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PhD-FDEF-2012-04 Faculté de Droit, d’Économie et de Finance THÈSE Soutenue le 23/10/2012 à Luxembourg En vue de l’obtention du grade académique de DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DU LUXEMBOURG EN DROIT par Ekaterina Islentyeva née le 16 avril 1987 à Moscou (Russie) LAPPLICATION DU DROIT EUROPÉEN DE LA CONCURRENCE AUX ENTREPRISES DES ETATS TIERS Jury de thèse Dr Jörg Gerkrath, directeur de thèse Professeur, Université du Luxembourg Dr Bruno Deffains Professeur, Université Panthéon-Assas Dr Isabelle Riassetto, président Professeur, Université du Luxembourg Dr Ioannis Lianos Director of Center of Law, Economics & Society, University College London Dr Mark Cole, président suppléant A-Professeur, Université du Luxembourg

THÈSE DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DU LUXEMBOURG EN DROIT ... - Thesis.pdf · Commission Commission européenne ... public, puisque, comme reconnu en droit international privé, il

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  • PhD-FDEF-2012-04 Facult de Droit, dconomie et de Finance

    THSE

    Soutenue le 23/10/2012 Luxembourg

    En vue de lobtention du grade acadmique de

    DOCTEUR DE LUNIVERSIT DU LUXEMBOURG

    EN DROIT

    par

    Ekaterina Islentyeva ne le 16 avril 1987 Moscou (Russie)

    LAPPLICATION DU DROIT EUROPEN DE LA

    CONCURRENCE AUX ENTREPRISES DES ETATS TIERS

    Jury de thse Dr Jrg Gerkrath, directeur de thse Professeur, Universit du Luxembourg Dr Bruno Deffains Professeur, Universit Panthon-Assas Dr Isabelle Riassetto, prsident Professeur, Universit du Luxembourg Dr Ioannis Lianos Director of Center of Law, Economics & Society, University College London Dr Mark Cole, prsident supplant A-Professeur, Universit du Luxembourg

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    Svetlana,Sergey,IrinaetClment.

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    JevoudraisremerciervivementprofesseurJrgGerkrath(UniversitduLuxembourg),

    directeurdecettethse,poursonsoutien,sesconseilstrsprcieuxetpourletempsquila

    consacr laprsenterecherche.JeremercieaussidetoutmoncurClmentLabi (LL.M.,

    MBA) pour la correction de la langue de la thse entire, pour nos discussions et pour sa

    critiquequiaenrichicertainementcettetude. Jevoudraisaussiexprimermagratitudeau

    professeur Isabelle Riassetto (Universit du Luxembourg) et au professeur Mark Cole

    (UniversitduLuxembourg)pourleursconseilstrsprcisetpratiquesetpourleurtempset

    aussi pour leur accord pour tre membres du jury de la thse. Je remercie galement le

    professeurBrunoDeffains(UniversitPanthonAssas)etledocteurIoannisLianos(Director

    ofCentreforLaw,Economics&Society,UniversityCollegeLondon)quiontaussigentiment

    accept dtre les membres du jury de la prsente thse. Je voudrais dire aussi merci au

    docteurPhilipMarsden(DirectorofCompetitionLawForum,BritishInstituteofInternational

    andComparativeLaw),auprofesseurAmitaiAviram(Universityof Illinois)etauprofesseur

    PaulStancil (Universityof Illinois)pour leursnombreuxconseils lesquelssont inclusdans la

    thse. Je remercie galement Aleksey Sushkevich (Chef de la Direction Analytique du FAS)

    pourlinformationsurledroitdelaconcurrencerusseetAnnieYingXue(UniversityofIllinois)

    pour linformation sur le droit de la concurrence chinois. Je voudrais dire aussi merci

    beaucoupmafamilleetmesamisquimontsoutenupendanttouscesannes.Votreaide

    taittrsprcieuseetsansvousjenepourraisjamaisterminermarecherche.

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    Lapplicationdudroiteuropendelaconcurrenceaux

    entreprisesdestatstiers

    ThseprpareaveclesoutienduneaidelaformationrechercheduFondsnationaldela

    rechercheduLuxembourg

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    SOMMAIRE

    Introductiongnrale

    PartieI.Lapplicationdirectedudroiteuropendelaconcurrenceauxentreprisesdestatstiers.

    TitreI.Larglementationeuropennedelactivitdentreprisesdestatstierstouchantaumarcheuropen.

    Chapitre1.Lapplicationdudroiteuropenauxentreprisesdestatstiers.Larglementation.Chapitre2.Lapplicationdudroiteuropendelaconcurrenceauxentreprisesdestatstiers.

    Lexcution.

    TitreII.Lesproblmesissusdelapplicationdudroiteuropendelaconcurrenceauxentreprisesdestatstiers.

    Chapitre1.Lapplicationsimultanedesloissurlaconcurrencedeplusieurstatsetleprincipenon

    bisinidem.Chapitre2.Lapplicationsimultanedudroitdelapropritintellectuelleetdudroiteuropendela

    concurrenceauxentreprisesdestatstiers.Chapitre3.Lapplicationsimultanedudroitinternationalprivetdudroiteuropendela

    concurrenceauxentreprisesdestatstiers.Chapitre4.LesrelationsentrelesnormesdudroitdelOMCtouchantlaconcurrenceetledroit

    europendelaconcurrence.PartieII.Lapplicationindirectedudroiteuropendelaconcurrenceauxentreprisesdestatstiers.

    TitreI.Lacrationdergleshomognesdelaconcurrenceendehorsdunaccordinternationalsurlaconcurrence.Chapitre1.Lemodleconomiquecommepreuvedubesoindelacooprationinternationalerglant

    laconcurrence.Chapitre2.Lemodleeuropendudroitdelaconcurrencecommebasepourledroitdela

    concurrencedestatstiers.

    TitreII.Lesdroitsnationauxdeslaconcurrencedestatstierssurlabasedumodleeuropen.

    Chapitre1.LacooprationentrelUEetlaChinedansledomainedudroitdelaconcurrence.Chapitre2.LacooprationentrelUEetlaRussiedansledomainedudroitdelaconcurrence.

    PartieIII.Versunaccordinternationalsurlaconcurrence.

    TitreI.UnaccordinternationalsurlaconcurrenceauseindelOMC.

    Chapitre1.LespropositionsdelUEdemesuresmultilatrales.Pourquoicroitonaudroit

    internationaldelaconcurrence?Chapitre2.LOMCcommeplateformepourlacrationdundroitinternationaldelaconcurrence.

    TitreII.Lemodledunaccordinternationalsurlaconcurrence.

    Chapitre1.LapropositiondunmodledunaccordinternationalsurlaconcurrenceauseindelOMC.Chapitre2.LesatoutsetlesdfautsdunaccordinternationalsurlaconcurrenceauseindelOMC.

    Conclusiongnrale

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    PRINCIPALESABBREVIATIONS

    ADPIC L'Accord sur les aspects des droits de proprit intellectuelle qui

    touchentaucommerce

    Aff. Affaire

    ANC Lesautoritsnationalesdelaconcurrence

    CE Communautseuropennes

    C.E.C.A. Communauteuropenneducharbonetdel'acier

    CEE Communautconomiqueeuropenne

    CJCE CourdejusticedesCommunautseuropennes

    CJUE CourdejusticedelUnioneuropenne

    Commission Commissioneuropenne

    DoJ DepartmentofJustice

    FAS ServicefdraleantimonopoledelaRussie

    FTC FederalTradeCommission

    FZ LoifdraledelaRussie

    GATT Accordgnralsurlestarifsdouaniersetlecommerce

    ICN Rseau international de la concurrence (International Competition

    Network)

    LAM LoiantimonopoledelaChine

    N Numro

    LOCDE L'Organisationdecooprationetdedveloppementconomiques

    LOMC LOrganisationmondialeducommerce

    op.cit. Prcit

    LORD LOrganederglementdesdiffrends

    p. Page

    pp. Pages

    REC Rseaueuropendelaconcurrence

    RTDE Revuetrimestrielledudroiteuropen

    s. suivants

    TCE TraitinstituantlaCommunauteuropenne

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    TCEE Traitinstituantlacommunautconomiqueeuropenne

    TFUE Traitsurlefonctionnementdel'Unioneuropenne

    TraitdeRome TraitinstituantlaCommunauteuropennede15mars1957

    TraitdeParis TraitinstituantlaCommunauteuropenneducharbonetdelacier

    de18avril1951

    Tribunal TribunaldelUnioneuropenne

    TPI TribunaldepremireinstancedesCommunautseuropennes

    UE LUnioneuropenne

    Vol. Volume

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    INTRODUCTIONGNRALE.

    Letermedelvolutionestappelcoopration.

    Ilsagitdunitmorale,deconcentrationpolitique

    entretatssouverains.

    RaymondAron,

    LeFigaro,11.09.1967.

    1. Introduction au sujet de la recherche. Le droit europen de la concurrence a

    vocationsappliquernonseulementauxentreprisesressortissantesdestatsmembresde

    lUnioneuropennemaisaussiauxentreprisesdestats tiers,dans lesconditionsdcrites

    infradanscettetude,etdterminesdansunetrslargemesureparlinterprtation,par

    les institutionseuropennes(laCommissioneuropenne, laCourdeJusticeet leTribunal),

    desarticles101et102TFUE.Lapierreangulairedelapplicabilitdudroitdelaconcurrence

    ces entreprises non europennes est la thorie de leffet, dont lapplication na,

    paradoxalement, jamais t expressment confirme par la jurisprudence, mais dont

    lexistenceendroitpositifestfacilementdmontrepar la lecturede ladite jurisprudence.

    Ensubstance,etsousrservedesprcisionsetclarificationsapportesdans lecorpsde la

    thse,lathoriedeleffetnoncequeledroiteuropenestapplicableauxentreprisesdes

    tats tiers dans lamesure o elles commettent des actes qui ont un effet sur lemarch

    europen. Une pareille application, directe et extraterritoriale, du droit europen, est

    nanmoinsproblmatiqueenpratiqueet,sansdoute,surleplandesprincipes.

    Ilnestgurebesoinderappelerquelconomiecontemporainesecaractriseparune

    mondialisation sans cesse croissante des changes.Or, dans ce contexte, il nest pas rare

    quedes conflits de lois assez graves soient signaler, notammentenmatirededroit de

    concurrence.Commedcrit infra, il estpar consquent ainsi concevableque ledroitdun

    tat membre de lUE, le droit europen, le droit de ltat dont lentreprise en cause est

    ressortissante et, gnralement dans une moindre mesure, le droit de lOrganisation

    mondiale du commerce soient applicable simultanment lamme situation, en plus de

    touslesautresdroitsnationauxdestatsaffectsparlapratiqueincriminedanslamesure

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    ocestatsappliquenteuxaussilathoriedeleffet.Silsagissaitdunequestiondedroit

    international priv, les scrupules ne seraient gnralement gure de mise: le juge saisi

    appliquerait la rgledeconflitpertinente (parexemple, la rglebilatraledeconflit)pour

    dterminerlaloiapplicable;toutauplussecontenteraitildappliquerdistributivementles

    droitsdediffrentstatsdiffrentslmentsdefait.Leproblmeauquellespcialistedu

    droitdelaconcurrenceestconfrontrsidedanscequeplusieursdroitsdelaconcurrence

    soientapplicablessimultanmentauxmmesfaitsjuridiques.Ainsi,silentrepriseacommis

    unacteayantunimpactsurntatsreconnaissanttouslathoriedeleffet,laditeentreprise

    sera jugen foisetcondamne (potentiellement)n fois.Un tel rsultatnestvidemment

    passatisfaisant.

    Quid, en effet, du principe non bis in idem? On sait quen droit positif, il nest

    applicable quenmatire pnale,mais le droit ne dit pas toujours la justice, et il semble

    difficilementjustifiabledepouvoirprononceruneamendeautitredesmmesfaitsdevant

    plusieurs fora diffrents pour la seule raisonque linfraction est qualifie dadministrative

    plutt que de pnale. Il est tout le moins paradoxal, ce titre, de relever que la

    dpnalisationoulanonpnalisationdudroitdelaconcurrenceconduitunelimination

    desgarantiesaccordesaujusticiableendroitpnal.

