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NOTES tH:'R LA COLONIE CAN.AUIENNE HE DETROIT; l.lecture: prOltOlll'Ce pflr lVln. R.\.)lF!tl.: .. o. lrll/ll,on:ur I, DitTI"t x, (', It..: lUlld.It' :1\"rI11'::i61. J. B. ROLLA'iD & FILS, LUlRAInES- EDITl·:rns, :'0. 8 I Rue Saint Vincent 1861.

tH:'R LA COLONIE CAN.AUIENNE · Voici les noms de quelques-uns ... autres logements n'etaient que de vastes caba nes en pieux plantes ... tout ceei joint au proullit des rentes fon

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NOTES III~TORIQUES

tH:'R LA

COLONIE CAN.AUIENNE HE

DETROIT;

l.lecture: prOltOlll'Ce pflr lVln. R.\.)lF!tl.: .. o. lrll/ll,on:ur I, DitTI"t I.:UUlll;t.l'l:~r' x, (', \\~. It..: lUlld.It' :1\"rI11'::i61.

MO~TREAL J. B. ROLLA'iD & FILS, LUlRAInES- EDITl·:rns,

:'0. 8 I Rue Saint Vincent

1861.

NOTES HISTORIQUES

~tR. I.A.

COLONIE CANAOIENNE· DE

DETROIT

I.el_lun· prononcee p~H ~IR. RA~E_o\.U a Windsor sur k Dltloit, (,"fIll~ d'E .. ex. C. w. Ie lundi ler avril 1861.

MONTREAL J. B. ROLLA:\'D & FILS, LIBR-AJRES - EDITEtT[.S,

No.8 t Rue Saint Vin~ent

1861.

NOTES HISTORH~UE8

"LIt LA

COLONIE CANADIENNE IJE

DETROIT

Lecture prononcee par ~IB. RA;\lE .. U: a ~Vil/fh:or sur Ie Difru/I.

comtc tPE'-;":'l'X. C. ,,~. Ie IUOlIi l~r avril 186t.

Jc me proposl'.de VOllS dire, ce soir, quelques mots sur l'origine et Ie developpemer.t de cette colonie; quelque:-;-uns de ces details sont pm­bablement ignores, quelques autres peuvent vous eIre connus; mais c'cst toujours un senli­ment pieux et utile, que Ie plaisir que l'on eprouve <I entendre parler de ses ancetres, de ce qu'ils ont falt et de ce qu'ils ont sOllifert, de leurs vertus et dc leurs travallX. Ce tt::moignage rendu a leur memoire, n'est qu'une juste recon­naissance, car ce sont cux qui nous ont fait cc que nous sommes , eux qui ont prepare Ie peu

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d'aisance que chacun de DOUS peut posseder. Ce sont eux qui ont fonde la societe OU nous vivons, jusqne dam leurs malheurs et dans leurs fautes ils nOllS ont ete utiles , par l'ensei­gnement et l'experience qn'ils nons ont fonrni a leurs depens; chaque jour, 11 chaqne instant ainsi , nons vivons par eux et des fruits de leur existence passee; sachons done leur payer de temps en temps un jns:e tribnt de souvenir, de regret ~t d'atfection.

Ce fut en 1700, c'est-,l-dire il y a 160 ans it peu pres, que fut fonde la colonic de Detroit, par M. de La Mothe Cadillac, officier Fran~ais d'une cel'taine di~tinction, qui avait deja servi en Acadie et dont on tmnve encore aux archives en France des memoires fort interessants sur 1'etat des colonil'~ anglaises ,. cctte epoque, colonies que probablement il avait et(' charge de reconnaitre parle Gonvel'l1emet Fran~ais.

LaMothe Cadillac obtint alors, de concert avec une compagnie de negociants de Qnebec, la concession: " 10. dn Poste de Detroit avee Ie droit exclu~if du commerce de,; Founures 1'1

autres marchandi~e:,; qui poul'l'aient se trafiquer en ces qnartiers; 20. Ie titre seigneurial d'nne quantite considerable de terrains autoul' du dit Poste.

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Lorsque La Mothe Cadillac arriva a Detroit, Ie pays avait deja ete decouvert, et parcouru sou vent depuis plusicurs annees, par les aven­turiers fran<;ais qut se livraient au commerce des fourrmes, il est probable meme que les premiers Fl'an~ais qui passe rent Ie Detroit, y vinrent assez peu de temps apr(~s l'etablisse­ment de Champlain au Canada ~ dans Ie meme temps on on decouvrait Michillimakinac, entre 1630 et 1650. II n'est meme pas impossible que Champlain lui-meme ait visite ces parages, car it est certain que non seuiement it a eu connaissance des grands lacs interieurs, mais qu'ils les a vus et qu'il a p(metre parmi les indiens qui habitaient autom.

Quoiqu'il en soit il est positif quc des 1686, on ayait etabli sur Ic detroit un fort palissade en bois destine a appuyer les operations des chassellrs et traitants de fomrures, et a leur servir de depot de marchandises et de retraite en cas de besoin; ce fort s'appelait Ie Fort Ponchartrain. Comme taus les pastes du com­merce des fourrures il n'avait pas de garnison permanente, mais les traitants avec leurs voya­geurs s'y rassemblaient, en faisaient Ie centre de lems operations, ot sou vent y laissaient plus ou mains longtemps des hommes de garde sous Ie commandement de Pun d'entre eux. Uulu,

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ou Duluth, un des plus remarquabIes de ces aventuriers commer<;ants, commandait a De­troit en 168i; i I reunit plnsieurs celltaines de counellr" de bois a vee les gllerriers des tribus incliennes, et opera une diversion terrible et fmctneuse sur ks uerrieres des Iroquois, pen­dant :a gnel'l'e que ceux-ci soutinrent alors eontre les Fran<;~lis clll Canada.

Quelques-uus de ces courems ue bois se fixerent san" doute dans Ie pays, car 10rque Cadillac vint prendre possession du vieux fort et de son domaine , i I nons parait certain que deja plusiems Franc;ais etaient etablis sur Ie Detroit, entre autres Pierre Roy et Fran<;ois Pelletier. Cadillac amena avec lui une garni­son, pll1sieurs artisans et quelques familles de colons tires dn Canada. Voici les noms de quelques-uns de ceux qui vinrent ainsi des Ie principe avec Iu i :

Fran«ois Fallard dit Delorme, (interprete); Jean Faffard dit Maconce; Louis Normand dit LaBruguiere, (Taillandier); Joseph Pm·enl, (Forgeron).

Plusieurs des soldats de Ia garnison etaient maries et amenerent avec eux ieurs femmes et leurs enfants, Cadillac leur donna des terres, puis leur conge, et un grand nombre s'etablil'ent

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ainsi a Detroit, ou ils sont devenus la souche de quelques-unes des plus anciennes familIes. En 1709, on comptait ainsi 29 501dats conge­diees etablis dans Ie pays; je vons citerai ,.par exemple, Jacob 1I1arsac, S~eur de Lombtrou dit Durocher, qui ctait sergent; Jean (Jouriou, aussi sergent; Antoine Vcssiere dit LaFerte, Antoine Dupuis dit Beauregard, Pierre Stebve dit Lajeunesse, Jean Casse dit St. Aubin, An­dre Bombardier, etc. ,ctc. Tontes ces familIes, vons Ie savez, existent encore aujourd'hui par­mi vous , portant honorablement les noms et Ia tradition de ces braves et respectables soldats de l'armee fran<;aise.

On retablit de suite un fort nouveau plus grand et plus solide que l'ebauche de fortifica­tion qui existait avant lui. Une chapelle et un magasin y furent construits en pieces sur pieces ainsi que Ie constatent les vicux titres. Les autres logements n'etaient que de vastes caba­nes en pieux plantes debout dont les interstices etaient remplis avec de la terre, et elles etaient couvertes d'ecorces et de gazons. Celle du com­mandant n'etait pas differente des autres.

Cadillac fit Mtir un moulin, dont il avait fait venir a grands frais les materiaux par des ca­nots, ou etait ce moulin? sans doute sur que 1-qu'une des petites riyieres aujourd'huy presque

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taries qui coulail'nt autour du nouvel etablisse­ment, il y en avait une ou est aujourd'huy Ie petit ruisseau que coupe Ie chemin de fer ('en­tral Michighn a peu de distance de la gare , it s'appelait Ie rllissean anx Hurons, il separait les terrains des Fmn<;ais d'un village de Hurons etablis de I'autre bord, puis il tirait vers Ie nord en passunt d"rriere Ie fort; il est il remarqucr que les Fran<;ais dans les premiers temps ne s'etendirent point de ce cote du Detroit, leur" etablissements et leurs cultures se firent tOll'" alors en remontant Ie Detroit vcrs la Grosse Pointe; il y a vait encore dans cette direction, a deux mille environ dn fort, la Rieiere II Pa­rent; qui est l,lujourd'huy Ie faible ruisseau ap­pelle Bloody River. J'ai tire ces details de vieux plans existant aux archives en France.

Les coneessions d'emplacements dal1:5 Ie fort, et des terres a cultiver se faisaient <I renle com­me au Canada, les emplacements se payaient 2 sols de rente par pied de front, et les terre::; 50 sols de rente par arpent de front sur 20 al'­pents de profondeur. Presque tous les soldats maries pril'ent de sui te des tenes, et ceux qui n'avaient pas leur famille avec eux la firent ve­nir du Canada; mais la plupart des emigrants civils venus du Canada dans les premiers temps, se proposaient surtout la traite des fourrures ou ,

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les industries qui pouvaient etre immediate­ment utiles a ce commerce; par exemple dans ces pays eloignes de toute communication et de tontes ressonTces artificielle:,: , les objets de pre­miere nece;;site etaient les al'l11es pour se de­fendre et les ontils avec lesguels on put utilispr les ressources naturel Ie;; d 11 pays; Ie moindre accident en ces matieres etait une affaire grave, car il eta it dilli.eile de remplacel' Ies ustensiles perdus; al15"i partont dans ces colonies, Ies premiers artis~ns qui s'etablissent sont-ils Ies ouvriers en fer, armlll'iers, taillandiel's , forge­rons.

La chasse et la peche fournissaient aumoins autant que la cnlture, a la subsistance de la petite populatiun ; et quand les traitems de peI­leteries arrivaient chague annee du Canada avec lenr .convois de canots charges de mar­chandi:,:es d'Eul'Ope, on leI" payait avec les pel­leteril'~ : all en se mettant a leur service pour Ie commerce avec Ies sauvages, ou enfin au moyen des denrees que Ie pays pouvait fournir audessus de sa consommation. Lamothe-Cadil­lac prelevait des droits assez con"id{~rable~ "Hr

ces marchandises importees, il exigcail (n Oll­

tre un droit de licence des habitant" <Ill lieu qui voulaient commercer pour leur compte; en­fin il faisait lui-meme Ie commerce des fonrru-

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res; tout ceei joint au proullit des rentes fon­eil'res , fOl'mait Ie revenu dc sa :-;eigneurie , mais it ('tait ohli~(' elf' defra~'el' h c;arnison ;1 son compte.

jl l~"t donteux que ccs arrangements dussent eIre 11'("" profitable" au moment me me, ils etaienl plus l'iche,; de prolllc,",,-es f't d 'a venir quc de b~­nelices actuels. Ccci nou,.; al11t'ne ;\ "ignaler un caractl're rCll1arquable ct f'0I11I1111n a presque tontes Ie,; colonil's que Ie" Fral1(;ais elabli""uienl en Ameriquc; b plllpart de CT" fondution", implil111ent plu:; de cakub "ur l'avenir que sur Ie prl',;ent, In plupart de:" gentibhol11mes Fran­~ais qui formerent C('S l'tabli""cments, ,,'atta­chaient surtout ;\ ectle idee d'installer fortement Icnr famille dans nne sork de manoir, centre de leur sPigncnrif', dont Ie den~l0r>pement uilL'· rieur devait marcher dc front ;1\'('C I'awnir et Ia grandeur de JellY pror1'(, famil!l'.

