Surlaroutedel’espoir,tome1

[LiliSky]

Playlist

DeadBattery-Stay(Feat.LeaSantee)

ArticsMonkey-DoIwannaknow

Echos-Take

MegMyers-MakeaShadow

Alwonation–Sail

AlessiaCara–Here

Aurora-LittleBoyintheGrass

Enkidu–Falling

The1975-Medicine

Coldplay-Fixyou

LondonGrammar–Heynow

MarinaKaye-SoundsLikeHeaven(ft.LindseyStirling)

Seafret–Oceans

TheXX–Together

Aurora–Runaway

LukeSitalSingh–Dark

Soundtrack-Thetheoryofeverything

AbeautifulMind-AliciaDiscoversNash'sDarkWorld

«L’espoircen’estpasdecroirequetoutirabien.Maisdecroirequeleschosesaurontunsens…»

VaclavHavel.

Chapitre1

Hailey

Commechaquejour,jepénètredanslebarmiteuxquisesituetoutprèsdechezmoi.Uneforteodeurd’alcooletdetabacflottedansl’air.Maisbizarrement,çameprocureunesorted’apaisement.Jemeréfugieiciàchaquefoisquetoutvamaletaujourd’huiencore,ilmefautquelquechosedefortpouroubliermaviedemerde.Malgrél’horairedepleineaprès-midi,ilyafoule.Cesontdeshabitués,deshommes,quinefontriendeleurjournéeàpartresteravachissurlesfauteuilsbousillésàboireleurspintesdebièresrempliesàrasbord.Ilsm’observentetmedétaillentavecleursregardsvicelards.Jesaistrèsbienàquoiilspensentencemomentmême,c’estunepetiteville,ilssaventtoutdesrumeurs,çamerépugne,maisjenesuisbiennullepartdetoutemanière.Unfrissondedégoûtparcourtmoncorps.J’avanceprèsducomptoiretmeposesurl’undestabouretshauts.

Jesuisvenuedirectementdumagasind’oùjetravaille.Jesuisdonchabilléedemesvêtementsdeboulotcomposésd’unpantalonnoiretd’unechemisebeigetrèslaideoù«Joe’sShop»estinscrit.Rienquedepenseràsonprénom,çamedonneenviedevomir.Seull’alcoolpourram’aideràoublier!

—EhHailey!Tuvienstôtaujourd’hui!

L’hommequim’interpelle,Jonas,estlebarmanduWood’sTavern.Lejeunehommefaitdesextrasicidepuisunanpourpayersesétudes.Ilestplutôtcooldanssongenrem’offrantmêmedesconsosdetempsentempssijen’aipasdequoipayer,sansrienattendreenretour.Ilestadorableetc’estlaseulepersonneàlaquellejepeuxmeconfiertoutensachantqu’ilnerisquepasdelouchersurmesattributs.Ilestplusattiréparceuxdesmecsqueparlesmiens.Jonasestleseulàquij’aipuraconterunepartiedemessoucis,demavie,dumoinsladernièrepartie,carilyabeaucoupdechosesdemonpasséquejenesuispasencoreprêteàavoueràquiconque

—Salut,Jonas.Ouais,aujourd’huic’estunejournéeparticulière.Tumesersquelquechosedepuissant,s’ilteplaît?

Illèvelessourcilsdansl’attentequej’endiseunpeuplus.Jesoupireetposematêtesurlecomptoir.

—J’aiétévirée!dis-jeamèrement

Siseulementc’étaitmonseulproblème!

—Quoi?Sérieusement?s’enquiert-il,choqué.

J’acquiesceengrognantcontreleboiscrasseux.

J’aicommencéàtravaillerpourJoeilyatroisans.J’avaisvingt-deuxansàl’époqueetjevenaisde

déciderd’arrêtermesétudes.Ilmefallaitabsolumentunjobpoursurvivre,mesparentsm’ayantcarrémentflanquéedehors.S’ilsrefusaientdesubveniràmesbesoins,ilsavaienttousdemêmecontactéleuramiJoepourqu’ilpuissem’engagerdanssonmagasin.Ilavaittoutdesuiteaccepté,jen’étaispastrèsemballéeparceboulot,maisaprèstout,jemedisaisqueçaallaitjusteêtreprovisoireletempsdetrouverunappartementetdemeremettreenselle.Saufqueçaafinalementdurétroisans.

Pendantdeuxans,j’aivécuavecStacy,lasœurdeJoe.Ellecherchaitunecolocataire,j’aitoutdesuitesautésurl’occasionpuisqueleloyerétaitvraimentabordable.Ons’entendaittrèsbien,jusqu’aujouroùJoem’afaitdesavances.Jemesuisconfiéeàelle,pensantqu’ellemesoutiendrait.Quelleerreur!Ellem’atraitédementeuse,d’allumeuseetd’autrespetitsnomstoutaussicharmantssanschercheràconnaîtrelavéritéetm’aviréedel’appartement.

J’auraisdûmedouterquejenepouvaispasdénigrersonfrèresansensubirlesconséquences.Jesuisbientropnaïve!Joeestunpetithommed’unecinquantained’années,moustachuaucrânedégarni,célibatairedepuisbientroplongtemps.Onpourraitletrouveradorable,vudel’extérieur,maisj’aidécouvertsafacecachée:cen’estqu’unpervers.Pendantdeuxans,ilaététrèsprofessionnel.BonOK,j’airemarquéqu’ilmeregardaitsouventavecinsistance,maisjemedisaisquec’étaitunhomme.Parlasuite,ilacommencéàfairedesallusionssexuelles.Audébut,ilplaisantait.Sansdouteai-jeététropconnepourrireàsesblagues,caraprèscela,sesblaguessontdevenuescarrémentdégueulassesetmeconcernaientdirectement.

Ilamêmeétéjusqu’àmeproposerdecoucheraveclui,j’avaisbienévidemmentrefuséàplusieursreprises.Ilm’amenacédemevirersijeparlaisdequoiquecesoit.Jemerendaismaladeàl’idéed’allertravailler,jesubissaissesregardsinfectsetsespropossalaces.Masituationnemepermettaitpasdeprendrelerisquedeperdremaseulesourcederevenus.

Cettevieestentraindemetueràpetitfeu,maisj’ysuispiégée.Jesouhaitaisêtreindépendantetropviteetêtremaîtressedemaproprevie.Ehbien,voilàlerésultat!Toutcequejerécolte,c’estuneaccumulationdefatigueetunevieternecauséeparunpatronignoble.Depuisdesmois,mesdettess’accumulent,mêmemonsalairenemesuffitpluspourmangerdécemmentetbiensûr,ilsaitquejedépendsdecetravailetilenprofite.

J’aiabandonnémesétudesmalgrémoi,j’auraissansdoutepuchangerd’université,maisl’enviededevenirautonomem’attirait.J’aifaitl’énormeerreurdecroirequejeréussiraisfacilement.J’avaistort!Sij’avaissucelaplustôt,j’auraiscontinuémesétudesaulieuderêverd’aventure.Tuparles!Laseuleaventuredemesjournéesserésumeàlonguerouteàpiedquejedevaiseffectuerquandmavoituredécidaitdemelâcher.

J’aitoutefoiscontinuédetravaillerchezJoeendépitdesesavancesquidevenaientdeplusenpluspesantes.Aprèsplusieursjoursàdormirdansmavoiture,carjerefusaisdedemanderdel’aideàmesparents,j’avaisrapidementréussiàmetrouverunepetitemaisonenlocation.Jepouvaislapayergrâceàmonaugmentation.J’étaispasséedecaissièreàchefd’équiperapidement.Audébut,j’aipenséquemesnombreusesheuresdetravailsupplémentairesavaientenfinfiniparporterleursfruits.Maislesregardsquemelançaientlescaissièresenpostedepuispluslongtempsquemoimefaisaientcomprendrequ’ellespensaientquej’étaispasséesouslebureau.J’enaidéduitquej’avaiseuledroitàuntraitementdefaveur,sansdouteparcequejesuislaplusjeunedesemployéssusceptiblesdesusciterledésirchezunhommedecinquanteansetpourtantjenefaisaisrienpour.Jemefaisaisdiscrèteautantquepossible.

Chaquejour,jerecevaisdesattaquesverbalesquandjevenaistravailler.Onm’insultaitdesalope.Onavaitlancélarumeurselonlaquellej’avaiscouchéaveclepatronpouravoirceposte.Trèssouvent,jepartaismecacherdanslevestiairedupersonnelafindepleurer.Seulsquelquescollèguesneprenaientpaspartidecettevendettacontremoi,j’auraisaiméêtreconsoléparceux-ci,maisjerécoltaisseulementleurignorancelaplustotale.Jevenaistravaillerlabouleauventre,jenesaisvraimentpascommentj’aifaitpourenarriveràcepoint.Jen’avaisplusaucuncontrôlesurmavie.Maisjenepouvaismalheureusementpasquittercetravail,j’enavaisbesoin.Jen’étaispastrèsbienpayéecertesetj’accumulaislesretardsdepaiement,maissijelequittais,j’étaisàlarue.Unfrissond’effroimesubmergequandjemerendscomptedésormaisquejesuisdanscettesituation.

Jemesensseuleetimpuissantefaceàlasituation.ÀpartJonas,jen’aipluspersonnepourmeconfier,monamieLindseyestpartieàl’autreboutdumondepourcontinuersesétudes.Mesparentsprofitentdemonabsencepourrefaireleurlunedemiel.Depuisquecettehistoireàlafacacommencé,ilsonthontedemoietjesensbienquejenesuisplustellementlabienvenuequandjeleurrendsvisite.

—Ilarecommencé?

LavoixdeJonasmetiredemespensées.Messanglotssontrestésbloquésdansmagorge,jehochesimplementlatête.Iltapedupoingsurlecomptoir,cequiapoureffetdemefairesursauter,maisaussisusciterl’attentiondesclientsdubarsurnous.

—S’ilteplaît,Jonas,calme-toi,luidis-jeàvoixbasse.

Ilsouffleethochelatête.

—Raconte-moicequ’ilt’afaitcettefois-ci.

J’expirel’aircontenudansmespoumonsetm’éclaircislavoixpourfairepartirlabouled’angoissecoincéedansmagorge.

—LiliaetMollyontcommencéleurshabituellesinsultes.Mais,aujourd’hui,c’étaitlagoutted’eau,sansdouteparcequecesnombreuxmoisàsupportertoutçaonteuraisondemoi.J’aicourujusqu’auxvestiaires,jenevoulaispas,unefoisdeplus,leurdonnerlasatisfactiondemevoirpleurer.Jepensaisêtreseule,saufqueJoeestvenumerejoindre.Ils’estassisàcôtédemoietaprofitédemonmomentdefaiblessepourposersamainsurmacuisse.Sesgestessesontfaitsdeplusenplusprécis.Aumomentoùj’aivoulureculerpourluiéchapper,il…Oh,monDieu,c’étaithorrible!

Jefermelesyeuxenplaquantmamaincontremaboucheafinderefrénerunenausée.

—Nemedispasqu’ilt’aviolée?s’exclame-t-il,horrifié.

Jesecouenégativementlatête.

—Jemesuisdébattuecommejelepouvaisetheureusementpourmoi,j’aipuluiplaceruncouptrèsbienplacé,jepensequ’ils’ensouviendralongtemps,rié-jetristement.Jemesuisprécipitéeleplusvitepossibleverslaportesansmeretourner.J’aijusteentendu«tuesvirée!».Commesij’allaismerendreauboulotdemain!

—Merde,maisquellehistoire!meditJonasbouchebée.Hailey,ilfautquetuportesplainte.Ilt’a

harceléependanttroisans,cen’estpasrien!

Jerisàsadernièrephrase.

—Ilatouslesflicsdelavilledanssapoche.Sijeporteplainte,iltrouveraunmoyenpourqueçaseretournecontremoi.Ilm’aavouéquesijeparlais,ilferaittoutpournuireàmaréputationencoreplusqu’ellenel’estdéjàetilenalargementlesmoyens!

—Qu’est-cequetucomptesfaire,maintenant?medemande-t-ilavecinquiétude.

Jehausselesépaules.

—Jesupposequejedevraismerabaisseràsuppliermesparentsdebienvouloirmereprendre,maisjepréfèretenterderefairemavieentrouvantunautrejob.

Leslarmescoulentmalgrémoilelongdemesjoues.JerenifleetprendslemouchoirqueJonasmetend.Etilmesertl’undecescocktailsmagiques.C’estfort,maisefficacepourremonterlemoral.Iln’ajamaisvoulumedirecequ’ilmettaitdedans,c’estunsecret,medit-ilàchaquefoisavecunclind’œil.

UnefoiscefameuxcocktailingurgitéetquelquesmotsconsolateursdeJonas,jereprendslaroutejusqu’àchezmoi,maispasavantdeluiavoirpromisdel’appelerencasdebesoin.Jeluiaiditquejeleferais,maisc’étaitsimplementpourlerassurer.Depuiscequim’estarrivédansmesdernièresannéesd’étude,jen’aimepluscomptersurlesautresparcequejen’arrivepasàfaireconfianceaussifacilement,j’aitoujoursl’impressionquelesgensontdemauvaisesintentionsàmonégard.

Jerentreàpied,carjevisàdixminutesdelà.Àchaquepas,lesdernièresimagesd’horreursurviennentdansmatête,j’aibiencruqu’ilallaitmevioler.Moncœursesoulèvequandjerepenseàsesdoigtsboudinéspalpantmoncorps.Sonhaleinefétideetsonsouriremauvaissituéàdeuxcentimètresdemonvisage.Jerevoisledésirmalsainquiéclairaitsesyeuxainsiquesavoixdedégénérerquirésonnaitdansmonoreille.Jem’arrêtepourvomirmestripesdansunbuisson.Unefoisqueleréflexed’expulsionsecalme,jereprendsmaroute,étourdie.

Jepénètrechezmoietfermelaporteàdoubletour.Jeremarqueleboutonrougedurépondeurclignoter,maisjeneprendspaslapeinedel’écouter.Jefiledroitversmachambreavantdem’effondrersurmonlitetm’endormirrapidement.

***

Lelendemain,lebruitdemontéléphonemetiredusommeil.Jegrogneàcausedemonhorriblemaldetêteetmerelèvelentementafindenepasêtreplusétourdiequejenelesuisdéjà.Jeregardemonportableetvoislenomdemamèreaffichédessus.Jesoupireetdécroche.

—Allô…dis-jed’unevoixpâteuse.

—Hailey!mecriemamèresifortquejesuisobligéed’écarterdetéléphonedemonoreille.Joe

m’atoutraconté!Qu’est-cequec’estquecettehistoire?Jesavaisquetun’étaispasunesainte,maisdelààluiproposerd’écarterlesjambespouravoirunepromotion!Jesuischoquéepartoncomportement!Ilaeuraisondetevirersurlechamp!

Jesuisabasourdieparcequ’ellevientdemedire,jamaisdemavie,ellenem’aparlédecettemanière.Jen’enrevienspasqu’ellecroittoujourslesragotsdupasséetqu’ellepréfèrecroirecegrosporcaulieudesaproprefille!

—Quoi?C’estcequ’ilt’adit?C’estfaux,mam…

Ellem’interromptencontinuantdemehurlerdessus.

—Çanesertàriendenier,Mollym’atoutraconté,elleaussi,etjelesconnaisdepuisassezlongtempspourlescroire!PauvreJoe,ilteproposegentimentuntravailettoi?Toi,qu’est-cequetufais?Tuprofitesdesabonté?J’aihontedetoi!Neviensmêmeplusnousdemanderdel’aideàtonpèreouàmoi,carceseranon!Tuasvoulutonindépendance,assumestesresponsabilités!Tun’existesplusànosyeux!Qu’ai-jefaitpourmériterunefillepareille?Tuneterendsmêmepascompteduscandalequeçaprovoquedanslequartier!Dequoiavons-nousl’airmaintenant?Resteloindenous,jeneveuxplusjamaisterevoir!Suis-jebienclaire?

Silence.Jesuisdevenuemuettesouslechocdesesparoles.Elleraccroche,n’attendantplusderéponsesdemapart.Lesangbouillonnantdansmesveines,jeserreletéléphonedansmonpoingetlefracassecontrelemurenhurlantdedouleur.Jelesdéteste!Commentpeuvent-ilsmefaireça?Àleurfilleunique?Jesanglotetellementfortquej’enaimalàlagorge.Assisesurlesol,dosappuyécontremonlit,jepleuresanspouvoirm’arrêter.

Lorsquemarespirationsecalmeetmeslarmessetarissent,jedescendslesescaliersafindemedirigerverslacuisineetmesersunverred’eaupoursoulagermagorgesècheetdouloureuse.Jemeposeensuitecontrelefrigoetboisceliquideglacéquiapaiseimmédiatementladouleur.Delàoùjesuis,jepeuxvoirlepetitmeubledel’entrée.Lepetitboutonrougequinecessedeclignoterattiremonattention.Jem’yapprocheavecnonchalanceetappuiedessus.

«Vousaveztroisnouveauxmessages»

«Reçule2maià15h:Bonjour,MademoiselleCollins,c’estÉlisabethStanfort.Vousnem’avezpasrégléleloyerdumoisdernier.Pouvez-vousmerecontacterleplusrapidementpossible?»

«Effacé»

«Reçule10maià11h22:MademoiselleCollins,c’estencoreÉlisabeth.J’aivraimentdumalàvousavoirpartéléphone,décidément.Jesuispasséechezvous,maisvotrevoisinm’aditquevoustravailliez.Rappelez-moidetouteurgence!»

«Effacé»

«Reçule28maià13h46:C’estencoreÉlisabeth,jesuisdésolée,n’ayantpaseudenouvellesdevotrepart,j’aicontactéleshuissiers,ilsdevraientvenirdanslesjoursàvenir.Ilétaitbienstipulédanslecontratdubailques’ilyavaitunmoisderetarddanslepaiementsansexplicationsdevotrepart,vous

devriezquitterleslieux.J’aiétépatienteetjevousailaisséunmoisdeplussansmedonneruneraisonvalable.Jesuisdésoléepourvous,j’aiunefamilleànourrir,jenepeuxpasmeperme…»

Jen’écoutepaslasuiteetappuiesurleboutonpoureffacerlemessage.Jen’enrevienspasd’êtrepasséàcôtédetouscesappels!J’aitellementtravaillécesdernierstempsqu’aumomentoùjerentraisàlamaison,jedormaisaussitôt.Jemelaisseglisserlelongdumurpourm’effondrerausol.Jesavaisquejedevraistôtoutardquitterlamaison,maisjenepensaispasquecelaarriveraitaussirapidement…

Quevais-jedevenirmaintenant?Jen’aiplusdeboulot,mesparentsmedétestent,jen’aiaucunami.Quandaurais-jeeuletempsdem’enfaireaveclesheuresaffolantespasséesaumagasin!Etmaintenant,jemeretrouveSDF!Jen’aiplusrien!Jenesuisplusrien!

***

Lesjourssuivants,jesuisrestéecloîtréeentrelesmursdemamaison—quineleseraplusd’iciquelquesjours—àsombrerdansmadépression.Jeprofitedesderniersinstantsquemelaissentleshuissierspour…pourquoidéjà?Jenesaismêmepasoùallerniquoifaireensuite.J’aidéjàcommencéàrassemblermesvêtementsdansuncarton,c’esttoutcequej’ailedroitdegarder.Jepensequ’ilsvontjustevenirprendremesmeublespourremboursermesdeuxmoisdeloyerenretard.Jepensaispouvoirlespayercemois-ci,maisjepensequejenedoispasattendrequoiquecesoitdelapartdemonancienemployeur!

Onsonneàlaporte,jemelèvesansentrain,vêtued’unpyjamarosebonbonetj’aiunetêteàfairepeur.Maisçam’estcomplètementégal.J’ouvreetfaisfaceàtroishommesencostumecravate.L’und’euxmetendundocumentofficiel.

«Saisiedesbiens»

—Bonjour,MademoiselleCollins,jesuisMaîtreStewartetvoicimesdeuxcollaborateurs.Nousvenonsétablirlalistedevosbiensafindelancerlaprocédured’icilundi.

Lundi?Sivite?

Jehochelatêteavecdésolationetleslaisseentrer.Ilsregardenttoutdanslesmoindresdétails.Çarisqued’êtrerapidepuisquejen’avaispasgrand-chose.Jelesregardeprendredesnotessuruncarnet,ilsétablissentsansdoutelemontantapproximatifdemonmobilier.Labilememonteàlagorge,j’ail’impressionqu’onviolemonintimité.Maisàquoibondirequoiquecesoit?Çanechangerarien.Alorsjeresteassisesurletabouretdelacuisineetregarde,impuissante,cequisedérouledevantmesyeux.J’observelascèned’unemanièresidétachéequej’ail’impressionquecen’estpasmavie.

Unefoisleurtravailterminé,ilspartentsansunregarddésoléàmonégard.Jenecomprendspascommentonpeutarriveràvouloirfairecemétier.

Jesuisfatiguéedecettevieetjemesenstellementseulequejemedemandeàquoiboncontinuer.Surtoutsijenetrouvepaslaforced’avancer.Jen’aipluslavolontédemebattre.Àquoibon?Mêmema

propremèremerejette.Jedécidederesterallongéetoutleweek-endsurmoncanapé,j’entendsmonvoisinJacksontaperàlaporte,maisjen’aipasenviedeluirépondre.Leregardvideendirectiondelatélé,jedistinguedesriresetdeshurlementsdefemmesàl’écran,maisjenelesvoispas.Jecroisquemoncerveaus’estmissurpausepouressayerd’assimilertoutça.Oualorsessayerdetrouverunesolutionplusfavorableàmasituation?

Seulement,yena-t-ilune?

Chapitre2

Hailey

Celundiaprès-midi,jesorsdechezmoisansprendrelesoindefermerlaporteàclé.Quelleimportancesil’onmecambrioleàprésent!Jen’aiplusrien.Unrireamers’échappedemagorge.

Leshuissierssontpasséscematinavecplusieurshommes,ilsonttoutsortidemonanciennemaison.Élisabethn’apasperdudetempspuisqu’elleadéjàtrouvédenouveauxlocataires.Jedoisquitterleslieuxdanslasemaine.Enfinmaintenant,çan’aplusd’intérêt.

—Eh!Salut,Hailey,tudéménages?

Monvoisinsortaumêmemomentpoursortirsespoubelles.Samaisonsesituejusteàcôtédelamienne.Jemeretourneversluienplaquantunfauxsouriresurmonvisage.

—Salut,Jackson,ouic’estexactementça.Jedéménage,luiréponds-jesuruntonfaussementenjoué.

—Oh!c’estsuper,jesupposequetuastrouvéuneopportunité.Tuparsquand?medemande-t-ilsanscachersonairdéçu.

Jesoupireethochelatête.

—Oui,bienmeilleureeteuh…jeparsaujourd’hui,luimens-je.

—Sivite!Ohd’accord.C’estsoudainmaisjesuiscontentpourtoi!Situreviensdanslesparages,passemedirebonjouràl’occasion.Bonnechance!dit-ilavantpartir.

Delachanceouais!Tuparles!

—Merci.Àundecesjours,luiréponds-je.

Jelesaluerapidementdelamain.Jen’aijamaisétéprochedelui,maisdisonsquec’estunbonvoisin.

JerespireunboncoupetreprendsmaroutepourmedirigerversleWoodlandPark.Ilfautletraverserpourrejoindrel’AuroraAvenue.

Jedevraiseffectuerunbontrajetàpiedpuisquemavoiture,onmel’asaisieelleaussi.Jen’aipasenviedeprendrelebus,ilssonttoujoursbondés.Unpeudemarchemeferaleplusgrandbienavantdefranchirl’ultimedécisionquej’aipriselorsquejecherchaisunmoyendem’ensortir.

Auboutd’unedemi-heure,jesuisàquelquesmètresdemadestinationfinale.Jeneressensaucunepeur,maisplutôtlacertituded’avoirfaitlebonchoix.

L’étéàSeattleestétouffant,lecuirdemessandalesmebrûlelespieds.C’estledébutdesoirée,jetranspiresouscettechaleurdeplomb.Etjenesuispaslegenredefilleàporterdeshortscourtsourobeslégères.Jesuisconscientequejesuisloind’êtresexyavecmonjeanslargeetmonT-shirtlong,maisjeneveuxplusattirerleregardniplaireàquiquecesoit.

Jemarchelelongdelaroute99,lesvoituresmeklaxonnent.Parfois,deshommess’arrêtent,meproposantdeveniraveceux.Tousceshommesmedégoûtentetmedonnentenviedegerber.Ilspensenttousàlamêmechose,mêmesijeneressembleàrien,lafemmen’estqu’unobjetsexuelpoureux.

—Alorsmabelle,onteprendavecnous?medemandeuntypeavecunevoixvicieuse.

—Unesijoliefemmecommetoinepeutpasmarcherseulesuruneroutedéserte.Allez,viens!Tuneseraspasdéçue,ajouteunautre.

Jelesignore,maisàentendreleurrire,j’endéduisqu’ilssontplusieursdanslavoiture.Silencieuse,jemecontentedecontinuermarouteetregardedroitdevantmoi.Jeravalelabouled’angoissequimenacedesortirdemagorge.Jerelâchetoutl’aircontenudansmespoumonsquandilsfinissentparperdrepatienceetpartir.Sansomettredem’insulteraupassagedetoutessortesdechosesdégueulasses.Leursinsultesnemefontaucuneffet,jecroisquej’enaitellementreçuparlepasséquemoncerveauneréagitplus…Enquelquesorte.

C’estavecdéterminationquej’arrivesurl’AuroraBridge.CeseraitlemeilleurpontdeSeattlepoursesuiciderefficacement,paraît-il.Aumomentoùjeréfléchissaisàlasolutionàadopterpourallermieux,lesuicidem’aparulaseulechosequejepouvaissaisir.

Qu’est-cequej’auraisfaitaprès?Merabaisseràdemanderdel’aideàmesparents?Non!Jerefuseetdetoutemanière,d’aprèsmamère,mademandeauraitétévaine.Etjerefuseplusencoredevivredanslarue…

J’avaislonguementhésitésurlamanièredeprocéderetpuisj’aifiniparchoisirlepont.J’aipeurduvide,maisétantquelqu’unquiaimeleschosespoétiques,j’aitrouvéçaplussymboliquequedeboiredel’alcoolmélangéàdesmédocs.

Jeparcoursencorequelquesmètrespourtrouverlebonendroit.Est-cequ’ilyaunbonendroitquandonsesuicide?Jen’enaiaucuneidée,maisj’aidécidédechoisirmamort,autantchoisirl’endroitparfait.

Jemeposeenfin.Iln’yaaucunpassagepourlemomentetc’esttantmieux.Onmeficheralapaix!Jem’appuiesurlabarrièredesécuritéetj’observelavue.Jecontemplelavie…unedernièrefois.Lesoleilcommenceàsecoucheretdonneaucielunemagnifiquecouleurorangée,reflétantdesublimesteintessurl’UnionLake.Quelquesvoiliersvoguentsurl’eaucalme.Lesmarinsnes’imaginentpasunesecondecequisetramedevanteux.

Jecontinued’admirercettevue.Cettesplendideimageavantdemourir.

Mourir…C’estétrangededirecemot.

Lavien’aplusaucunevaleuràmesyeux.Pourquoicontinuerquandonestseuleetqueladépression

prendpossessiondevous?

Unelarmesolitaireroulelelongdemajoue.Puisd’autressuivent.Bonsang!Cen’estpaslemomentdeflancher.Jenepeuxplusm’arrêterdepleurer.

Derage,j’essuiemeslarmesetmedemande:est-cevraimentlabonnedécision?

Oui,Hailey!C’estlameilleuresolution!Personneneveutdetoiici.Mêmetapropremèreterejette!meditmavoixintérieure.

Jeprendsuneprofondeinspirationtoutenfaisantmesadieuxaumonde.Desadieuxàmavie.Ellenememanquerapas.

J’ajustemapochettemiseenbandoulièresurmonépaule.Jenetienspasàcequ’elleseperdedansl’eau.Celapeutparaîtrestupide,maisj’yaiglissémespapiersd’identitéàl’intérieur,avecl’idéequel’onneperdrapasdetempsàm’identifierunefoisretrouvé.J’auraisvraimentaimévoirleurtêtequandilsapprendrontmamort.C’estaussiunpeuàcausedemesgéniteurssij’ensuisarrivéeàprendrecettedécision.J’auraisputrouverdel’aideetunsoutienauprèsd’euxs’ilsnem’avaientpaslâchementabandonnéedèsledébutdemesproblèmes.J’auraiseuunsemblantd’espoir.

Aujourd’hui,jen’aiplusrien.Jeprendsunelongueinspirationetenjambelarambardeafindemeretrouverdel’autrecôté.Jejetteuncoupd’œilenbas.Wow,c’esthaut!Vraimenttrèshaut.J’ailecœurquibatàlachamadeetmarespirations’accélère.J’essaiedenepaspenseràlafaçondontsedérouleralamort.Maislesquestionssurgissentsansquejepuisselesretenir.Est-cequej’auraimal?Oualorsressentirai-jeenfinunepaix?

Jerejettelatêteenarrièreetregardeleciel.J’hésitetrop,pourtantsurceforum,onm’avaitconseillédenepasréfléchirafindenepasperdrelecourage.Ouaisplusfacileàdirequ’àfaire.J’aiétésurprisedetrouveraussifacilementdesforumstraitantdecesujet.Certainsdecessitesnousaccompagnentmêmedanscettedémarche.Jenecautionnepas,maisdansmoncascelam’abienaidé.

Jefermelesyeuxetpliemesjambestremblotantespourprendredel’élan.Jemepréparementalementàsauter.Jeprends,denouveau,unegrandeetlongueinspiration.Mesmainssontaccrochéesàcetterambarde,prêtesàlâcherd’uninstantàl’autre.

—Jeneferaispasçasij’étaistoi!

Mesmainssecrispentsurlabarrièreetj’ouvremesyeux.Ai-jehalluciné?Jetournematêteendirectiondecettevoix.Unjeunehommequidoitsansdouteavoirlemêmeâgequemoiestadossénonchalammentàcetterambarde.Ilmeregardepar-dessusseslunettesdesoleil.Ilfumeunecigaretteens’accoudantsurlabarrièredesécurité.L’espaced’uninstant,jeledévisage,unvieuxréflexedupassé.Ilaunecrêtedecheveuxnoirsquiluiarrivejusquedanslanuque,unemècheluiretombedevantlesyeux.Sescheveuxlégèrementraséssurlecôtéluidonnentunairdemauvaisgarçon.Ilporteunjeansnoirdéchiréauniveaudesgenouxetdesbottesdemotard.SonT-shirtblancrévèledestatouagesquej’aidumalàdistingueretdépassantdel’unedesesmanches.Lapanoplieparfaitedubad-boy.

Ildétournesesyeuxamuséetrecrachesafuméedecigaretteenregardantdevantlui.

—Tuesquitoi?Etpuisdequoijememêle?Laisse-moitranquille.Jen’arriveraipasàsautersitueslààmeregarder.

Ilneditrien,continuantdefixerunpointdroitdevantlui.Ilprendunedernièreboufféedecigaretteetl’envoievolersurlarouteàl’aided’unepichenette.

Jemeraclelagorgeetreportemonattentionsurlesvoiliersetcetteeauorangée.Mesyeuxsebaissentinstinctivementverslebas.Jesoufflepourévacuercestress.Pourquoiai-jesipeurd’uncoup?Jerefermelesyeuxafindefairelevidedansmonespritetdefairecommes’iln’étaitpaslà,àêtretémoindemamort.

Jeperçoisunmouvementàcôtédemoi.Bonsang!Agacéeparcedérangement,j’ouvrelesyeuxettournelatêteverslui.J’écarquillelesyeuxquandjeconstatequ’ils’estmisluiaussidel’autrecôtédelarambardedanslamêmepositionquemoi.Ilsiffled’émerveillement.

—Lavueestsuperbed’ici.C’estfoutrementhaut.Tuasunsacrécranpourfaireça!medit-ilavecironie.

Ilsepencheunpeuplusenavant.

—Eh,maisqu’est-cequetufais!Attention!Tuvastomber!m’écrié-jepaniquée.

Ilmanqueraitplusqueça!Jenetienspasàvoirquelqu’unmourirdevantmesyeuxjusteavantmamort.

—Cen’estpascequetuavaisdécidédefaire?Tomber?medemande-t-ilpince-sans-rire.

—Si,mais…

Ilsepencheunpeuplusdangereusement.

—Maistuescomplètementidiot!Retournederrièrelabarrièreetva-t’en!luicrié-je.

Ilmeregardeensemarrant.Jelefixeahurie.Maispourquiseprend-ilcelui-làavecsesgrandsairs?Ilsemoquecarrémentdemoi!Ilveutjouer?Trèsbien,alorspeuimportequ’ilaitl’imagedemamortdanssonesprit.

Jerefermelesyeuxpourlatroisièmefoisetreprendsunegrandeinspiration.Aumomentoùjem’apprêteàsauter,ilm’interrompt.

—Attends!

Jegrognedefrustrationetleregardeavecirritation.

—Quoi…encore?articulé-jeendétachantchaquemot.

—Avantdesauter,tuveuxbienmedirecommenttut’appelles?

J’émetsunriregrinçant.

—Quoi?Qu’est-cequeçapeutbientefairedeconnaîtremonnom?D’iciquelquesminutes,jeneseraiplusdecemonde.

Ilhausselesépaules.

—Simplecuriosité.Ettoi?Qu’est-cequeçapeuttefairedemeledirepuisquetuvasmourir?

Touché!Ilpeutselamettreoùjepensesacuriosité,maisvisiblement,iln’apasl’airdécidéàpartir.Jesoupireetcède.

—Sijetedismonprénom,tumelaisserastranquille?

Ilhochelatête.Jesoufflefortementpourluimontrermonagacement.Plusjeleregardefurieusementetplusilricane.

—Jem’appelleHailey.Satisfait?Tupeuxpartirmaintenant.

J’auraispuluidébinerunmensongeetinventerunprénom,maissanscomprendrepourquoi,c’estsortinaturellementdemabouche.

—Trèsbien,Hailey!Jetelaissetranquille.Bonnemort!

J’ouvregrandlabouche,choquéeparsafaçondes’adresseràmoi.Ilal’aircomplètementindifférentàtoutça.Sijen’étaispasaussidéprimée,j’auraistrouvélemoyendeluifaireravalersonsourirearrogant.

Ilrepassedel’autrecôtéets’apprêteàpartir.Bondébarras!Jerefermelesyeux…Encore!J’espèrequeceseraladernièrecettefois!Jedevaisêtrecalme,aulieudeça,cetypesortidenullepartm’asacrémentagacée.Jereprendsunelongueinspirationettentederefairelevidedansmatêtequandtoutàcoup,deuxbrasm’attrapentdeforceetmetirentdel’autrecôtéduvide.Quoi?J’ouvregrandlesyeuxettournelatêtederrièremoi.J’auraisdûmedouterqu’ilnetiendraitpassapromesse.Aprèstout,pourquoiaurais-jedûlecroire?Jeneleconnaismêmepas.

—Lâche-moi!Ausecours!Aidez-moi,ilestentraindem’enlever!

Jehurleàpleinspoumonsetmedébatsdanstouslessensendonnantdescoupsdepiedsdanslevide.

Ilmedéposesurlebitumeetjepenseimmédiatementqu’ilvamelâcher,mais,sansmêmeavoirletempsderéagir,ilmeporteunenouvellefoispourmejetersursonépaule.Latêteenbasauniveaudesondos,jetapedupoing,maisçan’apasl’airdelefaireréagir.Ilmaintientfermementmesjambesavecsesbraspourquejeneluidonnepasdecoupsdepied.Jecriedetoutesmesforces.Deslarmesdecolèrecoulentjusqu’àmescheveux.

—Tupeuxcrierautantquetuleveux.Personnenet’entendra.Surtoutqu’àcetteheure-ci,larouteserasansdoutedéserte,medit-ild’unevoixespiègle.

Malheureusement,jedoisadmettrequ’ilaraison.Cecheminesttrèspeufréquentéensoirée.

—Espècedeconnard!Pourquoitunemelaissespasmourirenpaix?m’exclamé-jebruyamment.Lâche-moi!

Ilnemerépondpasetcontinuedemarchertoutdroit.Jenesaispasoùilm’emmène.Etsic’étaituntueurensérie?Jen’aipasenviedemourirenétantdécoupéeenmorceaux!Non!Cen’estpascommeçaquej’aichoisidemourir.

—Tuvasmetuer?luidemandé-je.

Ilsecontented’éclaterderiresansmerépondre.Lapaniquemeprendàlagorgeetjecontinuedecrier.Auboutdeplusieurssecondes,jemerendscomptequeçanesertàrienetquej’aitoutsimplementl’aird’uneidiote.Alorsjemetais.Mavisionmepermetdediscernerseschaussuresetlebitumequidéfilentdevantmesyeux.Sadémarcheestassuréecommesij’étaisaussilégèrequ’uneplume.

Soudain,ils’arrêteetsembleouvrirlaportièred’unevoiture.Ilmeflanquesurlabanquettearrièreetrefermeimmédiatementderrièremoisansquejepuisseavoirletempsdem’enfuir.Ilfaitletourdesavoitureets’installesurlesiègeconducteur.Ilmetlaclédanslecontact,sansmêmemeregarder.Sij’avaisvoulum’enfuir,jel’auraisfait!Maisiln’yapasdeportièresàl’arrière.Jesuisdoncbloquéeparcesfichussiègesavant.J’ailecœurquimenacedesortirdemapoitrinetellementilbat.Qu’est-cequ’ilmeveut?Marespirations’accélèreetdevientbruyante.Jefaistoutpourmecalmer.Ilnefautpasqu’ilsachequej’aipeur.J’aivudanslesfilmsqueçaexcitaitlesperversdécoupeursdefemmeenmorceaux.

Jeplisselesyeuxetluienvoietoutemahaineparcesimpleregarddanslerétroviseur.Jesuissurprisedeconstaterquelapeurmerendtéméraire.Ilseraclelagorgeetdétournelesyeux.

—Tuesquoi?Untueurensérie?Demandé-jed’unevoixétranglée.

Ilsetournepourmefairefaceetplaceseslunettesdesoleilsursatête.Jesuisaussitôtsubjuguéeparsesyeuxnoisettequimetranspercent!Ilaunregardtellementexpressifqueçam’empêchedepensercorrectement.Sonintensitémeperturbeetmeclouesurplace.

J’aivraimentlapoisse,décidément.Mêmemettrefinàmaproprevie,jen’ensuispascapable!Etpourcouronnerletout,untueurensériemekidnappeetjeletrouvecanon.Non,maisjenevaisvraimentpasbienmoi.Madépressionm’afaitpéterunboulon!Sic’étaitunfilm,jeseraismortederirefaceàcettesituationridicule!Saufqu’enl’occurrence,jesuisenpleindedans!Sij’avaissu,j’auraischoisiunautrepont.

—Non,rassure-toi,jenesuispasuntueurensérie.Jesuistonangegardienpeut-être?Appelleçacommetuveux!medit-ilensouriantdetoutessesdents.

Mêmesonsourireestparfait,cequimecoupelesoufflel’espaced’uneseconde.Jenepouvaispastombersurunmocheédentéquisentiraitlatranspirationàcentkilomètresàlaronde?Çaauraitétéplussimplepourêtredégoûtéedeluietcelaauraitpujustifiermapanique.Nonaucontraire,ilafalluquejetombesurunfoutuangegardiencanon.C’estbienmaveine!

Jesuistoutdemêmerassuréequecenesoitpasunpsychopathe.Maisunsauveur,cen’estpasmieuxnonplus!

—Jen’aipasbesoindetonaide!

—Ça,c’estparcequetunelesaispasencore!Quoiqu’ilensoit,jenevoulaispasvivreavectamortsurmaconscience.Jesuisarrivésurtonchemin,cen’estsansdoutepaspourrien.Tucroisaudestin,Hailey?medemande-t-ilsérieusement.

—Ledestinatoujoursétécontremoi,pourquoij’ycroirais?dis-jeenhaussantlesépaules.Tucomptesm’emmeneroùcommeça?

—D’aprèscequejecomprends,tun’asplusrienàperdre,n’est-cepas?

Jelefixe,maisneluirépondspas.Jen’airienàluidire!Ilseretourneetdémarrelemoteur.

—Jet’embarqueavecmoi,tun’aspluslechoix!Iltournesatêteversmoi.Aufait,moi,c’estMatthew,soitditenpassant.

Ils’engagesurlaroute.Jem’appuiecontrelabanquette,lesbrascroisés,tournantlatêteverslavitre.Jemeprometsqu’àlamoindreoccasion,jem’enfuirailoindelui…

Chapitre3

Matthew

Monpiedenfoncelapédaled’accélérateur.L’autoradioàfond,DoIwannaknowdesArcticMonkeyremplitl’habitacle.Laroutemeprocureunesensationdeliberté.Êtrelibrededéciderdemoncheminsanspersonnepourm’imposerundiktat.Uneputaindevierienqu’àmoi!EtDieusaitquej’aibesoindecechangement.

Jelèvediscrètementmesyeuxendirectiondurétroviseur.Monnouveaucompagnondevoyages’obstineàseterrerdansunmutismepesant.Jeremarqueàsamâchoirecrispéequeleson,presqueaumaximum,l’agace.Sonvisagerenfrognéesttournéversl’extérieuretsesbrascroiséssursapoitrine.Latensionestcroissanteetjelasensprêteàexploseràtoutmoment.Bienentendu,j’attendsçaavecimpatience,quitteàrecevoirunflotd’insultes.Unedeschosesquejedétestedanslavie:lessilencesgênants.

J’augmenteunpeupluslevolumepourlaprovoquer.Ellem’assassineduregard.Silepouvoirdetuerparlapenséeexistait,jeneseraisplusdecemondeàl’heurequ’ilest!Manifestement,ellen’estpasdécidéeàentamerledialogue.Jen’insistepasetlalaissetranquille.Mesoreillesmedisentmerciquandj’éteinsl’autoradio.

Jefixecetteroutedésertequimemènerajusqu’àmaprochainedestination:Portland!Pourquoicettedestination?Aucuneidée.Ilyaquelquetemps,j’aieuleprojetfoudequittermonquotidienpourdécouvrir,aléatoirement,quelquesvillesdupays.Chaquelieuquejeparcoursm’apportesonlotdesurprises.Jemeposeetobservelesautresdanslebutd’apprendreàmeconnaître.DevenirunnouveauMatthew.

Levoilesombredelanuitrecouvreleciel,laissantdanssonsillagecettecouleurbleueetorangéequej’aimetantadmirer.Jeclignedesyeuxetétouffeunbâillement.Toutescesroutesquejetraversedepuiscesdernièressemainesm’épuisenténormément,maisl’enrichissementpersonnelsurpassetoutesceschosesnégatives.

NewYorkétaitmonpointdedépart.J’aieffectuéplusieursescalesavantdemeposerquelquesjoursàSeattle.J’yaidécouvertunepetitevilleassezprovincialeoùilpleutassezsouventsaufaujourd’hui,oùlachaleurestécrasante.J’étaissurlepointdequitterlavillequandjesuistombésurelle.J’aid’abordcruquecettecaniculem’avaittapésurlecrânetellementlasituationparaissaitinvraisemblable,maislorsquejel’aiaperçueenjamberlarambardedesécurité,j’aidûfairepreuved’unincroyablesang-froidpourm’approcherd’ellesansl’effrayer.

Sescheveuxbrunsflottaientdanslesairs,soufflésparlalégèrebrisedulac.Elles’apparentaitàunedéesse.Unedecellesquel’onpeutadmirerdansleslivresmythologiques,vousvoyez?Cettevisionm’auraitcomplètementcharmésilasituationétaitdifférente,maisl’heuren’étaitpasàlabadinerie.Ses

brastendusversl’arrièremedonnaientl’impressiond’unsautimminent.C’estl’unedesscèneslesplusangoissantesàlaquellej’aipuassisteraucoursdemonexistence.

Jejetteinstinctivementuncoupd’œilaubraceletaccrochéàmonrétroviseur.C’estunanneaudecouleurcuivréeornéd’uneplumedepaonavecunpetitfermoir.Duboutdesdoigts,j’effleurecettebreloquequimerappellechaquejouràquelpointlavieestprécieuse.Depuiscescinqdernièresannées,letoucherestdevenuunrituellorsquejedeviensanxieux.Lesouvenirdesonimportancem’apaise.

Jem’interroge.Ques’est-ilpasséd’aussigravepourqu’elledécidedemettrefinàsesjours?Ilfautuncertaincranpoursauterdecettehauteur.Jesuisquelqu’undetrèstéméraire.Jen’aipasfroidauxyeuxetpourtantjamais,ôgrandjamais!J’auraiseusoncourage.

Lamortetmoi,nesommespasamis.Jel’imaginecommelatornade.Ellebalayetoutsursonpassage,décimelesmaisons,déracinelesarbres,laissantàlaplaceunpaysageapocalyptique.C’estpourcetteraisonquejen’aipashésitéuneseuleseconde.Horsdequestiondeluilaisserlechoix!

Vouspouvezappelerçacommevousvoulez,parlerd’enlèvement,moij’appelleça:sauverlaviedequelqu’un.Lamortn’apasgagnécettefois.

Ilm’étaitimpossibledelalaissersejeterdanslevide.Moncôtéhumainmepousseàvouloirlaconvaincrequecen’estpasl’ultimesolutionetquel’onpeuttoujourss’ensortir,peuimporteledegrédedésespoir.Ilfautseulementêtreaccompagnéparlesbonnespersonnes.

Depuisquandsuis-jedevenufinpsychologue?

Ralentissantmonallure,jel’observeunenouvellefoisdanslerétroviseur.Elles’estendormie.L’idéedel’ennuyerunpeuestalléchante,maisj’aimeslimites.Jenesuispasunconnardaupointdel’emmerderetsijeveuxqu’ellemefasseconfiance,lapremièrephaseconsisteàlalaissertranquille.Elledoitavoirassezdegalèrespourquej’enrajouteunecouche.

Soncorpsestrecroquevillésurlabanquetteetjenepeuxpasm’empêcherdeladétaillerrapidement.Lesommeildétendlestraitsdesonvisage,lesrendantplusdoux.Sonpetitnezs’accordeharmonieusementavecsesbelleslèvrescharnues.Elleauraitpuêtrecanonsiellenes’habillaitpasavecdesvêtementsaussilarges.D’ailleurs,commentunebellejeunefemmecommeellepeut-ellesefringuerd’unetellefaçon?

Détournantdifficilementlesyeux,jemeconcentredenouveausurmaroute.

Monestomacgrondeàlavued’unestation-serviceetmavessiemenaced’éclater.Jemegaredansuncoinsombre.

Jedécidedelalaisserdormiretsorsdemacaissepourmeprécipiteràl’intérieurdelastation.Lestoilettesysonttoujourscrasseuses,c’estrépugnant!Jeretiensmonsoufflepourm’empêcherderespirerl’odeurnauséabondequiyrègne.Unefoismapetiteaffaireterminée,jemelavelesmainsetm’amuseàlirequelquesmotsinscritssurlesmurs.

Neperdantpasplusdetemps,jesorsdestoilettesenrigolanttoutseulcommeuncon.Certainspetitsmessagesnemanquentpasd’humour,celameramèneàmonadolescencelorsquejem’amusaisà

écrirecegenredemessages,àl’exceptionquelesmiensn’étaientpasaussitendres.Qu’est-cequ’onpouvaitêtreconàcetteépoque-là!

Unechancepourmoi,lapetiteboutiqueestassezbiengarnie,jeprendsdoncunassortimentdecequejetrouvepuisquejen’aiaucuneidéedecequ’elleaime.Elledoitsûrementêtreaffamée.

Patientantàlacaisse,j’observelecaissieravachisursachaise,faisantressortirunventrebedonnantdesonT-shirttaché.Ilmescrutecommesij’étaisuneespècedevoyou.Jefaistoujoursceteffet-làauxpersonnesquejerencontre.J’aitoujoursprissoindemonlookdemauvaisgarçonquimesertderempartcontrelesfemmesbien.Jeneveuxpasêtreprispourlegendreidéal.Celaneplaîtpasàtoutlemonde,etc’esttantmieux!Seulementdanssoncas,ilferaitmieuxdeseregarderlafacedansunmiroir.

—Unefoisquevousaurezfinidemefixercommesij’étaisunreprisdejustice,vouspourrezm’encaisser?luidis-jeavecdédain.

Ilseredresseetécarquillelesyeuxquandjeposeunbilletdecentdollarssurlecomptoir.

—Euh…Vouspouvezpayerparcarte?Jen’aipasassezdemonnaiedanslacaissepourvousremettreladifférence.

Mêmepasfichudefairecorrectementsonboulot!Jefouilledansmonportefeuilleetm’aperçoisquej’aioubliémacartedanslavoiture.Etmerde!Jesignaleauvendeurquejereviensrapidementréglermanoteetlaissemesarticlessurlecomptoir.Surleparking,jem’approcheàgrandspasversmavoitureetouvrelaportièrepourrécupérermacarte.Jel’enfournedansmapochearrière.Instinctivement,jepivotelatêteverslabanquettearrière.C’estvide,bordel!Elles’estbarrée!Putain,j’auraisdûmedouterquec’étaituneconneriedelalaisserseule!

Tantpispourlescourses,jedoisallerlachercher,ellenedoitpasêtreloin.

Exaspéré,jedémarreetm’engagesurl’uniqueroutesombre.Auboutd’uneminute,jepousseunsoupirdesoulagementquandjel’aperçoisquelquesmètresplusloin,entraindecourir.Sansdouteàboutdesouffle,elleralentitetadopteunedémarchealerte.Bonsang,elleestrapide!Sesjambesélancéesfontdetrèsgrandesenjambées.Silasituationn’étaitpassigrave,j’enauraisritellementtoutçaestabsurde.Unefoisàsahauteur,jeralentisetbaissemavitre.

—Tucomptesalleroùcommeçaenpleinenuit?Iln’yarienavantunebonnevingtainedekilomètres,maugréé-je.

Ellecontinued’avanceretm’ignore,cequirenforcemonirritation.Jesouris.Mapauvre,tuestombésurplustêtuquetoi.Jemegarebrusquementsurlebas-côtéetprovoqueunefuméedeterre.Jesorsrapidementpourlarejoindreentrottinantjusqu’àlasaisirparlebras.Elleseretournebrusquement,tentantdes’échapperàmaprise.Lapaniqueestprésentedanssonregard,maisjenepeuxpaslalâcher.

—Fiche-moilapaix!Jenet’airiendemandé!s’égosille-t-elle.

Pluselletiresursonbraspourselibérer,plusjeresserremaprise.Jamaisdemaviejemesuispermisdetoucherunefemmedecettemanière,exceptélorsquec’étaitunequestiondevieoudemort.Ça

n’avaitjamaisétélecas…jusqu’àmaintenant.Sonvisagesetorddedouleur.Ellegesticuledanstouslessensetsansquejem’enrendecompte,elleriposteetmegiflefortementdesamainlibre.Prisaudépourvu,jerelâchemaprise.Jenem’yattendaisvraimentpasàcelle-là.Unvoilederegretpassefurtivementdanssonregard,maisestrapidementremplacépardelacolère.Ellefaitvolte-faceetreprendsaroute.Jeposemamainsurmajouebrûlante.

—Tuveuxmourir?C’estçaquetuveux?Alors,vas-y!Jeneteretienspas!J’abandonne,sifflé-jeentremesdentsavantderemonterdansmavoiture.

Monégoenaprisunsacrécoup!Jeclaquelaportièreviolemmentengrimaçant,regrettantd’yavoirétéaussifortavecmavoiture.Laclédanslecontact,jedémarreentrombe.Danslerétroviseurextérieur,jel’observecontinuersamarche.Frustré,jefrappelevolantdemesdeuxmains.

—Putain!hurlé-je.Qu’ellesedémerde!Pourquoiaiderunepersonnequin’enarienàfoutredelavie?Alorsqu’elleestsiimportante…

Dedouloureusespenséesmereviennentàl’espritetmefontprendreconsciencedemaconnerie.Qu’est-cequejefous,bordel?

Jeralentispuisquemafoutuemoralitésemblerapidementvouloirprendreledessus.Jeregardeencoreunefoisderrièremoi,jeneladistingueplus.Horsdemoi,jefaisdemi-tour,nepouvantpaslalaisserseuleetenpleinenuitsurcetteroute.Ilpourraitluiarriverbienpireetjenesuispaslegenredemecàprêternon-assistanceàunepersonneendanger.Jelaretrouverapidement,maisellen’estpasseule.

Submergéparuneprofondecolère,jemegareetsorsdemabagnolesansprendreletempsderefermermaportièrenimêmedecouperlecontact.Deuxtypessemblentvouloirluifairelaconversationetilsontl’airsacrémentbienéméchés.L’und’euxposesonbrasautourdesesépaulestandisqu’Haileybaisselatête,gênée.

Lespoingsserrés,jemeprécipitesurceluiquiesttropprèsd’elle.Sansmêmechercherunterraind’entente,jeluidécolleunedroite.Lemecvacilleettombesurlesfesses.Quandilserelève,difficilement,iltentedem’enredonnerune,saufquejel’esquiveassezfacilement.Jeprofited’avoirlasituationenmafaveurpourlecognerunefoisdeplus.Sonnezpisselesang,ilpressesamaindessusetsourit.Maisc’estqu’ilenredemande,l’enfoiré!Jel’attrapeparlecoletledéfieduregard.

—Jeteconseilledetecasserrapidementd’ici,lemenacé-je.

—Ahouais!Ettucomptesmefairequoi?semet-ilàricanerenregardantsespotesderrièrelui,quieuxaussirient.

Depuisquelquetemps,mebattreestlaseuleméthodequim’aideàmedéfouler.Macolères’évaporeàchaquecoupdonnéquimeprovoquependantuncourtinstant,unintensesoulagement.Etquandc’estcontrecegenred’enfoiré,j’yprendsencoreplusdeplaisir.Jeluiassèneunedernièredroite.Sesoscraquentsousmonpoing.Ildevraitêtreàterre,maisiltientencoredebout,maispluspourtrèslongtempspuisquejelepoussejusqu’àlefairereculerdeplusieurscentimètresavantqu’ilneretombelourdementcontrelesol.Ilestàmoitiédanslesvapes,unautredesespotessortdupick-uppourl’aideràlehisseràl’intérieur.

Jeremarquequeledeuxièmegarsadisparu.Ilasûrementdûdétalercommeunputaindetrouillard.

Unpeuplusloin,Haileys’estassiseparterre,recroquevilléesurelle-même.Latêteestenfouieentresesbrasquiencerclentsesgenoux.Jem’approched’elleetmebaisseprudemmentàsonniveau.

—Est-cequeçava?Ilst’ontfaitdumal?luidemandé-jedoucement,lecœurencorebattantd’adrénaline.

Ellesursautequandjeposemamainsursonépaule.Jel’enlèverapidementafindenepasl’effrayer.Sansreleversesyeuxversmoi,ellesecouenégativementlatête.Jesoupire,soulagéquecesenfoirésneluiaientrienfait.Toutenmerelevant,j’entendsàcetinstantlebruitdemonmoteurquivrombit.Moncœurs’arrêtedebattreetc’estaveceffroiquej’observe,impuissant,macaisses’éloigner,suividupick-up.

—Supertabagnole,connard!brailleceluiàquijeviensd’arrangerleportrait.

Jecoursderrièrecommeunabrutisachantqueçanesertàrien.Elleestdéjàtroploin.Mesmainsagrippentmescheveuxdansungestenerveuxetjeprendsconscienceque:«putain!Onvientdemevolermabagnole.»

Etlà,unemultitudedesentimentspassentdansmonesprit.Jem’enveuxd’avoirétéinconscientdenepasl’avoirverrouilléeetsurtoutdenepasavoirenlevécesfoutuesclésducontact.Maisaussi,jeluienveuxàelle!Siellen’avaitpasétésibornéeetm’avaitsuividèsledépart,riendetoutçaneseraitarrivé!Jemeretournevivementverselleavecl’enviedeluidéversertoutemacolèreparlesmotscinglantsquiflottentdansmatête.Aumomentoùjem’apprêteàouvrirmabouche,l’expressiondesonregardmestoppenet.Sonairsitristesuffitàmecouperlaparole.

Jesecouelatêteetsouffledelassitude.Àcemomentprécis,fairelescentpasestleseulchoixquis’imposepourm’aideràmecalmer.Mesnerfsontétésacrémentmisàrudeépreuveaujourd’hui!

Jemarcheeninspirantetexpirantfortement.Qu’est-cequejevaisfairesansmabagnole?Ellem’acoûtéuneblinde!Leplusgrosduproblèmen’estpasforcémentmavoiture,maisplutôtlefaitd’avoirperdulebijouquiétaitimportantàmesyeux:cebracelettalismanquimesuivaittoujours.J’ail’impressionqu’unepartiedemoivientdem’êtrearrachée.Jedoismecalmerparcequememettredanscetétatnesertàrien.

J’inspireunboncouppuisreviensverselle.Jeluitendsmamain.

—Allez,viens!luidis-jed’untonrésolu.

Toujoursassisesurlesol,ellesembleréfléchiràl’impactqueladécisiondemesuivreauradanssavie.Finalement,samainseposedanslamienne.Jelatirepourl’aideràserelever.Elledépoussièresonjeansetnouspartonssansunmot,endirectiondecettefoutuestation-service.

Chapitre4

Hailey

Lepoidsdel’humiliationpèselourdementsurmesépaules.Jemesenstellementidioted’avoiréchouédansmatentativedefuite.Cettelamentableévasionaétéunevéritableconnerie,ilauraitpum’arriverbienpiresiMatthewn’étaitpasrevenumechercher.

Lapeurm’atellementassailliequemesmembresprennentbeaucoupdetempspourarrêterdetrembler.Maislavaguedepaniquequim’aenvahis’apaisepeuàpeu.Engénéralquandj’ignorelestypesquim’abordentdanslarue,ilsselassentrapidementetcontinuentleurroute.Lorsquej’allaisautravailàpied,ilm’arrivaitparfoisderentrerdenuitdonc,j’aiplutôtl’habituded’éconduirecegenred’énergumènes.Seulementcettefois,cesmecsavaientl’aircomplètementbourrés.Jesentaisqueleurobjectifétaitdemeprendreaveceuxpours’amuser.

L’expressiondeleursregardstrahissaitleursintentions.Etilsn’auraientpaslâchél’affaireaussifacilement.Bienquejelemaudissaisquelquesminutesauparavant,laprésencedeMatthewm’asoulagée.Jemesuissentieprotégée.Etcelafaisaitbienlongtempsquejen’avaispasressentiça.

Cetteexpérienceaimmédiatementfaitressortirtouslessouvenirsquejesouhaitaislaisserenfouis.Lesstigmatesd’uneépoquequim’onttuéedel’intérieur.Jesecouelatêtepourfairepartircesimagesdemonesprit.C’estterminémaintenant.

Nousarrivonsenfinàlastation-service.Jemeféliciteironiquementdenepasm’êtretropéloignée.D’unregardfurtif,jel’observe:samâchoireestcontractée,sesyeuxsesontassombris,leurdonnantencoreplusd’intensité.Ilsembleêtreabsorbéparsespenséespuisqu’iln’apasdécrochéunmot.Etc’esttantmieux,jenemesenspascapabledesupporterunequelconqueremontrance.Unsentimentdeculpabilitémesubmerge.Jem’enveuxterriblementpourlui!Ilneparaîtpasêtrequelqu’undemauvais.Ilneméritaitpasça.

C’estentièrementmafaute.Sij’avaissuprendrelesbonnesdécisionsdansmavie,jen’enseraispasarrivéelà.EtMatthewnonplusd’ailleurs.Aprèsréflexion,c’estaussidesafaute,jel’avaispourtantprévenudemelaissertranquille!Maisilafalluqu’ils’entêteàvouloirjoueraubonsamaritain.Ilfautvraimentqu’ils’enlèvecetteidéestupideducrâne.Ilneréussirajamaisàsauvermalamentablevie.Ets’ils’imaginequejesuisunesorted’objectifdestinéàlaversespéchésoujenesaisquoi...ilsefourreledoigtdansl’œil!Iln’yarienàtirerd’unepersonnecommemoi!

Àmontour,jem’isoledansmonsilence.Latensionestpalpable.Ilestencolèrecontremoietjepeuxlecomprendre.Jelesuistoutautant.Enquelquesheuresàpeine,j’aidéjàmislechaosdanssavie.

Ilpénètreàl’intérieurdelastation.Pourmapart,jedécidedel’attendreàl’extérieur.J’aibesoind’airetd’êtreseulependantunmoment.Quandjemestoppeprèsdelaporte,ilsetourneversmoietmejaugeuninstant.

—Tuentresavecmoicettefois!m’ordonne-t-il.

Monavisn’apasvraimentl’airdelesatisfairemaisjecontinuedegardermesbrasfièrementcroiséscontremapoitrine.

—Laleçonestretenue,net’enfaispas,jenecomptepasm’enfuir.Parcontre,situlepermets,jepréfèreattendresagementdehors,rétorqué-je,piquéeparsontonautoritaire.

Ilplisselesyeuxetagrippefermement,maissansdouleur,monbras.

—Jen’aipasconfiance!Tuvasmesuivreetc’estnonnégociable.Tum’asdéjàcauséassezdeproblèmescommeça!

Unsoupirlass’échappedemeslèvres.Jenerésistepas.Jesuistropépuiséepourça.

Agacée,maisdocile,jelelaissemetraînerjusqu’àlaboutique.Jedécidedeprendresurmoijusqu’àlaprochaineville.Àcemoment-là,noscheminssesépareront.Ilnevatoutdemêmepasindéfinimentjouerlerôledemanounou,angegardienoupeuimporteletermequ’ilachoisi.C’esthorsdequestion!Pasmoyenquejeresteavecquelqu’unquisecroittoutpermisencequimeconcerne.Non,maissérieusement?Pourquiseprend-il?

Matthewdemandeàunemployés’ilpeututiliserletéléphone.L’hommeluientendunsansrechigner.Pendantqu’ilpassesoncoupdefil,j’avanceprèsdesrayons.Monestomacmerappellequejen’airienmangédepuisplusieursheures,maisjemesouviensaussiquejesuiscomplètementfauchée.Lepeuquejepossédaissurmoncompteenbanquem’aétésaisi.Jeparcourslesrayonsdechocolatdesyeuxetparlamêmeoccasionj’écouted’uneoreilledistraitelaconversationtéléphonique.

—Oui,elleétaitassuréeaunomdeMatthewEvans…Leplusrapidementpossible…Quoi?Demainmatin?Etjefaisquoimoipendantcetemps-là?Jesuisloindelaprochaineville…OK!Trèsbien…Ouaismerci!

Ilraccrochelecombiné,lefaisantclaquerbruyamment,etpassenerveusementunemaindanssescheveux.L’hommeassisàlacaissesembleavoirentendutoutelaconversationetluifaituneproposition.

—Situveux,mongars,monservicesetermined’iciuneheure,jepeuxtedéposeraumotelleplusproche.

Àlafindesaphrase,ilrenifleenfaisantunbruitimmonde.Matthewretientdifficilementunegrimacededégoût.Jenepeuxm’empêcherdepoufferderirederrièrelerayon.Iltournelatêtedansmadirectionenlevantunsourcilinterrogateur.Merde,jesuiscenséeledétester!Jebaisseaussitôtlatête,faisantmined’êtretrèsintéresséepar…lescéréales.Ouais,c’estintéressantlescéréales,non?

—C’estsympadevotrepart,maisjevaismedébrouillerseul,luirépondpolimentMatthew.

—J’insiste,parcequ’ilfaitplutôtfraisparicilanuit.Vousn’alleztoutdemêmepasresterdehorsjusqu’àdemainmatin?Penseàtapetiteamie.

Matthews’apprêteàréfuterladernièrephrase,maisseravise.Ilseretourneversmoi.Nosregardssecroisentetnesequittentpluspendantquelquessecondes.Unesensationétranges’emparedemoisans

quejepuissecontrôlerquoiquecesoit.Ilsepassequelquechosequim’empêchededétournermesyeux.Commesilessiensavaientlafacultédem’hypnotiser.Ilfronceimperceptiblementlessourcilsetsecouelatêteavantdeseretournerversl’homme.Jesoufflel’airbloquédansmespoumons.Cefurtiféchangevisuelm’acomplètementchamboulée.

—OK,j’accepte.

L’hommeétireseslèvresenunsourirequimefoutlesjetons,visiblementcontentqu’ilaitaccepté.

Matthewmerejointtandisquej’enfoncemesmainsdanslespochesdemonjeanspourmasquermontremblement.C’étaitquoiça?

—Tuasfaim?medemande-t-il,lesyeuxrivésdevantlui.

—Jen’aipasdequoipayer,luiréponds-jehonteusement.

—Prendscequ’ilteplaira,unechancepournous,j’aieulebonsensd’avoirreprismacartebancaire,précise-t-ilenl’agitantdevantmoi.

Lafaimquitiraillemonestomacmecontraintànepascontestersaproposition.J’aivraimenttropfaim!Lasituationexigequejemetteduchocolat,monpéchémignon,dansmonpanier.J’yajoute:dessandwichs,chips,biscuits,boissons…

—Wow!Tuvasvraimentmangertoutça?medemande-t-ilenregardantavecétonnementl’amasdenourritureentassédanslepanier.

—Euh…oui?dis-jesoudainementgênée.Maisnet’enfaispas,euh...sic’estunequestiond’argent,jetrouveraisunmoyendeterembourserrapidement...

—Jenetedemanderaisjamaisdemerembourserpourça,cen’estpascommesijet’avaisachetéunevoiture.

Àcederniermot,ilserenfrogneetjemesensimmédiatementmalàl’aise.C’estvraiquesavoitureétaitvraimentsuperbe,onauraitditlarépliquedecelledufilmTransformers.Jejugebondenepasenrajouterplus.

—Merci,mecontenté-jedeluirépondre.Est-cequetuasmal?luidemandé-jedoucementendésignantlesjointuresdesamain.

Illèvesamainetlaregarde.

—Nonçava.J’aiconnupire.