    De faon similaire, cette mondialisation des changes et lexistence de socits

    multinationales dont elle est indissociable ont, empiriquement, pour effet de causer des

    dommages prives dans des juridictions diffrentes, quoique dans cette espce les

    problmesthoriquesneseposentpasaveclammeacuitquedanslecasdesamendesde

    droitpublic,puisque,commereconnuendroitinternationalpriv,ilestjustequetoutesles

    parties lses par un acte illicite puissent obtenir rparation, sans considration de leur

    nationalitoursidence.Pourtant,lecumuldecesactionsdedroitprivestsusceptiblede

    gnrerdesdifficultspratiquesnonngligeables.

    Mais il est galementpossibleque le juge soit amen trancherdes situationso

    plusieurs droits de la concurrence, simultanment applicables, dictent des solutions

    opposesetdonc incompatibles.La jurisprudencenousaainsioffertunexemplefascinant

    de conflit entre le droit europen et droit de lOMC dans laffaireMicrosoft1, qui sera

    analyse plus en dtail dans le corps de la thse. LentrepriseMicrosoft, qui a son sige

    socialdansltatdeWashington,auxtatsUnis,taitaccuse,surlefondementdelarticle

    1TPI,17.09.2007,MicrosoftCorp.c/Commission,T201/04,Rec.2007p.II03601.

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    102 TFUE, davoir abus de sa position dominante sur le march des logiciels. Microsoft

    arguait,lappuidesesprtentions,quellenepouvaittrecondamnepuisquelaccordsur

    les ADPIC, sign dans le cadre de lOMC, garantissait lexercice des droits de proprit

    intellectuelle(etdonc,enlespce,celuidesdroitsdauteursurlogiciel).Bienqueladfense

    deMicrosoft nait finalement pas t victorieuse, laffaire a rendumanifeste le risque de

    conflitentredroiteuropendelaconcurrenceetdroitdelOMC,surtoutenmatirededroit

    de proprit intellectuelle, mais pas seulement quadviendratil lorsque lOMC

    interprtera un accord sur les droits de douane de manire incompatible avec une

    jurisprudence europenne? En tout tat de cause, ledit risque est encore plus difficile

    quantifierpourlesentreprisesnoneuropennes.LaccordsurlesADPIC,affirmelaCourde

    Justice,nestpasassezclairpourtredirectementinvocableparlespartiesaulitige;ilnelie

    quesessignataires(dontlUnioneuropenne)envertuduprincipepactasuntservanda;et

    pourtantlaCourdeJusticesembledevoirimposerauxentrepriseslerespectdelaccordsur

    les ADPIC. Le concept mme dtat de droit, tenu par les rgles que luimme impose,

    semblebranl.

    Enguisedemtaphore,ilestpossiblededirequonanalysedabordlesracinesdun

    arbre (la lgislation, les notions et les concepts gnrant lapplication extraterritoriale du

    droit europen de la concurrence) puis ses fruits (les problmes issus de lapplication de

    cettelgislationetdecesconcepts).

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    Lobjetdeltudesemblecrucialdeuxpointsdevue.

    En premier lieu, la position du droit positif est vectrice dune inscurit juridique

    indniable pour les entreprises. Outre les rparations diverses auxquelles les personnes

    ayantsubiundommagedufaitdelactivitillicitedelentrepriseontdroit(etquisemblent

    unpendant logiqueetquitablede lopportunitoffertecettemmeentreprisedefaire

    affaire travers le globe terrestre), la menace damendes est, sur le plan pratique,

    extrmement difficile valuer (combien dtats concernes, et quels critres de calcul

    utilisentils?)et,surceluidesprincipes,parfaitementinjuste.Ensuivantdistinctionopre

    par Aristote2, et sur laquelle nous nous attarderons plus longuement infra, si la fonction

    distributricedoiteffectivementsapprcierlchelledetouteslespersonneslses,onvoit

    malcequelafonctionrtributricegagnesemanifesterplusieursfoispourlesmmesfaits.

    Par ailleurs, et du fait mme de cette imprvisibilit, le droit positif entrane des

    effets indsirables sur le plan conomique. Sans que ce soit le but (au moins avou) de

    quiconque,laprtentiondelUnioneuropenneetdestatsquiappliquentleurdroitdela

    concurrencedemanireextraterritorialedcourageindirectementlesinvestissementsetla

    poursuite des activits commerciales des entreprises hors de leur frontires: nouveau,

    quel directeur financier souhaiterait inscrire au bilan de sa socit une provision

    littralement inquantifiable? Lexistence dune telle pe de Damocls reprsente bel et

    bien une externalit ngative au sens donn cette expression par la thorie

    microconomique pour les entreprises et donc, in fine, une perte conomique au niveau

    mondial.3

    Chaque chapitre de la thse dmontrera la ncessit de la rglementation

    internationaledesrelationsconcurrentiellesentrelesentreprisesetlimpossibilitdergler

    touslesproblmesissusdelaconcurrenceinternationaleauniveaulocal.4Onvoitdjque

    lanaturedudroitde la concurrence (lequelentretientdes lienstroitsavec ledroitde la

    2VoirAristote,EthiqueNicomaque,sousladirectiondeJulesTRICOT,Vrin,1994,540p.3Voir, par exemple, JeanJacques GABAS, Philippe HUGON, Les biens publics mondiaux et la cooprationinternationale,L'conomiepolitique4/2001(no12),p.1931.Accessiblesurwww.cairn.info/revueleconomiepolitique20014page19.htm.4SurlaloiglobalevoirGlobalLawWithoutaState,editedbyGuntherTEUBNER,Dartmouth,1997,305p.;voiraussiHansLINDAHL,ALegality:PostnationalismandtheQuestionofLegalBoundaries,TheModernLawReview73(1),2010,3056pp.

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    proprit intellectuelle et le droit priv) et surtout son caractre extraterritorial donnent

    naissanceplusieursproblmes,queloncherchersoudre,auminimumenpartie.

    Ainsi, aprs avoir examin les conditions dapplication du droit europen de la

    concurrenceauxentreprisesdestatstiersetlesproblmesissusdunetelleapplication,on

    arriveralaseuleconclusionpossible:lancessitdeconclureunaccordinternationalqui

    pourraitrglerlesproblmeslislapplicationextraterritorialedudroitdelaconcurrence.

    On proposera de choisir lOrganisation Mondiale du Commerce comme forum pour le

    dveloppementetlaconclusiondunaccordinternationalsurlaconcurrence,lequelpourrait

    donner uneplus grande scurit juridique aux entreprisesmultinationales, les entreprises

    qui affectent les autres marchs que leur march dorigine, ce qui vise, finalement,

    promouvoir le commerce international et protger la fois la concurrence et les

    consommateursdemanirequitablepartoutdanslemonde.

    Enoutre,onverraqueledroiteuropendelaconcurrencereprsente(aveclemodle

    amricain) un des modles dominants du droit de la concurrence aujourdhui. Par

    consquent, plusieurs tats suivent lexemple europen en vue damliorer oumme de

    crer leurspropres loisconcurrentiellesdans lebutfinaldedonnerauxsesentreprises les

    meilleuresconditionspourleuractivitconomiquesurlemarchnationaletsurlemarch

    mondial. Particulirement, on analysera les cas de la Chine et de la Russie, lesquels

    constituent les exemples les plus marquants de lemprunt du modle du droit de la

    concurrenceeuropen.

    Onexamineraenmmetempslesraisonsconomiquesduntelchoix.Ainsi,laidede

    la thoriedes jeux,onmontrerapourquoi lechoixde lacooprationetde lunificationdu

    droitdelaconcurrenceestlepluslogiquepourlaplupartpaysdumonde,etparlasuiteon

    analyseraendtailslesexemplesdunetellecooprationentrelUEetlaChine,dunepart,

    etlUEetlaRussie,dautrepart.

    Enconcluantcetterecherche,onviseprsenterunesolutionauxproblmesdcrits

    cidessus,souslaformedunmodledaccordinternational.Commelamontrlaguerre

    des lois (tudie infra), la conclusiondun accorddans le casdun conflit parat la seule

    solutionefficace.Aujourdhuilesaccordsbilatrauxneparviennentplusrsoudretousles

    problmes de lconomie globale; il est donc ncessaire de recourir un accord

    international multilatral sur la concurrence conclu, par exemple, dans le cadre de

    lOrganisationMondialeduCommerce.

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    2.Introductionlaproblmatique:Todealornottodealaveclesentreprisesdes

    tatstiers?Tobeornottobe:thatisthequestion?.5Avantdaborderlanalysedusujet

    principal du premier titre de la thse, il parat utile de raconter la prhistoire de la

    reconnaissancemodernede lapplicationdudroiteuropende laconcurrencedemanire

    extraterritoriale,danslebutdemieuxcomprendrelagensedesproblmesexaminstout

    aulongdelarecherche.

    Il est tout fait possible imaginer qu lpoque o, suite au dveloppement du

    commerce international, les entreprises des tats tiers6ont commenc entrer sur le

    marcheuropen(crerdesfilialesouvendresesproduitsouservices),laquestionsuivante

    a t pose aux autorits de lUnion Europenne: to deal or not to deal avec ces

    entreprisestrangreslesconsidrerounepaslesconsidrer?

    Ilestfaciledetraiterunefilialeduneentreprisetrangreinstallesurleterritoirede

    lUE commenimportequelle autre entreprise europenne. En revanche, lpoque il ny

    avaitpasderponselaquestiondelaresponsabilitdelasocitmrequisetrouvait

    ltranger.Aussi,lasolutionappliqueraucasdunesimpleventedeproduits(ouprestation

    deservices)dunesocittrangresurlemarcheuropen,sanscrationdunefiliale,tait

    peuclaire.Unetelleventeaffectevidement lecommerce,etsielleestassez importante,

    ellepourraitaffecter lecommerceentre lestatsmembreset,ainsi, formellementtomber

    dans le champ dapplication du droit europen de la concurrence. Nanmoins, sans la

    reconnaissance de lapplication extraterritoriale du droit de la concurrence il ntait pas

    possibledepoursuivreuneentreprisequintaitpasphysiquementsurleterritoiredelUE.

    Ainsi, la rponse la question to deal or not to deal (cestdire traiter les

    entreprisesdestatstiersaffectantlecommerceentrelestatsmembrescommesujetsdu

    droit europen de la concurrence), initialement ngative, a graduellement volu vers la

    positive,cequiarsolucertainsproblmesconcernantlaprotectiondumarcheuropen,

    mais aussi engendr en mme temps une plthore de problmes lis lapplication

    extraterritorialedudroiteuropendelaconcurrence.

    Commecelaatmentionnauparavant,lapremirerponselaquestiontodeal

    or not to deal avec les entreprises des tats tiers dont lactivit affecte le march

    europen?taitngative,danslamesureolarticle65deTraitdeParis(prdcesseur

    5WilliamSHAKESPEARE,Hamlet3/1.6Saufprcisioncontraire, letermelesentreprisesdestatstierscomprendensoi,dans lecadredecettethse,touteslesentreprisesayantleursigesocialendehorsduterritoiredelUE.

  • 21

    delarticle85duTraitdeRome(devenupostrieurementlarticle81TCEetensuitelarticle

    101TFUE))taitapplicableseulementauxentrepriseseuropennes.Cetarticlecomportait

    linterdiction de tous accords entre entreprises qui tendraient sur le March commun,

    directement ou indirectement, empcher, restreindre ou fausser le jeu normal de la

    concurrence. On voit que larticle 65 navait pas de disposition expresse limitant son

    champdapplicationdanslespace.Toutefois,unetellelimitationtaitfournieimplicitement

    par la qualification matrielle que ces dispositions donnent aux ententes quelles

    interdisaient.Ainsi,ilestvidentquelarticle65avaituneporteterritorialepluslimiteque

    sessuccesseurs,enraisondeladfinitiondelanotiondentreprisequecomportaitleTrait

    de Paris dans son article 80. En effet, aux termes de cette disposition, les entreprises, au

    sensduTrait,taientcellesquiexercentuneactivitdeproductiondans ledomainedu

    charbonetdelacierlintrieurdesterritoiresC.E.C.A.et,enoutre,encequiconcernait

    lesarticles65et66(lesprdcesseursdesarticles101et102TFUE),lesentreprisesou

    organismesquiexercenthabituellementuneactivitdedistributionautreque laventeaux

    consommateursdomestiquesoulartisanat(lintrieurdesmmesterritoires).7

    Ainsi,onpeutendduirequelententedevaitavoirtconclueentredesentreprises

    C.E.C.A. pour que larticle 65 ft applicable. Une entente entre une entreprise

    communautaire (europenne)8et une ou plusieurs entreprises noncommunautaires (non

    europennes), et a fortiori une entente exclusivement entre entreprises non

    communautaires, ne tombaient pas sous le coup de larticle 65. Lapplication

    extraterritorialedelarticle65taitdoncexclueparlestermesduTraitdeParis.9

    Toutefois, le Trait de Rome ne limitait pas la notion d entreprise aux entits

    communautaires.Cependant,lesententesdontlimportancenedpassaitpasleslimitesdes

    marchsintrieursdestatsmembresrestaientsoumisesaudroitdelaconcurrenceinterne.

