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Aequationes Mathematicae 39 (1990) 68-77 0001-9054/90J010068-1051.50 + 0.20[0 University of Waterloo O 1990 Birkhguser Verlag, Basel Sur les 6quations fonctionnelles aux it6r6es JEAN-PAUL BI~ZIVIN Summary. We study solutions of functional equations p(ft01,... ,ftsl) = 0, where P is a non zero polynomial in s + 1 variables and flkl denotes the kth iterate of a function f We deal with three distinct cases: first, f is an entire function of a complex variable, we show then that fis a polynomial. Second, we also prove that f is a polynomial if it is an entire function of a p-adic variable. Third, we consider f a formal power series with coefficients in a number field IK; subject to some apparently natural restrictions on f and on P, we find that f is an algebraic power series over the ring of polynomials in K[x]. 1. Introduction Soit K un corps commutatif de caract6ristique nulle, qui pourra &re dans la suite soit le corps des nombres complexes C, soit C v, le compl6t6 de la cl6ture alg6brique du corps Qp des nombres p-adiques, ou enfin un corps de nombres ~. Dans cet article nous nous int6ressons fi des 6quations fonctionnelles aux it6r6es; soit f une fonction, qui sera une fonction enti6re dans le cas de C ou de Cp, et une s6rie formelle de la forme f(x) = ax +. • • avec a dans I~ non nul, dans le cas off le corps de base est un corps de nombres. Dans l'un de ces cadres, on peut d~finir les it6r6es de la fonction f, en posant f [°l(x) = x, f [l](x) =f(x) et f [" + I] =f of [.l. Les 6quations fonctionnelles aux it6r6es que nous allons 6tudier sont du type suivant: P(f l°l(x) ..... f E~l(x)) = 0 (i) off s est un entier positif et Pun polyn6me non nul de K[Xo ..... X~], ou alors: f H(x) = R(f t°l(x) ..... f t~- q(x)) ( 13 AMS (1980) subject classification: Primary 39B10. Manuscript refule 12 avril, 1989, et en forme finale, le 22 septembre, 1989. 68

Sur les équations fonctionnelles aux itérées

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Aequationes Mathematicae 39 (1990) 68-77 0001-9054/90J010068-1051.50 + 0.20[0 University of Waterloo O 1990 Birkhguser Verlag, Basel

Sur les 6quations fonctionnelles aux it6r6es

J E A N - P A U L BI~ZIVIN

Summary. We study solutions of functional equations p ( f t 0 1 , . . . ,ftsl) = 0, where P is a non zero polynomial in s + 1 variables and flkl denotes the k th iterate of a function f

We deal with three distinct cases: first, f is an entire function of a complex variable, we show then that f i s a polynomial. Second, we also prove that f is a polynomial if it is an entire function of a p-adic variable. Third, we consider f a formal power series with coefficients in a number field IK; subject to some apparently natural restrictions on f and on P, we find that f is an algebraic power series over the ring of polynomials in K[x].

1. Introduction

Soit K un corps commuta t i f de caract6ristique nulle, qui pourra &re dans la

suite soit le corps des nombres complexes C, soit C v, le compl6t6 de la cl6ture

alg6brique du corps Qp des nombres p-adiques, ou enfin un corps de nombres ~.

Dans cet article nous nous int6ressons fi des 6quations fonctionnelles aux it6r6es;

soit f une fonction, qui sera une fonction enti6re dans le cas de C ou de Cp, et une

s6rie formelle de la forme f ( x ) = a x + . • • avec a dans I~ non nul, dans le cas off le corps de base est un corps de nombres.

Dans l 'un de ces cadres, on peut d~finir les it6r6es de la fonct ion f , en posant f [°l(x) = x, f [l](x) = f ( x ) et f [" + I] = f o f [ . l .

Les 6quations fonctionnelles aux it6r6es que nous allons 6tudier sont du type suivant:

P ( f l°l(x) . . . . . f E~l(x)) = 0 (i)

off s est un entier positif et P u n polyn6me non nul de K [ X o . . . . . X~], ou alors:

f H(x) = R ( f t°l(x) . . . . . f t~ - q(x)) ( 13

AMS (1980) subject classification: Primary 39B10.

