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Développer des pratiques critiques sur La pensée critique est considérée par l’UNESCO (2006) comme une compétence nécessaire afin de faire face avec efficacité aux défis du 21e siècle. Dans son rapport à l’UNESCO, Delors (2006: 47) souligne clairement que le développement de la pensée critique est essentiel pour favoriser «une véritable compréhension des évènements», principalement dans le monde moderne où ceux-ci gagnent en complexité. internet Le Programme de formation de l’école québécoise fait souvent référence à l’exercice de la pensée critique. On retrouve, par exemple, la pensée cri- tique dans l’intention éducative et les axes de développement du domaine général de formation « Médias » (MEQ, 2001: 48-49). Dans ce contexte, le MEQ indique clairement que les élèves devraient non seulement être en mesure de distinguer les différentes sources d’information, mais aussi et surtout être conscients que toutes ne présentent pas une valeur épistémologique équivalente. Il s’ensuit que les enseignants doivent créer des conditions permettant aux jeunes d’exercer leur pensée critique en regard des différentes sources d’information, notamment sur Internet puisqu’il s’agit d’un lieu privilégié par les jeunes pour com- muniquer, échanger, lire, partager… Or, pour y arriver, les enseignants doivent eux-mêmes dispo- ser des outils leur permettant d’adopter des con- duites critiques face à l’information disponible sur Internet. Est-ce le cas?

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Développer des pratiques

critiques sur

La pensée critique est considérée par l’UNESCO (2006) comme une compétence

nécessaire afin de faire face avec efficacité aux défis du 21e siècle. Dans son rapport à l’UNESCO,

Delors (2006: 47) souligne clairement que le développement de la pensée critique est essentiel pour

favoriser «une véritable compréhension des évènements», principalement dans le monde moderne

où ceux-ci gagnent en complexité.

internet

Le Programme de formation de l’école québécoise

fait souvent référence à l’exercice de la pensée

critique. On retrouve, par exemple, la pensée cri-

tique dans l’intention éducative et les axes de

développement du domaine général de formation

« Médias » (MEQ, 2001: 48-49). Dans ce contexte, le

MEQ indique clairement que les élèves devraient

non seulement être en mesure de distinguer les

différentes sources d’information, mais aussi et

surtout être conscients que toutes ne présentent

pas une valeur épistémologique équivalente.

Il s’ensuit que les enseignants doivent créer des

conditions permettant aux jeunes d’exercer leur

pensée critique en regard des différentes sources

d’information, notamment sur Internet puisqu’il

s’agit d’un lieu privilégié par les jeunes pour com-

muniquer, échanger, lire, partager… Or, pour y

arriver, les enseignants doivent eux-mêmes dispo-

ser des outils leur permettant d’adopter des con-

duites critiques face à l’information disponible sur

Internet. Est-ce le cas?

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Nous expliquerons d’abord l’importance réelle d’Internet dans la vie des

jeunes en faisant référence à quelques recherches récentes.

Nous puiserons ensuite dans les écrits traitant de l’esprit critique pour

expliquer précisément en quoi consiste l’exercice du jugement critique en

regard de l’information.

Dans la troisième section, nous résumerons les résultats d’une recherche

menée au Québec qui a exploré les compétences critiques des futurs

enseignants afin d’illustrer le chemin à faire dans ce domaine.

Finalement, dans la quatrième section, nous vous proposerons des références

et des résumés de recherche que nous jugeons pertinentes et susceptibles de

contribuer à votre réflexion.

1

2

3

4

L’ensemble devrait constituer un bon premier contact avec cette problématique.

Autour de cette

question, nous

vous proposons

un dossier en

quatre

sections.

Patrick Giroux, professeur, Université du Québec à Chicoutimi

Mathieu Gagnon, professeur, Université du Québec à Chicoutimi

Josiane Cornut, étudiante, Université du Québec à Chicoutimi

Stéphanie Lessard, étudiante à la maîtrise, Université du Québec à Chicoutimi

Bonne lecture!

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1. L’importance réelle d’Internet dans la vie des jeunes d’aujourd’hui

Plusieurs études menées récemment en Europe et en Amérique permettent de mieux appréhender

l’importance réelle d’Internet dans la vie des jeunes d’aujourd’hui.

En France, l’enquête « Moi et les écrans » réalisée dans un collège Français en 2010 visait

« à mettre en lumière le rapport qu’ont les jeunes aux écrans » (Association Ic@re, 2010: 4). Parmi

les 614 participants, 99% ont confirmé qu’il y a au moins un ordinateur relié à Internet à la maison

(p. 13). Dans tous les « écrans » visés par cette enquête (ordinateur, Internet, télévision, console de

jeux vidéos, téléphones portables multifonctions), le Web arrive clairement premier avec une

consommation hebdomadaire moyenne de 8h15 et le temps passé à naviguer augmente

continuellement entre 11 et 15 ans (p. 12). Association Ic@re concluent que ces « écrans », Internet

en tête, deviennent « le support de la vie sociale des jeunes » (p. 5) et proposent que :

Si nous voulons que les « digitals natives » (lire la note plus bas) s’approprient le contenu, les

savoirs et les outils des médias , ils ne pourront le faire que si les adultes participent à leur

valorisation. Accompagner les jeunes afin de leur permettre de saisir les ressorts des industries

médiatiques, leur apprendre à s’exprimer en ligne, c’est en effet leur montrer que les médias et

Internet sont non seulement un lieu permettant l’expression personnelle, mais également un

espace en perpétuelle évolution où cohabitent enjeux éducatifs et professionnels. (p. 26)

En France

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Plus près de nous, aux États-Unis, la Kaiser

Family Foundation mène depuis 1999 le projet

« Generation M: Media in the Lives of 8-to 18-

Year-Olds » qui a la particularité de prévoir

une collecte massive de données tous les 5

ans (Rideout, Foehr & Roberts, 2010). Ce projet

est aussi particulier parce qu’il s’intéresse à

l’usage simultané de plusieurs médias

(le « multitâche »). Pour la Kaiser Family Foun-

dation, l’étude et la compréhension du rôle

ainsi que l’importance des médias dans la vie

des jeunes sont essentielles, car ces derniers

véhiculent un ensemble de valeurs à

propos de la santé, des rôles de l’homme et de

la femme, de la sexualité, de la violence, de la

nutrition, des relations avec les pairs, etc.