    Larticle 85 ne visait que les ententes susceptibles daffecter le commerce entre tats

    membres.Cetarticlecomportait linterdictiondetousaccordsentreentreprisesquisont

    susceptiblesdaffecterlecommerceentretatsmembresetquiontpourobjetoupoureffet

    7Paul EECKMAN, Lapplication de larticle 85 du Trait de Rome aux ententes trangres la C.E.E. maiscausantdesrestrictionslaconcurrencelintrieurduMarchCommun,Revuecritiquededroitinternationalpriv,1965,pp.501502.8SuiteladoptionduTraitdeLisbonne,danslecadredalathseonutiliseletermeeuropenpourlesnotionsquiavanttaientqualifiescommecommunautaires.Toutefois,parfoispourprserverlecontextehistoriqueongardeletermeancien.9Paul EECKMAN,Lapplicationde larticle85duTraitdeRomeauxententestrangres laC.E.E,op.cit.,p.502.

  • 22

    dempcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence lintrieur duMarch

    commun.Ainsi,pourquunetelleententetombesouslecoupdelarticle85,ilsuffitquelle

    ait comme objet ou pour effet dempcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la

    concurrencelintrieurdumarchcommun.10

    Par consquent, onpeut conclureque lrede lapplicationextraterritorialedudroit

    europendelaconcurrenceacommencavecladoptionduTraitdeRomeetaujourdhui

    lapplication des articles 101 et 102 TFUE suit lesmmes principes. Comme le disait dj

    Robert Kovar dans les annes quatrevingt, aucune politique de la concurrence ne peut

    ignorerladimensioninternationale.11

    Diffrents facteurs ont men cette situation: premirement, linternationalisation

    croissantedesconomies,deuximement,lefaitquunetelleinternationalisationaitpouss

    desentreprisessaffranchirdeslimitestatiquesetfinalement,limportanceaccordeaux

    marchs trangers, dans la mesure o le dveloppement des socits multinationales

    sinscritdanscetteorientation.12Ainsi,lapplicationextraterritorialedudroiteuropendela

    concurrencetaitinvitable.

    Historiquement, la question de lextraterritorialit sest premirement pose dans le

    cadredudroitpnal.Ilsagissaitdesavoirsiuntatpouvait,sansviolerledroitinternational

    public,punirsoituncrime,soituneatteintesascuritousoncrditdontunoutousles

    lments constitutifs staient drouls lextrieur de son territoire. Ce type daffaires

    provoquait un diffrend entre deux pays, si lun des deux, prenant fait et cause pour la

    personne accuse, contestait le droit de lautre rprimer lacte incrimin. Toutefois, le

    dbat ne slevait pas ncessairement au niveau intertatique. Ainsi si laccus tait un

    ressortissantdeltatquiappliquaitsondroitousilactetaitvuavecunegalerprobation

    parltatsurleterritoireduquelilavaitttotalementoupartiellementexcut.13

    Cest avec lapplication extraterritoriale de plus en plus frquente de lois de nature

    conomique (comme,par exemple, ledroit de la concurrence), sanctionnespnalement,

    administrativementoucivilement,quelesdiffrendsentretatsontsurgidefaonrgulire,

    chaquepays invoquant sa souverainetconomiquesoitpouragir, soitpourprotester. La

    10Ibidem.p.504.11Robert KOVAR,Droit communautaire de la concurrence et droit international, Cahiers de droit europen,1986,p.127.12Ibidem.13Paul DEMARET, Lextraterritorialit des lois et les relations transatlantiques: une question de droit ou dediplomatie?,Revuetrimestriellededroiteuropen,1985,p.2.

  • 23

    frquenceaccruedesproblmesdextraterritorialitenmatirededroitdelaconcurrence

    estvidemmentlerefletdelinternalisationdelavieconomique.Responsableouvictime,

    unpersonnageesttoujoursenscne:lentreprisemultinationale.14

    Il fautgalementsoulignerque lconomiemodernesecaractriseparsoncaractre

    mondialetsouventcesontlessocitsmultinationalesquiontleplusdesuccs,quisontles

    plusefficaces,quiproduisentplus,quicrentplus.Letableausuivant,construitsurbasedes

    rapportsannuelslesplusrcents15,compilelesdixsocitsgnrantleplusderevenusau

    monde.Toutessontdessocitsmultinationales:

    Classement Socit tatdorigine Autreszonesdactivit

    1 ExxonMobil tatsUnis Canada,Russie,UE

    2 RoyalDutchShell PaysBas UE, Afrique du Sud, Philippines,

    AmriqueduNord

    3 Walmart tatsUnis Chine,Inde,Brsil,Nigria

    4 BP RoyaumeUni UE,exURSS,Colombie,tatsUnis

    5 Vitol PaysBas ExURSS,AfriquedelOuest

    6 Sinopec Chine Canada,Brsil,Afrique

    7 Chevron tatsUnis Mexique,Nigria,Australie

    8 ConocoPhilips tatsUnis UE,Bangladesh

    9 SamsungGroup CoreduSud Prsencemondiale

    10 ToyotaMotors Japon AmriqueduNord,Europe

    Lemondedelconomiemondialispromeutlecommerceinternational,il incitela

    crationdentreprisesmultinationalesayantleursfilialesetlesinfrastructurespartoutdans

    lemonde, qui vendent leur production dans chaque pays. Ainsi, chaque anne il y a plus

    dentreprisesquiveulentsortirdeleurmarchdorigineetconqurirlesmarchsdesautres

    pays,ensuivantlesexemplesdesgrandesrussitesdeleursglorieuxans

    On sintresse lhistoire de la reconnaissance de lextraterritorialit du droit de la

    concurrencedanslebutdecomprendremieuxlasituationjuridiqueactuelle.Enconstatant

    quedeplusenplusdentreprisesdestatstiersaffectaientlemarcheuropen,suiteleur

    14Ibidem.15 Voir www.exxonmobil.com, www.shell.com, www.walmart.com, www.bp.com, www.vitol.com,english.sinopec.com, www.chevron.com, www.conocophillips.com, www.samsung.com, www.toyotaglobal.com,06.09.2012.

  • 24

    activitconomiqueinternationale, lUEatobligedesoccuperdeceproblmeenvue

    deprotgerlaconcurrencesursonterritoireetsesconsommateurs.Ainsi,ctaitsurtoutle

    dveloppement du commerce international et lapparition de plusieurs entreprises

    internationales sur le march mondial qui ont pouss les autorits de lUE changerla

    rponsenotrequestion(dealornottodealaveclesentreprisesdestatstiers?)versla

    positive: to deal. LUE a donc reconnu leffet extraterritorial de son droit de la

    concurrence(danslecadredecetteintroductiononanalyseraleprocessusendtails).

    Toutefois, le droit europen nest pas le seul droit de la concurrence appliqu de

    manireextraterritoriale.Commeonleverradanslecadredelathse,presquetouslespays

    prvoient lapplication extraterritoriale de leur droit national de la concurrence, car ils

    affrontentlesmmesproblmesissusdelaprotectiondelaconcurrencesurleursmarchs

    etlaprotectiondesconsommateurs.

    Il est important de souligner que lide dappliquer le droit de la concurrence de

    manireextraterritoriale,neauseindudroitamricaindantitrust,estrepriseaujourdhui

    par presque tous les autres pays du monde. Nanmoins, avant quune telle pratique ne

    devntreconnueetaccepteilyeutunelonguepriodedeguerredeslois.

    Ainsi, ctait les tatsUnis qui ont appliqu le droit antitrust de manire

    extraterritorialepourlapremirefoisendonnantnaissancelathoriedeleffet, laquelle

    thoriequiseraexamineplusieursfoisdanslecadredecetterecherche.

    Dans son grand arrt rendu dans laffaire United States v. Aluminum Company of

    America (Alcoa)16, laCourdappeldestatsUnispour ledeuximecircuitadcidque

    les tribunaux amricains taient comptents pour juger les comportements anti

    concurrentielsadoptsltrangersiceuxciaffectaientintentionnellementlecommerce

    lintrieurdestatsUnis.Cettedcisionestdevenuelapierreangulairedelapplicationdu

    droitamricainde laconcurrence(ouledroitantitrustcommeonlappelleauxtatsUnis)

    horsdesfrontiresdestatsUnis.17

    Depuis Alcoa, cependant, lapplication extraterritoriale du droit amricain de la

    concurrence a t la cause de problmes conomiques et politiques croissants pour les

    tatsUnis, et ceci pour plusieurs raisons. Seuls les tatsUnis, lUnion europenne et

    16VoirUSv.AluminiumCo.ofAmerica148F.2d416(2dCir.1945).17Reassessmentof InternationalApplicationofAntitrust Laws:BlockingStatutes,BalancingTests,andTrebleDamagesby Duke Univesrity School of Law, Law and Contemporary Problems, Vol.50, N 3, Summer 1987,p.197.Accessiblesurhttp://www.jstor.org/stable/1191671

  • 25

    lAllemagne cherchent activement appliquer leur droit de la concurrence hors de leurs

    frontires,etseulledroitamricainpermetdobtenirdesdommagespunitifsdanslecadre

    dune action de droit priv base sur lapplication extraterritoriale du droit de la

    concurrence.18

    Les conflits de politique de concurrence entre nations ont caus de nombreux

    diffrends internationaux. Ils endommagent les relations internationales des tatsUnis et

    ralentissent lapromotiondesapolitiqueextrieure.En fait, cesdiffrendsontsuscitdes

    reprsailles,ycomprisdescontrelgislations(blockingstatutes)quidmontrentuncertain

    ddain pour le droit amricain de la concurrence et sont conues pour dcourager son

    application extraterritoriale. Ces contrelgislations taient de deux natures: certaines

    empchaientlacollectedinformationsauprsdelautorittrangre,etdautrespriventde

    toute force lesdcisions judiciairestrangrespouvantmenacer les intrtsdepersonnes

    demanireextraterritoriale.19

    Le RoyaumeUni, la France, le Canada et lAustralie figurent parmi les tats qui ont

    adoptdescontrelgislationsenrponseunedesactionsentreprisesparlestatsUniset

    perues comme abusives, pour protger leurs industries nationales du gouvernement

    amricainetdedemandeursenjusticedansleLitigesurluranium.

    LeLitigesurluranium20acommencdanslesannes1970lorsqueleDepartmentof

    Justice a enqut sur lindustrie de lextraction duranium. Paralllement, des actions de

    droitprivonttgalementdposes.Dans lunedentreelles, la socitWestinghouse

    Electric Corporation allguait que les producteurs duranium en dehors des tatsUnis

    staient entendus pour augmenter le prix de luraniumdans une si largemesure que les

    contrats deWestinghouse taient devenus enpratique inoprables. Lors de la phasepr

    contentieuse, Westinghouse a essay dobtenir des documents et des tmoignages de

    producteurs trangers, ce qui a dclench des reprsailles de la part des pays trangers,

    lesquelscroyaientqueleLitigesurluraniumntaitriendautrequunmoyendguisutilis

    par les tatsUnis pour appliquer unilatralement ses politiques commerciales et

    conomiqueslchellemondiale.21

    18Ibidem.19Ibidem.pp.197198.20USv.GulfOilCorp.,Crim.N78123(E.D.Pa.,filedMay9,1978).21ReassessmentofInternationalApplicationofAntitrustLaws...,op.cit.,pp.198199.

