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Texte 1 : Une luminiscence dans la bibliothèque Bonjour !... Et... Au revoir ! Je suis pressée. J'ai rendez-vous avec mon air du temps. Je marche sur un chemin pavané de mille fleurs chamarrées, chavirées par tous les vents du sud, comme les pamperos argentins, ou les diables de San Francisco ou même les williwaws en Terre de feu. C'est mon rendez-vous secret avec les elzévirs, les grimoires, les incunables, les manuscrits polychromes, les fleurs du coeur, de l'âme, de l'esprit, ma constellation intersidérale, mes étoiles-fleurs. Leur parfum me sidère, m'enveloppe... marcheuse impénitente dans ce monde d'Alice au pays des merveilles. Enivrée par le parfum des roses, des pivoines, des lys, des camélias, même les pissenlits ou les orties sont grisants... j'ai la tête qui tourne... Les couleurs aussi m'énivrent... les rouges gorges, les rouges coquelicots, les verts veronése, les bleus majorelle, les jaunes d'oeufs ou fleur de soufre... Parfums, couleurs, silence... je bascule dans le monde de tous les possibles. Impossible n'existe pas... J'entre en luminescence et évanescente... Je suis subjuguée... J'ose à peine respirer... Quelle fleur vais je choisir ? ? Et boire jusqu'à la lie... Vais-je oser ouvrir les pétales de l'une d' elle ? ?... Tout me tente... Y a-t'il dans ce Panthéon silencieux un autre fantôme, une autre fée, un elfe curieux, séduit et émerveillé qui... comme moi... aime l'entêtant parfum des mots ? ? La magie délicate et sanctuarisée du lieu est insaisissable. Je vais tenter de cueillir quelques fleurs pour que, dans mon antre de bête vorace, la magie du verbe perdure à l'infini... Marie-Agnes Bigorgne Texte 2 : Une cascade dans la bibliothèque Je suis là, accompagnée de celui qui n’aime pas les livres. Je veux lui démontrer que les livres sont une chose magnifique. Je suis décidée à lui montrer autre chose que ce qu’il connait. Elle est bien située cette bibliothèque, à la campagne, à la sortie du village.

Texte 1 : Une luminiscence dans la bibliothèque

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Page 1: Texte 1 : Une luminiscence dans la bibliothèque

Texte 1 : Une luminiscence dans la bibliothèqueBonjour !... Et... Au revoir !Je suis pressée.J'ai rendez-vous avec mon air du temps.Je marche sur un chemin pavané de mille fleurs chamarrées, chavirées partous les vents du sud, comme les pamperos argentins, ou les diables de SanFrancisco ou même les williwaws en Terre de feu.C'est mon rendez-vous secret avec les elzévirs, les grimoires, les incunables,les manuscrits polychromes, les fleurs du coeur, de l'âme, de l'esprit, maconstellation intersidérale, mes étoiles-fleurs.Leur parfum me sidère, m'enveloppe... marcheuse impénitente dans ce monded'Alice au pays des merveilles. Enivrée par le parfum des roses, des pivoines,des lys, des camélias, même les pissenlits ou les orties sont grisants... j'ai latête qui tourne...Les couleurs aussi m'énivrent... les rouges gorges, les rouges coquelicots, lesverts veronése, les bleus majorelle, les jaunes d'oeufs ou fleur de soufre...Parfums, couleurs, silence... je bascule dans le monde de tous les possibles.Impossible n'existe pas...J'entre en luminescence et évanescente...Je suis subjuguée... J'ose à peine respirer...Quelle fleur vais je choisir ? ? Et boire jusqu'à la lie... Vais-je oser ouvrir lespétales de l'une d' elle ? ?... Tout me tente...Y a-t'il dans ce Panthéon silencieux un autre fantôme, une autre fée, un elfecurieux, séduit et émerveillé qui... comme moi... aime l'entêtant parfum desmots ? ?La magie délicate et sanctuarisée du lieu est insaisissable. Je vais tenter decueillir quelques fleurs pour que, dans mon antre de bête vorace, la magie duverbe perdure à l'infini...Marie-Agnes Bigorgne

Texte 2 : Une cascade dans la bibliothèque

Je suis là, accompagnée de celui qui n’aime pas les livres. Je veux luidémontrer que les livres sont une chose magnifique. Je suis décidée à luimontrer autre chose que ce qu’il connait.Elle est bien située cette bibliothèque, à la campagne, à la sortie du village.

