Terminologie Nouvelle Rita Temmerman

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Terminologie Nouvelle

Citation preview

  • Terminologiesnouvelles

    Afrique centrale et de lEst

    Afrique de lOuestCanada

    Communautfranaise de

    BelgiqueFrance

    HatiMadagascar

    MarocQubec

    Rpubliquecentrafricaine

    RoumanieSuisse

    TunisieUnion latine

    RifalRseau internationalfrancophone damnagement linguistique

    21Revue semestriellecodite par lAgencede la francophonieet la Communautfranaise de Belgique

    N 21 juin 2000

    Terminologie et diversit culturelle

  • Sommaire 1

    Rifalpar Louis-Jean RousseauPage 2

    Avant-proposTerminologie et diversit culturellepar Marcel Diki-KidiriPage 5

    Introductionpar Marcel Diki-Kidiri, Sophie David,Danile Dubois, Jacques PoitouPage 7

    ContributionsTerminologie et linguistique: la thorie des portes par Maria Teresa CabrPage 10

    Prototypes, saillance et typicalitpar Jacques PoitouPage 16

    Une approche culturelle de la terminologiepar Marcel Diki-KidiriPage 27

    Terminologie europenne et terminologie africaine : lments de comparaisonpar Edema Atibakwa BaboyaPage 32

    Le geste technique, fondementconceptuel du verbepar Paulette Roulon-DokoPage 39

    Symbolisme vgtal et terminologiedans la culture malgachepar Olivia RamavonirinaPage 43

    Terminologie, dnomination etlangues minoritaires face la modernit : vers une interrogation soucieuse du socialpar Emmanuel AitoPage 46

    La dfinition chez les scientifiquespar Danielle CandelPage 52

    Une thorie raliste de laterminologie : le sociocognitivismepar Rita TemmermanPage 58

    Penser les nouvellesfonctionnalits de thesauruspar Widad Mustafa el HadiPage 65

    Indexation discursive versus indexation lexicale. lments de dfinitionpar Muriel AmarPage 71

    Bibliographie de la nologiepar John HumbleyPage 80

    En brefPage 83

    Sommaire

  • Le Rifal

    Le Rifal

    2

    rs loccasion dupremier sommet deschefs dtat des payset gouvernementsayant en communlusage du franais(Paris 1985), le Rint

    (Rseau international de nologie etde terminologie) et le Riofil (Rseauinternational des observatoiresfrancophones de linforoute et dutraitement informatique des langues)viennent de sunir pour crer unnouveau rseau, le Rifal (Rseauinternational francophonedamnagement linguistique) dont lamission sera centre sur ledveloppement, la promotion etlinformatisation du franais.

    Les rseaux dorigine, le Rint etle Riofil ont tous deux au cours desdix dernires annes assur laconcertation francophone en matirede langue et ont fait par leurs travauxla dmonstration quil tait possiblede conduire, dans le cadre de laprogrammation de lAgenceintergouvernementale de lafrancophonie, des actions en faveurdu dveloppement du franais dansun rapport dialectique avec leslangues partenaires. Les principalesralisations de ces rseaux ont t lessuivantes.

    Le Rint

    Le Rint tait une organisationintergouvernementale francophoneoriente vers le dveloppementterminologique et vers la cooprationinternationale en matiredamnagement linguistique. Ds sacration, le Rint a cherch rassembler les principaux acteurs dansses domaines dintervention. Ilsagissait dorganismes vocationterminologique mandats par chacundes 21 gouvernements suivants :Bnin, Burundi, Cameroun, Canada,Communaut franaise de Belgique,Congo, France, Guine, Hati,Madagascar, Mali, Maroc,Mauritanie, Niger, Qubec,Rpublique centrafricaine,Rpublique dmocratique du Congo,Rwanda, Sngal, Suisse, Tunisie.LUnion latine faisait galement partiedu Rint, titre de membre associ.

    Le Rint a men des actions deveille, dinformation, de production,de diffusion et de formation enmatire damnagementterminologique, de nologie et determinotique. Les ralisations du Rintsont nombreuses et varies. On peutconsulter dans le site Internet duRint ( 1 ) plusieurs bases de donnes,de mme que la liste des publicationsqui tmoignent des nombreux travauxterminologiques soutenus par lerseau, la liste des actes des colloqueset sminaires organiss par le Rint et

    Le Rifal, un nouveau rseau au service de lamnagement du franais et des langues partenaires

    ( 1) http://www.rint.org

    C

  • publis dans Terminologies nouvelle ( 2 ), revue publie par le Rintet consacre lamnagementterminologique, notamment auxquestions touchant la terminologie, lanologie, la phrasologie, lasociolinguistique, etc.

    Le programme terminologiquedu Rint sest dploy en plusieursvolets : inventaire des ressourcesterminologiques et terminotiques ;veille terminologique et nologiquedans Internet ( systme Balno ),publication de dictionnairesterminologiques sous label Rint.

    Le systme Balno a pourobjectifs la collecte, lchange et ladiffusion rapides de matriauxterminologiques touchant plusparticulirement les nologismes, afinde rendre plus facile et plus efficace lamise jour des dictionnairesterminologiques et des banques determinologie. Conu de manire simplifier la saisie, la consultation,limportation ou lexportation dedonnes en environnement Windows,le systme Balno est ouvertgratuitement tout organisme ou toute personne qui souhaite participeractivement aux changesterminologiques dans Internet.

    Depuis sa cration, le Rint dresseun inventaire permanent des travauxterminologiques publis. En 1999, unnouveau volet de linventairecomprend la terminologie disponibledans Internet ( 3 ). Enfin, le Rintdiffuse dans Internet unebibliographie de la nologie couvrantles publications postrieures 1980.

    La production de dictionnairesterminologiques, qui rpond unbesoin de diffusion du vocabulairescientifique et technique, est une suitelogique des travaux dinventaire et deveille dj voqus. Le Rint a soutenula publication dune quarantaine dedictionnaires, dont plusieurs ont traliss par les pays du Sud. Cesprojets multilingues sont la plupartdu temps le fruit dun travail de

    coopration entre plusieurs pays enrponse des besoins communs.

    Par ailleurs, afin de participer autransfert de connaissances et autransfert technologique Nord-Sud, leRint, en collaboration troite avec leRiofil, a mis sur pied un programmede formation cibl vers lesterminologues des pays du Sud, enprivilgiant une formation pratique,le plus souvent absente dans lesprogrammes universitaires, visantlefficacit technique sur le terrain etle dsenclavement informatique delespace francophone du Sud, enmme temps que le dveloppementde lactivit linguistique etterminologique dans ce mme espace.Le programme conjoint de formationRint-Riofil comprenait : Des actions favorisant la cration,le support et le partage de ressourceslinguistiques ; Des actions en faveur dutraitement informatique des languesnationales ; Lutilisation doutils de traitementavanc du franais et des languesnationales (concordances de mots,alignements textuels multilingues,grammaires de traitementmorphologique et syntaxique,correcteurs orthographiques avancs,etc. ) ; Des actions favorisant laccs auxinforoutes.

    Le Riofil

    Le Riofil avait comme missionde couvrir tous les aspects delinformatisation des langues. Ceregroupement visait les objectifssuivants : la promotion dellaboration et de la diffusion doutilsinformatiques facilitant le traitementet lexploitation de linformation enfranais et dans les languespartenaires ; la normalisation et lastandardisation pour unereconnaissance optimale sur les

    nouveaux supports de linformationdes caractres du franais et des autreslangues ; la conduite de linventaire etla diffusion des ressourceslinguistiques ; le dveloppementharmonis des capacits du Sud enmatire dappropriation des nouvellestechnologies de traitement deslangues et daccs linforoute ; laformation lutilisation des outils detraitement automatique du franais etdes langues partenaires, laproduction de contenusfrancophones, au dveloppement et lutilisation de serveurs, la matrisedes NTIC ( 4 ).

    Rseau pluraliste, le Riofil secomposait des observatoires suivants : Observatoire qubcois (OQIL); Observatoire franais (DGLF); Observatoire canadien (Ocil ); Observatoire wallon (Owil ); Observatoire suisse (Osil ).

    Il sagissait de regrouper desexperts du Nord et du Sud auxcomptences complmentaires afindassurer la prsence du franais et deslangues partenaires sur les nouveauxsupports de linformation, de menerdes tudes et des actions (veilletechnologique, enqutes, diffusion delinformation, formation), deformuler des recommandations auxdcideurs.

    Comme en tmoigneabondamment son site Internet ( 5 ), leRiofil a rassembl et diffus denombreux travaux et des informations

    3

    Le Rifal

    (2) Labonnement Terminologiesnouvelles est gratuit et la revue estaccessible en ligne dans le siteInternet du Rint.

    (3) Voir ce sujet la chronique deMarc Tessier dans ce numro deTerminologies nouvelles.

    (4) Nouvelles technologies delinformation et de lacommunication.

    (5) http://www.riofil.org.

  • abondantes dans chacun de seschamps dintrt. En effet, ce siteInternet, en lien avec celui de chacundes observatoires nationaux, constitueun vritable portail qui donne accs des rpertoires de produitsdinformatisation des langues, desentreprises, des experts, des centres derecherche, des organismes denormalisation, des tudes spcialises,une vitrine technologique, etc. Laplupart des lments de ce site serontrepris, en les dveloppant davantage,dans le site Internet du Rifal.

    Le Riofil a entrepris un travailimportant dvaluation de la capacitdes logiciels les plus courants(navigateurs, courrier lectronique,systmes dexploitation, conceptionde pages Web, aide la rdaction,etc. ) traiter le franais dans sonintgralit. De plus, le Riofil asoutenu le dveloppement doutilstels le Bellerive, un didacticiel sur lesconventions typographiques dufranais.

    Prospective : des actionsintgres de dveloppementlinguistique au sein du Rifal

    Le Rifal, qui vient de tenir sespremires assises en juin 2000 Paris,au sige de lAgenceintergouvernementale de lafrancophonie, souhaite mettre enuvre ds cette anne des actionsintgres en faveur du dveloppementlinguistique et de linformatisationdes langues. Conscient de lenjeumajeur que reprsentent pour leslangues les nouvelles technologies delinformation et de lacommunication, le rseau sest donnles objectifs suivants : contribuer lamnagement, la promotion, laconsolidation, la valorisation et ledveloppement de lusage du franais

    et des langues partenaires,notamment en assurant :1. La concertation en matire determinologie et de nologie, enfavorisant le travail coopratif et enconstituant un ple de rfrence enmatire de mthodologie et determinotique;2. La promotion et le soutien dutraitement informatique du franaiset des langues partenaires enfavorisant lutilisation des NTIC etdes inforoutes ;3. Le dveloppement de laproduction de contenus en franaissur les inforoutes et lutilisation dufranais dans les NTIC, dans uncontexte de multilinguisme incluantles langues partenaires ;4. La collecte et la diffusion delinformation sur la terminologie, lanologie et le traitement informatiquedes langues.