Jesuiscurieusedesavoircequ’ilveutdirepar«J’aiconnupire»,maisçanemeregardepasalorsjemetais.Nousfinissonsnosachatsetpartonspayer.Àl’extérieur,enl’absencedebanc,nousnousinstallonssurlepetittrottoirendommagé.Lanuitestcomplètementtombéeetlafraîcheurégalement.

Enattendantlecaissier,quis’appelleGeorge,Matthewsortunpaquetdecigarettesdusacenpapierbrunrecyclé.Sansréfléchir,jeluiendemandeuneendésignantsonpaquetd’unsignedetête.

—Jepeuxenavoirune?

Ilhausselessourcils,lacigaretteentreseslèvresquejenepeuxm’empêcherdefixer.

—Tufumes,toi?

—Non,maisilyaunepremièrefoisàtout,n’est-cepas?luidis-jesansciller.

—OK...

Ilhausselesépaulesetm’entenduneavecunpetitsourireamusé.

L’airfaussementassuré,jelaporteàmabouche.Ilmel’allumeavecsonbriquet.Jen’aijamaiseul’occasiond’essayer.Etj’aimeraiscomprendrelaraisonquipousselesgensàcommencer.Jeprendsunepremièrebouffée.Lafuméeaàpeinefranchimagorge,quejesuisprised’unetouxincontrôlable.Merde!Commentfontlesgenspourappréciercetrucinfect?

Pendantquejesuisàlalimitedel’asphyxie,Matthewestprisd’unirrépressiblefourire,pliéendeuxparsonhilarité.Jetentederéprimermonrire,maislesienesttellementcommunicatifquejelesuisàmontour.Çamefaittellementdebienquejeprolongelemoment.Quiauraitcruqu’unesimplecigaretteauraitpuservirdecalumetdelapaix?

Lecalmerevienttandisqu’ilmereprendlacigarettedesmainsetl’écrasecontrelesol.

—Cen’estpasfaitpourlespetitesfillesdanstongenre,jubile-t-il.

Jefaismined’êtreoffusquéeetcroiselesbrassurmapoitrine.Ilmefaitunsourirequiporteàcroirequ’ilsaisitmonmanège.MisàpartJonas,çafaisaitlongtempsquejenem’étaispassentieplusoumoinsdétendueaucôtéd’unhomme.Ilnem’inspiretoujourspasunegrandeconfiance,maismoninstinctmepousseànepasavoirdecrainteleconcernant.Cequimesurprendbeaucoupd’ailleurs,étantdonnémanatureméfiante.D’unecertainefaçon,jesuisbloquéeavecluipendantencorequelquesheuresalors…

—Donc...Tucomptesm’emmenerjusqu’où?melancé-jeàentameruneconversation.

—J’aidécidédemeposerunpeuàPortland,tuconnais?

—Non,jeneconnaispas.Décidé?répété-je.Tufaisungenredevisitetouristique?

—Onpeutdireçacommeça.Ilyaenvironunmois,jemesuisfixél’objectifdetrouverunsensàmavie.

Jeleregarde,surprise.Sonhistoired’objectifattisemacuriositéetmepousseàensavoirplus.Jemetournesurlecôtéafindeluifairecomprendrequ’ilm’intrigue.Ilenfaitautantjusqu’àmefaireface.

—Quandj’étaisgosse,j’avaisunesortederêve,celuideparcourirlemonde,unpeuàlafaçondespirates.Tuvoislegenre?

Jehochelatête.Biensûrquandonétaitenfantonavaittousdesrêvesunpeufous,voire

complètementdébiles.Moilapremière!

—Engrandissant,j’aiabandonnécefantasme.Mavied’adoordinaireétaitbienplusintéressantequ’unrêvedemôme.Jel’aivécuecommetoutlemonde,enfaisantdesconneriesentousgenres.Àl’époque,j’étaisvraimentinsouciantetmefoutaiscomplètementdecequejevoulaisfairedemavie.Saufquecertainsévénementsontfaitquemaintenant,àvingt-huitans,j’aibesoind’unrenouveau,d’unréelbut.C’estpourquoij’airepriscetteidéedegamin.Jeneveuxplusdel’éternelcliché:travail,maison,famille,chien…Cen’estdésormaisplusvraimentpourmoitoutça…

Savoixs’effacedoucementavantqu’ilnereprenneavecplusd’entrain,mefaisantsursauteraupassage:

—Alorsj’aidécidéd’allerdevilleenvillepourapprendreàmieuxmeconnaître,rencontrerdesgens.Voirlavieailleursquedevantmonpalier.

Jesuisassezdouéepourlireentreleslignesetd’aprèscequej’aipuapercevoirdanssonregardpendantsonrécit,jesuisintimementconvaincuequ’ils’estpasséquelquechosedegravedanssaviepourqu’ilaitbesoind’untelchangement.Jepréfèrelaissermacuriositédecôtéetnepasluiposerlesquestionsquimebrûlentleslèvres,puisquecelalemèneraàvouloirm’enposeràsontour.Etjenetienspasàluiraconterquoiquecesoitmeconcernant.

—Jetrouvequec’estunebonnefaçondevoirleschoses.Tuasdelachancedepouvoirfaireçaaisément.Cen’estpasdonnéàtoutlemonde,luiréponds-jesimplement.

Ilhausselesépaules,posesondoscontrelemuretregardedroitdevant.

—Ouais,j’avaisbeaucoupd’argentdecôtépourceprojet.Çafacilitebeaucoup.

Jebaisselesyeuxettriturenerveusementmesdoigts.

—Jesuisvraimentdésoléepourtavoiture.

—Cen’estriendeplusquedelaferraille,répond-ild’untondétachétotalementencontradictionaveccequisepassedanssesyeux.C’estplutôtcequ’ilyavaitàl’intérieur…dit-iltoutbaspluspourlui-mêmequepourmoi.

Malgrémacuriosité,jemeretiensdeluidemandercequ’ilyavaitdesiprécieuxdanssavoiturepourqueçaletoucheàcepoint.

—Bref!Parle-moidetoi.Tuasdelafamille,desamis?ajoute-t-ilpourchangerdediscussion.

Moncorpssetendparréflexe.Qu’est-cequejem’imaginais?C’étaitévidentqu’ilallaitmedemanderça.C’estlegenredequestionquetoutlemondeposelorsqu’onveutensavoirplussurquelqu’un.Çapeutparaîtreanodinpourlui,maispaspourmoi.Mavieestfoutue,cen’estpaslapeinedes’étendresurlesujet.Quandchacunreprendrasaroute,jeferaiscequej’aidécidécematinparcequejen’ainil’envienilamotivationdefairequoiquecesoitpourarrangerleschoses.

Jesorslesandwichdusac.L’odeurdelaviandemélangéeàlasauceépicéemefaitdélicieusementfrémiretm’offreunediversion.Jesecouelatêteetréponds:

—Non,personne.

Jemordsdansmonsandwichpourluifairecomprendrequeladiscussionestclose.Ilnemecroitpas,j’ensuispersuadée,maisilaaumoinsladécencedenepasinsister.Jel’enremercieintérieurementpourcela.

L’airfraismefaitfrissonner.Matthews’enaperçoitetenlèvesavesteencuir.

—Tiens,metslà.Tuasfroid.

Illasuspendau-dessusdemesépaulesetattendmonapprobationpourlaposersurmapeau.J’hésiteàaccepter.Mafiertém’asouventposédesérieuxproblèmesdansmavie,maisjemeursdefroidavecmonsimpleT-shirtalorsjefinisparacquiescer.Ilmeladéposedélicatementsurmesépaules.Jedéposemonrepassurlesacetenfilemesbrasdanslesmanches.Savesteagardélachaleurdesoncorpsetsonparfummontejusquedansmesnarines.C’estuneodeurmusquée,fascinanteetaddictive.

—Merci,soufflé-je,embarrassée.

Ilopineetterminedefumersacigarette.J’enprofitepourl’étudieràladérobée.Lefroidprovoquedesfrissonssursesbrasnus.Jelèvemesyeuxlorsqu’untatouageenhautdesonbicepsattiremonattention.Jeplisselesyeuxpourtenterdeledistinguer,quelquespétalessombresd’uneroseressortentdelamanchedesonT-shirtnoir,maisçasemblebeaucouppluscomplexequeçaenal’air.Jem’apprêteàluidemanderdemelemontrer,maisjesuisinterrompueparGeorge.Cequi,d’unsens,n’estpeut-êtrepasplusmal.

—J’aiterminé.Nouspouvonsyaller,nousdit-ilenremontantlabretelledesonsacàdossursonépaule.

Matthewserelèveetmetendlamainpourm’aider.Jerangelerestantdemonsandwichdanslesac.Jen’aiplustrèsfaimdetoutefaçon.

NoussuivonsGeorgejusqu’àsavoiture.C’estunevieilleFordblanchetoutecabossée.Jeretiensmarespirationavantdemonter,vulespécimen,j’aidesdoutesquantàl’odeurdel’intérieur.Entempsnormal,jen’auraisjamaisacceptél’aidedecepompiste,maisjenesuispasseule.Etd’aprèscequej’aipuconstater,Matthewesttoutàfaitcapabledemedéfendre.

M’installantàl’arrière,jesuisagréablementsurpriseparlapropretéetlabonneodeurdeJasminquiassainitl’airdel’habitacle.Commequoi,ilnefautpassefierauxapparences.Ilfutuntempsoùjejugeaislesautresselonleurphysique,pourimiterlegrouped’amiesquej’avaisintégré,maisjenemesuisjamaissentieàl’aisedefaireça.Ilfautcroirequecertaineshabitudesdupassénepartentpasaussifacilementqueça.Matthewmonteàl’avantetGeorgedémarre.

—Merci,ditMatthew.

—J’aiunefilledevotreâge.Jem’enseraisvouludevouslaisserdehorsenpleinenuitdansuncoinpaumécommecelui-ci.Excuse-moidet’avoirregardéd’unefaçonétrangetoutàl’heure,c’estjustequejememéfiedesgars…

—Commemoi?finitMatthew.Ouais…Jefaisceteffet-lààtoutlemonde.

Ilnes’attardepassurlesujet,maisj’aicommel’impressionquesonlookestunesortedecarapacepourlui,commeçal’estpourmoi.Jebalaiecettecuriositénaissanted’unreversmentaldelamain.Çanemeregardepas!

Georgepasseunepartiedutrajetànousparlerdesafille.Ellefaitsesétudesdansuneautreville,etj’entendsausondesavoixqu’ilensouffreénormément.Matthewquantàluijouelejeuducouplequieffectueunroadtrip.Ilpourraitêtreacteurtellementsonhistoireparaîtconvaincante.

Unequinzainedeminutesplustard,nousarrivonsfinalementdevantunMotel,certesmiteux,maisquiferal’affairepourlanuit.NousremercionschaleureusementGeorgeavantdenousdirigerversl’accueil.Unefemmeauxcheveuxpoivreetselremontésenunchignonstrictnousaccueille.

—Bonsoir,nousvoudrionsdeuxchambress’ilvousplaît,demandeMatthew

Sansamabilitéaucune,lafemmesaisitunecléavantdeladéposersurlecomptoir.

—C’estlaseulequ’ilmeresteetc’estunechambreaveclitàdeuxplaces.Désolée,nousdit-elled’unairquiesttoutsaufdésolé.

Jemecrispeimmédiatementetilmeregardecommes’ilattendaitmonaccord.Jesecouelatêtepourcontester.

—Non!Horsdequestionquejedormedanslamêmechambrequetoi!luidis-jesurladéfensive.

Ilseretourneverslafemmeetluidemanded’attendreunepetiteminuteavantdes’approcherdemoi.

—Hailey,tuasbienentendu?chuchote-t-il.C’estlaseulechambreetjesuisvraimentépuisé.Alorstufaiscommetuveux,maismoijelaprends!

Résolu,ilmetourneledospourallerlouerlachambre.Jemepinceleslèvresparanxiété.Cettesituationm’échappecomplètementetçamerenddingue.Enl’espacedequelquesheures,jemesuisretrouvéeSDF,j’aiprisladécisiondesauterd’unpont,uninconnumekidnappepourjouerlessaints.Etvoilàquemaintenant,jem’apprêteàdormirdansunechambredemotelaveccemêmeinconnu.C’esttotalementsurréaliste!

—Alorstut’esdécidée,princesse?s’impatiente-t-ilavecuncertainagacement.

Jeluilanceunregardcinglant,maisunefoisdeplus,jeprendssurmoipourlesuivre.Jeprieintérieurementpourqu’ilyaitaumoinsuncanapé.

Nousressortonsdel’espace«Accueil»etempruntonsunpetitescalierpouraccéderàl’étageoùsetrouvenotrechambre.

Enouvrantlaporte,jedécouvrequ’iln’yapasdecanapé.Seulementunsimplelitetunecommodebancaleauxtiroirsfissurés.L’universestcontremoicesdernierstemps!

Auborddudésespoir,jeressensuneincontrôlableenviedepleurer.Impossiblepourmoidedormir

danscelit.Jeprendslacouverturequisetrouvesurledessusdulitetladéposeàterre.

—Qu’est-cequetufais?medemandeMatthew,manifestementamuséparmonpetitaménagement.

—Tuvoisbien,non?Jepréparemonlitpourlanuit.

—OK!Dorsparterrealors,moijegardelelit.

Iléclatederireavantdepartirdanslasalledebain.Jeserremamâchoire,irritéeparsesmoqueries.Ahc’estsûr!Jedoisêtreunesacréedistractionpourlui.

Mapetiteinstallationmeplaîtbien,évidemmentceneserapastrèsconfortable,mais,c’esttoujoursmieuxquededormirdehorsoupire…àcôtédelui!

Ilsortdelasalledebainquelquesminutesplustard,vêtujusted’un…-moncœurrateunbattement…-d’uncaleçon.Sesvêtementssontsoigneusementpliésentresesmains.Jedétournerapidementleregardpourmasquermontroubledevantcettevision.Malheureusement,moncorpsréagitindépendammentdemavolonté,jesensmesjouess’enflammer.Sanstissu,c’estvraimentautrechose!J’aipurapidementremarquerunemusculaturebiendéveloppéeetsontatouageestaussicomplexequejel’avaisimaginé.Partantduhautdesonbiceps,ilremontejusquesaclavicule.Etjesuispresquecertainequ’uneautrepartiesesitueàl’arrière.Jemelève,droitecommeun«i»,etsansleregarder,jemeprécipitejusqu’àlasalledebain.Unefoislaportefermée,j’évacuetoutl’aircontenudansmespoumons.Jepensaisquec’étaitfinicesconneries,Hailey!mesermonnemaconscience.

L’eaufraîcheapaisemonvisageenfeu.J’essaiebrièvementdedomptermescheveuxaumieux.Aprèsunerapidetoilette,jereparsdanslachambre.Ilestallongésurlelitau-dessusdesdraps,lesyeuxfermés.Jesuisquasicertainequ’iladûremarquermagêneetqu’illefaitexprèspourm’emmerder.Jecroisquec’estdevenusonpasse-tempsfavori!Grandbienluifasse,siçal’amuse!

J’éteinslalumièreetm’allongesurmonlitdefortune.Etcommejel’avaisprédit,cen’estvraimentpasconfortabledutout!Jesoupireetrâle,meretournantdanstouslessensafindetrouverlameilleureposition.Jepousseunsoupirdefrustration.Mondoscourbaturéauraitbienbesoind’êtresoulagé.Maissurtoutd’unmatelasdouillet.

—Hailey,arrêtedefairetatêtedemuleetvienst’allongerdanslelit.Cettesituationesttotalementabsurde.Jemetsdescoussinsentrenous,siçapeutterassurer.

Moncerveaus’activepourtrouveruneréponseadéquate.Fichuefierté!Ilfautbienadmettrequejeneréussiraijamaisàdormirparterre.Poussantungrognementdefrustration,jemelèveetlerejoinsdanslelit.Jememetssouslesdrapsetlesserrentbiendetouslescôtés.Commepromis,ilplacelescoussinscommebarrièreentrenous.N’ayantpasconfiance,jem’assurequ’ilssoientbienpositionnés,ilmanqueraitplusquenoscorpssetouchent.Etpuisquoiencore?

C’estbienplusconfortable,maisjenepeuxpasm’empêcherdegigoter.

—Ilyaquelquechosequitetracasse?medemande-t-ild’unevoixpresqueendormie.

—Oui...jen’aimepasdormirdanslesvêtementsaveclesquelsjesors.

—Tun’asqu’àtedéshabilleretl’affaireestréglée.

—Quoi?Non!Espècedepervers!

IlrigoleetsepencheenavantpourattrapersonT-shirtqu’ilmetend.

—Tiensmetsça,madamelaprude!semoque-t-il.

Exaspéréeparsespiques,j’aibienenviedeluidirequ’ilfutuntempsoùj’étaisloind’êtreprude.Maisiln’apasbesoindelesavoir,quitteàpasserparlacoincéedeservice.

—Tun’aspasintérêtàteretourner!exigé-jed’untonbrusque.

—Paroledescout!mepromet-ilenlevantdeuxdoigtsenl’air.

Jem’assiedssurleborddulit.D’ungesterapide,j’enlèvemonpropreT-shirtetenfilelesien.Ilesttellementgrandpourmoi,qu’ilm’arrivepresqueàlamoitiédescuisses.Sonparfumm’appelle.Jelereniflediscrètement.Toutenrestantassise,j’enlèvemonjeans.Lefairedanslasalledebainauraitétéplusapproprié,maisjesuistropépuiséepouryaller.Jen’aiqu’uneenvie:cellededormirrapidement.

Jemeretournepourmeglisserdanslelit.Matthewalesyeuxécarquillésposéssurmoietsabouchegrandeouvertenemelaisseplusdedoutesurcequ’ilapuapercevoirdemoncorps.

—MATTHEWWW!Tum’avaispromis!m’écrié-jeenluiflanquantrageusementplusieurscoupsd’oreillersursatêtepourtenterd’enleverlesouriresuffisantqu’ilarbore.

Iltiresurmonoreillerpourquej’arrêtedelefrapperavec.Etavecungrandsouriretaquinsurlevisage,ilmedit:

—Jen’aijamaisétéscout.

Etlevoilàpartidansungrandéclatderire.Saufquecettefois,çanemefaitpasriredutout.Vexée,jemordsl’intérieurdemesjouespourmeretenirdepleurer.Maismalgréça,jeneparvienspasàluienvouloir.Ilneconnaîtpaslesraisonspourlesquellesjenesupporteplusleregardd’unhommesurmoi.Jesuismalàl’aisedufaitqu’ilaitpuapercevoiruneinfimepartiedemoi.Rapidement,jem’installesouslesdrapsenluitournantledos.Jel’entendssoupirer.

—Excuse-moi,jen’aipasvoulutevexer…

Jepeuxentendreleregretdanssavoix.Jesensqu’ilestsincère,maisquandmême…Quelcon!Jefermelesyeux,meremémorantlesévénementsdecesdernières24heures.Meslarmescoulentsansquejepuisselesretenir.Jepleureleplussilencieusementpossible.Auboutd’unepoignéedeminutes,unlégerronflementm’indiquequ’ils’estendormi.Bizarrement,ladouceurdesonodeurquiimprègnesonT-shirtéveillemessensetm’apporteuncertainréconfort.Apaisée,jemecalmeetsombredansunprofondsommeil.

Chapitre5

Matthew

Unpicotementauniveaudemesnarinesmeréveille.Mespaupièress’entrouvrentdifficilementetjebaissemonregardverslasourcedecettegêne.

Latêted’Haileyestparfaitementnichéedanslecreuxdemonépaule,sescheveuxéparpillésenvahissentunepartiedemonvisage.Sonbrasceinturematailleetjepeuxsentirsonsoufflechaudcaressermapeau.Elleal’airtellementpaisiblequejen’osepasbougerd’unmillimètre.Jenepeuxpasempêchermonregarddecontinueràlacontemplersilencieusement,unedesesjambesestpar-dessusledrap.MonT-shirtnoir,quiluivaàravir,remontelégèrementetdévoiledescourbesparfaitesainsiqu’unebellepeaulaiteuse.Elleestvraimentcanon!Etjetrouvedommagequ’ellecachesabeauté.

Cettepositionambiguëmeprovoqueunesensationquejen’avaispasressentiedepuiscinqans.Unesortedebien-êtrequejemesuisrefusédepuislors.C’estpréférablepourmoidelalaisserbienenfouieafindenepasréveillercettedouleurquej’avais,plusoumoins,réussiàdompteraprèstoutescesannées.

Jem’apprêteàm’écarterd’elle,maiselleremuelégèrementengémissementdoucement.Pournepascréerdemalaise,j’optepourlasolutiondudéni.Jerefermelesyeuxetfaisminededormirprofondément.

Soncorpsquittevivementlemien.

—Non,maismerde!Faischier!s’exclame-t-elleenchuchotant.

Ellesortprécipitammentdulitavantdeclaquerlaportedelasalledebain.Jepeuxl’entendrejureràvoixbasseetmeretiensd’éclaterderire.Ellequinevoulaitpasmetoucher,ehbien,c’estchosefaite.Lesourireauxlèvres,j’ailesentimentquel’amusementserademiseensacompagnie.Ilmeresteseulementàlaconvaincredecontinuerlarouteavecmoi.C’estvraimenttristequ’unefillecommeelleveuilleenfiniraveclavie.Elleestbelle,jeuneetatoutesaviedevantelle.Sielleaccepte,jetenteraisdeluiredonnerlesourire.

Pourquoijefaisça?Jen’enaiaucuneidée.Mais,j’aitoujourssuivicequemoninstinctmedictaitalorsjenevoispaspourquoicettefois-cijedérogeraisàlarègle.

Audébutdemonpériple,jepensaisqu’êtreseulallaitmefairedubienetjen’avaispasvraimentremarquéàquelpointlaprésencedequelqu’unmemanquait.Jusqu’àcequejetombesurelle.Malgrélevoldemacaisse,jeprendsplaisiràlataquiner.J’apprécieenfinuneprésenceféminine.Çafaisaitlongtempsqueçanem’étaitpasarrivépuisquedèslorsquejecommenceàpasserdutempsavecunefemme,ellemefaitautomatiquementpenserà«elle».Etchaquefois,moncœurvoleenéclatsparcequej’aisanscessel’impressiondelarevoirentoutefemmequejecôtoie.Çapeutpasserparunmot,unemimiqueouuneodeur.Etçametue,carjen’aijamaisréussiàl’oublier.Elleestconstammentdansma

tête.

Étrangement,avecHailey,c’estdifférent.Pasuneseulefois,ellem’arappelésonsouvenir.C’esttoutlecontraireetc’estplutôtunebonnechose.Çamepermetdesouffleretd’évacuerladouleur.

Quelquesminutesplustard,ellesortdelasalledebain.Vêtuedesesvêtementsringardsquinelamettentpasdutoutenvaleur.Sonregardseposepartoutsaufsurmoi.Elledoitsansdouteêtremalàl’aiseparnotrepositionéquivoque.Celaauraitpuêtrel’occasionparfaitepourlafaireenrager,maisaulieudeça,jedécidedelalaissertranquilleetparsprendreunedouche.

***

Noussommesenroutepourrejoindrelastation-serviceafinderécupérerlavoiturederemplacement.Hiersoir,Georges’étaitgentimentproposéderevenirnouschercheraumotel.Malgrésonapparencebourrue,c’estunchictype.Unechancepournousqu’ilaitétélà.

Unefoisarrivéslà-bas,nousavonsattenduunebonnedemi-heure,sousunsoleildeplomb,avantquelegarsdel’assurancerapplique.Lacompagniem’arefiléuneChevroletCamarobleuclair.Elleestpasmal,maisellenevautpaslamienne.Néanmoins,jenevaispasfairelafinebouche,leplusimportantpourmoi,c’estdecontinuermonpériple.Toutcequejesouhaite,c’estquelapolicelaretrouverapidement.

Nousreprenonsnotrecheminjusqu’àPortland,plusd’uneheuredetrajetnousattend.Ensuite,ceseralemomentdevérité,siellesouhaitepartir,jenel’enempêcheraispas.Maispassansessayerdelaconvaincreunedernièrefois.Depuissonréveil,elleestrestéemuetteetsongeuse.Jenefaispasnonplusl’effortd’entameruneconversation.

Lesvitressontgrandesouvertesetleventquis’engouffreàl’intérieurdelavoiturefaitvirevolterseslongscheveuxbrunsdanslesairs.Avecunepointed’agacementdanssesgestes,elletentedelesreplacerderrièresesoreilles,maisjesourisquandjeremarquequec’estpeineperdue.Çapeutparaîtrecon.Maisjetrouvecettescènecaptivante.

Toutàcoup,ellefroncelessourcils.

—Matthew,regarde!Là...elleestlà!hurle-t-elleenpointantsondoigtdansladirectiondubas-côté.

Paniqué,jemetiredemacontemplationpoursuivreladirectionoùpointeleboutdesondoigt.

Mavoitureestlà,danslefossé.Lesoulagementmegagne,maismalheureusement,ilestdecourteduréelorsquejeconstatecequ’ilsontfaitdemavoiture.Cesconnardsl’ontcomplètementdétruiteetvul’étatdanslequelelleest,jecomprendsqu’ilsnevoulaientpassimplements’amuser,maisaussisevenger.

—Merde!Lesenfoirés!

Jemegareetmeprécipiteàl’avantdemonanciennevoiture,oudumoinscequ’ilenreste.Jepousseunsoupirdesoulagement.C’estd’unemaintremblantequejesaisislebraceletpenduaurétroviseur.Jeleserrecontremapoitrineetfermelesyeux,remerciantlecieldem’avoirépargnécetteperte.

Unemainseposesurmonépauleavantd’êtrerapidementenlevée.

—Matthew?Est-cequeçava?

Sonregardpassedubraceletàmonvisage.Jesuispersuadéqu’elles’interrogesurcequecebijoureprésentepourmoi,maiselleneditrien.Jelerangedanslapochedemonjeans.

—Ouais,çava,enfin…

Jejetteuncoupd’œilgénéral.C’estaveclecœurserréetlimitel’enviedechialercommeunegonzessequejedécouvrelesdégâtsdeplusprès.Touteslesvitressontbrisées.Lacarrosserieaétérayéeaveccequejepenseêtre,unobjetpointu.Lespneussontcrevésauxcouteaux.Laportièreetlecoffresontouverts,monsacdevoyagenes’ytrouveplus,cequinem’étonnepasdutout.Cesracluresontmêmedégueulassélessiègesdesubstancesdontjenepréfèremêmepasconnaîtrel’origine.Elleestinutilisabledésormais.

Ilnemeresteplusqu’àtrouverunendroitpourtéléphonerafinqu’onmelamettedirectementàlafourrière.Jefaisvolte-facepourrepartirsurlaroute,çanesertàrienderesterici,àmemorfondredevantcetteépave.C’estfini!Jenelareverraiplus.Jecroiseleregardcompatissantd’Hailey,maisjerestesilencieux.Nousremontonsdanslavoiture.J’accrochelebraceletàmonnouveaurétroviseur.Lerevoirdevantmesyeuxmeréconforte.

Dansunequarantainedeminutes,nousarriveronsàPortland.Jen’aiaucuneenvied’yparvenirtropvite.Etj’aibesoindevoirlaroutedéfilerdevantmesyeux,pourmepermettredepenseràautrechose.Jeremarqueunepancarteoùestinscrit«ColumbiaRiverGorge»,çam’al’airpasmal,etjedécidedoncd’yfaireunpetitdétour,histoired’oublierl’étatdemavoiture.Lepaysageestincroyableetjecroismêmequejepeuxlequalifierduplusbelendroitdel’Oregon.LefleuveColumbiaestbordédegrandscanyons,lavégétationgénéreuseetlescascadesenfontunvoyageàcouperlesouffle.Jeralentisl’allureafind’admirerlepanoramaquis’offreàmoi.Haileyal’airaussiadmiratifquemoiàencroiresonregardémerveillé.Jeparcoursencorequelquespetitskilomètres,avantdefairedemi-tour,unenouvelleidéeentête.

—Nouschangeonsdecap,enroutepourAstoria,maisd’abordnousallonsfaireunpetitdétourparlaplagedeCannonBeach!luiannoncé-je.

—Quoi?Maispourquoicechangement?s’étonne-t-elle.

—Parcequec’estl’aventureetparcequejelepeux,réponds-jejoyeusement.

J’ometsbienévidemmentdeluirévélerquej’aidélibérémentdécidédechangermonitinérairepourgagnerdutemps.Ilmeresteencoredeuxpetitesheuresdetrajetpourtenterdelaconvaincre.

—Ettucomptesfairequoiunefoislà-bas?medemande-t-elleaveccuriosité.

—Aucuneidée,jeverraibien.Chaquedestinationestunesurprisepourmoi.Lapreuveétantquejen’auraisjamaispenséqu’àSeattlej’auraissauvéunejoliejeunefemmed’unemortcertaine.

Jejetteuncoupd’œildanssadirection,sesjouesseteintentd’unejoliecouleurrosée.Ellebaisseleregardethaussesesépaules.

—Çaauraitétémieuxpourtoutlemondequetumelaissessurcepont,murmure-t-ellepluspourelle-mêmequepourmoi.

—Ettoi?Tucomptesfairequoi,unefoisarrivéàAstoria?luidemandé-jeenfaisantcommesijen’avaisrienentendu.

Jechangedeconversationafinquel’onnes’engagepassurunsujetsensiblequilarepoussera,àcoupsûr,danssesretranchements.Monidéeestqu’elles’ouvreàmoipourluidonnerl’enviederester.

—Noscheminsseséparerontetcequejeferaisdemavieparlasuite,cenesontpastesoignons,medit-ellefroidement,satêtetournéeversl’extérieur.

J’airemarquédepuiscesdernièresheuresquec’estsafaçonbienàelledemettreunedistanceentrenous.

BonOK!Visiblement,cen’estpaslabonneméthode!

Enmêmepasvingt-quatreheures,elleamislebazardanslepeud’ordrequej’avaisinstaurédansmatête.Ellem’afoutuenrogneplusd’unefoisetàcausedesonentêtement,jemesuisfaitvolermabagnole.Maispouruneraisonquej’ignore,jemesensincapabledelalaisserpartir.Sansdouteest-ceparcequ’ellemettrafinàsesjoursunefoisqu’elleseraseule?Oui,cedoitêtrecertainementpourcetteraisonquejemecreuselatêteenvuedelaconvaincrederesterprèsdemoi.

—Jeteproposeuntruc,tenté-jeunedernièrefois.

Elletournesatêteversmoi,levantunsourcilinterrogateur.Bon,elleal’airintriguée.Bonpointpourmoi!

—Je…t’écoute,medit-elle,hésitante.

—Accompagne-moipendantmonvoyage,pendantenvironunmois…

Jem’interrompsafindelajaugeruninstantavantd’ajouter:

—Àvraidire,jem’ennuietoutseulettacompagnien’estpassidésagréablequeça.

—C’estquoilepiège?medemande-t-elleméfiante.

—Iln’yaaucunpiège,jetelepromets.

—Pourquoiferais-jeça?Etqu’est-cequej’ygagnemoi?s’empresse-t-elled’ajouter.

Sadécisiondépenddemaréponse.Pendantqu’ellemeregardel’airperplexe,jeprendsbienle

tempsderéfléchir.

—Ehbien...unvoyagetousfraispayés.Tun’aurasrienàdébourser.Etsiaprèscemois,tuterendscomptequetavienevauttoujourspaslapeined’êtrevécue,ehbienjetelaisseraispartirsansm’yopposer.

Uneexpressionétonnées’emparedesonvisage.Elleal’airconfusefaceàmonobstination.

—Pourquoiferais-tuçapourmoi?Jeveuxdire,çaseraitplussimplepourtoidemedéposersurleborddelarouteetdepartir.Jeneseraisqu’unpoidspourtoi.

—Commejetel’aidit,l’ennuimepèseetjetrouveçaplusdrôledefairelarouteavecuncompagnondevoyage.Maiscen’estpaslaseuleraison…j’aidumalàmerésoudredetelaisserpartir.

Lesyeuxrivéssurlaroute,droitdevantmoi,jenecomprendspaspourquoijeluiaiditça,maisc’estsortisansquejepuisselecontrôler.

Ellesemblesurpriseparmonaveuetdemeurecoitequelquesinstants.Jeluijetteunrapidecoupd’œil.Ellesembleréfléchiràmaproposition.

Ellesedécidefinalementàmeregarder.

—Unmois?

—Unmois,confirmé-je.

—C’estd’accordpourunmois.Maisattention!Siquelquechosesepassemal,j’écourteraiscedélai,OK?

J’acquiesce,ennecomprenantpaspourquoil’idéequ’ellesoitàmescôtésmerendfoudejoie.Jenepensaispasqueçaseraitaussifacile,maisj’ysuisparvenu.Àmoidenepasjoueraucon!

—Marchéconclu,partenairedevoyage,dis-jeensouriantdetoutesmesdents.

Jeluitendsunemain.Avecunsouriretimide,ellelaregardeuninstantetposesapaumechaudedanslamienne.Noussecouonsnosdeuxpoignesjointes,concluantnotremarché.

***

NousarrivonsfinalementàAstoriaversquinzeheuresetjerouledirectementendirectiondelamer.J’aibesoindedétente!Leventmarinrafraîchitinstantanémentnospeauxbrûlantesprovoquéesparcettetempératureétouffante.Etnousnesommesqu’audébutdumoisdejuin!ÀNewYork,ilfaitbeaucoupmoinschaudqueça.

Jemegaresurleparking.Haileyn’attendpasetouvrelaportière.Elleôtesessandalesetcourt

jusquesurlaplage.Jesuisdéroutéparsonbrusqueenthousiasme.Sonsourireplaquésurseslèvres.Ellerayonne.Elleseretourneetmefaitsignedelasuivre.

Jesuisagréablementétonnédelavoirdecettemanièrepuisquejusqu’àprésent,j’avaisseulementdécouvertunvisagerenfrognéetfermé.

J’avanceverselled’unpasnonchalant.Ellerepliesonjeansauniveaudesesgenoux.Quandsespiedsentrentencontactavecl’eaufraîche,ellesursaute.Àmontour,jemedébarrassedemesbottesetmeschaussettes.Jelarejoinsaupasdecourse.Lafraîcheurdelamercontrasteaveclesablebrûlant.

—J’adorelamer,commence-t-elle.Quandj’étaispetite,monpèrem’emmenaitchaqueweek-endàAlkiBeach.C’étaitgénial,mais,ensuite,ilatellementétéaccaparéparsontravailquejen’ysuisplusjamaisretournée.Ladernièrefoisquej’aivulamer,j’avaissixans.Parlasuite,jen’aijamaiseuvraimentletempsd’yaller,meconfie-t-elle.

Jenerépondspas,decraintedebrisercemoment.C’estlapremièrefoisdepuishierqu’ellesedévoileunpeu.Voilàdonccequiexpliquesonengouement.

Lesyeuxclos,sonvisageesttournéendirectiondusoleil,commeuntournesol.Ellesavourelemomentetsembleabsorbéepardejoyeuxsouvenirs.J’enprofitepourl’admirerdeplusprès.Sestraitsfinssontilluminésparlalumièredel’astre,cequilarendencoreplusjoliequ’ellenel’estdéjà.Jecapteunmouvementducôtédeseslèvres.Ellesfrémissentdoucementpours’étirerenunsouriretimide.Elleouvreunœilversmoi.

—Tun’enaspasmarredemeregardertoutletemps?

Prisenflagrantdélit,j’éclated’unrirenerveux.

—Désolé,c’estplusfortquemoi.Tuesunefemme...fascinante.

—Fascinante,hein?Etjepeuxsavoirenquoijetefascine?mequestionne-t-elleavecautantd’amusementquedecuriositédanssavoix.

Jem’apprêteàluirépondre,maisjesuisinterrompuparuneautrevoixféminine.Nousnousretournonstouslesdeuxverslapersonnequinousinterpelle.C’estunefemmedenotreâge,blonde,letypecalifornienavecdesyeuxd’unbleuazur.Elleestvêtuedansunerobedeplagefuchsia,onpourraitdirequ’elleestplutôtpasmaldanssongenre.

—Salut!nousdit-ellejoyeusement,mesamisetmoi,onsedemandaitsivousvouliezvousjoindreànous?

Ellefaitunsigneendirectiondesesdeuxamis.Cesontdeuxhommesdumêmetypequelafille,avecunsourirestyleultra-bright.Àpremièrevue,ilsontl’airsympa.

JequestionneHaileyduregard,ellemerépondsimplementd’unhaussementd’épaulespourmefairecomprendrequ’ellen’estpascontre.

—OK!réponds-jeàl’inconnue.

Sansattendre,elleseplaceentreHaileyetmoi.

—Moi,c’estMadisonetvous?

—C’estHaileyetmoiMatthew.

Safaçondemedévisageravecsonregarddeprédatrice,merendmalàl’aise.J’ail’impressiond’êtreunboutdeviande.

—Matthew…répète-t-ellepensive.J’aimebeaucoupceprénom,c’esttrèssexy,medit-elleavecunsourirecharmeur.

Ellemefaitclairementdurentre-dedans.Ellerisqued’êtredéçuepuisquejenem’intéressepasauxfillestropentreprenantes,dumoinsenétantsobre.Elleestjolie,certes,maisellenem’attirepas.Jenesuispasdugenreàmefieràmapremièreimpression,jelaissetoujoursunechanceauxgens.

Nousnousinstallonssurlesableaucôtédesdeuxgarçons.JeremarqueaussitôtquelebrunregardeHaileyavecunintérêtnondissimulé.Maiscettedernièrerevêtlemasquequejeconnaissibien,celuiquiveutdire«Osem’adresserlaparoleetjemords!»etelleobservelamer.

—Alorslui,c’estmonfrèreSteven…nousprésenteMadisonennousdésignantlebruntellementbronzéqu’onpourraitpenserqu’ilapassédesjoursnon-stopdansunemachineàU.V.Etlui,c’estAustin,unami,termine-t-elleennousdésignantunrouquinboutonneuxauxalluresdeGeek.Illèvelatêtedesontéléphoneetnoussalueavantderebaisserlatête.

—Onnevousajamaisvusparici,vousvenezd’où?demandeSteven.

Haileytournelatêteverslui,lessourcilsfroncés.Jelasensdérangéeparquelquechose,maisimpossibledemettreledoigtdessus.

—JeviensdeNewYorketHaileydeSeattle,réponds-je.

—Oh!C’estgénial,s’exclameMadisond’unevoixdecrécelle.J’adoreNewYork.Nousysommesallésl’étédernier.Etsinon...vousêtesensembledepuiscombiendetemps?serenseigne-t-elleenpassantsonregardd’Haileyàmoi.

—Ohnon…Nous…nousnesommespasensemble.Enfait,Matthewetmoinousnoussommesrencontréshier,répondtimidementHailey.

Madisonseretourneversmoi,unsouriregigantesquesurleslèvres.Ellelèveunsourcilinterrogateuretattendquejeconfirmelesdiresd’Hailey.

—Oui,c’estvrai,ons’estrencontréeparhasardetdepuiselleestdevenuemacompagnedevoyage.

—Oh!C’estsuperça,ilfaudraquetum’enracontesdavantagesurcesujet.Donc,tuvoyages?medemande-t-elle

—Ouep,jesuispartideNewYorkpourfaireunesortederoadtrip.

Ellesemetàcrierdesurprise.Bonsang!Cequ’ellepeutêtreagaçante.

—Quellecoïncidence,nousaussi.Enfinpasexactement,noussommesplutôtdesnomades.Nousn’avonspasdemaisonfixe.Notrevieentièreestunvoyagepermanent.Nousallonsdansunevillepourybosserquelquetempsafindesefaireunpeud’argent.Nousrepartonsetainsidesuite.C’estquoivotreprochainedestination?

Jehausselesépaules.

—Nousn’avonspasencoredécidé.

Elleobservesesdeuxacolytesetsembleleurdirequelquechoseduregard.Jenesaispascommentelles’yestprisepourleurfairecomprendrecequ’ellepense,maisçafonctionnepuisqu’ilsacquiescenttouslesdeux.

—Onreprendlarouted’iciquelquesjoursendirectiondeSanFrancisco,çavousintéressedefaireunboutdecheminavecnous?nousdemande-t-elle.

JeregardeimmédiatementHaileypouravoirsonavis,carelleaaussisonmotàdire.Moi,jesuiscarrémentpartantpourcetteidée,aprèstoutplusonestdefousplusonritetlebutpremierdemonvoyageétaitderencontrerdesgens.

—Çanemeposeaucunproblème,medit-elle.

Sonsourirefigémepersuadequequelquechoselagêne.Jelaregardeminutieusementpourdécelerlemoindreindice.Maisellenem’enlaissepasletemps,sonsourires’effaceetelledétourneleregardpourregarderencoreunefoisl’océan.

—Ouiii!Çavaêtregénial!crieMadisonensecollantunpeuplusàmoi.

Jeluisourispoliment.

—Vousavezunendroitoùdormir?Jevousdemandeçaparcequ’onestactuellementhébergéschezunamietilsetrouvequ’ilfaitunefêtecesoir.Ilfautabsolumentquevousveniez!noussupplie-t-elle.Ditesoui…

Jesupposequeleshôtelsdoiventtousêtrecompletsàcettepériodedel’année.Entempsnormal,j’auraisdormisurlabanquettearrièredemabagnole,maismaintenantqu’Haileyestavecmoi,çarisqued’êtrepluscompliqué.

—C’estd’accord.

Unenouvellefois,jeregardeHaileyqui,sansenthousiasme,acquiesce,leslèvrespincées.

Jesoupireetmepassenerveusementunemaindansmescheveux.J’aicommelepressentimentdenepasêtreauboutdemessurprises…

Chapitre6

Hailey

Celafaitpresquedeuxheuresquenoussommessurcetteplage.Lesyeuxfermés,jesuisallongée,mesmainségrainentlesablefin.Quelledélicieusesensationqued’entendrelebruitdesvaguesauloin,lecridesenfantsquis’amusentetlesgensquiseperdentdansdelonguesconversations!Jerepenseàcesdernièresvingt-quatreheuresetàladécisionquejeviensdeprendre.Suis-jevraimentpartantepourvoyagerseuleavecMatthew?Jeleconnaisàpeine,maispeut-êtrequeçanemeferapasdemalaprèstout.Deplus,jen’aiplusrienàperdre.Etjeseraisfollederefuserdesvacancesgratuites.Quirefuseraitfranchement?

Jemeredresseenposantunemainsurmonfrontafind’observerStevenetMadisonjouerauBeachvolleyavecMatthew.Jenesaispastropquoipenserd’eux.Ilsontl’airsympa.Maistoutlemondeal’airsympaengénéral,j’aiapprisàmesdépensd’êtretoujourssurmesgardesetànejamaisdonnermaconfianceaveuglémentpuisqueçaseretournetoujourscontremoi.

Madisonavingt-deuxansetsembleêtre,aupremierabord,unefillecool,maisunquelquechoseenellenem’inspirepasconfiance.Jelatrouveunpeutropenjouéeetsurtouttrèsallumeuse.C’estpeut-êtreparcequ’elleterappellecequetuétais!intervientsubitementmaconsciencequejebalaiementalementdureversdelamain.

Steven,quantàlui,estungenredeplay-boydevingt-septans.Ilsaitqu’ilabeaucoupd’atoutsetenjoueénormément.Commetousleshommesdotésd’unégosurdimensionné,ilpenseavoirunetoucheavecmoi.Cequ’ilignore,c’estquecegenredepersonnemerépugnedepuisdenombreusesannées.

Etpourfinir,ilyaAustin,quediredelui…Ilaunetrentained’annéesetd’aprèscequejepeuxvoir,ilesttrèsdiscretoualorstrèsrepliésurlui-même.Depuisquejesuisassiseici,jenel’aipasentenduprononcerunmot.Ilestconnectésursontéléphone,maisvisiblementtrèsdéconnectédumonderéel.Iln’amêmepasencorelevélatêtepourtenterd’entamerunediscussionavecmoialorsquel’onestàpeineàunmètrededistance.Maisjenem’enformalisepas.D’unecertainefaçon,celam’arrangepuisquejen’auraispassuquoiluidire.

Lassée,Madisonabandonneleballonpourvenirmerejoindre.Elleseplantedevantmoiets’éclaircitlavoix.

—Euh...dis-moi…Est-cequeMatthewestchassegardée?medemande-t-elledebutenblanc.

Jelèvelessourcils,étonnéeparsaquestion.

—Excuse-moi?

—Allezquoi!Tuastrèsbiencomprisoùjevoulaisenvenir...

Bienévidemmentquej’aicompris.Jesecouenégativementlatêteetréponds:

—Biensûrquenon,tuaslechamplibre.

Ellemesouritd’unefaçonquejedoutesincère,puiscommes’iln’yavaitplusdemalentendu–unmalentenduimaginaire,celavadesoi–elles’installeàmescôtés.

—Matthewm’aexpliquéquesavoitureaétévolée,maisaussiquevousn’aviezplusdevêtements.Jeluiaiditquej’allaist’enprêter,letempsquetuenachètesd’autres.

JeregarderapidementlelookdeMadison.Monestomacsecontracte.Jen’arriveraijamaisàmettrecegenredevêtements,seulement…jebaissemonregardsurlesmiens,nerêvantqued’uneseulechose:celledemesentirpropre.

J’acquiesceàcontrecœuretluisourispolimenttoutenpriantintérieurementquecenesoitpasdemicrosvêtements.EnMissPoissardequejesuis,jedoutequemesprièressoientexaucées.

—Parfaitalors!Lafêtecommenced’icideuxheures.Ilesttempsd’allerchezJimmypoursechanger.

—Jimmy?l’interrogée-je.

—Oui,c’estl’amiquinoushéberge,merépond-ellecommesielles’adressaitàuneidiote.

Elleserelèveetmeregarde.

—Onyva?s’impatiente-t-elle.

Jetournelatêteverslesgarçonsquiontl’airdevraiments’amuser.Matthewjetteuncoupd’œildenotrecôtéetnousfaitunsignedelamain.Aujourd’hui,jelevoisd’unautreœil.Jenesaispascequiapuchanger,maisj’aidumalàdétachermonregarddelui.Iln’estpasuntueurensérie,cequiestrassurant,mais,jenesaispas...quelquechoseenluimedonneunsentimentdeconfiance.

—Ilestvraimentcanon!

LavoixtonitruantedeMadisonmesortdemespensées.

—Jenesaispascommenttufaispourfairerouteaveclui,sansvouloirluisauterdessus.

Jericanedoucementetsecouelatête.

—Toutsimplementparcequejenesuispasintéressée.C’estletypeleplusarrogantquej’aipurencontreraucoursdemavie.

Boncen’estpastotalementlavérité,maisjepréfèrelaisserparlermamauvaisefoi.

—Leshommesarrogantspeuventêtretrèsattirants,doncçanemeposeaucunproblème!dit-elleenposantunemainsursahancheendévorantMatthewdesyeux.

Sansblague?

Jemerelèveàmontourtoutenchassantlesablecollésurmonpantalon.Nousnousdirigeonstouteslesdeuxendirectionduparking.

—Ilsneviennentpasavecnous?demandé-jeententantdemasquerlapointedepaniquedansmavoix.

—Ilsnousrejoindrontplustard,merépond-elleavantdemonterdanssaJeep.

Jesoupirediscrètementd’exaspérationavantdegrimperàmontour.Jen’avaispasprévulesévénementsdecettefaçonetmevoilàmaintenantenroutepourunefêteavectoutuntasdegensquejeneconnaispas.

Nousroulonsjusquedansleshauteursd’Astoria,làoùsesitueunquartierrésidentiel.J’aivécutoutemonenfancedansunepetitebanlieueagréable,maisloind’êtreaussiprestigieusequecelle-ci.Lesmaisonssonttoutesplussomptueuseslesunesquelesautresàmesurequelaroutedéfile.Seulsdesgensaiséspeuventvivredanscetendroit.

Madisongarelavoituredevantunemaisonblancheàdeuxétages.Elleestd’unetaillemoyenneetassezisoléedesautresmaisons.Pratiquepourorganiserdessoirées,pensé-je.

Noustraversonsunjardinmagnifiquemententretenu.Unebonneodeurderosesrègnedansl’air.Cettesenteurmeramèneimmédiatementàdessouvenirsheureuxdemonenfance.Autempsoùj’étais«la»petitefilleparfaite,j’observaismamèrecultiversesrosesrouges.Elleenétaitsifière.

JesuisMadisonquipénètreàl’intérieurdecettemaison.Unhommed’environunequarantained’annéesnousaccueillejoyeusement.Unpeutropd’ailleurs.JesupposequecedoitêtreJimmy.Vêtud’unecasquettedebase-ball,d’unlongT-shirtsansmanchesetd’unshort,ilnoussurplombed’aumoinsdeuxtêtesdeplus.

—JeteprésenteHailey,luidit-elleenmedésignant.Hailey,jeteprésenteJimmy,ajoute-t-ellebrièvement.Sonamietellesontdesvoyageurseuxaussi.Jeleuraidoncproposédeveniràtapetitefêtedecesoir.

—Biensûr,tuasbienfait.EnchantéHaileyetbienvenue.

Jeserrelamainqu’ilmetend.Elleestmoite.Jetentederetirerlamiennerapidement,maisilaffermitsaprise.Sonregardscrutateurm’angoisse.Ils’attardeunpeutropàmongoût.

—Merci,c’estunetrèsbellemaison,complimenté-jeenreprenantmamain.

—Oh!Merci,c’estlamaisondemesparents.Ilssontàl’étrangerpendantquelquesmois,alorsjel’occupeenattendant.Nerestezpasici,entrez.FaiscommecheztoiHailey.

Jepénètredanslesalon,l’intérieurestassezrustique,maispropreetbienrangé.Jimmynousabandonnepours’affaireràdéplacerlesmeublestandisqueMadisonm’apporteunverredejusdefruitfraisquejeboisd’unetraite.

—Ilorganiseçachaqueétéquandsesparentss’absentent.Engros,c’estlafêteànepasrateràAstoria.

—Ilestunpeuétrangenon?

—Jimmyestcool,maisestassezméfiantmalgrétout.L’annéedernière,ilainvitédesnomadescommemoietilsluiontvolépasmald’objetsdevaleur.NousconnaissonsJimmydepuisdesannéesalorsilnousfaitconfiancequandonamènedumonde.Allezviens,jevaistefilerdesfringues.

Jecomprendsmieuxalorssonregardinquisiteur.Moninquiétudesecalmeetj’acquiesce.

Nousmontonsàl’étageetentronsdansunechambredépourvuededécoration.Seulsunesimplearmoire,unlitainsiquedenombreuxvêtementséparpillésaccessoirisentcettepièceblanchâtre.Ellefarfouilledansl’armoireetdéposesurlelit,unerobenoire.Ellesembleréfléchirunmoment.Marespirationestcoupée.Horrifiée,j’examinemafuturetenue:noire,droiteavecuncolrasdecou.Elleestjolie,maiscen’estpasdutoutmoi.Ilesthorsdequestionquejeporteça.

—Ah!voilà,jelesaitrouvés!s’écrit-elle.

Jedétournemonregarddemarobenonconvoitéepourleposersurelle.Elletientdanssamain,unepaired’escarpinscouleurnude.Wowlestalonssontvraimenttrèshauts.Jelaregarde,estomaquée,lestressdemevêtirdecettefaçonmemonteàlagorge.

—Tumettrasçaaveclarobe!medit-elleencherchantàsontour,sapropretenue.

Elleestaussiréjouiequ’unepetitefillequiauraittrouvél’habitparfaitpoursapoupée.

—Écoute…commencé-jemalàl’aise.Jene…saispastrop,euh…jenepeuxvraimentpasporterça,enfinregarde-moi,luidis-jeenmedésignantdespiedsàlatête,cen’estpasdutoutmonstyleetjeneseraipasdutoutàmonaise.

Sessourcilssefroncentd’interrogation,ellenedoitpascomprendrepourquoiunejeunefemmecommemoirefuseraitdeporterunerobe,maispeuimporte,jenesouhaitepasm’étendresurlesujetpourluiexpliquer.

—Jen’aipasbeaucoupdechoixdansmagarde-robe.Jeneportequerarementdespantalons.Etcequetuportes...medit-elleendésignantmatenueavecunemouededégoût,c’estcarrémentbannidanslescodesdesoiréesbranchées.

Jemegrattelefront,profondémentdésemparée.Lanauséemegagne.Jesuisempreinteàl’hésitation.Jenepeuxtoutdemêmepasresterhabilléeainsietjenepeuxdéfinitivementpasporterça.Leventrenoué,jetenteuncompromis:

—Tun’auraispaspluslong?

Ellesoupired’agacementetfouilleunenouvellefoisdansl’armoirepourmesortirunerobenoireunpeupluslongue,enfin...légèrementpluslongue.Ohbonsang!C’estavecunaccablementnondissimuléqued’unemaintremblante,j’agrippelarobequ’ellemetend.J’ail’enviesoudainederesterterréedanscettechambretoutelasoirée.Maisj’aipromisunmoisàMatthewalorsjevaisfaireuneffort.

Unefforttoutefoissurhumainpourmoi.

Ellem’indiquelasalledebainetaumomentoùjem’ydirige,ellem’interrompt:

—Attends,mesignifie-t-elledesonindexderesteroùjesuis.

Ellefaitvolte-faceetpartd’unpasrapidejusquedanslachambre.Uneminuteplustard,ellerevientavecunbikinibleunuitdanslesmains.Elleveutmamort?

—Unmaillotdebain?m’étranglé-je.

—Oui,ilyaunepiscine.Mets-le,tuverras,cessoiréessontdémentes,medit-elleavecunsourirenarquoissurleslèvres.

J’ailasensationqu’elleprendunmalinplaisiràvoirmonmalaises’agrandir,maisjemefaissûrementdesidées.Lesdentsserrées,jesaisiscespetitsmorceauxdetissuafindenepasparaîtreimpolie.Maisunechoseestsûre,c’estquecemaillotdebainresterabienàl’abridesregards.Unefoisseuledanslasalledebain,jemeplacedevantlemiroiretmeperdsdansmespensées.Jescrutemonrefletenmedisantquelavienousréservededrôledesurprise.

«Tucroisaudestin,Hailey?»

LesparolesdeMatthewmereviennententête.Ils’estpassétellementdechosescesdernièresheuresquej’ail’impressionqu’ils’estécouléplusieurssemaines.Est-cevraimentledestinquil’amissurmoncheminpourmesauverdemamisère?Jenesuisplussûrederien.

Unmois...j’ai30jourspourenvisagermavied’uneautremanière.Siellevautlapeined’êtrevécue.J’expirefortement,créantunelégèrebuéequicouvremonvisageassombri,jelafaisdisparaîtreaveclapaumedemamain,meforçantàsourirepourilluminermestraits.Jeverraibiencequecettepériodem’apportera.

Jepénètredansladouche,laissantl’eaubrûlantedétendremesmusclesengourdis.J’attrapelepremiergeldouchevenuetfrottetoutmoncorpsavecceliquidequisentbonlavanille.

Madoucheterminée,j’enfilelemaillotdebainetàmagrandesurprise,ilmevaplutôtbienetmetenvaleurmesatouts.Jen’aipasrevêtudebikinidepuisdesannées.Àcetteépoque,mavieétaitencoreidylliqueetinsouciante,etpuisoùLindsey,mameilleureamie,étaitencoreàSeattle.

Lessouvenirsm’envahissent,ellememanqueterriblementdepuisquenousnoussommesperduesdevue,ilyadecelatroisans.Elleetmoiavionsarrêtélesétudessimultanément.Lamédecine,cen’étaitdécidémentpasnotretrucetauvudesévénementsquis’étaientabattussurmoi,jen’avaispasd’autrechoixqued’arrêter.Nosparents,membresdelamêmeparoisse,allaientsanscesseàdesréunionsreligieuses.

Étantgamine,j’ymouraisd’ennuijusqu’àcequejefasselaconnaissancedeLindsey.Nousavionsdenombreuxpointscommuns,notammentdesparentspourquiunavenirbrillantfiguraitentêtedelistepourleursprogénitures.

Voilàpourquoilesmiensontlittéralementpétéunplombquandilsontapprisquej’envoyaisvalser

plusieursmilliersdedollarsdefraisdescolarité.Jeneleuraijamaisexpliquélavraieraisonparcequecequ’ilsnem’auraientcertainementpascompriseoualorspire,pascru.Alors,jeleurailaissécroirecequ’ilsvoulaient,àsavoiruncapricedemapart.Mêmes’ilsontsuquelquetempsplustardlavraieraison.Etcommejelecraignais,ilsnem’ontpascrue.Enfintoutdumoins…mamère.J’aidûsupportertoutessortesdereprochespendanttroisans.Lindseyquantàelle,aeuunpeuplusdechance,sesparentsontétéunpeuplusconciliantsetontmêmefinancésonvoyageenAustralie.C’estcommeçaquenoscheminssesontséparéspuisnoscontactssesontfaitsdeplusenplusrares,jusqu’àdevenirinexistants.Maisjesaisqu’ellevabienetc’estleplusimportant.

Laissantcespenséesdanslacase«Vieuxsouvenirs»demoncerveau,j’enfiledifficilementlarobequiestbeaucouptropmoulante.J’aienviedecrieretdepleurer.Maisdescoupsàlaportemestoppent.

—Uneminute!dis-jeàlapersonnederrièrelaporte.

Jereprendsmesespritsetpassemesmainsdansmescheveuxmouillés,histoiredelesdémêlerbrièvement.Mejugeanttroppâle,jemepincelesjouespourleurdonnerrapidementuneteinterosée.Lerefletquemerenvoielemiroirmedonnel’impressiond’avoirfaitunbonddanslepassé.Jefermelesyeuxuninstantpourmeressaisir.Jeferaisemblantd’allerbien,justeunesoirée,m’encouragé-je,rienqu’unesoirée.

Unemainhésitanteposéesurlapoignée,j’ouvrelaporteettombenezànezavecMatthew.Surprise,jevacilleetilmerattrapejusteavantquejem’étaleàterre.Jerelèvelentementmesyeuxverslessiens.Ilm’observesansunmot,maisjepeuxvoirsoninquiétudedanssonexpression.L’intensitédesesyeuxmetrouble.J’airemarquéqu’àchaquefoisqu’ilmeregardait,leurcouleurdevenaitplussombre,presquenoire.Lesbattementsdemoncœurs’accélèrentetmarespirationsebloquequelquepartentremespoumonsetmagorge.

—Tutesensbien?medemande-t-il.

Jehochelatête.

—D’accord…Euh…Mmm,…Tuasencorebesoindelasalledebain?medemande-t-ilendésignantlapiècederrièremoi.

Sonregardquittemonvisagepourdescendreplusbassurmoncorps.Safaçondemeregardermerappelleaussitôtmonaccoutrement.Mesjouesdeviennentécarlates.Jebaisselesyeux,aussitôtgênéed’êtrevêtuedecettefaçondevantlui.Jenevaisjamaisyarriver,jenevaisjamaisréussiràsurpasserça!

—Non,j’ai…fini,réponds-jeenbafouillant,lesyeuxtoujoursbaissésverslesol.

—Tumelaissespasser?medit-ildoucement,maisavecunepointed’amusementdansletondesavoix.

Jerevienssurterre.

—Oh…Biensûr,rétorqué-jetimidement.

Sansmêmeleregarder,jeparsprécipitamment,lecœurbattant,endirectiondelachambre.Je

refermelaporteetm’appuiedessuspourreprendremesesprits.Lesyeuxfermés,jerespireprofondémentpourcalmermonrythmecardiaque.Non,maisquelleidiote!

—Çanevapas?Tuestoutepâle,s’enquiertMadison.

Mince!J’avaisoubliéquejen’étaispasseule.

—Non,net’inquiètepas.Jevaisbien.

—Tun’espasmalade,j’espère?

Elleposesamainsurmonfrontquidoitsansdouteêtrebrûlant,maispourunetoutautreraison.Ellesoupirecommesielleétaitagacéeparquelquechose.Jemedemandebienqu’elleestsonproblèmeavecmoi,jem’apprêteàluidemander,maisellemetireparlamainetmefaitsignedem’asseoirsurlachaise.

—Assieds-toi!Jevaisterefaireunepetitebeautéparcequetufaispeineàvoir.

Jemefigeparsontonbrusque.Jelèvelatêteverselle,unsourireornesonvisage.Jedoissansdoutemalinterprétersoncomportementàmonégard.Qu’est-cequinetournepasrondchezmoi?Monmanquedeconfianceenverslesautresm’adéjàfaitimaginerdeschosesquisesontrévéléesfausses.

Cettejournéem’aprocuréuntrop-pleind’émotions.Jemelaissefairesansbroncher.Auboutd’interminablesminutes,jemeregardedanslemiroir,métamorphoséeparsonrelooking.Mespaupièressontcoloréesd’uneteintetaupeclairetmeslèvresd’unecouleurcerisenoire.Mescheveuxbrunsfoncéssontlâchésetmagnifiquementondulésauxpointes.J’ail’impressiond’êtrequelqu’und’autre.

—Voilàquiestmieux!Stevenvacraquer,c’estsûr!seréjouit-elle

Unhoquetdesurprises’échappedemagorge.Touts’éclairemaintenant.Sonenthousiasmeàmepréparerétaitdansl’uniquebutdemecaseravecsonfrèreSteven?J’auraisdûm’endouterplustôt.Ellefaitcarrémentfausseroute.

—Tun’yespasdutoutlà.Tonfrèreestmignon,maisjenesuispasdutoutintéressée.

Ellemeregardelesyeuxrondscommesiellenecomprenaitpasquelleraisonpourraitm’empêcherdeflirteravecsonfrère.Ellesembleréfléchiruninstant,puisellefrappedanssesmainscommesiuneidéeavaitsurgiinstantanémentdanssatête.

—Maisbiensûr…Tuesgay,c’estça?

—Qu...Quoi?Nooon!m’exclamé-je.C’estjustequepourl’instant…jen’aipasenvied’unerelation.

Ellefaitminederéfléchir.

—Alorsdanscecasnefaispastacoincée,monfrèreacomplètementétécharmépartoi,medit-ellesèchement.

Moncorpssetendunenouvellefoisfaceautonqu’elleaemployé.Toutelasympathiequiétaitdanssonregardquelquessecondesplutôtadisparu.Sonpetitjeumetaperéellementsurlesystème,maisquoiqu’elles’imagine,ilnesepasserarien.J’aiautrechoseentêtequedem’encombrerd’unhommedansmaviemêmesicen’estqu’unsimpleflirt.

Madisonm’ignoreetsechangesanspudeur.Elleenfileunminishortblancetunhautdebikinijaunebienvoyant.Àcôtéd’elle,j’ail’impressiond’êtretrophabillée.Maisd’unecertainefaçon,celam’arrange.

—Bonetbientufaiscommetuveux,maismoijevaisretrouverMatthew!lance-t-elle.

Ellesortdelapiècesansmêmem’adresserunregard.Cettefilleesttrèsdifficileàcerner!C’estquoisonproblème?

Lamusiquequitraverselemuretlesnombreusesvoixquisefontentendremesignalentledébutdesoirée.Jeprendsunegrandeinspiration.C’estseule,accompagnéeuniquementdemondésespoirquejesorsdelachambreetemprunteprudemmentlesescaliers.Jeparsaffrontermonsupplice.

Environunevingtainedepersonnessontagglutinéesdanslejardinsituéàl’arrièredelamaison.D’unpaslent,jemedirigeversunegrandebaievitrée.J’observelejardinparfaitementaménagé.Unesuperbepiscinetrôneenpleinmilieu.Lasuperficiedecetespaceestimmense.Destablessontinstalléesicietlà,lanourritureetlesboissonsysontdisposéesenabondance.

C’estunesortedebuffetavectoutessortesd’assortiments.Ilyenapourtouslesgoûts.Ehbien,ilnefaitpasdansladémesure!Monventrecriefamineetmesuppliedegoûteràcespetitesmignardisessalées.Jedécidedefairel’impassesurl’alcool.Jen’aipasbesoindeça.Jemesersdansunepetiteassietteencarton.

J’essaiedefaireminederien,maislafoulem’oppresseetjen’arrivepasàêtreàl’aiseparmicetamasdefêtards.Matêtetourneetmesmainsdeviennentmoites.

Commes’ilétaitdevenumaseulebouéedesauvetageparmicettemaréehumaine,jechercheMatthewduregard.Auboutd’unepoignéedesecondes,jel’aperçois.Maisiln’estpasseul,Madisonestàsescôtés.Elleluiditquelquechosedansl’oreilleetiléclatederire.Jetentederéprimerlelégerpincementaucœurquemeprovoquecettescène.Jenecomprendspaspourquoicettesituationmegêneautantqu’ellemetrouble.Cequiestcomplètementstupidepuisquejen’enaistrictementrienàfairedelui.Ilpeutêtreavecquiilveut,çam’estcomplètementégal!

Commes’ils’étaitsentiobservé,sonregardcaptebrusquementlemien.Nousnousfixonset,parcetteœillade,j’ail’impressionqu’unlieninvisibleestentraindesetisser.Ilm’adresseunhochementdetêteaccentuéd’unpetitsourireauqueljeluirépondsd’unsimplesignedetête.MadisonsembleavoirrepéréqueMatthewm’observait.C’estd’unetoutautrefaçon,beaucoupmoinsaimable,qu’ellemetoiseàsontour.Excédéeparsesréactionsdésagréables,jedécidedelesignorerenmeretournantverslebuffet.

Finalement,peut-êtrequ’unpunchnemeferapasdemal…

Chapitre7

Matthew

Jesuisinstallésurlerebordd’untransatàsirotermabière.L’imaged’Hailey,lescheveuxmouillésdanssapetiterobemoulante,nequittepasmonesprit.J’aipusentirsonmalaiseetj’auraisvoulularassureràcemoment-là.Luidirequ’elleétaitparfaiteetqu’ellen’avaitpasdequoirougirsousmonregard,maisaucunmotn’arrivaitàsortirdemabouche.

Çafaitunbonquartd’heurequeMadisonnemelâchepaslagrappe.Jefaissemblantdem’intéresserauxanecdotes«drôles»qu’ellemeraconteenriantparpolitessealorsquejen’aiqu’uneseuleenvie,cellederetrouverHaileyquivienttoutjustederentrer.Jedoism’assurerqu’ellevabien.Sonregardposésurmoim’avraimentinquiétéetjel’aipeut-êtreimaginé,maisj’aicruvoirdusoulagementlorsqu’ellem’aaperçu.