Manuscript refule 12 avril, 1989, et en forme finale, le 22 septembre, 1989. 68

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off s est un entier positif et R une fraction rationnelle de K(Xo . . . . . Xs). Noter que ce type d'6quation fonctionnelle contient comme cas particulier les 6quations lin6aires fi coefficients polyn6mes, c'est-fi-dire les 6quations de la forme:

Pk(x ) f tkl(x) = O. (2) k = 0

off les Pk(x) sont des polyn6mes de K[x], non tous nuls. Nous allons d6montrer les r6sultats suivants:

THI~ORI~ME 1. Soit f l x ) une fonction entibre d'une variable complexe; on suppose

que f ( x ) vOrifie une 6quation du type (1). Alors f est un polynOme.

On a des resultats identiques dans le cas p-adique:

THI~ORI~ME 2. Soit f ( x ) une fonction entiOre d'une variable p-adique. On suppose

que f ( x ) vkrifie une kquation du type (1). Alors f est un polyn6me.

R E M A R Q U E S . ( [ ) On peut traduire autrement les th6or~mes 1 et 2 en disant que si f est non polyn6miale, ses it6r6es sont alg6briquement ind6pendantes sur K(X).

(II) R6ciproquement, tant ~lans le cas du th6or6me 1 que dans celui du th6or6me 2, il est clair que tout polyn6me v6rifie une 6quation du type (2).

Enfin, on a le r6sultat suivant quand K est un corps de nombres:

THI~ORI~ME 3. Soit ~ un corps de hombres, et f ( x ) = ax + . . . une sbrie formelle

de I~[[x]] sans terme constant, le coefficient a ~tant non nul. On suppose que f ( x ) vbrifie les propriOtbs suivantes:

(i) Le coefficient a n'est pas une racine de l'unitO. (ii) Pour presque toute place finie P de ~, la skrie f ( x ) est ~ coefficients P-entiers.

(iii) Les rayons de convergence de f ( x ) aux diffbrentes places de ~ sont non nuls.

Alors, si f ( x ) vkrifie une bquation fonctionnelle du type (1'), il en rksulte que f ( x ) est

une sbrie algbbrique sur K(x).

La suite de l'article est organis6e de la faqon suivante: dans la partie II, nous d6montrons le th6or6me 1, en utilisant des r6sultats de la th6orie de Nevanlinna. La partie III est consacr6e au th6or6me 2, dont la d6monstration utilise des r6sultats 616mentaires sur les fonctions analytiques p-adique. La d6monstration du th6or6me 3 se trouve dans la partie IV, elle utilise notamment la s6rie de Schr6der associ6e fi

la s6rie formelle f (x ) .

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70 JEAN-PAUL BI~ZIVIN AEQ MATH.

A la connaissance de l'auteur, il y a peu de travaux sur ce type de questions; on peut citer une note de Lemeray [6], un article de Spiess sur les 6quations du type (2) ~i coefficients constants [ 11] et enfin un article r6cent de Christensen et Fischer [2].

II. Le eas complexe

Nous allons dans ce cas utiliser la th6orie de Nevanlinna. Pour une fonction f ( x ) enti6re la fonction caract6ristique de Nevanlinna prend la forme suivante:

~0 2n T ( r , f ) = 1/2x Log+l f ( r exp(iO)) [ dO (3)

off Log+x est ~gal pour x positif ou nul ~i Sup(Log(x), 0). Nous aurons besoin des r6sultats suivants:

TH~OREME P (G. Polya, [8], cf. lemme 2-6 de [3]). S o i e n t f e t g deuxfonctions entikres transcendantes d'une variable complexe et h ( z ) = f o g(z). On a alors le r~sultat suivant: s i r tend vers + ~ , ta fonction T(r, g)/T(r, h) tend vers zkro.

LEMME 1 (cf. [7], page 40). Soit f une fonction mbromorphe sur C, on suppo.e que la limite infOrieure pour r tendant vers + oo de T(r , f ) /Log(r) est finie. Alors f est une fraction rationnelle.

Dans le cas od f est enti6re, la conclusion du lemme 1 est donc que f est un polyn6me.

Nous aurons besoin enfin du th6or6me suivant, dO ~i He et Xiao ([4], lemma 1) que nous 6non~ons d'ailleurs dans un cadre plus restreint qu'eux:

P TH~ORI~ME H - X . Soit P(z, w) = ~ j= o aj(z) wj une expression polyn6miale o~ les coefficients aj(z) sont des fonctions m~romorphes de la variable complexe z. Si w(z) est une fonction analytique entidre on a:

T(r, P(z, w(z))) = pT(r, w(z)) + 0 ( ~ T(r, aj)) .