QUoiqll'on pui:;se dire et quoiqn'on ait pu cri­tiquer, dan" ce que nons ayons dejet ecrit sur ce sujet,on ne nons a pas convaincu que ce plan ne fut p~l:; infiniment ~llpl'l'ieur comme grandeur et commt' solidite, a la colonisation a venturiere qui a prevalu dans les colonies All­glaises, non pas dans les premiers temps tant s'en faut, mais vers Ie milieu du 18eme siecle. It y avait rpellement dans C'(,-- ('olonies Fran-

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qaises Ie germe d'une societe en formation regn­liere el rationelJe, propre ;l se murir, a se bien ordonner et a acquerir ce caraclere de stabilite honnele, necc:<sairl' a une vraic civilisation. !~lllle p'art vous ne trouverez une :"ociete se­rieuse, originaJ(' dans son existence et son deve­loppement ,qui n'ait commence sous une forme quelconque par Ie patriarchal; celui-ci agglo­mere et digere en quelque "orte les diH~rs petits groupes qui doivent former Ie grand ensemble, ella soci0tl' finit par acquerir dans une propor­tion bien equilibree, la force d'allaqne, celie de rbistanee , ('I au~;;i la force en rt':serve , qui sont partout aujourd'huy reconnues necessaires pour la constitution ue lout corps organif'l',

Le gentilhornme qui avail Conde Ie Detroit ('tait entit"r('rnent place dans ce milieu d'idees, commun a tous se>' comtemporains, et il ctait entre l'esolument dans son application, il avait amelle avec lui, dans ce lieu desert, sa femme et ses enfants. Les registres de Detroit nous montrent que quatre de ses enfallts naqllirent en ce lieu, il y avait fai~ vellir un de ses ne­vellX , il s'0!ait en un mot voue a ce pays corps et arne, lui et les siens, et y avait attache sans reserve sa fortune et celie de sa famille. J I n'y a point lieu de s'etunner alors de I'activite in­eessante qu'il deploya pour la formation et

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l'accruissement ue la pl'ineipaulc qu'il revait :sans donte de former pom ~r" descendants. Chaque annee dan" Ic;;.: docllIllPnh'l'augmenta­lion est s('nsiblc , on sent Ie pay~ cwitte sous ,,:.1

main, Ie" naissances pal'vinl'(~tlt I'apidement a la huitit'1l1e annee all chilfrc de 19 pal" an, les noms dc~ famille;;.: fmn9aii'c" "l' mllltiplicnt dans les actc,,; a ccux que nOllS a\'OD" dl'jil cites il faut joindre eellX de J.rlll~luis, Jlalld, ~l1asse, 'i'lllpi/" JJilrrJllel, Ruvat, l\1i(:hel Campeau ,Jac­ques D"Sl/llI111ills dit Phili", Jacqllcs Campeau" Fran<;oi" Char/II lIil Chanteloup, Jacques HIl­bert elit Lacroix, /Ji:; II i/lUll ,tOllS maries et eta­bli",la plupart d'entre eox eomptent aujour­d'huy de nombrCllX rejeton" sur les deux rives tIn Detroit. (J({sti/lI'(III, D('spl'l':: , {'ju:nc, ,"-(lin­

longe avaicllt Iai~!"l' leurs fenllncs au Canada, Di's (,ptte eroque un :\1. Babil' , negociant a Trois-Hiviel'es, avait cn 1703 visite Ie Detroit ou plu:-i tard devait s'etablir nne branehe de sa [amille qui compte deja plusieurs rameanx.

En 1708, on eonunen<;ait deja a etahlir des maisons cn dehors dn fort, on tronvait dans sa banlieue un moulin ,I, hie et plus loin nne mai­:son et nne grange. n y avait alors en tout 203 arpents de terre de defricbes, 10 h8tes a cornes et un cheval; sur les defrichements 157 arpents avaient ete executes par Lamothe-Cadi.llac , et

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46 par les habitants, ceux d'entre eux qui s'oc­cupaient ainsi de culture etaient au nombre de 19, une grande partie de ces petites cultures ~emble avoir ete executee a la main. Le ble se vendait fort cher aux trait ants de fourrul'c , mais plusieurs habitants commem;aient a recol· ter une partie de leur consommation, la chasse suppleait au surplus.

Les premieres naissances inscl'ites sur les registres du Detroit sont de liO.!, savoil' : Ma­rie Therese de Cadillac, Marguerite Roy, Jo­iO!eph Bienvenu dit Delille , ils furent baptise~ pal' Ie Pere Coustantin Delhalle, moine RecoIlet, premier missionnaire du Detroit, qui fut mal­heureusement tue en 1706 par les Sauvages dans l'exercice de ses fonctions apostoliques. En l707, on comptait 14 naissances, 13 en

1708,et 19 en 1709, mouvement qui suppose une population etablie d'aumoins 200 ames.

Il est donc evident que Ie gouverneur-seigneur dfl Detroit s'employait activement au progres de sa colonie, soldats licencies, voyageurs ca­nadiens qu'i1 s'effor~ait d'attirer ct de fixer en ce pays, artisans et me me emigrants qu'il fill­sa it venit· du Canada ay('c leur famille, il n'l~­

pargnait ni soins ni demarches; il fit dans ces neuf ans. plusieurs fois Ie voyage de Quebec, ramenant de nouvelles familles et des reel'ues

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pour remplacer les soldats etablis, il donnait lui-IUcme l'exemple et l'flan pour lcs travaux de la culture, et I'activitf' fructueuse qu'il y d(~pioya e~t inc()nll'stabk :lUjOll 1'l1'1 my.

Malheureusement il uyail peu d'etevatioll Jan." l'in1ellig"]lf'e, il ('tait ~ascon ct il avait Ie creur :"pc, pour rachetcr la modi(:ite des pro­duits (IUC donnail ('('I ('tablissement encore tout naissant ,il rut itpre et ('upiJe, ne comprenant pas qu'il allait par la l1Il'me ('ontre Ie sentiment dominant d(' :-:a crl'ation, qui ctait toute d'ave­nir; de plus il ('tait hableur et vindicatif, spiri­tuel mais sans tact ct nl' sachant pas retenir une plaisantcrie 11100'dante; il se fit beaucoup d'en­nell1is, et dans l'etahlissement meme il suscita beaucoup de plaintes contre lui. Se:" ennemis Ie fircnt ancter dans un yoyagc qu'il fit a Que­bl'C ell lifJ!) , son proces Ie rninaet il fut oblige d'abandollncr aux mains dn gouverncmcnt royal tout t;l: qu'il :l\'ait fait :'t Dt,troit.

-:\uu,; k retronvons pen d'anneL':-: apres gou­verneur de Ia Louisiane, ou il resta audessous <lu mediocre, il avait perdu son activite jUYl~­nile, Ie (:ha~rin et les rcvers avaient emousse ceUe ardeur gascone, et il ne lui restait plus que sc~ dl,falll..; et son esprit de ~aillie, qui en iil'ent Ie plus Jetestable administrateur qu'on ait jamais envoye dans les colonies Fran~aises_

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Mais on ne saurait trop repeter, a cause des recriminations passionnees que ses adversaires eleverent alors contre lui, que malgre ses de­fauts il contribua puissamment au bon etablis­sement et a l'avancem£:nt du Detroit, eu egard aux circonstances ou il se trouvait ,et au peu de ressources dont il disposait. Sans doute il ne fit pas ce qu'on aurait pu faire , sans doute il eut ete tres avantageux pour Ie pays, qu'il se fut abstenu des exactions qu'il faisait peser sur ceux qui venaient s'etablir au Detroit.-Mais encore faut il reconnaltre qu'il prit beaucoup de peine pour y amener du monde , pour y faciliter leur etablissemenf, et qu'il i'eussit dans cet effort.--15a 50 famillcl.ol a etablir, dans un pays completement desert au milieu des sauvages, sans autre ressources ni provissions que celles que I'on apport'lit avec soi, ou que I'on pouvait creer sur les licux; ~ plus de 200 lieues de toute endroit habite et civilise, ou on put trou­ver secours et appuis; ce n'etait pas une en­treprise vulgaire ni facile.

On n'avait point d'autl'c recours que Montreal qui alors n'etait guere plus considerable que n'est Sandwich aujourd'hui ; pour s'y rendre on n'avait pas d'autre moyen de communication qlle Ie:;: canols d'ecorce qui ne pouvaient gueres cirruJf'T flue Ja moitie de Pannee. Aujonrd'hui

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me me ou nous disposons de ressources de toute espece, bateaux a vapeur, capitaux immenses, outillage puissant, aujourd'hui que nous nous ap­puyons sur une soci01{' nombl'cuse et riche sur ce continent meme; s'il s'agissait d'a1ler fonder llne colonie dans l'interieur it 200 Jiem's de tOllS endroit habite ,on regal'derait cela comme une operation difficilr' ct 311dacieuse. Qu'etait-ce done alors?

On a fait nn hel'Of' ue Daniel Boone Ie pionnier uu Kentucky; mais scs travaux n'etait qu'une plaisanterie a el.I(' de ceux de Cadillac, il agis­sait a :.! ou 3 JOUIS de marche de la Virginie, lequel pays 3 son epoque pos:"edait vingt fois la population ct Ie" ressource" du Canada de 1700.

L'entreprise des :Mormons allant fonder leur colonie au milieu ,un desert, a ete l'egardee comme une entl'cprise de desesp€m~s-cepen­dant ee n'etait rien, aupri'~ de la fondation uu Detroit-il" (·taient cent foi" plus nombreux et beaucollp mieux f(}urni~ de tout; l't tandis que Cauillae IW pouvait demander ue secours que dans un pay'"' presquf' au~si faiblc t'! aussi uenne qn'il l't~tait lui meme, ils avaient der­riere eux, un pay~ riche, puiss:1nt, abondant f'n l'eSSOlHces, et capable d'ecrascr les tribn,", indiennes. D'ailleurs ce qui survint apres la chutc de Cadillac fut la meilleure demonstl'a-

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tion de I'utilite dont il avait ete pOUl' la colonie, et prouva clairement que s'il n'avait pas eu la meilleure administration possible, on aurait encore eu a se louer (Petre administre pal' lui.­Mais tel est l'espri.t humain, d'autant plusdiffi­cile a satisfaire que sa condition parait plus supportable en apparence, raffinant sans cesse dans la recherche du mienx. pOll!' tomber pres­que toujours dans ie pire.

Apres Ie d{>iaissement de Cadillac Ie gouver­nement Fran<;ais, ayant aussi lraite avec la compagnie commerciale qui avait suutenu ceUe entreprise, la colonie de Detroit St' lrouva entie­rement placee sous l'autorite immediate du Pouv~ir Royal; ceci sc passa en 1709, l'adminis­tration de f;adillac avait ainsi dure a peine neuf aus.

Les rapports faits sur Ja colonie de Detroit par les adversaires de ce gentilhomme aventu­riel' , rapports que I'on trou ve encore dans les Archives Fran<;aises, et dans lesquels nous pouvons decouvrir aujoud'hui beaucoup d'inex­actilllde et el'eneurs, ces rapports etaient peu faits pour encourager Ie Gouvernernent Fran­gai'!, a s'occupe.r du developpemt'nt de Detroit, allssi ,en voya·t-on les ordres les plus expres pour reduire les depenses au strict minimum; on y maintint un seul capitaine M. de la Foret avec

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sa compagnie, a charge pal' lui de defl'ayer les depenses des "nldats, au moyen des droits 1cves sur les commcrcants de fourrures et dont . on lui donna la perception.-Encore fut il meme question un in"tallt de delaissel' cn!t~riement Detroit et de tont abandonner, afin de concen· trer tout Ie com merce des Pellctrries a Michilli· makinak, dont It'S traitcurs intriguel'cnt forte· ment pres de l'admini"lration pour la faire reo noncer a Detroit.