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Dressée harmonieusement dans ce paysage où des arbres entourent lebâtiment, de belles fleurs embaument l’allée et un grand livre ouvert donneune idée des belles choses que nous allons y trouver. Chaque grande pageest ornée de citations aussi belles les unes que les autres. Quelle merveille !Des livres, des milliers de livres sont à ma disposition. Première allée, uneétagère en forme de chevalet… ses plus beaux livres sur l’art et la peinture ettout près, une belle guitare ouverte où je peux entendre les mélodies et voirtous les musiciens. Je continue et au long de la deuxième allée, la coque d’unbateau qui porte toutes les histoires où je rêve de voyages et là, encore, unlivre ouvert où des romans de toutes sortes m’attirent, et au milieu de toutesces allées, une cascade avec différents compartiments où sont classés deslivres de toutes sortes avec leurs références, au tournant, un demi-cerclereprésentant une partie du monde emmagasine les livres en languesétrangères… Plus loin, autour d’un angle, un appareil photo moderne ouvreson écran pour me laisser admirer les plus beaux paysages du monde et lescultures de ceux qui vivent au loin, de ce côté, à droite, une tête ouverte endeux avec des parties de cerveau qui servent à protéger certains philosopheset quelques techniciens qui veulent m’enseigner leurs savoirs. Tiens ! Un lion !Sa crinière et sa queue me laissent admirer toutes les pages qui racontent lavie des animaux et l’arbre aux branches me parlent de l’écologie. Leshistoriens se retrouvent dans les rayons un peu plus sérieux… Là-bas au fond,un gros nounours avec des bras ballants d’un côté et des pattes bienagencées avec des contes font la joie des enfants. Pour les adolescents, unIPhone possède une littérature spécifique pour eux et fonctionne à merveille.Je suis heureuse de voir cette rivière de livres !Mon ami ne dit mot mais ses yeux en disent long. Un tel silence m'a portée,me permet de rêver. Je m’assois sur un de ces fauteuils rouges où je me senssi bien. Il ne comprenait pas pourquoi j’étais toujours attirée dans ce lieu quim’emporte et qui me rend amnésique à tout ce qui se passe dehors. Je mepermets d’y faire voyager mon âme : tantôt je me relaxe dans une îleparadisiaque, tantôt je suis Van Gogh, tantôt je deviens Proust où je redessineun mouton avant d’apprivoiser une rose… Ah ! Je m’y sens si bien !Je sors toujours de là avec un bien-être inimaginable. Je pose la question àmon ami : « Comment as-tu trouvé l’endroit ? Cela t’a plu » ?Et là, miracle ! Il me répond que dorénavant, il m’accompagnera et deviendraun des meilleurs lecteurs et qu’il ne me remerciera jamais assez de lui avoirfait visiter un si bel endroit.Inutile de vous dire ma joie.

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Nicole D

Texte 3 : Un papillon dans la bibliothèque

Histoire d'une bibliothèque utopiqueJe suis dans une forêt.Des cèdres, des pins, des tilleuls, des amandiers, des saules près de larivière, des ginkgo biloba, des cerisiers avec cerises à peine mûres...C'est une forêt particulière, insolite, inconnue, singulière.Une forêt à l'origine des livres.J'explique : je pense un mot, il s'accroche à une phrase... Je touche unebranche ou je la regarde si elle est trop haute et les feuilles d'arbres setransforment en feuilles de papier avec les lignes qui se déroulent et se reliententre elles, Et les romans défilent sous mes doigts et disparaissent quand jeles ai lus.Une forêt écologique sans abattre ces merveilleux arbres plein de vertus. Plusbesoin de transformer le bois en papier.Et puis un jour un papillon s'est introduit dans le domaine arboré, Il s'est mis àvoler de branches en branches et les mots ont surgi sans que je le décide, Lesphrases se sont mélangées. Une histoire de fantôme est partie en guerrecontre les voyages de Gulliver, la culture des tomates a fait un croche pied àNapoléon en plein sacre et Vercingétorix s'est perdu avec Alice...Un tourbillon de mots comme une tornade qui s'abat et que l'on ne peutmaîtriser.Je me débats, essaye d'attraper ce papillon coloré et je me réveille dans monlit... Le jour est levé et le soleil caresse tranquille ma pile de livres sur la tablede nuit.Céline

