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    Ministre de lEducation de Moldova

    Universit d Etat Bogdan Petriceicu Hasdeu de Cahul

    Facult de Philologie et Histoire

    Chaire de Philologie Franaise

    Support de cours

    Stylistique franaise

    Auteur :Antohi Lilia

    Assistant universitaire

    Cahul, 2010

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    Plan

    1. Stylistique franaise son objet dtude . 3

    2. Le dtournement de sens

    a) Le sens figur ............................................................................................... 7b) Typologie et classement des figures 13

    c) Figure associe : la comparaison ................................................................. 21

    3. Les discours rapports .............................................................................. 28

    4. Larchitecture gnrale de la phrase ....................................................... 40

    5. Lorganisation interne de la phrase et le rythme ................................... 45

    6. La mtaphore

    une figure trs employe .............................................. 487. Analyse stylistique : bases, buts, moyens ................................................ 49

    8. Platitude, Lourdeur, Banalit et mots passe partout .....................50

    9. Le statut de la premire personne ........................................................... 53

    10. Lactualisation dans lnonc littraire .................................................. 54

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    Cours thoriquesI Sujet : Stylistique franaise son objet dtude

    Sans la langue, en un mot, lauteur le plus divinEst toujours, quoi quil dise, un mchant crivain.

    Nicolas Boileau

    La stylistiqueest une discipline issue de la rhtorique et de la linguistique. Elle vise tudier le caractre de littrarit dun texte, cest--dire la fonction du texte qui va au-del de lasimple transmission dinformations. Par exemple, elle sinterrogera sur la pertinence et lefficacitdes figures de style employes telles les mtaphores, mtonymies, litotes ainsi que surlagencement du texte, le vocabulaire et les temps verbaux employs. La stylistique renvoie lanotion de style (ou stile en ancien franais) qui dans lAntiquit dsignait ce poinon defer ou dos qui servait crire sur de la cire, et dont lautre extrmit, aplatie, permettait deffacerce quon avait crit. Il y a quelque chose dmouvant, des sicles aprs, reconnatre dans cetobjet lanctre du stylo. Mais lpoque dj, par glissement mtonymique de linstrument sonrsultat, le style est aussi la manire dcrire, la tournure de lexpression. Cicron lemploie dans

    ce sens figur ds le premier sicle avant notre re. Cependant lun nimplique pas forcmentlautre, et mme aujourdhui il ne suffit pas de tenir un stylo pour avoir une plume. Le style eneffet ne se confond pas avec lcriture, et bien des gens crivent qui nont pourtant aucun style,sauf lentendre au sens large : il y a certes un style administratif, trs reconnaissable, un stylepublicitaire... linverse, parfois, quelques mots suffisent. Lastylistiqueest la discipline qui apour objet le style, qui tudie les procds littraires, les modes de composition utiliss par telauteur dans ses uvres ou les traits expressifs propres une langue. Ltude stylistique duntexte permet de mettre en vidence les moyens mis en uvre par un auteur, dans un cadregnrique dtermin, pour faire partager une vision spcifique du monde (cest--dire ce qui estdit, racont). Lanalyse stylistique dun texte repose gnralement sur ltude de lelocutio, cest--dire, par exemple, ltude du vocabulaire, des figures de style, de la syntaxe, etc. tout en

    conciliant la forme et le fond (= le sens). Ce qui fonde ltude stylistique dun texte est laconvinction que chaque texte littraire vhicule une vision subjective, cest--dire une vision nonneutre. Stylesemploie pour toutes les formes dart et dsigne la manire originale dont travailleun artiste une poque donne. Style semploie pour dsigner une caractristique dun texteselon le type dexpression : on peut parler de style lyrique, pique, etc. Style dsigne aussi lamanire dont un crivain met en uvre la langue (salangue). Lcrivain peut aussi sinspirer dustyle des autres crivains (ou propres dautres poques). On parle de style pour un meuble, unbtiment, une uvre dart (la forme esthtique), mais aussi pour la langue (certaines expressionsplus littraires) et pour des personnes (leur manire dagir). Le style fut dabord lart de biendire.

    Dfinitions

    Selon Cressot toute extriorisation de la pense quelle se fasse par la parole ou aumoyen de lcriture (cest--dire la communication) est un processus subjectif et rhtoriquedestin agir sur le destinataire. Lnonciateur opre donc un choix des procds divers fournipar la langue et affectant diffrents niveaux linguistiques comme la morphologie, la syntaxe,lordre des mots, la lexicologie ou les temps verbaux.

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    PourMarouzeaule style est lattitude que prend lusager, crivant ou parlant, vis--visdu matriel que la langue lui fournit alors que pour le linguiste allemand Leo Spitzer, le styleest la mise en uvre mthodique des lments fournis par la langue .

    Enfin, pourCharles Ballydans son Trait de stylistique franaise la stylistique tudie

    la valeur affective des faits du langage organis, et laction rciproque des faits expressifs quiconcourent former le systme des moyens dexpression dune langue. La stylistique peut tre,en principe, gnrale, collective ou individuelle, mais ltude ne peut prsentement se fonder quesur le langage dun groupe social organis; elle doit commencer par la langue maternelle et lelangage parl. La stylistique peut, en principe, sattacher ltude dune langue morte ou duntat de langage qui nexiste plus; mais en aucun cas elle ne peut tre une science historique; lacause en est que les faits de langage ne sont faits dexpression, que dans la relation rciproque etsimultane qui existe entre eux.

    Pour Buffon, le style, cest lhomme mme, cest--dire que le style, cest lcart parrapport la norme linguistique. Cet cart peut tre de diffrents ordres mais il vise produire un

    effet chez le lecteur (ou chez lauditeur). Georges Mounin distingue le style comme cart, lestyle comme laboration (cependant, prcise-t-il, tout cart ou toute laboration ne fait pasncessairement style) et lestyle et la connotation.

    Michael Riffaterredfend lide que la stylistique tudie les messages comme portantlempreinte de la personne du locuteur.

    La stylistique apparat comme un hritage de diffrents domaines, notamment, la fin duXIX sicle, de celui de la rhtorique, au moment o apparat une thorie de la littrature. Lastylistique doit galement tre mise en relation avec des champs disciplinaires tels que ceux de lalinguistique, de la potique et de la smiotique. G.Molini souligne le caractre simultanmentcomplexe et flou de la notion : La stylistique est la fois une mthode et une pratique, cest--dire une discipline. On en a longtemps gauchi la spcificit, voir contest mme lexistence, en la

    subordonnant son objet vident : le style . Ducrot et Schaeffer ont voqu pour la pemire foislanatagonisme entre stylistique littraire et stylistique de la langue ; ils opposent deux terrainsdanalyse : dune part, la langue et ses occurrences variables par rapport un code, dautre part,luvre littraire dans laquelle lauteur affirme la marque de sa singularit. Stylistiquelittraire : G. Molini estime que lobjet de la stylistique est la littrature, le discours littraire,et non pas, paradoxalement, le style comme pourrait le laisser entendre la morphologie duterme : lobjet majeur et minent de la stylistique cest le caractre spcifique de littraritdudiscours, de la praxis langagire telle quelle est concrtement dveloppe, ralise, travers unrgime bien particulier de fonctionement du langage, la littrature . La stylistique littrarire sefonde surtout sur la notion dcart par rapport une norme collective, et comme le signale parailleurs Ducrot, elle tait son commencement une stylistique psychologique, puisquelledemeurait indissolublement lie lhistoire individuelle de lauteur. Stylistique de la langue :cette approche refuse de se cantonner ltude des textes littraires mais envisage au contraireson terrain dinvestigation dans la parole en gnral. Ch. Bally est un minent reprsentant decette ligne. Un bon disciple de Saussure, il conoit la stylistique comme une extention de lalinguistique. Selon Bally luvre littraire nest quune parole individuelle. Bally dfinit ainsi lastylistique : elle tudie donc les faits dexpression du langage organis au point de vue de

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    leur contenu affectif, cest--dire lexpression des faits de la sensibilit par le langage et lactiondes faits de langage sur la sensibilit .

    Ltude stylistiqueest certes une tude formelle. Mais cest aussi, on loublie bien souvent, unelecture hermneutiqueo domine le souci de la dcouverte dun sens. Sans cela, quel intrt ?

    Aussi, il faut considrer dans un texte la " forme-sens ".Trois questions semblent rsumer globalement la question. Les voici poses :

    Quest-ce que la stylistique? Quest-ce que le style? Quest-ce qui relve du style,dans un texte ?

    La mise jour de laspcificitdun texte par rapport aulangage virtuel de la languenormale.

    La stylistique est hrits de larhtorique. La premire atoutefois une vise esthtique,quand la seconde est plutt unart du discours. La stylistiquea donc pour but de mettre jour un systme expressif,sans oublier toutefois depratiquer une hermneutique partir des conclusions qui en

    sont tires.Moyens :

    I. Outils communs tous lestypes de texte.

    La linguistique : 1ladtermination (actualisationdu nom), 2la reprsentation(pronoms etc.), 3les mots

    outils,

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    le verbe,

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    la phrase. La potique : thoriedu discours. Quest-ce qui

    fait la littralit du texte ? La rhtorique : lart du

    discours efficace. La pragmatique,

    ltude des actes de discours.

    Un sens = plusieurs formes.

    Cest en fait la manire dontun sens est vhicul. Cest le

    choix dun auteur sur unemanire de sexprimer.(Attention ! Une forme peutrevtir plusieurs sens : ironie,allgorie.)

    Dfinition : Cest lacombinaison du choix quetout discours doit oprer parrapport un certain nombrede disponibilitscontenues

    dans la langue et lesvariationsdu choix parrapport ses disponibilits.

    Ces disponibilits peuvent sediviser en sous-codes. Ex :registres de langue. Lesvariations sont les carts,dun texte par exemple, parrapport une " norme "Mme le sens lexicalestsusceptible dune variationstylistique : dans ledictionnaire, il est djactualis.

    Finalement, tout relve de lastylistique : structurephrastique, transphrastique...

    Les figures La prosodie Lorganisation

    (syntaxique, discursive)

    Lnonciation(et laforme quelle prend.Ex : argumentatif,narratif etc.)

    Le vocabulaire Le point de vue(qui

    voit ?)

    Plan possible dans undevoir :

    I. Lnonc Syntaxique Smantique

    II.Lnonciation

    Relations entre actants(traces)

    Les diffrents types dediscours

    La modalit (seulementsi premire personne) :verbes, adverbes,adjectifs etc.

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    La transtextualit :lintertextualit (citations),le paratexte (titres, sous-titres, dates), larchitexte(tout ce qui apparente un

    texte un genre.Hypertexte : transformationdun texte en un autre.)