Dans son ensemble, cette recherche permet

elle aussi de constater l’importance d’Internet

et des médias numériques dans la vie des

jeunes. Selon les données présentées, la

moyenne des adolescents américains s’expo-

Aux États-Unis

50% des jeunes américains auraient maintenant accès à un cellulaire entre 11 et 13 ans.

serait quotidiennement à 7h38 de médias

(télévision, musique, ordinateur, jeux vidéo,

mprimés, films). Si l’on considère le multitâche,

la moyenne des adolescents américains

s’exposerait chaque jour à l’équivalent de 10 h

45 de médias. Le fait que cette recherche ait

déjà procédé à trois collectes de données

permet aussi de constater que l’exposition est

en constante augmentation depuis 1999.

L’explosion de cette utilisation médiatique

s’expliquerait principalement par l’augmentation

de la consommation en ligne via l’ordinateur et

les appareils mobiles. Ainsi, si les jeunes

écoutent de plus en plus d’émissions de télé, ils

ne le font pas devant le téléviseur du salon, mais

plutôt sur Internet. Il en est de même pour la

musique et pour les revues. Selon cette étude, la

plus forte consommation de médias serait chez

les 11-14 ans, alors que les jeunes tombent à

deux pieds dans l’adolescence, changent très

rapidement et construisent leur identité à la fois

personnelle, sociale et professionnelle.

Le PEW Internet & American Life

Project étudie aussi l’usage des médias et

des technologies chez nos voisins américains

depuis plusieurs années. Leurs enquêtes

confirment la nette augmentation de l’impor-

tance des médias technologiques dans la vie

des jeunes. Les multiples études de ce projet

démontrent, par exemple, que les jeunes

adolescents ont accès de plus en plus tôt à

des appareils mobiles, qu’ils utilisent presque

tous Internet régulièrement et qu’ils sont très

nombreux à utiliser les réseaux sociaux.

Ainsi, 50% des jeunes américains auraient

maintenant accès à un celulaire entre 11 et 13

ans (source), 93% des adolescents navigueraient

régulièrement sur Internet (source) et 73%

utiliseraient fréquemment des réseaux sociaux

tels que Facebook ou MySpace (source). Un

rapport présenté plus récemment confirme

également des différences importantes entre les

générations en ce qui a trait à la possession et à

l’usage des gadgets technologiques qui

permettent la consommation médiatique

(source).

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2. L’exercice de la pensée critique

Actuellement, le concept de pensée

critique (note 1) est à la mode en ensei-

gnement et notre recherche sur la banque

de données ERIC en témoigne. En effet, à

partir des mots clés «critical thinking», on

aboutit à plus de 60 000 résultats!

Bien que nous nous réjouissons de l’intérêt

de plus en plus marqué envers le développe-

ment de la pensée critique, nous relevons

assez rapidement la diversité des appella-

tions dont elle fait l’objet. En effet, il est tantôt

question de pensée critique, tantôt de

jugement critique ou d’esprit critique.

D’autres font aussi référence aux compé-

tences, aux pratiques ou aux conduites

critiques que l’on peut adopter ou développer.

Cette diversité n’est pas sans jeter, parfois,

un flou conceptuel dans les écrits. Aussi, les

moyens pédagogiques dont nous disposons

pour développer la pensée critique sont

variés et dépendent en quelque sorte tant du

contexte — notamment disciplinaire — dans

lequel nous œuvrons, que de notre propre

conception de la pensée critique.

Le Québec ne fait pas exception face aux

mouvements des concepts à partir desquels

nous avons tenté de désigner et de

comprendre la pensée critique. De fait, alors

qu’au moment des États généraux de 1995 le

terme utilisé était celui d’esprit critique, le

Programme des programmes parlait quant à

lui de pensée critique, tandis que le

Programme de formation de l’école

québécoise (PFEQ) s’articulait autour de la

notion de jugement critique comme compé-

tence transversale. En ce sens, notons que

plus récemment, le terme «compétence

transversale» a été rayé du PFEQ par le décret

712-2010 du 20 août 2010. Néanmoins, le

jugement critique demeure central, puisqu’il

figure toujours au rayon des éléments

d’évaluation. Mais au-delà de ces

modifications terminologiques (qui ne sont

pas vides de sens, mais sur lesquelles nous

ne pouvons nous attarder attentivement dans

le cadre du présent document), il en ressort

une intention éducative marquée de la part du

Ministère, une intention qui s’arrime

directement aux volontés de l’UNESCO en

matière de compétences nécessaires à la vie

courante (2005). Partant, tous les ensei-

gnants sont investis de la responsabilité de

favoriser le développement de la pensée cri-

tique des élèves à l’intérieur des différents

domaines.

Note 1 : Nous préciserons plus bas les distinctions entre pensée critique et jugement critique.