Madisonmefaussecompagniepourallersaluerdesconnaissances.J’enprofitedoncpourmeleveretdéambulerautraversdelafoulequis’estattroupéedanslejardin,plusnombreusequetoutàl’heure.Jetournematêteàgaucheetàdroitepourlatrouver,maisaucunetraced’Hailey.Enrevanche,jecroiseMadison.

—Tun’auraispasvuHailey?

—Euhouais,jecroisqu’elleestàl’étage,mais,jenesuispassûrequ’ellesoitseule.Situvoiscequejeveuxdire.

Ellesemetàricanerd’unefaçonétrangeetn’apasl’airdanssonétatnormal.Maiscequimepréoccupepourlemoment,c’estl’éventualitéqu’Haileypuisseseretrouverseuleavecunautretype.Etçanemeplaîtpasdutout.Elleestbientropfragile.Dieuseulsaitcequecetypepourraitluifaire.

Jemontelesescaliersquatreparquatreetm’approchetoutcontrelaportedelachambred’amis,deséclatsderirefémininetdesgémissementsretentissent.Jerestefigé.L’entendredel’autrecôtédecetteportemeprovoqueunedrôledesensation.J’aicommel’impressionqu’elles’estbienfoutuedemoienjouantàlafilleperdueetchétive,card’aprèscequej’entends,c’esttoutlecontraire.D’ailleurs,jenecomprendsmêmepaspourquoiçamefoutautantenrogne.Ellen’estrienpourmoi,elleestseulementlajeunefemmequej’aisauvéedelamort.Riendeplus.Elleestlibredefairecequ’elleveutmêmesij’étaisloindemedouterquec’étaitcegenredefille.

Contrariéparcettedécouverte,jemedétournedelaporteetretourneaujardin.Madisonestdenouveauassisesurletransatavecunverredebièreàlamain,sesyeuxsontbrillantsetsonsourireestmalicieux.

J’observetoutautourdemoiavecl’impressiond’êtredansdecesfêtesdefraternitéauxquellesjeparticipais,àl’époqueoùj’allaisàl’université.J’attrapeunedeuxièmebièresurlatablepuisdirigemon

regardversMadison,sonsouriredeséductricenemefaitaucuneffet,maisquandellesedéshabillepourseretrouverenmaillotdebain,jemedisqu’unpeudedistractionnemeferaitpasdemal.D’unedémarcheféline,elles’approchedemoi.Etjenelarepoussepasquandelleposeunemainsurmontorse:

—Donc,tuesseul?medemande-t-elle.

Jehochelatêteenessayantdegarderuneexpressionneutre.

—Vienstebaigneravecmoi,ajoute-t-elleenmesusurrantàl’oreille.

Jenevoispaspourquoijemepriveraisdem’amuserunpeu.SousleregardexigeantdeMadison,j’enlèvemonT-shirtenneprêtantpasattentionauxquelquesacclamationsfémininesquis’élèventderrièremoietjeplongedanslapiscine,nemanquantpasd’arrosertoutlemondeaupassage.Madisonentrelentementdansl’eauàlafaçond’unedéesse,sansmequitterdesyeux.Jem’approcheàmontourd’elle.Sesbrasseposentautourdemoncou,elleposeseslèvresimpatientescontrelesmiennes.Cen’estpasvraimentdésagréable,maisjeneressensrienàpartduvide.Çanem’étonnepaspuisqueçafaitplusieursannéesquejen’aiplusrienéprouvélorsd’unbaiser.

Lesquelquespersonnesautourdenoussifflentetn’hésitentpasàlancerquelquespropossalacesànotreégard.J’écartemabouchedelasienne.Sonsourireesttriomphant,commesielleavaitréussiledéfiqu’elles’étaitfixée.Jem’écartelégèrementtandisquejedétournemesyeux,reportantmonattentionverslespersonnesquinousobservent.Haileyestelleaussiprésente.Appuyéecontrelabaievitrée,sonregardimpassiblemefixe.Nosregardss’accrochentàunpointtelquej’enoubliecequim’entoure.Moncorpsreçoitunedélicieusedécharge.Cettesensationétrangementagréablesemblenepasvouloirm’abandonner.Jenecomprendsrienàcequisepasse,unecontradictionardentemesubmerge.Celledudésirmélangéàlacolère.

—J’adoretontatouage.Qu’est-cequeçasignifie?mequestionneMadisoneneffleurantlecontourdudessin.

Savoixmetiredemacontemplation,cequin’estsansdoutepasunemauvaisechose.Enrevanche,jen’acceptepasquequelqu’untoucheàmontatouage.Jerepoussebrutalementsamain.Monchangementdecomportemental’airdeladéstabiliser,maisjen’aiabsolumentpasenviedem’étendresurlesujet.

—Çaneveutriendire,rétorqué-jesèchement.

Sielles’imaginequejevaisluirévélerlasignificationdemontatouage,ellepeuttoujoursattendre.Unautrecoupd’œilendirectiondelabaievitréem’indiquequ’Haileyn’yestplus.D’uncoup,lapiscinemesemblebeaucoupmoinsattrayante.Alorsjesorsdel’eaupourallerchercheruneserviettedebainpliéesurletransatpourm’essuyerrapidement.

—Qu’est-cequetufais?medemandeMadison.

Jedéposelaserviettepourensuitem’éloigner.

—Matthew,attends!crie-t-elle.Onn’apasfini!

Maisjesuisdéjàloin.

Danslesalon,j’agrippeundecesgobeletsenplastiquerougecontenantdelabière.Lamusiqueestassourdissanteetl’alcoolparaîtfaireeffetsurlesinvités.Sanspudeur,lesfillessedéhanchentetleshommesseréjouissentsansscrupuledeleurtauxd’alcoolémieélevéenlespelotanteffrontément.Cegenredesoiréemedonnelanausée.Jeboismonverreculsec.

Jemonterapidementàl’étagepourenfilerunT-shirtsec.Jeressorsdelachambrepourredescendre,maisaumomentd’emprunterlesescaliers,lafenêtreouvertedubalconattiremonattention.Jefaisglisserunemaindansmapochepourensortirmonpaquetdeclopes.

Lacigaretteentremeslèvres,jepénètresilencieusementsurlebalcon.Àmadroite,Haileyestassisesurunechaiseenplastique,seule.Elleobservelafêtequisedérouleenbas,l’airpensif.

—Qu’est-cequetufaisicitouteseule?

Malgréladouceurdansletondemavoix,ellesursautelégèrementettournesonvisageversmoi.Saboucheestouverteparlasurprise.Sesbrassecroisentdevantsapoitrinetelunbouclier.

—Tum’asfaitpeur!

Elleseraclelagorgeetpoursuitenhaussantlesépaules.

—J’avaisbesoindemeretrouverseule.

—LeDonJuanavecquituétaisdanslachambretoutàl’heuren’estpaslàpourtetenircompagnie?luidis-jeennepouvantmasquerl’amertumedemonton.

Rienqued’imaginerHaileydanslesbrasd’unautrenemeplaîtpas.J’aisansdoutecrééunsentimentprotecteurenverselledepuisquejel’aivueauborddusuicide.Oui,c’estforcémentlaraisonpourlaquelleçamefaitautantchier.

Ellefroncelessourcils,l’airden’avoiraucuneidéedequoijeparle.Maisoui,joueunenouvellefoislapetiteinnocente,Hailey,jevoisclairdanstonjeu!

—Excuse-moi?medit-ellesurladéfensive.

J’émetsunpetitrireagacé.

—Jetecherchaistoutàl’heurepoursavoircommenttuallais.Madisonm’aditquetuétaisàl’étage,maispasseule.Jesuisquandmêmemonté,maistuavaisl’airbienoccupée.

Unelueurdecompréhensionéclairesonvisageenmêmetempsquesonsourire.

—Tucroyaisque...

Elleéclatederire.Jesecouelatêtel’airperdu.

—Tucroyaisquedanslachambre,c’était…C’étaitmoi?dit-elleenriantdeplusbelle.

L’entendreriredecettefaçonmetireunsourire.

—Euh...Oui.Enfin,tufaiscequetuveux.Çanemeregardepas.

Foutumenteur!mecriemaconscience.Abruti!ajoute-t-elle.

Unprofondsoulagementm’envahitainsiqu’unepointedeculpabilité.Jem’enveuxdel’avoirjugéedecettefaçon.Haileysecalmeens’essuyantlesyeuxets’éclaircitlavoix.

—Enfait,j’étaisàlarecherched’uncointranquillepourêtreseule,maisaumomentd’ouvrirlaportedemachambre,j’aivuStevenen…enfin…enpleineaction.C’étaitlemomentleplusgênantdemavie,jemesuisalorsréfugiéeici,surcebalcon.Ilfaudraitd’ailleursquejepenseàchangerlesdraps,sedit-elletoutbas.Ensuite,entevoyantplongerdanslapiscine,jemesuisditquej’allaisdescendreboireunverre.Aumomentoùjesuisdescendue,jet’aivu....Bref,peuimporte,cen’étaitpasunebonneidée,jenemesentaispastropàl’aise.Lessoiréescommeça…

Elles’interromptetsembleseperdredanssespensées...

—…merappellenttropdemauvaissouvenirs.

Jem’assiedsàterreenprenantunegrosseboufféedetabacavantdelaisserparesseusements’échapperlafuméedemabouche.

—Tuveuxenparler?luidis-jeenlaregardant.

Ellesecouelatête,leregardvague.Puis,elleseressaisitetmeregarde.

—Ettoi?Tun’espasavecMadison?meretourne-t-ellelaquestion.Vousaviezl’airdebienvousentendre.

Elledétourneleregardpourregarderdevantelle.

—Euhouais,elleestsympa,maisçan’irapasplusloin.

Jenecomprendspascequim’apousséàl’embrasserd’ailleurs.Ilm’arriveparfoisd’agircommeunconsanstropsavoirpourquoi.Quoiqu’ilensoit,jedoismettreleschosesauclairavecMadison,pourqu’ellenesefassepasdefaussesidées.

—Tuesdonccegenredemec?

Moncorpsseraiditautonbrusquedesavoixetlasoudainefroideurdesonregardest,d’ailleurs,assezflippante.

—Quelgenredemec?demandé-jeincrédule.

—Legenredeceluiquiprendunefillequandilveutetquilajettequandbonluisemble!

Jesuisunpeumalàl’aisequ’ellemejugedecettemanière,maisjenepeuxpasluienvouloir.Ilyaquelquesminutesàpeine,jel’aiqualifiéedefillefacile.

—Non...Jenesuispascegenre,réponds-jesincèrement.

C’estvraiquej’aidéjàeudenombreuseshistoiressanslendemain,maismesintentionsonttoujoursétéclaires.Jesuisloind’êtrecommeellelepense.

Elleplisselesyeuxquelquesinstantscommesielletentaitdedécelerunquelconquemensongedansmesyeux.Leurexpressionsemblelasatisfairepuisqu’elleseradoucit.

—OK...unconseil…metsrapidementuntermeàcepetitmanègeparcequeçarisquedemaltourner.Elleal’airtrèsintéresséepartoi.Etsinousdevonsvoyagerensembledanslesjoursàvenir,ilnevautmieuxpascréerdediscordesdèsledébut,tunecroispas?

Sonsoupirm’indiquequequelquechoselachagrine.Sonregardsefaitpluslointain,commesielleseremémoraitunsouvenirtriste.

—Quandj’étaisàlafac,commence-t-elled’unevoixsourde,j’étaiscegenredefille.Jeune,insouciante,quidonnaitsaconfiancesanslimiteaucune.J’étaisvraimentnaïve,ajoute-t-elleavecamertumeavantdesetournerversmoi.Alors,jesaiscequec’estquandonprofitedetoietçariend’agréable.Jenevoudraispasquetusoiscegenredepersonne,tucomprends?termine-t-elleavecunetelletristessequej’enperdsmesmots.

Jedéglutisenhochantlatête.

—Jeteprometsdenepasêtrecegenredemec.

Jeterminemaclopeenm’imaginantHaileyenuneversionMadison.Maisc’estimpossible,ellesemblesitimideetrenferméesurelle-mêmequejemedemandebiencequiapuluiarriver.

—Tuestrèsjolie,lacomplimenté-jeendésignantsatenue.

Sesjouess’empourprent.Malàl’aise,elletiresursarobe.

—Oh…euh…Merci.

Ellemesourittimidementtandisquejenepeuxm’empêcherdelacontempler.

JesursautequandlavoixtonitruantedeMadisonmeparvient.

—Ah,tueslà!Jetecherchaispartout.Jevaisteprésenteràquelquesamis,tuviens?

Jenetienspasvraimentàrencontrerses«amis»,jeposeunregardinterrogatifversHailey.Ellemerépondd’unregardlourddesenspourmefairecomprendrequejedoisvivementluiparler.Haileyselève,visiblementsoulagéequecetteconversationsoitterminée.

Jemarmonneun«OK»avantdemeleveràmontour.

***

L’effervescencedelasoiréebatsonpleindepuisquejesuismontéàl’étage.L’odeurdel’alcoolmemonteaunez.Madisonquisembleentraindeplanermetireparlebras.

—Eh,lesgars,jevousprésentemonnouveaupetitami!Matthew.

Elleselovecontremoi,jemelaissefairepuisquedanssonétat,direlavériténeferaitquelacontrarier.D’unairlas,jeregardeautourdemoipendantqu’ellefaitlaconversationauxdeuxhommesfaceànous.Haileyestappuyéecontrelemur,unverreàlamain,ellemefixeenlevantunsourcilinterrogateur.Sansunmot,j’esquisseunegrimaceennuyée.J’auraispujureravoirentendusonsoupirexaspéré.

Unhommes’approched’elle,ilsepencheprèsdesonoreillepoursefaireentendrepar-dessuslamusique.Ellesecouelatêtenégativementetsouritpoliment,maissonregardesttoujoursbraquésurmoi.

—Matthew,tuentendsça?s’écritMadison.Trentpourraitnousavoirdespasspourl’entréeVIPd’uneboîtebranchéedeSanFrancisco,c’estgénialn’est-cepas?

Jeregardelesoi-disantTrentquiparaîtplusintéresséparledécolletédeMadisonquelaconversation.

—Ouaisc’estgénial,luiréponds-jeplatement.Tum’excusesuninstant?

Jeluifaussecompagniepourlasecondefoisdelasoirée.Maisjesuisintriguéparl’airirritéd’Hailey.

—Toutvabien?luidemandé-jeennelâchantpasdesyeuxlebrunpostéprèsd’elle.

—Eh,mais,t’esquitoi?Sonmec?

Ilal’aircomplètementsoûloupire...

—Exactement,alorsjeteconseilledetecasser!

SiHaileyavaitétémapetite-amie,ilyalongtempsquecegarsauraitperdusesdents.Ellemeregarde,surprise,nes’attendantsansdoutepasquejepuisserépondreparl’affirmatif.Évidemment,j’aifaitçapourqu’illalaissetranquille.Letypehausselesépaules,lèvelesdeuxbrasenl’airensignederedditionetpartsetrouveruneautreproie.

—Jen’avaispasbesoindetoi,tusais!serenfrogne-t-elleencroisantsesbrassursapoitrine.

—Normalement,lorsquequelqu’untireuneautrepersonned’unemauvaisesituation,onditmerci!

Elleplisselesyeuxencoreplusfortement.Jenesaispaspourquoi,maisj’aimelarendredingue.Elleatoujoursunepetiteridequisecreuseentresesdeuxsourcilsquandellelesfronce.Jesourisd’unairmoqueur.

—Tupeuxtoujoursrêver,lance-t-elleavantdepartir.

—J’yarriverai…unjour.J’obtienstoujourscequejeveux,Hailey!luicrié-jealorsqu’elleseperdparmilafoule.

Jereprendsunautreverredebière.Apparemment,ilsn’ontriend’autrequecetrucimmonde.

—Ehbien,disdonc,tuesdifficileàtrouvercesoir!

Madisonsecolleunenouvellefoisàmonbrastelleunesangsueavidedechairfraîche.

—Qu’est-cequ’ilsfontlà-bas?luidemandé-jeendésignantungroupeassissurlessofas.

Haileyestprèsd’euxetlesobserveavecattention.

—CeluiquiboitleplusdeshotsdeVodkagagneunbilletdecentdollars,m’explique-t-elle.

Mespiedsmeconduisentàeux.Jesuiscurieuxdevoirça.

—Sansmoi,entends-jedireAustin.Jenetienspasl’alcool.

Stevenéclatederire.

—Ouaisladernièrefois,tuavaisbouffédanslagamelleduchien,dit-ilhilare.

—C’estcarrémentdégueu!s’exclameHaileytoutenfaisantunegrimacededégoût.Jeparticipepourcentdollars.Jesuiscomplètementfauchéealorscen’estpasnégligeable.

Soncorpsfrêlenetiendrajamaisunetellequantité!Jedécidedeparticiper.Etsijamaisjegagne,l’argentserapourelle.

—J’ensuisaussi,annoncé-jeenm’asseyantsurlecanapé.

—Moiaussi,renchéritStevenenseretournantverslablondeassiseprèsdelui.Observeleboss,bébé!

Madisonpréparelesshotsetlesalignesurlatable.Noussommescinqparticipantsdonccinqshotssontdisposésfaceànous.Nouslebuvonsd’unetraitechacun.D’autresshotsarriventtrèsvite…Nousenbuvonsunàlafois.

Arrivéàsonsixième,Madisonabandonne.Ilneresteplusqu’Hailey,Steven,ungarçonquejeneconnaispasetmoi.Unlégersourireflottesurleslèvresd’Hailey.J’ail’impressionqu’elleluttepourboiresonseptièmeshot.Sesyeuxsontbrillantsetleurexpressionfrôlelasouffrance.Jegardeunœilinquietsurelletoutencontinuantd’ingurgitermonhuitièmeshot.Jedécidedenepasintervenirpourellepuisque,detouteévidence,ellenem’écouterapas.GrâceàDieu,ellefinitparabandonneràsontourainsiquel’autregarsquiestàlalimiteducomaéthylique.Stevenmeregardeavecunsourire,maisilestàdeuxdoigtsdecapituler.Auboutdudixième,ildéclareforfait.Jelesavais!

—Etnousavonsnotrevainqueur!crieMadisonenlevantmonbrasenl’air.

—Merde,s’exclameStevendépité,jegagnetoujoursd’habitude.

—Fautcroirequ’ilyameilleurquetoi,semoquesasœur.

Ellemedonnelebilletdecentdollarsetm’embrasseàpleinebouche.Jesuissurprisetm’écarterapidement.

—Jenemesenspasbien.

Haileyselèveenportantunemainàsaboucheetaccélèrelepasendirectionducouloir.Bonsang!J’enétaissûr!Jemelèvevivement.Madisonagrippemonbras,maisjelarepousseetl’ignore.Jemeprécipiteendirectiondelasalledebain.Laporteestentrouverte,jelapoussepourpénétreràl’intérieur.Àgenoux,au-dessusdelacuvettedestoilettes,ellevomit.Jem’approched’elleprudemmentpourluitenirlescheveux.

—C’esttroptard,medit-elled’unevoixcoupéeentredeuxhaut-le-cœur.

Ellememontresarobetachéedevomi.Entempsnormal,celamedégoûterait,maisbizarrement,laseulechosequejeressens,c’estl’enviedelaprendredansmesbrasetprendresoind’elle.Bonsang!Maisqu’est-cequ’ilm’arrive,sérieux?Lavisionquej’aid’elleàcetinstantmeserrelecœur,elleal’airencoreplusfragilequ’ellenel’étaitdéjà.

Jetamponnesonvisageàl’aided’uneserviettehumide.Elleseredressedifficilementetsedirigeverslelavabopourrincersabouche.

Ellefaitpassersarobeparlehautdesoncorps.

Monsoufflesebloquedansmagorgeetmarépartiem’abandonnequandsoncorpsornéd’unmaillotdebainbleunuitestexposé.Jenepeuxm’empêcherdeladétailler:avecsestalonsaiguilles,lavueenvautledétour.Soudaingêné,jemeretournepourluilaisserunpeud’intimité,maisaussimasquermonembarras.J’entendssonrirecristallinquimedonneimmédiatementdesfrissons.J’aidéjàvudestasdefemmesenmaillotdebain.Maispasuneseulenem’afaitautantd’effetqu’elle.Pasmême...

Jesecouelatêtepournepaspenseràelle.C’estsansdoutelefaitdel’avoirvuesansvêtementslargesquimetroubleautant.Jenevoispasd’autreexplication.

—Cen’estqu’unmaillotdebain,Matthew,iln’yapasmortd’homme,etpuisc’estcommeçaquetuaimesvoirlesfemmes,non?dit-elled’unevoixquineressembleplusàlasienne.

Celaconfirmemespensées,elleestcomplètementsoûle.Ellenem’auraitcertainementjamaisparléavecunevoixdeséductriceenétantsobre.Jemeretourneenprenantsoindenepasregardersoncorps.N’importequiauraitpuprofiterdecemoment,maispasmoi.Jenesuispascommeça.

Ellemeregardeuninstantavecméfiancequandjem’approched’ellepourprendresonvisageentremesdeuxmains.Jefaisbasculersatêtelégèrementversl’arrière.Lesyeuxmi-clos,sonexpressionseradoucitlentementquandelleplantesonregarddanslemien.Seslèvress’entrouvrent,sarespirations’accélèretandisquemoncœursemetàbattreunpeuplusfortquelanormale.Unepulsionmedonneunefurieuseenviedemordresalèvreinférieure.Jemecontrôleafindenepaslaissertransparaîtrelefaitquejesoisdéstabiliséparcemoment.Cetteémotionnouvellemefaitculpabiliser.

—Quelleidéedeboireautant!lagrondé-jeavecdouceur.

Mavoixestrauqueàcausedelabrûlurecauséeparlavodka.

Sesyeuxsontvitreuxetsespupilleslargementdilatées.Ellesemetàriredoucementenessayantdesedéfairedemaprisealorsjelalaissecréercettedistanceentrenousmêmesijedésireautantresterprèsd’ellequem’enéloigner.

—Jevoulais…cescentdollars.Jetenais…àterembourser.

Jesuistouchéparsonintention.

—Jet’aidéjàditque…

—Jecroisque...je...vaisallermecoucher...jenemesensvraimentpasbiendutout,mecoupe-t-elle.

Avecunsouriretimide,ellesedirigeverslaporteentitubant.Jemeprécipitesurellequandsesjambesfaiblissentsoudainement.Jelamaintiensfermemententremesbras.Wow!C’étaitmoinsune.Jelasoulèvepourl’emmenerjusquedanssachambre.Ellenepèsevraimentpaslourd.Sapeaudénudéeestfraîcheetrefroiditmapeaubrûlante.Jebaisselatêtepourl’observer.Sonvisageestblottitoutcontremapoitrine.Cettefillevamedonnerdufilàretordredanslessemainesàvenir,jelesens!

—Mmmh,j’aimetonparfum,marmonne-t-ellelesyeuxfermés

Cecompliment,mêmesiellel’auraoubliédemain,mefaitsourire.Jeladéposelentementsurlelit,luienlèveseschaussurespourensuitelarecouvrird’undrap.

—Bonnenuit,Hailey,luimurmuré-je.

Jedéposeunbaisersursonfront,sapeauestchaude.Deseffluvesdevanilleenvahissentmesnarines.Làtoutdesuite,j’aienviedemeglisserprèsd’elleetlamaintenirdansmesbras,maisjemecontentedelacontemplerencorequelquessecondes.Jequittelachambreavecunmélangedesérénitéetd’anxiété.

Chapitre8

Hailey

Ilyadesjoursoùlepoidsdemestracasressurgit,brisantalorslepeud’espoirquej’avaisréussiàobtenir.Etmalheureusement,cematin,cepoidsm’assomme.Ilestrarequejepasseunenuitdesommeilcomplète,àmoinsd’êtrecomplètementsoûle,commehier.Quandjemeretrouveseuleavecmoi-même,messouvenirsmetourmententetmevrillentl’estomac.Àmoinsquecesoitlerésultatdetoutl’alcoolquej’aiingurgitéhier.

Lesyeuxtoujoursclos,unedouleurlancinantemartèlemoncrâneetm’offreuneéchappatoiremomentanéeàmespenséessombres.Lalumièredujouraguichelafinepeaurecouvrantmespaupièresetfaittoutsonpossiblepourmeréveiller.Unlonggémissementdedouleurm’échappelorsquelavoixstridentedeMadisons’insinuedansmoncerveau.

—Allezdebout!

Mesyeuxpapillonnentafindes’acclimateràlaclarté.

—Quelleheureest-il?demandé-jed’unevoixpâteuse.

—Midi!Tun’étaispasdanstonassiettehiersoir.HeureusementqueMatthewt’amiseaulit,dit-elled’untonsarcastique.

L’inflexiondesavoixm’indiquequequelquechosecloche.

—Ilyaunproblème?l’interrogé-jeenmeredressantpourm’adossercontrelatêtedelit.

Jeremonteledrapsurmoncorpsfrissonnantparl’airfraisenvironnant.Uncoupd’œildessousmepermetdeconstaterque…OhmonDieu!Commentsefait-ilquejesoisenmaillotdebain?Sic’estluiquim’amiseaulit,celaveutdireque...ohnooon!Devaguesélémentsdelasoiréemereviennent.Cen’estpaspossible!Lapaniquemesubmergeetjeprieenmonforintérieurqueriendetoutçan’aiteulieu,quecesoitseulementlefruitdemonimagination.Hélas,j’endoute!

Jefixeunpointimaginairesurledouxtissubleufoncéquimerecouvre.Lecœurbattant,jem’inquiètesurcequ’ilpeutbienpenserdemoi.Jamaisjenemeseraisdéshabilléed’unefaçonaussiimpudiquedevantunhomme.Durantdesannées,jemesuisforgéeunbouclierafindem’éloignerdetoutcetunivers.Lessoirées,l’alcool,leshommes…Etj’ail’impressionqu’aujourd’hui,laviemerenvoiebrutalementenpleinefacetoutcequejefuiscommelapestedepuistoutcetemps.

Ignorantmondésarroi,Madisoncontinuedeparler:

—Cematin,Matthewm’aditqu’iln’étaitpasvraimentintéresséparmoi.Etlaraisonpourlaquelle

ilm’avaitembrassée,c’étaitparcequ’ilavaitbu.

Elles’assiedsurunechaiseposéecontrelemuretritamèrement.

—Mais,jesuispersuadéequecen’estpaslavraieraison,lâche-t-elle.

Sesyeuxserétrécissentetsemblentsonderchaquetraitdemonvisage.Elles’imaginesansdoutequ’ilsepasseuntrucentreMatthewetmoietqu’ils’estjouéd’elleparmafaute.Jelesaisparcequ’ilyauneépoque,j’auraispensédelamêmefaçon.Jejouelacartedelanaïvetéetfaisl’innocente.

—Jeneleconnaispasvraimentalorsjenepeuxpastedonnerd’explications.

—Tuessûrequ’ilnesepasserienentrevousdeux?medemande-t-elled’unevoixétonnammentcalmecomparéaufeubrûlantdanssonregard.

Nousyvoilà!Sajalousiemefaitpoufferderiremalgrémoi.Iln’yavraimentpasdequoiêtreenvieuse,jeconnaisMatthewdepuisseulementquelquesheures,c’estvraimentabsurde.

—Qu’est-cequitefaitrire?

—Sérieusement?Écoute,jeterassuretoutdesuite,jenesuispasdutoutattiréeparluietviceversa.

Elleritàsontouretserelève.

—Ouic’estvrai,tuasraison,dit-elle,soulagée.Etpuis,jenevoudraispasparaîtreméchante,mais...jenepensepasquetusoissongenre,ajoute-t-elleenfaisantunegrimacedésolée.Nontoi,iltefaudraitunhommecommemonfrèreparexemple.OuAustintient!

J’hésiteentreêtresoulagéequesacrisesoitfinieoualorsvexéeparcequ’ellevientdemedire.Detoutefaçon,quejesoisfroisséeounon,elles’encontrefiche.Cegenredefillesalacompétitiondanslesangetn’hésitepasàtoutfairepournuireàsonadversaire.Pourelle,jesuislaconcurrence.

Etpuisc’estquoicetteobsessiondemecaseràtoutprixavecsonfrère?Card’aprèscequej’aipuconstater,songenreàluiestpluslonguesjambesetblondecaliforniennequepetitebruneintrovertie.D’unepart,saremarquemerassure,carmeseffortspourêtreleplusdiscrètepossibleseremarquent,d’autrepart,jen’aipaslatêteàvouloirflirter.

Ellesoupireenramenantseslongscheveuxsoyeuxenunchignondésordonné.

—Ilnelesaitpasencore,maisilfiniraparsuccomber.OnneditjamaisnonàMadisonEllis.

Jesecouelatête,simultanémentamuséeetsidéréeparl’assurancesurdimensionnéedontellefaitpreuve.J’aimeraisluidiredenepasespérerquoiquecesoitdecettevie,qu’ellen’estquetromperieetfourberie.

Àl’époque,j’auraisaiméavoirunpetitangesurmonépaulepourmesoufflerceconseil.J’aidelapeinepourelle,maisjepréfèremetairecarellen’estpasencoreprêteàl’entendre.Ilyadecelaquelquesannées,j’étaiscettejeunefemmenaïverêvantdeliberté.Jepensaispouvoirjouirdelavie

commebonmesemblaitsanssubirdeconséquences.

Malheureusement,chaquechoixaccompli,boncommemauvais,aunimpactconsidérablesurnotrevie.Pourmapart,cesontmesmauvaischoixquim’ontamenéeàcequejesuisaujourd’hui,cequiveutdire…Plusrien.

Toutcequejepeuxaffirmer,c’estqu’unmatin,elleserendracomptequeselivreràunjeudeséductionenécrasantlesautressansaucunepitiéestloind’êtrelavraieréalité.Ilyatoujoursunreversàlamédaille…

***

Troisjoursplustard,nousprenonsenfinlaroutepourSanFranciscoetjedoisavouerquejenesuispasmécontentedepartird’Astoria.C’estpartipourdouzeheuresderoute!

Cesderniersjours,letempsétaitaussimaussadequemonhumeur.J’étaisconstammentcloîtréedanslachambre,nevoulantadresserlaparoleàpersonne.Dansmesmomentsditsde«déprime»,jemerenfermecomplètementsurmoimoi-même,mecoupantdumondetoutenrepassantenbouclelemauvaisfilmdemavie.Biensûr,Matthewest,detempsentemps,venuprendredemesnouvelles,maisenvoyantmonmutisme,iln’apasinsisté.Cesépisodessombrespeuventdurerdequelquesheuresàquelquesjourspourensuites’atténuer,maiscetétatnemequittejamaisréellement.

Laveilledudépart,j’aiquandmêmefaitl’effortdemebougerlesfesses.Matthewm’adonnélescentdollarsqu’ilagagnélorsdelasoiréeenm’avouantquec’étaitpourmoiqu’ilavaitjoué.J’aiététrèstouchéeparsonattention.Personnen’avaitjamaisfaitçapourmoiauparavant.

EndépitdelajalousiegrandissantedeMadisonàmonégard,j’aiacceptélapropositiondeMatthewdefairedushoppingaveclui.J’enaidoncprofitépouracheterquelquesvêtements.Auprixd’ungrandeffort,j’aioptépourunetailleendessousdecellequejeprenaishabituellement.Malgrémagêne,Matthewainsistépourmeprendretoutlenécessairedontj’auraisbesoinainsiqu’untéléphoneportable.J’aiétéextrêmementmalàl’aisequ’ildépenseunefortunepourmoi,maisiln’acessédemerappeleràplusieursreprisesquecelafaisaitpartiedumarché.J’aidoncdécidédeprofiterdemondealcommeilsedevait.

Lespremiersrayonsdusoleiltententdepercerlabrumedel’aube,ilestàpeinesixheurestrentedumatinetlachaleurestécrasante.Nousavonsdécidédepartirtôtpourarriverdanslasoirée.Lesvitresouvertes,jemelaissebercerparlesparolesd’unedeschansonsdeMegMyers.Matthewtenaitàcequejepartagemesgoûtsmusicauxavecluialorsilm’aoffertl’albumdemonartistepréférée.Ungestequej’aibeaucoupapprécié.

Jefermelesyeuxenfredonnantdoucementlesparoles,avecl’impressiond’êtreseuleaumonde.Ilmesuffitparfoisd’uninstantpourretrouverl’insoucianced’antan,meprocurantuneéphémèreboufféed’oxygène.

Jemerembrunisàcettepenséepuisquec’estmalheureusementcetteinsouciancequim’aamenéverslesaffresdemavie.

—Pourquoit’es-tuarrêtéedechanter?

J’ouvrelesyeuxettournematêteensadirection.Ilmefixeavecunecertainetendressedansleregard.Jedéglutisetm’éclaircislavoix.

—Tusaisquec’estdangereuxdeconduiresansregarderlaroute?luidis-jepourdétournerl’attention.Unjour,tuvasnousfairetuer!m’exclamé-je,pince-sans-rire.

Iléclatederire,reportantsonattentiondevantlui.Samainpassedanssacrêteetj’airemarquéqu’ilfaisaitcegesteàchaquefoisqu’ilétaitnerveux.

—Tuchantesvraimenttrèsbien,medit-ilplussérieusement.Lesondetavoixestdouxetmélodieux.

—Arrêtedetemoquerdemoi!Jesaistrèsbienquec’estfaux.

Jemegardebiendeluidirequesoncomplimentmefaitplaisir.D’ailleurs,jen’aipaspourhabituded’enrecevoirdecegenreetjenesaismêmepascommentréagir.

—Jesaisdequoijeparleétantdonnéquej’aiuneoreilletrèsmusicaleetpuissituavaisunevoixdechèvre,jen’auraispaslaissépasserl’occasiondetetaquiner,dit-il.

—Charmant!

Iléclateunenouvellefoisderireavantdereprendreplussérieusement:

—Maispourtouttedire,cequim’inquiètevraiment,c’estl’expressiondetonvisagequis’estrapidementassombri.Tuasenvied’enparler?

—Qu’est-cequitefaitcroirequequelquechosenevapas?

Ilmeregardeenrelevantunsourcil,unregardquimedit:«PasàmoiHailey»

Jeregardeàl’extérieur,laroutedéfileenmêmetempsquemespensées.Jesuisconscientequ’ilmetenduneperchepourquejem’ouvreplusàlui.Demoncôté,jesuisconfrontéeàungrandmomentd’hésitation.Peut-êtrequecelameferaitdubiendeluiparler?J’ailasensationqu’ilpeutêtredignedeconfianceetpuisnousn’avonspasvraimentprisletempsdediscuterdepuisnotrerencontre.Ilacomprismonbesoindesolitude.Cedoitsansdouteêtrecerespectdontilafaitpreuveàmonégardquimepousseàmeconfieràlui.

Ilestgrandtempsquejelaissemoncouragesemanifester.Gardertoutesceschosesaufonddemoin’estclairementpaslabonneméthodeàenjugermapitoyablevie.

Déterminéeàsortirdemontourmentmental,jeprendsuneprofondeinspirationetmeretourneverslui.Ilestconcentrésurlaroute,attendantpatiemmentquejemedécideàentamerledialogue.

Lesmotspeinentàsortirquandjem’attardeuninstantsursonprofil,digned’unebeautérebelleettorturée.Cen’estpasunphysiqueparfaitàproprementparler,maisilauncharmeindéniableavecsabarbedetroisjours.

Jesecouelatêteafindenepasm’égarerettendslamainpourbaisserlesondelamusique.

—J’aitoujoursfaitdesmauvaischoixdansmavie,commencé-jedoucementavecréticence.

Sonvisagesetendcommes’ilnepensaitpasquej’allaisréellementparler.Iltournerapidementsatêteversmoiavantdefixerlaroute.Sonsilencem’encourageàcontinuer.

—J’aiarrêtélafacdemédecineilyatroisansparcequecen’étaitvraimentpasmontruc.C’étaitplutôtceluidemesparents,quieux,ontétéfousderagelorsquejeleuraifaitpartdemadécision.Ilsm’avaientditquesijevoulaissacrifiermesétudesalorsjedevaisassumer.Ilsm’ontfoutuàlaporte.Enfinmamère!Puisquemonpèreluiobéissait,ricané-jeamèrement.

Iltournevivementsonvisageversmoiaffichantunairscandalisé.

—Maisc’esthorribledefaireça!mecoupe-t-il

Jehausselesépaules,commesij’étaisdevenueindifférenteàtoutça.

—Ouais,jen’aijamaisétéprochedemamère.Sonéducationatoujoursétéstricteetlesdémonstrationsdesentimentsn’ontjamaisfaitpartiedesafaçond’être.Mavieserésumaitàsuivredescoursdecatéchisme,alleràlamessetouslesdimanchesetêtreuneparfaiteetgentillefille.Tuvoislegenre?

Ilacquiesce,maisneditrien.

—Avecmonpère,c’étaitdifférent,maiscommeiln’osaitpascontrediremamère,jemesuiséloignéedeluiaufildutemps.Laréussiteestunechoseprimordialeàleursyeux,jedevaisêtrelameilleuredanstouslesdomaines.Dèsl’instantoùj’aiposélepiedàlafac,uneautrefacettedelavies’offraitàmoi.Avecuncôtéplusdrôleetpluscoolquecellequejemenaisauparavant.AvecmonamieLindsey,onparticipaitàtouteslesfêtesducampus.Tusaiscequec’est...danscegenredefête,c’estalcooletdébaucheassurée.

Jem’interrompsuninstantcherchantmesmotsavantdereprendre:

—Audébut,jen’étaispastrèsàl’aiseparcequec’étaitloind’êtremonélément.Etpuis,defilenaiguille,jemesuisdécoincée,meretrouvantàpasserplusdetempsàfairelafêtequ’étudier.

Jel’observeducoindel’œil.Ilcontinuesimplementdem’écoutersansavoirl’airdeporterunquelconquejugement.

Unpeuplusàl’aise,jecontinue:

—Jemesentaislibreetpourunefoisdansmavie,jem’amusaisvraiment.C’étaitmespremièresfoispourtout,l’alcool,lesfêtes,lespetits-amis...J’aid’ailleursperdumavirginitéàvingt-et-unans.

Jenesaisabsolumentpaspourquoijeluiaiditça.Écarlate,jelèveunœilversluipourjaugersaréaction.Ilmeregarde,étonné.

—Ouais,jesais,çacraint!

Ilsecouelatête.

—Cen’estpasdutoutpourçaquejesuissurpris.Jeveuxdire…Tuessuperbeetc’estétonnantqu’unefillecommetoiaitétéaussilongtempscélibataire.Maistupeuxêtrefièredetoi.

Jebaisselatête,embarrasséeparsaflatterie.

—Étantdonnémonéducationreligieuse,j’étaiscenséeresterviergepourlemariage,luidis-jecommesic’étaitlachoselapluslogiquedumonde.Bref,mesnotesontcommencéàchuteretmontauxd’absentéismeàaugmenter.Mafatigueetmesnombreusesgueulesdeboisonteuraisondemoi.Évidemmentilafalluqu’unecertaineLindyconnaissemesparents.Onétaitdumêmequartier,maisjeneluiavaisjamaisadressélaparole.Doncj’étaisloindemedouterqu’ellemefliquait.Elleleurarapportémesmoindresfaitsetgestes.Situavaisvulescandalequeçaafaitquandmesparentsl’ontsu!Ilsm’avaientmenacéd’arrêterlefinancementdemesétudessijen’arrêtaispastoutdesuitemesconneries.Jesavaistrèsbienquec’étaientdesmenacesenl’airpuisqu’ilstenaienttantqueleurfilleuniquesoitunmédecinrenommé.

Jem’interrompspourréprimerlacolèrequim’envahitavantdepoursuivre:

—Jemesentaisétoufferd’êtreconstammentsousleurcontrôle.J’aidoncdécidédelesprendreaumot.D’unecertainemanière,jeleuraicoupél’herbesouslepiedenleurannonçantl’arrêtdemesétudes.Etvoilàcommentjemesuisretrouvéeàmedébrouillerseule.Leurorgueilaététouchéalorsilsontstoppétouteaidefinancièreetm’ontrabaisséparleursparoles.Poureux,jelesaidéfiésdoncj’enpayeleprixaujourd’hui.Cestroisdernièresannéesdemavieontétéundésastre.Etlorsqu’ilsontsucequejefaisaisvraimentdemessoirées,cefutpire.

Jeterminemonrécitsurcettephrase,complètementincapablederaconterendétailcestroisannéesdecalvaire.Cequejeluiairévélén’estqu’unepartiedel’iceberg.

Honteuse,jefixemesgenoux.Diretoutcelaàvoixhautemefaitréaliseràquelpointj’aiéténulledeprendrecettedécisionstupide.Mesparentsavaientraison,jesuisdevenueunebonneàrien.

—Eh!Nepleurepas,meditMatthewenessuyantmeslarmesdesamain.

J’essuiemesjoueshumidesdureversdelamain.Jenemesuismêmepasrenducomptequejepleurais.

—J’ail’aird’unevéritableidiote.

Ilsegaresoudainementsurlecôtédelaroute,faisantcrisserlesroues.Ilcoupelecontactetseretourneversmoi.

—Hailey,tun’espasuneidiote,OK?Jenesaispascequit’estarrivédurantcesannées,maisc’estfinimaintenant.Aujourd’hui,tuesavecmoi,dansunevoituredelocationaubeaumilieudenulle

part,sansdoutepourfaireunputaindesupervoyageavecunhommemagnifiquecommemoi!ajoute-t-ilpourdétendrel’atmosphère,cequifonctionne.Tupeuxêtrecellequetuveuxàpartirdecetinstant.Tun’aspasenvied’unrenouveau?Lepassénedéfinitpastonfutur.Emmerdecepassé!

Jerisetpleursenmêmetemps.Levantmesyeuxverslui,nosregardss’accrochent.Jerenifle.Lesbattementsdemoncœurprennentunrythmefrénétique.Salanguepassesurseslèvresetildéglutitdifficilement.Seslèvres...Jenepeuxm’empêcherdecontemplersabouchepleine.Jeremarqueunepetitecicatricequiornelecôtédroitdesalèvreinférieure.C’estvraiqu’ilestvraimentbeau.Sonvisages’approchetrèslentementdemoi,jesuisincapabledefairelemoindremouvement,commesisonregardavaitlepouvoirdem’hypnotiseretdemefigersurplace.Làmaintenant?J’ailafurieuseenviequeseslèvresseposentsurlesmiennes.

Unevoixmefaitsursauteretmesortdematranse.JetournematêteversMadisonetStevenquinousobservent,ayanttousdeuxunerided’inquiétudesurlefront,oud’agacement,pourMadison.Jesourispourmasquermontrouble.

—Unproblèmeaveclavoiture?Onapréféréstopperaussiaucasoù,nousditSteventoutenmereluquantsansgêne.

—Nonaucunproblème,jemesentaisunpeunauséeuse.Maisçavamieuxmaintenant,dis-jeenregardantMatthew,quilui,évitemonregard.

—Onpeutreprendrelaroute?Situveux,jepeuxprendretaplaceHailey,medit-ellelesourireaguicheurversMatthewquigardeleregardplantédroitdevantlui.

Jesecouenégativementlatête.Puis,ilsrepartentendirectiondeleurvoiture.

—Mercidem’avoirécouté,luidis-jed’unepetitevoix.

Ildémarreethochelatêtesansmêmemeregarder.Lasoudainedistancequ’ilmetentrenousmelaisseinterdite.Ai-jefaitquelquechosedemal?Jemedemandesijenedoispasregretterdem’êtreconfiéeàlui,peut-êtrequesonopinionvis-à-visdemoiachangé?Ledoutes’installeenmoi.

Jemeremetsàfixerlarouteregardantlebitumedéfiléafindemedistrairedemonquestionnementincessant.

Chapitre9

Matthew

Lesdixlonguesheuresderoutem’ontrefiléunefoutuecrampeàlacuisse.Lanuitfinitpartomber,jememotivementalementàfinircesdernierskilomètresenmedisantquenousparvenonsbientôtàdestination.

Pendanttoutcetemps,Haileyadécidédem’ignoreretjenepeuxpasluienvouloir.J’aicomplètementfoiré!Maréactionaétédisproportionnée,j’enaiconscience.Jen’auraispasdûêtresifroidenverselle,maisj’aiflippé,putain!J’aiétéprisdansunesortedefascinationquim’adéstabiliséàuntelpointque,j’étaisàdeuxdoigtsd’écrasermeslèvrescontrelessiennes.Ceneseraitpaslaseulefillequej’embrasse,maisd’habitudec’estparjeuetgénéralementlesfemmesquejefréquentedecettefaçonsontdéjàmisesaucourantdelamanièredontsedérouleraletempsquejeleuraccorderais.Maiscettefois,pourlaputaindepremièrefois,uneattirancephysiquem’effraieaupointdenepasvouloirsuccomber.

Cematin,lefaitqu’ellesesoitconfiéeàmoidecettefaçonétait...inattendu.Sonvisagedésemparéasuscitéchezmoiunepulsion.Paslapulsionoùunmecestattiréparunesimplefille,non,LApulsion!Cellequejemesuisefforcédegarderenfouiedepuiscesdernièresannées.

Pendantuninstant,j’avaisenviedel’embrassercommesimonbaiseravaitlepouvoirdelalibérerdesatristesse,rienquepourrevoirsonsourire.Àsonregard,j’aibiensentiquecettesoudaineconnexionentrenousétaitpartagée.C’estpeut-êtreunebonnechosequel’onaitétéinterrompus,parcequejenesaispascommentj’auraispugérerça.

DepuisEmily,j’aifermémoncœuràl’amouretjeseraisincapablederevivreuneautrehistoire.Seigneur!Rienquedeprononcersonprénomparpensée,çamedéchirelecœur.Ellememanquetellementquej’encrèvetouslesjoursdepuiscinqans!

Cinqputainsdelonguesannéesàressentircettedouleurquiesttoujoursaussiintactequecefameuxjour.Aujourd’hui,j’aitoujourscettetrouilleaufonddemoiquim’interditd’aimeruneautrefemmequ’Emily.Loindemoil’idéedeproclamerêtreamoureuxd’Hailey,simplementjesaisqu’ellen’estpaslegenredefemmepourunerelationsanslendemainetluifairedumalestinconcevable.Emilyestlaseulefemmequipossèdelesclésdesnombreuxcadenasprotégeantcetorganequimesertdecœur.Elleestpartieenlesemportantavecelle.Ceseraitlatrahirquedeforcersesserrurespourl’ouvriràuneautre.

Mettredeladistanceestlaseulesolutiontrouvéedanslebutdemeprotéger,maisaussiHailey.Elleneméritepasdesouffrir.Lesseulesrelationsquej’aieuesauparavantsesontlimitéesàdetrèscourtesdurées,sansqu’aucunsentimentn’entreenjeu.Ellessavaienttoutesàquois’attendre.J’aitoujoursétérégloavecelles.

Jepasseunemainsurmonvisageetpivotematêtesurladroitepourl’observer,elles’estendormie.Commesimesyeuxnevoulaientplusobéiràmoncerveau,ilssebaladentsursoncorps.Sonjeansestmoinslargequed’habitude,cequirévèleladélicieusecourburedeseshanchesetsonT-shirtestégalementunpeuplusprèsducorps.Elleremueensefrottantlesbras,elletremblelégèrement.Desfrissonsparsèmentsapeau.J’attrapemavesteàl’arrièrepourladéposerdélicatementsurelle.

Plusjepassedutempsàsescôtésetplusjemerendscomptequecettefemmesublimedégagequelquechosedepur.Elleestdifférente…Magorgeseresserrecommeunétau,j’ail’impressionquemoncœursesoulèvejusqu’àmeslèvres.Ferme-la,putain!Nepensepasàça!Jenepeuxpasfaireça!Jemerépètecesparolesenboucle,jusqu’àcequemonespritaccepted’obéir...

***

Aprèsdeuxheuresderoute,noustraversonsfinalementleGoldenGateBridge.Lestouristesfonttoutuncinémasurl’impressionnanteinfrastructure,maisjen’yvoisriendegrandiose.C’estjusteunpont!Unamasdemétaletdegoudron.Riendeplus.

J’accélèreau-dessusdelalimiteautorisée,pressédepouvoirmedétendreenfin.

Quelquesminutesplustard,nousarrivonsenfinaumotelquenousavaitconseilléSteven.Ilsesituedanslequartierdelamarina.Çanepayepasdemineavecsesportesbleuesdéfraîchiesquifontlimiteunpeuglauques,maispourlemoment,mêmeundrapausolmesuffirait.Jesuistropépuisé.

Unefoislemoteurcoupé,Haileyseredresselentementensefrottantlesyeux.

—Onestdéjàarrivés?demande-t-elled’unevoixensommeillée.

Jesuisrassuréqu’elledaigneenfinmeparler.

—Oui,euh…Onvienttoutjustede…

Oupas!Sansmêmeattendremaréponse,ellesortdelavoitureetpartrejoindrelesautres.OK…J’ail’impressionquel’onafaitunpasenavantpourenrefairedeuxenarrière.

Jesorsàmontourdelavoiturepourm’approcherdugroupe.

—Alors,comments’organise-t-onpourleschambres?lancé-je.

—Lesfillesdansunechambreetlesmecsdansuneautre?suggèreMadison.Àmoinsquetuaiesuneautreidéeàmeproposer?medemande-t-elle,leregardlascif.

J’aicommel’impressionqueMadisonn’apasdemandél’avisàHailey,vulemanqued’enthousiasmedecettedernière.Jenesuiségalementpasemballéàl’idéededormiraveclesmecs.AutantAustinnemedérangepasdutoutpuisqu’ilesttrèsdiscret,maisSteven,jenel’appréciepasvraiment.

—Désolé,lesgars.Mais,j’aimematranquillité.Jeprendraisunechambreseul,leurdis-je.

Ilsnecontestentpas.JeneproposepasàHaileydeluiprendreunechambre.Ellenetientpasàcequejel’étouffe.Jelalaissedoncprendre,seule,sesdécisions.Nouspartonspayeretjeparsdirectementendirectiondemachambre.J’aivraimentbesoindemeretrouverseulpourréfléchiràtoutcequivientdeseproduire.

C’estsamedisoiretiln’estpasloindevingt-troisheures,jem’étalesurmonlitàcouverturefleuriequisentlerenfermé.Mespaupièrescommencentàpeineàsefermerquanddeuxcoupsrésonnentcontrelaporteencontreplaqué.Bordel!Jecommencevraimentàregretterl’idéedelesavoirsuivis.Iln’yamêmepasmoyend’êtretranquilleici!Jefaislasourdeoreilleenmedisantquecettepersonnefinirabienparselasseretpartir.

Jeposeunbrassurmesyeux.Maislescoupscontinuentetdeviennentplusinsistants.

—Matthew!Jesaisquetueslà!Allezouvre,c’estsuperimportant!ditMadison.

Jemelèvemalgrémoiengrognantdefrustration,j’ouvrelaportepourtomberfaceàuneMadisonapprêtée.Etauvudesongrandsourire,çan’apasl’airsiimportantqueça.

—Qu’est-cequisepasse?Tun’asplusdecrèmedépilatoire?raillé-je.

Sonsourires’efface.

—Puisquec’estcommeça,jem’envais,dit-elle,vexée.

Ellefaitvolte-faceetcommenceàrejoindresachambre.Madisonestcequ’elleest,maisjedétesteblesserquiquecesoit.

—Allez!Reviens,jedéconnais.Quelleétaitlachosesiimportantequetutenaistantàmedire?

Elleseretourneavecunsourireenjoué.Cettefilleestunesacréeactrice!

—OK,onestsamedisoir.EtmonamiTrentm’arefilédesentréesVIPpouruneboîtebranchéequis’appellele«LunyDane».

JemesouviensdecefameuxamiTrentlorsdelasoiréechezJimmy.

—LeLunyDane?

—Ouijesais.Lenomestétrange,maiscesontceuxdesdeuxproprios.C’estuneboîtehyperbranchéeconstruitedansunancienthéâtre.Enfin,bref,justepourteprévenirqu’Hailey,lesgarçonsetmoi,allonsyfaireuntour.Tuveuxtejoindreànous?

J’hésite,moncerveaumecriederesterdanscettechambrepourassouvirmonbesoindesommeil,maisj’aiunmauvaispressentimentetjenetienspasàlaisserHaileyseuleaveceux.Moncôtéprotecteurrefaitsurfaceetmepousseàrépondresansenthousiasme:

—OK,jeviens!

Elles’exclameensautillantsurplace.

—Super!Onserejointenbasdanstrenteminutes,jacasse-t-elle.

Jeretournedansmachambreensoupirant.Jemedirigedanslasalledebainpourprendreunedouchebienfroideafindemeréveiller.

Unefoisrevigoré,uneservietterugueusenouéeàlataille,jesorsdelasalledebain.Deuxpetitscoupssontdenouveauentendusàlaporte.Maisonnevajamaismefoutrelapaix!Sic’estencoreMadison,jevaisfinirparperdrepatience!

J’ouvrebrusquementlaporteetmeradoucisquandjeremarquequec’estHailey.Ellesemetàsursauterenposantunemainsursoncœur.

—Eh!medit-elleavecunsouriretimideaccompagnéd’unpetitsignedemain.Euh...jetedérange?demande-t-elleensedandinantd’unpiedsurl’autre.

—Nonpasdutout,jesortaistoutjustedeladouche.Tuasbesoindequelquechose?luidemandé-je.

—Euhoui,j’avaismisquelquesaffairesàmoidanstonsac.J’aibesoinderécupérercertainstrucs.

—Ouibiensûr,entre.

Jem’écartepourlalaisserpasser.

Dosàmoi,ellejetteuncoupd’œilunpeupartoutetj’enprofitepourl’observer.Sescheveuxsontrelevésenunequeuedechevalhaute.Jenepeuxm’empêcherdecontemplersanuquedélicateavecunesoudaineenvied’yenfouirmonvisageafindesentirsonparfum,goûtersapeau…Elleseretourne,mettantbrusquementfinàmarêverie.Elleseraclelagorge,semblantattendrequelquechose.

Ahoui!Lesac.Bordel,mais,qu’est-cequim’arrive?

Jelerecherchedansl’armoireetleluiapporte.Quandjelèvemonregardverselle,elledétournerapidementlesienpourleposersurunpointimaginairedumur.Sesjouessecolorentimmédiatement.Était-elleentraindememater?Sijem’entiensàcequejevois,c’est-à-diresagênecroissante,j’aimaréponse.J’avanceunsourireencointandisqu’ellemeregardeensoulevantunsourcil.D’unemainhésitante,elleprendmonsacdesmainsetfouilleàl’intérieur.Àenjugerlatailleminusculedutissuqu’Haileytientdanssonpoingfermé,çanepeutêtrequ’unsous-vêtement.Bordel!J’avaisçadansmonsactoutcetemps?Pourquoin’ai-jepaspenséàregarderdedans?Yena-t-ild’autres?Tudeviensfou,Matt,calme-toi!meressaisis-je.

Jetentedegardermonsang-froidenmeraclantlagorge.Jenecomprendspaspourquoicettefillemefaitperdrelespédales!

—Tuastoutcequ’iltefaut?l’interrogé-je.

—Mmmh,ouic’esttout.Merci,àtoutàl’heure,medit-elleenseprécipitantverslaporte.

—Ouais…murmuré-je.

Unefoislaporterefermée,jesoufflefortementpourexpulsertoutl’airbloquédansmespoumons.Puis,jem’habilleafinderejoindrelegroupe.

Jesorsdemachambrequelquesminutesplustard.Toutlemondeestaucomplet,Haileyarevêtuunjeanssombreuntopnoirlégèrementampleainsiqu’unevesteencuirnoir.Wow!Elleestépoustouflante!Jediraismêmecarrémentsexy!Jeremarquesonmalaise,maiségalementlefaitqu’ellefassel’effortdesesortirlatêtedutrou.

—Cen’estpastroptôt!Onallaitpartirsanstoi!meditStevenpince-sans-rire.

Unefoislesfillesinstalléesdanslavoiture,jepassedevantluienlebousculant.Connard!

Austins’installedevantalorsj’ouvrelaportièreàMadisonpourqu’ellepuisses’installeràl’arrière,Haileylasuitetjem’installeprèsd’elle.

—Tun’espasmaldutouthabillécommeça,mecomplimenteMadison.

Haileym’analysebrièvementavantderegarderdroitdevantelle.Jeporteunjeansclairavecunechemisenoirebienajustée.Lesmanchessontrelevéespourdonnerunstylemoinsstrictqueleclassique.Jem’habilledecettefaçonparfois,mêmesijepréfèredeloinmeséternelsT-shirtsnoirsetmonjeansdéchiré.

Jeluirépondsd’unsimplehochementdetêtepoli.Lavoituredémarreets’engouffredanslacirculation.L’airsouffléparlesvitresouvertesrévèleleseffluvesduparfumfruitéd’Hailey.Lesfruitsrougesenvahissentmesnarines.Jereconnaisquec’estsonparfumpuisqu’ellel’aachetélorsquenousétionsenpleineséanceshoppingàAstoria.

L’odeurestenivranteetj’aicommel’envied’approchermonvisagedesonoriginepourencoremieuxapprécier.Lesyeuxfermés,monesprits’emballe,desimagestellesunfilmsejouentdevantmespaupièrescloses.Haileyestfaceàmoi,sesyeuxsontferméségalement.Seslèvreslégèremententrouvertesinvitentlesmiennesàseposertoutcontre,maisjedécidedelafairelanguirenlaissantmonnezcaresserladouceurdesajoue,descendantlentement,trèslentementjusqu’àlaligneharmonieusedesoncou,yparsemantaupassagequelquesbaisersduboutdemeslèvres.Lesentimentquejeressensparcefantasmeestbrutalementinterrompuparlaculpabilitéquimerevientenpleinefacecommesimoncœurrefusaitçadenouveau.

—Matthew?Est-cequeçava?medemandeHailey,visiblementinquiète.

J’ouvrelesyeuxetmeredresseenpassantunemainnerveusedansmescheveux.

—Euhouais.Jesuis...seulementfatigué.

Cen’estqu’undemi-mensonge,maissesyeuxseplissentfaiblementpourmescrutersuspicieusement.

—Humm,medit-elleétrangementenreportant,encoreunefois,sonregarddroitdevantelle.

Bonaumoins,elleadécidédeneplusm’ignorer.C’esttoujoursça!

Ilfautvraimentquejecessed’avoircegenredepensées.Çanemèneraitàriendetoutefaçon.

Nousarrivonsunedizainedeminutesplustard,jesuissurprisquelacirculationn’aitpasétéplusdensepourunsamedisoir.Noustrouvonsrapidementuneplacepournousgareretj’observeautraversdelavitrel’architecturesuperbeduclub,lesgravuresmuralessontéclairéespardesspotsdecouleurs.Entoutcas,elleal’airdecartonnervulenombredepersonnesdanslafile.

LespassgracieusementoffertsparTrentnouspermettentdedépasserl’interminablefiled’attenteetnouspénétronstrèsviteàl’intérieur.Madisonestsurexcitée.Haileysembleunpeuperdue,Stevenobserve«lamarchandise»etAustin…Tiens!Ilalâchésontéléphone.Ilcontempledistraitementl’intérieurcommesic’étaitunmusée.

Nousnousprécipitonssurunetablelibre.Uneserveuseenrobetrèscourteetdécolletéplongeantvientrapidementprendrenotrecommande.Pendantquelesfilleschoisissent,jeregardeautourdemoiavecl’impressiond’êtreauthéâtre.Encontrebas,làoùsesituaitlascèneauparavant,setrouveaujourd’huileDJ.Lapistededansesesituejusteenface.

—Etpourvous,monsieur?medemandelaserveuse.

Ellemedévisageensemordillantlalèvreinférieure.

—Unebière.

Ellenotequelquechosesursonpetitcarnetetmeletend.Jeleprendspourregardercequ’ilyad’inscritdessus.C’estunnumérodetéléphone.Jerelèvemonvisageverselle,ellem’offreunclind’œiltrèsexpliciteavantderepartir.Jedéchirecepetitmorceaudepapier.L’objectifdemonvoyageestderéussiràavancer,pasd’additionnerlesconquêtes.L’enviedeguérircettedouleurdupassémetientàcœur.Etça,çanerisquecertainementpasdem’aider.

Ducoindel’œil,jeremarqueHaileyquilasuitfurtivementduregard.Jesuispartagéentreéclaterderireparcequ’ellecroitquejenel’aipasremarquéeetlasensationétrangequim’envahitfaceàcettepetitejalousie.C’estfouàquelpointcettefillepeutcréertoutessortesdecontradictionsenmoi.

Madisonaussilaregarded’unefaçonmauvaise.Jemesuisvraimentfourrédansunbeaupétrin!

—Matthew,tuviensdanseravecmoi?crieMadisonpoursefaireentendrepar-dessuslamusique.

—Nonmerci,c’estpastropmondélire.

Ellenecachepassonirritation,alorselleregardeHaileydebasenhautetluidemande:

—Viensavecmoi,s’ilteplaît,jen’aipasenvied’êtreseulepourdanser.

Haileymeregardeethausselesépaules,elleselèveetenlèvesaveste.Wow!Pourladeuxièmefoisdelasoirée,ellemesurprendparsonchangement.Jepensaisquesontopétaitample,maisilestbeaucoupplusmoulantquejelecroyais!JesuiscomplètementcaptivéparlanouvelleHailey.

EllesdescendentlesescaliersetStevenlesrejointàsontour.Lesourirecarnassierdecederniernem’inspirepasconfiancealorsjemelèvepourlesobserverdanslafoule.Madisonsedéchaînesurlapiste,nelésinantpassurlesdéhanchéssexyetmêmesiHaileysembleunpeuplusàl’aise,jesensqu’ellemetdelaretenuedanssesmouvements.Lascènequisedérouledevantmesyeuxmedonnel’impressiondevoiruneversionplusépanouied’elle-même.J’aimelavoircommeçaetmedisquemêmesijenetrouvepaslavoiedemaguérison,jel’auraisaumoinsguérielle!

Beaucoupd’hommessemblents’intéresseràelle.Haileyestcommelaproiedecesprédateursetçanemeditrienquivaille.Elleneremarquerienetcontinuededanser.Maisunhommesurgissantdenullepartsecollederrièreelle.Mêmeàcettedistance,jepeuxvoirlapaniquesurlevisaged’Hailey.

Moncœurcognefort,jedescendsrapidementlesescaliersetfendlafoulepourlasortirdelà.Mespoingsseserrent,prêtsàfrapper.Jemestoppedansmonélanquandjedécouvrelegarsàterre,tenantsapartiesensible.L’expressiondedouleurdesonvisagemefaitcomprendrequ’ilaeucequ’ilméritait.Ondiraitqu’ilvachialer,lemec!Haileysetientfièrementdevantlui,ellesembleluicrierquelquechose,maisjen’entendspascequ’elleluidit.Sonpoteleramasseetilsdisparaissentdanslafoule.MadisonaelleaussidisparuainsiqueSteven,j’étaissûrquejenepouvaispascomptersureuxpourladéfendre.

Salèvreinférieureainsiquetoutsoncorpssemettentàtrembler.Jem’approched’elleetlaserrefortcontremoienluifrottantsesbras.

—Est-cequeçava?

Ellesemetàéclaterderireetjelaregarde,incrédule.

—Jenemecroyaispascapabledefaireçaunjour!medit-elleenredoublantsonrirequi,jepense,estnerveux.

Elleesttellementincroyablequejenepeuxmeretenirderireàmontour.

Haileys’écartedemoietquandSaild’Awolnationretentit,ellemecrie:

—J’adorecettechanson!

J’ignoresic’estl’endorphinequilarendeuphorique,maisellesemblecomplètementdifférentelorsqu’ellereprendsadanseetsedéhanchesurlamusique.Sesmouvementssontbeaucouppluslentsetsensuelsqu’ilyaquelquesminutes.Commeparalysé,jeresteplantélàcommeunconàlaregarder,endéglutissantnerveusement.Sesyeuxseferment.Elleselaisseallerencadencesurlamusique.JenesaispasquiestcettenouvelleHailey,maisjemeursd’enviedem’approcherd’elle.Jesuisempreintàunegrandeconfusionetavantmêmequejeprennelamoindredécision,elleouvresesyeuxetmefixe.Monsoufflesecoupequandjeconstatequesonregardestchargéde…Désir?Bordel!Elleparcourtlesquelquescentimètresquinousséparenttoutencontinuantdemefairecettedanselangoureuse.Letempss’arrête.Lafouledisparaîtetpendantuninstant,j’ail’impressionqu’ellebougerienquepourmoi.Suis-jeentrainderêver?Moncœurmartèleencoreplusfortmapoitrine.Jedéglutisdenouveau.Qu’est-cequ’ellemefait?Cen’estpascommeçaquejeréussiraisàmettredeladistanceentreelleetmoi.C’estcomplétementsurréaliste.

Elleprendmamain,ladéposesursataille.Lachaleurdesapeaum’irradie.Ellem’attire.Ellese

rapproche.Secolleàmoi.Jeperdslaraison.Maisquiestcettefille?Qu’a-t-ellefaitdel’ancienneHaileysombreettimide?

Mesréflexionscognitivesnerépondentplusderien,jeperdscomplètementpiedcommesijesautaisduhautd’unimmeublesansharnaisdesécurité.Jemedéhancheàmontouretfaisensortequ’elleadaptesonrythmeaumien.Nosregardss’accrochentetnesequittentplus.Sontroubleestlargementperceptible,jeressenslamêmechoseégalement.Ellehoquètedesurprisequandjelaretournevivement,sondosestcolléàmontorse.Jenesaispluscequejefais.Satêtebasculeenarrièreetseposesurmonépaule.Ellecontinued’ondulertoutcontremoi.Jedeviensfou.Prochedesoncou,sonparfumdécuplelessensations.Tousmessenssontenalerte!Ellem’hypnotise.Mesmainsglissentsursonventre,jelapresseunpeupluscontremoi.J’aichaud,bordel!Qu’est-cequ’ilm’arrive?Maculpabilitérevientpetitàpetit,maisjen’arrivepasàm’arrêter.Cetteivresseesttellementgrisante!

