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Technologies de l’information et de la communication et fragmentation urbaine à Yaoundé Arthur Devriendt Sous la direction de Gabriel Dupuy et de Marie Morelle Encadré par Jean - Lucien Ewangue Master 2 Recherche « Aménagement, Urbanisme et Dynamique des Espaces », Univ. Paris 1 Panthéon - Sorbonne, 2009

Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

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Mémoire de Master 2 Recherche "Aménagement, Urbanisme et Dynamique des Espaces", Univ. Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2009

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Technologies de l’information et de la communication et fragmentation urbaine à Yaoundé

Arthur Devriendt

Sous la direction de Gabriel Dupuy et de Marie Morelle

Encadré par Jean - Lucien Ewangue

Master 2 Recherche « Aménagement, Urbanisme et Dynamique des Espaces », Univ. Paris 1 Panthéon - Sorbonne, 2009

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Technologies de l’information et de la communication et fragmentation urbaine à Yaoundé

Arthur Devriendt

Sous la direction de Gabriel Dupuy et de Marie Morelle

Encadré par Jean - Lucien Ewangue

Master 2 Recherche « Aménagement, Urbanisme et Dynamique des Espaces », Univ. Paris 1 Panthéon - Sorbonne, 2009

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Photographie de couverture : Arthur Devriendt, 2009

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Remerciements

Nous tenons à remercier ici tous ceux qui, à un moment donné ou tout au long de l’aventure,

de près ou de loin, nous ont apporté leur soutien et leur expérience.

Mr Gabriel Dupuy et Mme Marie Morelle, pour avoir dirigé nos travaux depuis la France ;

Mr Jean Lucien Ewangue, pour nous avoir encadré à Yaoundé et nous avoir introduit

auprès des autorités en charge des technologies de l’information et de la communication ;

Mme Kalliopi Ango Ela, pour nous avoir accueilli au sein de la Fondation Paul Ango Ela ;

Les habitants de Yaoundé (Charles, Bernard, Joseph, Arouna, Sylvie, Jean-Marie,

Grégoire, Joël, Vitale, Armand et tous les autres) que nous avons rencontré, pour leur

affection et l’aide apportée ;

Stéphanie, William et les autres étudiants français de passage à Yaoundé, pour les

moments passés avec eux.

Enfin, nos remerciements vont tout particulièrement à notre famille, à nos amis et à Hélène

pour leurs efforts et leur soutien sans faille.

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Introduction

En 2005, dans son ouvrage consacré à L’Afrique dans la mondialisation, la géographe et

économiste Sylvie Brunel affirme : « les technologies de l’information renforcent la sociabilité

et tissent un réseau de liens en dépit des obstacles de l’espace. [...] Grâce à elles, l’Afrique

s’arrime au reste du monde et joue à merveille la carte des échanges. » (p. 58) Propos renforcés

par le choix, pour la composition de la première de couverture, d’une photographie d’un Massaï

en costume « traditionnel » utilisant un téléphone portable, symbole d’un continent entré dans

la mondialisation et connecté au village global électronique.

Nous retrouvons là la pensée très répandue selon laquelle la diffusion des technologies de

l’information et de la communication (TIC) aboutirait à un monde transcendant les barrières

géographiques, sociales et culturelles, et dans lequel tous les territoires seraient intégrés de

façon égale et harmonieuse.

L’étude que nous présentons ici vise précisément, dans la lignée de nombreux autres travaux1, à

interroger ces idées trop facilement admises qui ne permettent pas, loin s’en faut,

d’appréhender correctement les relations entre TIC et territoires, qu’elles soient actuelles ou

futures.

Cette introduction est divisée en deux parties. Dans un premier temps nous reviendrons sur la

construction de notre problématique ; ensuite, nous présenterons la méthodologie mise en

œuvre.

i. Construire une problématique : TIC et fragmentation urbaine

i.i. TIC et territoires au Cameroun

Après un travail de Master 1 consacré à l’usage des TIC par les migrants Maliens de Montreuil,

nous souhaitions continuer à nous intéresser aux nouvelles technologies et à l’« Afrique ». Cela

nous a conduit au Cameroun.

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1 Nous renvoyons ici le lecteur aux références indiquées dans la première partie de ce travail (pp. XX-XX).

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En effet, après avoir travaillé deux années de suite, de près et de loin, sur le Mali, nous avons eu

envie de nous en éloigner. Marie Morelle, membre de notre jury de Master 1, nous a alors

proposé de travailler sur le Cameroun pour lequel elle était en possibilité de nous aider à la fois

pour nous mettre en relation avec des chercheurs sur place et pour nous y trouver un

hébergement.

Par ailleurs, nous savions que le Cameroun avait peu fait l’objet de recherches relatives à la

géographie des TIC2. Les géographes spécialisés dans cette thématique sur le continent africain

ont en effet concentré leurs analyses, pour les francophones3, sur les pays d’Afrique de l’Ouest4

(notamment le Sénégal, le Mali et dans une moindre mesure la Côte d’Ivoire et le Bénin) et,

pour les anglophones, sur le Nigeria, la Tanzanie, le Mozambique, le Botswana et l’Afrique du

Sud.

Cet « oubli » du Cameroun ne nous semblait pourtant pas fondé. Peuplé aujourd’hui de près de

19 millions d’habitants, ce pays a, comme le souligne Fernand Guy Isséri (2006), fait des

« efforts considérables » en matière de TIC au point que ces dernières ont aujourd’hui

« complètement investi les moeurs » des Camerounais. Selon les estimations de l’Union

Internationale des Télécommunications (UIT), le nombre d’internautes est passé entre 2000 et

2008 de 0,27 % à 2,23 % de la population totale et le nombre d’abonnés à un opérateur de

téléphonie mobile de 0,70 % à 24,45 %, ce qui le situe dans la première moitié du classement

des pays africains en matière de TIC. Ce mouvement de pénétration et d’appropriation des TIC

semble être accompagné par un certain nombre d’actions et d’initiatives officielles. L’Etat

camerounais s’est ainsi doté en décembre 2007 d’une Stratégie nationale de développement des TIC

aux objectifs très ambitieux, et a participé à la mise en place d’événements liés tels que la « Fête

de l’Internet » ou le salon « Forum.net ». Toutefois, il convient de nuancer la portée réelle de ce

type d’événement. Enfin, de manière plus concrète, un certain nombre d’initiatives privées ont

vu le jour telles que « Allô Ingénieur5 », développée par l’association Service d’Appui aux

6

2 Nous avons trouvé seulement trois travaux consacrés aux TIC réalisés par des géographes camerounais : un article d’Athanase Bopda (1998) sur la téléphonie fixe à Yaoundé ; une brève présentation de la situation du Cameroun en matière de nouvelles technologies réalisée par Fernand Guy Isséri (2006) pour l’Atlas du Cameroun ; et une étude de Moupou Moïse sur « La dynamique des usages des TIC dans les périmètres du marché central et du campus de l’Université de Yaoundé 1 » présentée lors du Symposium Netsuds 2007.

3 Rappelons ici que l’anglais et le français sont les deux langues officielles du Cameroun.

4 Chez les francophones, le Cameroun ne fait pas partie de l’Afrique de l’Ouest mais de l’Afrique centrale, alors que pour les anglophones, le Cameroun fait partie de la West Africa.

5 Action qui vise à fournir de l’aide par SMS aux agriculteurs camerounais.

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Initiatives Locales de Développement (SAILD), et la création, par le réseau Appui au

Désenclavement Numérique (ADEN), de trois centres publics d’accès à Internet entre juin

2006 et septembre 2007 dans les villes de Botmakak, Ebolowa et Maroua.

Enfin, vu de France, le contexte institutionnel camerounais nous paraissait particulièrement

intéressant du fait de la procédure en cours de privatisation de l’opérateur historique Cameroon

Telecommunications (CAMTEL) qui nous interpellait sur le rôle de la puissance publique en

faveur d’un accès et service universels.

i.ii. Evolution de la problématique

Un premier projet de recherche a ainsi vu le jour. Choisissant d’étudier les TIC à l’échelle

urbaine, nous avons proposé de travailler sur la capitale politique du Cameroun, Yaoundé.

L’objectif était, à partir d’une enquête dans deux quartiers de la ville, de mettre en évidence une

manière de faire particulière avec les TIC et de voir dans quelle mesure ces pratiques populaires

spécifiques étaient influencées par les caractéristiques et contextes urbanistiques tels que la

densité, la centralité, l’accessibilité etc. C’est sur la base de ce projet de recherche que nous

sommes partis à Yaoundé.

Nous nous sommes donc lancé lors de nos premiers jours de terrain à la recherche de manières de

faire particulières avec les TIC. Mais que fallait-il entendre exactement par là ? Si en France nous

avions imaginé l’existence de bricolages techniques particulièrement innovants et/ou significatifs,

nous avons plutôt rencontré sur place de multiples « stratégies populaires d’accès6 »

quotidiennes s’articulant les unes aux autres, plus difficiles à faire émerger et ne pouvant être

étudiées isolément sous peine de perdre leur signification.

Par ailleurs, avec d’un côté la découverte de la théorie du « splintering urbanism » (Graham,

Marvin, 2001), de l’autre les entretiens que nous réalisions, notamment ceux auprès des acteurs

du secteur TIC et, enfin, les observations que nous faisions sur le terrain, nos recherches se

sont progressivement orientées vers la question de la fragmentation urbaine par les réseaux et,

7

6 Expression que nous empruntons à Hubert M.G. Ouedraogo qui l’a employée dans le domaine de l’habitat spontané à Ouagadougou (2001). A travers elle, nous désignons ici les lieux d’accès collectifs aux TIC que sont les « call-box » et les « cybers », les petits bricolages et les diverses manipulations quotidiennes.

La différence que nous effectuons entre bricolage et manipulation est la suivante : dans le bricolage, un acte technique est opéré (ex : le détournement d’une ligne de téléphone fixe) alors que dans la manipulation, l’outil est approprié et utilisé d’une manière particulière (ex : utilisation d’un téléphone portable comme téléphone fixe collectif).

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plus largement, sur l’articulation entre les politiques et les modes d’appropriation des

technologies par les individus. Politiques étant à comprendre comme regroupant à la fois les

décisions des autorités publiques (cadre institutionnel, régulation, procédures de libéralisation et

de privatisation...) et les stratégies mises en place par les acteurs privés (déploiement des

infrastructures et des services).

Notre problématique s’articule donc autour de deux interrogations principales : est-ce

que le déploiement des réseaux TIC à Yaoundé aboutit à une fragmentation de la ville ?

Et le cas échéant, est-ce que les diverses « stratégies populaires d’accès » aux TIC

réussissent, ou non, à contrer ou du moins à atténuer ce mouvement ?

Cette problématique n’est pas en rupture avec celle élaborée à l’origine car nous conservons au

centre de notre réflexion l’hypothèse selon laquelle la géographie, l’urbanisme et l’aménagement

peuvent être des disciplines mobilisables pour expliquer des processus relatifs aux nouvelles

technologies. De plus, elle nous permet de continuer à mettre l’accent sur les usagers et non pas

seulement sur les institutions (pouvoirs publics, collectivités territoriales, acteurs économiques

privés, associations et organisations non gouvernementales) comme cela a toujours été

privilégié dans les recherches sur les TIC (Dibakana, 2002), et continue à l’être, que ce soit en

Afrique ou ailleurs.

ii. Méthodologie adoptée : la réalisation d’entretiens dans deux

quartiers différents

ii.i. Calendrier de travail

Le calendrier de travail que nous avons adopté est divisé en trois grandes phases présentées ci-

dessous (encadré n° 1).

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Encadré n° 1 - Calendrier

Comme précisé ci-dessus, notre nous sommes rendu à Yaoundé du 20 février au 30 mars. La

brièveté de ce séjour, qui s’explique avant tout par des raisons financières, a eu comme

conséquence de nous empêcher de revenir sur place sur l’ensemble des données (qui ont donc

été traitées à notre retour en France) ; données récoltées notamment à l’aide d’entretiens.

ii.ii. Les entretiens réalisés

Nous avons procédé à la réalisation d’une quarantaine d’entretiens (encadré n° 2) aussi bien

auprès d’habitants qu’auprès de différents acteurs publics et privés.

Ne disposant d’aucun contact, en-dehors de notre laboratoire d’accueil, au sein de la population

yaoundéenne lors de notre arrivée, nous avons approché, dans un premier temps, les habitants

via les divers lieux de rassemblement et de convivialité (ex : bars, rôtisseries). Cela a conduit à

une légère sur-représentation de la gent masculine dans les personnes interrogées qui, malgré

nos efforts, reste encore sensible.

Deuxièmement, bien que nous ayons tout fait pour, nous n’avons pas pu rencontrer de

responsables techniques des opérateurs privés de téléphonie mobile, Orange et MTN. D’une

part ces opérateurs sont soucieux de la confidentialité de leurs données et d’autre part, si ces

opérateurs ont des antennes à Yaoundé, la majeure partie de leurs effectifs est à Douala, la

capitale économique. Or nous n’avions pas le temps de nous y rendre. A notre retour en

France, nous avons essayé de contacter ces services mais nos courriels sont restés sans réponse.

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Période Activités

De novembre à février

Elaboration du sujetEtude de la bibliographie

Préparation du séjour à Yaoundé

Du 20 février au 30 mars Séjour à Yaoundé

D’avril à juinRetour sur l’information recueillie

Etude de la bibliographieRédaction

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Troisièmement, à de nombreuses reprises, que ce soit avec des acteurs publics ou privés, nous

avons été confronté à la question des autorisations de recherche. Grâce à Jean-Lucien Ewangue,

notre encadrant, nous avons pu nous en passer pour le Ministère des Postes et

Télécommunications (MINPOSTEL), pour le Ministère de la Communication (MINCOM) et

pour l’Agence de Régulation des Télécommunications (ART). Pour l’opérateur historique

CAMTEL et la Communauté Urbaine de Yaoundé (CUY), nous avons eu la chance de

rencontrer des personnes ouvertes et compréhensives. La possession de telles autorisations

nous aurait sans doute permis un accès plus facile à certaines données, même basiques (quoique

si ces autorisations légitiment votre présence, elles n’obligent cependant en rien vos

interlocuteurs à coopérer avec vous) mais la multiplication des démarches à faire sur place et les

attentes de délivrance étaient incompatibles avec notre calendrier.

Enfin, tous les entretiens n’ont pas été enregistrés, soit par refus de la personne (qui demandait

alors l’anonymat), soit par le fait d’un environnement trop bruyant.

Encadré n° 2 - Liste des personnes rencontrées

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Acteurs institutionnels et privés :

R o b e r t M e d j o , M i n i s t è r e d e l a Communication (MINCOM) - Direction des technologies de la communication, Sous-directeur du contrôle et de la normalisationNorbert Nkuipou, Ministère des Postes et Télécommunications (MINPOSTEL) - Direction des infrastructures et réseaux d’accès aux TIC, DirecteurFrançois de Sales Enyegue, Agence de Régulation des Télécommunications (ART) - Chef cellule de la communication et de la documentationJoseph Ndjon, CAMTEL - Direction du réseau national et des infrastructures, Ingénieur principal des travaux des télécommunicationsRaoul Djoum, CAMTEL - ancien cadre (2002 - 2006), informaticienJoseph T Foukou, Megahertz (Fournisseur d’Accès à Internet) - Directeur GénéralStéphane Tetndoh, Megahertz - Noc, Support and Network AdminIsaac Ndjoya, Fondation pour l’information et la communication sur le web (Infocomweb) - CoordinateurEric S., Chef d’entreprise du secteur TIC (call-centers à Douala et Yaoundé)Jean-Marie Ndje, Communauté Urbaine de Yaoundé - Service « Urbanisme et Bâtiments », Chef de service, Urbaniste

Laure Anny Atangana Ayo, MTN - Fondation MTNAgence Universitaire de la Francophonie - Responsable de la bibliothèque et du centre d’accès à Internet

A Mvog Ada :

Charles, propriétaire du « Dédé Bar » et d’une entreprise de pompes funèbres, 56 ansBernard, sans emploi, 55 ansJoseph, débrouillard, 30 ansArouna, étudiant, 20 ansGhislain, gardien (actuellement en poste à Bastos), 35 ansRebecca, gérante d’un « call-box », 21 ansSali, dépanneur de téléphones portables, 25 ansPhilippe, sans emploi, 52 ansPierre, employé du « Dédé Bar », 26 ans

Sonia, employée du Dédé Bar, 22 ansJean-Marie, Adjudant à l’armée de l’air, 41 ansMarlise, ménagère, 33 ansInnocent Michel, fonctionnaire, 60 ansAnonyme 1, gérante d’un « call-box », 18 ansAnonyme 2, gérant d’un « call-box », 22 ans

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Encadré n° 2 (suite) - Liste des personnes rencontrées

ii.iii. Récolte de documents

En plus de ces entretiens, nous avons procédé à la récolte de documents non accessibles en

France : documents publicitaires des différents acteurs du secteur TIC, rapports ministériels et

bilans d’activités de l’ART.

Nous avons également profité des bibliothèques locales, à savoir celles de la Fondation Paul

Ango Ela (FPAE), de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), de l’Institut

National de Cartographie (INC) et de l’Ecole Supérieure en Sciences et Techniques de

l’Information et de la Communication (ESSTIC). Grâce à cette dernière, basée au sein du

campus de l’Université Yaoundé 1, nous avons pu consulter un grand nombre de travaux

d’étudiants en sciences de l’information et de la communication s’intéressant aux TIC à

Yaoundé.

ii.iv. Bastos et Mvog Ada, les deux « extrêmes » de Yaoundé

Comme nous l’avons évoqué précédemment, nous avions décidé dans notre projet de recherche

initial de travailler sur deux quartiers de Yaoundé. En France, notre choix s’était alors porté sur

Bastos, quartier résidentiel « de haut standing » (Franqueville, 1984, p. 46) et Essos, quartier loti

caractérisé par une certaine mixité entre couches urbaines moyennes et pauvres (Assako

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A n o ny m e 3 , e m p l oy é e d a n s u n « cyber » (MHNET_PLUS), 24 ansAnonyme 4, employée dans un centre de formation en bureautique (GIC JEFP), 25 ansAnonyme 5, employée dans un « cyber », 30 ans

A Bastos (« Kosovo ») :

Grégoire, ancien chauffeur, 51 ansVal-Adler, chercheur d’emploi, 53 ansAlexis Abolo, doctorant en géologie, 25 ansGhislaine, cuisinière et employée dans un « cyber », 21 ansJoël, gérant d’un « call-box », 24 ansJoëlle, gérante d’un « call-box », 25 ansLassany, gardien, 30 ansFrancis, artiste peintre, 56 ans

Régine, employée dans un « cyber », 22 ansVitale, sans emploi, 27 ansAnonyme 6, gérante d’un « call-box »

Autres :

Janis, « Magic FM », JournalisteEdouard Tamba, « Le Messager » - Journaliste, spécialiste TICAthanase Bopda, Institut National de Cartographie - GéographeDiego , gérant d’une boutique de dépannage de téléphones portables (quartier : La Briqueterie), 24 ansSylvie, gérante d’un « call-box » (quartier : Melen), 25 ansAnonymes 7 & 8, employés dans une boutique de dépannage /déblocage d’appareils électriques et électroniques (quartier : Centre-Ville)

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Assako, 1997 ; Bopda, 2003). Toutefois, dans la note méthodologique accompagnant notre

projet, nous évoquions la possibilité d’une remise en cause de ce choix lors de notre séjour au

Cameroun. C’est ce qui s’est effectivement produit ; nos discussions avec Kalliopi Ango Ela,

directrice de la FPAE, Jean-Lucien Ewangue, notre encadrant à Yaoundé, et Edouard Tamba,

journaliste au quotidien Le Messager, nous ayant amené à conserver le quartier Bastos mais à

changer Essos pour Mvog Ada. Assurément, le choix de ces deux quartiers très différenciés des

points de vue urbanistique et social, que nous présentons ci-dessous rapidement, a joué un rôle

non négligeable dans l’évolution de la problématique que nous avons détaillée précédemment.

Présentation du cadre d’étude : Yaoundé

Capitale politique, Yaoundé est la deuxième ville du Cameroun et constitue, avec Douala (ville

au sommet de la hiérarchie urbaine camerounaise), un cas « remarquable en Afrique » de

bicéphalisme urbain (Pourtier, 2008). Sans négliger tout un tissu urbain de villes secondaires

dynamiques, Yaoundé et Douala frappent toutes deux par leur forte accélération

démographique : ainsi, comme l’écrit le géographe Michel Simeu-Kamdem (2006), « depuis

l’indépendance du Cameroun en 1960, la population de Douala a été multipliée par plus de 11

[et] celle de Yaoundé par 10 » sous l’effet, majoritairement, d’importantes migrations

intérieures. Yaoundé et Douala ont ainsi connu une « urbanisation massive » mais qui n’a été

que très peu suivie de véritables projets d’aménagement urbain. Ayant en l’an 2000 dépassé la

barre de 1,5 million d’habitants (Bopda, 2003), Yaoundé est aujourd’hui une « agglomération

tentaculaire de plus de 150 kilomètres carrés » (Bopda, 2006) qui, d’un point de vue

administratif, est une communauté urbaine divisée en six communes d’arrondissement, avec à sa tête un

délégué du Gouvernement nommé directement par le Président de la République (Paul Biya, au

pouvoir depuis 1982).

Créée en 1988 par l’armée allemande et érigée en capitale en 1921 par les colons français, la ville

de Yaoundé a été pendant longtemps, à l’instar de nombreuses autres villes africaines,

caractéristique d’un certain urbanisme colonial que l’indépendance n’a que peu remis en cause

(Pourtier, 2008). La ville de Yaoundé à l’époque coloniale était ainsi un espace bipartite

séparant, schématiquement, la ville des blancs d’un côté, au centre, et les « villages indigènes » de

l’autre, en périphérie, selon une grille de lecture raciale. A l’époque, et jusque dans les années

1980, les quartiers de la ville se distinguent donc par leur composition ethnique, ce qui permet à

André Franqueville (1984), le premier à avoir réalisé une géographie de Yaoundé, de distinguer

« les grandes dominantes ethniques de l’immigration par quartiers » (image n° 1). Selon cet 12

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auteur, ces quartiers ethniques n’ont été que tardivement intégrés au périmètre urbain : « il a

fallu attendre 1948 pour que la ville admette timidement dans son périmètre les “villages

indigènes”, et 1956 pour qu’elle les intègre réellement tous, reconnaissant ainsi leur

appartenance urbaine. » (p. 35)

Image n° 1 - Les grandes dominantes ethniques de l’immigration par quartiers

NB : le quartier nommé sur cette carte « Djoungolo III » (4) est l’actuel quartier « Mvog Ada »

Source : Franqueville, 1984, p. 36

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Aujourd’hui, selon le géographe Xavier Durang (2002) auteur d’une thèse sur Yaoundé, cette

grille de lecture n’est plus valide. Reprenant la thèse de la « banalisation sociologique » formulée

par le sociologue Alain Marie, il souligne que la « différenciation de l’espace urbain » ne s’opère

plus seulement selon le critère ethnique mais sur le critère social, bien que « la catégorie

ethnique est encore fortement ancrée dans l’imaginaire collectif » (certains quartiers

fonctionnent ainsi encore sur une base communautaire et/ou ethnique à l’instar de la

Briqueterie). Il décrit ainsi un « paysage social fortement contrasté et structuré principalement

par le statut social, l’enracinement résidentiel et la position dans le cycle de vie. »

Cette géographie sociale se traduit par différents types de tissus urbains. Xavier Durang

distingue ainsi les « beaux quartiers », parmi lesquels Bastos, les « lotissements» et les

« quartiers », parmi lesquels Mvog Ada.

