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Page - 1 - TABLE DES MATIERES Introduction 11 PREMIERE PARTIE : GENERALITES I- BIOLOGIE DU CHEVREUIL 13 A- Systématique et répartition géographique 13 1- Position systématique 13 2- Aire de répartition du Chevreuil européen 13 B- Particularités morphologiques du Chevreuil 13 1- La taille et le poids 13 2- Le pelage 14 3- Les bois 14 C- Habitat et alimentation du Chevreuil 16 1- Habitat 16 2- Comportement alimentaire 16 a- Généralités 16 b- Régime alimentaire du Chevreuil en milieu forestier 17 c- Régime alimentaire du Chevreuil en plaine 18 D- Physiologie de la reproduction 18 E- Comportements territorial et social 20 1- Comportement territorial 20 2- Vie sociale 21 3- Cas particulier des Chevreuils de plaine 22 F- Evolution et situation démographiques du Chevreuil en France 22 II- PRESENTATION DES PRINCIPALES CAUSES DE MORTALITE DU CHEVREUIL EN FRANCE 24 A- Le réseau SAGIR 24 1- Présentation du réseau SAGIR 24 2- Fonctionnement du réseau SAGIR 24 3- Intérêt de la base de données SAGIR dans notre travail 25 B- Bilan des données SAGIR 27 1- Généralités 27 2- Les traumatismes 27 3- Les maladies bactériennes 29 4- Les maladies virales 31 5- Les maladies parasitaires 31 6- Les mycoses 32 7- Les intoxications 32 8- Autres causes de mortalité 33

Thèse sur les causes de mortalité du chevreuil

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Page 1: Thèse sur les causes de mortalité du chevreuil

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TABLE DES MATIERES Introduction 11

PREMIERE PARTIE : GENERALITES I- BIOLOGIE DU CHEVREUIL 13

A- Systématique et répartition géographique 13 1- Position systématique 13 2- Aire de répartition du Chevreuil européen 13

B- Particularités morphologiques du Chevreuil 13

1- La taille et le poids 13 2- Le pelage 14 3- Les bois 14

C- Habitat et alimentation du Chevreuil 16

1- Habitat 16 2- Comportement alimentaire 16

a- Généralités 16 b- Régime alimentaire du Chevreuil en milieu forestier 17 c- Régime alimentaire du Chevreuil en plaine 18

D- Physiologie de la reproduction 18

E- Comportements territorial et social 20

1- Comportement territorial 20 2- Vie sociale 21 3- Cas particulier des Chevreuils de plaine 22

F- Evolution et situation démographiques du Chevreuil en France 22

II- PRESENTATION DES PRINCIPALES CAUSES DE

MORTALITE DU CHEVREUIL EN FRANCE 24 A- Le réseau SAGIR 24

1- Présentation du réseau SAGIR 24 2- Fonctionnement du réseau SAGIR 24 3- Intérêt de la base de données SAGIR dans notre travail 25

B- Bilan des données SAGIR 27

1- Généralités 27 2- Les traumatismes 27 3- Les maladies bactériennes 29 4- Les maladies virales 31 5- Les maladies parasitaires 31 6- Les mycoses 32 7- Les intoxications 32 8- Autres causes de mortalité 33

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C- Etude de la mortalité anormale du Chevreuil (« EMAC ») en France 34 1- Présentation de l’« EMAC » 34 2- Protocoles de l’« EMAC » 34 3- Résultats des protocoles « EMAC » 36

a- Résultats de l’étude rétrospective portant sur les années 1997 à 1999 36 b- Résultats de l’« EMAC » de 1999 à 2001 37 c- Cas particulier de la réserve de Trois-Fontaines (Marne) 38

DEUXIEME PARTIE : MORTALITE DU CHEVREUIL EN FRANCE

I- MORTALITE DUE AUX TRAUMATISMES 41

A- La chasse et les blessures suite à une action de chasse 41

B- Les collisions avec un véhicule 42 1- Modalités des enquêtes 43 2- Caractéristiques des collisions entre les véhicules et les grands ongulés

sauvages 43 a- Evolution des collisions et espèces impliquées 43 b- Répartition géographique des collisions 44 c- Répartition des collisions dans le temps 45

c.1- Variations annuelles des collisions 45 c.2- Variations hebdomadaires des collisions 47 c.3- Variations des collisions au cours de la journée 47

3- Importance de la mortalité par collisions sur les populations de Chevreuils 47

C- Combats intra-spécifiques 47

1- Caractéristiques épidémiologiques des méningo-encéphalites purulentes liées aux combats intra-spécifiques 48 a- Age et sexe des animaux 48 b- Variations saisonnières de l’incidence des méningo-encéphalites

purulentes chez les brocards 48 2- Caractéristiques étio-pathogéniques des méningo-encéphalites

purulentes des brocards 49 a- Nature des lésions céphaliques traumatiques observées chez les

brocards 49 b- Pénétration et devenir des germes dans l’organisme 49 c- Conséquences des méningo-encéphalites purulentes sur le pronostic

vital de l’animal 50 d- Nature des germes isolés lors de méningo-encéphalites purulentes 50

3- Importance des combats sur la mortalité d’une population de Chevreuils 50

D- La prédation 51 1- Généralités 51 2- Prédation par les chiens errants 51 3- Prédation par les renards 52 4- Prédation par les lynx 54 5- Prédation par les loups 54 6- Prédateurs « occasionnels » 55

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E- Le machinisme agricole 55

F- Traumatismes divers 58 II- MORTALITE DUE AUX MALADIES INFECTIEUSES 59

A- Les maladies bactériennes 59 1- Les principales maladies bactériennes du Chevreuil 59

a- Les affections pulmonaires 59 b- Les entérotoxémies 61 c- Les septicémies 63 d- Les méningites et méningo-encéphalites purulentes 65

d1- Caractéristiques épidémiologiques des méningo-encéphalites purulentes 65 α- Age et sexe 65

β- Fluctuations saisonnières de l’incidence des méningo- encéphalites purulentes 65

d2- Etio-pathogénie des méningo-encéphalites purulentes chez le Chevreuil 66

α- Nature des germes mis en causes dans les méningo- encéphalites purulentes 66

β- Importance relative de ces germes dans la mortalité des Chevreuils 66

γ- Etiologie des germes impliqués dans les méningo-encéphalites purulentes chez le Chevreuil 67

d3- Importance des méningo-encéphalites purulentes sur la mortalité d’une population de Chevreuils 68

e- Les colibacilloses 69 2- Les autres maladies bactériennes 70

a- La pseudo-tuberculose 70 b- La paratuberculose 71 c- Les pasteurelloses 72 d- La listériose 73 e- Les salmonelloses 75 f- Les staphylococcoses 76 g- La maladie des abcès et abcès divers 78

3- Autres maladies bactériennes 79 a- Le botulisme 79 b- L’actinomycose et l’actinobacillose 80 c- La tuberculose 81 d- La yersiniose 82 e- Le rouget 82 f- Maladies bactériennes diverses 83 g- Bactérioses transmises par les tiques 86 g1- L’ehrlichiose 86 g2- La maladie de Lyme 88 g3- Les bartonelloses 88

B- Les maladies virales 89 1- La rage 89 2- Le BVD (Diarrhée Virale Bovine) 90 3- Autres maladies virales 92

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C- Autres maladies potentielles 92 1- La fièvre aphteuse 92 2- La brucellose 93 3- Le charbon bactéridien 93 4- La maladie du dépérissement chronique des cervidés 94

III- MORTALITE DUE AUX MALADIES PARASITAIRES 95

A- Principaux parasites pathogènes du Chevreuil 96 1- Parasitoses dues aux nématodes 96

a- Caractères généraux des nématodes 96 b- Infestation par les nématodes digestifs 96

b1- Cycle évolutif des strongles digestifs du Chevreuil 96 b2- Principaux strongles gastro-intestinaux rencontrés chez les Chevreuils 98 b3- Rôle pathogène des strongles gastro-intestinaux 98 α- Strongles de la caillette 98 β- Strongles de l’intestin grêle 104 γ- Strongles du caecum 105 δ- Strongles du colon 106 b4- Incidence du parasitisme gastro-intestinal sur l’état sanitaire et la condition physique du Chevreuil 106 b5- Tableau clinique des strongyloses gastro-intestinales chez le Chevreuil 107

c- Infestation par les nématodes pulmonaires 108 c1- Cycle évolutif des strongles pulmonaires 108 c2- Importance des strongyloses respiratoires 109 c3- Tableau clinique et épidémiologie de la « bronchite vermineuse » 110

d- Conclusion sur les parasitoses dues aux nématodes 112 2- Céphénémyiose et hypodermose 112

a- La céphénémyiose du Chevreuil 112 a1- Cycle biologique de Cephenemyia stimulator 113 a2- Symptomatologie de la céphénémyiose 114 a3- Importance de la céphénémyiose chez le Chevreuil en France 114

b- L’hypodermose du Chevreuil 115 b1- Cycle biologique d’Hypoderma diana 115 b2- Symptomatologie de l’hypodermose du Chevreuil 117 b3- Importance de l’hypodermose du Chevreuil en France 117

3- Le polyparasitisme 118

B- Parasitoses pathogènes secondaires du Chevreuil 118 1- Les mycoses 118

a- Les aspergilloses 118 b- Autres mycoses 119

2- Les protozooses 119 a- La coccidiose 119 b- La cryptosporidiose 120 c- Les babésioses 120 d- Autres protozooses 121

3- Parasitoses dues aux Trématodes 122 a- La fasciolose ou parasitose due à la grande douve 122 b- La dicrocoeliose ou parasitose due à la petite douve 124

4- Les cestodoses 125 5- Les parasitoses dues à des parasites externes 126

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a- La démodécie 126 b- La gale 127 c- Les tiques 128

6- La strongyloïdose 129 7- Parasitoses dues aux nématodes de la cavité abdominale et du tissu

conjonctif 129 IV- MORTALITE D’ORIGINES DIVERSES 130

A- Les maladies métaboliques 130 1- L’acidose du rumen 130 2- La toxémie de gestation 132

B- Mortalité naturelle par vieillesse 133

C- Mortalité par épuisement 133 D- Mortalité par dénutrition et malnutrition 134

E- La diarrhée printanière du Chevreuil ou « mal de brout » 135

F- Les intoxications 136

1- Les intoxications d’origine végétale 136 2- Les intoxications par les pesticides agricoles 140

a- Nature des pesticides agricoles responsables d’intoxication chez le Chevreuil 140

b- Les anticoagulants et les IDC 144 b1- Les anticoagulants 144 b2- Les IDC 146

c- Les autres toxiques responsables de toxicité aiguë chez le Chevreuil 149

G- Les tumeurs 157

H- Les anomalies des bois : perruques ou têtes mitrées 157

I- Les accidents de gestation 158

V- FACTEURS A L’ORIGINE D’UN BIAIS DANS L’ETUDE ET

CONSEQUENCES SUR LA VALEUR DES RESULTATS COLLECTES 158 A- Problèmes relatifs au suivi sanitaire des populations de Chevreuils 158

B- Les biais rencontrés aux différents niveaux du réseau SAGIR 160

1- Collecte des échantillons et demandes des analyses 160 2- Analyses des échantillons au LVD 161 3- Interprétation des résultats au niveau national 162

Conclusion 165

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INDEX DES FIGURES Figure 1 : Chevreuil mâle ou brocard (photo Manfred DANEGGER) Figure 2 : Calendrier de la pousse des bois du brocard adulte (ANCGG) Figure 3 : Evolution des bois avec l’âge, de la naissance à 24 mois (ANCGG) Figure 4 : Chevreuil s’alimentant en milieu forestier (photo Manfred DANEGGER) Figure 5 : Cycle de reproduction de la femelle du Chevreuil Figure 6 et 7 : Parade amoureuse entre un mâle et une femelle, suivie de l’accouplement (photos Stephan MEYER et Manfred DANEGGER) Figure 8 : Jeune faon de Chevreuil âgé de quelques jours (photo Stephan LEVOYE) Figure 9 : Les Chevreuils de plaine vivent en groupe de plusieurs individus Figure 10 : Evolution annuelle du tableau de chasse national du Chevreuil de 1973 à 2001 (ONCFS) Figure 11 : Fonctionnement du réseau SAGIR (SAGIR) Figure 12 : Principales causes de mortalité du Chevreuil (données SAGIR de 1986 à 2003) (n=8200) Figure 13 : Nature des traumatismes responsables de mortalité chez le Chevreuil (données SAGIR de 1986 à 2003) (n=1351) Figure 14 : Traumatismes mineurs responsables de mortalité chez le Chevreuil (données SAGIR de 1986 à 2003) (n=35) Figure 15 : Nature des principales maladies bactériennes diagnostiquées chez le Chevreuil (données SAGIR de 1986 à 2003) (n=1350) Figure 16 : Nature des maladies bactériennes secondaires diagnostiquées chez le Chevreuil (données SAGIR de 1986 à 2003) (n=154) Figure 17 : Nature des principaux parasites du Chevreuil (données SAGIR de 1986 à 2003) (n=500) Figure 18 : Principaux parasites digestifs responsables de mortalité chez le Chevreuil (données SAGIR de 1986 à 2003) (n=173) Figure 19 : Les collisions routières sont un des principaux traumatismes dont sont victimes les Chevreuils (photo Manfred DANEGGER) Figure 20 : Nombre de collisions annuelles impliquant le grand gibier de 1984 à 1986 et de 1993 à 1994

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Figure 21 : Comparaison des collisions par type d’axes routiers entre 1984-1986 et 1993-1994 Figure 22 : Evolution de la répartition mensuelle des collisions entre 1984-1986 et 1993-1994 en pourcentage du total annuel Figure 23 : Nombre de collisions mensuelles en fonction du sexe des Chevreuils en 1993-1994 Figure 24 : Combat entre deux Chevreuils mâles Figure 25 : Les faons de Chevreuils, cachés dans un couvert végétal exploité par l’homme, sont fréquemment victimes des machines agricoles Figure 26 : Mâchoire de Chevreuil atteint d’actinobacillose (photo D. MAILLARD) Figure 27 : Schéma général du cycle évolutif des Nématodes gastro-intestinaux chez le Chevreuil Figure 28 : Nématodes du tube digestif du Chevreuil (d’après FERTE) Figure 29 : Nature des helminthes parasites du Chevreuil en fonction de leur localisation dans l’organisme (d’après FERTE et SAGIR) Figure 30 : Nématodes du tractus respiratoire du Chevreuil (d’après FERTE) Figure 31 : Cycle évolutif de Dictyocaulus noerneri Figure 32 : Cycle évolutif de Varestrongylus capreoli Figure 33 : Oestres en région naso-pharyngée chez un Chevreuil (photo A WANDELER) Figure 34 : Chevreuil présentant un parasitisme massif par des varrons (photo G. CACARD) Figure 35 : Répartition mensuelle des intoxications à l’if chez le Chevreuil de 1986 à 2003 (données SAGIR de 1986 à 2003) (n=8) Figure 36 : Bilan des intoxications du Chevreuil entre 1992 et 1997 (n=30) Figure 37 : Bilan des suspicions d’intoxications de Chevreuils entre 1992 et 1997 (n=120) Figure 38 : Répartition annuelle des intoxications aux anticoagulants du Chevreuil de 1992 à 2003 (données SAGIR de 1986 à 2003) (n=38) Figure 39 : Répartition mensuelle des intoxications aux IDC du Chevreuil de 1986 à 2003 (données SAGIR de 1986 à 2003) Figure 40 : Répartition annuelle des intoxications aux IDC du Chevreuil de 1986 à 2003 ((données SAGIR de 1986 à 2003) (n=27)

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INDEX DES TABLEAUX Tableau 1 : Nature des autres bactéries isolées lors de pathologies pulmonaires (données SAGIR de 1986 à 2003) Tableau 2 : Nature des bactéries responsables de septicémies chez le Chevreuil (données SAGIR de 1986 à 2003) Tableau 3 : Espèces de staphylocoques isolées chez le Chevreuil et syndromes provoquées par celles-ci (données SAGIR de 1986 à 2003) Tableau 4 : Espèces bactériennes responsables d’abcès mortels chez le Chevreuil (données SAGIR de 1986 à 2003) Tableau 5 : Maladies bactériennes diverses : espèces bactériennes isolées et syndromes associés (données SAGIR de 1986 à 2003) Tableau 6 : Principaux végétaux responsables d’intoxication chez les petits ruminants domestiques en France

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ABREVIATIONS AFSSA : Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (siège principal du SAGIR à Nancy) ANCGG : Association Nationale des Chasseurs de Grand Gibier BVD : Diarrhée Virale Bovine DL 50 : Dose Létale 50 DNOC : Dinitro-2,4 orthocrésol DSV : Direction des Services Vétérinaires EMAC : Etude de la Mortalité Anormale du Chevreuil ENV : Ecole Nationale Vétérinaire ESB : Encéphalopathie Spongiforme Bovine ESST : Encéphalopathies Spongiformes Subaiguës Transmissibles FDC : Fédération Départementale des Chasseurs IDC : Inhibiteurs Des Cholinéstérases LABOTOX : Laboratoire de Toxicologie de l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon LVD : Laboratoire Vétérinaire Départementale MAC : Mortalité Anormale du Chevreuil MDC : Maladie du Dépérissement Chronique (des Cervidés) ONC : Office Nationale de la Chasse ONCFS : Office Nationale de la Chasse et de la Faune Sauvage SAGIR : Réseau d’épidémiosurveillance et d’épidémiovigilance de la faune sauvage nationale

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INTRODUCTION Le Chevreuil (Capreolus capreolus) représente aujourd’hui le grand mammifère sauvage incontournable des campagnes françaises. Il n’a certes pas la noblesse du cerf élaphe ni la robustesse du sanglier, mais sa grâce, sa finesse et sa vivacité suscitent l’admiration de tous ceux qui l’observent. Le Chevreuil constituent également un gibier de choix pour les chasseurs : son intelligence et sa ruse donnent lieu à des parties de chasse aux issues incertaines, et la tendreté et la finesse de sa venaison en font un gibier très apprécié pour son goût. Toutes ces qualités ont engendré ces dernières décennies un regain d’intérêt de l’homme pour ce petit cervidé et une meilleure gestion des populations de Chevreuil a profondément modifié leur démographie. Au cours de l’Histoire, l’influence de l’homme l’emporte de beaucoup sur celle de l’environnement dans la constitution des Chevreuils et la dynamique de leur population. Depuis son expansion à partir du néolithique (il y a environ cinq mille ans), la démographie des populations de Chevreuils a fluctué en fonction des autorisations ou des interdictions de chasse de ce petit cervidé. La révolution française de 1789 octroie au peuple le droit de chasser le Chevreuil et l’augmentation de la pression cynégétique qui en découle provoque un effondrement des populations. Il faut attendre la deuxième moitié du vingtième siècle pour assister au redressement démographique des populations de Chevreuils en France. La principale mesure ayant permis ce développement est la mise en place des plans de chasse à partir de 1979. Depuis lors, on assiste à un accroissement spectaculaire des populations de Chevreuils. Ce petit cervidé s’est répandu sur l’ensemble du territoire métropolitain, allant jusqu’à coloniser des zones où il était absent. Il est même considéré comme très abondant dans certaines régions (49). Cette situation de surpopulation va alors poser un certain nombre de problèmes, avec tout d’abord de nombreuses interférences antagonistes avec les activités humaines : dégâts aux cultures ou aux plantations sylvicoles, collisions routières croissantes. Ce fort accroissement démographique va aussi s’accompagner d’un dépassement des capacités d’accueil de certains territoires, avec une dégradation du statut physique et sanitaire des animaux. Il en résulte des animaux plus chétifs et plus exposés à de nombreux dangers : traumatismes divers, sensibilité accrue vis-à-vis de pathologies infectieuses ou parasitaires… . Cette abondance démographique s’accompagne d’un accroissement des mortalités de Chevreuils sur le territoire français, avec parfois des épisodes de mortalité massive dans certaines zones. De tels épisodes de mortalité importante se sont déjà produits par le passé avec d’autres espèces gibiers (lapins de garenne décimés par la myxomatose), ce qui a amené les acteurs du monde cynégétique à s’intéresser de plus près aux pathologies des animaux sauvages. C’est ainsi qu’en 1986, l’Office National de la Chasse (ONC), crée un réseau d’épidémiosurveillance et d’épidémiovigilance de la faune sauvage française : Le réseau SAGIR. Cet organisme a pour mission de collecter des renseignements sur les maladies ou les principales causes de mortalité des espèces sauvages en France, avec comme objectif principal la sauvegarde de ces espèces. L’étude des maladies de la faune sauvage présente également deux enjeux de taille : d’abord, un enjeu en santé animale, dans la mesure où les animaux sauvages constituent le réservoir naturel potentiel d’agents pathogènes transmissibles aux animaux domestiques ; d’autre part, un enjeu en santé publique, puisque certaines maladies sont des zoonoses graves. L’expansion géographique et démographique du Chevreuil au cours de ces trente dernières années en a fait une des principales espèces constituant la base de données SAGIR.

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En plus de l’attrait crée par l’intelligence et la beauté de ce petit cervidé, l’apparition des épisodes de mortalité massive à la fin des années 1990 nous a interpellé et a fait germer l’idée de ce travail pour compléter nos connaissances sur les principales causes de mortalité de cette espèce. Après avoir présenté les particularités biologiques du Chevreuil, nous nous attacherons à décrire les différentes causes de mortalité de celui-ci en insistant sur les plus importantes et les plus spécifiques.

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PREMIERE PARTIE : GENERALITES

I- BIOLOGIE DU CHEVREUIL

A- Systématique et répartition géographique

1- Position systématique (41) Embranchement : Vertébrés Classe : Mammifères Super-ordre : Ongulés Ordre : Artiodactyles Sous-ordre : Ruminants Famille : Cervidés Groupe : Télémétacarpaliens Sous-famille : Odocoileinae Genre : Capreolus Espèce : Capreolus capreolus Le Chevreuil est présent uniquement sur le continent eurasiatique. Cette espèce se subdivise en trois sous-espèces dont une seule, Capreolus capreolus capreolus, se rencontre en Europe. Les deux autres sous-espèces sont cantonnées à certaines régions du continent asiatique.

2- Aire de répartition du Chevreuil européen Le Chevreuil occupe la presque totalité du continent européen puisqu’il est largement représenté en Europe de l’est, centrale et occidentale. Il est également bien présent en Scandinavie (au-delà du cercle polaire arctique) et en Angleterre. Sa présence dans les pays méditerranéens se limite aux massifs montagneux. L’espèce est absente d’Irlande ainsi que des îles méditerranéennes (Corse, Sardaigne, Sicile…) (41). En France, on le rencontre sur l’ensemble du territoire, à l’exception des très hauts massifs alpins et pyrénéens (au-dessus de 2000 mètres) et de la Corse. Il faut ajouter à cette liste quelques communes de Normandie, du département du Nord et du pourtour méditerranéen. Néanmoins, grâce à sa grande adaptabilité, le Chevreuil est en train de coloniser ces dernières régions (39).

B- Particularités morphologiques du Chevreuil (41) Les individus sont désignés par des noms différents selon leur âge et leur sexe. Quelque soit le sexe, le jeune de 0 à 6 mois est appelé faon, puis chevrillard jusqu’à l’âge de 12 mois. Au-delà, le mâle s’appelle brocard et la femelle chevrette.

1- Taille et poids Le Chevreuil est le plus petit Cervidé européen : sa hauteur varie de 60 à 80 cm au garrot et sa longueur totale de 1 à 1.25 m, pour un poids moyen de 20 à 25 kg à l’âge adulte. A la naissance, le faon pèse entre 1.5 et 2 kg. Sa croissance est ensuite rapide et à l’âge de 6 mois, il a atteint 60% de son poids définitif (14 à 16 kg).

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2- Le pelage Sa robe est de couleur grise en hiver et rousse en été. Le passage d’un pelage à l’autre se fait au moyen de deux mues, l’une en avril-mai et l’autre en octobre. Le faon possède un pelage caractéristique brun-roux tacheté de blanc et de jaune pendant ses trois premiers mois. Il est alors dit « en livrée ». Puis ces mouchetures disparaissent progressivement permettant au jeune d’acquérir sa robe d’adulte.

Figure 1 : Chevreuil mâle ou brocard (photo Manfred DANEGGER (5))

3- Les bois Les bois constituent la marque essentielle du dimorphisme sexuel. Seuls les mâles portent des bois. Il s’agit de productions osseuses caduques qui tombent et repoussent chaque année. Les bois se développent sur deux apophyses de l’os frontal appelés « pivots ». Ils tombent tous les ans entre octobre et décembre et repoussent progressivement en 2 à 3 mois. Ils sont alors appelés « velours » car ils sont protégés par une peau recouverte de poils fins. A la fin de l’hiver, le brocard va « frayer » ses bois c’est-à-dire les dépouiller du velours et ainsi retrouver des bois durs (figure 2 et 3).

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Figure 2 : Calendrier de la pousse des bois du brocard adulte (ANCGG (4))

Figure 3 : Evolution des bois avec l’âge, de la naissance à 24 mois (ANCGG (4))

J J

J

FM

MA

ASO

ND

1- Novembre: mâles sans bois. — 2- Décembre - janvier: repousse progressive des bois en velours. — 3- Février - mars: le velours recouvre les bois pendant leur repousse. — 4- Avril - mai : le velours se dessèche et tombe par lambeaux sanguinolents. — 5- Juin à septembre: les bois sont durs et dépouillés. — 6- Octobre - novembre: chute des bois.

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C- Habitat et alimentation du Chevreuil

1- Habitat (41)

Le Chevreuil est considéré communément comme un animal forestier. Il affectionne tout particulièrement les forêts de feuillus et riches en couverts bas qui lui fournissent son gîte et sa nourriture. Le Chevreuil est plutôt un animal de lisière. Il est attiré par les transitions entre forêts et cultures, par les bordures entre des peuplements forestiers de structure différente (vieux taillis-jeune taillis, vieille futaie-jeune futaie au stade fourré), les accotements de chemins ou de layons. A la fin des années 70, le Chevreuil s’est mis à coloniser les milieux ouverts. Ce phénomène est dû d’une part à l’évolution de l’environnement du Chevreuil en liaison avec les activités humaines (tourisme, développement des réseaux routiers) et d’autre part à l’explosion démographique des populations de Chevreuils. Cette tendance n’a cessé de progresser depuis et elle s’accompagne de profondes modifications comportementales des animaux. Sa plasticité remarquable permet donc au Chevreuil d’occuper tous les types d’habitats : milieu forestier mais aussi plaine cultivée, landes à genêts et ajoncs garrigue à chênes verts du pourtour méditerranéen, bocage et même certaines zones humides.

2- Comportement alimentaire

a- Généralités (41) (52) Le Chevreuil est un animal polygastrique qui se nourrit exclusivement de végétaux. Son appareil digestif lui permet de dégrader la cellulose et la lignine. Le Chevreuil présente de nombreuses contraintes nutritionnelles en raison d’un manque de réserves corporelles, de besoins énergétiques et coûts de reproduction importants qui le rendent très dépendants d’une alimentation de bonne qualité sur toute l’année. De plus, son estomac est de faible capacité : 4 à 6 litres environ soit 6% du volume corporel. Son régime alimentaire varie fortement en fonction des ressources disponibles selon le milieu et la saison. Toutefois, il consomme sélectivement des aliments à forte valeur nutritive et à digestibilité élevée (sucres solubles). Les besoins énergétiques d’un Chevreuil adulte sont de 0.3 UF/jour, ce qui correspond à l’absorption journalière de trois à quatre kilogrammes de végétaux frais (soit quatre à cinq cents grammes de matière sèche). Ses besoins en eau sont faibles et l’eau de constitution des aliments absorbés lui suffit bien souvent. Il a besoin d’un gramme de sel par jour. Les besoins alimentaires du Chevreuil sont surtout élevés entre la fin du rut et le début de l’hiver. L’activité du Chevreuil est constituée d’une dizaine de périodes de gagnage principalement diurnes et crépusculaires, entrecoupées de périodes de rumination et de sieste. Il passe six à sept heures par jour à ruminer. Ses gagnages de prédilection sont les clairières, le jeune taillis et les lisières. Son régime alimentaire est différent en fonction des différents habitats.

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b- Régime alimentaire du Chevreuil en milieu forestier En milieu forestier, le régime alimentaire du Chevreuil est essentiellement constitué d’une part de végétaux ligneux chargés en sève et d’autre part, de végétaux semi-ligneux, dont la richesse en calcium, phosphore et magnésium agit sur la croissance des faons et la repousse des bois (52). Parmi les essences semi-ligneuses, le Chevreuil consomme préférentiellement la ronce, le lierre puis la callune. En second choix, il peut aussi se nourrir des feuilles de framboisier, d’églantier, d’aubépine… . Cette consommation arbustivore a lieu toute l’année mais est accentuée en automne et en hiver. Elle constitue une part importante du régime alimentaire du Chevreuil (41). Les aliments ligneux consommés sont des arbres à feuilles caduques ou des arbres à feuilles persistantes ou encore, des arbustes (type cornouiller) mais en moins grande quantité que les deux précédents. Les essences ligneuses à feuilles caduques sont surtout utilisées au printemps et en été. Il s’agit principalement de feuilles de chêne, de charme, de frêne, d’orme, d’érable… . Le Chevreuil consomme les résineux plutôt en hiver et au début du printemps lorsque les arbres à feuilles caduques n’ont plus leurs feuilles. Il affectionne particulièrement le sapin et le pin maritime, surtout à l’état de jeunes plants. Cette consommation de résineux est accentuée lors d’enneigement important (41).

Figure 4 : Chevreuil s’alimentant en milieu forestier (photo Manfred DANEGGER (5)) En milieu forestier, les plantes herbacées ne constituent qu’une faible part du régime alimentaire du Chevreuil. Il en utilise toute l’année en faible quantité, avec toutefois une augmentation de la consommation au printemps avec des plantes herbacées de type cotylédones ou graminées.

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Le Chevreuil se nourrit également de divers aliments qu’il trouve en fonction des saisons. Il consomme des graines (grains de céréales, betteraves pour les animaux vivant au bord des lisières) et des champignons. Il utilise aussi la fructification forestière (glands et faines surtout, mais aussi framboises sauvages, mures, gousses de légumineuses, poires…). Le Chevreuil consomme ces aliments divers en quantité relativement faible l’été, mais en quantité plus importante l’automne puisqu’ils peuvent représenter jusqu’à 20% du régime alimentaire (glands, champignons surtout) (41).

c- Régime alimentaire du Chevreuil en plaine Le Chevreuil n’ayant colonisé ce milieu que depuis quelques années, les connaissances sur son comportement alimentaire en plaine ne reflètent probablement pas l’entière réalité mais donnent néanmoins une tendance générale. En plaine, le Chevreuil se nourrit quasi-exclusivement de plantes herbacées. Elles représentent 96% du régime alimentaire, avec une majorité de plantes cultivées (85% du régime alimentaire) (52). Une étude menée dans le nord de la Picardie en 1995 (52) donne les grandes tendances alimentaires du Chevreuil en plaine. Le régime alimentaire varie selon les saisons, avec une consommation de 90% de plantes cultivées en été et 77% en hiver, contre une égalité de consommation des plantes cultivées et non cultivées en automne. Les principales plantes cultivées consommées sont le blé et la betterave à raison de 63% du régime alimentaire en été et 76% en hiver. Les céréales (feuilles et graines de pois, autres végétaux et engrais verts) sont ingérés en moins grande quantité tout au long de l’année avec des variations saisonnières liées au cycle végétal. Les ronces sont les principales plantes non cultivées consommées en automne et en hiver. En été, le lierre, les graminées non cultivées et les arbres et arbustes sont couramment ingérés. Enfin, pour les animaux vivant dans les bosquets, des variations du régime alimentaire sont observées. En effet, les ronces constituent une part plus importante du régime alimentaire chez ces animaux. L’examen de contenus ruminaux de Chevreuils (52) vivant en plaine permet de compléter ces tendances. Il semblerait qu’en hiver et en été, les plantes cultivées soient les plus consommées, tandis qu’en automne, après la saison de labour, ce soit les plantes non cultivées qui prédominent dans le régime alimentaire de l’animal. Le Chevreuil est donc un animal opportuniste c’est-à-dire que son régime alimentaire se calque sur les ressources dont il dispose.

D- Physiologie de la reproduction (41) L’activité reproductrice se caractérise par un cycle annuel parfaitement défini. La maturité sexuelle est atteinte dans les deux sexes dès l’âge de un an. Le rut s’étend de la mi-juillet à la mi-août, période au cours de laquelle l’activité et l’agressivité des brocards atteignent leur maximum. L’oestrus chez la femelle ne dure que deux jours. Elle doit être impérativement fécondée pendant cette période car elle ne reviendra pas en chaleur avant l’année. La caractéristique essentielle du cycle reproducteur du Chevreuil intervient à ce stade. Il s’agit de l’ovoimplantation différée. L’œuf fécondé commence à se développer puis son développement s’arrête au stade blastocyste. L’œuf reste libre et son implantation et sa

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nidification dans la paroi utérine ne se réalisent que fin décembre-début janvier, l’œuf reprenant alors un développement classique. La durée totale de la gestation est d’environ 300 jours mais la phase réelle de gestation n’est que de 130 jours, l’œuf étant en diapause embryonnaire le reste du temps.

Figure 5 : Cycle de reproduction de la femelle du Chevreuil Les mises-bas s’étalent d’avril à juin avec un pic lors de la deuxième quinzaine de mai. Une femelle donne naissance de deux à trois faons en moyenne, à l’exception des primipares qui mettent bas à un faon. La figure 5 représente le cycle de reproduction d’une femelle Chevreuil. Les femelles se reproduisent toute leur vie soit une dizaine d’année. Les faons pèsent entre 1.5 et 2 kg à la naissance. Ils commencent à suivre leur mère dès l’âge de huit jours et leur protection repose presque exclusivement sur le grand mimétisme que leur procure leur robe caractéristique (pelage brun-roux tacheté de blanc et de jaune). Ils tètent leur mère jusqu’à l’automne mais leur régime alimentaire devient principalement végétarien dès deux mois. Leur croissance est très rapide et à la fin de l’hiver, il est difficile de distinguer les jeunes de l’année et les adultes.

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Figure 6 et 7 : Parade amoureuse entre un mâle et une femelle, suivie de l’accouplement (photo du haut : Stephan MEYER, photo du bas : Manfred DANEGGER) (5)

E- Comportement territorial et social

1- Comportement territorial (17) (41) La notion de territoire se définit par l’attachement d’un individu à une zone géographique plus ou moins bien délimitée, qui, par des comportements spécifiques ou des signaux, s’oppose à l’intrusion d’autres individus, en particulier ceux de la même espèce. Chez le Chevreuil, le comportement territorial est l’apanage des brocards reproducteurs. Cette attitude présente un caractère saisonnier marqué, puisqu’elle s’observe dès la fraye des bois au printemps, et évolue progressivement vers un comportement reproducteur s’achevant fin août après le rut. La superficie de ces zones protégées varie entre 30 et 70 hectares et elle augmente en période territoriale (printemps et été). Les activités automnales et hivernales du brocard sont réduites et ce dernier se cantonne dans une zone plus ou moins centrale de son territoire. A contrario, le mâle est très actif pendant le printemps et l’été et explorent la totalité de son domaine. Le Chevreuil est un animal sédentaire puisqu’un mâle peut conserver le même territoire plusieurs années de suite.

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Figure 8 : Jeune faon de Chevreuil âgé de quelques jours (photo Stephan LEVOYE (5)) Les femelles ne présentent pas de comportement territorial. Toutefois, elles exploitent souvent le même domaine qu’un mâle territorial, qui est fréquemment celui avec lequel elles s’accouplent. Tout comme les mâles, les chevrettes limitent leurs déplacements au cœur du domaine pendant l’hiver. Elles ont également une mobilité réduite lors de la période entourant la mise-bas. La rupture de la relation mère-jeune impose une émigration des jeunes Chevreuils de l’année précédente. Cette dispersion est surtout marquée pour les jeunes brocards qui entrent dans une période d’errance plus ou moins longue, dans l’attente de leur établissement sur leur propre territoire. Les jeunes femelles s’installent rapidement à proximité de leur lieu de naissance, sur le territoire d’un mâle adulte. Le comportement territorial du Chevreuil varie selon son statut social et rythme l’organisation sociale de l’espèce au cours de l’année.

2- Vie sociale (17) (41) Le noyau de base de l’organisation sociale se compose de la chevrette et de ses faons de l’année. L’éclatement de la cellule familiale mère-jeune se produit en avril-mai au moment des nouvelles mises-bas. Cette séparation est le facteur essentiel de dispersion de l’espèce et de colonisation de nouveaux espaces. Le mâle adulte est toujours solitaire et attaché à son territoire. Les relations avec ses congénères se limitent d’une part à la défense de son domaine vital en développant un comportement agressif vis-à-vis des autres mâles lors de la période de territorialité et de reproduction, et d’autre part à la saillie des femelles au cours du rut. Néanmoins, des relations de dominance-subordination permettent à plusieurs mâles de vivre côte-à-côte sur le même domaine. Les relations sociales du Chevreuil sont donc complexes et sont le reflet de la grande adaptabilité de l’espèce face aux contraintes du milieu. Le cas des Chevreuils de plaine illustre cette grande plasticité.

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3- Cas particulier des Chevreuils de plaine (17) La caractéristique du Chevreuil vivant en plaine est la constitution de groupes de tailles importantes pouvant atteindre plusieurs dizaines d’individus. Cette tendance grégaire a lieu pendant la période automnale et hivernale. Ce regroupement ne correspond pas à une harde bien structurée mais il permet au Chevreuil d’utiliser au mieux les disponibilités alimentaires de la plaine agricole à une période défavorable sur le plan climatique. Ce grégarisme est aussi un moyen de défense face à d’éventuels prédateurs. L’utilisation de l’espace est modifiée puisque le domaine vital peut atteindre plusieurs centaines d’hectares (200 à 300 hectares en moyenne).

Figure 9 : Les Chevreuils de plaine vivent en groupe de plusieurs individus (6)

F- Evolution et situation démographique du Chevreuil en France (source ONCFS) (43)

Il est impossible de connaître avec précision les effectifs de la population de Chevreuils en France. Nous ne pouvons faire que des estimations réalisées à partir des données des tableaux de chasse annuels. Les variations de ces tableaux de chasse d’une année sur l’autre reflètent l’évolution des effectifs de Chevreuil. Les prélèvements cynégétiques annuels recommandés pour le Chevreuil sont de l’ordre de 25 à 30% de la population de départ. En 27 ans, les tableaux de chasse ont fortement augmenté. Ils ont été multiplié par plus de huit (52 849 Chevreuils tués durant la saison 1973-1974, 445 315 réalisations en 2001-2002). La population de Chevreuils est donc en pleine expansion et doit probablement dépasser le million d’individus. Toutefois, nous observons un tassement dans le développement de la population de Chevreuils depuis quelques années. Le témoin de ce phénomène est la baisse de la progression des tableaux de chasse concernant le Chevreuil. Jusqu’à la saison cynégétique 1997-1998, le taux annuel moyen de progression des tableaux de chasse est de 8,5% sur les vingt-cinq dernières années. Depuis, ce taux ne cesse de diminuer pour atteindre 3,5% en 2001-2002.

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Il existe une disparité dans la progression des plans de chasse selon les départements. Dans certains départements, la croissance des tableaux reste soutenue. Il s’agit souvent de départements où les réalisations sont faibles par rapport aux autres départements français. Au contraire, certains départements dont les populations de Chevreuils sont numériquement importantes, observent une stagnation de leurs tableaux de chasse voire même une diminution pour quelques uns. Ce dernier cas est généralement lié au dépassement de l’équilibre entre les populations de Chevreuils et leurs milieux. Ce déséquilibre engendre des mortalités infectieuses d’animaux pouvant survenir brutalement et entraîner une chute radicale du niveau de la population. L’augmentation régulière et soutenue des populations de Chevreuils s’accompagne donc d’une progression des mortalités cynégétiques et extra-cynégétiques des animaux.

Figure 10 : Evolution annuelle du tableau de chasse national du Chevreuil de 1973 à 2001 (source ONCFS) (43)

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Saisons cynégétiques

Attributions

Réalisations

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II- PRESENTATION DES PRINCIPALES CAUSES DE MORTALITE DU CHEVREUIL EN FRANCE

A- Le réseau SAGIR

1- Présentation du réseau SAGIR Le réseau SAGIR ou Réseau National de Surveillance Sanitaire de la Faune Sauvage est un système d’épidémiosurveillance et d’épidémiovigilance du statut sanitaire de la faune sauvage sur l’ensemble du territoire national. Ce réseau a été crée en 1986 par l’Office National de la Chasse (ONC). Son rôle principal est de mettre en évidence et d’étudier les principales causes de mortalité de la faune sauvage en France afin de réduire leur impact et de les éliminer. Le fonctionnement du réseau SAGIR repose sur la collaboration étroite entre plusieurs organismes ayant des rôles précis à différents niveaux (figure 11). Depuis 1989, le réseau SAGIR procède à la saisie informatique de l’ensemble des rapports d’autopsies en provenance de tous les départements français, ainsi que de toutes les autres informations concernant les animaux examinés (fiches de renseignements SAGIR, résultats analyses toxicologiques, parasitologiques…). Depuis sa création, le SAGIR a enregistré plus de 22000 fiches, toutes espèces confondues, constituant ainsi l’une des banques de données sur les pathologies de la faune sauvage la plus importante d’Europe. Les Lagomorphes (le lièvre principalement) et le Chevreuil sont les espèces principales transmises au réseau. Toutefois, de nombreux autres animaux ont fait l’objet d’études, et, au total, ce sont plus d’une soixantaine d’espèces de mammifères (80% des fiches) et d’oiseaux (20% des fiches), gibier ou non, qui ont été concernées par les analyses SAGIR.

2- Fonctionnement du réseau SAGIR Les différents partenaires du réseau SAGIR sont l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) de Nancy, le laboratoire de toxicologie de l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon (LABOTOX), les Laboratoires Vétérinaires Départementaux (LVD), les Fédérations Départementales des Chasseurs (FDC) et parfois la Direction des Services Vétérinaires (DSV). La figure 11 présente les interrelations entre ces différents organismes. Au niveau local, c’est la Fédération Départementale des Chasseurs qui est chargée de la collecte des cadavres et de leur envoi au LVD. A ce niveau, si l’état de l’animal le permet (animal non putréfié), l’autopsie de l’animal est réalisée avec d’éventuelles analyses parasitologiques et bactériologiques. Des prélèvements peuvent également être effectués pour des recherches complémentaires et sont alors envoyés à des laboratoires spécialisés. Par exemple, si une suspicion d’intoxication est émise, les prélèvements sont envoyés au laboratoire de toxicologie de l’ENVL.

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Au niveau local, le réseau possède deux correspondants par département : l’un appartient à la FDC et l’autre est un représentant local de l’ONCFS. Ceux-ci rédigent une fiche de commémoratifs SAGIR qui essaie de rassembler des données épidémiologiques les plus précises possibles :

• Date et lieu précis de la découverte de l’animal • L’espèce animale concernée • L’âge, le sexe et la condition physique de l’individu • Animal trouvé mort ou mourrant • Existence éventuelle d’autres cas semblables à proximité • Signes extérieurs visibles sur le cadavre • Densité évaluée de l’espèce aux 100 hectares • Cause supposée de la mort • LVD auquel le cadavre a été transmis

Les correspondants locaux envoient ensuite la fiche SAGIR accompagnée des résultats du LVD au laboratoire centralisateur (AFSSA de Nancy) du réseau SAGIR. Le centralisateur SAGIR (Marie-Eve TERRIER) réalise alors la saisie informatique de toutes les données qu’il reçoit (fiches SAGIR, résultats des LVD, du laboratoire de toxicologie de l’ENVL ou d’autres laboratoires spécialisés). Le centralisateur effectue une synthèse de ces résultats deux fois par an et dresse un bilan annuel qu’il transmet à l’organisme coordinateur du réseau, l’ONCFS. Ce dernier va alors diffuser ce bilan aux différents partenaires du réseau (LVD, FDC, DSV). Les autres relations secondaires, ainsi les modalités de financement, sont reprises dans la figure 11.

3- Intérêt de la base de données SAGIR dans notre travail Les données de la base SAGIR permettent donc de connaître les causes de mortalités des principales espèces, d’évaluer leur incidence et ses variations dans le temps et l’espace et les différences de sensibilité en fonction du sexe et de l’âge. Les différentes analyses permettent également de mettre en évidence les agents pathogènes circulants au sein des populations, y compris ceux n’étant pas responsables d’une mortalité anormale. En complément de son rôle de collecte d’informations, le SAGIR est un réseau d’alerte qui permet non seulement de mettre en évidence des phénomènes pathologiques anormaux, mais aussi de les signaler à l’ensemble des institutions intéressées par la santé de la faune sauvage (FDC principalement mais aussi DSV…). La consultation de la base de données informatiques nous a permis d’obtenir de nombreuses informations nécessaires à notre étude. Le réseau SAGIR a enregistré depuis sa création un peu plus de 8000 cas concernant la mortalité du Chevreuil. Depuis 1997, un accroissement sensible du nombre de cas analysés a été observé. En outre, certains correspondants locaux ont simultanément signalé un grand nombre de cas de mortalités impliquant plusieurs cadavres de Chevreuils trouvés dans le même massif à la même époque. C’est ainsi qu’en 1999 le comité de pilotage du réseau SAGIR a décidé de réaliser une analyse de ce phénomène nouveau et le protocole EMAC (Etude de la Mortalité Anormale du Chevreuil) a été mis en place. Nous reviendrons sur ce protocole après avoir défini les grandes causes de mortalité extra-cynégétique du Chevreuil à partir de la base de données SAGIR.

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B- Bilan des données SAGIR

1- Généralités L’analyse des 8200 fiches collectées par le réseau SAGIR sur le Chevreuil de 1986 à 2003 met en évidence de nombreuses causes de mortalité. Nous avons essayé de dégager quelques grandes entités pathologiques que nous décrirons plus en détails dans des chapitres ultérieurs. La figure 12 présente la fréquence des principales causes de mortalité du Chevreuil extraites de la base de données SAGIR, pour la période allant de 1986 à 2003. Dix grandes catégories d’étiologie se dégagent avec des fréquences très variables. Si on exclut les catégories « contrôle », « impossible » et « indéterminée », la cause de la mort a été identifiée avec précision dans 5336 cas soit dans un peu plus de deux tiers des cas. Ce grand nombre de cas va nous permettre de tracer les grandes tendances dans les causes de mortalité du Chevreuil.

Principales causes de mortalité du ChevreuilSAGIR (1986-2003)

(n=8200)

bactéries16,46%

champignons0,06%

contrôle3,51%

impossible4,96%

indéterminée26,45%

parasites9,79%

toxiques1,37%

traumatismes27,80%

virus0,46%

divers9,12%

Figure 12 : Principales causes de mortalité du Chevreuil

(données SAGIR de 1986 à 2003) (n=8200)

2- Les traumatismes Les traumatismes constituent la première cause de mortalité extra-cynégétique des Chevreuils en France. De 1986 à 2003, le réseau SAGIR a dénombré 2280 Chevreuils morts suite à un traumatisme soit 27,80% de l’ensemble des Chevreuils répertoriés dans SAGIR. La nature exacte du traumatisme a été précisée dans 1351 cas (figure 13).

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Ce sont les blessures de chasse qui arrivent en première position parmi les traumatismes. Elles représentent 49% des cas pour lesquels un diagnostic a pu être établi. Les collisions routières ne constituent que 17% des traumatismes. On peut penser que ce genre de traumatisme est largement sous-évalué si l’on se réfère au nombre de collisions routières avec des Chevreuils rapportées dans les inventaires de 1984 – 1986 (1019 Chevreuils accidentés) et de 1993 – 1994 (2993 Chevreuils tués sur la route) réalisés dans 25 départements français. Cette sous-estimation peut s’expliquer par le phénomène d’auto-diagnostic. Les personnes trouvant des Chevreuils morts sur les bords de route attribuent, à juste titre, le décès à une collision avec un véhicule. Ayant réalisé leur propre diagnostic, ils ne font pas appel au réseau SAGIR pour déterminer la cause exacte de la mort de l’animal. De même, certains Chevreuils tués par collision ne sont pas signalés car les automobilistes récupèrent secrètement ces animaux pour les consommer ou bien les animaux, blessés, vont mourir plus loin et ne sont pas retrouvés. Dans tous les cas, il s’agit d’animaux qui ne sont pas comptabilisés par le réseau SAGIR, ce qui entraîne une sous-évaluation du nombre de Chevreuils tués par collision routière.