Elleselibèredemaprisepourmefaireface,jesensqu’ellepeineàrespirer.Sesmainsseposentsurmanuque.Nouscontinuonsdedanser,maisnosvisagesserapprochenttrèslentementjusqu’àcequenosbouchesnesoientplusqu’àdeuxpetitscentimètres.Sonsoufflementholésemélangeaumien.Etcelasuffitàmedonnerenviedemettrefinàcettetorture.Jefranchislesdernierscentimètres.Quandnoslèvresserejoignentenfin,quelquechoseseproduitenmoi.Nospasnesontplusdutoutcoordonnés,maisjem’enfous.Cetteexplosiondesentimentsquim’envahissentmefaitdubienautantqu’ellemefaitdumal.Sonbaiserredonnevieàmonâme.Jenesauraisl’expliquer,maismoncorpstrembletellementc’estintenseetenvoûtant.Seslèvresdoucescontinuentdesemouvoirsurlesmiennes,faisantdecebaiserunmomentplusprofond.Ellemordillemalèvreinférieure.Ellemerendfou!Jen’aiplusressentiçadepuis…Emily…

Jemeraidisfaceàcettedouleurquemeprovoquesonsouvenir.Pourquoia-t-ilfalluquejepenseàellemaintenant?

Unecolèrevientsemêleràcettedouleur.Ilesthorsdequestionquej’éprouvepourHaileylesmêmessentimentsquejeressentaispourEmily.Jen’aipasledroitdelatrahir!Jemelesuispromis.Haileys’écartedemoietmeregarde.Ellecomprendquequelquechosecloche.Sesyeuxs’humidifient.Elleposesonregardailleursquesurmoi.

—Je…Euh…jevaismechercherquelquechoseàboire,meprévient-elleavantdes’enfuirparmilafoule.

Jelaregardedisparaître,incapabledefairelemoindremouvementpourlarattraper.Maiscommentai-jepufaireunechosepareilleàEmily?Ressentirdessentimentspouruneautrequ’elle,c’étaitlaseulechosequejem’étaisinterdit!

Jerisquedefaireunemonumentaleerreur,j’enaiconscience.Maisjen’aipaslechoix,jepréfèrequ’ellemedétesteetdevenirlesalaudqu’ellepensaitvoirenmoipourmettrefinàtoutça...

Chapitre10

Hailey

Étourdieparcettemusiqueettoutcemonde,jenesaisplusquelledirectionprendrepourrejoindrelebar.Jememordsl’intérieurdelajouepournepasm’effondrerenlarmes.

MonDieu,maisqu’est-cequej’aifait?Qu’est-cequim’aprisdemelaisserallerdecettefaçon?C’étaittellement…exaltantetterrifiantàlafois,parcequejen’aijamaisressenticettesensationdetoutemavie.

Jevisualiselebaretm’ydirigerapidement.Encoresouslecoupdel’émotion,jefaisunsignepourattirerl’attentiondubarman.Ilesttellementfocalisésurlaroussepulpeusepenchéedevantluiquejesuiscomplètementtransparente.Mesdoigtstapotentnerveusementcontrelecomptoir.Auboutdequelqueslonguessecondes,jeperdspatience.

—Ehoh!Vouspourriezmeservir,s’ilvousplaît?fulminé-jeenlefusillantduregard.

L’airmécontentdel’avoirinterrompuenpleinnumérodecharme,leserveurdaigneenfinmeportersasollicitudeetmedemandecequejeveuxboire.

—Quelquechosedefort,s’ilvousplaît.

Illèveunsourcil,maisjenesoulignepas.

Leslarmesbrouillentmavue.Jemetournepourobserverlafoules’amuseravecinsoucianceetjemedemandesil’embrassern’apasétéunegrossièreerreur.

Biensûrquesi,çal’aété!Quelleidiote!

Jenecomprendsvraimentpascequis’estpassé.Jen’aibuqu’unseulcocktailalorsjenepeuxpasmettreçasurledosdel’ivresse.JenepeuxpasnierqueMatthewm’attireénormément,j’aimeêtreaveclui.Jemesensdifférenteàsescôtés,maisj’avaisdécidédetireruntraitsurtoutça.Lessoirées,l’alcool,lesflirtsm’ontcausébientropd’ennuisparlepassé.Jenepeuxplusrépéterlesmêmeserreurs.

Cebaiserl’atroubléautantquemoi,maisdèsl’instantoùjemesuisécartéedelui,j’aisentiqu’ilregrettaitcebaiser.L’expressionsombrequ’arboraientsesyeuxadouloureusementpercémoncœurquis’étaitmis,pourlapremièrefoisdepuisdesannées,àfrémir.Etc’estlapirechosequ’unefemmepuissevoirdanslesyeuxd’unhomme.Pourquoilui?Pourquoimaintenant?

Jesuiscomplètementpaumée.Jeperdscomplètementlespédales.Lesdécisionsquej’avaisprise,àsavoir,celledemettrefinàmesjoursetd’accepterunvoyaged’unmoism’ontperturbée.Jenevoispasd’autreexplicationplausibleaufaitquejemesoislâchéeavecunedéconcertantefacilité.

Jenemepeuxpasm’empêcherdemesentirunenouvellefoisrejetéeetseule,maisilesthorsdequestionquejeluilaissevoirmafaiblesse.Ilesttempsqueçachange!Etêtreforteseralapremièreétape.Alorsjevaisrejoindrelegroupe,latêtehauteetfairecommesicequis’étaitpassén’étaitjamaisarrivé!Jedoismeconvaincrequetoutcecin’aétéqu’unesimpleattractionéphémèreetqueriendetoutçan’ad’importance.Peut-êtrequ’enlepensanttrèsfort,jevaisfinirparocculterlessensationsquej’airessentiesetquiontlaisséleursempreintesmarquerprofondémentmonesprit.

Lebarmanmetapotel’épauleetmetendmonverre.Jeboisunegrossegorgée.Dufeuliquides’écoulelentementdansmagorge.Surprise,jememetsàtoussertellementfortquelespersonnesautourdemoimeregardentcommesij’étaisfolleàlier.Peut-êtrelesuis-jedevenue?

Lebarmanhausselesépaules,hilare.Jeluijetteunregardnoiretdécidederemontersurlamezzaninepourm’asseoirunpeu.

Matêtetournequandj’atteinslesdernièresmarches,j’auraisdûmedouterqu’ilm’auraitserviduwhisky,maisàquoim’attendais-jeendemandantquelquechosedefort?RienàvoiravecledouxremèdedeJonas.

Jemestoppenet,agrippantlarambardequandjeremarqueMadisonassisesurlesgenouxdeMatthew.Cedernieréclatederirequandelleluichuchotequelquechoseàl’oreille.Prised’unefortenausée,jeprendsunebonneinspirationpourtenterdemaîtriserlacolèrequimonteenmoi!

Lecorpstremblantdefureur,j’avanceverseux.Jem’installesurlabanquettefaceàcecoupledefortune.J’auraisdûmedouterquejenepouvaispasluifaireconfiancelorsqu’ilm’aditqu’iln’étaitpascommeça.Saufqu’ilestexactementcommeça!Unhommecommetouslesautresquiprofitedesfemmescommesiellesétaientunobjetutileàleurminablepetitdésir.Jepensaisavoirdéceléquelquechosededifférentchezlui,maisjemesuisclairementtrompésursoncompte.Cen’estqu’unsalepetitenfoiré,niplusnimoins.

Jesirotelentementmonverredewhiskyinfectetmeretiensdegrimaceràchaquegorgée.Madisonsavouresavictoire,ellelepossèdeenfinetneratepasl’occasiondelefairesavoiràtous.SamainsousleT-shirtdeMatthew,elleembrassesoncousansaucunepudeur.Luialeregardvaguedirigéversmoi.Aucunmotn’estprononcé,maisquelquechosedesombrepassedanscetteconversationsilencieuse.

Jesuisincapabledeposermesyeuxsurluipluslongtemps.Ilmedégoûte.Maisàquoijoue-t-il?Ilyaquelquesminutes,meslèvresétaientposéessurlessiennesetmaintenantils’amuseavecMadison.Jesuiscomplètementperdue,jenecomprendsrienàsonpetitmanège,maisjeneluimontreraijamaisquecelam’atteintplusqueçaneledevrait!

Jemelèvecarjenesupporteplusd’entendrelesricanementsdeMadison.J’observelafouleplusbasetmeconcentresurlamusiquepournepasexploser.Jenedevraispasressentirça.Jem’étaisjurédeneplusressentirça,exactementpourcetteraison.Cen’estqu’unminable!

LeriredeMatthewsefaitentendrepar-dessusceluideMadison.C’enesttroppourmoi,sansmêmeleuradresserunregard,jedévalerapidementlesescaliers.

J’ignorelesprotestationsdesdanseursquandjelesbousculepouratteindrelestoilettes.Jem’yengouffreetmecachedansl’unedescabines.

Cesparoism’offrentunecertainesécuritéalorsjecraqueetlaissesortirtoutesmeslarmesquitraduisentunmélangedepeuretdefrustration.J’étouffe.Messanglotssebloquentdansmagorgeetmefontsouffrir.Jem’enveuxd’avoirétéaussiidiotedem’êtrecomportéecommeunemidinetteenpleinedécouverte.Jeluienveuxaussidem’avoirfaitcroirequ’ilétaitquelqu’undebien,d’avoirbrisécetteconfiancequejedonneàtrèspeudepersonnesvoireaucune.Commeunepauvreidiote,jemesuislaisséemporterparce…stupidejeudeséduction.J’ainaïvementcruqu’ilressentaitcemagnétismequejecroyaispalpableentrenous.Pourlapremièrefoisdepuislongtemps,jemesentaisbien.Libre.Quandsesmainssesontposéessurmoi,jen’aipaspurésister,jevoulaisplusdelui.Quandseslèvresontenfintouchélesmiennes,jemesuissentidéfaillir.Jevoulaisquecemomentperdureencoreetencore.

Saufqu’ilenadécidéautrementetjenecomprendsrienàsaréaction.Ilsaitàquelpointjesuisfragilepsychologiquement.Quecherche-t-ilàfaire?Àmedétruireplusencorequejenelesuisdéjà?

Jefrappedupoingsurlescloisonsdelacabine,exprimanttoutelacolèreetlahontequejeressens.Jeledéteste!Jemedéteste!

Lamusiqueestplusforte.Celaneveutdirequ’uneseulechose:quelqu’unestentré.Jeplaquemesmainssurmabouche.Jeneveuxsurtoutpasquel’onmesurprenneàsangloter.J’attendspatiemmentquel’intrussetired’icietmelaisseàmontristesort.

—Hailey!

C’estMadison.Lestressenvahitmagorge.Jenerépondspas,peut-êtrequ’ellefiniraparpartird’ici.Sestalonsclaquentsurlesoletterminentleurcoursedevantlaportedemacabine.Ellefrappefortementjusqu’àenfairetremblerlesparois.

—Jesaisquetueslà!

Àquoibonfairesemblant?Jesèchemeslarmesdureversdelamainettentedereprendrecontenance.Jesorsdemacachette.L’expressionfurieusedeMadisonmeclouenetsurplace.

—Toi!medit-elleenmepointantdudoigt.

Elles’approchedemoienfurie,mefaisantreculerjusqu’àcequejetouchelemur.

—Tucroyaisvraimentquetuallaisréussiràl’avoir?crache-t-elleenéclatantderire.Tucroisquejen’aipasvuclairdanstonpetitjeu?Jepensaisquetun’étaispasdutoutintéresséeparlui?Maisvisiblement,j’aieutort!

Jel’observe,feignantl’incompréhension.

—Jenevoispasdutoutdequoituveuxparler!

—J’aipassécesderniersjoursàmeforcerdejouerlagentilleavectoirienquepourséduireMatthew,carj’aibienvuquetuavaisl’airimportantepourlui.Quoiqu’ilensoit,c’enestfini.Jedétestelesfillescommetoi,Hailey!Cellequijouelerôledelapauvreinnocenteendétressealorsqu’envérité,tun’esqu’unesalope!

Ellepressesonindexsurmonsternum,sonveninserependàtraverschaqueporedemapeau.

J’écarquillelesyeux.Commentai-jepuêtreaussibêtedepenserqu’elleaussipouvaitm’apprécier?Jeconnaisparcœurcegenredefille,j’auraisdûmeméfier.Jemesensdoublementtrahiecesoir.Labilememonteetavantmêmequejenepuissedirequoiquecesoit,ellemegifle.Sonregardhaineuxmemortifiesurplace,jesuisincapablederépliquer.Jeposelamainsurmajoueéchaufféepourtenterd’apaiserladouleur.

—Maisd’aprèscequej’aivu,mêmetonbaisern’apassuffiàluifairetournerlatête.Tunevauxrien!Jesuisbienmeilleurequetoi,lapreuve,versquis’est-iltournéaussitôtaprès?dit-elleensedésignantfièrement.

Jel’écouteensilence.Lesmotsn’arriventpasàfranchirlabarrièredemeslèvres.Meslarmesroulentsurmesjouesetjetremblesouslechoc.Elles’écartedemoietafficheunsourirevictorieux.

—Situveuxbienm’excuser,Matthewm’attend.

Àlaminuteoùelles’enva,jem’écrouleàterre,leregarddanslevide.Desflashsdemonpasséressurgissent,medonnantungoûtdedéjà-vuouplutôtvécu.

Jemerelèveetarrosemonvisaged’eaufraîche.Jedoispartird’ici.M’éloignerdelui.

Danslescouloirsmenantàlasortie,lamusiquepulsedansmesoreillesetmedonneletournis.Jevaissortirdelàetdisparaîtredeleursvies.Ilm’afaitcroirequemavieallaitchanger,maisj’imaginequecen’étaitqu’untissudemensonges.C’estencoreettoujourslemêmeschémaquiserépète.

Unefoisàl’extérieur,jerespireenfin.Jemerendscompte,danslaprécipitation,quejen’aipasprismesaffaires.Tantpis!Horsdequestionquejerefassemarchearrière.Jemedébrouillerai.Jeregardeàdroitepuisàgauchepoursavoirquelledirectionemprunter.D’unedémarcherapide,jeparcoursplusieursmètresafindehéleruntaxi.

Celui-cisegaredevantmoi.Jeposemamainsurlapoignéedelaportièreetm’apprêteàl’ouvrir.

—Hailey!crielavoixdeMatthew.

Parréflexejemetourneverslui.Jelevoiscourirversmoi.Paniquée,jem’engouffrerapidementdansl’habitacle.

—Enroute,s’ilvousplaît,intimé-jeauchauffeur.

IlregardeendirectiondeMatthewetcomprendsaussitôt.Ildémarresurleschapeauxderoue.Jetournetristementlatêtedanssadirection.Ilestimmobilesurletrottoir,regardantletaxis’éloigner,l’airabattu.Jemerassoiscorrectement.Ilpeutprendretouslesairsqu’ilveut,çanemefaitplusrien,j’enaifiniaveclui!Luietsondeal!Etvoilàquejecommenceàpleureràchaudeslarmescommeuneidiote.

—Oùdois-jevousaccompagner,Mademoiselle?medemandegentimentlechauffeurenmeregardantdanslerétroviseur.

Jeluidonnel’adresseduMotel.Heureusement,j’avaisfourréledoubledemaclédechambredanslapochedemonjeans.Meslarmesrefusentdes’arrêterdecouler.Pourquoim’a-t-ilfaitça?EtMadison?Commentai-jepuêtreaussinaïve?Jelesentaisqu’ellenem’appréciaitpasvraiment.Peut-êtrequ’elle

araison?Peut-êtrequejesuislasalopequetoutlemondepensequejesuis?

Lechauffeurmetendunmouchoir.Jel’observe,étonnée.C’estunhommed’uncertainâge,sansdoutel’âgedemonpère.Ilal’airdevenird’unpaysduMoyen-Orient.Sonvisageestchargédecompassion.Leremerciantsilencieusement,jeprendslemouchoir.

—Merci,luidis-jeenmemouchant

—Jesaisquecenesontpasmesoignons.Maissijepeuxmepermettreunconseil...Nelaissezjamaisunhommefairecoulervoslarmes.S’ilvousfaitpleurer,c’estqu’ilnevousméritepas.C’estuncrétin.

Jememetsàrireetpleurerenmêmetemps.

—Jevousremercie,saufquedansl’histoire,jesuisaussiunecrétine,ajouté-je.

Ilneditriendeplus.Ilnesaitpastoutel’histoire,alorspourquoiargumenter?Jeregardel’extérieuretvoisauloinleGoldenGateBridge.Jerepenseaujour,oùj’aivouluenfiniravecmavie.Aujourd’hui,ai-jetoujoursenvied’enfinir?Jen’ensaisrien.Jenesaisplusdutoutoùj’ensuis.C’estvraiquecettedernièresemaine,j’airetrouvéunsemblantdejoie.Maiscen’étaitenfaitqu’unleurre.Jesecouelatêteavecamertume.Ilfautquej’essaied’avanceretfairetablerasedupassé.

Auboutd’unedizainedeminutes,letaxis’arrêtedevantleMotel.Jefouilledansmespoches,enpriantsilencieusementdetrouverunbillet.Malheureusement,jepossèdeseulementquelquespièces.

—Jesuisdésolée…Je…,m’interromps-jeenouvrantmapaume,honteuse.

Ilsembleréfléchiruncourtinstantavantdesoupirer.Ilattrapemamonnaieendardantunregardbienveillantàmonégard.

—Çairamais,faitesjusteattentionàvousetnevouslaissezpasfaire.

Jesuistrèsémueparlagentillessedecemonsieur.Jeluifaisunsignedetête,symboledemareconnaissance.

—Jeleferai.Mercibeaucoup,luidis-jeleslarmesauxyeuxensortantduvéhicule.

Jepénètredanslacouretempruntelesescaliersafind’accéderàmachambre.J’ouvrelaporteetmeprécipiteversl’armoirepourfourrermesvêtementsdansmonsacàdos.Jesorsl’argentquiétaitcachésousunepiledeT-shirtspourmepayerunbilletdebusafind’allerjenesaisoù.Peuimporte.

Danslasalledebain,jemepasseunenouvellefoisdel’eausurlevisagepourretirerlestracesdecettesoiréequiysontgravées.Mesyeuxsontrougisetgonflés.Jepeineàmeregarderenfacesansêtreprisededégoûtparmonreflet.

Jeprendsunegrandeinspirationetjettemonsacsurmonépaule.Jelanceunderniercoupd’œilcirculairepourvérifierquejen’airienoubliéavantdequitterlachambre.Aumomentoùjerefermelaporte,j’entendsdesbruitsdepasderrièremoi.

—Hailey...tueslà,ditMatthew,essoufflé.J’aieuunedecespeurs,j’aicruque...

Lecœurbattantàmilleàl’heure,jemeretournevivementverslui,lamâchoireserrée.

—Quequoi?Quej’allaissauterd’unpont?m’exclamé-jeamèrement.Quoiqu’aprèsréflexionceseraituneexcellenteidée!

Jeluitourneledospourpartir.Matthewreprendsonsouffle,iladûseprécipiterpourvenirjusqu’ici.

—Alorsc’estça?Tut’envas?Sansmelaisserunechancedet’expliquer?

Jemeretourneprestement,luilançantunregardnoir.

—M’expliquer?M’expliquerquoi,Matthew?Iln’yarienàdire.Jen’aiplusrienàtedire!m’écrié-je.

—Maisbonsang!Laisse-moiparler...s’impatiente-t-il

J’enaiassez!Jenepeuxplusencoreentendredemensongedelabouched’unhomme.Jecraque.

—Jenesaispasàquoitujouesavecmoi!Tumekidnappes,tum’emmènesdanscestupidevoyage!Tum’embrassespourensuiteleregretteretjoueravecMadison!Sais-tucombienjemesuissentiehumiliéecesoir?Toutça,c’estdetafaute!Jeregretted’avoiracceptétaproposition!pesté-je.

Ilaunmouvementdereculcommesijeluiavaisplantéunpoignarddansleventre.Pendantuninstant,jem’enveuxdeluiavoirditquejeregrettais,maismacolèrerevientenforce.

—Jen’aipasacceptéçapourrevivrecequej’aivécuavant.C’estfini!J’arrête!

—Arrêted’êtresitêtue.Écoute-moi,bordel!

Jel’ignoreetdévalelesescaliersenvitesse.J’entendssespasderrièremoi.Ilmesuit.J’accélèredoncmadémarchequandsoudainundemesfoutustalonssecoincedansl’unedesdallespourriesduparking.Monpiedsetordetjem’étaleparterredansunbruitsourd.Unvifélancementàmachevillemefaitgémirdedouleur.J’ailapoisse,putain!Lasoiréenepouvaitpasmieuxseterminerquedecettefaçon.Parfait!ironisé-jeenmoi-même.Quelleidiote!

Jemeredressepourm’asseoiretmetienslacheville.J’aimal!

—Merde!Est-cequeçava?medemandeMatthewens’accroupissantàmescôtés.

—J’ail’aird’allerbien?

Ilseretientderirelesalaud!

D’ungesteprudent,ilapprochesesmainsdemachevilleetenlèvemonpieddelachaussure.Ilbougeàpeinemonpiedquej’étouffeuncri.

—Onvaalleràl’hôpital.Jecroisbienqu’elleestcassée.

Jeneluirépondspasetmecontentedepleurer.Ilessuiemeslarmesdesamain,maisfaceàmonmouvementderecul,ilseraviseetn’insistepas.Ilmesoulèvedanssesbrasjusqu’àsavoiture.Jen’aipasd’autrechoixquedemelaisserfaireparcequedetoutefaçon,jenepeuxplusmarcher,alorsàquoibonlutter?Ilmedéposeàl’arrière,metsavesteenboulepourquejepuissesurélevermonpied.

Ilrefermelaportederrièreluietmonteàl’avant.Ilseretourneversmoi.

—Çavaaller?medemande-t-il,inquiet.

Jerestesilencieuse.Cen’estpasparcequ’ilm’emmèneàl’hôpitalquecelasignifiequ’onasignéuntraitédepaix.Ildémarreetroulesilencieusement.Nousempruntons,d’aprèslepanneau,BuchananStreet,cequinousfaitarriverenmêmepasdixminutesàl’hôpital.Ilsortdelavoitureetbaissesonsiègeafindemeporteretmesortirduvéhicule.

Cettesituationesttotalementabsurdeeteffarante.Sijenem’étaispaspétécettecheville,jeseraisdéjàloindelui.Maisnon,ilafalluqueçam’arriveetquejesoisdanssesbras.Mêmesijeledétesteàcetinstant,jenepeuxpasm’empêcherd’avoirlecœurquifrémitquandjesenssonparfum.Sonputaindeparfumaddictif!Cetteodeurquiàelleseuleestdevenuemasourced’apaisement.Sonsoufflechaudeffleuremonfront.Ilmeregardecommes’ilavaitdevinémespensées.Nosregardssecroisent,jeplisselesyeux,tentantdeluitransmettretoutelacolèrequejeressensenverslui,maisaussipourcacherlefaitquejesoissiréceptiveàlui.Jememaudis!

Ilpénètreauxurgences,demandantdel’aideauxquelquesinfirmièresprésentes.Jepouffederire.Envoyantsaréaction,onal’impressionquejesuisentrelavieetlamort.

Onnousfaitpatienterdansunesalled’attente.Vulenombredepersonnesprésentes,nousallonsdevoirpatienterpendantdesheures,jelesens!Ilmedéposelentementsurunsiège,jegrimacededouleurquandmonpiedfrôlelesol.Ils’assoitàmescôtésfaisanttremblersajambenerveusementetregardantunpeupartoutsanssavoiroùposersonregard.

—Tupeuxpartirmaintenant.Jevaisréussiràmedébrouiller,luidis-jefroidement.

Ilmeregardesiintensémentquej’oublietout.Ladouleur,lelieudanslequelonsetrouve,macolère.Tout!

—Horsdequestion,jeresteavectoi!Unefoisqu’onauraregardétacheville,tuécouterascequej’aiàtedire.OK?

Jel’observe,sonvisageestgrave.Jesupposequecequ’ilaàmedireestimportant.Jelèveunsourciletdécidedel’ignorer.

—Jet’enprie,pardonne-moid’accord?J’aiagicommeuncon,maisilyauneraisonàtoutça.Laisse-moit’expliquer...

Jemetourneverslui,scrutantsonvisageàlarecherched’unindicesursasincérité.Ilm’al’airdedirelavérité,maisaussibouleversé.Jesoupirededéfaitetoutenacquiesçant,j’écouteraicequ’ilaàmedireetensuitejepartirai.

Onresteassislà,pendantunebonneheureenviron.Ilmedemandetouteslesdixminutessijevaisbien.Machevilleatriplédevolume.Malgrél’analgésiquequel’onm’adonnéunpeuplustôt,ladouleuresttoujoursintense.Matthewsembleêtreaussiimpatientquemoi,ilselèvepourdemanderpourquoic’estsilong.

Unemamanaccompagnesafilleadolescente.Assisesfaceàmoi,jelesobserveavecintérêtetjepeuxressentirl’amourqu’ilyaentreelles.Lafillepleuretandisquesamèrelaconsole.Jamaismamèrenem’aportécegenred’attention.Jemedemandebiencequemesparentspensentdemonabsenceàl’heurequ’ilest.Sont-ilstristesoualorsseréjouissent-ils,carj’aienfinquittéleursvies?Jelesimagineentraindefêtermadisparition,verredechampagneàlamain.Bonj’exagèrepeut-êtreunpeu,maisjenesuispeut-êtrepassiéloignédelavéritéqueça.

Lafemmeremarquequejelesobserveetmefaitunsourireauqueljeréponds.

—Unmédecinnedevraitpastarderàvenirtevoir,meprévientMatthewenserasseyantàmescôtés.

—Merci.

J’appuiemondoscontreledossierdusiègeetl’arrièredematêtecontrelemur.Jefermelesyeuxettentedefairelevidedansmatête.Maisc’estimpossible,carsansmêmelevoir,jeressensàchaquefoissonregardposésurmoi.Çameprovoqueuneespècededéchargeélectrique.Celadevraitm’agacer,maisbizarrementçamefaitdubien.Meslèvress’étirentsansquejenelepuisselecontrôleur.

—Qu’est-cequitefaitsourirecommeça?medemande-t-ilcurieux.

J’ouvrelesyeuxettournemonvisageverslui.

—Rien,jepensaisjusteà...

—MlleCollins?

Lemédecinm’interromptaubonmomentcarjenesavaispasquoiluidirecommeexcuse.

Jemeredresseetmetourneverslui.

—Oui,c’estmoi.

—Veuillezmesuivre,s’ilvousplaît.

Jehochelatête,m’apprêtantàmelever,maisMatthewnem’enlaissepasl’occasion.Ilselèveetmeportedanssesbras.J’ail’impressiond’êtreuneprincessedanslesbrasdesonprincecharmant.Saufqu’enl’occurrence,laprincessealepiedpété.Etils’avèrequeleprinceestuncharmantconnard.

Unepoignéedeminutesd’examenplustard,ilmeconfirmeuneentorsedelachevilleetmeconseilledelaissermonpiedaureposlepluslongtempspossible.Ilmeplaceunstrappingetmedonneuneordonnanced’antidouleurs.

C’estdépitésquenousquittonsl’hôpital,jesuisobligéederesterauMoteljusqu’ànouvelordre.Cequim’angoisseparcequejeseraisobligéedecroiserMadisonetderesteravecMatthew.Jesuisvraimentencolèrecontremoi-mêmed’avoirétésiimprudente.Moiquineportaisplusdetalonsdepuisdesannées,ilafalluquej’enmettecesoir!

Matthewmeportetoujoursdanssesbrasjusqu’àlavoiture.Jesuistellementdégoûtéequejeneluiadressemêmepaslaparole.Luinonplusd’ailleurs.

Nousdémarronsetjeremarquequ’ilneprendpaslecheminduMotel.

—Oùallons-nous?luidemandé-jepastrèsrassurée.

—Dansunendroittranquillepourpouvoirdiscuter,merépond-ilcalmement.

Jesoupireetfermelesyeux.Prisedefatigue,jem’endorsinstantanément.

—Noussommesarrivés,meditdoucementMatthew

J’ouvrelesyeuxetregardeparlavitre.Ilfaitnuitetjenedistinguepasgrand-chose.

—Oùest-cequ’onest?Demandé-jeencoreàmoitiéendormie.

—OnestauBatterySpencerView.C’estlepointculminantpourobserverleGoldenGate.

Ilmeporteunenouvellefois.Labrisefraîchesoulèvemescheveuxetmefaitdubien.Ilmedéposesurunbancetj’observelavue,émerveilléeparl’endroit.C’estmagnifique.Leslumièresorangedupontressemblentàdespetitesflammessurplombantlahauteurdescâblages.Matthews’assiedàmescôtés,s’éclaircitlavoixetmelâchesanspréambule:

—Ilyacinqansdecela,j’aiétéfiancé...

Jemeretourneverslui,abasourdieparcetterévélation.Jeluifaiscomprendrequ’ilatoutemonattentionpourpoursuive.Ilbaisselatête,jecomprendsalorsquecemomentrisqued’êtredifficilepourlui.Jedéglutis.Moncœurseresserre...

Chapitre11

Matthew

Tendu,jeprendsunegrandeetlongueinspiration.Jenepeuxpasreleverlatêteetaffrontersonregard,c’esttropduretmereplongerdanscessouvenirsl’estd’autantplus.Jedoisluiraconterdepuislecommencementpourqu’ellesachel’importanced’Emilydansmavie,maisaussipourqu’ellecomprennequecesoir,jen’aipasvoululuifairedumal.

—Quelquesannéesauparavant,jemesouviensdecejour-làcommesic’étaithier.JefinissaisdemeprépareretavaisenfilérapidementmonjeansnoiretmonT-shirtdePinkFloyd.Jemefoutaisdemonlookàl’époque,puisquejecommençaisàbosserchezundisquairederock.J’étaisplutôtbientombé,dis-jeenmeremémorantcelieuoùjemesentaiscommechezmoi,çanepayaitpastrèsbien,maiscen’étaitpasunproblème,leplusimportantpourmoiétaitdefairequelquechosequimebottait.

Jesourisetm’interrompsunpetitinstantpourrassemblermessouvenirs.

—Jevivaisencorechezmamèreàcetteépoque-là.Çanemegênaitpaspuisqu’ellevivaitseuledepuislamortdemonpèrealorsjerestaislàpourluitenircompagnie.Elleavaitsombrédansuneprofondedépression.Ellesortaitseulementpourallertravailleràl’hôpitalentantqu’infirmièreetpuisquandellerentrait,elles’asseyaitsursonfauteuil,attendantqueletempspasse.Monpèreétaitmortd’unecrisecardiaque,troisansplustôt.Ilalaisséunputaindetroubéantdansnotrecœur.Mêmes’ilpassaitbeaucoupdetempsàtravailler,ilgéraitunemultinationalepourunegrandemarquedevêtements,onl’adorait.Àsamort,onavaithéritéd’uneimportantesommed’argent.Encoreaujourd’hui,mamèreetmoiyavonsàpeinetouché.Pourmapart,j’attendaisd’avoirunvraiprojetpourm’enservir.

JelèvemonvisageversHailey,ellem’observeavecunegrandeattentionetrestesilencieusepourquejepoursuive:

—Cematin-là,j’avaisenfourchémamoto.J’adoraislesonquecelaproduisaitquandjeladémarrais.Unefoissurlaroute,jeprofitaispleinementdel’adrénalinequemeprocuraitlavitesseaufildeskilomètres.C’étaitjusqu’àcejour-là,laseulechosequimefaisaitsentirvivant.Unefoisarrivéaumagasindedisque,j’avaissaluéSusan,lagérantedumagasin.C’étaitunefemmed’unequarantained’années,stylebikers.Tatouage,vesteetcompagnie.Elleavaitpasséunepartiedelamatinéeàmefamiliariseraveclesproduitsmisenvente…Surl’heuredumidi,ellem’avaitditaurevoiretm’avaitlaisséseulpourgérertoutlemagasin.Lesclientsnesebousculaientpas,cardepuisl’èred’internetetdutéléchargement,ledisquemourraitpetitàpetit.Jetrouvaisçadommageparcequelesonqueproduitl’aiguillesurlevinyle,onnel’entendrajamaisenformatmp3.Jemesouviensaussid’avoirregardéàl’extérieur,leciels’étaitrapidementassombri.

Aufuretàmesurequejem’approchedusouvenird’Emily,monsoufflesefaitplussaccadé,jeravalelesanglotquimenacedesortirdemagorge.Haileyposesamainsurlamienneetlacaresse.Jelaregarde.Sonvisageestdouxetcompréhensifetsonsouriremeréchauffe.

—Ilétaitenviron18heuresquandledernierclientestparti.Susanm’avaitdemandédefermerlemagasin.Donc,jem’apprêtaisàretournerl’écriteau,quandsoudain,unejeunefemmetrempéejusqu’auxosavaittapécontrelaportevitrée.Elleétaitlà,telleuneapparitionquibrillaitparsaprestance.C’étaitcequ’onpourraitappelerun«coupdefoudre»,j’étaisrestéplantélà,àl’observerdanssarobenoireluicollantàlapeauàcausedelapluie.Sesbottesdemotardeluidonnaientunel’allurequilarendaitirrésistible.Seslongscheveuxbrunsclairsmouillésétaientplaquéscontresonvisageetsesyeuxbleusétaientlesplusbeauxquejen’avaisjamaisvusjusqu’àprésent.Elleétaitvraimentmagnifique.Elleavaitrefrappéencoreunefoisàlaporte,cequim’avaitfaitsortirdemonadmiration.Elles’étaitexcuséeetm’avaitdemandéd’unevoixdoucesijepouvaislalaisserentrerpourqu’ellejetteunrapidecoupd’œilsurunvinyle.Majournéeétaitterminée,maispouruneraisonquej’ignoraistotalement,jesavaisaussiquejenepouvaispaslalaisserpartir.Lorsquejeluiavaisouvertlaporte,ellem’avaitremerciéetsesyeuxpétillaient.Elles’étaitprécipitéedirectementdanslefonddumagasinetétaitrevenuquelquessecondesplustardl’airaffligé.Ellem’avaitexpliquéqu’ellerecherchaitunvinyleéditioncollectordeLedZeppelinmaisenvain.J’étaisimpressionnéedevoirqu’unefillecommeellepouvaitavoircegenredegoûtmusical.Cefutd’ailleursnotresujetdeconversationpendantplusd’uneheure.Jeluiavaisdemandésonnumérodetéléphonepourlaprévenirlejouroùlevinylequ’ellerecherchaitseretrouveraitdansnosbacs.Cesoir-là,jen’avaispaspum’empêcherdepenseràelle.Jerevoyaissonvisageangéliqueetsonsourireenvoûtant.

Haileym’observecomplètementabsorbéeparmonhistoire.Quandellevoitquejem’interromps,ellemedemande:

—Tuassudèslepremierregardquec’étaitelle,labonne?

J’acquiesceensourianttristementetcontinueavantdeperdremoncourage.

—Ensuite,plusieursjourssesontécoulésetjeneluiavaispasenvoyédemessage.Jen’avaispasd’excusesplausiblespourlarevoirsanspasserpourungroslourdinguealors,jem’étaismisàrecherchersurinternetlevinylecollectorqu’ellerecherchaittant.Àvraidire,surlenet,ilétaitégalementintrouvable.Saufqu’unjour,lachanceavaitétédemoncôté,untypeavaitpostéuneannoncepourcevinylecollectorqu’ilvendaitàuntarifexorbitant.J’avaisvraimentl’impressiondemefairepigeonner,maisjem’enfoutais!Jenevoulaispasperdredetempspourlarevoirquitteàmeruiner.

D’ailleurs,j’auraisvraimentpubaisserleprix,maisj’étaistellementobnubiléparellequel’argentétaitlecadetdemessoucis.

—JeluiavaisenvoyéunSMSpourluiannoncerquelevinyleétaitdisponibleenmagasin,elleétaitarrivéedanslaboutiqueenfindejournée,excitéecommejamais.J’étaisheureuxdelavoirheureusemêmesijelaconnaissaisàpeine.Sonsourireilluminaitdéjàmajournéequiavaitétéinterminable.J’avaisbrandisonprécieuxtrésor,commeellel’appelait,etsansréfléchir,elleavaitfoncésurmoipourm’enlacer.Cepremiercontactaétévraiment…intense.

Moncœursevrillequandjerepensequejenepourraiplusjamaislatenirdansmesbras.Sentirsapeaucontrelamienne,sonodeuretsonrirerésonnerdansmesoreilles.Unelarmecoulesurmajoue.

—Tun’espasobligédetoutmediresic’estdifficilepourtoi,jecomprends,merassureHailey.

Jehochelatêteenlaremerciant.J’ail’aircomplètementminable.

—Jeveuxquetusachesquijesuisvraiment.

Elleresserresamainsurlamienneetjecontinue:

—Ellem’aremerciéetdemandécombienellemedevait.Jeluiairéponduquec’étaituncadeau—Jememetsàrirequandjerepenseàsaréaction—Elleétaitméfianteetpensaitquej’avaisfaitçapourlamettredansmonlit.Bon,jedoisavouerquecen’étaitpastotalementdésintéressé,maisjelavoulaisdansmavie,pourdulongtermeetpasjusteunesoirée.Jeluiavaisdoncproposédeboireunseulcaféavecmoicommeremerciementdesapart.Depuislejourdenotrerencontre,touts’estrapidementenchaîné.Nousnousétionsrevusrégulièrementetils’estavéréqu’elleétaitaussiunefaninconditionnelledemoto,alorsonafaitpasmaldesortiesensemble,profitantdesdernièreschaleursdel’été.Lesmomentsquejepassaisavecelleétaientinoubliables.NotrepremierbaiseraétééchangédeuxsemainesplustardàCentralPark.Nousmangionsdelaglace,ondiscutaitetriait.Jenesaispascequis’estpassédanssatêtecejour-là,maisellem’aembrassé,commeça,sansraison.Jemesouviensquesonbaiseravaitungoûtdeglaceàlavanille.C’étaitétrange,j’avaisl’impressiond’êtrecommeunado.Nousnenoussommesplusquittés.Jel’avaisprésentéeàmesamisquisemblaitd’ailleurstrèsenvieux.MestroisamisZack,CodyetDylanl’avaientrapidementadoptédansnotrepetitcercle.Quandonétaitgamin,onavaitforméungroupederock.Nousnejouonspassurscène,maisnousnousréunissionschezZackseulementpourleplaisirdejouer.Emilyétaituneferventeadmiratricedenoscompositions.Quantàelle,elletravaillaitcommefleuriste.Elleaimaiténormémentlesfleurssurtoutlesrosesàépineetj’avaisprisl’habitudedeluienoffrirunefoisparsemaine.Etelle,ellepassaitàmontravaildèsqu’ellefinissaitlesien.C’étaitlegenredechosequipouvaitparaîtreinsignifiantpourbeaucoup,maisj’aimaisvraimentça.J’étaisdingued’elle,situsavais!

—Jetecrois.Tuascetéclatdanstesyeuxquiprouvequetul’aimaisénormément,meditHailey.

Elleneserendpascomptequecequ’ellevientdemediremefaitunputaindebien.Jeneregrettepasdemeconfiersurcettepartiedemavie.Jeprendssamainetlaserreàmontourpourmedonnerplusdeforce:

—Quatremoisplustard,jel’aiprésentéeàmamère.Ellel’aadoréaussitôtetétaitraviequejeluiprésenteenfinunepetiteamie.C’étaitlapremièrefilleàentrerchezmoietàrencontrermafamille.Mamèrel’atoutdesuiteconsidérécommesadeuxièmefille.Emilyn’avaitplusdefamille,elleavaitétéballottéedansplusieursfamillesd’accueil.Malgrésonenfancetrèsdifficile,elleapportaitdelalumièredansmavieetcelledemamèreparlamêmeoccasion.Jevivaisunfoutubonheurabsolu.J’avaisenfintrouvéunsensàmavie.Etc’étaitgrâceàcettefille.C’étaitmonavenir.C’estlegenredebonheurquetuneveuxpasvoirdisparaître.Jamais.Saufquemalheureusement,jen’avaismanifestementpasledroitàcebonheur.

Jesenslecorpsd’Haileysetendresousmesdoigts.

—Unsoirquandonétaitallésepromener,sonvisagesemblaittriste.Jeconnaissaischaqueexpressiondesonvisageetjevoyaisbienqu’elles’apprêtaitàm’annoncerquelquechosededur.Audébut,jepensaisqu’elleallaitmequitter.Maismalheureusement,c’étaitbienpirequecela…Ellem’aavouéêtre

atteinted’uncancerdusein.Elleétaitmaladedepuisplusieursannées.C’étaitbeaucouptroptardpourlasoigneretilluirestaitseulementquelquesmoisàvivre.Ellem’aexpliquéqueçan’apasétéprisàtemps.Sesfamillesd’accueiln’avaientjamaisfaitattentionàsasanté.

J’enlèvemamaindecelled’Hailey.Jeposemonpoingserrécontreleslèvresetcontractefortementmamâchoire.Mesyeuxmebrûlent.Jesouffredemeremémorercemoment,maisjedoislefaire.

—J’avaisl’impressionquel’onm’avaitplantéunpoignarddanslecœurcesoir-là.J’avaismalréagi,jem’étaismisdansunecolèrenoire.Jeluienavaisvouludemel’avoircachéetjem’envoulaisàmoidenepasm’enêtrerenducompteplustôt.J’auraipulasauver,maisj’aitellementétéaveugléparmonbonheurquejen’airienremarqué.

—Jesuisvraimentdésolée,Matthew,meditHailey.

Jehochelatêteetlaremerciesilencieusement.Jereplacemamaindanslasienneetregardelesol.

—Jel’airaccompagnéechezellesansdireunmot.Jenepouvaisplusparlertellementj’étaismalheureuxd’apprendrequ’elleétaitmalade.D’apprendrequ’ellenepartageraitjamaissavieavecmoi.Etd’apprendrequ’elleallaitmourir.C’étaitunesouffrancequimedéchiraitdel’intérieur.Ilfallaitabsolumentquejemelibèrelatêteetquej’évacuetoutemarage.Jel’avaisdonclaisséedevantsaporte,ellepleuraitetmesuppliaitdenepasfairedeconnerie.Jel’aiembrassée,empêchantdetoutemesforces,meslarmesdecouler.Bordel!Jenesouhaiteàpersonnedevivrecetteépreuve.J’étaisdoncmontésurmamotoetj’avaisprislaroute,roulantsansregarderlecompteurdevitesse.Jevoulaissentirl’adrénalinemontéepourmelibérerdecettetension.Maismêmecelan’apaisaitpaslaragequej’avaisenmoi.Àboutdeforce,j’étaisrentréchezmoi.Quandjem’étaiscouché,unefoistoutel’adrénalineredescendue,j’avaispleurécommeunbébé.Etcen’estqu’àcemoment-làquejem’étaisrenducomptedemaconnerie.Jen’étaisqu’unputaind’égoïste.Jepleuraispourmasouffrance,alorsquec’étaitellequisouffrait.C’étaitellequiétaitsurlechemindelamort.Jel’avaislâchementlaisséeseule.Çaendisaitlongsurmoi-même.Unlâche.Voilàcequej’étais.Unlâchequiavaitpeurd’affronterlesdifficultés.Jemesuisdonclevé,jesavaisqu’elledormaitàcetteheure-ci,maisilfallaitquejelavoie.Quandjesuisarrivédevantsaporte,ellem’aouvert.Commesiellesavaitquej’allaisvenir.Elleetmoi,avionscetteconnexion.Unedecellequiliedeuxpersonnesl’unàl’autreàjamais.Jem’étaiseffondréàsespiedsnusetagrippésesjambes.Jen’arrivaisplusàm’arrêterdepleurer.Jem’étaispromisdenepluslalâcherjusqu’àlafin.Deprofiterd’ellechaquesecondedemaputaindevie.J’aid’ailleursquittémontravail,jen’enavaisenréalitépasbesoinpuisquej’avaissuffisammentd’argentpourvivresanstravailler.Prendresoind’elleétaitmaseulepriorité.Jel’avaissoutenuelorsdesesrendez-vousmédicaux.J’étaisconstammentavecelle.Jefaisaistoutpourqu’elleoubliesamaladie,mêmesielleétaittrèsprésente.Quelquetempsplustard,elleafiniparquittersontravailpuisqu’ellesesentaitdeplusenplusfaible.Lesderniersmoisontététerriblespourellecommepourmoi.Noussavionstouslesdeux,quelafinapprochait.Nousnepouvionsplusfairesemblantquetoutallaitbien.Entroismois,ellenemangeaitplusetdormaitpresquetoutelajournée.Elleavaitvraimentmaigrietétaittrèspâle.Jelaréconfortaisleplusquejepouvais,durantlesmomentsoùelleavaitpeur.Elleavaitpeurdemourir,mêmesielles’yétaitpréparée.J’avaisaussipeurqu’elle,maisjemedevaisd’êtrefort.Jenedevaispasflancher.

J’avaisdécidédeluifairemademandeenmariage,jevoulaisqu’ellesoitheureuseavantdemourir.Elletrouvaitcetteidéefolleetavaitrefuséaudébut,medisantquec’étaitabsurded’épouserunemourante.Maisj’avaisréussiparlaconvaincreetelleavaitfinipardireoui.C’étaitunsemblantdebonheurdans

notremalheur.Nouspassionsdesheuresàimaginercommentsepasseraitlacérémonie,onparlaitdesarobe.Ellesouriait,endépitdesonvisagepâleetcerné,sonsourireilluminaittout.Nousétionstristementheureux.Malheureusement,cettecérémonien’ajamaiseulieu.Elleaquittécemondepeudetempsaprès,melaissantseulavecmondésespoir…

Haileyémetunhoquetdesurprise.Seslarmescoulentàsontour.Jeluiessuiedemonpouce.

—Jemesuisréveilléunmatinetquandjemesuistournépourl’embrasser,ellenebougeaitplus,nerespiraitplus.Jesavais.J’aisuàcemomentquec’étaitfini,maisjerefusaisdelecroire.J’aiessayédelaréanimerenattendantlessecours.Maisc’étaittroptard,elleétaitpartie.L’amourdemaviem’avaitquitté.Jevoulaismouriravecelle,maisjemerappelaisdespromessesquejeluiavaisfaites.Cellesdecontinueràvivreaprèselle.Jenepouvaispasetjenedevaispasfailliràcettepromesse.Unefoisquejesuisrevenudel’hôpital,jesuisallémeréfugierdanssonappartement.Sonodeurétaitpartoutetj’aipétéunplomb.J’aicommencéàtoutcasser.Jevoulaisbrisertoutcequimerappelaitsonsouvenirparcequeçamefaisaitunmaldechien.Mavies’estarrêtéeenmêmetempsquelasienne.Jesuistombéendépressionpendantpresqueunan.J’étaisunvraicadavreambulant.Jemangeaisjustepourtenirdebout.J’avaisperdubeaucoupdepoidsàmontour.Jenesortaisplusetnevoyaispersonne.Jen’acceptaistoujourspasqu’ellesoitpartie.

Jem’interrompsunpetitmomentpourreprendremonsouffle.

—Chaquesemaine,j’allaisdéposersursatombeuneroseépineusecommeellelesaimait.Jepleuraissanscesseetjeluiracontaispendantdesheuresmamisérableviedepuisqu’elleétaitpartie.Quandlegardienmechassaitpourfermerlecimetière,jerentraischezmoi.J’allaisdormirpouroublier.Mêmesijen’oubliaisjamais,carlelendemaintoutmerevenaitenpleineface.Ladouleur…Mamèreétaitvraimentinquiètepourmoi.Elleavaitappelémespotespourqu’ilsviennentmechangerlesidées.Maisjelesavaistoujoursrepoussés.Heureusementpourmoi,mesamisnem’ontjamaislâché.Çaleuraprisunmoispourquejedécidefinalementàmebougerlesfessesetreprendremavieenmain.Jel’aifaitpourelle.Jesavaisqu’ellen’auraitpasvouluquejem’apitoiesurmonsort.J’aireprismonboulot,jemesuisaussiinscritdansunclubdeboxepourpouvoirdéchargertoutmonmal-être.Mesamism’avaientconseillédem’yinscrire,m’affirmantquec’étaitunbonmoyendedécompresser.Etilsn’avaientpastort,c’étaitdevenumanouvelleboufféed’oxygène.Àchaquecoupdonné,jetransféraismasouffrancesurmonadversaire.Pendantdelongmois,jen’aijamaisréussiàapprocheruneautrefemme.Etlorsquej’essayais,çafoirait,carilyavaittoujoursquelquechosequimerappelaitsonsouvenir.Jen’aijamaispuentamerunerelationsérieuseavecunefemme,carj’avaistoujourslesentimentdetrahirEmily.Ondevaitsemarier,bordel!C’étaitelle,lafemmedemavie.Etpersonned’autre!Etlaviemel’aprise.Melaissantvidedel’intérieur,incapabled’avancer.J’étaisdétruit.Jesuisdétruit!Leseulmoyenpourmoid’avoirunerelationavecunefemme,sanssentiment,c’étaitdemesoûler.Etàcemoment-là,jeparvenaistoujoursàfairecequejevoulais.Maisenayantl’espritclair,c’étaitimpossible.J’avaistoujourssonimagegravéedansmatête.

Jeconclusmonrécitenexpliquantcepourquoij’aidécidédevoyager:

—Aujourd’hui,cinqansaprès,j’aidécidédequitterlavillequimerappelaitsonamour.Jeveuxchanger,devenirquelqu’undemeilleur.Maislapeurd’aimerànouveauesttoujoursancréeenmoi.J’aipeurquelaviemereprennelebonheurdontjepourraisbénéficierunjour.Voilàpourquoijemel’interdisdésormais,j’ail’impressiondenepasavoirledroitd’êtreheureux.

Jerestesilencieux.Cesilenceestapaisantetjepourraismêmevoirlepoidsquittantmonâmesematérialiserdevantmesyeux.Jemesenspluslégeretçamefaitunbienfou…

Chapitre12

Hailey

Lesmotsneserontjamaisassezpuissantspourapaiserladouleurquil’habite.Seullesilencequirègneautourdenouslefait.C’estundecesmomentsquel’onpourraitqualifierde«recueillement».Jecroisn’avoirjamaisétéaussibouleverséedemavie.Sonhistoireesttellementtriste.J’imaginecetamourparfaitetheureuxinterrompuparlamort.Jen’auraisjamaiscruunesecondequ’ilaitvécuunévénementaussiterrible.

Meslarmescoulentpourlui.Poursaperte.Maiségalementdeculpabilité.Celledel’avoirmaljugé.Toutdevientclairmaintenant.S’ilm’arejetéehiersoirc’estparcequ’iltraînecettesouffrancedepuistoutescesannées.

Ens’ouvrantàmoi,ils’estmisànu.C’estvraimentétrangedevoircethomme,quid’habitudeestsidésinvolte,devenirvulnérableenunefractiondeseconde.J’aifaceàmoiunpetitgarçontristeetperdu.Plusjel’observe,plusmoncœurseresserre.Sonvisageestabaissé.Ilpassesesmainssursesyeuxpouressuyerseslarmes.J’aimeraisleprendredansmesbrasettrouverlesmotsjustespourleréconforter,maisrienneseraadéquatdanscecasprécis.Jemesensimpuissanteetfurieuse.Alorsjenedisrien.J’attendspatiemmentetmecontentedeluitenirlamainpourluifairecomprendrequejesuisprésente.Iln’estplusseul.Jeluiserrelamainunpeuplusfortenespérantluitransmettrelepeudecouragequ’ilmereste.

Illèveenfinsesyeuxrougisversmoi.Jeparviensàydécrypterchaqueémotion.Ilmelaissepénétrerdanssonâmeenlaissantlaportedesessentimentsgrandeouverte.Unfrissonmeparcourt.Nousrestonslà,ànousobserverlorsd’uneconversationsilencieuse.L’émotionestpalpableetletempssemblesuspendu.Mêmelesondelacirculationdupontadisparu.Iln’yaquenous.Nousnouscomprenonsenfin.

Cequ’ilvientdefairen’estsansdoutepaslachoselaplusfacile.Etjesaisdequoijeparle.Maisc’estaussilaplusbellepreuvedeconfiancequequelqu’unpuissem’offrir.Lefaitqu’ilmeconfiecelalerendégalementplushumain.J’aihontedemeledire,maisd’unecertainefaçon,çamerassure.L’imageduconnardarrogantquej’avaisdeluiadisparu.Jesais,maintenantqu’ilessaiedesurvivreàcetteépreuve.Nousnesommesfinalementpassidifférents.

—Àpartmesproches,tueslapremièrepersonneàquijeracontetoutça,medit-ilenreniflant.Jevoulaisquetucomprennesquejesuisdésolé,Hailey.Monbutn’étaitpasdet’humiliernidetefairedumal.Cequej’airessentiaumomentoùmeslèvresonttouchélestiennesm’afaitflipper.Jen’aipaséprouvéçadepuisEmily.Cesoir...j’aifaitunbondecinqansenarrière.Jem’enveuxdet’avoirfaitça,situsavais!

Jesuistouchéedelaconfiancequ’ilm’accorde.Jelecroisquandilditqu’ils’excuse.Sesyeuxne

mententpas.

Jeluipresseencoreunefoissamainchaudeenhochantlatête.

—Jecomprendsmieuxtaréactionmaintenant.Etjenepeuxpast’envouloird’avoireupeur,luidis-jedoucement.Cequetuasvécuest…vraimentterrible.C’estdemafaute,jenesaispascequim’apris.Jemesuislaisséemporterpar…

—Hailey,mecoupe-t-il.Ilsepassequelquechoseentrenous,onnepeutpaslenier.Jeressenscettealchimie.Etc’estlecasaussipourtoi.Seulement...jenesuispasprêtàvivreunehistoire.Sinousfranchissonscecap,j’auraisl’impressiondelatrahiret…jenepensepasyarriver.Turisqueraisdesouffrirtôtoutardparmafaute.

Jenesaisvraimentpasquoidire.IladumalàfairesondeuildesonhistoireavecEmily.Iladumal,carilneveutpasacceptersamort.Jepeuxlecomprendre.C’estévidentqu’ilsepasseuntrucentrenousquejenesauraisexpliquer,maisaurais-jeeul’envied’entamerunerelationaveclui?Jesuisaussibriséequelui.Unehistoiren’auraitpaspufonctionner.Ethonnêtement,jenesuispasprêtenonplus.Jeluisourislégèrement.

—Oublionscequis’estpassé,d’accord?Disonsseulementquec’estlafauteàl’euphoriedelasoirée.Jeteproposequel’onsoitjusteamis,avecpourseulerègle:Nejamaistomberamoureuxl’undel’autreetdenejamaissuccomberànotreattirance.OK?

Jeluiproposeenluitendantlamaincommepourscellerunpacte.Biensûr,jenepourraisjamaisoublierlessensationsquecebaiserm’aprocurées.Jedevraisseulementrangerçaloindansmonesprit.Jemerendscomptequejemesuisattachéeàluietlavéritéestquej’aimevoyagerensacompagnie.Mais,leseulmoyendecontinuercecheminensembleestderesteramissansymêlerlessentiments.Detoutefaçon,celan’ajamaisétémonobjectif.

Ilm’observeétrangementpuisunlégersourireétireseslèvres,balayantprogressivementsatristesse.Ilacquiesceetposesamaindanslamienne.Chaquecontactavecluiprovoqueunedéchargeélectrique,maisjedoisdésormaisapprendreàoccultercessensations.

—Amissanssentiment.C’estd’accord,medit-il.Tucontinueslevoyageavecmoialors?

Jehochelatête.Ilsouritfranchement.

—Ouietdetoutemanière,jen’aipastellementlechoix,luifais-jeremarquerenluimontrantmacheville.

Iléclatederire.Jeleregardeavecinterrogationparcequejenevoisvraimentpascequ’ilyadedrôle.Voyantmonincompréhension,ils’explique:

—Jerepenseàtachute.Tuasvraimentfaitfort,là!Onauraitcruquetucomptaisfaireunmarathonentalonsaiguille.

Jeréprimedifficilementmonsourire.

—Épargne-moitesmoqueries,luidis-jefaisantmined’êtrevexée.

C’estplusfortquemoi,dèslemomentoùjevoissesyeuxrieurs,jenepeuxretenirmonéclatderire.Enyrepensant,lasituationétaitvraimenthilarante.Unmouvementréveillemadouleuretjemecalmeaussitôt.J’arrêtedoucementderireetreprendsd’unairsérieux:

—Jesuisdésoléepourcequit’estarrivé.D’unecertainefaçon,jetecomprends.Jen’aipassubilaperted’unproche,mais,j’aipasmaldecasserolesdemonpasséquiontpourrimavieetquilagâchentencoreaujourd’hui.Alorstusais…Jenesuispaslamieuxplacéepourjugertapeurd’avanceroumêmedet’engagersentimentalement.

Ilpenchesatêtesurlecôté.Unvoiled’affectionapparaîtsursonvisage.Mamainesttoujoursdanslasienne,ilmecaresseledessusavecsonpouce.Songesteaffectueuxmeprovoqueunfrissonagréable.Moncœurfrémitmalgrémoi.J’aimequ’ilmetouche.Jedevraisluidired’arrêterdefaireça,maisj’ensuisincapable.

—Noussommesamismaintenant.Situveuxm’enparler,jesuislà.

Jehausselesépaulesetretiredoucementmamainavecunsoudainbesoindemettredeladistanceentrenous.

—Jenemesenspasprêteàtoutdévoilermaintenant.Peut-êtreunjour…

Ilhochelatêteaveccompréhension.Jebâillelonguementetregardeautourdemoi.Lesoleilcommenceàselever.Lescouleurssontmagnifiquesetlavueenvautledétour.Jemesenscommeuneprivilégiéed’êtreici.Labrumematinalefaitpresquedisparaîtrelepont.Ilressembledésormaisàuneœuvrecomposéedecouleursimprobablessortantdel’imaginaireduCréateur.Cetteatmosphèreuniquem’apaiseetmeprocureunesensationdeliberté.

—Onrentre?Tudoisêtreépuiséeettachevilledoitêtreaurepos.

—Tuasraison,jesuisexténuée,maisjenesaispasoùdormir.Aprèscequis’estpasséavecMadison,jenedoissûrementplusêtrelabienvenuedanssachambreetjenetienssûrementpasàlacroiserégalement.

—Raconte-moicequis’estpasséexactement,medemande-t-ilenfronçantlessourcils.

Jesoupireenmeremémorantlaviolencedesagifleetdesesparoles.Enyrepensant,c’estunescènecomplètementabsurde.Jesuisuneadultemaintenant,j’auraisdûmedéfendre.Maislascèned’hiersoirm’afaitredevenir,letempsd’uninstant,l’adopauméequej’étaisauparavant.

—Ellenousavusnous…nousembrasser.Çaneluiapasplu.Sajalousiel’aaveuglée.Jenesaispas,elleadéveloppéunesortedefascinationpourtoi.Elles’estefforcéed’êtresympaavecmoisimplementpourserapprocherdetoi.

Ilsemblecontrariéparmesparoles.

—J’avaispourtantétéclairavecelle.

Ilsecouelatêteenpoussantunpetitgrognement.

—Jen’auraisjamaisdûaccepterdelessuivre.C’étaitunemauvaiseidée.Excuse-moi,Hailey.

Jehausselesépaules.

—Net’enveuxpas.Ensoi,cen’étaitpasunemauvaiseidée.Çaauraitpuêtremêmetrèssympa.Etpuis,ellenem’impressionnepas.

Levoyageauraitpuêtregaisilajalousienes’yétaitpasmêlée.J’aidiscutéavecStevenetAustin,cesontdeuxgarçonstrèssympathiques.MêmesiStevenestundragueurinvétéré,pasunefoisilnem’amanquéderespect.EtpourMadison,mêmesij’aiétédécontenancéeparsaréaction,sonniveauméchancetén’estrienencomparaisonaveccequej’aivécuavant.

Ilsecouelatêteetsepasselamainsursonvisage.

—Maisquelidiotjesuis!Jen’auraisjamaisdûl’embrasser.Tuvois,onn’estmêmepasensembleetjetecréerdéjàdesennuis.Jevaisarrangerça,net’enfaispas.

J’étouffeunrire,sonairennuyéestassezamusant.

—Cen’estpassigrave,lerassuré-jeensouriant.

—Cesoir,tudormirasdansmachambre,m’annonce-t-il.

Monsourires’efface.

—Quoi?Maisnon!Je…

—Net’inquiètepas,jetelaisseraiseule,m’interrompt-il.Jetrouveraiunesolutionpourmoi.Lemotelestcomplet,maisjevaism’arranger,quitteàdormirdansmabagnole.

Jesoupiredesoulagementmêmesiunepartdemoiauraitvouluqu’ilresteavecmoi.Lesentirprèsdemoi.Entendresarespirationlorsqu’ildort.Mais,jen’aipaslaforcedecontester.Lafatiguearaisondemoi.Jemarmonneunsimplemercietm’apprêteàmeleveràmontourmaisilinterromptmongestepourmeprendredanssesbras.

—Tun’esvraimentpasobligé,tusais.Tunevastoutdemêmepasmeporteràlongueurdetemps.

Ilmesoulève.Nosvisagessontàlamêmehauteur.Jepeuxsentirsonsoufflesurmonvisage.Mesyeuxnepeuventpass’empêcherdesefermer.J’enprofitepoursavourersonodeurmentholée.J’agrippeinstinctivementsanuquepourmetenir.J’ouvrelesyeuxetconstatequ’ilafficheunsourireétrange.LeMatthewd’avantcetteconfidenceestrevenu.Commesilaconversationquel’onaeuen’avaitjamaisexisté.Sonsourirearrogantleprouve.Pourunefois,çamesoulagedelevoirderetoursursonvisage.

—Çamefaitplaisir.C’estenpartiedemafaute.Sijenet’avaispassuiviedansceparking,tun’auraisjamaisprécipitétadémarcheettuneseraisjamaistombée.

Vusouscetangle…

—Cen’estpasfaux.Donc…tuescondamnéàmeporterjusqu’àcequejeguérisse.Pauvredetoi!

luidis-jeironiquement.

Ilricaneetmedéposedélicatementsurlesiègepassager.

ArrivésauMotel,nouspassonsdevantlaportedeMadison.Monestomacsenoue.Jerestequandmêmeconvaincuequesoussesairsd’allumeusesecacheunefillebien.Maiselleestunepreuvequidémontrequejenepourraiplusfaireconfianceauxautres.Oualorstrèsdifficilement.J’ail’impressiondemevoirilyquelquesannéesenarrière.Commeelle,j’aimaislafête.J’aimaisflirter,boirejusqu’àenêtremaladelelendemainetpossédertoutcequejedésirais.Maiscetteancienneviededébauchem’acausébeaucoupdetort.Cequisembleenapparenceunelibertén’estenréalitéqu’ungrosmensongequipeutdétruireuneâmeàjamais…

Bercéeparlerythmedesespas,jesomnoledanssesbras.Cemélangedeparfummusquéetdeluim’apaiseimmédiatement,commetoujours.Ilmedéposesurlelitavecprécautionetmesurélèvelacheville.Ilestvraimentattentionné.Jerepenseàsatristehistoire.IlauraitfaitunmariparfaitpourEmily.

Ils’assoitàmescôtésetenlèvedélicatementmonstrapping.Jegrimaceaumoindremouvement.Ilsaisitlacrème,endéposesurlapaumedesamain.Machevilledanssamain,ilcommenceàmemasserlentement.Jefermelesyeuxetgémisdesatisfaction.C’esttellementagréablequej’oublieladouleur.Jepourraislasupporteraussilongtempsquesesmainssontposéessurmoi.

Sansmêmel’entendrepartir,jem’endorsprofondément.Mesrêvessontpeuplésderosesépineusesetd’amour.

***

Lelendemainmatin,j’entendsfrapperàlaporte.Mesyeuxpeinentàs’ouvrir.Jesuisallongéesurleventre.Lescheveuxenvracetdelabaveséchéesurmajoue.Pastrèssexy!Unechancequejesoisseule.Jemeredresse.Matêtetourneetmedonnel’impressiond’avoiruneénormegueuledeboisalorsquej’aiàpeinebu.Çafrappeunenouvellefois.

—Uneminute!crié-jed’unevoixrauque.

Jemeraclelagorgeetbaisselesyeuxsurmesvêtementsfroissésdelaveille.Jemedemandebiencommentj’aipuréussiràdormirsiprofondémentalorsquejedétestesentirlescouchesdetissusurmapeau.

Jesorsdulit,manquantdetrébucher,etgrimacededouleurquandmachevilletouchelesol.Ouch!J’avaiscomplètementoublié.Jesautillesurunpiedjusqu’àlaporte.Jel’ouvreettombefaceàMadison.Jemeraidism’attendantàundeuxièmeround,surtoutquandjevoissesyeuxs’ouvrird’unesurpriseamère.

—Qu’est-cequetufaislà?mequestionne-t-ellesèchement.

—Commetupeuxleconstater,jedormais,luiréponds-jesurlemêmeton.

—Alorsçayest,tuasréussitoncoup?melance-t-elled’unevoixacide.

Jefroncelessourcilsmesentantagresséparletonqu’elleemploie.Cettefois-ci,ilesthorsdequestionquejelalaissemeparlerdecettefaçon.Jesenschaquemuscledemoncorpssetendresousl’effetdelacolèreetmoncœurbatàtoutrompre.

—Queleschosessoientbienclairesavectoi!Premièrement,Matthewn’ajamaisvouludetoi…Jamais!Tupiges?Etdedeux,jen’aiaucuncompteàterendre!

Unrictushaineuxorneseslèvresetsansavoirletempsdecomprendrequoiquecesoit,ellebonditsurmoicommeunepanthèreenragée.Jetombeàlarenverse,criantdedouleurlorsquemachevillecognecontrelesol.Jemedébatsdumieuxquemelepermetmaposition.Jecriequandelleagrippemescheveux.Jenelalaisseraiplusmetoucher.Demamainlibre,j’enprofitepourlagiflerleplusfortementpossible.Sonnéeparlaviolencedemongeste,ellesereculelégèrementmaisrevientrapidementàlacharge.Nousnousbattonscommedeschiffonnièresmalgrémapositiondefaiblessepuisqu’elleestplacéejusteau-dessusdemoi.