Ce dCl'llicr ctaIJ]issemel1t fut done maintcllu, ou au moins tolere , mais il est facile de conce· voir que ces tergiversations du Gom-el'l1cment Fran9ais, ccttl' incertitude ou 1'0n fut pendant longtemps sur se·s intentions, n 'etaient point faites pour encourage .. , ni soutenir les colons.­Le retrait ou Ie maintien de la garnison et du Poste etait en efiet poureux nne question de vie ou de mort-non pas tant a cause de l'etat d'iso· lement ou eela les eut lai~~l' sans defense, au milieu dt's nations :<lllvages-ql1e par la cessa· tion de presque tout Ie comml'rC'c des Pdleteries qu'on anrait dirige sur Michillimakinak, et par I'interruption des convois administratif:; sur lesquels repos-aient It's principales communica. tions entre Detroit et Ie Canada, seul pays pal' leqllel on put se lier ici a la vie civilisf'e, et subvenir a sos besoinfl.

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Aussi se montre-t-il de suite combiell cet etat de choses fut prejudiciable a Ja jeune colonie, plusieurs families la quitterent, (ccla se voit par la disparition subite de leur noms dans If'l'' registres) de lilO a 1720 Ie llombre des nais­sances qui precedemment avait monte it 12 et 15 par an, va toujours en diminuant jusqu'a ne presenter qu'une ou deux naissances en cel'­taines annees. Evidemment l'administratioll de Cadillac, toute imparfaite qU'elle etait , avait ete moins funeste au pays que Petat de choses qui lui succedait-et il etait arrive comme il arrive souvent, que pour tuer quelques abus, on avail presque tue If' sujet, ainsi qu'il advint de cet ours de la Fable, qui pour chasser une moue he ecrasa son maitre.

D'ailleurs les difficultes suscitees par l'apre cupidite du premier gouverneur furent peut-etre plus lourdes encore sous "es successeurs qui faisaient payer aux traiteurs Ull droit de 400 livres par chaque cam,t charge de marchandises qui montait a Detroit-la garnison etait reduite une compagnie de 30 hommes dont Ie capitaine M. de la Foret, commandait Ie poste.

Le commerce et les cultures deperirent com· me la population-Cadillac s'etait activement occupe d'attirer et d'etablir du monde it Detroit en distribuant des conc8ssions de terre, je vous

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ai montre tout a l'heure qu'un grand nombre de soldats congedies et plusieurs famillcs venues du Canada, avo.ient repondu <I eet appel; per­sonne desormais ne prenait plus aueun souci a ce sujet, ('t telle fut 10. negligence que de lilO a 173<t-pa8 un colon ne PLlt obtenir de titres reguliers dc concession; Ie jl'<u de gens qui s'e­tablirent Ie firent coml1l<' par une maniere de tolerance, sans :1voir aneune assurance reelle de leur situation. ("("'tait 10. ('onsl'quenec na­lm'c1le dll changement de regimc i'lU\'enU ,'t

Detroit. Cadillac ctait autrefois non sculement commandant, mais :"cigncur du pays, et il avail. un interet consillerable ,1 activer son pcuple­ment, tandis que desofluais Ie commanclant du Poste n'accordait plus qu'unc attention medio­cre, au dcveloppement d'un etablis8cment qui avait meme l'tl~ di"'pn:eit' aux yeux de 1'admi­ni8tralion.

Un evenement facheux, survint pn outre it cette epoque qui dut nuire beaucoup a la jeune colonie, cc fut l'apparition d'unc tribu enante et pillarde nommee les Outagamis , plus sauva­ge que les autres sauvages, rcpousscc et !'e­

doutce en lmime temps par toutcs les autres; iIs faillirent en Ii 12 dctruire ie Detroit qui ne fut sauve que par l'encrgic et l'habilite de M. Dubuisson commandant pl'Ovisoire du fort, sou-

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lenu par Ie courage des habilant8 d d'une pe­tite garnison de 30 hom me:>.

Ces Outagamis resterent a roder dans Ie pays de Detroit penda'lt plusieurs annees, mainte­nant toujours dans Ie:', environs une sourde in­quietude; ce ne fut. qu'en lil7 qu'une petite expedition de soldats reguliers, sou tenus par tOllS les coureurs de bois et eommanuee par 1\1. ue Louvigny, parvint a en debarasser la colonie en leg extcnninant presque tous.

Toutes ces causes non seulement arreterent Ie developpernent du Detroit, mais Ie firent meme en quelque sorte retrograder, et nons ne penson! pas qu'en 1720, il Y resta beaucoup plus de la moitie de la popuiation qui s'y trou­vait du temps de Cadillac.

M. de Tonti devint commandant du Poste apres l'expedition de M. de Louvigny en 1718. C'etait un des plus illustre aventuriers Franc;ais de l'Ouest, il avait ele Ie lieutenant de l'iIlustre Lasalle lors de la decouverte du Mississipi, et il avait cree et commande pendant longtemps Ie poste des Illinois.

Soit par Ia force des choses, soit par un peu plus de sollicitude de la part du commandant, la population commen9a a repl:endre quelqu'ac­croissement. En 1719-li,!0-17Z1, nous trou-

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vons 6 a 8 naissances par an. En 17~Z on re­batit une nouvelle Eglise paUl' remplacer 1'an­eienne chapelle de!ruite lors de l'invasion des Ontagamis, cette Eglise dura jusqu'en ]755 et ('elle de Ii;).> jusqu'a l'incendie de 1805.

Quelques familles 'nollvelles etaient venues rpmpl:ll'l'r celles qui etaient parties. Nalls vovons s'i~tablir alors a Detroit les families: C;rdinal, Perthuis, Buteau, Goguet, Chapoton, Godefroi. Barrois, Goyeau, Verger dit Desjar­dins, Seguin dit Ladt?route, Picard et Bineau. La population se retronva alars etrc a peu pres la meme qu'en 1710, savoir 150 a 200. PIu­sieurs habitants entre autre Picard, Bineau, Lajeunesse et Sanspeur s'etaient etablis avec la perrnision de 1\1. de Tonti, vcrs l'ltmbouchure de la Riviere ,\ Parent,.\ Z milles a peu pres dLl Fort, entre ee Fort et la Grosse Pointe.

Depuis lars en 17Zi, 1'11. St. Onrs-Deschail­Ions nouveau commandant du Poste avait deli­vre de nouveaux pennis de cultiver entre les dits lots et Ie Fort, mais tout ccIa ne constituait que des etablissements precaires et sans regula­rite. Depuis M. de Cadillac, il n'avait point t~te donne de titre complet et parfait de conces­sion. Les habitants s'en plaignaient, plusieurs etaient arretes dans leur dessein d'ctablir des cultures. Enfin M. de Boishebertquicommandait

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Ie Fort en 1730, transmit leurs reclamations au gouverneur general de Quebec et Ie 16 juin 1734, il regularisa les tilres de proprHe des divers occupants et accord a plusieurs conces· sion nouvelles.

N ous voyons apparaitre a Detroit a ce mo· ment quelques noms nouveaux, Belleperche qui etait armurier du Fort, Douaire de Bondy, Des­noyers, Chauvin, Beaupre, Catin, Deslau­riers, Dufournel. Les naissances s'elevaient alors en 1730 de 10 a 12 par an, et la popula­tion devait passer 200 ames. D'annee en annee quelque sold at congedie ,ou quelque voyageur venu du· Canada, y prenaip.nt des terres et y restaient; parmi le'3 familles primitivement fixees commenqaient a se trouver des jeunes filles qu'ils epousaieut , ce qui facilitait et son­vent decidait leur etablissement.

La population meme se serait accrue bien plus rapidement sans la mortalite considerable qui paratt avoir affecte les enfants dans les pre­miers temps de la colonie, et cela pendant 40 ou 50 ans. En certaines annees il perissait la moitie ou les deux tiers des enfants qui nais­saient, il y eutauss~ a diverses reprises de seve­resepidemies notamment des petite-veroles, qui decimerent ce petit noyau d'habitants. Nean­moins a partir de 1730, Detroit ~uivit qtloioue

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lentement, une progression constante.-20 ans arres en 1750-un recensemenl officiel et no­minal nous y montre 483 ames ayant feu f't lieu it Dt·troit pt dans la campagne environnaate. S i nous y joignons la petite population demi fiottante, dpwi residentp qu'y entretenait Ie com­merce elf'S fourrnrps, nOll" pouvons hardimf'nl atfirmer qut' I'on con,ptait alors a Detroit an moin;: 550 habitants sans compter la garnison (lui etail alors de 100 hommes; la moyenne des naissances etait alors de ~2 a ~5 par an-en 20 ans 1'1 population ;;'(·tait done presque triplee.

On y comptait ,\ cptte (~poque 1070 arpents de terre en valeur, 160 chevaux, 682 betes .1 comes, etc.; on indique jusqu'all nombre des volailles, 2187. II pst done visible que la cul­ture avait pri;: au Detroit une importance no­table, qui commen~ait a balancer au moins celle dll commerce des fourrures.

Cette date de 1750, est une des epoques nota­bles de l'histoire du Detroit et merite d'arreter notre attention. En 1746, Ie Canada eut pOUl' gouverneur un homme fort distingue, 1\1. de la Galissonniere-Ie meme qui detrui;:it la flottc Anglaise quelques annees apres d'1ns les eaux de Minorque.

Cet homme remarquable qui malheureuse-

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ment demeura trop peu de temps au Canada, comprit de suite la haute importance du poste de Detroit-importance plus considerable peut­iHre meme alors qU'aujourd'hui-il adressa au gouvernement Fran<:{ais, les rapports les plus net!! et les plus concluHnts, sur la necessite de :"'oecuper activpment de fortifier eet etablisse­ment, surtout en accroissant notablement sa po­pulation; il proposait d'envoyer iei et dans la vallee du l\1i:;sissipi en un petit nombre d'annees quelques milliers de cultivateurs Franc;ais afin de dominer au moins les colonies Anglaises par la superiorite de la situation si on ne pou­vait les dominer par Ie nombre.

II lui fut impossible de rien obtenir, de ('e gouvernement insouciant livre au plaisir et deja paralyse par la corruption. Mais il etait si pe­netre de la juste imporianee de son plan qu'il se rejeta alors sur Ie Call;lda, bien que ee pays fut lui meme alors trop peu peuple. Ii etablit une sorte d'orgallistition de maniere a pouvoir faire passer chaque allnee un certain nombre de families du Canada a Detroit: Ie :24 mai 1749 il fit publier dans les paroisses du Canada la proclamation suivante : " Chaque homrne qui " ira s'etablir au Detroit recevra gratuitement, " une pioche, une hache, un soc de charue , une " grosse ct petite tarriere. On leur fera l'avance

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H des autres outils pour etre payes <.lans deux " ans seulement. Illeur sera dellvre une vache " qu'ils rendront sur Ie c)'uit; (le me me une "truie. On leur avancera la semenee de la "premiere annee ;'\ rendre ;( la troisieme rt'­"colte. Les femmes el les enfants seront noUl'­" ris pendant un an. Seront priYt'" de:,: libera­" lites du Roi ceux qu i au lieu de culti vcr se " Ii vreront :'t la traite."

l\Ialgre tous ces avantages la population etait si clair semee au Canada, il eta it si facile de de s'y faire un etablissement dans la riehe val­lee du St. Laurent, et Ie Detroit etait un pays si eIoigne, que 1'0n ne put trouver personne dans les gouvernements de Quebec et de Trois­Rivieres, qui n'avaienl aueune relation avec ce pays; Ie gouvernement de Montreal seul avec Ie que I se traitaient les faibles relations commer­ciales du Detroit, fournit un petit contingent de 9 ou 10 familIes formant 46 personnes.

Les annees suivantes on accrut encore les avantages accordes aux colons et on expedia en 1750 un second convoi de 57 personnes-on donna cette annee la 17 nouvelles concessions de !erres, en 1751 nouvel envoi d'emigrants et 23 concession de terres.

Non seulement cette sollicitude portait ses

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fruits par l'efi"et des colons ainsi expedH:s el

etablis aux frais de l'Etat, mais en outre cette immigration artificielle attira l'attention sur ce pays, et com me. it arri ve toujonrs en pareille circonstance elle determina un courant naturel et spontane d'immigration "ers Ie Detroit.