Principaux traumatismes responsables de mortalité chez le Chevreuil

SAGIR 1986 - 2003(n=1351)

blessures de chasse49%

combats6%

collisions routières17%

prédation25%

divers3%

Figure 13 : Nature des traumatismes responsables de mortalité chez le Chevreuil

(données SAGIR de 1986 à 2003) (n=1351)

La prédation représente un quart de la mortalité par traumatisme. Elle est principalement due à des chiens de chasse ou des chiens errants et de façon secondaire à des prédateurs sauvages (lynx, renards, « loups »?). Sur 341 décès attribués à la prédation, 247 sont imputés avec certitude aux chiens, 2 aux lynx et pour les 92 restants, la nature du prédateur n’a pas été mise en évidence. Les combats intra spécifiques peuvent également se montrer mortels pour les Chevreuils. Ils représentent 6% des traumatismes diagnostiqués. La mort peut être directement due au traumatisme (enfoncement de la boîte crânienne, pénétration d’un bois dans le crâne de

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l’adversaire…) mais elle peut être secondaire à une infection des structures encéphaliques consécutive au traumatisme. Enfin, les Chevreuils peuvent succomber à des traumatismes plus « anecdotiques ». La figure 14 reprend ces divers traumatismes pouvant causer la mort de Chevreuils.

Traumatismes mineurs responsables de mortalité chez le Chevreuil.

Nombre de cas répertoriés par SAGIR de 1986 à 2003(n=35)

strangulation4

braconnage3

éventration2

machinisme agricole

4

piège7

chute4noyade

11

Figure 14 : Traumatismes mineurs responsables de mortalité chez le Chevreuil

(données SAGIR de 1986 à 2003) (n=35)

3- Les maladies bactériennes Ces affections arrivent en deuxième position dans les causes de mortalité pour lesquelles un agent a été trouvé. Elles représentent 16,46% de ces mortalités du Chevreuil soit 1350 animaux pour lesquels l’analyse bactériologique a confirmé l’origine de la mort. Plusieurs grandes entités pathologiques bactériennes se dégagent : les entérotoxémies (28% des affections bactériennes confirmées), les septicémies (27%), les infections respiratoires (13%), les infections nerveuses (6%) et les colibacilloses (5%) (figure15). Certaines entités bactériennes sont peut-être sous-estimées. En effet, plusieurs fiches attribuent la mort de l’animal à l’atteint d’un organe particulier mais sans qu’aucun agent pathogène n’ait été identifié. C’est principalement le cas d’atteintes respiratoires (190 animaux) et d’atteintes nerveuses (109 animaux). La mort des animaux est attribuée aux lésions des organes touchés mais l’absence d’identification d’un agent pathogène ne permet pas de conclure avec certitude du caractère infectieux de l’étiologie de la mort. Ces animaux sont alors classés dans la catégorie « origine indéterminée de la cause de la mort ».

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Principales maladies bactériennes diagnostiquées chez le Chevreuilpar le réseau SAGIR (1986 - 2003)

(n=1350)

Entérotoxémie28%

Infections nerveuses6%

Infections respiratoires

13%

Septicémie27%

Colibacillose5%

Autres maladies bactériennes

15%

Divers6%

Figure 15 : Nature des principales maladies bactériennes diagnostiquées chez le Chevreuil (données SAGIR de 1986 à 2003)

(n=1350) A côté de ces grandes entités, le Chevreuil peut succomber à d’autres maladies bactériennes dont l’incidence est beaucoup plus faible : de quelques cas à quelques dizaines de cas par an. Il s’agit de la listériose, de pasteurellose, de la pseudotuberculose, de la paratuberculose, de staphylococcose, de salmonellose et de la maladie des abcès. La figure 16 donne le pourcentage de ces pathologies bactériennes secondaires.

Maladies bactériennes secondaires du ChevreuilNombre de cas répertoriés par SAGIR de 1986 à 2003

(n=154)

Pasteurellose18%

Salmonellose10%

Listériose15%

Maladie des abcès et abcès divers

28%

Pseudo-tuberculose9%

Paratuberculose8%

Staphylococcose12%

Figure 16 : Nature des maladies bactériennes secondaires diagnostiquées chez le Chevreuil (données SAGIR de 1986 à 2003)

(n=154)

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Dans les affections bactériennes diverses, on trouve des affections telles que des surinfections (16 cas) ou des infections non spécifiques de tractus, d’appareils ou d’organes particuliers (infections digestives, cardiaques, génitales, péritonite, hépatite, poly-arthrite…). Dans cette catégorie, on trouve également quelques affections spécifiques, de pathogénicité plus ou moins grave, mais qui atteignent rarement le Chevreuil. C’est le cas par exemple du botulisme (2 cas), de l’actinobacillose (2 cas) ou de l’actinomycose (2 cas), de la tuberculose (3 cas), de yersiniose (10 cas) autre que la pseudotuberculose, ou encore de toxiinfections à germes anaérobies (2 cas). Nous présenterons plus précisément les principales maladies bactériennes dans un chapitre ultérieur.

4- Les maladies virales Les virus n’ont été que très rarement identifiés comme agents pathogènes responsables de la mort de Chevreuils : 0,46% des cas de mortalité identifiée et seulement deux virus trouvés. Le principal virus mis en cause est le virus de la rage avec 36 cas répertoriés depuis 1986. Ce virus n’a plus de nos jours qu’une incidence historique puisque le dernier cas de rage de Chevreuil date de fin 1992. L’autre virus isolé est le virus du BVD dans seulement deux cas. Ce virus donne lieu à de nombreuses recherches à l’heure actuelle. Le Chevreuil peut également être infecté par d’autres virus. Plusieurs études ont révélé des sérologies positives vis-à-vis de certains virus, mais sans pouvoir déterminer l’impact de ceux-ci sur l’état sanitaire des Chevreuils (50).

5- Les maladies parasitaires Le parasitisme est considéré comme la principale cause de la mort pour 9,79% des Chevreuils (803 animaux). Le type de parasitisme n’est précisé que pour 500 animaux (figure 17). Le polyparasitisme (35% des animaux pour lesquels le type de parasitisme a pu être établi), le parasitisme digestif (35%) et le parasitisme pulmonaire (20%) forment les trois principales atteintes parasitaires du Chevreuil. Les myiase (6% soit 29 animaux) sont constituées de quatre cas d’hypodermose, de 22 cas d’oestrose et de trois cas de myiases non identifiées. Pour les parasites divers, il s’agit surtout de parasites externes (18 cas) dont six cas de démodécie, huit cas de babésiose, deux cas de gale et deux cas de polyparasitisme externe. Un cas de teigne, classé parmi les mycoses, peut également être signalé parmi les parasitoses externes. Les autres parasites de cette catégorie sont des parasites peu pathogènes pour le Chevreuil ou bien ne parasitant que très rarement cette espèce. La mort de l’animal a néanmoins été attribuée à leur présence. Il s’agit d’un cas de sarcosporidiose, d’un cas de trichomonose et d’un Chevreuil mort de péritonite et infesté par un grand nombre de parasites du genre Setaria.

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Répartition du tropisme parasitaire chez le ChevreuilSAGIR (1986 - 2003)

(n=500)

Parasitisme digestif35%

Parasitisme pulmonaire

20%

Polyparasitisme35%

Myiases6%

Divers4%

Figure 17 : Nature des principaux parasites du Chevreuil

(données SAGIR de 1986 à 2003) (n=500)

Les parasites digestifs entraînant de la mortalité sont principalement représentés par des nématodes. Les autres groupes de parasites digestifs ne provoquent que peu de cas de mortalité directe de Chevreuils (figure 18). Cette faible incidence dans la mortalité de certains parasites peut s’expliquer par la faible pathogénicité du parasite chez le Chevreuil (cestodes, petite douve, coccidies à faible infestation) ou bien par la rareté du parasite (grande douve, strongyloïdes, cryptosporidies). Les parasites pulmonaires sont en majorité des strongles pulmonaires : sur les 100 cas de parasitisme pulmonaire, dans 44 cas la nature du parasite n’est pas précisée et les 56 cas restants sont des strongles pulmonaires. Le Chevreuil est souvent parasité par plusieurs espèces de parasites dans un peu plus d’un tiers des cas (35%). Il s’agit le plus souvent de polyparasitisme digestif ou bien d’une infestation mixte avec des strongles digestifs et pulmonaires. Lors de polyparasitisme, on retrouve parfois les autres groupes de parasites secondaires en plus des strongles. Nous détaillerons les principales parasitoses dans un chapitre ultérieur.

6- Les mycoses Les champignons ne sont qu’exceptionnellement mortels pour les Chevreuils. Le réseau SAGIR ne répertorie que cinq cas de mycose ayant entraîné la mort de Chevreuils. Il s’agit de quatre infections dues à des champignons du genre Aspergillus et d’un cas de teigne.

7- Les intoxications Les toxiques ne sont en cause dans la mortalité du Chevreuil que très rarement. Ils représentent 1,17% des cas de mortalité du Chevreuil dans la base SAGIR. Les intoxications mortelles sont surtout dues à des pesticides agricoles, plus rarement à des plantes vénéneuses.

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Principaux parasites digestifs responsables de mortalité chez le ChevreuilSAGIR (1986 - 2003)

(n=173)

Strongyloïdes4

Coccidies10

Cryptosporidies3

Cestodes4

Petite Douve3

Grande douve1

Parasites digestifs non identifiés

96

Strongles digestifs52

Figure 18 : Principaux parasites digestifs responsables de mortalité chez le Chevreuil

(données SAGIR de 1986 à 2003) (n=173)

8- Autres causes de mortalité La catégorie « contrôle » comprend des animaux pour la plupart abattus à la chasse. Les personnes ayant tué ces animaux ont demandé une analyse SAGIR car ils avaient un doute sur l’état sanitaire de ces Chevreuils. Les analyses réalisées sur ces animaux n’ont pas révélé d’atteinte de leur état sanitaire. Il s’agit juste de cas de contrôle. Dans la catégorie « impossible », rentrent des animaux qui n’ont pas donné lieu à une autopsie ou des analyses correctes, en raison le plus souvent de leur état de dégradation trop avancé. Les cas « indéterminés » correspondent le plus souvent à l’atteinte d’un appareil ou d’un organe précis mais sans qu’aucun agent causal n’ait pu être identifié (infections respiratoires, digestives, rénales, encéphalites, péritonites, polyarthrites… d’étiologie inconnue). Dans cette catégorie, la mort peut également s’expliquer par un symptôme prépondérant (anémie, diarrhée, cachexie, paralysie, nécrose pulmonaire…), mais là aussi, sans identification d’un agent précis (bactérien, parasitaire, traumatique ou autre). Les cas de mortalité « divers » se composent principalement d’euthanasies (461 animaux sur 702 cas « divers »). Il s’agit d’animaux le plus souvent trouvés mourrant et dont on a abrégé l’agonie. Aucune pathologie constatée sur ces animaux n’émerge franchement en dehors du parasitisme. On trouve également des causes très variées de mort. Celles-ci sont en général rares : acidose (50 cas), animaux morts de vieillesse (20), corps étranger (2), dystocie (11), animaux morts d’épuisement (16) ou de faim (9), hémorragie (32), insuffisance cardiaque (5), rénale (3) ou cardio-respiratoire (9), tumeurs (27), malformations (6), misère physiologique (9), animal

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mitré (1), orphelin (5), rupture d’anévrisme (1), stress (7), torsion de caillette (1), toxémie de gestation (2), ulcère de caillette (1), occlusions digestives (8). La base de données SAGIR permet de mettre en avant l’importance des traumatismes dans la mortalité de Chevreuils en France. Les maladies bactériennes et parasitaires constituent les deux autres grandes causes de mortalité parmi les étiologies identifiées, même si on peut penser que ces deux causes de mortalité sont sous-estimées. En effet, l’importance de la catégorie « indéterminée » peut expliquer cette sous-estimation. On peut penser qu’un certain nombre de cas classés dans cette catégorie pourrait rentrer dans les causes bactériennes et parasitaires. La plupart des mortalités dues à l’atteinte d’un appareil ou d’un organe particulier (atteintes respiratoires, nerveuses, digestives, hémorragies…) auraient sans doute pu rentrer dans ces causes infectieuses si un agent précis avait été isolé. Comme ce n’est pas le cas, la cause de toutes ces mortalités restent « indéterminée ». De même, l’impact du parasitisme (9,79% des causes totales de mortalité) sur l’état sanitaire du Chevreuil n’est sans doute pas évalué à sa juste valeur. Cette classification ne tient pas compte du fait que le parasitisme peut affaiblir les animaux et favoriser voire aggraver d’autres causes de mortalité : animaux plus sensibles aux surinfections bactériennes, animaux affaiblis plus exposés à la prédation, à la capture par l’homme et à l’euthanasie, aux traumatismes… . Nous allons maintenant nous intéresser à l’étude sur la mortalité anormale du Chevreuil pour préciser certains points sur la mortalité du Chevreuil en France.

C- Etude de la mortalité anormale du Chevreuil (« EMAC ») en France (2) (3)

1- Présentation de l’«EMAC » (3)

En 1997, plusieurs départements ont déclaré une mortalité massive de Chevreuils suite à la découverte de plusieurs cadavres ou animaux affaiblis sur une petite surface en peu de temps. Le phénomène s’est ensuite propagé à d’autres départements les années suivantes. A partir des premières constatations, l’origine de ce phénomène restait floue. Nul ne savait s’il résultait d’une régulation naturelle d’effectifs élevés par des mécanismes de densité dépendance ou bien s’il était apparu une épizootie d’origine infectieuse dont les signes cliniques ne seraient pas reconnaissables à l’examen anatomo-pathologique classique, mais qui provoquerait la mort ou favoriserait l’apparition d’un polyparasitisme aggravé. A partir de 1999, les différents acteurs du réseau SAGIR ont donc décidé de mettre en place une étude de ce phénomène,appelé protocole « EMAC » (Etude de la Mortalité Anormale du Chevreuil), avec pour but d’expliquer l’origine de celui-ci afin de pouvoir le juguler par la suite.

2- Protocole de l’«EMAC» (2) (3) Tout d’abord, il a été réalisé une analyse rétrospective portant sur les années 1997 à 1999 à partir des données du réseau SAGIR. Pour cela, les FDC de certains départements touchés par une mortalité massive de Chevreuils ont fait parvenir à l’«EMAC» l’ensemble des fiches SAGIR des animaux morts dans un cadre de mortalité massive sur ces années-là. Cet échantillon a ensuite été comparé à un lot de Chevreuils « témoins », analysés par SAGIR au cours des mêmes années (1997 à 1999) dans des départements où la « MAC » était absente

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(départements dont le numéro était inférieur d’une unité à ceux des départements d’où provenaient les Chevreuils « MAC »). A partir de 1999, un nouveau protocole a été mis en place. Pour la saison 1999-2000, il consistait en une étude approfondie dans plusieurs départements pilotes (Loir et Cher, Landes, Seine et Marne et la réserve de Trois-Fontaines dans la Marne). Dans chaque département, deux types de territoires étaient sélectionnés : des territoires « atteints » où la « MAC » sévissait et des territoires « témoins », indemnes de mortalité massive. A l’intérieur de chacune de ces zones, l’étude portait à la fois sur des animaux malades (c’est-à-dire des animaux apparemment morts de maladie) et des animaux sains (c’est-à-dire des animaux présumés non malades, et tués à la chasse ou traumatisés de la route). L’autopsie de tous ces animaux était réalisée, de même que les analyses bactériologiques et parasitologiques. Certains départements ont même réalisé des analyses virologiques (recherche de BVD) et toxicologiques. Il était en outre demandé aux responsables départementaux de fournir des renseignements sur les animaux de l’étude : sexe, âge, poids, condition physique, densité des populations de Chevreuils… . Lors de la saison suivante (2000-2001), ce protocole a été reconduit en s’élargissant à d’autres départements. D’autre part, certains départements, nouvellement touchés par la « MAC », et qui ne faisaient pas partie du protocole initial ont fait parvenir des résultats d’autopsies. D’autres départements, où le phénomène de « MAC » a disparu cette saison-là, ont également fait parvenir des résultats d’autopsies. L’interprétation des résultats de l’ « EMAC » a été délicate, de nombreux biais étant apparus en cours d’étude, empêchant une analyse statistique valable. En premier lieu, le protocole d’étude étant assez lourd, il n’a pas été scrupuleusement respecté par tous. Les départements ne sont pas comparables entre eux, les méthodes de collecte des animaux et d’analyses de laboratoire variant d’une structure à l’autre. Les renseignements concernant les animaux ne sont pas toujours précis : absence d’indication des poids, de l’âge, certaines données ne sont que des approximations et non des valeurs objectives (estimation de la densité aux 100 hectares). D’une année sur l’autre, le phénomène « MAC » a disparu de certains départements et au contraire est apparu dans d’autres départements. De même, certaines zones d’étude initialement indemnes de « MAC » se sont transformées en zones atteintes en cours de protocole (cas d’une zone du Loir et Cher pour la saison 1999 – 2000). Il a donc fallu créer plusieurs catégories d’animaux en fonction de leur statut sanitaire (« malades » ou « sains ») et en fonction de leur zone d’origine (« indemne », « atteinte » ou « atteinte guérie » pour les zones où la « MAC » a disparu d’une saison à l’autre. L’ « EMAC » distingue ainsi quatre catégories de Chevreuils : « K » animaux trouvés morts ou mourrants en zone atteinte, « L » animaux sains abattus en zone atteinte, « T » animaux témoins provenant de zones indemnes et « G » animaux provenant de zones atteints guéries. Le faible nombre d’animaux de certaines catégories ne permet pas d’avoir des résultats précis et représentatif.

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3- Résultats des protocoles « EMAC »

a. Résultats de l’étude rétrospective portant sur les années 1997 à 1999 (2)

Six départements sont impliquées dans cette étude rétrospective : Allier, Aube, Haute Marne, Nièvre, Rhône et Yonne. La comparaison de l’évolution de la mortalité des Chevreuils de 1990 à 1999 montre qu’il n’y a pas de différence significative entre les départements « EMAC » et les départements « non EMAC » jusqu’en 1993. A partir de 1994, une augmentation de la mortalité apparaît dans les départements « EMAC » et s’accentue fortement à partir de 1997. Cette progression dans les départements « non EMAC » n’a lieu qu’à partir de 1997 et à un degré moindre que dans les départements « EMAC ». Puis, les résultats de 88 Chevreuils morts dans un contexte de mortalité anormale dans les six départements « EMAC » entre 1997 et 1999 sont comparés à ceux de 188 Chevreuils provenant de départements « non EMAC » sur les deux mêmes années. La comparaison des grandes causes de mortalité de Chevreuils issus d’un contexte de mortalité massive et de Chevreuils non victimes de mortalité anormale, ne permet pas de dégager des différences significatives. On note simplement plus de morts par traumatismes chez les animaux « témoins » alors que les causes indéterminées sont deux fois plus importantes chez les animaux morts dans un contexte de « MAC ». Cette constatation renforce l’hypothèse d’un agent pathogène inconnu. De même, la comparaison des lésions nécropsiques entre ces deux groupes de Chevreuils ne fait pas apparaître de grandes différences : on trouve un peu plus de lésions d’origine parasitaire parmi les Chevreuils « MAC », et un peu moins de lésions d’étiologie infectieuse. La comparaison des résultats bactériologiques ne permet pas de mettre en évidence un germe particulier qui pourrait expliquer le phénomène de mortalité massive. En effet, la plupart des germes retrouvés chez les Chevreuils « MAC » se retrouvent également dans l’échantillon des Chevreuils témoins. L’absence de certains agents dans les analyses des Chevreuils « MAC » suggère que ces germes ne sont pas impliqués dans l’étiologie du phénomène. C’est le cas principalement des bactéries du genre Listeria, Salmonella et Yersinia, et du virus du BVD. Cette étude rétrospective permet de confirmer l’apparition d’un phénomène de mortalité massive de Chevreuils à partir de 1997. Elle ne renseigne pas sur l’étiologie de cette mortalité anormale. Toutefois, un certain nombre de points communs ont été dégagés dans les départements atteints. Le phénomène est d’apparition brutale, de durée variable et n’intervient pas à une saison précise de l’année. Les Chevreuils sont trouvés faibles et se laissent facilement attraper ou capturer par les chiens. En outre, ils présentent souvent des troubles oculaires ou une perte de vision. Toutes les classes d’âge sont touchées. Le renforcement du protocole « EMAC » à partir de 1999 a pour but de compléter les connaissances sur ce phénomène.

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b. Résultats de l’ « EMAC » de 1999 à 2001 (3) Pour la première saison (1999-2000), les résultats proviennent des trois départements pilotes : le Loir et Cher, les Landes et la Seine et Marne. Viennent également s’ajouter les résultats de la Réserve de Trois-Fontaines (Marne), où le phénomène de mortalité massive est apparu à l’automne 1999. Au total, 31 animaux ont été analysés. Avec l’implication d’autres départements la saison suivante, le nombre de Chevreuils rentrant dans l’ « EMAC » est beaucoup plus important (99 animaux), même si plusieurs de ces départements n’ont pas suivi le protocole précis. Cette augmentation du nombre d’animaux permet d’avoir des résultats plus significatifs. A partir des observations des correspondants locaux, on peut souligner quelques tendances sur le phénomène Il apparaît préférentiellement dans des massifs où la densité est forte par rapport à la capacité d’accueil du milieu. Dans certains départements, le phénomène s’est accompagné d’une chute des densités en Chevreuils, pouvant aller jusqu’à une baisse de moitié des densités (cas par exemple des départements du Rhône et du Territoire de Belfort). Certains départements, au contraire, n’ont pas vu diminuer la densité de leur population de Chevreuils. Enfin, lorsque les densités étaient très fortes et ont considérablement chuté, l’état d’embonpoint des animaux s’est amélioré. Ces tendances proviennent d’observations sur le terrain et relèvent donc d’une part de subjectivité. Sur les deux saisons d’étude, la comparaison des résultats des analyses bactériologiques et des lésions nécropsiques des différents groupes de Chevreuils ne permet pas d’identifier une cause de mortalité spécifique des Chevreuils morts dans le cadre d’une mortalité massive. Des causes de mort très variées ont été trouvées mais sans qu’aucune ne prédomine pour une catégorie de Chevreuils. Il en va de même pour les lésions et les germes identifiés. Les analyses bactériologiques ont permis d’isoler des germes très fréquents (Clostridium sp, Escherichia coli, Staphylococcus sp) mais aussi des germes plus spécifiques : Streptococcus bovis (réputé pathogène opportuniste), Pasteurella multocida (responsable de pneumonies), Actinomyces pyogenes (responsable de la maladie des abcès). Ces analyses mettent en avant l’absence de certains germes : Salmonelles, Listeria sp. De même, aucun animal n’était atteint de tuberculose et de paratuberculose. Les analyses virologiques (recherche du virus de la BVD sur six animaux) se sont toutes révélées négatives, de même que les trois recherches toxicologiques (une pour les anticoagulants et deux pour les Inhibiteurs Des Cholinéstérases). L’absence de ces différents agents permet de les exclure dans les causes de mortalité du phénomène de « MAC ». Les recherches parasitologiques de la première saison mettent en évidence des niveaux de charges parasitaires élevés en strongles digestifs. Par exemple, sur six Chevreuils « K » du Loir et Cher, trois animaux (deux adultes et un jeune de moins d’un an) présentent des valeurs supérieures à 1500 OPG (Oeufs Par Gramme) pour les strongles digestifs, niveau qui peut être considéré comme représentatif d’une forte infestation. Il s’agit principalement de strongles de la caillette ou de l’intestin grêle appartenant à la famille des Trichostrongylidae (Ostertagia, Spiculopteragia, Trichostrongylus). Ces parasites

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représentent 80 à 90% des strongles isolés. Les autres nématodes présents (10 à 20%) sont des Oesophagostomum sp. Compte tenu des valeurs en OPG trouvées et de la faible fécondité des femelles de Trichostrongylidae, on peut considérer que la charge parasitaire est importante. Deux jeunes animaux de moins d’un an sont parasités par Monieza sp, parasite considéré comme assez pathogène chez les jeunes ruminants domestiques. Enfin, le dernier Chevreuil, une femelle adulte, est faiblement parasité. D’autres parasites, présents en grand nombre mais considérés comme peu pathogènes, n’ont probablement pas un impact important sur la santé des Chevreuils. C’est le cas des nématodes du genre Trichuris. Il en va de même pour les coccidies, hormis peut être pour les jeunes avec des charges parasitaires supérieures à 10000 oocystes par gramme observées chez deux individus. Des observations similaires ont été faites sur la Réserve de Trois Fontaines. Sur les quatre Chevreuils autopsiés, les charges parasitaires sont élevées (trois animaux ont des valeurs supérieures à 1400 OPG). De plus, fait nouveau sur ce territoire, il a été isolé des Haemonchinés du genre Ashworthius, parasite hématophage de la caillette dont la pathogénicité est considérée comme assez élevée. Remarque : on peut signaler que cette espèce de strongle digestif a également été identifiée sur des Chevreuils du Loir et Cher dans le cadre du réseau SAGIR. Lors de la saison 2000-2001, les analyses parasitologiques ont mis en avant l’impact du parasitisme sur la santé des Chevreuils, mais sans toutefois démontrer de différences significatives entre les quatre catégories d’animaux. Les parasites digestifs ont été considérés comme affaiblissant l’animal dans plus de deux tiers des cas où des parasites digestifs ont été trouvés. Les parasites pulmonaires ont un effet néfaste encore plus marqué sur la santé de l’animal puisqu’ils sont considérés comme affaiblissant dans trois quarts des cas où ils ont été isolés.

c. Cas particulier de la Réserve de Trois Fontaines (Marne) (3) La Réserve de Trois Fontaines est un enclos de 1360 hectares, géré par l’ONCFS. Depuis 1975, ce site assure d’une part la production de Chevreuils pour le repeuplement et permet d’autre part la réalisation d’études techniques et scientifiques sur cette espèce. Un épisode de mortalité massive de Chevreuils s’est déclaré à l’automne 1999, avec la découverte de dix cadavres de septembre à fin décembre. La densité de la population de Chevreuils était environs de 18 animaux par 100 hectares. Le milieu forestier de type chênaie hêtraie constitue une source alimentaire abondante pour les animaux de l’enclos. L’équilibre entre la faune et la flore est tout à fait satisfaisant à Trois Fontaines. Dans ce contexte, on ne peut attribuer la mortalité massive à un dépassement de la capacité d’accueil du milieu, provoquant un déséquilibre entre la faune et la flore. Les recherches effectuées sur quatre Chevreuils n’ont pas donné de résultats très intéressants : trois animaux trouvés agonisants ont été euthanasiés et la cause de la mort du quatrième est une infection à Clostridium perfringens. Aucun autre agent ni aucune lésion spécifique n’ont été découverts, si ce n’est des charges parasitaires assez élevées. Compte tenu de la surveillance régulière du territoire depuis de nombreuses années, cet épisode de mortalité massive de Chevreuils dans la Réserve de Trois Fontaines confirme l’existence d’un phénomène anormal.

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La capacité d’accueil du milieu n’étant pas dépassée, il faut rechercher l’étiologie de ce phénomène dans des causes indépendantes des effectifs, et plutôt liée à l’émergence de pathologies. Un phénomène de mortalité massive de Chevreuils a été observé dans de nombreux départements français depuis 1997. Il a d’abord pris de l’ampleur les premières années, de plus en plus de départements signalant des cas de mortalité massive de Chevreuils. A l’heure actuelle, un certain nombre de départements ne déclarent plus ce phénomène alors que d’autres au contraire sont aux prises avec lui depuis peu. Il semble qu’il n’y ait pas une explication unique de ce phénomène à l’échelle nationale, des constatations différentes ayant été faites selon les départements (3). Dans certains départements, la mortalité observée peut tout à fait s’expliquer par les fortes densités et la régulation naturelle des populations. Lorsqu’un certain seuil de densité de population est dépassé, l’équilibre entre la population de Chevreuils et son milieu devient plus instable. Certains agents pathogènes ou composants de l’environnement peuvent alors affaiblir des individus au point d’augmenter la mortalité de façon perceptible. Dans d’autres cas, on peut l’expliquer par l’augmentation de la pression de surveillance provoquée par la découverte et la propagation de ce phénomène. On assiste alors à une augmentation « anormale » des cas de mortalité par le simple résultat d’une augmentation de la fréquence de découverte et de déclaration de ceux-ci. Toutefois, l’apparition du phénomène dans la Réserve de Trois Fontaines, où la capacité d’accueil du milieu n’a pas été dépassée et où le niveau de surveillance n’a pas été modifié, laisse penser qu’un autre agent étiologique est impliqué dans certains cas (3). Les analyses complémentaires réalisées dans le cadre du protocole « EMAC » n’ont rien démontré de significatif. A partir des lésions nécropsiques, des recherches bactériologiques et parasitologiques, aucun agent particulier ne prédomine. De nombreux agents variés et des causes de morts diverses ont été identifiées mais sans être plus spécifiques de Chevreuils morts dans un contexte de « MAC » que de Chevreuils morts hors d’un contexte de « MAC ». Seule une infestation parasitaire plus forte chez les Chevreuils morts dans un cadre de mortalité massive a été observée lors de la saison 1999-2000. L’impact du parasitisme sur la santé des Chevreuils a également été noté la saison suivante mais sans distinction entre les Chevreuils « MAC » et les « non MAC ». Par contre, un certain nombre d’agent ont pu être éliminé en raison de leur absence dans ces analyses (Listeria, Salmonelles par exemple). Des études complémentaires, s’inscrivant dans la durée, sont nécessaires pour mieux cerner ce phénomène. L‘absence de facteur déterminant unique peut laisser penser à l’intervention de facteurs favorisants tels que stress, sur densité par rapport à la capacité d’accueil du milieu ou encore infections intercurrentes immunodépressives. Dans cette dernière catégorie, on peut citer le parasitisme massif. On peut également évoquer l’ehrlichiose (3). Cette pathologie, transmise par les tiques, induit un état immunodépressif compatible avec des causes de mort très variées et une sensibilité accrue aux agents bactériens ou parasitaires d’ordinaire peu pathogènes. La découverte de nombreux Chevreuil porteurs d’anticorps contre Ehrlichia bovis en Bretagne conforte cette hypothèse.

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Un phénomène de mortalité anormale du Chevreuil a bien eu lieu à partir de 1997 mais les différents protocoles d’études n’ont pas permis d’élucider les causes précises de ce phénomène dans certains cas.

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DEUXIEME PARTIE : MORTALITE DU CHEVREUIL EN FRANCE

I- MORTALITE DUE AUX TRAUMATISMES

A- La chasse et les blessures suite à une action de chasse La chasse constitue la première cause de mortalité de Chevreuils en France. La figure 10 donne les attributions des plans de chasse annuels de ces trente dernières années ainsi que les données chiffrées des réalisations de ces plans de chasse. Pour la saison cynégétique 2001-2002, le total des attributions de bracelets de Chevreuils est de 501 568. Le nombre de Chevreuils tués à la chasse est estimé à 445 315 animaux, soit un taux de réalisation de 89% du plan de chasse du Chevreuil. Il existe de nombreux modes de chasse en France (5). Les principales techniques utilisées pour chasser le Chevreuil sont la chasse en battue, la chasse à l’approche, la chasse à l’affût, et dans une moindre mesure la chasse à courre, la chasse aux chiens courants et la chasse à l’arc. Les périodes de chasse du Chevreuil varient selon les régions, chaque département ayant ses propres dates d’ouverture et de fermeture de la chasse. Le Chevreuil se chasse classiquement à l’automne et en hiver, avec parfois des variations qui tiennent compte des conditions climatiques. Par exemple, la chasse dans les régions montagneuses débute plus précocement dans l’année et se termine plus rapidement, en raison de l’important enneigement hivernal. De façon plus anecdotique, des tirs sélectifs de Chevreuils sont autorisés l’été. Ils consistent en une chasse individuelle, à l’approche ou à l’affût le plus souvent, et seuls des brocards peuvent être tirés. En plus de cette mortalité cynégétique « normale », la chasse peut engendrer des blessures qui vont provoquer la mort différée de Chevreuils. Ceux-ci ne meurent pas sur le coup et ils s’enfuient pour aller mourir plus loin. S’ils ne sont pas retrouvés par les chasseurs, ces animaux ne rentrent pas dans les résultats des tableaux de chasse annuels et leur mort est alors extra-cynégétique. Le Chevreuil est un animal relativement fragile par rapport aux autres grands gibiers et l’impact du projectile de chasse (balle le plus souvent) provoque un choc suffisamment important pour tuer le Chevreuil sur le coup. De même, si le projectile touche un organe vital (poumons, cœur, viscères abdominaux…) sans tuer l’animal sur le coup, celui-ci meurt généralement au bout de quelques mètres. Par contre, si aucun organe vital n’est touché, le Chevreuil peut s’enfuir très loin et n’est alors pas toujours retrouvé par les chasseurs. Les blessures liées au projectile de chasse peuvent parfois se surinfecter et provoquer la mort de l’animal par septicémie. La surinfection peut aussi affaiblir les animaux blessés qui sont alors plus vulnérables vis-à-vis d’autres agents pathogènes. Toute blessure qui va gêner les animaux dans leurs déplacements (blessures de membres le plus souvent) expose également les Chevreuils blessés à de nombreux dangers environnementaux (prédation, collisions routières, capture par l’homme ou des chiens de chasse…).

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Les blessures qui empêchent les animaux de se nourrir (blessures de mâchoires avec parfois atteinte de la langue) provoquent un amaigrissement progressif des animaux qui finissent par mourir d’inanition au bout de quelques jours. Le Chevreuil étant un animal fragile, les blessures de chasse lui sont généralement fatales, à moins qu’ils ne s’agissent de blessures mineures (éraflures). L’utilisation de plus en plus généralisée des projectiles de chasse sous forme de balles à la place de gros plombs tend à faire diminuer le nombre de Chevreuils blessés qui vont mourir plus loin sans être retrouvés par les chasseurs. Le choc provoquée par la balle lors de l’impact avec l’animal est beaucoup plus important qu’avec les plombs et suffit souvent à arrêter un Chevreuil compte tenu de sa fragilité. De même, la gravité des blessures fait que les Chevreuils ne s’enfuient pas loin. Les Chevreuils paient un lourd tribut aux blessures de chasse puisqu’il s’agit du principal traumatisme responsable de mortalités de Chevreuils dans la base SAGIR. Parmi les animaux morts de traumatisme identifié, 654 Chevreuils sont décédés suite à des blessures de chasse soit 48% des animaux. L’importance de la mortalité suite à des blessures de chasse s’explique d’une part par le manque d’attention des chasseurs qui ne s’aperçoivent pas qu’ils ont blessé un Chevreuil et d’autre part par des blessures qui permettent à l’animal blessé de fuir mais qui vont provoquer sa mort de façon différée.

B- Les collisions avec un véhicule Lors des deux dernières décennies, l’accroissement des populations d’ongulés sauvages et leur extension géographique associés à la densification des réseaux routiers et autoroutiers induisant une augmentation régulière de la circulation automobile, ont pour conséquence une augmentation très forte des collisions impliquant la grande faune sur les réseaux routiers et autoroutiers. Le Chevreuil est la première victime de ces accidents, loin devant le cerf et le sanglier.

Figure 19 : Les collisions routières sont un des principaux traumatismes dont sont victimes les

Chevreuils (photo Manfred DANEGGER (5))

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Deux enquêtes (37) ont été réalisées au plan national pour essayer d’une part de caractériser les accidents entre véhicules et grands ongulés sauvages, et d’autre part d’estimer la mortalité globale. Les chiffres avancés par ces deux enquêtes sont beaucoup plus importants que ceux fournis par la base SAGIR. Nous nous baserons sur ces données pour caractériser la mortalité des Chevreuils par collisions avec un véhicule. Les données SAGIR permettent toutefois de montrer que les collisions routières constituent une des principales causes de mortalité de Chevreuils par traumatisme. Ce type de traumatisme a provoqué la mort de 17,5% des Chevreuils décédés suite à un traumatisme (236 animaux sur 1351 cas de traumatismes de nature connue). Les collisions routières se classent donc au troisième rang des mortalités par traumatisme dans la base SAGIR, derrière les blessures de chasse et la prédation. Cependant, comme nous l’avons déjà évoqué, le nombre de collisions mortelles impliquant des Chevreuils est largement sous-estimé (voir chapitre II-B-2 de la première partie). Compte tenu des chiffres avancés par les deux enquêtes de terrain, on peut penser que les collisions routières constituent la principale cause de mortalité par traumatisme avec les blessures de chasse.

1- Modalités des enquêtes (37) Ces deux enquêtes (la première réalisée entre 1984 et 1986 et la seconde entre 1993 et 1994) concernent vingt-cinq départements de France métropolitaine. Les informations ont été obtenues à partir des fiches de mortalité extra-cynégétiques du grand gibier, récoltées par les réseaux « Cervidés-sangliers » et SAGIR sur ces vingt-cinq départements. Ces données ont également été complétées par des informations fournies par des sociétés concessionnaires d’autoroute.

2- Caractéristiques des collisions entre les véhicules et les grands ongulés sauvages (37)

a. Evolution des collisions et espèces impliquées

Le nombre moyen de collisions par année sur ces vingt-cinq départements est passé de 1301 en 1986 à 3946 en 1994, soit une multiplication du nombre d’accidents par trois. Ces collisions concernent essentiellement le Chevreuil, cette espèce étant impliquée dans plus des trois quarts des accidents (78,32% en 1984 et 1986, 75,85% en 1993 et 1994), avec un coefficient multiplicateur de 2,9 entre ces deux périodes. Le cerf et le sanglier complètent la liste des animaux mis en cause lors des accidents (figure 20). La comparaison entre l’évolution des collisions et celle des tableaux de chasse (proportionnelle à celle des effectifs des populations) montre une hausse dans les mêmes proportions. Autrement dit, l’accroissement des collisions est dû à l’augmentation des populations d’ongulés sauvages en France. Remarque : il est certain que ces chiffres ne représentent qu’une partie des collisions, et certains animaux, blessés lors du choc, vont mourir plus loin et ne sont donc pas comptabilisés. De même, tous les automobilistes ne déclarent pas de telles collisions.

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Sanglier9,45%

Cerf12,22%

Chevreuil78,33%

Nombre de collisions routières annuellesimpliquant le grand gibier de 1984 à 1986

(n=1301)

Chevreuil75,85%

Cerf7,93%

Sanglier16,22%

Nombre de collisions routières annuellesimpliquant le grand gibier de 1993 à 1994

(n=3946)

Figure 20 : Nombre de collisions annuelles impliquant le grand gibier de 1984 à 1986 et de 1993 à 1994 (37)

b. Répartition géographique des collisions De manière générale, les départements à fortes populations de Chevreuils sont ceux où les collisions sont les plus nombreuses entre véhicules et Chevreuils. Il existe néanmoins quelques exceptions c’est-à-dire des départements à forts effectifs qui ne sont que peu touchés par les collisions entre véhicules et Chevreuils. La majorité des collisions a lieu sur les routes départementales (75% des collisions en 1984 – 1986 et 63% en 1993 – 1994, toutes espèces confondues). Cette répartition majoritaire semble logique puisqu’il s’agit du type de route dont la densité est la plus élevée en France (environ 85% du réseau routier des départements sélectionnés). Les collisions sur routes nationales représentent environ 18% des collisions totales et n’ont pas évolué entre les deux périodes d’étude. Par contre, les collisions sur les autoroutes ont fortement progressé : 6,8% en 1984 – 1986 et 18,3% en 1993 – 1994). Trois facteurs expliquent cette évolution : l’augmentation du nombre et de la longueur de ce type de voirie en France entre 1984 et 1994, l’accroissement du nombre d’usagers les fréquentant et l’augmentation de la vitesse sur ces voies.

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Autoroutes Routes nationales Routes départementales

Comparaison des collisions par type d'axes routiers entre 1984-1986 et1993-1994

1984-1986

1993-1994

Figure 21 : Comparaison des collisions par type d’axes routiers entre 1984-1986 et 1993-1994 (37)

Enfin, la colonisation des milieux ouverts par le Chevreuil fait que les collisions ne se produisent plus uniquement en milieu forestier mais dans tout type de milieu.

c. Répartition des collisions dans le temps

c.1- Variations annuelles des collisions La mortalité des Chevreuils par interférence avec les réseaux routiers se caractérise par deux pics au cours de l’année : en avril - mai et à l’automne. Cette répartition n’est pas liée aux variations saisonnières des effectifs de Chevreuils. En effet, c’est pendant les mois d’avril et de mai, période où la mortalité est la plus forte, que les effectifs sont les moins importants (période avant les naissances). Cette variation n’est pas liée non plus aux grands déplacements annuels de véhicules, comme les congés d’été par exemple. La principale cause de cette répartition réside dans l’activité saisonnière des Chevreuils. Le pic de mortalité d’avril – mai correspond d’une part à l’éclatement de la cellule familiale et donc à un accroissement des déplacements des jeunes Chevreuils en quête de territoires où s’établir, et d’autre part à une plus forte activité des mâles en relation avec leur comportement territorial. Une étude menée en forêt de Dourdan sur les interactions entre les réseaux de transport et la population de Chevreuil indique que les mâles adultes sont deux fois plus victimes de collisions que les femelles. Ces résultats résultent d’une différence dans l’activité locomotrice des deux sexes. Les mâles ont une activité locomotrice très intense lors de la

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période de mise en place du territoire et pendant le rut en été alors que les femelles présentent au contraire des déplacements et un domaine vital limités pendant le printemps du fait des mises - bas en mai suivies de l’allaitement des jeunes.

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J F M A M J J A S O N D

Evolution de la répartition mensuelle des collisions entre 1984-1986 et 1993-1994 en pourcentage du total annuel

1984-19861993-1994

Figure 22 : Evolution de la répartition mensuelle des collisions entre 1984-1986 et 1993-1994 en pourcentage du total annuel (37)

Le second pic de mortalité, en automne, s’explique par un dérangement plus important des animaux : recherche de nourriture en raison des conditions climatiques plus défavorables, dérangements liés à la fréquentation de la forêt (chercheurs de champignons, chasse…).

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J F M A M J J A S O N D

Nombre de collisions mensuellesen fontion du sexe des Chevreuils

(1993-1994)

FemellesMâles

Figure 23 : Nombre de collisions mensuelles en fonction du sexe des Chevreuils en 1993-1994 (37)

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c.2- Variations hebdomadaires des collisions La répartition des collisions n’est pas régulière au cours de la semaine. La majorité des accidents a toujours lieu en début et fin de semaine (vendredi, samedi, dimanche et lundi). Ce sont les jours de la semaine au cours desquels le trafic routier est le plus dense, et au cours desquels les animaux sont les plus dérangés (promenade, chasse…), ceci entraînant un regain de déplacement. c.3- Variations des collisions au cours de la journée Il est très difficile de connaître les créneaux horaires auxquels les collisions ont lieu. Toutefois, le Chevreuil présente, au cours du cycle journalier, deux périodes d’activités plus intenses centrées sur le lever et le coucher du soleil, durant lesquelles l’activité de lisière est plus marquée. L’étude en forêt de Dourdan indique également que les traversées de route se font préférentiellement la nuit. On peut donc penser que les périodes critiques pour les collisions sont celles où les activités humaines et celles des Chevreuils sont les plus intenses simultanément, à savoir à l’aube et au crépuscule.

3- Importance de la mortalité par collisions sur les populations de Chevreuils (37)

La circulation automobile peut, dans certains cas, être un facteur de régulation non négligeable des populations de Chevreuils. L’enquête menée à Dourdan indique que les collisions avec les réseaux de transport peuvent prélever jusqu’à 15% des animaux dans une population de Chevreuils. Ces données sont probablement sous-estimées dans la mesure où tous les cas de mortalité par collisions ne sont pas toujours répertoriés. L’ONCFS estime une mortalité toutes causes confondues de 10 à 20% chez les adultes et 10 à 30% chez les jeunes. Les réseaux de transport apparaissent donc comme une des causes principales (voire la cause majeure dans certaines régions) de mortalité du Chevreuil en France. Une extrapolation fondée sur de nombreuses hypothèses produit le chiffre annuel de quatorze mille Chevreuils tués par la route en France, ce qui représente 4 à 5% de la population existante (5). L’accroissement des populations d’ongulés sauvages en France, leur extension géographique, l’augmentation régulière du trafic automobile ont entraîné une forte progression des accidents impliquant la grande faune sur les réseaux routiers et autoroutiers. Cette situation s’applique parfaitement au Chevreuil puisque cette espèce a colonisé la plupart de l’espace français. Ce développement démographique s’étant accru depuis l’enquête, on peut penser que le nombre de collisions entre véhicules et Chevreuils a encore progressé. Enfin, de la même façon que le réseau routier, on peut penser que le réseau ferroviaire est responsable d’une mortalité de Chevreuils par collisions.

C- Combats intra-spécifiques Ces affrontements sont l’apanage des mâles adultes. Ils marquent le comportement territorial et la volonté d’imposer une hiérarchie sociale par les mâles dominants. Ces combats, qui parfois peuvent être d’une extrême violence, provoquent des traumatismes à l’origine d’affections méningo-encéphaliques purulentes qui sont fréquemment mortelles.

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Figure 24 : Combat entre deux Chevreuils mâles (6)

1- Caractéristiques épidémiologiques des méningo-encéphalites purulentes liées aux combats intra-spécifiques

a. Age et sexe des animaux

Les Chevreuils atteints suite à des combats sont des mâles adultes. Il faut préciser que les femelles et les jeunes peuvent également développer de telles affections mais leurs caractéristiques étio-pathogéniques sont très différentes de ce qui est observé chez les mâles et ces dernières feront l’objet d’un paragraphe ultérieur. Les fiches du réseau SAGIR indiquent que, parmi les mâles atteints de méningo-encéphalites purulentes, 87% sont des adultes (un à six ans) (17).

b. Variations saisonnières de l’incidence des méningo-encéphalites purulentes chez les brocards (17)

L’incidence des méningo-encéphalites purulentes chez les brocards fluctue grandement selon les mois de l’année. Or, ces fluctuations de l’incidence des méningo-encéphalites purulentes ne calquent pas celles du nombre total mensuel d’autopsies pratiquées sur les Chevreuils. Cette différence tend à prouver qu’il existe bien des variations saisonnières en ce qui concerne le développement de ces affections et que celles-ci sont liées à l’activité même des brocards durant ces périodes. L’incidence des méningo-encéphalites purulentes présente en effet trois pics successifs croissants : le premier en avril, le second en juin et le dernier, le plus important, en août. Ces dates correspondent précisément aux périodes de modifications comportementales des mâles au cours de leur cycle sexuel annuel : les deux premières périodes font partie de la période du comportement territorrialiste des mâles (mars à juillet) et la dernière à la période

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de rut (mi-juillet à mi-août). Il s’agit de périodes au cours desquelles les mâles dominants vont développer un comportement plus agressif vis-à-vis de leurs congénères du même sexe. De plus, ces trois mois sont précisément ceux au cours desquels on a constaté une recrudescence des interactions entre mâles. L’augmentation de la fréquence des « rencontres-combats » s’accompagne inévitablement d’une augmentation du nombre de blessures, ce qui contribue naturellement à favoriser les affections méningo-encéphaliques. En d’autre terme, le nombre de méningo-encéphalites purulentes augmente de façon proportionnelle au nombre de combats. Toutefois, le nombre de méningo-encéphalites purulentes explose au mois d’août alors que le nombre de combats n’y est pas plus élevé qu’aux mois d’avril ou de juin. Ce pic principal du mois d’août serait lié à des combats qui atteignent leur paroxisme de violence. Les affrontements dans la cadre du comportement territorrialiste seraient donc d’une intensité bien moindre par rapport à ceux engagés lors du rut.