Nous passons maintenant ~i la d6monstration du th6or6me 1. S o i t f u n e fonction enti6re de la variable complexe, v6rifiant une 6quation du type (1), off nous pouvons supposer que la variable Xs apparait effectivement.

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Nous +crivons alors:

p

P(Xo . . . . . X~) = y~ Aj(Xo . . . . . Xs I)X'~. j = o

Nous raisonnons par l 'absurde en supposant f non polyn6miale; on pose

w(x) =ft~l(x) et aj(x) = Aj(ft°)(x) . . . . . f t~ - q(x)).

P u i s q u e f e s t non polyn6miale, le lemme 1 mont re que Log(r) est o(T(r,f)) s i r tend vers l'infini. On d~duit ensuite du thSorrme P que l 'on a

T(r , f Ek]) = o(T(r, fl~l)) si k < s.

Soit A un po lyn6me en s variables et g = A ( f t°) . . . . . ftsl). D'apr8s [7], page 15, on a :

T(r,g) : O('~'\j=0 T(r'flJl))"

Donc, d ' ap r r s ce qui prrcrde, on a T(r, aj) = o(T(r, w)) pour t o u t j ~<p. D 'apr~s le t h ro r rme H - X , on en conclut que T(r, w) = o(T(r, w)), ce qui est absurde et termine la d rmons t r a t ion du thror~me 1.

III. Le cas p-adique

Nous nous pla~ons d6sormais sous les hypoth6ses du th6or6me 2. Pour une fonction enti6re de Cp dans lui-m~me nous notons [f l(r) , pour r r6el posit if ou nul,

la quantit6 sup([f (x)[ , x dans Cp, [x[ ~< r). Cette fonction de r est croissante et continue.

Si l 'on 6crit le d6veloppement de Taylor de f (x) sous la forme:

f (x) = Z a, x" (5)

on a alors [fl(r) = Sup(la . It'), et d 'aut re part , a l 'exception d 'un ensemble au plus d r n o m b r a b l e E ( f ) de valeurs de r fo rmant une suite tendant vers I'infini, (il s 'agi t

des rayons des cercles oft se t rouvent les zrros de f ) on a I f (x) l = I l l ( r ) pour tout x dans Cp tel que Ixl--r (s'il en existe, c'est-A-dire s i r appar t ient au groupe des valeurs de la valeur absolue).

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72 JEAN-PAUL BI~ZIVIN AEQ- MATH.

Nous avons alors le r6sultat suivant:

LEMME 2. Soient f et g deux fonct ions entiOres non constantes sur Cp. On a alors

pour tout rkel pos i t i f ou nul r les bgalitbs:

(a) [ f~ g[(r) = I f [ o [gl(r)

(b) [fgl(r) = [fl(r)lgl(r)

DI~MONSTRATION. On consid6re les rayons r tels que r n 'appar t ienne pas ~i

l 'ensemble exceptionnel E(g), et que [gl(r) appartienne fi E ( f ) . Soit U l 'ensemble

form6 par ces rayons. C o m m e g est non constante, la fonction Igl(r) est une fonction strictement croissante, et tendant vers l'infini s i r tend vers l'infini. I1 en r6sulte que

U est au plus d6nombrable, et que s'il est infini, cet ensemble forme une suite tendant vers + ~ . I1 en est donc de m6me de la r6union de E(g), E ( f o g) et de U,

que nous notons H. Soit r n ' appar tenant pas fi H, mais tel qu'il existe x dans Cp tel

que [x[ = r. On a alors [g(x)[ = [gl(lx[)= [gl(r) et par suite [ f o g ( x ) I = Ifl(lgl(r)), et enfin [ f o g(x)[ = Ifo g[(r), donc l'6galit6 du lemme est vraie pour ces 61+ments de

[0, + ~ [ . Mais cet ensemble est dense dans [0, + ~ [ , et les deux fonctions sont continues, d'oti le (a). L'6galit6 (b) se d6montre de la mbme mani6re.

LEMME 3. Soit f une fonct ion ent i&e non polynom&le, et P u n polyn6me non nul

de Cp[Xo . . . . . Xs]; on munit les mon6mes Xg °. • • X'~ de l'ordre suivant:

Le mon6me Xg ° . • • X'~ ~ sera plus grand que le mondme X'~ °. • • X 7 • si le s-uplet

(no . . . . . n~) est plus grand que le s-uplet (mo . . . . . m~) pour l' ordre lexicographique,

c 'est-h-dire si n~ est plus grand que m~, ou s 'ils sont bgaux et (no . . . . . n~_ l) est plus

grand que (mo . . . . , ms_ l).