    II. Outils spcifiques chaquegenre.

    Thtre :

    1. Relation actantielle.

    2. Situation de communication(monologue, doublenonciation...)

    3. Distribution des rpliques(tirades, stychomythies etc.)

    4. Fonction et disposition dupassage : exposition,dnouement.

    5. Rle de la rhtorique et delargumentation.

    Posie

    1. Versification

    2. Forme fixe

    3. Rle des figures

    4. Narrativit : ellipse ouasyndte, par exemple, dans lastructure discursive.

    Saufle schma actanciel.Cela dit, les traces desactants sont relever :pronoms, forme passive,pronominale, impersonnelle,

    etc.

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    II Sujet : Le dtournement de sens

    Leon 1 Le sens figur

    Ce secret dont lcrivain est le seul dpositaire : le style.

    Jean Giraudoux

    Le sens propre dun mot est son sens premier. Les sens figurs sont les sens qui endrivent. En gnral, le sens propre renvoie au sens concret. Ainsi le mot cochon voque unanimal. Les sens figurs sont souvent des sens abstraits ou imags. Le mot cochon peut ainsirenvoyer une personne qui se comporte de manire peu soigneuse. Lopposition entre senspropre et sens figur relve de la polysmie qui veut quun mme mot recouvre gnralementplusieurs sens apparents mais nanmoins diffrents. On dfinit le sens propre dun mot commele sens dun mot considr comme logiquement antrieur aux autres . Les acceptions dun motpolysmique sont dailleurs souvent prsentes dans leur ordre dapparition. Le sens propre est ce

    qui est rel et le sens figur cest les expressions.

    Exemple : Lucie tombedans les escaliers = sens propre, Lucie tombeamoureuse = sens figur

    Le sens dun mot tel que le donne le dictionnaire est le sens dnot. Mais ce mot peut voquerdiffrentes ides, images, impressions, etc. : ce sont les sens connots.

    Exemple : Le serpent : Sens dnot (reptile auu corps allong qui se dplace en rampant) ; Sensconnot (ides de fausset, mchanset, danger, mort).

    Quest-ce quune figure de style ?

    Une figure de style, du latin figura est un procd dexpression qui scarte de lusageordinaire de la langue et donne une expressivit particulire au propos. On parle galement de figure de rhtorique . Si certains auteurs tablissent des distinctions dans la porte des deuxexpressions, lusage courant en fait des synonymes. Les figures de style, lies lorigine lartrhtorique, sont lune des caractristiques des textes qualifis de littraires , elles sontcependant dun emploi commun dans les interactions quotidiennes, crites ou orales, du moinspour certaines dentre elles, comme lillustrent les mtaphores injurieuses du Capitaine Haddockpar exemple. De manire gnrale, les figures de style mettent en jeu : soit le sens des mots(figures de substitution comme la mtaphore ou la litote, lantithse ou loxymore), soit leursonorit (allitration, paronomase par exemple) soit enfin leur ordre dans la phrase (anaphore,

    gradation parmi les plus importantes). Elles se caractrisent par des oprations de transformationlinguistique complexes, impliquant la volont stylistique de lnonciateur, leffet recherch etproduit sur linterlocuteur, le contexte et lunivers culturel de rfrence galement. Chaque languea ainsi ses propres figures de style ; leurs traductions posent souvent des problmes de fidlitpar rapport limage recherch. Par consquent, cet article ne traite que des figures de style enlangue franaise.

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    Les figures de style constituent un vaste ensemble complexe de procds varis et ltudedlicate. Les spcialistes ont identifi, depuis lAntiquit grco-romaine (avec Cicron,Quintilien) des centaines de figures de style et leur ont attribu des noms savants, puis ont tentde les classer (Fontanier, Dumarsais). La linguistique moderne a renouvel ltude de cesprocds dcriture en introduisant des critres nouveaux, didentification et de classement, se

    fondant tour tour sur la stylistique, la psycholinguistique ou la pragmatique. Les mcanismesdes figures de style sont en effet lobjet de recherches neurolinguistiques et psychanalytiques. Lafigure de style est spcifiquement un procd dcriture distinguer de la clause de style , qui met en jeu l effort du locuteur pour constituer la figure, son intention stylistique ensomme, et l effet sur linterlocuteur qui fait appel sa sensibilit. Les figures de style sontdonc dfinies comme un sous-ensemble de la stylistique, constitu par des carts par rapport lusage commun de la langue, un emploi remarquable des mots et de leur agencement. Ellesconcernent ainsi un rapport particulier entre le signifiant (le mot) et le signifi (le sens).Les figures de style sont cependant prsentes constamment, hors la littrature et mme danslexpression non potique comme le montre George Lakoff. Par exemple, dans la mtonymiejournalistique : Llyse a fait savoir . Elles le sont encore davantage dans la langue orale, quicherche retenir lattention du rcepteur et qui use des procds dironie, des jeux de mots, desclichs, de locutions figes ou de raccourcis de langage comme dans lexpression image : Ilpleut des cordes . Cependant, pour Bernard Dupriez, ce nest quoccasionnellement que lesfigures modifient la langue . Cet cart par rapport la norme linguistique induit cependantdes limites dacceptabilit pour une figure de style. En effet, si la figure scarte trop de la normeelle tombe dans le registre des solcismes. Mais le sens est aussi une limite : en effet la phrasepeut tre grammaticalement correcte mais asmantique (sans sens). Lexpression potique inventant des formes, elle chappe ces restrictions. Certains textes surralistes lillustrentparfaitement, tel ces vers :

    la poste dhier tu tlgraphierasque nous sommes bien morts avec les hirondelles.facteur triste facteur un cercueil sous ton brasva-t-en porter ma lettre aux fleurs tire delle.

    (Robert Desnos,La Libert de lAmour, Les Gorges froides.)

    Cest galement le cas de lanacoluthe comme dans la dernire strophe de LAlbatrosdeCharles Baudelaire : Exil sur le sol au milieu des hues // Ses ailes de gant lempchent demarcher . Reste que pour valuer une figure par rapport cette norme, il faudrait dfinir undegr zro de lcriture selon Roland Barthes et de lusage linguistique, ce qui nest paspossible puisque chaque locuteur teinte son propos de sa subjectivit propre. Cest dans les texteslittraires quon rencontre plus particulirement les figures de style employes pour leur fonctionesthtique et leur effet sur le signifi : chaque genre possde ses figures spcifiques ou

    favorites. Les romans usent de procds descriptifs ou allusifs comme lanalepse ou la digression,la posie privilgie des figures jouant sur les sonorits (allitration) ou les images (mtaphore,personnification) alors que lart dramatique du thtre utilise quant lui des figures mimant lestournures orales ou permettant de moduler lintensit de laction. Cependant, beaucoup de figuresde style sont transverses tous les genres et toutes les priodes. Les figures de style apportentun enrichissement du signifi par loriginalit formelle quelles prsentent ; cest leffet desens . Elles ont par exemple une force suggestive remarquable dans le cas de la mtaphore( Ma femme aux cheveux de savane , Andr Breton, comparer avec lexpression

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    informative : Ma femme a des cheveux chtains ) comme elles peuvent frapper lesprit par leraccourci que constitue lassociation des contraires dans loxymore ( Le superflu, chose trsncessaire , Voltaire) ou produire un effet comique avec le zeugme ( On devrait faire lamouret la poussire , Zazie). Elles reprsentent un effort de pense et de formulation commelexplique Littr; elles sont : Certaines formes de langage qui donnent au discours plus de grce

    et de vivacit, dclat et dnergie Dautres figures peuvent crer lmotion du lecteur par leffetdinsistance produit comme dans lanaphore ( Paris ! Paris outrage ! Paris brise ! Parismartyrise ! mais Parislibre ! , De Gaulle) ou le jeu sur les sonorits dans lallitration ( Lescrachats rouges de la mitraille , Rimbaud). Dans dautres cas, lintrt sera plus purementesthtique comme dans la reprise juxtapose de lanadiplose :

    Comme le champ sem en verdurefoisonne,De verdure se hausse en tuyauverdissant,Du tuyause hrisse en pi florissant

    (Joachim Du Bellay,Les Antiquits de Rome.)

    Ainsi, les figures de style sont mettre sur le mme plan que dautres caractristiqueslinguistiques comme les procds de rythme (priode potique, cadence dans la prose), lesprocds de la syntaxe (choix du type de coordination ou de subordination), les procdssmantiques et logiques (syllogisme, tautologie, champs smantiques etc.) ou les procds deversification (rime, synrse/dirse, etc.). Le mcanisme de formation des figures de style tantdlicat conceptualiser, il existe de nombreuses dfinitions de la notion. La linguistiquemoderne en retient trois :

    Effet de signification produit par une construction particulire de la langue qui scarte delusage le plus courant ; les figures de style peuvent modifier le sens des mots, modifier lordredes mots de la phrase etc. Les figures de style sont des procds dcriture employs pour frapper lesprit du lecteur encrant un effet particulier La figure est une forme typique de relation non linguistique entre des lments discursifs

    Ce pluralisme des dfinitions conduit des typologies diffrentes et varies. Nanmoinsla plupart sappuient sur trois aspects : leffet produit et recherch par lmetteur sur le rcepteuren premier lieu (par exemple : la surprise, le rire ou la peur) ; le procd mis en uvre,participant dun style esthtique (chaque crivain utilise en effet un stock figuratif donn), etenfin la dimension smantique (lide vhicule). Bacry insiste sur limportance du contexte,dpendant lui-mme du cadre culturel.

    Les transformations des figures de style interviennent enfin sur les quatre signes linguistiques :

    Sur le graphme dabord, en effet plusieurs figures modifient les lettres de lalphabet, comme lesmthodes oulipiennes ou le palindrome.

    Sur le phonme ensuite (accents, sons, syllabes, voyelles et consonnes, groupes vocaliques etconsonantiques, pieds versifis). Les principales figures sont ici dordres potique et rythmiquecomme lallitration et lassonance (jeu sur les sons), lhomotleute, la gradation galement.

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    Sur le morphme cest--dire sur les mots, groupes de mots, particules et conjonctions, codestypographiques, ponctuation, tymologie, ainsi de la hypotaxe, lasyndte ou la figuraetymologica. Enfin, sur le sme soit la connotation, la polysmie, le lexique, le vocable, lesantonymie, synonymie, ou paronymie, sur les champs smantiques aussi. Cest le cas des figuresles plus connues : mtaphore, comparaison, oxymore. Nanmoins il sagit ici moins dun critre

    de dfinition, puisquon exclut de fait leffet et lintention, que dune faon de les reprer ou dervler quel niveau du discours les figures de style interviennent. Cette classification est surtoutemploye en pdagogie, pour lenseignement didactique des figures de style les plus employes,notamment dans lexercice du commentaire compos.