    Ces objectifs ambitieux serontmis en uvre dans les champsdintervention suivants : veilletechnologique, documentaire etterminologique, valuation etlabellisation; promotion, informationet diffusion; soutien la production;formation, normalisation,coordination, coopration etrayonnement. Ds cette anne, laprogrammation du Rifal portera sur :1. Le dveloppementterminologique: tude sur unebanque de terminologie en rseaupour les pays du Sud, soutien ldition de lexiques en franais etlangues partenaires et poursuite detravaux de veille nologique;2. La poursuite des inventairesterminologiques et terminotiques etdes inventaires des normesinternationales ayant une porte sur letraitement des langues ;3. La cration dune nouvelle revue,pour prendre la suite de Terminologiesnouvelles, et dun nouveau siteInternet pour la diffusion delinformation et de bases de donnes

    sur lensemble des champsdintervention du Rifal.

    Le Rifal est ouvert tous lestats ou gouvernements membres delAgence intergouvernementale de lafrancophonie qui en font la demande.Il est constitu dinstitutions vocation linguistique officiellementmandates par leur gouvernement.Ces institutions pourront crer lchelle nationale des collectifsregroupant tous les acteurs intressspar les travaux du rseau. Pour deplus amples renseignements sur leRifal, on peut sadresser sonSecrtariat gnral ( 6 ).

    Louis-Jean Rousseau,Secrtariat gnral du Rifal.

    4

    Contributions

    (6) Adresse du Rifal :Office de la langue franaise, 200, chemin Sainte-Foy, 4e tage,Qubec (Qubec) G1R 5S4, Canada. Tlphone: 418-643-2134Tlcopie : 418 528 1373.

  • Terminologie et diversit culturelleAvant-propos

    Depuis saconstitution entant que discipline,vers la fin du XIXesicle, laterminologie na

    pas cess dvoluer sous lapression de nouveaux besoins, denouvelles situations qui mergent etdeviennent dominants au sein de lasocit. Analysant cette volution, LocDepecker ( 1998: 7) distingue troisgrandes res de la terminologie :

    La discipline commence apparatre au XIXe sicle la faveur dela rvolution industrielle, qui favorisela cration des premiers organismes denormalisation technique. cettepoque, la tendance de la terminologieest dtre une terminologienormalisante ; il sagit de se retrouverentre les termes et les objets, et dedsigner de faon fiable les diffrentslments des produits construits, construire et changer. Cest dans lecontexte de la normalisation techniqueque commencera de se constituer,pendant lentre-deux-guerres, laterminologie comme discipline en tantque telle. Lintensification deschanges internationaux partir desannes 1950, et la crationdensembles golinguistiques, fontprendre conscience de la ncessit desoutenir et complter le travail detraduction par le traitement determinologies multilingues adaptes.Sous cet angle, il sagit duneterminologie traductive. () Sy ajouteaujourdhui au moins un troisimeaspect : avec lconomie mondialise etla socit de linformation, noussommes entrs dans une nouvelle re

    de la terminologie : celle de ce quonpourrait appeler la terminologieinformationnelle. (Depecker 1998:7).

    Bien que cette analyse ne touchepas du tout aux fondementsthoriques de la terminologie en tantque discipline, elle souligne dj trsnettement le conditionnement socio-conomique de la terminologie, lafois ds sa constitution en discipline etdans ses pratiques ultrieures. Or, lathorie classique de la terminologiebase sur les travaux dEugen Wster,a t conue essentiellement poursatisfaire le besoin de normalisationtechnique qui constituait lenjeumajeur de cette poque. Enconsquence, est exclu tout ce qui estsusceptible dentraner une variationalatoire, notamment, la synonymie, lapolysmie, lindividu, la socit, laculture. Et mme la langue nest priseen compte que dans la seuledimension dinstrument decommunication professionnelle dans lecadre dun discours contrl etinstitutionnalis, purg de toutepossibilit dquivoque. Un tel modlethorique suppose galement que lesrelations entre les termes et les objetssont non seulement univoques maisaussi immuables, car cette stabilitgarantit une meilleure fiabilit destermes. Si de par sa conception mme,ce modle thorique rpond bien auxproccupations de normalisation quilont suscit, il est, sans surprise,incapable de rendre compte denombreuses observations empiriquesrelatives aux pratiques terminologiquesdans des situations relles decommunication professionnelle, tel

    D

    Avant-propos 5

  • que le fait quun mme expert puissetraiter un mme sujet dans un texte scientifique et dans un texte devulgarisation (avec plus ou moins de scientificit) selon le public auquelil sadresse (communication devant sespairs, publication dans une revue grand public). Par ailleurs, il nestpas rare quen dpit des efforts denormalisation, sinstalle une doubleterminologie (une officielle et uneautre informelle) dans une mmeentreprise, un mme organisme, etc.Mme la polysmie qui est tantpourchasse comme sourcedambigut est sournoisementomniprsente, car des domainesentiers comme linformatique, labiochimie, laronautique etc.,exploitent fond la mtaphore commemode de dnomination et sourceculturelle de conceptualisation (cf. ici mme Rita Temmerman, OlivaRamavonirina, Edema Atibakwa). Il yavait donc urgence repenser laterminologie autrement, au moins defaon rendre compte de ladimension sociale de cette discipline.

    La socioterminologie a t lepremier pas dans cette direction. Mais,calque sur la sociolinguistique, ellesest donne comme objectif dtudiercomment les locuteurs (utilisateurs,sujets, etc., ) ragissent aux termestechniques, les utilisent ou lesrejettent, et ce que cela induit commerelation de communication, et commejeu et enjeu de pouvoir. Dans cetteperspective, Emmanuel Aito soulignela ncessit de prendre enconsidration les besoinsterminologiques des languesminoritaires, trop souvent dlaisses auprofit des langues de plus grandecommunication.

    Bien quelle reprsente dj unprogrs important, lasocioterminologie ne remet pasdirectement en cause les fondementsthoriques de la terminologie, pas plusque la sociolinguistique ne se veut unernovation thorique de lalinguistique. Cette direction sera

    explore plutt par les trois approchesthoriques prsentes ici, savoir : laterminologie sociocognitive (RitaTemmerman), la thorie des portes(Teresa Cabr), et la terminologieculturelle (Marcel Diki-Kidiri, EdemaAtibakwa). La terminologiesociocognitive place la comprhensiondun texte de spcialit au cur de sadmarche et redfinit le terme commeunit de comprhension. Celle-ci,contrairement au terme de lathorie classique, a une valeurcommunicative contextuelle et entredans plusieurs rseaux conceptuels,smantiques, lexicaux, syntaxiques,diachroniques et pragmatiques. Lathorie des portes abandonne lidedune thorie gnrale de laterminologie, qui na pu tre proposepar Wster quau prix dunerestriction drastique sur lobjet de laterminologie, le terme. En revanche,elle expose une thorie du terme quirend compte de son caractrepolydrique, et permet son tude pardiffrentes disciplines, chacune avecses mthodes propres. Ainsi, le termepeut tre tudi comme un signelinguistique part entire (plus besoinde lopposer au mot), comme uneunit de cognition (un modleconceptuel idalis), comme unlment de communication (avec desdegrs de comprhension) etc. Laterminologie elle-mme nest doncplus quun espace de rencontre etdinteraction entre plusieurs disciplinesconcernes par le savoir, latechnologie, et toutes les formes despcialit. Enfin, avec la terminologieculturelle, la culture dunecommunaut humaine donne est aucentre de la dmarche. Cette culture senourrit de toute lexprience humaineen terme de productions, de savoirs etde savoir-faire de tous genres. Chaquenouvelle ralit est perue etreconceptualise de manire intgrerla culture, et devient son tour unarchtype, une grille dinterprtationpour la comprhension etlappropriation de nouvelles ralits.

    Ds lors, la langue dans laquelle lesdnominations se font est la languecommune. Seule sa capacitdexpression est tendue la prise encharge de nouveaux domaines despcialits. Le terme est analyscomme signe linguistique ayant troiscomposantes (et non seulementdeux) : un signifiant, un signifi( limit ici la smantique lexicale) etun concept (ouvert ventuellement surdes classes dobjets ). La diversit descultures est totalement prise en chargepar cette approche thorique aussibien dans lespace que dans le temps,car une connaissance approfondie dela culture est indispensable pourraliser des travaux de terminologiedans cette perspective thorique (cf.larticle de Paulette Roulon-Doko).

    Nous navons pu que rsumer trssuccinctement des communicationsqui reprsentent elles-mmes desannes de travaux, en esprant vousavoir donn lenvie daller lire lesarticles ici publis et si possible lespublications des auteurs. Lamondialisation est une raison de pluspour dfendre la diversit culturelle,comme nous y invite OlivaRamavonirina.

    Marcel Diki-Kidiri,Unit mixte de rechercheLangage, langues et cultures d'Afrique noire,Villejuif.

    6

    Avant-propos

  • Introduction7

    IntroductionIntroduction

    Les recherches sur lelexique, en particulierdans le cadre despratiquesterminologiques, sontsoumises des

    renouvellements sous linfluenceconjointe des domaines thoriques,des dveloppements technologiques etdes demandes sociales. Ces derniers enparticulier suscitent une mondialisation des changes, dequelque nature quils soient, via lesrseaux informatiques, ledveloppement de lInternet, etc.associ un accroissementquantitativement impressionnant des donnes (bases de donnesbeaucoup plus importantes, accs autexte intgral), mais aussiqualitativement (textes, sons et imagessont devenus le lot commun denimporte quel site). Par ailleurs, lenombre des utilisateurs aconsidrablement augment (mme sicette augmentation sest assezingalement rpartie) ; ces utilisateurs se sont aussi diversifis la fois dans les communautsnationales et internationales, devenanteux aussi des spcialistes delinterrogation et du surf. Dans cecontexte la terminologie, ancrejusqualors dans les technologies desdictionnaires et vocabulaires, se trouvequestionne et contrainte denvisagerun renouvellement (ou tout au moinsune rflexion) sur ses pratiques et plus

    largement sur ses cadres thoriquesfondateurs.

    Les textes runis ici tententdaborder ces questions, partir depoints de vue et de comptencesdiversifis, axs davantage sur lelexique comme objet thorique et surles pratiques terminologiques.

    Cest pourquoi, autour de laccs linformation ou plutt de laccs des informations ou encore de la construction des informations :(i) Le questionnement sur le lexique setrouve renouvel, et ce sur des plansvaris : Le lexique face diffrentesapproches en smantique lexicale,mme si sont discuts ici plusparticulirement les apports de lasmantique cognitive ; Le lexique dans ses rapports avec lediscours et notamment travers laquestion de la construction de larfrence ; Le lexique dans ses rapports avec lesdiscours dits de spcialit.(ii) Lindividu, quon le nommelocuteur, sujet, etc., est rintgr dansle processus mme de construction dusens. De facto, de solitaire et isol, ildevient un acteur central quon nepeut vacuer ;(iii) La communaut, dans sesdimensions linguistique, historique etculturelle, vient elle aussi au centre desproccupations comme espace destructuration collective desconnaissances et des savoirs.