  • 26

    Westinghouse a ainsi tent dobtenir des documents et des tmoignages de

    dirigeants de Rio Tinto Zinc, Ltd., un producteur britannique duranium, nomm comme

    dfendeurlaction.Aceteffet,Westinghouseadposunecommissionrogatoireauprs

    des tribunaux britanniques. Quand laffaire est arrive devant la Chambre des Lords, le

    gouvernement britannique est intervenu pour affirmer que les intrts nationaux du

    RoyaumeUniexigeaientquelesdemandesdinformationsfussentrefuses.22

    En rponseauLitigesur luranium, leCanadaaadoptdenouvelles rgles limitant

    lapplication extraterritoriale du droit amricain de la concurrence: dabord, le Canada a

    approuvunenouvellelgislationpermettantlaCommissionsurlesrglesrestrictivesdu

    commercedesopposer lamiseenuvredejugementstrangersayantuneffetngatif

    surlaconcurrenceauCanada.Enoutre,leparlementcanadienaapprouvleRglementsur

    lascuritdelinformationrelativeluraniumen1976.Cesnouvellesrglesnavaientpour

    but que dempcher la communication de documents situs au Canada aux parties

    amricainesprivesauLitigesurluranium.23

    Dans le cadre dune action analogue, un tribunal amricain navait pas appliqu la

    doctrineadministrativede lactedegouvernementunproducteur franaisquine stait

    pasprsentdevantcetribunaletencontestait lacomptence.Legouvernementfranais

    interprtait ce refus comme un rejet des principes de courtoisie internationale dans la

    mesureoleditrefuspouvaitpermettreauxjugesduntatdenqutersurlaconduitedes

    personnesagissantsurinstructionduneautrepuissancepubliquesouveraine.Finalement,la

    Franceapromulguunecontrelgislation.24

    Enfin,leLitigesurluraniumaentranladoptiondedeuxnouvellesloisenAustralie,

    lune empchant la communication dinformation et lautre lapplication des jugements

    trangers.Legouvernementaustraliensopposaitfortementlenquteamricainecause

    des graves effets quun jugement prononant des dommagesintrts pourrait avoir sur

    lconomie australienne, dans des domaines tels que le financement de projets lis aux

    ressources naturelles, lattractivit quant aux investissements trangers, le commerce de

    luranium et dautres matires premires, et la viabilit financire () des socits

    concernes,domainesquijouenttousunrlecapitaldanslaproductionetlexportationdes

    ressources naturelles de lAustralie. Ces deux nouvelles lois ont t adoptes peu aprs

    22Ibidem.p.199.23Ibidem.p.200.24Ibidem.

  • 27

    queWestinghouse a dpos des commissions rogatoires auprs des tribunaux australiens

    afin dobtenir de nouvelles informations quant la participation dentits australiennes

    lentente.Malgrlaloicontrelacommunicationdinformations,lestatsUnisontcontinu

    leurenquteettentdobtenirdautresinformationssurlerledesentitsaustraliennes.Le

    refus subsquent des producteurs australiens de se prsenter devant le juge ont fait

    craindre lAustralie que les tribunaux amricains ne prononassent des jugements par

    dfaut contre les socits australiennes, ce qui a conduit ce pays a promulgu une loi

    autorisantlAttorneyGeneraldinterdirelapplicationdejugementstrangersendroitdela

    concurrencedevantlejugeaustralien.25

    Certaines contrelgislations contenaient des dispositions qui, simultanment,

    empchaientlacommunicationdinformationsetrendaientlesjugementstrangerscaducs

    dans lordre juridique national. D'autres se concentraient sur un seul but; ainsi, la loi

    franaise se bornaitelle empcher la communication dinformations conomiques,

    commerciales et techniques dans la mesure ou la scurit ou les intrts conomiques

    essentielsde laFrancetaient touchs.Lamme loia interditgalementquiconque,en

    France ou ltranger, de requrir la production de documents commerciaux de la part

    duneentreprisefranaise.Laloinapaseubesoindunemiseenuvreadministrativepour

    sappliquer.26

    A contrario, le Protection of Trading Interests Act approuv par le parlement

    britannique a restreint la fois la communication dinformations et lapplicabilit des

    jugementstrangers: la loi a autoris le Secrtairebritanniqueau commercedempcher

    toute communication dinformations lorsque lesdites informations sont hors de la

    comptenceterritorialedelautoritrequranteetdimmobiliserlapplicationdejugements

    trangersquiprononcentdes jugementsmultiples contredesdfendeursbritanniques. Le

    Secrtaire au commerce disposait dune large autorit quant toute obligation ou

    interdiction trangre dans lamesure o les intrts commerciaux du RoyaumeUni sont

    affects.Enfin,laloipermettaitauxdfendeursbritanniquesdercuprerlemontantnon

    compensatoire des dommagesintrts prononcs pour les consquences des actes non

    entreprisdansleterritoiredeltatquiaprononcladcisionenquestion.27

    25ReassessmentofInternationalApplicationofAntitrustLaws...,op.cit.,pp.200201.26Ibidem.p.201.27Ibidem.p.202.

  • 28

    Enfin,leCanadaetlAustralieontgalementtousdeuxadoptdescontrelgislations

    dotsdunetrslargeporte.

    Toutefois,iltaitvidentlecommerceinternationalnepouvaitpassedvelopperdans

    lecadredetellehostilitentrelestats,ilfallaitmettrefincetteguerredesloiscomme

    nimportequelleautreguerrequiempchedemenerunevieconomiquenormale.Ainsi,

    la seule solution tait de conclure des accords internationaux en vue daffronter le

    problmedapplicationextraterritorialedudroitdelaconcurrence.

    Lepremieraccordbilatraldecetypeatconcluen1976entrelesdeuxnationsqui

    disposaientlpoquedesmoyensdapplicationdudroitdelaconcurrencelesplustendus,

    savoirlestatsUnisetlaRpubliquefdraledAllemagne.SuiteauLitigesurluraniumet

    aux contrelgislationsqui enont rsult, les tatsUnisont concludes accordsanalogues

    avec lAustralie, et, sous la forme dunmemorandum of understanding, avec le Canada.

    Simultanment,laFranceetlaRpubliquefdraledAllemagneontsignuntraitsimilaire

    surlesquestionsdeconcurrence.28

    Tous les accords prcits exigent une coopration extensive entre les autorits

    nationalesde laconcurrenceetobligent leursparties sefforcerdarriverdesdcisions

    mutuellement acceptables lorsque les autorits des deux pays sont comptentes. Le

    processus a t notablement amlior par laccord sur lapplication du droit de la

    concurrencesignparlestatsUnisetlaCommissioneuropenneenseptembre1991.29

    Toutefois,ilfautsoulignerquecetaccordatannulsuiteladcisiondelaCourde

    Justice France c/ Commission de 1994.30 Selon la Cour, la Commission a dpass ses

    comptencesenconcluantuntelaccord.

    Nanmoins, la coopration entre lUE et les tatsUnis concernant le droit de la

    concurrenceacontinudesedvelopperetlAccordentrelegouvernementdestatsUnis

    dAmrique et la Commissiondes Communauts europennes concernant lapplicationde

    leurs rgles de concurrence a t sign en 1995. Une telle coopration continue 28 P. M. ROTH, Reasonable Extraterritoriality: Correcting the Balance of Interests, International andComparativeLawQuarterly,Vol.41N2April1992,p.269.Accessiblesurhttp://www.jstor.org/stable/760921LesaccordsbilatrauxconcernantlacooprationdansledomainedudroitdelaconcurrencesontanalyssendtailsdansleChapitre2duTitreIdelathse.29Cetaccordadvelopplecadreesquissparlesquatreaccordsbilatrauxquilontprcd.Ilaprvu,entreautres,unenotificationdesenquteetuneconsultationentreautoritsde laconcurrence,unecoordinationentre les autorits charges de lexcution force, la possibilit pour une partie de demander lautre decommencer une enqute sur les activits qui affectent ses activits importantes, et une obligation pour lesdeux parties de prendre en considration les intrts dcisifs de lautre avant de dcider de lancer ou demodifieruneenquteouuneprocdureetquantlasanctionrecherche.30CJCE,9.08.1994,Francec/Commission,Aff.C327/91,Rec.1994p.I03641.

  • 29

    sintensifieretonprsenteralesaccordsentrelUEetlestatsUnisconcernantledroitetla

    politiquedelaconcurrencedemanireplusdtailledansleChapitre2duTitreIdelathse.

    IlfautnoterquellandcisifauxtatsUnisenfaveurdelaconclusiondeconclusion

    dun accord avec lUE nest pas venu en rponse aux protestations europennes contre

    lapplicationextraterritorialedudroitamricainmais,aucontraire,descraintesamricaines

    quantlapplicationextraterritorialedudroiteuropendelaconcurrence.31

    Ainsi, on voit que lUE a suivi en quelque sorte le mouvement gnral en dcidant

    dappliquer son droit de la concurrence de manire extraterritoriale, ce qui tait

    conomiquementet juridiquement logiqueetmmencessairedans lebutdeprotger le

    marcheuropenetlesconsommateurseuropens.

    3. Structure. Toutefois, comme on la dcrit audessus, premirement, lapplication

    extraterritorialedudroiteuropendelaconcurrenceseproduisaitdemaniredirecte,mais

    au fil du temps plusieurs pays du monde ont commenc de suivre lexemple de lUE et

    adopterlesloisnationalesrassemblantbeaucoupaudroiteuropendelaconcurrence.On

    appelleradanslecadredecettethsecetteexpansionendouceurdumodleeuropen

    lapplication indirecte extraterritorialedudroit europende la concurrence.Cependant

    aprsavoiranalyslapplicationdirecteetindirectedudroiteuropendelaconcurrenceaux

    entreprisesdestatstiersonverraqueplusieursproblmesnaissentdunetelleapplication

    et lasolutionquiparattre laplusefficaceest ladoptiondunaccord internationalsur la

    concurrence au sein de lOMC. Ainsi, la thse est divise en trois parties: Lapplication

    directedudroiteuropende laconcurrenceauxentreprisesdestatstiers(I),Lapplication

    indirectedudroiteuropende laconcurrenceauxentreprisesdestats tiers (II)etVersun

    accordinternationalsurlaconcurrence(III).

    Cette structure permet de prsenter les problmes, les analyser et proposer une des

    solutions possibles. On espre vivement que cette thse pourra tre utile pour plusieurs

    tats et organisations rgionales et internationales (y compris lUE) ainsi que pour les

    entreprises partout dans le monde, et quelle intressera les acadmiciens ainsi que les

    praticiens.

    31P.M.ROTH,ReasonableExtraterritoriality:CorrectingtheBalanceofInterests,op.cit.,p.271.

  • 30

  • 31

  • 32

    PARTIE I. LAPPLICATION DIRECTE DU DROIT EUROPEN DE LA CONCURRENCE AUX

    ENTREPRISESDESTATSTIERS.

    4.Lapplicationdirecte.Commeonlamontrauparavant,lapplicationdirectede

    droiteuropendelaconcurrenceauxentreprisesnoneuropennesatcommencesuite

    ladoptionduTraitdeRome(articles85et86)(voirparagraphe2).

    Toutdabord,ilestutiledeclarifierquedanslecadredecettethsesouslexpression

    lapplicationextraterritorialedirectedudroiteuropende la concurrenceoncomprend

    lapplicationdudroittellecommeonlaconnat:lesentreprisesdestatstierstouchantau

    march europen sont obliges de respecter les exigences du droit europen de la

    concurrence, et sils les violent la Commission europenne peut infliger les sanctions.

    Toutefois, si lentreprise nest pas daccord avec la dcision de la Commission elle peut

    porterplaintedevantleTribunaletlaCourdeJustice.Cependant,ilestpossibleaussipour

    les autorits nationales des tats membres de lUE dappliquer le droit europen de la

    concurrence aux entreprises des tats tiers, ainsi que leurs droits nationaux de la

    concurrence,etcesprocduresserontexaminesattentivementdanslathse.

    Parconsquent,laquestionlogiquesepose:commentexactementledroiteuropen

    delaconcurrenceestappliqudemanireextraterritoriale?Onobservequeparlavoiede

    lapplicationdenormesessentielles(articles101,102TFUE)lesinstitutionseuropennes(la

    Commission, la Cour de Justice et le Tribunal) ont dvelopp les nouvelles conditions de

    lapplication du droit europen de la concurrence aux entreprises des tats tiers telles

    quelles sont, par exemple, la doctrine de leffet, la rgle de raison, la considration du

    contexte conomique, etc. Ainsi, dans le cadre du Titre I de la prsente partie toutes ces

    conditionsserontscrupuleusementanalysesenvuedexpliquerquandledroiteuropende

    laconcurrenceseraappliquauxentreprisesnoneuropennes,quelleseralaprocdure,et

    quelssontlesconsquencesdetelleapplication.