2- Caractéristiques étio-pathogéniques des méningo-encéphalites purulentes des brocards (17)

Dans la grande majorité des cas, les méningo-encéphalites purulentes observées chez les brocards sont des complications infectieuses de blessures infligées lors de combats intra-spécifiques. Les germes impliqués dans ces affections provoquées par les combats sont d’origine exogène, contrairement à ceux rencontrés chez les femelles et les jeunes qui proviennent d’une dissémination bactériémique à partir d’un ou de foyers infectieux préalablement présents en d’autres lieux de l’organisme.

a. Nature des lésions céphaliques traumatiques observées chez les brocards

Lors des combats, les mâles se font front et se chargent après une période d’intimidation. Il en résulte des chocs frontaux brefs qui peuvent avoir des conséquences variées selon l’intensité des coups et le degré d’enchevêtrement des bois : Si les bois ne s’emboîtent pas de manière parfaite, un des andouillers peut venir percuter le crâne de l’adversaire et provoquer une perforation circulaire dans la plaque osseuse sous-jacente. De manière exceptionnelle, un fragment d’andouiller peut même rester planté dans la partie supérieure du crâne. Si les bois s’enchevêtrent correctement, les blessures occasionnées se limitent à des lésions croûteuses voire à des abcès sous-cutanés. Cependant, les bois des brocards étant des productions osseuses pleines, ils transmettent mécaniquement au crâne les chocs qu’ils subissent par l’intermédiaire des pivots. Il arrive alors fréquemment que la boîte crânienne, sous l’impact de ces coups violents, cède au niveau des zones de moindre résistance que sont les sutures non ossifiées interfrontales ou fronto-pariétales. La désunion des plaques osseuses s’accompagne alors d’une augmentation certaine de la perméabilité des sutures, favorable à la pénétration des germes et à la contamination des structures méningées et encéphaliques.

b. Pénétration et devenir des germes dans l’organisme Lors des combats, les bois des mâles provoquent d’une part des plaies et d’autre part la contamination de celles-ci par les nombreux germes du milieu ambiant dont ils sont porteurs.

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Si l’inoculation initiale est profonde (perforation du crâne), il se forme directement des lésions purulentes intra-crâniennes. Dans le cas contraire, il se forme des abcès sous-cutanés, à partir desquels les germes vont progressivement gagner la cavité crânienne via les sutures osseuses, rendues perméables suite aux chocs des combats. La dissémination et la multiplication des germes à l’intérieur de la boîte crânienne peuvent prendre plusieurs aspects. Tout d’abord, Les bactéries se cantonnent aux méninges où elles constituent une plage purulente à la face dorsale des hémisphères cérébraux (= méningite au sens strict). Puis la plage purulente peut s’étendre à la surface de l’encéphale voire gagner en profondeur ; on parla alors de méningo-encéphalite purulente. Enfin les germes peuvent s’attaquer à la paroi osseuse provoquant des lésions ostéomyélitiques soit au niveau de l’impact initial soit au niveau des sutures osseuses. Par contre, il n’a jamais été mis en évidence une quelconque diffusion des germes au-delà des limites de la cavité crânienne.

c. Conséquences des méningo-encéphalites purulentes sur le pronostic vital de l’animal

Tous les stades lésionnels précédemment décrits peuvent être observés, y compris sur des animaux vivants. L’évolution de ces affections est suffisamment lente pour permettre aux animaux de vivre quelque temps après leur contamination. Il ne s’agit pas d’une pathologie entraînant une mort foudroyante comme peuvent le provoquer les entérotoxémies par exemple. Les méningo-encéphalites purulentes entraînent inexorablement la mort de l’animal lorsque les lésions deviennent trop étendues et invasives. Ces infections poussent également l’animal vers la mort de manière indirecte, en particulier lorsque l’encéphale est son tour touché. Les symptômes associés aux atteintes méningo-encéphaliques (troubles locomoteurs, visuels, perte de l’instinct de conservation, modification de la perception empêchant toute prise alimentaire…) exposent les animaux à la capture par l’homme ou les prédateurs, et aux traumatismes (chutes, collisions avec le réseau routier…). Les méningo-encéphalites purulentes, à quelques rares exceptions près où les défenses immunitaires arrivent à juguler l’infection, aboutissent donc fréquemment à la mort de l’animal (l’étude menée dans le Jura de 1995 à 2000 montre que ces affections sont responsables de la mort de 65% des Chevreuils présentant des lésions purulentes intra-crâniennes) (17).

d. Nature des germes isolés lors de méningo-encéphalites purulentes Ce sujet sera abordé avec de plus amples détails dans le chapitre sur les méningo-encéphalites purulentes. Nous pouvons simplement rappelé que les germes provoquant des méningo-encéphalites purulentes suite à des combats intra-spécifiques sont d’origine exogène. Il s’agit de germes présents normalement dans l’environnement des animaux et qui pénètrent dans l’organisme lors du traumatisme.

3- Importance des combats sur la mortalité d’une population de Chevreuil (17)

Il est actuellement difficile de connaître d’une part la prévalence réelle de ces traumatismes parmi les Chevreuils autopsiés dans le cadre du SAGIR, et d’autre part leur incidence exacte sur la mortalité globale de l’espèce. En effet, les différentes études menées sont entachées de nombreux biais qui donnent des résultats très différents.

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An plan national, dans la base de données SAGIR, les combats sont responsables de la mort de 6.3% des animaux décédés par traumatisme (85 animaux sur 1351) soit une prévalence de 1.6% pour l’ensemble des causes de mortalité définies avec précision. Cette prévalence est probablement sous-estimée. En effet, elle ne tient pas compte ni des Chevreuils morts d’infection nerveuse d’origine bactérienne (85 animaux dans la base de données SAGIR) ni des Chevreuils morts de méningo-encéphalites d’origine indéterminée (157 animaux pour lesquels aucun agent pathogène n’a été identifié). Dans ces deux catégories, certaines de ces atteintes méningo-encéphaliques ont peut être une origine traumatique, mais l’absence de commémoratifs précis ne permet pas de le confirmer.

D- La prédation

1- Généralités La prédation est relativement peu importante, et elle intéresse surtout des faons ou des animaux déjà très affaiblis et incapables de se défendre. Cette faible incidence de la prédation sur les populations de Chevreuil s’explique par l’absence de grands prédateurs sauvages sur le territoire français, en comparaison avec les populations de prédateurs dans certaines régions de la planète (grands fauves des savanes africaines par exemple). Néanmoins, les programmes de réintroduction de certains grands prédateurs sauvages qui avaient disparu de France, s’accompagnent d’une recrudescence de la prédation. Il s’agit principalement du lynx et dans une moindre mesure du loup. Le principal prédateur sauvage de France reste le renard. Les premiers prédateurs du Chevreuil ne sont pas ceux cités précédemment mais ce sont les chiens errants. Dans la base SAGIR, sur les 341 Chevreuils morts de prédation, 247 ont été prédatés par des chiens, deux par des lynx et la nature des prédateurs n’a pas été identifiée pour les 92 derniers cas. Même si tous les cas de prédation ne sont pas répertoriés, ces chiffres montrent l’importance des chiens errants dans la mortalité des Chevreuils par prédation.

2- Prédation par les chiens errants Il est difficile d’évaluer avec précision les dégâts causés par ces chiens sur les populations de Chevreuil. On peut penser que ceux-ci sont quantitativement faibles au plan national, même si les pertes sont probablement sous-estimées (animaux dévorés non retrouvés, animaux non signalés…). On peut cependant apprécier l’ampleur de ce problème en étudiant les dégâts causés par des chiens errants sur le cheptel domestique ovin en France (13). On estime que 1 à 5% du cheptel national (soit 100 à 500 000 ovins) meurent chaque année suite à des attaques de chiens en divagation. Ce phénomène est d’autant plus préoccupant que la population canine française est en pleine expansion (huit millions de chiens en 1996) et que ses effectifs en milieu rural sont considérables. Une enquête menée par la Fédération des Chasseurs du Cantal en 1981 montre que plus la commune est petite, plus le nombre de chiens par habitant est élevé. En outre, 70% des chiens vivent en toute liberté et 70% de ces chiens potentiellement errants ne sont pas identifiés. Une étude plus récente menée dans le département de l’Ariège (13) sur les attaques des troupeaux domestiques par les chiens errants a permis de dresser le profil de ces agresseurs. Il s’agit le plus fréquemment de chiens de chasse, de chiens de berger, de chiens réellement abandonnés (près de 100 000 chiens sont abandonnés chaque année en France) et de chiens de

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marginaux néo-ruraux. Les races très souvent invoquées sont les Huskies et tous les chiens apparentés aux Bergers Allemands. Enfin, il faut noter que dans la plupart des cas, ces chiens attaquent en bande. De la même manière qu’ils attaquent un troupeau de moutons, on peut penser que ces chiens errants (seuls ou en bandes) s’attaquent aux Chevreuils (en particulier dans les régions où l’élevage ovin est peu développé). Toutefois, les dégâts causés sont très inférieurs à ceux causés sur les troupeaux de moutons. En effet, les Chevreuils ne vivent pas en troupeaux et ont une technique de fuite beaucoup plus efficace que les moutons (course plus rapide et plus agile). Ces deux critères permettent aux Chevreuils d’échapper plus facilement aux attaques des chiens errants. Par contre, les animaux débilités et les faons sont les premières victimes de ces chiens non contrôlés. De même, en hiver, par enneigement important, les Chevreuils, poursuivis par les chiens, se fatiguent très vite et finissent par être pris et tués (20). C’est le cas par exemple d’une commune de Haute Savoie où, suite aux importantes chutes de neige de février 1999, 34 cadavres de Chevreuils ont été retrouvés dont 24 prédatés par des chiens (42). Les Chevreuils ont eu énormément de mal à se déplacer compte tenu de l’épaisseur de la neige et n’ont pas pu échapper à leurs poursuivants. Cet épisode de mortalité liée à l’enneigement s’était d’ailleurs généralisé à l’ensemble du département savoyard. En plus des chiens errants, le Chevreuil peut être victime de divers prédateurs sauvages. Les principaux prédateurs sauvages du Chevreuil sont le renard et le lynx, et à un moindre degré, le loup.

3- Prédation par les renards Le renard peut capturer des faons dans les deux à quatre semaines qui suivent leur naissance, mais l’importance de ce prélèvement reste controversé car on n’a pas pu établir si les restes de faons trouvés dans les crottes ou alentours des terriers provenaient d’animaux sains capturés vivants ou d’animaux déjà morts consommés à l’état de charogne. Quand on connaît les possibilités de défense naturelle du faon (son mimétisme, sa rapidité à la course quand il est poursuivi), on peut admettre que le prélèvement effectué par les renards, à défaut d’être important, est essentiellement sélectif et vise surtout les faons malingres, nés tardivement et/ou malades (5). Cependant, une étude menée pendant deux années consécutives (1992-1993) sur une petite île du centre de la Norvège a démontrée que la prédation exercée par le renard sur des faons de Chevreuil pouvait être très importante dans certaines conditions (1). En effet, grâce à des techniques de radio-télémétrie, les auteurs ont mesuré que les renards avaient tué 48% des faons dénombrés (vingt et un sur quarante-cinq marqués), moins de soixante jours après leur naissance, et que la mortalité attribuable à d’autres facteurs ne constituait qu’une petite proportion (5%) de la mortalité totale. Cet impact énorme de la prédation des renards sur les populations de très jeunes Chevreuils est bien sûr à nuancer fortement avec la situation existant en France, les conditions de prédation étant très différentes. Tout d’abord, les densités de ces deux espèces ne sont pas les mêmes dans les deux pays. La densité de renards sur l’île norvégienne est très élevée alors que celle du Chevreuil y est faible. Les proportions pour chacune des deux espèces sont plutôt inversées en France.

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De plus, le spectre des proies est beaucoup plus large dans un pays tempéré comme la France et le renard, qui n’est pas un prédateur spécifique d’une espèce en particulier, se rabat sur d’autres proies plus faciles à capturer (rongeurs principalement, mais aussi d’autres petits mammifères ou oiseaux…). En France, dans le contexte actuel, les renards réalisent un prélèvement quantitativement assez faible parmi les faons de Chevreuils. D’autre part, cette étude met en avant quelques éléments caractérisant la prédation du renard sur les jeunes Chevreuils :

Le taux de prédation est plus faible au cours de la première semaine de vie qu’au cours des trois semaines suivantes. Ce résultat peut s’expliquer par la technique employée par les faons pour se protéger contre les prédateurs : le mimétisme dans le milieu de vie et une activité minimale basée sur une immobilité surprenante. Ce comportement semble le mieux respecté et donc le plus efficace pendant la première semaine de vie. Puis, l’augmentation de l’activité associée à des fuites plus fréquentes lors de l’approche d’un prédateur, expliquerait que les pertes liées à la prédation soient maximales de la deuxième à la quatrième semaine de vie (d’autant plus qu’à cet âge-là, les faons ne possèdent pas encore un physique leur permettant de se défendre au mieux).

Les faons mâles sont quatre fois plus prédatés que les faons femelles sur cette île

norvégienne. Les deux sexes ne montrant pas de différences quant à leur poids et leur taux de croissance, on peut penser que ces divergences notables sont dues à des comportements différents chez les mâles et les femelles.

Il apparaît également que les faons nés lors du pic des naissances sont plus souvent victimes des prédateurs que ceux nés hors de cette période. Lors du pic des naissances, l’accroissement de la densité des faons de Chevreuil augmente les probabilités de rencontre entre le prédateur et sa proie. Ce phénomène est plus marqué chez les espèces utilisant le mimétisme et l’immobilité comme moyen de défense contre les prédateurs par rapport aux espèces où les jeunes sont protégés par les adultes.

Le type d’habitat utilisé semble aussi influencer la probabilité d’être victime de

prédation. La grande majorité des faons tués par les renards se tenaient dans les prairies ouvertes alors que la plupart des faons vivant en milieu boisé ont échappé aux prédateurs. Les faons vivant en milieu ouvert sont plus facilement visibles de loin par les renards, de même que ceux-ci repèrent plus facilement les mères venant nourrir leurs progénitures. Au contraire, il est difficile pour un renard de repérer un animal se dissimulant dans des milieux fourrés. Ainsi, la protection par mimétisme et immobilité est parfaitement adaptée et efficace en milieu fermé et dense mais elle demeure une stratégie discutable en milieu ouvert (1).

Cette étude permet donc de dresser le portrait des faons les plus vulnérables face aux prédateurs : les mâles, âgés de deux à quatre semaines, nés lors du pic des naissances et vivant en milieu ouvert. Néanmoins, les prélèvements effectués par les renards sur les jeunes Chevreuils en France restent faibles dans l’état actuel des choses et concernent principalement des individus à problèmes (malades, chétifs…). De même, les renards peuvent exceptionnellement capturer des Chevreuils adultes mais il s’agit également d’animaux malades, blessés ou bien d’animaux affaiblis par la malnutrition lors d’hivers rigoureux.

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4- Prédation par les lynx Le lynx d’Europe (Lynx lynx) est le deuxième prédateur sauvage majeur du Chevreuil en France. En effet, le Chevreuil adulte constitue la proie privilégiée du lynx. Une étude menée dans le massif jurassien suisse de 1988 à 1998, pour connaître les principales proies capturées par le lynx, montre que le Chevreuil représente 70% des proies (23). Une étude équivalente réalisée dans le centre de la Norvège met en avant que, quelque soit le milieu et la période de l’année, les proies de choix du lynx sont constituées par des ongulés de taille moyenne : mouton domestique et Chevreuil (26). Une troisième étude du même type réalisée dans une forêt polonaise montre que les Cervidés présents (Chevreuils et cerfs) représentent 84% des proies capturés et que les Chevreuils sont capturés par toutes les catégories de lynx (44). Cette étude met également en avant que les captures de Chevreuils, faons et adultes, quelque soit leur sexe, augmentent avec les densités de Chevreuil. La prédation par le lynx constitue la première cause de mortalité du Chevreuil dans cette forêt polonaise (capture de 21 à 36% de la population de Chevreuils). Les études norvégienne et polonaise indiquent que ce sont surtout les femelles avec des petits et les jeunes adultes qui consomment des Chevreuils. Selon l’étude, les lynx capturent en moyenne une proie tous les sept jours (23) ou tous les cinq jours (23), et consomment en moyenne 2 kg +/- 0.9kg par nuit (23). Actuellement, le lynx est présent en France dans trois régions : le Jura (où un lynx a été signalé pour la première fois en France en 1974, celui-ci provenant de la Suisse voisine qui avait mis en route un programme de réintroduction), les Alpes et enfin les Vosges (où les premiers lâchers de lynx ont été effectués en 1983). L’aire de présence du lynx dans ces trois massifs est en forte expansion ces dernières années (33). Le lynx chasse en solitaire ou à l’affût, tapi sur une branche ou un rocher élevé, ou à l’approche. Il saisit ses proies au cou et à la nuque et les achève par morsure (5). Le prélèvement effectué par le lynx sur les populations de Chevreuil dans les trois régions françaises précédemment citées est délicat à déterminer. Vu la topographie de ces trois régions, il est très difficile de trouver et de dénombrer les cadavres de Chevreuils tués par les lynx.

5- Prédation par les loups Le loup est potentiellement un prédateur important pour le Chevreuil. Cependant, sa répartition géographique en France fait que le Chevreuil n’occupe qu’une place infime dans son régime alimentaire. Le loup se situe principalement dans le massif du Mercantour (Alpes du sud) où il a fait sa réapparition en France au début des années 1990. Absent de France depuis plus d’un siècle, le loup a progressivement recolonisé ce massif et depuis 1992, au moins quatre meutes s’y sont implantées (47). Cette région est très riche en ongulés sauvages, principalement en chamois et en mouflons. Sont également présents dans le massif, mais avec une densité beaucoup plus faible, des bouquetins, des cerfs, des Chevreuils et des sangliers. Enfin, de nombreux moutons pâturent sur le site en période d’estive. L’analyse des restes non digérés contenus dans les fèces

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associée à l’identification des cadavres d’ongulés sauvages tués par des loups a permis de déterminer le spectre des proies capturés par les loups. Deux espèces constituent presque exclusivement le régime alimentaire des loups : le chamois et le mouflon. Le Chevreuil n’est que rarement victime des loups (seules 3% des dépouilles correspondent à des Chevreuils). Ce spectre des proies est bien sûr à relier avec les densités relatives des différentes espèces dans le massif du Mercantour, les deux espèces à très forte densité étant les principales victimes (47). Actuellement, les loups ne tuent que rarement des Chevreuils en France car ceux-ci sont peu présents sur les territoires où chassent les meutes de loups. Toutefois, la part du Chevreuil dans le régime alimentaire du loup pourrait s’accroître avec le développement de l’aire de répartition du loup en France (depuis 1998, il est présent de façon permanente dans les Alpes de Haute Provence, les Hautes-Alpes, l’Isère, la Savoie et depuis 1999, dans la Drôme), même s’il reste cantonner actuellement à des départements où les densités en Chevreuil sont parmi les plus faibles de France.

6- Prédateurs « occasionnels » Un dernier prédateur sauvage, plus anecdotique celui-là, est le chat forestier (Felis sylvestris). L’attaque d’un faon de Chevreuil par un chat forestier a en effet été observée dans la réserve nationale de chasse de Trois-Fontaines (16). L’animal, âgé d’une semaine et pesant 2.2 kilogrammes, était marqué par de nombreuses blessures : lacération des épaules, de la tête et surtout de l’encolure causée par les griffes ; morsure au niveau du tiers supérieur de la partie latérale du cou, provoquant une hémorragie importante par atteinte de la veine jugulaire. La forte densité du chat forestier dans l’est de la France peut laisser supposer que ce félin peut être un prédateur potentiel du faon de Chevreuil. Toutefois, le spectre des proies capturées par le chat forestier est constitué à plus de 90% par des petits rongeurs. On peut donc penser que le prélèvement réalisé par le chat forestier sur les jeunes Chevreuils est négligeable. Enfin, un phénomène de prédation particulier est lié à l’homme. Dans des zones abritant des Chevreuils et fréquentées par l’homme, des faons nouveaux-nés sont fréquemment manipulés voire recueillis par des promeneurs non avertis et attendris par le faon « abandonné ». Il s’ensuit généralement l’abandon réel par la mère du faon manipulé qui finit par mourir de faim, ou la mort de l’animal recueilli et mal soigné.

E- Le machinisme agricole (5) (15) Dans certaines régions agricoles où le Chevreuil a colonisé le milieu ouvert (Nord de la France et quelques départements du Centre), les jeunes faons paient un lourd tribut lors des travaux agricoles. Les faons de Chevreuils mènent une existence cachée pendant leurs premières semaines de vie. Cette période des mises – bas et du comportement cryptique des jeunes faons correspond à une période d’entretien et d’exploitation des cultures agricoles. Les accidents, souvent mortels, sont dus à l’immobilité mise en œuvre par le chevrillard pour se protéger des dangers. Cette immobilité est renforcée d’une part par la peur paralysante créée chez le faon par l’arrivée d’une gigantesque et très bruyante machine agricole et d’autre part par l’aveuglement des phares des machines lors des travaux de nuit. En outre, en milieu

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ouvert, les cultures constituant le seul abri possible, les jeunes faons de Chevreuils ne fuient pas, faute d’autres lieux pour se dissimuler. La correspondance entre une activité agricole intense et la période de forte vulnérabilité des jeunes faons peut provoquer une mortalité importante de ces derniers. Une enquête menée dans cinq départements du Nord - Est de la France aux printemps 1989 et 1990 a tenté d’estimer l’impact du machinisme agricole sur la mortalité des jeunes Chevreuils selon le type de territoire et les périodes d’exploitation (15). Parmi les cinq territoires, quatre sont à vocation céréalière : trois sont situés en Champagne – Ardennes (dans les départements des Ardennes, de la Marne et de l’Aube) et un en Seine et Marne. Ces quatre territoires possèdent des caractéristiques culturales proches et celui de Seine et Marne présente un taux de boisement beaucoup plus important que les trois autres. Le cinquième territoire, situé dans la Meuse, se caractérise par une vocation de type polyculture – élevage. Les jeunes faons nouveaux-nés nécessitant un couvert végétal pour se protéger, ils s’installent préférentiellement dans des milieux herbacés.

Figure 25 : Les faons de Chevreuils, cachés dans un couvert végétal exploité par l’homme, sont fréquemment victimes des machines agricoles (6)

Dans les territoires à vocation céréalière, les céréales et les luzernes sont, à cette période de l’année, les seules cultures qui répondent aux exigences des jeunes Chevreuils. Ils vont donc s’installer préférentiellement dans ces cultures et l’exploitation agricole de celles-ci engendre une recrudescence des accidents mortels, en particulier dans les luzernières dont l’exploitation a lieu durant la période des naissances.

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L’importance de la mortalité dépend de la date d’exploitation des luzernières. Dans les territoires où l’exploitation des luzernières intervient peu avant le pic des naissances (cas des Ardennes et de la Marne dans l’enquête) voire pendant le pic (cas de la Seine et Marne) qui se situe vers le 20 mai, la mortalité due au machinisme agricole est très importante (respectivement 80% et 100% des cas de l’année pour chaque territoire). La seconde fauche, qui a lieu fin juin et début juillet pour ces territoires, n’entraîne qu’une faible mortalité, les faons étant suffisamment âgés pour fuir devant les machines agricoles. Dans le territoire (Aube) où la première fauche est plus précoce (vers fin avril soit au tout début de la période des naissances), les pertes sont minimes. La deuxième fauche, qui intervient vers mi-juin c’est-à-dire quelques semaines après le pic des naissances, provoque une mortalité plus importante mais qui reste faible par rapport aux luzernières exploitées pendant le pic des mises-bas. L’exploitation des luzernières engendre une mortalité importante et d’autant plus marquée qu’elle a lieu autour de la période du pic des naissances. D’autre part, l’entretien des céréales pendant cette période provoque également des pertes soit directes (par écrasements…) soit indirectes (empoisonnement par produits phytosanitaires…). Dans le territoire à vocation de polyculture – élevage, les principales activités agricoles ayant lieu à cette période de l’année sont la fauchaison des prairies (qui s’étale du 15 mai au premier juillet) et l’exploitation des colzas (15 juillet – 15 août). Les prairies constituent un milieu très attractif pour les jeunes Chevreuils qui s’y installent en nombre. La fauche des prairies provoque des pertes parmi les chevrillards s’étant réfugiés dans celles-ci. Toutefois, le nombre d’accidents survenu dans ces prairies est resté faible dans cette étude par rapport aux risques représentés par un tel couvert végétal (huit faons tués pour 2250 hectares). Cette étude a mis en évidence une mortalité imputable au machinisme agricole sur chaque territoire suivi. L’impact sur les populations est variable d’un territoire à l’autre. Dans la situation la moins favorable, la mortalité est telle qu’elle empêche la croissance de la population. La base SAGIR ne répertorie que quatre cas de Chevreuils victimes du machinisme agricole, ce qui apparaît être peu par rapport aux résultats de l’étude précédente. Toutefois, on peut penser que ces chiffres sont sous-estimés. A l’instar des collisions routières, de nombreux cas ne sont pas déclarés à cause du phénomène d’auto-diagnostic réalisé par les conducteurs des machines agricoles ou par les personnes qui découvrent le corps mutilé d’un jeune Chevreuil dans une culture fraîchement coupée. De même, les faons peuvent être victimes d’engins agricoles sans que le conducteur ne s’en aperçoive et ces cas restent non déclarés. Les pertes liées au machinisme agricole restent relativement faibles sur l’ensemble du territoire français. Elles restent cantonnées aux régions à forte mécanisation agricole où le Chevreuil a colonisé le milieu ouvert. Localement, les pertes peuvent parfois être très importantes et aller jusqu’à compromettre le maintien et le devenir des populations.

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F- Traumatismes divers Les Chevreuils peuvent également succomber suite à divers accidents, dont le nombre reste limité, et qui se produisent çà et là au gré du hasard :

Les chutes ou les faux pas des animaux, souvent lors de fuites, peuvent être fatales. La base SAGIR répertorie quatre cas de Chevreuils ayant fait une chute mortelle.

Les grillages peuvent devenir de véritables pièges pour les animaux. Les Chevreuils

peuvent parfois rester coincés dans les mailles d’un grillage en tentant de le franchir et s’ils n’arrivent pas à se dégager, mourir de faim et de soif. De même, les fils de fer peuvent être une source de danger pour les Chevreuils. Ceux-ci, n’apercevant pas toujours l’obstacle, viennent le heurter violemment dans leur élan. Ils se brisent fréquemment les vertèbres du cou ce qui entraîne une mort quasi-instantanée. Les animaux retrouvés morts suite à ce choc présentent en général une mobilité accentuée et anormale de la colonne vertébrale à la palpation.

Les noyades, dans les canaux ou les rivières canalisées à bords abrupts, peuvent aussi

survenir et sont plus fréquentes que l’on ne l’imagine. La base SAGIR dénombre 11 Chevreuils décédés de noyade.

L’écrasement par des chutes de pierres, d’arbres, des avalanches est exceptionnel, de

même que la mortalité par la grêle ou la foudre. Ces traumatismes n’entraînent des pertes importantes que très localement, à l’endroit où les intempéries sont exceptionnellement dévastatrices. Par exemple, la Fédération des Chasseurs de la Gironde a lancé une enquête pour connaître l’impact de la tempête de décembre 1999 sur la faune sauvage. Seize cas de mortalité de Chevreuils ont été répertoriés sur l’ensemble du département. Dans le département voisin de la Dordogne, ce sont également seize Chevreuils dont la mortalité a été attribuée directement à la tempête (55). Même si l’ensemble des Chevreuils victimes de la tempête n’a pas pu être dénombré, on peut néanmoins se rendre compte que ces intempéries ont provoqué peu de mortalité directe.

Les Chevreuils peuvent également être victimes de pièges utilisés à des fins

malveillantes par l’homme (collets, pièges à mâchoires…). Ces engins ne sont d’ailleurs pas forcément dirigés contre cette espèce. Dans la base SAGIR, ces pièges ont causé la mort de sept Chevreuils qui se sont pris accidentellement dans ceux-ci.

La base SAGIR répertorie trois cas de Chevreuils morts suite à une action de

braconnage. Ce chiffre est bien sur sous-estimé, la plupart des animaux braconnés étant récupérés secrètement par les auteurs de ces actes prohibés. Toutefois, on peut penser que le braconnage du Chevreuil est en fort recul ces dernières années compte tenu de l’extension géographique et du fort développement démographique de cette espèce. La progression de ces deux paramètres a abouti à une importante augmentation des plans de chasse de Chevreuils sur l’ensemble du territoire français. Avec la banalisation de cette espèce gibier, il est désormais facile d’une part de chasser le Chevreuil et d’autre part de se procurer de la venaison pour la consommer. Dans ce contexte, le braconnage de ce petit cervidé n’a plus lieu d’être. Toutefois, l’attrait de magnifiques trophées de brocards ou de quantités de venaison encore plus grandes, fait que le Chevreuil est encore parfois victime d’actes de braconnage.

Enfin, la base SAGIR répertorie d’autres traumatismes mortels plus anecdotiques :

deux cas d’éventration et quatre cas de strangulation.

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Tous ces traumatismes n’entraînent que de très faibles pertes dans les effectifs de Chevreuils mais ils peuvent survenir à tout moment et en tout lieu, en fonction du contexte local. II- MORTALITE DUE AUX MALADIES INFECTIEUSES

Les maladies infectieuses constituent la deuxième grande cause de mortalité du Chevreuil. Les principales maladies infectieuses responsables de mortalité sont d’origine bactérienne. Les pathologies virales ne sont diagnostiquées que dans quelques cas.

A- Les maladies bactériennes Les données récoltées par le réseau SAGIR permettent de mettre en avant plusieurs grandes entités pathologiques bactériennes chez le Chevreuil : les septicémies, les entérotoxémies, les pathologies pulmonaires, les pathologies nerveuses de type encéphalite – méningoencéphalite et les colibacilloses. A côté de ces principales pathologies, il existe également d’autres maladies bactériennes, plus rares mais pouvant causer la mort de Chevreuils. Enfin, dans de nombreux cas, il s’agit de pathologies multifactorielles, faisant intervenir une ou plusieurs bactéries voire d’autres agents pathogènes (parasites principalement).

1- Les principales maladies bactériennes du Chevreuil

a- Les affections pulmonaires Dans la base de données SAGIR, les pathologies pulmonaires représentent 13% des mortalités du Chevreuil par atteinte bactérienne. Sur le total des causes de mortalité identifiées avec précision, elles interviennent dans 3,2% des cas. Les principaux germes responsables des atteintes pulmonaires du Chevreuil sont Pasteurella multocida et Mannheimia hemolitica. Ces deux bactéries sont impliquées dans plus de la moitié des cas de mortalité par infection respiratoire. Sur les 173 Chevreuils morts de cette pathologie, Pasteurella multocida a provoqué la mort de 41 animaux et Mannheimia hemolitica de 67 animaux. Les autres bactéries isolées sont très variées. Le tableau 1 dresse la liste de celles-ci. On peut noter la présence de Corynebacterium pyogenes (18 cas), d’infections avec plusieurs bactéries (14 cas) et aussi de colibacilles, de streptocoques et de staphylocoques. On peut également rappeler les 190 animaux morts d’atteinte pulmonaire d’origine indéterminée. On peut penser que pour un certain nombre d’entre eux, cette atteinte est d’origine infectieuse bactérienne mais l’absence d’isolement de germes ne permet pas de confirmer cette hypothèse.

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ESPECE BACTERIENNE NOMBRE DE CAS Corynebacterium pyogenes 18

Aeromonas cariae 1 Aeromonas hydrophila 1 Aerococcus vividans 1

Escherichia fergusonii 1 Escherichia coli

hémolytique 1 Escherichia coli 6

Klebsiella ornithinolytica 1 Klebsiella oxytoca 1

Klebsiella pneumoniae 2 Klebsiella ternigena 1

Mannheimia hemolotica 65 Morganella morganii 2 Pasteurella multocida 21 Pasteurella aerogenes 1

Pasteurella pneumotropica 1 Pasteurella sp 20

Plusieurs bactéries 14 Rhodococcus equi 1

Staphylococcus aureus 3 Staphylocoque coagulase + 1 Staphylocoque pathogène 2

Staphylococcus sp 1 Streptococcus bovis 2 Streptococcus suis 2 1 Streptococcus uberis 1

Streptocoque sp 3

Tableau 1 : Nature des autres bactéries isolées lors de pathologies pulmonaires (données SAGIR de 1986 à 2003)

La contamination par Pasteurella multocida et Mannheimia hemolitica se fait généralement par les muqueuses des voies respiratoires, plus occasionnellement par voie digestive, par blessures ou par le biais d’insectes suceurs de sang (56). Les symptômes apparaissent de 6 à 24 heures après la contamination. La maladie débute par de la fièvre. Les animaux ne s’alimentent plus et s’affaiblissent au point de rester couchés. Le tableau clinique est caractérisé par une atteinte des organes respiratoires avec des symptômes de broncho-pneumonie grave : respiration difficile, toux sèche, puis écoulement d’un liquide spumeux par les naseaux (39) (56). Il existe parfois une forme oedémateuse avec enflure de la tête, du cou et du poitrail. La langue est enflée et pendante (56). Dans quelques cas, on peut observer des entérites hémorragiques (39).

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L’évolution est rapide et se fait souvent vers la mort. A l’autopsie, on observe des lésions de broncho-pleurésie. La plèvre est remplie d’un liquide gélatineux dans lequel flottent des flocons de fibrine. Des dépôts de fibrine sont également présents à la surface des poumons, de la plèvre et du diaphragme. Les poumons sont enflés, lourds, durs et compacts (39) (56). Les ganglions lymphatiques sont hypertrophiés. Dans les atteintes les plus graves, le péricarde contient un liquide fibrineux, le myocarde est mat et cassant, les cavités du cœur sont remplies de sang coagulé et parfois un œdème pulmonaire se forme (56). Dans la forme oedémateuse, la région sous-cutanée, la langue et les muqueuses de la bouche sont enflées par suite d’infiltration aqueuse (56). Dans les deux formes, on peut parfois observer une inflammation du tractus stomaco-intestinal avec des muqueuses digestives épaissies et hémorragiques. Du sang est présent dans le contenu intestinal (56). La gravité des lésions provoque une mort rapide de l’animal malade. Les maladies pulmonaires d’origine bactérienne peuvent être primaires c’est-à-dire que seule la bactérie (Pasteurella multocida et Mannheimia hemolitica principalement) est responsable de l’atteinte pulmonaire, avec parfois la présence simultanée de plusieurs bactéries. Ces maladies bactériennes peuvent aussi être secondaires à un autre foyer infectieux localisé ailleurs dans l’organisme ou à une infestation parasitaire digestive et respiratoire, voire digestive ou respiratoire seules. En affaiblissant les animaux, le parasitisme favorise le développement d’autres germes et en particulier des bactéries responsables des infections pulmonaires (39).

b- Les entérotoxémies Ces affections sont dues à la multiplication rapide dans l’intestin des Chevreuils de bactéries anaérobies du genre Clostridium. Ces bactéries se rencontrent normalement dans la flore intestinale des animaux sains. Il s’agit de germes telluriques, qui présentent une résistance prolongée dans le milieu extérieur et qui peuvent persister très longtemps dans le sol (12). Chez le Chevreuil, les entérotoxémies sont en grande majorité causées par deux bactéries : Clostridium perfringens et Clostridium sordelli. Sur les 372 Chevreuils morts d’entérotoxémie dans la base de données SAGIR, la nature du germe a été précisée dans 193 cas. Ces deux bactéries sont impliquées dans plus de 80% des cas (elles se retrouvent chez 157 animaux sur 193). Clostridium perfringens a provoqué la mort par entérotoxémie de 98 Chevreuils et Clostridium sordelli de 50 animaux. Ces deux germes peuvent parfois être associés : c’est le cas pour neuf animaux morts d’entérotoxémie.

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La part de ces deux bactéries est peut être encore plus grande puisque pour 23 Chevreuils décédés d’entérotoxémie, l’identification du germe s’arrête au genre Closridium sp et pour cinq animaux à la mention « bactéries anaérobies ». Clostridium perfringens et Clostridium sordelli sont peut être impliqués dans la mort de certains de ces 28 Chevreuils. Les autres genres bactériens ayant provoqué des entérotoxémies mortelles chez le Chevreuil sont peu nombreux : Escherichia coli (deux cas), Enterococcus sp (un cas), Hafnia alvei (un cas), Yersinia enterocolitica (un cas). Une atteinte plurispécifique a également tué trois Chevreuils. Pour la suite de ce paragraphe, nous allons considérer que les entérotoxémies du Chevreuil sont dues exclusivement à Clostridium perfringens et Clostridium sordelli. Ces bactéries anaérobies sécrètent des toxines qu’elles libèrent dans l’intestin des animaux. Ces toxines passent ensuite dans le flux sanguin et sont disséminées dans tout l’organisme. Elles gagnent ensuite divers organes cibles (foie, reins, centres nerveux) où elles engendrent des lésions dégénératives. Il en résulte des troubles généraux graves qui évoluent très rapidement, aboutissant très fréquemment à la mort de l’animal. Chez les cervidés, la maladie débute par une diarrhée légère s’accompagnant ensuite de quelques troubles nerveux (incoordination et convulsions). La maladie évolue très rapidement vers un état comateux et la mort peut survenir en moins de 24 heures (12). Les cadavres présentent toujours une bonne condition, mais ils se décomposent anormalement vite (12). A l’autopsie, les lésions observées sont assez peu caractéristiques : inflammation hémorragique du tube digestif et des ganglions, congestion pulmonaire, dégénérescence hépatique et rénale (12) (39). L’apparition des entérotoxémies chez le Chevreuil a lieu surtout à l’automne, et dans une moindre mesure au début du printemps (mars – avril). Ces maladies sont généralement déclenchées par un changement brutal de régime alimentaire, avec un passage sans transition d’une alimentation pauvre à une alimentation de meilleure qualité ou bien enrichie en protéines. Les modifications climatiques de l’automne (augmentation de l’hygrométrie) vont permettre au Chevreuil de passer d’un fourrage sec et pauvre à un fourrage plus vert et plus riche. La consommation estivale de graminées est remplacée par l’utilisation de dicotylédones comme les ronces ou le lierre (28). De même, l’apparition de la riche herbe printanière favorise le développement des entérotoxémies aux mois de mars et avril (12). Les entérotoxémies sont des affections fréquentes du Chevreuil. Elles représentent 7% des décès parmi l’ensemble des causes de mortalité pour lesquelles un diagnostic a été établi avec précision (372 animaux sur 5336). Parmi les maladies bactériennes, elles sont responsables de 28% de la mortalité (372 animaux sur 1350). Comme pour les ruminants domestiques, la létalité est proche de 100%.

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c- Les septicémies La septicémie est un état pathologique caractérisé par l’envahissement de l’organisme via la circulation sanguine d’un agent pathogène qui s’y multiplie sans localisation précise. Les septicémies peuvent être primaires avec la dissémination d’un germe rapidement après la contamination de l’animal. Elles peuvent aussi faire suite à des infections qui étaient primitivement localisées ailleurs dans l’organisme (abcès, métrite…). Il s’agit d’une pathologie bactérienne majeure chez le Chevreuil puisqu’elle représente 6.9% des causes de mortalité identifiées (369 animaux sur 5336) soit 27% des Chevreuils morts d’infection bactérienne. Avec les entérotoxémies, les septicémies constituent donc une des deux principales causes de mortalité de Chevreuils par infection bactérienne.

ESPECE BACTERIENNE NOMBRE DE CAS Non identifiée 134

Aeromonas hydrophila 5 Anaérobies 14

Bacilles AAR 1 Bifidobacterium sp 1

Clostridium perfringens 7 Clostridium perfringens et

sordelli 1 Clostridium sordelli 6

Clostridium sp 2 Corynebacterium pyogenes 23

Corynebacterium sp 2 Enterobacter agglomerans 2

Enterobacter cloacae 1 Enterococcus durans 1 Enterococcus faecium 1

Enterococcus sp 2 Escherichia coli 30

Escherichia coli hémolytique 4 Bactéries indéterminées 6 Klebsiella pneumoniae 2

Lactococcus sp 1 Listeria ivanovii 1

Morganella morganii 4 Pasteurella multocida 2

Pasteurella sp 1

Tableau 2 : Nature des bactéries responsables de septicémies chez le Chevreuil (données SAGIR de 1986 à 2003)

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Sur les 369 cas de septicémie avérée, la nature de la bactérie a été identifiée pour 135 animaux. Les germes responsables de ces maladies sont très variés. Le tableau 2 dresse la liste de ceux-ci. Parmi cette grande diversité des genres bactériens, certains d’entre eux sont isolés plus fréquemment : des Streptococcus sp (47 cas) avec majoritairement Streptococcus bovis (33 cas), Escherichia coli (34 cas dont quatre Escherichia coli hémolytique), Corynebacterium pyogenes (23 cas), Staphylococcus sp (17 cas dont 11 de Staphylococcus aureus), Clostridium sp (16 cas) avec principalement Clostridium perfringens et Clostridium sordelli (14 cas). Les septicémies causées par une atteinte multibactérienne sont également très fréquentes (45 cas). Le tableau clinique des septicémies peut parfois débuter par de la fièvre. L’évolution de la maladie est ensuite très rapide, l’animal présentant une prostration profonde, avec tachycardie et tachypnée. La dissémination des germes dans tout l’organisme provoque une atteinte de nombreux organes (reins, foie, poumons, centres nerveux) altérant ainsi les fonctions organiques associées. La tension artérielle chute entraînant un défaut d’oxygénation de l’organisme. Des troubles de la coagulation apparaissent également. L’installation de cet état de choc septique avec hypotension est très rapide et conduit à la mort en quelques heures.

ESPECE BACTERIENNE NOMBRE DE CAS Plusieurs bactéries 45 Proteus mirabilis 1 Proteus morgani 1

Proteus sp 1 Salmonella dublin 1

Salmonella enteritidis 1 Staphylococcus aureus 11

Staphylocoque coagulase + 2 Staphylocoque coagulase - 2 Staphylococcus epidermidis 1

Staphylococcus warneri 1 Streptococcus bovis 1 1 Streptococcus bovis 2 2 Streptococcus bovis 30

Streptococcus equisimilis 1 Streptocoque groupe D 2

Streptocoque hémolytique 1 Streptococcus mitis 1

Streptocoque pyogene 1 Streptococcus suis 2 1 Streptococcus uberis 1

Streptocoque sp 6

Tableau 2 (suite): Nature des bactéries responsables de septicémies chez le Chevreuil (données SAGIR de 1986 à 2003)

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d- Méningites et méningo-encéphalites purulentes Nous avons déjà abordé ce sujet dans un chapitre précédent concernant la mortalité liée aux combats intra-spécifiques. Ces affrontements engendrent des traumatismes suffisamment graves pour que des infections méningées et/ou méningo-encéphaliques se développent secondairement, entraînant fréquemment la mort de l’animal. Les individus concernés par cette catégorie de méningo-encéphalites purulentes sont les brocards adultes dominants. Ils constituent d’ailleurs la majorité des Chevreuils victimes de ces affections méningo-encéphaliques. Toutefois, les femelles et les jeunes peuvent également mourir de ces pathologies, mais dans des circonstances étio-pathogéniques différentes.

d1- Caractéristiques épidémiologiques des méningo-encéphalites purulentes (17)

α- Age et sexe

Ce sont principalement les mâles qui sont victimes de ces affections. Parmi les fiches SAGIR des Chevreuils morts de méningo-encéphalites purulentes et où le sexe a été précisé, près de 90% des animaux atteints sont des mâles. De même, l’étude menée de 1995 à 2000 dans le Jura a montré que 98% des Chevreuils atteints de méningo-encéphalites purulentes étaient des mâles. En ce qui concerne l’âge, il apparaît que ce sont principalement les adultes qui sont touchés (79%des animaux atteints sont des adultes dans les fiches SAGIR, 51% pour l’étude menée dans le Jura). Il faut noter que les mâles atteints sont presque tous des adultes (87% dans les fiches SAGIR) alors que les femelles sont plutôt des jeunes (59% dans les fiches SAGIR). La très forte proportion de mâles atteints est un phénomène particulier. En effet, il n’existe aucune autre pathologie, infectieuse ou parasitaire, qui provoque un tel déséquilibre. En général, les individus des deux sexes présentent à peu de chose près, la même réceptivité aux infections. Les seuls mécanismes naturels qui peuvent expliquer une telle différence sont les facteurs comportementaux. Ceux-ci sont bien sûr les activités spécifiques à chaque sexe lors du cycle sexuel annuel : les brocards multiplient les combats lors du territorialisme et du rut, alors que les femelles montrent très rarement de l’agressivité vis-à-vis de leurs congénères.

β- Fluctuations saisonnières de l’incidence des méningo-encéphalites purulentes

Les méningo-encéphalites purulentes étant très majoritairement rencontrés chez les brocards suite aux combats intra-spécifiques, il apparaît évident que les fluctuations saisonnières de l’incidence des méningo-encéphalites purulentes sur la population de Chevreuils se calquent sur celles provoquées par les combats de mâles.

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d-2 Etio-pathogénie des méningo-encéphalites purulentes chez le Chevreuil (17)

α- Nature des germes mis en causes dans les méningo-encéphalites

purulentes L’étude des bactéries isolées à partir des lésions purulentes intra-crâniennes des Chevreuils met en évidence une grande diversité de germes, puisqu’une vingtaine de genres bactériens ont été recensés. Il s’agit de bactéries naturellement présentes dans l’environnement des animaux. Certaines sont saprophytes : on les rencontre dans le sol et l’humus, dans l’eau, sur les végétaux. D’autres sont des bactéries commensales qui font naturellement partie des flores cutanées ou muqueuses d’un grand nombre d’animaux. La plupart des bactéries isolées sont à la fois saprophytes et commensales. D’autre part, ces différents genres bactériens n’ont pas tous le même pouvoir pathogène vis-à-vis du Chevreuil. On distingue en effet des bactéries pathogènes qui sont toujours génératrices de maladies chez les espèces qui y sont sensibles. C’est le cas par exemple d’Arcanobacterium pyogenes, Staphylococcus aureus, Streptococcus dysgalactiae, Escherichia coli, etc… . A côté de ces germes, figurent des bactéries pathogènes occasionnelles qui, habituellement saprophytes ou commensales, acquièrent un pouvoir pathogène lorsque la résistance de leur hôte diminue. Souvent qualifiées d’opportunistes ces bactéries, peu ou pas pathogènes, provoquent des infections lorsqu’elles se trouvent, associées ou non à d’autres éléments infectieux, dans un organisme immunodéprimé. La quasi-totalité des germes isolés au sein des lésions de méningo-encéphalites purulentes appartient à cette deuxième catégorie (Listeria sp, Pseudomonas aeruginosa, Klebsiella pneumoniae…).

β- Importance relative de ces germes dans la mortalité des Chevreuils

Les résultats bactériologiques fournies par le réseau SAGIR (période s’étalant du 01-01-86 au 31-08-99) (17) montrent que dans 2/3 des cas, un seul germe a été isolé. Les autres analyses bactériologiques ont mis en évidence de deux à plusieurs germes. Les germes les plus fréquemment isolés sont Arcanobacterium pyogenes (29% des analyses) et Staphylococcus aureus (23%). Il s’agit également des deux germes qui ont été le plus souvent isolés en culture pure (plus de 60% des analyses où un seul germe a été isolé). Compte tenu de leur fort pouvoir pathogène vis-à-vis d’un grand nombre d’espèces animales, ces deux bactéries apparaissent comme les principaux agents étiologiques des méningo-encéphalites purulentes chez les Chevreuils. Quant aux autres bactéries, elles sont peu fréquentes et ont rarement été isolées seules, et il est donc difficile d’évaluer leur part de responsabilité dans l’apparition des lésions méningo-encéphaliques. La présence de plusieurs germes dans de nombreux résultats d’analyses peut s’expliquer par le fait que la contamination initiale lors des combats fait intervenir plusieurs germes. A partir de là, une hypothèse consiste à dire que la bactérie la plus pathogène se développe au

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détriment des autres germes qui restent dans un état latent. Les analyses permettront d’isoler d’une part le germe responsable de l’infection (par exemple A. pyogenes ou S. aureus) et d’autre part un ensemble de germes secondaires qui se trouvent ici par la force des choses. Un deuxième cas de figure est que plusieurs germes parmi ceux inoculés, se développent simultanément, et contribuent ensemble à la formation des lésions. L’existence d’un nombre important d’analyses mettant en évidence plusieurs germes laisse supposer que ces infections à agents multiples existent, même si celles-ci sont moins fréquentes que les infections à agent unique. Les germes responsables des méningo-encéphalites purulentes sont donc très variés, même si deux pathogènes majeurs se détachent de la liste. Il apparaît également que ce ne sont pas des germes très spécifiques c’est-à-dire que les bactéries identifiées ne possèdent à priori aucun tropisme particulier pour l’encéphale. De plus, cet organe est particulièrement bien protégé, par la barrière hémato-méningée d’une part, et par la boîte crânienne d’autre part. La contamination de la région intra-crânienne par les germes se fait donc par des mécanismes précis.