    Une premire question simpose, propos du sens figur : pourquoi ne parlet-on pastoujours littralement et sans dtour ? La prsence dune figure provoque en effet une rupturedans la cohsion de lnonc. Le dtournement introduit dans le discours une duplicit qui peutnuire la communication. Valery parle dun abus du langage propos de la mtaphore etMartin dune contradiction logique ; on se rappelle aussi la phrase de Pascal Figure porteabsence et prsence, plaisir et dplaisir . La tradition rhtorique a analis les figures en termes

    smantiques : passage dun sens propre un sens figur.Quest-ce quune figure de style ? Cette question soulve bien des dbats depuis Aristote,

    et aujourdhui encore dans le milieu de la recherche. La figure de style est un procd par lequelon agit sur la langue, en mettant en avant ses particularits, afin daccentuer son efficacit ou decrer un morceau de bravoure, ou en bouleversant, avec plus ou moins de force, son usagecourant : agencement des phrases, choix dun terme plutt quun autre attendu habituellement,combinaisons particuliaires de mots, Cest dabord une manire de sexprimer. Une figuremodifie le langage ordinaire pour le rendre plus expressif. Il existe des figures danalogie,danimation, de substitution, de pense, dopposition, de construction, de sonorits, dinsistanceet dattnuation. Une des caractristiques du langage humain est sa capacit sauto -inventer, linfini. Les figures de style reprsentent un ensemble doutils permettant prcisment cetterinvention permanente. On les utilisent dailleurs quotidiennement. Dans Exercices de style,Raymond Queneau part de la simple description dune situation et la dcline de cent maniresdiffrentes. Il dmontre la fois les infinies possibilits de la langue, et combien la forme choisiepeut avoir un impact sur la perception et linterprtation quon fera le lecteur. Chaque variante cest-dire chaque pome de ce recueilmet en uvre, plus ou moins directement, diffrentesfigures de style. On peut considrer la figure de style comme un indice plac pour provoquer uneraction du lecteur. Chercher une figure de style, ces indices glisss volontairement, nest pas unobjectif en soi, mais permet doprer une lecture approfondie du texte que lon peut appelerlecture stylistique-cest--dire den dcouvrir le sens profond et den expliciter lesthtique.

    Quelques prsupposs sont indispnsables la fois pour comprendre le mcanisme quirgit une figure de style et pour dreminer leffet produit sur le lecteur. Il faut dabordcomprendre la diffrence entre signifi et signifiant ; ce sont des termes trs souvent ncessairespour expliquer le fonctionnement dune figure. Le signifiant est en quelque sorte le contenant,cest--dire le mot pris sur un plan purement phontique et visuel. Le signifi (ou rfrent)correspond au contenu, cest--dire lobjet, ou lide, vhicul par un mot donn. Pourapprhender dans sa totalit la signification dun mot, il faut nouveau faire appel deuxnotions, elles aussi essentielles : la connotation et la dnotation. La dnotation concerne le

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    signifi, autrement dit ce quoi, trs concrtement, fait rfrence le mot. La connotation en est,quant elle, la partie subjective : cest limagerie que vhicule ce mot. Papa , monpre ou le paternel ont la mme dnotation, ils dsignent tous les trois la mme entit. Maisnont pas la mme connotation, ils ne disent pas la mme relation, affection, respect, distance,,et ne tmoignent pas du mme niveau de langage : enfantin, adulte, familier, Cest de

    lassociation de ces deux notions, dnotation et connotation, que lon dduit la signification dunmot. Les figures de stle sont bien souvent un jeu sur la connotation des mots et elles ont pourvocation de rechercher lalchimie, esthtique et rhtorique, entre signifis et signifiants. Ellesjouent galement sur les rgles qui prsident la construction des phrases : la syntaxe. Lasyntaxe dtermine la fois lordre des mots et la manire dont on relie entre eux. A nouveau,certaines figures de style ont pour objet le dtournement de cet ordre et de ces liens tablis pourun usage courant. Il est pourtant dlicat daffirmer que telle figure produira tel effet : lasignification dune figure de style varie selon chaque texte. Il convient donc au pralable desinterroger sur la nature du texte que lon tudie : sagit-il dun pome, dune narration, dundiscours politique, dun slogan publicitaire, De l dcoulent les intentions de ce texte :cherche-t-il toucher, convaincre, dcrire, Les figures de style servent cette intention et larvlent tout la fois.

    Une figure de style (du latin figura : dessin dun objet , par extension sa forme )est un procd dexpression qui scarte de lusage minimal de la langue et donne uneexpressivit particulire au propos. On parle galement de figure de rhtorique ; certains auteurstablissent des distinctions dans la porte des deux expressions, mais lusage courant en fait dessynonymes. Si les figures de style sont lune des caractristiques des textes qualifis de littraires , elles sont cependant dun emploi commun dans la langue quotidienne crite ouorale, du moins pour certaines dentre elles. Les figures de style constituent un vaste ensemblecomplexe de procds varis et ltude dlicate : les spcialistes ont identifi, depuis lAntiquitgrco-romaine, des centaines de figures de style et leur ont attribu des noms savants, et lalinguistique moderne a renouvel ltude de ces procds dcriture en introduisant des critresnouveaux. Les mcanismes des figures de style peuvent aussi sappliquer des fonctionnementsdivers de lesprit humain comme le montrent par exemple les reprsentations images enpsychanalyse ou certaines crations artistiques.

    Lauteur, du latin auctor, auctoris, est, tymologiquement, celui qui augmente, qui faitavancer et lapport de lcrivain provient pour partie de son style, cest--dire de lensemble desmoyens dexpression quil utilise dans son propos et qui traduisent sa personnalit ; ce quersume la formule clbre de Buffon : Le style est lhomme mme . Cette manire dcrirepropre se fonde en particulier sur lutilisation des figures de style qui sont des carts par rappo rt la langue commune. On peut par exemple reprer deux figures de style dans lexpression clbrede Grard de Nerval Le soleil noir de la Mlancolie : un oxymore (ou oxymoron) qui runitdeux mots aux connotations contraires ( soleil et noir ) et une mtaphore (analogie entre soleil noir et mlancolie ), qui permettent au lecteur de percevoir la sensibilit de lauteuret son univers mental, marqu, ici, par ltranget et le mal de vivre. Lexpression figure destyle est elle-mme la runion de deux tropes, comme lexplique Henri Suhamy. On resteracependant dans une approche globale de ces procds dcriture, qui mettent en jeu l effort dulocuteur pour constituer la figure, son intention stylistique en somme , et l effet surlinterlocuteur qui fait appel sa sensibilit. On dfinira donc les figures de style comme un

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    sous-ensemble de la stylistique, constitu par des carts par rapport lusage commun de lalangue, un emploi remarquable des mots et de leur agencement ; elles concernent ainsi un rapportparticulier entre le signifiant et le signifi . Les figures de style sont cependant prsentesconstamment, mme dans lexpression prosaque et elles le sont encore davantage dans la langueorale, qui cherche retenir lattention du rcepteur et qui use des procds dironie, des jeux de

    mots, des clichs, de locutions figes ou de raccourcis de langage. Cest dans les textes littrairesquon rencontre plus particulirement les figures de style employes pour leur fonction esthtiqueet leur effet sur le signifi : chaque genre possde ses figures spcifiques ou favorites. Lesromans usent de procds descriptifs ou allusifs comme lanalepse ou la digression, la posieprivilgie des figures jouant sur les sonorits (allitration, homotleute) ou les images(mtaphore, personnification) alors que lart dramatique du thtre utilise quant lui des figuresmimant les tournures orales ou permettant de moduler lintensit de laction. Cependant beaucoupde figures de style sont transverses tous les genres et toutes les priodes.

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    Leon 2 Typologie et classement des figures

    Les mots ne doivent tre que le vtement, sur mesure rigoureuse, de la pense.

    Jules Renard

    La classification des figures de style est complexe et les diverses approches toujourscontestables. Quand on tudie les figures, quelle que soit la terminologie adopte, quelle quesoient les critres didentification retenus, on distingue quatre catgories :

    Les figures portant sur le signifiantla forme du mot Les figures portant sur des combinaisons syntaxiques particulires, ou figure de

    construction Les figures portant sur le sens de certains mots, dites figures de sens ou tropes Les figures portant sur le sens global dun nonc, dites figures de pense

    Figures de mots

    Les figures dites de mots sont celles qui utilisent le matriel sonore et visuel quereprsentent les mots, autrement dit celles qui jouent sur le signifiant le mot comme contenant.Plus prosaquement, ces figures ont pour effet dattirer lil ou loreille sur un mot, unephrase, Elles provoquent une attention particulire, qui conduit une certaine exprienceesthtique et incite dduire un sens singulier. Souvent elles favorisent galement le souvenir :on verra notamment des exemples de slogans, publicitaires ou politiques, fonds sur lemploidune figure de mots qui facilite grandement la mmorisation de la formule. Il faut aborder cesfigures travers trois types dintervention quelles peuvent oprer sur le matriel sonore etlexical des mots :

    Les figures qui ont pour objet les sonorits :mise en relief de sons, notamment parleur rptition, raprochement sonore : Allitration, Assonance, Hiatus, Paronomase,...

    Les figures qui oprent un jeu de mots sur la base de ce matriel, se confrontant larbitraire du signe dont est fait le mot, pour en tirer du sens, ou le mettre enquestion : Anagramme, Isolexisme,

    Les procds qui consiste en une crationou modification du mot, rpondant unecertaine insuffisance du langage dans la recherche dun effet particulier, voire duneesthtique nouvelle : Archasme, Lexicalisation, Motvalise, Nologisme,

    Allitration est fonde sur la rptition de consonnes produisant des sons identiques ouproches. On distingue cinq familles de consonnes selon lendroit o le son est produit : les

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    labiales (b, p, f, m, v), les dentales (d, t, l), les palatales (ch, j, gn), les vlaires (k, g, w), lesuvulaires (r). Lorsque tous les mots dune phrase ou dun vers commencent par la mmeconsonne, on parle de vers ou de phrase tautogramme.

    Assonance est forme par la rptition de sons vocaliques. Les voyelles, diphtongues (au, ou,

    ai,) ou syllabes vocaliques (on, an, un,), parce quelles sont rptes, forment un effetsonore particulier.

