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Syndrome polyuro- polydipsique associé à des douleurs osseuses Polyuria-polydipsia syndrome associated with bone pains La constatation d’un syndrome polyuro-polydipsique nécessite une démarche diagnostique appropriée afin d’en préciser la cause pour pouvoir proposer un traitement adapté. Nous rap- portons un cas de syndrome polyuro-polydipsique dont l’étio- logie est très inhabituelle, associant un diabète insipide central à une atteinte osseuse. Le diagnostic d’une histiocytose non langerhansienne (maladie d’Erdheim-Chester) a été authentifié grâce à la biopsie des foyers d’hyperfixation osseux. Observation Une jeune femme, âgée de 28 ans, sans antécédents patho- logiques notables, souffrait depuis 2 mois d’un syndrome poly- uro-polydipsique sévère, permanent, avec des entrées et sorties estimées chacune à environ 12 L/24 h, associé à des douleurs osseuses d’allure mécanique, particulièrement costa- les, soulagées par les traitements antalgiques habituels. La patiente rapporte par ailleurs des céphalées et des troubles visuels à type de flou visuel. L’examen clinique était parfaitement normal, en dehors d’un goitre modéré. Sur le plan biologique, la natrémie était à 137 mEq/L avec une osmolarité plasmatique à 262,5 mOsm/ Presse Med. 2014; //: /// en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com 1 Lettre à la rédaction [(Figure_1)TD$FIG] Figure 1 IRM hypothalamo-hypophysaire (séquence T1 avec injection de gadolinium). Épaississement de la tige pituitaire et nodule au niveau de la loge caverneuse gauche [(Figure_2)TD$FIG] Figure 2 Scintigraphie osseuse montrant des lésions humérales et fémorales bilatérales et au niveau maxillaire tome // >n8/ > / LPM-2426 Pour citer cet article : Ouleghzal H et al., Syndrome polyuro-polydipsique associé à des douleurs osseuses, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.12.015.

Syndrome polyuro-polydipsique associé à des douleurs osseuses

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Pour citer cet article : Ouleghzal H et al., Syndrome polyuro-polydipsique associé à des douleurs osseuses, Presse Med (2014),http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.12.015.

Presse Med. 2014; //: /// en ligne sur / on line onwww.em-consulte.com/revue/lpm

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Syndrome polyuro-polydipsique associé àdes douleurs osseuses

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Polyuria-polydipsia syndrome associated withbone pains

Figure 2

Scintigraphie osseuse montrant des lésions humérales et

La constatation d’un syndrome polyuro-polydipsique nécessiteune démarche diagnostique appropriée afin d’en préciser lacause pour pouvoir proposer un traitement adapté. Nous rap-portons un cas de syndrome polyuro-polydipsique dont l’étio-logie est très inhabituelle, associant un diabète insipide centralà une atteinte osseuse. Le diagnostic d’une histiocytose nonlangerhansienne (maladie d’Erdheim-Chester) a été authentifiégrâce à la biopsie des foyers d’hyperfixation osseux.

Observation

Une jeune femme, âgée de 28 ans, sans antécédents patho-logiques notables, souffrait depuis 2 mois d’un syndrome poly-uro-polydipsique sévère, permanent, avec des entrées etsorties estimées chacune à environ 12 L/24 h, associé à desdouleurs osseuses d’allure mécanique, particulièrement costa-les, soulagées par les traitements antalgiques habituels. Lapatiente rapporte par ailleurs des céphalées et des troublesvisuels à type de flou visuel.L’examen clinique était parfaitement normal, en dehors d’ungoitre modéré. Sur le plan biologique, la natrémie était à137 mEq/L avec une osmolarité plasmatique à 262,5 mOsm/

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[(Figure_1)TD$FIG]

Figure 1

IRM hypothalamo-hypophysaire (séquence T1 avec injection de gadolinium). Épaississement de la tige pituitaire et nodule au niveau dela loge caverneuse gauche

fémorales bilatérales et au niveau maxillaire

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Pour citer cet article : Ouleghzal H et al., Syndrome polyuro-polydipsique associé à des douleurs osseuses, Presse Med (2014),http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.12.015.

Lettre à la rédaction

kg et une osmolarité urinaire à 137,35 mOsm/kg. Le test derestriction hydrique était arrêté à la 5e heure car la patienteavait perdu plus de 5 % de son poids initial, sans concentrationdes urines. Le test au MinirinW était positif avec une osmolaritéurinaire à 2 h à 506,54 mOsm/kg. L’hypophysiogrammecomplet était normal.L’IRM hypothalamo-hypophysaire révélait un épaississementde la tige pituitaire avec la présence d’un nodule au niveau dela loge caverneuse gauche et la perte de l’hypersignal spontanéen T1 de la posthypophyse (figure 1).Les radiographies standards des os longs étaient normales. Lascintigraphie osseuse montrait des zones d’hyperfixation,d’intensité modérée, au niveau du sinus maxillaire, deshumérus et des fémurs (figure 2), pour lesquelles une biopsie

[(Figure_3)TD$FIG]

Figure 3

Biopsie osseuse (fémur) : infiltration xanthogranulomateuse comportCD68

scanno-guidée était réalisée. L’étude histologique de la biopsiemettait en évidence une infiltration xanthogranulomateusecomportant des cellules spumeuses associées à une fibrose,avec un immunomarquage CD68 positif et anti-PSA100 et anti-CD1 négatif (figure 3). L’examen du fond d’oeil montrait unoedème papillaire stade II.