Texte 4 : Une luminiscence dans la bibliothèque

Bibliothèque abracadabrantesque Figurez-vous, que je me suis faite, aujourd’hui, enfermer pour y passer la nuit,dans la fameuse bibliothèque, du très fameux sultan, complice deShéhérazade ! À l’instant, je vois écris sur une porte les mots « Mon nom estrouge ». Je tape, évidemment, à tout hasard le mot ROUGE. En grinçantfortement, en couinant même, la porte à ma grande surprise, s’ouvre et donneaccès directement, sur un étroit et mystérieux escalier. Je n’ai pas d’issue

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possible. Je commence à descendre avec précaution. Peu de lumière. Je suisinquiète. Au fur et à mesure, je m’enfonce comme dans les profondeurs de laterre. Je descends, je descends. Des paliers apparaissant tantôt à droite,tantôt à gauche. Me voici à nouveau devant une porte, mais cette fois, unetoute petite porte, que j’ouvre facilement. Je débarque dans une immensesalle, démesurée, toute de verre, semblable à un aquarium géant. Formesurprenante ! Il est rond comme une boule. Je me trouve en son centre. Toutautour de moi circulent de multiples chariots, pleins d’ouvrages multicolores,de toutes dimensions. Ces chariots volants sont suspendus dans l’espacecomme des ballons de fête foraine. Par les parois transparentes, de cetteboule de verre géante, j’aperçois de merveilleux poissons argentés, lumineuxcomme des néons scintillants. Ils semblent apprivoisés, frottent leur museau pour faire apparaître toutessortes d'alphabets de toutes les couleurs. Monde des lettres, qui semélangent, qui créent, lorsqu’elles se télescopent, lorsqu’elles se rencontrent,des mots étranges, inconnus, mystérieux. Quel endroit surprenant. Je suisrassurée, je n’ai pas peur mais suis sensible à cette harmonie de couleurs, dedouceurs. Je me sens en paix. Que de gaietés ! Que de joies !Au moment de saisir le livre « Le théorème du perroquet » qui passe justedevant moi, tout s’éteint. Me voici dans le noir absolu. J’avance donc à petitspas, les mains tendues devant moi. Le sol me paraît au début, glissant, puispar endroits mes pieds s’enfoncent dans un sol mou. Soudain je me cogne àla paroi dure et glacée. Mais un malaise me prend, la tête me tourne. À cemoment précis, je me sens entrainée et glisse avec une vitesse folle commedans un gigantesque toboggan. Aïe ! L’arrivée est un peu brutale, inattendue.Je reste pantelante. Abasourdie tout de même pour avoir déboulée aussibrutalement ! L’endroit faiblement éclairé ne me rassure guère. Comment fairepour sortir de ce qui me semble une fosse plutôt étroite. Je vois sur une paroiun clavier d’ordinateur. Je tape Abracadabra ! « Mon mot de basculement » !Rien ! Il ne se passe rien. J’essaie un à un d’autres mots, ceux de ma liste :LUMINESCENCE ! Tout s’illumine ! Des mots dans toutes les langues seprojettent sur les parois. Avec mon index le mot s’arrête ! Immédiatement unlivre apparaît sur mes genoux. Incroyable c’est un manuscrit du XIIe siècle.Mais je ne sais pas lire le latin ! C’est alors que non seulement j’entends letexte en latin mais en plus apparaît, projeté sur une tablette, le texte dans malangue, celle que je sais lire ! Comme c’est étrange ! Je rêve !! ??Une sonnerie stridente retentit. Le réveil ! Il est 7 h !

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Un livre* tombe de mon lit ! C’est celui d’hier soir où il était question d’histoiresbizarres, farfelues, voire abracadabrantes. Des textes mêlés, entrelacées,même d’archives authentiques, pour perdre le lecteur. Il y est questions devoyages, de Mystères, d’Alchimie, de Kabbale; de Chevaliers, de Templiers…* Le Pendule de Foucault d’Umberto EccoJR