On a alors pourvu que le rkel pos i t i f r soit assez grand, l'kgalit6:

[p( f t0j . . . . . f tsj)[(r) = [a~ II f t01l~o(r) . . . I f tsl[~(r)

o~ le mon6me an,Yg o. • • X~ s est le plus grand apparaissant clans P.

DI~MONSTRATION. Nous allons montrer d ' abord que si un mon6me M~ est plus

grand qu 'un autre mon6me M2, la fonction IM21(r)/IMl I<r) tend vers z6ro s i r tend vers + ~ . Nous traitons le cas off ns = 1 et ms = 0, le raisonnement 6tant semblable dans les autres cas.

P u i s q u e f e s t non polyn6miale, on a pour tout k dans N que [ f[ (r) /r k tend vers

l'infini s i r tend vers l'infini. En particulier, I f [(r)/> r pour r assez grand. Pour ces

m6mes valeurs de r, la suite [ftkJ[(r) est une suite croissante de k, de sorte que l 'on

est ramen6 fi prouver que ([f l~- '~[(r))k/ l f ts l l ( r) tend vers z6ro s i r tend vers l'infini, k &ant un entier positif fix6; ceci r6sulte du fait que [ f[ (r) /r ~ tend vers l'infini et de

l'6galit6 I f HI(r) = [ f [o [ f ts - , ] l ( r ) .

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Le r6sultat du lemme 3 se d6duit alors facilement de ce quie pr6c6de: l'6galit6 que l 'on cherche est alors vraie pour r assez grand, sauf pour 6ventueltement une suite de rayons tendant vers l'infini, (ce sont les rayons des cercles off se t rouvent les z6ros du plus grand m o n 6 m e apparaissant dans le polyn6me P), et ensuite pou r tout r assez grand en utilisant la continuit6 des fonctions consid6r6es.

Nous passons main tenant ~i la d6monstra t ion du th6or6me 2. Nous ra isonnons par l 'absurde en supposant f non polyn6miale. Soit M le m o n 6 m e le plus grand dans P. D 'apr6s le lemme 3, on a pour toute

fonct ion f non polyn6miale l'6galit6 [e(ftol . . . . . ft'])](r)---IMl(r) si r est assez grand. Par suite, puisque IMl(r) ne peut visiblement 6tre nul, ie premier membre ne peut l '&re non plus, et cette contradict ion termine la d6monstra t ion du th6or6me 2.

IV. Le eas formel

I V - 1. Pr~limmaires

Nous avons besoin tout d ' abo rd de rappeler les propri~t6s des s6ries de Schr6der et de Picard associ6es a la s~rie f ( x ) = ax + • • •.

Di~FINITION. Nous dirons qu 'une s4rie ~b(x )= x + . . . est la sOrie de Schr6der

associOe d la s4rie f ( x ) = ax + . •. si l 'on a l'bgalit4:

f ( x ) = e~t- ~l(a~(x)).

La sbrie de Picard associ4e ?~ f ( x ) est alors ~I"(x) = ~1- q(x).

La s6rie de Schr6der est definie de faqon unique si le coefficient a de f ( x ) n'est pas nul ou une racine de l'unit6, ce qui sera le cas dans la suite de cette d6monstrat ion.

Cette s6rie permet d '&udier commod6men t les it6r6es de la f o n c t i o n f ( x ) puisque on a de mani6re imm6diate f1"l(x) = Ug(a"~(x)).

Nous aurons besoin d ' avo i r des renseignements sur les rayons de convergence des deux s6ries W e t (I) aux diff6rentes places du corps de nombres 1~. I1 suffit bien stir de regarder uniquement le cas de (I).

Nous commenqons par examiner le cas d 'une place infinie de IE, nous notons la valeur absolue cor respondante [ I.

I1 y a tout d ' a b o r d le cas off ]aJ est diff+rent de 1; dans ce cas, puisque le rayon de convergence de f ( x ) est non nul, il est bien connu qu'il en est de m~me pour la s6rie ~ .

Le cas off la valeur absolue de a est 6gale ~ 1 a ~tb &udi6 par Siegel [10]:

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74 JEAN-PAUL BI~ZIVIN AEQ. MATH.