    L

  • Changement dobjet ?Changement de mthodes?Renouvellement thorique? Autant depoints que des chercheurs de divershorizons, runis en dcembre 1999,ont dbattu. Tous, travers la prise deconscience de lvolution rapide de cechamp de recherches, et en montrantla difficult de dvelopper desterminologies contemporaines fondessur les bases de la conception delcole de Vienne, posent dunemanire ou dune autre la ncessit derexaminer les cadres fondateurs de laterminologie.

    Cette confrontation desrecherches (dites fondamentales) ensmantique cognitive et des recherchesen terminologie et sur les discours(dits de spcialit) a de fait permis auxchercheurs de ces deux communautsde commencer dvaluer lesdveloppements thoriques ensmantique, confronts certainespratiques du lexique (en particulierdans le domaine de la terminologie).Et symtriquement, didentifier enquoi les rflexions thoriques issues depratiques terminologiques peuventorienter les recherches fondamentales.

    Il en rsulte que la plupart desarticles manifestent une positioncritique vis--vis de lautonomiethorique de la terminologie etinsistent sur la ncessit douverture etdinteractions avec les dveloppementsactuels des recherchespluridisciplinaires en smantiquecognitive en particulier.

    Cest ce que montre clairementlarticle de Maria-Teresa Cabr quiinvite au dbat. Elle propose en effetde dpasser la discussion de la validitde la Thorie gnrale de laterminologie systmatise par Wsteret lcole de Vienne dans les annes30, en lui substituant un effortdarticulation des recherchespluridisciplinaires visant davantage llaboration dune thorie destermes. Centre sur lobjetpolydrique que sont les termes,envisags selon des approches

    linguistiques, cognitives et sociales, la thorie des portes invite entreren terminologie par des voiesdiffrentes, qui vont clairer chacunedes facettes de lobjet vis et rpondre la diversit des questions suscitespar la diversit des pratiques et desmotivations de LA terminologie.

    Les articles de Marcel Diki-Kidiri,Atibakwa Edema et Paulette Roulon-Doko concerns par la terminologiedans les cultures africaines, et de cefait par les langues africaines, insistentsur la ncessit de prendre en compteles variations conceptuelles que ladiversit des langues introduitncessairement dans la fixation desvaleurs smantiques des termes.

    Au lieu de considrer que laterminologie doit imposer une normecentre sur les conceptions de laculture dorigine des technologies, letravail de Marcel Diki-Kidiri suggrede prendre pleinement en comptelhritage culturel spcifique danslappropriation des nouveauts, enparticulier les nouveautstechnologiques importes dautrescultures. Une telle attitude, nonseulement prserve le respect desidentits des communautsconcernes, mais conditionnegalement le succs de lintgration(appropriation) des nouveauts.Cette attitude pratique, mais aussipolitique, conduit redfinir descadres thoriques de la dnominationqui soient aptes prendre en comptela tension entre rfrence etmtaphorisation, dmotivation etremotivation du signe (terme). Dansce cadre, la terminologie constitue unespace de rflexion centr sur laquestion de laccs la modernit.Marcel Diki-Kidiri insiste aussi sur lancessit de redfinir desmthodologies adaptes cettenouvelle perspective, la fois dans ledomaine fondamental de larecherche et dans le domaine pratiquede la production des termes.

    Larticle de Atibakwa Edemadiscute en dtail les diffrentes

    oppositions entre terminologieafricaine et terminologie europenne.Cette discussion est illustre par lesmotivations qui ont conduit produire une traduction de dictionnaire dans deux languesafricaines diffrentes.

    Larticle de Paulette Roulon-Doko apporte un exemple concretdidentification dun noyausmantique pertinent pourlinterprtation dune classe de verbesen gbaha (langue oubangienne) qui nepeut intervenir que par undplacement assez radical de point devue: en effet, lintelligibilit du champsmantique des verbes retenusnadvient que si on se dtache duneconceptualisation centre sur lesobjets (assez habituelle dans notreculture) pour aller vers uneconceptualisation centre sur le gestede lacteur, geste technique delpluchage en loccurrence.

    Revenant sur des pratiques plusfamilires lies au dveloppementtechnique, larticle de Muriel Amar, partir dune analyse des textesfondateurs et normatifs fixant lapratique de lindexation, conduit poser deux types dindexation,lindexation lexicale et lindexation discursive. Cette typologie, fondesur des critres linguistiques(distinction sens et rfrence, mode deconstruction de la rfrence,problmatique de la thmatisation), ades consquences importantes : elleplace les discours (leur mode deconstitution et les principes de leurrassemblement en documents) et lesutilisateurs au centre de la dmarche,dans la mesure o le travail delindexeur devient un travail depropositions de parcours interprtatifs.Dans le contexte de lInternet, cesdeux approches ne sont pasquivalentes.

    Larticle de Widad Mustafa elHadi, aprs avoir situ les diffrentesapproches en indexation, reprend laquestion des thesaurus. Initialementidentifi et identificatoire des

    8

    Introduction

  • approches classiques, le thesaurus peutcependant trouver une place dans lesapproches centres sur les discours etles utilisateurs, sil est transform endispositif de navigation. WidadMustafa el Hadi examine alors quellessont les conditions requises. Cefaisant, de manire plus gnrale, sacontribution sintgre dans unequestion plus gnrale : commentpeut-on prendre en compte les savoirsexistants?

    Danielle Candel, quant elle,travaille la gestion de la diversitculturelle entre concepts au sein de lalangue franaise : ltude en coursquelle rapporte, contraste les analysesdun mme discours, le discoursscientifique, par deux populations :les spcialistes de domainesscientifiques et techniques qui leproduisent et les lexicographes quiltudient et lexploitent. DanielleCandel est ainsi conduite aborder laquestion de lidentification et dureprage de termes en contextedfinitoire, et spcifier lescaractristiques des discoursscientifiques.

    Enfin, les deux derniers articlescontribuent valuer dans quellemesure la prise en compte de lasmantique cognitive est fructueusedans le renouvellement des approchesen terminologie. Larticle de JacquesPoitou en reprend les principauxconcepts, la notion de prototype, desaillance et de typicalit, pour lesdiscuter et mettre jour leur caractreproblmatique et leurs ventuellesambiguts (tant donn les diffrentesversions et dfinitions qui ont tproposes).

    Pour terminer, le texte de RitaTemmerman inscrit une dimensionsociocognitive la smantiquecognitive, et dveloppe ainsi unethorie raliste de la terminologie,qui lui permet de traiter, de manire la fois fonde au point de vue de lathorie et oprationnelle, le travailterminologique didentification determes propres un domaine

    (lexemple retenu concerne unedescription de lADN).

    En rsum, si lensemble destextes que nous avons ainsi runissuite nos journes de travail suggrede manire unanime les difficultsdune conception unique du lexiqueissue de lcole de Vienne, il noussemble tout fait vivifiant etencourageant que les pratiques de laterminologie nous conduisent prendre en compte la diversitculturelle et langagire. Si laterminologie na plus simposercomme domaine, elle peut sinstaurercomme espace pluridisciplinaire, ochaque discipline se permet de dfinir,chacune dans ses propres cadresconceptuels et ses mthodes, lobjetcomplexe et unificateur : les termes. Cedplacement de la terminologiecomme dogme, aux problmesdiversifis des pratiques de laterminologie permet de renouer les filsrompus dune smantique lexicalecoupe de la dynamique et de lavariation des usages de la langue.

    En vous souhaitant bonnelecture.

    Le comit de rdaction:Marcel Diki-Kidiri, Sophie David, Danile Dubois, Jacques Poitou.

    9

    Introduction

  • Contributions

    Contributions

    Dans ce texte, nous proposonsune thorie des termes, qui peut tre

    construite partir des thorieslinguistiques et qui inclut diffrents

    aspects dune thorie de laconnaissance et de la communication.

    Les termes, analyss du point de vuede ces disciplines diffrentes,

    deviennent alors des objetspolydriques, et la linguistique peut en

    rendre compte parfaitement. Il sagitdonc de montrer comment un systmecoopratif intgr de plusieurs thories

    peut dcrire les unitsterminologiques.

    Termes-cls :thorie des termes ; linguistique;

    terminologie ; pistmologie ;connaissance spcialise.

    Introduction

    e texte est conucomme uneinvitation au dbat.Son objectif est deproposer une thoriedes units

    terminologiques et de montrer en quoiune thorie gnrique de laterminologie est inadquate. La principale raison pour ne pasproposer une thorie de laterminologie, mais plutt une thorie des termes, est quune thoriede la terminologie implique uncaractre disciplinaire. En revanche,nous considrons que ce sont les objets,ceux qui forment les espacesdisciplinaires et les perspectivesdanalyse, qui constituent lobjet dunethorisation. Nous soutenons donc quela terminologie, considre comme latotalit des units terminologiques, nerelve pas de la linguistique (quelle soitgnrale ou applique), mais quelle peuttre traite partir des thorieslinguistiques, de mme qu partir dunethorie de la connaissance, ou de lacognition, ou de la communication. Ledbat men par les partisans de laThorie gnrale de la terminologie(TGT) pour dcider si la terminologierelve de la linguistique applique oudune discipline indpendante devientalors non pertinent. Par contre, le dbatdevrait tre pos de la faon suivante:les termes, les units qui constituent

    lobjet du domaine de connaissanceappel terminologie, peuvent treanalyss partir de disciplinesdiffrentes et, en tant quils sont desobjets polydriques, ils peuventparticiper de son champ dtude etmme devenir une partie centrale delobjet danalyse et de thorisation. partir de la linguistique, il estparfaitement possible et plausibledlaborer une thorie des termes,thorie o ils sont dcrits comme desunits de forme et de contenu, dontlusage dans certaines conditionsdiscursives particulires leur fait acqurirune valeur spcialise. Logiquement,cette thorie doit tre suffisammentlarge pour rendre compte de laspcificit des termes, sans toutefois lestraiter comme des units diffrentes desmots du lexique non spcialis. De plus,cette perspective linguistique doit trecompatible avec dautres perspectives dutraitement des termes, qui doiventcomplter leur description et reprsenterleur caractre polydrique. Il sagit doncde rendre compte de la description destermes travers un systme coopratif etparfaitement intgr de plusieursthories visant reprsenter chacune demanire spcifique les diffrents aspectsdun terme.

    Terminologie et linguistique: la thorie des portes ( 1 )

    (1) Je remercie Judit Feliu,boursire de recherche lInstitutUniversitari de LingsticaAplicada, qui a traduit ce textecatalan en franais, ainsi queSophie David et Danile Duboispour leurs corrections.