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Au Canada, le Réseau Éducation-Média a

mené l’étude « Jeunes canadiens dans un

monde branché » entre 2001 et 2005. Plus

de 10 000 jeunes canadiens ont été interro-

gés. Cette étude a permis de constater,

entre autres, que les jeunes canadiens ne

sont pas différents des jeunes français et

américains. La majorité d’entre eux (94%)

affirme utiliser Internet à la maison et un

grand nombre (61%) dit avoir un accès

haute vitesse. Au Canada comme ailleurs,

l’ordinateur ne serait plus le seul point d’ac-

cès à Internet pour les jeunes adolescents.

Près du quart (23%) des jeunes ont répondu

Au Canada

posséder un téléphone cellulaire, dont presque

la moitié (44%) donnait accès à

Internet. Les résultats démontrent aussi qu’il y

aurait eu une hausse dans l’accès à

Internet entre 2001 et 2005. Comme les jeunes

d’ailleurs dans le monde, les jeunes

canadiens utiliseraient Internet dans le but

d’élargir leurs réseaux sociaux actuels et d’en

développer de nouveaux. Selon cette étude,

Internet serait aussi la principale source d’infor-

mation des jeunes canadiens pour la réalisation

des travaux scolaires. Dans le cadre de l’étude,

ils se sont dits intéressés d’apprendre à mieux

chercher et évaluer l’information trouvée en

ligne.

Au Québec, le CEFRIO a aussi mené une

étude centrée sur les jeunes de 12-24 ans. Le

CEFRIO a surnommé le groupe des 12-24 ans

la « génération C », parce qu’ils utilisent In-

ternet pour « communiquer, collaborer et

créer ». Cette étude a mis en valeur l’impor-

tance des technologies de l’information et de

la communication (TIC) pour les jeunes qué-

bécois et les impacts de ces dernières sur

leurs modes de vie. Réalisée en 2008, elle a

confirmé que plusieurs d’entre eux possé-

daient alors un ordinateur de bureau (64%)

ou un ordinateur portable (19% des 12 à 17

ans et 58% des 18-24 ans) et qu’ils ont sou-

vent accès à un téléphone cellulaire (39% des

12 à 17 ans et 73% des 18-24 ans). L’objectif

principal de cette étude était de vérifier si

l’usage des technologies variait d’une géné-

ration à l’autre et si les jeunes québécois

étaient différents des jeunes d’ailleurs.

Au Québec

*** Note des auteurs de ce dossier: L’expression « digital natives » fait référence à la génération née après l’arrivée d’Internet et a été

popularisée par Prensky. Vous trouverez des articles à ce sujet ici, ici et là.

Elle a révélé plusieurs différences entre les

générations québécoises et a permis de

conclure que les jeunes québécois ne sont pas

différents des jeunes d’ailleurs. Ils sont, par

exemple, intéressés par les réseaux sociaux et

Internet est leur principale source d’information

pour les travaux scolaires. Cependant, il ressort

de cette recherche que les jeunes utilisent

davantage Internet et les technologies à la mai-

son qu’ils ne le font à l’école. Plus du tiers (36%)

des répondants aimeraient que l’école leur

apprenne comment mieux distinguer une source

d’information fiable d’une source moins crédible,

et environ le tiers (32%) souhaitent mieux

maîtriser Google. Surtout, cette recherche

indique que les jeunes eux-mêmes doutent des

compétences de leurs enseignants dans ce

domaine…

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Une définition

de la pensée critique

Nous ne pourrons malheureusement pas examiner en

profondeur les différentes définitions de la pensée critique

proposées dans la littérature. Précisons cependant qu’à

l’instar de Lipman (2003), nous préférons le terme « pen-

sée critique » (critical thinking) à celui de jugement cri-

tique comme le propose le MELS, puisque le premier ren-

voie à l’idée de processus alors que le second se rapporte

davantage à l’idée de résultat. En ce sens, notre concep-

tion s’inspire de la perspective de Brookfield (1997) selon

qui la pensée critique constitue d’abord et avant tout une

action en situation; c’est pourquoi, entre autres, nous en parlerons en termes de pratiques cri-

tiques. La définition sur laquelle nous nous appuyons, issue d’une recension des écrits (Gagnon

2008, 2009, 2010), est la suivante :

La pensée critique est une pratique évaluative fondée sur une démarche réflexive,

autocritique et autocorrectrice impliquant le recours à différentes ressources

(connaissances, habiletés de pensée, attitudes, personnes, informations, matériel) dans le

but de déterminer ce qu’il y a raisonnablement lieu de croire (au sens épistémologique) ou

de faire (aux sens méthodologique et éthique) en considérant attentivement les critères de

choix et les diversités contextuelles.

En fait, nous sommes d’avis que

le développement de la pensée critique passe

d’abord et avant tout par la mise en route de

situations complexes dans lesquelles les

élèves pourront s’engager à l’intérieur de

pratiques sociales et évaluatives. Bref, il ne

s’agit pas tant de leur «enseigner» ce qu’est la

pensée critique, mais de les conduire à

mobiliser leur pensée critique, en contexte,

ainsi qu’à réfléchir sur cette mobilisation.

Cette perspective correspond d’ailleurs aux

tendances actuelles découlant des différents

travaux menés depuis plus de 40 ans dans le

domaine (Gagnon, accepté). En effet, il

apparaît de plus en plus que la maîtrise isolée

d’habiletés et que l’enseignement théorique

des composantes d’une pensée critique ne

suffisent pas à en assurer le développement et

la mobilisation en situation complexe et authen-

tique. Compte tenu des dispositions auxquelles

les pratiques critiques se rapportent et des mul-

tiples dimensions qu’elles convoquent (sociales,

affectives, intellectuelles), celles-ci gagnent à se

mobiliser et à se développer en contexte

authentique. Située dans le cadre des préoccu-

pations qui guident le présent texte, cette

conception signifie qu’il serait précieux, si nous

souhaitons aider les élèves à développer leur

pensée critique face à l’information disponible

sur Internet, de leur proposer des situations

dans lesquelles ils seront appelés à chercher,

évaluer et sélectionner de l’information.