Discussion

La maladie d’Erdheim-Chester a été décrite pour la premièrefois par Chester en 1930 [1]. Il s’agit d’une histiocytose nonlangerhansienne rare dont la physiopathologie est encore malcomprise. Elle affecte les hommes et les femmes de 50 ans enmoyenne. Les manifestations cliniques sont très hétérogènes etnon spécifiques [2]. Les atteintes urologique et osseuse sont les

ant des cellules spumeuses associées à une fibrose exprimant le

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Pour citer cet article : Ouleghzal H et al., Syndrome polyuro-polydipsique associé à des douleurs osseuses, Presse Med (2014),http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.12.015.

plus fréquentes, les autres manifestations, plus rares, font toutela gravité de la maladie, notamment lorsqu’il existe uneatteinte cardiovasculaire, neurologique centrale, rétro-orbitaireou pulmonaire [3]. Sur le plan endocrinien, des perturbations del’axe hypothalamo-hypophysaire à type de diabète insipide,comme le cas présenté ici, ou d’hypogonadisme hypogonado-trope ont été rapportées [4,5].Le diagnostic positif est histologique, montrant un infiltratxanthogranulomateux composé d’histiocytes ou de macropha-ges chargés en graisse et entourés de fibrose. Les celluleshistiocytaires ne sont pas des cellules de Langerhans et necontiennent pas de granules de Birbeck. À l’immuno-histochi-mie, on trouve une immunopositivité CD68 et une immunoné-gativité CD1a et de la PS100 [6].L’anomalie radiologique la plus spécifique est l’ostéosclérosecorticale. Elle est classiquement bilatérale, symétrique, toucheles diaphyses et métaphyses des os longs [2]. Cependant, deslésions lytiques ou des atteintes des os plats ne sont pasexceptionnelles. Sur le plan biologique, les marqueurs del’inflammation, l’interleukine-6 et le récepteur de l’interleu-kine-6 sont élevés [7]. L’aspect de la scintigraphie osseuse estquasi pathognomonique montrant une hyperfixation bilatéraleet symétrique des métaphyses et des diaphyses des os longs,comme dans le cas présent. Une atteinte des épaules, descôtes, du crâne et de la face peut être observée, alors que lacolonne vertébrale et les épiphyses sont en général épargnées[8,9].Sur le plan thérapeutique, aucun protocole n’est en placeactuellement [10]. Différents traitements ont été proposés[2]. L’interféron alpha a prouvé une amélioration de la survie[11], toutefois, il est parfois inefficace ou doit être inter-rompu en raison d’effets indésirables majeurs. L’anakinra(antagoniste du récepteur de l’IL1) pourrait constituerune bonne option thérapeutique, mais des études supplé-mentaires sont nécessaires [12]. Dans le cas de notrepatiente, le syndrome polyuro-polydipsique a été corrigépar la desmopressine. On a aussi institué à visée étiopatho-génique un traitement par interféron alpha. L’évolutiona été marquée par un soulagement des douleurs osseuseset par l’installation de signes d’insuffisance antéhypophy-saire (hypothyroïdie, hypogonadisme) ayant nécessité l’ins-tauration d’un traitement substitutif. Le pronostic de lamaladie est en général péjoratif et dépend du type d’atteinteviscérale.

Conclusion

La granulomatose d’Erdheim-Chester est une maladie systé-mique rare, de diagnostic difficile du fait d’un polymorphismeclinique et morphologique. Le diagnostic est dans tous les cas

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histologique. Le traitement est encore mal codifié et le pro-nostic reste imprévisible.

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflitsd’intérêts en relation avec cet article.

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[12] Courcoul A, Vignot E, Chapurlat R. Successful treatment of Erdheim-Chester disease by interleukin-1 receptor antagonist protein. Joint BoneSpine 2014 (doi:10.1016/j.jbspin.2013.06.013 [Epub ahead of print]).

Hassan Ouleghzal1, Ilyass Anouar2, Fatima Boufares1

1Hôpital militaire d’instruction Mohamed V, serviced’endocrinologie et maladies métaboliques,

10000 Rabat, Maroc2Hôpital militaire d’instruction Mohamed V, service des

urgences, 10000 Rabat, Maroc

Correspondance : Hassan Ouleghzal, Hôpital militaired’instruction Mohamed V, service d’endocrinologie et maladies

métaboliques, 10000 Rabat, [email protected]

Reçu le 6 septembre 2013Accepté le 17 décembre 2013

http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.12.015� 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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