    10

    C

  • 1 Ce quon a appeltraditionnellement laThorie classique de laterminologie

    La terminologie moderne, vuecomme une discipline systmatique etune pratique organise, est ne Vienne dans les annes trente suite auxtravaux dE. Wster. Les raisons quiont port Wster sintresser laterminologie sont essentiellementpratiques : il veut surmonter lesdifficults de la communicationprofessionnelle, difficults qui trouventleur origine, selon lui, danslimprcision, la diversification et lapolysmie de la langue naturelle.Wster considre donc la terminologiecomme un outil de travail qui doitservir dsambiguser de manireefficace la communication scientifiqueet technique. Cet intrt et ce dsirdarriver une communication sansaucune ambigut refltent les idesphilosophiques du Cercle de Vienne,qui visent trouver une langueuniverselle qui rende possiblelinteraction humaine, sans que celle-cine se trouve limite de quelquemanire que ce soit ; autrement dit,dpasser les restrictions de la languecommune ou ordinaire.

    cette poque-l, le travail deWster portait avant tout sur desquestions mthodologiques etnormatives, et non pas sur desquestions thoriques. Son intrt pourla thorie est n un peu plus tard,comme rsultat de sa rflexion sur leprocessus de travail men pourlaborer son dictionnaire. Sondoctorat (DES) (InternationaleSprachnormung in der Technik,besonders in der Elektrotechnik ),soutenu lUniversit de Stuttgart (1931) porte sur la mthodologie. Il yexplicite les raisons qui justifient lasystmatisation des mthodes detravail en terminologie ; il tablit lesprincipes que doivent suivre les

    travaux sur les termes ; il indique lesparamtres principaux dunemthodologie de traitement desdonnes terminologiques. Son ouvrageposthume de 1979 (Einfhrung in dieallgemeine Terminologielehre undterminologische Lexikographie )rassemble lensemble de sa thorie (qui avait t auparavant partiellementpublie dans quelques revuesspcialises). Cest cette thorie quenous appelons Thorie gnrale de laterminologie (TGT). Par ses travaux,Wster est considr aujourdhuicomme le crateur de la TGT et lefondateur de la terminologie moderne.Lcole de Vienne, fonde et dirigepar Wster, a t jusqu rcemment leseul groupe de travail qui aitdvelopp un ensemble systmatiquede principes dont la cohrence avec lesobjectifs qui peuvent tre considrscomme trop restreints , nous amne la considrer comme une thorie quivise la standardisation des units decommunication.

    La thorie de Wster apparat,dans le cadre dune conceptioncontemporaine de la terminologie,cest--dire un domaine deconvergence entre la linguistique, lessciences cognitives, les sciences delinformation, la communication etlinformatique, comme un objetdanalyse et dapplication trs restrictif.Wster limite son objet aux unitsunivoques standardises, propres auxdomaines scientifico-techniques. Ilrestreint ainsi lactivit terminologiqueau recueil de concepts et de termes envue dune standardisation (fixation denotions et de dnominationsstandardises). De mme, il restreintla notion de domaine de spcialitpuisquil ne sintresse qu la scienceet la technique. Il rduit enfin sesobjectifs de manire assurerlunivocit de la communicationprofessionnelle, principalement sur leplan international.

    La conception de Wster ne seserait pas inscrite comme unediscipline singulire et ne se serait pas

    diffrencie de la linguistique etdans la linguistique, de lalexicologie , sans cette perspectiveparticulire de recueil et dtude desunits proposes. Pour Wster, laterminologie est en effet fonde surltude des termes, partir de lanotion quils expriment, et surlanalyse de leurs relations. Le conceptest alors le point de dpart du travailterminologique. On part delidentification et de ltablissementdes concepts dans un champ deconnaissance particulier pour en fixerles dnominations standardisescorrespondantes. Il est donc ncessaire,pour ltablissement des concepts, deparvenir un consensus sur la totalitdes caractristiques les plus communesqui reprsentent un morceau de laralit, en laissant de ct les traitsmoins habituels mais plusreprsentatifs du point de vue culturel.Pour les dnominations, lastandardisation implique lasuppression de la varit dnominativeen faveur dune seule forme derfrence. La mthodologie de travailde la terminologie est donconomasiologique. Cette conditioncontraste avec la mthodologie de lalexicographie, qui a un caractresmasiologique et une perspectivenormative, mme si au dpart elle estfonde sur la description.

    lheure actuelle, les ides deWster sont reconsidres parplusieurs spcialistes en terminologiedu fait de leur caractre rductionnisteet idaliste. Les spcialistes lesconsidrent insuffisantes pour rendrecompte des units terminologiquesdans un scnario de communicationdiversifi. Le rductionnisme etlidalisme de cette thorie se voientconfirms, dun ct, par laconception globale de lunitterminologique et sa conditionuniquement dnominative, avec toutesles consquences que ce fait comporte(oubli des aspects syntaxiques,ngation de la variation, non-traitement des aspects communicatifs

    11

    Contributions

  • des termes), et, de lautre ct, parlimportance accorde aux aspects destandardisation, et ce, dans uneperspective de communicationprofessionnelle internationale. LaTGT est fonde thoriquement surlhomognit et luniversalit de laconnaissance spcialise, mais aussi surla volont dunifier les formesdexpression. On laisse alors de ct denombreuses donnes empiriques, saufdans quelques rares domaines.

    Les lments fondamentaux de lathorie de Wster, radicalise par sesdfenseurs, peuvent tre synthtiss dela manire suivante :a) La terminologie est conue commeun domaine autonome, et elle seprsente comme un domainedintersection constitu par lessciences des choses, et par dautresdisciplines comme la linguistique, lalogique et linformatique.b) Les objets dtude de cette thoriesont les concepts, vhiculs traversdes units de dsignation, linguistiques (dnominatives et dsignatives enmme temps) et non linguistiques (exclusivement dsignatives). Cesunits sont spcifiques dun domainede spcialit, avec un usage restreint ce domaine-l.c) Les termes se trouvent dfiniscomme des dnominationslinguistiques des concepts. Ainsi, unterme est lunit ( linguistique ou nonlinguistique) qui dsigne un concept.d) Les termes sont analyss partir duconcept quils reprsentent et, pourcette raison, le concept est conu commeantrieur ou encore prexistant ladnomination.e ) Les concepts dun mme domainede spcialit entretiennent entre euxdes relations diffrentes. La totalit desrelations entre les concepts constitue lastructuration conceptuelle dundomaine. La valeur dun terme stablitpar la place quil prend dans lastructuration conceptuelle dudomaine.f ) Lobjectif est dtudier les termesdans une perspective de standardisation

    conceptuelle et dnominative, unilinguedans le cas de la communicationprofessionnelle nationale, oumultilingue dans le cas de lacommunication internationale.g) La finalit applique de lanormalisation terminologique estdassurer la prcision et lunivocit de lacommunication professionnelle strictement professionnelle aveclusage de termes normaliss.

    On peut en partie expliquer lesinsuffisances de la TGT partir delanalyse de la pense de Wster. Etplus prcisment partir des pointssuivants : pour Wster, seule la ralitpeut tre conceptualise par la science,laquelle, travers de la logique,organise la connaissance scientifique.Les concepts sont structurslogiquement et ontologiquement defaon hirarchique.

    La connaissance scientifique, vuecomme quelque choseduniversellement homogne, est lemodle quil faut suivre pour organiserles concepts de tous les domainesdactivits. De ce fait, on nie ouannule toutes les diffrences quilscomportent : les contextessocioculturels, les zonesgographiques, les ralits socio-conomiques, les langues (en ce quiconcerne leur typologie et leurcondition sociale). Dans nimportequel processus de standardisation,luniformisation de la connaissance sefait travers un consensus. Si lesconcepts peuvent tre unifis, lesdnominations aussi. Les normes Isosont le reflet explicite de cette ide.Avec ce processus duniformisation, onefface la diversit dnominative etconceptuelle de la ralit.

    La fonction stricte de laterminologie est celle dtiqueter ladnomination des concepts dans lacommunication professionnelle et, enconsquence, leur valeurcommunicative dans le discoursprofessionnel na aucun intrt. SelonWster, cette valeur est lobjet dtudedautres disciplines. En consquence,

    on ne considre pas la dimensioncommunicative des termes, ni leursaspects discursifs, ni leur projectiongrammaticale. Lunit terminologiqueintresse seulement pour elle-mme etdun point de vue particulier, celui dela standardisation.

    La TGT ne sattache pas non plus ltude de lvolution des concepts.La TGT considre que les conceptssont statiques. Et sils ne le sont pas, laperspective strictement synchroniquequelle adopte les traite de cette faon.

    Pour la TGT, les termes nont pasde valeur pragmatique, et ils neprsentent aucune variationsmantique parce quils ne sontconsidrs que dans un seul registre : leregistre formel professionnel. Lacommunication professionnelleprototypique est formelle entre lesspcialistes, bien quon accepte que leniveau de spcialisation varie.Cependant, on affirme que les termesstandardiss peuvent servir pour toutesles circonstances communicatives.

    Rcemment sont apparus descommentaires critiques sur lesfondements de la TGT, qui ontsurtout montr lincapacit nonseulement expliquer globalement lacommunication spcialise et sesunits les plus reprsentatives ( lestermes), mais aussi dcrire lesvarits terminologiques dans touteleur complexit reprsentative etfonctionnelle.

    Les contributions critiques fontrfrence aux trois aspects de laterminologie qui constituent lesfondements de son caractreinterdisciplinaire : les aspects cognitifs,les aspects linguistiques et les aspectssociaux.

    Dans le cadre des sciences de laconnaissance, on a questionn lanotion mme de connaissancespcialise dfendue par la TGT,principalement en ce qui concerne sonuniformit et sa diffrence vis--vis dela connaissance gnrale sur le monde.Plusieurs auteurs ont propos, commealternative, une intgration cognitive,

    12

    Contributions

  • diversifie fonctionnellement dans laperformance des sujets parlants. Lapsychologie cognitive a dfendu parexemple une interrelation entre lesdiffrentes classes de connaissance etleurs processus dacquisition. Demme, elle a insist sur le caractresocial de la terminologie.

    La linguistique pour sa part arefus de ne sintresser quaux aspectsprescriptifs des termes, limitationquimposait la TGT. De mme, ladistinction entre les termes et lesunits lexicales de la langue gnrale at remise en cause. En considrant laterminologie comme une disciplineapplique, et une discipline applique un seul domaine de connaissance, onsinterdisait dexpliquer comment lestermes font partie ou peuvent tre unepartie de la comptence des sujetsparlants quand ces derniers acquirentdes connaissances spcialises etdeviennent des spcialistes.

    Dans le cadre de la sociologie etde la communication, on a refus laconception idaliste des termes et lecaractre traditionnellement attribu la communication spcialise, danslaquelle les termes perdaientpartiellement leur condition dunit dela langue naturelle, et o leur transfertavait lieu dans un seul registre, avec langation de la variation discursive. Lesdonnes empiriques, lexception decelles qui sont associes au domaine dela communication standardiseinternationale ou nationale ( laquellela TGT tait restreinte) ont fourniplus darguments aux contributionscritiques quaux propositionsdfendues par la TGT.

    La plupart des critiques adresses la TGT font donc rfrence auxinsuffisances de la thorie pour deuxraisons principales: Lidalisation de la ralit, de laconnaissance et de la communication; La limitation du champdapplication la standardisation.