γ- Etiologie des germes impliqués dans les méningo-encéphalites purulentes chez le Chevreuil

Les germes retrouvés en région intra-crânienne peuvent avoir deux origines :

Une origine endogène, avec diffusion des bactéries par voie hématogène dans l’ensemble de l’organisme, à partir d’un foyer infectieux initial. L’inflammation de la barrière hémato-méningée rend celle-ci perméable, ce qui permet aux germes d’atteindre l’encéphale. Les méningo-encéphalites purulentes sont alors dues à des affections bactériennes liées à un état septicémique.

Une origine exogène, avec pénétration des germes au niveau du point d’impact du

traumatisme perforant les structures protectrices de l’encéphale (boîte crânienne et méninges).

Ce deuxième cas, comme nous l’avons vu dans le paragraphe I-C-2 de la deuxième partie, correspond aux blessures engendrées lors des combats intra-spécifiques, les complications infectieuses de ces plaies déclenchant par la suite des méningo-encéphalites purulentes. Ce cas de figure concerne principalement les mâles dominants. Au contraire, chez les chevrettes et les jeunes (et voire éventuellement quelques mâles adultes), les méningo-encéphalites purulentes se déroulent selon le premier scénario, à savoir que celles-ci sont les complications d’un état bactériémique pré-existant. L’infection initiale va affaiblir l’animal atteint et va disséminer par voie hématogène les germes qui gagneront progressivement les structures méningo-encéphaliques. Les rapports d’autopsies consignés par le SAGIR vont dans ce sens. En effet, ceux-ci montrent que la majorité des animaux avec des lésions purulentes intra-crâniennes, présentent diverses affections concomitantes (broncho-pneumonie d’origine infectieuse et/ou parasitaire, polyparasitisme, entérite…). De plus, l’origine endogène supposée des germes isolés au niveau de l’encéphale expliquerait le fait que ces bactéries appartiennent parfois à des genres habituellement responsables d’autres affections, telles les pasteurelloses ou les entérotoxémies.

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La multiplication locale des bactéries, qu’elles soient d’origine traumatique ou septicémique, provoquent la formation de lésions de nature purulente c’est-à-dire inflammatoire, qui affectent dans un premier temps les tissus mous (méningite ou méningo-encéphalite), avant de s’attaquer parfois, dans le stade final de l’infection aux structures osseuses (ostéomyélite). (Voir paragraphe I-C-2-b de la deuxième partie). Les conséquences des méningo-encéphalites purulentes sur le pronostic vital des individus ont été traitées dans le paragraphe I-C-2-c de la deuxième partie. On peut rappeler que de telles affections s’accompagnent fréquemment de la mort de l’animal.

d3- Importance des méningo-encéphalites purulentes sur la mortalité d’une population de Chevreuil

Les méningo-encéphalites purulentes constituent une des causes majeures de mortalité chez les brocards adultes. En revanche, ces affections n’entraînent qu’une très faible mortalité chez les femelles et les jeunes. Les nombreux biais présents dans les différentes études menées sur ces affections, ne permettent pas d’évaluer avec précision l’impact de ces pathologies sur la mortalité des populations de Chevreuils. Néanmoins, ces affections ne sont pas quantitativement négligeables. L’étude menée dans le Jura de 1995 à 2000 a mis en évidence que les méningo-encéphalites purulentes représentaient la première cause de mortalité chez les Chevreuils ayant subi une autopsie avec 24% des cas (32 animaux sur 136 autopsiés). Au plan national, le réseau SAGIR avance des chiffres plus faibles. Les infections nerveuses interviennent dans 6,3% des causes de mortalité d’origine bactérienne et sur l’ensemble des causes de mortalité identifiée 1,6% des cas (85 animaux sur 5336). Sur la totalité des fiches SAGIR de 1986 à 2003, si on rassemble tous les Chevreuils morts d’atteinte nerveuse (85 d’origine bactérienne, 157 d’origine indéterminée), la prévalence des méningo-encéphalites mortelles passe à 3%. Si on ajoute les Chevreuils morts suite à des combats intraspécifiques (85 animaux), la prévalence passe à 4%. Cependant, dans cette catégorie, si certains animaux sont bien morts de méningo-encéphalites compliquant le traumatisme, d’autres sont morts directement suite au traumatisme. Une étude portant sur les causes de mortalité du Chevreuil à partir des données du réseau SAGIR de 1986 à 1997 avance une prévalence de 3,9% (28). Si dans le Jura, les méningo-encéphalites purulentes constituent une cause majeure de mortalité chez le Chevreuil, elles n’ont pas toujours une telle importance dans chaque département français. Elles demeurent actuellement des affections dont la prévalence est sous-estimée en France.

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e- Les colibacilloses Les colibacilloses sont des maladies causées par la pullulation de bactéries normalement présentes en quantité modérée dans l’intestin : Escherichia coli. Elles constituent la dernière pathologie bactérienne majeure responsable de mortalité chez le Chevreuil. Parmi les maladies bactériennes, leur prévalence est de 5%, 71 animaux étant morts de colibacillose sur les 1350 décédés de maladie bactérienne. Remarque : parmi les 71 colibacilloses, on peut noter la présence de deux colibacilles spécifiques des bovins : Escherichia coli FY et Escherichia coli CS31A. Ces deux germes sont responsables de diarrhées néonatales graves chez les veaux :

Escherichia coli FY est un colibacille entérotoxinogène dont le facteur d’attachement est FY. Celui-ci lui permet d’adhérer aux cellules intestinales. Son action pathogène est liée à cette adhésion et à la production d’entérotoxines. Ce colibacille atteint généralement les veaux âgés de moins de cinq jours. Les symptômes se caractérisent par une diarrhée aqueuse, jaune paille, provoquant une déshydratation sévère et rapide. Le veau tombe dans un état de dépression profonde évoluant rapidement vers la mort.

Escherichia coli porteur des facteurs d’attachement CS31A est un colibacille invasif

c’est-à-dire qu’il pénètre et se multiplie dans les cellules intestinales. Il produit des toxines appelées colicine V. Le tableau clinique comporte des troubles circulatoires (œdème), une stase alimentaire (dilatation de la caillette) et des troubles nerveux (incoordination motrice). L’atteinte peut prendre une allure septicémique chez les animaux les plus faibles, qui peuvent en mourir (21) (34).

A l’état normal, Escherichia coli est une bactérie saprophyte et donc non pathogène. Toute cause provoquant un déséquilibre de la flore intestinale peut rendre ces bactéries pathogènes (12). Un changement brutal d’alimentation est la première cause de ce développement anarchique de colibacilles. Cette affection survient donc fréquemment au printemps (39). Une fragilisation du tube digestif liée à du parasitisme peut également favoriser le développement de colibacilloses. Dans ces conditions particulières, les colibacilles prolifèrent et produisent des toxines (12). Le tableau clinique se caractérise par une gastro-entérite avec une diarrhée d’intensité variable selon les cas. La maladie évolue vers une septicémie avec atteinte rénale ou vésicale (12). La mort de l’animal est provoquée par cette septicémie qui se traduit sur le plan lésionnel par une inflammation généralisée de tous les organes (39). Les colibacilloses atteignent également fréquemment les faons pendant les premiers jours de vie. A l’instar des veaux, la diarrhée provoque rapidement une déshydratation intense (12). L’hypotension qui en découle est responsable d’un état dépressif marqué qui évolue assez vite vers la mort de l’individu.

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Ces cinq entités pathologiques bactériennes sont responsables de plus des trois quarts des décès de Chevreuils par atteinte bactérienne. Les entérotoxémies et les septicémies représentent plus de la moitié des mortalités de Chevreuils dans cette catégorie (28% et 27% chacune). Toutefois, comme nous l’avons déjà évoqué, les infections respiratoires et nerveuses sont peut être sous-estimées, compte tenu du nombre important de morts par atteinte nerveuse et pulmonaire d’origine indéterminée. A côté de ces grandes entités pathologiques, le Chevreuil peut également succomber à d’autres maladies bactériennes, de prévalences plus faibles.

2- Les autres maladies bactériennes Elles représentent 11% des mortalités d’origine bactérienne.

a- La pseudo-tuberculose Il s’agit d’une maladie due à une bactérie très résistante : Yersinia pseudotuberculosis. Elle peut atteindre de nombreuses espèces, y compris l’homme, avec une prédominance pour les rongeurs et les lagomorphes. Les cervidés peuvent également être touchés par cette maladie (12). La base de données SAGIR répertorie 17 Chevreuils ayant succombé à la pseudo-tuberculose, avec isolement de Yersinia pseudotuberculosis chez 11 animaux. Une bactérie du genre Yersinia a été isolée chez un autre Chevreuil et pour les cinq derniers animaux, la nature de la bactérie n’a pas été précisée. Yersinia pseudotuberculosis a aussi été découverte sur deux autres Chevreuils au niveau de l’encéphale et a fait conclure à une mort par infection nerveuse. La transmission se fait principalement par voie digestive, lors de la consommation d’aliments contaminés par Yersinia pseudotuberculosis. Les individus malades excrètent les bactéries dans leurs excréments et leur urine, et vont ainsi contaminer les végétaux. Les animaux sains qui vont manger ces aliments souillés vont contracter le germe (12). La transmission par contact direct et la transmission aérienne par les voies respiratoires sont extrêmement réduites. La maladie apparaît surtout en mauvaise saison. Au moment où la nourriture est rare, les animaux se concentrent dans des endroits encore approvisionnés. Cette concentration d’animaux facilite la contamination des végétaux par les animaux porteurs et donc la transmission aux animaux sains. De plus, les conditions hivernales sont un facteur d’affaiblissement des animaux, ce qui favorise leur contagion. Les 16 Chevreuils de la base SAGIR atteints par Yersinia pseudotuberculosis ont été découverts d’octobre à février, avec un pic en novembre et décembre (13 cas sur 16). La pseudo-tuberculose se manifeste principalement par des troubles digestifs (diarrhée), qui provoquent un affaiblissement et un amaigrissement rapides des animaux. La mort intervient assez vite (12).

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A l’autopsie, on peut constater une gastro-entérite hémorragique. Des ulcères ont été observés au niveau de la muqueuse intestinale d’un Chevreuil autopsié pour le compte du réseau SAGIR. Au niveau du foie, on observe des petits nodules, blanc-jaunâtres, de quelques millimètres de diamètre, à centre nécrotique et suppuré. La rate et les ganglions mésentériques sont hypertrophiés et peuvent contenir de petits foyers nécrotiques blanchâtres (14). La pseudo-tuberculose est une maladie à faible prévalence chez le Chevreuil mais de mortalité élevée lors d’atteinte d’animaux.

b- La paratuberculose La paratuberculose est une maladie infectieuse chronique, contagieuse due à Mycobacterium paratuberculosis ou bacille de Johne. Elle peut atteindre tous les herbivores et surtout les ruminants, domestiques ou sauvages. La paratuberculose des cervidés a été décrite pour la première fois chez un Chevreuil en 1905 (53). Les Chevreuils, et les cervidés en général, ont probablement contracté cette maladie à partir de ruminants domestiques infectés. La base de données SAGIR comptabilise 15 cas mortels de paratuberculose pour le Chevreuil. En fait, le germe Mycobacterium paratuberculosis n’a été mis en évidence que pour quatre animaux. Pour les autres Chevreuils, un tableau clinique évocateur associé à l’isolement de bacilles acido-alcoolo résistants en quantité importante a fait conclure à une infection paratuberculeuse. La plupart des Chevreuils paratuberculeux sont en très mauvais état général. Ils sont maigres voire cachectiques. D’autres Chevreuils de la base SAGIR sont porteurs de bacilles acido-alcoolo résistants. L’absence d’identification précise de ces germes et leur présence en quantité peu importante n’a pas permis de conclure à une mort par paratuberculose de ces animaux. On peut penser que certains de ces animaux sont atteints par Mycobacterium paratuberculosis mais que leur mort est due soit à une autre cause totalement différente soit à l’association des bacilles paratuberculeux avec une autre pathologie. Dans l’organisme infecté, Mycobacterium paratuberculosis reste habituellement localisé au niveau de l’intestin. L’animal s’infecte par voie digestive, lors de la consommation d’aliments ou de boissons souillés par les excréments d’animaux porteurs du germe (12). Mycobacterium paratuberculosis est extrêmement résistante dans le milieu extérieur : 270 jours dans l’eau et jusqu’à un an dans le sol (53). Cette grande résistance dans l’environnement favorise la transmission de la maladie, en particulier sur des territoires à forte densité d’animaux. La maladie ne peut apparaître qu’après une période d’incubation longue parfois de plusieurs mois. D’autres animaux restent cependant porteurs asymptômatiques toute leur vie (12). La majorité des cas rapportés de paratuberculose chez les cervidés concernent d’ailleurs des animaux infectés subcliniquement. En ce qui concerne les cervidés d’élevage, les infections subcliniques sont souvent détectées à l’abattoir, avec une seule lésion tuberculoïde dans un

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ganglion lymphatique jéjunal, sans lésion macroscopique d’entérite, et occasionnellement une adénite (53). L’infection est donc beaucoup plus fréquente que la maladie. Le déclenchement de la maladie est lié à une baisse de l’immunité des animaux (sous-alimentation, rigueurs climatiques, parasitisme…). La paratuberculose procède soit par cas sporadiques soit sous forme d’enzootie (12). Le tableau clinique classique est à dominante digestive avec une diarrhée très liquide d’abord intermittente, puis qui devient permanente en quelques semaines à quelques mois s’accompagnant d’un amaigrissement intense et évoluent vers la mort (12). Chez les cervidés, ce tableau clinique peut évoluer selon deux modes de rapidité (53). Dans certains cas, les signes cliniques peuvent être d’apparition soudaine et de courte durée, avec une perte rapide de poids et une dégradation de l’état général, suivies par l’établissement d’une diarrhée incoercible. Dans d’autres cas, la dégradation de l’état général est plus insidieuse et la diarrhée se développe au cours de la phase terminale de la maladie. Chez les cervidés, les lésions nécropsiques de la paratuberculose sont assez proches de celles de la tuberculose aviaire. Ces lésions peuvent varier d’un animal à l’autre. Les cadavres sont fréquemment cachectiques et présentent un pelage terne avec parfois des plages d’alopécie, des dépôts graisseux gélatineux et des épanchements séreux dans les cavités corporelles. Les lésions intestinales caractéristiques sont généralement confinées à la partie basse et moyenne de l’intestin grêle, au caecum et au côlon proximal. La muqueuse peut montrer un léger grain ou des épaississements irréguliers jaune pâle et par endroits des rougeurs le long des crêtes. La partie intacte de l’intestin est normale ou légèrement oedémateuse. Les ganglions mésentériques apparaissent normaux ou montrent une hypertrophie et un œdème à des degrés variables (53). Même si le nombre de cas de Chevreuils paratuberculeux reste faible en France, il semble que la paratuberculose soit une maladie émergente chez les cervidés et le Chevreuil en particulier. Toutefois, peu de Chevreuils infectés par Mycobacterium paratuberculosis ne déclarent la maladie cliniquement. Par contre, lorsque les animaux tombent malades, l’issue est quasiment toujours fatale.

c- Les pasteurelloses Il s’agit de maladies causées par des bactéries du genre Pasteurella. Ces bactéries, à tropisme respiratoire important, sont responsables en premier lieu d’infections pulmonaires. Ces maladies bactériennes, majeures chez le Chevreuil, ont déjà été traitées dans un chapitre précédent. Les Pasteurella peuvent infectées d’autres tissus ou organes de l’organisme et provoquer des troubles différents des broncho-pneumonies. Les pasteurelloses constituent la principale maladie bactérienne secondaire du Chevreuil (24% de cette catégorie de pathologies).

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Les Pasteurella sont de petites bactéries qui peuvent persister dans l’organisme d’animaux infectés latents n’ayant jamais présenté de troubles ou de sujets cliniquement guéris, mais demeurés porteurs de germes. Elles sont saprophytes des voies digestives et respiratoires (12). Pour que leur pouvoir pathogène s’exerce, il faut le concours de facteurs prédisposants diminuant la résistance normale de l’organisme : jeune âge, refroidissement, intempéries, alimentation défectueuse ou insuffisante, stress, parasitisme (12). Les petites lésions de la muqueuse intestinale ou les lésions respiratoires produites par des parasites tels que les strongles sont des voies d’accès particulièrement favorables à la pénétration du germe pathogène. Les plaies cutanées peuvent également offrir une voie d’entrée (12). Les Pasteurella expriment alors leur virulence et deviennent capables d’infecter d’autres animaux sans l’aide de facteurs débilitants. La contagion peut se faire par le sol, les aliments ou l’eau de boisson. Les Pasteurella ne survivent que brièvement dans le milieu extérieur : la dessication, la lumière solaire détruisent rapidement le germe. La disparition des causes d’affaiblissement est souvent suffisante pour arrêter l’enzootie (12). Chez les cervidés, les pasteurelloses « non pulmonaires » se manifestent sous la forme d’une septicémie hémorragique. Elles touchent spécialement l’appareil digestif, provoquant de la diarrhée. La dissémination des Pasteurella dans tout l’organisme via le flux sanguin aboutit à l’atteinte de différents organes (foie, reins, rate, encéphale, poumons). Les fonctions de ces organes sont perturbées et l’état septicémique engendre la mort de l’animal (12). A l’autopsie, les lésions sont peu spécifiques et variables d’un animal à l’autre : congestion des reins, du foie, parfois des poumons et de l’encéphale, présence de nodules infectieux de localisations variées (foie, rate…), ulcères des muqueuses digestives (caillette, œsophage…). Lors d’infestation massive, l’état corporel des animaux est en général dégradé. Certains animaux conservent cependant un état physiologique correct, ce qui est peut être lié à une évolution très rapide de la maladie (12). Les bactéries du genre Pasteurella sont donc très pathogènes pour le Chevreuil lorsqu’une infection clinique se déclare. Ces bactéries sont surtout mortelles par atteinte de l’appareil respiratoire et de façon secondaire de l’appareil digestif, de l’encéphale avec parfois des formes septicémiques. L’atteinte concomitante du tractus respiratoire avec d’autres organes est un cas également très fréquent.

d- La listériose La listériose est une maladie infectieuse, contagieuse due à des bactéries du genre Listeria, et qui atteint de nombreuses espèces, dont l’homme. L’espèce pathogène la plus fréquemment isolée est Listeria monocytogenes.

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Dans la base SAGIR, sur les 20 cas de listériose où l’espèce est précisée (sur 31 cas au total), Listeria monocytogenes est responsable de la mort de 19 Chevreuils. L’autre cas mortel est dû à Listeria ivanovii. Les bactéries sont isolées principalement au niveau du foie et de la rate mais aussi de façon secondaire au niveau de l’encéphale, des poumons voire de l’utérus. Listeria monocytogenes est une bactérie saprophyte et ubiquiste, susceptible de croître dans des conditions très variées de température (4 à 39°C) mais aussi de salinité et de pH. Ces bactéries sont très résistantes dans le milieu extérieur : de trois mois à un an dans l’eau, un an dans un sol humide et jusqu’à deux ans dans un sol sec (35). Les données sur la listériose du Chevreuil sont rares. Nous nous baserons donc sur des données en rapport avec les ruminants domestiques (bovins et ovins) (35) (36) (51). Les animaux se contaminent principalement par voie digestive en ingérant des aliments porteurs de Listeria. Plus rarement, la transmission peut aussi se faire par voie aérienne ou conjonctivale. Les végétaux sont souillés par les animaux malades ou porteurs inapparents qui excrètent les bactéries infectantes dans les fèces et l’urine (voire parfois dans les lochies placentaires, l’avorton ou le lait). Certains sols, dits « listériogènes », peuvent aussi jouer un rôle important dans la contamination des animaux. La densité des populations est alors déterminante, la teneur du sol en Listeria augmentant avec le nombre d’animaux excréteurs de la bactérie. La présence de cheptels de ruminants domestiques porteurs de Listeria à proximité de population de Chevreuils peut être une source de contamination des cervidés. La maladie peut se développer sous quatre formes cliniques principales chez les ruminants. La forme nerveuse, encéphalitique, est la plus fréquente et la plus grave. Elle aboutit souvent à la mort des animaux ou bien elle peut laisser des séquelles irréversibles même après guérison. Le tableau clinique débute par une hyperthermie modérée à marquée (39.5 à 40.5°C) et de courte durée (quelques jours). L’état dépressif est ensuite très marqué, les animaux présentant des signes nerveux d’emblée graves avec parésie et ataxie. Il apparaît souvent une paralysie faciale unilatérale avec ptoses de l’oreille, de la paupière et de la lèvre du côté atteint. La tête est penchée du côté paralysé et l’animal peut présenter une démarche sur cercle dans le sens de déviation de celle-ci. Ces symptômes rendent la préhension et la mastication des aliments difficiles. Les malades peuvent aussi souffrir de dysphagie, ce qui renforce leurs difficultés à s’alimenter. Ce tableau clinique est parfois entrecoupé de phase d’hyperexcitabilité avec pousser au mur, trismus, contractures des muscles de l’encolure, raideur de la nuque. Des troubles visuels tels que strabisme, nystagmus voire amaurose peuvent apparaître. La mort fait généralement suite à une syncope respiratoire, un coma ou une crise convulsive. Après l’apparition des symptômes, elle survient entre deux et trois jours chez les ovins et quatre à 14 jours chez les bovins.

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La forme septicémique est plus rare et due exclusivement à Listeria monocytogenes. Elle s’observe surtout chez des nouveaux-nés de moins de huit jours, avec une mortalité parfois importante surtout chez les petits ruminants, plus rarement chez les bovins. Ces septicémies en période néo-natale apparaissent dans le sillage d’une contamination soit in-utero donc maternelle, soit immédiatement post-natale. Les sujets malades sont chétifs, et présentent dépression et faiblesse, parfois accompagnées de diarrhée. La mort survient alors rapidement. Chez les adultes, les septicémies à Listeria monocytogenes sont très rares. Des cas ont toutefois été décrits chez les petits ruminants domestiques. La listériose peut se manifester aussi par des avortements. Ceux-ci peuvent se produire à tout stade mais ils ont lieu en général dans le dernier tiers de la gestation. Le plus souvent, aucun autre signe clinique n’est observé. Ils peuvent parfois être précédés d’une fièvre marquée ou d’un épisode diarrhéique. La dernière forme clinique de listériose est une atteint oculaire avec principalement des uvéites antérieures causées par Listeria monocytogenes. Les cas les plus graves peuvent aboutir à la cécité des animaux. Si les animaux domestiques peuvent survivre dans cet état grâce aux soins de l’homme, les animaux sauvages comme le Chevreuil souffrent alors d’un handicap qui peut leur être fatal. En effet, ils sont fortement gênés dans leurs déplacements, leurs recherches de nourriture et sont plus exposés à de nombreux dangers environnants (prédation, collisions routières, chutes, capture par l’homme…). Les bactéries du genre Listeria ont également été retrouvées dans quelques autres affections et répertoriées dans des causes de morts différentes dans la base SAGIR (infection nerveuse, septicémie par exemple). Comme les ruminants domestiques, les Chevreuils sont porteurs de Listeria de façon naturelle. Le déclenchement de la maladie est probablement lié à un affaiblissement de l’individu (parasitisme, rigueurs climatiques) et les risques de contamination augmentés par une forte densité d’animaux (domestiques ou sauvages). D’après les données SAGIR, la prévalence de la listériose chez le Chevreuil apparaît faible. Cette pathologie constitue néanmoins la première maladie secondaire en nombre de cas décrits dans le fichier SAGIR.

e- Les salmonelloses Les salmonelloses sont des maladies infectieuses contagieuses dues à des bactéries du genre Salmonella. Ces bactéries sont pathogènes pour de nombreuses espèces. Il semble que les espèces sauvages soient moins sensibles que les espèces domestiques. Ceci est particulièrement vrai pour les cervidés, chez qui les cas de salmonelloses sont surtout décrits chez les animaux vivant en captivité (12). Dans la base SAGIR, les salmonelloses sont responsables de la mort de 19 Chevreuils. Il existe un très grand nombre de variétés de Salmonella.

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Dans les salmonelloses de la base SAGIR, on retrouve chez le Chevreuil : Salmonella dublin (un cas), Salmonella enteritidis (cinq cas), Salmonella thompson (un cas), Salmonella typhimurium (deux cas), Salmonella paratyphi B (un cas), Salmonella blockei (un cas) et Salmonella amherstiana (un cas). Pour les autres Chevreuils morts de salmonellose, la diagnose s’arrête au genre Salmonella. Il existe un grand nombre d’animaux porteurs sains de Salmonella. La maladie ne se déclenche qu’à l’occasion d’une diminution de la résistance de l’individu (fatigue, stress, parasitisme, sous-alimentation). La contamination des animaux sains se fait classiquement par voie orale, lors d’ingestion d’aliments ou d’eau pollués par les salmonelles. Les aliments et l’eau sont souillés par les excréments des animaux malades ou porteurs sains. Certaines mouches pourraient également jouer le rôle de vecteur (12). Chez le grand gibier (12), les salmonelloses se traduisent essentiellement par de la diarrhée profuse, liquide, nauséabonde, qui entraîne un amaigrissement rapide et un affaiblissement brutal dus à une intense déshydratation. L’intestin est rempli de gaz et présente des hémorragies. Chez les bovins, ces symptômes s’accompagnent d’une forte hyperthermie (40 à 41°C), qui doit probablement se retrouver chez les Chevreuils. La guérison spontanée est possible mais l’évolution reste fréquemment mortelle. En outre, la guérison laisse des porteurs sains, sources de contamination pour les autres animaux. Cette forme digestive, qui est la plus fréquente, touche les adultes et les jeunes. Ces derniers, plus fragiles, peuvent mourir en quelques jours. Les salmonelloses peuvent également prendre une forme septicémique qui touche surtout les jeunes et dans une moindre mesure les adultes. L’évolution est alors suraiguë, en quelques heures, et associée à un état de choc endotoxinique caractérisé par un syndrome fébrile intense. Les Salmonella peuvent aussi être à l’origine d’avortements, plutôt dans le dernier tiers de gestation. Le réseau SAGIR a répertorié des bactéries du genre Salmonella dans le groupe des septicémies dans deux cas. Les salmonelloses restent rares chez le Chevreuil, ce cervidé sauvage étant moins sensible que les ruminants domestiques. Ces bactéries n’en demeurent pas moins très pathogènes lors d’infestation importante.

f- Les staphylococcoses Il s’agit de maladies causées par des bactéries du genre Staphylococcus. Ces bactéries sont très répandues dans la nature aussi bien dans l’air que dans le sol ou dans l’eau. Elles sont aussi très souvent commensales de la peau et des cavités naturelles des animaux (12). Certains staphylocoques sont saprophytes alors que d’autres sont pathogènes et à l’origine d’infections plus ou moins graves. Ce sont des germes essentiellement pyogènes qui expriment leur pathogénicité à la suite d’une baisse de l’immunité des animaux.

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Les staphylocoques peuvent alors être responsables de septicémies engendrant un état de choc marqué, avec dépression et mort rapide. Ils peuvent également provoquer des foyers infectieux au niveau de différents appareils ou organes (poumons, encéphale, articulations). Les défaillances fonctionnelles de ces organes peuvent être très graves et aboutir à la mort des animaux malades. Dans certains cas, ces deux évolutions sont rassemblées et très néfastes pour les animaux (12). L’espèce pathogène la plus fréquemment isolée chez le Chevreuil est Staphylococcus aureus. Sur les 23 cas de staphylococcies mortelles de la base SAGIR, Staphylococcus aureus est responsable de la mort de 11 Chevreuils. Les autres staphylocoques sont Staphylococcus conhii (un cas), Staphylococcus simulans (un cas), cinq staphylocoques coagulase + et cinq Staphylococcus sp. Cette présence de Staphylococcus aureus est confirmée si l’on s’intéresse à toutes les causes de mortalité où une bactérie du genre Staphylococcus a été isolée (63 cas). Le tableau 3 reprend l’espèce bactérienne impliquée et l’affection ayant causé la mort des animaux. Staphylococcus aureus (34 cas) est l’espèce la plus retrouvée suivie de staphylocoques coagulase + (13 cas).

ESPECE BACTERIENNE CAUSE DE LA MORT NOMBRE DE CASStaphylococcus aureus Abcès 1

Arthrite 1 Infection nerveuse 6 Infection respiratoire 3 Kératite 1 Septicémie 11 Staphylococcie 7 Surinfection 4

Staphylocoque coagulase + Infection nerveuse 5 Infection rénale 1 Infection respiratoire 1 Septicémie 2 Staphylococcie 2 Surinfection 2

Staphylocoque coagulase - Infection nerveuse 1 Septicémie 2

Staphylococcus conhii Staphylococcie 1 Staphylococcus epidermidis Septicémie 1 Staphylocoque pathogène Infection respiratoire 1

Staphylococcus sp Infection respiratoire 1 Staphylococcie 6

Staphylococcus sciuri Arthrite 1 Staphylococcus simulans Staphylococcie 1 Staphylococcus warneri Septicémie 1

Tableau 3 : Espèces de staphylocoques isolées chez les Chevreuils et syndromes provoqués

par celles-ci (données SAGIR de 1986 à 2003)

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Les staphylocoques expriment leur caractère pyogène chez le Chevreuil puisque l’on retrouve fréquemment dans les causes de mort les septicémies (17 cas sur 63 isolements de staphylocoques) ainsi que des abcès ou des surinfections mortels (7 cas). Ces bactéries sont également mortelles par atteinte d’organes variés : infection nerveuse (12 cas), respiratoire (six cas), rénale (un cas), arthrites et kératite. Les staphylocoques sont donc des bactéries cosmopolites qui atteignent de nombreuses espèces animales. Le Chevreuil n’échappe pas à leur action pathogène et est victime de ces germes avec des tableaux cliniques variés selon le ou les organes touchés.

g- La maladie des abcès et abcès divers Dans ce chapitre, nous allons aborder des maladies dont la pathogénie est liée à la présence d’un ou de plusieurs abcès, c’est-à-dire de collections purulentes dans une cavité créée par le développement d’une infection. Parmi ces maladies, l’une d’elles est bien différenciée, c’est la maladie des abcès, encore connue sous le nom de lymphadénite caséeuse chez les ovins et les caprins. Les autres affections se caractérisent également par le développement d’abcès mais avec des germes de natures très variées. La maladie des abcès ou lymphadénite caséeuse est due à une bactérie du genre Corynebacterium : Corynebacterium pseudotuberculosis. Dans la base SAGIR, la maladie des abcès est responsable de la mort de 32 Chevreuils. L’espèce bactérienne responsable de cette maladie chez les Chevreuils est Corynebacterium pyogenes. Ce germe a été isolé à 25 reprises sur les 32 cas de cette pathologie (dans les sept autres cas, la nature de la bactérie n’a pas été précisée). Nous allons décrire l’épidémiologie et la symptomatologie de cette maladie chez le Chevreuil par extrapolation par rapport aux petits ruminants domestiques (45). La bactérie responsable de la lymphadénite caséeuse persiste relativement longtemps dans le milieu extérieur, sans toutefois s’y multiplier. Elle provient d’un animal infecté dont un abcès s’est ouvert et s’est vidé à l’extérieur. L’ouverture d’abcès profonds pulmonaires peut aussi être une source de contamination lors d’épisodes de toux. Cette persistance dans le milieu extérieur constitue la principale source de contamination des animaux. La contamination des animaux sains se fait au niveau de blessures ou d’éraflures cutanées qui constituent une voie de pénétration pour Corynebacterium pyogenes. Dans un premier temps, les pyogranulomes se forment au niveau de foyers primaires : nœuds lymphatiques loco-régionaux et poumons. Puis cette localisation primaire peut être suivie par la dissémination des bactéries vers des foyers secondaires. Les symptômes de la lymphadénite caséeuse dépendent de la localisation des pyogranulomes. Lors d’abcès superficiels, une « grosseur » apparaît au niveau du nœud lymphatique affecté. Cet abcès va augmenter de taille jusqu’à s’ouvrir spontanément. Le contenu de la nécrose centrale, du pus plus ou moins liquide et plus ou moins verdâtre, s’écoule alors à l’extérieur. L’abcès reste ouvert quelques jours puis se referme pour de nouveau augmenter de taille.

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Lorsque les pyogranulomes sont situés sur des organes ou des nœuds lymphatiques profonds, les symptômes sont très peu nets et se résument à un amaigrissement lent de l’animal porteur jusqu’à sa mort. La maladie peut également évoluer en septicémie, la mort survenant alors rapidement. Quant aux autres cas de mortalité par abcès, la nature des bactéries responsables est très variée. Le tableau 4 dresse la liste des espèces impliquées dans ces pathologies. La mort peut survenir de la même façon que pour la maladie des abcès, soit par septicémie, soit par déficience fonctionnelle des organes au niveau desquels les abcès se sont développés.

NATURE DE LA BACTERIE NOMBRE DE CAS Non identifiée 17

Aeromonas hydrophila 1 Enterococcus sp 1

Escherichia coli hémolytique 1 Escherichia coli 2

Mannheimia hemolytica 1 Plusieurs bactéries 1 Rhodococcus sp 1

Staphylococcus aureus 1

Tableau 4 : Espèces bactériennes responsables d’abcès mortels chez le Chevreuil (données SAGIR de 1986 à 2003)

3- Maladies bactériennes diverses Il s’agit de maladies ou d’affections sporadiques du Chevreuil, décrites seulement dans quelques rares cas. Certaines affections correspondent à des maladies bien définies. Pour d’autres Chevreuils, la mort est attribuée à l’atteinte d’un ou de plusieurs organes, avec isolement de bactéries à leur niveau.

a- Le botulisme Le botulisme est une toxi-infection alimentaire due à la toxine d’une bactérie anaérobie, Clostridium botulinum. Cette bactérie est tellurique, elle est présente dans le sol sous forme de spores résistantes (12). La toxine botulinique est une neurotoxine : elle inhibe la transmission synaptique au niveau des plaques motrices neuromusculaires, provoquant ainsi une paralysie flasque. La bactérie se développe dans des tissus animaux (ou végétaux) en décomposition. La toxine, très résistante, se répand dans le sol, dans les fourrages, dans la vase de mares ou d’étangs. Les Chevreuils se contaminent en ingérant des aliments ou de l’eau pollués par la toxine de Clostridium botulinum (12). Chez les petits ruminants domestiques (9), selon la quantité de toxine ingérée, la maladie peut évoluer selon un mode suraigu avec une mort en quelques heures.

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L’évolution peut aussi être plus lente avec des symptômes caractéristiques : animal tête baissée, difficultés de préhension et de mastication des aliments, démarche ébrieuse, puis une paralysie progressive ascendante débutant au niveau du train postérieur. La mort survient en quelques jours après une période de décubitus et est provoquée par la paralysie des muscles respiratoires. Chez les ovins, la mort peut s’observer chez 50% des animaux malades (9). Dans la base SAGIR, le botulisme a causé la mort de deux Chevreuils. L’un d’eux étaient porteurs de Clostridium botulinum de type C.

b- L’actinomycose et l’actinobacillose Ces affections bactériennes, voisines de par leur expression clinique, sont dues à des bactéries du genre Actinomyces (Actinomyces bovis) et Actinobacillus (Actinobacillus ligneresi) (41). Ces maladies touchent principalement le tissu osseux de la tête et de façon secondaire des tissus mous (langue, lèvres, joues, larynx, pharynx). Parmi les cervidés, le Chevreuil est l’espèce la plus sensible (12).

Figure 26 : Mâchoire de Chevreuil atteint d’actinobacillose (photo D. MAILLARD (5))

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Ces bactéries sont présentes naturellement dans la cavité buccale, le tube digestif ou les voies respiratoires des animaux. Elles peuvent devenir pathogènes suite à un remplacement difficile d’une dent de lait ou à une lésion de la gencive lors de la mastication par exemple (12). A partir de ces voies d’entrée, les germes envahissent l’os maxillaire jusqu’à sa moelle où ils vont proliférer. Le tissu osseux se développe alors de façon anarchique et il se forme une tuméfaction aréolée, spongieuse, parfois énorme, ressemblant à de la pierre ponce. La multiplication concomitante de bactéries pyogènes (Corynebacterium pyogenes, Staphylococcus aureus, Streptococcus de type B) entraîne une dégradation purulente de l’os. Ces maladies se traduisent donc par des abcès osseux volumineux qui déforment la mâchoire, voire la tête de l’anima (12). Parfois, lors d’atteinte de la langue par Actinobacillus, celle-ci devient dure et douloureuse, c’est la maladie de la langue de bois (39). Avec ces lésions, les animaux souffrent d’une gêne mécanique importante lors de la mastication et éprouvent de grandes difficultés à s’alimenter. Les animaux finissent par mourir d’inanition. La base SAGIR a répertorié deux cas de Chevreuils morts d’actinomycose et deux d’actinobacillose.

c- La tuberculose La tuberculose est une maladie contagieuse, due à Mycobacterium tuberculosis, touchant de nombreuses espèces animales et l’homme. Les cervidés sont atteints par Mycobacterium bovis. Parmi les cervidés, le Chevreuil semble peu sensible à la tuberculose, contrairement au cerf élaphe (Cervus elaphus) (12). Dans la base SAGIR, seuls trois cas de tuberculose de Chevreuils sont répertoriés, malgré les nombreuses recherches de ce germe sur des Chevreuils morts. Récemment, une étude a été menée en forêt de Bretonne (Seine-Maritime) sur les ongulés sauvages (cerfs, Chevreuils, sangliers) suite à la persistance de foyers de tuberculose bovine dans cette région et à la découverte de lésions tuberculeuses (nodules caséeux pulmonaires) sur une biche tuée à la chasse. Toutes les sérologies réalisées sur des Chevreuils tués à la chasse dans cette forêt se sont révélées négatives alors que quelques sérologies ont été positives pour les deux autres espèces testées (communication personnelle Jean-Roch GAILLET). Dans ce contexte de haut risque de transmission de la maladie, l’absence de contamination de Chevreuils renforce le fait que cette espèce est peu sensible à la tuberculose. La maladie se traduit, la plupart du temps, par une perte de condition physique et de l’amaigrissement. Lors de tuberculose pulmonaire, la toux est le principal symptôme, alors que la tuberculose digestive se manifeste par une diarrhée intermittente. D’autres formes de la tuberculose peuvent parfois exister : formes articulaires, osseuses, cutanées, rénales, génitales, urinaires (12).

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A l’autopsie, la tuberculose pulmonaire se caractérise par une hypertrophie des ganglions lymphatiques du cou et de la tête et par des abcès caséeux jaunâtres, parfois calcifiés, au niveau des poumons et de la plèvre. En cas de tuberculose digestive, le foie et la rate présentent des nodules tuberculeux de la taille d’un grain de mil ou d’une noisette (12). Les animaux malades contaminent leur environnement par leurs sécrétions et leurs excréments. A partir d’une infection locale, la maladie se propage et se généralise par voie sanguine (12). La tuberculose est rarissime chez le Chevreuil, cette espèce étant peu sensible à Mycobacterium tuberculosis bovis. Lors d’atteinte, les lésions sont très graves et généralement mortelles.

d- La yersiniose La yersiniose est une maladie infectieuse due à des bactéries du genre Yersinia. Dans le chapitre II-A-2-a, nous avons déjà évoqué une maladie due à une espèce de Yersinia, la pseudotuberculose à Yersinia pseudotuberculosis. Le Chevreuil peut également mourir suite à des pathologies causées par d’autres espèces de Yersinia. La base SAGIR répertorie 11 cas de yersinioses mortelles chez le Chevreuil (autres que la pseudotuberculose). Les espèces bactériennes isolées sont Yersinia enterocolitica (huit cas) et Yersinia frederiksenii (deux cas). Ces bactéries sont généralement responsables d’entérites mortelles (12).

e- Le rouget Le rouget est une maladie infectieuse due à une bactérie très répandue dans l’environnement, Erysipelothrix rhusiopathiae. Cette maladie est surtout connue chez le porc mais elle peut affecter un grand nombre d’espèces bactériennes. Le Chevreuil, comme les ruminants en général, est une espèce peu sensible à cette pathologie. La base SAGIR en répertorie trois cas mortels, dont deux avec isolement d’ Erysipelothrix rhusiopathiae. Erysipelothrix rhusiopathiae est très résistante dans le milieu extérieur. Elle peut survivre des mois dans le sol en présence d’humidité et d’une température basse. La contamination des animaux peut se faire par voie digestive ou par des plaies cutanées. Le rouget peut être transmis par des insectes (mouches, tiques, poux) (12). Les symptômes exacts ne sont pas connus chez le Chevreuil. Chez le mouton, Erysipelothrix rhusiopathiae provoque des arthrites mais peut aussi avoir une localisation pulmonaire. La mort des animaux peut être due à une évolution septicémique de la maladie ou à une association avec d’autres germes (9).

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f- Autres maladies bactériennes Les autres affections bactériennes diverses sont reprises dans le tableau 5, avec le germe responsable, lorsque celui-ci a pu être identifié. On peut noter la présence d’un cas mortel de tularémie à Francisella tularensis. Cette maladie est très fréquente et très grave chez le lièvre. Le Chevreuil est d’ordinaire résistant à cette bactérie et n’est donc pas atteint par la tularémie. On peut se demander si le Chevreuil déclaré mort de tularémie est bien mort de la tularémie ou bien s’il a succombé à une autre cause, ce Chevreuil étant juste porteur de Francisella tularensis qui a alors été une découverte fortuite de bactériologie. Le manque de commémoratifs ne permet pas de répondre à cette question. On peut également remarquer que le germe Streptococcus bovis est isolé à plusieurs reprises et dans des affections différentes mais à caractère pyogène. Ce streptocoque est un germe saprophyte, généralement peu pathogène mais qui peut le devenir quand un animal se retrouve affaibli (parasitisme important, maladies intercurrentes, rigueurs climatiques…). D’autres germes pyogènes sont aussi responsables d’affections graves : staphylocoques, Escherichia coli, Corynebacterium pyogenes. Des infections bactériennes polyspécifiques sont également fréquemment impliquées dans la mort de Chevreuils. Enfin, plusieurs Chevreuils ont souffert de kérato-conjonctivite. Parmi les germes isolés, on retrouve Staphylococcus aureus et Moraxella sp, bactéries couramment responsables de telles affections. Cette pathologie est peu mortelle par elle-même (saut s’il y a une évolution septicémique), mais elle aboutit à un déficit visuel des animaux malades. Ceux-ci éprouvent alors plus de difficultés à se déplacer, à se nourrir, à bien percevoir leur environnement, ce qui les expose à de nombreux dangers (chasse, capture par l’homme, prédation, traumatismes divers…). Remarque : l’étude de ROZO (50) met en avant d’autres agents pathogènes bactériens pouvant affecter le Chevreuil en France mais sans que ceux-ci ne soient impliqués dans la mortalité de cette espèce dans la base SAGIR. Il s’agit de sérologies positives vis-à-vis de différentes bactéries. Ces données ne renseignent pas sur l’action pathogène exercée par la bactérie sur les Chevreuils mais elles donnent une idée sur la fréquence d’infestation des petits cervidés sauvages. En outre, on peut penser que, même si elles n’engendrent pas de mortalité, ces bactéries peuvent affaiblir les animaux et les rendre plus sensibles à d’autres agents pathogènes.

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NOM DE L'AFFECTION ESPECE BACTERIENNE NOMBRE DE CAS Arthrite Staphylococcus aureus 1

Staphylococcus sciuri 1 Corynebacterium pyogenes 1

Congestion Corynebacterium pyogenes 1 Enterobacter sp 1 Enterococcus sp 1 Plusieurs bactéries 3

Diarrhée Corynebacterium pyogenes 1 Gangrène Non précisé 3 Hépatite Corynebacterium groupe F 1

Streptococcus bovis 2 Infection cardiaque Enterococcus casseliflavus 1

Streptococcus bovis 1 Infection digestive Campylobacter sp 1

Plusieurs bactéries 2 Streptococcus bovis 1 Streptocoque groupe D 1

Infection génitale Escherichia coli 1 Plusieurs bactéries 1

Kérato-conjonctivite Moraxella sp 1 Staphylococcus aureus 1 Bactérie indéterminée 1 Non précisé 10

Mycobactéries Mycobacterium aviaire 1 Néphrite Plusieurs bactéries 1

Péricardite Escherichia coli

hémolytique 1 Péritonite Escherichia coli 1

Plusieurs bactéries 1 Plegmon Non précisé 2

Surinfection Non précisé 4 Plusieurs bactéries 2 Streptococcus bovis 1

Streptococcose Streptococcus bovis 2 Toxi-infection Clostridium perfringens 1

anaérobie Non précisé 1 Tularémie Francisella tularensis 1

Tableau 5 : Maladies bactériennes diverses : espèces bactériennes isolées et syndromes associés (données SAGIR de 1986 à 2003)

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Parmi les bactérioses ayant donné lieu à des sérologies positives, on peut citer :

les leptospiroses (49/330 soit 14,8%) : maladies dues à des spirochètes (bactéries spiralées) se traduisant par une atteinte du foie, des reins, par de l’ictère, des avortements et parfois de l’encéphalite. Le Chevreuil ne semble pas sensible à cette maladie.

la dermatophilose (56/500 soit 11,2%) : maladie due à une bactérie filamenteuse, Dermatophilus congolensis, responsable d’une dermatite infectieuse avec formation de papules coalescentes sur une surface plus ou moins grande du corps.