—Espècedesalope!C’estdetafautes’ilnem’apasoffertmachance!

—Tun’esvraimentqu’unemalade,luirétorqué-jetoutenlarepoussant.Vatefairesoigner,pauvrefille!

Ellepousseuncriderageassezflippant.Jen’aijamaisvuunepersonnesemettredansunétatpareilpourunhomme.Ellelèvesonpoing,prêtàm’asséneruncoup.Parréflexe,jefermelesyeux,mepréparantàrecevoirsonpoingsurmonvisage.Maisriennevient.Soncorpssedécolledumien.J’ouvrelesyeux.Matthewestlà.Illasoulèveetl’amènehorsdelachambre.Madisonsedébatetpoussedescris.

Jeresteplusieursminutesausol,encoresouslechocdelaviolencequ’elleaeueàmonégard.J’essaiedetrouveruneexplicationlogiqueàcequivientdeseproduire,maisjen’entrouvepasd’assezconvaincante.

Jemetraînepourm’appuyercontrelelit.

Matthewn’esttoujourspasrevenu.Jefixel’extérieurparlaportegrandeouverte.Jen’aipasenviedepleurer,maislesimagesdemonancienneviereviennentenboucledansmatêtecommedesflashs.Jesuispétrifiée.

—Hailey,est-cequetoutvabien?meditlavoixdeMatthewquimeramèneàlaréalitéquin’estpasmieuxquemessouvenirs.

Jelèvelesyeuxsurluiethochelatête.

—Désoléd’avoirpristoutcetemps.J’aidiscutéavecSteven,ilm’aavouéqueMadisonétaitbipolaire.Ellesuituntraitementsaufqueçafaitdessemainesqu’ellerefusedeprendresesmédicaments.Jesais,çan’excuseenriensoncomportement,maisçal’expliqueenpartie.Nousnelesreverronsplus,ilsrepartentdemain.

Jehochelatête,soulagéequecetépisodesoitterminé.Ils’assiedàcôtédemoi.

—Jesuisdésolédet’avoirembarquéedansceshistoires.J’étaisvraimentloindemedouterqu’unefolleallaitt’attaquerparjalousie.

—Tunepouvaispassavoir.

Jetentedemereleverenm’appuyantsurlelit.Ils’empressedevenirm’aider,maisjel’enempêched’unsignedelamain.Jemedébrouilleseuleetmerallongesurlelit.

—Nousrépartironsd’iciquelquesjours,letempsquetachevilleseremette.

—Nooon,jeveuxpartirdemain,contesté-je.

J’aiconscienced’agircommeunegaminecapricieuse,maisjeveuxpartirdecettevillerapidement.

—Soisraisonnable,Hailey,situnereposespastacheville,ellerisquedenejamaisguérir.

Iln’apastort.Meschevillessonttrèsimportantespourmoiparrapportàmapassion.Etsijeneguérispas,l’espoird’unavenirneserapaspossible.Jecommenceàpeineàreprendregoûtàlavie,àrouvrirlesdossiersdemesanciensprojets,ceneseraitpaslemomentdetoutgâcher.

—Jen’aipasd’autrechoixn’est-cepas?

Ilritetmerépondparlanégative.Jesoupireetmemetsenpositionpourdormir.J’attendsqu’ils’enaillepourmemettreàl’aise.Jememetsàbâillerlonguement.

—Jevaistelaisserdormir.Jepasseraitevoirdemain.D’accord?

J’opineduchef.

—Tudorsoù?luidemandé-je.

—J’airéussiàtrouverunechambre.

Ilmesouhaitebonnenuitetquitterapidementlachambre.Jenesuispassûrequ’ilm’aitditlavérité,maisjenepeuxpasluiproposerdepasserlanuitici.Celanuiraitforcémentànotredeal.

Lesdouleursdemoncorpsmelancent.Jepleureetfinisparm’endormirdifficilement.

Chapitre13

Hailey

Toutecettesemaine,Matthewm’atenucompagnie.NousavonsregardéquelquesvieuxfilmsdesériesBetdiscutécommedeuxbonsamis.Depuissaconfidence,notrerelationaévoluédanslebonsens.Nousnouscontentonsd’unesimpleamitiésansprisedetêteetsansambiguïté.Ilatenuàmelaissersachambretoutelasemaine.D’aprèsluij’avaisbesoindecalmeetderepos.Devantmoninsistance,ilafiniparcapituleretm’aavouéhierqu’ilavaitdormidanssavoiture.J’aiétécontrariéeparsonmensongeetenmêmetempsj’aitrouvéçamignondesapart.Personnen’avaitfaitçapourmoiauparavant

J’avaisl’interdictionformelledesortir.Ils’amusaitàmefaireronchonner.Jemesentaiscommeunelionneencage.Jelemaudissaisintérieurement,maisfinalementjeluiensuistrèsreconnaissante.Grâceàsesprécieuxconseilsetsesnombreuxmassagestrèsagréables,machevillevamieux.Ilabieninsistésurlefaitqu’ilvalaitmieuxquejemesacrifieunebonnesemaineafindenepasempirermonétat,cequiauraiteucommeconséquencederetardernotredépart.Jenepourrai,biensûr,pasfairedemarathon,maisjepeuxenfinmarchersansaide.

—Alorsquiavaitraison?m’a-t-ildit.

Parfierté,jeneluiaipasavouécequ’ilvoulaitentendre,mêmesidanssonregardjevoyaistrèsbienqu’illisaitenmoicommeunlivreouvert.Cepetitjeutaquinentrenousn’étaitpasdésagréable.

Pourchoisirlaprochainedestination,nousn’avonspaseuàbataillerbienlongtemps.Lorsqu’ilaproposédepartiràLasVegas,ilaétéfierdesapropositionquandilavumesyeuxs’illuminercommeunsapindeNoël.J’aicriédejoieenmeretenantdeluisauterdessus.Celan’auraitpasétéapproprié.DisonsqueVegasatoujoursétéunendroitoùj’aivoulualler.Nouspensonsyséjournerplusieursjours,alorsnousauronstoutletempspourfairedutourisme.Ilm’aexpliquéqu’ildevaits’acheterunenouvellevoiturelà-basétantdonnéqu’ildoitremettrerapidementcellederemplacement.

Aujourd’hui,c’estledépart.Nosaffairessontdéjàboucléesetrangéesdanslecoffre.Dansunautrecontexte,jemeseraisréjouied’avoirmislespiedsàSanFrancisco,maislesouveniramerdelasemainepasséem’enempêche.Plusvitenousauronsquittélaville,mieuxcesera.

Jem’installedanslavoiture,lecœurlourdenrepensantàl’accrochageavecMadison.Dansunsens,jen’arrivepasàluienvouloir.C’estunesortededéfaut,jepense.J’aitoujourstrouvédesexcuses,mêmeauxpirespersonnesquisoient.Samaladiejouesurseshumeurs,ellen’ypeutrien.J’espèreseulementqu’unjourelletrouverasavoie.C’estuncombledemapartdepenserçapuisquejen’aitoujourspastrouvélamienne.Maiscevoyagem’ouvreuneporteversl’espoir,jeverraisbiencequel’avenirmeréserve.Unpasaprèsl’autre.

Matthews’assiedàmescôtésetdémarrelavoiture.

—Eh…çavaaller?s’enquiert-il.

Jehochelatête.

—Trèsbien,luidis-jeenayantl’airlaplusconvaincantepossible.

—Vegasvanousremonterlemoral,medit-ilavecungrandsourire.

Jeluisourisàmontour.

—C’estparti!s’exclame-t-ilenquittantleparking.

Jemeretourneunedernièrefois,regardantcedouloureuxsouvenirs’effaceràmesurequelavoitures’éloigne.Jesuisconvaincuequecertainespersonnessontmisessurnotrecheminspécialementpournouséclairerlavoieàsuivre.JemesuisrenducompteenobservantMadisonquej’aichangé.Celam’apermisdeprendreunpeudereculsurmoi,surmavie.J’ail’impressiond’avoirgrandietmûri.Etc’estunsoulagement.

Ilyadeuxsemainesdecela,jen’étaisplusrien,aupointdevouloirmettreuntermeàmaviedevenueinsoutenable.Aujourd’hui,jeveuxêtreheureuse.Jeveuxvivre.C’estincroyablecequenousréserveparfoislavie.JesuisdéjààlamoitiédumoispromisàMatthew.Quevais-jefaireaprès?Jenesaistoujourspas.Unechoseestsûre,c’estquejedécidedetournerledosàtoutcequimenuit.NepasretourneràSeattleestdéjàlapremièreétape.Maisquelquechoseenmoisebrisequandjepenseàlafindecevoyage.L’idéedeneplusrevoirMatthewm’estjusteinsupportable.Ilestdevenucommeunesortedebouéedesauvetagepourmoi,s’iln’estpluslà,j’aipeurdenepasarriverànagercorrectement.

Jechasseleplusloinpossiblelespenséesquimerendenttristeetchoisisdeprofiterdechaquesecondequipasse.Cessecondesquimerendentunpeuplusforteàmesureoùelless’écoulent.

—Alorsqu’aimerais-tufaireunefoislà-bas?medemandeMatthewenmesortantdemabulle.

Jehausselesépaules.

Jen’aipasd’argentdonclejeuestexclu.LescentdollarsqueMatthewm’avaitgagnéontpresqueétéintégralementdépensépourl’achatdesindispensables.Maislefaitdepouvoirmebaladerdanscettevilleestdéjàénormepourmoi.

—Aucuneidéeettoi?dis-jeenprenantunebouteilled’eau.

Jedévisselebouchonetlaporteàmabouche.

Ilmeregarde,arborantunsourireaudacieux.

—C’estVegas,bébé,quiditVegas…ditcasino,non?ricane-t-il

Enl’entendantm’appelerbébé,jerecrachedevantmoitoutel’eauquejevenaisd’avaler.

—Tuvienssérieusementdem’appelerBébé?

Ilsecouesatêteettentedemasquersagêneparunpetitsourire.Ilseraclelagorgeetdit:

—Euh…Ouaisdésolé,çam’aéchappé.

Non!Nesoispasdésolé,ai-jeenviedeluidire.Safaçondem’appelerbébédemanièresinaturellem’ébranlecomplètement.Jeréprimeunsourireetreportemonattentionsurletableaudeborddégoulinantd’eau.J’éclatederire.

—Désolée…

—Cen’estquedel’eau.

J’attrapeunmouchoiretentreprendsd’essuyermesdégâts.

—Donc,tuesunadeptedemachinesàsous?

Jechangerapidementdediscussionafindedétendrecetteatmosphèreembarrassante.

—Non,ceseraitplutôtlepoker.Situveuxtoutsavoir,jesuismêmetrèsdoué.

Jehausseunsourcil.Impressionnant.

—Lepoker,vraiment?J’aimeraisbienvoirça.

Unriremoqueurnedemandequ’àsortirdemagorge,maisjeleravale.J’aihâtededécouvrirsatêtequandilsauraquejesuisuneprodupoker.Jusqu’àprésent,raressontceuxquiontgagnécontremoi.Bienévidemment,audébutj’étaishypernulle,maisgrâceauxconseilsdesmeilleurs,jemesuisperfectionnée.Jesuistoutdemêmedéroutéepartouscesnombreuxpointsquenousavonsencommun.

—Tuverras,tuserasépatéeparmescompétences,medit-ilengonflantsapoitrinedefierté.

Jemepincefortementmeslèvrespournepasmefairegriller.Jetiensàgarderlemystèrelepluslongtempspossible.

—Jen’endoutepas.Moi,jen’yconnaisrienàcesjeuxdecartes,mens-je.

—Jet’apprendraissituveux?Évidemment,iltefaudrasansdouteplusieursmoisdepratiquepourarriveràjouercommeunepro,maisavecmoicommeprofesseur,tuyarriveras.

—Certainement,ironisé-je

Nouscontinuonsderouler.Pendantlesneufsheurestrentedetrajetpourarriveràdestination,jepassemontempsàdormiretchanter.Çalefaisaitmarrerlorsquej’effectuaisdetrèsmauvaisesimitationsdeschanteurs.Nousnoussommesarrêtésseulementdeuxfoispourmanger.Sacompagnieesttrèsagréableetilesttrèsfacileàvivre.

Enmilieudesoirée,perduequelquespartdansmesrêvesoùMatthewestprésent,jesensquel’onme

secoue.

—Hailey,réveille-toi!

Jemeredresseetm’étireenpoussantunlonggémissement.

—Oùsommes-nous?luidemandé-jeencoreensommeillé.

—Noussommespresquearrivés.NousallonstraverserledésertduNevada.Jevaisprendrelefameuxraccourciquenousavaitconseilléletypedeladernièrestation-service,m’explique-t-ilavecunepointed’excitationdanslavoix.

Toutàl’heure,ilademandéconseilàunmonsieur.Etcedernierluiaindiquédeprendreunepetiteroutepastrèsconnuedestouristes.Apparemment,cechemindevraitnousamenerdanslecentredeVegasunebonnedemi-heureplustôt.Maisdepuisquenoussommesrepartisdecettestation,unmauvaispressentimentnemequittepas.Etlà,cesentiments’amplifie.

Unedemi-heureplustard,noussommesenpleindésertsombre.Unbruitaigunousfaitsursauter.Lavoitureralentitpeuàpeu.

—Nonnonnon!Merde!s’écritMatthew

Qu’est-cequejedisaisdéjà?Quej’avaisunmauvaispressentiment?Ehbienvoilà!Saréactionnemeditrienquivailleetmonventresenoue.

—Qu’est-cequisepasse?

—Cequisepasse?Jen’aiplusd’essence,voilàcequisepasse!dit-ilenmedésignantlajaugeetsegarantsurlecôtédelaroute.J’avaispourtantrefaitlepleintoutàl’heure.

Ilsortdelavoitureenclaquantlaporte.Jemetournesurmonsiègeetl’observe.Ilregardeversl’arrièreetsepasselesmainsdanssescheveuxenlestirant.

—Merde!fulmine-t-ilendonnantuncoupdepiedsurlavoiture.

Jedescendsàmontourpourconstaterlaraisonquiexpliqueraitsonemportement.Vusatête,çadoitêtregrave.

—Leréservoirestpercé!Cequiexpliquepourquoijen’aiplusd’essence.

Mesyeuxs’écarquillentetlà,plusieursscénarioss’enchaînentdansmoncerveau.Onpourraitdiredemoiquejesuisunedramaqueen.J’assume!Noussommesdehorsenpleindésert,quiplusestlanuit.Desbêtessauvagesrôdenttoutautourdenous.OhmonDieu!Lapaniquemesubmerge.J’aivudenombreuxfilmsavecscénariocatastrophequisedéroulaitdansledésertduNevada.Ettouslespersonnagesdufilmquiétaientcoincésicin’enressortaientjamaisvivants.Jemefrottelebrasetregardetoutautourdemoi,pastrèsrassurée.Ilretourneàlavoiturepourprendresontéléphone.

—Évidemment,iln’yapasderéseau!Quelleidéed’avoirécoutécemec!Maintenant,onseretrouveaubeaumilieud’uneroutepeufréquentée.Lapoisse!dit-ilensetournantversmoi.Jesuisdésolée,

Hailey.

Depuistoutepetite,jememetsàrirelorsquejesuisnerveuse.C’estunaspectdemapersonnalitéquiagaceénormémentlesautres.Etlàmaintenant?Lanervositémegagnepuissancemilledoncforcémentj’éclatederire.Carilfautledire!Onavraimentlapoissedepuisledébutdenotreparcoursensemble.Jemedemanded’ailleurssijen’enseraispasàl’origine.Ilseretientderire,maispaspourlongtempspuisqu’ilmerejointàsontour.Nousavonsvraimentl’airdedeuxd’idiots,coincésicienpleindésertentrainderirecommedesfous.Unefoislacrised’hilaritéfinie,nousnouscalmonsetreprenonsnotresérieux.

—Qu’allons-nousfairemaintenant?

—Tuasdéjàdormiàlabelleétoile?medemande-t-il

—Euh…Dansunetente,maispasàl’airlibre...

—Unepremièrepourtoialors.

Ilouvresoncoffreetensortunepetitecouvertureainsiqu’unsacdeprovisionsachetéunpeuplustôt.Ilcommencepardéplierlacouverturepourlaposeràterre.Jerestedebout.Ilesthorsdequestionquejedormeenpleinenature.Iln’ajamaisentenduparlerdepersonnesmortesdansledésert,dévoréespardesanimaux?

Ilm’observeetsoupire.

—OK!J’aicompris,onvadanslavoiture…

Ilreprendlesaffairesetlesdéposesurlabanquettearrière.Jeleremercieintérieurement.Jesuisfrileusealorslachaleurdelavoitureestbeaucoupplusaccueillantequelefroiddudésert.Nousnousinstallonsconfortablementetilmetendunsandwich.

—Sacrévoyage,n’est-cepas?medit-ilavecamusement

Jerisdoucement.

—C’estsûrquejenel’oublieraijamais.

—Etmoi?Tuvasm’oublier?

Jem’interromps,laboucheouvertedevantmonsandwich.Moncœurfaitunepaused’uneseconde.Cettequestionassezinattenduemeprendaudépourvu.Jeposemonsandwichsurmesgenouxetl’observeducoindel’œilpourdécelerlemoindresigned’amusementsursonvisage.Ilmefixe,l’airsérieux,etattenduneréponse.OK.Ilestsérieux.

—Biensûrquenon.Cen’estpasfaciled’oublierquelqu’uncommetoi.

Illèveunsourciletreprendsonairamusé.

—Quedois-jeendéduire,chèredemoiselle?

Jesourisetm’empourpreenmêmetemps,heureusementquelapénombreestlàpourcamouflermesrougeurs.

—Tueslapersonnelaplusexécrablequejeconnaisse…

Ilprendunairfaussementoffusqué.Jerisetreprends:

—Mais…j’aiapprisàteconnaîtreetsoustesairsdeMonsieurarrogant,tuesquelqu’und’hypersensible.Tuesgénialquoi!JecomprendspourquoiEmilyesttombéeamoureusedetoi.

Sonsourires’affaisse.Etlà,jemesenssupernulled’avoirbalancéçacommeça.Jen’auraispasdûluiparlerd’elle,maisd’unautrecôté,ildoitapprendreàfairesondeuil.Etlapremièreétapeestd’apprendreàparlerd’elletoutensupportantladouleur.

—Jesuisdésolée.Jen’auraispasdûdireça.

Ilafficheunsouriretriste.Illèvesamainversmajoueetlacaressedoucement.Jerefrènel’enviedemefrottercontresamaincommeleferaitunchat.

—Tun’aspasàl’être.Jedoisapprendreàparlerd’elle.Toiaussituesquelqu’undebienHailey.

—Jen’ensuispasaussisûrequetoi,luidis-jeenfrissonnant.

Jemefrottelesmainssurmesbraspourmeréchauffer.

—Tuasfroid…Viensparlà.

Ilsedéplacedefaçonàcequesondoscolleàlavitre.Ilm’inviteàvenirm’asseoirentresesjambes.J’hésiteuninstant,rienqu’uncourtinstantavantdem’installercontrelui.Sontorseréchauffeinstantanémentmondosfrigorifié.Ilrecouvrenosjambesaveclacouverture.Sesmainsfrottentvigoureusementmesbraspourmerevigorer.Cerapprochementmerendnerveuse,maisenmêmetempsc’estcomplètementhypnotisant.Moncerveaumehurledemettredeladistancetandisquemoncorpsréclametoutlecontraire.Jen’aiaucuneenviedem’écarterdelui.Jemesensbien.

Sonsoufflesurmanuquemefaitfrissonnerdeplusbelle,maiscen’estpasdefroidcettefois-ci.Matêteretombesursonépaule.Ilécarteunemèchedecheveuxetmemurmure:

—Tuveuxbienmeraconterlaraisonquit’aconduitsurcepont,cejour-là?

Savoixrauquequiretentitdansmondosparcourtmonéchine,provoquantdedélicieusesdécharges.Jesuisparfaitementdétendueetenclineaudialogue.Jemedemandetoutdemêmesiluiparlerdecequis’estpassémelibèreradetouscesdémonsquimerongent.Profitantdecesilence,jeréorganisemessouvenirs.Revivrecemomentestdifficilepourmoi,maisnécessaire.Jeprendsunegrandeinspirationetmelance:

—Àl’époquedelafac,j’étaisunefilleordinaire.Legenredefillediscrètedontpersonnenesesouciait.Çanem’ajamaisposédeproblèmesjusqu’aujouroùmameilleureamieLindseyaétéinvitéeàl’unedesplusgrandessoiréesorganiséesparl’unedesfraternités.Ellem’adoncdemandédel’accompagner.Àcetteépoque,j’étaisenguerreavecmamère.Ellememettaitlapressionetjen’enpouvaisplus.Cette

fêteétaitcedontj’avaisbesoinpourl’évacuer.L’autrejoursurlebalcon,jet’aibrièvementparléquej’avaiscrudécouvrircequ’étaitlavie.Cesfillespopulairessemblaienttellementheureuses,biendansleurpeauetau-dessousdetout.Ellesparaissaientinsouciantes.Jelesenviais.Jevoulaisêtrebelle,aiméeetdésirée.Cesoir-làaétécommeundéclic…

Jem’interrompsuninstant,ilmecaressedoucementlesbrasetdéposeseslèvressurlehautdelatêtesanslesdécoller.Jemesensassezàl’aisepourcontinuerderacontermonhistoire.

—Aprèsça,nousétionsinvitéestrèssouventetmanouvellepersonnaliténaissaitprogressivement.J’avaisenfincommencéàêtrecommecesfillesquel’oninvitaitetadulait.Lesgarçonss’intéressaientàmoi.Jemesentaisdésirable.Jenepensaispasavoirbesoind’autantd’attentionqueçajusqu’aumomentoùj’yaigoûté.Durantcettepériode,j’aienchaînélesflirts.Maisaucundecesgarçonsn’arrivaitàlachevilledeDean.Celafaisaitdesannéesquej’étaisamoureusedelui.Ilm’obsédait.Etmonchangementapermisqu’ilmeremarqueenfin.C’étaittoutcequejedésirais.

J’essuierapidementdureversdelamainlalarmequis’échappemonœil.

—Ilestvenum’adresserlaparoleetm’ainvitéàboireuncaféaveclui.Defilenaiguille,nousavonscommencéàsortirensemble.C’étaitinespéré.J’avaislepouvoir,lagloireetenfinDean.Pendanthuitmois,jecroyaisqu’ilétaitamoureuxdemoi.Jemesuisoffertecorpsetâmeàlui.Ensuite,plusletempspassaitetmoinsilétaitprésent.Avecsesnombreuxentraînementsdefootball,jemedisaisquec’étaitnormal.Jenemesuisrenducomptederien…

Letondemavoixdevientmurmure.Matthewseraiditderrièremoi.Meslarmesjaillissentsansquejenepuisselesretenir.Repenseràcettehumiliationouvreencorepluslablessuredansmoncœur.

—Tun’espasobligéedetoutmeraconter,sic’esttropdifficilepourtoi,medit-ildoucementaucreuxdemonoreille.

Jehochenégativementlatête.

—Non,jedoisenparler.Jeveuxréussiràavancer.

Jeprendslemouchoirqu’ilmetendetj’enprofitepourreprendremesesprits.

—Unsoir,onm’adenouveauinvitésansLindseycettefois-cipuisqu’àcemoment-là,elleavaitarrêtél’écoleunpeuplustôtquemoietétaitdéjàpartieenAustralie.Deanm’attendaitlà-bas.Jemesuisapprochédeluipourl’embrasser,iladétournélatête.Avantd’yaller,j’avaisunmauvaispressentimentquiaétéconfirmélorsqu’ilaétrangementsouriàCourtney.C’étaitsonex,unedesfilleslespluscoolducampus.Moninstinctmepoussaitàpartird’ici.Siseulementjel’avaisécouté.Endébutdesoirée,Courtneyavaitrassemblétoutlemondedanslesalon.PuisaallumélatéléetmisunDVD.Jen’aipastropcompriscequisepassaitaudébutaudébut.Toutlemondem’observait,semoquait.Quandjesuisentréedanscesalon,j’aivu…

J’éclateensanglots.

Ilcontinuedemecaressertrèslentementlesbras.C’esttropdur.Jerestesilencieuseunpetitmomentavantdereprendre:

—C’étaitunevidéodeDeanetmoienpleineaction.Jen’aijamaisétéaussihumiliéedemavie.J’aiapprisbienplustardquec’estDeanlui-mêmequim’afilméàmoninsu.Jemesuisenfuierapidementdelamaison.Cefutlanuitlaplushorribledemavie.Évidemment,ledésastren’afaitqu’empirer.Lelendemain,desphotostiréesdelavidéoontétéplacardéesdanslescouloirsdelafac.J’aireçudesinsultes,desmenaces.Quelquesfillesm’ontagressée,medisantquej’avaisvoléDeanàCourtney.JenecomprenaispaspourquoiDeannemedéfendaitpas.Jepensaisqu’ilm’aimait,quej’étaisimportantepourlui.Cequej’aipuêtreidiote!C’étaitseulementunevengeancedeCourtneyetDeanétaitdanslecoup!Ellen’apasappréciéquejeluivolelavedetteetbiensûrDeanauraittoutfaitpourelle.Quitteàmedétruire.

Matthewm’enveloppedesesbrasetm’enlacefort.Ilposesatêtesurlamienneetmeberce.

—Jesuisvraimentdésolé,tuneméritaispasça,medit-ilavectendresse.

—Onm’acolléuneétiquetted’allumeusequis’estétenduejusqu’àmonquartier.J’avaisréussiàlimiterlesdégâtspourquemesparentsnesoientpasaucourant.Çaafonctionnéunmoment,maisquelquetempsplustard,mamèreabiensûreuventdecettehistoireetnem’aadresséaucunsoutienàpartdesinsultes.Monpèrem’ignorait.Seloneux,jen’étaispasdigned’êtreleurfille.Ilsm’envoulaientdéjààcausedemadécisiond’arrêterlafacdoncçaaempiré.Toutecettehistoirenetarissaitpas.C’étaitdesinsulteschaquejour.C’estpourcelaquejen’aipaspucontinuermesétudes.Jepensaisqueças’améliorerait.Maisj’avaistort.Cen’étaitpasmieux.J’aiétéchasséeparmesparents,maispassansavoircontactéundeleuramipourunjob.Danslarue,lesvoisinsm’observaient,chuchotaient,certainsm’insultaientégalement.Lejouroùl’ons’estrencontrés,j’étaisdevenueunepestiférée.Lafillequ’ilfallaitéviteràtoutprix.Lejouroùtum’asvusurcepont.C’étaitparcequecestroislonguesannéesdepersécutionsm’avaientrongéjusqu’àl’os.Laveille,j’avaisreçudesinsultesparcequemescollèguespensaientquejecouchaisavecmonpatron.Puisquecedernierpensaitdemoiquej’étaisunefillefacile.Ilatentédem’agressersexuellement,maisjemesuisdéfendueetenfuie.Enl’espaced’unejournée,j’avaisperdumonboulot,mamaisonetlepeud’estimequemamèreavaitpourmoi.

—Pourquoin’as-tupasportéplainte?

Biensûrc’estlaquestionlogiqueetlaréponsedevraitl’êtreégalementauxyeuxdesautres,maisellenel’estpaspourmoi.

—Jesavaisquesijeportaisplainte,onnem’auraitpascrue.Toutlemondeétaitcontremoietcetteréputationquimecolleàlapeaum’auraitportépréjudice.Celaauraitétéunebataillesansfin.J’aihonte,situsavais!

J’oseunregardverslui.Sonvisagenetrahitaucuneexpression,aucunjugement.Maisjemedemande:àquoipense-t-il?A-t-iluneautrevisiondemoiàprésent?Jel’aipeut-êtredéçu.Etpourquoiest-cequeçamechagrineautantdesavoirquejepourraisledécevoir?Detoutefaçon,jeneseraispasétonnéepuisquejelesuisdemoi-même.Ilcontinuedemefixerd’unairgrave.L’airdevientpesant,étouffant.

—Tun’aspasàavoirhonte.Tusais,jecroisque…commence-t-ilavantdes’interrompre.

Moncœursecompresse.

—Jen’auraisjamaisdûteledire.Tunemevoisplusdelamêmefaçon,c’estévident,dis-jeenme

sentantlamentable.

—C’estexact,jenetevoisplusdelamêmefaçon.

Savoixestplusgraveetsonregardplusintense.Monestomacsenoue.C’estfini!Ilvamedemanderdequittersavie,d’écourtercevoyage.Jecommenceparm’écarterdelui,maisàmongrandétonnementilmeserreencoreplusfortcontrelui.Tellementfortcen’estplusmoncœurquiestcomprimé,maismoncorps.Desamain,ilmeforceàtournermonvisageverslui.Jegardelesyeuxbaissés,maisilmerelèvelatêted’undoigtsousmonmenton.Nouséchangeonsnossouffles.Jen’aiqu’àpencherlégèrementmonvisageversl’avantpourquenoslèvress’effleurent.Maisceneseraitpascorrectalorsjemecontentedel’observer.

—Mafaçondetevoirestdifférenteparcequemaintenant,jet’apprécieencoreplus.Jetevoiscommeunefemmeforteetpleinederessources.Raressontceuxquipeuventsupporterunetellepression.Beaucoupauraientmisfinàleurvie.

—Maisj’aivoulumettrefinàlamienne,contesté-je.

—Lefaitdet’avoir«enlevée»n’apasempêchélefaitquetuauraispuenfiniràtoutmoment.Tuenaseuplusieursfoisl’occasion,maistunel’aspasfait.Tuesbeaucouppluscourageusequetunelepensesetjerestepersuadéquetuaimeslavie.Nousfaisonstousdeserreurs.Maiscequetuassubiétaitmonstrueux.Cesontdesmonstres.Desêtresdénuésd’humanité.Siquelqu’undoitsesentircoupable,c’esteux.Pastoi.Tuesquelqu’undeformidableHailey,n’oubliejamaisça!

Samainpassederrièrematêteetilmel’appuiecontresapoitrine.J’entendssoncœurcognerfortcontresacagethoracique.Cetteétreintemerassureetmefaitdubien.Jemesenspluslégèredeluienavoirparlé.Sesmotsmefontdubienetapaisentunpeuladouleur.Cesontdesparolesquej’avaisbesoind’entendreetquel’onnem’ajamaisdites.Unpoidsesttombéetjemedispeut-êtrequ’aujourd’huij’arriveraisàprendredel’avant.Seull’avenirnousledira…

—Merci.

—Tudoisapprendreàavancerversl’aveniretàvivreaveccequetuassubiafind’enfaireuneforce.Jeserailàpourt’aider.Tun’esplusseule,Hailey.Jesuislàmaintenant.

Sesparolesmeremuentleventreettournentenboucledansmatête.Jenesuisplusseuledésormaisetjelecrois.Jemeblottisencorepluscontreluietrespiresonodeurapaisantejusqu’àsombrerdansunsommeilprofond.

Chapitre14

Matthew

Haileys’estendormiedansmesbrastrèsrapidement.Jedoisavouerquedel’avoirtoutcontremoiestunmomenttrèsplaisant.Cettefilleesttoutsimplementstupéfiante.Jecomprendsmieuxpourquoielleétaitsurcepont.Enréalité,nousnesommespassidifférents.Nousnousbattonscontreuneblessuredupasséetnousessayonsd’avancer.

Seconfiermutuellementaétéungrandpas.Pourellecommepourmoi.C’estplutôtunebonnechose.Jen’avaisjamaisparlédemonhistoireàquiquecesoitetjesuispresquecertainquec’estégalementsoncas.

Jesourisenluicaressantlescheveux.Quelques-unesdesesmèchessontprochesdemonnez.Sonodeurestunmélangeexquisdefruitrougeetdevanille.Elleremueengémissantetseblottitencorepluscontremoi.C’estunesensationexaltantequimedonneenvied’enprofiterquelquesminutesavantdelaréveiller.

Lesoleils’estlevéilyaàpeineuneheure.Jen’aipasdormidelanuit,ilfautdirequemapositionn’estpasdesplusconfortables.Maisj’enaitiréprofitenlaregardantdormir.Elleesttellementmagnifiqueetparaîtsipaisibleendépitduchaosquirègneaufondd’elle.

Jerepenseàcequ’ellem’araconté.Bordel!Elleamorflécettefille.Seulecontretous.Etmoiengrosconquejesuis,jel’aiembrasséepourlarepousserensuite!Sij’avaissuçaplustôt,maraisonm’auraitcontraintdenepaslatoucher.Jevaistoutfairepourmerattraperetfaireensortequ’ellesesentebienavecmoi.Dumoinspendantcesdeuxprochainessemaines.Ilfautquel’onétablisseunerelationdeconfianceettoutirabien.

Lepeudetempsquinousresteensemblemecontrarie.Jemesuishabituéàsaprésence.Detoutefaçon,pourquoivoudrait-ellecontinuerdevoyageravecmoi,au-delàdel’échéance?Jen’airienàluiapporter.Niavenirniapaisement.Justedel’accablement.Jepensequ’ellevafinirparseposerquelquepartetrefairesavie.

Dansuneautrevie,çaauraitcertainementpucollerentrenous.Siseulement…

Jesoulèvesescheveuxquicouvrentsespaupières.Elleouvreunœil.

—Bonjour…medit-elled’unevoixendormie.

—Bonjour.

Elleserelève.

—Oh!Jesuisvraimentdésolée.Jenevoulaispasm’endormir.Çan’avraimentpasdûêtreconfortablepourtoidem’avoirsurtoitoutelanuit,medit-elleembarrassée.

—Net’enfaispaspourmoi,j’aipasséuneexcellentenuit.

Plusquetulecrois…

—Tantmieuxparcequej’aitrèsbiendormiégalement.Ilfautdirequetuestrèsconfortable,dit-elleenfaisantunemouetrèscharmante.

Ellepeignesescheveuxavecsesdoigtsetlesramèneenchignonhaut.Sonstylesauvageonneluivaplutôtbien.

—Personneauxalentours?medemande-t-elleenregardantàl’extérieur.

—Non,personne.Jecompteallervoirs’ilyadeshabitationsprèsd’ici.Onnevapasresterdanscettevoituretoutelajournée.Surtoutquelachaleurdel’après-midirisqued’êtreinsoutenable.

Elleacquiesce.

—OK,maisjet’accompagne.Jenetienspasàresterseuleici.

—Oh,jen’avaispasl’intentiondetelaisserseule.

Jeluisourisetsorsdelavoiture.Ah!Çafaitdubiendesedégourdirmesjambes,jecommençaisàavoirdescrampes.Jem’étireetluitendslamainpourl’aideràdescendre.

Jeregardel’horizonetmedisquenousallonsdevoirparcourirunbonboutdecheminavantdetrouversignedevie.Ilcommencevraimentàfairechaudetc’estseulementlematin.Haileyporteunpantalonenlinnoirmoinslargequesesvêtementsdudébutetunelonguetuniquejaunenouéederrièresanuque.Jebaissemonregardverssespieds.Certes,sessandalesmettentenvaleursesjolispetitspieds,maisellesnesontpasdutoutadaptéespourlamarche.

—Quoi?medemande-t-elleenplissantlesyeux.

—Jemedemandaissituarriveraisàmarcherjusque-làbas,teschaussuresnesontpasfaitespourlamarcheetavectacheville...

—Jenesuispasensucre.Çavaaller,net’enfaispaspourmoi.

Jem’enferaitoujourspourtoi…gardé-jepourmoi-même

Nousmarchonslelongdelaroutedepuisplusieursminutesquisemblentdureruneéternité.Jeluiproposedelaporterpoursoulagersacheville,maisellerefusemalgrésonépuisementévident.Fiertédebonnefemme!

Auboutd’unequarantainedeminutes,nousarrivonsenfinàunestation-service.C’estdésert.Seulsun4x4noirdeluxeainsiqu’unepetitevoiture,quin’aplusl’aird’êtreenétatdemarchedepuisdeslustres,sontgaréssurleminusculeparking.Haileys’installesurunbancàlapeintureverteécailléeetse

masselachevilleengrimaçant.

—Çavaaller?l’interrogé-jeenm’accroupissantàsescôtés.

Jescrutesachevilleàlarecherched’ungonflement,maisrienàsignaler.

—Oui,çava.Jedoisseulementmereposeruninstant.

Ellemefaitunlégersourire.Jelapréviensquejeparsdemanderdel’aideàl’intérieurdelaboutique.Elleacquiesceets’allongesurcebanc.Laconfiancemaintenantétablie,jesaisqu’ellenes’enfuiraplus.

Laboutiquesombrenem’inspireaucuneconviction.Ellenedoitsûrementpasrencontrerbeaucoupdeclients.L’airestlourdetpastrèssain.Seulementquelquespaquetsdebiscuitsainsiquedesbouteillesd’alcoolégayentlesétagèresàmoitiévides.Jemeraclelagorgeetinterpellelepompiste:

—Excusez-moi,avez-vousuntéléphone?

Ilmerépondd’unsimplesignenégatifdelatête.Jesoupireetpasselesmainsdansmescheveux.Putainquellepoisse!

Jeressorstoutenréfléchissantàunesolutiondesecours.Lafatigueprendledessussurmoietmeprovoqueunmaldecrâne.

EnrejoignantHailey,jelaremarqueenpleinediscussionavecuntype.Moninstinctprotecteurprendimmédiatementpossessionenmoi.Jem’avanceprèsd’eux,lespoingsserrés.

—Y’aunproblème?demandé-jesèchementenpassantmonregarddutypeàHailey.

—Jesuisdésolé,jenevoulaispasvousimportuner.J’aicrucomprendrequevousétiezenpanne,melance-t-ilsanssourciller.

—Ouep,c’estexactementça.Mavoitureesttombéeenrade.Problèmederéservoirpercé.

Ilhochelatêted’unaircompréhensif.

—Moi,c’estDavid,enchanté,seprésente-t-illesourirecharmeurendirectiond’Hailey.

Haileyluirépondd’unsouriretimide.

—Euh…Moic’estHaileyetluic’estmonamiMatthew,répond-elleenmedésignantdelamain.

Jefroncelessourcils.C’estquoicebordel?Elleluiparleavecunefacilitésidéconcertantealorsqu’elleamisplusieursjourspourmeparleravecunetellecourtoisie.LaHaileydudébutdecevoyagen’auraitjamaisoséparlersifacilementàuninconnu.Évidemment,jesuiscontentdelavoirs’ouvrirauxautres,maisjenepeuxpasm’empêcherdefulminermalgrémoi.Maisc’estquicecon?

Ils’approchedemoipourmetendresamain.Jelaserred’unepoigneferme.

—Enchanté,qu’est-cequivousamèneici?C’estunendroittrèspeufréquentéparlestouristes.

Jen’avaispasremarqué!Connard!Jeplaqueunsourirehypocriteetluiexpliquelasituation.

—NouscomptionsnousrendreàLasVegasavantquecettepoissenousarrive.

—Jedoism’yrendrecesoir.Sivouslesouhaitez,jepeuxvousappelerunedépanneuse?Enattendant,vousêtesmesinvités.Vousn’allezpasrestericijusqu’àcequ’ellearrive.

Jen’aipaslechoixqued’accepter.Hailey,quiparaîtencoretroublée,acquiesce.

—Ouibonneidée,merciDavid.

Ilpartendirectiondesavoitureetnousdemandedelesuivre.

MerciDavid…l’imité-jeenmimantsilencieusementunegrimace.Haileys’enaperçoitetmeregardeavecdesyeuxronds.Quandils’estéloignédenous,jem’approched’elle.

—Quoi?mechuchote-t-elle.

—Non,maistut’esvue!Ondiraitunepetitemidinette.Tuessoussoncharmeouquoi?luichuchoté-jeàmontour.

Ellemeregardel’airoffusqué.

—Turacontesn’importequoi!

Puissonsourires’élargit.

—Tuneseraispasunpeujaloux?medemande-t-elleavecamusement.

Moijaloux?BonOK,jedoisadmettrequevudel’extérieurcelapeutressembleràdelajalousie.Maisçan’arienàvoiraveccelapuisquenoussommesamisalors…

—Nonpasdutout.C’estjustequ’ilnem’inspirepasconfiance.

Ellehausselesépaulesetsedirigeverslavoiture.Haileys’assiedàl’arrièreetmoiàcôtéduconducteur.Jenesaispassinousavonsprislabonnedécision.Cegars,jelesensmal,maisjen’aipasvraimenteumonmotàdire.Nousfaisonsunbrefdemi-tourpourrécupérernosaffaires.PendantletrajetDavidmefaitlaconversationenmeposantdesquestionssurmavie,jeluirépondstoutenrestantvaguesurmesréponses.Hailey,quantàelle,estrestéesilencieuse.

Nouspénétronsdansunesortedegranddomaineàenvironunecinquantainedeminutesdelàoùnoussommestombésenpanne.OndiraituncondensédetouteslesmaisonsluxueusesdeVegasenunseuletmêmeendroit.Enmêmetemps,vusacaisse,çan’auraitpasdûmesurprendre.

Unelargegrilles’ouvreàmesureoùnousnousapprochonsd’elle.NoustraversonsuneGrandeAllée.Jejetteuncoupd’œilàHaileyquial’airaussiétonnéequemoisaufqu’ellenelecachepas.Ellemeregarde,labouchegrandeouverte.Uneimagequimedonneenvied’éclaterderire.

Commeunhôteparfait,Davidnousinviteàentrerchezlui.Etcommejem’yattendais,l’intérieurestaussiluxueuxquel’extérieur.

—C’estmagnifiqueDavid!dit-elleens’émerveillantsurlestableauxdestylerenaissance.

—Onpeutsetutoyernon?luidit-ilcommesij’étaisinvisible.

J’ail’impressiond’êtredetropdanscettepièceetcettesituationcommenceàm’agacer.Jemeraclelagorgeetilsseretournenttouslesdeuxversmoi.

—Vousvoulezboirequelquechose?nouspropose-t-il.

Nousluidemandonsquelquechosedebienfrais.Parlamêmeoccasion,jeluidemandeoùsetrouvelasalledebain.Ilmel’indiqueaufondducouloir.

Jemepassedel’eaufraîchesurlevisageetlorsquejevoismonrefletdanslemiroir,deuxyeuxvidesetsanséclatmefixent.Cepassém’empêched’avanceretmetueprogressivement.J’auraistoutdonnépourarriveràavancer,refairemavieavecunefilletellequ’Hailey,maisjen’arrivepasàsurmontercefoutudeuilquimerongecommeunpoison.Quelquechosemebloqueàl’intérieur.Unjour,jefiniraiparleregretter.J’ensuisconscient.Jemerendscomptequ’avecHailey,ilyabeaucoupplusquedel’amitié.Surtoutquandjelavoisdiscuteravecunautrehommedelamêmemanièrequ’ellelefaitavecmoi.Çamerendfou.Jenesuispaségoïstepourluidemanderd’attendrequejeguérissedecepasséalorsquejenesaismêmepassij’arriveraisàyparvenirunjour.

Jeretourneausalon.Lesonmélodieuxdurired’Haileyrésonnedansmesoreilles.Ilssontassistouslesdeuxsurlecanapé,riantcommedebonsamis.

—Tiens,Matthew!Justement,jeracontaisàDavidtouteslespoissesquenousavonsvécuesdepuisledébut,medit-elleunsourirejoyeuxsurleslèvres.

Luia-t-elletoutraconté?Voyantsansdoutemonairconfus,ellesecouediscrètementlatêtepourmefairecomprendrequ’ellen’aracontéqueleschosesfutiles.

—Unamiàmoitientunconcessionnairedevoiturescommelatienne.Situesintéressé,jepourraisluidemanderqu’iltefasseunprix,meproposeDavid

—Trèsgénéreuxdetapart,luidis-jeennedesserrantpaslesdents.

Ilnesemblepasserendrecomptedemontonsecpuisqu’ilseretourne,lesourireauxlèvres,versHailey.

—Nouspourrionsnousyrendredemainetsivousvoulez,vouspouvezpasserlanuitici.J’aicrucomprendrequevousétiezdesimplesamis.J’aideuxchambreslibres.

—C’estgentildetapart,maisjenepensepasque…

Haileym’interromptenmelançantunregardnoir.

—Çaseraitavecplaisir,merci,David,pourtagénérosité,luidit-elle

C’estdingue!Qu’est-cequiluiprend?OùestpasséemonHailey?

—Hailey,jepeuxteparleruneminute?luiintimé-je.

Ellehochelatête.Unefoisàmonniveau,j’agrippedoucementsonbrasetl’amèneunpeuplusloin.

—Qu’est-cequiteprend?Onneleconnaîtmêmepas.Tuseraisprêteàdormirchezuninconnu?murmuré-je

—Tun’étaispasuninconnuaumomentoùtum’asemmenéedeforcedanstavoiture?

—Cen’estpaspareil,rétorqué-je.Onnesaitriendelui.

—Jenesavaisriendetoinonplusavantdetesuivre,jetesignale.Etpuis,jet’aisuiviquandtuasbienvouluaccompagnerMadisonetsatroupe.

—Cen’estpasfaux.Maistuasvuoùçanousamenéscettehistoire?

Ellesoupire.

—Écoute,fais-moiconfiance,d’accord?Nousn’avonsplusdevoiture.Noussommesaumilieudenullepartetçaferaaussiuneéconomiepourl’hôtel,non?C’esttoutbénef!Tuasunemeilleureidée?

Jesecouelatêted’exaspération.L’argentn’estpasunproblèmepourmoi,siellesavait!Maisjen’aipasenviedelacontrarieretdemenerunebatailleperdued’avance.Cettefemmememèneàlabaguetteetn’estpasprêteàendécoudre.

—OKjecèdepourcettefois,maisseulementunenuit,OK?

Ellem’embrassesurlajoue.

—Tuessuper!

Elleretournes’asseoirsurlecanapéetmelaisseplantélàcommeuncon.J’aiuneboulequisecoincedanslagorge.Putain,çamefaitmaldelavoiraussienjouéepourunautrequemoi.Ilfautquejemeressaisisseetquejefassecommesitoutcelanemetouchaitpas,parcequeçaneledevraitpas.

***

L’après-midi,Davidnousafaitvisitercequejepourraisdésignerd’undomaine.Ilpossèdedetrèsgrandshectaresetégalementunepetitefermequ’ilvientàpeined’hériterdesongrand-père.Pourlemoment,iltravaillepouruncasinocélèbre.Rienqueça!Ilnousyad’ailleursconviéscesoir.UnefêteVIPestorganisée.Haileyadesétoilespleinlesyeux.Évidemment,cemecestgénialetsembleavoirtoutpourplaireàlagentféminine.Frimeur!

Noussommesactuellementdansuneétable.Haileyestassisesurunpetittabouretprèsd’unevachenoireetblanche.Elleécouteavecattentionlesexplicationsdenotrehôtepourlatrairemanuellement.

Elleessaiemaisn’yparvientpas.Alorsils’accroupitàsescôtés,sesmainsseposentsurcellesd’Hailey.Jemeretiensdel’attraperparlecolpourlaséparerd’elle,maisjenepeuxpas…Jen’aiaucundroitsurelle.J’occultelegestedececonnardetobservelevisagedemonamie.Elleal’airdes’éclater.

Jereculeunpeuetmeposecontreunmuret.Ellesursauteetritquanddulaitgiclesurelle.Cequej’aimeentendrel’intonationdesonrire!Auboutdequelquesessais,endépitdesesgestesmaladroits,elles’entireplutôtpasmal.Elleseretourneversmoietmelanceungrandsourire.

—Matthew,viensessayer!medit-elleenriant.

Jeluisourisàmontouretsecouelatête.

—Non,sansfaçon.Jenevaispast’enleverceplaisir.

Elleseretournepourseconcentrersursatâche.Elles’estdonnél’objectifderemplirleseau…

Uneheureetunquartdeseauplustard,nousrentronsàl’intérieurpournouspréparerpourlasoirée.Apparemment,c’estunesoiréetrèshabillée.ÀSanFrancisco,j’avaisachetédesvêtementsclassiquespouralleraucasino.Uncostumenoiretunechemiseblanche.Simple,maisefficace.Jeprendsunedoucheetm’habilleenprenantsoindeparfairemonapparence.

Deretourausalon,j’attendspatiemmentquemademoiselleHaileydaignenousrejoindre.Davidestdéjàprêtluiaussi.JecomprendspourquoiHaileysembleintimidée.C’estplutôtlegenredemecquidoitfairetournertouteslestêtesetpasseulementparcequ’ilpuelefricàpleinnez.Ilromptlesilenceens’éclaircissantlavoix.

—Elleal’aird’êtreunefillegéniale.

—Ellel’est.

—Ilnesepasserienentrevousdeux?mequestionne-t-il

—Non,onestsimplementamis,luiréponds-jeàcontrecœur.

Mespoingsseserrentnerveusement.Cetteconversationmemetvraimentmalàl’aise.

—Çan’apasl’aird’êtreunesimpleamitiépourtoi.Jemetrompe?

Bonsang!Qu’ilsemêledesesaffaires!

—Écoute!luidis-jeenmeretournantverslui.Tunesaisriendemavie,OK!Jetedisqu’Haileyestunesimpleamiealorsmêle-toidecequiteregarde.

Illèvesesdeuxmains.

—OK,OK.Net’énervepas,mec!Enfait,jetedemandeça,pourquecesoitclair.

Jeluilanceunregardmenaçant.

—Clairpourquoi?

JesoutienssonregardetattendsuneréponsequinevientpaspuisqueHaileynousinterrompt.

—Jesuisprête!s’exclame-t-ellegaiement.

Jelaregardeetmonsoufflesecoupelittéralement.Bordeldemerde!Elleestépoustouflante,carrémentcanonmême.Sarobenoireluiarrivejusqu’auxgenouxetmetenvaleurlacourbedeseshanches.Elleestsexysansêtrevulgaire.Laclasseàl’étatpur.Sescheveux,quid’ordinairesonttoujoursattachésenunchignon,sontrelâchésetbouclésauxpointes.Etsonmaquillagefaitressortirsonmagnifiqueregard.Jesuiscomplètementsubjuguéparsabeauté.Elleestbellenaturellement,maislà,elleestjusteincroyable.Vouspouvezdiredemoiquejemerépète,maisoùestpasséel’ancienneHailey?

—Quoi?C’esttrop?nousdemande-t-elleenrougissantetbaissantparréflexelebasdesarobe.J’étaissûrequec’étaitunemauvaiseidée,ajoute-t-elleplusbas.

Davidmedevanceets’approched’elle.

—C’estabsolumentparfait,onyva?luidit-ilenluitendantsonbraspourqu’elles’yaccroche.

Commentpeut-ildireça?Ilneconnaîtriend’elle.Biensûrquec’esttrop.Mêmesielleestmagnifiquecommeça,j’aipeurpourelle.Connaissantsonhistoireetsafaçond’êtredistanteenverslesgens,j’aipeurquesielles’ouvretropd’uncoup,elleseperdedenouveau.

Elleluisourittimidementetsecrocheàsonbras.Elleseretourneversmoi.Jefaissemblantd’êtrecontentpourelleetleuremboîtelepastoutencontenantmajalousienaissante.

Chapitre15

Hailey

Jedoisavouerquel’apparencedeDavid,grandbrunauxyeuxvertsàl’allured’Adonis,nem’apaslaisséeindifférente.Jesuiscomplètementimpressionnéeparsoncharme.Maisquineleseraitpas?C’estunhommedotéd’uncertaincharismeetjesuisconvaincuequepeudefemmesresteraientinsensibles.Sonaccueilaététrèschaleureux.C’étaitgénéreuxdesapartdenousproposerlegîteetlecouvert.

Enrevanche,Matthewn’apasl’airtrèsréceptifàcetélandegénérosité.Unepartiedemoisupposequ’ilyaunepartdejalousiedanssamauvaisehumeur.Maiscen’estsansdoutequelefruitdemonimagination.Sitelestlecas,noussommesseulementamisalorsiln’yapasdequoienfaireunemontagne.

Encequimeconcerne,laconversationquenousavonseuehiersoira,jepense,agicommeundéclencheur.Quandjemesuisréveilléecematin,c’étaitplusclairdansmonesprit.L’expression«lanuitporteconseil»nepouvaitpasêtreaussivraiedansmoncas.Sesparolessesontimpriméesdansmonesprit.J’airessentiunevaguedemotivationquandilm’aditd’avancerversl’avenirenfaisantdemonpasséuneforce.Maconsciencem’atoujourscriédesmotssimilaires,etj’auraisdûpercuterceladepuisbienlongtemps,maisjen’enavaispaslaforce.J’étaisseule.Maisl’entendredelabouched’unepersonneestbeaucoupplusstimulantetréconfortant.LindseyestpartieenAustralieavantmadéchéanceetlepeudefoisoùjeréussissaisàlacontacter,jepréféraisluiépargnerlesdétailsscabreux.

Pendanttoutescesannées,j’aifuileshommescommelapeste,d’unepartàcausedemaréputation–j’étaisàpeuprèsconsidéréecommeuneparia–etd’autrepartàcausedemonmanquedeconfianceenverslesexemasculin.J’avaisuneconfianceaveugleenversDean,maisilaréussiàbrisercesentiment.Àmebriser.

Ici,àVegas,personnenemeconnaît.J’aidoncréfléchisurlanouvellefaçondereprendremavieenmain.Jepeuxdevenircellequejeveuxêtre,cellequejesuisvraiment.Jedoism’ouvrirauxautresetcommenceràapprendreàfairedenouveauconfiance.Etpourcela,jedoisdoncenvisagerlapossibilitéd’entrevoirunerelationavecunhomme.Étapeparétape.Sanspressionaucune.

Jenepeuxpasréfuterl’attirancemutuelleentreMatthewetmoi,maisnoussommesbeaucouptropbousilléspourquel’ondébutequelquechoseensemble.Ilm’abienfaitcomprendrequerienneserajamaispossibleetjerespectecela.Iln’estpasprêtàallerdel’avant,sonregardesttoujourstournéverslepassé.Laseulerelationquipourraitfonctionnerentrenousestcelledel’amitié.Parconséquent,jedoisfairemaviedemoncôtéetluidusien.

Cettesoiréeestunbondébutpourcenouveaudépart.Toutd’abord,lapremièreétapeimportanteàcechangementestdechangermonstylevestimentaire.Jemesuistoujoursservidesvêtementslargeset

pastrèsglamourcommerépulsif.Jenesuistoujourspasàl’aisedansunerobe,maisjen’aidésormaispluspeurd’affronterleregarddesautres.C’estdéjàungrandpasenavant.

Jetiresurlepandemarobetoutenadmirantdiscrètementleluxedu4x4deDavid.Lavénaliténefaitpaspartiedemoncaractère,maisjedoisavouerquelabeautédesesbiensm’éblouitquandmêmeunpeu.

Letrajets’effectuedanslecalme,mêmesiunecertainedualitéestperceptibleentrelesdeuxhommesassisàl’avantdelavoiture.Sansdouteunehistoiredetestostérone.Jedécidederestersilencieuseetd’écouterleschansonsquipassentàlaradiotoutenobservantlepaysagequidéfileàunevitessehallucinante.

Unepetitedemi-heureplustard,nousarrivonssurleStrip.Toutesseslumièresquiinondentlelongduboulevardm’émerveillent.Jesuisimpressionnéederetrouvertoutescesgrandesenseignesd’hôtelsetdecasinosquej’aipuapercevoiràlatélévision.L’excitationmegagneàunpointtelquej’enoubliequejenesuispasseule.Jepousseuncridejoie.Deuxpairesd’yeuxàl’avantm’observentavecamusement.Jehausselesépaulespuisreportemonattentionverslarue.

Jechercheduregardl’hôteldanslequelnousallonspassernotresoirée.J’observelesgensdéambulerdanslarueavecfrivolité,ungroupedejeunesquirit,uncouplequis’embrassesurletrottoir,deshommesdéguisésdefaçonétrange,sûrementpourunenterrementdeviedegarçon…

Cettefolieéphémèremedonnelesourireetdubaumeaucœur.Jesuisvraimentcontented’assisteràcetableauirréeletj’ail’impressiond’êtrespectatriced’unepiècedethéâtredelavie.J’aibienenvied’êtrel’undecespersonnagesàmontour.

J’inspireungrandcoup.Jemesensplusfortequ’ilyadeuxsemaines.Désormais,j’aienviedevivreexpérienceaprèsexpérience.Mavien’estpasfinie.Matthewm’aaidéàlecomprendreetjeluienseraitoujoursreconnaissante.

Jejetteuncoupd’œildanssadirection.Sonpantalondecostumenoiretunechemiseentrouvertedontilarelevélesmanchesluidonnentunairsérieux.Jepréfèredeloinsonjeandéchiréetlet-shirtquiluiconfèreunealluremauvaisgarçon,néanmoinsjeletrouvetrèsbeau.Sonregardfixeunpointimaginaire,ilal’airperdudanssespensées.Jeposemamainsursonépauleetlaluipresse.Ilaunlégersursaut.Satêtesetourneversmoietilmefaitunsourireencoin.Puis,ildétournerapidementsatête.Sonairabattum’inquiète.Luiquid’habitudeestjoyeuxentoutecirconstancesembleéteintcesoir.Jetrouveraiunmomentdanslasoiréepourluidemandercequ’ila.

Nousralentissonsdevantunimposantbâtiment.LedécorressembleàVenise,maisenminiature.J’ouvregrandlabouche–sanslesoncettefois-ci–lorsquejecomprendsquel’hôtel«TheVenetian»estnotredestination.Lavoitures’arrêtedevantl’entréedecelui-cipuisunvoiturierencostumerougeetchapeauassortis’approchedenous.

—Bonsoir,monsieurLowers,saluelevoiturier.

Étrangequ’unvoituriers’adressedecettemanièreàunsimpleemployé!Serait-celeurprotocole?Celui-ciluiremetunesortedecartemagnétique.Jenemeformalisepasdessus,maisplutôtsurl’environnementquim’entoure.Jeretiensuncridefuriequitenteexpressémentdesortirdemabouche.

Calme-toiHailey!

Davidsortavecgrâcedelavoitureetvientm’ouvrirlaportièreenmetendantsamaintelungentleman.Jeposemamaindanslasienne.Jetente,tantbienquemal,desortirélégammentduvéhicule,maisj’ail’impressiondefairepotiche.Jen’aiplusl’habitudedem’habillerdecettefaçonetsurtoutdemecomporteravecélégance.

Unefoissortieduvéhiculesansencombre,jesoupireetmestoppequandj’aperçoisledécor.Despetitsrestaurantssontstratégiquementplacésdevantunesortedepetiterivière,desgondolesflottentdessus.Jen’ycroispas!Ilsontcarrémentrecrééunescènedelavilledel’amour,c’estmagnifique!Commehypnotisée,jem’apprêteàpartirdanscettedirection,maisjeredescendssurterrelorsqu’unemainseposesurlebasdemondos.

—C’estparici,mesusurreDavidàl’oreille.

J’aienviedeluiretirersamain,carçamemetmalàl’aise,maisjen’enfaisrien.Jedoisapprendreàsurmonterça.Jedéglutisetsouristimidementenrougissant.Jedoisvraimentparaîtreridiculeàtoutregardercommesijedécouvraislemondepourlapremièrefois.Tun’asplusquinzeansquandmême,maîtrise-toi!mesermonné-je.

Tandisquenouspénétronsdansl’hôtel,jesuisépoustoufléeparlabeautédeslieux.Lehallestgigantesque,luxueuxetleplafondestsoutenupardegrandescolonnesquis’élèventfièrement.Jepourraispresquem’observerdanslesolfaitdemarbretellementilbrille.Unefontaineégalementenmarbresesitueenpleinmilieu.Uneénormecoupoleornéedepeintureitaliennesedressejusteau-dessusdenostêtes.Jen’aijamaisrienvud’aussibeau.Sijenem’étaispaspromisdefairepreuved’unpeudetenue,j’auraissautillésurplace.

JegardemoncalmeetaccrochelebrasqueDavidmeprésente.Plusieursregardssetournentversnous.Unesensationétranges’emparedemoi.Jejetteuncoupd’œildiscretsurmatenueaucasoùquelquechoseclocherait,maisrienàsignaler.

Jeregardeunenouvellefoisdansleurdirection,maisjemerendscomptequeleursregardssontdirigésverslui.C’estvraiqu’ilauncharismeàcouperlesouffle,maisdelààattirerautantl’attention,çameparaîttoutdemêmeabsurde.Luiaucontraireparaîtcalmeetaucunementpréoccupéparcetteagitation.

JemetourneversMatthewplacéderrièrenous.Ilcontemplel’endroitetsembleaussiébahiquemoiparsabeauté.J’auraisaiméluifaireunpetitsourireamical,maisilm’ignoreroyalement.Donc,jen’insistepas.

Unhommed’uncertainâgeencostumenoirvientànotrerencontre.

—BonsoirmonsieurLowers.Votretableestprête.Deuxcouvertsontétéajoutéscommevousmel’aviezdemandé.

—Mercibeaucoup,Peter,luirépondDavidd’untonneutre.

—C’estunhonneurdevousavoirici,Monsieur,ajoutePeter.Madame,mesalue-t-ilavantde

retourneràsesoccupations.

—Ehbien,tudoisêtreunsacrébonemployépourrecevoirautantd’honneurs,luidis-jeavecamusement.

Iléclatederireetsepencheàmonoreille:

—Cethôtelm’appartient,m’avoue-t-il.

Lasurprisesepeintsurmonvisage.Jecroismêmequemabouches’ouvreengrandàlaTexAvery.D’unecertainefaçon,jemedoutaisbienqu’unsimpleemployédecasinonepouvaitpass’offrir,cequej’aipuapercevoirdesesbiens

—Oh…jevois,donctueslepatrondecethôtel,sijecomprendsbien?

QuelleperspicacitéHailey!Tuviensdeledevinertouteseule?memoqué-jeenmoi-même.Heureusementpourmoi,iln’yprêtepasattention.Ouf.Lahonte!

—Jenesuispasseulàlegérer.Monassociéprendlerelaisquandjesuisabsent.Jevoyagebeaucoupàtraverslepays,m’explique-t-il

Jehochelatête.Ehbençaalors!Quellenouvelle!Jecroisquej’aibesoind’unverre.

Matthewseplaceàmescôtésetm’effleurelebras.

—Est-cequetuvasbien?Tuestoutepâle!s’enquiert-ildoucement.

—Jet’expliqueraiplustard,luiréponds-jeenchuchotant.Riendegrave,lerassuré-jeenvoyantsamineinquiète.

Nouspénétronsdanslasalleprincipaleoùsedéroulelasoirée.Davidm’expliquequ’ilaentièrementfaitprivatiserlerestaurantpourl’événement.Beaucoupdepersonnesysontdéjàprésentes.D’uncoup,jenemesensvraimentpasàmaplace.

—C’estpourquelévénement?

—L’accordpouragrandircethôtelaétéconclu.Alorsnousfêtonsça.

L’hôtelestdéjàtrèsvastealorsjen’oseimagineràquoiilressembleraunefoislestravauxd’agrandissementterminés.Jesuisimpressionnée.

—Excusez-moi,jevousfaussecompagnieuninstant,medit-ilavantdes’éloignerversdeuxhommes.

Matthewseplaceàmadroite.

—Tum’expliques?m’interrogeMatthewenfixantDavid.

—Tuterendscompte?Davidestlepropriétairedecethôtel,luiexpliqué-je,toujoursabasourdie.

—Ouais…C’estsuper.

LevisagedeMatthews’assombrit.Samâchoiresecontractealorsqu’ilregardetoujoursdanssadirection.Maisquandsonregardseposesurmoi,ilseressaisitetmesouritd’unsourirequin’ariendenaturel.

Quelquesminutesplustard,notrehôtenousrejointpournousinviteràpasseràtable.Plusieurspetitsfourssalésysontdisposés.Jemeursdefaimetpicoreunpeutoutcequipassedevantmesyeux.Ilnousprésenteàsonassocié,John.Ilaàpeuprèslatrentaineetilestaccompagnédesafemme,Louise.Cettedernièreestuneravissantefrançaisequiaunaccentadorable.

Tandisqueleshommesparlentaffaires,nousdiscutonstouteslesdeuxdelaFrance.Etjemeprometsmentalementd’allervisiterParisunefoisdansmavie.QuantàMatthew,ilsembles’ennuyer.Iln’apasdécochéunmotdetoutelasoirée.Depuisledébutduvoyage,ilatoujoursétélepremieràs’ouvrirauxautres.Saufcesoir,ilestpensifetcomplètementabsent.

Plusieurspersonnesselèventpourallerdanser.Jem’excuseauprèsdeLouiseavantdemeleveretm’asseoirauprèsdeMatthew.

—Tuveuxdanser?luiproposé-je.Entouteamitiébiensûr.

Ilparaîtétonnédemoninvitationmaishochelatêtemalgrétoutavecunpetitsourireenprime.Ilmetendlamainetnousnousdirigeonstouslesdeuxsurlapiste.Lamusiqueestassezentraînante.C’estassezamusantdevoirMatthewdansersurunemusiqueplusgaie.

Nousnousdéhanchonsenrythme.Jem’amusevraiment.Ilmeprendlamainetmefaittournoyersurmoi-même.Jemelâcheunpeuetfaislafolleensautantenrythmesurlamusique.Beaucoupdepersonnesnousregardentaveccuriosité,maisjem’enfiche.Cemomentdelégèretéoccultetoutegênequejepourraisressentirdansd’autrescirconstances.Ilenrajouteunpeuplusenexagérantsesmouvements.Nouséclatonsderirequandnouseffectuonsunepetitechorégraphieimprovisée.Ladansepourmoiestlemeilleurremèdecontrelatristesse.Celafaitbienlongtempsquejen’aipasressenticettesensationdeliberté.Jesuisrassuréequ’ilnem’enveuillepasdel’avoirdélaissécesdernièresheures.

Soudain,lamusiquechangederegistreetdevientpluslente.Plussensuelle.Ildécidedeprolongercemoment.Samainseposedoucementsurmahanchepourmerapprocherdelui,enrespectantunpérimètredesécurité.Noussavonstouslesdeuxcommentcelas’estfiniladernièrefois.Puisilattrapemamainpourlaprendredanslasienne.Nousbougeonspluslentementetjereprendsmonsouffle.Jedoisvraimentmeremettreausport,songé-je.Jemepencheenavantpourdireàsonoreille:

—Jesuiscontentedetevoirsourire.Tuavaisl’airailleurscesoir.