    Hiatus on parle de hiatus lorceque la voyelle qui termine un mot rencontre la voyelle quicommence le suivant, crant un heurt dans la prononciation.

    Paronomaserapproche des paronymes, cestdire des mots qui se ressemblent beaucoup surle plan des sonorits mais qui nont pas le mme signifi.

    Anagrammefaire une anagramme consiste composer un mot partir des lettrres dun autre.

    Isolexismeon parle disolexisme lorceque lon utilise dans une phrase plusieurs mots ayant lemme radical. On parle aussi de drivation ou de polyptote.

    Archasmeun archasme est un mot ancien qui na plus cours dans le langage courant et quiest employ volontairement pour sa connotation vieille.

    Lexicalisation la lexicalisation est une opration qui consiste substantiver un mot ou ungroupe de mots.

    Motvalise est terme qui a t cr partir de deux mots contracts en un mot unique parcequune homophonie partielle le permet.

    Nologismeon parle de mologisme lorcequun auteur emploie un mot quil a luimme crsur la base dune racine lexicale existente.

    Figures de sens

    Contrairement aux figures de mots qui ont pour objet le signifiant des mots, les figures desens se penchent sur leur signifi. On les appelle galement tropes , un terme qui vient dugrec, tropos, et signifie tymologiquement dtour, conversion. Les tropes so nt des figuresreprables et isolables dans un fragment dnonc, qui peut se limiter un terme ( La nature estun temple ). Or, cest prcisment de cela quil sagit : les tropes ou figures de sens ont pour

    vocation doprer un transfert smantique sur les mots ou groupes de mots qui sont leur objet.Dans son ouvrage de rfrence,Des tropes ou des des diffrents sens, Dumarsais dfinit ainsi cetype de figures : Elles sont ainsi appelles parce que, quand on prend un mot, dans le sensfigur, on le tourne pour ainsi dire, afin de lui faire signifier ce quil ne signifie point dans le senspropre. Ces figures ont pour lui un triple vocation : rveiller une ide principale par le moyendune ide accessoire ; rendre le discours plus nergique, plus beau ; plus noble ; enrichir lelangage en multipliant lusage des mots. La qualit qui en fait des des figures de sens est lasuivante : elles apportent une plusvalue smantique au propos quelles ornent, cestdire un

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    niveau de signification plus lev (plus prcis, plus vivant, plus mustrieux,). Pour oprer cetransfert dun sens littral un sens figur, les tropespeuvent intervenir de diffrentes maniressur le langage :

    Dans les figures de la contigut, le transfert est opr par lutilisation dune chose ou

    dune ide qui en reprsente une autre et avec laquelle elle entretient un rapport. Cesdeux entits font pour ainsi dire partir du mme monde. On opre ici par glissement ouextention de sens : Antonomase, Mtalepse, Mtonimie, Priphrase, Synecdoque.

    Les figures de lassoiciation introduisent, au contraire, ce que lon appelle une rupturedisotopie. On associe deux choses ou ides qui nont a prioririen voir et que lon meten regard pour dlivrer une signification plus forte, plus expressive. Le sens sen trouveenrichi : Allgorie, Apposition, Comparaison, Mtaphore, Oxymore (ou oxymoron)

    Les figures du double sens ont quant elles pour objet la polysmie, cest direlambigut du langage, et en jouent pour proposer un sens nouveaux : Calembour,Diaphore, Homonymie, Syllepse.

    Antonomase utilise un nom propre comme nom commun ( un Don Juan, par exemple), oulinverse

    Mtalepsedsigne une chose par une autre, utilisant implicitement une relation danalogie quirelie ces deux choses et permet au lecteur de savoir immdiatement de quoi on parle.

    Mtonymiesubstitue un terme un autre qui est li au premier par un rapport logique.

    Priphrasesremplace un mot par une expression qui le dcrit sans le nommer et lui confre unsens et une connotation supplmentaire.

    Synecdoque est un cas particulier de la mtonymie. On parle de synecdoque lorsquun termeest substitu un autre et que le rapport entre le terme utilis et le terme sousentendu est celuidune inclusion : on utilise le tout pour dsigner la partie, ou linverse.

    Allgorie on parle dallgorie lorsquune ide est reprsente sous une forme matrielle et

    vivante.

    Appositionest un procd qui permet de qualifier un terme en lui rattachant dautres mots ougroupes de mots qui sont placs sa suite (gnralement aprs une virgule) pour expliciter lepremier, le rendre plus expressif.

    Comparaisonmet en miroir deux lments et utilise le second pour reprsenter de faon plusconcrte, plus explicite, plus sensible le premier. On peut parler de comparaison lorsque

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    figurent : un compar, un comparant et un terme les reliant, appel comparatif (tel, comme, ainsique,).

    Mtaphorerapproche un compar et un comparant. A la diffrence de la comparaison, elle nefait pas appel un comparatif, rendant le lien qui les unit implicite (et plus ou mouns

    intelligible).Oxymore (oxymoron) rapproche syntaxiquement deux termes qui sopposent en tempsnormal.

    Calembourutilise lquivalence phonique entre deux mots, entre un groupe de mots et un mot,ou entre deux groupes de mots, pour les rapprocher de manire smantique.

    Diaphore on parle de diaphore lorsquun mme mot ou groupe de mots est rpt plusieursfois. A chaque rptition, une nuance de signification apparat.

    Homonymieest fonde sur lutilisation dhomonymes, cestdire de mots qui se prononcentexactement de la mme manire mais qui nont pas le mme signifi.

    Syllepse on parle de syllepse quand un accord ne se fait pas selon les rgles grammaticales,mais selon la logique du sens.

    Figures de construction

    Lesfigures de construction sont celles qui concernent lagencement du discours. Les mots sont,en effet, des matriaux. Pour btir un discours, il faut les combiner entre eux et les disposer dansun certain ordre afin quils forment un tout cohrent, pour que leur ensemble ait de limpact. En

    ce sens, les figures de construction ont pour objet la structure de la phrase, voire, plus largement,celle du discours. Elles oprent par diffrents types de procds :

    Lesfigures de la symtrie ou de loppositionpermettent de mettre en regard deux ralits,deux ides, de manire formelle, pour les comparer ou les opposer, et ainsi leur donnerplus de force : Antithse, Chiasme, Reprise,

    La rptition, sous des formes diverses, est un autre moyen de construire le discours ensappuyant sur une redite plus ou moins insistante, totale ou partielle : Anaphore,

    Antpriphore, Epanadiplose, Epiphore, Inclusion, Rduplication, Rptition,

    Les figures de laccumulation introduisent un tropplein dinformation qui a moins pourvocation un supplment de sens quune amplification du propos qui attire lattention :Accumulation, Enumration, Epitrochasme, Plonasme, Redondance, Tautologie,

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    Les figures de la disposition sont celles qui choisissent un agencement particulier pour lesphrases, de manire appuyer formellement le propos. Elles utilisent parfois des motifsqui stylisent le propos : Anadiplose, Disjonction, Epanode, Erosion, Gradation,

    Hypotaxe, Parataxe, Zeugma,

    Enfin, certaines figures procdent par dstructuration de la phrase, rompant avec laconstruction classique de la langue ; une inversion de lordre attendu des mots ;lintercalation de mots ou groupes de mots qui interrompent la fluidit du propos. Cesfigures provoquent souvent un effet de surprise qui attire lattention et met en relief, parle biais de cette dstructuration, le fond du propos : Anacoluthe, Dislocation, Ellipse,Enchssement, Hyperbate, Inversion,

    Antithseconsiste mettre en regard deux ralits, reprsentes respectivement par un mot, ungroupe de mots, ou une, voire plusieurs phrases qui sopposent.

    Chiasmedans le chiasme, les deux membres de la phrase sont relis par le biais dune relationsymtrie inverse. Les termes du premier segment peuvent tre rpts ou non dans le second.

    Repriseest lutilisation rpte dune mme tournure grammaticale.

    Anaphoreun mme mot ou groupe de mots est rpt plusieurs fois en dbut de phrase ou devers.

    Antpriphoreun mme mot ou groupe de mots est rpt en dbut et en fin de phrase, ou unmme vers commence et termine une strophe.

    Epanadiplose un membre de phrase se finit par le mot qui avait commenc le membre dephrase prcdent.

    Epihorela rptition dun mme mot ou groupe de mots plusieurs reprises en fin de phraseou de vers.

    Inclusionil y a inclusion lorsquun texte commence et se termine par le mme mot.

    Rduplicationest une rptition de mots qui sont placs cte cte.Rptitionun mot est repris plusieurs fois et que les mots rpts sont spars dans la phraseou dans le texte.

    Accumulationun grand nombre de mots ou de groupes de mots ayant la mme fonction sontemploys dans la mme phrase, sans quils rajoutent dautres sens que lamplification du proposquils produisent.

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    Enumration consiste noncer la suite les diffrents composants dun tout ou lesdiffrentes particularits dune entit.

    Epitrochasmeest une accumulation de termes brefs placs syntaxiquement sur le mme plan,cestdire ayant la mme fonction dans la phrase.

    Plonasme consiste qualifier un mot ou un groupe de mots laide dun lment quinapporte aucun complment de sens.

    Redondance on parle de redondance lorsque lon caractrise quelque chose de maniresuperflue.

    Tautologie on pratique la tautologie lorsque lon dit la mme chose alors que lon parat diredeux choses diffrentes.

    Anadiploseon reprend au dbut de la phrase un mot de la phrase prcdente.

    Disjonctionest une tournure syntaxique qui consiste ne pas rpter un terme dont dpendentplusieurs autres.

    Epanode consiste reprendre et expliciter tour tour des mots qui ont t simplementnoncs en dbut de phrase.

    Erosion consiste rpter plusieurs fois un groupe de mots duquel on retranche un mot chaque rptition.

    Gradationdans la gradation, lintensit des mots qui se suivent est croissante : on emploie la

    suite des termes de plus en plus forte.Hypotaxeconsiste construire les phrases avec des liens de subordinnation, contrairement laparataxe.

    Parataxeles phrases et segments de phrase sont simplement juxtaposs.

    Zeugmalie syntaxiquement deux (ou plusieurs) mots ou groupes de mots, en les subordonnantau mme mot (souvent un verbe) sans que celuici soit rpt.

    Anacoluthe introduit une rupture dans la construction syntaxique attendue de la phrase. Ledbut de la phrase annonce une construction qui sera abandonne en cours de route.

    Dislocationconsiste mettre en exergue (souvent en dbut de phrase) un mot ou un groupe demots qui est reprsent, dans la fonction syntaxique quil occuperait en temps normal, par unpronom.