Chez les bovins, la maladie guérit spontanément dans la plupart des cas. Sur des sujets débilités, la maladie peut évoluer vers la mort en quelques semaines voire en quelques jours dans les cas les plus graves (21). Chez les ovins, cette bactérie provoque une dermatite exsudative atteignant surtout la peau des oreilles, la face des jeunes ainsi que le dos et le flanc des adultes. Seuls les très jeunes animaux peuvent présenter une mortalité (9). Le Chevreuil peut donc contracter cette bactérie mais on ne connaît pas les conséquences cliniques de cette contamination dans cette espèce.

la Fièvre Q (17/695 soit 2,4%) : pathologie due à une rickettsie, Coxiella burnetti, couramment rencontrée dans les cheptels de ruminants domestiques en France. Les manifestations cliniques restent à établir chez le Chevreuil. Chez les bovins, la fièvre Q se manifeste principalement par des avortements en fin de gestation, des troubles de la reproduction (métrites, infertilité) et parfois des pneumopathies d’été (49). La transmission se fait essentiellement par voie aérienne, par inhalation d’aérosols contenant des particules infectantes. Dans la faune sauvage, il faut ajouter à ce mode de transmission la contamination par les tiques (48). Le Chevreuil semble peu sensible à cette rickettsiose mais on peut penser que les symptômes observés chez les bovins peuvent exister chez les cervidés sauvages.

la chlamydiose (11/702 soit 1,5%) : rickettsiose due à des bactéries du genre Chlamydia. La chlamydiose est principalement responsable d’avortements tardifs chez les petits ruminants domestiques (ovins surtout). Elle peut aussi provoquer des pneumonies, des polyarthrites, des péricardites et des kérato-conjonctivites (9). Dans la base SAGIR, cette bactérie a d’ailleurs été isolée en quantité importante à deux reprises sur des yeux de Chevreuils mais sans que la mort de ces deux animaux soit liée à la présence de cette rickettsie. Des analyses sérologiques se sont révélées positives pour quatre autres Chevreuil mais avec des titres faibles. Le Chevreuil peut être atteint par la chlamydiose mais les cas restent rares et les signes cliniques sont peu connus dans cette espèce. (46)

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g- Bactérioses transmises par les tiques Les Chevreuils sont fréquemment porteurs de tiques et parfois dans des quantités importantes. Les tiques peuvent être vectrices de nombreux agents pathogènes bactériens, parasitaires voire viraux. Les trois maladies que nous allons évoquer dans ce chapitre ont été mises en évidence chez le Chevreuil à partir de sérologies positives mais les signes cliniques sont le plus souvent mal connus dans cette espèce.

g1- L’ehrlichiose (24) (25) L’ehrlichiose est une pathologie due à une bactérie intracellulaire stricte, appartenant au groupe des rickettsies : Anaplasma phagocytophilum. Cette rickettsiose qui atteint de nombreuses espèces animales dont l’homme donne lieu actuellement à de nombreuses recherches en France, en particulier chez les ruminants domestiques. En effet, la découverte de l’agent responsable de l’ehrlichiose bovine dans les cheptels bovins français est récente. Le premier cas a été identifié en 1991 en Bretagne et le deuxième en 1998, également en Bretagne. Depuis, de nombreux autres foyers ont été répertoriés dans les élevages français avec une majorité dans les départements bretons. Dans cette série de recherches, un volet a été consacré à la faune sauvage et en particulier au Chevreuil, avec d’une part l’analyse de sérums en vue de rechercher des anticorps dirigés contre Anaplasma phagocytophilum et d’autre part la réalisation de tests PCR sur des rates de Chevreuils pour isoler l’ADN de la bactérie. Sur 85 sérums de Chevreuils prélevés de novembre 2002 à février 2003 en Bretagne, 63 ont donné un résultat positif soit 74,12% des animaux. Cette forte séropositivité est confirmée par les résultats des investigations réalisées de 1999 à 2001 dans le cadre de la validation de techniques de diagnostic : 167 des 221 animaux testés par sérologie sont porteurs d’IgG anti-Anaplasma phagocytophilum, soit 75,6% des animaux. Le sang de ces animaux provenait principalement de Bretagne mais également des Deux-Sèvres et de la Marne. Ainsi, 75% des Chevreuils de ces études ont été contaminés par cette bactérie. Ce chiffre est très vraisemblablement identique pour le reste de la population de Chevreuils de Bretagne mais aussi hors zone d’étude. Une étude réalisée en Suisse par LIZ sur des Chevreuils récoltés au cours de la saison de chasse 1988-1989 donne des chiffres un peu plus faibles mais encore élevés : 81 Chevreuils sur les 133 testés sont séropositifs soit 60,9% des animaux. Les analyses sérologiques ont été complétées par des tests PCR afin de mettre en évidence l’ADN d’Anaplasma phagocytophilum. Dans l’enquête réalisée en Bretagne de novembre 2002 à février 2003, parmi les 85 Chevreuils étudiés, un test PCR a été effectué sur 53 rates. 20 résultats sont ressortis positifs soit 37,7% des Chevreuils de l’étude sont porteurs d’ADN d’Anaplasma phagocytophilum dans leur rate. Dans son étude sur les Chevreuils suisses, LIZ a réalisé un test PCR sur 103 sérums et a trouvé 18,4% de prélèvements positifs.

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Ces chiffres montrent que le Chevreuil est une cible privilégiée pour Anaplasma phagocytophilum. En effet, 75% des animaux de l’étude française et probablement 75% des Chevreuils français sont porteurs d’anticorps IgG dirigés contre cet agent pathogène et ont donc été contaminés par celui-ci. Toutefois, de nombreuses questions sur la sensibilité du Chevreuil et le rôle d’hôte et de réservoir de ce petit cervidé pour l’agent de l’ehrlichiose restent sans réponse. On ne sait pas si le Chevreuil est un cul de sac épidémiologique pour Anaplasma phagocytophilum ou bien s’il constitue un réservoir actif de cette rickettsie. La faible positivité des PCR et l’absence d’isolement d’Anaplasma phagocytophilum chez des tiques prélevées dans la zone d’étude bretonne, y compris sur des animaux séropositifs, laisse penser que le Chevreuil est un réservoir incompétent pour cette rickettsie. Toutefois, il a été mis en évidence que le mouton et la chèvre sont à la fois hôte et réservoir du germe et qu’ils peuvent exercer un portage chronique et rester infectants de quelques mois à deux ans. L’étude bretonne a également mis en avant que ce sont les Chevreuils adultes qui sont principalement touchés. Cette constatation est liée au mode de transmission de l’ehrlichiose et au caractère saisonnier de son incidence. En effet, les tiques (Ixodes ricinus en France) sont les principaux vecteurs d’Anaplasma phagocytophilum pour les ruminants dans l’hexagone. De plus, dans un troupeau bovin, la maladie apparaît au cours d’un premier pic d’incidence printanière important, de mars à juin, puis au cours d’un second pic automnal, centré sur fin septembre. Les Chevreuils naissant en mai, on peut penser que les jeunes de l’année ne pourront être contaminés qu’essentiellement à l’automne, ce qui explique la plus atteinte par rapport aux adultes qui peuvent contracter la maladie aux deux périodes critiques. Toutefois, la très faible taille de l’échantillon ne permet pas de conclusion. L’aspect clinique de l’ehrlichiose sur le Chevreuil reste à déterminer. A l’heure actuelle, aucun Chevreuil présentant des signes cliniques de cette rickettsiose n’a été répertorié en France. Chez les bovins, cette pathologie peut se manifester par différents symptômes qui ne sont pas toujours présents :

agalaxie chez les races laitières forte hyperthermie, anorexie pneumopathies d’été avec toux, dyspnée et essoufflement oedèmes des parties déclives et distales des membres (« maladie des

gros paturons ») s’accompagnant de troubles de la locomotion et de l’asthénie

troubles de la reproduction : avortements tardifs, mortalités embryonnaires et néonatales.

L’ehrlichiose peut également s’accompagner de nombreuses complications, avec le développement de pathologies associées et intercurrentes (abcès, fièvre Q, mammites, infections respiratoires à Pasteurella multocida ou à virus syncitial…).

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On ne sait pas si le Chevreuil peut développer certains de ces symptômes. Toutefois, Anaplasma phagocytophilum, de par son action sur la lignée sanguine blanche, induit une leucopénie importante. Il en résulte une immunodépression des animaux qui présentent alors une sensibilité accrue vis-à-vis d’autres agents pathogènes bactériens, parasitaires ou viraux. Compte tenu de la forte séroprévalence de l’ehrlichiose chez le Chevreuil, l’hypothèse de l’implication de cette bactérie dans certains syndromes pathologiques affectant cette espèce a été émise. C’est le cas en particulier pour le phénomène de « Mortalité Anormale de Chevreuils » (« MAC ») qui a sévi en France à partir de 1997 (chapitre II-C-3-c de la première partie). En effet, l’absence d’identification d’un agent pathogène unique et commun responsable de cette mortalité massive laisse penser que d’autres facteurs favorisants sont intervenus. Parmi ces facteurs, l’action immunodépressive de l’ehrlichiose laisse penser que cette pathologie a pu contribuer à ce phénomène de « MAC », sans toutefois expliquer toutes les situations de cette mortalité massive. De plus, la constatation in natura de troubles de la reproduction chez le Chevreuil renforce l’hypothèse que cette rickettsiose exerce une action pathogène sur ce cervidé. Il a été observé un nombre croissant de jeunes chevrillards en octobre-novembre alors que de tels animaux ne devraient s’observer qu’en juin-juillet. Toutes ces constatations sont en faveur d’un rôle actif du Chevreuil comme hôte d’Anaplasma phagocytophilum. Toutefois, il ne s’agit que d’hypothèses et ces phénomènes pathologiques sont peut être dus à d’autres agents pathogènes. Le Chevreuil ne constitue peut être qu’un cul de sac épidémiologique pour l’ehrlichiose. Des études supplémentaires sont nécessaires pour déterminer si l’ehrlichiose, compte tenu de sa forte séroprévalence chez le Chevreuil, est une pathologie majeure de cette espèce.

g2- La maladie de Lyme La borréliose de Lyme est une maladie systémique infectieuse occasionnée par un spirochète, Borrelia burgdorferi. Cette maladie, qui peut affecter l’homme, est aussi connue chez plusieurs espèces animales domestiques (chien surtout, chat, cheval et bovin) (32). Le principal mode de transmission de cette bactérie spiralée est indirect, avec comme vecteur les tiques (Ixodes ricinus en Europe) (32). Le Chevreuil peut également être atteint par cette bactérie mais la littérature le qualifie de réservoir incompétent c’est-à-dire qu’il est un cul de sac épidémiologique pour Borrelia burgdorferi (25). Aucun cas clinique de borréliose de Lyme n’a été décrit en France à ce jour sur le Chevreuil.

g3- Les bartonelloses (31) Les bartonelloses sont des maladies infectieuses dues à des bactéries hémotropes du genre Bartonella. Cette pathologie est une zoonose et elle est également connue chez diverses espèces animales : chat surtout mais aussi le chien, les ruminants et les petits rongeurs.

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Il existe différentes espèces de bartonelles pathogènes. Le Chevreuil peut être atteint par Bartonella schoenbuchensis et par Bartonella capreoli. Les bartonelloses présentent différents modes de transmission. Pour le Chevreuil, il semble que les tiques (Ixodes ricinus) constituent le principal vecteur de cette maladie. Une étude menée sur des Chevreuils hollandais a montré que 70% des tiques (Ixodes ricinus) prélevées sur ces animaux contenaient de l’ADN de bartonelles. A l’heure actuelle, le pouvoir pathogène des bartonelles sur le Chevreuil est encore à préciser, de même que le rôle de réservoir joué par ce petit ruminant sauvage pour ces bactéries. Les manifestations cliniques de l’infection semblent très limitées dans les espèces réservoirs, mais cela reste à vérifier. Chez les espèces sensibles, les bartonelloses se caractérisent par une bactériémie au long cours (épisodes d’hyperthermie, abattement, lymphadénopathies, troubles neurologiques parfois). La sensibilité du Chevreuil vis-à-vis de cette arbo-bactériose reste à démontrer, mais on peut penser que cette maladie peut contribuer à affaiblir ou à renforcer l’affaiblissement d’animaux déjà débilités, et à les rendre plus vulnérables face à d’autres maladies.

B- Maladies virales 1- La rage

La rage est une maladie infectieuse due à un rhabdovirus neurotrope. Ce virus a en effet un tropisme particulier pour le tissu nerveux mais aussi pour les cellules des glandes salivaires. Le Chevreuil est une espèce sensible à la rage et est assez souvent atteint par celle-ci dans les zones où cette pathologie sévit. En France, le Chevreuil est la troisième espèce sauvage touchée par la rage, après le renard et le blaireau : 329 cas ont été recensés entre mars 1968 et aujourd’hui (39). Il s’agit toutefois d’une maladie à caractère historique puisque le dernier cas de rage du Chevreuil remonte à la fin de l’année 1992 (donnée SAGIR). Les Chevreuils contractent le virus rabique à la suite de morsures par des animaux enragés. En raison de la posture que les Chevreuils adoptent pour se défendre quand ils sont attaqués par un animal enragé, la morsure se situe souvent à la tête. A cause des démangeaisons survenant au lieu de l’infection, les cervidés se frottent la tête et peuvent se faire des plaies très profondes de grattage (12). Les cervidés présentent une forme paralytique et une forme furieuse de la rage (12). Dans la première forme, les symptômes sont dominés par des troubles de la locomotion évoluant progressivement vers la paralysie. Des troubles de la déglutition sont aussi observés : l’animal salive, émet des plaintes prolongées et sa voix est altérée. La mort survient par paralysie des muscles respiratoires (39). La forme furieuse de la rage se caractérise surtout par d’importantes modifications comportementales des Chevreuils. Ceux-ci perdent tout sentiment de crainte, ils se laissent approcher de très près et fréquentent les abords des habitations. Au paroxysme de cette forme furieuse, les animaux présentent des périodes de folie au cours desquelles ils deviennent très agressifs. Ils font des charges contre des obstacles et heurtent

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violemment le crâne contre ceux-ci (arbres, poteaux). Il en résulte souvent des blessures sérieuses du front et des bois (12) (39). Dans les deux formes, la mort survient généralement en quelques jours.

2- Le BVD (Diarrhée Virale Bovine) Cette pathologie, spécifique des bovins, est une maladie infectieuse due à un pestivirus. Dans cette espèce, elle est associée à la maladie des muqueuses. Les ovins sont également atteints par une pestivirose appelée « Border Disease » (= Maladie des Frontières), apparentée à la maladie connue chez les bovins. Le BVD est très répandu dans les élevages bovins français avec parfois des conséquences sanitaires et économiques graves. Le Chevreuil peut lui aussi être atteint par cette pestivirose, comme en témoignent les deux cas mortels du réseau SAGIR. De plus, d’autres Chevreuils, sur lesquels cette maladie a été recherchée (par antigénémie ou sérologie), se sont avérés porteurs du virus du BVD. Toutefois, le nombre d’analyses positives reste faible par rapport au nombre total de recherches de ce virus. Dans la base SAGIR, sur 202 Chevreuils pour lesquels une recherche BVD a été faite, seules les analyses de neuf animaux sont positives, avec des taux faibles pour la plupart d’entre eux. Les résultats fournis par ROZO (50) corroborent ceux du réseau SAGIR : sur 615 sérologies, seules cinq analyses ont donné un résultat positif soit 0,8% des animaux. L’âge et l’état corporel des Chevreuils porteurs du virus du BVD sont très variables. Compte tenu de ces chiffres, le Chevreuil semble être une espèce peu sensible à cette pestivirose. Néanmoins, elle est peut être sous-diagnostiquée et donne lieu actuellement à plusieurs études. Cette pathologie est largement répandue en France chez les ruminants domestiques. Entre 50 et 60% des bovins français sont séropositifs (8), c’est-à-dire que ces animaux ont été en contact depuis plus ou moins longtemps avec le virus. Cette forte prévalence dans les cheptels bovins français et la large répartition du Chevreuil sur le territoire métropolitain font que les possibilités de contamination des Chevreuils sont assez élevées. La contamination des animaux sains s’effectue surtout par l’ingestion ou l’inhalation de matières virulentes, mais aussi in-utero ou lors de la saillie. Les matières virulentes sont très variées : jetage, larmes, salive, urine, lait, sécrétions utérines, sperme, liquide amniotique. Les fèces sont contaminantes lors de la maladie clinique. La transmission se fait le plus souvent par contact étroit (« museau à museau ») avec un animal excréteur du virus (8). Les signes cliniques sont très variés selon le type d’animal touché (8). Sur des femelles gravides non immunisées en début de gestation (moins de quatre mois chez les bovins), on peut observer de la mortalité embryonnaire, des avortements, de la mortinatalité et de la momification.

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Si ces femelles mettent bas des jeunes viables, ceux-ci sont immunotolérants, c’est-à-dire qu’ils ne reconnaissent pas le virus du BVD comme étranger et ils sont donc incapables de se défendre contre lui. Ces jeunes sont également infectés permanents et virémiques et ils favorisent la persistance de l’infection. Certains de ces animaux immunotolérants vont rapidement développer la forme fatale de la maladie des muqueuses (entre six et 24 mois chez les jeunes bovins). Ils présentent une hyperthermie marquée, une anorexie, du ptyalisme puis une diarrhée profuse et nauséabonde émise sans effort expulsif et qui va souiller le train arrière des animaux. Cette diarrhée peut être séreuse ou muqueuse selon les cas et elle peut contenir du sang, des débris nécrotiques et de la fibrine. La cavité buccale est atteinte de lésions caractéristiques : érosions et ulcères sur la langue, le palais, le sillon gingival et les gencives. Divers épithéliums peuvent être touchés : muqueuses nasales, mufle, espaces interdigités, couronne (provoquant des boiteries importantes). L’aggravation de la diarrhée entraîne une déshydratatuion intense des animaux qui deviennent apathiques et qui finissent par mourir au bout de quelques jours (cinq à sept jours en moyenne chez les bovins). Certains animaux immunotolérants vont développer une forme chronique de cette maladie : diarrhée intermittente, lésions épithéliales discrètes. La mort survient en général après plusieurs semaines ou plusieurs mois. Enfin, certains de ces animaux infectés permanents restent chétifs et peuvent succomber à une autre pathologie suite à l’immunodépression provoquée par le virus du BVD. L’atteinte de femelles non immunisées en milieu de gestation peut donner naissances à des jeunes présentant des anomalies congénitales du système nerveux et des yeux (microphtalmie), incompatibles avec la survie d’animaux sauvages. L’atteinte de femelles dans le dernier tiers de la gestation n’engendre en général aucun problème, ni pour la mère ni pour le fœtus. Le cycle de reproduction de la femelle du Chevreuil, avec une diapause embryonnaire de plusieurs mois, est particulier. Les conséquences d’une infection par le virus du BVD d’une femelle gestante non immunisée décrites ci-dessus sont celles observées chez les bovins, c’est-à-dire une espèce avec un cycle de reproduction à déroulement continu et régulier, sans arrêt temporaire du développement fœtal. On peut penser que le virus du BVD est capable de traverser la barrière placentaire chez la chevrette gravide comme il le fait chez les bovins. Par contre, on peut se demander si les conséquences sont les mêmes et à quelles périodes du cycle le virus se montre pathogène pour le fœtus. En particulier, le virus est-il pathogène au moment de la diapause embryonnaire ? Les connaissances actuelles ne permettent pas de le dire. Le virus du BVD peut aussi affecter des animaux sains après leur naissance. Ces infections sont en général asymptomatiques mais il est parfois possible d’observer une légère hyperthermie, une anorexie, une diarrhée, un coryza et des ulcérations de la cavité buccale. Ces affections asymptomatiques sont généralement non mortelles mais elles s’accompagnent souvent d’une immunodépression qui affaiblit les animaux atteints.

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Ceux-ci deviennent alors plus sensibles aux autres agents pathogènes (bactéries, virus, parasites). Cette association plurispécifique peut causer la mort des animaux les plus débilités. Les très jeunes animaux sont en particulier très fragiles à cette forme de l’infection. Le syndrome « BVD - Maladie des Muqueuses » existe sous différentes formes cliniques, de gravité plus ou moins importante. A l’heure actuelle, les cas répertoriés chez le Chevreuil restent peu nombreux (deux cas mortels dans la base SAGIR), mais la multiplication des recherches dans cette espèce pourrait modifier ces résultats.

3- Autres maladies virales Les maladies que nous allons citer dans ce chapitre ont été mises en évidence chez des Chevreuils à partir de sérologies effectuées dans différentes enquêtes en France (50). Par contre, ces viroses n’ont pas donné lieu à des manifestations cliniques répertoriées en France. Les prévalences sont variables d’une affection à l’autre :

adénovirus : 40/680 (5,8%) rotavirus : 11/26 (42,3%) Herpès bovin de type I : 7/743 (0,9%) Herpès bovin de type II : 3/381 (0,7%) Herpès bovin de type VI : 2/387 (0,5%) Grippes : 6/330 (1,8%) leucose bovine : 1/742 (0,1%) Parainflenza III: 18/680 (2,6%) Red deer HV: 2/387 (0,5%) Rein deer HV: 1/386 (0,2%).

C- Autres maladies potentielles Il s’agit de maladies qui n’ont jamais été observées en France ou bien de maladies à caractère « historique » c’est-à-dire des affections qui ont sévi en France il y a de nombreuses années.

1- La fièvre aphteuse Cette maladie, due à un picornavirus, affecte les espèces animales à onglons, essentiellement les artiodactyles : ruminants domestiques et sauvages, suidés. Cette maladie virale, très contagieuse, est rare chez le Chevreuil. En effet, les cervidés sauvages vivant en liberté sont beaucoup plus résistants que les ruminants domestiques à cette affection (39). On n’a jamais constaté dans la faune sauvage l’apparition de grandes épizooties comme celles constatées chez les animaux domestiques. Quelques rares cas ont été décrits chez le Chevreuil en Europe (56). La transmission aux cervidés sauvages peut se faire à partir des ruminants domestiques, le plus souvent de façon indirecte (aliments, chiens errants par exemple). Les symptômes sont causés par la présence d’aphtes (petites vésicules remplies d’eau) sur la muqueuse buccale, les lèvres, les mamelles, l’espace interdigité et la couronne. Ces lésions entraînent généralement de la salivation, une perte d’appétit (la prise d’aliments étant devenue douloureuse) et des boiteries (39).

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L’évolution de la fièvre aphteuse est en général favorable chez le Chevreuil, avec guérison des animaux au bout d’une à deux semaines, sauf en cas de complications cardiaques. En effet, les lésions du muscle cardiaque aboutissent à la mort de l’animal (12). La fièvre aphteuse peut atteindre le Chevreuil mais les cas sont rares et bénins la plupart du temps. De plus, l’éradication de cette maladie dans les cheptels français la relaie au rang de pathologie à caractère « historique ».

2- La brucellose La brucellose est une maladie bactérienne commune à l’homme et à de nombreuses espèces d’animaux domestiques et sauvages. Compte tenu de l’importance et de la forte contagiosité de la brucellose chez les ruminants domestiques et de son caractère de zoonose, la brucellose a fait l’objet d’un suivi sanitaire intense des cheptels domestiques français. Une surveillance sanitaire de la faune sauvage a également été effectuée. Cette maladie est très rare chez le Chevreuil. Cette espèce semble très résistante aux bactéries du genre Brucella (Brucella abortus, Brucella melitensis et Brucella suis sont les trois espèces essentiellement responsables de maladies chez les animaux sauvages) (39). En France, la brucellose n’a jamais été mise en évidence chez le Chevreuil. Dans la base SAGIR, des analyses sérologiques ont été effectuées sur 231 Chevreuils depuis 1986. Tous les animaux testés se sont révélés séronégatifs pour la brucellose. Dans son étude, ROZO (50) relève une sérologie positive sur 879 analyses soit 0,1% des animaux. Les Chevreuils français ne sont donc pas atteints par la brucellose mais la littérature fait état de quelques rares cas en Europe se traduisant par des avortements, des orchites et des arthrites (56). L’isolement de Brucella abortus sur des Chevreuils de Sibérie montre que cette espèce de cervidé peut contracter la brucellose (56). La faible sensibilité du Chevreuil pour la brucellose et la quasi-éradication de cette maladie dans les cheptels domestiques français font que les Chevreuils ont actuellement très peu de risques de contracter cette maladie en France.

3- Le charbon bactéridien Cette maladie bactérienne, qui touche tous les ongulés, n’a jamais été signalée chez le Chevreuil en France (39). Cette pathologie a cependant été à l’origine d’importantes épizooties en Europe de l’Est avec des pertes massives dans les populations de Chevreuils (56). Cette maladie est due à Bacillus anthracis, bactérie qui forme des spores très résistantes puisqu’elles peuvent survivre plusieurs années dans la terre.

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Il s’agit d’une maladie tellurique sévissant sous forme d’épizooties très localisées. Certains pâturages sont qualifiés pour ce fait de « champs maudits » (39). La contamination se fait principalement par ingestion de spores présentes dans des aliments souillés par les sécrétions des animaux malades. Les animaux peuvent également se contaminer par inhalation de spores ou pénétration de celles-ci au niveau de plaies (39). Les symptômes apparaissent une à deux semaines après la contamination et se manifestent par de la fièvre avec soif intense, une météorisation, des excréments et de l’urine hémorragiques. La mort survient en un à trois jours, le malade s’effondrant brutalement et mourrant en quelques heures (12). Le tableau lésionnel observé à l’autopsie est caractéristique : hémorragies abdominales et sous-cutanées, rate hypertrophiée, noire et friable, ganglions lymphatiques hypertrophiés et hémorragiques, sang noir ne coagulant pas (39). Le charbon bactéridien n’a jamais été mis en évidence sur le Chevreuil en France. Cette espèce est néanmoins sensible à cette pathologie et peut potentiellement la contracter. Grâce à la surveillance sanitaire des cheptels de ruminants domestiques, cette affection s’est raréfiée en France et le Chevreuil a donc peu de risque de l’attraper.

4- La maladie du dépérissement chronique des cervidés (38) La maladie du dépérissement chronique (MDC) des Cervidés appartient à la famille des encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles (ESST). Cette famille de maladies a beaucoup fait parler d’elle ces dernières années avec la maladie de Creutzfeldt-Jacob chez l’homme, l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) chez les bovins et la tremblante chez les ovins. Compte tenu du contexte actuel et du regain d’intérêt pour les ESST, nous allons présenter brièvement cette pathologie. La MDC est une maladie spécifique des cervidés qui sévit uniquement en Amérique du Nord. A l’heure actuelle, cette pathologie nerveuse n’a jamais été signalée sur des cervidés européens et en particulier français. Sur les cinq espèces de cervidés présentes en Amérique du Nord, la MDC est connue chez trois espèces : le cerf mulet, le cerf de Virginie et le Wapiti. Par contre, elle n’a jamais été décrite chez les deux autres espèces de cervidés nord-américains : l’élan et le caribou. Les trois espèces sensibles sont absentes de France mais le Chevreuil est l’équivalent européen du cerf de Virginie et du cerf mulet. Cette proche parenté pose la question de la sensibilité du Chevreuil européen vis-à-vis de cette ESST. D’autre part, des importations de certains cervidés nord-américains ont eu lieu en Europe dans le courant du vingtième siècle : importations de wapitis lors du démarrage des élevages de cerfs pour grandir les formats, introductions du cerf de Virginie en Finlande, en République Tchèque et en Yougoslavie. On peut se demander si la présence de cervidés provenant d’Amérique du Nord et sensibles à la MDC, n’a pas introduit l’agent responsable de cette ESST en Europe. La mise en évidence

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d’un cas de MDC en Corée du Sud sur un wapiti originaire du Canada montre que cette affection nerveuse peut s’exporter. Cette maladie est due à une souche particulière de prion, qui serait la même pour les trois espèces de cervidés affectés. Son origine est inconnue. La maladie apparaît sur des animaux de 15 mois et plus, et évolue en moyenne sur quelques semaines à quelques mois. Les signes cliniques associent un amaigrissement progressif, des comportements stéréotypés, une hyperesthésie, une salivation excessive, une émaciation, une ataxie et une cachexie finale. Cette maladie se transmet directement d’animal malade à animal sain, le plus souvent par voie orale. Cette transmission peut se faire aussi bien entre animaux de la même espèce qu’entre individus d’espèces différentes. Ce mode de transmission laisse craindre une propagation de cette ESST en Europe si les cervidés nord-américains introduits au cours du vingtième siècle sont porteurs du prion et si des espèces européennes sont sensibles. Toutefois, la mise en contact de cerfs malades avec d’autres ruminants sauvages et domestiques d’Amérique du Nord (bovins, ovins, caprins, élans, antilopes américaines, chèvres des montagnes) n’a pas abouti à la contamination de ces derniers. Une barrière d’espèce semble donc exister pour cette maladie nerveuse. On ne sait pas si cette barrière s’applique pour le Chevreuil, cette espèce étant très proche phylogénétiquement du cerf mulet et du cerf de Virginie, deux espèces atteintes par la MDC. La MDC des cervidés n’a pour l’instant jamais été signalée chez des Chevreuils européens. Toutefois, l’introduction d’espèces potentiellement porteuses du prion et les risques hypothétiques de contamination pour le Chevreuil laissent craindre un développement de cette ESST dans certaines populations de cervidés européens.

III- MORTALITE DUE AUX PATHOLOGIES PARASITAIRES

Le Chevreuil est une espèce fortement exposée au parasitisme. Plusieurs études s’intéressant à l’atteinte parasitaire du Chevreuil ont montré que la quasi-totalité voire le plus souvent la totalité des individus soumis aux analyses parasitologiques étaient parasités (11) (18) (19) (27). Les espèces de parasites atteignant le Chevreuil sont nombreuses. Toutefois, les parasitoses qui en découlent n’ont ni la même fréquence ni le même pouvoir pathogène. Certains parasites causent régulièrement des mortalités importantes chez le Chevreuil (cas des nématodes digestifs et pulmonaires, des oestres et parfois des varons), alors que d’autres sont très rarement rencontrés ou alors bien supportés par celui-ci. La figure 12 montre l’importance de ces parasites parmi toutes les parasitoses ayant entraîné de la mortalité chez le Chevreuil dans la base SAGIR.

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De manière générale, les parasitoses par elle-même sont rarement mortelles sauf en cas de contamination massive avec association de plusieurs espèces de parasites. Par contre, elles contribuent à affaiblir l’animal qui devient plus sensible aux infections bactériennes. Ces surinfections peuvent être suffisamment graves pour provoquer la mort des individus les plus affaiblis. Cette association constitue une des principales causes de mortalité chez le Chevreuil.

A- Principaux parasites pathogènes du Chevreuil Il s’agit des parasites qui sont fréquemment isolés chez le Chevreuil et qui peuvent causer des troubles majeurs lors d’infestation massive. La première catégorie de parasites pouvant provoquer d’importantes pertes parmi les populations de Chevreuils est représentée par les Nématodes digestifs et respiratoires. Ces helminthoses sont également regroupées sous l’appellation de strongyloses digestives et pulmonaires. Les formes larvaires de certains insectes peuvent aussi induire une mortalité chez le Chevreuil. Il s’agit de l’oestrose et de l’hypodermose.

1- Parasitoses dues aux Nématodes

a- Caractères généraux des nématodes (10) Les Nématodes sont des vers cylindriques, non segmentés, appartenant au groupe des Helminthes. Leurs dimensions sont variables : de quelques millimètres à plusieurs dizaines de centimètres. Les sexes sont séparés, avec en général, une femelle plus volumineuse que le mâle. Les Nématodes rencontrés chez le Chevreuil sont principalement des parasites du tube digestif, mais quelques espèces se localisent à l’appareil respiratoire.

b- Infestation par les nématodes digestifs La figure 18 présente les différentes espèces de parasites digestifs responsables de mortalité de Chevreuil dans la base SAGIR. Rappelons que les parasites digestifs sont impliqués dans 35% des cas de décès de Chevreuils par parasitisme. Sur les 173 animaux décédés de parasitisme digestif, la nature du parasite a été établie pour 77 Chevreuils. Les strongles digestifs représentent un peu plus de deux tiers des cas avec 52 Chevreuils morts suite à l’infestation par ces parasites. Ces chiffres confirment l’importance des nématodes digestifs dans le parasitisme digestif ayant un rôle pathogène pour les Chevreuils.

b1- Cycle évolutif des Strongles digestifs du Chevreuil (10) (40) Le cycle évolutif des strongles gastro-intestinaux rencontrés chez le Chevreuil est très voisin pour les différentes espèces.

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Il s’agit d’un cycle homoxène avec d’une part un développement endogène dans l’hôte définitif et d’autre part un développement exogène dans le milieu extérieur.

Figure 27 : Schéma général du cycle évolutif des Nématodes gastro-intestinaux chez le Chevreuil (10)

L’accouplement entre mâles et femelles a lieu dans une portion du tube digestif, spécifique pour chaque espèce de strongles. La femelle pond des œufs qui sont émis dans le milieu extérieur par le biais des fécès. Si les conditions du milieu extérieur sont favorables, les œufs éclosent pour donner une larve L1 qui se transforme en larve L2 puis en larve L3. Cette dernière constitue la forme infestante qui sera ingérée par un Chevreuil. Cette larve L3 se métamorphose ensuite en larve L4 puis en pré-adulte et enfin en adulte mature dans le tube digestif du Chevreuil. Les larves L1, L2 et L3 sont toutes libres dans le milieu extérieur où elles résistent bien si l’humidité est suffisante. Quand les conditions climatiques sont défavorables, certaines espèces développent un système de protection : l’hypobiose. Ce phénomène est déclenché, chez les jeunes animaux en

EMISSION PAR LES FECES

SOL

MILIEU EXTERIEUR

PREADULTE

ADULTE

OEUFS

OEUFS

L1L2

L3

L4

L3 INFESTANTE

CONTAMINATION PAR INGESTION

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particulier, par les basses températures subies auparavant par les L3 infestantes sur le sol pendant l’automne. Le développement larvaire s’arrête aussitôt après la mue L3-L4. Les larves L4 restent alors enkystées dans la muqueuse de l’intestin ou de la caillette pendant quatre à cinq mois. L’hypobiose se termine par une transformation massive en pré-adultes, suivie de leur retour simultané dans la lumière du tube digestif, avec possibilités de troubles graves. Ce phénomène contribue donc à assurer la survie de l’espèce face aux conditions défavorables de l’hiver des pays tempérés. Ce système de protection se rencontre par exemple chez des strongles des genres Ostertagia, Haemonchus, Cooperia… .

b2- Principaux strongles gastro-intestinaux rencontrés chez le Chevreuil (10) (18)

La figure 28 présente la systématique des principales espèces de strongles gastro-intestinaux isolés chez le Chevreuil. La figure 29 reprend la liste des principaux helminthes parasitant le Chevreuil en fonction de leur localisation dans l’hôte.

b3- Rôle pathogène des strongles gastro-intestinaux (18) Il est très difficile d’évaluer le rôle pathogène de chacune des espèces de strongles gastro-intestinaux. En faisant abstraction du contexte extérieur, l’apparition de troubles suite à une strongylose gastro-intestinale dépend en premier lieu de l’intensité d’infestation mais aussi de la pathogénicité du parasite.

α- Strongles de la caillette

Haemonchinés Haemonchus contortus

Ce sont des vers de 15 à 25 millimètres de long sur 0.5 millimètres de diamètre. Il s’agit d’un parasite hématophage que l’on rencontre également chez les ruminants domestiques (10). Sa forte pathogénicité provoque parfois d’importantes pertes économiques dans les cheptels. En France, sa prévalence chez le Chevreuil est très faible : KLEIN (1985) (27) : prévalence de 2,8% (1 Chevreuil sur 36) CLEVA (1990) (11) : absence

FERTE (1991) (18): prévalence de 3,8% (3 Chevreuils sur 81) FERTE et al (1999) (19) : prévalence de 3% (9 Chevreuils sur 294). D’autre part, la charge parasitaire engendrée par Haemonchus contortus reste faible voire même très faible dans les différentes études où ce parasite a été isolé (de un à quelques dizaines de vers par animal parasité).

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NEMATODES DU TUBE DIGESTIF CLASSE DES SECERNENTEA

Ordre des Strongylida

Super-famille des Trichostrongyloidea Famille des Trichostrongylidés

Sous-famille des Haemonchinés

Genre Haemonchus Haemonchus contortus

Genre Ashworthius Ashworthius sidemi Ashworthius gagarini

Sous-famille des Ostertagiinés

Genre Ostertagia Ostertagia leptospicularis

Genre Spiculopteragia

Spiculopteragia Spiculoptera Sous-famille des Trichostrongylinés

Genre Trichostrongylus Trichostrongylus axei

Sous-famille des Coopériinés

Genre Cooperia Cooperia pectinata Cooperia oncophora

Sous-famille des Nématodirinés

Genre Nematodirus Nematodirus europaeus

Super-famille des Strongyloidea

Famille des Strongylidés

Sous-famille des Oesophagostominés Genre Oesophagostomum

Oesophagostomum radiatum Oesophagostomum venulosum

Genre Chabertia Chabertia ovina

Famille des Ancylostomatidés

Sous-famille des Bunostominés Genre Bunostomum

Bunostomum trigonocephalum

Figure 28 : Nématodes du tube digestif du Chevreuil (d’après FERTE (18))

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NEMATODES DU TUBE DIGESTIF (suite) CLASSE DES ADENOPHOREA

Ordre des Trichinellida Famille des Trichuridés

Genre Trichuris Trichuris ovis Trichuris capreoli Trichuris skrjabini

Famille des Capillariidés

Genre Capillaria Capillaria bovis

Figure 28 (suite) : Nématodes du tube digestif du Chevreuil (d’après FERTE (18))

NEMATODES PULMONAIRES CLASSE DES SECERNENTEA

Ordre des Strongylida Super-famille des Trichostrongyloidea

Famille des Dictyocaulidés Genre Dictyocaulus

Dictyocaulus noerneri Super-famille des Metastrongyloidea

Famille des Protostrongylidés Genre Varestrongylus

Varestrongylus capreoli

Figure 30 : Nématodes du tractus respiratoire du Chevreuil (d’après FERTE (18))

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Haemonchus contortus, parasite polyspécifique, n’atteint le Chevreuil que très rarement en France et l’intensité d’infestation reste en général faible. On peut donc penser que dans ces conditions, Haemonchus contortus n’exerce qu’un impact assez faible sur l’état de santé du Chevreuil. Toutefois, il participe à l’affaiblissement de l’individu lors de polyparasitisme. En outre, compte tenu de la forte pathogénicité d’Haemonchus contortus chez le mouton, on peut penser que l’haemonchose massive peut provoquer des troubles graves chez les Chevreuils. Dans la base SAGIR, des parasites du genre Haemonchus sont responsables de la mort de 12 Chevreuils. L’un de ces animaux est décédé d’anémie, ce qui laisse supposer que l’action spoliatrice sanguine exercée par cette espèce parasitaire peut être grave au point de provoquer la mort de l’hôte.

Ashworthius sidemi et Ashworthius gagarini Ces deux vers, qui appartiennent également à la sous-famille des Haemonchinés, sont morphologiquement assez proches d’Haemonchus contortus. Ils mesurent de 20 à 50 millimètres de long et sont deux parasites hématophages de la caillette (10). Ashworthius gagarini est une forme juvénile d’Ashworthius sidemi (19). Contrairement à Haemonchus contortus, ces deux parasites sont spécifiques des Cervidés, ce qui explique leur plus grande prévalence chez le Chevreuil en France : CLEVA (1990) (11) : 37,5% (27 Chevreuils sur 72) FERTE (1991) (18) : 17,9% (7 Chevreuils sur 39 en Champagne) FERTE et al (1999) (19) : 22,1% (65 Chevreuils sur 294). Signalés en France pour la première fois sur des Chevreuils en 1986 par FERTE et LEGER (18), ces parasites du genre Ashworthius sont apparus en France suite à l’introduction de cerfs sika (Cervus nippon nippon) en provenance du Japon. Le cerf (Cervus elaphus) a été le premier contaminé et a servi de relais à l’infestation du Chevreuil. La charge parasitaire moyenne en Ashworthius des Chevreuils contaminés est beaucoup plus élevée que celle en Haemonchus contortus. FERTE (1991) (18) indique une infestation moyenne de 105 vers par animal parasité et CLEVA (1990) (11) de 391 vers. FERTE et al (1999) (19) a mis en évidence plus de 1500 vers sur quatre Chevreuils trouvés morts en Seine et Marne et dans l’Aube. Il reste difficile d’apprécier les effets néfastes du parasitisme par ces deux espèces d’Ashworthius sur le Chevreuil. Néanmoins, la découverte d’une infestation massive par ces deux vers hématophages sur des Chevreuils trouvés morts (18) laisse penser que leur pathogénicité est forte chez le Chevreuil ou du moins comparable à celle d’Haemonchus contortus chez le mouton. Les parasites du genre Ashworthius, de par leur prévalence chez le Chevreuil et leur pathogénicité, participent très activement à l’affaiblissement des animaux infestés voire peuvent conduire jusqu’à la mort lors d’infestation massive.

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Ostertagiinés

Ostertagia leptospicularis et Spiculopteragia spiculoptera Il s’agit de vers de 8 à 12 millimètres de long sur 60 à 80 micromètres de diamètre (10). Deux espèces principales, spécifiques des cervidés, parasitent le Chevreuil : Ostertagia leptospicularis et Spiculopteragia spiculoptera. Ces deux espèces d’Ostertagiinés sont des parasitent fréquents du Chevreuil comme en témoignent des prévalences de 100% observées dans plusieurs études (KLEIN (1985) (27), CLEVA (1990) (11), FERTE (1991) (18), ZEMMER (1993) (57)). Dans ces quatre mêmes études, les auteurs constatent des charges parasitaires moyennes élevées en Ostertagiinés (de 238 à 5607 vers par animal selon les études). Ces charges moyennes sont légèrement plus fortes que celles observées dans des études similaires réalisées dans d’autres pays européens (18). Une étude réalisée par RUBSAMEN (1983) en Allemagne (18) sur des Chevreuils trouvés morts signale des charges parasitaires équivalentes à celles trouvées en Alsace par FERTE (1991) (18). Par contre, il est difficile d’apprécier la pathogénicité de ces deux vers sur le Chevreuil. Si ces deux Ostertagiinés spécifiques des cervidés créent des lésions aussi graves que celles observées lors d’ostertagiose à Ostertagia ostertagi chez les bovins (gastrite importante avec parfois formation de nombreux nodules et / ou œdème généralisée de la paroi de la caillette), on peut penser que Ostertagia leptospicularis et Spiculopteragia spiculoptera exercent une action pathogène chez le Chevreuil. La base SAGIR dénombre sept Chevreuils décedés suite à une ostertagiose, avec pour l’un d’eux des lésions de gastrite importante. L’ostertagiose massive contribue à affaiblir les Chevreuils, les rendant plus vulnérables face à d’autres agents pathogènes et causant leur mort dans les cas extrêmes.

Trichostrongylinés

Trichostrongylus axei Il s’agit d’un petit ver hématophage de 3 à 8 millimètres de long sur 60 à 100 micromètres de diamètre, parasitant la muqueuse de la caillette des ruminants (10). Parasite cosmopolite des ruminants domestiques et sauvages, Trichostrongylus axei est retrouvé dans la plupart des études de l’helminthofaune du Chevreuil, avec une prévalence variable selon les auteurs (KLEIN (1985) (27): 2,8%, CLEVA (1990) (11): 40,3%, FERTE (1991) (18): 30,75% et 50% selon les secteurs). A quelques exceptions près, les infestations sont relativement modérées. On peut penser que Trichostrongylus axei a peu d’influence sur l’état de santé des Chevreuils sauf en cas de présence massive où il contribue à alourdir le poids du parasitisme et à affaiblir l’organisme de l’hôte. La base SAGIR ne répertorie qu’un décès de Chevreuil par un parasite du genre Trichostrongylus.

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β- Strongles de l’intestin grêle

Trichostrongylinés

Trichostrongylus capricola C’est l’espèce dominante des Trichostrongylus de l’intestin grêle du Chevreuil. Il est également bien répertorié dans les inventaires de l’helminthofaune du Chevreuil avec des fréquences variables mais plutôt élevées (KLEIN (1985) (27): 35,1%, CLEVA (1990) (11): 80,26%, FERTE (1991) (18) : entre 80 et 90% selon les secteurs). Par contre, Trichostrongylus capricola n’est en général pas présent en grande quantité chez le Chevreuil et n’engendre pas à lui seul de graves troubles de santé. Comme Trichostrongylus axei, il participe surtout à alourdir la charge parasitaire d’un individu. Dans les quelques cas d’infestation massive, on peut penser que Trichostrongylus capricola peut affaiblir ou rendre malade un individu.

Nématodirinés

Nematodirus europaeus Ver de 8 à 20 millimètres de long sur 150 à 250 micromètres de diamètre (10), Nematodirus europaeus apparaît comme spécifique du Chevreuil (18). Ce parasite est retrouvé dans la plupart des études sur le parasitisme du Chevreuil. L’action pathogène est principalement réalisée par les larves L4 localisées au niveau du duodénum (18) (39).

Bunostominés

Bunostomum trigonocephalum Ver hématophage de 10 à 30 millimètres de long, il se localise principalement dans la partie antérieure de l’intestin grêle (10). Cette espèce, qui parasite également les petits ruminants domestiques (ovins et caprins), n’est que très rarement signalée chez le Chevreuil. Il est absent des études de KLEIN (1985) (27), CLEVA (1990) (11) et FERTE (1991) (18) en Alsace. Seul FERTE (1991) (18) observe une prévalence de 15% dans son secteur « Champagne ». De par sa faible prévalence, Bunostomum trigonocephalum participe peu à la dégradation de l’état sanitaire des populations de Chevreuils. Par contre, à l’échelle individuelle, de par son action spoliatrice sanguine, il peut provoquer de graves troubles d’anémie et ainsi affaiblir voire tuer un animal très parasité.

Capillariidés

Capillaria bovis Ce sont des vers très longs et très fins, de 30 à 50 millimètres de long sur 50 micromètres de diamètre (10).

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Capillaria bovis est peu spécifique du Chevreuil. Il parasite principalement l’intestin grêle des bovins. C’est un parasite qui est isolé dans la plupart des études mais avec une prévalence et des taux d’infestation faibles. Comme chez les bovins, on peut penser que les capillarioses intestinales sont des parasitoses peu pathogènes, s’accompagnant de troubles discrets ou inapparents chez le Chevreuil.

Coopériinés

Cooperia pectinata et Cooperia oncophora Il s’agit de vers de 6 à 12 millimètres de long sur 80 à 120 micromètres de diamètre (10). Ce sont des parasites peu spécifiques du Chevreuil et qui sont isolés avec des fréquences et des charges parasitaires très faibles chez le Chevreuil.

γ- Strongles du caecum Les strongles du caecum n’entraînent que peu de troubles chez le Chevreuil.

Trichuridés

Trichuris sp Le Chevreuil est principalement parasité par trois espèces de trichures : Trichuris capreoli, Trichuris ovis et Trichuris skrjabini. Ce sont des vers de 4 à 7 centimètres de long avec une partie antérieure filiforme (100 micromètres de diamètre) et une partie postérieure plus large (1 millimètre de diamètre) (10). Les trichures sont des vers cosmopolites qui sont fréquemment rencontrés chez le Chevreuil, avec des charges parasitaires généralement modérées (18). Les trichures semblent peu pathogènes pour le Chevreuil sauf en cas d’infestation massive où ils participent à affaiblir les animaux. Ces parasites ne sont incriminés que pour la mort de deux Chevreuils de la base SAGIR.

Oesophagostominés

Oesophagostomum venulosum et Oesophagostomum radiatum Ce sont également des vers allongés, de 1.5 à 2 centimètres de long sur 300 à 600 micromètres de diamètre, qui parasitent le caecum (10). Il s’agit aussi de vers cosmopolites, fréquemment rencontrés chez le Chevreuil, avec des taux d’infestation modérés dans la majorité des cas (18). Là aussi, l’impact sur la santé du Chevreuil semble dépendre du nombre de parasites présents.

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δ- Strongles du colon

Oesophagostominés

Chabertia ovina Il s’agit de parasites hématophages du colon des ovins (10). Chabertia ovina est une espèce fréquemment isolée du Chevreuil mais il semble qu’il s’agisse d’une parasitose locale, contrairement aux genres Oesophagostomum et Trichuris, dont la répartition géographique est plus cosmopolite. Cela se vérifie par l’absence de Chabertia ovina en Bretagne (CLEVA, 1990) (11) et à Dourdan (FERTE, 1991) (18) alors que ce parasite est bien présent en Alsace (FERTE, 1991) (18) et dans les Vosges moyennes (KLEIN, 1985) (27). Les taux d’infestation sont variables d’un individu à l’autre mais FERTE (1991) (18) constate, lors d’infestation supérieure à 200 vers, une modification importante de la paroi du colon, avec épaississement et formation de polypes d’une longueur de 5 millimètres en moyenne. On peut donc penser que Chabertia ovina exerce un impact non négligeable sur l’état sanitaire des Chevreuils. Cet impact est renforcé dans le cas d’infestation massive et de polyparasitisme. Dans la base SAGIR, Chabertia ovina n’est impliqué que dans la mort d’un Chevreuil. Les strongles gastro-intestinaux ont un impact variable sur la santé des Chevreuils selon leur pathogénicité (en particulier s’ils sont hématophages), leur nombre et leur localisation. Ils provoquent en général des troubles peu importants sauf en cas de contamination massive. Certains parasites comme ceux de la caillette (Haemonchus contortus, Ashworthius sp, Ostertagia leptospicularis notamment), les Chabertia ou les Nematodirus semblent avoir un rôle pathogène direct qui peut expliquer l’apparition de symptômes même si l’infestation n’est pas très importante.

b4- Incidence du parasitisme gastro-intestinal sur l’état sanitaire et la condition physique du Chevreuil

Différentes études tentent d’établir une corrélation entre l’infestation parasitaire du Chevreuil et sa condition physique. C’est le cas en France des études de KLEIN (1985) (27) dans les Vosges moyennes et de CLEVA (1990) (11) en Bretagne. La condition physique d’un animal est son état physique momentané en relation avec son état de santé, son alimentation et son état physiologique. Elle varie en fonction des années et des saisons (27). Pour apprécier ce paramètre, les deux auteurs ont utilisé une méthode d’estimation visuelle des dépôts de graisse, à savoir la graisse mésentérique.