Bastos, un « beau quartier »

Situé au nord de la ville, Bastos doit son nom à la manufacture de cigarettes qui s’installe sur la

zone en 19467 (Franqueville, 1970) et qui se lance alors dans des travaux afin de loger ses cadres

dans des conditions décentes.

Aujourd’hui, les traits caractéristiques de Bastos sont la prédominance des populations aisées, la

présence de nombreuses représentations diplomatiques (Ambassade de Chine, Ambassade de

Russie, Consulat de Belgique) et organisations internationales (Programme des Nations Unies

pour le Développement, Banque Mondiale), une forte consommation d’espace couplée à une

faible densité de l’habitat (avec la présence de villas entourées de grands jardins), des

infrastructures (routes, éclairage public, électricité, eau et télécommunications) d’une meilleure

qualité par rapport au reste de la ville et une certaine mise en scène sécuritaire avec la présence de

gardiens, de murs, de clôtures et de caméras de vidéosurveillance.

Bastos est ainsi abondamment décrit par la population comme étant le « petit Paris », un

« quartier huppé », « bourgeois », « moderne » et « développé » (encadré n° 3).

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7 L’entreprise est toujours présente et appartient depuis 1986 à la société British American Tobacco.

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Encadré n° 3 - La place de Bastos dans l’imaginaire yaoundéen (extraits d’entretiens)

« Vous y êtes allé déjà ? Quand vous y êtes, vous voyez seulement des allées avec des clôtures

de gauche à droite. Vous tournez, il y a des clôtures. S'il y a une pluie, vous n'allez pas

trouver où vous abriter. On dirait que là il n'y a que des riches. Je peux évaluer les pauvres

comme ça à 5 % de Bastos. »

Entretien avec Arouna, habitant de Mvog Ada, mars 2009

« Quand vous arrivez à Bastos, vous vous sentez dans un.. dans une autre.. c'est comme si

vous n’étiez pas dans la même ville. Puisque les infrastructures, les constructions, tout est un

peu modernisé. Les maisons, les voitures.. parce que les voitures là-bas sont un peu

luxueuses, ce sont les grandes marques. »

Entretien avec Ghislain, habitant de Mvog Ada et gardien à Bastos, mars 2009

Mais comme le souligne Xavier Durang, il ne faut pas se laisser enfermer dans cette vision d’un

« ghetto doré ». En effet, sur la base de ses résultats d’enquête, il estime à 40 % le nombre de

ménages modestes au sein de Bastos. Le quotidien Le Messager titrait ainsi récemment sur « le

versant pauvre de Bastos » avec le « spectacle [...] effroyable » des « taudis » (Djuidje, 2009)

situés dans les bas-fonds, tels que les endroits nommés « Nylon » ou « Kosovo » (image. n° 2).

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Image n° 2 - « Kosovo », une « enclave » au sein de Bastos

(l’échelle figure sur l’image)

Source : Google Earth (date de la prise de vue : 12 janvier 2008)

Nous voyons bien au centre de cette photographie un habitat plus resserré, moins planifié et

aux matériaux plus précaires (fait vérifié sur place) qu’aux alentours. Il s’agit de « Kosovo »8, qui

continue vers l’est (à droite sur la photo, le long du cours d’eau que l’on aperçoit). Prise en

surplomb, cette photographie gomme le relief mais entre les points A et B, distants de 320

mètres, nous mesurons une différence d’altitude de 38 mètres (A étant plus élevé que B).

Si certains invoquent cette co-présence comme signe d’une mixité sociale, Xavier Durang

(2002) décrit chez la bourgeoisie de Bastos une certaine « culture de l’entre-soi » couplée à de

« l’indifférence comme mode de sociabilité » et reprend ainsi la thèse selon laquelle proximité

spatiale et proximité sociale ne vont pas forcément de pair (voir Chamboredon, Lemaire, 1970).

Toutefois, il note que cette bourgeoisie n’est pas totalement fermée envers son environnement

immédiat et ce notamment à travers le recours au petit personnel (gardien, chauffeur) issu du

milieu populaire (encadré n° 4).

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8 L’appellation « Kosovo » vient de parties de football énergiques qui s’y jouaient en même temps qu’éclatait la guerre du Kosovo dont les images arrivaient via les chaînes satellites.

A B

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Encadré n° 4 - Bastos, proximité spatiale contre proximité sociale ? (extraits d’entretiens)

« Quand ils ont besoin d'aide, pour un ouvrage, c'est là qu'ils ont besoin des pauvres. Mais

quand il s'agit de vivre ensemble, c'est pas du tout courant. »

Entretien avec Ghislain, habitant de Mvog Ada et gardien à Bastos, mars 2009

« Il n'y en a qu'un, de grand, qui reconnaît “Kosovo”. Il est musulman alors quand il y a la

fête des musulmans, il laisse son portail grandement ouvert et si t'as un problème, il résout

ton problème. C'est un ministre. Seul lui. Le reste là, ils ont les portails fermés. »

Entretien avec Grégoire, habitant de Bastos - « Kosovo », mars 2009

Mvog Ada, un « quartier »

A l’autre « extrême » de la hiérarchie sociale et urbaine de Yaoundé (entretien avec A. Bopda,

géographe, mars 2009), figurent les « quartiers », qui sont pour Xavier Durang (2002) l’

« expression géographique de la relégation sociale ». Mvog Ada en fait partie.

Ancien village indigène situé en périphérie, jusque dans les années 1950 -1960, d’un périmètre

urbain englobant uniquement les centres administratif et commercial de la ville, Mvog Ada est

devenu avec la croissance urbaine, sur un plan purement géographique, un quartier péricentral

(entretien avec Jean-Marie Ndje, urbaniste, mars 2009).

Généralement désigné comme étant « le quartier le plus pauvre de la ville » ou un « quartier de

débrouillards », Mvog Ada se caractérise il est vrai par de nombreux stigmates, à la fois

physiques (habitat précaire construit en semi-dur9, densité élevée, faible planification dans

l’occupation du sol, infrastructures limitées aux axes principaux - image n° 3) et sociaux

(chômage, faible scolarisation).

17

9 Une habitation en semi-dur a ses murs construits à base de terre battue et recouverts d’une couche de ciment, a un toit en tôle et un sol constitué d’une simple chape de ciment.

Page 18: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Image n° 3 - Le « quartier » Mvog Ada (au niveau du carrefour Eldorado)

(l’échelle figure sur l’image)

Source : Google Earth (date de la prise de vue : 12 janvier 2008)

Outre sa pauvreté, Mvog Ada est généralement reconnu par la population pour être un ancien

quartier d’immigration, avec notamment de nombreux Nigérians à l’origine de la création de

nombreuses « casses auto », un quartier d’ambiance et également un quartier d’insécurité. Et

malgré les difficultés rencontrées, un certain nombre d’anciens restent attachés à ce qu’ils

appellent leur « village » (encadré n° 5).

Encadré n° 5 - Mvog Ada entre insécurité, ambiance et esprit « village » (extraits d’entretiens)

« En deux mots, Mvog Ada c’est.. des putes et des bars. »

Entretien avec Janis, Journaliste à « Magic FM », février 2009

« Mvog Ada c'est un quartier vraiment où les autochtones sont moins là-bas. Mvog Ada est

rempli de Nigérians, qui ont des boutiques de casse à droite et à gauche. C'est un quartier

réputé par rapport au banditisme, avec les Bassa, du littoral. C'est des gars.. même s'il n'est

pas fort, il te touche là et vous fait trembler. Et si vous n'êtes pas en nombre, vous fuyez !

C'est comme ça Mvog Ada. »

Entretien avec Grégoire, habitant de Bastos - « Kosovo », mars 2009

18

Page 19: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Encadré n° 5 (suite) - Mvog Ada entre insécurité, ambiance et esprit « village »

(extraits d’entretiens)

« Je paie 1000 F CFA10 pour venir chaque jour ici. Dans mon quartier je ne dis pas bonjour

aux gens. Ici je suis au “village” et je redeviens moi-même. Si j’arrive à Mvog Ada, je sais que

je vais rire. »

Entretien avec Innocent Michel, « ancien » de Mvog Ada, mars 2009

ii.v. Comparer l’incomparable ?

Nous avons donc, pour répondre à notre problématique, effectué une comparaison entre

Bastos et Mvog Ada.

Le comparatisme tel que nous le concevons dans ce travail est celui que Guy Vacquois (2000)

qualifie de « mou », le seul qui trouve grâce à ses yeux. Selon cette conception, « il [le

comparatisme] s’agit davantage d’une attitude d’observation que d’une méthodologie au sens

strict » (p. 26). Cette attitude d’observation est un « regard extérieur » (p. 28), un regard

décentré qui amène à une « multiplicité de regards sur un objet supposé identique » (p. 18).

Cependant, entre Bastos et Mvog Ada, nous nous devions de trouver « un même cadre de

comparaison » pour reprendre l’expression employée par Moustapha Ndiaye (2008, p. 34)

confronté à un problème méthodologique équivalent dans son Approche comparative de

l’appropriation de la téléphonie mobile et de l’Internet dans les lieux d’accès publics des villes de Rennes et de

Thiès. En effet, nous avions la crainte que face à Bastos et Mvog Ada, chacun pris dans leur

ensemble, nous nous retrouvions devant des situations si différentes - à savoir d’un côté une

utilisation individuelle des TIC et de l’autre une utilisation collective - que cela ne nous

permette pas d’approcher (de manière comparative) les « stratégies populaires d’accès » aux

TIC.

C’est pourquoi nous avons décidé de nous intéresser à des populations aux caractéristiques

socio-économiques (emploi, revenu, statut d’occupation du logement..) les plus proches

19

10 1000 F CFA = 1,5

Page 20: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

possibles11 bien qu’inscrites dans des environnements urbains différents. Notre choix s’est donc

porté sur les populations modestes, ceteris paribus, avec d’un côté Mvog Ada et de l’autre Bastos -

« Kosovo ». Cela nous paraissait plus logique et équitable.

Notre mémoire s’organise donc en trois parties.

Premièrement, dans la partie intitulée « De la fin de la géographie à la fragmentation urbaine »,

nous reviendrons sur l’évolution du regard porté par les chercheurs sur l’association entre TIC

et territoires, avec le passage de la fin annoncée de la géographie à la thèse de la fragmentation

urbaine par les réseaux.

Après cette première partie théorique, la deuxième - « Le déploiement des infrastructures TIC

au Cameroun et à Yaoundé » - en sera en quelque sorte le pendant concret. Nous dresserons

tout d’abord un panorama du secteur des TIC au Cameroun puis nous nous intéresserons aux

stratégies adoptées par les opérateurs du secteur dans la ville de Yaoundé. Cette partie

permettra de voir la place qu’occupent Bastos et Mvog Ada dans le déploiement des

infrastructures de télécommunications.

Enfin, dans la troisième partie - « Accès et usages des TIC à Bastos et Mvog Ada » -, nous

étudierons les multiples « stratégies populaires d’accès » aux nouvelles technologies. Nous nous

intéresserons précisément à leur mise en place par les populations et à leur intégration dans les

deux environnements urbains différents que constituent nos quartiers d’étude.

20

11 Informations demandées lors de nos entretiens. Sans doute la réalisation d’un questionnaire nous aurait permis d’être plus rigoureux sur ce point.

Page 21: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

1. De la fin de la géographie à la fragmentation urbaine

« Vous travaillez sur la géographie et les télécommunications.. comment allez-vous me faire croire cela ? »

Entretien avec J. T. Foukou, Directeur Général du F.A.I. Megahertz, mars 2009

1.1. La mort des distances, la fin de la géographie

Le développement des TIC modernes est à l’origine de nombreux « mythes » et en actualise des

plus anciens (Puel, 2006, p. 1). Sur la base de la typologie développée par Luc Racine, nous

préférons parler non pas de mythes mais d’utopies. En effet, selon le sociologue canadien, à

l’inverse de la « pensée mythique », « la pensée utopique [...] conçoit l’état de perfection sociale

comme réalisable par l’homme en ce monde, de façon durable, dans un avenir plus ou moins

rapproché, et ce par le moyen de la science, de la technique, de la rationalisation des rapports

sociaux. » De plus, le temps de l’utopie est non pas « cyclique » comme l’est celui du mythe mais

« linéaire et irréversible, positivement valorisé : il y aura dans le proche futur avènement d’une

humanité nouvelle » (Racine, 1985, p. 10).

Dans le cas qui nous intéresse, cette humanité nouvelle prendrait sa place dans une « société de

l’information » (voir, pour une mise en perspective critique, Cornu et al., 2005) ; expression

popularisée par le Sommet Mondial sur la Société de l’Information12 qui l’a définie comme

étant une société « dans laquelle chacun ait la possibilité de créer, d’obtenir, d’utiliser et de

partager l’information et le savoir et dans laquelle les individus, les communautés et les peuples

puissent ainsi mettre en œuvre toutes leurs potentialités en favorisant leur développement

durable et en améliorant leur qualité de vie ». Dans cette société, l’usage des TIC, dont elles

sont un « des éléments constitutifs », permettrait d’ « éliminer l’extrême pauvreté et la faim,

dispenser à tous un enseignement primaire, favoriser l’égalité entre hommes et femmes et

rendre les femmes autonomes, lutter contre la mortalité infantile, améliorer la santé des mères,

lutter contre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies [et] assurer un environnement

durable » en s’appuyant sur « leur capacité à réduire bon nombre d’obstacles classiques,

notamment ceux que constituent le temps et la distance » (SMSI, 2004).

21

12 Sommet en deux phases (en 2003 et en 2005) organisé par l’Organisation des Nations Unies (ONU) via son institution spécialisée dans les télécommunications, l’Union Internationale des Télécommunications (UIT)._Site web : http://www.itu.int/wsis/index-fr.html

Page 22: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

On retrouve là le genre de discours typique des grandes institutions internationales (ONU,

Banque Mondiale, Fonds Mondial de Solidarité Numérique13, etc.), déjà déconstruits par un

certain nombre d’auteurs (voir Péjout, 2003 ; Laborde, 2004 ; Thompson, 2004). Selon ces

propos, la diffusion des TIC enclencherait automatiquement une dynamique de développement,

aboutirait mécaniquement à une plus grande démocratie et tendrait inéluctablement à la « fin de

la géographie » (voir O’Brien, 1992).

Ces grands axes de l’utopie contemporaine qui gravitent autour des TIC sont tous les trois

caractérisés par le déterminisme technique qu’ils recèlent. Le déterminisme technique signifie le

primat accordé à la technique sur les dimensions sociales, économiques, politiques et

géographiques. Il s’agit d’une posture qui transparaît nettement dans les écrits avec l’emploi du

terme « impact », ce qui vaut parfois à cette approche d’être qualifiée de « balistique » (Jonas,

2002 ; Eveno, 2004). Pour Nicolas Pejout, aborder par ce biais les relations entre TIC et société

revient à dire que « l’outil forme, informe et déforme librement le tissu social, aussi bien ses

structures que son fonctionnement. [...] Une telle vision des choses crédite la technique d’une

puissance exagérée et la positionne hors de la réalité sociale, dont elle fait pourtant pleinement

partie. [...] la technique conditionne mais elle ne détermine pas. » L’auteur va même jusqu’à

inverser la proposition en affirmant que « si un quelconque déterminisme est à l’œuvre, il est

certainement plus humain que technique » (Pejout, 2005, p. 226).

Si nous n’allons pas revenir ici sur la problématique des TIC et de la démocratie (voir à ce sujet

Hughes, 2002 ; Morozov, 2009 ; Testard-Vaillant, 2009), avec la transformation annoncée de

l’espace médiatique en espace public (Querol, 2004, p. 190), ni sur les relations entre TIC et

développement, nous allons en revanche nous attarder sur les rapports entre TIC et géographie

dans la suite de cette partie.

1.1.1. L’image du « cyberespace »

Aux confins de l’informatique, des télécommunications et de la science-fiction, est née dans les

années 1980 l’image du cyberespace, accolée de nos jours à l’Internet. Cette imagerie repose sur

22

13 Structure créée en 2004 à l’initiative du Président sénégalais Abdoulaye Wade et présidée par le français Alain Madelin. Elle connaît actuellement de vifs débats internes, en raison desquels ses activités sont, à l’heure où nous écrivons ces lignes, suspendues (ATS, 2009)._Site web : http://www.dsf-fsn.org

Page 23: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

un certain nombre d’écrits fondateurs, au premier rang desquels Neuromancien14, de William

Gibson, paru en 1984. Dans cet ouvrage, le cyberespace15 est défini comme « une hallucination

consensuelle vécue quotidiennement en toute légalité par des dizaines de millions d’opérateurs,

dans tous les pays, par des enfants à qui des concepts mathématiques sont ainsi enseignés... Une

représentation graphique de données extraites des mémoires de tous les ordinateurs du système

humain » (cité dans Leroux, 2009). Le 8 février 1996, dans sa célèbre Déclaration d’indépendance du

cyberespace, John Perry Barlow récuse les principes de propriété et de frontières pour faire du

cyberespace un espace en-dehors de toute forme de gouvernement. Pour celui qui fonda

l’Electronic Frontier Foundation16, le cyberespace est en effet « différent » : il s’agit d’ « un monde à

la fois partout et nulle part » inscrit en-dehors de la réalité physique et terrestre (« il n’est pas là

où nos corps vivent ») mais qui consiste plutôt en « une conversation globale de bits » porteuse

en elle d’un « virus de liberté » et d’égalité (en effet, il ne peut y avoir dans le cyberespace aucun

privilège ou préjudice en raison de la race, de la puissance économique, de la force militaire, du

lieu de naissance etc.) (Perry Barlow, 1996 ; nous traduisons).

Deux ans plus tôt, dans son ouvrage Atlas, l’académicien Michel Serres (1994) définissait le

cyberespace comme un « nouvel universel, non centré, [où] le milieu gît en tout lieu, et toute

chose, toute place, tout homme, tout groupe ou toute phrase y occupent, en droit, au moins, un

site focal. » On retrouve l’idée similaire d’un nouvel universel chez Pierre Lévy, « le philosophe du

cyberespace », dans son rapport en date de 1998 destiné au Conseil de l’Europe, Cyberculture :

« Par l'intermédiaire des ordinateurs et des réseaux, les gens les plus divers peuvent entrer en

contact, se tenir la main tout autour du monde. Plutôt que de se construire sur l'identité du

sens, le nouvel universel s'éprouve par immersion. Nous sommes tous dans le même bain, dans

le même déluge de communication. [...] Cet universel donne accès à une jouissance du mondial,

à l'intelligence collective en acte de l'espèce. Il nous fait participer plus intensément à l'humanité

vivante, mais sans que cela soit contradictoire, au contraire, avec la multiplication des

singularités et la montée du désordre. » (Lévy, 1998)

23

14 Pour la version française, voir Gibson W., Neuromancien, La Découverte, 1985_Disponible sur le web à l’adresse suivante : http://project.cyberpunk.ru/lib/neuromancer/ (en anglais)

15 Terme qu’il a créé lui-même en 1982 dans son recueil de nouvelles Burning Chrome. _Disponible sur le web à l’adresse suivante : http://project.cyberpunk.ru/lib/burning_chrome/ (en anglais)

16 Créée en juillet 1990, l’Electronic Frontier Foundation est une association de défense des droits des citoyens dans le « monde numérique » (digital world)._Site web : http://www.eff.org/

Page 24: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Dans cette idée de finitude du monde (« se tenir la main tout autour du monde »), nous

pensons évidemment à la célèbre expression de Paul Valéry (1945) : « le temps du monde fini

commence ». Abondamment reprise par les protecteurs de l’environnement et tenants de

l’écologie politique pour désigner l’épuisement des ressources naturelles, cette expression

signifie en réalité que « l’ère des terrains vagues, des territoires libres, des lieux qui ne sont à

personne, donc l’ère de libre expansion est close. » (p. 23) Dans cette dynamique, P. Valéry

souligne le rôle essentiel des moyens de télécommunication : « Désormais, quand une bataille se

livrera en quelque lieu du monde, rien ne sera plus simple que d’en faire entendre le canon à

toute la terre. Les tonnerres de Verdun seraient reçus aux antipodes. On pourra même

apercevoir quelque chose des combats, et des hommes tomber à six mille milles de soi-même,

trois centièmes de seconde après le coup. » (p. 51) Pour Clarisse Herrenschmidt (2000), le

cyberespace ne signe cependant pas seulement le parachèvement du monde annoncé par P.

Valéry mais élargit bien au-delà le champ des possibles : « Au bout d'un siècle de mouvement

fou, des personnes, des biens, des signes, l'Intemet arrive. [...] Nouvelle Amazonie, végétation

où l'on pénètre à la machette et qui se referme derrière soi, il comble un défaut du monde réel -

connu, étroit, surpeuplé. »

1.1.2. De l’« antigéographie » dans la société de l’information

Cette imagerie extrêmement puissante et attrayante du cyberespace, qui relève au départ du

genre littéraire de la science-fiction, a laissé le champ libre à une « antigéographie », qui n’est

certes pas « une attaque en règle contre la discipline » mais en est, en quelque sorte, une

« esquive » (Eveno, 2004, pp. 92-93). Gilles Puel (2006) remarque ainsi : « c’est au bout du

compte l’antigéographie plus que la géographie des TIC qui est à l’honneur dans l’immense

majorité des discours sur la “Société d’information” , la “Société de Communication”, la

“révolution informationnelle” et autres expressions de la même eau. » (p. 1)

Il est en effet d’avis répandu qu’à l’heure des TIC et de la mondialisation, la géographie ne tient

plus : face à la possibilité d’être en contact permanent avec une personne située à l’autre bout

du monde, quelles contraintes peuvent encore exercer le temps, la distance et la localisation ?