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La pensée critique et l’information

Rappelons dans un premier temps qu’il se

dégage clairement des écrits que le mode

propre de la pensée critique, c’est-à-dire

celui par lequel elle se distingue des autres

types de pensée, est le mode évaluatif.

Ainsi, cela signifie que lorsqu’elle est

dirigée vers l’information, exercer sa

pensée critique consiste à s’engager à

l’intérieur de processus évaluatifs par les-

quels l’information sera jugée en fonction

de différents critères : clarté, fiabilité,

pertinence, qualité… Ce recours aux critères

pour juger de l’information est fondamental

dans la mesure où, selon les mots de

Lipman (2003), pensée critique et critères

s’appellent réciproquement. Partant, afin

de juger des informations, le penseur

critique prendra soin de dépasser son

impression personnelle en s’appuyant sur

des raisons déterminantes, ou, pour le dire

autrement, sur des critères. En ce sens, les

6 questions du cyberespace proposés par

le Réseau Éducation-Médias peuvent servir

de guide (ou de critères) pour mettre en

œuvre des pratiques critiques. (Nous

discutons de l’application de ces critères

dans cet autre dossier publié sur le site

du Carrefour-Éducation et fournissons aux

Examinons maintenant de plus près les relations qui ont été

posées entre l’exercice d’une pensée critique (ou les

pratiques critiques) et l’information.

lecteurs une vastewebographie [PDF, p. 14-22] à

propos du jugement de l’information sur

Internet.) Ces critères ne doivent cependant pas

être appliqués aveuglément, puisqu’une pensée

critique est une pensée réflexive, mais bien déli-

bérément avec une conscience de leur impor-

tance relative en fonction des contextes et visées

poursuivies. De sorte que, parfois, certains

critères auront davantage d’importance que

d’autres, mais pas toujours. Ainsi en est-il, par

exemple, de la date de parution qui, en fonction

du type d’information recherchée, pourra être

considérée plus ou moins importante. Cela

relève, entre autres, du souci pour le contexte, un

élément important d’une pratique critique.

Il ne suffit pas de nommer sa source, encore faut-il expliquer en quoi elle est

crédible, fiable et appropriée au contexte.

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Dans les écrits, les relations entre l’exercice

d’une pensée critique et l’information trouvent

principalement leur ancrage dans les travaux

de Ennis (1985), de Halonen (1986) et de Paul

(1990). Depuis, ces relations font partie inté-

grante des différentes définitions de la pensée

critique (Ku, 2009). Nous pourrions même

soutenir sans craindre de nous tromper que

les relations entre pensée critique et

information se posent avec de plus en plus

d’insistance compte tenu de la réalité à

laquelle nous convoquent la présence d’Inter-

net et l’utilisation qu’en font les jeunes. Ennis

fut l’un des premiers à articuler sa conception

autour d’une distinction entre des attitudes et

des capacités propres à la pensée critique qui

agissent de manière complémentaire. Parmi

les attitudes identifiées par Ennis (1985, 1993),

Ainsi, nous voyons que les composantes liées à la recherche, à l’identification et à l’évaluation des

sources, bien que nécessaires à l’exercice d’une pensée critique, ne sont pas suffisantes en

elles-mêmes. De sorte que ces éléments doivent être articulés par le truchement d’autres éléments

constitutifs des pratiques critiques, une articulation qui ne peut s’effectuer par le recours à une

«recette», ou encore à une démarche prédéterminée. Encore ici, la situation servira de guide à

l’articulation ainsi qu’à la construction des pratiques qui pourront être qualifiées, ou non, de

critiques. Examinons de plus près, quoique fort brièvement, ce qu’il en est.

nous retrouvons «la propension à fournir un

effort constant pour être bien informé». Quant

aux capacités, elles comprennent, entre

autres, «mentionner ses sources», de même

que juger et évaluer leur crédibilité. Sembla-

blement, Halonen (1986) parlera de

«recherche d’informations », alors que Paul

(1990) réfère, lui aussi, à l’évaluation de la

crédibilité. Ainsi, nous en comprenons qu’il ne

s’agit pas simplement de présenter nos

sources, mais également et surtout de les re-

pérer à la lumière d’un processus évaluatif

fondé sur des critères visant à déterminer leur

crédibilité, leur fiabilité, leur perti-

nence… Autrement dit, encore faut-il, notam-

ment, identifier les raisons sur lesquelles nous

nous appuyons pour attribuer de la crédibilité

à une information.

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Dire qu’il est précieux, voire essentiel, d’évaluer les informations est une chose, mais il en est une

autre d’exposer sur la base de quels éléments ces processus évaluatifs se construisent. Parmi ces

éléments, différentes habiletés et dispositions servent de guide à l’action évaluative (note 2). Voici

une liste de celles qui semblent se rapporter plus précisément à l’évaluation de l’information :

analyser les arguments ;

apprécier et évaluer les rapports d’observation ;

apprécier et évaluer les inférences (déductions et inductions) ;

apprécier et évaluer les jugements de valeurs (distinguer les «faits» des opinions) ;

identifier et évaluer les présupposés et les cadres de références (souvent implicites) ;

identifier et évaluer les conclusions et les conséquences ;

évaluer la cohérence et relever des contradictions ;

évaluer les définitions ;

apprécier la clarté et chercher des précisions;

formuler des questions de clarifications ;

examiner les possibilités différentes et rechercher les points de vue alternatifs ;

rechercher et évaluer les preuves ;

avoir confiance en la raison, chercher et apprécier la rigueur, relever les sophismes ;

examiner les propos à la lumière des normes relatives aux principes et méthodes des domaines

convoqués.