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KLEIN (27) remarque dans un premier temps qu’il existe un cycle annuel dans le dépôts des graisses. L’état d’engraissement varie en fonction des saisons et de l’activité des Chevreuils qui y correspond. En mettant de côté ce paramètre « saison », KLEIN (27) met en avant l’intervention du parasitisme dans la diminution de la condition physique. Il montre en effet que la condition physique des Chevreuils de son étude dans les Vosges est fonction d’une part du taux d’infestation parasitaire de l’abomasum et d’autre part de l’indice de pathogénicité parasitaire total. Remarque : cet indice de pathogénicité parasitaire est calculé en fonction du degré d’infestation de chaque genre ou espèce de strongles gastro-intestinaux présents. L’indice de pathogénicité total par animal est la somme des indices de pathogénicité des différentes espèces parasitaires isolées. Les dépôts de graisse mésentérique diminuent en même que cet indice de pathogénicité total augmente. Cette même évolution des graisses mésentériques est constatée avec l’augmentation de la population parasitaire de la caillette. CLEVA (11) réalise une corrélation se rapprochant de celle de KLEIN (27) mais il apporte une nuance. Dans son étude sur les Chevreuils de Bretagne, il constate que les strongles du tube digestif n’ont une influence sur la condition physique des Chevreuils que lorsqu’un certain seuil d’intensité d’infestation est atteint. En deçà de ce seuil, ce sont d’autres facteurs qui interviennent sur la condition physique (âge, froid, rut, allaitement…). De ces deux études, nous pouvons retenir qu’une forte infestation parasitaire par des strongles gastro-intestinaux contribue à diminuer la condition physique des Chevreuils. Il en résulte des animaux affaiblis, moins résistants et plus sensibles à d’autres affections. Les parasites de la caillette semblent par ailleurs parmi les plus pathogènes pour le Chevreuil. Cette constatation peut être mise en rapport avec le caractère hématophage de la plupart d’entre eux et l’action directe de certains sur les structures digestives.

b5- Tableau clinique des strongyloses gastro-intestinales chez le Chevreuil

La quasi-totalité des Chevreuils sont parasités mais seuls des individus déjà débilités ou à parasitisme important développent des symptômes. Les signes les plus fréquemment observés sont une dégradation de l’état général : amaigrissement, poil terne et piqué, apathie (40). Si l’infestation est à dominante de vers hématophages (Haemonchus, Ashworthius, Bunostomum, Chabertia), l’anémie s’ajoute à ce tableau clinique. La muqueuse digestive est alors parfois parsemée d’hémorragies punctiformes. Les parasites intestinaux ont une action spoliatrice et toxique. Ils provoquent des diarrhées profuses qui affaiblissent les organismes. Les animaux deviennent très rapidement déshydratés et cachectiques et finissent par mourir en quelques jours (11).

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Ces symptômes peuvent être observés toute l’année, on note cependant une fréquence plus élevée en été. Les parasites du colon (Chabertia ovina) provoquent une modification de la structure de la paroi colique. Les excréments sont mous et visqueux. Les animaux malades maigrissent progressivement et ont tendance à s’isoler des autres animaux. Dans cette parasitose, les pertes sont plus importantes en hiver (11). Les strongyloses gastro-intestinales tuent rarement seules sauf en cas de parasitisme massif ou d’association de parasitisme gastro-intestinal et pulmonaire. Elles occasionnent néanmoins des troubles de la nutrition qui constituent un facteur d’affaiblissement de l’organisme propice à l’installation d’autres pathologies. Ce parasitisme interne entraîne des troubles de la croissance chez le jeune et a donc une influence sur la taille et le poids des animaux.

c- Infestation par les Nématodes pulmonaires Les parasitoses pulmonaires représentent 20% des maladies parasitaires mortelles du Chevreuil dans la base SAGIR. Sur les 100 Chevreuils décédés de parasitoses pulmonaires, la nature du parasite pulmonaire est identifiée pour 56 animaux. Il s’agit toujours de strongles respiratoires. Ces chiffres confirment l’importance des strongles respiratoires dans les affections parasitaires pulmonaires du Chevreuil. Parmi ces 56 cas de strongylose pulmonaire, l’identification du genre parasitaire est réalisée pour 23 animaux : 20 Dyctiocaulus sp (dont quatre Dictyocaulus viviparus, espèce qui parasite habituellement les ruminants domestiques) et trois Protostrongylus sp. Actuellement, il semble admis que les strongles respiratoires affectant le Chevreuil sont deux parasites spécifiques de cette espèce de cervidé : Dictyocaulus noerneri et Varestrongylus capreoli (18). Leur systématique est rappelée dans la figure 30. Remarque : l’identification de Dictyocaulus viviparus à partir de quatre Chevreuils de la base SAGIR fait probablement suite à une erreur de diagnose de l’espèce de Dictyocaulus. Rappelons que les examens post-mortem des Chevreuils SAGIR sont effectués par les Laboratoires Vétérinaires Départementaux et donc par un personnel qui travaille habituellement sur les espèces parasitaires des animaux domestiques. Les caractères différentiels entre les dictyocaules des ruminants domestiques (Dictyocaulus viviparus) et les dictyocaules spécifiques du Chevreuil (Dictyocaulus noerneri) sont très minces, et une erreur de diagnose est facilement faite pour un œil non averti.

c1- Cycle évolutif des strongles pulmonaires Dictyocaulus noerneri est un grand ver de 40 à 80 millimètres de long qui vit dans la trachée et les bronches de ses hôtes (10). Varestrongylus capreoli est un ver plus petit, de 10 à 30 millimètres de long, qui vit enroulé dans les alvéoles du parenchyme pulmonaire (10).

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Leurs cycles présentent des similitudes mais diffèrent quant au développement hors de l’hôte définitif. Dans les deux espèces, les œufs éclosent dans les poumons pour donner des larves L1 qui seront dégluties, puis éliminées dans le milieu extérieur avec les fécès. Chez Dictyocaulus noerneri, la larve fait tout son développement dans le milieu extérieur tandis que le cycle de Varestrongylus capreoli fait intervenir un hôte intermédiaire, un gastéropode terrestre. Les figures 31 et 32 représentent ces deux cycles.

Figure 31 : Cycle évolutif de Dictyocaulus noerneri

Figure 31 : Cycle évolutif de Dictyocaulus noerneri (10).

c2- Importance des strongyloses respiratoires Ces deux parasites sont fréquemment retrouvés lors de l’examen nécropsique de poumons de Chevreuils. Leur prévalence respective varie selon les études : Dictyocaulus noerneri Varestrongylus capreoli KLEIN (1985) (27) 46,70% 22% CLEVA (1990) (11) 40% 65% FERTE (1991) (18) 19,5% 54% De plus, les deux parasites peuvent être présent simultanément sur un même animal. C’est le cas pour 22,5% des Chevreuils positifs dans l’étude de CLEVA (1990) (11) et de 71% des Chevreuils porteurs de dictyocaules dans l’étude de FERTE (1991) (18).

EMISSION PAR LES FECES

SOL

MILIEU EXTERIEUR

CONTAMINATION PAR INGESTION

L1L1

L1

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L3

L4

L3 INFESTANTE

L4

préadpréadulte adulte

oeuf

HP

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Figure 32 : Cycle évolutif de Varestrongylus capreoli (10). Ces parasites ont une action directe sur le poumon. Ils créent des lésions responsables de la « bronchite vermineuse ». FERTE (1991) (18) a pu établir une corrélation positive entre le taux d’infestation par les larves L1 de protostrongles et l’étendue des lésions causées par ce parasite. Par contre, il n’a pas pu établir la même relation avec Dictyocaulus noerneri. CLEVA (1990) (11) constate également que les animaux dont les poumons sont parasités présentent un état d’engraissement inférieur à ceux dont les poumons sont sains, la différence étant plus marquée avec les dictyocaules. L’infestation par des strongles pulmonaires participe donc à diminuer la condition physique des Chevreuils parasités.

c3- Tableau clinique et épidémiologie de la « bronchite vermineuse » La symptomatologie de ces strongyloses pulmonaires se caractérise par un animal en mauvais état général, présentant une toux grasse et quinteuse (provoquée par la présence irritante des dictyocaules) et prenant la position classique de la détresse respiratoire (40). Les animaux les plus faibles peuvent alors mourir de la bronchite vermineuse ou des pathologies qui lui sont associées. Ces symptômes peuvent être observés toute l’année avec un maximum en avril et un minimum en juillet / août. Le printemps est en effet une période critique où l’animal affaibli

L1

L1

L1

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L3

L4

préadulte

oeuf

préad.

SOL

EMISSION PAR LES FECES

adult

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par l’hiver doit faire face à un grand nombre de parasites pathogènes (larves L1 de Dictyocaulus, larves et adultes de Varestrongylus), issus de l’infestation automnale. En effet, le maximum d’élimination de larves dans le milieu extérieur se produit en automne. Les infestations par les dictyocaules chez le Chevreuil sont essentiellement rencontrées chez les jeunes. Toutefois, lors d’observation d’une prévalence élevée supérieure à 40% dans une population, les adultes de plus de quatre ans sont aussi touchés (18). Les infestations par Varestrongylus sont également plus importantes chez les jeunes (18). A l’examen nécropsique (40), les vers sont souvent visibles, les adultes de Dictyocaulus dans la trachée et les grosses bronches, et les larves dans les bronches et les bronchioles. Quant aux adultes et larves de Varestrongylus, ils se localisent dans le tissu pulmonaire. L’autopsie permet d’observer les lésions crées par ces parasites : des marbrures à la surface du poumon (dues aux larves de dictyocaules passant dans les alvéoles), des petites élevures rougeâtres de quelques millimètres de diamètre, des grains ou des nodules blanchâtres en saillie, parfois calcifiés pouvant atteindre un centimètre de diamètre, situés dans le parenchyme (causés par Varestrongylus). On pourra également observer des lésions de pneumonie jaunâtres ou grisâtres des lobes diaphragmatiques, provoquées principalement par Varestrongylus, ou bien des lésions de broncho-pneumonies. Il est possible de trouver l’un ou l’autre type de lésions selon le parasite responsable mais toutes ces lésions peuvent également cohabiter chez un même individu parasité à la fois par Dictyocaulus et Varestrongylus. Les strongles pulmonaires sont responsables des troubles les plus importants dans la catégorie des helminthoses. Ces parasites créent des lésions irréversibles au niveau du tractus pulmonaire qui ont pour conséquence d’affaiblir l’organisme entier, le prédisposant à d’autres affections. De plus, ces parasitoses touchent préférentiellement des jeunes animaux c’est-à-dire des individus qui n’ont pas encore acquis le maximum de leurs défenses immunitaires. Chez les jeunes animaux, les lésions pulmonaires vont nuire directement à leur développement et vont contribuer à affaiblir encore plus des animaux déjà vulnérables, les exposant à d’autres affections. Les strongyloses respiratoires peuvent à elles seules causer la mort d’individus (jeunes Chevreuils, animaux fragilisés par l’hiver…). Elles sont fréquemment associées à du parasitisme digestif, cette « association de malfaiteurs » étant fréquemment mortelle sur les animaux les plus faibles. Dans les cas les moins graves, la « bronchite vermineuse », associée ou non à du parasitisme digestif, contribue à affaiblir les individus et ainsi les exposer à des pathologies supplémentaires.

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d- Conclusion sur les parasitoses dues aux nématodes Les strongles parasitent la quasi-totalité des Chevreuils. Une faible infestation est bien supportée par les animaux qui ne développent pas de symptômes dans ce cas. L’apparition des troubles liés au parasitisme reste rare, sauf en cas de contamination massive. Cette situation entraîne un affaiblissement des animaux qui deviennent alors plus sensibles aux autres maladies. Le développement excessif des parasites résulte en général d’une modification profonde de l’environnement des Chevreuils : densité d’animaux trop forte par rapport à la capacité d’accueil du territoire le plus souvent. Toute autre cause pouvant affaiblir un animal (blessures, froid…) est susceptible de modifier l’équilibre entre un hôte et ses parasites. Les strongles respiratoires sont les plus pathogènes pour les Chevreuils. L’influence des strongles gastro-intestinaux varie selon le nombre et la pathogénicité des espèces impliquées. Les cas de mortalité par maladie parasitaire sont surtout dus à un polyparasitisme plus qu’à une infestation monospécifique. L’association strongles digestifs et pulmonaires se montre la plus dangereuse. Enfin, si les parasites ne sont pas directement responsables de la mort du Chevreuil, ils l’affaiblissent à tel point qu’il finira par succomber d’une surinfection bactérienne ou virale.

2- Céphénémyiose et hypodermose Ces parasitoses correspondent à des myiases (du grec « myia » = mouche) c’est-à-dire à une maladie parasitaire due au parasitisme de différents stades larvaires de diptères. Ces deux myiases sont couramment signalées chez le Chevreuil. Les formes adultes, mouches ectoparasites, sont peu pathogènes pour le Chevreuil. Il s’agit de deux myiases obligatoires c’est-à-dire que les larves vivent exclusivement en parasites obligatoires sur les tissus vivants et ne peuvent effectuer leur cycle autrement. Tout comme les helminthoses, ces myiases sont rarement mortelles par elles-même (sauf en cas de contamination massive, notamment lors de céphénémyiose), mais elles contribuent à affaiblir l’animal qui devient alors plus sensible aux surinfections bactériennes. Cette association peut parfois conduire à la mort des animaux les plus faibles. Dans la base SAGIR, 29 cas de myiases mortelles pour le Chevreuil sont signalés, avec 22 cas de céphénémyiose, quatre cas d’hypodermose et trois cas de myiases non identifiées.

a- La céphénémyiose du Chevreuil Cette parasitose, encore appelée oestrose, est une myiase naso-pharyngée, due à la larve d’une petite mouche de un centimètre de long à pattes jaunes et abdomen noir et argenté. Cette mouche appartient à la classe des Insectes, à l’ordre des Brachycères, à la section des Cycloraphes, à la sous-section des Diptères, à la famille des Oestroïdae et au genre Cephenemyia (30).

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Il existe plusieurs espèces de Cephenemyia qui parasitent les Cervidés en France et en Europe. En France, l’espèce qui parasite le Chevreuil est Cephenemyia stimulator (40).

Figure 33 : Oestres en région naso-pharyngée chez un Chevreuil (photo A. WANDELER)

a1- Cycle biologique de Cephenemyia stimulator (30) Le cycle biologique se décompose en deux phases : une phase parasitaire avec une succession de trois stades larvaires et une phase exogène pendant laquelle l’imago va assurer les fonctions de reproduction. Les mouches adultes vivent entre 6 et 11 jours. Au cours de cette période, les femelles viennent déposer les premiers stades larvaires au niveau des naseaux des Chevreuils. Les larves migrent ensuite dans les voies naso-pharyngées où elles vont se transformer en larve L2 et L3. En fin de troisième stade, les larves sont expulsées des cavités nasales et tombent sur le sol. La pupaison dure en moyenne 26 jours et donne de nouveaux adultes. Les larves de premier stade sont des larves de très petite taille (0.5 mm de diamètre sur 2 mm de longueur), qui se rencontre au niveau des récessus de l’os ethmoïde et dans une moindre mesure au niveau des cornets naseaux et du pharynx. Les jeunes larves L2 (5-6 mm) se trouvent au niveau de l’os ethmoïde. Les larves L2 de grande taille ainsi que les larves de troisième stade se trouvent dans une poche néoformée à proximité du larynx. En général, il n’y a qu’une poche qui regroupe plusieurs larves. La chronologie du cycle biologique de Cephenemyia stimulator est difficile à caractériser précisément en raison de la présence simultanée des trois stades larvaires chez un même animal, avec parfois une longue persistance de certaines L1 en vie ralentie. Cette chronologie varie également en fonction des climats rencontrés dans les différents pays ou les différentes régions où ce parasite est présent. Dans un pays tempéré comme la France, il existe un seul cycle par an. Les adultes sont actifs l’été (de juin à septembre en général) et la vie larvaire dure environs 9 mois. La larve L1 peut se trouver sur les Chevreuils dès l’automne mais elle est prédominante en hiver. Ce stade

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larvaire peut d’ailleurs rester plusieurs mois en diapause lors de ces périodes. La période de développement du deuxième stade larvaire peut s’étaler du milieu de l’hiver jusqu’au début de l’été selon les régions. La larve L3 prend ensuite le relais jusqu’au milieu de l’été.

a2- Symptomatologie de la céphénémyiose (30) (40) Les symptômes apparaissent à la fin du printemps et en été (maximum d’avril à juin). Ils sont variables en fonction de la quantité de larves et de leur localisation. L’oestrose se caractérise en général par des troubles respiratoires : toux, dypsnée, inflammation catarrhale, sécrétions muco-hémorragiques provenant de l’appareil respiratoire, tuméfaction du pharynx. Ces troubles et ces lésions sont le résultat des blessures infligées à la muqueuse des cavités naso-pharyngées par les crochets buccaux et les épines des larves de Cephenemyia stimulator. Les mouches adultes, lors de la ponte dans les naseaux, participent également à l’irritation des cavités nasales. L’atteinte des voies respiratoires lors d’oestrose provoque une altération de l’état général des Chevreuils. Il en résulte des animaux affaiblis, sujets à n’importe quelle complication infectieuse secondaire pouvant aboutir à la mort des animaux. Cephenemyia stimulator peut entraîner une mortalité directe par asphyxie dans les cas les plus graves. Les lésions induites par les larves sur la muqueuse naso-pharyngée peuvent parfois provoquer une perturbation dans la nutrition des Chevreuils. Les animaux deviennent incapables de s’alimenter, ils maigrissent jusqu’à devenir cachectiques et ils finissent par mourir. Enfin, une infestation massive par Cephenemyia stimulator peut être fatale chez les jeunes Chevreuils ou chez les animaux affaiblis par l’hiver ou d’autres pathologies concommitantes.

a3- Importance de la céphénémyiose chez le Chevreuil (30) Cette myiase est très répandue chez les Chevreuils en France. Une enquête menée en 2001 au plan national par MAES (30) pour connaître le statut sanitaire des départements français vis-à-vis de la céphénémyiose, met en avant que 70% des 41 départements ayant répondu à l’enquête signalent la présence de Cephenemyia stimulator. Une étude sérologique réalisées dans dix départements (Aisne, Marne, Charente Maritime, Lot, Loir-et-Cher, Indre, Indre-et-Loire, Loiret, Cher et Dordogne) a complété cette enquête. Les résultats de ces « sérologies céphénémyiose » signalent des Chevreuils positifs dans chacun des dix départements étudiés. Ces résultats mettent en évidence une prévalence très forte de cette myiase dans ces départements : sur les 1511 prélèvements analysés, 86% des animaux sont sérologiquement positifs (avec une variation de 76 à 92% selon les départements. Dans son étude, MAES (30) ne trouve aucune différence significative de la prévalence d’infestation ni en fonction de l’âge ni en fonction du sexe. Toutefois, il indique que Dundzinski, dans une étude sur Cephenemyia stimulator, montre d’une part que les jeunes Chevreuils de moins d’un an sont plus touchés que les autres classes d’âge et d’autre part que les mâles sont plus souvent infestés que les femelles et avec plus de larves.

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Dundzinski explique cette différence entre les âges par le fait que les jeunes Chevreuils n’ont pas encore développé les réflexes de protection face au dépôt des larves par les mouches femelles. Quant à la différence entre les sexes, il l’explique par la biologie différente entre mâles et femelles et par les différences de conditions de développement pour la larve entre les hôtes mâles et femelles. La base SAGIR répertorie 22 Chevreuils morts de céphénémyiose, soit 4.4% des animaux décédés d’une affection parasitaire dont le germe a été identifié (22 Chevreuils sur 501). L’oestrose du Chevreuil est donc disséminée de façon uniforme et avec une forte prévalence sur une grande surface du territoire français. Une forte proportion des effectifs de Chevreuils se trouve ainsi exposée à cette myiase. Toutefois, la mortalité de cette parasitose reste très faible par rapport à sa forte prévalence dans les populations de Chevreuils. Cette myiase peut être fatale pour les animaux les plus faibles ou lors de parasitisme massif. MAES (30) indique que BOUVIER et al. (1962) ont déjà noté la présence de nombreuses larves de Cephenemyia stimulator sur des cadavres de Chevreuils et ont même imputé la mort de sept animaux à la présence de nombreuses larves. La céphénémyiose peut causer une mortalité (soit directe par asphyxie soit plus fréquemment indirecte en affaiblissant les animaux), dans les populations de Chevreuils, en particulier dans des populations à forte densité. Ces dernières années, l’explosion des effectifs de Chevreuils s’est accompagnée d’une recrudescence du parasitisme en général et en particulier de l’oestrose chez le Chevreuil.

b- L’hypodermose du Chevreuil L’hypodermose du Chevreuil est une maladie non contagieuse due à la migration des larves d’un parasite obligatoire du genre Hypoderma. La mouche du varron appartient à la classe des Insectes, à l’ordre des Brachycères, à la section des Cycloraphes, à la sous-section des Diptères, à la famille des Oestroïdae et au genre Hypoderma (30). Chez le Chevreuil, cette myiase cutanée et sous-cutanée est due à l’espèce Hypoderma diana (40).

b1- Cycle biologique d’Hypoderma diana (30) Les mouches adultes sont dépourvues de pièces buccales et ne vivent que quelques jours. Elles pondent et collent leurs œufs sur les poils des Chevreuils. L’éclosion des œufs libère le premier stade larvaire (L1) qui traverse activement la peau et migre pendant huit mois dans le tissu sous-cutané grâce à des protéases. La larve réabsorbe ces protéases qui s’accumulent dans son tube digestif, alors sans continuité avec l’intestin postérieur. Ce premier stade larvaire est anaérobie pendant toute sa migration.

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Figure 34 : Chevreuil présentant un parasitisme massif par des varrons (photo G. CACARD) La larve L1, arrivée au terme de sa migration, passe au deuxième stade larvaire. La réorganisation de son tube digestif, qui devient continu de l’intestin antérieur à l’intestin postérieur, permet une libération massive des protéases. Ce relargage massif provoque une lyse du tissu sous-cutané et du derme, aboutissant à la formation d’un pertuis nécessaire à la respiration aérobie des stades larvaires II et III. Les larves se trouvent alors chacune dans un nodule sous-cutané. A ce stade, les larves sont aussi appelées « varons ». En fin de troisième stade larvaire, la larve quitte son hôte par effraction cutanée et se laisse tomber au sol. La cuticule durcit et il y a formation de la pupe. La durée de pupaison est soumise à différents facteurs comme la température, l’humidité, et peut être le rayonnement solaire. Celle-ci varie entre 26 et 32 jours mais peut être supérieure. Il existe de grandes différences entre la chronologie des divers stades du cycle parasitaire d’Hypoderma diana en fonction des pays voire même des régions de France. Les varons sont signalés principalement de mi-décembre à fin février. Dans son étude, MAES (30) les signale dès le début d’octobre jusqu’à la fin février.

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b2- Symptomatologie de l’hypodermose du Chevreuil (30) (40) L’hypodermose se montre pathogène surtout en cas d’infestation massive. MAES (30) rapporte qu’il n’est pas rare d’observer plus de cent larves d’Hypoderma diana sur le même animal. Ce décompte peut s’élever jusqu’à 400 dans les cas extrêmes. De telles infestations massives entraînent en premier lieu une nette baisse de l’état général, fréquemment associée à des retards de croissance, une baisse de la production de muscle, des abcès cutanés, des lésions du tissu musculaire sous-jacent, une diminution de la qualité de la peau. L’évolution se fait généralement vers la cicatrisation et la guérison. Cependant, les perforations de la peau peuvent être le siège de surinfections pouvant conduire à la mort de l’animal. De même, l’affaiblissement de l’état général lors d’infestation massive prédispose les Chevreuils à de nombreuses pathologies, pouvant elles-aussi être fatales aux animaux.

b3- Importance de l’hypodermose du Chevreuil en France (30) Comme la céphénémyiose, l’hypodermose est couramment signalée chez le Chevreuil. Toutefois, sa répartition sur le territoire métropolitain est totalement différente de celle de l’oestrose. De son étude sérologique dans dix départements français, MAES (30) classe les départements en deux catégories : ceux indemnes de varrons (cas de trois départements) et ceux parasités par Hypoderma diana. Ces résultats ne peuvent pas être extrapolés au plan national car l’échantillon des départements n’est pas représentatif. A l’intérieur des sept départements parasités de l’étude, le varron n’est pas réparti de façon uniforme. Il se trouve présent sous forme de foyers : soit sous forme de larges foyers (cas de la région Centre), soit sous forme de foyers plus réduits (cas du Lot et de la Charente Maritime). Au sein de ces foyers d’hypodermose, les prévalences observées sont souvent élevées (variation de la prévalence entre 20% 66.5% selon les communes dans l’étude de MAES (30)). Généralement, le pourcentage d’animaux parasités par Hypoderma diana se stabilise autour de 60 à 80%. Autour de ces foyers, les prévalences de l’hypodermose sont beaucoup plus faibles mais il semble que le varon soit en pleine extension dans les communes avoisinantes des foyers. La base SAGIR ne répertorie que quatre cas d’hypodermose mortelle chez le Chevreuil, ce qui est anecdotique par rapport au nombre de Chevreuils de cette base de données. Toutefois, la découverte de plusieurs Chevreuils morts ou mourrant, en mauvais état général et porteurs de nombreux varrons sur plusieurs territoires de Sologne, laisse penser que cette parasitose exerce parfois un impact non négligeable sur l’état de santé des Chevreuils. Dans les régions où elle est présente, l’hypodermose peut engendrer la mort de Chevreuils lors d’infestation massive. Cette parasitose reste absente de nombreux départements français.

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Elle se localise dans des zones bien précises, à l’intérieur desquelles sa prévalence est importante. Sa principale zone d’action est la Sologne mais elle est présente dans d’autres régions. De même que la céphénémyiose, l’explosion démographique des populations de Chevreuils, ayant pour conséquence une forte augmentation des densités sur certains territoires, est un facteur favorisant à l’extension du varon en France.

3- Le polyparasitisme La présence simultanée de plusieurs parasites chez un même animal est une affection très courante chez le Chevreuil. Dans la base SAGIR, le polyparasitisme a causé la mort de 35% des animaux morts de parasitoses. Il est la première cause de mortalité par parasitisme. Les strongles digestifs et respiratoires sont présents dans la plupart de ces associations parasitaires polyspécifiques. Le plus souvent, on retrouve un parasitisme massif de strongles digestifs avec présence de plusieurs espèces de ces nématodes gastro-intestinaux. L’association d’un parasitisme pulmonaire avec un parasitisme digestif intervient aussi fréquemment. Enfin, toutes les espèces parasitaires du Chevreuil peuvent participer au polyparasitisme à des degrés variables selon le niveau d’infestation. Même si une espèce est présente en faible quantité, elle contribue néanmoins à alourdir le poids du parasitisme chez des individus polyparasités.

B- Parasitoses pathogènes secondaires du Chevreuil Il s’agit des autres maladies parasitaires qui peuvent atteindre le Chevreuil mais dont la prévalence reste faible

1- Les mycoses

a- Les aspergilloses (40) Ces mycoses sont dues à des champignons du genre Aspergillus (Aspergillus fumigatus principalement). Elles sont peu fréquentes et rarement mortelles. Les spores pénètrent soit par voie respiratoire soit par voie intestinale et forment des filaments mycéliens constituant des placards ou des nodules granulomateux (« mycétomes ») sur divers organes : poumons, trachée, cerveau, rein, utérus principalement. Généralement, les animaux supportent bien ces mycoses et n’en meurent pas. Toutefois, certaines mycoses nasales, particulièrement celles provoquées par Aspergillus fumigatus, peuvent prendre une grande ampleur et former des pseudo-tumeurs déformant la tête de l’animal. Ces « tumeurs » concernent généralement les cornets naseaux et ethmoïdaux et peuvent atteindre l’encéphale. Selon leur développement et leur localisation, elles peuvent causer la mort de l’individu malade.

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b- Autres mycoses Signalons également la présence de teigne à Trychophyton tonsurans chez le Chevreuil. Cette mycose n’est pas mortelle pour l’animal atteint mais elle contribue à l’affaiblir lors d’infestation massive. Elle se caractérise par des dépilations nummulaires, circonscrites évoluant vers des croûtes suintantes et des surinfections fréquentes (40). Les Chevreuils n’en meurent pas mais certains auteurs rapportent que les sujets malades abattus présentent toujours un mauvais état général. Ces animaux affaiblis sont alors plus prédisposés à succomber à des infections bactériennes secondaires. La base SAGIR répertorie un cas mortel de teigne. La mortalité imputée aux mycoses reste rare en France. La base SAGIR répertorie cinq cas de mycose mortelle de Chevreuils. A une exception près, il s’agit toujours d’affections dues à des champignons du genre Aspergillus. La diagnose d’espèce est effectuée pour un cas, avec l’isolement d’Aspergillus fumigatus. L’un des ces Chevreuils est décédé d’infection nerveuse et un autre d’infection respiratoire, toutes les deux d’origine mycosique.

2- Les protozooses Ces maladies parasitaires causées par des Protozoaires sont très rarement mortelles pour les Chevreuils.

a- La coccidiose Il s’agit de la principale protozoose pathogène du Chevreuil. Dans la base SAGIR, dix Chevreuils ont succombé à cette affection. Chez le Chevreuil, cette parasitose est due à Eimeria ponderosa (40), parasite intracellulaire des cellules de l’intestin grêle et du gros intestin. Le grand gibier est généralement peu sensible à cette maladie. Les Chevreuils peuvent héberger des quantités élevées de parasites sans en souffrir outre mesure (12). Toutefois, ces parasites, lors d’infestation massive, peuvent être la cause de diarrhées profuses graves, souvent hémorragiques et occasionnant alors une anémie fréquemment mortelle (40). Les Chevreuils se contaminent en ingérant les ookystes, forme de résistance dans le milieu extérieur, émises par leurs congénères infectés, malades ou porteurs sains, lors des défécations (40). Ce sont surtout les jeunes animaux qui sont victimes de cette parasitose (11). Les coccidioses massives peuvent également affaiblir les animaux qui deviennent alors plus sensibles à d’autres causes de mortalité.

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b- La cryptosporidiose Cette maladie parasitaire est due à un protozoaire du genre Cryptosporidium. Chez les ruminants domestiques, l’espèce responsable de cette protozoose est Cryptosporidium parvum (21). Les cryptosporidies sont assez proches des coccidies et sont de petits parasites des cellules épithéliales de l’intestin grêle. Lorsqu’elles sont seules en cause, les cryptosporidies provoque en général des affections peu graves. Par contre, elles sont souvent associées à d’autres agents pathogènes, bactéries ou virus, et la maladie est alors plus sévère (12). La cryptosporidiose se manifeste sous forme de diarrhée profuse et continue, entraînant une déshydratation rapide et mortelle. Si la mort ne survient pas tout de suite, les animaux restent déshydratés, ils maigrissent, deviennent apathiques et finissent par mourir. Elle atteint surtout les jeunes animaux âgés de quelques jours à quelques semaines (9) (21). Le réseau SAGIR dénombre trois Chevreuils morts de cryptosporidiose. Ces trois animaux, dont deux jeunes de l’année, étaient infestés par une quantité importante de cryptosporidies. D’autres Chevreuils étaient aussi porteurs de ce parasite mais la faible infestation ne permet pas d’expliquer la mort de ceux-ci par ce parasitisme. Par contre, on peut penser que les cryptosporidies participent à l’affaiblissement des animaux et les rendent plus vulnérables vis-à-vis d’autres pathologies.

c- Les babésioses Les babésioses sont des maladies parasitaires dues à des protozoaires du genre Babesia, parasites des globules rouges du sang. La babésiose la plus fréquemment rencontrée chez le Chevreuil est la piroplasmose. L’agent responsable spécifique du Chevreuil est Babesia capreoli (11). Une étude sérologique menée sur les Chevreuils de la réserve de Trois-Fontaines met en évidence des anticorps anti-Babesia capreoli chez 40 individus sur 75 animaux étudiés (22). Les animaux étant capturés vivants puis relâchés, ces chiffres montrent que les Chevreuils peuvent contracter cette parasitose sans forcément développer des signes cliniques graves par la suite. Cette maladie est véhiculée et transmise par les tiques. Son incidence est donc liée à la répartition géographique de ces acariens. Les piroplasmes sont plutôt répandus dans les régions chaudes. Les tiques affectionnent particulièrement les bois, les broussailles, les haies. Il s’agit de lieux couramment fréquentés par les Chevreuils, ce qui les expose à un risque élevé d’infestation par ces acariens. Les Chevreuils sont parfois porteurs d’un nombre important de ces parasites. La tique est indispensable au bon déroulement du cycle des piroplasmes. Elle se contamine en ingérant le sang d’un animal infecté. Les piroplasmes se multiplient au niveau de son intestin et donnent des centaines de sporozoïtes qui vont envahir les glandes salivaires de la tique. Ceux-ci seront inoculés à un animal sain lors d’un repas sanguin de la tique (12).

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Les piroplasmes sont des parasites intracellulaires des hématies. Ils provoquent l’éclatement de celles-ci, entraînant de l’anémie et de l’ictère. Chez les bovins, la piroplasmose se rencontre principalement au printemps et à l’automne. Le tableau clinique débute par une hyperthermie marquée (41°C ou plus). Les urines sont mousseuses et de couleur rouge-brunâtre. Les animaux ont une diarrhée très liquide qu’ils émettent sous forme de jets à cause des contractures du sphincter anal. Suite à la destruction des globules rouges, les muqueuses pâlissent avec une tendance jaunâtre, ce qui témoigne de l’anémie et de l’ictère. La maladie est rapidement mortelle à ce stade (21). La base SAGIR répertorie huit cas de piroplasmose mortelle du Chevreuil. Un parasite du genre Babesia a été mis en évidence dans deux cas mais l’espèce de Babesia n’a pas été identifiée. D’autre part, la découverte de nombreuses tiques sur des Chevreuils rend possible une infection qui pourrait alors évoluer favorablement et laisser une immunisation durable (11).

d- Autres protozooses Les Chevreuils sont également sensibles à d’autres protozooses mais ces dernières ne semblent pas provoquer des pertes dans les populations de Chevreuils. Citons :

la sarcosporidiose : les sarcosporidies sont des protozoaires se rencontrant dans le tissu musculaire ou le tissu conjonctif du thorax ou de l’abdomen, dans le myocarde ou dans la langue, sous forme d’un gros kyste (21). On en retrouve dans les muscles thoraciques et dans le cœur chez le Chevreuil (11). La base SAGIR répertorie toutefois un cas mortel de sarcosporidiose de Chevreuil. L’animal en question était porteur d’un grand nombre de sarcosporidies et était cachectique. Des sarcosporidies ont également été isolés sur trois autres Chevreuils SAGIR, mais la faible infestation par ce parasite ne permettait pas d’imputer la mort de ces animaux à cette protozoose. Ces trois animaux étaient tous dans un très mauvais état général (maigres voire cachectiques). Le Chevreuil est donc rarement porteur de ces protozoaires parasites mais ceux-ci contribuent à alourdir le poids du parasitisme sur des animaux déjà débilités.

la trichomonose génitale, entraînant des troubles de la reproduction chez la

chevrette, avec en particulier des cas de stérilité liés à la présence de Trichomonas dans l’utérus (12). Plus rarement, ces protozoaires peuvent se retrouver dans les voies digestives ou respiratoires des Chevreuils. Contrairement aux oiseaux où cette protozoose peut provoquer une forte mortalité chez les jeunes, les mammifères sont peu sensibles à cette maladie (12). La base SAGIR accorde toutefois la mort d’un Chevreuil à l’infestation par un parasite du genre Trichomonas. Cette protozoose reste peu dangereuse pour le Chevreuil et se manifeste surtout par des troubles de la reproduction chez les jeunes femelles.

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3- Parasitoses dues aux Trématodes Les Trématodes sont des vers plats, au corps non segmenté et d’aspect foliacé. Ils sont munis de ventouses musculeuses pour se fixer à leur hôte et possèdent un tube digestif incomplet, sans anus. Ces vers sont pour la plupart hermaphrodites (10). Ce sont des endoparasites obligatoires des Vertébrés, et en particulier des Mammifères. Leur cycle de reproduction est hétéroxène, c’est-à-dire qu’il nécessite au moins un hôte intermédiaire abritant la forme larvaire. Leur localisation dans l’hôte varie selon les espèces. Le Chevreuil peut héberger les formes adultes de deux Trématodes, ceux-ci se localisant au niveau du foie. L’infestation du Chevreuil se fait par voie digestive.

a- La fasciolose ou parasitose due à la grande douve Fasciola hepatica est un vers plat de couleur brun-rougeâtre, ressemblant à une petite feuille de 20 à 30 millimètres de long (10). Le Chevreuil ne possédant pas de vésicule biliaire, les douves adultes vivent dans les gros canaux biliaires du foie. Le cycle de reproduction de Fasciola hepatica fait intervenir un hôte intermédiaire, la limnée (Limnea truncatula), qui héberge certaines formes larvaires de la grande douve. La limnée, gastéropode aquatique, expulse une forme larvaire libre, nageuse, la cercaire, qui va s’enkyster sur un végétal immergé. Cette nouvelle forme larvaire s’appelle la métacercaire et c’est celle-ci que le Chevreuil avalera en broutant l’herbe sur laquelle elle se trouve (12). Remarque : l’existence d’une forme larvaire libre et d’un hôte intermédiaire aquatique fait apparaître l’importance de l’eau dans le cycle de Fasciola hepatica. Il est ainsi possible de déterminer des lieux et des périodes à risques. La contamination des Chevreuils se fait préférentiellement dans des pâturages ou des zones humides, aux saisons où l’hygrométrie est maximale (printemps et automne). Certaines années, au temps doux et pluvieux, favorisent également le parasitisme par la grande douve. Après avoir été ingéré par un Chevreuil, la grande douve gagne ensuite le foie où elle pond des œufs qui, par les voies biliaires, gagnent l’intestin et sont finalement éliminés avec les matières fécales. L’œuf se développe dans l’eau en donnant une petite larve filiforme, le miracidium. Celle-ci, pour poursuivre son développement, va pénétrer une limnée où elle va se transformer en cercaire (12). La fasciolose des animaux sauvages va souvent de pair avec une infestation identique chez les animaux domestiques vivant occasionnellement sur les mêmes territoires (12). C’est au niveau du foie que Fasciola hepatica exerce son action pathogène. Elle se localise d’abord dans le parenchyme hépatique où elle se nourrit de débris tissulaires, puis elle rejoint les canaux biliaires où elle devient hématophage. Ces prélèvements tissulaires et sanguins, associés à la libération de toxines, sont responsables de l’affaiblissement des animaux parasités.

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En général, l’infestation est peu massive chez le Chevreuil et l’évolution est favorable pour les animaux bien portants. Par contre, le tableau clinique peut être grave lors d’infestation massive sur des sujets débilités : apathie, troubles digestifs, amaigrissement, anémie, oedèmes de l’encolure et des parties déclives, malformation des bois, chute des poils, perturbation de la mue (42). Ces symptômes de fasciolose apparaissent généralement en hiver, puis s’estompent au printemps suivant avec les premiers pâturages. L’infection peut parfois devenir chronique avec des phases de surinfections et des phases de rémission momentanée (12). La plupart des auteurs qui ont étudié l’helminthofaune du Chevreuil en France (KLEIN (27), CLEVA (11), FERTE (18), ZEMMER (57)) ont tous constaté soit l’absence soit une très faible incidence de Fasciola hepatica dans le parasitisme des Chevreuils de leurs travaux. Sur l’examen de 50 foies de Chevreuil, FERTE (1991) (18) n’observe la présence de Fasciola hepatica que sur un organe. De plus, les lésions constatées ne sont pas celles qui sont habituellement observées lors de fasciolose chez les autres espèces animales (épaississement des canaux biliaires qui contiennent un liquide ocre, altération du parenchyme hépatique). Chez le Chevreuil positif, l’unique grande douve trouvée était contenue dans une formation kystique faisant saillie à la surface du foie et la congestion des canaux biliaires était importante en aval. Des lésions similaires ont été constatées dans d’autres pays européens sur certains foies de Chevreuils parasités par Fasciola hepatica. D’autre part, l’infestation expérimentale de Chevreuils par Fasciola hepatica a montré une réceptivité différente de cette espèce par rapport à celles des bovins, ovins ou même du cerf élaphe : immunisation insignifiante, faible ponte et élimination accélérée des adultes. Cette réceptivité ainsi que les lésions anatomo-pathologiques observées semblent spécifiques du Chevreuil. Ces caractères spécifiques sont probablement liés à l’absence de vésicule biliaire chez cette espèce. Dans la base SAGIR, seul un Chevreuil est décédé de fasciolose, ce qui corrobore les résultats des études sur l’helminthofaune du Chevreuil en France. Par contre, Fasciola hepatica a été découverte sur une cinquantaine de Chevreuils, dans des quantités allant de moyennes à très importantes pour plus de la moitié des animaux. Lorsque l’état physiologique est précisé, celui-ci est toujours mauvais lors d’infestation massive, avec des animaux maigres voire cachectiques. La mort due au parasitisme de la grande douve est rare et ne survient que sur des animaux jeunes ou des adultes déjà affaiblis. La fasciolose participe à dégrader l’état de santé des animaux et cette action est d’autant plus importante que le nombre de douve est élevé. Il en résulte des animaux affaiblis et amaigris, plus exposés à d’autres pathologies.

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b- La dicrocoeliose ou parasitose due à la petite douve De manière générale, la dicrocoeliose est plus rare que la fasciolose et beaucoup moins grave (12). Chez le Chevreuil, cette parasitose est causée par Dicrocoelium dendriticum. Celle-ci présente le même aspect général que la grande douve, mais est beaucoup plus effilée et plus petite (9 à 15 millimètres de long) (40). Le cycle de la petite douve est proche de celui de la grande douve. Il fait toutefois intervenir deux hôtes intermédiaires : un gastéropode terrestre, parasité par le miracidium et une fourmi, parasitée par la métacercaire. La fourmi va se fixer par les mandibules sur un brin d’herbe et sera ingérée par un Chevreuil au cours d’un repas. L’eau joue également un rôle primordial dans le cycle biologique de Dicrocoelium dendriticum (40). Les données de la littérature et celles du réseau SAGIR présentent des divergences sur l’incidence de la dicrocoeliose chez le Chevreuil. A l’exception de FERTE (1991) (18) qui a isolé des adultes de Dicrocoelium dendriticum à deux occasions, les différentes études sur l’helminthofaune du Chevreuil en France (KLEIN (27), CLEVA (11), ZEMMER (57)) ne mettent jamais en évidence d’infestation de Chevreuils par la petite douve. La dicrocoeliose apparaît comme une maladie atteignant que très rarement le Chevreuil. De plus, la proximité de troupeaux ovins peut expliquer la contamination de ces deux Chevreuils par la petite douve. Une certaine caractéristique du comportement alimentaire du Chevreuil peut expliquer en partie cette faible sensibilité vis-à-vis de la dicrocoeliose. Dans les populations de Chevreuils sans contact important avec des ruminants domestiques, la rareté de l’infestation par la petite douve peut s’expliquer par la consommation de lierre. En effet, le lierre, qui parfois peut représenter une part importante de la ration alimentaire des animaux (jusqu’à 50% en automne et en hiver) renferme des saponines à activité douvicide tout particulièrement vis-à-vis de la petite douve (18). Les données de la base SAGIR apportent une nuance sur la faible incidence de la dicrocoeliose chez le Chevreuil. Le nombre de cas mortel est certes très faible avec trois animaux morts de cette parasitose mais le nombre de Chevreuils porteurs de petite douve est assez élevé avec 282 animaux parasités. La plupart de ces animaux présente une faible infestation par la petite douve. Les animaux fortement parasités ont en général un état physiologique mauvais caractérisé par de la maigreur voire de la cachexie. L’infestation hépatique par la petite douve est généralement faible et est le plus souvent liée à une contamination à partir d’ovins. Dans la plupart des cas, elle ne provoque pas de trouble chez le Chevreuil. Il s’agit donc le plus souvent d’une découverte d’autopsie (40). Lors d’infestation massive, cette parasitose peut parfois se montrer mortelle ou bien elle peut affaiblir fortement les animaux qui deviennent plus sensibles à d’autres maladies.

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4- Les cestodoses Les Cestodes sont des vers plats, d’aspect rubanné et à corps segmenté, de 1 à 10 000 anneaux. Ils n’ont pas de tube digestif et se nourrissent par osmose au travers de la surface de leur corps. Ils possèdent des organes de fixation, ventouses et crochets, situés sur leur extrémité antérieure (le scolex). Ces vers sont hermaphrodites (10). Ce sont des parasites obligatoires à cycle hétéroxène. Les adultes vivent dans le tube digestif de leur hôte définitif et un hôte intermédiaire abrite la larve L2. Le Chevreuil est en général peu contaminé par les Cestodes et peut être parasité soit par des formes adultes soit par des formes larvaires (40). Il joue alors soit le rôle d’hôte définitif soit celui d’hôte intermédiaire. Les formes adultes de Cestodes parasitant le Chevreuil sont celles de Monieza expansa, vers de 8 à 10 mètres de long, situés dans l’intestin grêle (40). L’hôte intermédiaire de Monieza expansa est un acarien : l’oribate. Celui-ci vit dans les mousses, l’herbe, les débris végétaux. Il est coprophage et peut donc, en consommant les matières fécales des cervidés, ingérer des œufs de cestodes. Au bout de trois mois environs, ces œufs donnent des larves cysticercoïdes dans l’acarien. Le Chevreuil se contamine en ingérant de l’herbe sur laquelle se trouve un acarien infesté. Le cestode s’installe et se développe ensuite rapidement dans l’intestin grêle de son hôte définitif. Monieza expansa est très rarement isolé dans les différents inventaires faunistiques des parasites digestifs du Chevreuil (KLEIN (27), CLEVA (11), FERTE (18), ZEMMER (57)). La base SAGIR dénombre 121 Chevreuils parasités par des cestodes, avec pour les trois quarts des animaux une infestation de moyenne à faible. Parmi ces animaux, seuls quatre Chevreuils sont décédés de cette parasitose. Il s’agit de jeunes animaux fortement parasités et qui présentent pour la plupart un mauvais état général (maigreur). Certains de ces Chevreuils peuvent parfois conserver un état physiologique correct, ce qui laisse supposer une évolution rapidement mortelle de cette parasitose. Parmi les autres Chevreuils fortement parasités par les cestodes mais dont la cause de la mort n’est pas attribuée à cette parasitose, ces animaux présentent pratiquement tous un état général très dégradé (animaux maigres voire cachectiques). Chez les adultes, une infestation modérée n’entraîne pas de troubles graves et passe inaperçue. Par contre, chez les jeunes, elle déclenche une entérite qui peut être mortelle (11). Lors d’infestation massive de cestodes adultes, ces parasites provoquent un amaigrissement et un affaiblissement des animaux, qui sont alors plus vulnérables face à d’autres agents pathogènes. L’évolution de la maladie est alors plus longue et progressive.

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L’infestation par des formes larvaires reste rare mais peut parfois être fatale pour le Chevreuil. Les larves de Cestodes parasitant le Chevreuil appartiennent à la famille des Taeniidés. Trois grands types de larves peuvent être citées (29) :

des cysticerques, avec comme principale espèce Cysticercus tenuicollis, larve de Taenia hydatigena (40). Cette larve forme des kystes sur le péritoine et la cavité abdominale. Elle entraîne chez les jeunes une hépato-néphrite et des hémorragies abdominales mortelles (12). Le Chevreuil peut aussi être atteint par Cysticercus cervi, larves de Taenia cervi, enkystées dans les muscles (langue, cœur, gosier, cuisse) sans toutefois provoquer la mort de l’animal (40)

des cénures, forme larvaire de Taenia multiceps, qui peuvent s’enkyster dans le

cerveau ou la moelle épinière, provoquant des symptômes variables et parfois la mort de l’animal (40)

des échinoccoques, avec la forme larvaire d’Echinoccoccus granulosus chez le

Chevreuil. Les larves forment une volumineuse vésicule allant de la taille d’une orange à celle d’une tête d’enfant à la surface du foie ou des poumons (40) Malgré ces localisations gênantes, aucun auteur n’incrimine la larve d’Echinoccoccus granulosus comme agent principale dans la mort de Chevreuils.