THI~ORI~ME SI. Soit f ( x ) = ax + . • • une s~rie formel le d coefficients dans C, de

rayon de convergence non nul, Ie coefficient a n'~tant ni nul, ni une racine de l'unitO,

mais de valeur absolue 1. S i on a Log[a" - 11 = O(Log n) pour n tendant vers l'infini,

alors la sbrie de Schr6der associbe gt f ( x ) a un rayon de convergence non nul.

Nous aurons aussi besoin du r6sultat suivant d~ fi Schinzel [9]:

THI~ORI~ME SC. Soit ~ un corps de nombres, et ~/fl = a, oft ot et fl sont deux

entiers algkbriques de ~ , de m~me valeurs absolues, a n 'k tant pas une racine de l'unitd.

On a alors:

L°gl~" -/?~1 = n Loglfl [ + O(Log n) s i n tend vers l'infini.

Dans le cas d'une place finie, le th6or6me SI a (~t6 g6n6ralis6 par Hermann et Yoccoz et conduit au r6sultat suivant ([5], theor~me 1, p. 423):

THI~ORI~ME H - Y . Soit K un corps ultramktrique complet e t a non nul dans K

vdrifiant la condition suivante: (C) il existe un r~el pos i t i f d et un rbel e tels que l'on

air la" - 11 >t tin e pour tout n entier pos i t i f

Soit f ( x ) = ax + . . . une sbrie formel le convergente d coefficients dans K. Alors la

sOrie de Schr6der associke gl f ( x ) a un rayon de convergence non nul dans K.

D'autre part, le corollair6 ~i la page 414 du mrme article montre que si K est lccalement compact et si a non nul dans K n'est pas une racine de l'unitr, la condition (C) est satisfaite.

Nous rrsumons ce que precrde en une proposition dont la drmonstration est immrdiate:

PROPOSITION. Sous les hypothkses du th~ordme 3, les sbries de Schrrder et de

Picard associOes fi f ( x ) ont un rayon de convergence non nul pour toute place du corps

de nombres ~ .

Nous aurons aussi besoin du r+sultat suivant, dfi / t Kronecker:

THI~OR~ME K. Soit ~ un corps de nombres, e t a un dl~ment non nul de K. Alors

a est une racine de l'unit~ si et seulement si on a [a[~ ~< 1 pour toute place v de K.

Enfin, l'outil principal pour notre drmonstration sera le critrre d'algrbricit6

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suivant, dfi ~i Y. Andr6 ([ 1], chap. VIII), que nous nous bornons fi expliciter dans le cas d'une variable:

CRITI~RE A. Soit y(x) une sbrie formelte gt une variable, gt coefficients dans un corps de nombres ~ . On suppose que, pour toute place v de ~ , la skrie y(x) peut ~tre

uniformis~e par une fonction mkromorphe x(t) dans le disque It t < &Iv de C~ (i.e. y(x(t)) est mkromorphe darts le m~me disque) avec les propriOtks suivantes:

(i) x(O) = o (ii) Ix'(O)lv = 1.

Si pour presque tout idbal premier P de ~, les coefficients de Taylor de f ( x ) sont

P-entiers et si le produit des M~ est strietement supbrieur h 1, alors f ( x ) est une sbrie algbbrique.

IV-2. D~monstration du thkor~me 3

Soit f ( x ) = ax + • • • une s6rie formeUe satisfaisant aux conditions du th6or6me

3. D'apr6s la proposition, pour toute place v de ~, le rayon de convergence de la

s6rie de Picard associ6e ~ f ( x ) est non nul. Comme nous l 'avons d~ja vu, on aftkl(x) = W(ak~(x)) pour tout k; on en d6duit

que l 'on a:

W ( a ~ ( x ) ) = R ( W ( ~ ( x ) ) . . . . . W(a ~ l~(x))). (7)

En rernplaqant dans (7) la variable x par W(x) il vient:

' e ( a s x ) = R ( ~ ( x ) . . . . . ~e(a s ' x ) ) (8)

ou encore:

W(x) = R ( W ( x / a s) . . . . . W(x/a)). (9)

Nous consid6rons maintenant le cas d'une place v telle que la]~ > 1. L'existence d 'au moins une telle place est assur6e par le th6or6me K.

Soit M~ le rayon de m~romorphie de la s6rie W(x). Ce rayon de m6romorphie est non nul, puisque le rayon de convergence de la s6rie West non nul pour la place v.