Pour de nombreuses personnes, la réponse est déjà toute trouvée : ainsi, lors de l’Université

d’été du Medef 2007, François Barrault (Président de BT International) déclarait que la

mondialisation actuelle est porteuse d’une « dématérialisation totale du territoire ». Richard

Descoing (directeur de Sciences-Po Paris) quant à lui, insistait en affirmant que « la notion de

territoire n’existe quasiment plus. Grâce au numérique, l’accès au monde global est possible

24

Page 25: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

depuis n’importe quel endroit au monde » (Medef, 2007). De nombreux autres discours

antigéographiques ont été prononcés, dont nous avons retenu ci-dessous quelques exemples :

La mort des distances : en 1997, la journaliste Frances Cairncross publie un ouvrage au

titre resté célèbre : The death of distance. Dans ce livre, elle affirme que « le sans-fil [...] tue

l’emplacement, mettant le monde dans nos poches » et ajoute : « la révolution des

communications est profondément démocratique et libératrice, nivelant le déséquilibre

entre grands et petits, riches et pauvres. La mort de la distance, en général, doit être saluée

et appréciée. » (cité dans Piguet, 2004, p. 4 ; nous traduisons) ;

La Bit City : en 1996, William Michell dresse le portrait de « la ville du 21e siècle », à savoir

« une ville déracinée de tout endroit sur la surface de la terre, plus façonnée par les

contraintes de connectivité et de bande-passante que par l’accessibilité et la valeur du sol

[et] largement asynchrone dans ses opérations [...]. Ses lieux seront construits

virtuellement au moyen de logiciels et non physiquement à l’aide de pierres et de bois,

connectés par des liens logiques plus que par des portes, des passages et des rues. » Les

individus eux-mêmes sont dans cette ville des « citoyens cyborg » (Mitchell, 1996, p. 24 ;

nous traduisons) ;

La mort des villes : George Gilder, souvent considéré comme « le gourou des nouvelles

technologies » (Guillaud, Kaplan, 2009), a annoncé à de nombreuses reprises la mort des

villes car, en tant que « lieux d’échanges conçus pour l’ère industrielle », elles n’auraient

plus de raison d’être dans un monde post-industriel. Par ailleurs, « les villes ne seraient

plus [...] des centres culturels puisque l’on pourra se procurer toute la culture en ligne,

sous forme de fichiers texte, audio et vidéo. » (Ullmann, 2006, p. 58).

Une infrastructure planétaire : au début des années 1990, dans son ouvrage Les

communautés virtuelles, terme dont on lui attribue la paternité, Howard Rheingold (1995)

dresse un état de la télématique, en partant de ses propres pratiques : « J'ai suivi le

compte-rendu d'un témoin du coup d'état de 1991 à Moscou ; des événements de Tien-

An-Mein ; de la guerre du Golfe. Ces informations se transmettent entre membres d'un

réseau fait d'ordinateurs bon marché et de lignes téléphoniques ordinaires, se jouant des frontières

géopolitiques en empruntant les artères de l'infrastructure planétaire de communication. » (p. 3 ; nous

soulignons)

25

Page 26: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Une entreprise liquide : en 2008, dans leur livre Comment le web change le monde, l’alchimie

des multitudes, (titre qui trahit une approche caractérisée par le déterminisme technique)

Francis Pisani17 et Dominique Piotet consacrent un chapitre à ce qu’ils appellent

« l’entreprise liquide » dont le principe de fonctionnement est basé sur le transfert « “dans

les nuages”18, c’est-à-dire sur le web, [de] la quasi-totalité des données et des applications

nécessaires au fonctionnement d’une entreprise. » (p. 180) Pour ces deux auteurs, « la

géographie est [...] remise en question par l’émergence d’une entreprise mobile, hors les

murs, d’une entreprise d’un “monde plat”. » (p. 198) On retrouve ici l’idée développée par

l’éditorialiste du New York Times Thomas L. Friedman (2006) pour qui, sous l’effet

conjugué de la globalisation et de la révolution numérique, la terre serait devenue plate,

réalisant ainsi l’utopie de la théorie économique générale (Lasserre, 2000).

Le migrant connecté : à la suite de la théorie dite du transnationalisme développée dans

le monde anglo-saxon dans les années 1990 (à ce sujet voir Glick Schiller et al., 1995 ;

Vertovec, 2003), la sociologue Dana Diminescu développe en France depuis le début des

années 2000 le paradigme du « migrant connecté »19 (Diminescu, 2007) ; migrant qui par

l’usage des TIC est dans la capacité d’entretenir, malgré la distance physique qui l’en

sépare, des rapports de proximité avec son territoire d’origine. Les migrations sont ainsi

entrées, selon elle, dans un « nouvel âge » (Diminescu, 2002, p. 6).

Si tous ceux que nous venons de citer semblent se féliciter d’une fin de la géographie permise

par les TIC, d’autres se montrent beaucoup plus réticents. Le principal penseur de ce courant,

que l’on pourrait qualifier de dystopique, est le philosophe Paul Virilio :

A l’occasion d’une exposition à la Fondation Cartier qu’il réalisait en compagnie de Raymond

Depardon (« Terre Natale, Ailleurs commence ici »), Paul Virilio déclarait à la presse : « Nous

sommes entrés dans l’ère de la “chronopolitique” : désormais, le temps réel l’emporte sur

l’espace réel. Contrairement à ce que pense Fukuyama, ce n’est pas la fin de l’histoire, mais la

fin de la géographie. Le monde est trop petit pour la puissance du progrès technique, de

l’information et des transports. La logique de la grande distribution - flux tendus, zéro stocks -

résume tout : les mouvements de population comme le krach boursier. Avec les GPS, qui

26

17 Journaliste et blogueur réputé dans le domaine des nouvelles technologies._Site web : http://pisani.blog.lemonde.fr

18 Référence est faite ici au « cloud computing » qui peut être défini comme l’informatique via Internet : les applications et les données ne se trouvent plus directement sur le disque dur de l’ordinateur de l’utilisateur mais sur des serveurs distants.

19 Figure sur laquelle nous sommes revenu dans notre travail de Master 1 (Devriendt, 2008).

Page 27: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

gouvernent les mouvements des camions, des bateaux, des gros-porteurs, on inaugure la

révolution de l’emport. (...) Ce qui monte, c’est l’avènement d’une “omnipolis” : une ville qui

est partout et nulle part, grâce aux portables. Aujourd’hui, tout s’emporte (...). La traçabilité

remplace l’identité territoriale et familiale. Quand ce qui compte, c’est le trajet d’un individu,

son parcours, son plan de carrière, plus besoin d’une origine humaine, biologique,

géographique » (cité dans Fumey, 2009).

Déjà en 1997, dans un article du Monde Diplomatique, le philosophe et urbaniste affirmait que « la

réalité des faits ne cesse d’illustrer la perte du fondement géographique des continents, au

bénéfice des télécontinents et d’une communication mondiale devenue quasi instantanée... [...]

A défaut d’une fin de l’histoire, c’est donc bien à la fin de la géographie que nous

assistons. » (Virilio, 1997, p. 17)

Pour François Ascher, « la belle plume de P. Virilio ne suffit probablement pas à expliquer le

succès de ses formules à l’emporte-pièce, si éloignées de ce que l’on peut observer et analyser.

Peut-être est-ce la peur qui donne sa force à ce type de prophéties ? » (Ascher, 1995, p. 294).

Emmanuel Eveno invite également à une lecture « vigilante » de l’œuvre de Virilio : « si l’auteur

affirme souvent, il ne démontre que rarement », le tout dans un style abusant de « procédés

dramaturgiques » (Eveno, 2004, p. 96).

De tous les auteurs antigéographiques que nous venons d’évoquer, aucun n’est géographe. Cela

n’est évidemment pas un problème per se mais a abouti ici à une conception étriquée de la

discipline géographique.

1.1.3. Une géographie réduite à sa plus simple expression

Pour Etienne Piguet (2004), les tenants de l’antigéographie ont une mauvaise conception de la

discipline géographique : ils confondent espace et distances physiques alors que « la distance

n’est pas que physique, c’est un produit social. Si le monde se contracte, ce n’est pas de manière

uniforme ni identique pour tous et les conséquences de cette contraction ne sont pas les mêmes

partout. » (p. 8) Ainsi pour l’auteur, « loin de marquer la fin de la géographie, la globalisation en

marque le renouveau » (p. 9). Gilles Puel (2006) fait une remarque similaire : « l’espace

géographique, le territoire, est réduit à la seule notion de distance géométrique. Or les questions

de distance et de proximité sont plus complexes : à la distance physique, s’ajoutent les distances

spatiale et sociale. » (p. 1)

27

Page 28: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Pour Olivier Jonas (2005a ; 2005b), le succès de cette antigéographie s’appuie, au-delà de la

conception erronée de la discipline géographique, sur deux idées reçues relatives au

déploiement des TIC : celle de la « transparence spatiale » (idée selon laquelle, à la différence

des autres réseaux, les télécommunications sont sans effets sur le paysage et l’espace qu’elles

traversent) et celle de la « neutralité spatiale » (selon laquelle on garantit à tous les usagers

l’accès aux mêmes services, indépendamment de leur localisation sur terre).

Face à cela, que peut être une géographie des TIC ?

1.2. Une géographie renouvelée

1.2.1. La « cybergéographie »

Si comme nous l’avons souligné, toute une littérature antigéographique s’est développée en ce

qui concerne les TIC, nous rencontrons en même temps dans ce domaine beaucoup de

métaphores spatiales : il est ainsi courant sur « la toile » de parler, entre autres, de

« cyberespace », de « blogosphère », de « blogalaxie20 », de « statusphère21 », de « territoire

numérique » et de « village global électronique ».

Il est d’ailleurs frappant de constater que la représentation du cyberespace se fait généralement

de manière cartographique. C’est ce que relève le philosophe Paul Mathias (2007) lorsqu’il

affirme que « l’Internet n’est pas territoire, et pourtant l’Internet est pour ainsi dire irreprésentable

sans référence à des modèles de territorialité. » (p. 99, souligné par l’auteur) Il en est ainsi de la

représentation des principaux sites du web réalisée à partir de la carte du métro tokyoïte, qui a

connue un certain succès (image n° 4).

28

20 Terme proposé par Francis Pisani en réaction à « blogosphère » : « le mot [blogosphère] nous invite à concevoir cet espace comme une unité alors qu’il est vital d’en reconnaître, d’en célébrer, d’en encourager la diversité. » (Pisani, 2007)

21 La statusphère est généralement définie comme étant l’ensemble des messages (« statuts ») publiés par les utilisateurs des sites web tels que Facebook, MySpace, Twitter etc.

Page 29: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Image n° 4 - Cartographie du Web 2.0

Source : Strangemaps, 2007

Plus récemment, le site web Toute l’Europe22 a mis en ligne une « cartographie de la toile

européenne » (image n° 5) ; cartographie interactive décrite de la manière suivante : « Entrer

dans cette galaxie européenne peut paraître à première vue difficile mais il suffit de s’imaginer

être en face d’une carte classique. Les sites web (représentés par des ronds sur la carte) sont en quelque

sorte des villes et les liens hypertextes qui les relient (les arcs) sont des routes permettant de voyager d’une ville à

l’autre. Un lien hypertexte ne pouvant être emprunté que dans un seul sens (du site source au

site cible), ces routes sont à sens unique. […] Ainsi la carte que vous explorez est une représentation

véritable d’un territoire d’informations tel que chacun de vous l’expérimentez lorsque vous naviguez

via les liens qui vous sont proposés de site en site. » (Toute l’Europe, 2009 ; nous soulignons)

29

22 Toute l’Europe est un portail web d’informations sur les questions européennes.

Page 30: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Image n° 5 - Cartographie interactive de la « toile européenne »

Source : Toute l’Europe, 2009

Pour Henri Desbois (2006), une piste pour une géographie renouvelée peut donc consister en

l’étude du web en tant que « modèle de territoire global ». C’est précisément ce à quoi tend la

« cybergéographie », promue au niveau mondial par le philosophe et géographe Martin Dodge,

fondateur du Cyber Geography Research23 et auteur récemment d’une thèse sur le sujet (voir

Dodge, 2008).

1.2.2. La « géographie 2.0 »

En-dehors de la « cybergéographie », une autre géographie liée aux TIC modernes émerge

depuis peu : la « géographie 2.0 ».

La terminologie « 2.0 » renvoie aux outils du web 2.0 c’est-à-dire au web vu - selon un des

fondateurs de cette expression, Tim O’Reilly (2005) - comme « une plate-forme » dans laquelle

les internautes sont invités à participer en créant leur propre contenu ou en modifiant le

préexistant. Le mot-clé du web 2.0 est donc le « crowdsourcing », généralement traduit en français

30

23 _Site web : http://www.cybergeography.org (en anglais)_Site web : http://www.cybergeography-fr.org (en français)

Page 31: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

par celui de « participation ». Parmi les services les plus emblématiques, nous pouvons citer :

Facebook24, MySpace25, Wikipedia26, Flickr27 et Twitter28.

Des services existants, certains attirent particulièrement le géographe : on note en effet dans ce

web 2.0 une « explosion » des « espaces virtuels » et des « mondes miroirs » (Valentin, 2008) tels

que Second Life et Google Earth. Nous pouvons également mentionner l’essor de l’information

dite « hyperlocale » (Iskold, 2007) et le développement intense des services de «

géolocalisation29 » (ou de « mapping masses » - à ce sujet voir Hudson-Smith et al., 2008 ;

Hudson-Smith, Crooks, 2008) tels que Ushaidi (encadré n° 6).

Encadré n° 6 - Présentation du service Ushaidi

Plate-forme de géolocalisation créée début 2008 au lendemain des élections kenyanes, Ushaidi

avait pour objectif de répertorier les divers incidents et actes de violence dans le pays.

Aujourd’hui Ushahidi peut être utilisée, du fait de son caractère open source, n’importe où dans le

monde. Ainsi a été créée une version relative aux événements dans la bande de Gaza, une

consacrée à l’Afrique du Sud et une aux élections générales indiennes. Pour déclarer un

événement, les individus communiquent avec la plate-forme par SMS, e-mail, tweet ou

directement depuis le site web.

Site web : http://www.ushaidi.com

Pour Jérémie Valentin, doctorant en géographie, ces « récents espaces virtuels et leurs outils

offrent aux individus des possibilités inédites d’aborder leurs territoires » et c’est ce nouveau

31

24 Réseau social généraliste._Site web : http://www.facebook.com

25 Réseau social généraliste ayant la particularité d’être très prisé des groupes de musique._Site web : http://www.myspace.com

26 Encyclopédie libre en ligne, déclinées dans différentes langues_Site web : http://www.wikipedia.org

27 Site de stockage et de partage de photos_Site web : http://www.flickr.com

28 Outil de micro-blogging (messages limités à 140 caractères) et de réseau social_Site web : http://twitter.com

29 Expression pléonastique qui traduit bien le fait que la carte, réalisée par l’internaute, est ici considérée uniquement comme un moyen de localisation. On est très loin de la cartographie comme « véritable mise en scène graphique du fonctionnement du monde » que prône Philippe Rekacewicz (2009).

Page 32: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

rapport des individus aux territoires qu’il convient d’interroger dans cette

géographie 2.030(Valentin, 2007, p. 389).

Elle s’intéresse donc précisément à ce que Henry Bakis (2007) nomme le « géocyberespace »,

défini comme « vision gobale de l’espace, englobant l’espace euclidien mais le transcendant tant

avec l’espace technologique qu’avec l’espace social. Cela par suite des usages du World Wide

Web, et d’applications mettant en oeuvre des espaces virtuels. » (p. 287) Pour Henry Bakis, il

s’agit de « LA nouvelle réalité spatio-temporelle des sociétés de communication et

d’information » (p. 288 ; les majuscules sont d’origine).

1.2.3. Les TIC : des objets géographiques « classiques »

Malgré la transformation du rapport à l’espace que les TIC suscitent et qu’il ne faut pas nier, ces

dernières peuvent être tout de même abordées en tant qu’objets géographiques classiques

(Lasserre, 2000 ; Desbois, 2006).

C’est cette géographie qu’a essayé de mettre en place en France, dès les années 70, Henry Bakis,

auteur en 1983 d’une thèse au titre explicite : « Télécommunications et organisation de

l’espace ». Qualifié de « militant » par Emmanuel Eveno (2004), Henry Bakis a cherché par la

suite à convaincre les autres branches de la discipline (notamment celle des transports) à

s’intéresser aux TIC.

Dans cette perspective, la géographie des TIC revient à l’étude des infrastructures, des flux, des

localisations des utilisateurs et des entreprises. Nous avons essayé ci-dessous de procéder à une

petite classification, sans doute à compléter, qui présente les grandes thématiques de cette

géographie « classique » des TIC :

TIC & Entreprises : dans cette thématique, nous avons les travaux consacrés à l’étude

des stratégies de localisation des entreprises du secteur TIC et/ou aux activités innovantes

(exemples : centres d’appels, entreprises de jeux vidéo etc.). On retrouve également dans

cette catégorie les travaux sur les technopôles et les « cyber districts ». Nous faisons

32

30 La géographie n’est pas la seule discipline invitée à intégrer le web 2.0. Selon Mark Thompson, les études du développement doivent également les prendre en compte. Il parle ainsi de l’émergence d’un « développement 2.0 » (Thompson, 2008).

Page 33: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

référence notamment aux travaux de Gilles Puel, Olivier Jonas, Bruno Moriset et Nicolas

Bonnet, Eric Suire, Jacques Perrat et Mihoub Mezouaghi.

TIC & Développement territorial : il s’agit ici de la thématique de l’aménagement du

territoire et plus spécialement de l’aménagement numérique. Les études s’intéressent

précisément au rôle de la puissance publique, notamment, en France, les Régions mais

également les communes et intercommunalités, dans le déploiement des réseaux des TIC

modernes. On pense surtout aux travaux de Charlotte Ullmann, Philippe Vidal, Mathieu

Vidal, Marina Duféal et Loïc Grasland ainsi que ceux d’Emmanuel Eveno sur la « ville

numérique » de Parthenay. Nous pouvons également citer les travaux de la Délégation

Interministérielle à l’Aménagement et à la Compétitivité des Territoires (DIACT) à travers

son pôle « Aménagement numérique » ainsi que le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie,

du Développement durable et de l’Aménagement du territoire (MEEDAT) et son

« Atelier Numérique des Territoires ».

TIC & Infrastructures : cette thématique concerne surtout le réseau Internet. Dans

cette catégorie, les études, réalisées à différentes échelles (du niveau mondial au niveau

local) s’intéressent aux logiques d’acteurs dans le déploiement des réseaux. C’est ce type

d’approche qui a souvent été mis en avant pour contrer la vision antigéographique du

phénomène Internet. Nous pouvons citer, entre autres, les travaux de Gabriel Dupuy

pour une approche mondiale, et ceux d’Eric Bernard, pour une approche régionale.

Si la géographie décrite ici est surtout le fait de géographes français et/ou francophones, il

convient de ne pas omettre que ces dernières années, comme le note Emmanuel Eveno (2004),

nous assistons à une « conversion de la géo des TIC [...] sous l’influence des centres de

recherches états-uniens et britanniques ». Cette conversion a amené à l’émergence de la

cybergéographie, que nous avons présentée précédemment, et au développement d’études sur

« le rôle des TIC dans la ville » avec notamment, pour un certain nombre d’auteurs, la thèse de

la « fragmentation urbaine par les réseaux ».

33

Page 34: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

1.3. La thèse de la fragmentation urbaine

1.3.1. Un terme en vogue dans le champ des études urbaines

Apparue véritablement, et conceptualisée en tant que telle, dans des études sur l’Amérique

latine, la notion de fragmentation est « quasi incontournable aujourd’hui dans la littérature

scientifique, [...] identifiée comme le dénominateur commun de la ville dans le monde et son

principal ennemi. » (Benit et al., 2007, p. 15)

Si le terme de « fragmentation » connaît donc un grand succès, il faut le distinguer clairement de

celui de la « ségrégation » avec lequel il est souvent confondu. Pour Denise Pumain (n.c.), la

ségrégation est la « séparation des groupes sociaux dans l’espace des villes » ; séparation qui se

fait selon des critères de revenu ou d’appartenance ethnique, religieuse ou culturelle. Pour

Roger Brunet, ségrégation est définie comme le « processus (et son résultat) de division sociale

et spatiale d’une société en unités distinctes. [...] La ségrégation implique à la fois un

mouvement de rejet, d’exclusion [...] et un mouvement d’agrégation, qui réunit les semblables.

[...] La ségrégation est plus forte que la simple spécialisation ou différenciation de quartiers

urbains, mais la distinction est affaire d’appréciation. »

Si donc la ségrégation porte sur la composition des espaces en terme de groupes sociaux, pour

Olivier Coutard (2005), la notion de fragmentation « quant à elle, porte sur les relations entre

portions d’espace : plus on mettra en évidence la faiblesse (ou l’affaiblissement) des liens

politiques, fiscaux, fonctionnels, sociaux, etc. entre portions de l’espace considéré, plus on sera

fondé à parler de fragmentation.» Ainsi pour l’auteur, « mieux que les termes de ségrégation ou

de segmentation, qui désignent des divisions fonctionnelles compatibles avec un degré élevé

d’intégration économique, par exemple, la notion de fragmentation permet de rendre compte

de processus de dislocation et d’atomisation non régulée ou régulée à des échelles très - trop ? -

fines, celles des groupements communautaires, des affinités résidentielles ou de l’entre-soi

(plutôt qu’à celle des régions urbaines considérées, ou même d’espaces plus larges). » (p. 3)

Dans l’ouvrage Vies citadines coordonné par Elisabeth Dorier-Apprill et Philippe Gervais-

Lambony (2007), les auteurs insistent sur les multiples dimensions de la fragmentation : elle

peut être spatiale, ce qui renvoie à la multiplication des dispositifs de sécurité dans l’espace

urbain et au développement des « gated communities » ; économique, avec l’affaiblissement « des

liens économiques [...] existant entre [les] différents quartiers » de la ville ; sociale, ce qui

34

Page 35: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

« désigne la disparition de la ville comme référent identitaire commun », et politique (ou

institutionnelle), ce qui « désigne une séparation juridique, politique ou institutionnelle entre des

territoires marqués par la proximité spatiale. » (pp. 15-38) C’est dans ce dernier type de

fragmentation que les auteurs incluent la question de la gestion des réseaux ; le rapport entre

fragmentation et réseaux ayant notamment été formulé dans la théorie du « splintering urbanism ».

1.3.2. La théorie du « splintering urbanism »

En 2001, les géographes Stephen Graham et Simon Marvin publient un ouvrage dans lequel ils

formulent la théorie du « splintering urbanism ». Selon eux, évoluant dans un marché libéralisé et

privatisé, les opérateurs de télécommunications et plus largement des différents types de

réseaux, déploient leurs infrastructures et services selon une logique de « cherry picking » (que

l’on peut traduire en français par le terme d’« écrémage »). Dans cette perspective, seules les

zones les plus lucratives du paysage urbain sont desservies, ce qui a pour conséquence d’aboutir

à une fragmentation de la ville entre d’un côté des espaces bien équipés, car riches, peuplés et

bénéficiant des effets de la concurrence, et de l’autre des espaces délaissés (Graham, Marvin,

2001).

La même année, Manuel Castells publie The Internet Galaxy31 dans lequel il insiste sur ce qu’il

nomme les « réseaux diviseurs », « nés d’une déréglementation débridée ». Il note ainsi que

« l’usage d’Internet se diffuse très vite, mais en épousant une structuration de l’espace qui

fragmente sa géographie en fonction de la richesse, de la technologie et du pouvoir » accentuant

ainsi « la tendance générale à l’aggravation de la ségrégation socio-spatiale dans les villes du

monde entier » (cité dans Fortin, 2002).