    On peut donc dire que certainesconceptualisations de la TGT sont laconsquence de ces principes

    rducteurs. Mais dautres pointsthoriques ne peuvent se justifierquen rfrence une positionidaliste. Cette idalisation est tablie partir des deux propositionssuivantes : ( i ) la connaissancescientifique contrairement laconnaissance gnrale est antrieure nimporte quelle expression; ( ii ) laconnaissance scientifique est uniformeet indpendante des langues et descultures. Cependant, ltude dedonnes relles fournit de nombreuxarguments pour montrer linsuffisancede la TGT, qui est fonde sur despropositions non dmontres. Elleapparat comme une thorie qui nepeut tre falsifie.

    2 Un changement de pointde vue

    Une analyse simple de lacommunication spcialise relle dansdes situations professionnellesdiffrentes montre que la thorielabore par Wster bien quelle soitinterdisciplinaire ne rend pascompte des donnes empiriques. Enparticulier, la distinction, tellementdfendue, entre la linguistique et laterminologie, tablie sur le caractreapproximatif de la langue, de mmeque sur la prise en compte de sesfinalits, interdit den faire ladmonstration.

    Dans le cadre de lacommunication spcialise, on utilisediffrents processus pour lesquels, sansnier le caractre spcialis de laconnaissance et de son transfert, onpeut montrer lexistence decaractristiques qui concident aveccelles dautres units utilises dans dessituations communicatives diffrentes.Cette constatation nous amne supposer que les unitsterminologiques partagent denombreux traits avec dautres units dela langue naturelle et dautres systmessymboliques non linguistiques. Il sagit

    donc ici de savoir si les termes sontdes units spcifiques compltementdiffrentes dautres units appartenant dautres classes de signes.

    La communication spcialisenest pas une forme de communicationcompltement diffrente de lacommunication gnrale ; et laconnaissance spcialise nest niuniforme ni totalement spare de laconnaissance gnrale, et ce danstoutes les situations decommunication.

    Par consquent, la terminologiene peut pas tre explique de manireautonome, indpendamment deltude des autres signes dnominatifsqui ont une capacit rfrentielle oudnominative. Elle ne peut pas nonplus tre dcrite indpendamment desautres signes de la langue naturelle,galement constitus dune forme etdun signifi, de mme elle ne peut pastre tenue lcart des thories quivisent expliquer la communication etla cognition. Cependant, on doitdcrire le caractre interdisciplinaire deses units : les termes.

    3 Les bases de notreapproche

    Notre contribution est ne sur labase des quelques prmisses suivantes :a) On conoit la terminologie commeun domaine de connaissancencessairement interdisciplinaire quidoit intgrer les aspects cognitifs,linguistiques, smiotiques etcommunicatifs des unitsterminologiques. Une thorie qui rendcompte de cette interdisciplinarit doitpermettre une approximationmultidimensionnelle des termes.b) Lobjet de la terminologie estconstitu par les termes, et cest pourcette raison que lon considrerauniquement une thorie des termes etnon une thorie de la terminologie.c) Les units qui vhiculent laconnaissance spcialise peuvent avoir

    13

    Contributions

  • un caractre linguistique et /ou nonlinguistique. On les appelle unitsterminologiques ou termes. Ces unitsont un caractre linguistique etapparaissent au sein dune languenaturelle.d) Ces units sont en mme tempssemblables et diffrentes des unitslexicales dune langue, appeles motspar la lexicologie. Leur spcificit setrouve dans leur aspect pragmatique etdans leur mode de signification. Leursignifi est le rsultat dunengociation entre experts. Cettengociation se produit dans le discoursspcialis travers des prdications quidterminent le signifi de chaqueunit.

    5 Un format pour notreapproche

    Les ides prcdentes nouspermettent de formuler une premireesquisse dune construction thoriquefonde sur les propositions suivantes :a) La conception de la terminologiecomme domaine de connaissancencessairement interdisciplinaire, quitraite des termes et qui intgre lesaspects cognitifs, linguistiques,smiotiques et communicatifs desunits terminologiques, nous conduit proposer ce que nous appelons lathorie des portes. Il sagit dunethorie qui rend possible le traitementmultidimensionnel des termes.b) Selon cette thorie, lobjet termeest une unit trois aspects : un aspectsmiotique et linguistique; un aspectcognitif ; et un aspect communicatif. c ) Ces trois aspects intgrent lestermes dans trois thories diffrenteset, bien que ces trois thories nousamnent la complexit des unitsterminologiques, elles suivent destrajets diffrents (cf. le trajetlinguistique ci-dessous) d) Les units qui vhiculent laconnaissance spcialise peuvent avoirun caractre linguistique ou non

    linguistique, mais on appelle unitterminologique ou simplement termes,ceux qui ont un caractre linguistiqueet apparaissent dans une languenaturelle. e ) Les termes sont des unitsrcursives et dynamiques qui peuventpasser dun domaine de spcialit un autre. Cette capacit rend compte la fois de la mobilit des units dulexique commun vers le lexiquespcialis, de mme que dunespcialit une autre.f ) Par consquent, lhomonymie de laterminologie traditionnelle se justifie notre avis comme la polysmie. g) Les units terminologiquesparticipent des mmes caractristiquesformelles que les mots, bien quellessen distinguent par leurs conditionsde production et de rception et parleurs modes de signification. Pourrendre compte de cette situation, onpropose de les traiter comme desunits discursives provenant duneseule forme de base : les unitslexicales, que le locuteur connat soitcomme usager de la langue, soitcomme professionnel dun domaineparticulier. h) Ces units lexicales de base setrouvent associes un grand nombredinformations grammaticales,pragmatiques et encyclopdiques. Lesconditions discursives activentseulement quelques informations. Etcette slection dinformation peut lesamener acqurir une valeurpragmatique particulire, qui est relieaux traits du signifi. Lune de cesvaleurs peut tre qualifie determinologique ou de spcialise. i ) Le but dune thorie des termes estde dcrire formellement,smantiquement et fonctionnellementles units qui peuvent acqurir unevaleur terminologique, de rendrecompte de lactivation de cette valeuret dexprimer les relations tablies avecdautres signes du mme systme oudun systme diffrent, et ce, afin defaire progresser la connaissance sur lacommunication spcialise et les

    units quon y utilise. Lobjectif de laterminologie applique est alors celuide recueillir les units de valeurterminologique sur un sujet donn etdans une situation particulire, etdtablir leurs caractristiques seloncette situation. Une de cescaractristiques peut tre celle dunitstandardise. La finalit applique lacollecte et lanalyse des units ayantune valeur terminologique est diverseet ouvre la porte nombreusesapplications. Dans toutes cesapplications, les termes activent leurdouble fonction: la reprsentation dela connaissance spcialise et sontransfert. Cette double fonction semanifeste et sobserve diffrentsdegrs et dans des situationshtrognes. j ) Les termes sont utiliss dans lacommunication spcialise,communication caractrise par desfacteurs de type linguistique ( smantiques, lexicaux et textuels ) etpragmatique (metteur direct oumdiateur, mdiateur linguistique oucognitif, destinataire, situations). Lacommunication spcialise admet alorsdiffrents niveaux de spcialisation,plusieurs degrs dopacit cognitive,qui indiquent diffrents niveaux dedensit terminologique et cognitive.

    6 Quand on entre par laporte de la linguistique:lments et consquences

    Le linguiste qui veut dcrire lelangage et les langues commencetoujours avec quelques donnes sur leslangues. La provenance de ces donnesest le discours oral ou crit des sujetsparlants. Un linguiste concern par ladescription des units terminologiquesdoit les chercher dans les productionsorales et crites des spcialistes. Onappelle texte spcialis la totalit deproductions discursives de caractrespcialis.

    14

    Contributions

  • Une des caractristiques les plusremarquables dun texte spcialis estla prsence des units terminologiques.Plus le niveau de spcialisation duntexte est lev, plus sa densitterminologique est grande.Dhabitude, un texte hautementspcialis montre prcision, concisionet systmaticit ; la terminologie quony utilise a tendance la monosmie et lunivocit. Au fur et mesure que ledegr de spcialisation diminue, lediscours acquiert des caractristiquesdu discours non spcialis : du pointde vue smantique, on observe desvariations conceptuelles, desredondances, des ambiguts, unmanque de prcision stricte ; du pointde vue de lexpression, on observe unhaut niveau de synonymie, maissurtout un usage trs rpandudexpressions paraphrastiques quiexpriment analytiquement un conceptqui, dans un niveau spcialis, seraitdsign sans erreur possible par unseul terme.

    Au-del de ces prcisions, lelinguiste, qui sintresse aux termes,commence son travail partir du textespcialis. Un texte spcialis possdeune structuration cognitive organisegrammaticalement. Cette structurationest compose par des units deconnaissance spcialise quideviennent les noyaux dun rseau etqui sont relis de diverses manires.

    De plus, on trouve dans le textedes units de signification gnrale etdes units de signification spcialise.Les units de signification spcialiseacquirent leur valeur terminologiquedans un domaine de spcialit quandelles sont effectivement utilises dansce domaine. Cest donc le domainequi cristallise leur signifi et leursconditions dusage.

    Parmi les units de significationspcialise, il y a des units nonlinguistiques (qui appartiennent dessystmes symboliques non naturels ) etdes units linguistiques (quiappartiennent la langue naturelle ).Les units spcialises linguistiques

    peuvent appartenir diffrentscomposants dune grammaire : lamorphologie (morphmes), le lexique(units lexicales ), les unitssyntagmatiques (unitsphrasologiques) et syntaxiques(phrases).

    Les units linguistiquessyntagmatiques peuvent se trouverlexicalises et devenir units dulexique, bien quelles aient unestructure syntaxique. La totalit desunits lexicalises (monolexicales etpolylexicales ou syntagmatiques)constitue ce quon appelle laterminologie, o les unitsprototypiquement terminologiquessont de catgorie nominale.

    Les units terminologiquespeuvent tre dcrites partir de lagrammaire dune langue (phonologie,morphologie, lexique, syntaxe desphrases et texte). Cependant, pourrendre compte de la spcificit desunits terminologiques, cettegrammaire doit inclure des rgles etdes conditions formelles, mais aussiquelques lments smantiques ( smantique cognitive) etpragmatiques.

    En considrant ces principes, letrajet suivi par un linguiste, intress llaboration dune thorie des termesdans un cadre linguistique, devrait tre:a) Le texte comme point de dpart, enconsidrant sa structure et sesconditions discursives ;b) Lanalyse de la structure du texte ;c) La dtection des units quiconstituent cette structure ;d) La dtection des units quivhiculent une connaissancespcialise, lesquelles sont porteusesdune signification spcialise ;e) La discrimination des unitslinguistiques qui sont porteuses dunesignification spcialise ;f ) La discrimination des unitslexicales qui sont porteuses dunesignification spcialise ;g) Lanalyse des units lexicales quisont porteuses dune significationspcialise ;

    h) Ltablissement des relationsconceptuelles entre ces units ;i ) La dtection des synonymes ouquivalents conceptuels, que lasynonymie soit totale ou partielle ;j ) Ltablissement de la structureconceptuelle du texte en intgrant lesunits et les relations ;k) La corrlation entre la structureconceptuelle et la structure discursive.