    Ellipse lun des dterminants de la phrase, sujet ou verbe le plus souvent, est omis et doncsousentendu. Le sens de la phrase reste pourtant intelligible.

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    Enchssementest une rupture syntaxique qui consiste intercaler, au milieu dune phrase, ungroupe de mots ou mme une phrase entire.

    Hyperbatedstructure la construction classique de la phrase en ajoutant un mot ou un groupede mots la fin dune phrase qui paraissait close.

    Inversionlauteur renverse lordre classique des termes de la phrase.

    Figures de pense

    Les figures de pense concernent le discours en luimme : elles soulignent les rapportsdes ides entre elles, mais surtout les rapports du discours avec son sujet (le narrateur) dunepart, son objet et le traitement quil en fait dautre part. Elles sont des indicateurs dune situationdnonciation particulire, ainsi que de la dialectique qui est mise en uvre. On abordera les

    figures de pense travers quatre types dintervention sur le discours :

    Les figures de lintensit sont celles qui apportent une amplification au discours ou qui,au contraire, cherchent en attnuer la porte : Emphase, Euphmisme, Hyperbole,Litote,

    Certaines figures ont vocation restituer une image visuelle et, plus largement, rendrevivant le discours, pour faciliter son appropriation, le rendre plus fort : Hypotypose,Personnification,

    Les figures de lnonciation mettent en exergue les relations du narrateur lobjet de sonpropos et la manire quil a de laborder : Analepse, Apostrophe, Epiphrase, Parenthse,..

    Les figures de la dialectique concernent la relation que le narrateur met en place avecson lecteur ou auditeur, en crant une complicit avec lui, en cherchant provoquer uneraction ou produire un effet de surprise, de manire linfluencer ou le convaincre :Antiphrase, Ironie, Substitution,

    Emphaseconsiste empoyer un ton dune solennit exagre.

    Euphmisme on parle deuphmisme lorsquon utilise une expression attnue la placedune autre qui pourrait choquer.

    Hyperbole procde par exagration du propos : on dlivre une version amplifi dune idepour la mettre en relief.

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    Litoteconsiste dire peu pour suggrer beaucoup.

    Hypotypose lauteur dcrit une situation, un lieu, un personnage de manire trs vivante,comme sil sagissait dun tableau.

    Personnificationest un procd qui consiste reprsenter un objet ou une ide comme un trehumain.

    Analepseest lquivalent littraire du flashback, soit le recit dune action passe.

    Apostrophe est une interpellation directe. Elle peut interpeller une personne, prsente ou pas,ou une entit abstraite.

    Epiphrase insre dans le discours une phrase ou un segment de phrase qui ne cherche qudvoiler le ressenti de son auteur.

    Parenthse est lajout dun segment dissoci du reste de la phrase, signal par des signesgraphiques (parenthses ou virgules) ou non.

    Antiphrasedans lantiphrase on utilise un mot tout en indiquant implicitement quon lutiliseen ralit dans un sens contraire son emploi courant.

    Ironie est un procd qui consiste dire une chose tout en indiquant quon veut prcismentdire le contraire.

    Substitution provoque un effet de surprise fond sur lutilisation dune formule ou duneformulation attendue, dont on remplace certains mots par dautres, que lon nattendaitpas.

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    Leon 3 Figure associe : la comparaison

    Aimez donc la Raison : que toujours vos crits

    Empruntent delle seule et leur lustre et leur prix.

    Nicolas Boileau

    La comparaison (substantif fminin), du latin comparatio ( action de comparer ), estune figure de style consistant en une mise en relation - laide dun mot de comparaison appel lecomparatif - de deux ralits appartenant deux champs smantiques diffrents, mais partageantdes points de similitudes, comme dans ce vers de Charles Baudelaire : La musique souvent meprend comme une mer! (La Musique, Les Fleurs du mal. Les deux ralits sont appeles le comparant (dans cet exemple, le comparant est la mer) et le compar (ici, la musique)partagent en effet au moins un sme en commun (londulation est ici le point commun entre lamer et la musique, toutes deux berent le pote). La comparaison est une figure trs courante

    en littrature, en posie ou encore au thtre.

    Contrairement la mtaphore, la comparaison exprime directement ou explicitement lelien symbolique entre les deux ralits compares, en utilisant souvent un terme de comparaison.La comparaison est la plus clbre des figures de style, la plus difficile dfinir galementpuisquil en existe deux catgories : lune grammaticale (cest la comparaison simple ) etlautre stylistique (cest la comparaison figurative ).

    La comparaison opre un rapprochement imprvu et non ncessaire entre deux ralits, apriori trangres lune de lautre mais possdant un rapport de ressemblance et de contigutsmantique. ce titre il existe deux acceptations, voques par Bernard Dupriez dans son

    Gradus :

    1. la comparaison simple qui exprime un rapport de similarit entre deux lments commedans Cet arbre est plus beau que les autres .

    2. la comparaison figurative qui est une figure de style fonde sur le rapprochement de deuxlments qui nappartiennent pas au mme champ lexical mais entre lesquels est tabli unrapport danalogie ou dimage, des fins potiques ou hermneutiques comme dans Ilest fier comme un lion . Dans ce cas, leffet provient de lcart par rapport la normelinguistique. Cette dernire est par consquent une trope proche de la mtaphore.

    Comparaison simple

    La comparaison repose souvent sur le mot comme, nanmoins certains emplois de cetteconjonction ne sont pas des comparaisons pour autant, cest le cas des circonstancielles de causeou de temps, ou, en tant quadverbe lorsque commemarque une exclamation (exemple Commeil est grand! ). Commeemploy comme complment circonstanciel de comparaison nest pas,galement, un comparatif donnant lieu une comparaison, par exemple dans Naturellement,cest commeavec moi, dit Odette dun ton boudeur... (Marcel Proust).

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    Des mots divers peuvent tre employs comme substituts de comme et notamment :semblable ,pareil , de mme que ; des verbes commesemblerpeuvent galement introduire la figure ; desadverbes et conjonctions galement : ainsi que, de mme queetc. :

    Mon esprit estpareil la tour qui succombe

    Sous les coups du blier infatigable et lourd(Charles Baudelaire, Chants dautomne.)

    La comparaison simple et la comparaison figurative sont identiques grammaticalement :les mots de liaison sont souvent les mmes mme si certains mots sont nanmoins rservs laconstruction grammaticale, en fonction de la nature de la relation de comparaison (voir ci-aprs)qui sont : de mme que, ainsi que, tel, le mme, ainsi,si, tant, autant, autre, meilleur,pire,plutt,moins, dautant plus, dautant moins, mesure,selon, etc.

    Dun point de vue grammatical, la comparaison peut sexprimer selon des moyens diverscomme : la subordination : la proposition subordonne de comparaison appele aussi

    comparativejoue alors un rle identique celui du complment de comparaison qui peut tre unsubstantif ou un quivalent du nom. Nanmoins la nature de la relation (relation deressemblance) ne permet pas de la considrer proprement parler comme une subordonnecirconstancielle. La relation peut donc tre la ressemblance : Tu moissonneras comme tu assem , dgalit : Leur bonheur fut brefautant quiltait rare , ou au contraire de diffrence Il est moinsriche queje ne le croyais , de proportion enfin : Il est plusintress quon ne lepense .

    Certaines comparaisons simples reposent sur une ellipse verbale comme dans Tel pre, telfils

    Lventail de moyens grammaticaux est grand, la comparaison simple peut aussi tre marquepar :

    des mots corrlatifscomme : autant...autant,plus...plus, tel...tel, etc. des locutions prpositivescomme : lexemple de..., linstar de..., comparativement ,

    etc. des adjectifscomme :semblable, analogue, diffrent, gal, etc. des verbescomme : avoir lair de, ressembler , imiter,paratre, etc.

    Comparaison figurative

    Les ralits doivent avoir en commun au moins un sme proche ; dans lexemple deBaudelaire, la mer et la musique sont smantiquement proches car lune et lautre peuvent sereprsenter par des vagues ou des ondes. En ce sens elle ressemble beaucoup la mtaphore quielle, en rhtorique, fait lellipse du terme comparatif. La comparaison peut comparer des idesmais aussi des faits, des actions et des situations.

    La figure se dcompose en un schma trs rgulier qui en facilite lidentification. En effettoute comparaison met en uvre trois lments:

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    moyen de la tension de la comparaisonselon les termes de Daniel Bergez, Violaine Graud etJean-Jacques Robrieux, dans leurVocabulaire de lanalyse littraire.

    Beaucoup de comparaisons sont tellement utilises quelles en deviennent cules,comme dans une jeune fille belle comme le jour ou Fort comme un lion , la figure est

    alors trs proche du clich.La comparaison peut parfois constituer elle seule tout un pome, comme chez Pierre Ronsard,dansLes amours de Cassandreet dansLes amours de Marie.

    Dveloppe sur un texte entier, la comparaison peut confiner au parallle, surtout dans les textesargumentatifs comme les syllogismes.

    En enseignement du franais et des Lettres, la comparaison est une figure cl dans lacomprhension, ds le collge, des phnomnes danalogie et de fonctionnement nonciatif (voirliens externes).

    On peut le dfinir comme un rapport de ressemblance entre deux objets dont lun sert voquer lautre . Elle nest pas un trope puisquil ny a aucun dtournement de sens. On laparfois assimile une figure de construction, parfois une figure de pense. Deivers lmentssont prendre en considration dans sa description qui est un premier palier de ltudestylistique.

    A.Approche descriptive

    1) Les outils comparatifs

    On considre quil y a figure quand le Ca (comparant) dsigne un rfrent virtuel, qui nefait pas partie de lunivers de rfrencerel ou fictionnelde lnonc : Il est fort comme unbcheron. Dans la phrase il est fort comme sont frre , il ny a pas expression figure. Onparle, pour la vritable figure, de comparaison qualitative oufigurative, ou encore desimilitude.Loutil essentiel est le mot comme , qui peut tre relay par ainsi que , connotation plusdidactique, ou par tel (que) , dun niveau de langue plus lev, frquent dans lpope ; onpeut citer aussi les outils du comparatif ; ainsi Il fut plus triomphant que la gerbe des bls (V.Hugo), o la pese valuative est explicite.

    On a parfois reconnu une figure intermdiaire entre comparaison et mtaphore dans lesconstructions o loutil semble introduire plutt une identification modalise : on parle d

    identification attnue ; les principaux modalisateurs sont avoir lair de , faire leffetde , sembler , etc. Ainsi La lune se leva derrire la ville, et elle avait lair dun pharenorme et divin (Maupassant), ou : Cloptre, debout en la splendeur du soir, Semble ungrand oiseau dor qui guette au loin sa proie (Hrdia), ou encore : La barque mlodieuse semit fuir ; mais nous nous lanmes sur son sillage. On et dit dune troupe de ptrels sedisputant qui saisirait le premier une dorade (G.Sand). Compar et comparant restent distinctmais la subjectivit nonciative saffirme ici. Cette vision subjective explicitement revendiqu,rapproche lidentification attnue de la mtaphore.