    Ladeuximequestionquiseposedanslecadredelanalysedelapplicationdirectedu

    droiteuropendelaconcurrenceauxentreprisesdestatstiersconcernelesdifficultsqui

    apparaissenten loccurrence.Dans lebutde rpondre laquestion leprincipenonbis in

    idemseraexamin,lasuitelespossiblesconflitsdelois.Ilfautsoulignerqueentreprises

  • 33

    des tats tiers doivent prendre en considration les normes du droit europen de la

    concurrence,lesnormesdudroitnational,lesnormesinternationales(commeparexemple,

    lesnormesdudroitdelOMCtouchantauconcurrence).Ilexisteaussilapossibilitduconflit

    entre le droit de la proprit intellectuelle et le droit de la concurrence et entre le droit

    internationalprivetledroitdelaconcurrence.

    Tous ces problmes sont analyss dans le cadre de la premire partie de la thse

    divise en deux titres: La rglementation europenne de lactivit dentreprises des tats

    tierstouchantaumarcheuropenetLesdifficultsissuesdelapplicationdudroiteuropen

    delaconcurrenceauxentreprisesdestatstiers.

    Nanmoins,nonseulement lapplicationdirectedudroiteuropende laconcurrence

    auxentreprisesdestatstiersestpossible.Danslecadredeladeuximepartiedelathse

    lapplicationindirectedudroiteuropendelaconcurrenceseraanalysendtails.

  • 34

  • 35

  • 36

    TitreI.LARGLEMENTATIONEUROPENNEDELACTIVITDENTREPRISESDESTATSTIERS

    TOUCHANTAUMARCHEUROPEN.

    5.CommeonaconcludanslecadredelIntroductionGnrale(voirparagraphes1et

    2) ledroit europende la concurrenceest tout fait applicableauxentreprisesdestats

    tiers.Ainsi,encontinuant larecherche,onposeplusieursquestionsauseinduTitre Ide la

    premirepartiedelathse.Premirement,ilfautprciserquiappliqueledroiteuropende

    la concurrence aux entreprises des tats tiers et de quelle faon? Deuximement, il est

    ncessaire de montrer clairement quels problmes apparaissent en cas dapplication du

    droiteuropendelaconcurrenceauxentreprisesdestatstiers?

    Parconsquent, leTitre Iestdivisendeuxchapitres: lepremierestconsacr la

    rglementation de la concurrence sur lemarch europen visvis aux entreprises non

    europennesetledeuximelaprocduredapplicationdesnormesdudroiteuropenaux

    entreprises des tats tiers.Consquemment, lesconditionsdans lesquelles lesentreprises

    des tats tiers sont obliges de prendre en considration les rgles europennes de la

    concurrence et, donc, de les respecter seront analyses et aussi quelles sont les

    consquences,pouruneentreprisenoneuropenne,encasdeviolationdudroiteuropen

    delaconcurrence.

  • 37

  • 38

    Chapitre 1. Lapplication du droit europen de la concurrence aux entreprises destats

    tiers.Larglementation.

    Cestlaconcurrencequimetunprixjusteauxmarchandises

    etquitablitlesvraisrapportsentreelles.

    Montesquieu,

    DelEspritdeslois.32

    6. Les notions de base et la rglementation. Dans le cadre du prsent chapitre,

    laccentseramissurlesnormesmatriellesdudroiteuropendelaconcurrenceapplicables

    surtout aux entreprises noneuropennes, ce qui servira de fondement pour toute la

    recherche. Ainsi, le chapitre est divis en cinq sections: (1) la notion dentreprise, (2) la

    thorie de leffetcomme le fondement de lapplicabilit du droit europen de la

    concurrenceauxentreprisesdestatstiers,(3)lesrglesessentiellesdudroiteuropende

    laconcurrenceapplicablesauxentreprisesdestatstiers,(4)lesinstitutionseuropennes

    appliquant telles rgles, et (5) les conditions et critres dapplication de ces rgles

    labores par les institutions comptentes. Ces sections schmatisent le systme du

    conceptdelapplicationdudroiteuropendelaconcurrenceauxentreprisesdestatstiers.

    Sansladoptiondelathoriedeleffet,ilestimpossibledappliquerledroiteuropendela

    concurrencedemanireextraterritoriale;dsquonadmetlapplicabilitdudroiteuropen

    delaconcurrenceauxentreprisesnoneuropennes,ondoitidentifierquiexactementces

    normessontdestines,quellessontlesrglesessentielles,autrementdit,quelleestlabase

    du droit europen de la concurrence, et, finalement, qui applique ces rgles et de quelle

    faon.

    32Sur la nature du droit de la concurrence voir, par exemple,Oles ANDRIYCHUK,Rediscovering the Spirit ofCompetition:On theNormativeValueof theCompetitiveProcess, EuropeanCompetition Journal,Vol.6N3December2010,pp.575610.VoiraussiRogerJ.VANDERBERGH,PeterD.CAMESASCA,EuropeanCompetitionLaw and Economics. A Comparative Perspective, Intersentia, 2001, 598 p.; Competition Law: EuropeanCommunity.PracticeandProcedure.ArticlebyArticleCommentary,1stedition,generaleditors:GnterHIRSH,Frank MONTAG, Franz Jrgen SACKER, Sweet&Maxwell, London, 2008, 2845p. et Ioannis LIANOS, LaTransformationduDroitdelaConcurrenceparleRecoursl'AnalyseEconomique,EmileBruylant,2007,1688p.

  • 39

    Aprs avoir discut et analys attentivement ces cinq sujets onpourra aborder les

    questionspluscomplexes,mentionnescidessus.Toutefois,avantdecommencerlanalyse

    dequestionsparticuliresetspcifiques,ilestncessaire,commenoncdjplusieursfois,

    de prsenter la base lgislative et les principes fondamentaux du droit europen de la

    concurrenceconcernantlesentreprisesnoneuropennes(comme,parexemple,lafameuse

    thoriedeleffet)etlesinstitutionsessentiellesappliquantcedroitdanslebutdeprsenter

    le cadre gnral de la thse en vue de montrer la ncessit dadoption des normes

    internationales du droit de la concurrence dans le but de protger la concurrence de

    manireefficaceetadquatedanslemondedelconomieglobale.

    Section1.Dfinirlentreprise.

    Comme laprsentethseestconsacreauxentreprises ilestplusquencessairede

    dfinir la notion d entreprise. Ainsi, ce paragraphe est consacr la dfinition de la

    notiondentreprise,delunitdentrepriseetdesrelationsmrefiliale.

    1.Lanotiondentreprise.

    7.Toutdabord,ilfautsoulignerquelesarticles101et102TFUEvisentexpressment

    les comportements adopts par les entreprises, pourtant la notion dentreprise nest pas

    dfiniepar le Trait, de telle sorteque touteffortpourdfinir lanotiondentreprisedoit

    sappuyeressentiellementsurlajurisprudence.

    Trstt,laCourdejusticeaprcisquelanotiond'entreprisetaitavanttoutde

    natureconomique.33L'accentmis sur l'unitconomique pluttque sur l'entit juridique

    taitclairementnonc,parexemple,danslarrtHydrothermen198434:

    Lanotiondentreprise,placedansuncontextededroitdelaconcurrence,doittre

    comprisecommedsignantuneunitconomiquedupointdevuede l'objetde l'accorden

    causemmesi,dupointdevuejuridique,cetteunitconomiqueestconstituedeplusieurs 33Lentrepriseestconstitueparuneorganisationunitairedlmentspersonnels,matrielsetimmatriels,rattache un sujet juridiquement autonome, et poursuivant dune faon durable un but conomiquedtermin,CJCE,12.07.1962,Mannesmannc/HauteAutorit,Aff.19/61,Rec.00675,point705.34CJCE, 12.07.1984,HydrothermGertebauGmbH v Compact del Dott. Ing.Mario Andreoli& C. Sas., Aff. C170/83,Rec.1984p.02999,point11.

  • 40

    personnes, physiques ou morales. 35 La dfinition dun ensemble donn de personnes

    commeentrepriseestundescritreslespluscruciauxdelanalysedelaCommissionetde

    laCourdeJusticedanslecadredelapplicationdesarticles101et102TFUE,danslamesure

    ocesarticles,situsaucurmmedudroiteuropendelaconcurrence,sontdestinsaux

    entreprises et y sont applicables sans considration de leur nature juridique ni de leur

    organisation. Cependant, il faut noter que, pour des raisons dapplicabilit effective, les

    dcisionsstatuantsuruneinfractionnepeuventtreadressesquauxentitsdotesdela

    personnalitmorale.36

    Enoutre,danslaffaireGeneralQumicaetautresc.Commission37laCouradcritla

    notion dentreprise de manire trs prcise. En premier lieu, il est raffirm quune

    entreprise est toute entit poursuivant une activit conomique, sans considration de

    sonfinancementnidesonstatutjuridique38,etque,parailleurs,elledoitsanalyserenune

    unitconomique, laquellepeutsecomposerdepersonnes juridiquementdistinctes. Ilen

    rsultelogiquementque,puisquetouteentitconomiqueviolantledroitdelaconcurrence

    doit rpondre de cette violation eu gard au principe de responsabilit personnelle39, la

    filialenepeut esquiver la responsabilitdcoulantdes actes commispar sa filiale lorsque

    mreetfilialenefontquuneseuleetmmeunitconomique,enparticulierlorsque,bien

    que dote dune personnalit juridique distincte, cette filiale ne dcide pas de son

    comportement sur lemarchdemanire indpendante,maisaucontraire se contentede

    mettre en uvre, pour toutes les questions importantes, les instructions reues de la

    socitmre, au vu des liens conomiques, organisationnels et juridiques entre les deux

    35VoiraussiTPI,10.03.1992,ShellInternationalChemicalCompanyc/Commission,Aff.T11/89,Rec.1992p.II00757,point311;CJCE,24.10.1996,VihoEuropeBVvCommission,Aff.C73/95P,Rec.1996p.I05457,points50, 53; TPI, 11.03.1999, ARBED c/ Commission, Aff. T137/94, Rec. 1999 p. II00303, point 90, et TPI,11.03.1999,Unimtalc/Commission,Aff.T145/94,Rec.1999p.II00585,point600.36CJCE,10.09.2009,AkzoNobeleta.c/Commission ,C97/08P,Rec.2009p.I08237,point57:Linfractionaudroitcommunautairedelaconcurrencedoittreimputesansquivoqueunepersonnejuridiquequiserasusceptibledesevoirinfligerdesamendesetlacommunicationdesgriefsdoittreadressecettedernire().Ilimportegalementquelacommunicationdesgriefsindiqueenquellequalitunepersonnejuridiquesevoit reprocher les faits allgus. Voir aussi Richard BURNLEY, Group Liability for Antitrust Infringements:ResponsibilityandAccountability,WorldCompetitionJournal,Volume33,Issue4,December2010,p.596.37CJCE,20.01.2011,GeneralQumicaeta.c/Commission,Aff.C90/09P,points3440.38 Voir CJCE, 28.06.2005, Dansk Rrindustriand et a. c/ Commission Aff. jointes C189/02P, C202/02P,C205/02P toC208/02PetC213/02PRec.2005 I5488,point112;CJCE,10.01.2006,CassadiRisparmiodiFirenzeeta.,Aff.C222/04,Rec. 2006p. I00289,point107,etCJCE,11.07.2006,FENIN c/Commission,Aff.C205/03P,Rec.2006p.I06295,point25.39AkzoNobeleta.c/Commission,point56.

  • 41

    personnesmorales40, ou suivant la prsomption de dtention totale nonce dans larrt

    Akzo.