Comme nous le voyons, il ne s’agit pas simplement d’identifier la provenance, l’auteur, la date ou le

lieu pour en conclure que l’évaluation des informations s’inscrit à l’intérieur d’une démarche cri-

tique. Il faut aller «au fond des choses» en quelque sorte en dépassant l’appel à l’autorité par un

examen approfondi des cadres de références, des contextes théoriques et discursifs, de la cohé-

rence du propos et de la qualité des raisonnements et démonstrations qui y sont déployés. Bref, il

ne suffit pas de nommer sa source, encore faut-il expliquer en quoi elle est crédible, fiable et ap-

propriée au contexte. En ce sens, les éléments identifiés précédemment constituent des res-

sources qu’il s’agit de mobiliser et de combiner entre elles afin d’évaluer avec davantage de rigueur

les sources ainsi que les informations. Celles-ci peuvent prendre forme à l’intérieur des différentes

phases d’un processus, et leur recours ne peut être défini a priori. Il s’agit donc d’une dynamique

complexe, au sens de Morin (1986), portée vers la construction de relations multiples et dyna-

miques — à certains moments chercher des précisions, à d’autres juger des conclusions…

Nous terminerons cette présentation sommaire des éléments se rapportant à l’exercice d’une

pensée critique face à l’information, en attirant l’attention sur deux aspects qui nous apparaissent

fondamentaux : les rapports aux savoirs et l’autocorrection.

Note 2 : (Bailin, 1999 ; Brell, 1990 ; Brookfield, 1987 ; Ennis, 1985, 1993 ; Facione et Facione, 1996; Ku, 2009 ; Lipman, 2003 ; Mc Peck,

1981 ; Siegel, 1988)

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À cet égard, mentionnons que le rapport aux

informations et à leurs sources nous

reconduit invariablement à la question des

rapports aux savoirs (Gagnon, accepté). Ces

rapports touchent, notamment, à notre

conception de la valeur de vérité des savoirs

(qu’ils soient scientifiques ou non), à leurs

limites ainsi qu’à l’importance accordée à

l’expertise dans un domaine. Il est de plus en

plus admis et fondé empiriquement (note 3)

que les manières dont nous concevons les

savoirs, notamment savants et scientifiques,

ont une incidence sur le caractère critique de

nos pratiques. En effet, il semble que plus

nous considérons que les méthodes de

recherche conduisent à la découverte de

vérité et à la connaissance de la réalité «en

elle-même», ou encore que plus nous

sommes d’avis que les experts sont porteurs

de vérités, moins nous manifestions de

pensée critique. À l’autre extrémité, il semble

que de considérer que tout est relatif revient à

dire que tout est vrai d’une certaine manière,

et qu’en ce sens, il n’est pas nécessaire

d’évaluer, de démontrer ou de justifier outre

mesure un propos — ce qui, du coup, freine

pratiquement tout exercice de pensée

critique. À cet égard, une position médiane

selon laquelle nos savoirs, issus d’échanges

entre des êtres humains, ne sont ni vrais

absolument, ni entièrement relatifs, favorise-

rait davantage cet exercice.

En ce sens, œuvrer au développement de la

pensée critique des élèves face à l’infor-

mation diffusée sur la toile, c’est

également prévoir des espaces dans

lesquels ils seront invités à réfléchir aux

processus d’élaboration, à la valeur, à la

portée et aux limites des informations,

qu’elles soient scientifiques ou non.

Finalement, dans la mesure où la pensée

critique ne se rapporte pas uniquement à une

série d’habiletés intellectuelles, soulignons

que les processus d’évaluation de l’informa-

tion devront également être teintés de

certaines attitudes. Parmi celles-ci, nous

retrouvons l’autocorrection qui apparaît

fondamentale (Lipman, 2003 ; Daniel, 2005).

Sommairement, nous pourrions dire de l’auto-

correction qu’elle correspond à cette

propension que nous pouvons avoir de

modifier nos conceptions et/ou conduites à la

lumière de raisons déterminantes. Elle

présuppose donc une ouverture d’esprit, une

humilité intellectuelle, de même que des

processus métacognitifs et autocritiques. Il

s’agit en quelque sorte de prendre un temps

pour revenir sur nos propres démarches et nos

propres manières de voir les choses, afin de

les examiner et de les évaluer. Dans le cadre

des relations face à l’information, cela

pourrait vouloir dire d’effectuer des retours

réflexifs sur les stratégies employées pour

chercher, évaluer et sélectionner de l’informa-

tion ; cela pourrait vouloir dire aussi, de

modifier ces stratégies au besoin. Ainsi, si

nous souhaitons favoriser le développement

de la pensée critique des élèves dans ce

contexte, il apparaît précieux de proposer des

situations dans lesquelles ils seront invités à

réfléchir, à discuter, à évaluer et à modifier

leurs stratégies. En ce sens, le Web semble

tout désigné pour servir de contexte

d’apprentissage, puisqu’il peut fournir un très

grand nombre de situations toutes très

différentes les unes des autres.

Note 3 : (Daniel et al., 2005 ; Gagnon, accepté ; Golding, 2009 ; Kitchener, 1983 ; Kuhn, 2003)

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3. Et parmi les futurs enseignants québécois?