Ilesquisseunlégersourirepuisfuitmonregard.

—C’estseulementlafatigue,net’inquiètepaspourmoi.

Jenesuispasdutoutconvaincueparsonexcuse.Jemepenchedenouveauverslui.

—Tuesmonami,jem’inquiéteraitoujourspourtoi.

Quandj’écartemonvisage,sonregardprofondetpénétrantmefixeetmetrouble.J’aimeraisavoirlafacultédeliredanslespenséespoursavoircequ’ilressent.Là,maintenant.

—Tuesvraimentsublimecesoir,mecomplimente-t-iltendrement.Mercidem’avoirinvitépourdanser,c’étaitplutôtamusant.

Jesuisgênée,maisflattéedesoncompliment.

—Jen’aimepastevoirruminerdanstoncoin.Etjet’avouequejem’ennuyaisaussi.

Ilritdoucement.Nosregardsontdumalàsequitter.Moncœurtambourinedansmapoitrineetmesmainsdeviennentmoites.Çayest,lessymptômesrecommencent.Çamefrustred’avoirdumalàdéfinircequ’ilsepasseentrenous.Maisunechoseestcertaine:c’estflippantetgrisantàlafois.

—Jepeux?nousinterromptDavidendemandantàMatthews’ilpeutprendresaplace.

Matthewsetendetserenfrognemaisils’écartequandmême.Ilfaitunsignedemainpoursignifierquelaplaceestlibre.Puisils’envasansseretourner.Monregardesttoujoursposésurlui.Qu’est-cequiluiprend?

LebrasdeDavids’enrouleaussitôtautourdemondos.Etsansrespectercetterèglededistancedesécurité,ilmecollecontreluipourreprendrelecoursdeladanse.Cettesoudaineproximitémemetmalàl’aise,maisjenedisrienetmelaissetransporterparcettedanselenteetsensuellequepoursuitDavid.C’estunexcellentdanseur.Jesuistellementépatéequemagênesetransformelentementeneuphorie.Jemelaisseguider.Mesyeuxsefermentetjesavourecemoment.Soudain,desflashsapparaissent:desimagesdeMatthewetmoiondulantsurunedanseenflammée.Soncorpscolléàl’extrêmedumienmeréchauffe.Mebrûle.Sonsoufflesurmapeaumefaitfrissonner.Etjesuisàlalimitedel’extasequandsamainglissesurlachutedemesreins.

Àboutdesouffle,j’ouvrebrusquementlesyeux.Non,jenedoispaspenseràluidecettefaçon.Jedoism’enteniràcettemauditerèglequenousnoussommesfixée.Amissanssentiments,sanstentation!

—Tueslaplusbellefemmedelasoirée,meditdoucementDaviddansl’oreille.Ettachorégraphiedetoutàl’heureétaitplutôtpasmal.Tuasfaitpasmaldejalousesdanslasalle.Tuestrèsdouée.

Jeneluirévèlepaslaraisondemontalent.Àlaplace,jeluisouris.Jesuisencoretroubléedemesdernièrespensées.Davidestvraimenttrèsbeau,maisilnemeprovoqueaucuneffet.Jen’aipaslecœurquibatlorsquesonregardcroiselemien.Jen’aiaucunfrissonquiparcourtmoncorpsquandsavoixserépercuteàmonoreille.Sonparfumneprovoqueaucunapaisement.SeulMatthewalepouvoirdemeprovoquertoutçaàlafois.

—Merci,luidis-je.

—Tonamin’apastellementl’airdem’apprécier.

—Oh,Matthew?Non,ilestjusteunpeusurprotecteur,mens-je.

Oujaloux?!

—Oui,j’airemarquécela.Est-cequ’ilsepassequelquechoseentrevous?

Jesecouenégativementlatête.

—Non…Rien.

Enfinpresquerien.

—Alors...jepeuxtedemandersituaccepteraisdevenirdîneravecmoiaprès-demainsoir?

Sademandemeprendaudépourvu.C’estassezprécipité,maisjepensequecen’estpaslegenred’hommequidoitessuyerdesrefus.J’hésite.Dois-jeaccepter?Mêmesijeneressensrienquandjesuisaveclui.Sacompagnierestetoutdemêmetrèsagréable.Maisserait-cecorrectenverslui?Neserait-cepasluidonnerdefauxespoirs?

MonregardseposesurMatthewquinousobserve,l’airvraimentàcran.Quelquespasplusloin,unejolierousseregardeMatthewavecenvietoutengloussantavecsacopine.Encouragéeparcettedernière,lacrinièredefeupartendirectiondeMatthew.Arrivéeverslui,ildétachesonregarddenousetposeunœilcurieuxsurelle.Elleluiparleàl’oreilleetminaude.J’observecepetitmanègeavecunepuissanteenviedeluitirersatignasse.Saroberougemouleparfaitementsescourbes,bienévidemmentparfaites.Jeboudeintérieurement.Matthewcontinuedediscuteravecelle,enyprenantplaisir,visiblement!Sonvisagetendus’éclaireinstantanémentetilrépondàsonsourire.Moncœurseserreviolemmentetunecolèreincompréhensiblequejenepeuxcontrôlermonteenmoi.

—Tun’espasobligéed’accepter,situneleveuxpas

Monsilencebientroplongadûlefairedouterdemaréponse.Jeluioffremonplusbeausourireetluiréponds:

—J’accepte,avecplaisir.

Ilsoupireetmesourit,soulagédenepasessuyerunrefus.Etmoi,jecroisquejeviensdefaireunebelleconnerie…

Chapitre16

Matthew

C’estl’unedessoiréeslesplusennuyantesdemavie.Jetombedefatigueetcommencevraimentàregretterd’avoiracceptél’invitation.DanseravecHaileyaétéleseulmomentagréable.Bienplusqu’agréable.J’enaiencoredefoutuespalpitationsrienqued’yrepenser.Putain,jedeviensunevraiegonzesseenmanqued’amour!

Cettepièceestrempliedegensfriquésetintéressés.

Unverredewhiskyàlamainetaccoudéaucomptoir,j’observeHaileyetcetteespècedeDonJuandanserensemble.C’estsûrqu’àcôtédelui,j’ail’aird’unminable.Commentrivaliseravecunpropriétaired’hôteldeluxe.Grâceàl’héritagedemonpère,j’aidel’argent,maisildortbienprofondémentdansmoncompteenbanque.Jen’ytouchequ’encasdebesoin.Pourl’instant,j’erresansbutcommeunesorted’électronlibre.Mondeuilestlachosequejedoissurmontersijeveuxavanceretêtreheureux.Jenesaispascombiendetempscelaprendra.Unmois?Unan?Peut-êtredix?Çamefaitchierdemel’avouer,maisjenetienspasàcequ’ellem’attende.Elleseramieuxavecunhommecommelui.Unhommequiluiapporteracedontelleabesoinpourretrouverlegoûtdevivre.Jevoisdanssonregardqu’ilnelalaissepasindifférenteetc’estréciproque.Jepeuxcomprendre,cettefilleestformidable.Jemecontenteraidemecomporterenami.

Jen’aiaucuneidéedelafaçondontelles’yprend,maisdèsquesonregardcroiselemien,unedéchargeintensemeparcourttouteslespartiesducorps.Jemeursd’enviedelarendreheureuse.Degoûterseslèvresetdeconnaîtrelatexturedesapeaulorsquemesdoigtsglisserontdessus.

MamainressertfortementmonverrequandHaileyfermesesyeuxetselaissebercerparlerythmelentdelamusique,sesbrassurlesépaulesdeDavid.

Jedoismemaîtriser,apprendreànepasmelaisserengloutirpardessentimentsquinemèneraientàrienàpartdelasouffrance.

Mespenséessontinterrompuesparunevoixsensuelle.Jetournelatêteetdécouvreunejolieroussequimeregardeavecgourmandise.Elleestplutôtjolievoiremêmetrèssexy,sil’onaimelecôtésuperficieletchirurgical.Ellefinittoutdemêmeparselanceraprèss’êtreretournétroisfoisverssonamie:

—Monamieetmoionsedemandaitsituseraisintéressédepasserlasoiréeavecnousdeux,medemande-t-elleenrougissant.

Jejetteunœilverssonamiequimefaitunpetitsignedelamain.N’importequelhommeauraitacceptédeuxfemmespourleprixd’unesansrechigner,maisjenemangepasdecepain-là.Jecontinuedeluisouriretoutencherchantuneréponseadéquateafindenepaslesvexer.

JereportemonattentionversHaileyquisembledirequelquechoseàl’oreilledeDavid.Elleluifaitungrandsourire.Bordel!Cegenredesourire,j’auraisaiméqu’ilmesoitspécialementréservé.Ilauraitpusimoncœurn’étaitpasscellépouruneautre.Maisàquoim’attendais-je?Putain!

—Çaauraitététrèstentant,maisjenesuispaslibre.

Elles’approcheplusprèsdemoietfrôlemonbrasavecsapoitrinecomplètementrefaite.

—Cen’estpasunproblèmetusais,nousnesommespasdutoutjalouses,tente-t-elledemecharmer.

Jericane.Biensûrqueçanelesdérangepas.Ellespensentsansdoutequejesuisuntypepleinauxas.

—Jen’aipasdequoipayerunechambre.Jesuisfauchécommelesblés.Désolé,lesfilles.

Sonexpressionchangeradicalementetdevientmoinscharmeusetoutàcoup.Elles’écartedemoicommesimoncorpsl’avaitsoudainementrépugné.Laroussesetourneverssonamieetsecouelatête.

—Oh…Danscecas,jecomprends.Jenevoudraispasbriserunehistoired’amour,dit-elleenriantavantdes’éloigneretderejoindresacopine.

Jesecouelatêteenriant.J’avaisvujuste.Cen’étaitquepourlepognon.Lescoupsd’unsoirfontpeut-êtrepartiedemavie,maisilyacertaineslimitesquejenefranchispas.Celle-cienfaitpartie.

Lamusiquesetermineets’enchaînesurunrythmeplusrapide.Haileys’écartedeluietsedirigeversmoi.Elleboitelégèrement.

—Jesuisfatiguée.Davidnousproposed’appelersonchauffeurpournousraccompagnerchezlui.Ilrentreraplustardpuisquesontravailexigequ’ilrestetoutelanuit.Turentresavecmoioutuesoccupé?medemande-t-elleenregardantendirectiondesdeuxfemmes.

—Biensûr,j’attendaisqueça.Tachevilletefaitmal?

Uneexpressionindéchiffrablepassedanssonregard.

—Ouais…Euh…Jecroisquej’aitropforcétoutàl’heure.

Elles’assoitsurlegrandtabouretdubarpoursemasserlachevillequialégèrementgonflé.

—Allezonrentre.Jevaistemasseravantdedormir,luiproposai-je

Ellemesouritetacquiesce.

***

Lechauffeurnousattenddevantl’entréeducasino.Nouspénétronsdansuneautrevoiture,luxueuseelleaussi.Lecontrairem’auraitétonné.Letrajetsefaitcommeàsonhabitudesilencieusement.Haileys’estendormielatêteposéesurmonépaule.Nousn’avonsjamaiseubesoindegrandeconversationpournouscomprendretouslesdeux.Parfois,nousrestonsdesheuressansriennousdireetcesilencen’estjamaisgênantoupesant.J’aimeprofiterdufaitqu’ellesoitàmescôtésetdecesmomentsquimeparaissentprivilégiés.

—MonsieurLowerm’asignifiéderesterchezlui,simplemesuredesécurité.

—Jecomprends,dis-jesimplement.

Jepigeparfaitementqu’ilnenousfassepasconfianceetnousfasseescorterparuneespèced’armoireàglace.Aprèstout,ilyenapourplusd’unedizainedemilliersdedollarsenmatérieldanssabaraque.Jenem’enformalisepas.

Sonparfumdefruitsrougesflottedansl’airetjefermelesyeuxafindem’endélecter.Sanslesouvrir,jecherchesamainàl’aveugle.Unefoistrouvée,jelaprendsdanslamienneetlacaresse.Ellerefermesamainsurlamienneetvientseblottirtoutcontremoi.Monbraslarecouvreafinqu’ellesoitpositionnéeplusconfortablementaucreuxdemonépaule.Jememordslalèvrepourretenirungémissementlorsqu’elleentouremonabdomendesonbrastoutenposantsajouecontremontorse.Trenteminutes,c’estbientropcourtpourcetrajet.

Davidvitdansunebanlieue,loindetoutel’agitationtouristique.C’estplutôtcalmeetpaisible.Legenred’endroitoùl’onaimeraitfinirsesjours.Jesupposequelorsqu’ongèreungrandhôtel,onaenviedeseréfugierdansunendroittelquecelui-ci.

Aprèsquelquesvainestentativespourlaréveiller,jen’aipasd’autrechoixquedelaporter.Bonpourtoutavouer,jen’aipasbeaucoupinsisté.Envérité,jen’avaisqu’uneenvie:celledelatenirtoutcontremoi.J’aimequandelles’accrocheàmoncou.Sentirsescheveuxm’effleurerlebasduvisageetsonparfumquiflottejusqu’àmesnarinesestjusteunesensationdedingue.

Nouspénétronsdanslamaison.Jemedirigeimmédiatementverssachambre.Jeladéposedanssonlit.Ellegémitetserouleenboule.Jeluienlèvetrèslentementsesescarpins.Mesmainsglissentavecdélectationsursonpiedblessé.Sapeauestdouce.Commepromis,jeluimassesachevilleenflée.Seslèvress’étirentenunsouriresatisfait.Sesyeuxsonttoujoursclos.Jemepencheprèsdesonvisageavecl’enviedeluimordillersalèvreinférieureentrouverte.Jemordsfortementlamiennepournepascéderàcettepulsionetjelacontempleencoreunpetitmomentavantdeluidéposerunbaisersurlefrontetlarecouvrird’unecouvertureépaisse.Ilnefaitpastrèschauddanscettebaraque.

—MerciMatthew.Mercipourtout.

Jemefigesurlepasdelaporte.

—Avecplaisir,mabelle.Repose-toi,luidis-jeavantdequitterlapièce,serein.

***

Lelendemainmatin,aprèsunrêveplutôtchaudmettantenscèneHaileyetmoi,jemelèved’unbondetenfileunt-shirtenvitessepourmedirigerverslachambred’Hailey.Sachevillem’inquiètemêmesic’estuneexcusepourquej’aillelavoir.Ilfautquejelavoie,c’estdevenuvital.Jefrappedoucementàsaporte,maisaucuneréponsenemeparvient.Unrireprovenantdelacuisinem’interpelle.Mamâchoireestserréeaumax.Putain,jepourraiscasserdesnoixrienqu’avecmesdents!Jem’ydiriged’unpastendu.Ilssonttousdeuxassisàtableàboireuncafé.Ilsdiscutentsimplementetelleal’airtoutàfaitàl’aise.Sajambeestrelevéeauniveaudesapoitrineetàsaposture,onpourraitpenserqu’elleleconnaîtdepuisdesannées.

—Eh,Matthew!Biendormi?medemande-t-ellejoyeusementaumomentoùjepénètredanslacuisine.

—Pastropmalettoi?

Jeprendssoind’éviterDavidenneregardantqu’elle.Voirsonsouriredèsleréveilestlaplusbellechosequimesoitarrivéedepuiscesdernièresputainsd’années.

—Commeunbébé,rétorque-t-elleavecunclind’œildiscret.Davidauneexcellentenouvellepourtoi.

VoilàqueDavidrefaitsurfacedansmonchampdevision.Jen’aipasd’autrechoixquedefaireavec.

—Oui,j’aicontactémonamiconcessionnaire.Ilyaquelquesjours,ilareçulemêmemodèlequetavoiturequiaétévolée.Situesintéressé,onpeuts’yrendredansl’après-midi.Ilteferaunprix.

Jen’arrivepasàlecroire,moiquipensaisquejen’allaisjamaisretrouverunevoiturecommelamienneetsurtoutaussirapidement!

—Ettonassurances’occuperadelavoiturederemplacement.Jemesuisoccupédetout,tun’aspasàt’enfaire.

—Wow,je…Hum,jenesaispasquoidire.Merci,c’esttrèsaimabledetapart.

—C’estavecplaisir,répond-ilenjetantunregardfierversHailey.

Chezleconcessionnaire,jedeviensfou.Desvoituresdecollection,plusmagnifiqueslesunesquelesautressontexposéesdevantmesyeux.Moncœurfrémitquandjedécouvrecelleidentiqueàlamienne.Jemeplacederrièrelevolantetlecaressecommesic’étaitmafemme.Haileys’installeàmescôtés,aussienthousiastequejelesuis.

—Tuasdesétoilespleinlesyeux

Ellesemordlalèvreetmonregarddescendaussitôtsurcelle-ci.

—Jeterembourseraiunepartiedèsquejelepourrais.Parcequ’aprèstout,c’estentièrementdemafautesiontel’avolée.Sijen’avaispas…

Jeposeundoigtsurseslèvresenlelaissants’attarderunpetitpeupluslongtempsquenécessaire.Latensions’accroit.Sonsouffleestcourt.J’enlèverapidementmondoigt.Lecharmeseromptaussitôt.

—Net’inquiètepaspourça.Tusaispourcequeçavaut,jeneregretterien.S’ilfallaitquejemerefassevoleruneautrevoiturepourtoi,jeleferais.

Sesyeuxs’écarquillentsousl’effetdelasurprise.Ellerougitviolemment.Jeluisourisetluicaresselajoueavantderepartirm’occuperdelapaperasse.

Justeavantderefermerlaportière,jemepenchepourêtreàsonniveau.

—Lerougetevabien,lataquiné-jeenrefermantlaportière.

Davidnem’avaitpasmenti,jel’aieuendessousdelavaleurmarchande.Malheureusement,lapointedejalousiem’empêchedevoirletypecoolquisecachederrière.

LechauffeurrevientnouschercherpuisqueDaviddevaitretourneràsesobligations.J’auraismavoituredansdeuxjours,letempsqu’ilslapréparent.C’estplutôtrapide.

—Tuveuxqu’onréserveunhôtelcesoir?luiproposé-jeassisàl’arrièredelaluxueuseberline.Nousn’allonstoutdemêmepasprofiterdel’hospitalitédeDavid.

Elletournesatêteversmoil’airatrocementgêné.

—C’est-à-direque…Davidnousproposederesterencorequelquesjourschezlui.Etpuis…euh…Ilm’ainvitéàdînerdemainsoir.

—Jevois…

C’esttoutcequejetrouveàrépondre,jenepensaispasqueçairaitplusloinentreeuxdeux.Àvraidirequejesuisassezsurprisqu’elleaitacceptéunetelleproposition.Visiblement,jemesuistrompé.Qu’est-cequejem’imaginaisenfait?Qu’elleallaitm’attendre?Biensûr,commentpeut-ellerefuserunetelleproposition!

—Tum’enveux?medemande-t-ellepenaude.

—Nonpourquoit’envoudrais-je?Onestsimplementaminon?

Madernièrephraseestsortieplussèchementquejenel’auraisvoulu.

—Oui,onestsimplementamis.C’estvrai.Jen’aipasbesoindetedemandertonavis,merépond-ellesurlemêmeton.

Visiblement,jel’aivexée.Etilyadequoi.Parfois,ilm’arrived’agircommeunputaindeconnard.Jemepasseunemainnerveusedanslescheveux.Cetteconneried’amitiécommencevraimentàmeprendrelatête,maisc’esttoutcequejesuiscapabledeluioffrir.Sijecède,jevaislaperdreetjeneveuxpasprendrecerisque.

Unlourdsilencetombedenouveauentrenous…

***

Lelendemainaprès-midi,nousdécidonsderestertouslesdeuxdanslapropriétédeDavid.Nousn’avonsrienàfaired’autreetcommeletempsestagréable,Haileyvoulaitprofiterdusoleil.Ilyaévidemmentunhommeavecnous,toujourspar«mesuredesécurité».

Haileyesttranquillementallongéesuruntransatfaceauxvaches.Elleestseulementvêtued’unlongt-shirtquiluiarrivejusteau-dessusdesgenouxetd’unepairedelunettesdesoleil.Lesoleilquireflètesursapeaularendmagnifiquementagréableàregarder.Jerisintérieurement,seulunsouriretaquinrévèlecequejem’apprêteàluifaire.Saufqu’ellenelevoitpas.Discrètement,jeparschercherunverred’eaufraîche.Jemeplaceau-dessusd’elleetcommenceàverserlecontenuduverresursesjambesnues.

Ellesursauted’unefaçonassezcomiqueenhurlant.Elleseredressesursesjambesetplaceseslunettessurlehautdesatête.Sonregardhaineuxetsonvisagecrispémelaissentimaginerqu’elleveutsevenger.Jecoursendirectiondelamaisonenriant.

—Matthew!Jevaistetuer!crie-t-elleenmeprécipitantversmoi.Aïe,ouille...

Ellestoppesacourseenmarchantpiedsnussurlespetitsgravillons.Elleabandonneetfaitdemi-tourpourcherchersessandales.Jeredoublederireenlavoyantfulminerderage,maisjesaisqu’elleestautantamuséequejelesuis.

Enrepensantàsachevillefragilisée,jechangededirectionpouralleràsarencontre.Ellemeregardeenhaussantunsourcil,unsourirededéfisurleslèvres.Sesmainssontdanssondos.

—Mattheeeeew,tumeconnaismal.Trèstrèsmal!Jedétestecegenredeblague.Tuvasleregretter.

Jememoquegentimentd’elle.Cequej’appréciechezelle,c’estqu’ellen’estpasrancunière.Nousavonstotalementoubliélefroidd’hierquandellem’aparlédesondîneravecDavid.Danslasoirée,c’étaitencoretendu,maisaujourd’huiplusaucunetensionnetransparaîtentrenous.

J’aihâtededécouvrircequ’elleréserveàmonsort.Sansavoirletempsdem’enapercevoir,ellesortuntuyaud’arrosagedesondos.J’avouequej’aiététrèsdistrait.Maisd’oùsort-ellecetruc?

Ellepointeletuyaudansmadirectionetm’asperged’eauenriantcommeunedélurée.Mesfringuessontentièrementtrempées.J’avanceprudemmentversellepourluiattrapersonarme.Ellevaregretteràsontourcequ’ellevientdemefaire.Ellelebraquesurmoiàlafaçond’unrevolveretreculelentementjusqu’àcequeletransatl’obligeàsestopper.Celaladistrait.Elletourneinstinctivementsatêtepoursavoircontrequoielles’estappuyéeetjeprofitedecemomentd’inattentionpourfranchirlesdernierspasquinousséparentetsaisircesatanétuyau.Jel’actionneenappuyantsurleboutonetl’arroseabondammentd’eau.Sescheveux,sonvisage,sont-shirt...Plusrienn’estsec.Ellehurleentredeuxfousrires.

—Matthew!Arrête!L’eauestgelée!geint-elleenriantmalgréelle.

Maisjel’ignoreetcontinuemonassaut.D’unemain,jemaintienssesbrasderrièresondos.Uncraquementretentitetletransatcèdesousnotrepoids.Ellepercutelesoletjetombesurelleenfaisantensortedenepasm’écraserdetoutmonpoids.Jecessedel’arroser.Nosvisagessontproches.Bonsang!Qu’elleestbelle!Sonsourires’efface.Nousrestonsunefoisdeplushypnotisésl’unparl’autre.Seposealorsl’éternellequestion:doit-oncéderoupas?Maissagrimacededouleurmefaitreculeraussivite.

—Jet’aifaitmal?l’interrogé-jeinquiet

Elleseredressemaisresteassiseausol.Ellecontinuedemefixerdesessuperbesyeux.Legenrederegardquinoustranspercesurplace.Legenrederegardquipeuttueràcoupdecharme.Commeunemagicienne,ellearriveàm’hypnotisersansquejenepuisserienfairepourrésister.Jesuistellementsoussonemprisequejeneremarquemêmepasqu’ellereprendletuyau.Ellemeprendparsurpriseenl’enclenchantenpleindansmonvisage.

—Jet’aieu!ricane-t-elle.

Elleserelèveetcourtenexplosantderirejusqu’àl’intérieurdelamaison.Jepasseunemainsurmonvisageetsourisenécoutantcesonmélodieux.Cettefillevaavoirmapeau.

***

LesoirdesasortieavecDavidarrivebientropvite.Leparquetvafinirparavoirdestracesd’usuresàforcequemespaspassentetrepassentdessus.Jeglissenerveusementunemaindanslescheveuxenmelestirant.C’estunepetitedouleurquid’habitudemedétend.Maiscesoir,riennemarche.Unsentimentd’impuissanceprendpossessiondemoi.Jesuistirailléentrelalaisserpartiravecluietcelledel’enempêcher.Bordel!Quiauraitcruqu’unesimpledécisionpouvaitchangerunevie?Encinqans,j’avaisréussiàlasimplifiercommejelepouvais.J’étaisparvenuànepassombrerdansdessentimentsquejenepourraispasassumer.J’avaisunsemblantdequiétude.Maiscettefemme,deboutsurunponts’apprêtantàmettrefinàsavie,achamboulétousmesplans.Jenesaispluscequejeveux.Jenesaispassijepourraisvivresanssentimentmaintenantquejeredécouvrecettesensationànouveau.Jesuiscomplètementpaumé.Avecelle,jemesensvivant.Ellemefaitressentirtoutcequejem’étaisinterditd’éprouver.Etplusencore.Jepourraisluidécernerunemédaille,enpeudetempselles’estinsinuéedansmoncœuretdansmatête.

Sansréfléchir,jesorsdecettepiècepourallerdanssachambre.Jen’aiaucuneidéedecequejesuisentraindefaire,maismoninstinctm’ypousse.

Devantsaporte,lestressmonte.Uneboulesecoincedansmagorge.Putain!Soisfortmec!Jefrappe.

Ellem’ouvreenquelquessecondes.Ellesefigeenmevoyant.Elleestvêtued’unerobelongueblanchequicouvremagnifiquementsesformessublimes.Sescheveuxsonttressésetposéssursonépauledroite.Ellen’ajamaisparuaussiépanouie.Elleestnaturelleetparfaite.

—Matthew?Tuvasbien?medemande-t-elleenfronçantlessourcils.

—Oui…Non…Enfin,jenesaispas,bafouillé-je.

Putain,j’aivraimentl’aird’unidiot.

—Entre,j’aipresquefinidemepréparer,m’invite-t-elleenlaissantlaporteouverte.

Ellesedirigeverslegrandmiroirets’observe,finissantderetouchersonmaquillage.

—N’yvapas!

Lesmotssontsortisdemabouchesansquejepuisselesretenir.Ellesuspendsongesteetsetourne,confuse.

—Qu...Quoi?medit-elled’unevoixdouce,presqueimperceptible.

—Tum’asbienentendu.Neparspasàcerendez-vous,répété-jeavecplusd’aplombcettefois.

Jem’approchedoucementtandisqu’elleresteimmobile.L’incompréhensionselitdanssesyeux.Jeposemesmainssursesjouesetlascrute.

—S’ilteplaît,l’imploré-jeenmurmurant.

—Pourquoijeferaiça?mechuchote-t-elleintimidée.

Elledéglutitbruyammentetsarespirations’accélère.Jenesaispasquelleestréponseadéquateàdonnerdanscescirconstancesalorsjel’embrasse.D’abordsurpriseparmongeste,ellenebougepas,maisellefinitparrépondreàmonbaiser.L’ardeurdesmouvementsdenoslèvresmeprouvequ’elleenavaitautantenviequemoi.Jesaisqu’elleressentlamêmechose.Malanguecaresseavidementlasienne.Sesmainsseposentdansmescheveuxpourm’approcherencoreplusprèsd’elleetapprofondircebaiser.Moncœurbatàtoutrompre,jepourraism’enivrerdecettesensationchaquejourdurestantdemavie.

Elledécidedemettrefinàcemomentintenseetmerepoussedoucementdesesdeuxmains.Noussommesàboutdesouffle.Seslèvressontgonflées.

—Donne-moiuneseulebonneraisonpourquej’annuletoutetjeleferai.

J’aienviedeluidirequejelaveuxprèsdemoi.Quejerefusedelavoirdanslesbrasd’unautre.CesontmesbrassonrefugeetpasceuxdeDavid.Jelaveuxrienqu’àmoi.Maislapeurmeparalyse.Aucunmotn’arriveàfranchirmeslèvres.

—Je…

Jemesenscondenerienpouvoirluidire.

—C’estbiencequ’ilmesemblait…Sorsdemachambres’ilteplaît,Matthew,dit-elleenmetournantledos.

Savoixtremble.J’aimeraisfairequelquechose,maisjesuisincapabledebouger.Putain!Qu’est-cequejefous?Àquoijepensaisenvenantlavoirpourlaconvaincredenepasyaller.Jenesuisqu’unputaindelâche.

—Sorsdemaputaindechambre!crie-t-ellesansmeregarder.

Mamâchoireseserre.J’accusedifficilementlecoup.Unerageprofondecontremoi-mêmem’envahit.Jesuisentraindelaperdre.Elleetsonamitié.

Chapitre17

Hailey

Devantlemiroir,jefaismonmaximumpourrattrapermonmaquillageruinéparmeslarmes.Jesecouemesmainspourcalmermestremblementsetrenifleeninspirantbienfortpourempêcherunenouvellemontéedelarmes.J’attrapeunmouchoirettamponnedélicatementmesyeux.Lesourirequej’avaisàl’idéed’avoirprisl’initiatived’acceptercerendez-vouss’estenvolé.Jem’assiedssurlereborddulitetmeprendslatêteentrelesmains.

Qu’est-cequiluiaprisdem’embrassercommeça?Jenecomprendsplusrien.Toutétaitparfaitementclairentrenous.Nousdevionsresteramis.Pourquoicerevirementdesituation?Visiblement,cen’étaitpassiclairqueça.Nipourluinipourmoi.Jevoulaisqu’ilmedonneuneseuleraisondenepaspartiravecDavid.Pendantuninstant,jepensaisqu’ilallaitenfinprendresoncourageàdeuxmainsetmedirequ’ilmevoulait…Saufqu’ilaétélâche.Unenouvellefois.Jeressensuneragefollecontrelui.Iljoueavecmoialorsqu’ilconnaîttrèsbienmasituation.Ilestempreintàunegrandelutteintérieure.Jeleconçoisetd’uncôté,jenepeuxpasluienvouloird’êtreaussiperdu,maisilnepeutpasm’inclurededans.C’estfinitoutça.Ons’estdéjàjouédemoiunefois,jeneveuxplusqueçarecommence.Qu’est-cequ’ilnousarrive,bonsang?Qu’est-cequ’oncroyait?Notreattiranceestlàetnousnepourrionsjamaisêtreamisavecunetelleattractionentrenous.C’estimpossible!

Jen’aiplustellementenviedesortir.Lelitmesemblebeaucoupplusattrayanttoutàcoup.Jepourraistoutannuleretm’yroulerenboulepourpleurercommej’enaitoujourseul’habitude.Saufquecesvieilleshabitudes,tuasdécidédet’endébarrasser.N’est-cepasHailey?merappellelapetitevoixdansmatête.

Jeprendsunegrandeinspirationettermined’arrangerlesdégâtsavantdesortirdelachambre.C’estlecœurauborddeslèvresetunepeurpaniquedefaireunpasenavantquejetraverselecouloir.Etsijen’yarrivaispas?Etsij’étaisincapabledelaisserlepasséderrièremoi?Jen’aipasletempsderépondreàmesquestionsquejesuisdéjàausalon.Davidselèveprestementdesonfauteuilencuirpourveniràmarencontre.Malgrémacolèrecontrelui,jejetteuncoupd’œildanslesenvironspourvoirsiMatthews’ytrouve.Maiscommejem’endoutais,iln’estpaslà.C’estpeut-êtremieuxcommeça.

Davids’approchedemoietmescrutedesesbeauxyeuxverts.Jedoisêtreaffreuseavecmesyeuxbouffis.

—Jesuisdésoléed’avoirprisduretard,luidis-je.

—Est-cequetuaspleuré?medemande-t-ilsoucieux.

—Non,c’estjusteunepetitepoussièredansl’œil,mens-jemêmes’iln’estpasdupe.Jesuisprête,nouspouvonspartir,ajouté-jeenexagérantmonsourire.

JedoisoublierMatthewetattrapermanouvellevieàpleinesmains!

***

Pendantletrajet,Davidm’expliquequenousallonsdînerdansl’undestroisrestaurantsétoilésdel’hôtelBellagio.

Jedevraisêtreenthousiasteàl’idéedemangerdansl’undecesendroits,maismespenséesdévientsanscesseversMatthew.Mêmelesgrandesfontainesdevantl’hôtelgigantesquen’arriventpasàmefaireoubliercetincident.

C’estlorsquenouspénétronsdanslerestaurantquejeprendssurmoi.Jenepeuxm’empêcherderegarderpartout.C’estsomptueuxetenmêmetempstrèschaleureux.Destableauxreprésentantdesscènesdecirques,semblantvenird’unetoutautreépoque,sontaccrochésunpeupartout.Destoilesdecouleursvivessontsuspenduesauplafondetdonnentl’impressiond’êtresousunchapiteau.Jenesuispasdecemondeetjenemesenspastropàmaplaceici.Unsentimentdemalaisem’envahit.JemefrottelebrasetmepinceleslèvresenattendantqueDavidnousannonce.

Unefemmevêtued’unerobenoiresetientderrièreunpupitre.Ellesouritpolimentquandnousnousavançonsverselle.

—MonsieurLowers,quelhonneurdevousrecevoir!luidit-ellechaleureusement.

—Merci,Clarisse,c’esttoujoursunplaisirdedégusterunrepasdignedecenom.

Elledescenddelapetiteestradesituéeàl’arrièredecepupitreetnousinviteàlasuivre.

—Biensûr,nousvousavonspréparélameilleuretable.L’endroitleplusdiscretdenotrerestaurant,commevousnousl’avezdemandé,dit-elle.

Ellenousemmèneversunepetitealcôvetrèsisoléedurestedelasalle.C’estintimeetchaleureux.Lenœudàl’estomacquej’avaisdepuisnotredépartsedesserrepetitàpetit.Nousseronsplusàl’aisepourdiscuteràl’abridesregards.Ellenoussouhaiteuneagréablesoiréeavantdes’éclipser.

Àpeineavons-nouseuletempsdenousinstallerqu’unserveurnousproposeleurmeilleurvin.Unchardonnayfrançais,lemeilleurdeleurcave.Davidgoûtelevindanslaplustraditionnelledesfaçonsetm’inviteàfairedemême.Jeprendsleverre,maisnesachantpascommentgoûterunvin,jeleboisd’unetraite.Ilesttrèsdouxetsucréàlafois.Ilmeregardeetattendmonavis.Jehochelatête.

—Trèsbien.Nousprendronscelui-ci.

Leserveurhochelatêteetremplitnosverres.Unefoisparti,unsilencegênants’installe.Jeboisquelquesgorgéesdemonvinpourmedonnerunecontenance.Moiquipensaisêtreprêtepourunnouveaudépart,jediraisplutôtquejemesensprisedansunétau.

—Tuesravissantecesoir,mecomplimente-t-ild’unsourireséduisantauxlèvres.

Jeluisourisàmontouretleremercie.

—Tun’espasmalnonplus,répliqué-je.

Celapermetderomprecesilencepesant.Nouspoursuivonslaconversationsurunenotelégère.IlmedemandedeluiraconterunpeudemonhistoireJerépondsdanslesgrandeslignespuisquejenetienspasàrentrerdanslesdétails.Ilmeraconteégalementsonparcoursprofessionnelqui,jedoisledire,estimpressionnant.

Leserveurrefaitsurfacepourprendrenoscommandes.Jejettemondévolusurunrisottoauxcèpesetparmesan.Malgrél’insistancedeDavidpourcommanderuneentrée,jerefuse.Jen’aipastropd’appétit.D’ailleurs,jenesaispassijepourraisavalerquoiquecesoitdemonplat.

Quevoulais-jemeprouverenacceptantcedîner?J’ail’impressionquejenepourraisjamaisfairetablerasedupasséoualorscen’estpasDavidqu’ilmefaut…

Cederniern’yestpourrien.Ilnesaitriendemavie,demesdifficultésàm’ouvrirauxautres.Alorsjefaissemblantd’êtreparfaitementàmonaiseafindenepaslaissertransparaîtrelescicatricesdemesépreuves.

Leserveurarriveetnousposelesassiettesdevantnous.Davidreprend:

—Commentvousêtes-vousconnus,Matthewettoi?medemande-t-il,curieux.

Jebaisseleregardetdessinedistraitementdesarabesquesinvisiblessurlanappeblanche.Maisc’estaussiunmoyenpourmoidetrouverunehistoireàluiraconter.

—Ons’estrencontrésilyaunpeuplusdedeuxsemaines.Àvraidire,jevoulaischangerdevie.Matthewétaitlàetilcherchaituncompagnondevoyageetj’aiaccepté.Voilàtout.

—Tuasacceptécommeça?Sansleconnaître.C’estplutôtétrangecommehistoire.

Jehochelatête.Ilplisselesyeuxenmeregardantavecunsourireamusé,commes’ilsedoutaitquejeluiracontaisungrosmensonge.

—Lecontactestbienpassé,j’avaislesentimentquejepouvaisluifaireconfiance.

Ilacquiesce.Jeluisuisreconnaissantedenepasinsisteretqu’ilfassesemblantdemecroire.

—Ettafamille,tesamis?Tuastoutquittécommeça,dujouraulendemain?

—Onpeutdireçacommeça.Oui,luiréponds-je.

Latournurequeprendcetteconversationmemetmalàl’aise.Ilal’airderéfléchiràcequejeviensdeluidireetlapiècesemblerétréciretserenfermersurmoiàmesurequeletempspasse.

—Hailey,jenevaispaspasserparquatrechemins.Tumeplaisénormément.Enfait,dèsquejet’ai

vueallongéesurcebancàlastation-service,jesuistombésouslecharme.Ettoutcequetuviensdemedire,mêmesiçaparaîtétrange,m’afaitréfléchir.Tudisnepasavoird’attaches.C’estça?

J’opinelentement,prudemment,nevoyantpastropoùilveutenvenir.

—Tuveuxchangerdevie,n’est-cepas?

—Oui,rétorqué-je.

—Quedirais-tuderesteràVegasavecmoi?mepropose-t-ilcommesiresteravecluiétaitlachoselaplusnaturelledumonde.

Lagorgéedevinpassedifficilementdansmatrachéequivientdeseresserrerbrusquement.Jetoussediscrètementdansmaserviette.Unechancequecesoitunepetitegorgéeparcequelanappeblancheauraitététachée.

—Mais…euh…Tuvoyagessouvent,luifais-jeremarquer.

Sesyeuxpétillentetilmeprendlamain.Jemeraidisetiladûs’enrendrecomptepuisqu’ill’enlèvedoucement.

—Justement.JecomptaismeposeretgérermesaffairesuniquementàVegas.Biensûr,jenet’imposerien,maisjepourraist’aideràrecommenceràvivre.

Jenesaispassic’estl’effetduvinoubiencettenouvelle,maismatêtetourne.

—Euh…

Jemeraclelagorge.

—Tumeprendsaudépourvu,David.Onneseconnaîtpas…Je…jenesaispasquoiterépondre.

Jenesuispassûred’êtreprêteàsautercecap.Çareviendraitàsauterduhautd’unimmeublesansfilet.Pourmoicedînerétaitdéjàunexploitalorsvivreiciavecunhommequejeneconnaispas…

IlestvraiquejeneconnaissaispasMatthewavantdevoyageraveclui,maisjen’aipaseutellementlechoixpuisqu’ilm’a«kidnappée».

—Jecomprendsetjenetepressepas.Maisçaserauneoccasiondeseconnaîtreunpeuplusetjepeuxt’offrirtoutcedonttuasbesoin.Réfléchis-y.

Jehochelatêteseulementparpolitesse,caraucuneréponseadéquatenemevientàl’esprit.

Ilalacomplaisancedenepasenreparler.Lerestedurepasestennuyeuxàmourir.Saconversationn’estbaséequesursontravail.Lerisottod’aspectsavoureuxneparvientmêmepasàmedonnersatisfaction.Jel’écouted’uneoreilledistraite,maismonespritn’estpasici.Ilestencorerestéàcemomentdanslachambre.JerepasseenbouclecemomentoùMatthews’estapprochédemoipourmesupplierderester.Ladouleurétaitimpriméedanssesyeuxainsiquelapeuretledoute.Jenecomprendstoujourspaspourquoiilm’ademandécelapourensuitefairemarchearrière.Était-cesafaçonàluideme

direqu’ilavaitdessentimentspourmoi?Oualors,est-cesonegod’hommequienaprisuncoupquandilaapprisquejedînaisavecunautre?

Peut-êtrequejen’auraispasdûluidiredepartirdemachambre.J’auraissûrementdûinsisterpourlepousseràm’avouercequ’ilressentaitclairementpourmoi.Pourquoinel’a-t-ilpasfait?

JeposemonmentonsurmamainetregardeDavidsanslevoir.Mondoigtfaitlecontourdemonverre.Jenepeuxempêchermespenséesdedériververscebeaubrunàl’allurebrisée.Jepenseàsonrire,sonsourire,safaçondemeregarder,demetoucher.Jepeuxencoresentirseslèvresdoucesetchaudesqu’ilaposéestoutàl’heuresurlesmiennes.

—Hailey?Est-cequetum’écoutes?medemandeDavidavecunpetitsourire.

Priseenflagrantdélitderêverie.Jemeredresse,gênéecommeuneenfantleseraitlorsqu’ellefaitunebêtise.

—Ouibiensûr,jet’écoutais.Lesmachinesàsous,c’estpassionnant…

Ilsemetàrireenbasculantsatêteenarrièretandisquejedeviensrougepivoine.Jesuisvraimentnulleenmensonge.

—Envérité,jen’airienécoutédutout.Jesuisdésolée.

—Tupensesàlui?

Jecroisquel’expressiondemonvisagenelaisseplusdeplaceaudoutepuisqu’ilmesouritavectendresse.Jebaisselesyeux,jesuisterriblementmalàl’aisedepenseràunhommeenpleinrendez-vousavecunautre.Quelgenredefemmesuis-jepourfaireça?

Jedécidedeneplusluimentirpuisquedetouteévidence,illitenmoicommeunlivreouvert.

—Jesuisvraimentdésolée,David,m’excusé-jeleslarmesauxyeux.

—L’amournetrompepas.

Jesuisentraindememoucherdanslaserviette,ouijesaiscen’estpasdutoutsexy,lorsquejem’arrêtenet.Quoi?J’ouvrelaboucheetjefroncelessourcils,surpriseparcequ’ilvientdedire,cequiabiensûreffetderedoublersonhilarité.

—Jemedoutaisqu’ilsepassaituntrucentrevous.Vousneregardezpaslavéritéenface,maisvosregardsnetrompentpas.Pourquoicrois-tuquejet’aidemandéderestericiavecmoi?

Jenecomprendsplusrienlà.Alorsjehausselesépaulesetattendsqu’ilm’explique.

—Pourlasimpleetbonneraisonquejesavaisquetuallaisréfléchiretpenseraussitôtàlui.Etj’avaisvujuste.

—Jesuisdésolée,luidis-jeunenouvellefois.

Ilmesouritetmereprendlamain.Cettefois-ci,jel’accepte,carjesensunecertaineamitiédanscegeste.

—Oh!Nelesoispas.Jesavaisquejen’avaisaucunechanceavectoi.Tuestrèsattirantec’estindéniable,maisjesaisaussiqueMatthewettoiavezunehistoire.Vousêtesdeuxâmesbrisées.

—Commentl’as-tudeviné?luidemandé-jedoucement.

—Jesaisreconnaîtrelespersonnesquiontétééprouvéesparlaviepuisquejesuispasséparlàaussi.

Jesuisabasourdieparcetterévélation.Jereprendsmonverredevinetleboisd’unetraite.

—J’aiperdulafemmequej’aimaisparcequejen’aipasétécapabledelaissermontravaildecôté.Ellen’apassupportéquejelafassepasserausecondplan,alorselleestpartie.

Unvoiledetristesserecouvresesyeux.Ilsecouelatêtecommepouréchapperàcertainssouvenirssombres.Gestequej’effectuaisbientropsouventpourlereconnaîtrefacilement.

—Lebutdecerendez-vousn’étaitpaspourtegardericiprèsdemoi.Jesavaispertinemmentqueçaallaittefaireréfléchirsurtessentimentspourlui.Jesaisaussiquejenesuispasceluiquetuveux.

—Etsij’avaisacceptétaproposition?Tuauraiseul’aird’ungrosmalin,luidis-jeenriant.

—C’étaitunrisqueàprendreetj’étaissûrà80%queturefuserais.Danslecascontraire,jen’auraispasperduauchange,ajoute-t-ilenmefaisantunclind’œil.Jeteraccompagnechezmoi.Ilesttempsquevousayezuneconversationfranche.

Meslarmescoulent,jeleregardeavecétonnement.Cethommeestvraimentsuper.Engénéral,unhommequiinviteunefemmeàdînern’auraitpasdutoutappréciécettesituationetenauraitsansdouteprofitépourcasserdusucresurledosdeMatthew.Siçaavaitétédansd’autrescirconstances,j’auraispuêtredinguedecethomme,seulement…Aujourd’hui,ilyaMatthewetilprendtoutelaplacedansmonespritetdansmoncœur.Saufquecetteplace,iln’enveutpas.Jesecouenégativementlatête.

—Non,ilneveutpasd’unerelation.

Ilparaîtsurpriscommesicelaétaitinconcevablequ’unehistoireneseproduisepasentrenous.Siseulementc’étaitaussisimple!

—Jenepeuxrientediredeplus,maisunehistoireterribledesonpassél’enempêche.J’aiunehistoireaussietjepensequ’onesttropbriséspourêtreensemble.Commentlepourrait-on?Enfin,jeveuxdire,nedevons-nouspasnousreconstruired’abordindividuellement?

Ilposesesmainssurmesjouesetessuiemeslarmes.

—Parfois,nousavonsbesoind’unpetitcoupdepouce.Tusais,vosblessurespeuventvousapporterbeaucoupdeforceàvousdeux.Vousdevezapprendreàavanceretàconfrontervospasséspourensuiteleslaisserderrièrevous.Etpuis,ilnepeutpaslaisserunefemmeaussigénialequetoi,c’estimpossible.Detoutefaçon,s’illefait,jeteprometsdeluibotterleculetjetegarderaiavecmoi,dit-il

avechumourafindedétendrel’atmosphère.

Jerisfaceàsonlangageunpeuplusfamilier.Luiquid’habitudeparaîtsidistingué.

—Jesuisvraimentdésolée,David.Jemesensvraimenthonteuseetjeneveuxpasquetupensesquej’aitentédeprofiterdetoi.

—Hailey…arrêtedet’excuser.Laviecontinue…C’estvraiqu’onneseconnaîtpas,maisjesensquetuesquelqu’undebienetenquijepeuxavoirconfiance.Tueslegenredefemmeavecquij’auraispufairemavie.

Jesuisextrêmementtouchéeparsesparoles,maismalheureusementcen’estpaspourluiquemoncœurbat.Maintenant,jelecomprendsenfin.Ilauraitfallucesderniersévénementspourcomprendrequejedevaisarrêterdemevoilerlaface.Soitilassumeenfinlessentimentsquel’onéprouvel’unpourl’autre,soitj’arrêtelevoyage.Jenepourraispascontinuerdanscesconditions,c’estimpossible.JecroisquejesuisentraindetomberamoureusedeMatthew.J’ensuismêmecertaine.Lessignesnetrompentpas.Moncœurbatàmilleàl’heuresuiteàcetterévélationquimefrappedepleinfouet.Madéterminationdoitsevoirsurmonvisagepuisqu’ilselèveetmetendsamain.

—Allons-y.

JeposemapaumedanslasienneetnouspartonspourrejoindreMatthew.

***

Noussommesdansl’alléedesamaison.Jen’arrivepasàmedécideràsortirdelavoiturequimesembletoutàcouptellementapaisante.Jetrembleetmadéterminational’airdes’êtrefaitlamalle.J’aipeurqu’ilmerejettedenouveau.Pourrais-jelesupporter?

J’inspireetj’expirepourmedéstresser.Moncorpsesttenduàl’extrême.Unsautd’unehauteurd’unimmeubledecentétagessansfilet,voilàcequejem’apprêteàfaire.Jesuisaubordduprécipiceetjecherchelecouragedesauter.Etsic’étaitprécipité?Çafaitseulementunpeuplusdedeuxsemainesquenousnousconnaissons.Ets’ilneressentaitrienpourmoi?EtsijenepeuxpasrivaliseravecEmily?J’ail’impressionquematêtevaexploseravectoutescesquestionssansréponses.Sijenemelancepas,jenelesauraisjamais.

LamaindeDavidquimecaresseledospourm’encouragermesortdematorpeur.

—Toutvabiensepasser,net’inquiètepas.Jet’attendsdanslavoiturepourvouslaisserunpeud’intimité,maisaussiaucasoùçasepasseraitmal.

Jeluisouristristement.

—MerciDavid.Tuesvraimentquelqu’undegénial.Tonexaeutortdepartir.

Ilmesourittristementetmefaitunsignedelamainpourquejesortedelavoiture.

J’utiliselepeudecouragequ’ilmerestepourmedonnerlaforced’ouvrirlaportièreetsortir.Jemedirigelentementversl’entréeenessayantdemettredel’ordredansmespensées,maisaussitrouvercequejevaisluidire.J’ouvrelaporte.Lechauffeurestassissurlecanapéentrainderegarderunmatchdefoot.

—Bonsoir,luidis-jeenregardantpartoutdanslapièce.

—Bonsoir,merépondit-ilenseretournantdeuxsecondesavantdereportersonattentionàl’écran.

Sansperdredetemps,d’unpastremblant,jemedirigeverslachambredeMatthew.Lapièceestplongéedanslenoiretsemblevide.Jetrouverapidementl’interrupteuretlalumièrejaillit.Sonlitestvide.Monrythmecardiaques’accélère.Monpremierréflexeestderegarderdansl’armoire.C’estvideégalement.Aucunedesesaffairesnes’ytrouve.Iln’yaaucunsacdanslachambre.Rien.Toutestvide…Mapoitrineseresserredouloureusement.Ilestparti…Ilm’alaissée…

Jemelaisseglissercontrelemur.J’aienviedehurlerpourfairesortirladouleurquejeressens.Jemesensabandonnée.Trahieetmalheureuse.Plusquejel’étaisdéjà.Nooon!Ilnepeutpasêtreparticommeça!Deslarmesbrûlantescoulentsurmesjoues.Jepeineàrespirertellementjesanglote.J’enlèvemonsacàmaindemonépaule.Jefouilleàl’intérieuretbalancerageusementàtraverslapiècetoutcequineressemblepasàuntéléphone.Unefoislamaindessus,jeneréfléchispasetl’appelle.Plusieurssonneriesretentissentavantdetombersursamessagerie.Jetenteunesecondefois.Messagerie.Jegrognederage.Mesmainstremblent,maisjedécidetoutdemêmed’envoyerunmessageàcelâche.Ilestpartisansmedonnerd’explications.Cen’estqu’unsaleconnard!Jem’yreprendsàplusieursfoisavantdeparveniràécriretroismots:

[Oùes-tu????]

Assisesurleparquetdelachambre,meslarmesnecessentdecouler.Jeretournelasituationdanstouslessensdansmatête,maismonespritrefusedecroirequ’ilapumelaisserseuleici.J’attendsuneréponsedesapart.Delonguesminutesdetorturepassentavantquejen’entendelebipdenotification.Moncœurpalpitepéniblement.

[M’éclipserestlaseulesolutionpourvouslaissertranquille.JeneveuxpasinterféreràtonbonheurHaileyettevoiravecunautreesttropdur.Jesuisdésolé.]

Quelramassisdeconneries!Jeluirépondsaussitôt.Meslarmesnecoulentplusetlaissentplaceàlafureur.Mamâchoireseresserreetsijen’avaispasautantbesoindecetéléphone,ilauraitétépulvérisécontrelemur.

[Dis-moioùtues.Jeviensterejoindretoutdesuite!]

Ilmerépondaprèsdixbonnesminutes.Cesdixminutessontlesplusatrocesdemavie.Jeluiferaipayercetteattente!

[AuDowntownMotel.]

UnautreSMSsuitm’indiquantl’adressedecemotel.Jenesaispascequiluiafaitchangerd’avis,

maisjeneperdspasplusdetemps.Jemerelèveetprendsuneveste.Iln’yapasplusdéroutantqueMatthew!

Jemeprécipiteimmédiatementhorsdelamaison.Davidestdeboutcontresavoiture.Vumonexpressiondécomposée,ilfroncelessourcilsetserrentlespoings.

—Qu’est-cequ’ilt’afait?Jetejureques’ilt’afaitdumal,jevaisluidonnerlacorrectionqu’ilmérite.

Jesecouenégativementlatête.

—Non…Ilestpartiaumotel.Est-cequeçatedérangedemedéposerlà-bas?luidemandé-jeembarrassée.

—Hailey,jevaist’accompagner.Maispromets-moiquesiquelquechosesepassemal,tum’appellesaussitôtetturesterasavecmoi.Maporteteseratoujoursouverte.Jet’aideraientantqu’ami.Tun’esplusseule.

Jeleregardeetmesurprendàleprendredansmesbras.C’estungestequejenemesuisjamaispermiseenverslesexeopposédepuisdesannées.Ilresteinterditdansunpremiertemps,maissedétendetm’enlaceàsontour.

—Allez,neperdonspasdetemps…dit-ilensedétachantdemoi.

Nousremontonsdanssavoiture.Iladûdépassertoutesleslimitationsdevitessepuisqu’enàpeinequinzeminutes,noussommesdevantlemotel.

Cettefois-ci,jen’hésiteplus.Lacolèremefaitpousserdesailesetmerenddéterminéeàmettrefinàtoutcecinéma.Jesorsentrombedelavoiture.

Jemarcheàpasénergiquesaveclafurieuseenviedelegiflerpourcequ’ilm’afait.

Enmedirigeantverslaporte375,lapaniqueprenddenouveaupossessiondemoi.Maconfiancevacillelégèrement.Qu’est-cequejefaisbonsang?

Devantlaporte,jefaislescentspas.D’unepartpourmecalmer.J’aiapprisàmesdépensqu’agirsouslecoupdelacolèren’apporteriendebon.D’autrepart,jen’aiaucuneidéeparquoicommencer.J’ail’impressiond’êtreunefollefurieuse.Jedoisfairepeuravecmonvisagecrispéetmonregarddetueuse.Heureusement,personnen’estdanslesparages.

Jefrappedeuxcoupsàlaportemaispersonnenemerépond.Jefrappeplusfortetlà,croyez-moi,sivraimentiln’apasentenduc’estqu’ilestsourd!Mapatiencealaisséplaceàmonexaspération.Jem’apprêteàfrapperpourlatroisièmefoisquandlaportes’ouvreaumêmeinstant,laissantmonpoingensuspensàquelquescentimètresduvisagedeMatthew.

Lascèneal’airahurissantevuedel’extérieur.Monpoingrestetoujoursenl’air.Jepromènemonregardattiréparcequ’ilporte.Ouplutôtcequ’ilneportepas.Ilestsimplementvêtud’uneserviettedebainenrouléetrèsbasautourdesataille.

Ilsembledécontenancéparlasituation.Monvisagesecrispedecolèreetj’hésiteuninstantàluibalancer,monpointencorelevé,danslafiguremais,jefinistoutdemêmeparlebaisser.

Seullebruitdemaforterespirationbrisecesilence.Mesyeuxluilancentdeséclairs.Sapoitrinemonteetdescendàlamêmecadencequelamienne.Noussommesconnectésparnosregardsquidisenttoutcequ’onneprononcepas.Jeleveuxetilmeveutaussi.Voilàlatraduction.

Soudain,ilromptnotreéchangesilencieuxenm’attrapantparlepoignet.Ilrefermelaportederrièrenousetmeplaquesansménagementcontreelle.

Jefaisglissermesmainscontrecetteportepourtrouverquelquechoseàlaquellejepuissemeretenir.Mesjambesflageolantesmenacentdelâcherd’uninstantàl’autre.L’intensitédesonregardmetranspercel’âmeetmerendfébrile.

Ledésirémanantdenosdeuxêtresestàsonparoxysme.Nosrespirationseffrénéessontenosmose.

Illèvelentementsonbras.Samainsedéposedélicatementsurmajoueetlafaitsensuellementglisserjusquedansmanuque.Contrairementàsonhabitude,ilnes’approchepaslentementdemoi,non,cettefois-ci,ilplongecarrémentsurmeslèvres.Sonbaiserestduretimpatient.C’estdouloureux,maistellementbonàlafois!Cebaiserestsansretenueaucune.Nosdentss’entrechoquentetjesenslegoûtdusangsurmalangue.Dequiprovient-il?Jen’enaiaucuneidée.Jelaissemesmainsvenirseperdredanssescheveuxpresquetroplongs.Jetiredessus,cequimevautungrognementrauquetoutcontremabouche.Ils’écartedemeslèvres,àboutdesouffle.

—Bonsang,Hailey!Tumerendsfou.

Jeletireversmoipourprolongernotrebaiser.Jeneveuxplusquecelas’arrête.J’étanchemasoifdelui.

Ilyatellementdechosesquej’aimeraisluidire!Jeveuxlegrifferpourlepunirdem’avoirfaitdumalendisparaissantetlesoignerdebaiserspourcequ’ilmedonne,làtoutdesuite.Jenesaispasoùcelavanousmener,maisunechoseestsûre,moncorpsetmoncœurleréclamentetjenepeuxrienfairecontrecela.Jeneveuxrienfairecontrecela.

Sesmainsdescendentendessousdemesfesses.Ilmelesagrippeetmesoulève.Mesjambess’enroulentnaturellementautourdesataille,faisanttombersaservietteaupassage.

Ilnousemmèneendirectiondulittoutencontinuantdem’embrasser.Sescaressessefontdeplusenplusprécises.Monmondevacille.Mapeurs’envole.Jesuisenfinlàoùjesensquejedevraisêtre.Nousnedisonsrien,noscorpsparlentpournous.Cesoirestenfinlemomentlibérateur,inconsciemmentattendupournousdeux…

Chapitre18

Matthew

Touts’estpassétellementvitequejen’aimêmepaseuletempsd’analyserlasituation.Toutcedontjemesouviens,c’estd’avoirétédansunesortedebrouillard.J’aiemballémesaffaires,appeléuntaxiavantd’avoiratterriici.J’étaiscommeàl’étatdezombiejusqu’àcequ’elleapparaissedevantlaporte,lepoinglevéprêtàmefrapper.Elleétaitmagnifique.Ledésirmélangéàlacolèrequiémanaitdesonregard,étaitàcemoment-là,absolumenttoutcequ’ilyavaitdeparfaitdanscemonde.

Enveloppédanslesdrapsdumotel,sonodeurpartoutsurmoi,satêteestposéesurmontorseetsescheveuxmechatouillentlenez.Celamerappellenotrepremièrenuitensemblesaufquecettefois-ci,elledésireêtredansmesbras.Jen’arrivepasàquittercesouriredébilequitrônesurmonvisagedepuiscettenuit.Cen’étaitpasunrêve.C’étaitbeletbienréel.Jepensaisqueceseraitplusdifficilequeçadefranchirlecapquejemerefusaisdefranchir.Jem’étaismisdescraintesdanslatêtealorsqu’enfaitc’étaittotalementinfondé.C’estbeauetpourunefoisdepuisbienlongtemps,jemesensànouveaurevivre.Haileyainsuffléàmonâmel’oxygènequiluimanquait.

Lejourn’apasencorepercélanuitencorebiennoire.Jen’arrivepasàfermerl’œilpuisquelesquestionsfusentdansmatête.Nousavonsfranchicecapetiln’estplusquestiond’unretourenarrière.Toutestquestiond’avenir.Maisresteàsavoircommentavancerverscetavenirsansencombre.

Jeposemonregardsurelle,parfaiteettotalementendormie.Leboutdemesdoigtssepromènesursondouxvisage.Jefrôlelégèrementd’abordsonnezjolimentretroussépourensuitecaresserlecontourdeseslèvresentrouvertes.Jecontinuemonpériplesursonmenton.Soncoupuisjedescendsplusbasjusqu’àlanaissancedesapoitrine.Macaresselafaitfrissonner.Sesyeuxs’entrouvrentenpapillonnant.Elleaunpetitmomentdesurpriseavantdemesourire,lesyeuxencoremi-clos.Cetteimageesttoutsimplementsublime.Jelaregardeafindel’immortaliserdansmamémoire.

—Tunedorspasencore?medemande-t-elled’unevoixencoreendormie.

—Non.Jet’observais.

—Ahoui?Iln’yariend’intéressantàvoir,medit-elleavantdeseretournersurleventre.

J’observel’autrefacedesoncorps.Jeris.

—Aucontraire…Ilyabeaucoupdechosesintéressantesàvoircheztoi.

Ellerougit,remonteledrapsurelleetcachesonvisagedanssonoreiller.

—Tun’aspasàêtregênée,luidis-je.Quoique…Tuesmagnifiquequandturougis.

Elletournesonvisagedansmadirectionetmeregardedesesyeuxbrillants.Elleestradieuse.Jem’allongeàmontoursurleventreetluicaressesonvisagedélicat.

—Matthew…Ilfautvraimentquel’onparlesérieusement,dit-ellel’airgrave.

—Jesais…

J’auraisvoulurepoussercetteconversationleplustardpossible,maisellearaison.Nousdevonsenparler.

Jesoupire.Lanuitquenousvenonsdevivrem’afaitprendreconsciencequejenepourraispluslalaisserpartir.Elleestancréedansmatête,maisaussiellearéussiàforcerlemurquej’avaisérigéautourdemoncœur.Iln’yaplusdedoute,elleestcellequ’ilmefautpourguérir.

—Est-cequeturegrettescequis’estpassé?medemande-t-elleleregardtourmenté.

Mamainglissetoutlelongdesacolonnevertébraleeneffectuantdesallers-retours.Pleinsdepetitsfrissonsparsèmentsapeaulaiteuse.Jelarevoissurmoi,medéposantunemultitudedebaiserssurtoutelasurfacedemapeau.Jepeuxencoreentendrelessonsqu’ellefaisaitlorsquejemeperdaisenelle.Commentpuis-jeregrettercemoment?C’estimpossible.

Jel’observe,sérieux,pourqu’ellecomprennequejesuisplusquesincère.

—Nedoutejamaisdemesparoles.Jeneregretteraijamaiscequis’estpasséentrenouscettenuit.C’estjusteque…

Jemeredressepourm’asseoiretcollemondoscontrelatêtedelit.

—Jenesaispassij’arriveraisàguérirsuffisammentpourpouvoirterendreheureuse.Pourtedirelavérité,j’aipeurdet’aimer.

Elleseredressesursescoudesenfronçantlessourcils.

—Mais…pourquoi?medemande-t-elleavantdeserendrecomptequ’ellesaittrèsbienlaraison.

—Tuconnaismonpassé.Jen’aijamaisfaitçadepuisEmily.Jeveuxdire,elleaétél’uniquefemmedontjesuistombéamoureux.Jusqu’àtoi…

Elles’approchedemoietembrassemonbras.Déposantplusieursbaisersdemonavant-brasjusqu’àmonépaule.

—J’aitrèspeurdeteperdre,toiaussi,luiavoué-jeenfuyantsonregard.

Elleacquiescetendrement.

—Jecomprendscequeturessens.Jesaisàquelpointtueseffrayéàl’idéed’aimeruneautrepersonnequ’Emily.Jenesuispaslàpourprendresaplace.Jesaisquelleimportanceelleadanstavieetdanstoncœur.Maispromets-moideneplusjamaismelaissercommetul’asfaithiersoir.Jet’enveuxdem’avoirfaitça,tusais?Etd’ailleurspourquoinem’as-turiendit?

Jereposemonregardsurelle.Jem’enveuxdeluiavoirfaitdumal.Cen’étaitpasmonintention.

—Davidabeaucoupplusàt’offrirquemoi.J’aivuàquelpointilteplaisait.Jepensaisquetupourraisêtreheureuseaveclui.

Elles’assiedprèsdemoietsetournepourprendremonvisageentresesmains.Sesyeuxseplantentdanslesmiens.Jesaisqu’elleaaussipeurquemoi.Jepeuxlireenellecommedansunlivreouvert.Sesdoutessontvisibles.Ellemecomprend.

—Jeneressensrienpourlui.Commenousavionsconvenuqueriennepouvaitêtrepossibleentretoietmoi,ehbienjem’étaisditqueceseraitunebonneidéed’acceptercerendez-vous.Jesuisprêteàavancer,Matthew,etça,c’estgrâceàtoi.Saufquejemesuisrenduecomptequec’étaitavectoiquejevoulaisguérir.C’esttoimonpansement.Etpuis,jen’airienàt’offrirnonplus,tusais.Jenesuisqu’unepauvrefillequin’ariend’autreàpartunpassétortueux.Jenesaispasnonplusoùtoutcelavanousmener.Maisjesuiscertained’unechose:jeteveux,MatthewEvans.Jenepeuxplusresterloindetoi.Hiersoiraurestaurant,mespenséesn’étaientquepourtoi.Jenevoulaisplusniercequejeressentaispourtoi.

J’approchemeslèvresdessiennes.Ledésirmonteàchaquefoisquenoussommesprèsl’undel’autre.Jel’embrasseavecforcepourluimontrerquesesparolesmetouchenténormément.Ellem’aouvertsoncœuretçamefoutuneputaindepression.Sijeneparvienspasàêtreassezfort,çaladétruirait!Jeflippetotalement,maisjeneluimontrepas.

Jedécidedechangerdediscussionetprendssesmainsposéessurmesjouespourlesserrerdanslesmiennes.

—Enparlantdeça,comments’estpassétonrendez-vous?

Jesuiscurieuxdeconnaîtresonétatpuisqu’ellen’apaseuderendez-vousdepuisdesannées.Surtoutaprèscequiluiestarrivé,jepeuxcomprendrequecesoitdifficilepourellederedonnersaconfiance.Ellesouritetdevientlégèrementgênée.

