Crise du travail,Actuel Marx, PUF, 1997, p. 156.

    19 Ibid., p. 157.20 Ibid.21 Actes de la Recherche en Sciences Sociales, numros 114 et 115, 1996, avec des contributions de

    G. Balazs, M. Pialoux, S. Beaud, A. Gorgeu, R. Mathieu, M. Gollac, S. Volkoff, J-P. Faguer, B. Lefebvre,P. Fournier, G. Mauger, L. Wacquant, L. Duroy. M. Maruani, S. Dassa, D. Maillard et P. Bourdieu.

    22 Direction de lanimation et de la recherche des tudes et des statistiques. Ministre de lemploi, dela cohsion sociale et du logement.

    23 DARES, Conditions et organisations du travail et nouvelles technologies en 1991, 1992; MichelGollac, Serge Volkoff, Citius, Altius, Fortius, Lintensification du travail , pp. 55-67, in Actes de laRecherche en Sciences Sociales, n 114/1996.

    24 Jean-Pierre Durand, Robert Boyer, LAprs-fordisme, 1993, J-P. Durand (dir.), Le Syndicalisme aufutur, 1996; avec Danile Linhart, Les Torticolis de lautruche, lternelle modernisation des entreprises,1991; La Modernisation des entreprises, 1994.

    25 Nicole Aubert, Vincent de Gaulejac, Le Cot de lexcellence, 1991; Christophe Dejours, Travail etusure mentale, Bayard, 1993; Ch. Dejours, La Souffrance au travail , in P. Cours-Salies (coord.), LaLibert du travail, 1995.

    26 David Courpasson, LAction contrainte. Organisations librales et domination, PUF, 2000; DaniloMartucelli, Dominations ordinaires, Balland, 2000; voir aussi Martucelli D., Figures de la domination ,Revue franaise de sociologie, 45, 3, 2004, pp.469-497.

    27 Danilo Martucelli, op. cit., 2004.28 D. Courpasson, op. cit., pp. 156-157.29 Cf. lentretien avec Loup Wolf, La domination sans visage. Nouvelles figures de lencadrement ,

    in Cadres-CFDT, n 418, fvrier 2006, pp. 23-31.30 Luc Boltanski, ve Chiapello, Le Nouvel esprit du capitalisme, Gallimard, 1999.31 Max Weber, conomie et Socit, t.1, 1995; Le savant et le politique, 1995.32 mile Durkheim, Les Rgles de la mthode sociologique, 1995 (1937), pp. 5-6. On aurait tort de pen-

    ser que la domination ne reprsente chez lui nullement un objet de rflexion; la coercition qui sexercesur les individus au travers de la socialisation et des institutions est au contraire indispensable afin que lasocit ne se dlite pas, que la cohsion sociale soit maintenue. Tel nest pas forcment le point de vuedfendu par P. Bourdieu dont les lectures de Weber et Marx ont nourri une apprhension critique de ladomination comme violence symbolique et voilement du social. Voir P. Bourdieu, Les Modes de domi-nation , inActes de la Recherche en Sciences Sociales, n 2/3, juin 1976, pp. 122-132.

    33J-M. Vincent, Flexibilit et plasticit humaine , op. cit., 1997.34 Que cette approche opposant mauvais et bon travail ait une telle longvit sexplique aussi

    par la culture politique du mouvement ouvrier. Le choix du bon camp que lon peut faire dans lan-

    tagonisme structurel qui oppose capital et travail tend se traduire par la rhabilitation de la valeur-tra-vail, une revendication de la fiert de la condition ouvrire comme base de mobilisation. Voir lacontribution de Jean-Marie Vincent intitule La lgende du travail , publie dans louvrage collectifcoordonn par P. Cours-Salies, La Libert du travail, Syllepse, 1995. La perte de cette fiert profession-nelle ouvrire, observe par Stphane Beaud et Michel Pialoux dans leur enqute sur la conditionouvrire, signifie-t-elle forcment que la communaut dintrts nexiste quau travers de son auto-repr-sentation symboliques ? Nous pensons pouvoir en douter. Voir ce propos Stephen Bouquin, La Valse descrous. Travail, capital et action collective dans lindustrie automobile, Syllepse, 2006.

    35 Voir P. Naville, Le Nouveau Lviathan. Tome 1 : de Lalination la jouissance, Anthropos, 1957,ainsi que la collection darticles de nature scientifique et politique (P. Naville), La Classe ouvrire et lergime gaulliste, 1964; Pierre Rolle, Introduction la sociologie du travail, 1971.

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    36J-M. Vincent, op. cit., 1997, p. 158.37 Ibid.38J-M. Vincent, op. cit., 1997, p. 161.39

    Ibid.40 Christian Baudelot, Michel Gollac (coord.), Travailler pour tre heureux ? Le bonheur et le travail enFrance, Paris, 2003.

    41J-M. Vincent, op. cit., 1997, p. 162.42 Ibid.43 Ibid.44Jan Spurk, Sur lavenir des thories critiques , in Variations, automne 2005, p. 44.45 On peut se rfrer ici Anthony Giddens, pour qui il existe de manire relativement autonome une

    rflexivit des acteurs et une conscience pratique; voir aussi Tony Andrani, Ce qui rend un rapportsocial mconnaissable , in T. Andrani, M. Rosem (coord.), Structure, systme, champ et thorie du sujet,Paris, 1997, pp. 247-259.

    46 Voir Alex Neumann, Les mains dans le travail, la tte ailleurs? Le salariat entre sphre prive,entreprise et espace public , in Les Cahiers G. Friedmann-CNRS, n 10, 2003.

    47J-M. Vincent, Les automatismes sociaux et le general intellect , in Futur Antrieur, n 19-20,1994, pp. 121-130.

    48 Citons ce propos T. Negri et J-M. Vincent : Ce que Gorz ne voit pas [], cest que les deuxsocits [productive et non productive, SB] sont insparables. Et ceci nest pas seulement d la force detravail, au fait quil value tout laune de sa propre valeur : elles sont surtout insparables parce que laforce de travail seprsente comme essence commune sur lensemble du territoire de la vie, [] Gorz nevoit que cest en partant de lindissociabilit des deux socits (productive et non-productive) ainsi quede lindissociabilit de la crativit du travail ouvrier (social) et de son exploitation, que cest seulement lintrieur de cette constellation quil est possible didentifier l une subjectivit qui nat de la destruc-tion permanente de lexprience de lassujettissement, qui se construit comme alternative la puissanceproductive du capital, si leve soit-elle ? Extraits de Paradoxes autour du travail , in Futur Antrieur,n 2, 1992, pp.6-7.

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