Si cet ouvrage date de 2001, Manuel Castells avait déjà pu énoncer cette crainte dès les années

1980, lorsqu’après s’être intéressé aux mouvements sociaux urbains, il commence à étudier les

relations entre innovations technologiques et territoires, et à formuler le concept de la « ville

informationnelle », caractérisée, entre autres, par sa dualité et sa segmentation sociale et

fonctionnelle (voir Castells, 1989 ; Castells, 1996-1998).

En 1995, François Ascher (1995) évoque quant à lui « la reproduction des inégalités territoriales

par les télécommunications » (p. 70) étant donné leur déploiement qui s’effectue là où se

concentrent populations et richesses, et ce d’autant plus que les acteurs du secteur évoluent

35

31 Pour la version française, voir Castells M., La galaxie Internet, Fayard, 2002.

Page 36: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

dans un « contexte de dérégulation et de désengagement des pouvoirs publics » (p. 71). Deux

ans plus tard, Olivier Jonas (1997) parle de « déséquilibres territoriaux » en raison de la

« différenciation » de l’offre de services de télécommunications, née du « contexte

concurrentiel » (pp. 189-190).

Plus récemment, dans un article publié dans la Review of African Political Economy, Yunusa Z.

Ya’u (2004) affirme qu’en accordant au marché, suite aux réformes de libéralisation/

privatisation imposées par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), le rôle clé en matière

de télécommunications, « les opérateurs investiront seulement là où ils seront assurés de faire

des profits. Cela signifie que les disparités nationales et l’accès inégal aux TIC ne seront pas

éliminés. Au contraire cela va aller en s’accentuant, les pauvres étant dans l’incapacité de se

procurer un accès aux TIC sans aide des collectivités. » (p. 18 ; nous traduisons)

Dans les pays en développement, cette logique de fragmentation serait poussée à l’extrême avec

une présence des TIC limitée aux enclaves high-tech et espaces résidentiels de luxe (Graham,

2002, p. 43).

Des travaux sus-cités, nous voyons nettement la difficulté que les auteurs ont à nommer les

processus à l’œuvre et leurs conséquences. Ainsi nous avons affaire, d’un côté, à de la

« fragmentation », de la « ségrégation », de la « segmentation » et de la « différenciation » et de

l’autre, à des « fragments », des « inégalités », des « différences », des « déséquilibres » et des

« disparités ». Par ailleurs, la traduction même de « splintering urbanism » en français n’est pas

fixée : les plus nombreux parleront de « fragmentation » quand d’autres, à l’instar de Dominique

Lorrain (2002, p. 13), privilégieront le terme de « ségrégation ». Enfin, il convient de souligner

que le vocabulaire des théoriciens du « splintering urbanism » est lui-même fluctuant avec

notamment l’emploi du terme « polarisation » (Graham, Marvin, 2001 ; Graham, 2002) et plus

récemment, l’emploi de l’expression « urbanisme à plusieurs vitesses » (Crang et al., 2006,

p. 2553 ; nous traduisons).

De nombreuses critiques ont été émises envers la théorie du « splintering urbanism », notamment

au sein du Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés (LATTS) et à son programme de

recherche « Fragmentation urbaine et réseaux : regards croisés Nord-Sud » conduit par Olivier

Coutard entre 2002 et 2004.

36

Page 37: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

1.3.3. La remise en cause du « splintering urbanism »

Privé ou Public ?

La première critique que l’on peut émettre envers la théorie du « splintering urbanism » est celle

selon laquelle ses auteurs s’éloignent par moment du discours scientifique pour rejoindre celui

du politique afin de rejeter en bloc les réformes de libéralisation et de privatisation et dénoncer

une soi-disante logique de concurrence pure aux intérêts en tout point contraire à ceux du

secteur public.

Mais comme le souligne Olivier Coutard (2005 ; 2006), toute ouverture à la concurrence a été

accompagnée de la création d’organismes de régulation. Ainsi, comme le note Calvin Djiofack

Zebaze (2008), si entre 1995 et 2004 on est passé de 70 % à moins de 10 % des pays africains

ayant un monopole étatique dans le domaine des télécommunications, dans le même temps,

plus de 77 % des pays du continent se sont équipés d’une autorité de régulation ; autorité

séparée de l’opérateur traditionnel et autonome dans ses décisions (du moins sur le papier)32.

Deuxièmement, Pascal Renaud (2007, pp. 64-65) montre que la seule question de savoir si le

secteur des télécommunications est privatisé ou sous monopole public n’est pas suffisante : il

observe en effet qu’en 2007 les deux pays arabes leaders en matière de télécommunications

sont la Jordanie et le Liban. Or ces deux pays avaient à l’époque des profils complètement

« opposés » : d’un côté la Jordanie où existe une autorité de régulation indépendante depuis

1995, où il y a concurrence partielle sur le téléphone fixe et concurrence totale sur Internet et

les liaisons internationales ; de l’autre le Liban, où il n’existait pas d’autorité de régulation

indépendante à l’époque, où la téléphonie fixe est sous le régime du monopole, tout comme les

liaisons internationales, et où seule la téléphone mobile est en situation de concurrence, de

façon partielle.

Par ailleurs, parler de retrait, d’impuissance et/ou de perte de souveraineté de l’Etat étant donné

la montée en puissance des acteurs privés est le fruit d’une réflexion basée sur les « normes de

l’Etat-Providence » (Diouf, 1999, p. 16). Or selon Béatrice Hibou (1999), qui travaille en

37

32 Il convient toutefois de nuancer cette affirmation : dans une étude sur 29 pays en développement, dont le Cameroun, Yamina Mathlouthi et Mohamed Bouhari (2007) observent que si « la mise en place d’un organe de régulation pour une activité donnée doit en général précéder toute ouverture du secteur à la concurrence [...] dans la réalité, la plupart des organes de régulation ont été créés après l’entrée sur le marché d’un deuxième opérateur, voire après la privatisation de l’opérateur historique. » (pp. 134-135)

Page 38: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Afrique sur ce qu’elle nomme « la privatisation de l’Etat », ces « références datées,

circonstancielles et normatives qui renvoient à l’idéologie développementaliste énoncée à partir

des années 50 et à une conception wébérienne de l’Etat » interdisent, du fait de leur « vision

substantialiste et normative », de penser des « éventuelles transformations de

l’interventionnisme pour ne voir que destruction, disparition, retrait ou perte de

contrôle » (p. 6).

L’unique responsabilité des entreprises : la maximisation du profit ?

Dans leur théorie du « splintering urbanism », Stephen Graham et Simon Marvin envisagent les

opérateurs de réseaux comme étant, du fait du contexte concurrentiel dans lequel ils évoluent,

dans une recherche exclusive du profit, ce qui les amènent à s’intéresser uniquement aux

populations aisées (« cherry picking ») et délaisser les plus modestes (« social dumping »).

Cependant, comme le note Olivier Coutard (2005, p. 10), « s’il est vrai que l’universalisation

d’un service ne s’est jamais opérée sous un régime concurrentiel, la concurrence a souvent

fortement stimulé la diffusion des réseaux et l’accroissement du nombre des branchements ou

abonnements. »

On le constate aisément à la lecture des statistiques de l’Union Internationale des

Télécommunications : la croissance du secteur TIC dans les pays en développement n’aurait pu

se faire si les acteurs du secteur s’étaient complètement désintéressés des populations modestes.

Cet intérêt s’est d’ailleurs manifesté par la mise en place d’offres différenciées, à l’instar des

cartes prépayées (dans de nombreux pays en développement, la formule de l’abonnement post-

payé est ainsi réduite à une portion congrue).

« L’idéal infrastructurel moderne »

L’idée centrale de Stephen Graham et Simon Marvin est celle selon laquelle les services urbains

en réseaux connaîtraient depuis deux trois décennies un renversement de rôle. Comme le note

Franck Scherrer (2004), « après avoir joué un rôle d’accompagnement et même moteur de la

croissance urbaine pendant le 20ème siècle, et plus particulièrement un rôle d’intégrateur social

et économique du fonctionnement des territoires, ces services urbains en réseau seraient

aujourd’hui un accélérateur de fragmentation socio-spatiale » (p. 3). C’est ce que Olivier

Coutard (2005 ; 2006 ; 2008) nomme « l’idéal infrastructurel moderne » ou « idéal intégré »,

38

Page 39: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

selon lequel « il existe un lien positif entre offre intégrée de services en réseaux et intégration

urbaine (ou entre réseaux désintégrés et fragmentation urbaine) » mais qui offre là un « cadre

d’analyse [...] par trop déterministe » (Coutard, 2006, p. 2).

On retrouve très fortement cet idéal dans les multiples projets et discours promouvant un « égal

accès aux TIC ». Ainsi, pour Alain Madelin, Président du Fonds Mondial de Solidarité

Numérique, « la fracture numérique entrave les possibilités de développement que les TIC

pourraient offrir aux plus démunis. Elle limite la production et la circulation de connaissances,

accentue le retard économique et intensifie dangereusement l’incompréhension entre les

peuples. Elle est de nature à amplifier l’émigration et la déculturation. Enfin, elle réduit les

efforts engagés pour promouvoir la diversité culturelle. » (FSN, n.c.)

Par ailleurs l’image de la « fracture » suggère l’existence d’un tout préexistant, brisé de nos jours

et qu’il faudrait reconstruire (Scopsi, 2004). Or ce tout n’a semble-t-il jamais existé, ce qui pose

la question de la validité universelle de cet idéal, à l’instar de Sylvy Jaglin qui s’interroge : « Le

constat et l’analyse qu’ils [S. Graham et S. Marvin] en proposent [de la fragmentation urbaine]

sont-ils transposables aux villes d’Afrique subsaharienne, alors que l’idéal des réseaux intégrés

n’y fut presque jamais approprié […] ? » (cité dans Bousquet, 2007, p. 14). Il s’agit en réalité

dans les pays en développement d’un passage d’un stade plus ou moins intégré à un autre stade

plus ou moins intégré mais dans ce cas, quelle est la spécificité de la période contemporaine ?

Quelle(s) spécificité(s) des réseaux TIC ?

Stephen Graham et Simon Marvin ont prétendu pouvoir, à partir du cas du secteur des

télécommunications, généraliser à l’ensemble des réseaux leur théorie. Les critiques ont alors été

majoritairement formulées à partir d’études sur les réseaux d’électricité et eau, c’est-à-dire les

réseaux obéissant à « la vieille logique équipementière » (Scherrer, 2006, p. 8).

Olivier Coutard (2005) affirme ainsi que « la diffusion des branchements d’eau à domicile à

Paris présente, à ses débuts (dans le dernier tiers du XIXème siècle), certaines similarités

frappantes avec la diffusion de l’Internet aujourd’hui. Les premiers abonnés à l’eau sont, de

manière générale, des ménages aisés. Les ménages plus modestes ne sont, dans une première

phase, pas concernés, pour deux raisons : le coût élevé de l’abonnement et la réticence des

propriétaires (les ménages modestes sont en général locataires). Pour la grande majorité des

ménages, l’accès à l’eau passe alors par les bornes-fontaines, points d’accès collectifs au réseau

équivalents en un sens des Internet cafés d’aujourd’hui ! Ce n’est qu’au terme d’un long

39

Page 40: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

processus que le slogan, puis la réalité, d’un service universel de distribution d’eau à domicile

par réseau se sont imposés. »

Si l’auteur prend la précaution d’affirmer que l’universalité d’un réseau n’est pas inéluctable, son

erreur, selon nous, est de mettre sur le même plan le déploiement d’un réseau d’eau et le

déploiement du réseau Internet. En effet, ce dernier, et plus largement l’ensemble des réseaux

de télécommunications, ne sont pas, à la différence des réseaux classiques (électricité, eau,

assainissement), caractérisés, loin s’en faut, par leur « stabilité technologique » (Dupuy, 2007,

p. 25). C’est ce que souligne F. Ascher (1995) quand il décrit l’ « effet paradoxal de [la]

banalisation des télécommunications » : l’auteur note en effet que si avec le temps « un certain

type de télécommunications se diffuse sur les territoires et se banalise [...], dans le même temps,

de nouveaux besoins en télécommunications se développent, et les nouvelles infrastructures se

localisent... dans les zones les plus développées. » (p. 71) En France, ce fait a été souligné tout

récemment par la DIACT selon laquelle si un premier cycle d’aménagement numérique

s’achève avec la (quasi-)généralisation de l’accès au haut débit et à la téléphonie mobile sur le

territoire français, un deuxième s’ouvre avec la question du très haut débit et du déploiement de

la fibre optique (DIACT, 2009, p. 3).

Ainsi, si les critiques, émises notamment à partir des réseaux classiques, sont intéressantes pour

la remise en cause d’une théorie générale et des références sur lesquelles celle-ci se fonde, la

thèse du « splintering urbanism » semble relativement bien admise dans le domaine des

télécommunications avec en plus de la fragmentation par l’action des opérateurs, l’annonce

d’une fragmentation sociale caractérisée par une division de la société en de « multiples

communautés virtuelles » (Gouyou-Beauchamps, 2007, p. 6). L’objectif de notre travail donc,

en quelque sorte, est de voir s’il est possible de formuler une critique de cette thèse au sein

même de ce domaine des TIC, et ce à partir du cas yaoundéen.

40

Page 41: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

2. Le déploiement des TIC au Cameroun et à Yaoundé

« Comment un pays qui a de telles communications pourrait-il se développer ? »

Mongo Beti, 1993, p. 92

Cette deuxième partie de notre travail est divisée en deux sections. Dans la première, nous

effectuerons un panorama général du secteur des TIC au Cameroun. Dans la seconde, nous

questionnerons plus en profondeur la logique des opérateurs du secteur au sein de la ville de

Yaoundé.

2.1. Le Cameroun dans la société de l’information

2.1.1. L’importance des mass-media : la télévision et la radio

En 1962, dans un rapport intitulé Les moyens d’information dans les pays en voie de développement,

l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) affirme :

« Dans les pays sous-développés, le relèvement du niveau de l’instruction exige naturellement,

entre autres choses, la diffusion des connaissances relatives à l’agriculture, aux techniques

industrielles, à la santé et au développement communautaire. Mais lorsqu’on tente d’accomplir

en quelques années ce qui a demandé des siècles dans les pays avancés, les méthodes classiques

d’enseignement ne peuvent suffire. C’est là que les moyens d’information, dont la rapidité, la

portée et la force de pénétration sont inégalées, trouvent les plus grandes possibilités d’action

efficace. » (cité dans Tremblay, 1974, p. 575).

Comme cet extrait en témoigne, les institutions internationales ont placé beaucoup d’espoir,

dans les décennies 1960 - 1970, dans la technologie de radiodiffusion sonore. Dans un article

consacré à l’étude de Radio Garoua (Garoua est une ville située au nord du Cameroun), Gaëtan

Tremblay (1974) interroge la relation entre technologie et développement et fait émerger des

questions toujours d’actualité (à propos des projets de lutte contre la fracture numérique) : une

technologie peut-elle être facteur de développement ? quelle place pour les langues locales ?

peut-on sauter les étapes du développement (le désormais célèbre leapfrog) ? quelle

(in)dépendance vis-à-vis des pays du Nord ? quelle collaboration avec les populations ciblées ?

Quand Gaëtan Tremblay écrit son article, le Cameroun dispose alors de quatre stations de

radiodiffusion dont un poste national situé à Yaoundé (d’une puissance de 30kW) et trois

41

Page 42: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

stations régionales : une à Garoua (30kW), une à Douala (4kW) et une à Buéa (4kW).

L’ensemble de ces stations relèvent directement de la direction générale de la radiodiffusion, qui

est quant à elle sous la tutelle du Ministère de l’Information et du tourisme. A cette époque, la

seule source autorisée est en effet celle du gouvernement.

Il faut attendre la loi n°90/052 du 19 décembre 1990 relative à la liberté de communication

sociale - loi qui s’inscrit dans un mouvement plus large de mise en route d’un processus de

démocratisation33 (voir Zambo Belinga, 2003) sous la pression de la société civile - pour que le

secteur de la radiodiffusion, sonore et audiovisuelle, soit libéralisé. Toutefois, le décret

d’application de la loi n’a été publié qu’en 2000 et les lenteurs (volontaires ?) de l’administration

dans la délivrance des licences d’exploitation font que la plupart des acteurs évoluent encore

actuellement sous le régime de la tolérance, ce qui les placent dans une situation précaire et les

exposent à des fermetures arbitraires34.

Aujourd’hui35, le domaine de la radiodiffusion sonore se divise en trois secteurs :

La radiodiffusion sonore publique : ce secteur est géré par la Cameroon Radio &

Television (CRTV). A travers ses 32 stations, la CRTV couvrait en 2006 environ 85 % du

territoire camerounais (potentiellement 100 % grâce à l’arrimage du signal au satellite). Si

les dix provinces du Cameroun possèdent au moins une station, celle du Centre (dans

laquelle se situe Yaoundé) en compte à elle seule cinq.

La radiodiffusion sonore privée : en 2006, le Ministère de la Communication comptait

dans ce domaine 37 opérateurs en activité dont les trois quarts dans les villes de Douala et

de Yaoundé (46 % des opérateurs à elle seule). Face à cette concentration, quatre des dix

provinces du pays n’ont pas de stations de radiodiffusion privée.

La radiodiffusion sonore communautaire : les radios communautaires résultent d’un

accord passé entre l’Etat camerounais et l’UNESCO. L’objectif du déploiement de ce

42

33 Le même jour sont promulguées la loi n°90-53 portant sur la liberté d’association et la loi n°90-56 relative aux partis politiques qui consacre le multipartisme.

34 La radio Magic FM, non titulaire d’une licence d’exploitation mais jusque là tolérée, a ainsi été fermée provisoirement en 2008 par les autorités suite à une émission pendant laquelle des auditeurs avaient critiqué le Président de la République et sa responsabilité dans les émeutes, et leur gestion, qui secouaient alors le pays (Lang, Noah Awana, 2008).

35 Les principales données de cette partie consacrée aux mass-media sont issues de MINCOM, 2006.

Page 43: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

type de stations est d’« apporter une solution à l’absence d’information prévalant dans les

zones non couvertes par le service de radio nationale ». Il est tout de même étonnant de

constater, a contrario de l’objectif annoncé, que la province la plus équipée en radio

communautaire est la province du centre (déjà la mieux équipée en radiodiffusion sonore

publique et privée) et que la province de l’Adamoua, avec une seule station CRTV et

aucune privée, ne compte qu’une station radio communautaire.

Si l’on en croit les statistiques 2008 de l’Union Internationale des Télécommunications36 (UIT),

65,8 % des ménages camerounais ont la radio, et ce en raison d’un équipement aisément

accessible sur le plan financier. Cette situation n’a toutefois rien d’exceptionnel sur un continent

où la radio est la seule technologie de l’information et de la communication possédée par plus

de la moitié des ménages (UIT, 2008). Le Cameroun se situe toutefois au-dessus de la moyenne

de l’Afrique subsaharienne et du continent en général (respectivement 58,6 % et 60,5 %), et

arrive en 20e position, à égalité avec le Cap-Vert.

L’autre média de masse, la télévision, est quant à lui beaucoup moins répandu. Les statistiques

de l’UIT révèlent que seuls 25,1 % des ménages en sont équipés, ce qui situe le pays en 23e

position, légèrement au-dessus de la moyenne d’Afrique subsaharienne (23,3 %) mais en-

dessous de la moyenne continentale (29,5 %).

Le domaine de la radiodiffusion télévisuelle se divise en deux secteurs :

La radiodiffusion télévisuelle publique : à l’instar de la radiodiffusion sonore, ce

secteur est géré par la Cameroon Radio & Television (CRTV). La première émission

télévisuelle a eu lieu en 1985 et aujourd’hui, le signal est disponible à la fois au Cameroun

et à l’étranger, par son arrimage au signal satellite. Toutefois, dès le départ, en raison de

problèmes techniques, la couverture complète du territoire nationale était impossible.

Cette situation ne s’arrange guère car, du fait de la vétusté du matériel, la zone de

couverture tend à diminuer.

La radiodiffusion télévisuelle privée : on constate dans ce segment « un nombre très

réduit » d’opérateurs installés au Cameroun et produisant leurs contenus sur place. C’est le

cas de Canal 2 International, ATV et RTN. En revanche, on note un grand nombre de

43

36 Nous utilisons ces statistiques tout en étant conscient des débats qu’elles suscitent, tant sur le plan de la méthodologie de récolte (Conte, 2001 ; Renaud, 2007) que sur le plan de la vision du phénomène qu’elles donnent à lire (Guichard, 2007), mais persuadé qu’elles fournissent des ordres de grandeur précieux.

Page 44: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

câblo-distributeurs (opérateurs qui assurent la distribution de signaux audiovisuels

produits à l’étranger) (Ngenge, 2001, p. 50). Le Ministère de la communication chiffre à

200 le nombre de câblo-distributeurs, évoluant pour la plupart dans l’illégalité.

En somme, et comme le souligne l’Agence Nationale de Développement des TIC (2007, p. 30),

même si les mass-media (radio et télévision) se sont largement répandus dans la population et

ont été appropriés par elle, il n’en reste pas moins que leur diffusion ne s’est pas faîte de

manière uniforme sur l’ensemble du territoire (présence de nombreuses zones d’ombre, surtout

dans les régions rurales et reculées, et concentration des opérateurs de radiodiffusion dans les

villes de Douala et de Yaoundé) et que la plupart des acteurs officient dans l’illégalité ; illégalité

entretenue pour partie par l’Etat.

2.1.2. L’explosion de la téléphonie mobile et la croissance d’Internet

La téléphonie fixe

Si l'on doit à l'Allemagne, puissance coloniale de 1884 à 1916, les premiers équipements

télégraphiques, téléphoniques et radiotélégraphiques du Cameroun – en 1913, on comptabilise

ainsi 1 166 kilomètres de lignes télégraphiques à travers le pays (Eyelom F., 2007, p. 85) –, c'est

sous la colonisation française37 que commencèrent véritablement à se développer les

infrastructures de télécommunications. Et ce notamment à Yaoundé.

Les télécommunications sont ainsi directement gérées par l'Etat français38 qui crée le long des

côtes africaines un réseau de câbles sous-marins télégraphiques (câbles binaires en cuivre). En

1959, ce réseau de câbles s'étend de Dakar, au Sénégal, à Douala, sur la côte camerounaise. La

même année, en vue des indépendances, le Ministère français des PTT décide « de "privatiser"

la totalité [de ses] activités africaines [...] en les filialisant au sein d'une nouvelle organisation : la

Compagnie Française de Câbles Sous-marins et de Radio (FCR) » (Hachmanian, n.c.).

Construit et géré par la France, le réseau de téléphonie fixe se caractérise alors, sur un plan

technique, par sa très forte extraversion infrastructurelle : l'ensemble des communications, y

44

37 Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le Kamerun est divisé en deux, entre une partie française, qui occupe les 4/5 du territoire, et une partie anglaise. C'est en 1960 que le Cameroun sous tutelle française devient indépendant.