Internet occupe donc une place de choix dans la vie des jeunes. Selon leur point de vue, Internet

est un lieu privilégié pour communiquer, échanger, lire, partager… Les jeunes reconnaissent avoir

besoin de formation dans ce domaine. Or, c’est sur les enseignants que repose le fardeau de créer

des conditions qui permettront aux jeunes d’exercer leur pensée critique en regard d’Internet. Pour

y arriver, les enseignants doivent eux-mêmes disposer des outils leur permettant d’adopter des

conduites critiques et, comme on l’a présenté à la section précédente, ce n’est pas un processus

simple.

Présentation sommaire de la recherche

Une recherche exploratoire a été menée à l’UQAC. Elle avait comme objectif général d’étudier les

pratiques critiques des futurs enseignants à l’égard d’Internet afin d’évaluer la situation locale.

Une méthode prévoyant trois grandes étapes a été utilisée pour y arriver. D’abord, un groupe de

futurs enseignants a été soumis à une tâche pratique de recherche et d’évaluation d’informations

sur Internet. Le sujet de cette recherche (Barrières et facilitateurs de l’intégration des TIC à l’école)

était imposé et il était fort peu probable qu’un des étudiants le maîtrise déjà. Des entrevues

semi-dirigées ont ensuite été conduites afin d’identifier les principaux critères utilisés par les

futurs enseignants pour juger l’information. Un questionnaire a finalement été élaboré à partir des

résultats des entrevues. Il a été utilisé afin de recueillir rapidement de l’information concernant un

grand nombre d’étudiants en éducation.

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Ce que les participants ont fait

En moyenne, les étudiants ont justifié leurs évaluations par 1,34 critères ou arguments seulement.

La figure suivante montre assez clairement que la majorité des participants a fait référence à un

seul critère pour justifier ou expliquer son jugement.

(1) le ou les auteurs (expérience, métier,

formation…),

(2) l’institution qui chapeaute le site,

(3) le type de site (ex.: blogue, wiki),

(4) le type d’informations qu’on trouve sur le

site (ex.: opinion, résultats de recherche),

(5) la quantité d’informations disponibles,

(6) la proximité ou le lien existant entre l’infor-

mation repérée et l’objet de la recherche

d’informations,

(7) la présence de références ou d’hyperliens,

(8) la situation ou l’origine géographique,

(9) l’aspect visuel ou la présentation de

l’information,

(10) la date de publication ou de mise à jour et

(11) la qualité de la langue.

Les participants ont identifié 11 critères :

Il est d’abord ressorti de la tâche pratique

que l’évaluation des sites était le plus

souvent bonne ou mauvaise, rarement

neutre. Comme on peut le voir dans la

figure relative à l’évaluation de la

pertinence des sites repérés, les

participants ont rarement indiqué qu’un

site n’était ni bon, ni mauvais. Dans le

cadre de la tâche pratique, les évaluations

devaient être appuyées par un

commentaire écrit expliquant la décision.

Ce qui se dégage de ces données préliminaires

Ce résumé des résultats de notre étude, bien qu’expéditif, suffit tout de même à mettre en valeur

certaines situations soulevant des questions.

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Le premier questionnement important concerne la diversité déclarée des arguments et la

fréquence d’utilisation de ces derniers lors d’une tâche réelle de recherche et d’évaluation.

Selon les données du questionnaire, les futurs enseignants utilisent assez fréquemment 8 des 11

critères que nous leur avons suggérés.

Or, dans la pratique, ils semblent le plus souvent utiliser un seul

critère pour décider de la pertinence d’un site. Il est intrigant de

voir que pour la plus grande portion des sites évalués lors de la

tâche de recherche, l’explication de l’évaluation ne dépendait

apparemment que d’un seul critère. L’exercice du sens critique

nécessite en théorie la considération de l’ensemble des critères

selon le contexte. Ici, plusieurs facteurs peuvent être entrés en jeu.

À titre d’exemple, les directives données lors de la tâche ne

demandaient pas explicitement de citer tous les critères employés

pour décider, mais demandaient d’expliquer chaque jugement. Ces

consignes n’étaient peut-être pas suffisamment précises. Le sujet

de la recherche peut aussi avoir influencé les résultats. Il est envisageable que les institutions

gouvernementales et scolaires se soient peu intéressées ou aient peu publié à propos des

conditions favorisant l’intégration des TIC.

Dans ce contexte, l’exercice de la pensée critique n’aurait pas requis l’application du critère « Ins-

titution » puisque le contexte ne s’y prêtait pas. Dans le questionnaire, plusieurs items avaient été

formulés pour chaque critère. Plusieurs items ont donc été regroupés lors du calcul des

moyennes. Une analyse plus fine a permis de constater que ces moyennes cachent peut-être cer-

tains éléments de la vérité. Les étudiants ne sont peut-être pas aussi à l’aise avec les critères que

les moyennes semblent l’indiquer. Par exemple, les futurs enseignants disent faire très confiance

aux sites produits par le gouvernement ou des entités officielles, mais presque la moitié des ré-

pondants déclarent prendre peu ou pas en compte les objectifs et les fonctions de l’institution. Le

recours à une moyenne cache cet élément ou en diminue l’importance. Doit-on comprendre que

les participants croient que ces critères sont importants, mais ne savent pas les mettre en pra-

tique? Peut-être n’ont-ils pas toutes les connaissances nécessaires pour appliquer des critères

permettant un jugement critique? Cela expliquerait l’apparente disparité entre les résultats de

l’exercice pratique et les données issues du questionnaire.

Dans la pratique, les futurs enseignants semblent le plus souvent utiliser un

seul critère pour décider de la pertinence d’un site.