Les secours du Roi ne s'adressaient qu'aux hommes maries suivis de leur families, mais il advint qu'un grand nombre de jeunes gens accompagnerent ou suivirent ces convois ,pro­prio motu, et en 1751 et 1752 it en Hait venn une teUe quantite se fixer dans Ia colonie que Ie commandant M. de Celoron eCl'ivait au Ca­nada, que ce qui manquait Ie plus a Detroit main tenant c'etaient des filles que pussent cpouser les nouveaux venus; or il fallait pour cela qu'il fut arrive un bien grand nombre de jeunes gens, car il y avait a ce moment meme a Detroit ainsi que Ie constate Ie recemsement de 1750-dans les familles deja eta blies d 'an­cienne date a Detroit 33 filles au-dessus de 15 ans, et 95 au-dessous de ceUe age.

Malheusement a partir de 1752, une mau­vaise recolte qui reduisit beaucoup les approvi­sionnements de Detroit, et surtout les pronostics menaC(ants d'une guelre prochaine, obligerent de suspe ndre ces envois admini stratifs de colons_ Mais ce courant naturel d'immigration qui s'c-

tail ~i fort acem pendant ce tcmp:-, persista et :-:'augmenta l'lICOf{', la garnison <jl1i avait t'10 auamentee donna allssi la facilite d'y erablir

'" nn bien pln~ grand nombl'e de ;;;oldats conge-dies; bref en Ii5.! on alteignait Ilnc moyenne de 3U nai;<salwP" et de i ;1 ~ mariage;;; par an, En dl'pil de la gUCI'l'f' et til''': circon!'tances dilli­ciles qu'elle ('fea bien16t dans tonle la colonie uu Canada, cdle !)JP!..:Tt'""ion "t' rnaintint, et l'll li60 la rnoyenl1e annneJle eles naissances depa:'!:'!ait 10, la population devait lotTe alms de IJOO ame" environ, (j'entPlllls parler ici seule­ment des gens etabli:-: a demenre dans Ie pays) cllc avait aitl~i all,:':IlJenle de 150 pour 100 en elix ans, Dans ce chitTrc je comprends les ha­bitants ell''' deux d.tes du D0troit cal' Jes lors il y avait des habitants etabli;;; de ce 6.10 au sud dc la )"i\'i(\l'e,

Il esl vi"ible par la suite de c('s details, quc ,.,i eet etat de choses se rut continue paisible­ment avec la domination Fran<;aise, Ie nomb!'e des habitants "e serait certainement elevl~ en 1780 -vingt ans apres ;\ i on 8000 ames-et aurait depasse 20,000 en ISOO, lors meme que Ie gou­vel'npment Fran~,ais fut demeure dans Ja plus complete incurie. Or, en IS00, il ne f"y trouva pas 6000 ames, ce qui montre combien 1a con­quete Anglaise , fut nnisible an developpement

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de l'ouest A mericain , bien loin de lui avoir etc utile.

Ce fut alors en elfet que les Anglais s'empa­rerenf dn Canada, la cession de Detroit fut Ia consequence de cette conquete, el en 1762, Ie Major Rogers parvint non sans peine avec une petite armee :1 venir prendre possession du pays. En 1763, eclata la guerrc de Pontiac, qui eut d'assez facheux resultats pour la popu­lation fran<;ai~e de Dl,troit , qui se troll va recluite par l'emigration de plusieurs familIes a Vin­cennes et aux Illinois.

Mais cet efIet ne se ress~ntit gueres que dans la ville de Detroit. et ses environs, Ie contre coup en fut peu sensible de ce cote de l'eau qui continua a se developpel'.

II y avait deja plusieurs annees en efIet qu'lln certain nombre de familles s'etaient etablies au sud de la ri viere , et it partir de 1760, leur ag­glomeration commenlja it former une paroisse distincte. Noue. allons done maintenant quitter l'histoire de Detroit, qui ne vous interesse plus aussi directement, pour nOllS occuper d'une maniere particuliel'c de la portion de la colonie etablie sur la rive canadiennc.

-En 1731, il ne s'y tl'Ouvait encore aucun etablissement que l'eglise, desservie par les

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Peres Jesuites pour la mission de::! Hurons; une vieille carte de cette epoque, qui existe aux archives, indique en eet endroit meme (Wind­sor) un village d'Outaouais ,Ie village des Hu­rons elail a Sandwich. C'est en 1752 que nous trouvons Ie premier indice de colons etablis sur cette rive, un rapport conserve aux archives mentionne qu'il y avail alors 20 habitants eta­blis sur Ie cote sud de la riviere.

Les lerres ~ui Y SOllt plus fel'tiles y attiraient sans doute les colons, tandis que la presence des missionnaire Jesuites facilitait beaucoup leur etablissement; les premiers se grouperent en eifet autour de l'eglise et de la maison du missionnaire, qui etait alors Ie Pere Potier, ce fut lui qui leur vendit les premieres terres, a prendre sur un grand lot, que les sauvages avaient laisse il. sa disposition. Neanmoins ces colons dependaient tOlljOurS de Sle. Anne de Detroit, ce n 'cst qu'en li61 que Ies habitants europeens etablis sur cette rive furent !"attaches a Ia paroisse qui desservait les Hurons. C'est a ceUe epoque qlle leurs aetes eommencerent a y eire tenus, il devait deja ~'y trouver un assez grand nombre d'habitants, car on y voit de suite une moyenne de 15 a 16 baptemes par an, ce qui suppose au moins 3 ou 400 ames de po­pulation.

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l\" ous ne connaissont pas exactement tous les noms de famille de cos premiers pionniers fonda­teurs de la paroisso , mais voici ceux qui nous ont ete conserves par les Actes de cette epo­que:

Campeau, Chene, Drouillard ,Janis, Goyeau, Meloche, Pilette, Villers, Robert, Babie, Godet dit Marentette, N avarrc , Lebeau, Tremblay, Reveau, Lafeuillade, Bourdeau, Bomon ou Bom'on, Bonvouloir, Boesmier, Bergeron, Clou­tiel', Clermont, COlPpar:~·, Caron, Desnoyers, Dusaux, Derouin, Dupuis, Deshetres, Du­breuil, Dubois, J adot, Grenon, LeGrand, La­coste, Langlois, Pajot, Prat, Petit, Rochelot dit L'Esperance, Ravalet, Thiriot. Les 16 pre­miers de ces noms appartiennent aux ancien­nes familles de Detroit, lesautres proviennenl des emigrants canadiens ou des soldats conge­dies qui s'etaient etablis depuis les douze der.­meres annees. Les actes mont rent en effet que les gouverm-urs congediaient et etablissaient presque chaque annee un certain nombre de soldats.

Ce canton, vous Ie voyez, se pcuplu assez rapidemeni, en 12 ou 15 ans il s'y etait ins­talle 400 personnes , l'accroissement continua a s'y produire sur une assez forte echelle. Quel­ques-unes des terres furent vendues, nous l'a-

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vans vu , par Ie Pere Potier, qui les tenait des indiens; des concessions furent aussi faites sous I'autorite du O"oU\'prnl'111cnt flinsi que l'indique ,., la c(,rrespondancc des commandants dll De­troit, cufin il ('~t probable que plusieur:> ac­quisitions fUH'nt raite:; directement de~ in­diens.

:\pres la ('onqllt~te , et~ di'vcloppemeut conti­Illla :';OIlS la favorable intlllcnec dl' la fertilitt', du ~ol et d'une tran~lillite, qui Ilt' fut !roublee un instant que par la gucrrc de Pontiac, dont les faeheux ell~ts furent plutot ~t'nsibles sur Ie cote nord qu'ici memt'. ({uinze ans apres, lors de la r(;volution Aml'l'ieaine, la moyenne dc~ naissances qui etait parvl'nl1e ;'\ :Ji) par an nOllS indiquc une population d'clwiron :-IOU flmes, c'est-a.-dire qU'elle s't'tait pIns que doublee en 1 J ans. Trpntc ans apn";;; , la moyenne annllelle des naissances etail de i 5 a 80, an'c une popu­lation d'aumoins 1600 ames; je ne parle ici que de la population francaise. II y a\'ait dl-J'a en

} . eHet un certain nombre d'habitant~ Anglais, la revolution de liS4 en faisant pa"scrDelroit sous Ie regime Amerieain, a\'ait rejete de ce cote un certain nombre de famillc:> 10yali~Il-", qui ne voulurent pas accepter Ie nouvel t'>tat de choses; ce fut alm's aussi que 1'on commenca a fortifier Amherstburgh et a y placer garnison, telle a

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ete I'origine des premiers Anglais etabli" <1:!I1.-­

ce pays.

Cependant la grande extension que pn-nail la population, la for<;ait constamment a former (le nouveaux etablissl'ment". -

L'embouchure de la TrtlU:he et J.llalden elaicnt deja oceupes ,-il devenait difficiie qu'une seule eglise suffit, on ne tarda pas ;1 ;,-ubdi\'iser Ie pays en 3 cireonseript:ol1s ecciesiastiqlle,,: L'Assomption de Sandwich, St. Pierre de la Trenche et St. Jean de Malden.

Unl' visitp episcopale faile en 1816 par l'eve­que de Quebec et dont nOllS aVOilS releYt:' [c~

chiffres a l'e\'eche de Quebec, nous permet d'evaluer la population catholique alaI's exclu­sivement fran<;aise de la maniere suivante: a Sandwich 2,000, a St. Pierre de la Trenchc 300, a Malden 300. La population fran<;aise etait done alors de 2,600 ames dans ce pays.

Comme vous Ie voyez it mesure que leur nombre s'aecroissait, vos ancetres etendaient leurs etablissements et leurs cultures. Peu nombreux et ne recevant qU'Ull petit nombre d'emigrants du Canada pour s'accroitre, ils avaient neanmoins successivement occupe a peu pres toute la paroisse de Sandwich, et ils commen<;aient alors tout en s'etendant <1 gau-

3

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che ,.nr la ril'it"n~ :tux Canards et a droite 'Sl1l'

la Belle-Riviere, 'ils commen<;aient dis-je, a former eux-meme des colonies de l'embouchure de la Trenche , a I'entree du Lac Erie clMalden.

N ous- les lonerons certes de ce sage esprit d'extension et d'entreprise , qui leur assurait, it eux et a leurs descendants une large part dans la possession d Ll pays, et cependant il faut en­core regretter qu'ils n'aient pas pousse plus loin leur hardies:<c ct leur occupation dn territoire, Rien n'eut ete plus facile alms a c-haque pere de famille que de ",'as:,;nrer plu"i('urs milliers ({'acres de terre, pris en differents lots, pOUl' ~tablir chacun de ses enfants, qui eux-meme auraient pu s'assnrer de nouvelles t('rres en bois debont pour les partager entre leurs enfallts apres eux. De la sorte chaculle de vos familles aujourd'hny, au lieu d'etre restreillte sur des fermes de 100, el 200 acres, parfois meme sur de simples lots de 40 acres, chacune de vos familIes aurait de larges possessions de 1000 a 2000 acres,

Le resultat de cet etat de choses vons anrait etf uoublement favorable: d'nne part vous au­riez tous nne aisance plus grande, et un avenir plus facile assure pour plusieurs generations apres vans. D'autre part en attribuant ainsi a chaque famille une part beancoup plus large

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dans les terres alors vacantes, les Canadiens 8e seraient assure la possession exclusive du pays, les etrangers n'auraient point trouve place sur ces terres entierement occupees par vous , et aujourd'hny dans tout Ie comte d'Essex et dans la moitie dn comte de Kent, vous seriez les maitres , vons feriez vos affaires vons-meme et a votre guise; c'est a peine si 1'on y compte­rait un millier d'Anglais, tandis qu'ils y for­ment la majorite de la population.