    Aprs tout ce trajet, un linguisteest capable dintgrer lanalyse de cesunits dans une thorie baselinguistique. Mais cette thorie doit tresuffisamment large et flexible pourdcrire le caractre polydrique destermes. Une thorie formelle etstrictement grammaticale ne peutjamais rendre compte de la spcificitsignificative des units terminologiques,en tant quelles doivent tre considrescomme des vhicules de connaissancespcialise et quelles sont utilises dansdes situations spcifiques decommunication.

    M. Teresa Cabr,Institut Universitari de LingsticaAplicada, Universitat Pompeu Fabra, Barcelona.

    Bibliographie

    Cabr (M.-T.), 1999: La terminologa :representacin y comunicacin. Elementospara una teora de base comunicativa y otrosartculos, Barcelona, Universitat PompeuFabra, Institut Universitari de LingsticaAplicada. Diki-Kidiri (M.), 1999: Le signifi et leconcept dans la dnomination, Meta,XLIV, 4, pp. 573-581.Rey (A.), 1999: La terminologie, entrelexprience du rel et la matrise dessignes, Sminaire de terminologiethorique, Barcelona, Universitat PompeuFabra, Institut Universitari de LingsticaAplicada. Slodzian (M.), 1994: Comment revisiterla doctrine terminologique aujourdhui ?,La Banque des Mots, numro spcial 7,1995, pp. 11-18.

    15

    Contributions

  • Contributions

    16

    Cet article examine de faoncritique le concept de prototype en

    smantique lexicale et d'abord lesmodes diffrents d'approche de latypicalit. Sont analyss dabord la

    problmatique du meilleur exemplaire,qui recouvre plusieurs critres que lon

    peut ramener aux deux principesantinomiques du familier et du non

    familier valoris positivement ; ensuitele critre de laccessibilit, dont la miseen uvre dans les tests de productionde liste permet de mettre en vidence,

    plus qu'une simple hirarchie detypicalit, un rseau complexe de

    relations entre termes et/ou entre sous-catgories. Lanalyse des concepts de

    saillance et de typicalit amne distinguer plusieurs plans (un plan

    smantico-rfrentiel, un plan morpho-phonologique et un plan lexical) quiinterfrent dans la structuration des

    catgories par les locuteurs-sujets.

    Termes-cls : prototypes ; typicalit ; catgorisation;

    smantique lexicale ; analogie.

    1 Introduction

    epuis une vingtainedannes, le termede prototypeconnat une certainefaveur parmi leslinguistes (et pas

    seulement parmi les smanticiens), maisquentend-on au juste par l ? Si lonmet de ct les emplois non dfinis dumot et de ladverbe driv prototypiquement (tels objetslinguistiques ont prototypiquementtelle caractristique), le constatsimpose que les conceptionsprototypiques ressemblent fort uneauberge espagnole: meilleurexemplaire (cest--dire jug comme telpar une population donne), exemplairecentral, exemplaire le plus cit,exemplaire le plus accessible, appris enpremier, version standard et tendue duprototype (cf. Kleiber 1990), etc. Deux questions affleurent dans cettediversit demplois: dune part ladfinition prcise du terme et sadlimitation par rapport des termesvoisins, voire apparents (saillance,typicalit, etc.), de lautre la question desprocdures susceptibles dtre mises enuvre pour parvenir la mise envidence du prototype. Questionsrelies, videmment, puisquunedfinition donne implique la mise enuvre de procdures donnes et la miseen uvre de procdures donnesentrane une dfinition donne. De fait,dans les premiers travaux de Rosch sur lacatgorisation (Rosch 1973), la structureprototypique des catgories est infre detests qui impliquent une certainedfinition du prototype, partir delaquelle des gnralisations sont peut-

    tre hasardeuses tant quelles nont past vrifies par dautres expriences.Ainsi, du fait que les Dani ( 1 ) appellentplus volontiers (cest--dire plusrapidement ou plus massivement)carr une figure dont les angles sontdroits et les cts gaux quune figurequi na pas toutes ces caractristiques, onpeut en dduire une certaine conceptiondu prototype (dfinie partir de lareconnaissance de formes), mais on nepeut strictement parler appeler un telcarr meilleur exemplaire que si londfinit meilleur comme reconnu plusaisment. On peut certes en conclure,plus gnralement, une certaine ingalitdes diffrents lments de la catgorie,cest--dire une chelle de typicalit (leprototype tant alors une sorte desuperlatif de typique), mais il parathasardeux den postuler la mmeingalit dans toutes les dimensionsexprientielles envisageables: le rapportentre un carr meilleur et un carr moins bon nest sans doute pas lemme que le rapport entre un bonexemplaire de la catgorie meublescomme la table et un mauvaisexemplaire comme le tlphone (cf. Rosch 1975).

    Les procdures envisages pour ladfinition du prototype telles quellesont t exploites jusqu prsentrelvent de diffrents types. Nous enexaminerons ici deux. Les premiressappuient sur un jugement des locuteurssur des objets qui leur sont soumis; cestla procdure de la goodness-of-examplar (qualit de lexemplaire). Lessecondes mettent en uvre laccessibilitaux membres de la catgorie(reconnaissance ou production plus oumoins rapide des membres de lacatgorie) ( 2 ).

    Prototypes, saillance et typicalit

    (1) Communaut aborigne de Nouvelle-Guine, cf. Rosch (1973 : 331).

    (2) Dautres procdures, plus postules quepratiques nous semble-t-il, sinscrivent dans ladimension de lacquisition des catgories ou deleur dtrioration (aphasie) avec lhypothsesous-jacente que les lments les plus typiquessont acquis les premiers et sont aussi les plusrsistants la dtrioration pathologique.Indpendamment des difficults exprimentalesde la mise en uvre de ce troisime type deprocdures, elles ne semblent valables que silon part du principe dune acquisition linairedes catgories comme une constructioncontinue. Or, rien nest moins sr. Ainsi, dansun domaine particulier, lacquisition descatgories de formation de pluriel en allemand,les tudes menes (cf. notamment Petit 1985)montrent que cette acquisition nest en rienlinaire, mais est marque par des phasessuccessives de surgnralisation dunallomorphe particulier, soit un pluriel identiqueau singulier, pluriel en -s, pluriel en -en etc.,soit des changements de prototype.

    D

  • 2 Des procdures de miseen uvre du prototype sa dfinition

    2.1 Les jugements des locuteurssur les lments dune mmecatgorie

    La premire approche possibletourne autour du concept de goodness-of-examplar, mesurablesur la base de tests de jugement :llment e

    iest considr comme

    prototype de la catgorie C sil est jugpar les sujets comme meilleurmembre de la catgorie que e

    j( j ). On

    obtient ainsi une chelle detypicalit, le prototype tantllment situ au plus haut niveau decette chelle. Mais vu les rponseshabituellement divergentes des sujetstests la question de la goodness-of-examplar, le critre est ici quantitatif :e

    iest considr comme prototype de la

    catgorie si le nombre de sujets qui luiattribuent le label meilleurexemplaire est plus grand que lenombre de sujets qui lattribuent dautres lments. Cela veut direquindpendamment de la question delopacit de lantcdent causal de telsjugements, ce qui sera considrcomme prototype pour la populationteste dans son ensemble ne le sera pasncessairement pour telle ou tellepartie de cette population ou mmepour tel ou tel sujet. Autrement dit, cetype de tests pose aussi la question delhtrognit de la population testeet de la diffrence entre analyse auniveau individuel et analyse au niveaucollectif.

    De plus, comme le remarqueCruse (1990: 385) propos descatgories smantico-rfrentielles, la goodness-of-examplar recouvre elle-mme au moins trois dimensionsqui sont, selon lui, la bonne formation(un oiseau une patte est moins bienform quun oiseau deux pattes ), latypicalit (un merle est un oiseau plus

    typique pour les Anglais quun aigle)et la qualit (une meraude estdautant plus apprciequalitativement que son clat estintense). Notons tout de suite que cesdimensions pourraient elles-mmestre divises en sous-dimensions (unoiseau plus ou moins gris est sansdoute plus typique pour un Anglaisou un Franais quun oiseau rouge etvert, un gros diamant est mieux valu(et plus cher) quun diamant de faibledimension, etc. ).

    La bonne formation ne peutelle-mme avoir quelque pertinenceque pour une catgorie smantico-rfrentielle relativement homogne (cest--dire dun certain niveauhirarchique qui semble tre ce quelon appelle le niveau de base ou, selonla tradition aristotlicienne, le niveaudes espces) et par rapport un critredonn: on peut comparer un merle une patte et un merle deux pattes,mais la comparaison entre un merle deux pattes et un flamand rose unepatte ne ferait pas sens, pas plus que lacomparaison entre un merle unepatte et un pingouin au plumage bienblanc

    Enfin, le jugement de bonneformation ne peut tre limit uneexprience perceptuelle, il recouvre demultiples autres dimensions. Une table quatre pieds est certes mieuxforme quune table laquelle ilmanque un pied, mais ce fait prendune valeur diffrente selon le contextedans lequel il est fait : une table casseest invendable pour le marchand demeubles, inutilisable pour leconsommateur. Et si les jugementsconvergent dans cet exemple concret,il ny a l nulle ncessit. ( 3 )

    Le jugement de typicalit, queCruse (1990: 385) dfinit commetant le constat que les objets typiques ont beaucoup de propritscommunes et peu de propritsinhabituelles saillantes, nous sembletre une manifestation dun constat defamiliarit, lui-mme li la frquencedes rencontres des sujets tests avec

    les objets qui leur sont soumis. La pertinence de ce critre est attestepar de multiples expriences; cf.notamment les expriences de Glass etMeany (1978), in Vrignaud 1999: 57)selon lesquels les sujets classent parmiles oiseaux atypiques des oiseauxpossdant des proprits dviantes decelles de la catgorie (pingouin etautruche) et des oiseaux peu ou malconnus (fauvette, mainate) (4 ). Mais lelien ainsi tabli entre typicalit etfamiliarit fonde le caractregocentrique de la structure descatgories: les lments qui apparaissentcomme tant les plus typiques sontceux qui sont le plus familiers auxsujets tests et donc ceux dont ils ontlexprience la plus frquente. Ce faitapparat nettement dans ltude sur lesboissons prsente dans Poitou etDubois 1999: les boissons qui, selondautres critres, apparaissent commetant les plus typiques pour les sujetstests (des adolescents de 13-14 ans)sont celles quils prfrent (le coca etdautres sodas).

    Troisime aspect mentionn parCruse, le jugement sur la qualit delobjet ne peut gure tre pertinentque dans le cadre de catgories debase relativement homognes et ilimplique que la dfinition duprototype est conditionne parlvaluation des lments dunecatgorie par rapport un modleidalis : le meilleur exemplaire nest,dans cette perspective, pas unexemplaire moyen, ni un exemplaire

    17

    Contributions

    (3) Une table en chne au plateauray est peu vendable, mais ledfaut peut tre indiffrent unconsommateur qui envisage de larecouvrir dune nappe

    (4) On peut relier cetteapproche la procdure mise enuvre par Rosch (1975) etDubois (1983) de listage desattributs des membres dunecatgorie : plus les membres dunecatgorie possdent dattributs quise recouvrent avec ceux dautresmembres, plus ils sont typiques.