    De leurct, les juristesamricainstrouvent leconceptdentreprisesibyllin,et

    tandisquepresquechaqueanalysedelaCourdeJusticeoudelaCommissioncommencepar

    chercher tablir si les acteurs reprsentent une entreprise ou une association

    dentreprises,lestribunauxamricainsneconsacrentpresquepasdnergierecherchersi

    ledroitantitrustsappliqueauxentitsencause.Cependant,commeiltaitmentionnau

    dessus,leTFUEnedfinitpasletermeentreprise.41

    Commeon lanotauparavant, la jurisprudencenonceque lanotiondentreprise

    comprend toute entit exerant une activit conomique, indpendamment du statut

    juridique de cette activit et de son mode de financement. Il peut sagir dun

    dmembrement de ltat sans personnalit juridique autonome (service de monnaies et

    mdailles, direction de la mtorologie nationale en France), dune socit, dun

    tablissement public, de coopratives, de fondations, dentreprises artisanales ou de

    personnesphysiquesexerantuneactivitconomique.42

    8. Lactivit conomique. La question qui se pose est alors la suivante: questce

    quuneactivit conomique?Selon ladoctrine, il sagitdetouteactivitdurablequi

    consisteproduire,distribueroucommercialisersesrisquesunbienouunservicesansquil

    yaitlieudeconsidrerlanaturedelactivit,lanaturedubienouduservice,nilaqualitou

    lestatutdelentitquiexercecetteactivit43.Toutefois,laCommissioneuropennedfinit

    uneactivitconomique commeuneactivit,but lucratif ounon,qui impliquedes

    changes conomiques44. La nature de lactivit conomique en cause importe peu au

    regarddelaqualification.Sagissantdesentitsdedroitpriv,leprincipeatappliquaux

    hypothses lesplusdiverses,parexemple,auxexpditeursendouane45,auxorganisations

    40AkzoNobeleta.c/Commission,point58.41TheBoundrariesofECCompetitionLaw:TheScopeofArticle81, reviewedbyTerryCALVANI,TheAntitrustBulletin,Vol.51,N4/Winter2006/1023.42CatherineGRYNFOGEL,Droitcommunautairedelaconcurrence,L.G.D.L.,Paris,2008,pp.1719.43 Ch. BOLZE, Revue de Jurisprudence communautaire, n spcial, Novembre 1987, cit par CatherineGRYNFOGEL,Droitcommunautairedelaconcurrence,L.G.D.L.,Paris,2008,pp.17.44DcisiondelaCommission,du20juillet1999,relativeuneprocdured'applicationdel'article82dutraitCEetdel'article54del'accordEEE(AffairenIV/36.888Coupedumondedefootball1998)[notifiesouslenumroC(1999)2295].45TPI,30.03.2000,CNSDc/Commission,Aff.T513/93,Rec.2000p.II01807.

  • 42

    sanitaires 46 , aux mandataires agrs auprs de lOffice europen de brevets 47 , aux

    architectes 48 et aux avocats, qui, exerant une activit conomique, sont qualifis

    dentreprisesausensdudroiteuropendelaconcurrencesansquelanaturecomplexeet

    techniquedesservicesquils fournissentet lacirconstanceque lexercicede leurprofession

    estrglementsoientdenaturemodifierunetelleconclusion49.50

    Pourtant, cest le fait doffrir des biens ou des services sur un march donn qui

    caractriselanotiondactivitconomique,nonlactivitdachatentantquetelle51.Celleci

    ne relve du droit de la concurrence que si elle seffectue en vue dune revente sur le

    march.Ds lors, cest bien le caractre conomiquede lutilisationultrieure duproduit

    achetqui dterminera le caractrede lactivit dachat. Par applicationde ces principes,

    lorganisme grant le systme national de sant publique en Espagne qui fournit

    gratuitement des prestations de sant ses assurs ne constitue pas une entreprise,

    lorsquil achte les produits utiliss dans les hpitaux espagnols une association (la

    FENIN):danscecas,ilnevendpassesprestationssurunmarch.52Celatant,cepremier

    critre de lentreprise connat deux exceptions, savoir lexercice de prrogatives de

    puissancepubliqueetlaccomplissementdunefonctionexclusivementsociale.53

    2.Laresponsabilitdelasocitmre.

    9. Aprs avoir dfini la notion de lentreprise, il est logique danalyser les relations

    entre la socitmre et sa filiale, comme il arrive souvent quune entreprise europenne

    soitunefilialeduneplusgrandeentreprisenoneuropenne.Ainsi,onposelaquestionde

    savoir sil est possible dimposer galement des amendes la socitmre du fait des

    violationsdudroitdelaconcurrencecommisesparsafilialesurlemarcheuropen?Cette

    questiontaitabordepourlapremirefoislammepoquequelathoriedeleffettait

    formuledanslarrtBguelin.

    46CJCE,25.10.2001,FirmaAmbulanzGlcknerc/LandkreisSdwestpfalz,Aff.C475/99,Rec.2001p.I08089.47TPI,28.03.2001,IMAc/Commission,Aff.T144/99,Rec.2001p.II01087.48CJCE,29.11.2001,GiuseppeContec/StefaniaRossi,Aff.C221/99,Rec.2001p.I09359.49CJCE,19.02.2002,Wouterseta.,Aff.C309/99,Rec.2002p.I01577.50VoirCatherineGRYNFOGEL,Droitcommunautairedelaconcurrence,L.G.D.L.,Paris,2008,pp.1719.51FENIN,C205/03P,op.cit.52CatherineGRYNFOGEL,Droitcommunautairedelaconcurrence,L.G.D.L.,Paris,2008,pp.1719.53Ibidem.

  • 43

    Ce furent les arrts Sandoz et Geigy (aussi connu comme laffaire matires

    colorantes et Dyestuffs) qui se prononcrent sur la possibilit de poursuivre une

    entreprise ayant son sige dans un pays tiers pour les restrictions de la concurrence

    survenues sur le march europen54. Dans le cadre de ces arrts la Cour prcise que le

    comportement des filiales dentreprises trangres qui avaient dtermin de manire

    imprative lesprixet lesautresconditionsdeventedeces filialesmettaitdirectementen

    causelessocitsmrestrangres.Pourlapplicationdelarticle101TFUE(cettepoque

    larticle 85 TCE) une entreprise dun pays tiers, il nest pas requis que cette entreprise

    disposeduntablissementlintrieurdumarchinterne(point13).55Laresponsabilitde

    lasocitmreendroiteuropendelaconcurrenceestaussidiscuteendtailsdanslale

    cadrededeuximepartieduprsentchapitre.

    Selon Sandoz et Geigy: La Communaut a le pouvoir de prendre les dispositions

    ncessaires pour garantir lefficacit des mesures institues en vue datteindre les

    comportements prjudiciables la concurrence qui se sont manifestes dans le march

    commun,mmesilauteurdecesfaitsasonsigedansunpaystiers(point4).

    Un an plus tard, dans larrt Europemballage Corporation et Continental Can

    Company56la Cour se trouva confronte encore une fois au mme problme. La socit

    amricaine Continental Can avait pris, par lintermdiaire de sa filiale 100 %

    Europemballage Corporation, contrle de la plus importante entreprise allemande

    fabriquantdesemballagesmtalliques,puisceluidelaplusgrandeentreprisenerlandaise

    dummesecteur.57

    LaCommissionavaitcondamncettedernireacquisitionsurbasedelarticle86TCE

    (102 TFUE), estimant que Continental Can dtenait une position dominante et avait ainsi

    exploitabusivementcetteposition.LessocitsContinentalCanetEuropemballageavaient

    introduit un recours en annulation devant la Cour. Quoique, en lespce, la Cour ait

    54CJCE,14.07.1972,SandozAGc/Commission,Aff.5369,Rec.1972,p.00845;CJCE,14.07.1972,J.R.GeigyAGc/Commission,Aff.5269,Rec.1972,p.00787.VoiraussiImperialChemicalIndustriesLtd.c/Commission,Aff.4869;BadischeAnilin&SodaFabrikAGc/Commission,Aff.4969;FarbenfabrikenBayerAGc/Commission,Aff. 5169; SA franaise des matires colorantes (Francolor) c/ Commission, Aff. 5469; Casella FarbwerkeMainkur AG c/ Commission, Aff. 5569; Farbwerke Hoechst AG c/ Commission, Aff. 5669; Azienda ColoriNazionaliACNAS.p.A.c/Commission,Aff.5769.55AlexJAQUEMIN,Entreprisestrangresetpolitiqueeuropennedeconcurrence,Revuetrimestriellededroiteuropen,1973,p.415416.56CJCE,21.02.1973,EuropemballageCorporationetContinentalCanCompanyc/Commission,Aff.672,Rec.1973,p.00215.Voir aussiValentineKORAH,An IntroductoryGuide toECCompetition LawandPractice, 9thedition,HartPublishing,Portland,2007,p.144.57AlexJAQUEMIN,Entreprisestrangresetpolitiqueeuropennedeconcurrence,op.cit.,p.420.

  • 44

    effectivement annul la dcision de la Commission parce que cette dernire navait pas

    dlimit assez nettement le march en cause, elle a cependant confirm linterprtation

    extensivequelaCommissionadonnlarticle86(102TFUE).58

    Aucoursdesplaidoiries,lespartiesrequrantesontvoqulargumentselonlequella

    Commission aurait outrepass ses pouvoirs: la dcision attaque (les articles 1 3) visait

    ContinentalCanqui,nayantpasdesigeetnexerantaucuneactivitsurleterritoiredes

    tats membres, ne serait pas, selon les principes gnraux du droit des gens, soumise

    lautoritde laCommission,ni la juridictionde laCourde Justice.Autrementdit, onne

    saurait imputer cette entreprise le comportement de sa filiale, sans porter atteinte au

    principefondamentaldelautonomiedelapersonnalitjuridique.59

    La Commission a rtorqu que mme en appliquant strictement le principe de

    territorialit,ilnefaitpasdedoutequelestats(ainsiquelUE(CEcettepoque))sont

    habilitsappliquer leur lgislationauxactesaccomplissur le territoiredexercicede leur

    souverainet, quelle que soit la nationalit des auteurs de ces actes. Continental a

    prcismentagi lintrieurde laCommunaut (lUE)par lintermdiairedune filiale. Les

    argumentsdesrequrantsrelventdslorsdunecooprationformelle.Comptetenudu

    butdanslequelContinentalaconstituEuropemballageetdufaitquecelleci,bienquayant

    unepersonnalitjuridique,navaitaucuneindpendanceconomique,onnesauraitprendre

    enconsidration lapersonnalit juridiquedEuropemballageauxfinsdapplicationdudroit

    europende laconcurrence.Ainsi,danssonarrt, laCourdonne,surcepoint, raison la

    Commission.60Lefaitquelafilialeaitunepersonnalitjuridiquedistinctenesuffitpaspour

    carter la possibilit de son comportement soit imput la socitmre; le fait que

    ContinentalCanntaitpastablisurleterritoiredundestatsmembresnesuffitpaspour

    lasoustrairelapplicationdudroiteuropendelaconcurrence.61

    Trente ans plus tard la Cour raffirme cette position dans sa dcision Archer62en

    nonantque:Lasocit,auseindungroupe,assurelacoordinationdelaproductionet

    58Ibidem.59Ibidem.60Ibidem.61Ibidem. Voir aussi Jean BOULOUIS, RogerMichel CHEVALLIER, Daniel FASQUELLE, Mark BLANQUET, Lesgrandsarrtsdelajurisprudencecommunautaire,Tome2.Droitcommunautairedesaffaires.Marchintrieur.Politiquescommunautaires.5edition.Dalloz,Paris.2002,pp.310325.62 TPI, 9.07.2003, ArcherDaniels Midland Company etArcherDaniels Midland Ingredients Ltd c/Commission,Aff.T224/00,Rec.2003p.II02597.

  • 45

    de la vente des produits sur le march europen est concerne directement et

    individuellementparunedcision,priseparlaCommissionsurlefondementdelarticle85du

    Trait,adresseuneautresocitdummegroupetabliedanslundestatsmembreset

    relativesapolitiquedelivraisonversunautretatmembre.

    Aujourdhuiencherchantimputerlaviolationdudroiteuropendelaconcurrence

    dune filiale sa socitmre la Commission Europenne utilise un algorithme en trois

    tapes:

    1) Elle identifiequelle entit exacte sest conduite illgalement (par exemple, une

    foistabliquedesemploys63oudesmandataireseffectifs64onteudescontacts

    constitutifs dune collusion, leur employeur ou mandant sera responsable de

    leursactesmmesilsignoraientquelereprsentantdelentrepriseavaitcommis

    linfractionenquestion);

    2) Puiselle vrifie si lapersonnemoraleen jeu faitpartiedungroupequipourra

    tretenuresponsabledelinfractionenqualitdunitconomique;

    3) Enfinelledterminequelle(s)entit(s), lintrieurdecetteentitconomique

    unique, sera(ont) tenue(s) responsable(s) de linfraction pour ce qui est de

    limpositiondelamende.