Que ces retiexions sur Ie passe, soient done pour vous un enseignement salutaire - et en songeant aux travaux de vos a"ieux et a l'heri­tage qu'ils VOllS ont legue, sachez suivre les exemples qu'ils yons ont dounes-que serait-il arrive si alors au lieu de se porter sur des terres neuves on u'eut jamais songe qu'a se partager les vieilles terres defrichees jnsqu'a ce qU'elle fussent rednites a des lambeaux de 80 Oll 90 arpents? II en serait resulte que devenant a la fin impartageables, les heritages auraient ett~

vend us ,et qu'un grand nombre d'entre vous, seraient aujourd'hlly rednits , a Ia condition de louel des terres a des etrangers ou a gagnel· au jour Ie jour un salaire incertain qu'il faudrait aller solliciter de toutes parts. Or que de motifs n'avez-vous pas aujourd'hlly pour chercher a VOllS etendre comme vos ancetres ont fait; vous

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{n U\('Z bien plus qn'eux, car en agissant ainsi ;Is ne faisaient que suiHe les impulsions, de leur bon natmel et d'llue sagesse instinctive. Mais vous vou~ etl's eclairi"s par l'expt'rience, et valis yoyez avec ,"\'idenee com bien meme il eut ete a vantageux C] u'ils fissent plus encore et 'iU'ils s'assmasselll ;'( lout prix toutp;,; les terres du pays.

Sans doute il n'L'~t pa,; uu"."j facile mainte­Gmt de les acguerir, ii en conte plus et clles sont plus enfoncees dans l'interieur. Cepel1dant reroyez moi, quelque soit Ie prix auquel le~

1erres ell bois debout soient panenues, iln'en pst pas moins avantageux ct meme urgent pour 'iOUS d'en acllPter, toutcs les [ois que vous Ie ;c.ourrpz et meme de vous gener pour Ies acque­fir, - car plus vous irez plus elles montero111 de prix, plus elles deviendront rares .

.. \ ujourd'huy encore quand on achete une terre en bois debont, on pent couvrir une partie du prix avec la vente du bois qui s'y trouve, '.:t apres ceUe exploitation il est bien rare que le terrain revienne a plus de 4 on 5 piastres 1'acre. Dans ce moment-ci surtout ou nous ~llbissons une crise qni a fortement afiecte les 1ransactions et altere Ie prix des immeubles, iI p q plus facile d.e les obtenir a bon compte qu'il ne l'a ete precedemment.

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C'est done une occasion a saisir , cal' une foi,; cette crise passee ,les choses reprendront leur conrs et avec Ie mouvement ascendant de la population, la terre ira toujours croissant de valeur. Que chacun dan~ la limite de ses for­ces, s'emploie done a ~'asSLHer les terres non cultivees pendant qu'iJ yen a encore; sinon vas enfants au petits enfanis diront aussi un jour, quand on ne voudra plus leur vendre de terres que depouillees de toute valeur en bois, et a un prix double ou triple de eeilli qu'on demande maintenant, ils diront a leur tour: Ah eombien 110S peres ant ete malavises, de ne point aehe­tel' toutes ees terres, (!uand eUes etaient toute3 boisees et a si bon compte! II faut done alljour­d'huy faire non senlement Ie possible, mais en quelque sorte l'impossible pour vou;; assurer c('

qui en reste , et chaque pere de famille devrait tenir a honneur, en se privant s'ille faut , d'e­tablir de son vi vant ehacun de ses gaJ'<;ol1s sur une terre nouvelle: en laissant a l'aine , intact et sans morcellement, l'ancien patrimoine de la famille. .

Toutes ces considerations nous ant un peu ecarte de la suite de nos etudes sur Ie develop. pernent de la population fran<;aise du pays. Nons l'avons laisse en 1816 forte de !600 ameiS et deja divisee en trois paroisses. En 1823 it

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rut fait Ull l'eceneement officicl duquel il resulte qn'il y avait dans tous Ie comte d'Essex 4700 a 4800 habitants, dont 15 a 1600 etaient Anglais. Depui:, ;2;) it 30 an;, en effet il commenc;ait a arrivcr pen it peu dam' ce pays une immigra­tion etrangere de plus en plus considel'able. Elle a vait commence par que lque familIes An­glaiscs loyali,,!<,s Ycnne:, du Detroit, et de pln­sieurs antres part irs des Etat~-linis; puis s'e­taient etablis qllelques soldats licencies de la garnisol1 d'Amberstbourg; el111n elle comll1en­<fait a arrivl'l' pill" nombrcl1:'c et envahi"s311te.

N eanmoi llS dl' 1883 ,'I 1830 il ne parait pas qU'elle ait ete fort active, c'e,,( ,\ peine meme s'il y eut nne immigration ,ccn"ible, car Ia po­pulation un District ,,'estern qui ('tait de 6952 en 1823 n'est que de RJJ2 en 1829, ee qui ne fait en 6 ans que 1380 ames d'augmentation, IaquelIe ne l'eprescnte gl1el'e que l'accl'oisse­ment naturel par les naissances. De telIe faeon qu'on i)ent etablil' qu'a\'ant 1830 it Y avait ~n­core si pen d'Anglais dans ces cantons que la population franco-canaclienne, y existait seule presque sans melange et entierement abandon­nee a elle-meme et a ses habitudes. Ceci etait d'autant pins 8f~nsible que la rive ameraine etait de meme de son cote Ires peu peupIee, el

que la population franc;aise y etait encore au-

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moins egale en nombre aux Yankees. En 1820 en elfet la population de tout l'etat du Michigan n'etait que de 8,896, dont plus de 3 quarts etaient Fran<;ais.

Telle Hait donc la situation vel'S 1820 des deux c6t~s du Detroit, la population d'origine etrangere ctait encore extremement peu nom­breuse, meme du cote americain. Les parois­ses rurales etaient a peu pres pures de tout melange et les quelques Allglais loyalistes qui s'etaient refllgies du c6te sud, appartenaient generalement a de respectables famille!:l, pres­que tou'tes alliees aux habitant:3 du pays, et qui durant leur long sejour au milieu d'eux, s'e­taient tellement melees it toutes :es haLitudes de leur vie, qu'elle pouvaient etre considerees comme faisant partie de la communaute elle­meme; si bien que quelques-unes de ces famil­Ies sont encore aujourd'huy reputee s plutOt canadiennes qU'anglaises.

Quels etaient alOl's vos peres? plusieurs d'en­t1'e vous ont pu les connait1'e, car ceUe epoque est encore si recente que Ie souvenir en est en­

. core comme vi vant au milieu de vous. On a beaucollp cherche depuis lors a rabaissel' leur memoire, combien de fois n'avez vous pas en­tend'u, des gens interesses it hllmilier ce passe respectable, s'etforcel' de vous en imposer, en

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S':UTI'_;cant une supt'l'iorite pretf'ndue; com­)';"ll I,~ fois ne les avez vous pas f'ntendu dire Cjll" .,"daient de braves gens, mais ignorants, ;lh,'tp.Lblcs, arrieres ; cependant les uocuments, l<t :.:!clition, les souvenir" ecrits et paries ne ticnnent point Ie meme langage.

~;lIlS doute ils ignoraient beaucoup de p:o­cedf;;< qui ont fte imagines, au simplement im­porte,.: ,depnis enx, sans donte il est bon et meme necessaire aujourd'hllY , d'ajouter et me­me ue changer bien des chases aux usages qui l~m ctaient familiers; avec la population qui croit, il est indispensable de s'appliquer a ac­('r,)!il" aussi les pl'Oduits de la terre et de Pin­ul1strie de Phomme. Mais pour leur epoque et pour leur sitnation ils valaient bien cenx qui les critiquent et sous pins d'un rapport il va­laient mieLlx.

11., n'etaient ni allssi denues, ni anSSl Igno­rants qll'on vellX bien Ie dire, des IOllgtemps avant la venue des Americains en ce pays, alorg que ceux-ci n'auraient meme point ose passer les Monts Alleghanys , tous les corps d'etat se trouvaient repn:;scntes a Detroit-charpentiers, chal'l'on~ , forgerons , armuriel's; il y avait une tanneric, une distilleric, pillsieurs moulins a scie et a [arine, et me me un brasseur-'-les seems de la C"'E:Tt'g:\(on tcnaient nne ecole

-.J.l -

pour les filles, et Ie sienr J. B. Rocoux tenait l'ecole des garc;ons.

A croir':! certaines gens aujourd'huy, il sem­blerait vl'aiment que Part d'ecrire soit une inno· vation mel'veilleuse que l'invasion anglaise aurait importe en ce pays ;-mais avant cette epoque un grand nombre de vos a'ietlX lisaient et ecrivaient fort bien, et je dois dire qu'en par­courant les vieux papiers, j'ai ete meme eton­ne , vu Ie peu de ressources dont on disposait , et les difficultf's de toute nature qu'on devait eprouvel' a instruire les enfants dans ce lieu si recule ,j'ai ete etonne sou vent de trouver dans l'ancienne population dll Detroit une si forte proportion de per~onnes sachant lire et ecrire.

Or ne croyez point que eette ecriture, fut ecriture d'apprentis, begayant sur Ie papier des lettres grossieres et mal assemblees ,-souvent elle est fort belle; eombien de fois en compul­sant les vicux actes, ai-je cherche a deviner dans les formes eapricieuses de ces iignes seeu­laires,l'empreinte du caraclere et des pensee~ de ceux qui les avaient traces.

On ne voit point alor8 de ces ecritUl'es cou­chees, hatives ,toutes semblables, d'une regu­larite fade, laides dans leur monotunie comme Ie produit d'nne fabrique a vapem, et trap sou­vent illisibles. Ces signatures sont larges et

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caracteri:sees, variees mais toujours gl'avees d'une main ferme, eile sont fortement assises et distinctes, indice d'une pensee caime et sure d'elle meme , bien etablie dans sa vie, qui sait d'ou ('ile \'ient el ou elIe va; leur contexture n'a point de precipitation, <:'e::<1 l'expression d'un hornll1e qui reflechit ace qu'il fait, sans avoir eept-ndant une preoccupation trop fie­vreuse des alfaires et (lu gain; it y pense mais sans ('tl eIre absorbe, c'c::<t une personl}e raison­nable ,el non pas une machine it gagner de l'argent; il esi rare que l'une rC8:semble <1 l'au­tre, parceque n'etan! point precipites, chacun y Iaissait la trace de son caractere commt' il convient a un etre humain et intelligent.

Aujonrd'huy chacun y laisse la trace com­mune et monotone des inquietudes de son es­prit-quand on pareourt une page de signatures aUK Etats-U ni" on se demallde , si cela a passe sous la main des hommes, ou sons l'empreinte d'une machine a ecrire ;-Est-ce a dir~~ qne les cal'acteres humains sont attenues, amoindris, moull'~ dans une assimilation deplorable? ou bien les methodes d'instruction y sont-elles tel­lemen! inferieures, qU'elles obliterent l'action de la volonte ct de l'in!elligence sur les orga­nes; la main ne semi! plus alors l'eJ.":pression de la pensee mais un instrument automatique

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qui toute la vie, continue a copier Ie modele commun propose (1 l'ecole.-Ayant tons eu Ie meme. modele, ils auront tous alors la meme ecriture; leur pen see n'a plus assez de nerf pour allel" se repercuter dans les inflexions de la main.

Mais en quelque sujet que ce soit, la simili­tude ella monotonie sont un signe profond de degenerescence dans I'espece humaine; cette societe si vanlee, et trop fortement eprise de Ia mecanique et de la vapeur, aurait-elle done deja passe l'esprit humain au cylindre, broye ses formes, use ses asperites, et roule Ie tout en atomes homogencs et insipitles, deja fort ennuyeux et bientot impuissants? Je ne sais, mais combien je prefere, a cette ecriture d'au­to!TIates la large et pitloresque empreinte de Ia pensee de vos aieux, chacun s'y peint tel qu'il est, il semble qu'on y voie leur franchise ou­verte et pleine de bonhomie, Ia quietude de leur esprit, Ia hardiesse et Ia fermete de leur caractere, la courtoi~ie et la cordialite de leur salutation.-Ces honnetes signatures sont com­me la figure d'un hOte franc et hospitalier, qui YOUS con vie du seuil de sa porte it depouiller toute ceremonie, vous met a l'aise avec lui meme et se fait de suite un de vos amis.