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Un autre élément questionnant

Àconcerne le fait que l’évaluation

des sites soit souvent bonne ou

mauvaise. Les étudiants ont

identifié et évalué 300 sites. Avec un

nombre aussi important de sites, la

distribution des évaluations devrait,

à notre avis, se rapprocher d’une

courbe normale. Un plus grand

nombre de sites auraient dû se

retrouver avec une évaluation

« moyenne ». Il est difficile

d’envisager que les informations

disponibles à propos du sujet imposé soient aussi tranchées. Le sujet (Barrières et facilitateurs de

l’intégration pédagogique des TIC) avait été choisi justement parce qu’il a fait l’objet de nom-

breuses recherches et qu’il a été au cœur d’un grand nombre de discussions dans des forums et

sur des blogues. Ces recherches et ces discussions ont été menées selon plusieurs angles et par

plusieurs personnes plus ou moins bien positionnées pour le faire. Ainsi, on peut difficile envisagé

qu’aussi peu de sources d’informations liées à ce sujet soient « moyennement crédibles et perti-

nentes ». Il s’agit peut-être d’un indicateur que les futurs enseignants ont préféré dichotomiser les

sites entre pertinents et non pertinents. Et si c’est le cas, l’ont-ils fait parce qu’ils n’avaient pas les

compétences nécessaires ou parce qu’ils n’étaient pas suffisamment motivés pour s’engager plus

et être plus précis?

Il serait mal avisé d’émettre des conclusions sur la base de cette étude exploratoire ou de cette

présentation sommaire des résultats. Une réalité semble néanmoins se dessiner qui nécessitera

plus d’attention du point de vue de la recherche comme de la formation initiale. Les futurs

enseignants ont besoin d’être mieux outillés en ce qui a trait à l’exercice de leur pensée critique.

S’ils reconnaissent l’importance de plusieurs critères lorsque vient le temps de juger de la

pertinence d’une information provenant d’Internet, ils ne semblent pas en mesure de mettre ces

critères en pratique. À ce stade de réflexion, il apparaît plausible que les futurs enseignants ne

disposent pas des outils leur permettant d’adopter des conduites critiques face à l’information

disponible sur Internet. Qu’en est-il des enseignants établis qui exercent dans le milieu? Est-ce

pareil partout au pays et dans la province? Et comment faire pour mieux former les futurs

enseignants? Quelles approches pédagogiques sont les plus adéquates pour s’exercer à mettre

sa pensée critique en pratique?

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4. La recherche ailleurs et dans d’autres contextes

Voici quelques textes que nous considérons intéressants en lien avec ce dossier. Notez que vous

trouverez une webographie de liens vers des sites sur l’évaluation de la crédibilité de l’information

dans cet autre dossier proposé par les mêmes auteurs sur le site Carrefour Éducation.

Baildon, M. & Damico, J. S. (2009). How Do We Know?: Students Examine Issues of Credibility With

a Complicated Multimodal Web-Based Text, Curriculum Inquiry, 39(2), pp.265-285. Disponible en

ligne: http://dx.doi.org/DOI:10.1111/j.1467-873X.2009.00443.x

Ces chercheurs ont présenté et soumis à la critique de 32 étudiants de 9e année (Asie de l’est) le

documentaire Loose Change. Il s’agit d’une production indépendante tentant d’incriminer les États-Unis

pour l’attaque du 11 septembre. Cette vidéo fait des allégations convaincantes et amène un

questionnement sur la crédibilité des faits. Les chercheurs attendaient des jeunes qu’ils évaluent les

allégations et la crédibilité des textes multimodaux (sonore+visuel) en effectuant des analyses critiques et

prudentes des composantes spécifiques de la vidéo ainsi qu’en observant comment ces composantes sont

combinées pour créer du sens. Ils souhaitaient aussi que cette analyse soit réalisée au sein d’une

communauté où les différents sens et perspectives peuvent être partagés et développés.

Ces résultats attendus ont mené à l’élaboration de quatre « questions essentielles » utilisées pour guider le

travail des jeunes : 1) Qu’est-ce qui est crédible par rapport à cette vidéo?; 2) Qu’est-ce qui ne l’est pas?;

3) Comment le sais-tu?; 4) Qu’est-ce qui fait que le texte est plus ou moins crédible? Les éléments suivants

durant cette mise en situation, les jeunes ont accédé à leurs connaissances antérieures et

identifié les manques ;

les jeunes ont pu déterminer la crédibilité de la preuve et se sont reconnus dépassés ;

le Web est un réseau d’éléments et l’établissement de la crédibilité d’un document fait souvent appel à

des éléments internes et externes au document évalué ; le visuel a beaucoup

d’importance

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Brand-Gruwel, S. & Stadtler, M. (2010). Solving information-based problems: Evaluating sources

and information, Learning and Instruction, 21(2), pp.175-179. Accessible en ligne: http://

linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0959475210000228

Cet éditorial traite des processus impliqués dans la résolution de problèmes informationnels. Les

auteurs expliquent que les individus doivent être capables de définir le problème informationnel, de

chercher et de sélectionner des sources utiles et crédibles et de synthétiser l’information en un

ensemble cohérent de savoirs. Ils identifient l’évaluation critique des sources et des informations

comme une habileté essentielle et précisent que le processus d’évaluation est d’une importance

particulière lors de la recherche d’informations sur Internet, dû aux masses d’informations et au

principe de publication ouverte souvent adopté sur le Web. Les différentes perspectives

influençant l’approche des étudiants tels les savoirs antérieurs spécifiques au domaine, le savoir

métatextuel et les croyances épistémologiques des étudiants sont prises en compte (surtout par

rapport à la nature du savoir et comment quelqu’un en vient à savoir). Les auteurs précisent aussi

que l’apprentissage provenant de sources d’informations multiples n’est pas linéaire. Rendre les

sources d’information disponibles n’est pas suffisant pour garantir l’apprentissage ou pour

résoudre des problèmes basés sur l’information. Pour réussir, les apprenants ont besoin

d’appliquer de nombreuses habiletés cognitives, comme chercher et évaluer et intégrer

l’information.