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    2) Prsence ou absence du motif

    On appelle motif la qualit commune qui unit compar et comparant. La prsence dumotifcomparaison dite canoniquelimite la porte de lassociation ( Ils me disent, tes yeux,clairs comme le cristal Baudelaire), et exclut plus nettement que la metaphore, les autres smes

    du comparant. La prsence du motif est donc en principe la marque dune volont de clart. Enrevanche, quand la comparaison nest pas motive, ce qui est beaucoup plus rare, tous les smesdu comparant sont implicitement convoqus. La comparaison est moins claire et se rapproche delidentification attnue : mme subjectivit affirme, mme tension vers lidentification ; ainsi Je suis comme le roi dun pays pluvieux (Baudelaire), ou Des champs comme la mer,lodeur rauque des herbes (L.P.Fargue). Lassociation C Ca (compar comparant) peutmme tre nigmatique, quand le motif nest pas dnotativement identifiable : Elle marchaitcomme on rit (Aragon). Lintroduction postrieure dun ou plusieurs motifs tend rendre plusrationnel un discours jusquel peru comme intuitif : Je suis comme le roi dun pays pluvieux,Riche mais impuissant, jeune et pourtant trs vieux (Baudelaire), ou Je suis n comme lerocher, avec mes blessures (Ren Char). Quand le motif est exprim, son analyse est un

    lment important pour dterminer la fonction de la figure ; quand il est saisi dans une acceptionpurement dnotative, et quil est pertinent au compar et au comparant, la comparaison neproduit pas effet de surprise ; cest le cas dans ce vers de Leconte de Lisle : Comme des tronspesants flottaient les crocodiles , ou dans ce passage deLa Peau de chagrin, o Raphal fait leportarit de son pre : taquin comme une vieille fille, mticuleux comme un chef de bureau .La comparaison est classique, le motif vient renforcer et clairer les liens C Ca. En dehors dece type de relation, la comparaison peut senrichir, grce au motif, dune singularit quecertaines coles littraires ont rige en principe. Il nest pas rare que le motif soitmtaphorique ; la comparaison intervient alors comme un lment dexplication, surtout quandla mtaphore introduite par le motif se dveloppe en tableau : (La tempte) ramasse son curcomme un papier de rue. Elle le froisse, le chiffonne, leroule, le rduit. Et Poil de Carotte nabientt plus quune boulette de cur. (J. Renard). Chaque phrase constitue un paragraphe,disposition qui rend plus experssif encore le procd. On peut aussi remarquer la mtamorphosede la comparaison en mtaphore ( boulette de curs ), autre fait marqueur didensit.

    Dans la comparaison classique, le motif objective et renforce le lien compar comparant ; mais il existe des comparaisons o le motif est nonpertinent au compar, aucomparant ou aux deux, et nest pas traduisible en termes de mtaphore. Cela relve duneesthtique de la surprise et de ltranget, plus marque encore que dans la mtaphore, parce quela comparaison semble toujours amene par une pense rationnelle et analytique. Que ce soitdans le vers dEluard : Le ciel est sournois comme un trou ou dans ceux de R. Char :Ferme comme un volet de buis, Une extrme chance compacte Est notre chane demontagnes la comparaison est nigmatique et ne peut tre claire que par le jeu desconnotations associatives. Les courants littraires, surtout potiques, qui comme le surralisme,privilgient les constructions par associations, ont us de telles comparaisons.

    3) Rapport comparcomparant

    En dsignant un rfrent virtuel, tranger lunivers de rfrence de lnonc, le Ca creune rupture disotopie. Celleci est, suivant les poques et les choix esthtiques, plus ou moins

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    accentue : le got classique impose des images dans lesquelles C et Ca et il vaudrait mieuxdire les univers de rfrence quils suscitent ne sont pas trop loigns. Un des trajets essentiels de la comparaison mne du monde humain au monde de la nature ; on voit cela dansles comparaisons lexicalises, du type blond comme les bls , beau comme un astre , solide comme un roc , mais aussi dans le discours littraire : Mon cur, comme un oiseau,

    voltigeait tout joyeux , ou encore nuit dsastreuse ! nuit effroyable, o retentit tout coup, comme un clat de tonnerre, cette tonnante nouvelle : Madame se meurt, Madame estmorte ! La comparaison joue dans tous ces exemples, son rle de marqueur hyperbolique, maiselle nest pas fonde sur la recherche dun cart. Il est certain que des comparaisons aussi variesdans leurs outils, et dans les liens quelles tissent entre des univers diffrents ne peuvent dans lediscours littraire, avoir des fonctions identiques.

    B. Principales fonctions de la comparaison

    1) Fonction ornementale

    Elle est toujours mise en avant par la rhtorique classique : La comparaison peutcontribuer infiniment la beaut du discours, et en tre un des ornements les plus magnifiques. Elle est conventionnellement associe un discours potique plutt descriptif, elle estgnralement motive, lcart entre C et Ca est rduit ; dessence figurative, elle impose lareprsentation statique de deux mondes distincts, comme dans cet extrait du pome Le Cygne de S. Prudhomme : Loiseau, dans le lac sombre o sous lui se reflte / La splendeur dune nuitlacte et violette / Comme un vase dargent parmi les diamants / Dort la tte sous laile, entredeux firmaments. Le champ lexical dvelopp par le comparant marque la volontdembellissement du rfrent qui est, de plus, fix en un tableau statique. Cest en particulier lecas dans la posie pique ou dans la posie descriptive o le comparant peut tre amplifi etprendre les dimensions dun tableaufresque. Quand lhabitant de Saturne, pour parler de la

    nature Micromgas, compare celleci avec un parterre, une galerie de peinture, etc.,Micromgas linterrompt en disant : Je ne veux point quon me plaise, je veux quonminstruise . Voltaire se moque de la comparaison ornamentale, que dans les rgles rhtoriquestraditionelles, on rattache auplacere. Il demande un discours pdagogique, tourn vers le docere.Une telle fonction peut aussi tre celle de la comparaison, dont Fontanier dit que dans certainsdiscours, elle est une manire dclaircissement et de pereuve .

    2) Fonction didactique

    Dans le raisonnement par comparaison le comparant est l, non pour donner voir, maispour donner comprendre ; il sert en quelque sorte de preuve ; ce type de comparaison fait

    dailleurs partie des lieux rhtoriques. La comparaison na donc pas valeur figurative, elle estargumentative ; elle est presque toujours motive, lcart CCa est limit ; le Cadoit tre plusconnu que le C et il a souvent une porte gnralisante, typifiante ; les marques de sa portesont surtout donnes par le dterminant, article dfini ou indfini valeur gnrique, et parfoispar le temps du verbe.

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    3) Fonction cognitive : expansion de limaginaire

    Elle est souvent porteuse de connotation affectives ou axiologiques. En effet, ensubstituant la mention dun Ca concret lanalyse, le narrateur remplace un savoir abstrait parune connaissance sensible. Dans le passage des Mmoires doutretombe o est dcrite la

    rencontre avec la petite hotteuse, lpisode sachve ainsi : elle est entre dans une chaumirecomme un petit chat sauvage se glisse dans une gragne parmi les herbes : le point dorgueaffetif apport par la comparaison finale suggre lempreinte laisse dans le souvenir pae cetterencontre pourtant fugitive.

    La comparaison nest plus ornement ou preuve ; elle donne voir un monde autre, elledevient outil dexploration et de connaissance sensible et permet le dvoilement de lobscur. Lo lanalyse intellectuelle et abstraite serait inoprante, la comparaison permet une connaissancedordre potique. On peut parler de son pouvoir hermneutique. On sait que chez Proust, ellepermet de dchiffrer les hiroglyphes que prsente le monde la conscience. Toutefois lacomparaison peut affirmer le caractre irrductible des deux mondes quelle a relis.

    Tout les exemples montrent la diffrence entre la comparaison pdagogique et la comparaison valeur cognitive. Lcart est le mme que celui qui spare le dsir de convaincre et celui depersuader. La comparaison et la mtaphore reposent sur des mcanismes associatifs diffrents.

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    III Sujet Les discours rapports

    Les vraies larmes ne nous sont pas tires par une page triste,

    mais par le miracle dun mot en place.

    Jean Cocteau

    Tout rcit romans, autobiographies, nouvelles dpend dun acte dnonciationproduit par un locuteur. Ce locuteur est toujours le narrateur de lhistoire raconte. Toutefois, onconstatera que ces rcits, notamment depuis le XVIIe sicle, sont rarement dpourvusdinterventions dautres actes de paroles, soit par des dialogues, des monologues Dans ce cas,le narrateur dit locuteur primaire relate un acte dnonciation dun autre locuteur dit locuteur secondaire . Le discours rapport met en place un minimum de deux situationsdnonciations diffrentes, imbriques lune dans lautre. Ce procd possde une grandeprennit dans le roman, et il est intressant de constater limportance quon lui accorde selon les

    priodes littraires. Ainsi, La Fontaine au XVIIe

    sicle utilise souvent le discours rapport, maiscest partir de Madame de Scudry, puis avec Diderot quil va tre thoris. Le ralismelutilisera beaucoup, mais pas autant que le naturalisme, et lon estime que pas moins de 35% deluvre de Zola sont du discours rapport. Le narrateur peut vouloir relater les discours tenus parses personnages (paroles prononces ou monologues intrieurs). Il existe divers modesdintgration dans le narr de ces discours rapports.

    Le discours direct

    Le personnage prend la parole ; le discours direct interrompt le narr et cre dans celuici unautre espace dnonciation plus ou moins nettement dlimit. Les deux voix, celle du narrateur et

    celle du personnage, sont nettement distingues, du moins lorsque le discours direct estnettement distingu du rcit. Ses principaux marqueurs sont le dtachement par les deux points etles guillemets, les tirets en cas dchange dialogu, et gnralement une lexie verbe decommunication le plus souventqui lintroduit ou le signifie lorsquelle est place en incise. Lediscours direct donne lillusion de lobjectivit, et permet de relayer linformation en touteneutralit. Cest apparemment la forme la plus littrale de la reproduction de la parole dautrui.Toutefois le rapporteur peut influencer le discours, notamment avec des lments tels que lesverbes de paroles. En grammaire, le discours directconsiste en la prsentation, dans le dire encours, de paroles prononces, crites ou inventes, manant dune autre situation de discours,prsentation qui conserve les marques de la situation dnonciation (les embrayeurs) et laperspective du discours cit. Cest lune des deux varits de discours rapport (lautre tant le

    discours indirect). Les guillemets sutilisent lcrit pour introduire et conclure le discours direct.Selon le type de texte, dautres stratgies typographiques peuvent tre employes: le retrait laligne avec tiret (dialogue de roman), les italiques, le retrait en paragraphe spcial (textescientifique)...