D'autre part, si W(x) est m6romorphe dans le disque D(O, My), toutes les fonctions '~(x /a k) pour k ~>1 sont m6romorphes dans le disque D(O, lalvMv); d'apres la formule (9), il en est de m~me de W(x). Par suite, si le rayon de

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76 JEAN-PAUL BI~Z1VIN AEQ. MATH.

m6romorphie M,, 6tait fini, on aurait M~, >>. [al~,M,,, ce qui est contradictoire avec

lal, > I. La fonction ~P(x) est donc m6romorphe dans tout Cv. On a d'autre part

hu(O) --0 et ~F'(O) = 1. On a enfin l'6galit&

f (W(x ) ) = W(ax) (10)

qui montre que la fonction m6romorphe $(t) uniformise la s6rie f (x ) , dans tout disque de centre z~ro de CL.. Les rayons de convergence aux autres places etant non nuls et, pour les places finies, presque tous sup6rieurs ou 6gaux fi 1, le crit6re A s'applique alors de fa~on immediate et montre que la serie f (x ) est alg6brique, ce qui termine la demonstration du th6or6me 3.

IV-3. Remarques

(1) Soit a une racine de l'unit6, diff6rente de 1, et q son ordre. Soit qJ(x) = ~ = o xq", * (x ) la s6rie inverse de ~(x), et f ( x ) = Ul(a¢(x)). La s6rie f ( x ) appartient fi Z[a][[x]], et v&ifie clairement les hypoth6ses (ii) et (iii) du th6or6me 3. On a facilement f [ q ] ( x ) = X, de sorte que f ( x ) v6rifie une 6quation fonctionnelle du type (2). D'autre part

f ( x ) = a ~ ( x ) + ~ (~(x)) q', n = l

donc

f ( x ) = (a - 1)¢(x) + ~ (¢(x)) q" -- (a -- 1)¢(x) + x. n = 0

La s~rie ~(x) n'est pas alg~brique (elle est lacunaire), donc ¢(x) ne l'est pas non plus, ainsi que f ( x ) puisque a est diff+rent de 1.

La condition (ii) est donc indispensable; rioter cependant que nous n'avons pas de contre-exemple dans le cas off a = 1.

(2) Soit IK = Q[,v/2] et f ( x ) = (1 + x) - / 5 - 1 = ~ = l (n"/5) x" = x /~x + " ' ; cette s6rie v6rifie les conditions (i) et (iii). On a f o f ( x ) = x 2 + 2x, et bien stir cette fonction n'est pas alg6brique. La condition (ii) qui n'est pas v6rifi6e ici, ne peut donc &re enlev6e.

(3) Consid6rons l'6quation:

x f o f (x) - f ( x ) + 2x = O. (11)

On voit facilement qu'elle admet pour solution une unique s6rie formelle, de la forme f ( x ) = 2x + - . - , et fi coefficients dans [~. Nous laissons au lecteur le soin de

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montrer que le rayon de convergence de f(x) est nul dans C, et que par suite f(x) ne peut 6tre alg~brique. Des conditions sur les rayons de convergence pour les diff6rentes places du corps de nombres K ne peuvent donc &re 6vit6es.

(4) Soit W(x) = x + . . • une fraction rationnelle de ~(x) , et O(x) la s6rie inverse, qui est donc alg~brique. Soit a dans K non nul et non racine de l'unit6, et f(x) = ~(a~(x)). Les s~ries f[,1, pour n dans N sont toutes dans le corps L = [~(x, ~(x)) , qui est de dimension finie sur ~(x) . Par suite f v6rifie une 6quation du type (2), ce qui fournit des exemples non triviaux (i.e. non rationnelles) de solutions alg6briques.

On peut montrer que les s6ries de ce type sont exactement les s6ries f v6rifiant en plus des hypotheses du th6or~me 3, celle que la s~rie de Schr6der associ6e soit ~i coefficients P-entiers pour presque tout id6al P de [~.

(5) Nous laissons au lecteur le soin de v6rifier que la s~rie alg6brique f ( x ) ~gale x / l + x - 1 ne v6rifie aucune 6quation fonctionnelle du type (1'). Bien entendu,

elle v6rifie une 6quation du type (1). (6) Enfin, on peut se poser la question de savoir si le r6sultat du th6or~me 3

subsiste quand au lieu de l'6quation fonctionelle (1') on consid6re l'6quation fonctionnelle plus g6n6rale (1).

BIBLIOGRAPHIE

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