Les cestodoses sont donc rares chez le Chevreuil et sont en général bien supportées par les animaux. A l’instar des ruminants domestiques, ce sont surtout les jeunes Chevreuils qui sont sensibles à cette parasitose. D’autre part, certaines conditions d’infestation (localisation au niveau d’organes vitaux comme le foie ou l’encéphale) peuvent conduire à la mort de l’animal. Enfin, les Cestodes contribuent à alourdir le poids du parasitisme et à renforcer l’affaiblissement d’un animal polyparasité.

5- Les parasitoses dues à des parasites externes Ces parasitoses sont peu importantes sur le plan pathologique pour le Chevreuil lui-même. Ces maladies sont très rares et bien supportées par les animaux lorsqu’elles se développent (42). Elles peuvent devenir gênante pour la santé des animaux lorsque le nombre de parasites devient très important ou lorsque les lésions, localisées au départ, s’étendent sur de grandes surfaces corporelles. Elles participent alors à l’affaiblissement des animaux d’autant plus qu’un tel développement de ces parasitoses s’effectue sur des animaux déjà débilités.

a- La démodécie La démodécie est une affection cutanée due à la pullulation d’acariens parasites du genre Demodex. Ces parasites sont responsables d’une affection appelée « gale démodectique » (12). Les parasites du genre Demodex se localisent au niveau des follicules pileux de la peau.

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L’espèce de loin la plus sensible est le chien mais cette maladie peut, de façon plus rare, toucher d’autres espèces animales. On peut citer en particulier la démodécie bovine, due à Demodex bovis, qui provoque le développement de pustules dermiques prurigineuses. Ces cas de démodécie bovine sont très rares en France (21). La chèvre peut aussi développer une démodécie à Demodex caprae. Elles se caractérisent par des lésions nodulaires, dues à une hyperproduction de sébum, localisées surtout à la tête, à l’encolure et aux épaules. Les symptômes sont des lésions de la peau et une dégradation de l’état général chez les jeunes animaux. Des formes diffuses peuvent également exister. En France, la démodécie caprine est plus fréquente que la démodécie bovine et elle se retrouve surtout dans le sud-est. La surinfection des lésions démodéciques s’accompagne d’un amaigrissement progressif des animaux. Ceux-ci deviennent cachectiques et finissent par mourir. La base SAGIR dénombre six Chevreuils morts de gale démodectique, sans identifier l’espèce de Demodex mise en cause. Cette maladie atteint des individus de toutes les classes d’âge, et les animaux sont pour la plupart en mauvais état général. L’un d’eux avait même perdu les trois quarts de son pelage. Cette parasitose externe reste rare chez le Chevreuil et devient dangereuse chez des individus déjà débilités avec extension des lésions sur une grande surface corporelle ou surinfections de celles-ci.

b- La gale Chez le Chevreuil, la gale est due à un acarien parasite : Sarcoptes scabiei ovis (12). L’atteinte du Chevreuil par la variété ovine explique pourquoi cette parasitose peut plus facilement être contractée lorsque les cervidés partagent leur gagnage en bordure de forêt avec des moutons. Les sarcoptes vivent à la surface de la peau de leur hôte puis les femelles fécondées s’enfoncent dans l’épiderme au niveau de tunnels qu’elles creusent avec leur rostre. Elles pondent leurs œufs dans ces sillons, puis les œufs se transforment en larves, en tritonymphes et enfin en adultes. La transmission du parasite se fait par simple contact avec un animal porteur de femelles prêtes à pondre (12). La gale sarcoptique des cervidés ne se limite pas à la tête. On peut observer sur tout le corps des mouchetures puis des dépilations plus importantes. La peau est épaissie et un prurit violent oblige l’animal à se gratter contre les arbres et les ronces. Des complications bactériennes peuvent apparaître ; dans ce cas, l’animal maigrit fortement et ne guérit généralement pas. La mort survient donc après une évolution assez longue de la maladie (12).

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La base SAGIR répertorie deux cas de gale mortelle chez le Chevreuil. La gale sarcoptique du Chevreuil est rare et est généralement bien supportée par les animaux si la maladie ne s’étend pas trop. Par contre, la diffusion des lésions de gale sur une grande surface corporelle associée à une surinfection bactérienne de celles-ci peut avoir lieu chez des animaux affaiblis qui peuvent en mourir.

c- Les tiques Les tiques sont des acariens ectoparasites de grande taille (quatre à huit millimètres de long) que l’on trouve fréquemment sur la peau du gibier. Il existe plusieurs espèces de tique mais l’espèce la plus fréquemment rencontrée sur les mammifères en France est Ixodes ricinus (12). La tique est hématophage et ces repas sanguins concernent aussi bien la tique adulte que les différents stades larvaires et nymphaux. Pour contaminer un hôte, la tique grimpe le plus haut possible sur des grandes herbes ou des buissons et se laisse tomber sur lui à son passage. Elle se fixe de préférence à un endroit où la peau est plus mince et notamment au niveau de la tête et du cou. Au cours de la piqûre qui dure plusieurs jours, la tique injecte de la salive et aspire du sang. Les tiques se rencontrent, le plus fréquemment, dans des endroits humides, abrités, en bordure de forêt ou dans les sous-bois épais, dans les haies et les buissons (12). Le Chevreuil, qui côtoie régulièrement de tels habitats, est une espèce fréquemment parasitée par les tiques. En général, l’infestation du gibier, et du Chevreuil en particulier, est sans importance du fait qu’au bout de quelques jours, les tiques repues se laissent choir sur le sol pour chercher un abri et digérer le sang absorbé. Toutefois, lors d’infestation très massive, le prélèvement sanguin effectué par les tiques peut être important et provoquer une anémie et une baisse de l’état général des individus hyperparasités. Une spoliation sanguine extrême avec ou sans association avec d’autres agents pathogènes peut alors être fatale pour ces animaux. Ce cas de figure reste extrêmement rare et s’observe en général sur des animaux débilités. La base SAGIR attribue un cas de mortalité de Chevreuil à une telle infestation massive par les tiques. Le risque principal du parasitisme par les tiques est représenté par leur rôle comme vecteurs de maladies. En effet, les tiques sont capables de transmettre des virus, des bactéries et des parasites. En France, elles assurent la propagation de diverses babésioses dont la piroplasmose et de diverses bactérioses (ehrlichiose, bartonellose…). Nous avons traité ces maladies dans les chapitres II-A-3-g et III-B-2-c de la deuxième partie.

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6- La strongyloïdose Il s’agit d’une helminthose due à un parasite du genre Strongyloïdes. L’espèce parasitant les ruminants est Strongyloïdes papillosus (10). Nous n’avons pas classé cette nématodose avec les autres strongyloses digestives en raison de la faible prévalence de ce parasite en France et en Europe. En effet, ce parasite n’a jamais été identifié dans les études sur l’helminthofaune du Chevreuil en France (18). Par contre, la base SAGIR répertorie quatre cas de Chevreuils morts suite à une infestation par des parasites du genre Strongyloïdes. Au total, ce parasite n’a été isolé que chez 43 Chevreuils de la base SAGIR et avec des taux d’infestation faibles dans la majorité des cas. Cependant, la plupart des animaux porteurs de ce parasite, en moyennes à fortes quantités, présentait un mauvais état général caractérisé par de la maigreur voire de la cachexie. On peut donc penser que ces parasites exercent une action pathogène marquée sur leurs hôtes. Cette parasitose est due à la présence de femelles parthogénétiques hématophages du genre Strongyloïdes au niveau de l’intestin grêle de l’hôte (10). Le tableau clinique se caractérise surtout par des symptômes digestifs. Lors d’infestation forte, les animaux souffrent de troubles diarrhéiques graves parfois hémorragiques, avec des symptômes simulant une maladie infectieuse (fièvre, troubles nerveux). La mort est une issue fréquente de ce tableau clinique (10). Ce sont surtout les jeunes animaux qui sont le plus sensible à cette helminthose qui reste rare en France.

7- Parasitoses dues aux nématodes de la cavité abdominale et du tissu conjonctif sous-cutané

Ces infestations sont dues à des filaires, vers filiformes pouvant atteindre une dizaine de centimètres de long, du genre Setaria (cavité abdominale) ou Onchocerca (tissu conjonctif) (40). De tels parasites ont été isolés à huit reprises sur des Chevreuils SAGIR, avec des infestations modérées. Ne provoquant généralement pas de symptômes, ces parasites sont des découvertes d’autopsie ou d’éviscération (40). Le réseau SAGIR attribue toutefois le décès d’un Chevreuil mort de péritonite à une infestation par des parasites du genre Setaria. On peut néanmoins se demander si ces parasites, d’ordinaire inoffensifs, sont réellement la cause de cette péritonite. Les cas de mortalité de Chevreuils par ces parasitoses restent rarissimes en France, de par la faible prévalence et la faible pathogénicité de ces filaires.

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IV- MORTALITE D’ORIGINES DIVERSES

A- Les maladies métaboliques

1- L’acidose du rumen (7) L’acidose lactique du rumen est une indigestion causée généralement par l’ingestion d’aliments fermentescibles en quantité exagérée. Cette maladie métabolique se caractérise par des troubles digestifs graves, une très forte acidité du contenu ruminale et elle peut être rapidement mortelle dans les cas les plus graves. La base SAGIR répertorie 50 cas de décès de Chevreuils par acidose du rumen. La nature des aliments est déterminante dans l’apparition de cette pathologie. Celle-ci fait suite à une consommation excessive de glucides fermentescibles (grains de céréales, betteraves, pommes…) associée à une ingestion insuffisante de fourrages grossiers. Cet excès de glucides fermentescibles provoque une modification de la microflore ruminale, avec sélection des bactéries synthétisant de l’acide lactique voire d’autres substances nocives. Cette formation d’acide lactique provoque un abaissement du pH ruminal, ce qui va engendrer des perturbations dans le fonctionnement ruminal et gastro-intestinal (ruminite, parakératose du rumen, diarrhée). Les équilibres acido-basique et hydro-électrolytique sont également modifiés avec baisse du pH sanguin et une déshydratation, dont l’intensité dépend de la gravité de l’acidose. La déshydratation est la conséquence d’une part de la diarrhée et d’autre part de l’appel d’eau corporelle vers le rumen faisant suite à l’augmentation de l’osmolarité intraruminale produite par l’hydrolyse des sucres fermentescibles (amidon surtout). En plus de ce déséquilibre microbien, l’acidose du rumen s’accompagne de la production de diverses substances toxiques : histamine, tyramine, éthanol, tryptamine, endotoxines bactériennes. Ces substances toxiques peuvent être à l’origine d’affections cardiaque, hépatique ou rénale ou du développement d’une azotémie ou d’une fourbure. Ces endotoxines bactériennes seraient aussi responsables du syndrome de mort subite. Le tableau clinique observé dépend de la gravité de l’acidose, c’est-à-dire de la quantité d’aliments fermentescibles consommée et de leur vitesse d’ingestion. Dans les cas les plus graves, l’animal présente une anorexie, une légère hyperthermie et une incoordination motrice allant jusqu’à la chute de l’animal qui ne peut plus se relever. Le malade est en tachypnée et en tachycardie marquée. La baisse du pH ruminal provoque l’arrêt du transit gastro-intestinal, ce qui se traduit par une météorisation gazeuse plus ou moins importante. L’animal peut parfois développer une diarrhée profuse. Un état de déshydratation apparaît progressivement en 24 à 48 heures et celle-ci peut être très importante dans les cas sévères. L’animal devient apathique et la mort survient alors rapidement. Dans les cas les moins graves, le tableau clinique se traduit par une ruminite chronique s’accompagnant d’une légère météorisation et se compliquant fréquemment de fourbure,

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d’abcès du foie. Ces complications, guérissables chez les espèces domestiques grâce à l’intervention de l’homme, sont probablement fatales à des animaux sauvages qui ne reçoivent pas de soins comme les Chevreuils : difficultés locomotrices suite à la fourbure, évolution septicémique des abcès hépatiques, ruminites mycosiques ou bactériennes. La modification du pH ruminal peut entraîner secondairement un déséquilibre de la flore bactérienne intestinale avec développement de germes anaérobies. Ceux-ci sont responsables d’affections de type entérotoxémie. Une telle complication de l’acidose aboutit généralement à la mort de l’animal. L’acidose, pathologie métabolique couramment rencontrée en élevage bovin, peut aussi s’avérer fatale pour le Chevreuil. La plupart des rapports d’autopsie de Chevreuils SAGIR morts d’acidose mettent en avant une évolution aigue de cette pathologie. En effet, la majorité des animaux présente un état d’embonpoint correct voire très bon et un bon état général. Cette constatation permet d’exclure une évolution chronique de ce phénomène pathologique. Tous ces Chevreuils ont une valeur du pH ruminal abaissée, inférieure à cinq dans la majorité des cas. Le contenu du rumen, plus ou moins liquide, se caractérise par la présence de quantités importantes d’aliments glucidiques rapidement fermentescibles : grains de blé, de maïs, d’orge, débris de pomme. La caillette contient parfois des grains de céréales et elle présente en général un aspect congestionné ou de nombreuses pétéchies. A de rares exceptions près, le contenu de l’intestin est toujours très liquide et une entérite plus ou moins hémorragique peut parfois être observée. Des traces de diarrhée sont visibles sur certains de ces Chevreuils. A côté de ces évolutions aigues, la découverte d’animaux en mauvais état général ou sans graisses corporelles, et pouvant présenter un parasitisme gastro-intestinal massif ou des bactéries du genre Clostridium au niveau de l’intestin, suggère que certains Chevreuils débilités peuvent succomber à de l’acidose chronique ou à certaines de ces complications (entérotoxémie). Les Chevreuils déclarent de l’acidose en général à la période de fructification des aliments responsables de cette pathologie métabolique. En effet, les cervidés consomment les grains de céréales sur pied (épis de blé, d’orge, de maïs) ou bien les pommes dans les vergers. Une origine particulière de certaines céréales peut être la cause de cas d’acidose chez le Chevreuil. Le maïs, utilisé par les chasseurs pour nourrir et attirer les sangliers sur leur territoire, peut être ingéré par les Chevreuils. La quantité distribuée est souvent importante, les Chevreuils peuvent alors consommer une grande quantité de grains de maïs et développer une acidose aigue fatale. Certains cas d’acidose de Chevreuils SAGIR par le maïs en dehors des périodes de fructification de cette céréale laisse supposer que le maïs d’agrainage constitue un danger pour les cervidés s’ils en consomment une trop grande quantité. Des observations répétées de Chevreuils décédés d’acidose par le maïs dans des zones forestières où la distribution de cette céréale est fréquente témoignent du rôle de l’agrainage dans les cas de mortalité de Chevreuils par acidose (communication personnelle Vincent Métral). L’acidose ruminale constitue la principale maladie métabolique répertoriée dans la base SAGIR. L’autre pathologie métabolique est la toxémie de gestation.

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2- La toxémie de gestation (9) Cette maladie a causé la mort de deux Chevreuils. Elle est surtout rencontrée chez les petits ruminants domestiques (ovins et caprins) et touche les femelles. Cette affection est liée à une augmentation importante des besoins énergétiques de la femelle gestante. Ces besoins sont surtout importants en fin de gestation et sont accentués par la présence de plusieurs fœtus. A ce stade, l’alimentation classique ne permet pas de fournir la quantité de glucides nécessaires au bon fonctionnement du métabolisme énergétique de l’organisme. En effet, le volume occupé par l’utérus dans l’abdomen provoque une réduction du volume ruminal et par conséquent du volume alimentaire ingéré. De même, toute cause d’anorexie (stress, maladies…) entraîne un déficit énergétique. D’autre part, le glucose provenant des glucides alimentaires est fabriqué par la néoglucogénèse hépatique. Toute atteinte hépatique renforce à son tour la carence énergétique. Le manque d’apport et de production de glucose aboutit à un état d’hypoglycémie. Pour pallier ce déficit énergétique d’origine alimentaire, les femelles utilisent alors leurs graisses de réserve qui sont métabolisées au niveau du foie. Cette lipomobilisation intense s’accompagne alors d’une dégénérescence graisseuse du foie (d’autant plus importante que la femelle est grasse) et d’une accumulation de corps cétoniques dans l’organisme à des doses toxiques. Cette atteinte hépatique diminue la production de glucose et aggrave encore plus le déficit énergétique. Le tableau clinique débute par de l’anorexie et des troubles oculaires. La femelle devient progressivement apathique et finit par se coucher sans pouvoir se relever. Des difficultés respiratoires apparaissent et l’animal se positionne en décubitus sternal avec la tête repliée sur le thorax. Le malade finit en décubitus latéral, dans un état comateux qui évolue rapidement vers la mort. La toxémie de gestation est une affection grave qui touchent donc principalement les femelles grasses en fin de gestation et qui portent plusieurs fœtus. Les cas restent néanmoins rares chez les femelles Chevreuils. Contrairement aux petits ruminants domestiques, elles ne reçoivent pas une alimentation poussée qui les rendrait trop grasses. La mise bas des Chevreuils a lieu de mi-mai à mi-juin c’est-à-dire à une période où les animaux trouvent une alimentation de bonne qualité qui pourvoit aux besoins énergétiques de la fin de gestation. Un déficit énergétique peut également s’observer en tout début de lactation, mais les cas sont plus rares. La base SAGIR ne répertorie pas d’autres cas de pathologies métaboliques mortelles pour le Chevreuil. Cependant, l’existence de telles maladies chez les ruminants domestiques, avec

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parfois des issues fatales, laisse supposer que le Chevreuil peut être sensible à ces perturbations métaboliques : météorisations spumeuses (liées à l’ingestion soit de légumineuses au pâturage soit d’une quantité importante de grains de céréales), alcalose ruminale (ingestion d’herbe au printemps), hypocalcémie (carence en calcium en début de lactation ou en fin de gestation), hypomagnésémie (consommation importante d’herbes jeunes pauvres en magnésium au printemps) voire d’autres carences en minéraux ou en vitamines. Le régime alimentaire du Chevreuil en milieu forestier, avec des végétaux ligneux et semi-ligneux, ne le prédispose pas à de telles pathologies métaboliques. Par contre, le Chevreuil de plaine qui se nourrit avec d’avantages de plantes herbacées ou des plantes céréalières cultivées est plus exposé à ces affections. Le Chevreuil peut donc succomber à certaines maladies métaboliques. La quasi-totalité des cas de mortalité est due à l’acidose du rumen. Les autres troubles métaboliques rencontrés chez les ruminants domestiques sont rares (toxémie de gestation) ou non répertoriés dans la base SAGIR.

B- Mortalité naturelle par vieillesse La mort par vieillesse est rare. Elle s’observe chez des individus âgés de plus de douze ans, aux molaires totalement usées, inutilisables pour la mastication. La mort est alors la conséquence de la sous-nutrition. Elle est précédée par un stade de cachexie (39). L’âge est la cause de la mort de 20 Chevreuils de la base SAGIR.

C- Mortalité par épuisement La mort par épuisement survient principalement en hiver et au printemps dans des régions où s’observent des périodes de froid prolongées, avec parfois un enneigement fort et durable (39). Le Chevreuil est très sensible au froid et régulièrement, au cours d’hivers rigoureux, les pertes peuvent être importantes. Les principales victimes du froid sont les chevrillards, les animaux âgés ainsi que les animaux malades ou affaiblis. Les individus normaux peuvent également succomber en grand nombre si les conditions climatiques sont très dures (56). La mort survient à la suite d’un refroidissement corporel général qui provoque un arrêt de la circulation sanguine. A l’autopsie, on observe une congestion du foie, des reins et des intestins, qui sont gorgés de sang, au détriment des muscles qui sont anémiés. On note très souvent un œdème pulmonaire. La caillette et l’intestin grêle sont enflammés, le rectum rempli d’excréments bien moulés et l’état de nutrition va de moyen à médiocre. Enfin, l’examen nécropsique se caractérise par une absence totale de graisses de réserve (56). La présence ou non de ces graisses de réserve est fondamentale pour la survie des animaux lors des périodes rigoureuses.

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Les Chevreuils qui ont amassé suffisamment de graisses de réserve avant l’hiver meurent rarement de froid. C’est pourquoi parmi les animaux trouvés morts, il y a tant de chevrillards à l’âge de croissance qui n’ont pas encore eu le temps de constituer des réserves de graisses et aussi de vieux animaux, malades ou non, dont l’organisme n’est plus en mesure d’élaborer ces réserves. Ces réserves de graisse doivent permettre aux animaux de compenser l’augmentation des dépenses énergétiques liées aux conditions climatiques : maintien de l’homéothermie, efforts musculaires accrus lors de déplacement dans la neige (marche sur un sol non portant), allongement des déplacements en quête d’une nourriture qui s’est raréfiée… . Des conditions climatiques très rigoureuses peuvent entraîner des pertes importantes dans des populations de Chevreuils. Ces pertes concernent surtout les jeunes et les animaux âgés ainsi que les animaux débilités. L’importance de la mortalité sur un territoire va également dépendre de la densité d’animaux et de la compétition qui va se mettre en place pour une nourriture devenue rare en périodes rigoureuses. Les animaux les plus robustes, ayant accumulé suffisamment de graisses de réserve, sont les mieux adaptés à survivre aux rigueurs hivernales. En dehors de la mortalité causée par le froid, la période hivernale se caractérise par un manque de nourriture qui contraint les animaux à consommer des aliments qui leur nuisent. Il en résulte des troubles de la nutrition qui peuvent parfois être très graves. Dans la base SAGIR, 16 Chevreuils sont décédés d’épuisement.

D- Mortalité par dénutrition et malnutrition Le Chevreuil est très sensible aux troubles de la nutrition. Ce phénomène est accentué lorsque les Chevreuils vivent dans des territoires surpeuplés et qu’ils doivent faire face à une concurrence importante pour la nourriture de la part de leurs congénères. Le manque de nourriture lui convenant contraint alors le Chevreuil à consommer des aliments qui lui sont nuisibles. Il s’agit de substances indigestes ou irritantes : écorces, ronces, pousses et aiguilles de conifères riches en résines et huiles éthérées, végétaux lessivés ayant perdu toute valeur nutritive. Ces substances exercent une action nocive sur la paroi intestinale, ce qui perturbe le fonctionnement intestinal. De plus, si d’autres facteurs néfastes s’ajoutent (temps froid et humide), cela accentue le dysfonctionnement des organes digestifs. Il en résulte des entérites qui affaiblissent les animaux voire provoquent la mort des individus les moins résistants. A peu d’exception près, la mortalité s’observe à la fin de l’hiver et au début du printemps c’est-à-dire quand les conditions nécessaires sont réunies : manque de nourriture, dureté du contexte climatique, animaux affaiblis par le passage de l’hiver. La faim a été responsable du décès de neuf Chevreuils dans la base SAGIR. On peut y ajouter neuf autres animaux morts de misère physiologique.

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E- La diarrhée printanière du Chevreuil ou mal de brout Le mal de brout est une entité printanière courante chez le Chevreuil. C’est une diarrhée qui touche principalement les jeunes de moins d’un an, à allure épizootique, fréquente lors des printemps pluvieux et qui entraîne une mort rapide. Cette diarrhée est due au changement de régime alimentaire au début du printemps avec le passage d’une alimentation hivernale à une verdure nouvelle et des jeunes pousses. Après une période hivernale rude, les animaux, surtout lorsqu’ils sont en surnombre, peuvent se retrouver en mauvais état. Le printemps arrive avec une pousse rapide d’une végétation herbacée riche en eau. Les cervidés mangent en excès cette nourriture aqueuse qui se trouve mal assimilée. Il en résulte un déséquilibre de la flore intestinale avec multiplication de bactéries qui, d’ordinaire inoffensives, se mettent à fabriquer des produits de fermentation et de décomposition toxiques. La résorption de ces produits entraîne des troubles généraux et une irritation locale qui déclenche une diarrhée chez les sujets prédisposés ou affaiblis par l’hiver (12). En général, chez les cervidés, les diarrhées de printemps sont essentiellement dues à un déséquilibre alimentaire brutal, même si fréquemment, elles sont compliquées par une résurgence printanière du parasitisme. Cette diarrhée est une gastro-entérite catarrhale chronique qui provoque de la déshydratation, un amaigrissement rapide des animaux, de l’anémie et un affaiblissement général conduisant à la mort. On peut aussi constater une sorte d’excitation anormale semblable à une légère ivresse (12). Extérieurement, cette affection se manifeste par des animaux dont l’arrière-train est souillé par des excréments très liquides. Les Chevreuils malades s’isolent des autres animaux et s’affaiblissent très vite au point de se coucher pour manger. Ils maigrissent rapidement et finissent par mourir d’une défaillance cardiaque en quelques jours. Il existe également une forme suraiguë, au cours de laquelle l’animal s’affaisse tout d’un coup, la mort survenant dans une crise tétaniforme entrecoupée de convulsions (12). A l’autopsie, on observe une congestion importante des muqueuses du duodénum et de l’intestin grêle, surtout dans sa portion antérieure. La muqueuse stomacale est oedématiée et souvent parsemée de petits épanchements sanguins. Les ganglions lymphatiques sont hypertrophiés. Les vaisseaux sanguins mésentériques, le foie et les reins sont gorgés de sang. Le contenu du rectum, lorsque ce dernier est atteint, est extrêmement fluide, ce qui explique que l’anus et les membres postérieurs soient souillés par des excréments très liquides (12). Aucune cause microbienne ni parasitaire n’a été mise en évidence lors de ces diarrhées printanières. L’étiologie exacte reste inconnue (39). Seule la modification brutale du régime alimentaire chez des animaux jeunes affaiblis et prédisposés permet d’expliquer l’apparition de ces troubles de la nutrition. Il semblerait qu’une carence en vitamines et en oligo-éléments, surtout en cuivre et en cobalt, favoriserait l’apparition de ces diarrhées (11). Les animaux qui résistent à cette diarrhée se rétablissent lentement et sont des proies désignées pour un parasitisme gastro-intestinal.

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F- Les intoxications Les intoxications des animaux vivant à l’état sauvage, et en particulier le Chevreuil, restent rares. En général, les animaux sauvages ne consomment pas les aliments qui peuvent leur être nuisibles. Toutefois, l’utilisation d’aliments nocifs peut intervenir dans certains contextes particuliers, tels les disettes hivernales ou le surpeuplement. Dans de telles conditions, le manque de nourriture traditionnelle, « saine » pour les animaux, pousse les Chevreuils à se reporter sur une alimentation différente, avec parfois des risques d’intoxications. Les animaux sauvages peuvent également consommer des substances toxiques n’existant pas dans leur milieu naturel et qui ont été introduites dans l’environnement par l’activité humaine. C’est le cas de plus en plus fréquent des pesticides agricoles.

1- Les intoxications d’origine végétale Ces intoxications sont rares et surviennent principalement lorsque la nourriture habituelle vient à manquer (hivers rigoureux, zones de surpeuplement en animaux créant une forte concurrence pour la nutrition…). Il s’agit la plupart du temps de cas isolés. Nous allons citer quelques exemples répertoriés dans la littérature ou dans le fichier SAGIR. Le Chevreuil étant très friand de tabac, la nicotine contenue dans cette plante a été à l’origine de quelques cas d’intoxication (11). La consommation de colza « 00 » a provoqué ponctuellement la mort de Chevreuils (39). Ce type d’intoxication survient pendant l’hiver. Les principaux symptômes observés sont des signes digestifs (météorisation) et des troubles nerveux : diminution puis incoordination motrice, apathie, surdité, cécité, tremblements, coma précédent la mort. Les jeunes individus succombent avant les animaux les plus âgés. Les lésions retrouvées à l’autopsie sont de l’anémie de type hémolytique, des lésions hépatiques, cardiaques et cérébrales. La pathogénicité du colza « 00 » est liée à deux phénomènes distincts. Tout d’abord, cette plante contient une substance toxique, le S Méthylcystéinesulphoxyde (SMCO) qui se transforme en Diméthyldisulphide (DMDS), responsable de l’anémie hémolytique. L’anémie est responsable d’une diminution d’apport en oxygène au cerveau et contribue ainsi à l’apparition des symptômes nerveux. D’autre part, le déséquilibre causé par une alimentation essentiellement à base de colza « 00 » (beaucoup de protéines, peu de fibres), provoque un dysfonctionnement du rumen (météorisation) et par voie de conséquence une diminution de la synthèse de vitamine B1 (vitamine qui évite l’accumulation de métabolites toxiques au niveau du cerveau). Ceci explique les symptômes d’indigestion et les troubles nerveux. L’apparition de cette pathologie lors des hivers rigoureux est due au fait que le colza « 00 » constitue la seule nourriture disponible pour les Chevreuils. De plus, il est fortement appétant car il n’est pas amer contrairement aux autres variétés de colza. Enfin, le froid favorise la synthèse du SMCO.

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Cette pathologie qui a principalement sévi lors du rigoureux hiver 1986/1987, semble ne plus exister en France actuellement. L’if est un végétal couramment cité dans les cas d’intoxication du Chevreuil. Le nombre de cas annuel est très faible mais ce végétal est régulièrement retrouvé dans les analyses toxicologiques. Les Chevreuils se contaminent en ingérant des baies ou des fragments de branches sur l’arbre, les vieilles feuilles étant très riches en alcaloïdes toxiques. Les symptômes de l’intoxication à l’if sont méconnus chez le Chevreuil. Chez les bovins, on observe des troubles digestifs (coliques), cardiaques (pouls filant) et nerveux (coma) avec une évolution très rapide vers la mort (21). Chez le mouton, la mort est souvent foudroyante (9). Le tableau lésionnel est frustre : congestion généralisée des muqueuses digestives en particulier celles du rumen et de la caillette, avec parfois atteinte rénale et hépatique. On retrouve également de nombreux fragments d’ifs dans la panse des animaux intoxiqués. Les intoxications à l’if ont lieu principalement l’hiver (février – mars) et en fin d’automne (novembre – décembre). La figure 35 présente la répartition mensuelle des cas d’intoxications à l’if pour le Chevreuil.

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3

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J F M A M J J A S O N D

Répartion mensuelle des intoxications à l'if chez le Chevreuilde 1986 à 2003 (SAGIR )

(n=8)

Figure 35 : Répartition mensuelle des intoxications à l’if chez le Chevreuil de 1986 à 2003 (données SAGIR de 1986 à 2003)

(n=8) On peut penser que le Chevreuil est amené à consommer cette plant néfaste pour lui en raison du manque de nourriture à ces saisons-là. Les glands sont aussi régulièrement répertoriés comme cause d’intoxication de Chevreuils, même si le nombre de cas est très faible à chaque fois.

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Ces intoxications font suite à des ingestions répétées de ce fruit lors de périodes de disette. Les tannins produits par le chêne provoquent des lésions digestives et rénales chez les ruminants domestiques. Les premiers symptômes sont digestifs avec anorexie, inrumination, constipation suivie d’une diarrhée noirâtre et nauséabonde, parfois avec du sang. L’atteinte rénale suit rapidement et entraîne une néphrite se manifestant par une émission douloureuse d’urine puis une anurie. En fin d’évolution, des symptômes nerveux peuvent apparaître : tremblements, convulsions, coma et mort (21). Un cas d’intoxication au buis a également été signalé en 1999. Le buis contient des alcaloïdes toxiques pouvant provoquer des troubles digestifs (diarrhée) et des troubles nerveux chez le mouton (9). Un cas d’intoxications de faons de Chevreuils à l’ergot Claviceps purpurea a été décrit à l’automne 1994 dans la réserve expérimentale de Chizé (Deux-Sèvres) (29). Les huit faons, âgés de quatre mois environs, ont eu accès subitement à une pâture très herbeuse, où la pousse des végétaux avait été très rapide. Certains végétaux de ce pré ont été contaminés par la forme de résistance d’un champignon parasite : Claviceps purpurea. Les jeunes Chevreuils ont développé des troubles nerveux deux à trois jours après avoir consommé ces plantes parasitées : ataxie du train postérieur, perte d’équilibre. La température est restée normale et une polydipsie intense a été constatée. Les animaux les plus atteints ont ensuite présenté un état de prostration marqué avec décubitus, tête rabattue sur les côtes et hypothermie. Le faon le plus malade a été euthanasié et autopsié. L’examen nécropsique n’a révèlé aucune lésion spécifique d’une maladie précise. Les analyses bactériologiques et histologiques se sont avérées négatives. Les Chevreuils, comme les autres ruminants, sont donc sensibles aux alcaloïdes neurotoxiques synthétisés par les champignons endophytes du type Claviceps (dont le sclérote est plus connu sous la dénomination « d’ergot de seigle »). En France, les mycotoxicoses à forme clinique nerveuse sont rarement décrites chez les ruminants, et encore moins chez les ruminants sauvages. Elles sont dues à des champignons du genre Claviceps et Acremonium (29). Claviceps spp est un champignon parasite qui se développe dans l’épi de différentes graminées et forme à sa place un sclérote ou ergot (petite structure oblongue, incurvée, noire, d’un diamètre de deux à trois millimètres sur cinq à vingt millimètres de long). L’ergotisme, qui est l’affection résultant de l’ingestion d’alcaloïdes toxiques (ergotamine, ergotoxine, ergométrine) produits par le champignon, peut avoir deux aspects cliniques dominants selon l’espèce de Claviceps responsable. Dans le cas de Claviceps paspali, les signes nerveux dominent avec hypersensibilité, tremblements musculaires (tête et corps) et ataxie sévère.

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Dans le cas de Claviceps purpurea, la forme aigue nerveuse est rare avec principalement des convulsions, tandis que la forme chronique, plus fréquente, associe des signes digestifs avec des ulcérations et des signes vasculaires avec une gangrène sèche des extrémités (queue, oreilles et pattes). Acremonium spp est un champignon endophyte microscopique symbiotique des fétuques, dactyles et ray-grass. Il n’y a pas formation d’ergots. Il est également possible, selon l’espèce en cause, d’avoir des troubles à dominante neurologique ou vasculaire. Acremonium lolii, endophyte du ray-grass, entraîne un syndrome nerveux avec anxiété, tremblements et incoordination. Acremonium coenophialum, endophyte de la fétuque, provoque des lésions gangréneuses proches de l’ergotisme. Ces différents cas ont été décrits chez les bovins et restent rares. Ils n’ont jamais été observés chez le Chevreuil à l’exception des faons de Chizé. Cet exemple laisse penser que l’intoxication de Chevreuils par des mycotoxines reste possible dans les conditions naturelles. Sur les jeunes Chevreuils de Chizé, il apparaît que la gravité du tableau clinique est liée à la dose de mycotoxines ingérées. Les faons qui ont mangé une grande quantité d’herbe contaminée ont été les plus malades. Dans leur milieu naturel, les Chevreuils préfèrent s’alimenter à partir de feuilles de végétaux ligneux et semi-ligneux plutôt que de consommer des plantes herbacées. On peut donc penser que par ce mode alimentaire spécifique, le Chevreuil est moins exposé aux mycotoxicoses dues à Claviceps spp et Acremonium spp que les ruminants domestiques. D’autre part, sur les huit faons malades, seul le chevrillard euthanasié est mort, les autres ayant survécu grâce à l’intervention de l’homme pour les plus atteints. Les mycotoxicoses ne sont donc pas toujours mortelles. Par contre, dans les conditions naturelles, les Chevreuils auraient été incapables de s’alimenter et seraient morts d’inanition. De même, les animaux moins atteints, même capables de se nourrir, auraient été plus exposés à d’autres dangers environnementaux à cause de leurs difficultés locomotrices : prédation, collisions routières, capture par l’homme… . Les mycotoxicoses à forme clinique nerveuse sont donc exceptionnelles chez le Chevreuil. Cette espèce semble peu exposée de par son milieu de vie et son régime alimentaire. Néanmoins, lors d’intoxication marquée, les troubles observés sont suffisants pour provoquer la mort des animaux. De façon plus anecdotique, on peut citer le cas d’une intoxication à la morelle noire. L’animal atteint a été découvert mourrant. Il était en hypothermie et présentait des signes digestifs (météorisation) et nerveux (cécité). L’autopsie a révélé une ascite légère, un hydropéricarde et une pneumonie des lobes apicaux et cardiaques (11).

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D’autres plantes sont potentiellement toxiques pour le Chevreuil. Par analogie aux petits ruminants domestiques, La figure 36 reprend les principales plantes toxiques pour les petits ruminants en France. Les intoxications par les végétaux, qu’ils soient naturels ou cultivés, restent rares chez le Chevreuil. En effet, le gibier vivant à l’état sauvage se détourne instinctivement des plantes vénéneuses.

2- Les intoxications par les pesticides agricoles Les pesticides agricoles ont largement été employés ces dernières décennies pour la lutte contre les nuisibles des cultures. Ces produits se sont montrés très efficaces dans leur domaine d’utilisation. En contre partie, ils se sont avérés toxiques voire même dangereux pour l’environnement et pour la faune. Les nombreuses intoxications concernant la faune sauvage voire même l’homme sont là pour en témoigner. Le Chevreuil a été et est toujours victime de l’utilisation de ces produits phytosanitaires par l’homme. Les animaux s’intoxiquent en général en absorbant des aliments contaminés par ces produits dans différentes circonstances. Les intoxications peuvent faire suite à un usage normal du produit ou bien à une utilisation non-conforme à son homologation. Les animaux peuvent également ingérer de façon accidentelle ces produits phytosanitaires (erreurs de stockage…). Enfin, il existe des intoxications criminelles c’est-à-dire des intoxications dues à un acte de malveillance ou à une dérivation de leur utilisation (52).

a- Nature des pesticides agricoles responsables d’intoxication chez le Chevreuil

Pour énumérer les principaux toxiques rencontrés, nous allons nous baser sur les résultats fournis par le laboratoire de toxicologie de l’Ecole Vétérinaire de Lyon. En effet, il s’agit du seul laboratoire agrée par le réseau SAGIR et l’ONCFS pour les analyses toxicologiques des cadavres d’animaux sauvages. Un bilan des intoxications du Chevreuil réalisé sur six années (de 1992 à 1997) permet de dégager deux grandes familles de pesticides : les anticoagulants et les inhibiteurs des cholinestérases (IDC) (figure 36) (52).

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Tableau 6 : Principaux végétaux responsables d’intoxication chez les petits ruminants domestiques en France (46)

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Tableau 6 (suite): Principaux végétaux responsables d’intoxication chez les petits ruminants domestiques en France (46)

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Bilan des intoxications du Chevreuil entre 1992 et 1997(n=30)

Anticoagulants44%

Chloralose3%

Lindane10%

Plomb3%

Inhibiteurs des cholinestérases

37%

Triazines3%

Figure 36 : Bilan des intoxications du Chevreuil entre 1992 et 1997 (n=30) (52) Les analyses toxicologiques réalisées ont prouvé que les molécules citées ci-dessus étaient responsables de l’intoxication aigue de Chevreuils. Sur cette même période, un bilan reprenant les suspicions d’intoxications (cas d’intoxications pour lesquels aucune molécule toxique n’a été isolée à l’analyse toxicologique mais pour lesquels les commémoratifs ou les symptômes orientent le diagnostic vers une intoxication) dégage les mêmes tendances, avec les deux grandes familles évoquées précédemment (52). Ce bilan de suspicion met en avant d’autres molécules dans certains cas isolés (figure 37).

Bilan des intoxications suspectées chez le Chevreuilentre 1992 et 1997

(n=120)

IDC37%

Triazines3%

Pyréthrinoïdes4%

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Strychnine2% Arsenic

3% Anticoagulant28%

Chloralose1%

Lindane7%

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Aryloxyacides3%

Plomb2% Métaldéhyde

4%

Cuivre1%

Figure 37 : Bilan des suspicions d’intoxications de Chevreuils entre 1992 et 1997 (n=120)

(52)

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Nous allons reprendre les principaux toxiques incriminés dans les intoxications aigues du Chevreuil et décrire leurs modalités d’utilisation, leur mécanisme d’action et les symptômes qu’ils engendrent.

b- Les anticoagulants et les IDC b1-Les anticoagulants

Pendant la dernière décennie, cette famille constitue la principale cause d’intoxications de Chevreuils en France par les pesticides agricoles. Les anticoagulants sont destinés à la lutte contre les rongeurs et peuvent se présenter sous différentes formes (appâts, poudres, concentrâts). Les intoxications aux anticoagulants se sont multipliées ces dernières années suite à des campagnes de lutte contre les campagnols mises en œuvre dans différentes régions françaises (Doubs, Cantal, Loire, Haute-Loire…). La lutte contre les ragondins, espèce en forte expansion pendant la dernière décennie, a également beaucoup utilisée ces molécules (52). Remarque : même si les anticoagulants sont les toxiques les plus meurtriers d’un point de vue quantitatif pour les Chevreuils, il semble que cette espèce soit moins sensible que d’autres mammifères sauvages (lapin, lièvre, renard, sanglier) vis-à-vis de ces produits, en raison d’une dégradation possible de certaines molécules par la flore du rumen (52). Les anticoagulants restent néanmoins mortels pour les Chevreuils s’ils ingèrent une dose unique supérieure à la DL50 (dose qui tue statistiquement 50% des animaux) ou des doses répétées. La principale molécule responsable de mortalité chez le Chevreuil est la bromadiolone, molécule de deuxième génération. Dans le bilan toxicologique réalisé par SOUVILLE (52) de 1992 à 1997, sur les 13 cas confirmés d’intoxication aux anticoagulants, 11 sont dus à la bromadiolone. Les deux autres molécules identifiées sont la chlorophacinone et le brodifacoum. Depuis 1997, le réseau SAGIR a enregistré 32 cas (confirmés ou suspectés) d’intoxications aux anticoagulants. La bromadiolone est impliquée dans 20 cas, la chlorophacinone dans deux cas, le diphénacoum et le coumaphène dans un cas chacun. Pour les autres cas, la nature exacte de l’anticoagulant n’a pu être identifiée. La bromadiolone est quasi-exclusif en raison d’une grande résistance des ruminants aux autres anticoagulants de première et deuxième génération (chlorophacinone, difénacoum, coumafène). Les ruminants sont également très sensibles aux molécules de troisième génération (brodifacoum) (52). L’incidence de ces produits dans les causes de mortalité toxiques a augmenté depuis 1995. Les intoxications à la bromadiolone résultent surtout de l’ingestion accidentelle d’appâts. Cette augmentation est à mettre en relation avec les campagnes de lutte contre les rongeurs développées ces dernières années, mais il s’agit généralement d’accidents isolés dans différents départements (52).

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La répartition annuelle des intoxications du Chevreuil aux anticoagulants répertoriés dans la base SAGIR confirme cette recrudescence du nombre de cas à partir des années 1995 et 1996 (figure 38). Le nombre de cas semble s’infléchir ces trois dernières années avec la mise en place d’une législation plus stricte quant à l’utilisation des appâts empoisonnés dans la lutte contre les rongeurs nuisibles des cultures. Le bilan réalisé entre 1992 et 1997 par SOUVILLE fait apparaître deux pics annuels dans les intoxications aux anticoagulants chez le Chevreuil : un pic principal en décembre – janvier et un pic secondaire de mars à juillet. Ces deux pics peuvent s’expliquer par le fait que les appâts empoisonnés à la bromadiolone seraient préférentiellement utilisés à ces époques-là, sans oublier que le pic principal correspond à une période de disette en nourriture, les Chevreuils affamés consommant les aliments qu’ils peuvent trouver.

Répartition annuelle des intoxications aux anticoagulants du Chevreuuil de 1992 à 2003

(SAGIR)

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1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003

Figure 38 : Répartition annuelle des intoxications aux anticoagulants du Chevreuil de 1992 à 2003

(données SAGIR de 1986 à 2003) (n=38)

Les anticoagulants agissent en entrant en compétition par analogie structurale avec la vitamine K. Cette vitamine participe à l’activation de quatre facteurs de la coagulation sanguine (II : prothrombine, VII : proconvertine, X : facteur Stuart, IX : facteur antihémophilique B). Une fois les réserves en facteurs de coagulation actifs épuisés, l’organisme n’est plus en mesure de réaliser une coagulation normale de son sang (54).

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Le tableau clinique des intoxications aux rodenticides anticoagulants se caractérise donc par une hypocoagubilité sanguine, apparaissant de façon différée après l’ingestion, au minimum de 24 à 48 heures. Les signes hémorragiques apparaissent en moyenne trois jours suivant le début de l’ingestion du toxique et sont d’autant plus intenses que celui-ci a été absorbé régulièrement plusieurs jours (54). Les premiers symptômes sont plutôt discrets voire inapparents avec une fatigue de plus en plus marquée, une baisse de l’appétit et une respiration difficile. Vient ensuite le syndrome hémorragique avec une pâleur importante des muqueuses et des hémorragies multiples que l’on retrouve à l’autopsie : hémorragies sous-cutanées, hémorragies viscérales multiples (vessie, paroi digestive, poumons…), épanchements sanguins (hémopéricarde, hémothorax…), présence de sang dans les féces, dans l’urine, épistaxis, dégénérescence hépatique… (54). L’évolution vers la mort se fait en général en quelques jours après les premiers signes cliniques.

b2- Les IDC Ce groupe de pesticides arrive en seconde position dans les cas confirmés d’intoxications (37%), juste derrière les anticoagulants (44%), et en première position dans le bilan des suspicions d’intoxications (37%) (52). Ce groupe rassemble la famille des organophosphorés et des carbamates, qui sont utilisés comme insecticide sur de nombreuses cultures. Les carbamates sont principalement employés comme insecticide et nématicide de sol, sous forme de microgranulés colorés, destinés à être enfouis dans le sol lors des semis ou parfois à être déposés sur le sol. Certains carbamates peuvent également être épandus sous forme de concentrés émulsionnables ou de poudres mouillables sur des cultures sur pied (cultures légumières : haricot, chou, carotte…, cultures ornementales : arbres, arbustes, fleurs…). Les organophosphorés s’utilisent comme insecticide sur de nombreux types de cultures (céréalières, légumières, ornementales, fruitières) avant la récolte des produits (52). Les Chevreuils s’intoxiquent en ingérant les microgranulés insecticides de sol ou bien en consommant des plantes sur lesquelles ces produits ont été épandus sous forme de concentrés ou de poudres. Les cas d’intoxication aigue aux IDC ont lieu en général juste après un traitement des cultures avec ces produits phytosanitaires. La figure 39 montre un pic annuel d’intoxications au printemps (mars – avril) et un pic moins important à l’automne (de septembre à novembre). Ces dates correspondent aux périodes de traitement des cultures avec ces produits, pour les semis de printemps pour le premier pic et pour les semis d’automne pour le second pic.

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Répartition mensuelle des intoxications aux IDC du Chevreuilde 1986 à2003

(SAGIR)

0

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5

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J F M A M J J A S O N D

Figure 39 : Répartition mensuelle des intoxications aux IDC du Chevreuil de 1986 à 2003

(données SAGIR de 1986 à 2003) Les IDC sont régulièrement mis en cause dans l’intoxication aigue de Chevreuils ces dix dernières années (figure 40).

Répartition annuelle des intoxications aux IDC du Chevreuilde 1992 à 2003

(SAGIR)

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1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003

Figure 40 : Répartition annuelle des intoxications aux IDC du Chevreuil de 1992 à 2003 (données SAGIR de 1986 à 2003)

(n=27)

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Les IDC agissent par compétition en empêchant l’action des cholinestérases sur l’acétylcholine (52).