38 Initialement via un sous-secrétariat d'Etat aux Postes, Télégraphes et Téléphones (PTT) qui prend, en 1921, la forme d'un Secrétariat d'Etat, à son tour transformé en 1929 en un Ministère.

Page 45: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

compris celles effectuées à l'intérieur du Cameroun (principalement entre Douala et Yaoundé),

transitent par Paris.

.

Suite aux indépendances, FCR signe avec les nouveaux Etats (Mali, Sénégal, Côte d'Ivoire,

Madagascar, Gabon, Togo, Tchad, Djibouti, République Centrafricaine, Guinée équatoriale) des

partenariats sous la forme d'entités d'économie mixte. Naît ainsi au Cameroun en 1972 la

société anonyme International Telecommunications Cameroon (INTELCAM) en charge des

liaisons internationales. La société est détenue de la façon suivante : 30 % pour FCR et 60 %

pour l'Etat camerounais, les 10 % restants revenant à Cable & Wireless, entreprise qui gérait les

télécommunications dans la partie du pays auparavant sous administration britannique.

Les liaisons nationales sont quant à elles gérées par la Direction des Télécommunications du

Ministère des Postes et télécommunications (MINPOSTEL) qui procède alors à une rénovation

du réseau.

Le 28 octobre 1982, l'Etat camerounais rachète l'ensemble des parts d'INTELCAM qui devient

une entreprise publique (décret n° 82/539). Cependant la structure du réseau n'est pas encore

changée et conserve donc sa très forte extraversion que note André Franqueville en 1984 : « le

réseau téléphonique est, il faut bien le reconnaître, à l’image du reste de l’organisation

relationnelle de ces pays dont l’économie est orientée vers l’extérieur : une excellente liaison

avec le reste du monde, mais des difficultés considérables pour correspondre à l’intérieur du

pays et même de la ville. La Société INTELCAM [...] permet d’obtenir très facilement et très

rapidement par relais satellite n’importe quel pays du monde. [...] Par contre, les liaisons inter-

villes et intra-urbaines sont souvent fort difficiles » (p. 149).

Etant donné cette extraversion, la société INTELCAM accumule au fil des ans une dette de

plus en plus importante envers l'Etat français chiffrée en 1993 à plus de 17 milliards de francs

CFA et à plus de 35 milliards au milieu des années 1990 (Menyie Ebanda, 2005). Dans le même

temps, l'Etat camerounais doit faire face à une importante crise économique. Cela l'oblige à

partir de 1987 à adopter « des réformes économiques soutenues par la communauté

internationale » (BAD, 2007, p. 1), FMI et Banque mondiale en tête, et à mettre en place un

programme de privatisation des entreprises publiques (voir Nguihé Kanté, 2002).

En 1996, l'Etat français, via France Telecom, se propose ainsi de revenir dans le capital de la

société nationale INTELCAM en échange d'un apurement de la dette. Un accord est signé le 12

45

Page 46: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

juin dans le bureau du Secrétaire Général de la Présidence de la République Titus Edzoa mais il

est remis en cause par le Ministre des Postes et télécommunications Dakole Daissala. Selon le

journal en ligne Cameroon - Info.net (2001), « la déconvenue essuyée par la société française du fait

du Ministre des postes et télécommunications se justifie dans le fait que devant plus de 35

milliards dus aux Français, le gouvernement [aurait dû] céder pour 25 ans INTELCAM aux

Français et dont l'exploitation dans l'ensemble [représentait] plus de 200 milliards comparés à

35 milliards. Une braderie ! »

En 1998, l'Etat camerounais procède à la « restructuration » du secteur des télécommunications

avec comme élément central l'adoption, le 14 juillet 1998, d’une loi qui libéralise le secteur,

suivie en septembre du décret n ° 98/198 qui crée l'opérateur public CAMTEL en fusionnant

les activités d'INTELCAM et celles de la Direction des Télécommunications du MINPOSTEL

(en-dehors de celles liées à la téléphonie mobile). Avec la parution en septembre 1999 du décret

n° 99/210, CAMTEL est officiellement ouverte à la privatisation.

Ainsi, au début des années 2000, deux tentatives de privatisation sont menées : l'une par

l'opérateur sud-africain Telecel (en 2001) et l'autre par un consortium d'actionnaires sud-

africains, tunisiens, zimbabwéens et camerounais, conduit par British Telecom (en 2002). Mais

ces deux tentatives échouent. CAMTEL en effet doit faire face à de nombreux problèmes qui

découragent les éventuels repreneurs. Premièrement, l'opérateur public a récupéré les dettes de

la défunte INTELCAM ; deuxièmement, en raison de la procédure de privatisation, l'Etat

camerounais a décidé d'arrêter tout investissement, ce qui a accéléré la dégradation d'un

matériel déjà ancien et précaire, soumis à de fortes contraintes climatiques (chaleurs et pluies) et

cible de nombreux vols et « bricolages » (sur lesquels nous reviendrons) ; enfin, il doit faire face

au développement de la téléphonie mobile. En 2002, l'annonce d'une augmentation de ses prix

de 100 %, afin de trouver des ressources financières, fini de nuire, dans l'opinion publique, à

son image. Pour Joseph Ndjon, « on était entre le marteau et l'enclume ».

En mai 2003, les institutions financières internationales concèdent un moratoire de deux ans

pour la privatisation de CAMTEL (Chendjou, 2005) et l'Etat vote un Programme

d'Investissement Minimum (PIM) de 26 milliards de F. CFA afin d'améliorer l'attractivité de

l'opérateur. Ce programme lui permet alors de se lancer dans un certain nombre de projets

parmi lesquels la création du CTphone et la modernisation de son réseau.

46

Page 47: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Commercialisé depuis 2006, le CTphone est un service de téléphonie basé sur la technologie

CDMA39. La volonté initiale était de créer une sorte de « téléphone fixe sans-fil » afin de

pouvoir « atteindre les quartiers les plus reculés des zones urbaines » (entretien avec Joseph

Ndjon, CAMTEL, mars 2009) non desservis par la téléphonie fixe. Toutefois avec le temps,

cette offre s'est transformée en une offre de téléphonie mobile, ce qui met mal à l'aise les

autorités en charge des télécommunications, CAMTEL n'ayant pas demandé de licence de

téléphonie mobile. Pour les opérateurs de téléphonie mobile, il s'agit là d'une « concurrence

déloyale » (entretien avec François de Sales Enyegue, ART, mars 2009). Nous ne nous

attarderons pas dans ce travail sur cette offre qui ne représente, selon les dernières statistiques

rendues publiques, que 1,36 % des abonnés à un service de téléphonie mobile (45 114 abonnés

contre 1 857 425 pour MTN Cameroon et 1 460 000 pour Orange Cameroon).

Malgré cet engagement financier de l'Etat à travers le PIM, le nouvel appel d'offres émis en

2006 en vue de la privatisation de CAMTEL a été déclaré « infructueux » en janvier 2009.

L'Etat a alors déclaré vouloir s'engager dans une autre voie, celle du partenariat public – privé,

avec la création d'un côté d'une société, détenue en majorité par l'Etat, en charge des

infrastructures (et dont le nom a déjà été trouvé : la Société d'Infrastructures de transmission

des Télécommunications du Cameroun (SITELCAM)) et une autre, détenue en majorité par le

secteur privé, en charge des services et de leur commercialisation. Un appel d'offres dans ce

sens devrait être émis dans les prochains mois (entretiens avec Robert Nkuipou, MINPOSTEL

& François de Sales Enyegue, ART, mars 2009).

A l'heure où nous rédigeons, l'opérateur historique CAMTEL est ainsi toujours en situation de

monopole public sur le marché de la téléphonie fixe. Le marché de la téléphonie mobile (hors

CDMA) est, quant à lui, privatisé et libéralisé : y opèrent MTN Cameroon et Orange

Cameroun.

La téléphonie mobile

Arrivée en 1994 au Cameroun avec l’introduction de la technologie GSM (Chéneau-Loquay,

2001), la téléphonie mobile est alors gérée par l'Etat camerounais via la Direction des

Télécommunications du MINPOSTEL, et ce jusqu'en 1998.

47

39 CDMA 2000 1x

Page 48: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Quand naît CAMTEL, les activités de téléphonie mobile de la Direction sus-citée sont

regroupées dans la société Cameroon Telecommunications Mobile (CAMTEL Mobile).

Egalement portée à privatisation en juin 1999, CAMTEL Mobile trouve vite preneur,

contrairement à CAMTEL. Il s'agit de l'opérateur sud-africain MTN (qui crée une filiale

dédiée : MTN Cameroon) qui commercialise ses premiers produits en 2000.

Dans le même temps, en juillet 1999, la Société Camerounaise de Mobiles (SCM), créée par

France Télécom, obtient une licence de téléphonie mobile. La commercialisation de ses

premières offres, sous le nom de Mobilis, débute le 31 janvier 2000. SCM - Mobilis deviendra

par la suite Orange Cameroun.

D'un point de vue technique, l'installation des opérateurs de téléphonie mobile se fait sur la

base des équipements de CAMTEL qui a l'exclusivité sur les infrastructures de transport. Ainsi

il n'est pas étonnant qu'à l'échelle nationale et régionale, le déploiement de la téléphonie mobile

se révèle toujours discriminant en privilégiant les espaces urbains au détriment des espaces

ruraux, car les infrastructures de base sur lesquelles les opérateurs se reposent les obligent à

adopter ce schéma. Ils ont tout de même pu s'en extraire quelque peu en obtenant à leur

demande, ce qu'il convient de souligner, des dérogations afin de pouvoir établir sur certains

segments leurs propres infrastructures ; infrastructures dont CAMTEL deviendra à terme

propriétaire. Grâce à cela, au fait que le déploiement du mobile coûte considérablement moins

cher que celui du fixe et que le service est bien moins onéreux pour l'usager, le Cameroun a

connu une importante augmentation de sa télédensité à l’instar de l’ensemble du continent

africain (UIT, 2008).

Comme l’illustre le tableau ci-dessous (encadré n° 7), le nombre d’abonnés à un service de

téléphonie mobile pour 100 habitants est passé de 6,62 en 2003 à 24,45 en 2007. Mais étant

donné l’ampleur du phénomène des « call-box », sur lequel nous reviendrons plus tard, ces

chiffres ne rendent compte que partiellement de la pénétration du téléphone portable40 dans la

société camerounaise.

48

40 Nous emploierons indifféremment les termes « mobile » et « portable ».

Page 49: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Encadré n° 7 - Evolution du nombre d’abonnés à la téléphonie mobile (% hab.)

2003 2004 2005 2006 2007

6,62 9,39 13,80 18,89 24,45

Source : UIT, 2008

La forte croissance de la téléphonie mobile s’explique notamment par le rejet d’une téléphonie

fixe coûteuse, de mauvaise qualité et dont la possession ne peut être obtenue qu’en faisant appel

à des réseaux clientélistes. C’est d’ailleurs ce qui explique, en partie, que l’Internet n’a pas pu se

développer aussi rapidement que la téléphonie mobile en raison de sa grande dépendance aux

lignes de téléphonie fixe.

L’Internet

Avant l’arrivée d’Internet au Cameroun en 1997, deux réseaux « pré-internet » (expression

empruntée à M. Jensen par Bernard, 2003) ont existé : un basé sur le protocole UUCP41 et

l’autre sur le protocole Fidonet.

Les données regroupées par Larry Landweber et son réseau de correspondants de 1991 à 1997

dans le cadre de son programme « International Connectivity » permettent de retracer

l’historique de la connexion du Cameroun aux différents réseaux (encadré n° 8).

Encadré n° 8 - Evolution de la connectivité du Cameroun

1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997

UUCP - - + + ++ ++ ++

Fidonet - - - - + + +

Internet - - - - - - opérationnel

Légende : (-) absent ; (+) peu répandu ; (++) répandu

La première connexion du Cameroun à un réseau, en l’occurrence sur un protocole UUCP, a

lieu en 1992 (enregistré par Larry Landweber en 1993). Il s’agit de la connexion au réseau créé

par l’Orstom42, le RIO (entretien avec A. Bopda, géographe, mars 2009 ; encadré n° 9).

49

41 Unix to Unix Copy Protocol

42 Devenu Institut de Recherche pour le Développement (IRD).

Page 50: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Encadré n° 9 - Le RIO de l’ORSTOM

Idée émise en 1986 dans le cadre de son schéma directeur, l’Orstom réalise l’interconnexion en

1988 de ses centres de Bondy, Montpellier, Brest et Nouméa. Naît alors le « Réseau

Informatique de l’Orstom ». Dès 1989, ce réseau s’étend au continent africain (Renaud, 1994 ;

Bernard, 2003). Le Cameroun le rejoint en 1992, lorsque le RIO devient, à l’occasion du

Sommet de la Terre, le « Réseau Intertropical d’Ordinateurs ».

Si à ses débuts la connexion du Cameroun au RIO se fait grâce à un routage UUCP via RTC43,

le système évolue vers un routage UUCP via X25 suite à la la création du CAMPAC44 en 1995.

Les trois partenaires du RIO au Cameroun sont l’Université de Yaoundé 2, l’Ecole Nationale

Supérieure Polytechnique (ENSP) et l’Organisme de Coopération et de Coordination pour la

lutte contre les Grandes Endémies en Afrique centrale (OCCGE) (Renaud, 1994).

Le Cameroun s’est également connecté à un autre réseau basé sur le protocole UUCP, le Réseau

Informatique Régional pour l’Afrique (RINAF), créé par le Programme Intergouvernemental

d’Informatique (PII) de l’UNESCO en 1992 (voir Jensen, 1998).

Entre 1994 et 1995, le Cameroun voit sur son territoire se mettre en place deux autres réseaux,

basés sur Fidonet, protocole qui convient bien aux lignes de téléphone fixe de qualité médiocre

(Desbois, 1998) : Healthnet, réservé aux professionnels de santé (réseau mis en place par

l’organisation SatelLife de 1989 à 1997), et Camfido. Ces deux réseaux sont hébergés par

l’ENSP dans son centre de recherche Automation Control Laboratory.

Enfin, nous pouvons également souligner la participation du Cameroun au Réseau

Francophone de l’Education et de la Recherche (REFER), réseau créé en 1994 par l’Association

des Universités Partiellement ou Entièrement de Langue Française (AUPELF - devenu

l’Agence Universitaire de la Francophonie).

Le Cameroun passe en full IP (connexion Internet) en 1997, précisément le 5 avril, avec

l’installation d’un noeud d’accès international à Yaoundé (inauguré officiellement en février

1998). Il est suivi en avril 1999 de l’installation à Douala d’un second noeud (Ewangue, 2003,

50

43 RTC : Réseau Téléphonique Commuté

44 Cameroon Packet Switching Network. Géré par l’opérateur historique, il s’agit du réseau à commutation par paquet basé sur le protocole X25. Le débit offert s’élève à 64 Kbits. (Onguene Essono, 2004).

Page 51: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

p. 70 ; Onguene Essono, 2004, p. 8 ; Isséri, 2006). Ces deux noeuds sont des centres de

télécommunications par satellite : celui de Yaoundé est relié au fournisseur américain MCI45

(Onguene Essono, 2004, p. 9 ; Matchinda, 2006, p. 5) et celui de Douala est relié à l’opérateur

TeleGlobe.

La connectivité du pays s’améliore sensiblement avec l’arrimage au câble sous-marin SAT3/

WASC46 en 2002 (Isséri, 2006) qui lui offre un débit de 2,5 gigabits. Détenu en majorité par des

opérateurs historiques, le Cameroun est co-propriétaire de ce câble via l’opérateur public

CAMTEL (près de 15 milliards de francs CFA ont été investis pour cela, auxquels il convient

d’en ajouter 3 pour la partie terrestre avec la mise en place de la fibre optique le long du

pipeline Tchad - Cameroun).

S’il s’agit actuellement de la seule connexion à un câble sous-marin, trois autres connexions

devraient être mises en place d’ici 2011 : Infinity, ACE et WACS (encadré n° 10).

51

45 Filiale de Worldcom, revendue la même année à Cable & Wireless.

46 South Atlantic Telecommunications cable n°3 / West African Submarine Cable. Mis en chantier en 1999, il est achevé en 2002. Sa capacité est de 120 gigabits. Il va du Portugal à l’Afrique du Sud, en desservant huit pays africains : le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Bénin, le Nigeria, le Cameroun, le Gabon et l’Angola. En Afrique du Sud, il est relié au câble SAFE (South Africa - Far East) qui s’étend jusqu’à la Malaisie (en desservant l’Inde, l’île Maurice et la Réunion) (Bernard, 2003).

Page 52: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Encadré n° 10 – Trois projets de câble sous-marin vers le Cameroun

Infinity : il s’agit d’un projet de câble porté par la société américaine Infinity Worldwide

Telecom Group of Companies (IWTGC). Sa capacité annoncée est supérieure à 1 terabit, pour

10 gigabits minimum par pays. Ce projet se présente comme un véritable concurrent du SAT3/

WASC. Il devrait s’étendre sur 14 000 kilomètres et desservir, dans un premier temps, le

Portugal, le Sénégal, le Ghana, le Nigeria, le Cameroun et l’Angola, puis ensuite se densifier

avec les Iles Canaries, la Mauritanie, la Gambie, la Guinée Bissau, la Sierra Leone, le Liberia, la

Côte d’Ivoire, le Togo, le Bénin, la Guinée Equatoriale, Sao Tomé et Principe, le Gabon, le

Congo, la République Démocratique du Congo et la Namibie. Par ailleurs, des études de

faisabilité sont menées en vue de la réalisation de liens terrestres vers le Niger, le Mali et le

Burkina-Faso. Il devrait être opérationnel fin 2010 (Osiris, 2008).

ACE (Africa Coast to Europe) : ce projet de câble sous-marin de fibre optique porté par

France Telecom - Orange devait, dans un premier temps, d’ici 2011, sur une longueur de 12 000

kilomètres, desservir la France, le Portugal, le Maroc, la Mauritanie, le Sénégal, le Cap-Vert, la

Gambie, la Guinée Bissau, la Guinée, la Sierra Leone, le Liberia, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le

Togo, le Bénin, le Nigeria, le Cameroun et le Gabon. Le 9 juin 2009, l’entreprise française a

annoncé l’extension du câble jusqu’en Afrique du Sud. La connexion au Cameroun se fera via

l’opérateur Orange Cameroun (Orange, 2008 ; 2009).

WASC (West African Cable System) : d’une capacité totale de 3840 gigabits, ce projet de

câble sous-marin est porté par un consortium conduit par Broadband Infraco, société d’économie

mixte sud-africaine. Il devrait desservir l’Angleterre, le Portugal, les Iles Canaries, le Cap-Vert, la

Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo, le Bénin, le Nigeria, le Cameroun, le Congo, la République

Démocratique du Congo, l’Angola, la Namibie et l’Afrique du Sud. Sa mise en place est prévue

pour 2011.

52

Page 53: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Encadré n° 10 (suite) – Trois projets de câble sous-marin vers le Cameroun

Cartographie des câbles sous-marins à destination de l'Afrique en 2011

NB : Le projet de câble Infinity ne figure pas sur cette carte.

Source : ManyPossibilities.net, 2009

Sur cette carte, nous voyons que deux autres câbles passeront à proximité du Cameroun sans

toutefois le desservir : le câble Main One, d’une capacité totale de 1,28 terabit, et le câble Glo-1,

d’une capacité totale de 640 gigabits.

Les responsables camerounais placent beaucoup d’espoir dans ces nouvelles connexions pour

diffuser l’Internet dans la société qui, comme le montre l’encadré n° 10, est toujours faible.

s

53

Page 54: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Encadré n° 11 - Evolution du nombre d’internautes au Cameroun (% hab.)

2003 2004 2005 2006

0,62 1,04 1,53 2,23

Source : UIT, 2008

Après avoir dressé ce bref portrait du Cameroun dans la « société de l’information », dont nous

avons résumé les principales statistiques dans le tableau ci-dessous (encadré n° 11), nous allons

dans la deuxième section de cette partie nous intéresser plus précisément aux stratégies des

acteurs du secteur TIC au sein de la ville de Yaoundé.

Encadré n° 12 - Le Cameroun dans la société de l’information (en 2008)

Radio% des ménages

Télévision% des ménages

Tél. fixenbe de lignes de tél. fixe pour 100 hab.

Tél. mobilenbe d’abonnés pour 100 hab.

Internetnbe d’internautes pour 100 hab.

Cameroun 65,8 25,1 0,79 24,45 2,23

Afrique subsaharienne

58,6 23,3 1,65 18,28 3,23

Afrique 60,5 29,5 3,77 27,48 5,34

Classement du Cameroun

20e 23e 33e 23e 27e

Source : UIT, 2008

54

Page 55: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

2.2. Les stratégies des acteurs du secteur TIC : « service universel »

ou « cherry picking » ?

Dans ce développement des TIC, les espaces urbains sont, comme nous l’avons évoqué,

privilégiés, à l’instar de Yaoundé qui de plus jouit de son statut de capitale politique. Toutefois,

au sein même de ces espaces des inégalités de desserte existent.

2.2.1 La téléphonie mobile : la « rente de situation » de Mvog Ada

Comme nous l’avons souligné précédemment, la téléphonie fixe camerounaise se caractérise, à

la veille de l'indépendance, par sa très forte extraversion infrastructurelle mais également par sa

diffusion quasi-nulle dans la société locale (entretien avec Joseph Ndjon, CAMTEL, mars

2009). Construit et géré par la France, ce réseau est en effet conçu comme « un outil pour le

commerce entre la colonie et la métropole » à l'instar de ce que Jacques Kiambu (2006, p. 183)

observe en République Démocratique du Congo. Le téléphone est ainsi réservé aux militaires,

administrateurs coloniaux et marchands (ex : la manufacture de tabac Bastos), c'est-à-dire

principalement aux centres-villes de Yaoundé et Douala au détriment des villages et « quartiers

indigènes » (parmi lesquels Mvog Ada).

On aurait pu penser qu’avec la reprise en main du secteur par l’Etat, le développement du

réseau se fasse de manière plus équilibrée. Un article d'Athanase Bopda paru en 1998 permet

d'avoir une bonne idée de l'état du réseau de la téléphonie fixe de Yaoundé à la veille de la

« restructuration » du secteur des télécommunications. La ville compte alors environ 9400 lignes

(pour une population estimée, en l'an 2000, à 1,8 million). L'auteur souligne que « le coût du

seul raccordement a toujours été et reste hors de portée pour la grande majorité [...]. De 6 000

F CFA en 1963, il est passé à 20 000 F CFA en 1981. Depuis 1986, il est de 30 000 F CFA. »

Ainsi, « l'accès au téléphone est toujours un 'accès réservé' ». Par ailleurs, A. Bopda insiste sur le

fait que le déploiement a été pensé « essentiellement en fonction du pouvoir d'achat des

populations résidentes et selon la concentration des activités du secteur de l'économie

moderne». Ainsi, ce déploiement « a privilégié les quartiers centraux (Centre commercial et

Plateau administratif), individuels (Olézoa, Ndavouth, Ekounou) et résidentiels aisés (Bastos,

Omnisport) au détriment des quartiers d'habitat précaire denses et animés par les actifs du

secteur informel. » (Bopda, 1998).