Burton, V. (2000). Investigating the practices of student researchers: patterns of use and criteria

for use of internet and library sources, Computers and Composition, 17(3), pp. 309-328. Accessible

en ligne: http://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S8755461500000372

Cette étude sonde 543 étudiants de niveau collégial (moyenne: 21,13 ans) pour identifier les

critères qu’ils utilisent pour évaluer des sources informationnelles sur Internet et à la bibliothèque

ainsi que le type de formation qui leur a été offert en lien avec l’évaluation de l’information. Plus

précisément, l’auteur répond à 5 questions:

1. Est-ce que les étudiants doivent faire des recherches en dehors des cours? Quels sont les

genres de travaux qui sont demandés le plus fréquemment?

2. Est-ce qu’ils ont eu des formations pour la recherche sur Internet ou en bibliothèque?

3. Les étudiants du collège qui ont eu à réaliser des travaux longs utilisent-ils davantage

Internet que la bibliothèque?

4. Quelle est la relation entre la formation de recherche sur Internet et en bibliothèque et

l’utilisation réelle d’Internet ou de bibliothèque?

5. Quels critères les élèves utilisent pour évaluer les sources?

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Chu, S. K.-W., & Law, N. (2007). Development of information search expertise: Research students’

knowledge of source types, Journal of Librarianship and Information Science, 39(1), pp.27-40. Dis-

ponible en ligne: http://dx.doi.org/doi:10.1177/0961000607074813.

Cette recherche avait comme objectif général de découvrir les rôles que les différentes sources

jouent à différents niveaux de la recherche pour des étudiants universitaires. Les auteurs se sont

attardés à la perception des sources et aux savoirs relatifs à chaque type de source. Les

chercheurs ont trouvé que l’accroissement de la compréhension et de la connaissance des types

de source contribuent au développement de l’expertise des étudiants par rapport à la recherche

d’informations.

Davis, P. M, & Cohen, S. A. (2001). The effect of the Web on undergraduate citation behavior 1996–

1999, Journal of the American Society for Information Science and Technology, 2001, 52(4),

pp.309-314. Disponible en ligne: http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/1532-2890(2000)

9999:9999%3C::AID-ASI1069%3E3.0.CO;2-P/full.

Les chercheurs ont étudié les travaux d’étudiants en microéconomie produits entre 1996 et 1999.

L’analyse a porté sur les bibliographies. Ils ont catégorisé les types de source et leur utilisation. Il

en ressort que les livres sont de moins en moins cités par les étudiants (diminution de 30% à 19%).

À l’opposé, les ressources Web (augmentation de 9% à 21%) et les journaux (augmentation de 7% à

16%) sont plus souvent utilisés par les étudiants.

Julien, H., & Barker, S. (2009). How high-school students find and evaluate scientific information:

A basis for information literacy skills development, Library & Information Science Research, 31(1),

pp. 12-17. Accessible en ligne:http://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0740818808001382.

Ces chercheurs étudient la relation entre le curriculum des cours de sciences et l’actuel niveau

d’habileté des étudiants. Cette recherche a été menée en Alberta où le curriculum en sciences sup-

porte le développement d’habiletés en recherche d’information. Les participants sont 1300 élèves

de 11e et 12e année. Les chercheurs concluent que plusieurs élèves sont incapables de démontrer

des habiletés sophistiquées en recherche d’information et en évaluation critique. Pour leur part, les

élèves semblent avoir confiance dans leurs habiletés à évaluer les sources et Google est l’outil le

plus utilisé pour la recherche.

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Kolstø, S. D., Bungum, B., & coll. (2006). Science students’ critical examination of scientific infor-

mation related to socioscientific issues, Science Education, 90(4), pp.632-655. Disponible en

ligne: http://doi.wiley.com/10.1002/sce.20133.

Les auteurs proposent que pour être « scientifiquement instruit », un individu doit maîtriser

certaines habiletés liées à la prise de décisions par rapport à des problèmes socioscientifiques.

Ces habiletés incluent l’évaluation critique des affirmations scientifiques et des arguments

impliqués. 89 étudiants en sciences de l’éducation avec des qualifications substantielles en

sciences ont travaillé en équipe pour évaluer la fiabilité des affirmations scientifiques d’articles de

leur choix, mais reliés à des problèmes socioscientifiques. À partir des rapports écrits soumis par

les équipes, les chercheurs ont identifié 13 critères permettant de juger de la fiabilité de

l’information scientifique.

Lee, H. (2008). Information Structures and Undergraduate Students, The Journal of Academic Li-

brarianship, 34 (3), pp.211-219. Accessible en ligne: http://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/

S0099133308000359.

Les chercheurs ont interviewé 15 étudiants à l’université afin d’identifier ce qu’ils connaissent des

structures informationnelles disponibles dans leur environnement, comment ces étudiants utilisent

ces structures et quelles structures additionnelles seraient utiles aux étudiants. Les chercheurs ont

aussi vérifié si les structures disponibles convenaient aux étudiants. L’article présente, en plus des

réponses à ces questions, les raisons qui motivent les étudiants à préférer la bibliothèque ou

Internet.

Dossier complémentaire

Le chercheur Patrick Giroux et son équipe ont publié un dossier complémentaire en collaboration

avec le Carrefour-Éducation et l’Infobourg.

[Lire le dossier sur Carrefour-Éducation] [Télécharger le dossier intégral (PDF)]

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Références