Remarque : l’acétylcholine est le médiateur chimique du système nerveux parasympathique et des fibres préganglionnaires du système orthosympathique, de la jonction neuromusculaire des nerfs moteurs et de certaines synapses du système nerveux central. Lorsqu’un certain taux d’inactivation des cholinestérases est atteint, l’acétylcholine s’accumule et excite ses différents récepteurs, ce qui se traduit par des manifestations que l’on regroupe traditionnellement sous plusieurs syndromes :

un syndrome muscarinique, qui résulte de l’excitation des fibres terminales du système parasympathique avec augmentation des sécrétions, myosis, bronchoconstriction, bradychardie

un syndrome nicotinique, qui résulte de l’excitation des transmissions

ganglionnaires des systèmes ortho et parasympathiques et qui survient de façon retardée, provoquant faiblesse musculaire, paralysie

un syndrome dû à l’excitation des jonctions neuromusculaires : fasciculations

musculaires, hypertonicité, contractions involontaires

un syndrome dû à l’atteinte du système nerveux central avec dépression. Les symptômes apparaissent en général rapidement après l’ingestion du toxique. Dans un premier temps, le tableau clinique traduit le syndrome muscarinique avec une augmentation générale des sécrétions (hypersalivation intense, larmoiement, jetage, sudation, diarrhée). L’animal présente également un myosis, un hyperpéristaltisme, une bronchoconstriction, une bradycardie et un relâchement des sphincters. La mort est possible dès ce stade suite à un encombrement bronchique (dû à l’hypersécrétion bronchique), un œdème aigu du poumon ou encore à un bronchospasme. Les symptômes provoqués par l’excitation des fonctions neuromusculaires et par le syndrome nicotinique s’ajoutent plus ou moins rapidement aux précédents. Ils se caractérisent par des tremblements, des fasciculations musculaires localisées, des trémulations entraînant des myoclonies plus ou moins sévères pouvant aller jusqu’à la tétanisation. Cette dernière, au niveau des muscles respiratoires, conduit à la mort de l’animal par asphyxie. Il est à noter également des symptômes neuromusculaires associés à l’hyperstimulation du système nerveux central (tachycardie, vasoconstriction coronaire, cutanée, pulmonaire et muqueuse, et une mydriase). Dans la dernière phase de l’intoxication, les symptômes dus à l’atteinte du système nerveux central prédominent. Ils se traduisent par une dépression intense avec prostration et coma chez les ruminants. Les tableaux cliniques sont souvent mélangés et la mort peut survenir à tout moment au cours de l’évolution de la maladie. Elle est due le plus souvent à une insuffisance respiratoire. L’évolution est en général rapidement mortelle (52).

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Les lésions nécropsiques sont peu spécifiques. On note une simple congestion généralisée avec quelques traces des symptômes ayant précédé la mort de l’animal : une cyanose avec ou sans œdème pulmonaire, une atélectasie des poumons plus ou moins hémorragiques, des traces des hypersécrétions, une diarrhée mucoïde et parfois hémorragique, des hémorragies et pétéchies musculaires suite aux convulsions, des hémorragies cardiaques et digestives liées à l’hypoxie et aux convulsions, et enfin l’éventuelle présence du toxique dans la panse de l’animal sous forme de microgranulés colorés (52). Les anticoagulants et les IDC constituent les deux principales familles de pesticides responsables d’intoxications aigues chez le Chevreuil. Toutefois, en comparaison avec d’autres espèces de mammifères sauvages vivant sur le territoire français (renard, sanglier, lièvre, lapin), le Chevreuil présente une faible sensibilité vis-à-vis de ces deux familles (52). La faible incidence des intoxications aux anticoagulants chez le Chevreuil est liée au fait que cette espèce est peu sensible à cette famille de molécules en raison de l’inactivation de certaines de ces molécules par la flore ruminale. La recrudescence des cas ces dernières années est due à l’utilisation de molécules que la flore ruminale n’est pas en mesure d’inactiver (bromadiolone) et le Chevreuil se trouve donc plus sensible vis-à-vis de ces molécules. Le Chevreuil se montre également peu sensible avec les IDC. Le faible nombre de cas par rapport à d’autres espèces peut s’expliquer par le fait que le Chevreuil est un animal forestier et qu’il tire sa nourriture principalement d’éléments ligneux et semi-ligneux dans ce milieu. Par contre, le Chevreuil de plaine, qui se nourrit majoritairement de plantes cultivées (donc de plantes recevant des traitements phytosanitaires) est plus exposé aux intoxications par les IDC. A côté de ces deux grandes entités toxiques, le Chevreuil peut être victime d’autres toxiques mais avec des incidences très faibles.

c- Les autres toxiques responsables de toxicité aigue chez le Chevreuil Ces produits ont une faible part dans les causes de mortalité du Chevreuil par intoxication. Cela peut être dû pour certains d’entre eux à leur faible toxicité et à leur rapidité de dégradation dans l’organisme de l’animal (herbicides) ou pour d’autres, à des modalités d’application à de faibles doses (insecticides non IDC). Il peut également s’agir de molécules qui ont été autrefois très utilisées mais qui sont aujourd’hui peu employées à cause de leur forte toxicité (lindane, strychnine).

Le lindane Le lindane est un insecticide appartenant à la famille des organochlorés. Ces composés ont été très utilisés après la seconde guerre mondiale dans les traitements phytosanitaires des cultures. La découverte de leur forte toxicité pour les poissons et de leur forte persistance dans l’environnement avec une accumulation de plus en plus grande dans les organismes vivants, fait qu’à l’heure actuelle leurs indications sont limitées (54).

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L’utilisation agricole du lindane est interdite depuis juillet 1998. Auparavant, il était employé comme insecticide pour le traitement de semences variées (arbres fruitiers, légumes…) ou bien comme insecticide de sol destiné à être enfoui dans le sol lors des semis (semences de maïs, tournesol, colza…) (52). Les intoxications du gibier sauvage surviennent le plus souvent à la suite de l’ingestion de graines de semence traitées au lindane (54). Les intoxications du Chevreuil au lindane restent très rares (trois cas répertoriés entre 1992 et 1995) et sont antérieures à l’interdiction d’utilisation de ce composé dans un cadre agricole (52). Le Chevreuil est une espèce très sensible au lindane, avec une DL50 très faible : 20mg/kg pour les ruminants (52). Les organochlorés agissent sur le système nerveux central. Ils formeraient des complexes avec les protéines des membranes des fibres nerveuses, ce qui modifie la perméabilité aux ions K+ et ainsi perturbe le passage de l’influx nerveux (54). Les premiers symptômes peuvent apparaître de quelques minutes à quelques jours après l’exposition au toxique. L’animal est d’abord hyperexcité, angoissé et agité. Il va ensuite présenter des troubles de l’équilibre, avec incapacité de se relever dans les cas les plus graves. Il est atteint de fasciculations musculaires, puis périodiquement de crises convulsives avec pédalage. L’animal tombe dans le coma et meurt de cyanose. La mort est en général rapide, dans les trois à douze heures après le début des premiers symptômes, parfois plus (54). A l’autopsie, les lésions sont peu spécifiques : congestion généralisée, pétéchies sur le cœur, les intestins et les poumons et enfin un œdème du cerveau et de la moelle épinière. Les intoxications du Chevreuil par le lindane sont très rares et ont aujourd’hui un caractère historique depuis l’interdiction de ce composé en agriculture (sauf utilisation accidentelle ou criminelle). La grande sensibilité de cette espèce au lindane fait que les cas d’intoxications à cette molécule sont quasiment toujours mortels.

La strychnine Autrefois très utilisée pour détruire les rongeurs, les taupes et les renards, son utilisation est aujourd’hui très restreinte en raison des intoxications répétées de nombreux animaux à cette molécule. De nos jours, la strychnine n’est plus employée que pour fabriquer des appâts taupicides dont l’utilisation est soumise à des règles d’autorisation très strictes (52). Certains particuliers, possédant encore de la strychnine, peuvent fabriquer frauduleusement des appâts à des fins de destruction de taupes, de rongeurs, de renards ou bien à des fins plus malveillantes (empoisonnement de carnivores domestiques jugées « gênants »). Les Chevreuils se contaminent en ingérant accidentellement ces différents appâts.

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Il s’agit d’une molécule très toxique avec des DL50 très basses (0.5 mg/kg pour les bovins) (52). La strychnine agit au niveau médullaire. Elle bloque une fonction inhibitrice des motoneurones. Il s’ensuit des réponses motrices multiples et exagérées à tout stimulus : l’individu est hyperréflectif et hyperesthésique (54). Les premiers symptômes apparaissent quelques minutes après l’ingestion du toxique. Ils se caractérisent par une hypertonie musculaire et une hyperesthésie d’installation progressive, se traduisant par de violentes réactions à toute stimulation. Les crises convulsives sont discontinues avec des crises tétaniformes entrecoupées de phases de repos. Dans un premier temps, une phase tonique avec opisthotonos conduit à une apnée. Vient ensuite une phase de contractions cloniques avec une polypnée intense. La période de repos qui suit peut durer plusieurs minutes. L’animal est alors hyperréflectif et les crises sont déclenchées par toute stimulation visuelle, tactile, auditive, à des intervalles de plus en plus rapprochés. L’animal reste conscient pendant toute la durée d’évolution des symptômes. L’animal meurt d’asphyxie en quelques minutes à quelques heures après l’apparition des premiers symptômes (54). Les cas d’intoxications à la strychnine sont aujourd’hui très rares car ce composé est peu employé de nos jours. Le dernier cas répertorié par SAGIR date de 1999. Comme le lindane, cette molécule est toujours mortelle.

La crimidine (52) (54) La crimidine est un toxique convulsivant utilisé comme souricide. Ce composé se présente sous la forme d’appâts à base de blé, qui ne doivent être déposés que dans des locaux fermés, dans des habitations ou dans leur voisinage. Les cas d’intoxications du Chevreuil pourraient être dus à un usage non conforme de ce rodenticide (appâts déposés en pleine nature, loin des habitations, avec ou sans intentions malveillantes) ou à un mauvais stockage. Les cas restent néanmoins très rares (3% des cas de suspicion dans le bilan de 1992 à 1997). La crimidine est un inhibiteur structural de la vitamine B6. La carence de cette vitamine perturbe le métabolisme de nombreux acides aminés et en particulier, on constate l’inhibition de la formation de GABA à partir d’acide glutamique. Les symptômes apparaissent de une à trois heures après l’ingestion du toxique. Le tableau clinique débute par une modification du comportement, des troubles de l’équilibre et des symptômes digestifs (hypersalivation avec émission d’une salive mucoïde et blanchâtre). Viennent ensuite des crises convulsives, discontinues, de type tonique, avec un animal prenant une position d’emprosthotonos. Celui-ci semble souffrir et halluciner car il émet une plainte continuelle.

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Dans la phase finale, les crises convulsives deviennent tono-cloniques avec une hyperthermie transitoire liée à l’hyperactivité musculaire. Puis l’animal devient comateux, tombe en hypothermie, hypoglycémie et hypoxie, et finit par mourir d’asphyxie. L’évolution vers la mort peut durer jusqu’à 48 heures.

Le métaldéhyde (52) (54) Le métaldéhyde est un toxique convulsivant utilisé comme molluscicide sous forme de granulés à épandre sur les cultures. Il peut également être pulvérisé sur celles-ci. Les traitements peuvent s’effectuer au semis et ensuite en fonction du cycle du nuisible (la limace), en cours de culture par pulvérisation. C’est un composé fréquemment employé par le grand public et en agriculture. Les appâts au métaldéhyde ont pour support du son, ce qui les rend très appétant pour de nombreuses espèces. Il semblerait que les intoxications de gibier fassent suite à l’épandage de molluscicides dans les cultures (54). Compte tenu de la facilité pour se procurer ce composé, il n’est pas à exclure que les Chevreuils puissent consommer accidentellement des appâts fabriqués dans un but criminel et destinés à d’autres espèces que les limaces (carnivores domestiques le plus souvent). Les cas de mortalité de Chevreuils dus au métaldéhyde restent rares (4% des cas suspectés). Par analogie avec les bovins et les ovins, on estime la DL50 du métaldéhyde comprise entre 200 et 800mg/kg pour le Chevreuil. Ces valeurs étant relativement élevées, le risque d’intoxication immédiate est de faible à moyen (52). Le mécanisme d’action du métaldéhyde est encore mal connu. Il exerce une action neurotoxique et une action irritante sur la muqueuse digestive. Les symptômes débutent de une à deux heures après l’ingestion du toxique et se caractérisent par un état d’ « ébriété » des animaux avec des troubles de l’équilibre et une modification du comportement. Cette phase initiale s’accompagne d’une hypersalivation, d’une dyspnée et d’une tachycardie. La phase d’état est marquée par des convulsions tono-cloniques continues, avec des mouvements de pédalage. Le ptyalisme et la dyspnée s’intensifient et on note une hyperthermie liée à l’activité musculaire. Un relâchement des sphincters provoque l’émission d’urine et de fécès. La phase finale se traduit par une paralysie des muscles respiratoires entraînant la mort par asphyxie des animaux. La mort survient en 12 à 24 heures.

Le chloralose (52) (54) Le chloralose est un rodenticide non anticoagulant, employé également comme corvicide, taupicide et souricide. Il est épandu à la surface des cultures sous forme de granulés.

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Ce composé est non toxique pour le Chevreuil car il est détruit par la microflore ruminale des espèces polygastriques. Il peut néanmoins provoquer somnolence et hypothermie chez le Chevreuil, affaiblissant ainsi l’organisme. Un cas d’intoxication au chloralose a toutefois été découvert sur un Chevreuil en 1995 (52). L’animal avait développé au préalable une acidose du rumen, déséquilibrant la microflore ruminale. On peut penser que cette modification des micro-organismes de la panse a empêchée l’inactivation du chloralose par le Chevreuil. Cet animal, déjà affaibli par les perturbations métaboliques liées à l’acidose, a succombé à l’action toxique de ce composé. Ce cas reste donc isolé et le Chevreuil, sauf conditions particulières, n’est pas sensible au chloralose.

Les pyréthrynoïdes (52) (54) Les pyréthrinoïdes sont des insecticides se présentant sous la forme d’un liquide huileux visqueux. Ils s’appliquent par pulvérisation pendant la floraison. La toxicité est très variable selon les produits. De façon générale, leur toxicité est nettement inférieure à celle des organophosphorés et des carbamates vis-à-vis des animaux à sang chaud. Ces composés sont peu biodisponibles, fortement métabolisés par le foie et traversent difficilement la barrière méningée chez les animaux homéothermes. Les cas d’intoxications des mammifères sauvages et du Chevreuil en particulier sont donc très rares (4% des cas de suspicion). Le délai d’apparition des symptômes est assez court (de quelques minutes à quelques jours) et varie en fonction de la voie d’intoxication, de la nature du produit et de l’espèce considérée. Ces composés s’accumulent au niveau des canaux à sodium des synapses neuromusculaires et entraînent une ouverture prolongée de ces canaux d’où augmentation des potentiels d’action. Les symptômes qui en découlent sont surtout des tremblements, des fasciculations, des convulsions cloniques et une modification du comportement (agitation, angoisse et agressivité). Les solvants associés à ces produits participent aux troubles digestifs (hypersalivation). Les lésions observées sur le cadavre ne sont pas spécifiques et consistent en une dégénérescence hépatique et rénale.

L’arsenic (52) (54) L’arsenic est utilisé comme fongicide des vignes et est pulvérisé l’hiver sous forme de suspension d’arsenite de sodium, accompagné d’un produit répulsif pour la faune sauvage. Le Chevreuil peut s’intoxiquer en consommant des feuilles de vigne venant d’être traitées. Ce composé est rarement retrouvé dans les intoxications aigues des mammifères sauvages.

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Il provoque des symptômes digestifs avec de la salivation, de la diarrhée avec des douleurs abdominales très violentes et une soif intense. La composante nerveuse du tableau clinique se caractérise par de la faiblesse, des tremblements, une ataxie, une prostration puis une paralysie en phase terminale. La mort survient après collapsus respiratoire.

Les triazines (52) (54) Ces molécules sont des herbicides systémiques. Elles peuvent être appliquées à différentes époques de la vie végétale, mais sont utilisées de préférence en pré-émergence, avant la levée des plantes adventices ou en pré-semis avec incorporation avec le ou les dernières façons culturales. Les triazines peuvent être épandues soit par pulvérisation pour les formes liquides, soit par poudrage, soit encore à la volée pour les formes granulées. Les triazines sont peu toxiques. La DL50 est de 250mg/kg pour les Chevreuils, par analogie avec les ovins. Les cas d’intoxication à ces molécules sont donc rares. Toutefois, un cas a été confirmé entre 1992 et 1997. Les triazines agissent essentiellement par irritation du tractus digestif. Les symptômes sont essentiellement digestifs avec de la diarrhée, de l’inrumination, de l’anorexie, des coliques et de l’hypersalivation. Quelques symptômes nerveux sont également observés avec ataxie, parésie, prostration et trémulations musculaires.

Les aryloxyacides (52) (54) Il s’agit d’herbicides sélectifs utilisés dans le désherbage des céréales et des prairies, et comme débroussaillant et faucardant. Ces produits sont en général peu toxiques et on les rencontre rarement dans le cadre d’intoxications aigues (3% des cas de suspicion entre 1992 et 1997). Le mode d’action toxique et les symptômes se rapprochent de ceux des triazines.

Le DNOC (dinitro-2,4 orthocrésol) (52) (54) Le DNOC appartient à la famille des dinitroaromatiques, herbicides agissant sur les parties foliaires des végétaux. Ils se présentent sous forme de sels pouvant être dilués dans des huiles de pétrole ou des huiles minérales. Ils forment alors les huiles jaunes hautement toxiques pour les animaux. Le DNOC a en plus de ses propriétés herbicides, des effets fongicides et insecticides. Depuis 1997, il ne peut plus être épandu que sur des arbres fruitiers, au cours de l’hiver. Les cas d’intoxications font généralement suite aux épandages agricoles, les animaux consommant des végétaux récemment traités. Ils restent rares chez le Chevreuil (2% des cas de suspicion).

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La DL50 chez le Chevreuil est estimé à 100mg/kg, par analogie avec les bovins. Le DNOC est un découplant des phosphorylations oxydatives de la respiration. Il empêche la formation d’ATP par la cellule et l’énergie correspondante est libérée sous forme de chaleur. Il stimule aussi le métabolisme cellulaire et renforce la production de chaleur. Les symptômes apparaissent quelques heures après l’ingestion du DNOC. Ils se caractérisent par une faiblesse musculaire, une hyperthermie (41 à 42°C), une transpiration, de la dyspnée et tachypnée, de la tachycardie et une méthémoglobinémie chez les ruminants.

Le plomb (52) (54) Le plomb est un toxique cumulatif. Il est peu absorbé mais s’accumule dans l’organisme (squelette, viscères, phanères). L’ingestion quotidienne réitérée pendant plusieurs semaines est la forme de contamination la plus dangereuse dans les intoxications au plomb. Les symptômes apparaissent en général quelques semaines à quelques mois après les premières contaminations. Les circonstances d’intoxications des Chevreuils au plomb restent mal connues. Par analogie avec d’autres espèces, notamment les bovins, nous pouvons formuler quelques hypothèses sur les circonstances d’intoxications au plomb (54). Le Chevreuil peut consommer des fourrages contaminés par le plomb issu de la pollution industrielle et dans une moindre mesure de la pollution automobile. Il s’agit de fourrages situés dans le voisinage d’usines produisant ou utilisant du plomb ou situés près de grands axes routiers. La pollution par les plombs de chasse au voisinage des stands de tir ou d’étangs à forte pression cynégétique peut aussi être une source de contamination par le plomb. Le léchage de peintures contenant du plomb, fraîches ou écaillées, peut aussi causer des accidents. C’est le cas par exemple de léchage de surfaces telles que des pylônes électriques, des clôtures, des abreuvoirs… . Les vieilles batteries, parfois nombreuses à proximité de fermes, sont également une source de pollution de l’environnement par le plomb. La sensibilité du Chevreuil au plomb est mal connue. Les bovins et les ovins sont assez sensibles alors que les caprins sont réputés pour être plus résistants. Les cas d’intoxications du Chevreuil au plomb restent exceptionnels (un cas confirmé entre 1992 et 1997). Le plomb perturbe l’hématopoïèse en inhibant la synthèse de l’hème. Il exerce également une action compétitive avec le calcium, qui se manifeste principalement par des troubles neurologiques. Par analogie au saturnisme aigu des bovins, les symptômes sont surtout liés à l’action neurotoxique. L’animal souffre de cécité par amaurose due à une lésion du nerf optique. Il

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présente des troubles du comportement avec une alternance de phases d’abattement et de phases d’hyperexcitation, pouvant aller jusqu’au déclenchement de crises convulsives. Des tremblements musculaires, des mâchonnements perpétuels avec grincements de dents et hypersalivation sont fréquents. Le tableau clinique est complété, dans un cas sur deux, par des troubles digestifs se caractérisant par de l’anorexie et une diarrhée noirâtre. La mort survient en quelques jours, au cours d’une crise d’hyperexcitation ou d’une phase de prostration intense. A l’autopsie, on observe fréquemment des lésions de néphrite interstitielle subaigue ou chronique, de la congestion hépatique, une modification du contenu du tube digestif avec parfois des inflammations de la muqueuse. Lors d’évolution lente, les muscles squelettiques peuvent dégénérer et avoir une coloration brune.

Le cuivre (52) Il se présente sous la forme de « bouillie bordelaise » ou de concentrât de sulfate de cuivre. Il est employé comme fongicide sur de nombreuses cultures et sur des semences de betteraves, de céréales et le traitement des vignes contre le mildiou. Ce pesticide est très rarement retrouvé dans les cas d’intoxications aigues de la faune sauvage en général. Le Chevreuil, par analogie aux ovins, est une espèce sensible au cuivre, avec une DL50 de 20 à 100mg/kg. Le gibier s’intoxique en ingérant de l’herbe contaminée par un traitement de vigne ou par ingestion de grappes de vigne. A forte dose, c’est surtout l’action irritante et nécrosante qui prédomine. Les symptômes apparaissent rapidement après l’ingestion du toxique et se caractérisent essentiellement par des troubles digestifs (salivation, coliques, diarrhée) et par quelques troubles nerveux (convulsions, paralysie et décubitus). La mort est très rapide. Les intoxications du Chevreuil par les pesticides autres que les anticoagulants et les IDC restent annuellement anecdotiques. Il peut s’agir de molécules à forte toxicité mais qui ne sont plus ou très peu employées de nos jours (lindane, strychnine) ou dans des conditions très restreintes (arsenic, cuivre, DNOC), les animaux ayant alors peu de chance de rentrer en contact avec ces produits. Cela peut être aussi des produits de faible toxicité pour le Chevreuil (triazines, chloralose, pyréthrinoïdes) ou bien des produits qui sont utilisés à faible dose. Le faible nombre d’intoxications à ces molécules peut aussi s’expliquer par le fait que le Chevreuil vit préférentiellement en milieu forestier alors que ces produits phytosanitaires sont employés surtout sur des cultures en milieu ouvert.

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Enfin, nous pouvons signaler le cas d’un Chevreuil mort par intoxication due à des hydrocarbures. Il s’agit d’un animal trouvé mort en juillet 2003 en Gironde à proximité du bord de mer. Il semblerait que cette intoxication provienne d’une contamination à partir de galettes d’hydrocarbure présentes sur les plages voisines. Ces galettes pourraient provenir de dégazages sauvages de bateaux en pleine mer ou bien d’un cargo qui avait sombré quelques mois auparavant au large des côtes espagnoles et qui a été responsable de la pollution aux hydrocarbures de nombreuses plages françaises de l’Atlantique sud.

G- Les tumeurs On rencontre chez le Chevreuil toutes les variétés de tumeurs de malignité variable intéressant tous les tissus et toutes les localisations (56). Les lieux de prédilection des tumeurs du Chevreuil sont le foie et la tête (11). La gravité des troubles provoquée par une tumeur va dépendre de plusieurs paramètres : de son degré de malignité, du volume tumoral, du ou des organes atteints. Comme pour tout animal, un Chevreuil atteint d’une tumeur maligne finira par mourir à plus ou moins longue échéance de cette affection. Certaines tumeurs, de volume important, quelles soient bénignes ou malignes, peuvent entraîner une gêne pour les animaux : dans leur déplacement, dans leur prise de nourriture, dans leur perception des stimuli de l’environnement. Ces animaux sont alors plus exposés aux dangers environnants (prédation, chasse). Ces tumeurs sont responsables de façon indirecte de la mort des Chevreuils atteints. Toutefois, la mortalité engendrée par des tumeurs reste anecdotique dans les populations de Chevreuils. La base SAGIR dénombre 20 Chevreuils morts de tumeurs auxquels il faut ajouter deux cas mortels de leucose et cinq de lymphosarcomes.

H- Les anomalies des bois : perruques ou têtes mitrées (56) C’est une prolifération exubérante, désordonnée et continue du tissu recouvrant normalement les bois au début de leur formation. Il se forme alors une masse spongieuse couverte d’une couche veloutée plus ou moins développée. Cette masse ne tombe pas et prolifère jusqu’à la mort de l ‘animal. L’étiologie et la pathogénie de ces anomalies sont mal connues : cette formation anormale serait due à un dérèglement hormonal suite à des blessures testiculaires. Elle se rencontre exceptionnellement sur des femelles. La part de ces anomalies dans la mortalité du Chevreuil est également très faible. Un cas est signalé dans la base SAGIR.

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I- Accidents de gestation L’incapacité d’une femelle Chevreuil à expulser son fœtus peut aboutir à la mort du couple « mère-petit ». Le faon qui reste coincé dans l’utérus de sa mère finit par mourir. Il va se décomposer et provoque une important métrite. Cette dernière s’accompagne généralement d’une septicémie qui va être fatale à la mère. Les cas de dystocies sont dus à une position anormale du fœtus, à l’engagement simultané de deux fœtus, ou à une incompatibilité entre la taille de la filière pelvienne de la mère et le volume du fœtus. Ces accidents, souvent mortels, restent néanmoins très rares. 11 cas mortels de dystocie sont répertoriés dans la base SAGIR. Les causes de mortalité des Chevreuils français sont donc très nombreuses et très diversifiées. Parmi les différentes catégories, certaines grandes entités se dégagent : blessures de chasse et collisions routières parmi les traumatismes ; septicémies, entérotoxémies, infections respiratoires, infections nerveuses, colibacilloses parmi les pathologies infectieuses ; strongyloses digestives et respiratoires parmi les atteintes parasitaires. A côté de ces mortalités majeures, le Chevreuil peut succomber à une multitude d’autres affections dont les prévalences sont faibles voire très faibles. Avant de conclure définitivement notre travail, il faut souligner que les données sur lesquelles nous nous sommes appuyées pour construire notre étude comportent un certain nombre de biais.

V- FACTEURS A L’ORIGINE D’UN BIAIS DANS L’ETUDE ET CONSEQUENCES SUR LA VALEUR DES RESULTATS COLLECTES

De nombreux résultats ne sont pas toujours précis et exacts à cause de l’intervention de facteurs externes. Ces facteurs proviennent d’une part du Chevreuil lui-même et à la difficulté de son suivi sanitaire et d’autre part des nombreuses difficultés qui interviennent aux différentes étapes du réseau SAGIR engendrant un certain nombre de biais que nous allons évoquer maintenant.

A- Problèmes relatifs au suivi sanitaire des populations de Chevreuils

Le premier biais réside dans la difficulté de réaliser le suivi sanitaire de la faune sauvage et du Chevreuil en particulier. La population totale de Chevreuils sur le territoire français n’est qu’estimée.La prévalence des différentes causes de mortalité à l’échelle nationale n’est donc q’une évaluation.

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Les échantillons qui constituent la base SAGIR et sur lesquels nous avons travaillé manque fréquemment de représentativité. Parmi l’ensemble des Chevreuils décédés d’une cause extra-cynégétique, seul un petit nombre est répertorié et un nombre encore plus faible autopsié. Si le nombre de 8200 fiches SAGIR concernant le Chevreuil peut paraître élevé et suffisant pour avancer quelques résultats précis, il est difficile de connaître le pourcentage réel que ce nombre constitue par rapport à la totalité des Chevreuils morts d’une cause extra-cynégétique. De nombreux animaux ne rentrent donc pas dans la base de données SAGIR pour diverses raisons : animaux non découverts, une réglementation très stricte du transport des animaux sauvages (nécessité d’autorisations spéciales) empêchant l’acheminement spontané des animaux par le grand public, animaux non déclarés et conservés en vue d’être consommés, animaux non déclarés car la cause de la mort est évidente (par exemple, cas des animaux décédés suite à une collision avec un véhicule ou des animaux prédatés) et la personne découvrant le cadavre ne l’achemine alors pas vers les responsables SAGIR locaux, animaux laissés sur place par manque d’intérêt ou ignorance des personnes découvrant le cadavre… . Toutes ces raisons font que l’échantillon constitué par la base de données SAGIR n’est pas toujours représentatif. Elle permet toutefois de dégager un certain nombre de tendances même si celles-ci ne sont pas parfaitement exactes. Une autre difficulté réside dans la pauvreté des informations concernant les commémoratifs et les tableaux cliniques des animaux. En effet, la plupart des animaux sont découverts morts ou mourants et il est alors quasi-impossible de dresser une liste de symptômes pouvant aider au diagnostic de la mort. Ceci est particulièrement vrai pour les animaux décédés de pathologies infectieuses ou parasitaires. Par contre, les traumatismes mortels laissent souvent des traces ne laissant aucun doute sur la cause de la mort, même si ce n’est pas toujours le cas. Les examens complémentaires, et en particulier les autopsies, réalisés sur les cadavres n’aboutissent pas toujours à des conclusions certaines. En effet, dans la grande majorité des cas, les animaux soumis à un examen nécropsique présentent un mauvais état de conservation, ce qui peut fausser les résultats et rendre difficile leur interprétation. La cause de la mort n’est alors pas établie avec certitude. Le suivi sanitaire du Chevreuil se heurte donc à de nombreuses difficultés. Contrairement aux animaux domestiques, il n’est pas possible de disposer à tout moment des animaux décédés et de réaliser l’ensemble des examens souhaités dans des conditions optimales. Toutes ces difficultés, propres au Chevreuil lui-même, engendrent donc un certain nombre de biais dans notre étude. Ceux-ci se manifestent surtout au niveau des prévalences de certaines causes de mortalités. C’est le cas par exemple des Chevreuils décédés suite à une collision avec un véhicule, dont le nombre est sous-estimé pour les raisons que nous avons déjà évoquées. Même s’ils ne sont pas toujours précis et exacts, les chiffres que nous avons avancés dans notre étude permettent néanmoins d’établir les grandes tendances dans la mortalité des Chevreuils. D’autres biais existent aussi et proviennent de différents problèmes rencontrés aux divers échelons du réseau SAGIR.

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B- Les biais rencontrés aux différents niveaux du réseau SAGIR

1- Collecte des échantillons et demandes des analyses Le travail de collecte des animaux trouvés morts sur le terrain est assuré par les FDC. C’est également cet organisme qui va demander les analyses complémentaires aux LVD. Le nombre de demande d’analyses de Chevreuils s’est accru ces dernières années avec l’augmentation du nombre de découvertes de cadavres de ce petit cervidé. Le principal phénomène expliquant cette progression est bien sur l’accroissement démographique de cette espèce en France. De plus, l’apparition du phénomène de mortalité massive de Chevreuils à la fin des années 1990 a incité les acteurs du monde cynégétique à être plus vigilants dans la surveillance de leur territoire et à faire appel au réseau SAGIR lors de la découverte de cadavres. Toutefois, même si le nombre total d’analyses a augmenté, il n’a pas progressé dans les mêmes proportions que les populations de cervidés et de nombreuses disparités existent d’un département à l’autre. Ces différences entre départements proviennent des choix faits par les FDC. Ces choix sont commandés en premier lieu par des contraintes économiques et l’obligation de conserver un équilibre financier. Il faut rappeler que la collecte des animaux et les analyses sont à la charge des FDC. Celles-ci ne disposent pas toutes des mêmes moyens financiers (le budget dépend du nombre de chasseurs adhérents dans le département) et n’ont pas toutes les mêmes contraintes financières (certaines fédérations dépensent une partie de leur budget à payer les dégâts causés par certains gibiers : les sangliers surtout). De plus, les tarifs des analyses des LVD varient fortement d’un département à l’autre en fonction de la participation des Conseils Généraux dans le budget de ces laboratoires départementaux. Les FDC doivent faire face à ces contraintes économiques qui peuvent limiter le suivi sanitaire des Chevreuils au niveau local. D’autre part, les disparités départementales varient aussi en fonction de la motivation et de l’implication des personnels des FDC dans la mise en place du premier maillon du réseau SAGIR. Certaines FDC n’apportent qu’une très faible participation au réseau SAGIR car elles considèrent que le suivi sanitaire des espèces sauvages n’a qu’un intérêt secondaire pour elles. Certaines n’ont pas pris conscience de l’intérêt de l’étude des pathologies de la faune sauvage pour assurer une meilleure gestion des populations de ces espèces. De même, des relations parfois tendues entre l’ONCFS et certaines FDC ne permettent pas un recueil suffisant de données tans en quantité qu’en qualité. Enfin, cette première étape du réseau SAGIR peut également être perturbée par des contraintes géographiques et climatiques (difficultés de récupérer des cadavres dans des zones accidentées et enneigées par exemple…), et par des contraintes logistiques (absence de LVD dans quelques départements, augmentant ainsi la difficulté d’acheminement d’un cadavre vers un laboratoire spécialisé).

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Ces nombreuses difficultés dans la collecte des cadavres et leur demande d’analyses provoquent un biais dans la constitution des échantillons dès la première étape du réseau SAGIR. Le nombre de fiches SAGIR et surtout le nombre d’animaux autopsiés varient fortement d’un département à l’autre, en fonction de la politique générale de la FDC vis-à-vis du suivi sanitaire des animaux sauvages, de ses moyens financiers et des difficultés de collecter les cadavres sur le terrain et de les expédier à un laboratoire d’analyses (contraintes humaines, géographiques, climatiques…). Certains de ces facteurs de biais, présents dès la base du réseau SAGIR, vont se répercuter sue les autres étapes du réseau.

2- Analyses des échantillons au LVD Un certain nombre de biais sont liés à l’utilisation des cadavres ou des prélèvements par les LVD. Le principal défaut réside dans l’absence de standardisation des techniques d’examens par les LVD. Les techniques d’autopsie ainsi que la réalisation des examens complémentaires (bactériologiques et parasitologiques surtout) varient d’un laboratoire à l’autre, faute d’un « cahier des charges » permettant d’uniformiser toutes ces analyses. Ainsi, de la réalisation de l’examen jusqu’à la lecture des résultats, des méthodes différentes sont appliquées pouvant aboutir à des conclusions différentes. Celles-ci peuvent parfois être incomplètes si certaines techniques ne sont pas employées. Par exemple, l’absence de prélèvement de l’encéphale d’un animal mort de méningo-encéphalomyélite ne permettra de conclure à cette cause de mort si aucune lésion externe ou aucun commémoratif ne permet d’orienter vers ce diagnostic. Dans ces conditions, seule une exploitation correcte de l’encéphale (observation macroscopique, histologie et bactériologie) permettra de déterminer la cause de la mort de cet animal. Les laboratoires ne prélevant pas l’encéphale ne pourront aboutir à ce diagnostic. Des facteurs humains sont aussi source de biais au niveau de ces analyses de laboratoire. Les compétences des personnels des LVD sont variables selon les laboratoires. La plupart des personnels n’ont pas reçu la formation nécessaire pour effectuer au mieux les analyses indispensables au suivi sanitaire du Chevreuil et du gibier en général. Par exemple, il sera difficile pour une personne non aguerrie aux analyses parasitologiques de réaliser un dénombrement et une identification précises des parasites atteignant un individu. La distinction d’un Ashworthius sp et d’un Haemonchus contortus, deux parasites pathogènes du Chevreuil, est réservée à une « élite » de la parasitologie. Le personnel de base des LVD n’a pas la qualification pour effectuer cette diagnose, faute de formation. De même, l’identification et le dénombrement des strongles pulmonaires font appel à des techniques spéciales qui ne se font que dans un nombre restreint de LVD. De plus, en fonction de leur localisation géographique et de l’orientation générale de leurs activités, certains laboratoires ont développé des spécialisations dans certains domaines (histologie, œnologie…). A l’instar des FDC, la motivation et l’intérêt porté au suivi sanitaire de la faune sauvage par les dirigeants des LVD, sont déterminants pour pratiquer des analyses de qualité pour le compte du réseau SAGIR. La perte d’informations dans les fiches SAGIR

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au niveau des LVD (absence de la mention du sexe, de l’âge…) relève plus du manque d’intérêt que d’un réel défaut de compétences. Toujours dans le registre humain, il est indéniable qu’il existe une part de subjectivité dans la lecture de tout résultat d’analyses et dans son interprétation. Autrement dit, pour une même donnée, on pourra obtenir des conclusions différentes d’une personne à l’autre. Le fonctionnement des LVD est aussi à l’origine d’un certain nombre de biais. L’hétérogénéité des techniques employées associée à un personnel bien souvent non formé pour ces analyses, aboutit à des résultats souvent incomplets et parfois erronés. Il faut toutefois signaler que le matériel d’étude (cadavres d’animaux) ne permet pas de réaliser les analyses dans des conditions optimales. L’état de décomposition avancée de certains animaux rend délicate la réalisation des analyses et l’interprétation des résultats. Il est alors difficile voire impossible de déterminer avec précision la cause précise de la mort de l’animal. Les LVD fournissent un grand nombre d’informations précieuses au réseau SAGIR mais les différentes difficultés techniques citées précédemment créent une diversité et une hétérogénéité importantes de ces données, ce qui complique la tâche du coordinateur SAGIR dans la saisie de la banque de données.

3- Interprétation des résultats au niveau national Le coordinateur SAGIR reçoit un grand nombre de données très variées en provenance des LVD, à partir desquelles il va constituer la banque de données SAGIR. Ce travail de compilation de données se heurte à diverses difficultés. Certaines fiches ne contiennent pas toujours tous les renseignements de base sur l’animal autopsié (absence de l’âge, du sexe…). De plus, il est parfois difficile de remplir certains champs de données SAGIR à partir de certaines fiches. Par exemple, la description de plusieurs pathologies concomitantes graves (une broncho-pneumonie d’origine parasitaire associée à une méningo-encéphalomyélite purulente) par le LVD sans donner de hiérarchisation de celles-ci rend délicat la détermination de la cause réelle de la mort de l’animal. De même, l’absence de conclusions ou d’engagement dans l’interprétation des résultats par les LVD pousse les membres du SAGIR à effectuer ces démarches. Cela revient à attribuer à un animal une cause de mort plus ou moins arbitraire, alors qu’ils ne l’ont jamais vu. Ces interprétations sont empreintes d’une certaine subjectivité qui est également une source de biais dans la création des données SAGIR. Ce paragraphe permet de faire prendre conscience des difficultés rencontrées aux différents niveaux du réseau SAGIR. Celles-ci sont sources de biais qui altèrent la qualité des résultats enregistrés dans la base de données SAGIR. Celle-ci est constituée par une quantité très importante d’informations, certaines bien précises, d’autres plus floues. Il en résulte une forte hétérogénéité de ces données, ce qui en complique l’interprétation.

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L’exactitude des données chiffrées avancées dans notre étude n’est pas parfaite mais le grand nombre d’animaux (8200 fiches) permet de dégager des grandes tendances, entachées des biais que nous avons déjà évoqués. L’absence ou le manque de précision de certains renseignements importants dans de nombreuses fiches (commémoratifs, anamnèse bien souvent incomplets) ne permet pas un traitement qualitatif optimal des données de toutes les causes de mort évoquées dans notre étude. Cette caractéristique est aussi liée à la difficulté du suivi sanitaire des animaux sauvages que nous avons déjà évoquée précédemment. De nombreux efforts ont été faits pour assurer le suivi sanitaire de la faune sauvage depuis la création du réseau SAGIR. Des améliorations restent encore à faire à tous les niveaux pour arriver à des résultats les plus exacts et précis possibles. La généralisation d’une démarche plus rigoureuse doit être entreprise par tous les acteurs SAGIR à chaque niveau du réseau. Cela sous-entend aussi une motivation et une implication plus importantes de certains intervenants du réseau. Un accroissement des moyens (humains, matériels, logistiques, financiers) permettrait une progression plus rapide du suivi sanitaire de la faune sauvage mais l’éternel problème du financement ressurgit. Une meilleure communication entre les différents acteurs SAGIR permettrait également un échange plus rentable des données et permettrait d’optimiser le rôle de chacun, en particulier au niveau de la base. Le cas du Chevreuil reflète bien les difficultés à effectuer un suivi sanitaire précis de cette espèce. Les épisodes de mortalités massives ont concentré les efforts de nombreux membres SAGIR sur cette espèce gibier, à la fin des années 1990 avec la mise en place du protocole « EMAC ». Cette étude devait se dérouler selon un schéma bien rigoureux comportant plusieurs volets : définition de zones et de populations d’étude avec des caractéristiques bien précises (densité, zones atteintes ou témoins…), accroissement des prélèvements (cadavres, fèces) en vue de réaliser de nombreuses analyses plus approfondies et plus complètes que celles habituellement entreprises : autopsie, analyses bactériologiques, sérologiques, virologiques, coprologiques). Les contraintes de terrain cumulées aux problèmes évoqués précédemment (difficultés du suivi sanitaire de la faune sauvage, biais liés au fonctionnement du réseau SAGIR) n’ont pas permis de réaliser l’étude de façon aussi rigoureuse qu’il était prévu dans le protocole initial. L’exploitation des résultats s’en est trouvée affectée et l’interprétation de ceux-ci s’est avérée difficile voire impossible dans certaines zones. Il est regrettable que la disparition de ce phénomène dans de nombreux départements ait poussé les FDC à se désengager financièrement de ce protocole. L’absence d’une conclusion nette n’a pas permis de répondre à l’attente première des chasseurs : l’identification d’une pathologie précise pouvant expliquer cette sur-mortalité. Ceci explique en partie le désengagement des FDC et le protocole « EMAC », qui a permis un suivi sanitaire plus intensif de certaines populations de Chevreuils, s’est arrêté faute de financement.

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Cet exemple montre bien que même en se donnant les moyens humains, financiers et scientifiques pour réaliser un suivi sanitaire plus poussé d’une espèce sauvage, les résultats ne sont pas toujours ceux escomptés. Pour améliorer nos connaissances sur la pathologie du gibier, il faudrait mettre en place de tels protocoles aux « cahiers des charges » bien définis et surtout assurer leur pérennité dans le temps.

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CONCLUSION Grâce à l’examen des données SAGIR, notre étude a permis de dresser la liste des grandes causes de mortalité du Chevreuil en France au cours des trente dernières années. Cette liste se caractérise par une très grande diversité des causes de mortalité extra-cynégétique. Cette variété réside aussi bien dans la nature même de l’agent causal que dans la prévalence de celui-ci. Nous avons en effet décrit des causes de mortalité très fréquentes parmi les différentes catégories :

Blessures de chasse, collisions routières, prédation parmi les traumatismes

Septicémies, entérotoxémies, infections respiratoires et nerveuses, colibacilloses parmi les maladies infectieuses

Strongyloses gastro-intestinales et pulmonaires, hypodermose et céphénémyiose parmi les maladies parasitaires.

A côté de ces agents principaux, le Chevreuil peut succomber à de nombreuses autres causes extra-cynégétiques de prévalence plus faibles. Parmi celles-ci, on peut souligner quelques entités pathologiques couramment décrites chez le Chevreuil et assez spécifiques : machinisme agricole chez les faons, actinomycose et actinobacillose, coccidiose chez les jeunes animaux, diarrhée printanière ou « mal de brout », perruques ou « têtes mitrées ». Cette liste est non exhaustive avec certaines maladies appelées à disparaître ou qui ont déjà disparu : la rage. D’autres maladies au contraire vont apparaître ou sont en cours de développement mais les connaissances actuelles ne permettent pas de déterminer leur pathogénicité sur le Chevreuil et les conséquences sur la mortalité de celui-ci : BVD, Maladie du Dépérissement Chronique des Cervidés… . Notre étude, en raison des difficultés dans la collecte des informations, comporte de nombreux biais ayant influencé les résultats. Il nous est impossible de connaître avec précision la prévalence de chacune de ces causes de mortalité, pas plus que leur incidence exacte sur la mortalité globale de l’espèce. L’explosion démographique des populations de Chevreuils s’est accompagnée d’une augmentation importante de la mortalité dans certaines régions (« MAC »). Dans certains cas, l’accroissement de la mortalité s’est expliqué par des pathologies « densités-dépendantes » telles que le parasitisme. Dans d’autres cas, la cause exacte de l’accroissement de la mortalité est restée floue et un certain nombre d’hypothèses restent encore sans réponse : apparition d’une ou de pathologies létales mais non identifiées, existence de facteurs d’immuno-dépression (facteurs viraux, environnementaux, parasitaires…) ? Pour répondre à ces questions, il serait bon d’intensifier les études de terrain à grande échelle mais de nombreuses difficultés empêchent le bon déroulement de ces recherches (manque de moyens financiers, humains, matériels…).

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Le suivi sanitaire des ruminants domestiques pourrait peut être, lorsque cela est réalisable, se compléter par une étude de la faune sauvage environnante. L’intérêt serait double : compléter nos connaissances sur les pathologies de la faune sauvage afin de mieux maîtriser la contamination et l’atteinte du cheptel domestique par une maladie commune aux deux espèces (BVD, parasitisme, ehrlichiose…). Cette démarche est bien sur lourde à mettre en place. Des études ponctuelles de terrain ont déjà été réalisées. Celles-ci sont à développer et à multiplier. La participation active des différents acteurs du réseau SAGIR à tous les niveaux reste la clé de voûte du suivi sanitaire de la faune sauvage en France. L’intervention d’autres acteurs permettraient peut être d’accroître le matériel d’étude : agriculteurs, vétérinaires.

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LA MORTALITE DU CHEVREUIL (CAPREOLUS CAPREOLUS) EN FRANCE

NOM et prénom : CACARD Bertrand RESUME : Depuis ces trente dernières années, le Chevreuil (Capreolus capreolus) a connu un fort développement démographique qui en a fait le mammifère sauvage incontournable des campagnes françaises. Cet accroissement des populations métropolitaines de Chevreuils s’est accompagné d’une progression des prélèvements de ce petit cervidé par les chasseurs. Une augmentation de la mortalité extra-cynégétique est aussi apparue. Ce phénomène est particulièrement marqué depuis le milieu des années 1990. Les causes de mortalité des Chevreuils sont nombreuses et très variées : traumatismes, maladies infectieuses bactériennes ou virales, parasitisme, affections diverses telles que maladies métaboliques, intoxications… . L’importance relative de chacune de ces entités varie aussi fortement entre elles mais aussi à l’intérieur de chacune des grandes catégories. Enfin, il faut noter une évolution temporelle de certaines causes de mortalité, avec des affections aujourd’hui disparues, d’autres en cours de développement et enfin, certaines qui séviront dans les années futures. Mots clés : Mortalité, état sanitaire, population, surveillance épidémiologique, traumatismes, maladies, faune sauvage, Chevreuil, Capreolus capreolus, France. JURY : Président : Directeur : Dr Renaud MAILLARD Assesseur : Dr Nicolas NUDELMANN Adresse de l’auteur : M. CACARD Bertrand 7, route de la Motte 18500 BERRY-BOUY

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MORTALITY IN ROE DEER (CAPREOLUS CAPREOLUS) IN FRANCE

SURNAME: CACARD Given name: Bertrand SUMMARY: For the last thirty years, the roe deer (Capreolus capreolus) has known a hight increase in population and it became the unavoidable wild mammal in the french country. The increase in metropolitan population brought about not only a progression in roe deer mortality by hunting but also an increasing of the extra-cynegetic mortality. This phenomenon has stoud out since the middle of the 1990’s. There are many causes of roe deer mortality and they are diverse: traumas, bacterial and viral diseases, parasitism, various ailments as metabolic diseases, poisonings... . There are many numerical variations between all these syndroms but also inside each of themselves. At last, some causes of mortality can change in a few years. Some diseases have disappeared, other ones are developping and some will rage in the future. Key words: Mortality, sanitary status, population, epidemiologic surveillance, traumas, diseases, wildlife, Roe deer, Capreolus capreolus, France. JURY : Président : Director : Dr Renaud MAILLARD Assessor : Dr Nicolas NUDELMANN Author’s address : M. CACARD Bertrand 7, route de la Motte 18500 BERRY-BOUY