55

Page 56: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Joseph Ndjon, de la Direction du Réseau National et des Infrastructures chez CAMTEL, nous

dresse un constat similaire lors de notre entretien : « Le téléphone était devenu [à l'époque de la

création de CAMTEL] un instrument difficile à atteindre par les couches les plus nombreuses,

et très sélectif. Le déploiement du filaire n'était pas partout. On avait certains quartiers où l'on

n'avait pas de possibilités parce qu'il fallait faire du génie civil, faire tirer des câbles de grosse

capacité, construire des infrastructures de desserte.. ça coûte énormément cher. On a ainsi

privilégié les zones commerciales, les zones administratives et les quartiers résidentiels up-

standing. C'est le cas de Bastos à Yaoundé, de Santa Barbara, et des autres, tracés, comme

Biyemassi et Cité Verte, où la mairie avait fait des plans d'urbanisation. » Par ailleurs, la nécessité

de faire appel à des réseaux clientélistes pour obtenir une ligne favorise les personnes au rang

social élevé.

Ainsi, si le réseau s'était nettement étendu depuis l'époque coloniale, le caractère initialement

inégalitaire de son déploiement s'était perpétué.

Il convient cependant de ne pas faire une lecture trop rapide de ce que nous venons d'énoncer

et conclure - en ce qui concerne nos deux quartiers d'étude - à un Bastos bien équipé et à un

Mvog Ada non équipé. En réalité, dans ce système de déploiement inégal de la téléphonie fixe,

Mvog Ada a bénéficié de sa localisation (péri)centrale dans l'espace urbain. En effet, étant

donné sa proximité immédiate avec un centre-ville bien équipé et sa position sur la trajectoire

des câbles de transport souterrains desservant des quartiers plus en périphérie, comme Essos

ou Mimboman (quartiers lotis par la puissance publique), la mise en place d'un sous-répartiteur

à son niveau ne représentait pas un investissement trop important pour l'opérateur (entretien

avec Joseph Ndjon, CAMTEL, mars 2009). D'une capacité de 900 lignes, ce sous-répartiteur fut

d'ailleurs rapidement saturé à plus de 80 % (Bopda, 1998).

Par la suite, avec l’arrêt des investissements consentis par l’Etat en vue de la privatisation de

CAMTEL, cette situation n’a pu être améliorée et la modernisation du réseau prévue par le

PIM (adopté en 2003) n'a pas encore eu lieu à l'heure où nous écrivons ces lignes mais devrait

débuter dans les prochains mois. D'un point de vue technique, il s'agit de remplacer les câbles

multipaires souterrains actuels par de la fibre optique afin de pouvoir offrir à l'usager du

« multi-services » à savoir de la téléphonie ordinaire, une connexion Internet haut débit et la

télévision haute définition (entretien avec Robert Nkuipou, MINPOSTEL, mars 2009). Etant

donné que ces services, bien que les prix ne sont pas encore connus, ne seront pas accessibles à

tous financièrement et que CAMTEL souhaite obtenir un certain retour sur investissement, les 56

Page 57: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

travaux vont se faire de manière très localisée : « Nous allons privilégier les quartiers

commerciaux et les camps administratifs, les quartiers up-standing. C'est par là que nous

commencerons car le but c'est d'offrir à l'usager plusieurs services à la fois. C'est après qu'on

s'étendra dans les zones.. On commence toujours par les quartiers les plus huppés. » (entretien

avec Joseph Ndjon, CAMTEL, mars 2009) Ainsi, à l'inverse de Bastos, le quartier de Mvog Ada

ne sera pas concerné par ces travaux dans un premier temps. Mais comme nous venons de le

voir, sa position (péri)centrale ne l'en exclut pas ad æternam.

Par ailleurs, avec le développement très important de la téléphonie mobile, nous remarquons que

la téléphonie fixe a eu tendance à régresser au point qu'au premier trimestre 2007 son nombre

d’abonnés est inférieur à celui enregistré en 1998 (ART, 2007, p. 2). Ce recul de la téléphonie

fixe est très sensible à Mvog Ada : la saturation constatée à la fin des années 1990 n'est plus au

rendez-vous ; à Bastos, au contraire, le réseau fixe CAMTEL continue à être très utilisé

(entretien avec Joseph Ndjon, CAMTEL, mars 2009).

2.2.2. La téléphonie mobile : un déploiement similaire à Bastos et Mvog

Ada ?

Dans le domaine de la téléphonie mobile, la ville de Yaoundé a été très rapidement couverte

avec un raisonnement de la part des opérateurs moins en termes de revenus des populations

qu'en termes de densité de trafic.

Ainsi, chez l'opérateur Orange Cameroun, la ville de Yaoundé est divisée en trois zones

correspondant à trois catégories de densité de trafic : le « très dense », le « dense, et le « moins

dense ». C'est sur la base de ces trois zones que le déploiement et l'amélioration du réseau est

pensé ((image n° 6).

57

Page 58: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Image n° 6 – Carte de densité de trafic dans la ville de Yaoundé

Source : Orange Cameroun, 2006, p. 27

Nous remarquons ainsi sur cette carte que Bastos et Mvog Ada sont dans une situation à peu

près similaire : le premier est en « zone dense » quand le deuxième est à la fois en « zone dense »

et « zone très dense ». A l'usage, comme nous avons pu nous-même nous en rendre compte,

effectuer un appel est cependant plus aisé à Bastos. En effet, ce dernier bénéficie de sa situation

topographique, en hauteur, avec une visibilité directe sur les relais de communications du mont

Mbankolo. Par ailleurs son relief lui permet d'avoir un motif cellulaire relativement régulier

avec l'utilisation de sites GSM trisectorisés classiques (images n° 7 et n° 8). A l'inverse, à Mvog

Ada, le signal doit faire face à de nombreux obstacles et le maillage en micro-cellules qui s'en

suit, comme en témoignent les antennes visibles dans le paysage (image n° 9), est à l'origine

d'un certain nombre d'interférences.

58

Bastos

Mvog Ada

Page 59: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Image n° 7 – A Bastos : des sites GSM trisectorisés

Légende : au centre de la photographie, en rouge, un relais GSM composé de trois antennes-panneaux

directionnelles, constituant ainsi un site GSM trisectorisé.

Source : Arthur Devriendt, mars 2009, Yaoundé

Image n° 8 – Schéma de sites GSM trisectorisés

Légende : ce schéma représente un motif GSM régulier. Chaque couleur correspond à un site trisectorisé.

Source : Delmas, 2006, p. 40

59

Page 60: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Image n° 9 – A Mvog Ada : des sites GSM monosectorisés

Légende : trois relais GSM constitués chacun d'une antenne-panneau directionnelle, témoins d'une organisation

en micro-cellules. Le schéma précédent est ainsi complexifié d'où une plus grande difficulté dans la gestion du

plan de fréquences.

Source : Arthur Devriendt, mars 2009, Yaoundé

Il convient également de nuancer les affirmations des opérateurs - qui se font généralement

dans le cadre de campagnes publicitaires - selon lesquelles la couverture de la ville de Yaoundé

serait totalement assurée. Comme s'interroge François de Sales Enyegue de l'Autorité de

Régulation des Télécommunications lors de notre entretien : « où sont les limites de la ville ? »

Sur la carte en effet, nous observons un découpage pour le moins particulier de ses périphéries.

Ainsi, la quasi-totalité du sud de Yaoundé, qualifié dans le Plan Directeur d'Urbanisme de

« rural et forestier » (p. 34) mais intégré aux limites de la Communauté Urbaine (Yaoundé 3),

n'est pas pris en compte par l'opérateur.

2.2.3. Internet et les nouveaux services mobiles : la situation privilégiée

de Bastos

Face à un réseau de téléphonie fixe défaillant, mais soucieux de se positionner sur le marché de

l'Internet, les opérateurs CAMTEL, MTN Cameroon et Orange Cameroun se sont lancés dans

l'Internet mobile. Différentes technologies ont été retenues : CDMA chez CAMTEL47 (cf.

60

47 Nous pouvons également faire référence à Ringo, Founisseur d'Accès à Internet rentré récemment sur le marché, dont les publicités sont très présentes dans la ville, et spécialisé dans l'Internet sans-fil grâce à la technologie CDMA.

Page 61: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

infra) EDGE48 chez Orange Cameroun et MTN Cameroon et enfin le WIMAX49, chez les trois

opérateurs.

En ce qui concerne la norme EDGE, il s'agit d'une évolution du réseau GSM. Elle fonctionne

donc sur les infrastructures de ce dernier mais oblige, du côté de l'opérateur, à changer les

stations de base et, du côté de l'utilisateur, à acquérir un terminal compatible (soit un téléphone

soit une clé USB). Etant donné les investissements que cela engendre et l'attrait limité que

représente cette technologie du fait de ses coûts élevés pour les usagers50, MTN Cameroon et

Orange Cameroun opèrent selon une logique de « déploiement en hot spot51 » à l'intérieur même

de la ville de Yaoundé (Orange Cameroun, 2006, p. 39). Dans ce cadre, en ce qui concerne nos

deux quartiers d'étude, Bastos est privilégié, d'autant que sa topographie permet une efficacité

du réseau EDGE. Au contraire, le quartier Mvog Ada n'est pas du tout prioritaire et, à l'inverse

du système de la téléphonie fixe dans lequel il possédait en quelque sorte une « rente de

situation », il ne constitue ici aucunement un passage obligé pour atteindre d'autres quartiers

étant donné que le déploiement se fait en « aérien ».

Le déploiement du CDMA et du WIMAX soulève grosso modo les mêmes observations et

interrogations.

Il convient de souligner que les débits, ascendants et descendants, offerts par ces formules de

l'Internet mobile sont très faibles au regard des capacités exigées par le web actuel. Pour y

répondre, une autre voie existe : l'Internet par câble. Cette formule n'est pas proposée par les

grands opérateurs que sont CAMTEL, Orange Cameroun ou MTN Cameroon, mais est

l'oeuvre de petites entreprises de câblodistribution qui, en plus de la distribution des images

télé, se sont lancées dans l'Internet.

Comme nous l'avons signalé précédemment, la plupart de ces câblodistributeurs officient dans

l'illégalité. Toutefois, dans une « démarche d'assainissement » (Blaise Akono, 2009), le

61

48 Enhanced Data rate for Gsm Evolution.

49 Worldwide Interoperability for Microwave Access.

50 Chez Orange Cameroun l'achat d'une clé USB EDGE s'élève à 39 500 F CFA en plus d’un abonnement et chez MTN Cameroon, le forfait illimité est à 25 000 F CFA/mois ou 500 F CFA/heure de connexion plus 1000 F CFA par Mo téléchargé.

51 A savoir des « points chauds » du marché. A ne pas confondre avec les « hotspots » qui sont des points d’accès à Internet sans-fil (Wi-Fi).

Page 62: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

MINCOM et la CUY ont retenu en mars 2006 huit opérateurs et ont procédé à une

« zonification » de leurs activités par arrondissement (entretien avec Robert Medjo Eko,

MINCOM, février 2009). Ainsi, à Yaoundé 1 (arrondissement dans lequel se situe Bastos)

opèrent officiellement Télé Sat et MegaHertz et à Yaoundé 5 (arrondissement dans lequel se

situe Mvog Ada) MireWorld. Entre ces trois opérateurs, seul MegaHertz (encadré n° 12)

propose l'Internet par câble. Et, dans nos deux quartiers d’étude, aucun acteur non reconnu par

les autorités ne semble s'être lancé dans cette voie.

Encadré n° 13 – MegaHertz, portrait d'un câblodistributeur

Aujourd'hui fournisseur d'accès à Internet et distributeur de télévision numérique, MegaHertz,

société camerounaise privée, a commencé ses activités en 1992. A l'époque, l'entreprise réalise

seulement de la télédistribution par câble et pour cela s'installe à Bastos : « Vous avez un

produit d'une certaine catégorie, il faut aller là où les gens peuvent l'acheter a priori. Ça s'est

vulgarisé aujourd'hui mais au début, c'était plus facile de vendre vos images télé à Bastos car la

majorité de nos clients potentiels étaient ici. Il y a beaucoup de diplomates beaucoup de hauts

fonctionnaires. C'est un peu le quartier bourgeois. On est allé là d'abord où les gens vont

acheter notre produit. »

L'installation de MegaHertz à Bastos est due également à la proximité avec le mont Mbankolo

et ses relais de télécommunication que nous avons déjà soulignée précédemment.

L'entreprise commence donc à déployer en aérien, sur des pylônes de sa fabrication et dont elle

détient le brevet, son câble coaxial. Le déploiement se fait de la façon suivante : « On va là où

on demande, on n'est pas costaud, on n'a pas de financements. On n'a pas reçu de gros

financements pour dire "On câble partout ! et ensuite si les gens veulent venir..". On va d'abord

vers ceux capables de payer. Par exemple on a un paquet de 10 maisons qui peuvent payer alors

on investit chez eux et s'il y en a 5 qui s'abonnent c'est bien. »

Avec le temps, MegaHertz doit faire face à une concurrence de plus en plus grande avec une

forte augmentation du nombre de câblodistributeurs, qu'ils soient officiels ou non. Son

dirigeant décide alors, au tournant des années 2000, de se diversifier et se lance dans l'Internet.

62

Page 63: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Encadré n° 13 (suite) – MegaHertz, portrait d'un câblodistributeur

Pour cela, l'entreprise procède à l'achat d'un équipement particulier : le cable modem termination

system ou système de terminaison par modem-câble, qui permet de fournir l'Internet à travers

son réseau de câbles coaxiaux.

Les débits proposés aux clients (tous en full-duplex) varient selon les formules d'abonnement,

entre 128 Ko minimum à 25 000 F CFA par mois et 1 Mo minimum à 200 000 F CFA par mois.

Pour l'entreprise, qui propose également des offres sans-fil, les avantages du câble sont

multiples : « Le WIMAX, c'est vrai, est plus facile à déployer, il permet d'atteindre des grandes

distances, mais le câble c'est plus stable. Quand vous faîtes du câblage c'est plus lourd, c'est plus

lent qu'un opérateur WIMAX. Mais il se déploie sûrement. Quand un abonné vient, il faut aller

chez lui passer le câble, parce que beaucoup de maisons ici n'ont pas prévu le câblage interne

télé et Internet. Vous devez faire un peu de génie civil, un peu d'électricité, un peu

d'électronique.. Il va falloir faire un trou, parfois passer par le plafond.. c'est pas comme un

abonnement GSM où vous mettez une puce et – hop ! - ça marche. [...] Pour nous le sans-fil

c'est beaucoup de soucis, je ne le cache pas. C'est-à-dire que sur 100 clients, les 20 clients

WIMAX posent beaucoup de problèmes. Parce que c'est sujet aux intempéries, c'est sujet au

brouillage..la ville de Yaoundé étant très sujette au relief, le câble reste la solution la plus

simple. »

Entretiens avec Joseph T. Koupou et Stéphane Tentdoh, mars 2009, Yaoundé

Nos deux quartiers d'étude, Bastos et Mvog Ada, contrastent donc en matière d'équipement en

TIC. Toutefois, à travers les différents éléments que nous avons soulevé (entre autres la

dimension historique particulière, le monopole public dans la téléphonie fixe et la localisation

dans l'espace urbain), la grille de lecture proposée par les tenants du « splintering urbanism »

semble devoir être largement à nuancer.

Cependant, il nous semblait important de ne pas nous arrêter à l'étude du déploiement des

infrastructures par les opérateurs du secteur, ce qui aurait témoigné d'une approche par trop

déterministe et univoque, mais de nous intéresser également aux « stratégies populaires

d'accès » aux nouvelles technologies mises en place et utilisées par les populations.

63

Page 64: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

3. Stratégies d’accès aux TIC à Bastos et Mvog Ada

« Où se côtoient et s'imbriquent certaines formes d'hypermodernité technologique et les bricolages

de la précarité : le téléphone sans l'eau courante, l'ordinateur dans le taudis... »

Jean-Paul Deler, 1998, p. 148

Nous ne pouvions, en effet, pour traiter de la fragmentation urbaine par les TIC, nous arrêter à

l’étude des opérateurs du secteur car cela aurait sous-entendu une certaine inaction de la part

des individus. Or comme s’est attaché à le montrer Michel De Certeau (1990, p. XXXV), ces

derniers ne sont pas « voués à la passivité et à la discipline » face aux produits et aux outils

techniques. Selon Annie Chéneau-Loquay (2008, p. 46) nous avons, dans le domaine des TIC,

plus affaire à des « usagers » qu’à des « utilisateurs ».

Nous observons ainsi à Yaoundé un certain foisonnement créatif et une multitude d’« arts de

faire » (De Certeau, 1990) qui sont autant de « stratégies populaires d’accès » aux nouvelles

technologies. L’objectif de cette partie est de présenter celles mises en œuvre et utilisées par les

populations de Bastos - « Kosovo » et de Mvog Ada et de voir comment elles s’insèrent dans le

tissu urbain.

3.1. Piratages et bricolages

Avant de nous intéresser aux seules TIC, il nous semble important de présenter les stratégies

mises en place par les habitants de Mvog Ada et de Bastos - « Kosovo » dans les domaines de

l’eau et de l’électricité.

3.1.1. La question de l’accès à l’eau et à l’électricité

A Mvog Ada et Bastos - « Kosovo », les habitants connaissent des difficultés pour accéder à

l’eau potable et à l’électricité ; deux secteurs dont la privatisation n’a en rien amélioré l’efficacité

(Courade, 2003) mais au contraire a amené, selon l’ensemble de nos interlocuteurs, à une

augmentation des prix et à une baisse de la qualité du service. Par ailleurs, nous retrouvons là

aussi le clientélisme selon lequel pour bénéficier de ces services il convient d’avoir des relations

au sein des entreprises concernées.

64

Page 65: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Mvog Ada et Bastos - « Kosovo » : deux modes d’accès différents à l’eau potable

A Mvog Ada et à Bastos - « Kosovo », très peu de personnes sont reliées directement au réseau

d’eau de la CAMWATER. Dès lors, l’accès s’y fait de manière détournée.

Ainsi à Mvog Ada, l’approvisionnement en eau potable de la majorité de la population se fait

auprès des « robinets » de la minorité abonnée. Il s’agit d’un véritable commerce avec un prix

qui, pour 10 litres (soit un seau), se situe aux alentours de 20 F CFA ce qui revient pour la

plupart des personnes interrogées à 2000 F CFA par mois (encadré n° 13).

Encadré n° 14 - L’approvisionnement en eau à Mvog Ada (extraits d’entretiens)

« Ce sont les abonnés qui reçoivent les factures. Dans un sous-quartier comme ça, c'est pas tout

le monde qui a un robinet. Eux ils ont deux robinets. Là aussi derrière ils en ont deux. Bon

nous, ceux qui n'ont pas de robinet, c'est là que l’on paie. C'est là que l’on puise. [...] Chaque

matin on est obligé de prendre les bidons d'eau, aller chez le voisin et après on ramène à la

maison. Le pater ça fait six mois qu'il a fait la demande pour avoir l'eau. Il y a même déjà les

tuyaux de canalisation à la maison mais jusqu'à présent ils ne viennent toujours pas. Ils disent

même ça et ils brandissent d'autres raisons en disant que.. Et il y a aussi les coupures d'eau. A

un certain niveau, surtout même vers midi comme ça, on va dire qu'il n'y a plus d'eau. Il n'y a

rien, tu attends mais il n'y a rien. Après, vers 16 heures, ça commence à chuinter doucement

doucement. Et après, vers 19 heures, ça commence à venir. Et la nuit, tout le monde est obligé

de venir, on puise les nuits. Ici c'est surtout la nuit. Ou alors le grand matin. Vers 10 heures, si

vous avez de la chance, ça coule encore. »

Entretien avec Arouna, habitant de Mvog Ada, mars 2009

Pour les habitants de Bastos - « Kosovo », l’accès à l’eau potable ne se fait pas de la même

façon. Les habitants y ont en effet aménagé un puits qui fournit une eau potable où ils peuvent

s’approvisionner en permanence et ce gratuitement (image n° 10).

65

Page 66: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Image n° 10 - La « source » de Bastos - « Kosovo »

Source : Arthur Devriendt, mars 2009, Yaoundé

L’accès à l’électricité : des coupures plus fréquentes à Mvog Ada

Comme le note Xavier Durang dans sa thèse sur Yaoundé, la seule question de savoir si la

population a accès ou non à l’électricité n’est plus discriminante aujourd’hui. La différence entre

les populations se situe au niveau de la méthode d’accès.

A Mvog Ada et Bastos - « Kosovo », il s’agit de branchements « pirates ». Ces branchements

peuvent se faire de deux façons : soit l'abonné est approché par ses voisins afin qu'il autorise un

branchement sur sa ligne moyennant une contribution financière ; soit plusieurs ménages se

mettent ensemble afin de payer un abonnement et en désignent un comme étant l'abonné

officiel auprès de l’AES SONEL avec le compteur principal et les autres se branchent dessus,

installant ou non chez elles un compteur secondaire (afin de mieux gérer les paiements de

chacun). Dans les deux cas, il est à noter que l'abonné est d'accord avec cette pratique.

Les principaux équipements électriques des personnes interrogées consistent en une ou deux

ampoules, un téléviseur, une chaîne-hifi et les chargeurs des téléphones portables. La somme

payée chaque mois par les habitants se situe la plupart du temps aux alentours de 3000 F CFA.

Mais ce système n’est pas sans poser problème (encadré n° 14).

66

Page 67: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Encadré n° 15 - La fixation des prix de l’électricité (extraits d’entretiens)

« On attend la facture qui vient au bout du mois. C'est à partir de là qu'on essaie de voir

combien chacun peut donner. Comme il n'y a pas de taux fixe, ça dépend de la consommation.

[...] Le mois dernier je crois on a payé 3000 - 3600. Mais on consomme quoi ici ? Il y a

l'ampoule que vous voyez là et il y a encore quoi ? On a des appareils mais qui consomment pas

tellement enfin ça ne prend pas toute l'énergie. Bon par contre vous allez rencontrer d'autres

qui ont des ventilateurs qui tournent 24/24, qui ont des fers à repasser, qui ont des

congélateurs, qui ont des appareils, des chauffe-eau, qui ont des climatiseurs même.. vous

voyez ? Et quand vous allez payer, celui-la ce sera 5000 FCFA. Et toi tu viens payer à 3000,

4000 presque. »

Entretien avec Joseph, habitant de Mvog Ada, mars 2009

Si les habitants de Mvog Ada se plaignent de nombreuses coupures de courant, ce qui amène,

du fait des surtensions occasionnées, à la détérioration de leurs équipements, ceux de Bastos -

« Kosovo » soulignent tous la rareté de ce type d’événement. Selon eux, « Kosovo » se trouve

« sur la ligne qui va à Etoudi », à savoir le palais présidentiel situé non loin de là (à 1500 mètres

environ).