En effet iis etaient reputes pour leur grand

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ernur, leur hospitalite, lcur politesse, et pour la grandf'ur de eourtoisie qui s'etait perpetuee parmi el1x-lcs premiers Anglais qui vinrent dans Ie pays, bien qu'ils fussent les vainqlleurs, et malgre la forte dose de sl1ffisance vaniteuse , dont la nature les a dote, se sentirent plusd'une fois troubles devant la dignite native et respec­table de ces hommes si mples et retires, mais qui avait pour enx Ie benefice de la tradition et de la race.

Plnsieurs d'entre,eux descendaient des gen­tilshommes franc;ais , officiers dans les garnisons successi yes qui vinrent dans ce poste ; tous sor­taient de ces fiers aventuriers, que Ia p::tssion des entreprises et des voyages hazardeux pous­sait alars vcrs I'Ouest, bien plus que Ie desir du gain-j'ai pu eclaircr I'origine de quelques unes de ces families: les Jlarsac Du,rucher, les Deqltin,zre-Ies Chabert-Joncaire-Ies Navarre -les LegnUl·I-les Dllgneall-Douville-de Jl>lo-1"(ts-Dolwire de Bondy-appartenaient it des familles de gentilshommes Un grand nombre ont eu po~r ancetres Ics anciens milita'res de la g:unison qui se fixerent dans ce pays; je eiterai: Dupuys dit Beauregard-Steve dit La­jeunesse-Bombardier elit La Bombarde-Ves­siere dit La Ferte-CaSS3 dit St.Aubin-Barthe dit Beiceil-Bienvenu dit Delille-Poirier elit La

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Fleur-Villers dit St. Louis-Bontrond ou Bon­rond dit Major-Gilbert Jit Sanspeur-Lotman dit Barrois-Gendron-Renaud-Durand dit Montmirel-Valle dil Versailles-Tavernier dit St. ~Jartin-Bord,~ dit St. Surin-Bernard­Jadot-Billon- Duberger dit Sanschagrain.

Les Babie-Ies Godefroy-Ies Campeau-Ie:;; Sr. Cosme etaient 'Ies n('gociants de Trois-Ri­"ieres ct de Montreal, que Ie commerce des fourrnres fixa dans ce pays.-Les Chapoton des­cendent d'un des premiers chirurgiens de la garnison de Detroit qui s'y fixa vers 1720-il etait natif dn diocese d'Uzez dan" Ie Lan­guedoc.

~on seulement les Canadiens avaient con­serve Ja courtoisie et la noblesse de manieres que leur avait transmis la tradition de leurs families, mais aussi I'esprit d'entreprise et de hardiesse qui avail caracterise ceos premier;. pioniers de l'Onest, dont nous venons de par­courir rapidement les ditficiles et laborieux progrel!.

C'est nne mode anjourd'huy de pretendre que les Americains ont amene ici Ie commerce, l'industrie ef I'esprit d'entreprise !-Le fait est que 1'011 y faisait avant eux, ce qui etait dans la mesure du possible pour I'epoque. II e'3t facile (Petre entreprpnant , et de faire de grande;;;

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affaire!!, lorsqu'on a derriere soi une population de 30 millions d'ames, qui VOllS entoure et a laquelle on est ctroiternent lie par les chemins de fer, la navigation it "'lpem, et des relations mora If's et materielles de toute sorte !

Quand les Americains commencerent a pren­dre qtlplque developpement dans ce pays apl'es 1820,la population compacte qui s(' pOllsiiait peu a peu de la cote \'el'S I'ouest, arriYait pres­que jusqu'a Detroit, l'Ohio se peuplait rari­dement; et en comptait deja de nombreuses stations cOIl11I1crciales sur les Lacs Erie et Ontario.

Mai" la situation elait bien differente quand vos peres yinrent s'etablil' ici, il y a cent cin­quante ans, ou seulemen! meme iI y a 80 ans guand ils y etaient encore seuis et loin de tout etablissement curopeen. Alors on n'avait ni steamer ni chemin de fer pOUl· transporter ses marchanuises, anCLln outillage, aucun objet fabrique, sauf ce que 1'0n savait faire so i-me me : point de capital, a peine les provisions suffi­"antes pour conrir d'Llne annce a I'autre; point d'appui, point de secours en ('as d'accident ou de dctresse; et tout antour, les nations indien­nes, sauvages, guelTieres, vingt fois plus nom­breuse , et dont l'amitie douteuse et chancelante, variait au gl'C de lems convoitises grossieres

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et de leurs divisions incessantes. Le premier groupe d'Europeens sur lequel on eut pu s'ap­puyer etait a Montreal, a 200 lieues. Et encore pendant six mois de l'hiver, etait il impossible de communiquer; on etait Stopare du l'e~te du monde.

C'est alors qu'il fallait avoir uu creur et de la tete, pour songer a realiser ici des Ira vanx et dn commerce; il est plus facile aujourd'huy d'y edifier nn steamer, qll'il ne l'etait it cette epo- ' qne d'y construire nne barque. C'est alOl's qu'ii fallait une singuliere harc1iesse pour songer Li s'etablir dans Ie Detroit, au milieu cie quelqne;; centaines d'hommes qni ne pouvaient compter que sur eux meme ,c'est alors que Ie courage et l'industrie de chacun etait mis ,t une serieuse et ruue epreuve. Cn peu de bonheur dans Ie commerce, de l'applomb ou de l'adresse dans les transactions n'auraient point suffiit a ce mo­ment, pour resoudre les sauvages et urgente" exigences de la situation. La necessite ne se paie pas de mots, d'apparence ni d't>ffronterie , on ne la satisfait qu'avec la realite dn travail et des resultats.

Cependant les vieux colons fran~ais affron­terent ces difficultes gaiment et sans sourciller, il semblait que ce fut pour eux, non pas une penible aventure, mais un plaisir et j'ose dire

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qu'ils sment s'y creer une existence heul'euse dans sa simplicit{~ cl plus enviable peut etre que Ie l11elang~ de faste et de misere qui 8'y renconlrc aujourd'huy. ;\lais il y a un siecle on ne voyait gueres df' luxe dans POuest, pas plus qu'on n'y rencontrait d'Anglais, ni d'Ame­l'icains, its ,,'" tenaienl chaudement dans leurs demeures sur Ie" l'iyc" de l'Atlantique a l'abri de leurs groSSl'~ cite" commcr<;antes ,-ils n'a­V,l11c\"rent qnc pen 'l PCLl pI ce n'est que lors­ql1'il" :<e "entirent appllyh parde;; etablisse­ments nombreux et proches qu'ils se hasarde­rent fral'lehelllcnt;l \'cnir Jan" ces pays eJoignes. l'ecueillir la recoltc que vos peres y avaient prepare an'c tant de danger et de travail; re­colte qui commen«ait a etre mure quand il falltlt la partager an'c les oU\Tiers de la onzieme heure.

Ces ancicns pioniers n 'etaient donc ni si timi­des, ni si malavises qu'on veux bien Ie dire, et s'ils ont ete ,\ la longue debordes et primes par Ie." envahi~~eurs, c'ef'lt que ceux-ci plus nom­br.~ux , et plus riche,; , etaient soutenus par une "(}ciete puissantc et toute proche, par une im­migration incessantc tandis que la modeste co­lonie fran~aise etait abandonnee a sa pro pre faible"se , et separet' de la mere-patrie.

Doues d'une impertinente effronterie qui

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ignore toute modestie et toute reserve, les nou­veaux venus surent des Ie principe en imposer a ces esprits simples et bons qui avaient toujours vecu dans la solitude, et qui ne savaient point ce que c'etait que de se surfaire au-dessns de leur valeur. Se laissant trop souvent cblouir par cette importance d'emprunt, vos pt'rrs accep­terent trop facilement les pretent ions arrogan­tes avec lesqnelles on cherchait a Ips etourdir, et c'est ainsi qu'en pins d'un cndroit a mesure que Ie nombre des etrangers augmenta, ils se trouverent disloqlles, ahuris et sans force de resistance, contre ce mouvement nouveau qui les surprenait, et les entourait en jetant dans leurs esprits un trouble inconnu; c'est ainsi que Ie laissez aller, Ie decourag~ment, l'accepta­tion d'une suprematie sans titre, ont conduit certaines paroisses de l'autre cote d II Detroit, dans une situation facheuse et hllmiliee dont il serait utile et juste de les voir sorti}".

A partir de 1830, en effet, l'immigration pri! des proportions formidables qui ne tarderent pas it alterer la proportion des elements qui COL1-

posaient la population du pays. Le District "\Yestern, compose ues comtes actuels d'Essex, de Rent et de Lambton, recut dans la seule annee 1830 environ 1300 im~igrants; de 1832 a 1835 pres de 3000 en 3 ans; dans la seule

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annee 1!36 plus de 2000, de 1836 a 1851, en 19 ans 18 a 20,000. II est vrai que la portion dn district qui forme Ie comte u'Essex, ne re9ut qu'une partie de cette immigration, et meme une faibJe partie; mais cela suffit pour changer Ia proportion des populations, et en 1851 l'elernent etranger formait dans Ie comte d'Essex les deux tiers des habitants, 11,393 sur 16,817.

Depuis cette t-poque les choses se sont modi­fiees et en votre favP,llr, Ie mOlH·emenl de l'im­migration etrangere s 'est arrete, bien plus la population anglaise paTaH s'etre accrue moins vite que la votre. Les Fl'anco·Canadiens ont continue a croltre par Ie mouvement des nais­sances a rai"on de 60 pour cpnl en 10 ans, et ils sont environ 8500 dans Ie comte-Ia popu­lation anglaise n'a pas augmente de plus de H pOUl" 100, etant montee de 11,393 a 16,500.

Dans cette periode decennale la population anglaise dans ce cornte a done relativernent recule , son accroissement a ete beaucoup moin­dre que Ie votre , et encore faut il observer que, sauf la ville de 'Vindsor, cet accroissement est tout a fait circonscrit dans les deux townships de Gosfield et de Mersea.

Ce changement dans la relation respective des deux populatIOn"" se fait sentir en ce mo-

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ment partout Oll se lrouvent des popula:iolls canadiennes, et en voici la raison. L'envahis­sement de l'emigration anglo-saxonlle , qui vous a tellement pre sse et foule il y a 19 au 20 ans, est aujourd'huy it pen pres. cesse, et il n'est pas probable qu'elle l'eprenne cours desormais ~ precisement parce que les terres qui restent encore incultes ant acquis un prix un peu eleve. L'emigrant quitte bien l'Europe pour trouver des terres a tres boa march6, mais il ne se deciderait pas volontiers a changer de pays paUl' prendre des terres chargees d 'un prix one­reux.

Les chases ont done recouvre a peu pres leur cours naturel ,- et nous trouvons, d'une part, vous, qui dans votre paisible ct tradition­nelle existence, croissez et multipliez avec vas nombreuses familles ,- attaches au sol conquis par vos aieux , et ou depuis longues generations reposent leurs cendres; vous, attaches au sol, et preIS au besoin a faire des sacrifices paUl' y rester. D'autre part, nous voyons l' Anglais ou l' Americain ,dont les families croissent moins vile que les volres, et qui avec leur esprit inquiet, cupide et moins affectionne au sol, sont toujours prets a chcrcher dll nouveau: Go ahead, comme iis d isent, toujours prets a cou­rir apres une nouvelle patrie pourvu qll'elle

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paraisse lem presageI' plus de profits. Aussi ck!'.' que Ie tlot de l'immigration cesse de leur apporter des renfol'ls, ils decroissent et ils deel'oltront toujolll's relativement a vaus. 8i je sui., aussi affirmatif sur ce point, c'est que depuis longtemps 'deja, je I'ai observe au Ca­nada.

C'est a YOlB de profiler de celte situation, afin de prendre Ie des~us par I'indomptable obstination dl1 tra\-ail, de l'economie et du patnotlsme. X e \'(>11~ en laissez point imposer par certains airs dedaigneux qU'affectent de prendre \'i"-~l-Yis de vous des gens qui, SOllS

leurs beaux habits d leurs grandes pretentions, valent moi n" que vous dans volre honnele sim­plicite (., vatre cordiale bonhomie.