    En fonction de la manire dont le discours direct est insr dans le discours citant, il peutapparatre comme plus vivant, ou plus objectif et plus neutre que celui du discoursindirect, puisquil est cens reconstituer les propos mmes de lnonciateur cit, cest--

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    dire que ceux-ci pourront tre compris comme rpts mot pour mot, texto dans lediscours citant.

    Il se compose de deux clauses distinctes, chacune avec sa propre nonciation : la matriceverbale qui contient un verbe de parole introducteur, qui constitue le discours citant

    minimum, celui du narrateur, et lnonc cit, celui de de linstance nonciatrice cite. Ilspeuvent tre considrs comme syntaxiquement indpendants, quoique dans le cas de lamatrice introductrice la valence du verbe de parole souvent nest pas sature, moins deconsidrer lnonc cit comme un complment (cf. les analyses de J. Authier-Revuz inlinformation grammaticale1992). Ex. dans lnonc de langue orale suivant : et l i mditok ben tas qu venir demain 8 heures la matrice et l i mditne peut tre elle seule unnonc syntaxiquement autonome, car,employe seule, elle serait agrammaticale, et enplus, non informative. Seul lnonc complet: matrice + nonc rapport peut fonctionnercomme une contribution grammaticalement correcte un discours.

    Le discours direct peut treformelou libre.

    Le discours direct formel (ou discours direct li) est un type de discours directordinairement dlimit par des guillemets et dans lequel, lnonc cit est prcd dun verbeintroducteur. Il sagit le plus souvent dun verbe dclaratif ( dire, dclarer, rvler, bafouiller,murmurer, demander, expliquer, affirmer, chuchoter, scrier ) :

    Galile a dit : Et pourtant, elle tourne ! Galile a dit est lnonc citant (avec son verbe introducteur a dit). Et pourtant,elle tourne ! est lnonc cit.

    Le verbe introducteur peut ne pas tre dclaratif, mais simplement descriptif. Il nestmme pas besoin quil soit transitif :

    Sadressant son lve, le professeur se mit alors en colre : Je ne supporte plus taparesse. Je finirai par ne plus moccuper de toi si tu trouves sans arrt des excuses pourne pas faire tes devoirs !

    Le verbe introducteur peut se trouverinsrdans le discours rapport, sous forme dinciseavec inversion du sujet. Lincise est place soit en cours, soit en fin de discours :

    Jean a dclar : "Je suis malade." "Aujourdhui, je ne nirai pas travailler", a-t-il ajouten se remettant au lit.

    Un dialogue est exclusivement du discours direct formel. Dans ce cas cependant, lesguillemets sont remplacs par des tirets, et dans une pice de thtre, il ny a pas de verbeintroducteur.

    Le discours direct libre est un type de discours direct dans lequel les marques deponctuation (guillemets ou tirets) ainsi que le verbe introducteur sont supprims, de telle sorte

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    que lnonc cit se retrouve sur le mme planque lnonc citant. En consquence, il nest pastoujours facile de distinguer les deux noncs :

    Sadressant son lve, le professeur se mit alors en colre. Je ne supporte plus ta paresse ! Jefinirai par ne plus moccuper de toi si tu trouves sans arrt des excuses pour ne pas faire tes

    devoirs !La premire phrase est lnonc citant. Les deux autres, lnonc cit.

    Le discours indirect

    La voix du personnage est assimile par celle du narrateur : il ny a quun espacednonciation, celui du narrateur. Le discours indirect implique donc un reprage relatif descoordonnes du rel. Le discours indirect pur est toujours clairement marqu dans le recit :

    il est en situation de dpendance syntaxique (compltive introduite par le que,interrogative indirecte introduite parquand, o, si,infinitif)

    cest un verbe de communication qui le rgit syntaxiquement ( il dit que / elledemanda si / il ordonna de) il est de modalit assertive

    Les paroles du personnage tant rapportes, donc prises en charge par le narrateur, sontintgres au rcit. On remarquera quelles ne sont pas rapportes la lettre, quelles peuvent trereformules, interprtes par le narrateur qui nen retient que lesprit. Le discours indirect perdson indpendance syntaxique, et se construit donc comme une subordonne, complment dunverbe principal signifiant dire ou penser . Il est gnralement bien intgr au discours danslequel il sinsre et nest pas marqu par une rupture nonciative. En grammaire franaise, lediscours indirectest une adaptation morphosyntaxique des paroles prononces ou crites et sontdes paroles dformes. Cest lune des deux varits de discours rapport (lautre tant le discoursdirect).

    Ce type de discours rapport est beaucoup moins objectif que le discours direct. En effet,les temps utiliss dans le discours indirect nous indiquent que celui qui rapporte lediscours ne sait pas si elle est vrifiable. Cette distance vidente entre lnonc cit et lecrdit tout relatif que le narrateur peut y accorder, permet de laisser passer toutes sortesde sous-entendus, de non-dits, de doutes, de suspicions, de scepticisme, de calomniesmme, vis--vis du discours en question. Par exemple, en disant : Il prtend quilcherche du travail , je peux sous-entendre que je suis sr quil nen est rien, et quilpasse ses journes au caf, etc.

    Dans lnonc cit du discours indirect, les embrayeurs sont employs par rapport lasituation dnonciation de lnonc citant (il ny a plus quun nonciateur, le narrateur).Par ailleurs, les guillemets ne doivent pas tre employs.

    Il existe deux sortes de discours indirects, le discours indirect liet le discours indirectlibre. Les deux formes exigent une transpositiondes temps verbaux, des personnes, etc.

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    En matire de discours rapport, on entend par transposition, la transformation dun type dediscours dans un autre. La transposition pose plus de difficults lorsquon part du discours directet que lon va vers le discours indirect.

    Cette transposition concerne les embrayeurs, cest--dire, le temps des verbes, les

    personnes, ainsi que les autres marques de lnonciation (temps et lieu), qui ne seront plusconsidres du point de vue de lnonciateur originel (comme dans le discours direct),mais du point de vue du narrateur.

    Dans certains cas (interjections, phrases nominales, phrase incomplte, phrasegrammaticalement incorrecte), cette transposition pose des difficults et exige uneadaptation supplmentaire, une interprtation de la part du narrateur, de manire produire un nonc conforme aux rgles grammaticales :

    Il a dit : Hlas ! / Il a dit : Mon sjour dans les Cvennes ? Un paradis ! / Il a dit : Vraiment, tu crois que / Il a dit : Si jaurais su, je ne serais pas venu !

    Il a pouss un soupir de dcouragement. / Il a dit que son sjour dans les Cvennesavait t un paradis. / Il a paru hsitant. / Il a dit que sil avait su, il ne serait pas venu.

    part ces cas difficiles (mais frquents dans lnonciation orale), la transposition dans lediscours indirect suit les rgles suivantes.

    Transposition du temps des verbes

    Si le verbe introducteur est au prsent ou au futur, il ny a aucun changement de tempsdans lnonc cit :

    Il me dit : Je suis sr que tu russiras. [Discours direct formel]Il me dit quil est sr que je russirai. [Discours indirect formel]

    Si au contraire, le verbe introducteur est au pass (simple, compos ou imparfait), leprsent de lindicatif devient imparfait de lindicatif, le pass simple ou le passcompos de lindicatif deviennent plus-que-parfait de lindicatif, le pass antrieurdevient conditionnel pass, le futur simpledevient prsent du conditionnelet le futurantrieur devient conditionnel pass (cest la concordance des temps du discoursrapport ) :

    Il ma dit : Je suis sr que tu russiras. [Discours direct formel]Il ma dit quil tait sr que je russirais.[Discours indirect formel]

    Synthse:

    Ildit: "Tu esen retard".Ilditque tu esen retard.Ildira: "Tu asfaim".Ildiraque tu asfaim.

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    Ila dit: "Tu l isbeaucoup".Ila ditque tu lisaisbeaucoup.Ila dit: "Tu as reconnuBill".Ila ditque tu avais reconnuBill".Ila rpt: "Ton discours futremarquable".

    Ila rptque ton discours avait tremarquable.Ila rpt: "Ton discours et tplus beau sans cette faute".Ila rptque ton discours au rai t tplus beau sans cette faute.Ila confirm: "Tu porterasune superbe robe".Ila confirmque tu porteraisune superbe robe.Ila affi rm: "Jaurai finiavant quelle narrive".Ila aff irmqui l aurait fi niavant quelle narrive.

    ATTENTION: limparfait, le plus-que-parfait et le conditionnel restent inchangs !!!

    Il pleuvait. Il a dit quil pleuvait. "javais commis des erreurs" Il a avou quil avait commis

    des erreurs. Je ne ferais pas a. Il a dit quil ne ferait pas a.Le discours indirecte libre

    Le discours indirect libreest un type de discours indirect implicite. Sa particularit estde ne pas utiliser de verbe introducteur (parler ou dire), autrement dit, la propositionsubordonne contenant lnonc cit, se retrouve prive de proposition principale : enconsquence, lnonc cit devient proposition principale. Cest la transcription des parolesprononces, crites ou penses, mais sans les embrayeurs du discours citant, et avec unemodification du temps des verbes (passage au pass le plus souvent). De mme, le locuteur nestpas identifi de faon explicite. Dans le discours indirect libre, la voix du personnage et celle dunarrateur "senchevtrent", de sorte quon ne sait jamais parfaitement si cest le narrateur ou lepersonnage qui parle (on parle dailleurs ce propos de "superpositions de voix", ou encore, de"polyphonie"). Nanmoins, il nest pas introduit laide de ponctuation, ce qui a pour effet lafluidit du rcit et des voix.

    "Le professeur se mit alors en colre. Il ne supportait plus la paresse de son lve. Ilfinirait par ne plus sen occuper si celui-ci trouvait sans arrt des excuses pour ne pas faireses devoirs""Il met bas son fagot, il songe son malheur. / Quel plaisir a-t-il eu depuis quil est aumonde ?" (Jean de La Fontaine - "La Mort et le Bcheron")

    Les textes souligns sont dans le discours indirect libre.