Nous retrouvons également cette « extension informelle » (Bopda, 1998) dans le domaine des

TIC mais cette extension tend à disparaître au fur et à mesure des évolutions technologiques.

3.1.2. Face aux évolutions technologiques

Télévision satellite : vers un cryptage des signaux

Les personnes que nous avons rencontrées sont toutes très attirées par les télévisions

étrangères. La télévision nationale, la CRTV, jouit en effet d’une mauvaise image au sein de la

population : « Quand on regarde la CRTV, on a l’impression de revenir trente ans en

arrière. » (entretien avec Essola Landry, habitant de Bastos - « Kosovo », mars 2009). Seules les

séries brésiliennes à l’eau de rose connaissent sur cette chaîne un certain succès. Pour le

sociologue Vincent Sosthène Fouda (2009), « tout se passe comme si la seule véritable ambition

des dirigeants en place dans ces pays était d’enfermer les populations dans une sorte de prison

avec des fenêtres artificielles qui s’ouvrent sur le monde. » (p. 205).

67

Page 68: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Par ailleurs, toutes les personnes interrogées soulignent l’importance d’un regard extérieur

lorsqu’à l’intérieur du Cameroun existe une importante répression de la scène médiatique.

Thomas Atenga (2005) note en effet l’existence d’un « dispositif quasi homogène [de

répression] dont les finalités sont le commandement politique et la conversation du pouvoir

coûte que coûte, et ce au moyen d’un contrôle de type autoritaire des personnes et des espaces

de liberté. » (p. 33)

La télévision satellite a commencé à se diffuser dans la société camerounaise avec la création

dans les années 1990 des premières antennes paraboliques locales par des étudiants et

enseignants camerounais, au sein de la pépinière d’entreprises de l’Ecole Polytechnique de

Yaoundé (entretien avec Joseph T. Koupou, Megahertz, mars 2009). Construites en tôle et en

acier, ces antennes coûtent deux fois moins cher que celles produites à l’étranger (400 000

contre 800 000 F CFA en 1999) (Mattelart, 2002).

Cependant, par leur prix, ces antennes restent toujours réservées à une certaine « élite ». Pour

équiper les populations modestes, il existe alors deux méthodes :

La création de petites antennes : il s’agit d’antennes, créées par les habitants,

composées d’un cadre de ventilateur et de tubes « néon » (image n° 11). Reliées à

l’antenne intérieure du téléviseur, ces antennes sont placées à l’extérieur de l’habitation et

orientées vers une antenne parabolique située à proximité afin de « capter » le signal reçu

par cette dernière. C’est cette méthode - qui permet une réception gratuite des signaux -

qui est privilégiée par les habitants de Bastos - « Kosovo » car ils bénéficient de la

proximité des antennes paraboliques des « grands ».

68

Page 69: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Image n° 11 - Une antenne à Bastos - « Kosovo »

Source : Arthur Devriendt, mars 2009, Yaoundé

« Multiplexer » le signal : il s’agit ici de personnes possédant une antenne parabolique et

un abonnement qui décident de « multiplexer » le signal, selon l’expression employée, et

de l’amener aux populations, sous contrepartie financière (2000 - 3000 F CFA par mois)

en déployant des câbles coaxiaux. C’est ainsi que sont nées de véritables entreprises

informelles de câblodistribution, surnommées les « câblons ». C’est la méthode privilégiée

par les habitants de Mvog Ada en raison du faible nombre d’antennes paraboliques dans

le quartier.

Ayant connaissance de ces pratiques et dénonçant ainsi un piratage « quasi - endémique » (in

Fraternité Matin, 2007) de ses signaux à travers le pays, la société Multi TV Afrique, qui gère

l’exploitation du bouquet de télévision par satellite Canalsat Horizons52 au Cameroun, en

appelle dès le début des années 2000 au Ministère de la Communication afin d’« assénir » le

secteur. N’étant pas entendue, la société décide d’intensifier ses pressions et porte plainte, fin

2007, quelques jours avant le début de la 26e Coupe d’Afrique des Nations de football.

Plusieurs « câblons » se font alors confisquer leur matériel (entretiens avec Joseph T. Koupou,

Stéphane Tentdoh, Megahertz, mars 2009 & Robert Medjo, MINCOM, février 2009). Un grand

nombre de câblodistributeurs décident de se mettre en grève par solidarité menaçant ainsi de

priver la population des retransmissions des matchs de football dans un pays où ce sport est roi

et où chaque prestation de l’équipe nationale est « l’occasion d’une exceptionnelle communion

entre Camerounais. » (Onana, 2004, p. 73) Le Ministère de la Communication en appela alors à

69

52 Version africaine de Canalsat, bouquet de télévision par satellite détenu par la société Canal +.

Page 70: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

la fin de cette grève « afin d’éviter des troubles à l’ordre public » et promit de trouver une

solution qui convienne à tous.

La solution finalement retenue fut la numérisation et le cryptage des signaux, d’ici juillet 2009,

pour un objectif de « sécurisation totale des réseaux » (Blaise Akono, 2008). Cette solution

oblige les câblodistributeurs à une mise à niveau de leurs réseaux, que seuls les plus solides

pourront se permettre, et à l’achat par les abonnés de décodeurs (à 50 000 F CFA actuellement

sur le marché officiel). Ce sont évidemment les populations les plus modestes qui vont subir le

plus fortement ces augmentations de coût. Evidemment, le « piratage » reste possible comme

l’illustre le cas algérien (voir Mekhaldi, 2004) même s’il nécessite de plus en plus de

compétences techniques. On observe le même mouvement dans le domaine de la téléphonie.

De la téléphonie fixe à la téléphonie mobile

A l’époque de la seule téléphonie fixe, « pirater » une ligne afin d’émettre des appels gratuits

était chose assez aisée : cela nécessitait peu de connaissances et peu de matériel, par ailleurs très

simple à se procurer. Effectué surtout la nuit par des jeunes, ce piratage se faisait de la manière

suivante : à l’aide d’une pince coupante, la ligne de téléphone d’un abonné était coupée. Les fils

étaient dénudés puis, à l’aide d’un tournevis, insérés dans une prise sur laquelle on branchait un

terminal téléphonique.

Pour y faire face, CAMTEL a mis en place, au début des années 1990, un système de clé

électronique permettant aux abonnés d’« ouvrir » et de « fermer » leur ligne selon qu’ils

souhaitent l’activer ou la désactiver temporairement. Cela a contribué fortement à la diminution

du « piratage » de la téléphonie fixe ; pratique qui a aujourd’hui quasiment disparue en raison du

développement de la téléphonie mobile (entretien avec Joseph Ndjon, CAMTEL, mars 2009).

Dans ce dernier domaine, le piratage n’est pas aussi aisé. Il requiert en effet plus de

connaissances et de moyens financiers. Cela a conduit à la naissance de ce que nous appelons

une « centralité urbaine liée aux TIC » à savoir l’avenue Kennedy53, dans le centre-ville. A cet

endroit se concentrent en effet une multitude de commerces et d’ateliers spécialisés dans les

nouvelles technologies et dont une des activités principales est le « déblocage » des téléphones

portables.

70

53 A l’instar de la rue Akwa à Douala.

Page 71: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Le « déblocage » d’un téléphone portable est une opération qui consiste à retirer la restriction

empêchant d’utiliser une autre carte SIM que celle de l’opérateur auprès de qui l’appareil a été

acheté. Cette opération est très utilisée au Cameroun où beaucoup de personnes obtiennent

leur téléphone auprès de membres de leur famille ou amis vivant à l’étranger.

Pour réaliser cette opération (dont le prix varie entre 3000 et 10 000 F CFA selon le téléphone),

un ordinateur et une connexion Internet sont indispensables. En effet, le déblocage n’est pas

une intervention « physique » sur le téléphone mais est une action sur le logiciel interne. Cela se

fait donc grâce à un logiciel installé sur un ordinateur auquel le téléphone est relié via un

« box » (à un logiciel correspond un « box »). Quant à la connexion Internet, celle-ci permet la

mise à jour du logiciel afin d’être en mesure de travailler sur les téléphones les plus récents. Tout

cela n’est évidemment pas gratuit : un kit (logiciel et « box »), qu’il soit universel ou spécialisé

dans une marque de téléphone, coûte entre 150 000 et 200 000 F CFA (entretiens avec

Anonymes 7 et 8, mars 2009). Pour éviter les copies « illégales » de leurs programmes, plusieurs

fabricants fournissent également une clé USB d'authentification nécessaire afin d’établir la

liaison avec le serveur. Sans elle, les mises à jour ne sont pas effectuées (encadré n° 15).

Encadré n° 16 - Liste non exhaustive de kits de déblocage

Marque(s) concernée(s)

Nom du logiciel Nom de la boxClé

d’authentification

Toutes Universal Simlock Remover « box » universel non

Nokia JAF JAF oui

Samsung UST PRO 2 UST PRO 2 non

Nokia HWK TORNADO n.c.

Motorola SMART CLIP SMART CLIP oui

Sagem SAGEM DD SAGEM DD non

La connexion Internet permet également de visiter des forums tels que Cheriecom54 ou

Gsmhosting55 afin d'y trouver les plans techniques des appareils et des solutions à des pannes.

Cela nécessite de savoir lire ces plans. C’est pourquoi la plupart des techniciens que nous avons

rencontré dans ces boutiques ont suivi des formations dans le domaine, et ce notamment au

71

54 http://www.cheriecom.com

55 http://www.gsmhosting.com

Page 72: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

sein du centre de formation technique « Référence Télécom », aujourd'hui fermé (formation de

6 mois ouverte à tous, sans conditions de diplôme).

Si nous parlons de « centralité urbaine liée aux TIC » à propos de l’avenue Kennedy, ce n’est pas

seulement pour insister sur son importance mais pour souligner également ses relations avec les

autres quartiers de la ville, à l’instar de Mvog Ada et de Bastos - « Kosovo » ainsi qu’avec le

reste du monde.

Dans ces deux derniers quartiers, on trouve en effet des « dépanneurs ». Ce sont des individus

soit situés dans des petites boutiques, soit mobiles avec sur eux leur matériel (brosse à dent,

tournevis, fer à souder, multimètre) nécessaire à leurs petites opérations. Au cas où ils ne

peuvent effectuer eux-mêmes le travail demandé, ils se rendent dans des boutiques situées

avenue Kennedy dont ils connaissent les patrons ou les employés (membres de la famille, amis,

etc.) et à qui ils confient la tâche. C’est dans ces boutiques également qu’ils se fournissent en

matériel (entretien avec Sali, « dépanneur » à Mvog Ada, mars 2009).

Ces boutiques du centre-ville sont également en relation avec les voleurs de téléphone portable,

surnommés les « nageurs ». Ces derniers officient un peu partout dans la ville (Mvog Ada est un

quartier très connu dans ce domaine) et viennent ensuite revendre leur marchandise aux

« receleurs » de l’avenue Kennedy qui négocient les prix au plus bas. Afin d’éviter d’être

inquiétés par les forces de l’ordre (directement ou après dénonciation d’un « nageur » lui-même

arrêté), ces derniers utilisent de plus en plus des intermédiaires. Cela consiste à faire acheter par

un client présent dans la boutique, ou par un passant, le matériel intéressant du « nageur » ; le

« receleur » lui rachetant immédiatement après. L’intermédiaire étant différent à chaque

opération, cela permet de se protéger un minimum.

Enfin, dernier aspect de cette centralité : les relations internationales dans lesquelles sont

inscrits les commerçants de l’avenue Kennedy et dont les plus symboliques, en raison de l’image

de « modernité » qu’ils véhiculent, sont les fréquents allers - retours avec Dubaï pour l’achat de

matériel et leur importation plus ou moins licite.

Nous voyons qu’avec l’évolution technologique et les mesures de protection mises en place,

l’accès aux nouvelles technologies par le biais de la petite « piraterie » est de plus en plus

contraint car nécessite des compétences de plus en plus importantes et des moyens financiers

72

Page 73: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

de plus en plus élevés. Pour y faire face, la population a dès lors recours aux boutiques, comme

nous venons de le voir, et aux lieux d’accès collectifs.

3.2. Les lieux d’accès collectif aux TIC

En Afrique subsaharienne, les lieux d’accès collectif aux TIC sont très répandus. Selon Annie

Chéneau-Loquay, cet accès collectif, particulièrement bien adapté au faible pouvoir d’achat des

populations et qui se fait la plupart du temps dans l’informel, constitue un véritable « modèle

africain d’appropriation » qui est « l’inverse du modèle dominant occidental » caractérisé quant à

lui par l’accès individuel (2004, pp. 7-8 ; 2007 ; 2008).

A Yaoundé, les deux modes majeurs d’accès collectifs sont les « cybers » et les « call-box » ;

structures qui marquent fortement le paysage urbain.

3.2.1. Les « cybers »

Les « cybers » (image n° 12), diminutif de « cybercafés », sont les lieux d’accès à l’outil informatique

et à l’Internet. Ils sont apparus dans la seconde moitié des années 1990 dans la ville. Baba

Wame note dans sa thèse en sciences de l’information et de la communication qu’en 2005,

Yaoundé comptait environ 400 « cybers » et cite les propos d’Abdoul Ba : « Après les bistrots et

les bars, les cybercafés sont en train de devenir les seconds endroits les plus fréquentés par les

Camerounais » (Wame, 2005, p. 5). Toutefois, depuis cette période, le nombre de « cybers » a

connu, en raison de la forte concurrence et des investissements nécessaires, un certain

« tassement » (entretien avec Robert Medjo, MINCOM, février 2009 ; Moupou, 2007).

Comme nous l’avons observé sur place, ces structures sont fréquentées majoritairement par des

jeunes. Si de plus en plus de « cybers » se sont dotés ces dernières années de box individuels

permettant, entre autres, aux femmes de « chercher leur blanc » (voir Wame, 2005 ; Simone,

2006 ; Johnson-Hanks, 2007) dans une certaine intimité et aux garçons de visiter les sites web à

caractère pornographique, ce que nous avons constaté, à l’instar de Claude Abé (2004-2005), est

une utilisation de l’Internet qui se limite la plupart du temps au courrier électronique.

73

Page 74: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Image n° 12 - Un « cyber » à Bastos

Source : Arthur Devriendt, mars 2009

Des « cybers » plus chers à Bastos qu’à Mvog Ada

Tous les « cybers » ne pratiquent pas les mêmes prix. Ainsi à Bastos (image n° 13) les prix varient

de 400 F CFA à 1 500 F CFA pour l’un des plus chers de la ville, l’Espresso Café, qui offre un

cadre « occidental » (photographies de Paris et New-York, climatisation, diffusion de la chaîne

de télévision MTV etc.) et dont la clientèle est surtout expatriée. A Mvog Ada (image n° 14) les

prix sont moins élevés, avec des « cybers » qui proposent pour la plupart l’heure de connexion à

300 F CFA. Ces prix sont fixés eu égard aux prix des loyers, au pouvoir d’achat des populations

et à la concurrence.

Il ressort ainsi que les « cybers » de Mvog Ada et de Bastos s’adaptent à la population du quartier

où ils sont installés. Et ce, à Bastos, au détriment des populations les moins favorisées.

Une meilleure connexion dans les « cybers » de Bastos

Comme nous l’avons constaté à l’usage, les « cybers » de Bastos offrent une meilleure connexion

que les « cybers » de Mvog Ada.

En-dehors de l’Espresso Café (qui a été élevé au rang de « hub » par le FAI Ringo et qui à ce titre

bénéficie d’une très bonne connexion, la meilleure qu’il nous ait été donné de tester) dont

74

Page 75: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

l’accès est réservé à une certaine « élite », les autres « cybers » que nous avons approché sont

reliés directement au FAI Megahertz situé à proximité. La connexion s’effectue par câble et la

proximité avec les services techniques permet une résolution rapide des problèmes en cas de

soucis.

En revanche, à Mvog Ada la connexion dans les « cybers » se fait par le biais des trois grands

opérateurs classiques à travers les lignes de téléphonie fixe ou par le sans-fil. Or ces offres sont

assez instables et n’ont qu’un débit limité. Les clients sont donc confrontés à d’importantes

longueurs dans l’affichage des pages qu’ils souhaitent consulter, et ce d’autant plus que le

matériel informatique y est vieillissant. Cela limite d’autant plus les usages car les applications

web sont de plus en plus « gourmandes » et nécessitent des remises à jour régulières des

logiciels.

Deux modèles distincts de diversification des activités

Dans les « cybers » de Bastos et de Mvog Ada, nous constatons une diversification des activités.

Il peut s’agir de la vente de produits divers (alimentation, bijoux etc.), d’un service de secrétariat

ou d’une téléboutique (pour les appels de fixe à fixe ou appels à l’étranger). Toutefois si à

Bastos cela semble s’inscrire dans la logique « normale » de développement du commerce, en

revanche à Mvog Ada il s’agit plutôt d’une « stratégie de survie ».

La pérennité des « cybers » semble en effet beaucoup moins assurée à Mvog Ada qu’à Bastos.

Selon une employée du « cyber » MHNET-PLUS de Mvog Ada : « Mvog Ada n’est pas un lieu

“cyber”. Quand on s’installe, on compte d’abord sur les gens du quartier mais ici c’est tout le

contraire, les clients se font rare. Il y a des problèmes d’argent et les jeunes ne savent pas bien

surfer. Il n’y a que le téléphone qui passe en ce moment. Là vous voyez on va avoir un

secrétariat qui va ouvrir bientôt. Si ça fonctionne on reste, sinon on va devoir

fermer. » (entretien avec Anonyme 3, mars 2009)

75

Page 76: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Image n° 13 - Localisation des « cybers » à Bastos

Réalisation : Arthur Devriendt

76

Page 77: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Image n° 14 - Localisation des « cybers » à Mvog Ada

Réalisation : Arthur Devriendt

77

Page 78: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

3.2.2. Les « call-box »

Les « call-box » sont des structures sommaires qui permettent à la population d’accéder au

téléphone mobile. Elles ont succédé aux cabines publiques et privées de téléphonie fixe.

Cabines « publiques » et cabines « privées »

A l’époque de la seule téléphonie fixe, l’opérateur public (INTELCAM puis CAMTEL) avait

mis en place des cabines téléphoniques surnommées « cabines publiques », à l’instar des cabines

France Telecom en France. Leur nombre était cependant assez restreint et leur diffusion dans

l’espace urbain limitée au centre-ville et, dans les périphéries, aux grands carrefours. De plus,

ces cabines ont rapidement souffert d’une mauvaise image après que de nombreux clients aient

constaté des prix pratiqués supérieurs à ceux affichés : « C'était 75 F CFA la minute. Mais on

s'est rendu compte qu'en appelant 59 secondes sur l'écran, on était en réalité à seulement 40

secondes. C'est l'expérience que les gens ont fait. Quelqu'un prend son chronomètre, il appelle.

Pendant qu'il surveille le chronomètre, il surveille aussi le cadran. Alors il se rend compte que

son chronomètre est à 50 secondes alors que le cadran est déjà à deux impulsions. Deux

impulsions, c'est 150 F. » (entretien avec Raoul Djoum, CAMTEL, février 2009). Par ailleurs,

ces cabines se sont très vite dégradées suite à de nombreux vols de matériaux (vol de cuivre

notamment).

Face à ces problèmes, la population a plutôt privilégié les « cabines privées ». Il s’agissait de

boutiques, la plupart du temps situées dans des habitations à proximité de la route, dans

lesquelles on trouvait un téléphone fixe. Ces boutiques, qui n’avaient de « cabine » que le nom,

étaient créées par des abonnés à la téléphonie fixe (surtout des fonctionnaires dont les frais

d’abonnement étaient pris en charge par la puissance publique) qui, en faisant commercialiser

ce service via des proches, surnommés les « taxeurs » (entretien avec Charles Seguene, patron

d’un bar à Mvog Ada, février 2009), trouvaient là des revenus complémentaires.

Ces cabines ont connu un certain succès mais leur usage était compliqué étant donné la faible

diffusion dans les ménages du téléphone fixe : les personnes qui cherchaient à se joindre devant

préalablement se donner rendez-vous. Aujourd’hui, avec au début des années 2000 l’avènement

de la téléphonie mobile, ces cabines n’existent plus, remplacées par les « call-box ».

78

Page 79: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Les « call-box » : un accès à la téléphonie mobile à moindre coût

Ces dernières années se sont en effet fortement développés ces petits commerces situés en

bord de route, composés la plupart du temps d’un banc, d’une table et d’un parasol56 (image

n ° 15). Généralement tenu par des jeunes filles (pour attirer la clientèle dit-on), les « call-box »

proposent deux types de service : la vente d’appels téléphoniques et la vente de crédit de

communication. Pour réaliser ces opérations, le gérant du « call-box » dispose de deux

téléphones portables, l’un fonctionnant sur le réseau Orange Cameroun, l’autre sur le réseau

MTN Cameroon57, voire d’un troisième pour le réseau CDMA de CAMTEL.

Image n° 15 - Un « call-box » à Mvog Ada

Source : Arthur Devriendt, mars 2009

Toutes les personnes que nous avons interrogées, qu’elles aient ou non un téléphone portable,

fréquentent les « call-box ». L’intérêt principal de ces commerces réside dans les prix des

communications qui y sont pratiqués ; prix qui varient selon les « call-box » de 50 F CFA à 100 F

CFA par minute alors que pour les offres destinées aux particuliers les prix oscillent aux

alentours de 150 F CFA par minute pour un appel inter-réseau (ex. : MTN Cameroon - MTN

79

56 Dans certains endroits très affluents, à l’instar du centre-ville, on observe la présence de « call-box » mobiles à savoir des piétons avec une pancarte indiquant leur fonction et leur prix.

57 Les « call-box » avec l’offre CDMA de CAMTEL sont encore rares.

Page 80: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Cameroon) et entre 175 et 200 F CFA pour un appel vers un autre opérateur (ex. : MTN

Cameroon - Orange Cameroun) (encadré n° 16).

Encadré n° 17 - La question des prix de la téléphonie mobile : le « duopole » d’Orange et MTN

Les prix élevés des télécommunications témoignent, selon nombre de nos interlocuteurs, d’une

« connivence entre Orange et MTN », d’une « entente sur les tarifs », d’un « quasi-monopole »

ou encore d’un « duopole » dans lequel les deux firmes cherchent à maximiser leurs profits et

font pression sur les autorités compétentes, et ce jusqu’en « plus haut lieu », pour éviter l’entrée

d’un nouvel opérateur de téléphonie mobile (en-dehors de CAMTEL dont l’offre CDMA est

limitée) susceptible de procéder à une baisse des prix (entretiens avec François de Sales

Enyegue, ART, Raoul Djoum, MINCOM, Robert Nkuipou, MINPOSTEL, et Eric S., février -

mars 2009).