  • familier, mais un lment qui possde un haut degr (ou massivement) desproprits values positivement,souhaites ou attendues par leslocuteurs-sujets dans les objetsconcerns.

    En fin de compte, les trois facteurssous-jacents au jugement de goodness-of-examplar mentionnspar Cruse, indpendamment desconditions de leur mise en uvre (niveau hirarchique des catgories),apparaissent comme relevant de deuxprincipes antinomiques: la familiaritdes lments de la catgorie pour lessujets (critres de la bonne-formation etde la typicalit) et la non-familiarit(critre de la qualit). Leur mise enuvre ne peut donc quengendrer deshirarchies diffrentes au sein dunemme catgorie. Ainsi, pour des sujetsfranais, les meilleures boissonspourraient tre, selon un critre de lafamiliarit, leau du robinet et, selon lecritre de la non-familiarit, un Clos deVougeot Premier cru et de la meilleureanne un exemplaire moyen ou un exemplaireremarquable.

    2.2 Laccessibilit commeapproche de la typicalit

    The prototypical examples of acategory appear to be accessed fasterand processed more rapidly than moreperipheral examples. (Cruse 1990:384). Ce critre de laccessibilit peuttre mis en uvre dans le cadre detests de production: plus un lment

    est accessible rapidement, plus il peuttre produit rapidement. Ces tests,baptiss par les psychologues production de normes catgorielles,ont t abondamment pratiqus, etpas seulement dans le domaine descatgories smantiques : cf. les tests deproduction de formes morphologiquesmens par Aronoff (1980) et, sasuite, par bien dautres nous yreviendrons. Dans le domainespcifique des catgories smantico-rfrentielles, la consigne pour cesexpriences consiste donner unensemble de sujets un terme considrcomme un nom de catgorie ( le termeinducteur) et leur demander de listerles termes constituant desinstanciations de cette catgorie (cf.entre autres Dubois 1983, Dubois1986, Poitou & Dubois 1999).

    L encore, la mise en uvre de cecritre implique une analysequantitative sur un ensemble de sujets.Les lments que lon considrecomme les plus accessibles, cest--direceux qui sont effectivement produits leplus rapidement sont ceux que le plusde sujets tests produisent rapidement.Le critre de laccessibilit peut donctre abord partir du rang moyen decitation dun terme.

    On distingue cette consigne duneconsigne dassociation libre, o les

    sujets sont invits lister les termes quileur viennent lesprit sans quil doivesagir dinstanciations de la catgorie.Pourtant, si les rsultats obtenus avecces deux consignes ne peuvent qutrediffrents, ils ne diffrent pasncessairement quant aux processuscognitifs par lesquels les sujetsproduisent ces listes de termes. En effet,si, dans le premier type dexprience, lestermes sont normalement tous desinstanciations de la catgorie, dont lerapport avec le terme inducteur peutdonc tre analys comme un rapport degnricit, le nom de la catgorie nefonctionne pas ncessairement commeterme inducteur pour tous les termeslists (cf. schma ci-dessous). Bien aucontraire, lexamen de dtail des listesindividuelles (5 ) fait apparatre dessimilarits entre termes, sur le planmorphophonique ou smantico-rfrentiel, qui indiquent que destermes lists peuvent fonctionner euxaussi comme termes inducteurs pour lestermes suivants. Ainsi, dans la listeproduite par un sujet allemand partirdu terme Mbel, on trouve en rang 1Sesse (fauteuil), en rang 2 Sofa et enrang 3 Sofatisch (table basse). On peutsupposer que le sujet, tout en restantdans le cadre dinstanciations du termegnrique, produit le deuxime terme partir du premier, quel que soit le

    18

    Contributions

    Contiguts attestes entre les deux premiers termes cits

    Getrnke Kleidung Mbel

    Cola-Fanta 29 Hose-Pullover 11 Stuhl-Tisch 29Cola-Limo 13 Hose-Jeans 11 Schrank-Bett 10Cola-Wasser 10 Hose-Rock 9 Schrank-Tisch 10Cola-Red Bull 6 Hemd-Hose 9 Sessel-Sofa 10Bier-Wein 4 Jeans-Pullover 5 Schrank-Stuhl 6Milch-Wasser 4 Jeans-T-Shirt 4 Bett-Stuhl 6Cola-O-Saft 4 Hose-Jacke 4 Sessel-Couch 4

    Hose-Unterhose 4 Bett-Tisch 4Regal-Schrank 4

    (Getrnke: Red Bull = soda tonique, Bier = bire, Wein = vin, Milch = lait, Wasser = eau, O-Saft = jus dorange; Kleidung: Hose = pantalon, short, Rock = robe, Hemd = chemise,Jacke = veste, Unterhose = slip ; Mbel : Stuhl = chaise, Tisch = table, Schrank = armoire, Bett = lit, Sessel = fauteuil, Couch = canap, Regal = tagres)

    (5) Nous nous rfrons ici,comme dans la suite de cet article,au test men auprs dadolescentsallemands de Rhnanie-Westphalie en 1992 sur unedizaine de catgories (vtements,odeurs, bruits, sports, professions,arbres, fleurs, lgumes, fruits,boissons, outils ) et dont uneanalyse partielle est prsente dansPoitou et Dubois (1999).

  • chemin qui ly mne et le troisime partir du deuxime. Hypothse n 1: partir dune sous-catgorie sigesconfortables dont fauteuil est unlment, il explore cette sous-catgorie,accde sofa et de l, par lexplorationdes meubles situs dans le mme espaceet proximit de sofa, il accde tablebasse. Hypothse n 2: partir demeuble, le sujet explore un mmeespace meubl (le salon), et cite lesnoms de trois meubles qui sy trouvent la proximit spatiale entre sofa et tablebasse est videmment un argument enfaveur de cette deuxime hypothse,mais qui peut tayer aussi la premire(pour le passage de sofa table basse) !Quoi quil en soit, la production destermes autres que le premier peut tredtermine soit par le terme imposauquel le sujet peut revenirsystmatiquement, soit par chacun destermes produits et susceptibles defonctionner eux-mmes comme termesinducteurs. Le processus de productiondes termes quivaut alors ce qui sepasse dans le cadre dune consignedassociation libre ( ceci prs,videmment, que joue ici la contrainteque les termes doivent tre desinstanciations dune catgorie posecomme gnrique) et le rang decitation des termes ne peut plus trepris comme mesure de laccessibilitaux lments de la catgorie.

    Lexamen des deux premierstermes cits dans les listes estintressant cet gard. Nous enprendrons comme exemples lesdiffrentes contiguts attestes pour

    trois catgories allemandes, Getrnke(boissons), Kleidung (vtements) etMbel (meubles), en nous limitantaux combinaisons attestes dans plusde 2 % des listes et sans tenir comptede lordre de citation ( les chiffres sont,en pourcentage, ceux du nombre desujets ayant produit ces deux termesen rang 1 et 2).

    Pour examiner si le deuximeterme est induit du premier ou duterme inducteur, on peut rechercher sides hypothses plausibles peuvent trelabores pour justifier la contigutentre les deux termes : Similitude rfrentielle plausible :Cola-Fanta (deux sodas), Cola-RedBull (deux sodas), Bier-Wein (boissons faiblement alcoolises) ; Complmentarit rfrentielle :vtements et sous-vtements (Hose-Unterhose), vtements de dessus hautet bas (Hose-Pullover, Hemd-Hose,Jeans-T-Shirt, Hose-Jacke), vtementsfilles et garons (Hose, Rock) ; Relation de gnricit : Cola-Limo,Hose-Jeans ; Contigut linguistique (Hose-Jacke ; cf. lexpression: Es ist Jacke wieHose ).

    Certes, la plausibilit de ceshypothses nimplique pas absolumentque le deuxime terme soit connectau premier, la connexion au termegnrique impos ne peut tre exclue,mais elle peut au moins tre mise endoute

    Et cela amne remettre encause, au moins partiellement, leconcept daccessibilit comme critre

    dapproche du prototypique, car il nepeut valoir strictement que pour lepremier lment cit ( les autrespouvant tre connects celui quivient dtre cit). Et si la probabilitpour que les termes les plus basdans la liste soient connectsdirectement au terme inducteur estplus faible que pour les premiers, lamise en vidence du prototype nedevrait sappuyer que sur la prise enconsidration des premiers termes.

    On constate dailleurs unlargissement progressif de lacatgorie, dans ce type de tests,proportionnellement au rang, avec uneprogression du nombre de termesdiffrents cits au fur et mesure quelon descend dans la liste, commelatteste le tableau suivant.

    Progression qui, notons-le enpassant, lgitime lanalyse de lacatgorie comme une structureconcentrique avec grosso modo, aucentre, les lments cits en premier eten priphrie, les lments cits endernier et dont la connexion avec leterme gnrique impos peut tremdiatise par les premiers termescits ( 6 ) mme si cette analyse nestpas exclusive dautres (cf. ci-dessous).

    Dun autre ct, la rpartition destermes cits entre les premiers rangsest en partie alatoire du fait de la

    19

    Contributions

    (Blumen = fleurs, Werkzeuge = outils, Kleidung = vtements, Obst = fruits, Getrnke = boissons, Gemse = lgumes, Berufe = professions,Bume = arbres)

    Blumen Sport Werkzeuge Kleidung Obst Getrnke Berufe Gemse Bume

    fleurs outils vtements fruits boissons lgumes professions arbres

    rang 1 18 19 7 12 17 10 16 27 17rang 2 23 18 12 15 13 15 18 31 16rang 3 28 21 17 20 20 17 25 38 19rang 4 38 17 21 21 25 24 25 38 28rang 5 38 26 24 26 32 28 25 35 26

    (6) Problmatique qui rejointcelle bauche en linguistique parlcole praguoise dans les annessoixante (cf. notamment Travauxlinguistiques de Prague 2, 1966.

  • contrainte de linarit inhrente auxlistes produire : un sujet chez qui leterme inducteur dclenche deuxtermes ne peut que les produire en unrang diffrent. Ltude des rangs decitation de Tanne (Sapin) et Fichte(pica) dans les listes darbres peutservir dillustration ce problme.

    Sur les cinq premiers rangs (nombre de citations cumules),Tanne et Fiche font pratiquement jeugal (cf. tableau 2), mais la rpartitionde ces deux termes sur chaque rangrvle des variations importantes :Fichte domine aux rangs 1 et 3, tandisque Tanne lemporte aux rangs 2 et4 Et la prise en compte deTannenbaum (de mme valeurrfrentielle que Tanne ) modifieraitlquilibre global pour les rangs 1-5 auprofit de Tanne /Tannenbaum Cestdire que les tudes quantitatives lavirgule prs sont en loccurrence peupertinentes : la mesure de laccessibilitne peut tre que grossire.