Texte 5 : Un berlingot dans la bibliothèque

Dimanche.Jour de la lectureJe descends d'un pas lourd et peu décidé les dix-sept étages de monimmeuble. Mes jambes protestent et me rappellent la dureté de la séancesportive de la veille, jour de l'activité physique.Je passe la porte et prends à droite.Au bout de la rue, à deux cents mètres, se dresse le centre de documentationinformative de proximité. Tous les hommes de mon district s'y pressent déjà.La nouvelle messe dominicale.Je prends ma place dans la queue et trompe l'attente en observant la grandetour grise qui nous domine. Sa forme pyramidale dénote avec celle,rectangulaire, des autres tours du district. De longues banderoles déployées y promeuvent l'idéale politique culturelle.Sept ans déjà qu'elle pense le nouveau monde.Je songe avoir toujours eu un peu de mal avec l'idéal.« Suivant ! »Je constate brutalement être parvenu à l'entrée du bâtiment. J'appose l'indexsur la plateforme de reconnaissance digitale. L'habituelle voix fémininem'informe.« Deuxième étage. Rangée C. Etagère n°3. Référence 42. »Je rumine. Le sommet de la pyramide n'est pas pour aujourd'hui.Je pénètre dans le centre documentaire vide, et me dirige mécaniquementvers le deuxième niveau. Je commence à le connaître par cœur cet étagesobrement intitulé « Histoire de la politique idéale ». J'y suis assigné presquehebdomadairement. À croire que les fiches de lecture que je transmets chaquedimanche soir ne parviennent pas à convaincre les correcteurs officiels.Je saisis l'ouvrage 42, dont la tranche ne diffère guère de ses congénèresalignées. Si ce n'est le titre, que je ne prends pas la peine de regarder.Alors que je réemprunte le même itinéraire, fléché par des écrans s'allumant à

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mesure, une masse sous ma semelle me perturbe. Je soulève mon piedgauche. S'y est logé un intrus de forme ronde (quoiqu'écrasée), torsadée, etcolorée. Un berlingot.Friandise pourtant proscrite, confer le programme alimentaire.Je me penche, le saisis.J'hésite à le porter à mes lèvres, mais me ravise, et le remise au fond de mapoche.Au moment de sortir, je souris intérieurement, songeant à cette douce ironie.Une fois n'est pas coutume, cette lecture dominicale aura sur moi unéphémère goût acidulé.Un goût idéal.Thibaut Dlaf

Texte 6 : Des coquelicots dans la bibli-Hi-Tech

Le décodeur d'humeur implanté dans le lobe de mon oreille se déclenche àl'entrée de la bibli-Hi-Tech. Aussitôt, mon bracelet électronique du poignetgauche m'envoie une impulsion m'indiquant de prendre à gauche. Je suisdans l'allée « Fantaisie » ; puis un autre signal me fait tourner à droite. « Vousêtes dans l'impasse de l'amour » me susurre une voix de femme synthétiquedans mes tympans connectés. Plusieurs couvertures de livres sous formed'écran coulissent alors des étagères, s'offrant ainsi à ma vue et à mon choix.Avec le doigt je peux parcourir les propositions qui m'attirent soit par le titre, lacouverture, le résumé. Mais aucun ne me séduit au point de le télécharger surma liseuse.Je décide de changer d'humeur et me mets en version « champestro-buccolique ». Je réinitialise le décodeur d'humeur par un pincement du lobed'oreille et me voilà de nouveau téléguidé. Mes bracelets de poignets me fontfaire demi-tour, puis à droite, la rue du Voyage, encore à droite l'avenue duSouvenir. Je me retrouve ainsi devant une porte. Plus aucune indication neremonte de mon décodeur. C'est la première fois que cette situation et cetteporte se présentent. Que faire ? Je ressens un courant d'air, comme un appeld'air qui me déconnecte de ce monde numérique, et dans un réflexe d'humaincurieux, j'ouvre la porte.Devant moi s'étend un champ immense de coquelicots, rouges à souhait,ondulants, fragiles. Je m'avance dans ce champ impossible pour en cueillir

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une tige, mais ma main se referme sur du vide... Une autre tige me tente.Encore du vide. Je réalise que je suis face à des hologrammes.La voix de femme synthétique retentit : « Votre batterie est à 1 %. Votresession va se terminer dans 1 seconde... Bip..."Pierre M.