—Trèsdécevantpourlui,jepense.J’aiététotalementabsenteetilapassésontempsàfaireunmonologue.Ilaimmédiatementsuquejepensaisàtoi.Ilaététrèsgentlemanetm’aditdefoncerjusqu’àtoi.C’estvraimentquelqu’undebien,tusais…

—Fais-moipenseràleremercier…luidis-jeenl’allongeantsurlelit

Jel’embrassefougueusement.Elleritàcausedemescaresses.Elledoitsûrementêtrechatouilleuse,alorsjem’amuseàlachatouillerencoreplus.Ellecriecommeunefolle.

—ArrêteMatthew!Jedoisallerfairepipi.Situcontinuescommeça,jenevaispaspouvoirmeretenir!hurle-t-elleenriant.

Jelalibèreetellecourtjusqu’auxtoilettes.Jelaregardeetmedisquejesuisunputaindechanceux.Ellenem’enapasvouludel’avoirembrasséeetdem’êtrecomportécommeunlâcheensuite.Oualorsellenelemontrepas.

—Dépêche-toi!Jemesensdéjàseulici,luicrié-je

—Ouiouij’arrive,merépond-elledepuislasalledebain.

Quelquesminutesplustard,ellerevients’allongeràmescôtés.Ellesuitlescontoursdemontatouageetjesaisqu’unequestionluibrûleleslèvresalorsjeladevance:

—Hailey,jepeuxentendretespenséesàdeskilomètresàlaronde.Pose-moitaquestion,luidis-jeavecamusement.

Elleseredresseetsourit.J’arriveàlireenelleassezfacilementetellelesaittrèsbienpuisqu’elleneprendpaslapeinedenier.

—Parle-moidetontatouage.

Elleserallongeetcontinuedetracerleslignesd’encrenoire.

—Commetulesais,Emilyadoraitlesrosesépineuses.Jevoulaissonsouvenirsurmapeau.Situobservesbien,ilyaun«E»entrelacédanslestigesépineusesenroulées.Ils’étendjusqu’àmonomoplate.C’estuneforêtderosesàépinesdisposéesd’unetellefaçonqu’ilsymbolisel’amouretlasouffrance.

Elleseredresseunenouvellefoispourmieuxobserver.Elleembrassechaquepartiedecetatouagecommepourl’honorer.

—Tueslaseulefemmeàconnaîtrelesecretdecetatouage.

Lapassiondesonregardmetranscende.Ellemeremerciedelameilleurefaçonqu’ilsoit...

***

Nousavonsprofitéd’unlongmomenttouslesdeuxavantdereprendrelaroute.Lessentimentschangenttouteslessensationsetlaperceptionducorps.C’estcegenredemomentuniquequirendlavieplusbelleetjemedemandebiencommentj’aipurestersansressentirçatoutescesannées.

NousnousrendonschezDavidentaxi.Normalement,ilestprévuquejereçoivemavoitureaujourd’hui.ÇatombeparfaitementbienpuisqueHaileyetmoiavonsdécidéderepartir.

Letempsestmagnifique,lesvitressontouvertesetleventjoueaveclescheveuxd’Hailey.J’adorelorsqu’elles’agaceàlesreplacerderrièresesoreilles.Leregardqu’elleposesurmoiestdifférentaujourd’hui.Elleestplusdétendueetplussouriante.

Jel’observeavecaffectionetj’espèrequecesourirenes’éteindrajamais.Jeprendssamainetentrelacemesdoigtsauxsienspuisjelaporteàmeslèvrespourluidéposerunbaiser.Sonsourires’agranditencoreplus,elletirenosmainsjointesverselleetembrasselamienneàsontour.Cespetitsgestessimplesmerendentoptimisteencequinousconcerne.Etjetrouvecelavraimentagréable.

NousarrivonsaudomainedeDavid.Haileyl’aprévenudenotrearrivée.Quandilentendlavoiture,ilsortdirectementdechezlui.Lorsqueletaxis’arrête,Haileypartdirectementàsarencontrepourlesaluer.Jepaierapidementlechauffeuravantdem’approcherd’eux.

—D’aprèscequejevois,çaamarchépourvous…luidit-il.Jesuistrèsheureuxpourtoi,Hailey,j’espèrequevousserezheureuxensemble.Sincèrement.

—MerciDavid.Mercipourtoutcequetuasfaitpournous.Jen’oublieraijamais.Noustenionsàtedireaurevoir.Ilesttempsquel’onreprennelaroute.

Ellel’enlaceetjenepeuxm’empêcherderessentirunepointedejalousie,maisjenedisrien.Jesaismaintenantqu’elleestmienne.

—Jevaisrapidementcherchermesaffairesdanslachambre,dit-elleavantdenouslaisserseulstouslesdeux.

—Mercidel’avoirconvaincuedevenirmevoir.

—Jen’aipasfaitçapourtoi!C’estpourHaileyquejel’aifait.Ellenem’arienraconté,maisj’aicrucomprendrequ’elleenaassezbavéparlepassé.J’espèrepourtoiquetusaislachancequetuas.Nelalaissepaspartir.

J’acquiesce.Etj’appréciedesavoirquedesgenssontlàpourprendresoind’elle.

—Jeprendraisoind’elle,net’enfaispaspourça.

Jetendsmamainversluiqu’ilmeserrepourapprouvermaparole.

—Çayest,jesuisprête,annonce-t-elleavantdesetournerverslui.David,encoremercipourtout.Jegardetonnumérodetéléphonepourqu’onsecontactedetempsentemps,luidit-elleenleprenantunedernièrefois,jel’espère,danssesbras.

—Prendssoindetoietprofitedecevoyagepourtrouvertonbonheur,luidit-ilàsonoreille.

Ilposesonregardsurmoietajoute:

—Matthew,tavoitureestarrivéecematin.Jevousyaccompagne.

Nouslesuivonsjusquedanssongrandgarage.C’estunejoieimmensequederevoirlacopieconformedemonanciennevoiture.Jemeprécipitepourmonteràl’avant.Haileys’installeàmescôtés,aussiexcitéequemoi.Nousrefermonsnosportièresetjeprendsunmomentavantdedémarrer.

—Allez,qu’est-cequetuattends?Démarre!s’enthousiasmeHailey.

—J’aiunechoseàfaireavant.

Jeplongemamaindansmapochedejeanpourtrouvermonbracelet.Ilreprendsaplaceàl’endroitoùildoitêtre.Mêmesijesaisquejen’enauraissansdouteplusbesoin.

Jel’accrocheetleregardeavecnostalgie.Haileyletouchedélicatementduboutdesesdoigts.

—J’airemarquéquetutenaisbeaucoupàcebracelet.Ilaunesignificationparticulière?

Jehochelatêteetluiréponds:

—IlappartenaitàEmily.Jel’avaistoujoursdétestéetjeletrouvaishorrible,maisaujourd’hui,jeneplusm’enséparer.C’estunefaçonàmoidepenseràelle.Etquandçan’allaitpas,jeleregardaisetpuisc’étaitcommesiellemedisaitàl’oreillequetoutallaitbiensepasser.Tudoismeprendrepourunfou,luidis-jeenriant.

Ellesecouelatêteetm’embrassesurleslèvres.

—Sicebracelett’apermisdegarderlatêtehorsdel’eaualorstuesloind’êtrefou.Tuessensibletoutsimplement.

Jedémarreetlebruitdumoteurquivrombitamplifiemonexcitation.JememetsàrirecommeungaminquiauraitreçusonplusbeaucadeaudeNoël.

HaileyfaitunsignedemainàDavidetcedernierluirépond.Pourmapart,jeluifaisunsimplesignedetête.Çapeutsemblerpuéril,etçal’estjel’avoue,maisj’aiplutôthâtedequittercetendroitpourvivreunenouvelleexpérienceavecHailey.Toutseradifférentmaintenant.J’espèrejustenepastoutfoirer.

Jedécidedefaireunpetitdétourpuisquejetiensàhonorermapromesse.NoussommestoutdemêmeàVegasetnousn’avonspaseul’occasiond’alleraucasino.Nimêmedefairedutourisme.

—Oùallons-nous?Cen’estpasdutoutladirectiondel’autoroute,medit-ellequandelles’aperçoitquel’onestsurVegasStrip.

—Nonbébé,jet’avaispromisdet’apprendreàjoueraupoker,non?Ehbientoncourscommenceaujourd’hui.

Ellelèvesessourcilsenfaisantungrandsourire.

—Oh…D’accord.Génial!s’exclame-t-elleentapantdanssesdeuxmains.

Ellesefaitunejoied’apprendreàjoueraupokermêmesij’ailesentimentqu’ellemecachequelquechose.

—J’aimebienquetum’appelles«bébé»,ajoute-t-ellerougissante.

—Tantmieux…bébé,ris-je.

***

Unefoisarrivésaucasino,nousnousdirigeonsdirectementverslestablesdepoker.Jechoisisunetablespécialepourlesdébutants,çaéviteradeperturberlesjoueursprofessionnelsquandjeluiexpliquerailesrègles.

—Observe-moid’abord,OK?luirecommandé-je.Jet’expliqueraiaufuretàmesure.

Jepasseunebonneheureàluiexpliquerlesrudimentsdupoker.Elleal’airtrèsconcentréesurmesexplicationsetposetoutesortedequestionspertinentesauxquellesjemefaisunplaisirderépondre.Jejoueplusieurspartiesavantqu’ellecomprennebienlefonctionnement.J’aigagnéàpeuprèscentdollarspendantcestroisparties.

—OKj’aicomprismaintenant.Àmontour,medit-ellesûred’elle.Donne-moitescentdollars,ajoute-t-elledéterminéeenmetendantsamain,agitantimpatiemmentseslongsdoigtsfins.

—Euh…Hailey,commencé-jeavecunriregêné.Centdollars,tuessûre?Cen’estpasunpeutroppourtapremièrepartie?

Ellefroncelessourcilsetfaitunemouequimefaitmarrer.

—Matthew,fais-moiconfiances’ilteplaît.Jet’aiditquej’avaiscomprislesrègles,medit-elleenmefaisantunsourireenjôleur.

Jepousseungrognementetcède.Rienquesonsouriremefaitcomprendrequeceboutdefemmeauramapeau.Jeluitendsmesdeuxjetonsd’unevaleurdecinquantedollarschacun.Adieupetitsjetons!

—Jemised’abordcinquantedollars,annonce-t-elleaucroupierenposantundesjetonssurlatable.

Jelesensmal,vraimentmal.Lespersonnesautourdelatables’observentavecunpetitsourireencoin.Ilssaventquec’estperdud’avancepourelle.Ilsm’ontbienvuluiexpliquerlesrègles.Ilssaventtrèsbienqu’elledébute.Elles’assiedbiendroitesursachaiseetlecroupierluidistribuedeuxcartesàl’aveugle.Elleal’airvraimentconcentréeetattentiveaujeu,elleretournesescartesetwow!Elleaunetrèsbonnemain.Unepaired’as,bonçanegarantitpasqu’ellegagnera,maisc’estdéjàsuperpourcommencer.Lejoueuràsagaucherelance,Haileysuitetajoutel’autrejetondecinquantedollars…

Lapartiedureassezlongtemps,maisHaileyneflanchepas.Ellen’amêmepasbesoindemonaide.Jesuistrèsimpressionné,finalementelleremportetoutelamiseavecunequinteroyale.J’observelespersonnesassisesautour,ilssonttousbouchebée.

—Mouaislachancedudébutant,lanceunvieuxchauveassisdevantelle.

Haileyluisouritpolimentmêmesijesensqu’elleestlégèrementvexée.

—Lachancen’arienàvoir,c’estpeut-êtreparcequejesuisdouée!s’indigne-t-elle

L’hommericanepoursemoquerd’elle,maisHaileyplisselesyeuxcommepourluilancerundéfisilencieux.

—Jeremisecentdollarssurletapis,annonce-t-elleajoutantlegesteàlaparole.

—Quoi?Non,nefaispasçaHailey.Tuaseudelachance,maisneperdspascequetuasgagné,luimurmurai-je.

Ellesetournesatêtesurlecôtéensereculantlégèrementdemoiethaussantunsourcil.

—Alorstupensescommelui?Tupensesquej’aieudelachance?medit-elle,outrée.Ehbien,tuvasvoirsic’étaitdelachance.Jevaistemontrercommentonjouecommeunepro.

Jerisdiscrètement.Elleavraimentprisconfiance.Jenedisrien,jelalaisse,onverrabien.Ellecommencelapartieetjouedescoupsquejeneluiaimêmepasappris.Quoi?Commenta-t-ellesufaireça?Etc’estàcemoment-làquejecomprendsqu’ellem’abieneu.Jerisensecouantlatêtependantqueleshommesassisautourdelatableonttousl’airanxieuxenobservantleurscartes.Haileyestd’uncalmesiolympienqueçaenestcarrémenteffrayant.

Etvoilàqu’ellegagneencore.Elleprendlesgainsamassésetselève.

—Surce,messieurs…bonnejournée,leurdit-elleavecunsouriretriomphant.

Jelasuisetunefoisassezéloignésd’eux,nousexplosonsderirefaceàleursréactionsdépitées.

—Avoue,tum’asmenti?luidemandé-je.

Ellem’observeetexplosederireencoreunefois.

—Unpeu,maisçaenvalaitlapeine.Situavaisvutatête!

—Surtoutleurstêtes!Tuleurasmisunesacréeraclée,sij’avaissuçaplustôt,jenet’auraispasmiseàcettetable.Depuisquandsais-tujouer?

—Depuisl’université.Pendantmapériodedepopularité,j’airencontréungarçonquiétaitfandepoker.J’aidoncappristouteslesmeilleurestechniquespourgagner.Aumoinsuntrucpositifdansmontristepassé.

—Nerepenseplusàça,c’estterminémaintenant.Maisjedoisavouerquejesuisépaté!luilancé-je

Elles’arrêteetm’embrassefollement,neprêtantaucuneattentionauxclientsducasino.

—J’aimelesdéfis,medit-elleenreprenantlamarche.

J’ail’impressionquesaphraseaundoublesens.Bonsang!Cettefilleauramapeau,c’estsûr.

—Matthew?Tuviens?medit-elleenseretournantethaussantunsourcil,lamainposéesursahanche.

Jericane.Qu’est-cequejedisais?Ellememènedéjàparleboutdunez.Jetrottinepourlarejoindre.

Chapitre19

Hailey

Laveille,nousavonspassélerestedelajournéeàtournerauniveaudestablesdepoker.Niveauprofessionnelcettefois-ci.Jesuissatisfaitedel’avoirimpressionnéeetmonsourires’élargitenétantplutôtfièredemonpetiteffet.Nousavonsvisitétouslesendroitsmythiques.Çafaitbienlongtempsquejen’aipasautantridemavie.Matthewestquelqu’undesimple,maisremplid’humour.Grâceàlui,j’aidemerveilleuxsouvenirspleinlatête.Nousavonstoutdemêmepassénotredernièrenuitàl’hôtelpourpartirtrèstôtcematin.

Leventfaitvolermescheveuxsurmonvisage,jepassemesmainsdedansafindelesmonterenchignon.Complètementdétendue,j’observeMatthew,concentrésurlaroute,tandisquelamusiqueretentitdansmesoreilles.Jemesensapaisée.C’estcommesimavied’avantavaitétéeffacéelaissantunepageviergepourlaréécrire.Matthewestl’encrequ’ilmefallaitpourcommenceràtracerleslignesdemonavenir.

Noussommesenroutepourl’Utah.Lorsquejeluiaidemandéàquelendroitprécisémentnousirons,ilaétéassezbrefdanssaréponseenmedisantsimplementqu’ilavaituneidéederrièrelatêtesanslapréciser.Cequiarenforcémafrustration.Jedétesteêtredanslefloupuisquejesuistrèscurieusedenature.Autantdirequelessurprisesnesontpasmontruc.

Etc’estdonccommeçaquesonidéenousaconduitsdansunmagasind’équipementssportifsetloisirs.Jeleregardemettreunetenteetquelquesaccessoiresdecampingdanssonchariot.Çaaleméritedemedonnerunpetitaperçudecequ’ilcomptefaire.

—Sérieusement?Onvafaireducamping?luidemandai-je,calmement.

Maisàvraidire,jenesuispastellementrassurée.Misàpartmefairesonfichusourireencoinquim’agaceetmerendfolleenmêmetemps,ilneditpasunmot.Jegrogneenmoi-mêmeetsensl’angoissemonterenmoi.

Quandj’étaispetite,monpèrem’emmenaitcamperdetempsàautres.J’avaishorreurdedormirenpleinenature,maisj’adoraispasserdutempsavecluialorsd’unecertainefaçon,çacompensait.Iln’ajamaissuquejefaisaisdesnuitsblanchesàchaquefoisàcausedemonangoisse.Jenesaispastropd’oùvientcettepeurpaniquepourlanature,lesbêtesetlesinsectes,maisjesaisqueçanem’ajamaisrassurée.

Encoreunefois,jedécidedenepasfairelafillesuperlourdeetsurtoutjedécidedenepasmarcherdanssonjeu.Ilchercheàm’agaceretbiensûr,ilsaitcomments’yprendre.Jerestesilencieuseaveclesourireetfaiscommesitoutcelanem’atteignaitpas.

—MapauvreHailey,jesaiscequetucherchesàfaire.

—Etqu’est-cequejechercheàfaired’aprèstoi?Luidemandé-jeenprenantunairinnocent.

Ilritetn’estpasdupe.

—Tunepourraspasmetromperenjouantàlafillecalme.Tubouillonnesdel’intérieur,ricane-t-il.Maispourunefois,tudoismefaireconfiance.Jeteprometsquetuneleregretteraspas,ajoute-t-ilavantdetournerlestalons.

Ilseretourneaumomentmêmeoùjemimecommesijevoulaisl’étriperdemesdeuxmains.Ilmefaitunsourireàtomber.Jenepeuxempêchermesdentsdeseplanterdansmalèvreinférieure.Jedétestel’effetqu’ilasurmoncorps.Non,j’adoreça!Ilserapprochedangereusementdemoid’unedémarchedeprédateur.Sonvisageesttoutprochedumien.Sonsoufflementholémélangéàceluidutabaceffleuremeslèvres.Ilmordmalèvredubas.Jenepeuxempêchermesyeuxdesefermerpoursavourerladéchargequiparcourtmoncorps.

—Jeterendsdingue,n’est-cepas?

Jehochelatête,encoreàboutdesouffle,puisilserecule,melaissantpantelante.

Aprèsavoirpayétoutcematériel,nousnousremettonsenroute.Ilnousresteencorecinqheuresdetrajetavantd’arriveràladestinationsurprise.Nousnefaisonspasgrand-choseàpartnoustaquiner,nousdonnerdespetitsbisousetchanternoschansonsfavorites.Letempspassetrèsvite,maistrèsagréablement.

Unefoisarrivéssurlelieusecret,j’ouvregrandlabouched’émerveillementlorsquej’observel’environnement.C’estfabuleux,degrandscanyonssedressentdevantmoi.Lesoleilquicommenceàsecoucherrendlacouleurdelarocheunique.Jusqu’àprésent,jen’avaisjamaisvuquelquechosed’aussibeau.

Ilsegaresurunpetitparkingréservéauxvisiteursduparcnaturel.Surl’écriteauestindiqué:«ParkAvenueTrailhead»,c’estàcemomentquejecomprends.

—Onvadormirlà?luidemandé-jeessayantdecontenirtoutemonexcitation.

Ilmesouritetlaisseexplosersajoie:

—Surprise!

Mapeurpaniquedelanatures’évaporequandjedécouvrel’endroit.Jecriedejoieetbondisàsoncou.C’estdelafolie!Jamaisdemaviej’auraispensédormirdanscegenredecadre.EtjesuisheureusededécouvrirçaavecMatthew.BonOK,jeflippe,maisjevaismeforcerunpetitpeuquandmême.Çaenvautlapeine.

—Wowwow.Sij’avaissuquecegenred’endroittemettraitdansunétatpareil,jet’yauraisamenéeplustôt,s’amuse-t-ilavecunregardpleindesous-entendus.

—Jesuissuperheureuse.MerciMatthew.

Jel’encombredebisouspartoutsursonvisage,cequilefaitrire.

Nousdescendonsdelavoitureetjenepeuxdécrochermonregarddecepaysageàcouperlesouffle.Ilmeprendparlamainetmarcherapidement.

—Nousdevonsfairevitepouratteindrelecamp.Lanuitvabientôttomber.

Jelesuisenessayantd’atteindrelamêmeallurequelui.L’endroitestdésertettotalementfabuleux.

Jenesaispasoùsetrouveprécisémentlecampement,maisl’enthousiasmequej’avaisilyaunevingtainedeminutescommenceàretomber.Jesuisvraimentépuisée.Monsacàdosquisemblaitsilégeraudébutal’airdepeserunetonne.

—C’estencoreloin?luidemandé-je,essoufflée.

Ils’arrêtepourobserverlacarte.

—D’aprèscettecarte,nousdevrionsbientôtyêtre.

Nousreprenonsnotreroute,jecommenceàavoirfroidetlafatigueprendledessus.Malheureusement,lorsquejesuisfatiguée,jenesuisbonneàrien.Parmafaute,Matthewralentitsonpas.Jel’entendsbougonnerdesmotsincompréhensibles.Laseulechosedontjesuissûrec’estd’avoirunmauvaispressentiment.Etdepuisledébutdecevoyage,ilnem’ajamaisfaitdéfaut.

—Matthew?Est-cequetusaisvraimentquelledirectionprendre?luidemandé-je

Ilseraclelagorge,maisnemeregardepas.

—Matthew?

Ilseretourneenfinversmoi.

—Neflippepas,OK?medit-il,penaud.

Jefaisunsourirecrispéenattendantdesavoircequ’ilvam’annoncer.

—Jet’écoute,luidis-jeavectoujourscesourirecrispésurmeslèvres.

—Noussommespaumés!

Monsourires’effaceaussitôt.J’écarquillelesyeux.

—Quoi?C’estuneblague?dis-jeenmemettantàrirenerveusement.Tum’asbieneue,Matthew.Allezviens,onreprendlaroute…

—NonHailey.Jeneblaguepas,noussommesvraimentperdus.

Jememetsàéclaterderire,bienquelasituationnes’yprêtepas.Maislafatigueaeuraisondemoi.Jedeviensfolle.

—Est-cequetutesensbien?medemande-t-il

Jedoisavoirl’aird’unepauvrehystérique,maispourl’instantcequ’ilpensem’importepeu.

—Est-cequejemesensbien?Est-cequej’ail’airdebienaller,Matthew?Onestperdusenpleinmilieud’unparcnaturel!Ilfaitnuit.Noussommesloindelavoituremaintenant.Est-cequ’ilyadesserpents?Oh,monDieu,ouiildoityenavoir,c’estsûr!

Mesnerfslâchentetjepleure.Toutmoncorpsfaiblitetsemetàtrembler.Lafatigueetlefroidnefontpasbonsménagesadditionnésàmesnerfsetmaphobiedelanature.Ils’approchedemoi,meprenddanssesbrasetcaressemescheveux.Jem’abandonnecontrelui.

—Chuut,net’inquiètepas,ilnenousarriverarien.Jesuislà.Soistranquille,m’assure-t-ilendéposantunbaisersurlehautdematête.

Ils’écartedemoi,prendmonvisageentresesdeuxmainspourm’essuyermeslarmes.Ellessontdouces,chaudesetréconfortantes.

—JesuisdésoléHailey.Jevoulaistefaireunesurprise.Àcroirequejenesuispasdouépourçanonplus.

Sonexpressionbouleverséemeserrelecœur.Monintentionn’étaitpasluifairedelapeine.Enyréfléchissantbien,ilavoulumefaireplaisir.Jenesuisvraimentqu’uneidioted’avoirréagicommeça.

—Excuse-moi,reniflé-je.Jesuisjustefatiguée,maisj’aiadorétasurprise.Merci,Matthew,luidis-jeenluidéposantunchastebaisersurseslèvres.

—Allezviens,nousallonsinstallernotrecampement.

Ilmeprendlamaind’ungestetendreetm’attireprèsdelui.Noustrouvonsuneplacequelquesmètresplusloinsousl’unedesarchesdecesitetouristique.Cesarchessontappréciéesetphotographiéespardenombreuxtouristesdumondeentier.Dansnotremalheur,jemesenschanceuseàcetinstantdedormirlà-dessous.Iljettelatentequisedéplietouteseule.C’estvraimentpratique.Ladernièrefoisquej’aifaitducamping,monpèreetmoipassionsuntempsfouàlamonter.Lesjoiesdelanature,medisait-il.Penseràmonpèremerendtristed’uncoup.

Matthewinstalletoutpouravoirunpetitconfort.Ilplacelesduvetsetsortlenécessairepourfaireunfeudecamp.Jesuisagréablementsurprisequ’ilaitpenséàtout.Moncœurfrémitquandjel’observetoutmettreenplace.Lesmouvementsdesoncorpsm’hypnotisentainsiquel’expressiondesonvisagelorsqu’ilestconcentré.

C’estlapremièrefoisquejeressensçapourquelqu’un.JenemesouvienspasqueDeanm’aitprovoquéceteffet-làalorsquej’étaisamoureusedeluidepuisdesannées.C’estseulementmaintenantquejecomprendscequel’onressentvraimentlorsquel’ontombeamoureuse.Lasensationdeplénitudequinousenvahitestjusteindescriptible.Enprenantconsciencedecela,jesuisempreintàunenvoûtantvertige.Commentpourrais-jetomberamoureused’unhommequejeconnaisdepuisseulementdeuxsemaines?Quiplusestaprèsquej’aivoulumettrefinàmesjours!Laviepeutparfoisêtreétonnanteetnouschangerdujouraulendemaincommeça,sansprévenir.Pourlemoment,notrerelationestbeaucouptropfragilepourquejeluirévèlecequejeviensdecomprendre.Jedécidedegarderçapourmoi.

Lefeudecampprendrapidementprise.Ilm’inviteàm’installerentresesjambes.Jen’yvaispas.J’yaccours.Jesuisgeléeetjem’yplaceconfortablement.Mondoss’appuiecontresontorseetilm’entouredesesbras.Lasensationcesoirestdifférente.Aujourd’huinoussommesuncouple,enfinjepense.Iln’yapluscetteéternellequestiondesavoirsil’ondoitcéderoupas.Noussommeslibres.Nosdémonsnousdonnentunpeuplusdeliberté.

—Parle-moiunpeudetoi,luidemandé-jeenobservantlesflammesdanserdevantmesyeux.

—Quediredemoi?

Ils’éclaircitlavoix.

—Ehbien,j’aigrandiàNewYorkdansunefamilleassezaisée.Jen’aijamaismanquéderien.Nid’amournid’argent.Mesparentsétaientfousamoureuxl’undel’autre.Commetulesais,monpèretravaillaiténormémentetnousnelevoyionspassouvent.Maislepeudetempsdontildisposait,illedépensaitpournousquatre.

—Quatre?luidis-jeétonnée.

—Mamère,monfrère,masœuretmoi.MasœurLaurenestplusjeunedecinqansparrapportàmoi.C’estunepeste,maiselleaunboncœur.MongrandfrèreRyanestl’aîné,ils’estengagédansl’arméeetpourlemomentilestaffectéenIraq,m’explique-t-il.Enfinbref,iln’yariendeplusàraconter,tuconnaisdéjàlereste.Jen’aipasuneviesiintéressantequeça.

J’auraisaiméavoirunevieaussicalmequelasienne.Malheureusement,c’esttoutlecontraire.

—Ettoi?Raconte-moicommenttuétais,petite.

Saquestionmereplongeaussitôtdanslesplusbeauxsouvenirsquej’aidemesparents.Avantquetoutcelanechange.

—Jesuisfilleunique.Mesparentssonttrèscatholiquesdoncj’aigrandidanscetteambiancetrèsstricte.Maisàcemoment-là,j’étaisleurfillechérie,leurbébé.Ilsétaientfiersdemoiquandjeréussissaisàl’école.Tusais,moiaussijenemanquaisderien,c’étaitlaseuleépoqueoùmesparentsm’emmenaientfairedespique-niquesoubienquemonpèrem’emmenaitfaireducampingetm’apprenaitàpêcher.J’étaisvraimentheureuse.J’aiégalementcommencéladansetoutepetiteetj’adoraisça.Toutmontempslibrejelepassaisàdanser.

—Tudansais?Sérieusement?

—Oui.C’étaituneépoqueheureusedemavie.J’étaisballerine.Ladansemepermettaitdetoutoublier.Surtoutquandjesuisentréedansl’adolescenceetlà,mamèremevoyaitcommeundémonsurpatte.C’estàcemoment-làquelestensionsentreelleetmoiontcommencé.C’étaitconfrontationsurconfrontation,jusqu’àlarupturenette.Onseparlaitàpeineetmonpèresuivaitmamère,évidemment.J’aidoncdanséencoreetencorepourfuirlamaison.Jedansaistellementquej’étaisdevenueplusqu’excellente.C’étaitmonmoyendefairesortirlapressionconstantequejevivaisauseindemafamille.Ensuiteestvenuletempsdesdifficultésdelafac.Certainesfillesquiétaientdansmaclasseseretrouvaientégalementdanslamêmecompagniededansequemoi.Lesinsultesm’ontsuivijusquedans

mabulledebonheur.Ellesallaientmêmejusqu’àmefairetrébucherlorsdemesfigures.C’étaitdevenuuncauchemaralorsj’aitoutabandonné.

Jelesensseraidirderrièremoi.Jetournematêteversluipourl’observer.Sonexpressionestsitriste.Ilmesouritetm’effleurelajouedesamain.Ilpenchesatêtepourmefaireunbaisersurlefront.

—Jesuisvraimentdésolépourtoiquetuaiesdûsacrifierbeaucoupdechoses,medit-illabouchecontremescheveux.

Jehausselesépaules.

—C’estderrièremoimaintenant.Jedoisseulementaccepterd’abandonnermonrêve.

—Quelétaittonrêve?

Jesourisavecnostalgie.

—Quandj’étaisgamine,jerêvaisd’ouvrirmapropreécolededanse.J’avaisdessinésuruncarnetmafaçondevoirchaquepiècedecetteécole.Jevoulaisqu’ellesoitspéciale.Unique.Jevoulaispermettreàtoutlemonded’intégreruneécolededanseclassique,mêmeceuxquin’auraitpaslesmoyens.Savais-tuquec’étaittrèscherettrèsselectcegenred’école?Jevoyaistoujourspleindefillesarriverauxsélectionslesyeuxpleinsd’espoiretressortirenpleursparcequ’ellesnecollaientpasavecl’imagedel’écoleoualorsellesn’étaientpasassezparfaites!Jemesuisdoncmiseàimagineruneécoleouverteàtous.

—C’esttrèshonorabledetapart.Etunprojettrèsintéressant,medit-ilpensif.

—Merci,maisaujourd’huiceprojetnenaîtrajamais,dis-jeavecregret.

Ilmefaittournermonvisageensadirectionpourplantersonregarddanslemien.

—Hailey,riennet’enempêcheaujourd’hui.Tupeuxdésormaisdevenirlapersonnequetuveux,oùtuveux,quandtuveuxetavecquituveux.

Jenesaispasencorequoifairedemonavenir,àvraidire,j’avaisabandonnél’idéedansmatête.Cetteconversationmerendtristedoncjedécidedelalaisserenattente.

—Ettoi?luidemandé-jeenchangeantdeconversation

—Quoimoi?

—Ehbientoi,qu’aimerais-tufairedanslavie?

Sonregards’assombritetilreportesonattentionsurlefeu.

—Aucuneidée.Jemesuislaisséquelquetempspouryréfléchir.Sijenetrouvetoujourspasmonbut,jereprendraislesrênesdelasociétédemonpère.Pourl’instant,c’estsonassociéquigèretout.Avantdemourir,ilasouhaitéquejeprennesaplace.Çameplairaitbiensûr.Quinerêveraitpasd’avoirsapropreentrepriseavanttrenteans?Maisjenesaispassij’ensuiscapable.Etavectoutcequis’est

passédansmavie…Jenesuisplussûrderien.Jenesaisplusquijesuis,cequejeveux.Jesuiscomplètementperdu.

Jevoisàquelpointcettesituationluipèse.Jetournemoncorpsetmepositionneàcalifourchonsurlui.Etjeprendssonvisageentremesmains.

—Tuesuntypeformidableetjepensequetudoisapprendreàavoirconfianceentoi.Jesaisquetuescapabledegérercetteentrepriseetdesurmontertonpassé.Ilsuffitdelevouloir.

Sesmainsparcourentmondospoursepositionnerplusbas.Sonregardchangeetsechargeendésir.

—Jevoudraisqu’unjourtudansespourmoi,medit-ildoucement

Jesouriscomprenantqu’ilveutarrêterladiscussionetprendsmonairespiègle.

—Mmmmh,çapeutsefaire…Unjour…

—Tusais,unefoiscevoyageterminé,jet’offrirainotrevraipremierrendez-vous.

Jeleregardeavecsurprise.Lefaitqu’ilmeparledenousdeuxdansunavenirprochemefaitunebizarresensation.Pasdanslemauvaissens.Ilveutqu’oncontinueensembleaprèscevoyage.Jenepeuxempêchermonsourires’étirerlentement.

—Ahoui?Etoùcomptes-tum’emmener?

Seslèvresseposentsurmoncou,illesfaitglisserlentementjusqu’àlalisièredemamâchoire.Sonsoufflechaudmefaitfrissonner.

—C’estunesurprise,maisenattendantpassonsàdeschosesplussérieuses,ajoute-t-ild’unevoixsuave.

Sabouchefrôlelamienned’abordlentementpuisimpétueusement.Àsafaçondem’embrasser,jecomprendsaussitôtquecelamarquelafindenotreconversationetqu’ilcomptenousmenerversunmomentplusintimeetintense.Ilserelèveavecmoi,toujoursdanssesbras.Noslèvressontscelléeseteffectuentunedansesensuelleetilnousamèneprudemmentjusqu’àl’intérieurdenotrehôteldefortune.

Chapitre20

Matthew

Haileyestprofondémentendormiedansmesbrastandisquejen’arrivepasàfermerl’œil.Jesoulèvemonbrastrèslentementafindenepaslaréveiller.Mont-shirtetmavestesontàportéedemains,jelessaisisetm’habilleavantdesortirfumeruneclope.

Lanuitrecouvreencorecepaysagesauvage,jefaisquelquespaspourm’installersurunrocherencorechauddelajournéepassée.D’uncôté,jesuisplutôtsatisfaitdem’êtreperdu.Celanouspermetdevivreuneexpérienceunique,maisaussideresterisolésdesautres.Lasolitudeaparfoisdubon.Surtoutpourmoi.

Laconversationquenousavonseuetoutàl’heuretournedansmatête.Jemedemandesi,aprèstout,reprendrelesrênesdelasociétédemonpèreneseraitpaslameilleuresolution.J’auraisunebonneplaceetceseraitplussimplepourtoutlemonde.Surtoutpourmamère,ellen’auraitplusbesoindetravailler.Jepourraissubveniràsesbesoinsjusqu’àlafindesavie.Elleatoutfaitpourmeconvaincredefairecevoyage.Elleaconsciencequej’étaisauboutdemacapacitéàsupportercedeuil.Maisjenepeuxpasm’empêcherdepenserquej’aiétéégoïstedetoutquitterpourvouloiràtoutprixtrouvermonbut.L’imaged’Haileyrevientdansmatête.Etlefaitqu’ellepourrasansdoutem’aideràeffectuercetravaildedeuilquejerefusaisdefairemepermetd’enleveruninstantcetteculpabilité.Celled’avoirlaissémamère.Jem’aperçoisaujourd’huiqu’ilfautquej’assumemesresponsabilités.Aprèscevoyage,jeretourneraiàNewYorkpourreprendreleschosesenmain.

J’ailatêteenvracetmeposetropdequestions.Qu’adviendra-t-ildenousàlafindecevoyage?Sera-t-elleprêteàmesuivreàNewYork?Undoutes’installeenmoi.Notrerelationestnaissanteetencorefragilevunosantécédents.Jesuiscomplètementpauméetjecroisnejamaisl’avoirautantétédetoutemavie.

Jeregardel’heuresurmontéléphoneetjesuisétonnédeconstaterqu’ilyaunsemblantderéseauenpleinenature.C’estsansdouteprévupouréviterquelestouristesseperdent.Mentalement,jecalculeledécalagehoraire.IlestenvironsixheuresdumatinàNewYork.Mamèredoitsepréparerpourallerautravail.Jeressenslebesoind’entendresavoix.Elleatoujourssutrouverlesmotspourm’aideràm’apaiserlorsquejesuistourmenté.Jecomposesonnuméro.Auboutdetroissonneries,ellerépondd’unevoixsifatiguéequeçametuelecœur:

—Allô?

—Bonjour,maman,commentvas-tu?

—Matty?C’esttoi?s’écrie-elle.

Sonsoupiresttremblotant.Jel’imaginedéjàentraindeseretenirdepleurer.

J’adoreletondesavoixquandellem’appelleparcesurnomquinem’aplusquittédepuisquejesuisgamin.Ladouceurdesonintonationmeramènetoujoursàtantdesouvenirsagréables!Pendantlongtemps,jemesuisposélaquestion:pourquoim’a-t-elleappeléMatthewsic’estpournejamaisl’utiliser?

Aprèsavoirlaisséunsilencepourseressaisir,elleajoute:

—Jevaistrèsbien.Rassure-toi.Tumemanques,monchéri,quandest-cequeturentres?

—Bientôtmaman,luipromets-je.

—Tunet’ennuiespastroptoutseul?s’inquiète-t-elle.Tuasrencontrédumonde?

Mamèreatenuàcequejefassecevoyagespécialementpourquejerencontredumondedifférentdemonentouragepourdépassercettecalamitéquimerongeait.

—J’airencontréunefille,luilancé-je

Jenesaispaspourquoijeluiraconteça,maisj’enressenslebesoin.Ellesaitparquoijesuispassé.

—Turencontrestoujoursdesfilles,monchéri,iln’yariend’étonnant,dit-ellesurletondelaplaisanterie.

Jem’étrangleavecmasalive.

—Mais…Maman...

Jen’arrivepasàfinirmaphrase.Jesuistellementmalàl’aisequ’ellesachepourtoutesmesaventuresd’unsoir.Jefermelesyeuxetmepasseunemainsurlevisage.

Sonéclatderiremeréchauffelecœur.

—Jesuispeut-êtrevieille,monchéri,maisjenesuispasnéedeladernièrepluieetjesuisloind’êtreaveugle.

Jenepeuxm’empêcherderire.

—Tun’espassivieillequeça,maman.

—Nedéviepaslaconversation,mesermonne-t-elleenplaisantant.Alorscettefille?

—Elleest…spécialeetdifférentedetoutescellesquej’aipurencontrerdepuis...

—Oh…mecoupe-t-ellesurprise.Ehbien,siellearéussiàpercertoncœur,c’estqu’elledoitl’être,surtoutquetunet’esjamaisouvertàuneautredepuislamortd’Emily.

L’entendreprononcercettedernièrephrasemefaitl’effetd’uncoupdepoingàl’estomac,maisjenedisrien.Mêmesij’ail’habitudedel’entendredesabouche,çan’empêchepasladouleurdes’étendre.Ellen’ajamaisvouluenfaireunsujettabou.Pourelle,jecite:«tudoisapprendreàentendrelavérité

mêmesiçatedéchirelesentrailles.Letempst’aideraàguérir.»

Comprenantsûrementlemalaise,elleajoute:

—Commentest-elle?

Jepeuxentendresonsouriredanssavoix.

—Haileyestunefillesublime,drôleetintelligente,maiselleestaussiabîméequemoi.Jepensequec’estenpartiepourçaquel’onsecomprendetquel’onsesentsiprochesl’undel’autre.Jecroisquec’estelle,mondestin.

Jefaisréférenceauconseildemamèreavantmonvoyage:«Suislaroutequitemèneraàtondestin,monfils».

—Jesuistellementheureusepourtoi!J’aimeraisbeaucouplarencontrer.Viendra-t-elleàNewYorkavectoi?

—Jenesaispas.C’estencorerécententrenousdeux.Nousnesavonspasencoreoùcelavanousmener.

UnbruitattiremonattentionetjeremarqueHailey,l’airdésorienté,quimechercheduregard.Dèsqu’ellem’aperçoit,ellesedirigeversmoi.

—Jedoisraccrocher,maman,àtrèsvite,jet’aime.PasselebonjouràLauren.

—Jen’ymanqueraipas,prendssoindetoietsaisisfermementtondestin.Necrainspasd’êtreheureuxànouveau.Jet’aime.

Jeraccrocheetparsàlarencontred’Hailey.Jel’enlace.Elleestgelée.

—J’aieupeur.Tuasdisparu.

Elles’écartelégèrementdemoipourmeregarder.

—Excuse-moi,j’étaisautéléphoneavecmamère.

Ellemesouritetseblottitdansmesbrasenposantsatêtecontremontorse.Jeposemesmainssursondospourlacaresseretlaserrerencoreplusfort.

—Parle-moid’elle…

Savoixrésonnedansmapoitrine.

—Jeteparleraid’elle,maisd’abordallonsàl’intérieurdelatentepourseréchauffer.Ilfaitfroid.

Elleacquiesceetseprécipitedanslatentepours’allongersouslesduvets.Jelarejoinsetmecolleàellepourquenoscorpsseréchauffentmutuellement.Ellesetournesurlecôtéenposantsatêtesurmontorsetoutenmecaressant.

—Mamèreestunefemmegéniale.Jesuispersuadéquevousallezbienvousentendre.Depuislamortdemonpère,elleaperdusajoiedevivre,maisellen’ajamaiscessédemontrersonamourpournous.Elletravailleduralorsqu’avecl’héritagedemonpère,ellepourraitvivreaisémentjusqu’àlafindesesjours.Saufqu’elleadécrétéqu’ellen’enavaitpasbesoinalorselleadonnésapartàdesassociationscaritatives.Mamèreestlegenredepersonnequifaitpasserlebien-êtredesautresavantlesien.Jepensequ’ellecontinuesontravailpourcesserdepenser.MasœurLaurenvitavecelle,maisellesortbeaucouptropdoncaufinalmamèreseretrouvesouventseule.J’aimeraisvraimentqu’ellerencontrequelqu’un,maispourelle,celareviendraitàtrahirmonpèrealorsellerefused’ouvrirsoncœuràunautre.

—Jepeuxcomprendrequ’ellenesesentepasprêteàretrouverl’amour.Tonpèreétaitquandmêmel’amourdesavie.Etelledoitsansdoutesedirequeceluidesesenfantsestsuffisant.Sij’étaisàsaplace,jenepensepasêtrecapabledeconstruireuneautrehistoire,meditHaileyenmefaisantunbisousurlementon.

Ilyaplusieursaspectssurlesquelsmamèreetmoinousressemblonsénormément.Jelacomprendsmieuxquepersonne.J’aiégalementperdulafemmedemavie.J’ail’intimeconvictionquedes’enfermerdanslessouvenirsn’estpaslasolution.Letruc,c’estderéussiràsortirdecetourbillonquinousaspiresanscesseverslefond.

—Tuassansdouteraison,luiréponds-je,nevoulantpasplusargumenter.

Pourlemoment,toutesmesnouvellesrésolutionssontdisperséesdansmatêteetrestentencoretrèsfloues.

Ellesemetàbâiller.

—Dormons,nousdevonsnousreposerpourlajournéededemain.Dorsbien,bébé.

Elleritlégèrement.

—Bonnenuitàtoiaussi,bébé,répond-elleenexagérantsurlederniermot.

Nousrestonsunpetitmomentànousembrasserjusqu’àcequelafatiguenousemporte.

***

Lelendemainmatin,nousavonsrebroussercheminetsuiviscrupuleusementleplan.Aprèsavoiringurgitéunpetit-déjeunerrapideetcontinuédenousimprégnerdecepaysagetoutsimplementsplendide,nousreprenonsnotreroutedirectionDenver.

Pendanttoutletrajet,nousétablissonsl’itinérairepournotredernièresemaine,jen’aipasencorediscutéavecelledufaitquejerentreraiàNewYorkaprèscevoyage.Àvraidire,nousn’avonspasencorediscutédu«après».Nousavonsencoredutempspourcela.Mêmes’ilfileàtouteallure,jepréfèrenepasconnaîtresadécisiontoutdesuite.D’unepartparcequec’estbeaucouptroptôt,d’autre

partçaassombriraitleresteduvoyagesiellerefusait

Àlamoitiéduparcours,nouspassonssurunpont.Jeremarqueunpetitattroupementdevantlarambarde.Jeralentispourobservercequ’ilsepasseetmonestomacseserreenpensantqu’ils’estpasséquelquechosedegrave.Saufquejem’aperçoisrapidementquec’esttoutautrechosequis’ydéroule.Unenouvelleidéegermedansmatête.

Jemegaresurlecôtédelaroute.Haileym’interrogeduregardmaisjeneluidisrien.Telquejelaconnais,elleflipperaittotalementetmeconvaincraitderenoncer.Jedescendstranquillementdelavoitureetenfaisletour.J’ignoresonregardinterrogateurmaisaussianxieuxetluiouvrelaportière.

Jesourispourcalmersoninquiétude.Ellemefixe,hésitantàprendrelamainquejeluitendsàlafaçond’ungentleman.Elleafficheunsouriremoqueurpuisqu’ellesaitquecen’estpasmonstyle.Maisc’estseulementunefaçonpourmoidetenterdedétournersonattentionetlaprépareràcequivasuivreensuite.Samaintremblanteseposedanslamienneetnousmarchonsendirectiondupont.Ellenecessedepassersonregarddupontàmoi.

—Matthew?Tum’expliques?

L’inquiétudesefaitentendredanssavoix.Jem’arrêteàquelquesmètresdupointd’arrivéeetposemesmainssursesépaulespourlafairepivoterdevantmoietlaregarderdroitdanslesyeux.

—Bon,tutesouviensdupremierjouroùnousnoussommesrencontrés?commencé-je.

Sonregardsevoile.

—Commentnepasoublier,ajoute-t-elletristement.

—Alorsaujourd’hui,j’aimeraisquetufassesunsautàl’élastique,depuiscepont,luidis-jeenpointantlepontdudoigt.

Elleécarquillelesyeuxetouvregrandlabouche.

—Quoi?

Ellesecouefrénétiquementlatête.

—Non,non,non.Horsdequestion.

—Jeveuxquecesoitunesortedesymbole.Lesautquetun’asjamaisfait,jeveuxquetulefassespourmarquerlecommencementd’unenouvellevie,plusjoyeusecettefois.C’estunesortederenouveau.

Elleregardelepontavecaffolement.Jevoisbienl’incertitudedanssonregard.Alorsjeluicaresselebrasetluidis:

—Hailey,regarde-moi.Onlefaitàdeuxsiçapeutterassurer.

Ellelèvesesyeuxapeurésversmoi,regardeencoreunefoislepontetellesoupireenacquiesçant.

—OK,enyréfléchissantbien,c’estplutôtunebonneidée.Flippante,maisbonne.

Ellesourit,maisderrièrecesouriresecacheunepaniqueimmense.Nousnousdirigeonstouslesdeux,maindanslamain,verslesorganisateursdessauts.

—Bonjour,est-cequeceseraitpossibledesauteràdeux?demandé-jeaujeunequis’occupedeséquipements.

—Bonjour,hum,jevaisregarder.Uninstant.

Ilsedirigeversunepetiteplancheoùestposéuncarnettrèséliméetregardededans.

—C’estvotrejourdechance,ilyauneplacequis’estlibéréejusteaprèscesdeuxpersonnes.

Unechanceouunsignedudestin,ai-jeenviedeluidire.

—C’estsuper,réponds-jeàlaplace.

Jepaietandisqu’Haileyremplitlepapierquiattestequenousacceptonslesconditionsdesécurité.Sesmainstremblentlorsqu’elleécritalorsjeluireprendslestylodesmainspourcontinueràsaplace.

—Çavaaller.Tuvasadorerça,fais-moiconfiance.

Elleesquisseunlégersouriremaisnemerépondpas.

Nousnousaccoudonssurlabarrièredupontpourobserverlespersonnesdevantnouseffectuerleurssauts.

Moncœurbatàtoutrompreetmesmainsdeviennentmoitesaupointquejelesessuietoutcontremonjean.Jen’aijamaiseulevertige.Lesautenparachuteetceluiàl’élastiqueçameconnaîtpourl’avoirfaitplusieursfois.Cen’estvraimentpasçaquimefaitpeur.Loindelà!Maisaujourd’hui,cesautaunesaveurparticulière,pourHaileysurtout.J’angoissepourelle,carcen’estpasunsimplesaut.C’esttoutunsymbole.

Enprenantladécisiondesauter,j’aivul’acceptationdesanouvelleviedanssesyeux.Etjesuisfièred’elle.Cettefilleestbeaucoupplusfortequ’ellenelepense.J’admirecettevolontéetj’aimeraisêtrecapabled’enfaireautant.

Ladernièrepersonneàpasserestunefemmed’uncertainâge.Elles’avanceavecassurancesurlaplate-formeet,sansaucunehésitation,sautedanslevide.Jesuisimpressionnéparsoncourage.Jetournemonregardendirectiond’Haileyquiestlivideetcrispée.Jelaprendsdansmesbrasetluidéposeunlongbaisersursoncrânepourl’apaiser.

—Net’enfaispas!Cen’estpassiterriblequeçaenal’air.Çateferaunsupersouvenir.

C’estétrangequ’ellen’aitaucuneassurancealorsqu’elleseraensécurité.Bordel!Elleétaitprêteàsauterd’unpontsansharnaistoutdemême!Elleallaitsetuer!Jemegardebiendeluirappeler.Jepréfèrequ’elleoubliecejour.

—Ouaistuparles!Etsil’élastiquelâcheetsiquelquechosesepassaitmal?s’exclame-t-elle,hypertendue

J’éclatederirefaceàsondésarroi,elleestvraimenttropbellequandelleestangoissée.

—Net’inquiètepas,c’esttrèssécurisé.

—C’estàvous,nousditlejeunehomme.

Déjà?Jeprendssamain,bordel,elletremblecommeunefeuille.

Nousnousapprochonsnonloindelaplate-forme.Letypenoustendlesharnais,sanglesetjambièresetnousexpliquecommentlesenfiler.Jelefaisrapidementpuisquej’ail’habitude.J’aideHaileyquisembleenpleinedifficulté.

L’hommenousfaitunemiseaupointsurtouteslesétapesdusaut.Surlamanièredesauteretlafaçondeseredresseraprèslesaut.Jenel’écoutequed’uneoreilledistraitepuisquejenepeuxempêchermonregarddesefixersurelle.Elleal’airabsente,maisjesuisconvaincuquemonidéeestcequ’ilfallaitpourelle.

Ilnousaccrocheàl’élastiqueparlesjambièresetlasangledesécurité.Noussommesattachésensemble.Puisnousmontonssurlaplate-forme,lelargueurprendlerelaisetnousexpliqueencoreunefoiscommentsedérouleralesaut.Nousl’écoutonsattentivementetHaileysemblesedétendrepetitàpetit.J’aimêmeledroitàunsourire.

Nousavançonsau-dessusduvide.Haileyestfaceàmoi,jelaregardeetluireplaceunemèchederrièresonoreilleenluisourianttendrement.

—Jesuisfièredetoi,Hailey,luidis-jeenluifaisantunchastebaiser.

Ellemerépondparunsourirmaisrestesilencieuse.

—C’estquandvousvoulez,nousditlelargueur.

JeleregardeenhochantlatêtepuisreportemonattentionsurHailey.

—Tuesprête?

Elleacquiesceeninspirantetexpirantfortement.Nousnouspositionnonscorrectement,samaindanslamienne.Elleregardelevideetjevoislaterreursursonvisage.

—Neregardepasenbas,Hailey.Regarde-moidanslesyeux.

Ellelèvesonvisageverslemien.

—Prête?

—Prête,répond-elle.

—C’estparti!crié-je.

C’estlesyeuxdanslesyeuxquenoussautonsdanslevide.Haileyetmoicrionsàl’unissonafindefairesortirtoutecettetensionprésenteennous.Lasensationd’apesanteurquel’onressentestinsupportablelespremièressecondesjusqu’àcequel’élastiquenousremonteenbond.Ensuite,l’adrénalinequejeressensestjustegéniale.J’adoreressentircettesensation.Haileyestaccrochéeàmoietsemetàéclaterderire.

—Çava?luidemandé-jelatêteenbas.

—Wow,c’étaitgénial!s’extasie-t-elle.

Haileysemetàpleurer,maisjepensedejoiepuisqu’elleritenmêmetemps.

—MerciMatthew.

—Toutleplaisirétaitpourmoi.

Nousrionsensemble.C’estl’undesnombreuxmomentsavecellequejen’oublieraijamais.C’estuneétapedenotrecheminensembleversnotrelibération.

***

Nousrestonsunpetitmomentàcontemplerlepaysagevudupont.

—Commenttesens-tu?luidemandé-je.

Ellepousseunlongsoupiretmerépond:

—Bien.Jepense.Nonenfait,tuaseuraison.C’étaitcequ’ilmefallaitpourtournerlapage.J’aicomprisquelamortn’étaitpaslasolution.Etc’estcarrémentflippant,ajoute-t-elleavecunetouched’humour.

Elleseretourneversmoietjoueavecmesdoigts.

—Tutesouviensquandtum’asdemandésijecroyaisaudestin?

—Oui.

C’étaientlespremièresminutesaprèsl’avoir«enlevée»ouplutôtdevrais-jedire«sauvée».

—J’ycroismaintenant.Tun’espasvenudansmavieparhasard,j’ensuispersuadée.Cesderniersévénementsm’ontpermisdevoirmaviesousunautreangle.Etjet’enseraitoujours

reconnaissante,Matthew.

Jeluirépondsparunbaiserlongetlangoureuxlorsquejem’écarte,jeluidemandesielleestprêteàrepartir.Ellemerépondd’unhochementdetête.

Nousreprenonslaroute.Haileymeparleavecexcitation,àcroirequesonadrénalinen’esttoujourspasredescendue.Ellen’enrevienttoujourspasd’avoirfaitcesaut.

—Pendantcettechute,j’airessentiunesensationdelibertéetdelégèreté,c’étaitjusteincroyable,medit-elleavecungrandsourirequiilluminesonbeauvisage.

—Jesuisheureuxqueçaaitputefairedubien.C’étaitimportantquetupuissespasseràautrechoseaujourd’hui.

Jemesensfierdel’avoiraidéàressentirça.Ilyaseulementtroissemainesdecela,elleétaitauborddugouffre.Elleétaitrenferméeàl’intérieurdesanoirceuretj’aipuvoiraucoursdecesjourspassésavecmoisonépanouissementseréveillerlentementtelleunerosequiéclot.

Ledealdoitêtrecaducpuisquenoussommesdésormaisensembleaujourd’hui.J’espèreaufonddemoiqu’ellecontinueraavecmoi.Jejetteuncoupd’œilàmontéléphoneetquandjeremarqueladate,jemefige.Dansquelquesjours,ceseraladateoùmavies’estcomplètementeffondrée.

Lebraceletquisebalancedevantmesyeuxmerappellesanscessecesouvenir.Jen’aiaucuneidéedecommentgérercemomentleplusnoirdel’annéealorsquetouslesans,jenesuisquel’ombredemoi-mêmependantcettepériode.

Desimagesdemablonderebellemereviennentenpleinefacesansquejepuisselescontenir.

Emily…MonEmily…Tumemanquestellement.

—Quelquechosenevapas?

Lavoixd’Haileymeramèneàlaréalité.Jemetourneverselleetmeforceàsourire.

—Toutvabien.

Ellefroncelessourcils,visiblementpasconvaincuedemaréponse,maisellen’insistepas.

Jemeconcentresurlarouteetmetslamusiquepourtenterdepasserau-dessusdetoutça.JedoiségalementmemontrerassezfortpourpassercetteétapetoutcommeHaileyl’aétéaujourd’hui.Jeledoispourelle.Pourmoi.Pournous…

Chapitre21

Hailey

IlestquatorzeheurestrentelorsquenousarrivonsenfindansleColorado.ÀDenverplusprécisément.J’aivraimentadoréecesgrandesmontagnesquibordentcettevillesimple.Celalarendmagnifiqueetbeaucoupplusaccueillante.Montagnemiseàpart,jenesuispastellementdépaysépuisqueSeattleestunegrandevilleégalement.Jemesensplutôtàl’aisedanscegenred’environnement.

J’observelesgensautraversdelavitredelavoiturepuisqueMatthewn’adécrochéaucunmotdetoutletrajet.L’airestsipesantqueçaendevientétouffant.Jesenscettetensionmêmesijen’aiaucuneidéedelaraisondesonchangementd’humeur.L’enviedeluidemandercequisepasseestvraimentforte,maisjemeretiens.Illeferaquandilseraprêt.Enfin,jesuppose...Notrerelationesttellementrécentequ’ellen’apasencoreétédéfinie.

Jecontinued’observerlemondedel’autrecôtédecettevitre,jelesregardevaqueràleursoccupations,submergésparleurviequotidienne.Jemedemandecequ’iladviendrademoiunefoisquetoutcelaseraterminé.Lesdoutesm’assaillentdetoutepartetmerendenttriste.Mêmes’ilaquelquesfoisfaitdesallusionssurunavenirentrenous,jenesuissûrederien.Etsijemeretrouveseule?Serais-jeprêteàtoutrecommencer?Trouverunlogement,untravail?Lesidéessemélangenttellementdansmatêtequejedécidedelestrierunpeuplustard.Pourlemoment,ilmeresteencoreplusieursjoursavantdeprendreunedécisionsurle«après».

—Tuasfaim?meproposeMatthew.

Jen’aimêmepaseuletempsderépondrequemonventrelefaitpourmoi.Ilrigoleetjefaisdemême,satisfaitedelevoirsouriredenouveau.

Nouschoisissonsunpetitrestaurantenpleincentre-ville.Iln’yapastellementdemonde,cequimerassurepuisquejen’auraispeut-êtrepassupportél’attente.

Onnousinstalleàunetableprèsdelavitre.Matthewtentedefairecommes’iln’yavaitrienquilepréoccupait,maisjenesuispasdupe.Sonsouriretristequandilm’effleurelajouem’indiqueclairementquequelquechosecloche.Moncœurbatfortetjen’aimepasavoircemauvaispressentimentquimetirelesentrailles,maisjedécidetoutdemêmedemetaire.

Uneserveusevientànouspourprendrenotrecommande.EllejettequelquespetitsregardsencoinàMatthew.Jenepeuxm’empêcherdesourirelorsquejeremarquesesjouessecolorer.Elles’attardepluslongtempsquelanormaleavantderepartirendirectiondescuisines.

Notrerencontreaététellementbrusqueetjepeuxledire:jen’aiclairementpaseulechoix,quejen’avaisjamaisremarquéqu’ilétaitaussiintimidant.Lespremièresheuresavecluiontétéassezchaotiques.Évidemment,jel’aitrouvébeaudèslepremierregard,maismadétressedumomentnem’a

paspermisdeleregardercommejelefaisaujourd’hui.Mêmesijeneluiaijamaisavouéetjepensequejeneleferaijamais,ilmedéstabiliseénormément.J’aimelasensationdesesmainslégèrementcalleusesquandellesparcourentmapeau.Sonsoufflelorsqu’ilsemélangeaveclemien.Savoixquandilmeparleaucreuxdel’oreille.Pleinsdepetiteschosesauxquellesjeporteplusattentioncesderniersjours.

Laserveuserevientrapidementnousapporternotrerepasd’unemaintremblante.JemedemandesiMatthewserendcomptedel’effetqu’ilproduitsurlesfemmes.Pourtant,ilnefaitriendespécial,maisilauneprestancequilerendmagnétique.C’estlegenredegarsquel’onnepeuts’empêcherd’observerlorsqu’ilrentredansunepièce.Lemagnétismenaturelqu’ildégagecapturel’attentiondetous.Sonhistoiredifficilealaissédestracessursonvisage,durcissantsestraitsquiluidonnentcettebeautérebellepropreàlui.Soncotémystérieuxlerendplusintriguant.

Pendantquej’engloutismasalade,latensionressentieunpeuplustôts’apaise.Nousdiscutonsdechosesfutilesmaisnécessairespourapprendreànousconnaître.J’aimequ’ils’ouvreàmoi,mêmesic’estsimplementpourmedirequ’ilaimelevertetquesonfilmpréféréestLeseigneurdesanneaux.

Ilcontinuedemeraconterquelquesanecdotesdrôlesdudébutdesonpériple.Levoirrirefaitfrémirmoncœur.Jenesaispassic’estçad’êtreamoureux,maissic’estlecasalorspeut-êtrequejelesuis.Ledestinn’yestsansdoutepaspourriendansnotrerencontrenidanstoutcequis’estpassédepuis,d’ailleurs.Chaquejour,jemesensplusfortepouraffronterlefutur,mêmes’ilresteencoreincertain.

Matthewestquelqu’undevraimenttrèssensiblecommej’aipuleconstateràdenombreusesreprises.Lerestedutemps,iljouelemecinsolentquisefichedurestedumonde,maiscen’estqu’uneimagequ’ilveutdonneràl’autrepourseprotéger.Jesuisflattéequ’ilm’aitmontréàmoicequ’iln’ajamaismontréàpersonned’autre.

—Pourquoimeregardes-tucommeça?mequestionneMatthew,visiblementtroubléparmafaçondeleregarder.

Monmentonposésurmamain,jeluisouris,etcommeàmonhabitude,jefeinsl’incompréhension.

—Commentça?Jeteregarded’unefaçontoutàfaitnormale,luiréponds-je.

—Jenesaispas,c’estcommesitucherchaisàmesonder.Etpuistutienstafourchetteenl’airsansrienmangerdepuisaumoinscinqbonnesminutes,medit-ilenriant.

Jememetsàrougiretdéposemafourchettesurmonassiette.

—Jemedisaisjusteque...j’aieubeaucoupdechancequetutesoistrouvésurmonchemincejour-là.

—Jetel’aidit,Hailey,c’estledestin,etledestinnefaitpasleschosesauhasard,medit-ilenmecaressantmamainposéesurlatable.

Lafaçonqu’ilademeregarderàcetinstantmepoussepresqueàluisoufflercestroispetitsmots.Moncœurlepense,maismaboucheestplusraisonnableetcomprendrapidementquec’estbeaucouptroprapidepourêtredit.Maisqu’est-cequ’ilm’arrive?

Unefoislerepasterminé,noussortonsdurestaurantetprofitonsdecemomentpournouspromener

danslavillemaindanslamain.Matthews’arrêtedevantunmagasindephotographie,ilmetireparlamainpourquel’onpénètreàl’intérieur.

—Ilfautabsolumentquenouspuissionsimmortalisertouscesmomentspassésensemble.

—Superidée,luiréponds-jeavecungrandsourire.

Ilmedéposeunrapidebaisersurleslèvresetprendlemeilleurappareilphotodelaboutique.

Lasemainepasseàunevitessefolle.Cettevilleregorged’endroitsétonnantsquejen’auraisjamaissoupçonnés.L’appareilphotoaétéuntrèsboninvestissementpuisquenousprenonsdemultitudedephotosainsiqu’unnombreincalculabledeselfiesdenousdeux.Bienquecenesoitpassontruc,Matthewafaitl’effortdem’accompagnerpourvisiterlesdifférentsmuséesdelaville,notammentlemuséed’art.Jesuisuneferventeadmiratricedel’artcontemporainetcelapeutpasserpar,commeditMatthew,lespeintureslesplusmochesauxsculptureslesplusincompréhensibles.J’aimevoirlabeautédanscequelesautresnevoientpas.

Cettesemaineauraitpu,enapparence,sembleridyllique,maisenréalité,ellenel’étaitpastantqueça.LevisagedeMatthews’estassombriprogressivement.Dejourenjour,jel’aisentis’éloignerdansunendroitoùilnemelaissepasentrer.Saseuleréponseàmesquestionsest:jevaisbien.Mêmesij’aieul’enviedelepousseràseconfieràmoi,jecomprendssonenviedegarderleschosespourlui.Alorsj’aiprissurmoietfaitensortedegarderlesourire.

Cesoir,nousdécidonsdesortirunpeu.Faceaumiroirdelasalledebaindenotrehôtel,jeparfaismonmaquillage.J’aimisuneroberougelégèreàcolbateau.Elleestsuperbepourlachaleurdelasoirée.Jelaissemescheveuxretomberencascadejusqu’aumilieudemondos.Jemesensrevivreetpourunefoisdepuistrèslongtemps,j’aienviedesourireàtoutboutdechamp.Jemesenscommeunpapillonquisortlentementdesachrysalideavecpouruniqueenvie:cellededécouvrirlemondeavecunœilnouveau.

Jesorsdelasalledebainettentedemaîtrisermoncœurquitambourinefortementdansmapoitrine.Envain.

Matthewestassissurlefauteuildansuneposenonchalante,lecoudeposésurl’accoudoiretlatêteinclinéedanssamain.Lorsqu’ilm’aperçoit,ilseredressevivement.Sonexpressionsurprisemedonneenviedeglousser.

—WowHailey,tues...wow…souffle-t-il,trèssexy.

Jebaissematêteetsouristimidement.Depuisquelquetemps,cethommealedondemefaireceteffet.Seulementaujourd’hui,jeneveuxpluscachermontrouble.Jeveuxqu’ilsachecequejeressenspourlui,mêmesijenesaispastropdansquelledirectionjemedirige.

—Attends!m’ordonne-t-ilenprenantl’appareilphotoposéàcôtédelui.Nebougeplusd’unmillimètre.

Jel’observeavecamusement,maisj’obéis.

Ilcommenceparmemitraillerdephotosetmedemandedeprendrelapose.Audébut,jesuisassez

gênée,carjemanquebeaucoupdeconfianceenmoietjedétestequ’onmeprenneenphoto,maisquelquessecondesplustard,jemeprendsaujeu.Jecontinuedejouersonmannequinjusqu’àcequejedécidedetournerlasituationàmonavantage.Levisageflegmeetleregardplantédanslesien,jem’approchelentementprèsdelui.Toujoursassisconfortablementdanscefauteuil,jem’installesursesgenoux.Ilalepouvoirdemechanger.Aveclui,jen’aiplushontedequijesuis.Ilconnaîtchacundesrecoinslesplussombresdemavie,cequiprovoquechezmoiunenouvelletémérité.Sesmainscaressentmondosduhautjusqu’aubasdemesreins.Monsoufflesefaitpluscourtlorsquesesbaisersfiévreuxparcourentmamâchoirejusqu’àlalignedemoncou.Notrefougueacettecapacitéd’effacertoutlemalquinouspossèdeletempsd’uninstant.Nouslaissonscebienéphémèreenveloppernoscorpsetnousamenerau-delàdetoutcequel’onpouvaitespérer.