    Il convient de noter que, lorsquil est prouv que la socitmre a donn des

    instructions sa filiale ayant pris part lentente ou tait consciente du comportement

    incrimin (sans tre intervenue), ladite socit mre sera considre comme participant

    directe la violation de la rglementation sur les ententes, et partant, responsable

    directementetindividuellement.Parailleurs,lessocitssituesaudessusdelafilialedes

    niveaux divers de lorganigramme peuvent tre tenues solidairement responsables pour

    avoir exerc leur influence sur la politique commerciale de la filiale en infraction, ce qui

    renforcelesconclusionsdelaCommissionlorsdeleurexamensubsquentparlaCour.65

    63CJCE,7.06.1983,Musiquediffusionfranaisee.a.c/Commission,Aff. jointes100/80103/80,Rec.1983p.01825,point 97; TPI, 20.03.2002,HFBe.a. c/Commission, Aff. T9/99,Rec. 2002p. II01487,point 275; TPI,20.03.2003,BruggRohrsystemec/Commission,Aff.T15/99,Rec.2002p.II01613,point58;TPI,29.04.2004,TokaiCarbonvCommission,Aff.T236/01,Rec.2004p.II01181,point277.64TPI,11.12.2003,MinoanLinesc/Commission,Aff.T66/99,Rec.2003p.II05515,points138139.65Pourplusdinformationsur la responsabilitparentaleendroiteuropende laconcurrencevoirEkaterinaISLENTYEVA,Likefather likesonTheparental liabilityundertheEUcompetition lawtoday,GlobalAntitrustReview2011,acessiblesurhttp://www.icc.qmul.ac.uk/GAR/GAR2011/GAR%20journal%202011.pdf

  • 46

    I.Lunitconomique.

    10. Les actions entreprises par une filiale peuvent, selon la Cour de Justice et la

    CommissionEuropenne,treimputessasocitmrelorsqueladitefilialenedtermine

    pas sa propre conduite sur le march de manire indpendante, mais au contraire, se

    contentedemettreenuvre,pourtouteslesquestionsimportantes,lesinstructionsreues

    de la socitmre, au vu des liens conomiques, organisationnels et juridiques entre les

    deux personnes morales. Dans une telle situation, mre et fille constituent une unit

    conomique et donc une seule et mme entreprise au sens du droit europen de la

    concurrence.66

    Il est intressant de noter que dans laffaire Imperial Chemical Industries Ltd c/

    Commission en 1972 (aussi connu comme ICI, matires colorantes et Dyestuffs) la

    CourdeJusticeavaitlapossibilitdeseprononcersurlapplicationextraterritorialedudroit

    delaconcurrence,maissestabstenuedestatuersurlexistenceoulabsencedeladoctrine

    deffet dans le cadre du droit europen de la concurrence et a fond sa dcision sur la

    doctrine de lunit conomique. Le jugement tait critiqu lgard de ladite approche,

    surtout en prenant en considration le fait que les preuves dexistence de lunit

    conomiquentaientguresubstantielles.67PourtantlaCommission,supporteparlAvocat

    gnralMayras,afavorislacceptationdeladoctrinedeffet68.Elleasoutenulidequeles

    effetssubstantielsetprvisiblessurlemarcheuropendevaientprovoquerlapplicationdu

    droiteuropendelaconcurrence.69

    Lautre arrt important mentionner dans le cadre de cette discussion est larrt

    Knauf Gips.70Cette dcision rendue par la CJUE a fourni dintressantes pistes quant aux

    caractristiquesdeladiteunitconomiquedansunesituation(idiosyncratique)desocits

    sursdtenuesparuneseulefamille.LaCourarappellasocitappelante(KnaufGips)

    que Lexistence dune unit conomique peut ainsi tre dduite dun faisceau dlments

    66AkzoNobele.a. c/Commission,op.cit., voiraussiErikH.PIJNACKERHORDIJKandSimone J.H.EVANS,TheAkzoCase:UpaCorporatetreeforParentalLiability forCompetitionLawInfringements, JournalofEuropeanCompetitionLawandpractice,2010,Vol.1,No.2,p.127.67ArielEZRACHI,ECCompetitionLaw.AnAnalyticalGuidetotheLeadingCases,HartPublishing,Portland,2008,p.277.68Conclusionsjointesdel'AvocatgnralMayrasprsentesle2mai1972,Rec.1972p.00619.69ArielEZRACHI,ECCompetitionLaw.AnAnalyticalGuidetotheLeadingCases,op.cit.,pp.273274.70CJCE,01.07.2010,KnaufGipsKGvCommission,Aff.C407/08P,Rec.2010p.I06375.

  • 47

    concordants,mmesiaucundeceslments,prisisolment,nesuffitpourtablirlexistence

    dunetelleunit.71

    Leregroupementdelamreetdelafilledansuneseuleetmmeentreprisepermet

    laCommissioneuropenneetlaCourdelesdclarertoutesdeuxresponsablespourles

    infractionsdudroitdesententescommisesdirectementparlafilleseulement.Desurcrot,il

    estde jurisprudenceconstanteque laCommissiona lapouvoirdimputer la responsabilit

    dcoulantduneconduiteillgalesoit lamre,soit lafille,soit lamreet lafillede

    maniresolidaire.72

    II.Influencedcisive:telpre,telfils.

    11.Gnralement,selonlajurisprudenceeuropenne,lasocitmrepeutexercer

    uneinfluencedcisivesurlaconduitedesafilialeetilyauneprsomptionrfragableque

    ladite socitmre exerce effectivement cette influence sur sa filiale. Le critre essentiel

    consisteenlexercicerelparlasocitmreduneinfluencedcisivesurlaconduitedesa

    filiale, laquelle influence peut tre prsume lorsque la mre dtient prs de 100 % du

    capitalsocialdesafiliale.Siunetelleinfluenceexistebeletbien,lasocitmrepeuttre

    tenueresponsabledelinfractiondudroiteuropendelaconcurrencecommiseparsafiliale,

    moinsquelleneparviennedmontrerlacomplteautonomiedecettefiliale.Bienquen

    droit europen des fusions, la simple possibilit de contrle suffise caractriser une

    concentrationpourlesbesoinsdelimputationdesviolationsdesarticles101ou102TFEU,il

    est ncessaire de prouver la fois lexistence dune possibilit de contrle et celle de

    lexerciceeffectifduditcontrle(lequelpeuttreprsumdanslesconditionsprvuesparla

    jurisprudence).

    71Enlespce,lesactionnairesdelasocitmreetdesautressocitsdugroupesontlesmmes,savoir21personnesphysiquesappartenant lammefamille; lesdeuxassocisenchargede lagestionde lasocitmreoccupaientcettemmefonctionauprsdesautressocits;uncontratdefamillestipuleenfinque lessocits du groupe seront soumises une direction et une gestion uniques. De manire encore plusremarquable, laCouraprisnoteque toutes les statistiquesdeventecommuniquspar lappelante faisaientrfrencelintgralitdessocitsdugroupeetqueladiteappelantea,demanirespontane,communiqulaCommissionleschiffresdaffairesdetoutescessocitslorsdelaphaseprjudiciaire(points6571).72TPI, 24.03.2011, Pegler c/ Commission, Aff. T386/06, point 103; voir aussi TPI, Raiffeisen Zentralbanksterreicheta.c/Commission,Aff.jointesT259/02T264/02etT271/02,Rec.2006p.II05169,point331.

  • 48

    Lautre facteur important dans cette quation est la priode pertinente. Lors de

    lanalyseduneaffairedonne,laCommissioneuropenneexamineralapriodepertinente

    aucoursdelaquellelasocitmrea,ounapas,exercuneinfluencedcisive.

    Ainsi,onpourraitsedemandersi lasocitmreseratenueresponsabledufaitde

    limplicationdesafilialedansuneententeparcequelesdeuxsocitsreprsententenfait

    uneseuleunitconomiqueetquelesactionsdelunequelconquedesdeuxneseraquela

    suite de leur stratgie gnrale. Il est tentant de proposer, avec une certaine ironie, que

    lantiqueapprochetelpre,telfils,oudanscecasparticulier,peuttre,telfils,telpre,

    rsume lattitude gnrale de la jurisprudence europenne en matire dimposition

    damendes la socitmre du fait des infractions au droit europen de la concurrence

    commisesparsafiliale73.Apparemment,onprsumequilesttrsimprobablequunefiliale

    dtenuepresqueintgralementpuissetreimpliquedansuneententesanslasupervision

    de sa mre (tel pre, tel fils), par consquent, la mre doit tre punie pour le

    comportementdesafille(telfils,telpre).

    12.Laresponsabilitdelasocitmre.Parailleurs,lamotivationdelaCommission,

    lorsquelledcidede tenirune socit responsable,est ladissuasion, laquelle se compose

    daumoinsdeuxlments:dunepart,lemontantdelamendeaugmenteconsidrablement

    avecladimensiondelentreprise:parexemple,leplafond(10%)delamendeestcalculsur

    lechiffredaffairetotaletmondialdelasocitmre(legroupe)74etdesmultiplicateurs

    finsdissuasivespeuventtreprononcscontredesentitsparticulirementvastes.Dautre

    part, la responsabilit solidaire dune socitmre solide financirement assure dans la

    plupart des cas que lamende sera effectivement paye et a un effet disciplinaire plus

    prononcquantaugroupeprisdanssonensemblequuneamendeprononcelencontre

    duneentitplusmodeste.

    Il est intressant de noter quaux tatsUnis, une socitmre ne peut tre tenue

    responsabledufaitdesagissementsdesafilialequesicettesocitmretaitellemme

    directement implique ou si la distinction juridique apparente entre mre et fille est un

    leurre.75En effet, la pierre angulairede la responsabilit sociale en droit amricain est la

    73CetteanalogieestjusteuneillustrationetnesuggrepasquelaCommissioneuropenneprsumequelesentreprisesformentuneseuleentitsansvrifierquecestbienlecas.74Voir, par exemple, TPI, 29.04.2004,Tokai Carbon andOthers v Commission, Aff. jointes T71/03, T74/03,T87/03etT91/03,Rec.2004p.II01181,point390.75PeterNYGH,TheLiabilityofMultinationalCorporationsfortheTortsoftheirSubsidiaries,EuropeanbusinessOrganizationLawReview2002/3:5181,p.65.

  • 49

    prsomption de sparation entre entits juridiquement distinctes, 76 qui peut tre

    combattue en perant ou en soulevant le corporate veil (voile social), mais les

    tribunauxsontpeuenclinsadmettredetellesexceptions.77Unesimpledtentiondeparts,

    uncontrlecommun,etunesurveillanceactivede lafillepar lamrenesuffisentpas.On

    doit prciser toutefois, que laprocduredepleabargaining (approximativement plaider

    coupable)conduitdansdenombreuxcasunecooprationentrecoupableetautoritsde

    concurrence78, y comprisquantunaccord sur lapersonnemorale tenue responsableau

    seindugroupe.

    III.Laprsomptiondedtentionintgrale.

    13.LejugementrenduparlaCJUEdanslaffaireAkzoreprsenteundveloppement

    importantdelajurisprudencemodernesurlaresponsabilitparentaleduneentreprise

    mrepourlesactionsdunedecesfiliales.Cetarrtindiquelamarchesuivredanslescas

    o une socitmre est dclare responsable sur la base dune prsomption dinfluence

    dcisive sur une filiale intgralement ou presque intgralement. Simultanment, larrt

    permit de clore le dbat portant sur linterprtation de la jurisprudence antrieure

    concernantlutilisationdelaprsomptionsanspreuvesadditionnelles.