Texte 7 : Une cachexie dans la bibliothèque

Bibliothèque de l’étrange.Et d’une main hésitante, je pousse la porte de vieux cèdrerecouvert de vélin et j’entre dans ce temple aux colonnades delivres sculptées dans les mots de toutes les langues. Des lettrespartent, perlent et parlent du plafond, des guirlandes de citationsmises entre parenthèses, se détachent et jouent à cache-cachedans les allées bordées, brodées de noms d’auteurs fameux,fumeux ou fastueux qui m’intimident. Les poètes, blottis dansleur alcôve et portés par des muses de marbre et d’albâtre,rivalisent de vers aux doux élans qui riment et rythment en coeurd’assonances en consonances. Musique des mots qui souventbercent mes pas, soulagent mes attentes et me portent à larêverie. Douceur de la poésie. J’avance en errance curieuse dansce labyrinthe lorsque soudain, au détour d’une plainte, le son sefait autre. Il devient bruit, il devient furie de métal, résonance debatailles. De la guerre des Gaules à Azincourt, de Waterloo àVerdun, l’espace est sanglant, les livres s’alignent en rayon,cohortes aux pages raidies et figées dans leur sang d’encre. Monregard affolé se perd dans l’horreur, les mots se gorgent defunestes visions avant que de s’étrangler au fond de ma gorge.Les mots hurlent de douleur. Je m’enfuis. Droite, gauche, jetourne, je me précipite, je m’évade, je fais retraite. Le calme. Moncoeur affolé retrouve son rythme, peu à peu, pas à pas. Les motsfunestes se désagrègent, s’éparpillent en lettres minuscules avantde disparaître. Je respire. Alors que je tente de me repérer dansun dédale de fantaisie fantastique, une forme fantasmagorique seforme et se déforme devant moi, me souhaite la bienvenue etm’entraîne vers un lieu qu’elle nomme le salon philosophique desantiques. La cachexie de l’apparition m’interroge sur la notion de

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réalité illusoire. Cependant, un dialogue muet et plein s’engage.Les mots, les idées rebondissent de miroir en miroir et puisCassandre, puisque tel est le nom qu’elle me donne, me présentele réceptacle des mots non écrits, le livre de l’absolu qui n’ajamais trouvé d’auteur pour le mettre en signes d’encre. Le nonlivre, perdu dans le doute de l’écriture plane entre nous, audessus de moi, il flotte et m’enveloppe. J’en comprends le senssans y mettre des lettres, des mots, des phrases. C’est le livresuprême qui ne nécessite aucun support. Livre sans auteur, sanspersonnages, sans écriture. Livre qui nous livre le…Une secousse, une main sur mon épaule. « Madame, nousfermons dans un quart d’heure. » Sursaut d’éveil de rêverie. Livreet Cassandre se sont évanouis, me laissant avec un vide au creuxdu coeur, un vague à l’âme, un goût de lecture inachevée.M-H.G Marie-Hélène Gilanton

Texte 8 : Une efflorescence dans la bibliothèque

La bibliothèque, mon lieu de prédilectionLieu où se croisent toutes les passionsLieu de jonction entre la réalité et la fiction,Havre de paix et lieu de vieD’effervescence et d'utopie.Je la fréquente régulièrementJ’entre dans les saints sacrementsLuxueux, boisés, calmes et retentissantsDans la danse des labyrinthes sinusoïdaux et densesOù sont distillées toutes les substantifiques essencesDes reliures dorées et des papiers jaunis à l’encensD’Arménie, d’Indonésie et d’ailleurs…Ici commence un autre espace-tempsSuspendu aux lèvres des écrivains amusantsIls volent sans crier gareAu secours des visiteurs hagardsÉgarés dans ce dédale fatalOù l'on se perd sans repères.Ils s’unissent dans un jaillissementMagique et fantasmagorique,

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De la fontaine de jouvenceLimpide, claire et intenseOù les racines boivent l’eau prolifiqueDe la nécessaire consolation.Les étagères se parent de bergamasquesPour y accueillir les troubadours fantasquesQui rôdent se croisent et s'entrecroisentDans les mailles et les contre-allées,Dans la pagaille avec les contraltosQui exhalent leur air parfuméPour la réminiscence des antiques barocos.Ici c'est la rencontre des enfants et des parentsDans un émerveillement efflorescentEt dans une ambiance enchanteresseSans appréhension ni détressesIls sont entrainés ensemble dans la liesseJubilatoire de la rencontre des espritsQui voyagent au pays des mots éprisMots doux, mots riches, dans toutes les niches.J'ouvre toutes ces persiennesOù les lectures sont miennesAfin d’y exhumer mes peines.Faut-il qu’il m’en souvienne !L’amour succède à la haine !Elles me font entrer dans un monde imaginaireOù tous les secrets endiablés et indicibles sont dévoilésPar leurs empreintes sonores qui frisent l'airePour roucouler avec les odorants fantômesDans l'évanescence rémanente d’opium et de Lancôme.J'entends les sonorités liquides de Philip GlassQui ne me laissent décidément pas de glace.Je perçois les airs mélancoliquesDes vers mélodiques et bucoliquesDe Verlaine assis aux côtés de GauguinAvec ses tons lumineux fauves et carmin.À pas feutrés quelques lutinsDansent autour des lutrinsJe pénètre alors dans un évanescent songe