5i j'ai insi"te a diverses reprises sm ce point, c'est que je voudrais entierement premunir vos esprits contre l'inflnence de ce prejuge d'une IHetendue superiorite de la race anglaise et contre les manieres d'elre dc la civilisation amencaine. Non pas qu'au premier abord vous soyez peut-etre fort disposes a subir ceUe influence. Mais il en est des idees fausses comme de la calomnie, a force de les repeter avec un applomb et une efl'ronterie qui trouble ies consciences honnetes et tim ides, on finirait , 8i elIe n'etaient contredites, par faire circuler

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cette fausse monnaie com me du bon argent.

Pour moi je suis loin d'accepter sans controle de pareilles assertions, et l'examen des faits sur les lieux me me , n'a fait qu'augmenter rna rnefiance. Il y a un vieux proverbe qui elit: ce n'est point Ie tout de faire vite, encore faut­il faire bien; que Ies Americains fassent tres vite, je l'accOl'de, mais par compensation il faut convenir qu'ils fOllt ~eneraif>menl Ires mal. Tout ce qui sort de leur" mains manque gene­ralement de reel et de :,ulidite; il semblerait rnerne qu'il y ait entre eux sur ce point emula­tion et point d'honnelll', de telle· sorte que leur civilisation semble s'etre propose ce probleme : Eblouir l'homme par Ie plus d'apparence qu'il soit possible, afin de lui donner Ie moins de realite serviable que faire se peut.

Les gens sages doi vent se mettre en gal'de contre toute cette fantasrnagorie d'illusions et de hate; on a beaucoup vante la rapidile de ce developpement, mais quand on examine de pres, comment il s'est opere et les resultats qu'il produit, on y trouve peut·etre plus a de­plorer encore qu'a admirer. L'histoire pourra dire un jour, si la substitution de la race an­glaise a la race Fran~aise en ces pays a ete un profit ou un malheur pour Ie continent Amel'i­cain; elle dira si notre civilisation plus lente,

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plus prudente, mais pIllS solide dans les fruits qU'elle murit, n'est pas d'un degre superieur, a cette course hfllive, d'un progres mal-ordon­ne, mal digere , qui broye precipitamment une societe mal assise, et qui ne parai! rien avoir de ce qui est necessai re pour affronter, en sur­monter les crises difficiles que toute nation a tot on tard a es:myer.

:\Iais la discllscion d'un tel snjet vous entraine­rait tout a fait hors du cadre de cette lecture. Je me eontenterai de vons recommander de savoir progresser par vous-meme et dans votre bon sens, sans adopter legerement les idees, les principes et les manieres d'etre de vos voisins dn sud.

Mille declamations amponlees et banales cir­culent a ce sUJet, n'ecoutez jamais sans nne gran­de reserve ces esprits superfidels , plus prompts a s'exalter qU'a reflechir; sachez contrbler leurs grandes phrases dans yot!"e propre esprit et pe­netrez-\"OUS bien de ceei ; c'est qu'avec Ie simple sens cornmun, eclaire par la tradition et l'en­seignenlent religieux, vous etes plus aptes a vous faire une opinion juste et utile qne tOllS ces bavards qui cherchent a vous en imposer par une emphase ronflante mais vide, qui n'appartient jamaisqu'aux ecerveles ou aux charlatans.

Chacun aujourd'hlly par exemple ne parle que de faire d'immenses entrepriscs, de gros

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commerces, de promples fortunes, nul ne veut agir qu'en grand, 10\1S Ie monde meprise les petits profits et les existences mediocref'. Ce­pendant c'est la masse des petits profits et de! existences mediocres qui fait la force des societes et la ressource commune des hommes. Se jelter violemment en dehors des voies ou les circonstances natlll'elles nous ont place, et dont les habitudes d'enfance et de families nous ont appris les l'essotll'ct's et Ie bon user, c'est vel'i­tablement mettre a la loterie et entrer dans une maison de jen.

Pour tenter de vastes combinaisons, et me­ner a bonne fin les affail'es difficiles et compli­quees qu'eHes entrainent, il faut en effet deux choses, deux choses toujours rares: une forte intelligence et un certain buuheur; je sais bien que nous sommes to us fort portes a croire que nous sommes tres intelligents, et a esperer beaucoup dans notre bonne chance, mais I'hom­me sage sait se mefier de pal'eils entl'ainements , car il suffit de regal'del' autoUl' de noue: pOUl' un qui rEmssit dans cette Ioterie de Ia fortune, combien succombent malheureusement et tom­bent dans la derniere misere ,pour avoir voulu souleverun poids qui etait au-dessus de leur force.

Cependant, a cOte de ces perils, il est une roule qui est ouvel'te a toue ,accessible a lou~,

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;lloin:;; blillanle sans donIe, mais plus facile et plus ,.ure, c't'~1 celie du travail, du menage­:~lenl ,·1 d'une honnete indLlstrie. Ce n'est pas la TOnIe d'U1H' :,;rande richesse , mai" c'est celle ,Punt' ai:;;anc(' IranquiJle et helll·en"e. Tout Ie mond" pel1t Y p"'·tendl'p ('I y pal'venir, cal' il n'est pasun hOl1lme qui ne pnisse meUI'P de I'epargne ,..1 de I'orche dans ,.es clt'penses , Ips mesurer a 'cs re~SOl1rc(:'s, piul,'" au-dessous qU'cn-dessus, de maniere ,i a voir loujours du reste, si petit '(ju'il ~oit. Yoi];'\ la yeritable source de la for­ltme, accessible a tout Ie monde ; car la mas~e tle ces pelit~ resles ,de ces petites economil.". amassees jonr par jour, annee par anni"f' , gro"­<:issent et mettent l'homme a portee J'ac('wilre ",es moyens d'aetion, en acquerrant c]c>", hc"tiau:,. des outillages on de nouvelle~ terres. L 'accroi3-"E'ment de sa petite fortune lui permet alors d'ac­corder un peu plus a son bien-etre, tout en con­tinuant son "ystt'me d'epargnes journalil'rcs.

Si vous eonsiderez antonl' de vous, vous YOUS

convaincrez faeilement que la plupart des pe­!ites fortunes qui constituent I'aisance commune des familles "iennent de ceUe origine. La moderation dans la vie et dans les depenses I

l'assiduite au travail, l'industrie qui s'applique a perfectionnel'ses moyens de production: teIS"O!l~ les veritables, les seu Is moyens de 01'O a l't'S l)our . . '"

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lamajeure partie des hommes. Gal'dez-vous done de- ne point estimer a leur prix vas modestes fer­mes et YOS humbles occupati(,ns agl'icoles. II en est qui disent, cela '/If payp pas, il vaut bien mieux prendre des occupations de ville ;-- cela parait payer peu , pent-eIre, mais anssi eela ne risque rien; dans la ferme OIJ YOllS ele~, VOU8 1l10urrez paisible, apl'es une ('xistence trallquille ct douce, qui n'a connu ni inqllietlld~s ni revers,

Combien en poul'rLlient uire autunt panni ceux qui les ant quilte ? Pour un qui n~ussit , COlll­

bien s'en trouve-il au milieu de leur carriere, perdus et ~ouvent isoles comme des miserables au milieu des etrangers, apl'cs avoil' devore dans les risques d'l1n commerce qu'ils ne con­naissaient pas, la part d'heritage que leur avait laisse leurs parent;;:, Ah! lorsque \'Ous voulez consaCl'er quelques ressources a l'avaneement de vas enfants , lorsqne VallS avez realise quel­ques fpal'gnes ,-Ie meilleUl' don que vous puissiez leur faire pour assurer leUl' avellil', au lieu de les lancer dans des carrieres coutenses et hazardeuses ,- e'est de leur achcter nne ferme all des lerres nenvcs , Oll vous leur mena­gerez ainsi un avenir heurenx ,depourvu de ha­zards et de trouble. L:'l ib continueront l'existence patriarcale de vos familIes, en benissant yolr<-' memoire, pour Ie pen de bien que YOUS leur aurez

oJ.

menage, ct plus encore pOll\' It·:; bans exemples et les sage" traditions que vous leur aurez lai"se.

Telle c,,( Ia route raisonnable de la fortune par l'economie , et al1s~i Ie meilleur emploi que vons pui""iez faire de vas economiefi, en pre­parant Ie bonhcur et I 'avenir de \"os familles. II arriYera ell outre, par La, cet autre resultat, c'est flue, achefant toujour~ lle5 tern's nouyelles, vous arrin'rez au,-si <I \'OllS assurer pour vous et pour vos enfants Ja predominancp dans Ie pays; car cenx 'lui p()",,0Lient Ic sol, pos"edent la force ville d'une contree , et deviennent forcement Ies plus intiuents et les plus nom breux.

En agissant ainsi vous aurez rendu it la me­moire de \'05 peres Ie plus pieux et Ie pIns sen­sible hornmage qui puisse rejouir leur ame dans Ie monde Oll iis vous ant prccede ;- car vous ne pouvez ricn faire de plus utile pour In cons('J'\"3.­tion de votre religion et de votre nalionalite , ces deux points essentiels auxquels ils portaient un attachement si sincere et si profond. e'est en eirel en a~seyant fortetllcnt yofre importance ter­ritoriale dans ce pays, que vous forcercz vos voi­sins de race etrangere a les respecter el it 'lOllS

accorder Ies justes droits qui vous sont dus.

L'amour de la religion et celui de h natio­nalite se tiennent de pres, ne Rfparez jamais ces deux nobies sentiments. Partout, dans

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l'histoil'e dn monde , nons les voyons se donner la main et sc soutenil' l'un-l'autre; rnais nulle part ce.te union touch ante n'est plus frappante que dans l'histoire des Canadiem. Dans les occasions bien rares ou des Canadiens ont re­nonce a IcUl' religion, jls ont toujours renonce a leur nationalit{·; vous l1e les cntendcz plus parler fl'an9ais, el, s'ils Ie peuvent, ils chan­gent leur nom. lIs semblent crainore que ce ne soit une enseigne qui les fa~se l'eeonnal:tl'e com me traitres et comme apostats. De meme quano ils renoncent a leur nationalite: quand ils pel'dent l'usage du fran9ais, et que leurs enfanls apprennellt ;1 oublier qu'ils descel.ldent de cette noble race, il est bien rare que l'amour de la religion ne soit pas aussi fortement ebranle ehez eux, el presque toujours aples avoil' perdu Ie sentiment dt' la patrie) ils tinissent par ou­blier eelui de la foi. Je viens de pareourir non­seulement Ie Canada) mais toutes les colonies fran9aises et eanadiennes de I'Amel'ique) et e'est pour moi un f'lit avere par l'experienee.

Conservez done avee soin ees traditions pieuses de votre origine; eUes peuvent vous eIre doublement utiles! et paree qU'elles vous aideront a mieux conserver la religion, cet ele­ment fondamental, essenticl de l'existenee el de l'avenil' de I'homme; et parce que en consti-

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mant un lien particulier entre VOllS, vous en deviendrez chacun individuellement plus fort. \' oyez les Anglais, les Americains, les Alle­mands, comme ils se tiennent entre eux e: comme ib ,,'entendent. Faites de meme. On dit qu'ils ont entre eux des associations secretes e, une franc-ma~,onnerie qui les rendent tn\s redou­tables. Que la commllnaute d'origine constitue entre vous un lien et une a~sociation , toute na­tun' lIe , bien pIllS respectable et aus~i forte, Preferez-Hlll~ entre YOUS a tous les autres, choi­~issez tonjolll's Ics marchands qui parknt fran-9ai:", les artisans de \'utl"> origine, faiif's V03

affaires entre vOUs :llltant que possible, soyez toujours unis et "ol1lenez-yous toujours contre Jes autres ; vous ne ~allrjez croire ce que vous y troU·,-.'fl>Z dc force et dt~ respe~tabilite.