    En substance, cette dcision a confirm linterprtation par la Commission dune

    longue srie de jurisprudence antrieurement Akzo. La prsomption de dtention

    (presque) intgraleestapparuepour lapremire fois,demanire implicite,dans laffaire

    ICI79, loccasion de laquelle la Cour a utilis pour la premire fois la notion d"unit de

    groupe"puisatformuleexpressmentdansladcisionAEG80.Laprsomptionatpar

    lasuiteconfirmeparlaCourdeJusticedansBPBIndustries81etStora82,etpareillementpar

    76Ibidem.77VoirA.M.Kashfiv.PhibroSalomon,Inc.,628F.Supp.727;1986U.S.Dist.LEXIS29337,[**11].78VoiraussiWalterE.Heller&Co.v.VideoInnovations,Inc.,730F.2d50,53(2dCir.1984)etMilesv.AmericanTel.&Tel.,730F.2d193,19596 (5thCirc.1983),etCoastalStatesv.Zenith,446FSupp.At337,Williamsv.McAllister,534F.2dat21andFidenasA.G.v.Honeywell,Inc.,501F.Supp.1029,103538(S.D.N.Y.1980).79CJCE,14.07.1972,ICIc/Commission,Aff.4869,Rec.1972p.00619,point139.80CJCE,25.10.1983,AEGc/Commission,Aff,107/82,Rec.1983p.3151,point50.81CJCE, 6.04.1995,BPB Industries andBritishGypsum c/ Commission, Aff. C310/93 P, Rec. 1995 p. I00865,point11.82CJCE,16.11.2000,StoraKopparbergsBergslagsc/Commission,Aff.C286/98P,Rec.2000p.I09925,point29.

  • 50

    le Tribunal dans Stora 83 , Limburgse Vinyl, 84 Michelin II,85 Tokai Carbon (II) Specialty

    Graphites (unesocit japonaise),86GluconatedeSodium87etDaimlerChrysler (unesocit

    amricaine),88entre autres. Il est noter que la Cour na requis dindices additionnels

    commeconditiondapplicationdelaprsomptiondansaucundecesarrts.

    LadcisionAkzoaaffirmque:

    ilexisteuneprsomptionrfragablederesponsabilitdessocitsmresdufaitdes

    infractionsdeleurfilleslarglementationdesententesdanslecasdunedtention

    100 %89, car en un pareil cas ladite socit mre exerce effectivement une

    influencedterminantesurlecomportementdesafiliale.90

    IV.LaprsomptionaucribledelaCourEDH.

    14. Une socit nerlandaise, dont le nom na pas t rendu public, a rcemment

    demand la Cour Europenne des Droits de lHomme (Cour EDH) dexaminer la

    prsomptiondedtention intgrale,aumotifquecelleci violerait certainesdispositions

    delaConventionEuropennedesDroitsdelhommesurlaprsomptiondinnocence.91Bien

    que le sort de cettedemande soit encore inconnu, il faut noter que les cas antrieurs de

    83TPI,14.05.1998,StoraKopparbergsBergslagsc/Commission,Aff.T354/94,Rec.1998p.II02111,points7884.84TPI,20.04.1999,LVMe.a.c/Commission(PVC II),Aff. jointesT305/94,T306/94,T307/94,T313/94toT316/94,T318/94,T325/94,T328/94,T329/94etT335/94,Rec.1999p.II00931,points961,984et985.85TPI,30.09.2003,Michelinc/Commission(MichelinII),Aff.T203/01,Rec.2003p.II04071,point290.86TPI,15.06.2005,TokaiCarbonCo.c/Commission(TokaiIISpecialtyGraphites),Aff.jointesT71/03,T74/03,T87/03etT91/03,Rec.2005p.II00010,points5860.87TPI,JungbunzlauervCommission,Aff.T43/02,point125;TPI,AvebevCommission,Aff.T314/01,point136;AkzoNobelNVc/Commission,op.cit.,point83.88TPI,15.09.2005,DaimlerChryslerAGc/Commission,Aff.T325/01,point221.89ErikH.PIJNACKERHORDIJK,SimoneJ.H.EVANS,TheAkzoCase,op.cit.,p.127.(Lesitaliquessontmoi).90LaffaireAkzo concernait une entente entre les principaux producteurs europens de chlorure de choline(vitamineB4).Lesparticipantseuropenslententeontconcluunaccordsurlesprixetlesaugmentationsdetarifspourcertainsmarchsnationauxetpourlesconsommateursindividuels,sesontmutuellementaccorddespartsdemarch,etsesontconvenusdecontrler lesdistributeurset lesconvertisseursduproduit,afindviter toute concurrence extrieure. Le 9 dcembre 2004 la Commission dans sa dcision a nonc quelentente constituait une grave infraction larticle 101 TFUE et a impos des amendes aux membreseuropens du cartel. Pour fixer le montant de lamende la Commission a pris en considration le poidsconomique de lentreprise prise dans son ensemble plutt que de se contenter de celui des quatre filialesdirectementimpliquesdanslentente. Concernant la possibilit de rfuter la prsomption voir Richard BURNLEY, Group Liability for AntitrustInfringements:ResponsibilityandAccountability,WorldCompetitionJournal,Vol.33,Issue4,12.2010.91VoirplusdinformationdanslesystmeMLex.

  • 51

    prsomption de culpabilit nont pas t automatiquement condamns par la Cour, sa

    positiontantnanmoinsqueLarticle6par.2 (art.62)ne sedsintressedoncpasdes

    prsomptionsdefaitoudedroitquiserencontrentdanslesloisrpressives.Ilcommandeaux

    tatsdelesenserrerdansdeslimitesraisonnablesprenantencomptelagravitdelenjeuet

    prservantlesdroitsdeladfense.92

    V.Filialespartiellementdtenues.

    15. La situation des filiales dtenues dans une proportion nettement infrieure

    100%demeureincertaine.Lajurisprudencercentenafourniquunclairageincompletsur

    ltendue de la prsomption lorsque la dtention est infrieure 100 %. Le Tribunal a

    expressment tendu lapplication de la prsomption au cas dune dtention 98 %,

    confirmantainsilapplicationparlaCommissiondelaprsomptiondedtentionintgrale

    danslaffaireMCAA.Selonlejuge:latotalitoulaquasitotalitducapitaldunefilialeest

    dtenueparsasocitmreetque,parconsquent,cettedernireestenmesuredexercer

    uneinfluencedterminantesurlapolitiquecommercialedesafiliale,ilincombelasocit

    mre de renverser la prsomption93. Cette position est dans la ligne du jugement plus

    anciendu Tribunal dansMichelin c. Commission94, au cours duquel le Tribunal a confirm

    lapplicationdelaprsomptionunesocitmredtenantplusde99%maismoinsde100

    % de sa filiale. Dans le pass, la Commission a appliqu la prsomption une dtention

    majoritairedeseulement96%(FlatGlass95etPeroxydedHydrogneetPerborate96).

    DanssadcisionsurlecasdArkema,leTribunalastatuequesocitmrequidtient

    laquasitotalitducapitaldesafilialesetrouve,enprincipe,dansunesituationanalogue

    celle dun propritaire exclusif, en ce qui concerne son pouvoir dexercer une influence

    dterminante sur le comportement de sa filiale, eu gard aux liens conomiques,

    organisationnelsetjuridiquesquilunissentavecladitefiliale.Parconsquent,laCommission

    estendroitdappliquercettesituation lemmergimeprobatoire,savoir recourir la

    prsomption que ladite socit mre fait usage effectif de son pouvoir dexercer une

    92ECHR,07.10.1988,Salabiakuv.France,10519/83,point28.Pourplusdinformationsurlesrelationentreledroit de la concurrence et Droit de lHomme voir Linda ARCELIN, Lalliance raisonnable entre droit de laconcurrenceetCEDH,RevueLamydelaConcurrence,Avril/Juin2007N11pp.100110.93TPI,30.09.2009,ArkemavCommission,Aff.T168/05,Rec.2009p.II00180,point70.94MichelinII,op.cit.,point290.95DcisiondelaCommission,FlatGlass,89/93/EEC,JO1989L33,p.44,point451.96DcisiondelaCommission,COMP/F/38.620,HydrogenPeroxideandPerborate,points428429(96.48%).

  • 52

    influencedterminantesurlecomportementdesafiliale.Certes,ilnestpasexcluque,dans

    certains cas, les associs minoritaires puissent disposer, lgard de la filiale, de droits

    permettantderemettreencauselanalogiesusvise(point53)97.

    Par consquent, on peut se demander jusquo le pourcentage de dtention peut

    descendre avant que la Cour ne dcide que la prsomption nest plus applicable, dans la

    mesureoladcisionnefournitaucuncritre,numriqueouautre,quantaucalculduntel

    plafond.

    Rcemment, la CJUE a confirm la position du Tribunal en prodiguant un nouvel

    clairage sur la question de la responsabilit parentale loccasion de son jugement en

    appelquantlanciennesocitmredArkema,ElfAquitaine.BienquelaCJUEaffirmeque

    la leve de la prsomption nest pas en ellemmeune probatio diabolica, elle casse la

    dcisionduTribunalcontreElfAquitainedanslamesureoleTribunalnapasassezmotiv

    son refus dexclure la prsomption face aux arguments prsents par Elf Aquitaine. Il est

    remarquablequeladcisionsappuiesurlanotiondedroitsdeladfense.98Ainsi,aprsles

    dcisionsrendueslendroitdArkemaetdessocitsressortantdesongroupe,laquestion

    de la dlimitation du domaine dapplication de la prsomption de dtention intgrale

    reste ouverte,mais reste dpendante des choix politiques de la Commission Europenne,

    laquellesestmontrepourlinstantrticenteappliquerlaprsomptionpourlescasola

    participationtaitprochede100%.99

    Quandlaconduiteillgaleatmiseenuvreparunecoentreprise,laCommission

    examinetouslesfaitsafindedterminersiuneouplusieurssocitsmresontexercune

    influencedcisivesurlacoentrepriselpoquepertinente.Jusquici,dansdescassimilaires,

    la Commission na pas appliqu la prsomptionmais a dmontr linfluence dcisive des

    socitsmres.

    97TPI,7.06.2011,ArkemaFrance,AltuglasInternationalSA,AltumaxEuropeSASc/Commission,Aff.T217/06,Rec.2011p.00000.98CJCE,29.09.2011,ElfAquitaneSAvCommission,Aff.C521/09P,Rec.2011p.00000.Voiraussi,ConclusionsdelAvocatGnralM.PaoloMengozziAff.C520/09PElfAquitaneSAc/Commissioneuropenne,point13,oilmentionnequelerequrantnediscutepaslapplicationdelaprsomptionparlaCommissiondanslescasolasocitmredtient98%ducapitaldelafiliale.99Concernant la (non)applicabilit de la prsomption voir Richard BURNLEY, Group Liability for AntitrustInfringements:ResponsibilityandAccountability,WorldCompetitionJournal,Vol.33,Issue4,12.2010.

  • 53

    16. Responsabilit des socitssurs. Lorsque la Commission Europenne peut

    tablirquedessocitssursontagideconcertentantquunitconomique,ellepeuten

    teniruneresponsabledelinfractiontandisquecest lautrequiaparticipdirectement.100

    Ceci sexpliquepar le fait,quediffrentesentits lintrieurde lentreprisepeuventtre

    lieslinfractionetdoncconstitueruneentreprise:habituellement,lafilialeconsacreaux

    ventesassisteauxrunionsconstitutivesdelententemaisleproduitfinalestfabriquparla

    filialechargedelaproductionettoutesdeuxsontsupervisesparlasocitdegestion.

    Ainsi, en guise de conclusion, on pourrait dcrire la prsomption de dtention

    presqueintgraleencestermes:siprsde100%despartsdelafilialesontdtenuesparla

    mre, on peut prsumer, en droit europen de la concurrence, que cette socitmre a

    exercuneinfluencedcisivesurlafilialeetpeutdonctretenueresponsabledelaviolation

    dudroitdesententescommiseparsafiliale.Nanmoins,lasocitmrepeutcartercette

    prsomptionenprouvantquellenexeraitpasdinfluencedcisivelpoquepertinente.

    Conclusion.

    17. Ainsi, on voit que si une entreprise noneuropenne a une filiale tablie sur le

    territoiredelUEetcettefilialecommetuneviolationdudroiteuropendelaconcurrence,

    la socitmrepourratre sanctionnensembleavec telle filiale, sielle (la socitmre)

    imposaitlinfluencedterminantesursafiliale.101Ilestintressantdenoterquedanscecas

    de figure, il nyapasmmebesoinde la thoriede leffet, la thoriede la responsabilit

    parentaleseraitsuffisante.

    Consquemment,aprsavoirdterminqueledroiteuropendelaconcurrenceest

    tout fait applicable aux entreprises des Etats tiers, suite lapplication de la t