    Dernire remarque. Lanalysequantitative de lensemble des termesproduits par une population testedonne ( telle que prsente p. ex. dansDubois 1983 ou 1986) peut fournirindirectement une autre approchequantitative de laccessibilit. En effet,ces expriences se faisant en tempslimit, les termes cits par les sujetssont, parmi lensemble des termesquils seraient ventuellement capablesde citer, ceux auxquels ils ont accs leplus rapidement. La prise en compte

    du nombre de citations de chaqueterme, cest--dire du nombre de sujetsayant eu accs ces termes dans letemps limit dont ils disposent, estdonc bien une mesure delaccessibilit. Et partant, on ne peuttre surpris quil y ait desconcordances entre les deux types demesures et aussi des divergences,lies aux diffrences des modes decalcul : des sujets peuvent accdermassivement un terme donn (dansle temps imparti ), sans que ce terme

    leur vienne en premier lesprit.Cependant, de fait, une comparaison,sur les dix catgories allemandes, desrsultats des deux mesures ( frquencede citation et rang de citation) faitapparatre une concordanceremarquable (au moins pour lestermes cits en rangs 1-5 par plus de50 % des sujets ) : les termes cits leplus rapidement sont aussi les plusmassivement cits. Un exemple inverseest donn dans Dubois 1986 proposde lavocat, massivement cit, mais pasparmi les premiers termes. ( 7 )

    20

    Contributions

    1. Nombre de sujets ( sur 53) citant Tanne et Fichte pour chacun des 5 premiers rangs

    Rang 1 Rang 2 Rang 3 Rang 4 Rang 5

    Fichte 7 5 10 1 3Tanne 2 8 6 6 3

    2. Pourcentages cumuls de sujets ayant cit Tanne et Fichte selon le rang

    Rang 1 Rang 2 Rang 3 Rang 4 Rang 5

    Fichte 13,21 22,64 41,51 43,40 49,06Tanne 3,77 18,87 30,19 41,51 47,17cart 9,44 3,77 11,32 1,89 1,89

    (7) Les tests de production mis en uvre dans dautres domaines des faitslangagiers diffrent, ce qui nest pas surprenant, de ceux utiliss en smantique.Prenons comme exemple celui utilis par Russ (1989) pour valuer les formes depluriel valant, en allemand, pour les masculins monosyllabiques, les formes en -esans changement vocalique (ex. Tag ( jour), Pl. Tage ) et avec inflexion de lavoyelle (ex. Stuhl (chaise), Pl. Sthle ). Pour viter la reproduction par les sujetstests de formes mmorises, il est ncessaire de demander la production deformes de nonce words, avec toutes les difficults que cela entrane : outre le faitque le locuteur-sujet ne ragit pas ncessairement de la mme faon vis--vis demots qui nont pas (pour lui ) de signifi, il peut aussi tre tent de reproduirepour un nonce word la forme de pluriel qui vaut pour un mot existant de formephonique apparente, comme le note Russ (cf. lexemple du pluriel Blterproduit pour Blott, trs semblable sur le plan phonique Blatt ( feuille ), Pl.Bltter ). Quoi quil en soit, la dtermination du pluriel prototypique pour cesmots est conditionne par le rapport quantitatif qui apparat entre les formes depluriel : une forme est considre comme prototypique si elle est produite parune large majorit de sujets. Mais alors que, dans le cas des catgoriessmantiques, la production de plusieurs termes en rang 1 par un nombreapproximativement gal de sujets ne remet pas en cause lhypothse dunestructure prototypique de la catgorie, dans le cas de catgories morphologiques (o le nombre de formes alternatives est ncessairement rduit ), un quilibrequantitatif entre formes concurrentes aboutit une indtermination concernantle prototype comme dans le cas du test de Russ : 13 formes majoritairementinflchies, 10 formes majoritairement non inflchies et 3 mots pour lesquels lesdeux formes font jeu gal.

  • 2.3 Laccessibilit commeapproche de la structure des catgories

    Lhypothse que, dans une listedlments dune catgorie, tous lestermes ne sont pas connects au termeinducteur impos repose sur la priseen compte des similitudes de tousordres entre les termes cits etcontigus, et lanalyse de ces contigutspeut constituer une autre voie daccs la structure de la catgorie, compriseds lors non comme une seulehirarchie de typicalit ou comme unestructure concentrique, mais commeun rseau complexe de relations quipeuvent tre analyses en languecomme la matrialisation des parcourscognitifs par lesquels le locuteur-sujetproducteur dune liste de termes passedun terme un autre.

    Les termes produits sont desobjets linguistiques, et ils relventdonc de plusieurs plans : plan dusignifiant, plan du signifi et plan desobjets ou reprsentations auxquelsrenvoient ces signes. Nous nouslimiterons pour linstant ce troisimeaspect en prsentant seulementquelques exemples de relations, sansprtendre lexhaustivit.

    La premire relation possible est laplus vidente, car elle est incluse dansla tche elle-mme qui est demandeau sujet : il sagit de passer dun termegnrique, correspondant un niveaucatgoriel donn, un terme moinsgnrique correspondant un niveaucatgoriel infrieur dans la hirarchie.Mais si cette relation conditionnelensemble des listes produites (pardiffrence avec les consignesdassociation libre), des contigutsentre termes peuvent aussi rvler lapertinence de cette relation au sein dela catgorie, avec lmergenceventuelle de sous-catgories. Cest lecas si, de deux termes A et B, B est telque lassertion un B est un A faitsens quel que soit lordre dans lequelsoient disposs A et B: au sein de lacatgorie, le locuteur-sujet peut a priori

    aussi bien passer du plus gnrique aumoins gnrique que linverse.

    Une deuxime relation est attestepar la contigut entre deux termesdont les rfrents relvent dune mmesous-catgorie (que lon peut mettre envidence la fois par les propritscommunes aux deux termes et ladiffrence entre ces proprits et cellesdautres lments de la mme catgorie).Ainsi, dans la catgorie des lgumes,on peut mettre en vidence (entreautres) les sous-catgories suivantes :herbes dassaisonnement (Dill aneth et Petersilie persil), varitsde chou (nombreux termes), lgumes de forme semblable(Blumenkohl chou-fleur et Brokkoli ;Auberginen, Zucchini courgette etGurke concombre, Zwiebel oignon et Knoblauch ail), termes demme valeur rfrentielle (Karotten etMhren; Lauch et Porree poireau), etc.

    Une troisime relation peut tretablie entre lments dun mmeespace quel que soit cet espace,videmment diffrent selon lescatgories concernes : pour lesmeubles, ce peut tre une mme pice(cf. la contigut, dans lexemple citci-dessus, entre Sofa et Sofatisch tablebasse), pour les lgumes un mme plat(cf. les contiguts entre Gurke concombre et Tomate ), pour lesfruits une mme origine (ainsi, lestermes les plus frquemment contigus Mango mangue sont des nomsdautres fruits exotiques, Kiwi, Ananas,Papaya et Wassermelone pastque).

    Sur la base de ces relations, unecatgorie peut tre analyse non plusseulement comme un ensemble dotdune structure concentrique, maiscomme un rseau de sous-catgoriesinterrelies, soit une catgorie en chane(cf. un exemple pour la catgorie desboissons dans Poitou & Dubois 1999).

    2.4 Bilan

    Lexamen de ces deux mthodesdapproche de la structure interne des

    catgories fait dabord apparatre leursdiffrences et, pour chacune, lacomplexit et la multiplicit desfacteurs dorganisation des catgories.Cette diversit rend notre senshasardeux la priori parfois explicit (cf. notamment Cruse 1990: 385),mais souvent implicite duneconvergence des rsultats obtenus laide de ces diffrentes mthodes.Lattribution de valeurs sur une mmehirarchie de typicalit, outre le faitquelle npuise pas, et de loin,lanalyse de la structure interne dunecatgorie, dpend fondamentalementdes critres retenus : le meilleurexemplaire nest pas ncessairementcelui qui est aussi le plus accessible, etles diffrences dans les rsultats quelon peut obtenir devraient tretudies et thmatises a posteriori.Cependant, il semble que lesprocdures cognitives par lesquelles leslocuteurs manient les catgories soient,comme nous lavons vu plus haut,conditionnes (au moins pour partie)par le fonctionnement complexe duneopposition entre familier et non-familier. Dans une mme catgorie,des lments familiers peuvent trelobjet dun jugement plus positif quedes lments non-familiers, ils peuventtre galement disponibles plusrapidement. Mais cette hypothse naquune pertinence limite, dabord enraison de la structure complexe descatgories (existence de sous-catgories, relations entre ces sous-catgories ) et ensuite parce que desmodles idaliss peuvent tre luvre, qui attribuent au non-familierune valuation et une accessibilitsuprieure celle que peuventpossder les lments familiers : lavoiture prototypique peut tre aussibien une Mercedes ou une Rolls quecelle que jutilise tous les jours.

    Par ailleurs, un autre problmeaffleure dans ces deux approches de latypicalit : la mise en vidence deslments les plus typiques repose surune moyenne quantitative. Llmentle plus typique est toujours celui qui

    21

    Contributions

  • apparat tel pour le plus grand nombrede sujets, soit le meilleur pour le plusgrand nombre, soit le plus accessible.On obtient ainsi un rsultat qui vautpour la population teste, considrecomme une masse homogne et danslaquelle toute diffrence est gommepar le traitement quantitatif. Mais ilfaudrait distinguer ici au moins deuxchoses : (a) comment les catgoriessont structures et /ou produites parun individu pris en tant que tel, (b)comment les catgories apparaissentstructures au niveau de lacommunaut, cest--dire en langue, etrechercher ensuite quels sont lesfondements cognitifs sous-jacents cesstructurations, les structurations auniveau de la langue ntant que larsultante de la faon dont les sujetsmembres de la communautconcerne structurent les catgories.

    3 Saillance

    3.1 Saillance et typicalit

    Si lon considre que, dans unecatgorie organise (conue) de faonconcentrique, le prototype est, pardfinition, llment le plus typique, ilreste examiner le rapport entre deuxconcepts frquemment employs dansce contexte : la typicalit et la saillance.

    Nous considrerons ici latypicalit comme un cas particulier dela saillance dans le cadre dunecatgorie donne: llment A est plustypique que llment B dans lacatgorie C si A est plus saillant que Bpar rapport C.

    La saillance est ainsi envisagecomme un facteur a prioriindpendant de la catgorie quicorrespond une association dunobjet avec un lment de sonenvironnement, ou dune propritavec des proprits co-occurrentes.Tout comme la typicalit, il sagitdune valeur relative : un objet ou une

    proprit ne sont pas saillants en soi,mais plus ou moins que tel( le ) autre.

    Dans les tudes sur la structuredes catgories (nous nous rfrons iciencore aux tests de production delistes ) se pose la question desdimensions de cette saillance, cest--dire des plans diffrents quelle estsusceptible de concerner. Dans lespremires tudes partir des listes determes (cf. celles de Rosch enparticulier ), les mots taient priscomme de simples tiquettes dobjetsdune ralit considr commeobjective (cf. une critique de cetteposition dans