Honorez dan" l'interieur de la mai:;on votre langue ct vos souvenirs de famille. Durant mon voyage en Amerique, je me suis donne une regIe que vous pourriez pent-etre adopter, vons ctes assez nombreux ici pour cela, et la voici: Toutes les {ois que j'ai besoin de quel­qu'un , je tache de mon mieux tic lui parler sa langue, maiO' quand on a besoin de moi , j'exige egalemellt autant que possible qu'on m~ parle franttais. Et a ce sujet ne vous piquez point u'une vaine complaisance, car rappelez-vous encore

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ccci, c'est que generalement on ne gagne jamais rien a etre complaisant avec les Anglais; plus vous etes complaisant. moins ils font cas de vous; pIllS vons vous tenez roide avec eux ,plus ils sont souples et pliants 11 votre egard. Or, je trouve scan­daleux que, dansce pays, Oll vons faites plus du tiers de la population, la plupart des marchands et des magistrats ignol'ent Ie franqais; sachez que vous avez qnand vous voudrez Ie pouvoir et Ie droit de les y force1·; vaus en avez Ie pan voir par volre nombre, et Ie droit par les anciens traites, car ils sont les mel1'es pour vous que pour Ie Bas-Canada, et vous avez tous Ies me­mes dmits que les Cauadiens de ce pays.

Je ne saurais vous dire combien j'ai ete heu­reux de trouver si bien conservee parmi vous et l'amour du nom franqais, et l'usage rle ceUe belle langue franqaise, que Ie monde entier admire, et dont toutes les nations ont l'usage de se servir dans leurs actes solennels. J'en ai et~ heureux et je vons en remercie tant en mon nom personnel qu'au nom de celte grande nation f~anqaise qui compte dans Ie monde, et a la­quelle YOUS appartenez, aussi bien que mOl meme. Mais permettez moi de vous prier de veiller avec soin a ce que ces souvenirs se per­petuent parmi vos descendants, comme vou.~

les avez re<;us vous-rneme de vos dt·vancier~.

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Je vous suggererai meme a ce sujet une idee qui a ete mise en reuvre dans Ie Bas-Canada avec un plein suc(:es ,-c'est celIe de la societe et de la fete de 81. Jean-Baptiste.-St. Jean-Bap­tiste est Ie patron du Canada, et sa fete est un jour de reunion et de rejouissance pour les Canadiens, non seulement dans leur pays mais partout a l'etranger OU iis se trouvent rennis en certain nombre, comme j'ai pu m'en convaincre en divers lieux aux Etats-U nis. L'idee et Ia pra­tique en sont fort simples comme pour toutes les idees utiles, vous pourriez dans chaque paroisse choisir 5 on 6 personnes qui seraient chargees de veiller chaque annee a la celebration de celte fete, et it en organiser convenablement les cere­monies et la procession-chacun contribuc a apporler de la verdure et des fl~urs, on se rennit a PEglise pour entendre la messe patronale, que 1'0n fait suivl'e d'une procession au dehors, pour Ie soir un repas commun , simple, mais anime par la gaiete franqaise et l'entrain dn patrioti~­me, reunit taus les membres de la societe-cha­que annee de cette faqon, tOllS viennent placer sous la protection de Dieu leur nationalite et l'amour de la patrie, reunissant dan~ leurs prie­res et sous la benediction divine ces deux idees essentielles de ['humanite, religion et patrie.

Vous y tronveriez en meme temps l'occasion

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de quelques reunions utiles pour vos interets communs , des occasions de vous rapprocher et de vous entendre-chaque paroisse pourrait avoir iciou a Sandwich un delegue , et ces de­legues formant :e comit(~ central de la societe de St. J can·Baptiste , pOlll'raicnt VOllS engager a vous reunir en CDS de besoin , et donner dans chaque pal'oisse en bien des circonstances des avis utiles pOUI' une action commune et la bonne entente de vos interets.

Cette societe si elle etait une fois fortement etablie ici, pourrait se ramifier alors de l'autre cote de la riviere, si vous ell'S des patriotes zeles, quelques uns d'entre VOllS pourraient aller dans ces paroissl's fran9aisl's qui doivcnt vous etre doubll'ment cherl's, carnon~eulemenl ce sont des Canadiens Francais, mais ia plupart sortenl des memes families que vous, ces families s'etant doublees de PUll et l'autre cote tlu Detroit; et la en etablissant la meme societe et les memes fetes, rani mer parmi ('ux l'esprit et Ie sentiment national aVEC plu:,: d'energie et plus de ressort.

Quoi de plus facile, pour quelques·uns dc vas jeunes gens, (l'aller quelquefois pa::;ser un jour de fetc dans les paroisses arnericaines; hi ils causeront avec les gens, les rassembleront • reveilleront chez eux la voix du sang et de la patrie; ils pourront les amener a se rhmir

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com me vous, a se grouper commc vons, a Sl'

serrer tous ensembles, de telle sorte que VOU& appllyant desormais les uns sur les autre:>, vous vous sonteniez en tonte eirconstanee pour vous conserver, pour VOllS etendre, et pour vous de­fendre contre tons ceux qui \'O\1S seront ho~tiIes -sur un bord on sur I'autre du Detroit.

De eeUe fac:;on YUU" Jonblerez Yotre force pom vous faire rpspeeter, et vous faire rendrejustice, surtout en VOllS tenant ('troilement unis avec Ie Bas-Canada qui a Ie nombre et la force pour :;;e faire eeouter, et auquel de volre part vous pourrez etre de quelque utilite par vos votes Jans les elec­tions. Lorsque VOLlS allrezconstitue parmi vou~ des soeietes de St. Jean-Baptiste, tachezde vou~ tcnir en correspondance avec quelques-uns des hommes deV()lleS qui ",: preoceupent aetivement an CanaJa de leur nationalite; vous pourrez vous abonner au""i <I quelqll'un des journaux canadiens qui paraissent tOlltes les sf'maines , Ie prix n'en est point eleye il est de deux dollars par an, ct on ferait cireuler Ct'" jonrnallx ('nlre tou:;; les membres de la ;,;ociell' c1an~ les pan,is:3es.

Travaillez ainsi hardiment et resolument all maintien de Yotre nationalite , travaillez-v avec persistance et bon espoil'. ES1-ee done ie mo­ment de se decollrager, IOTsque ('videmrnent vous ~'r()iss('z si rapidement en nomIne, tandis qu.,

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non loin de vous Ie Canada, ce paYi dont sont sor­tis vas peres, grand it aussi, s'accroit et inql1iete par eette croissance meme, les etrangers vani­teux et prosomptuel1x qui cherchent a peser Sllr vous. Le Canada grandit et grandit par lui me­me, sans recevoir Ie secours d'aucune immigra­tion, sa population se double tous les 20 ans , les Franco-Canadiens n'etaient que 650 mille il Y a 10 ans, ils comptent aujourd'huy 900 milles ames.

~on seulement ils croissent en nombre mats aussi en influence et sans doute en habilete, car vos voisins les Anglais de ce pays se plaignent amerement cl'etre gou vernes par eux, et preten­dent qU'aujourd'hui les Fran9ais du Haut-Ca­nada ont pris Ie haut bout d Ll Pouvoir, et les oppriment.-On peut lire ces lamentations tous les jours dans Ie Globe de Toronto et meme dans les dis(!ours du Parlement.-Cependant.ils eliser.t un nombre egal de deputes, et ils se pre­tendent plus riehes plus instruits et plus habi­les; mais pour se dMendre ils reclament Ie privilege d'avoir plus de deputes que les Bas­Canadiens i pou)' ne pas etre victimes il faut qu'iIs soient deux contre un i tant que la partie sera egale homme contre homme, voix contre voix ils SE' reconnaissent d'avance comme bat­tus ;-il1' ne sont point de force a lulter disent­ils, et ils se posent en yictimes!

QU'est done devenue alors cette pretendue superiorile aont ils se targuent, au moment de s'en servir on ne trouve plus rien; l'habilete de la race superieure n'etait-elle qu'une bulle de savon? HElas toutes ces dEclamations n'e­taient Cjue des IIll'ilbugs; Ie lIlasquetombe, ['ltom­me 1'este et le heros s'et'anouit.

Vne fois de plus il se prouve ainsi que toule l'intelligence humaine ne consiste pas a sa voir aligner de,; chiifl'es, conduile une boutique, diriger une manufacture; il ne suffit meme pas d'ayoir su ameliorer les proeedes au moyen desquels on devient riche par qneiques banque­routes habilement eondnitcs. Cette finesse, et tout cel esprit 'de J'Use perfectionnee, n'atteint qn'un assez mediocre degre de l'il1telligenee hutllaine; moins experimentee peut-etre sur de pareils sujets, elle peut neanmoins etre supe­ri:eure par d'autres coles; savoir c1iriger les in­tel'l~~ts eleves de l'humanite, n'a ricn de com­mun en eifet avec Ie maniement des barils de melasse,ou Ie tripotage des faillites. II faut avoir d'autres notions ~ que les Yankee's notions, et avoil' case dans sa tete d'autres l'ellexions et nne instruction plus solide, que la bouillie abondante mais fade que I'on de bite dans les school's bom-ds anglais. C'est en partie en eifet a l'instructiOl1 serieuse, severe, et plus

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elevee que l'ancienne tradition fran<;aise, a conserve au vieux genie; gaulois parmi les Ca­nadiens, c'est a cetle instruction que les hom­mes politiques du Bas-Canada uoivent la supe­riorit~ que lE'Ul" reconnaissent implicitement leurs adversaires, en s'avouant incapables de lulter contre ellX a armes egales.

Telle est done la situation, elle n'est pas faile pour uecourager des gens de cceur, ni pour ebranler votre con fiance , meprisez tous ces ba­yards efIi:onles qui voudraient vous faire adop­ter des mceurs, des usages, des faqons d'etre qui n'ont pour elles qn'un faux bl'illant dont les hommes de bon sens ne sauraient etre eblouis. Vou'S voyez com bien celle habilete aux prises avec la realite des faits, s'est trouvee inferieure vis-a· vis de vas freres les Canadiens. Mais ceux-ci ant mieux fait encore, ils ne se sont pas contente de s'accroltre chezeux, etdeconquerir l'infiuence que leur a merite leurs talents j ils ant attaque Ie corps meme de la place et leur puissant developpement depassant leur fmntiere, s'etend aujourd'huy dans Ie Haut-Canada lui meme.

Pendant que des ambitieux intrigants, t1'a­vaillaient dans Ie vide a demontrer If'S mel'ites sureminents, en vertu desqueis il fallait leur donner un supplement de forces pour pouvoir triompher. Pendant toutes ces vanteries , el ce

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'vain etalage, les Canadiens sans bruit et sans. emphase envahissaient les comtes limitrophes du Haut-Canada, les comtes de Prescott, de Russell, et meme de Carleton se peuplaient peu a peu par les emigrants cntreprenants et rustiques, sorlis de la souche vigoureuse d'ol! ';ous provenez vous-meme, vous n'etes plus senls desormais dans Ie Haut-Canada Ii parler 'ran\ais, cl ;'1 Yoter en fran<;ais ,-il y a plus de Canadi('ns dms ce" eomth de I'E-t qu'il n'y en a iei meme.

Marchez done deyant YUl1": plus que jamais attaches, it vos tl'flllitions , it YOS mcenrs , a YOlre langue et .\ yotre religion, e'e~t h\ roe qui a fait :a force de YOS Crt'res du C:\l1ada. (;'('~t L\ ee qui leur a penni:" d'accomplir la pllissante, et remarqllable evolution qui Ic·< a elne. Suivez la meme roule elle sera ans:,i \"otre appui et votre force, ayez toujours Ies yenx fixes sur Ie pays de vas perc", et sur ee" freres nombrcux du (~·~l.\lada, sur le~quch "ous pouyez vou" appuyer, marchez toujours a \'ee ellX , yotez toujours avec :'nx sans jamai" yOU';; lai"ser illnsionner par aucune declamation, ni aneun subterfuge; 501'­

tis du meme sang, leur force e'e!';t volre force, :eur accroissement yuUS grand it , leurs espe­;'ances sont les ,"vires et e'est 1cm progres seul ,-·ui peut as,.urer I.·(\tre :1.venir.

TYPOGRAPHiE D:EUSEBi SBN.EC.lL, 4, RUE ST. VINCENT.