La plupart des acteurs du domaine que nous avons rencontré souhaitent donc que l’ART,

l’autorité de régulation en charge du secteur des télécommunications créée par la réforme des

télécommunications de 1998, agisse sur les prix. Mais selon ses principes de fonctionnement,

« le fait de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant

artificiellement leur hausse ou leur baisse est une pratique anticoncurrentielle

prohibée » (Kamdem Nzikou, 2002, p. 17). L’ART ne peut donc effectuer légalement que des

contrôles a posteriori. Mais même cela n’est pas sans poser problème car comme le souligne

Pamphile Edgar Esteguet (2006) dans une étude sur les instances de régulation au Cameroun,

« les ressources financières des agences sectorielles [dont l’ART] proviennent essentiellement

des redevances perçues sur le chiffre d’affaires des opérateurs exerçant dans leur secteur de

compétence [pour l’ART il s’agit de 2 % du chiffre d’affaires d’Orange Cameroun et de MTN

Cameroon, et de 0,5 % du chiffre d’affaires de CAMTEL]. Elles en sont donc très dépendantes

et s’opposent souvent à des actions pouvant gêner les activités de ces opérateurs » (p. 7).

Les « call-box » : principes de fonctionnement

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les prix auxquels sont soumis les gérants de « call-

box » ne sont pas très éloignés de ceux que connaissent les particuliers. Détenteurs de « puces

commerciales », les gérants des « call-box » bénéficient de « bonus » lors de leur achat de crédit

de communication auprès des opérateurs de téléphonie. Leurs bénéfices se font sur ces bonus :

« Sur un appel de 100 F, une minute, je ne gagne pratiquement rien. Quand tu appelles une

80

Page 81: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

minute, ça me revient à 150 F mais je ne prends que 100 F. Le bénéfice que je peux tirer de cet

appel, c’est au vu de mon prix d’achat : j’achète pour 10 000 F de crédit mais avec les bonus on

m’en donne 19 000. C’est sur ça que je me fais mon petit bénéfice. » (entretien avec Joël, « call-

box » à Bastos - « Kosovo », mars 2009). Et plus les « call-box » procèdent régulièrement à l’achat

de crédit de communication en grande quantité, plus les bonus délivrés par les opérateurs sont

importants. Seules les communications de 0 à 30 secondes apportent un bénéfice direct au

« call-box » (qui n’est débité alors que de 60 F CFA) mais très peu nombreux sont les clients à

émettre des appels de cette durée, tout comme sont rares les appels dépassant la minute.

Une localisation des « call-box » plus contrainte à Bastos qu’à Mvog Ada

Comme nous l’avons signalé précédemment, les « call-box » se situent avant tout là où il y a de

l’affluence c’est-à-dire généralement au bord des axes principaux ; la proximité avec la route

permettant d’attirer tout à la fois les piétons et les personnes motorisées. A ce titre, les « call-box

» sont soumis à un impôt pour « occupation temporaire de la voie publique » selon l’expression

employée par la Communauté Urbaine de Yaoundé (CUY) ; impôt dont la périodicité est

variable et le montant plus ou moins négociable. La même CUY réfléchit par ailleurs à

normaliser le secteur (encadré n° 17).

Encadré n° 18 - Les « call-box » et la CUY (extraits d’entretiens)

81

« Quand je les vois, les agents [de la CUY], je les fuis ! »

Entretien avec Sylvie, gérante d’un « call-box » au quartier du Lac, mars 2009

« Les agents, ils viennent tous les 3-4 mois pour récolter l'impôt. C’est environ 5000 F CFA.

Quand je les vois au loin, je range mon matériel et essaie de fuir mais la plupart du temps je suis

rattrapée et si je ne paie pas, tout est confisqué. [...] Le prix, il est négociable. Je ne sais pas si

c’est officiel ou pas. »

Entretien avec Joëlle, gérante d’un « call-box » à Bastos, mars 2009

« Le Délégué du Gouvernement [Gilbert Tsimi Evouna, Président de la CUY] cherche à

maintenir un certain visage de sa ville or ce n’est pas plaisant d'avoir des gens qui viennent

s'installer au bord de la route, avec souvent des choses mal fichues, et qui, au fond, manifestent

des signes de pauvreté et de misère. Effectivement, je ne serai pas surpris que le Délégué aille

en guerre contre ces gens là. Et je ne suis même pas sûr que dans les années à venir ils

Page 82: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Encadré n° 18 (suite) - Les « call-box » et la CUY (extraits d’entretiens)

En plus de cet impôt pour « occupation temporaire de la voie publique », il peut exister une

contrainte financière reliant le gérant du « call-box » au propriétaire de la parcelle sur laquelle il

est installé. Cette somme n’est évidemment pas fixe mais résulte d’une négociation entre le

gérant du « call-box » et le propriétaire du terrain. C’est pourquoi les espaces vides ou inoccupés,

sur lesquels aucune personne ne peut faire valoir un quelconque droit de propriété, sont

privilégiés.

A Mvog Ada (image n° 16), la somme moyenne mensuelle que paie un « call-box » au

propriétaire de la parcelle est environ de 2000 F CFA (pour des commerces dont les bénéfices

se situent aux alentours de 30 000 F CFA par mois). Toutefois, certains propriétaires du quartier

ne réclament pas cet impôt (à l’instar de Charles Seguene, patron du « Dédé Bar »).

A Bastos (image n° 17), la localisation des « call-box » est beaucoup plus contrainte et ce

notamment au sein des espaces de résidences et de représentations diplomatiques. Les

propriétaires refusent en effet l’installation des « call-box » sur leur parcelle et les gardiens

veillent au respect de cette règle (encadré n° 19).

82

continueront à être tolérés. Peut-être qu'on va leur demander d'avoir un visage un peu plus

attrayant ; éventuellement créer des petits boxes que l'on peut insérer dans l'architecture de la

ville de manière à ce que l'on puisse venir téléphoner là, au lieu d'avoir des petits tabourets au

bord de la route avec un parasol tel qu'on peut l'avoir en ce moment. Je suis à peu près certain

que l'on va trouver une formule qui va les obliger à sortir un peu de cette image. »

Entretien avec Robert Medjo, MINCOM, février 2009

Page 83: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Image n° 16 - Localisation des « call-box » à Mvog Ada

Réalisation : Arthur Devriendt

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Page 84: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Image n° 17 - Localisation des « call-box » à Bastos

Réalisation : Arthur Devriendt

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Page 85: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Encadré n° 19 - Une localisation plus contrainte des « call-box » à Bastos (extraits d’entretiens)

Dès lors les « call-box », pourtant très prisés dans ces zones par les ouvriers, les employés de

maison et les chauffeurs, doivent s’installer dans les quelques interstices du paysage

(image n ° 18). En revanche, au sein de Bastos - « Kosovo », les contraintes de localisation sont

semblables à celles rencontrées à Mvog Ada et nous notons ainsi la présence de trois « call-box »

le long du principal axe de la zone.

Image n° 18 - Un « call-box » à Bastos

A proximité de l’Ambassade de Chine, un « call-box » situé devant un chantier abandonné.

Source : Arthur Devriendt, mars 2009, Yaoundé

85

« On ne peut pas s’installer devant les ambassades, ils ont peur des bombes. »

Entretien avec Joëlle, gérante d’un « call-box » à Bastos, mars 2009

« Il y a des coins à Bastos où l'on peut faire 500 mètres sans voir un « call-box ». Mais ici à

Mvog Ada c'est le contraire, vous ne pouvez pas faire 100 mètres sans en voir un en bordure

de route. [...] A Bastos ce n'est pas répandu comme dans d'autres coins. Vraiment ! Parce qu'ici

c'est trop répandu. Tu ne fais pas 100 mètres sans en voir un. Aux carrefours ils sont là. 1, 2, 3,

4 jusqu'à 6 comme ça au carrefour. A Bastos ce n'est pas vraiment le cas. C'est un peu espacé

là-bas. »

Entretien avec Arouna, habitant de Mvog Ada, mars 2009

Page 86: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Des « call-box » moins chers à Bastos qu’à Mvog Ada ?

Comme nous l’avons vu précédemment, les bénéfices des « call-box » résident principalement

dans les bonus qu’ils obtiennent lors de leur achat de crédit de consommation. Suivant ces

bonus, d’autant plus importants que l’achat de crédit de communication se fait régulièrement,

les « call-box » peuvent revoir à la baisse leur prix tout en réussissant à se dégager une marge

bénéficiaire. Ainsi dans le quatier Ngoa Ekele, à proximité de l’Université de Yaoundé 1, la

plupart des « call-box » sont aujourd’hui à 50 F CFA par minute : en raison d’une grande

affluence et d’une population jeune, les « call-box » y sont assurés d’épuiser leur crédit

rapidement. Qu’en est-il à Bastos et Mvog Ada ?

A Mvog Ada, quartier très dense et à la circulation importante, nous observons un très grand

nombre de « call-box ». Dans leur très grande majorité, ces « call-box » sont à 100 F CFA la

minute. A Bastos - « Kosovo », les trois « call-box » sont au même prix. En revanche, sur

l’« ancienne route Bastos », il est beaucoup plus aisé d’en rencontrer à 75 F CFA.

A Mvog Ada et Bastos - « Kosovo », la multiplication des « call-box » eu égard à la population ne

permet pas à ces derniers de voir leur crédit s’épuiser assez rapidement pour qu’une baisse de

leur prix puisse être compensée par leur bonus. Par ailleurs, dans ces endroits, les gérants des

« call-box » sont originaires du (sous-)quartier et habitent à proximité de leur commerce. Ils

connaissent ainsi les autres « call-box » et une grande part de leur clientèle est locale. Certains

mécanismes de « solidarité » entre commerçants s’expriment donc et la fidélisation du client

passe avant tout par la pratique du crédit ; pratique bien plus intéressante pour des populations

à revenus faibles et irréguliers qu’une baisse des prix des communications à l’unité (entretiens

avec Anonyme 1 et Anonyme 2, « call-box » à Mvog Ada, mars 2009). En revanche, sur

l’« ancienne route Bastos », la plupart des gérants n’habitent pas à proximité immédiate de leur

commerce : les autres gérants de « call-box » et les clients, en majorité des passants, leur sont

pour la plupart inconnus. La pratique du crédit n’y apparaît donc pas comme sûre (image n° 19)

et le principal moyen d’attirer la clientèle passe ainsi par une baisse des prix.

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Page 87: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Image n° 19 - Une campagne de mise en garde des « call-box » vis-à-vis de la pratique du crédit

Textes des illustrations :

Bulle 1 : « Pardon je te paie demain.» - Bulle 2 : « Si j’avais su » - Bulle 3 : « Ah ! Ah ! Ah ! Tu rentres au village ? »

Source : Arthur Devriendt, mars 2009, Yaoundé

3.2.3. L’utilisation d’un téléphone mobile comme téléphone fixe

Enfin, avant de conclure, une dernière « stratégie » nous semblait importante à évoquer ici, à

savoir celle consistant à « transformer » un téléphone portable en téléphone fixe.

Vendu par ses créateurs comme permettant une certaine indépendance et une liberté de

mouvement, le téléphone mobile est ici détourné de ce schéma : son utilisation se fait de

manière collective et il reste accolé à un lieu précis (le logement) voire à un endroit particulier

au sein de ce dernier.

87

Page 88: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Ce système, que nous avons rencontré à de nombreuses reprises, ne plaît cependant pas aux

plus jeunes, qui cherchent donc à s’équiper de leur propre téléphone, en raison notamment du

fort contrôle exercé par les aînés, à la fois sur les heures des appels, leur durée et sur les

personnes contactées.

88

Page 89: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Conclusion

« Qu’il nous reste tant à comprendre des ruses innombrables des héros obscurs de l’éphémère, [...]

cela nous émerveille »

Michel de Certeau, Luce Giard, 1994, p. 361

Comme nous avons pu le souligner au cours de ce travail, le Cameroun connaît depuis la fin des

années 1990 un développement significatif des TIC sur son territoire.

Toutefois le déploiement de ces dernières ne s’est pas fait de manière uniforme. Nous

observons un accès inégal des populations à ces outils, y compris au sein des grands centres

urbains pourtant réputés comme étant les plus privilégiés, à l’instar de la ville de Yaoundé. Cette

simple observation nous a conduit à interroger la logique des acteurs du secteur TIC et les

stratégies populaires d’accès mises en place par les individus dans deux quartiers (Mvog Ada et

Bastos - « Kosovo »). Et ce dans un cadre théorique, présenté en première partie, fondé sur la

théorie du « splintering urbanism » telle que formulée par les géographes Stephen Graham et

Simon Marvin (2001) à partir des réseaux de télécommunications.

Le travail que nous avons effectué nous amène, dans la lignée d’un certain nombre d’auteurs, à

une remise en cause de cette thèse de la fragmentation urbaine par les réseaux :

Premièrement, il convient de s’interroger au sujet de « l’idéal infrastructurel moderne »

développé par les auteurs sus-cités. Notre travail nous conduit en effet à penser que nous

sommes ici « hors-modèle » (Scherrer, 2006, p. 4) étant donné que cet idéal n’a jamais existé et

ce quelque soit le type de réseaux (eau, électricité, télécommunications). Comme nous l’avons

développé dans notre travail, les premières infrastructures de télécommunications ont été mises

en place à l’époque coloniale et étaient donc à leur origine volontairement extraverties sur un

plan technique et réservées aux administrations coloniales, aux militaires et aux commerçants,

d’où une localisation très ciblée dans l’espace urbain. Bien qu’après l’indépendance du pays la

gestion des télécommunications soit passée dans le giron de la puissance publique, le caractère

inégalitaire du déploiement du réseau a persisté en privilégiant, à l’échelle nationale, les espaces

urbains et, au sein de ces derniers, les quartiers aux populations les plus aisées.

Deuxièmement, nous critiquons la tendance qu’ont les tenants du « splintering urbanism » à

appréhender la logique de déploiement des acteurs du secteur TIC sous l’unique angle de la 89

Page 90: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

solvabilité (ou non) des populations concernées. D’autres réalités, plus « physiques », entrent

également en jeu. Il en est ainsi de la localisation dans l’espace urbain, ce que nous avons vu à

Mvog Ada avec ce que nous avons appelé sa « rente de situation » dans le domaine de la

téléphonie fixe, et à Bastos avec sa vision directe sur les relais de télécommunications du mont

Mbankolo, ce qui souligne la question du relief. Par ailleurs, nous avons noté que dans le cadre

du déploiement de la téléphonie mobile GSM dans la ville, les opérateurs ont adopté dès leur

arrivée sur le marché un raisonnement non pas en terme de « richesse » des populations mais en

terme de densité de trafic.

Enfin, s’il n’est nullement question ici de se prononcer sur leur bien-fondé, c’est suite aux

réformes de privatisation - libéralisation sur le marché des télécommunications que l’on a connu

une augmentation sensible de la télédensité avec l’arrivée de la téléphonie mobile. Certes les

opérateurs privés sont conduits par la recherche du profit mais cela ne s’est pas fait au

détriment d’un certain élargissement de l’assiette des utilisateurs.

Critiquer la thèse du « splintering urbanism » ne signifie nullement qu’il n’existe pas d’inégalités

de desserte entre les quartiers. Au contraire, celles-ci sont bien présentes et se réactivent, se

renforcent, à chaque nouvelle innovation technologique en favorisant les quartiers les plus aisés

(à l’instar de Bastos).

Face à cela, les habitants ne sont pas passifs mais au contraire élaborent des stratégies

populaires d’accès aux nouvelles technologies. Nous constatons toutefois avec l’évolution

technologique une disparition progressive de la petite « piraterie » artisanale qui nécessitait peu

de connaissances et peu de matériels (nous l’avons vu à propos de la télévision satellite

analogique et de la téléphonie fixe). La population doit désormais recourir aux boutiques

spécialisées, dans lesquelles officient des techniciens formés, et aux lieux d’accès collectifs. Mais

ces structures étant intégrées au système commercial, même « informel », elles ont pour

obligation d’engranger des bénéfices afin de pouvoir se maintenir sur le marché. Or d’après nos

enquêtes, les meilleurs taux de rentabilité sont ceux affichés par les commerces situés à Bastos.

Ainsi, si les stratégies dont nous avons parlé permettent à une grande part de la population

d’accéder aux nouvelles technologies, elles ne peuvent s’affranchir totalement de la logique des

opérateurs et sont inscrites dans un système de contraintes en raison notamment de leur

fonctionnement dans l’informel.

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Page 91: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

En vue d’un accès universel, nombreux ont été nos interlocuteurs à appeler de leurs voeux une

action plus volontariste de la part de l’Etat camerounais. Cependant, dans ce domaine, de

nombreux freins et blocages politiques sont à l’oeuvre. Ainsi, comme nous l’avons souligné, s’il

existe bien une autorité de régulation en charge des télécommunications, celle-ci ne peut

véritablement s’opposer aux actions des opérateurs du secteur en raison de son mode de

fonctionnement. Par ailleurs, si dès 1998 l’Etat s’est doté d’un Fonds Spécial des

Télécommunications en charge de financer notamment le service universel, il a fallu attendre

2006 pour qu’un décret en fixe les modalités de gestion et à l’heure actuelle, aucun chantier n’a

encore été engagé. Enfin, aucun des documents réalisés par les autorités en charge du secteur

des TIC auxquels nous avons eu accès évoque la question des inégalités de desserte au sein

même des villes. Ils se concentrent tous sur celles entre espaces urbains et espaces ruraux. Les

logiques sont-elles les mêmes ? Comment s’opèrent les stratégies populaires d’accès aux

nouvelles technologies dans ces deux types d’espaces (urbain et rural) ? Telles peuvent être les

questions à poser dans un travail futur...

91

Page 92: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

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100

Page 101: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Table des matières

Remerciements 4

Introduction 5

i. Construire une problématique : TIC et fragmentation urbaine 5

i.i. TIC et territoires au Cameroun 5

i.ii. Evolution de la problématique 7

ii. Méthodologie adoptée : la réalisation d’entretiens dans deux quartiers différents 8

ii.i. Calendrier de travail 8

ii.ii. Les entretiens réalisés 9

ii.iii. Récolte de documents 11

ii.iv. Bastos et Mvog Ada, les deux « extrêmes » de Yaoundé 11

ii.v. Comparer l’incomparable ? 19

1. De la fin de la géographie à la fragmentation urbaine 21

1.1. La mort des distances, la fin de la géographie 21

1.1.1. L’image du « cyberespace » 22

1.1.2. De l’« antigéographie » dans la société de l’information 24

1.1.3. Une géographie réduite à sa plus simple expression 27

1.2. Une géographie renouvelée 28

1.2.1. La « cybergéographie » 28

1.2.2. La « géographie 2.0 » 30

1.2.3. Les TIC : des objets géographiques « classiques » 32

1.3. La thèse de la fragmentation urbaine 34

1.3.1. Un terme en vogue dans le champ des études urbaines 34

1.3.2. La théorie du « splintering urbanism » 35

1.3.3. La remise en cause du « splintering urbanism » 37

2. Le déploiement des TIC au Cameroun et à Yaoundé 41

2.1. Le Cameroun dans la société de l’information 41

2.1.1. L’importance des mass-media : la télévision et la radio 41

2.1.2. L’explosion de la téléphonie mobile et la croissance d’Internet 44

Page 102: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

2.2. Les stratégies des acteurs du secteur TIC : « service universel » ou « cherry picking » ? 55

2.2.1 La téléphonie mobile : la « rente de situation » de Mvog Ada 55

2.2.2. La téléphonie mobile : un déploiement similaire à Bastos et Mvog Ada ? 57

2.2.3. Internet et les nouveaux services mobiles : la situation privilégiée de Bastos 60

3. Stratégies d’accès aux TIC à Bastos et Mvog Ada 64

3.1. Piratages et bricolages 64

3.1.1. La question de l’accès à l’eau et à l’électricité 64

3.1.2. Face aux évolutions technologiques 67

3.2. Les lieux d’accès collectif aux TIC 73

3.2.1. Les « cybers » 73

3.2.2. Les « call-box » 78

3.2.3. L’utilisation d’un téléphone mobile comme téléphone fixe 87

Conclusion 89

Références bibliographiques 92

Table des matières 101

Liste des figures 103

Page 103: Technologies de l'information et de la communication (TIC) et fragmentation urbaine à Yaoundé

Table des figures

Encadré n° 1 - Calendrier 9

Encadré n° 2 - Liste des personnes rencontrées 10

Image n° 1 - Les grandes dominantes ethniques de l’immigration par quartiers 13

Encadré n° 3 - La place de Bastos dans l’imaginaire yaoundéen (extraits d’entretiens) 15

Image n° 2 - « Kosovo », une « enclave » au sein de Bastos 16

Encadré n° 4 - Bastos, proximité spatiale contre proximité sociale ? (extraits d’entretiens) 17

Image n° 3 - Le « quartier » Mvog Ada (au niveau du carrefour Eldorado) 18

Image n° 4 - Cartographie du Web 2.0 29

Image n° 5 - Cartographie interactive de la « toile européenne » 30

Encadré n° 7 - Evolution du nombre d’abonnés à la téléphonie mobile (% hab.) 49

Encadré n° 8 - Evolution de la connectivité du Cameroun 49

Encadré n° 9 - Le RIO de l’ORSTOM 50

Encadré n° 10 – Trois projets de câble sous-marin vers le Cameroun 52

Encadré n° 11 - Evolution du nombre d’internautes au Cameroun (% hab.) 54

Encadré n° 12 - Le Cameroun dans la société de l’information (en 2008) 54

Image n° 6 – Carte de densité de trafic dans la ville de Yaoundé 58

Image n° 7 – A Bastos : des sites GSM trisectorisés 59

Image n° 8 – Schéma de sites GSM trisectorisés 59

Image n° 9 – A Mvog Ada : des sites GSM monosectorisés 60

Encadré n° 13 – MegaHertz, portrait d'un câblodistributeur 62

Encadré n° 14 - L’approvisionnement en eau à Mvog Ada (extraits d’entretiens) 65

Image n° 10 - La « source » de Bastos - « Kosovo » 66

Encadré n° 15 - La fixation des prix de l’électricité (extraits d’entretiens) 67

Image n° 11 - Une antenne à Bastos - « Kosovo » 69

Encadré n° 16 - Liste non exhaustive de kits de déblocage 71

Image n° 12 - Un « cyber » à Bastos 74

Image n° 13 - Localisation des « cybers » à Bastos 76

Image n° 14 - Localisation des « cybers » à Mvog Ada 77

Image n° 15 - Un « call-box » à Mvog Ada 79

Encadré n° 17 - La question des prix de la téléphonie mobile : le « duopole » d’Orange et MTN 80

Encadré n° 18 - Les « call-box » et la CUY (extraits d’entretiens) 81

Image n° 16 - Localisation des « call-box » à Mvog Ada 83

Image n° 17 - Localisation des « call-box » à Bastos 84

Encadré n° 19 - Une localisation plus contrainte des « call-box » à Bastos (extraits d’entretiens) 85

Image n° 18 - Un « call-box » à Bastos 85

Image n° 19 - Une campagne de mise en garde des « call-box » vis-à-vis de la pratique du crédit 87