***

Uneheureplustard,nousnousdirigeonsversunbarsituéenpleincentre-ville.Pourlemoment,lesouriredeMatthewnequitteplusseslèvresetmonhumeurmorosedueàcettesemaineestpartie.

Lorsquenouspénétronsdanscebar,quelquespersonnesseretournentsurnous.Pendantuninstant,unesensationdedéjà-vumesaisit.Jerestefigéejusqu’àcequelavoixdeMatthewmeparvienneauxoreilles.

—Est-cequeçava?m’interroge-t-il,inquiet.

Samaincaressemondos.Jedéglutisetacquiesce.Matêtesebaisseinstinctivement.Jesenslapaniquemonterenmoietmarespirations’accélérer.C’estcommesil’ombredemonpasséétaittoujourslà,tapiedansl’obscurité.Matthewserendcomptedemondésarroietm’encourageàavancer.Lorsquejerelèvelesyeux,jemerendscomptequepluspersonnenemeregarde.Jepousseunlégersoupirdesoulagementetj’aipresqueenviederirefaceàmonabsurdité.Jemesenségalementtristedem’apercevoirquecettecrainteesttoujoursancréeenmoi.J’ail’impressionqu’ellenedisparaîtrajamais.

Nousnousinstallonsàunepetitetable,unserveurvientversnouspourprendrenoscommandes.JechoisisunverredejusdefruitetMatthewunebière.Ilprendnotesursoncarnetetjeleregardedisparaître.

JereportemonattentionversMatthew.Sonregardestfuyantetiltapenerveusementsesdoigtssurlatable.Sesbrusqueschangementsd’humeurfinissentparm’agacer.J’ouvrelabouchepourluidemanderuneexplicationsursonchangementsoudain,maisjesuisinterrompueparleserveurquinousramènenosboissons.

Monjusdefruitestserviavecunepaille,j’aspirecedélicieuxnectaràbasedepommesetd’abricotstoutenécoutantlamusiqued’ungroupederockindépendantquijouesurscène.J’enprofitepourrassemblermesidées.Lejusdefruitmebrûlelagorgeetjemerendscomptequedel’alcoolyestmélangé.Biensûr,ilm’enarrived’enboiredetempsàautre,maiscesoir,jen’enaipasenvie.

—Jeretournevoirleserveur,carils’esttrompédansmacommande,préviens-jeMatthew.

Ilhochelatêteenmeregardantbrièvement.Jesenslacolèrepoindre.Sonindifférencecommencevraimentàmetapersurlesnerfs.Jerefused’êtretraitéecommeça.Mêmes’ilnem’arienpromis,jenepensepasmériteruntelflegme.Ilfaudraitvraimentavoirunediscussionsérieuseenrentrantàl’hôtel.Cebarn’estpasdutoutl’endroitadéquatpours’expliquer.Encoreunefois,jedevraisfairepreuvedepatienceencorequelquesheures.

Jemepenchesurlebarpourappelerlebarman.

—Excusez-moi,ilyauneerreurdanslacommande.J’aicommandéunsimplejusdefruitetnondel’alcool,luifais-jeremarquer.

—Iln’yaaucuneerreur,Mademoiselle.

Jem’apprêteàprotesterlorsqu’unemainagrippesoudainementunedemesfesses.JesursauteetmeretourneenespérantquecesoitMatthew,bienquejenelepensepascapabledefairecegenredechose.Etmonintuitions’estavéréejustepuisquec’estgrandbrunauregarddeprédateurquiestaccoudéaubaretm’observed’unefaçonquinelaisseplusdeplaceaudoutequantàsesintentions.Terrorisée,moncorpssefigelorsqu’ils’approchedemonoreille.

—C’estmoiquit’aicommandéceverre,majolie,medit-il.

Sonhaleineauxrelentsd’alcooletd’autreschosesquejenedistinguepasmedonneenviedevomir.Jen’aipasletempsd’avoirunequelconqueréactionpuisquelegarsestprojetéunpeuplusloinsurlestabourets.Matthewseruesurlui.

Jesuischoquéeparl’expressionderagequ’arboresonvisage.Sestraitsdéjàsombressontencoreplusdurs,àtelpointquej’aidumalàreconnaîtreleMatthewdouxetaimant.Lemasquequ’ilporteestceluid’unhommerongéparlanoirceur.

Monestomacsetord,jesuistotalementabasourdieparlascènequisedérouledevantmesyeux.L’hommeestàlalimitedel’inconscience.SonvisageestensangetMatthewcontinuedes’acharnersurlui.Mêmelesquelquespersonnesquiserisquentàlesséparerneparviennentpasàledétacherdugars.Tousmesmembrestremblentetm’empêchentdefaireunquelconquemouvement.Jesuispétrifiéeetj’ail’impressiond’êtreplongéedansuncauchemaréveillé.Cenepeutpasêtrepossibleautrement.

Meslarmescoulent.Lamaindevantmabouche,jenepeuxretenirunsanglot.L’agitationautourdemoimefaitenfinsortirdematorpeur.Jenecalculepaslerisquequej’encours,maisjefoncedroitsurluietagrippesont-shirt.

—Matthew!Arrête,tuvasletuer!crié-je.

Plusieurshommesplutôtcostaudsmebousculentetparviennentenfinàlesséparer.L’und’entreeuxagrippeMatthewenletirantversl’arrière.Jeresteplantéelà,impuissantefaceàcettesituation.Pourquoia-t-ilfaitça?Çaneluiressemblepas.Quoique,jen’ensuispassicertainequeça.Aprèstout,jeneleconnaispassibienqueça,maisaufond,jerestepersuadéequ’iln’estpasviolent.Jenecomprendspassaréaction.

Matthewestrapidementemmenéverslasortie.Jemeprécipitealorsd’unpastremblantversnotre

tablepourrassemblernosaffairespuisjesorsàmontour.

Jel’aperçoisentraindemarcherplusieursmètresplusloin.Jesuisobligéedecourirpourlerattraper.

—Matthew!Arrête-toi!Attends!crié-jeàboutdesouffle.

Ilcontinuetoujourssoncheminsansprendrelapeinedesetournerversmoi.J’ail’impressionqu’ilmeplanteplusieursaiguillesdanslecœur,l’uneaprèsl’autre,tellementladouleurestimmense.

Arrivéeàsonniveau,jeposemamainsursonépaule.Ilsetournebrusquementversmoiensereculantviolemment.Jeresteinterditeunmomentfaceàsaréactiontotalementbrutaleàmonégard.Qu’est-cequiluiprend?

—Matthew,parle-moi!Dis-moicequinevapas!insisté-jeenpleurant.

Sonregardestfurieux.Qu’ai-jepuluifairepourlemettredanscetétat?Jeresteimmobileetretiensmonsanglotquimenacededéchirermagorge.

—Voilàcequejesuis,Hailey,crache-t-ilenouvrantsesdeuxbrasengrand.Tuvois,jenesuisqu’unpaumé!Jenesuisplusrien,Hailey,jesuisvidedel’intérieur,ajoute-t-ilenfrappantauniveaudesoncœur.

Sonvisagecolériquemasquesaprofondetristesse.J’étouffeetmemetsàpleurersilencieusement.

—Regardelapreuve.Toutcedontjesuiscapable,c’estdetefairepleurerettefairesouffrir.Jesuistoxiquepourtoi,Hailey,ettul’espourmoi.

Unéclairderegretpassedanssonregardlorsqu’ilprononcecettedernièreparole.Maisilesttroptard.Regretoupas,sesmotssesontplantéstoutdroitdansmoncœur,rouvrantlessuturesqu’ilavaitréussiràmefaire.

Commentpeut-ilmedireçaaprèstoutcequ’onavécu?Toutcequel’ons’estdit?Jesecouelatête,refusantdecroirequenoussommestoxiquesl’unpourl’autre.

—C’estfaux,Matthew!Tunem’aspasapportédesouffrance,tum’asredonnélegoûtdevivre.Avectoi,jemesensenfinvivanteetlibred’êtrequijesouhaite,argumenté-je,mêmesijemerendscomptequ’unepartiedemesparolessonnefaux.

Évidemmentqu’ilmefaitsouffrir.C’estcequ’ilfaitactuellement.Mefairesouffrir.Jemeremetsàpleurer.Jem’attendsàcequ’ilmeprennedanssesbraspourapaiserladouleur,maisilnefaitrien.Ilsecontentededétournersonregard.Sonvisageestfroidetimpassible.

Ilplongelamaindanssapochepourychercherquelquechosequ’ilmetendaussitôt.Jeleregarde,hébétée,quandjemerendscomptequecesontdesdollars.

—J’aibesoind’êtreseulpourréfléchir.Prendscetargentpourtepayeruntaxietretourneàl’hôtel,medit-ilenfuyantmonregard.

Jecomprendsqu’àcetinstantilnemelaisserajamaisentrerentièrementdanssavieetdanssoncœur.

Jeprendsunegrandeinspirationetc’estavecdéchirementquejeprendslesbilletsdesamain.Sansmêmemelancerunregard,iltournelestalonsetreprendsaroute.

Jenefaisrienpourlereteniretresteplantéecommeuneconnesurletrottoir.J’aienviedeluihurlerderevenirversmoi,denepasmelaisserseule.Maisriennesort.Çaneserviraitàriendetoutefaçon.

Untaxis’approcheetjelehèlerapidement.Jemonteàl’intérieureténonceauchauffeurl’adressedel’hôtel.

Lesruesdéfilentmaisjeneprendsaucunplaisiràobserverlespassants.Touteémotionsembles’êtreéchappéedemoi.Jemesensvide.Jemedemandecequ’ilpensevraimentdenotrehistoire.Ai-jeétéuntestpoursavoirs’ilpouvaitvivreuneautrehistoireendehorsdecellevécueavecEmily?S’iltenaituntantsoitpeuàmoi,ilseseraitconfiéàmoi,non?C’estcequefonttouslescouplesgénéralement,n’est-cepas?Seulement,jenesuispassûrequ’onenaitvraimentétéun.

Letaximedéposeaupieddel’hôtel,jelepayeavantdemeprécipiterdanslachambre.Jem’assiedslourdementsurlefauteuil.Cefauteuilquiaététémoindenosébatsquelquesheuresplustôt.Cesouvenirmeprovoqueunedouleurincommensurable.J’éclateensanglotsentremesmains.Peut-êtrequ’ilnetrouvepaslecouragedemedirequ’iln’apaslaforcedecontinueravecmoi?J’airemarquélafaçonqu’ilavaitdemefuirtoutecettesemaine.Safaçond’êtrefroidetdistantalorsqu’iltentaitdelecacher.

Jenepeuxpasresterlààattendrequ’ilmettefinàtoutça.Çamebriserait.Jeseraiincapabledel’entendrealorsjeprendsladécisiondefuirladifficultéplutôtquedelaconfronter.Lepeudeforcequej’airéussiàamassercesdernièressemaines,jevaism’enservirpourpartir.

Jemelèveetrassembletoutesmesaffairesenm’assurantdenerienavoiroublié.Ilestgrandtempspourmoidecommencercettenouvellevie.

Jesaisisunefeuilleetunstyloavantdem’installersurlelit.Jecouchesurpapiertoutcequejeressensainsiquelesraisonsdemondépart.Pendantquel’encremarquelepapier,meslarmesnecessentdecouler.

Jeplielepapieretledéposebienenévidencesurlatabledechevet.Jeprendsuninstantpourréfléchiràcequejevaisfaireenquittantcettechambrelorsqu’uneilluminationmevient.

Sansréfléchir,jefouilledansmonsacàlarecherchedunumérodelaseulepersonnequipuissem’aider.Jeprendsmontéléphoneetcomposelenuméro.Çasonneplusieursfoisavantqu’ildécrocheenfin.

—Allô?

Jesourisquandj’entendssavoixquim’atellementmanqué.Lavoixdeceluiquipassaitdesheuresàmerassureraprèsmontravaillorsquejen’allaispasbien.Celuiquim’offraitcesfameuxcocktailsmagiquesauxpouvoirsréconfortants.

—Jonas?luidis-jepresqueimperceptiblement.

—Hailey?Ohmondieu,Hailey!Est-cequetuvasbien?Jemesuisfaitunsangd’encrepourtoi!Jepensaisqu’ilt’étaitarrivéquelquechosedegrave!

Jeristristement.

—Jevaisbien,net’enfaispas.C’estunelonguehistoire,jeteraconteraitout.Jen’aipastropdetempsdevantmoi.Tum’avaisditquetupartaisdansleColoradopendantlesvacances…Est-cequetut’ytrouvesactuellement?

Jeprieintérieurementpourqu’ilmerépondepositivement.

—Euh...Oui,jesuisàColoradoSprings.Jereparsdansquelquesjours.Pourquoi?

—JesuisàDenver.Etjemedisaissitupouvaisvenirmerejoindre.Cesoir,parexemple.

—Commentt’es-turetrouvéeàDenver,Hailey?Dis-moicequisepasse.Tum’inquiètes,là.

—Jen’aipasletempsdedétailler,maisj’aivraimentbesoindetonaide,Jonas.

Ilsoupire.

—D’accord.Jeviens.Donne-moilepointderencontreetjeserailàleplusvitepossible.

Jeluidonnel’adressedulieu.

—Jeserailàdansuneheureetdemie.Çairapourtoi?

—Ouiparfait.Merciinfiniment.

Jeraccrocheetregardelonguementletéléphonenichédansmamain,hésitantàledéposersurlelit.Jonasaurapeut-êtrebesoindemecontacters’ilnemetrouvepasdirectement.Jelefourredansmonsacavantdejeterunderniercoupd’œildanslachambre.J’expiretoutl’airdemespoumonsetmeconvaincsd’avoirprislabonnedécision.Jedoismeprotégerdésormais.Lecœurenvrac,jerefermelaportesurmessouvenirsaussiheureuxquemalheureux...

Chapitre22

Matthew

AprèsavoirlaisséHaileyrentrerseuleaumotel,jedéambuledanslaruejusqu’àtrouverunautrebarpournoyerlapeinequejeressensdansl’alcool.L’autretypeenaprispleinlagueule,j’auraispuletuersipersonnenem’avaitséparédelui.Jemesuissentiminablesurtoutlorsquej’aivuladéceptiondanssonregard.Lahonteétaittellequejenepouvaisplusresterprèsd’elle.Chaqueannée,àl’approchedel’anniversairedelamortd’Emily,jem’isolependantdesjours.Etlà,j’ailittéralementpétéunplomblorsquej’aivucetypeposersamainsurlesfessesd’Hailey.Jen’étaisdéjàpasd’humeuralorsilasuffid’unepointedejalousiepourfaireressortirtoutemacolère.

Jepénètredansunbaretjem’assiedsaucomptoir.Jecommandelaboissonlaplusfortequ’ilspossèdent.Toutcequejeveux,c’estoubliercejour.Oublierladouleuretoubliercetteputaindeculpabilitéquejeressensencemoment.

Aujourd’hui,celafaitcinqans,jourpourjour,qu’Emilyestmortedecefoutucancer.Etcommechaqueannée,l’alcoolestdevenumaplanchedesalut.Unrituelenquelquesorte.Jen’aipasréussiàsurmonterça.Cettepertecontinuedemerongeretjenepeuxpasluttercontreça.

—Durejournée,hein?

Unevoixféminineunpeurauquemeparvient.Jetournematêtedanssadirectionpoursavoiràquielles’adresse.Apparemment,c’estàmoi.Ausondesavoix,j’auraispenséquec’étaitunefemmed’unecinquantained’annéesorc’estunefemme,jediraispresque,d’unequarantained’années.Ellemefixeenfumantsacigarettefine.Jenesuispasd’humeuràconverseralorsjel’ignore.

—Laisse-moideviner…Deuil?insiste-t-elle.

Ellecommencevraimentàm’agacercelle-làavecsesquestions.Jelafusilleduregardpourqu’ellecomprennequ’ilvautmieuxnepasmefairechier.Lesourireencoin,ellenesourcillepas.

—Qu’est-cequeçapeuttefoutre?m’emporté-je.

Elleéclatederire,cequiapoureffetd’amplifiermacolère.C’estqu’ellesefoutdemagueule,enplus!Jeserremamâchoireetregardedroitdevantmoi.

—Logan,sers-luiunautreverre,s’ilteplaît,dit-elle.

—Ouaisettoi,éteins-moitaclope.Tusaistrèsbienquec’estinterditici,luirépond-il.

—Moiaussi,jet’aime,monchou!

Elleéteintsacigarettecontrelecomptoiretvients’installersurletabouretsurmadroite.

—Jen’aipasbesoindetonverre!Etfous-moilapaix.Putain!J’aibesoind’êtreseul.Jen’aipasbesoind’unparasite,rétorqué-je.

—Jecroisquetasoiréeestdéjàparasitée,jemetrompe?Ettuasbesoind’unverre.Jesaisreconnaîtrequelqu’unquiaperduunêtrecher,tusais!medit-elle,

Savoixestteintéed’unetristessequejeconnaissibien,maisjen’aipasbesoind’unepsylà!J’aibesoind’êtretranquille.C’esttropdemandé?

J’agitenerveusementmajambedroiteavantdelaposeràterrepourm’apprêteràpartir.Maisaumomentdemelever,quelquechosedanssonregardmefaitchangerd’avis.Jenesaispaspourquoiçameconvainc,maisjeresteleculposésurletabouret.Jeprendsleverrequ’ellemetendpuisleboisculsec.

—C’estquoitonhistoire?medemande-t-ellecommesij’étaissoudainementdevenusonnouvelami.

—Quiteditquej’enaiune?

—Jeressensceschoses-làpuisquejesuispasséeparlàmoiaussi,doncjesais,c’esttout,medit-ellesoudaintristement.

Lorsquejeprendsletempsdebienl’observer,jeremarquequelquescicatricesquitraversenttoutlecôtédroitdesonvisage.Sescheveuxrouxbouclésneparviennentpasàlescamoufler.Quandelleserendcomptequejelascrute,elleprendunemècheetlareplacedefaçonàcachersesmarques.Jen’aipasspécialementenvied’entendresesétatsd’âme,maismacuriositémepousseàensavoirplus.

—Qu’est-cequit’estarrivé?Luidemandé-je.

Ellesouritd’unairtriomphant.

—Çayest,tuasenfinlalanguequisedélie,doncj’avaisraison!s’exclame-t-elle.Jeteparlesitumeparlesensuite.

Jehausselesépaules.Jenedoisvraimentpasêtredansmonétatnormalpouracceptercegenredeproposition.C’estuneinconnuequejenereverraisansdoutejamaisetquiauraunregardextérieursurmonhistoirealors...pourquoipas?

—OK,luidis-jesansaucunemotivation.

Elleselèveetmedemandedelasuivre.Puis,elles’installeàunetableplusloin.

—Ici,nousseronsplustranquillespourdiscuter,dit-elleens’asseyant.

Jem’assoisfaceàelle,bienquejemedemandecequejefouslà.Elleentrecroisesesmainsdevantelleetsepencheversmoi.

—Ilyahuitans,j’aiperdumonfilsdedeuxansdansunaccidentdevoiture.C’estmoiqui

conduisais,meraconte-t-ellecalmement.

Jefroncelessourcils,interloqués.

—Tumeracontesçaavecunteldétachementqueçaenestpresqueflippant.

Ellesourittristement.

—Tun’auraispasditsitusavaisparquoijesuispassée.Ettoiraconte?Undealc’estundeal.

Jesoupireetmepasseunemaindansmescheveuxenregardantdistraitementautourdemoi.

—J’aiperdulafemmedemavie,ilyacinqans.Cancer…

Uneboulerestecoincéedansmagorge,j’aitoujoursautantdemalàledireàvoixhaute,maisjemerendscomptequ’ilyaduprogrèspuisqu’ilyaquelquessemaines,decela,jen’enauraisjamaisparlécommeçaàuneparfaiteinconnue.Ellehochelatête,l’aircompréhensif.

—C’estdurdeperdrelapersonnequ’onaimeleplusaumonde…Lestroispremièresannées,jesuisdevenuefolle.Onm’amêmeinternée,explique-t-elleamèrement.Jenevoulaisplusvivreetj’avaisabandonnétoutespoirderetrouverlebonheur.Mafamilles’inquiétaitpourmoialorsilsontdécidédemefairesoigner.Seloneux,latristesseestunemaladiequisesoigneàcoupdemédoc.Çan’apasdutoutmarchéetc’étaitmêmepire.J’aidétestémafamilleaprèsçaetjemesuiscassépourreprendremavieàzéro.J’aifaitlaconnaissanced’unhomme,Henry,ilm’aredonnélegoûtdevivreetm’asortiedutunnelsombredanslequelj’errais.

—Est-cequetuesheureuseaujourd’hui?l’interromps-je.Ellereculepourappuyersondoscontreledossierdelachaise.Ellejoueavecsonverred’unairdistraitenfaisanttinterlesglaçons.

—Jecroisquejepeuxdirequejesuisheureuse.Bienévidemment,lemanqueesttoujoursprésentchaquejourquipasse.Jen’oublieraijamaismonfils.Ilmemanqueatrocement.MaisHenrym’adonnél’amournécessairepourquejepuissetrouverlaforcedefairemondeuil,medit-elleenessuyantdesonindexunelarmequis’estéchappéedesonœil.Aujourd’hui,jesuisdenouveaumamand’unpetitgarçon.J’auraisaiméqu’ilconnaissesongrandfrère.Tusais,nousn’oublieronsjamaisceuxqu’onaaimés,maisilfautapprendreàvivreavecsonabsence.C’estuntrèslongprocessusquidemanded’êtreentouréparlesgensquinousaiment.L’amourguérittouteslessouffrances.

Bordel,jesuiscomplètementsidéréparlecouragedecettefemme.Jeluitiremonchapeaud’êtreparvenueàrefairesavie.

—Jesuisdésolépourcequit’estarrivé,luidis-je.

Ellemefaitungrandsourire,lesyeuxencorehumides.

—Merci,c’estpourçaque…lorsquejerencontrequelqu’unenpleindeuil,jenepeuxm’empêcherd’allervoircettepersonne.Sijepeuxfairepartdemonexpérienceafind’aider,c’estleplusbeaucadeauquipuissem’êtredonné.

Jericane.

—Tuesunesortedesauveusedestempsmodernes?

—Appelleçacommetuenasenvie.Maisc’estplusfortquemoi.Jeveuxjustequetusachesquenotreviecontinue,ilfautapprendreàvivreaveccettepeineetlatransformerenquelquechosedepositif.

—J’aiétécon!

Ellehausseunsourcil,visiblementsurprisequejediseça,etsepencheversl’avantdansl’attentequej’argumente.

—J’airencontréunefemmeetlessentimentsquejeressenspourellemefoutentlesjetons.Jenesaispasquoienfaireetjenesaispaslesgérercommeilfaut.J’agiscommeunconnardavecelle.Aujourd’huic’estl’anniversairedelamortd’Emilyettoutemaculpabilitéestremontée,j’aitraitéHaileydelapiredesmanièresenétantindifférent.

J’endisbeaucouptrop,sansdouteàcausedel’alcool.Mêmesijen’ensuispascertain...

—Jepensequ’Haileyneméritepasçaetjepenseaussiquetuasledroitaubonheur.

—Tupensestrop,luidis-je.

Elleéclatederire.

—Çam’arrive…Tuasl’airjeuneettudoispenseràtonavenir.Lepassé,ilfautlelaisserderrière.Jenepensepasqu’Emilyauraitsouhaitéçapourtoi.

Elleatouchémonpointsensible.Jericane.Biensûrquenon!Ellem’auraitbottéleculsiellesavaitça.Jerisetsecouelatêteenl’imaginantlefaire.

Jerepenseauregardtristed’Hailey.C’estladernièrepersonnequiméritequ’onlatraitecommejel’aifait.Jeluidoisuneexplication.Cetteinconnueacomplètementraison,lepasséestbienmieuxderrière.Jeprendsconscienceseulementmaintenantdemaconneriedel’avoirévitéetoutelasemaine.Cettepressionn’estpasfacileàgérerpourmoi,maisencoreunefoisj’aifaitpreuved’égoïsme.J’aiabandonnécellequimeporteleplusd’attention.Ilfautquejelaretrouve!

Jemerelèvedifficilement,j’ailatêtequitourne.

—Jecroisquetun’espasenétatdeconduire.Jepeuxtedéposersituveux,mepropose-t-elle.

—Tuasbutoiaussi,luifais-jeremarquer.

—Unseulverre.Etc’étaitseulementavectoidanslebutdet’encourageràparler.

Jegrogne.

—Ouaisetçaabienfonctionné.J’aiparlé.

—Etçat’aaidé?medemande-t-elleenm’aidantàmarcher.

—J’aicompriscertaineschoses,ouais.Onpeutdirequeçam’aaidéenquelquesorte.

—Ehbien,j’ensuistrèsheureuse.Allez!Viens,jeteraccompagne,medit-elleenm’escortantjusqu’àlasortie.

Jetitubeetm’installedanssavoiture.JerestepensifpendanttouteladuréedutrajetenessayantdetrouverlesmotsjustespourexpliqueràHaileylaraisonpourlaquellej’aiétédistantavecelle.Elledoitcomprendrequecen’étaitpascontreelle.Unsourireidiotapparaîtlorsquejemerendscomptequejesuisprêtmaintenant.Prêtàavanceravecelle.Pourelle.

—Tuverrasquetavieseraplusbellesituacceptesd’avancer.N’oubliepasqu’ilyadesjoursoùtuaurasmal,maisn’abandonnepas.Raccroche-toiàl’amourqu’Haileypourratedonner.

J’acquiesce,maisjenedisrien.Moncerveautourneàpleinrégime.

Arrivédevantl’hôtel,jelaremerciedem’avoirconfiésonlourdpasséetdem’avoiraidéàprendreconsciencedel’importancedel’avenir.C’estvraimentbizarrequ’unesimpleconversationpuisseallumerl’interrupteurdenotreespritéteint.Jeneluidemandepassonprénom,jepréfèrequ’ellerestel’inconnuedubar.Unesorted’apparitionmystiquevisantàmesortirlatêtedutrou.Ellenecherchepasnonplusàensavoirpluspourmoi.Ellemesouhaiteseulementbonnechanceavantdedisparaîtredanslapénombreaussivitequ’elleestapparue.

***

J’ouvrelaporte,gonfléàblocdesentimentsnouveauxetpositifs.Maiscettepositivités’effacesoudainementlorsquejemerendscomptequelachambreestvide…J’ail’impressionquetoutmonsangarrêted’irriguermoncœur.Jemeprécipitedanslasalledebainpuisàl’extérieurdelachambrepourvoirsiellen’estpaspartieprendrel’air,maisellenesetrouvenullepart.

Çam’atotalementdégrisé,jeretournerapidementdanslachambrepourluitéléphoner,maisunmorceaudepapierposésurlatabledechevetattiremonattention.Jeledéplienerveusementetjelissesmots:

Matthew,

Cen’estpaslapeinedeforcerledestin.Nousdeux,çanefonctionnerajamais.Toutestcontrenousdepuisledépart.Tasouffranceprendbeaucouptropdeplacedanstoncœurettonespritettantquetun’auraspasfaitcedeuil,ilteseraimpossibled’avancer.Jeneveuxpasd’unerelationoùjen’aipasmaplace.L’ironiedusortavouluquenoscheminsseséparentaujourd’hui,unmoispileaprèsnotrepacte.Onpeutdirealorsquenoussommesquittes.Jeteremerciedem’avoiremmenéedeforcecejour-làsurcepontetdem’avoirofferttapatiencepourmeredonnerlegoûtdevivre.Jen’oublieraijamaiscequetuasfaitpourmoietjenet’oublieraijamais,toi.Cesmomentspassésavectoiresterontàjamaisgravésenmoi,maiscequejeressenspourtoiaujourd’huiestbeaucouptropfortpourquejepuissesupporterunrejetdetapart.C’estpourquoijepréfèrepartirettelaisserfaireton

boutdechemin.Tum’asdemandéunjoursijecroyaisaudestin,j’ycroisdésormaisetc’estgrâceàtoi.Peut-êtrequ’unjourcedestinnousremettrasurlamêmeroute.Etj’espèrequeturéussirasàfairecequetusouhaitesdanstavie.Jesuissincèrementdésoléedenepasavoirétécellequit’aguéridetonchagrin.

Tendrement,

Hailey.

Moncœurmartèlemapoitrine,jem’effondresurlelit.Jepressedetoutesmesforcessalettredansmesmainstremblantes.Elleestpartie!Jen’arrivepasàycroire,bordel!

Jeprendsletempsdereprendremesespritspourréfléchir.L’alcoolembrumetoujoursmonesprit,maislapaniqueparvientàdissiperunpeucetétat.Çanedoitmêmepasfaireheurequ’elleestpartie.

J’essayedelajoindresursontéléphone.Ilyadelatonalité,maisellenedécrochepas,idemparmessage.Jedeviensfou.Maisqu’est-cequej’aipuêtrecon,putain!

Jeprendsunegrandeinspirationpourmecalmerettenterderépondreàmaquestionsilencieuse:oùpeutbienallerunefillesansmoyendetransport,sielleveutfuirquelqu’un?Jesuiscertainqu’ellen’irapassesuicider,jepensequecettedécisionestrévoluepourelle.Aveccetalcooldanslesang,moncerveautourneauralenti.Mauditalcool!Silaréponsemevient,jemeprometsdeneplusenboireunegoutte.Bon...Ensuite,ellenedisposepasd’énormémentd’argent.

Jefermelesyeuxetinspireprofondément.Jelesouvrerapidementlorsqu’uneidéesurgit.Lagareroutièremesemblelemeilleurendroitpourpartir.Elledoitforcémentyêtre!Jen’aiplusrienàperdredetoutemanière.

J’agrippemavesteetquitterapidementlachambre.Jemedirigesurlarouteprincipalepourchopperuntaxi.

Delonguesminutespassentavantquej’enaperçoiveun.Jelehèlepuisils’arrêtedansuncrissementdepneus.

—Lagareroutièrelaplusproche,s’ilvousplaît.Etsivouspouvezallervite,çam’arrangerait.

L’hommemeregardeavecunsourirenarquoiscommesijenepouvaispasluifaireplusplaisiravecmademande.

—C’estparti!lance-t-ilenappuyantsurlapédaled’accélération.

Ilaccélèretellementrapidementquejesuisprojetéenarrière.Ça,c’estduserviceefficace,medis-je.

Plusieursminutesplustard,nousarrivonsàlagareroutière.Jepayelechauffeur,nemanquantpasdeluiverserunbonpourboirepourlerécompenserdesonefficacité.

Jesorsrapidementetcourscommeundératédanslehalldelagare.Jesuisunpeupauméparcequejenesaispasquelledirectionprendre.J’ignorelesprotestationsdesvoyageurslorsquejelesbouscule.

Jen’aiqu’Haileyentête.Ilfautquejelaretrouve.

Mesyeuxseposentpartout.J’ailatêtequitourneetmoncœurquimenaced’éclatertellementilbatfort.

Jemerenseignepoursavoiroùsesitueleparkingdescars.Lorsquej’aimaréponse,jem’yprécipite.

Quandl’amasdefoulesedissipeunpeu,jelavois.Jereprendsmarespirationtoutensoupirantdesoulagement.

Elleestdebouttenantsonsacàlamain,levisagetriste.Çametuelecœurdelavoircommeçatoutensachantquec’estdemafaute.C’estmoiquiaiprovoquécetétatetjem’enveuxàmort.

Jem’approchediscrètementpourqu’ellenemevoiepastoutdesuite,maisjesuisstoppénetlorsquejevoisungrandsourireilluminersonvisage.Cequim’intriguec’estqu’iln’estpasdirigéversmoi.Jefroncelessourcilsettournelatêtedansladirectiondesonregard.Ungrandbrunplutôtminceavecdeslunettessedirigeverselled’unedémarcherapideavecunairréjouisursonvisage.IlouvresesbrasengrandetHaileycourtjusqu’àlui,luisautantdanssesbras.J’ail’impressionquelascènesepasseauralenti.Jecroisn’avoirjamaisressentiunedouleuraussifortequemaintenant.

C’estquoicebordel?C’estquicetype?

Jen’arrivepasàréfléchircorrectement,laseulechosedontjesuiscertain,c’estquemoninstinctprimaireprendledessus.Haileyestàmoietjenelaisseraipersonnemelaprendre.Jenecontrôleplusrienlorsquejemeprécipitetoutdroitverseux.Toutsepassetrèsrapidement,jeprendslegarsviolemmentparlecolpourlerepousserleplusloinpossible.

Ellemeregarde,laboucheouverteparl’effetdesurprise.

Jesensquel’onmebouscule,jemeretourneetfaisfaceàcemec,levisagerougiparlacolère.

—Bordeldemerde,t’esquitoi?peste-t-il.

Jel’ignoreetregardeHailey.

—Rentreavecmoi,luidis-je.

Elledéglutitmaisrestepétrifiée.Sonregardpassedumecàmoiavantderefuser.

—Non,Matthew.Jenepeuxplusreveniravectoi.C’estfini,proteste-t-elle.

Ellesemordlalèvreinférieurecommepourseretenirdepleurer.C’estlamêmechosequesijerecevaisuncoupdepoingàl’estomac.Jerefused’entendreça.Jeprendssamainmaisellemerepousse.Lebinoclards’interposeentrenous.

—Écoutemec.Jenesaispasquitues,nicequisepassemaisjeteconseilledelalaissertranquille.

—Mêle-toidetesoignons,luilancé-je.

—Ellet’aditnon,d’accord!Ellerepartavecmoi,dit-ilenhaussantlavoix.

Ilmefaitunpetitsourireencoinquemoiseulpeutvoir.Celaprovoqueenmoiunecolèresourde.Monpoingseresserrejusqu’àenfairecraquerlesjointuresets’abataussitôtsursaface.Iltombeàterreensetenantlenezdevenuensanglanté.

Haileymeregarde,horrifiéeparlascènequejeviensdeprovoquer.

—Matthew!Pourquoituasfaitça?C’estquoitonputaindeproblème?s’écrit-elleenmefrappantlebrasdesesdeuxmains.

Mapoitrinemonteetdescendrapidement.Jesuisàboutdesoufflemaisjenecontrôleplusrien.

—Monproblème?laregardé-jeavecfureur.

Jenevaispasréussiràretenirleflotdeparolesquimenacedesortirdemabouche.

—Jesuisvenutechercherpourmefairepardonnerdecequejet’aifait.Maisapparemment,tut’esbienfoutuedemagueule!Jepensaisquetunefaisaisplusconfianceauxhommesetjetevoislàentraind’enlacerunautretype.C’estquid’ailleurscemec?Laissetomber,nerépondspas.J’enaiplusrienàfoutre.Cequejeconstate,c’estquetuesrestéelamêmequecellequetuétaisaulycée,craché-je.

Jeregretteaussitôtmesparolesquisontalléesbeaucouptroploin.Jeserremesmâchoirespourm’empêcherd’endireplus.Leslimitesontétédépassées,j’ensuisconscient.Ellemefixe,blesséeparmesmotstranchants.

—Jesuisdésolé,jenevoulaispas…

J’approchemamainpourlatoucher.J’aibesoindelasentirsousmesdoigts.J’aibesoind’elle.

Elleaunmouvementderecul.Sesyeuxsechargentenunecolèreprofonde.L’expressiondesonvisageestunmélangedehaineetdetristesse.Elles’approchedemoietmefixecommesijen’étaisplusrienàsesyeuxetmegifle.

—Dégaged’ici,Matthew!Jeneveuxplusjamaisterevoir,dit-elleenétouffantunsanglot.

Jenebougepasetcontinuedelafixerdanslesyeux.J’aimeraisluidireàquelpointjeregrettelesmotsquiviennentdefranchirmeslèvres,maisjecomprendsàsonregardduretfroidqu’ellenemepardonnerapas.Laplusgrosseconneriedemavieestentraindesedéroulerdevantmesyeuxsansquejepuissefairequoiquecesoitpourlaretenir.Monavenirglisseentremesdoigtsetilsnesontpasassezfortspourleretenir.

—Dégaaaage!crie-t-elleplusfort.

Touteslespersonnesprésentesdanslagaresetournentdansnotredirection.Jenem’enpréoccupepaspuisquejesaisqu’àcetinstant,jel’aidéfinitivementperdue.Jem’éloigneàreculons,leregardperdutoujoursrivésurelle.Ellesedétournedemoietportesonattentionverscegarsencoreàterre.Elle

s’accroupitetleprenddanssesbrasetluidemandes’ilvabien.Cettevisionmetuelecœuretmerendfurieux.Jedoislalaisserpartir.Jamaisjeneréussiraiàlarendreheureuseetcesoir…jeviensd’enavoirlaconfirmation.

Chapitre23

Hailey

JemereculepourregarderlesdégâtsqueMatthewacauséssurlevisagedeJonas.Lorsquejevoislesangs’écoulerdesonnez,jemanquededéfaillir.Jen’enrevienstoujourspasqu’ilaitpufairepreuved’autantdeviolence.

—Est-cequeçava?

—Jecrois…medit-ild’unevoixétoufféeparlamaindevantsonnez.

Jepassemonbrassoussonépaulelorsqu’iltentedeserelever.J’observeauxalentours.Lespassantsnousjettentdesregardscurieux.Jedétesteêtreaucentredel’attention,maisjelesignoreetreportemonattentionsurJonas.

—Tum’expliques?medemande-t-ilensepinçantlenezetbasculantsatêtelégèrementenarrière.C’estquicelui-là?

—Jetediraistout,maisd’abordlaisse-moiregarder,luidis-je.

Toutcesangm’empêched’avoirunebonnevisibilitéetpuisjen’yconnaisrien,moi.Jenesauraispasdiresisonnezestcassé.Jefouilledansmonsacàlarecherched’unmouchoir,maisj’interrompsmongestelorsqu’unhommeâgénousinterpelle.

—Jesuismédecin,jepeuxregarder?

Jonashochelatêteets’installesurlebanc.L’hommescrutesonvisageavecattention,touchesonnezeteffectuetoutuntasdemanipulationsquifontgémirJonasdedouleur,cequimefaitgrimaceràmontour.

—Iln’yariendecassé.Cequiestétonnantvulecoupquevousavezreçu,luiditlemonsieur,l’airsoucieux.Vousdevriezporterplainte,jepeuxvousaccompagneraucommissariatentantquetémoinsivousvoulez?

L’hommeestdosàmoi.JeregardeJonasetsecouelatêteenlesuppliantsilencieusementdenerienfaire.Ilmefixeunmoment,soupireethochenégativementlatête.

—Ceneserapaslapeine,merciquandmême,luirépondJonas.

—C’estcommevousvoulez,maissivouschangezd’avis,prenezmacarte.Etpourvotrenez,ilrisqued’êtreunpeugonflédurantlesprochainsjours,maisrienn’estcassé.Jevousrecommandedemettredelaglace,conseillel’hommeavantdepartir.

—Merci,disons-nousenchœur,Jonasetmoi.

Jem’assoisàsescôtésetleregardeavecremords.Jen’auraisjamaisdûluidemanderdevenir.Parmafaute,ilestblessé.J’aicommel’impressionquepeuimportelesdécisionsquejeprendsdansmavie,l’issuapportetoujoursunemauvaiseconséquence.

LeMatthewquiétaitfaceàmoiilyaquelquesminutesm’aeffrayée.Sesyeuxétaientinjectésdesang,iladûboirebeaucouppourenarriveràcetétat-là.Maiscequ’ilm’adit,soûloupas,jenepourraisjamaisluipardonner.Ils’estservidemaconfiancedem’êtrerévéléeàluipourmelajeterenpleinefigure,cequim’aprofondémentblessée.C’estlapirechosequel’onpuissemedire.Surtoutvenantdelui.S’ilm’avaitplantéuncouteaudanslecœur,çam’auraitprovoquélemêmedéchirement.Detoutefaçon,mavieestrempliedemauvaischoix,alorsjenevoispaspourquoicettehistoireéchapperaitàlarègle?

—Jesuisvraimentdésoléepourtoutça,Jonas,m’excusé-je.

Ilhausselesépaules.C’estsafaçonàluidemefairecomprendrequ’ilmepardonneetquec’estdéjàdel’histoireancienne.

—Tuasunendroitpourdormir?medemande-t-il

Jerépondsparlanégative.Ilselèveetmefaitunsignedetêtepourquejelesuive.

—Tuviensavecmoi.Jedorschezmatanteetparlamêmeoccasion,tum’expliquerastoutdepuisledébutpendantletrajet.

Jeluisouris.Ilestvraimentadorable,Jonas.Endehorsdubar,onnesevoyaitjamais,carchacundenousavaitsavie,maisquandnousdiscutionsensemble,lecontactpassaittoujoursbien.C’estcommesinousnousconnaissionsdepuisdesannées.Ilatoujoursétéprotecteuravecmoi.C’estd’ailleursl’unedesprincipalesraisonsquim’apousséàmeconfierpartiellementàluimaisjegardaistoujoursunepartieenfouieenmoipuisquej’avaistoujourspeurdel’ennuyeravectousmesproblèmes.

—Mercipourcequetuasfaitpourmoi.

—Jet’aimebien,Hailey,tucomptesbeaucouppourmoi.

Ilmeprendparlesépaulesetnouscontinuonsnotremarchejusqu’àlavoiture.

***

Surletrajet,jeluiexpliquetoutel’histoiredepuisledébutenn’omettant,cettefois-ci,aucundétail.J’aibesoindemelibérerdetoutcequejeressens,carj’ail’impressionquesijenelefaispas,jevaisfinirparexploseretjeprendségalementlerisquederetournerdansmasombredépression.Jeneveuxplusenfiniravecmavie.Jeveuxqu’onm’aideettrouverdusoutienenceuxquimetendentlamain.Ilmeregardesansarrêtaveclesyeuxgrandsouverts,choquédetoutesmesaventures.Çamefaittoutdrôleà

moiaussideracontertoutça.J’ail’impressiondeciterl’histoired’uneautre.

—Ehben!D’uncôté,çamerassurequ’ilnetesoitrienarrivédegrave.Bonsang,Hailey!Jetecroyaismorte.Tuneterendspascomptedelafrayeurquetum’asfaite.Puisjem’ensuisénormémentvoulu,parcequejen’auraisjamaisdûtelaisserseuledanscetétat.Maisj’étaisloindemedouterquec’étaitsigrave.Tuauraisdûtoutmedireavant.

—Tun’aspasàt’envouloir.C’estentièrementdemafaute.J’étaismaletjenevoulaispasdéchargermapeinesurlesautres.

—Tuplaisantes,j’espère?s’emporte-t-ilavantdesereprendre.Hailey,jenet’auraisjamaislaissétomber.Jet’auraisoffertmonaide.

Ilritnerveusement.

—Lepiredanstoutça,c’estquejen’avaisaucunmoyendetejoindre.Unechancequetuavaisgardémonnumérodetéléphone.

Encoreuncoupdudestin,ironisé-jeenmoi-même.

Heureusementquej’aieul’espritd’embarqueravecmoimonsacàbandoulière.Direquejel’avaispris,ilyadecelaunmois,justepourquel’onm’identifieimmédiatementaprèsavoirretrouvémoncorps.J’étaisloindem’imaginerdelatournurequeprendraientlesévénementscejour-là.Lacicatriceprésentesurmoncœurs’ouvreunenouvellefoispourmesignalerdesaprésence.Ilfautquejeprenneletempsderéfléchiràtoutcequivientdeseproduire,àtêtereposée.Jedoiscommenceràpenseràlasuiteetsurtoutàlafaçondelagérer.Unegrandetristesses’abatsurmoiquandMatthewapparaîtdansmonesprit.Jesuisconvaincueaufonddemoiquecen’estpasquelqu’undeviolent,mêmesijel’aidéjàvuuserdesespoingsquelquesfois,maisilesttellementenvahiparsapeinequ’ilnesaitpluscommentlacontenir.Ilestaussipauméquejelesuisactuellement.Jenesaispassijeseraisprêteàlerevoirunjourmêmesijeluidoiscegoûtdevivreetcenouvelespoirquinaîtdésormaisenmoi.Unelarmecoulesurmajoueetjel’essuierapidement.

***

Uneheureetdemiederouteplustard,nousarrivonsenfinchezlatantedeJonas.Ilsegaredevantunepetitemaisonenbriques.Lejardinestmagnifiquementfleuri.Noussortonsdelavoitureetempruntonsunpetitescalierpouraccéderaupatio.Unebalancelleàlapeintureécailléeestdisposéesurladroite.Celamerappellequenousenavionspratiquementlamêmelorsquej’étaisgamine,j’adoraismelaisserbercerenobservantleciel.Jesoupiretristement.

—Eh!Çavaaller?s’enquiertJonas.

—Çava,jesuisseulementfatiguée.

Ilouvrelaporteetm’inviteàentrer.Lorsquejepénètreàl’intérieur,jesuissoudainementgênée

d’êtrechezquelqu’unquinem’amêmepasinvitéepréalablement.

—Tuessûrquetatanteestd’accordpourquejeviennechezelle?Jenevoudraispasdéranger,luidis-jeenmetriturantnerveusementlesdoigts.

—Ouinet’inquiètepas,elleestcool.Etpuisjel’aidéjàprévenuedetonarrivée,elleétaitravie.Tuveuxboireoumangerquelquechose?mepropose-t-il

Unpeurassérénée,jemerendscomptequejen’airienavalédepuisplusieursheures.J’acquiesce.

—Jemeursdefaim!

—Bonvoyonsvoir,dit-ilenregardantdanslefrigo.

Ilsortunpotdebeurredecacahuèteetunpaquetdepaindemiecomplet.Ilmepréparemonsandwichavantdes’enfaireunpourlui.J’enbaved’avance.Lebeurredecacahuèteestl’unedeschosesquej’aimeleplusaumonde.

Pendantcetemps,jesorsletéléphonedemonsacetydécouvreprèsd’unecinquantained’appelsenabsenceainsiquedenombreuxmessagesvocauxetécrits.Jelefourrebienaufonddemonsac,sansprendreletempsdeleslire.Jesaisdéjàdequiilsproviennentetjenesuispasd’humeuràdécouvrircequ’ilm’aécrit.

—Tiens,mange.Tuestoutepâle,çateredonneradesforces,medit-ilenmetendantungrossandwich.

—Merci,réponds-jeenmordantdedansàpleinedent.

—Tudoisoubliercemec!melâcheJonasens’essayantfaceàmoi.

Saréactionmepiqueauvif.Ilneleconnaîtpascommemoijeleconnaisdoncforcément,illevoitd’unemauvaisefaçon.Danslefond,ils’inquièteetilaraison,maiscen’étaitpastellementcequejevoulaisentendre.Jehausselesépaulescommesimpleréponse.

—Ilestimpulsifetpasassezstablepourtoi.Tuméritesmieuxquelui,ajoute-t-il.

Samaindroiteseresserreenpoing.Ilal’airvisiblementtrèstouchéparlasituation.

—C’estpourçaquejesuispartie,luidis-je.Écoute,Matthewn’estpasquelqu’undeviolentengénéral…

EndisantcesmotsàJonas,jem’aperçoisquejeneconnaissaispasMatthewsibienqueça.Mais,jesaisqu’ilestdouxetquesoncaractèren’estpasviolent.Jenepeuxpasm’empêcherdeledéfendre.

—Ilaeuunpassédifficileetilnesaitpascommentlesurmonter,ajouté-je.

—Hailey,neledéfendspas.Tun’aspaseuunpasséfacilenonplusetpourtanttun’espasviolenteetcetteexcuseneluidonnepasledroitd’agirainsi.

Jehochelatête,nesachantpasquoirépondre.Ilaraison.C’estjusteque…Jen’arrivepasàmerentrerdanslecrânequec’estquelqu’undemauvaispuisquejesaispertinemmentquec’estfaux.Jonasnepeutpascomprendre.Iln’étaitpasprésentpendantcevoyage.Iln’apasvulasincéritéduregarddeMatthew.Ilneconnaîtpaslatendressedontilafaitpreuveàmonégard.Ilneconnaîtriendesonhistoirepuisquejetiensàlagarderpourmoi.Jeconsultel’heuresurmontéléphoneetm’aperçoisqu’ilestdéjàquatreheuresdumatin.

—Onpeutenreparlerdemain?Jetombedefatigue,luidis-jeéreintée.

—Biensûr.Viens,jevaistemontrertachambre.

Nousmontonsàl’étage.Ilmedésigneunepetitechambred’ami.Ellen’estpastrèsgrande,maisc’estparfait.Àvraidire,jepensaisdormirsurunfutonouquelquechosecommeça.Làaumoins,jeseraiseuleetjepourrairéfléchir.

—Bonnenuit,Hailey,medit-ilavantdequitterlachambre.

Unefoisqu’ilarefermélaporte,jemedéshabillepourenfilerunvêtementplusconfortable.Simplementvêtued’uneculotteetsoutien-gorge,jefouilledansmonsac.Moncœurseresserrelorsquejeremarquelet-shirtdeMatthew,celuiqu’ilm’avaitprêtélepremierjouroùnousnoussommesrencontrés.Jenel’aipasremisdepuiscejour.Jeleprendsdélicatementdansmesmainsetlerenifle.Magorgeseserreetdevienttrèsdouloureusequandsonodeurparvientàmesnarines.Unesoudaineenviedepleurerm’envahit,maisjesursautequandj’entendslegrincementdelaportequis’ouvre.

—Jet’apportequelquescouver…

Ils’interromptquandilremarquequejesuisvêtuesimplementd’uneculotte.

Jepousseuncridesurpriseetplacemesmainssurmapoitrinepourlescacher.

—Je…Jesuisdésolé.Je…jesorsimmédiatement,bafouille-t-ilenrougissantviolemment.

Ilrefermerapidementlaporte.Àboutdesouffle,j’enfileaussitôtlet-shirtdeMatthew.Saréactionmelaissetoutdemêmeperplexe.Çamesembleétrangeparcequ’ilestgay.Ungayn’estpascenséêtregênéàlavued’uncorpsdefemmenu,si?Jedécidedenepasentenircompte,lafatiguemegagne.JemeglissedanslesdrapsetmelaisseenvelopperparlesbrasdeMorphéequidécidedenepasêtretendreavecmoienm’offrantunenuitagitée.

***

Lesjourssuivants,ladéprimeaeuraisondemoi.Jesuisrestéeenferméedanscettechambredurantunesemaine.Parpolitesse,jesuistoutdemêmedescenduequelquesfoispourmeprésenteràKatherine,satante,etlaremercierdesonaccueil.Ellem’aaffirméquejepouvaisrestericiletempsquej’avaisbesoin.Vulesœilladescompatissantesqu’ellemelançait,jesuispresquecertainequeJonasluiaracontéunepartiedemonhistoire.

J’aisanscessefixécemaudittéléphoneetespérédetoutmonsoûlrecevoirunappeldelui.Bienévidemment,jeneluiauraispasrépondu,maislapartiemasochistedemoiauraitvouluqu’illefasse.Çam’auraitprouvéqu’iltenaituntantsoitpeuàmoi.Saufquesonsilencen’afaitquerenforcermondésespoirjouraprèsjour.

Finalement,j’ensuisvenueàmeposertoutuntasdequestions.Àmedemandersijecomptaisvraimentàsesyeux.Etbiensûr,toutescesquestionsmefaisaientressasserlesmomentspassésaveclui.Alorsj’alternaisentreladouleurdumanqueetlacolèredesonabandon.

Heureusement,Jonasétaitlà.Jediraismêmebeaucouptropprésentàmongoût,d’ailleurs.Maisilm’apermisdem’occuperunpeul’esprit.Nousdiscutonsdetout,saufdessujetsdéprimants.Nousregardonségalementlatélévision,maisçamefaitpenseràMatthew.Chaquepetitdétailmefaitpenseràlui.Ilneveutplusquittermatête.Nimoncœur…

ChaquefoisqueJonasquittelapièce,jesombreunefoisdeplus.

Cettechambreestdevenuemonrefuge.

Cesquatremurssontdevenuslestémoinsdematristesse.

Cematin,j’aisudèsmonréveilquecettejournéeseraithorrible.

Jesuisfaceaumiroiràscrutermamineatroce.Mesyeuxdénuésdevitalitésontcernésdenoirs.Monteintestsanséclat,presquegris.Etl’étatdemescheveux?N’enparlonspas.Jenemerappellemêmeplusladernièrefoisquejemesuiscoiffée.

Jecontinuedem’appliqueretfouilledansmatrousseàmaquillerpourtrouverdel’anticerne.Ilfautvraimentquejelimitelesdégâts.Lefaitdevoirmonvisageravagérenforcemadéprime.Etjen’aimepasça.

J’entendsquel’onfrappeàlaporte.

—Hailey?Tueshabillée?medemandeJonasavechumour.

Jesouris.Ilaretenulaleçondepuisladernièrefois.

—TupeuxentrerJonas,crié-jeenmeréinstallantconfortablementsurlelit.

Ilouvrelaporteetapparaîtavecunplateaubiengarnidanslesmains.

—Tumanges.Tuvaslevertesfessesetsortirtoutdesuiteprendrel’air.Horsdequestionqueturestesiciàtemorfondre.Tudoisvivre,Hailey,etarrêterderessasserlepassé.Allez,mange!Çavaterequinquer,m’ordonne-t-ilgentimentavecunpetitsourireencoin.

Jerisfaceàsapiètreprestationd’autorité.Jonasesttropgentilpourimiterunduràcuire.Jeluisourisquandilplaceleplateausurmesjambes.Mesnarinesseremplissentd’unebonneodeurdepaingrillé.J’observeavecgourmandisetouteslesbonneschosesqu’ilm’apréparées.Ilyadupaintoastéaubeurredecacahuète,égalementdujusdefruitfraîchementpresséetunboncaféfumant.Mais,cequim’interpelleetmegêneétrangement,c’estlafleurdéposéesurceplateau.Jefroncelessourcilstrouvant

celaétrangequ’ilm’offrecegenred’attention.Jelaprendsmalgrétoutentremesdoigtspourhumersonparfumdélicat.

—Merci,luidis-je.

—Rienn’esttropbeaupourtoi,Hailey,dit-ilenrougissant.

Jemeraidisetlorsqu’ils’assiedàmescôtésetposesamaindroitesurmajoue,jetrouvelasituationdeplusenplusbizarre.Jetressaille,maisjemelaissefaireenattendantdevoirjusqu’oùilcompteallercommeça.Peut-êtreest-celesimplefruitdemonimagination.

Lemomentoùsonvisages’approchedumien,c’estlegestedetrop.J’esquisseunmouvementdereculetleregarde,interloquée.

—Qu’est-cequetufais,Jonas?luidemandé-je,frappéeparcesoudainélandetendresse.

Ilrougitviolemment,seconfondenexcusespuiss’écartedemoitandisquejebaignedansl’incompréhension.

—Tuveuxbienm’expliquercequ’ilt’arrive?Tun’espascenséaimerleshommes?

Ilbaisselatête,honteux.Avectouteslespoissesquimesontarrivéesdernièrement,jem’attendsmalheureusementaupire.Jedéposeleplateausurlatabledechevetsurmadroite.J’attendspatiemmentqu’ilmedonneuneexplication.Auboutdequelquessecondes,ilrelèveenfinlatêteversmoi.

—Jet’aimenti.

Mesmainscommencentàtrembler.Toutmoncorpsesttenduàl’extrême,prêtàrecevoirl’annoncequi,j’ensuispersuadée,mebrisera.

—Quoi?murmuré-je.Jonas,jenecomprendsrien.S’ilteplaît,explique-moi,luidemandé-jedansunsouffle.

—Jen’aijamaisétégay,avoue-t-ilembarrasser.

J’ouvrelabouchesansqu’aucunsonnesorte.Jedétournemonregarddeluipourtenterd’analysercequ’ilvientdemerévéler.C’estalorsquelascènedel’autresoir,oùilétaitgênélorsquej’étaisensous-vêtements,devientpluslogiquepourmoi.

—Maispourquoitum’asmenti?luidemandé-je,nemasquantpasmadéception.

Jesuiscomplètementabasourdie.

—Lorsquejet’aivuelapremièrefoisdanscebar,j’avaisentenduparlerdetoi.Jeconnaissaistaréputation.Tusais,entantquebarman,j’enaientendudeschoses.Jesavaiségalementquetun’approchaisplusleshommes.Quandjet’aivuecejour-là,tuétaisdésemparée,maisjet’aitrouvéemagnifique.J’aicraquépourtoiendépitdecequej’avaisentendu.Lorsquetuascommandétonverre,tum’asàpeineregardé.Sijet’avaisditlavéritédèsledépart,tuauraisfui.Bref,j’aieul’idéedébiledetedirequej’étaisgay.Cequim’aconfortédansmonmensonge,c’estlaréactionrassuréequetuaseueàce

moment-là.Jen’aipaspufairemarchearrière.Jenesavaispascomment.Quandtuasdisparu,lesrumeursontcommencéetilyenamêmequidisaientquetuétaismorte.J’étaiseffondré.Tonappelaétélaplusbellechosequimesoitarrivée.Jesuisdésoléedet’avoirmenti.

Jelefixe,incapablededirequoiquecesoit.Unenouvellefois,jemesenstrahie.J’airéapprisàredonnermaconfiancepourquel’onmepoignardedansledos.Çanepeutpluscontinuer.Jedoism’éloignerd’eux.Matthew,Jonas,mesparents…Mavie.Ilfautquejemereconstruiseloindetoutescesondesnégatives.

Jememasselestempespourcalmerladouleurquiapparaîtdansmoncrâne.Puis,calmement,jelèveledrapetsorsdulit.

—Qu’est-cequetufais?medemandeunJonas,apeuré.

Lapaniquerésonnedanssavoix.Jesuisenmodeautomatique,monesprittentedésespérémentdefermerlaporteauxmauvaisespensées.Jenedisrienetpréparemonsacavecl’impressionden’avoirfaitqueçacesdernierstemps.

Jonass’approcheprudemmentdemoi,maisjel’occulte.Iln’existepluspourmoi.Jecroisqueç’aétélemensongedetrop.Jenepeuxplusensupporterdavantage.Ilposedoucementlamainsurmonépaulecommeleferaitundompteurpourcaresserunanimalsauvage.Jemereculebrusquement,manquantdemecognercontrelacommande.C’estcommesisontoucherm’avaitbrûlélapeau.

—Nemetouchepas!vociféré-jeentremesdents.

Jeneprendsmêmepaslapeinedeleregarder.Ilneméritepasunetelleattention.Ilpeutsesentirblesséparmonrejet,celam’estégal.Toutcequejeretiensdelui,c’estsonmensonge.

—Jesuisvraimentdésolé.Jenevoulaispastementir,jetelejure,sedéfend-il.

Jenepeuxpasm’empêcherderireamèrement.Jeleregardeavecmépris.Entempsnormal,j’auraiseupitiédesonexpression,maisjenesuispas«entempsnormal».Riennel’estcesdernierstemps!

—Tuesdésolé?Tut’essurtoutbienmoquédemoi!TuastrouvéçadrôledebernerlapauvrepetiteHailey?Tucroyaisquoienmedisantlavérité?Quej’allaistepardonner?Oh,maisbiensûr,Haileyesttellementgentilleetnaïvequ’ellemepardonnera!Tuaseutort.Jetefaisaisconfianceettum’astrahie.Je…Jevaispartir.Jenepeuxpasresterlà.C’estau-dessusdemesforces.

Jedéposemonsacsurmondosetsorsdelachambresansluiadresserundernierregard.

Jouraprèsjour,lespersonnesquej’aimefinissentparmetrahir.Jecroyaisavoirretrouvél’espoir,maistoutcelan’aétéqu’uneillusion.UneillusioncrééeparMatthew.C’estluileresponsabledetoutça!Lalumièrequicommençaitàéclairermonavenirseternitdenouveau.Jedoisêtrevictimed’unemalédiction,jenevoispasd’autreexplication.

Jedévalelesescaliers.J’ignorelesappelsdeJonasetj’accélèremonpas.Çam’embêtedenepasavoireuletempsderemercierKatherinepoursonaccueilchaleureuxetjedétestepartircommeunevoleuse,maisjen’aipaslecouraged’affronterquiquecesoit.

Jesorsdelamaisonetcontinuemoncheminàpieds.Jeprendraiuntaxiplustard,j’aibesoinderéfléchir.Jonasmepoursuitetcontinuedem’appeler.Jenesaispaspourquoimaisjememetsàcourir.Jesaisqueçapeutparaîtrecomplètementidiot,maisçamesemblelameilleuresolutionàcemoment-là.Jeveuxfuir,unenouvellefois.

Leslarmesdévalentsurmesjoues.Jenedistingueplusrienetcoursàl’aveugle.

Jedistinguevaguementdescrisdestupeur,maisjesuistellementabsorbéeparmacourseeffrénéequejen’yprêtepasattention.Monélansestoppemalgrémoilorsquejesuisviolemmentpercutéedepleinfouetparcequ’ilmesembleêtreunevoiture.Jemesensprojetéedanslesairsetatterrirviolemmentsurunsolgoudronné.Toutdevientflou.Jeperçoisuneagitationautourdemoi.Descris.Despas.Ungoûtmétalliquedansmabouche.Unedouleurintenseauniveaudemonventre.Puisplusrien.Jeneperçoisplusrien.Seulementlenoirtotaletlesilence...

Àsuivre...

Remerciements

L’écrituredeceromanaamplifiémapassionpourl’écrituremaisaussimonimagination.J’aiadorécomposerchaquescènedeceromanaupointteloùHaileyetMatthewsontdevenusunepartdemoi.Cesdeuxpersonnagesm’ontaccompagnédansmonquotidienpendantdenombreuxmois.C’estlaraisonpourlaquelleçamerendtristedeneplustravaillerdessusmaisjesuiségalementheureusedelespartageravecvous,lecteur.

Biensûrceromann’auraitjamaispuvoirlejoursanslesnombreuxsoutiensdemesproches,amisetmêmeinconnus.

MonéditriceMandyBellestlameilleurequel’onpuisseavoir.Ellem’adonnéunechanceincroyabledefaireconnaîtremaplume,quijesaisn’estpasencoreparfaitepuisquejedébute,(Doncsoyezindulgentlol)maisaussiàl’histoiredeMatthewetHaileyquimetientparticulièrementàcœur.Doncungrandmerciàelle.

Jeremercieinfinimentmafamille.Ilsétaientd’ailleurslespremiersàm’avoirtémoignédeleursoutien.Jem’excused’ailleursauprèsdemonmarietdemesenfantspourtoutescesnombreusesheurespasséesderrièremonécranetpasàleurcôté.Jeremerciemonmarid’avoirrespectélabullequejem’étaiscrééavecceromanmêmesicen’étaitpasfaciletouslesjours.Ilsontfaitpreuved’uneénormepatienceetdesoutienenversmoidansmesmomentsdedouteetjelesaimeplusquetout.

Jeremercietoutelespersonnesquisontapparusdansmavieàunmomentprécis.Cemomentoù,j’étaisenpleinerecherchedemoi-mêmeetdanscequejevoulaisfairedemavie.Ilsm’ontguidésurlecheminquiestceluidel’écriture.Grâceàeux,j’airéussiàm’épanouirdansundomainequimeplaîtalorsqu’audépart,jem’ensentaispasdutoutcapablemaisilsonttrouvélesmotspourmedonnercetteconfiancenécessairequ’ilmefallaitpourpouvoirfairelepremierpas.Jeleurenseraistoujoursreconnaissanteetjepensetoujoursàeux.

JeremercieégalementmonamieSoniaquiaétélàpourmoipendantl’écrituredecetome.Mêmesilavieafaitquenoussommesplusencontactaujourd’hui,jepenseàelleetjen’oublieraisjamaiscequ’elleafaitpourmoi.Ellem’adonnélaforcelorsquej’étaisempruntauxincertitudesetm’adonnédenombreuxconseilsquej’appliqueencoreaujourd’hui.

Jen’oubliebienévidemmentpasmeslecteursWattpadsansquitoutecetteaventuren’auraitpaspusefaire.Jouraprèsjours,leurscommentairesm’onténormémenttouché.JepensesurtoutàNiniEnzoLolaquimefaisaitrireparsesmessagesdemécontentementlorsqu’undemespersonnagesfaisaientn’importequoi.AnnaigVolckaertmaplusfidèlelectrice.MaisaussiElodyMaëlyKévan,HlneRecrosio,Angelle93,AurélieCédric,MélissaHusson,DominiqueMartins6,Saintenoy,FeifeiYeYongsen,EstelleStletjesuissûrequej’enoubliebeaucoupalorsjem’enexcuseparavance.Jeremerciedufondducœurcellequim’ontsuivieetquim’ontfaitpleurerparleurscommentairestouchants.Égalementcellesetceuxquim’ontsuiviensous-marin.Ilsm’onttous,àleurmanière,apportésuneforceincroyablepourécrire.

Unénormemerciauxmembresducomitédelecture.Sanseux,jeneseraispaslàoùj’ensuisaujourd’hui.

MerciàmesSEEsterspourleurgentillesseàmonégardmaisaussileursoutien.Ellessontpourmoiunevéritablesourcede«zénitude».

UnementionspécialepourDelindaDaneetMarieLunyquiaucoursdecetteaventuresontdevenus,pourmoi,beaucoupplusquedessœursdeplume.Jeneregretteaucunementnosnombreusesnuitscourtesdûànosdiscussionstardive.#InsomniaquePower!Mercid’avoirétélàpourmoiquandçan’allaitpaslorsdemescorrections,dem’avoirconseilléetd’avoirprisletempsderelirequelquespassagespourquejepuisselesaméliorer.Jevousaimetroplesgirls!

Merciàvouslecteurquiavezprisvotretempspourdécouvrirmonroman.Jen’espèrenepasvousavoirdéçuetbiensûr,jesuisouverteàtoutecritique;)(Vouspouvezmecontacterparmail:Lilisky1@outlook.frousurMessenger)

Merci!