    LeDIL(discours indirect libre) ne se situe pas sur le mme plan que le Discours indirectou le Discours direct, il accumule pourtant les avantages de ces deux discours. Il ne peut trecaractris comme tel hors contexte puisquil ne prsente aucune marque de linguistique. Il fautdonc sattendre de nombreux cas dambigut.

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    Le discours (ou style) indirect libre est essentiellement un procd littraire qui serencontre peu dans la langue parle. Il permet au romancier de saffranchir du modle thtralqui imposait le mimtisme du discours direct. Lauteur peut rapporter les paroles et les pensesau moyen dune forme qui sintgre parfaitement au rcit, ouvrant des perspectives narrativesnouvelles, notamment au XIXe sicle. Ses formes, linstar de celles du discours indirect , on

    galement t largement tudies. Il est un mixte des deux discours prcdents auxquels ilemprunte des marques : on peut parler despace nonciatif mixte.

    Il participe du discours direct en ce quil supprime toutes les formes qui rattachentce discours narration, et notamment la subordination. Le verbe recteur disparaten tant que tel. Lui est parfois substitu un terme de communication plac, commedans le discours direct, en incise ou avant le discours rapport : dans ce derniercas, le lecteur est averti quun discours va tre restitu.

    Il participe encore du discours direct en ce quil permet la restitution immdiatedes modalits propres au discours du personnage (outre lassertion,lexclamation, linterrogation)

    Lidiolecte du personnage est restitu comme dans le discours direct, avec toutesses connotations, quelles soient socioculturelles ou affectivesapprciatives. En revanche, il participe du discours indirect, intgr la narration, par le jeu des

    personnes et des temps et fond sur un reprage relatif : il implique lemploircurrent de la troisime personne pour dsigner le personnage dont on rapporte lediscours, lemploi de limparfait qui place le propos hors de la situationdnonciation et transcrit le prsent, et lemploi de la forme en rais (futur dupass), qui transcrit le futur : la brusque intervention dans le rcit dune forme enrais valeur temporelle de futur du pass est souvent indice du passage audiscours indirect libre.

    Le discours indirect libre semploie surtout dans la narration. Il se trouve mi-chemin entre lediscours direct et le discours indirect. Il fait entendre les paroles du personnage sans les citertextuellement. Comme le discours direct, il rapporte les paroles ou les penses dans des noncsindpendants : il nest pas introduit par des verbes comme dire ou penser et laconjonction que . Comme le discours direct, il reproduit les questions, les exclamations, lesinterjections et peut contenir aussi des phrases elliptiques. Comme le discours indirect iltransforme les personnes (la 1re en 3me personne), les temps des verbes (les rgles de laconcordance des temps sont appliques au pass).

    Exemples :

    Discours indirect: Michel dit sa mre quil voulait partir.

    Discours direct: Michel dit sa mre : Je veux partir !

    Discours indirect libre : Michel est all trouver sa mre ; il fallait absolument quil parte.

    A cause de ces caractristiques, le style indirect libre est plus concis et expressif que le styleindirect malgr lemploi de la troisime personne et il permet au lecteur de participer plus

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    directement et plus vivement aux sentiments et aux penses dun personnage. Comme lespenses prsentes au discours direct sans verbe dintroduction, le style indirect libre estgalement une technique du monologue intrieur.

    Il faut encore mentionner les transposition habituelles des dictiques spatiotemporels qui

    compensent lici et le maintenantdu personnage.

    Discours direct Discours indirect

    La ponctuation

    Les deux points, les guillemets,les retours la ligne isolent lesparties dialogues du rcit.Tintin demanda linconnu : Qui tes-vous ?

    Ces signes de ponctuation nesont plus utiliss, comme si laparole ou la pense taientcomprises dans le rcit.Tintin demanda linconnuqui il tait.

    Les phrases

    Une proposition incise indiquequel est le personnage dont lesparoles sont rapportes. Ah, si jamais je le retrouve,ce sinistre gredin deTournesol, menaa leprofesseur Topolino, jelui

    Les phrases exclamatives,interrogatives, impratives quiexpriment les sentiments, lesinterrogations, les doutes delnonciateur sont frquentes. Vous connaissez cettecanaille de Tournesol ? demanda le professeur aucapitaine. Dtachez-moi

    mmdiatement ! , rugitTopolino.

    La parole est rapporte laide dune proposition

    subordonne, lincise danslaquelle se trouvait le verbe dedclaration devient donc laprincipale.Une phrase dclarative estrapporte laide duneproposition subordonneconjonctive introduite parque :Le capitaine Haddockaffirma que jamais il ne

    critiquerait le professeurTournesol.Une phrase interrogative estrapporte laide duneproposition subordonneinterrogative indirecte :Le professeur demanda aucapitaine sil connaissaitcette canaille de TournesolUne phrase imprative estrapporte laide dune

    proposition subordonneconjonctive au subjonctif oudun verbe linfinitif prcdde la prposition de.Topolino exigea quon ledtacht immdiatement.Tintin suggra au professeurdaller se dbarbouiller.

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    Les pronoms personnels etles dterminants possessifs

    Essentiellement ce sont lespronoms et les dterminants dela premire et de la deuxime

    personne qui sont utiliss.Le professeur, en sadressantau capitaine, hurla : Quivous a permis de me parlerainsi ? Votre insolence nestpas tolrable !

    Les pronoms et dterminantspossessifs varient selon lapersonne qui rapporte lesparoles.Je lui ai demand qui lui

    avait permis de me parlerdun faon aussi insolente.Il ma demand qui m avaitpermis de lui parler dunefaon aussi insolente.Il lui a demand qui lui avaitpermis de lui parler dunefaon aussi insolente.

    Les temps

    Les temps sorganisent autourdu prsent, comme danslnonciation.

    Je vous ai simplement posune question ; vous nyrpondez pas ; je nen diraipas plus, sindigne lecapitaine.

    Je vous ai simplement posune question ; vous nyrpondez pas ; je nen diraipas plus, intervint lecapitaine.

    Les temps des verbes despropositions subordonnes

    dpendent du temps du verbede la principale. Deux caspeuvent se prsenter :Le verbe principal est auprsent, les temps des verbesdu discours indirect nechangent pas :Le capitaine, indign, hurlequil lui a simplement pos unequestion, quon ne lui rpondpas, quil nen dira pas plus.Le verbe principal est aux

    temps du rcit, les verbes despropositions subordonnessont aussi aux temps du rcit.Le capitaine, indign, hurlaquil lui avait simplementpos une question, quon nelui rpondait pas, quil nendiraitpas plus.

    Les indicateurs spatio-temporels

    On utilise les adverbes de lieuet de temps suivants :

    Ici ;Aujourdhui, hier, demain,avant-hier, aprs demain, dansdeux jours, cette semaine, lasemaine prochaine

    On utilise, lorsque le verbeprincipal est au pass, lesindicateurs spatio-temporels

    suivants :L ;Ce jour-l, la veille, lelendemain, lavant-veille, lesurlendemain, deux jours plustard, cette semaine-l, lasemaine suivante.

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    Les formes nouvelles : le monologue

    Des formes nouvelles de discours rapport, ne relevant daucune des catgoriesidentifies, ont t cres au XXe sicle quand le narrateur veut rendre compte du discoursintrieur du personnage comme sil assistait son surgissement tout en manifestant sa prsence

    et sa distance :Non, rien dire pour sa dfense ; pas mme une raison fornir ; le plus simple sera dese taire ou de rpondre seulement aux questions. Que peut-elle redouter ? Cette nuit passeracomme toutes les autres nuits ; le soleil se lvera demain

    On reconnat dans cet extrait de Thrse Desqueyroux les traits spcifiques au discoursdirect : ladverbe dnonciation non, la modalit interrogative, les perspectives temporelles nondcales, le jeu des dictiques temporels (cette nuit, demain) se rfrant au cadre nonciatif dupersonnage, et non celui du narrateur. Mais celui-ci reste prsent derrire le perssonnage parune marque : lemploi de la troisime personne (sa, elle), impossible en discours direct. Estprivilgie, semble-t-il, par cette rupture avec les formes traditionnelles de discours rapport, latension inhrente au genre romanesque dans son volution : dun ct, pseudo-autonomie dunpersonnage dont le courant de conscience est restitu dans son jaillissement, de lautre, prsenceaffirme du narrateur, mme si ses marques sont apparemment rduites.

    Dune manire gnrale, un monologue dsigne une conversation quune personne tient avec elle-mme. Par dfinition, un discours solitaire. Mais cette solitude ne concerne que labsencephysique dautrui. Nombre de monologues sadressent en fait quelquun dautre:

    o le rcit non interrompu fait devant un public plus ou moins loigno le rcit non interrompu fait devant un public silencieux par respect, crainteo le discours imaginaire quon adresse quelquun, souvent dans lattente dune

    rencontre relleo le discours dune partie de soi-mme une autre partie

    MONOLOGUE DESCRIPTIF

    1) Quoi et Pourquoi?

    La description, comme la dfinition, consistent nommer, identifier, classer, localiser desobjets dans lespace et le temps, recenser leurs lments et leurs proprits. Elles impliquentsouvent des comparaisons et la rfrence des choses connues du lecteur. Tout ceci nous renvoie lexploitation du chapitre danalyse. La dfinition est plus rigoureuse, la description plusconcrte, plus vocatrice peut confiner au discours argument ou lvocation suggestive. Lesdeux procds visent rendre compte dune situation (tableau, inventaire des stocks, bilancomptable) ou dune srie dvnements (rapport daccident).

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    2) Comment?

    En littrature, comme dans la vie courante, la description peut prendre la forme du portrait,du tableau, dun inventaire de structures ou fonctions (mode demploi dun matriel).

    MONOLOGUE NARRATIF1) Quoi et Pourquoi?

    Plus vivant que la description, le rcit trouve sa place dans la vie quotidienne: lejournaliste rapporte un attentat ou un match de football, la concierge vous dcrit les mfaits de lapetite dame du sixime, votre pouse expose le dtail du cinq sept pass boire du th chez sameilleure amie ... Simplement racont en style indirect par un tiers, le rcit est un tmoignage,une nouvelle, un scnario. Si cela est directement mis en scne et reprsent devant le spectateurcest un film ou un opra, une pice de thtre ou de marionnettes...

    2) Comment? Personnages et rebondissements:

    Le rcit est une description ordonne dans le temps. Mais il se distingue du simple inventairechronologique par deux lments essentiels:

    - le rle important des personnages (attitudes et aptitudes) et de leurs comportements dans lessituations successives;

    - les complications (rebondissements, histoires annexes...) introd