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D’une nuit d'été avec William Shakespeare et Francis PongeJe m’en imprègne subrepticement telle une douce épongePour dissiper les brumes existentielles qui me rongent.Esther Schwambach

Texte 9 : Un chant d'Ernagor dans la bibliothèque

C’est le soir. J’attends que toute la maisonnée soit endormie car j’aime cemoment de solitude retrouvée. J’ouvre la porte de la bibliothèque, mabibliothèque à moi, mon havre de paix. Elle se trouve dans l’aile droite de lavieille maison que nous avons acquise il y a très longtemps. Dans la partieinhabitée. C’était dans le temps déjà, la bibliothèque de cette ancienne maisonde maître. La plus belle surprise de cette demeure.La pièce est immense, plus de vingt mètres carrés. Il y a une cheminée enpierre et deux grands fauteuils. Il y a aussi une longue table étroite en bois etquatre chaises avec une assise en paille. Les rayonnages en bois massif vontdu sol au plafond. Tous les murs sont équipés d’étagères. Une échellecoulissante et un escabeau de bibliothèque rendent accessibles toutes lesétagères. Deux fenêtres ont permis dans le temps de profiter de la lumière dujour mais elles sont aujourd’hui condamnées. Il n’y a pas d’électricité non plus.Avant d’entrer dans la pièce, j’allume ma lampe frontale. C’est une véritableexpédition. J’ai fait mon nid dans ce temple du livre. Deux couvertures, unbougeoir. Oui, je lis à la lueur de la bougie.J’ai retrouvé quelques vieux livres laissés par les anciens propriétaires et dèsque je le peux, je viens passer du temps ici à la recherche de trésors que jesuppose y découvrir.J’ai passé du temps à lire un vieux manuel La Médecine à la maison. J’ai aussiparcouru avec plaisir un livre de recettes culinaires d’autrefois, uneencyclopédie de l’histoire universelle contenant des photos en noir et blancremarquables…Aujourd’hui, je m’intéresse à un Atlas illustré du XlXe siècle. C’est un livre reliégrand format, les lettres sur sa couverture sont dorées sur un fond rouge. Jel’ouvre et tourne les pages une à une. Je voudrais savoir qui étaient lesanciens propriétaires. J’imagine qu’ils ont parcouru le monde, qu’ils ont voyagédans des lieux mythiques… Zanzibar…Tombouctou… Chandernagor…Soudain, j’entends une voix, un appel sourd, presque une plainte. il me semblequ’il fait froid, la flamme de la bougie vacille.La voix susurre, faiblement. C’est un son mélodieux. Je ne comprends pas ce

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que me dit cette voix mais je sais qu’elle m’appelle. Je me lève. Je demande« Qui est là ? »C’est moi Ernagor.Je le reconnais maintenant. Ce chant, c’est le chant d’Ernagor.Un chant triste, la complainte d’un homme désespéré en quête de repos.Ernagor est perdu dans la bibliothèque, sorti d’un de ces nombreux livres. Jecomprends qu’il est un prince, qu’il est jeune, courageux sorti d’un roman dechevalerie. J’ignore comment je sais tout cela. Est-ce un rêve ? Est-ce de latransmission de pensée ? Peu importe !Ce que je sais c’est que cette maison m’a trouvée, que cette bibliothèquem’est destinée depuis toujours et que j’ai une mission à accomplir. Permettre àErnagor d’être en paix, de retrouver la page du livre dont il est sorti et qu’il n’apu réintégrer. Il erre depuis tant d’années dans l’espoir de pouvoir enfin sefondre à nouveau dans le paysage d’où il est venu et de reprendre le fil de sesaventures et de ses amours.Alors, chaque soir, je tire un volume d’une étagère, je le manipule avecdélicatesse, je le dépoussière consciencieusement et je le feuillette pageaprès page car je sais que bientôt je tomberai sur ce que je cherche.Cela prendra le temps qu’il faudra.Anne D.