Tiré-à-part (chiens)

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PALLAS, 76, 2008, pp. 261-293Quelques jalons pour une histoiredu chien en Grce antique1Jean-Marc luce Universit de Toulouse II-Le Mirail Avec la participation dAhmed el KHelouaneintroductionLhistoriographieduchiendanslAntiquitgrecquecommencevritablementavec O.Keller.Cesavantautrichienquicrivaitautoutdbutduxxes.aconsacrplusieurs tudesauxanimauxetsestparticulirementpenchsurlhistoireduchien2.Onluidoit notamment davoir dgag les principaux groupes dans lesquels on peut tenter de reconnatre des races, dans un article qui reste aujourdhui fondamental (Keller 1905). Il utilisait toute la documentation disponible son poque, cest--dire principalement les textes, mais aussi les reprsentations sur vase et dans la sculpture et faisait un usage particulirement subtil des images fgurant sur les monnaies.Les travaux qui ont suivi ces recherches ont fait galement progresser la connaissance sur la place quoccupait cet animal dans lAntiquit, non point tant dans la vie quotidienne que dans la culture, cest--dire, dans la littrature, dans limagerie et dans les pratiques religieuses etmagiques.En1930paraissaientdeuxouvragesimportants.CeluiqueGiselaRichter consacra aux animaux dans la sculpture (Richter 1930) rassemblait, entre autres choses, un certain nombre duvres, principalement en ronde-bosse, reprsentant des chiens. Il ny a l que quelques pages dans un ouvrage gnral, mais elles ouvraient la voie tout un pan de la recherche qui sera par la suite largement explor. De son ct, G. Herrlinger tudia, non pointlaplaceduchiendanslalittrature,maisledveloppementdetouteunelittrature spcifque ayant pour sujet la mort des chiens. Il a rassembl un corpus de textes de nature funraire dont une bonne partie fgurait ou devait fgurer sur des stles de chiens. On peut suivre dans ce petit livre lvolution de limage de cet animal, entre la fn du ive s. et lpoque byzantine, et aussi la faon dont ils sintgraient dans les courants littraires de leur temps.1Cet article doit beaucoup Christophe Chandezon dont la science animalire na pas son pareil pour lAntiquit grecque. Ses indications bibliographiques, ses suggestions et toute son amiti mont t ici dun immense secours. Quil trouve ici mes remerciements les plus vifs et les plus chaleureux.2Outre Keller 1905, on consultera aussi Die Antike Tierwelt (1909).Pallas76-v6-CA.indd 233 8/04/08 14:58:19Jean-Marc luce 262Sept annes plus tard, paraissait louvrage de H. Scholz (Scholz 1937) qui explorait une autrefacedelafgureduchien,restejusque-linsouponne :celledelirrationnel.Ila sumontrerlaplacequoccupaitcetanimaldanslesdiversaspectsdecequaujourdhuion pourraitappelerlapensemagique,maisquiluiparaissaientappartenirunsystmede pense primitif. Ce travail faisait dcouvrir au public les interdits religieux dont le chien tait lobjet,lessacrifces,lesdiffrentespratiquesmagiques,notammentdansledomainedela mdecine, ainsi que les diverses fgures mythiques du chien et la relation quelles entretenaient avec la mort.Unegrandepartiedestravauxquisontparusdepuis,notammentplusieurstudes rcentes, sinscrit dans ces trois directions quavait prises la recherche dans les annes trente. Aprs les travaux de Herrlinger, plusieurs auteurs ont explor la place quoccupait le chien dans la littrature. Dans cette srie, le dernier en date est le livre de Dumont paru en 2001 (Dumont2001),quinetientpascomptedestravauxcitsci-dessus,maisquiparcourt commodmentdasseznombreuxtextes,dunboutlautredelachronologie3.Encequi concerneliconographie,lacramiqueatpeutudie.Enrevanche,lesreprsentations sur les stles funraires ont fait lobjet de plusieurs recherches, la plus complte tant la thse parue en 1997 de M. Zlotogorska. Elle y prsente un catalogue trs abondant, couvrant toute la chronologie, jusqu lpoque impriale comprise. Les enjeux sociologiques sur lesquels cet auteur insistait dj ont ensuite t prciss dans un article rcent de C. Schneider, Herr und Hund auf Archaischen Grabstelen, JDAI 115 (2000), p. 1-36.La question des mentalits que Scholz avait t le premier poser a t reprise de faon pluscomplteparC.Mainoldi(Mainoldi1984)qui,sontour,ainsistsurlarelation quentretenait le chien avec la mort, en utilisant une matire plus vaste, et notamment larticle trs utile de D. Gourevitch paru en 1968 (Gourevitch 1968) sur la place du chien dans la mdecine antique.Tandisquelesaspectslittraires,iconographiquesetceuxrelevantdesmentalitsont abondamment t explors, les aspects proprement archologiques ne sont entrs sur la scne que plus tardivement. On a tout dabord commenc dcouvrir des chiens dans des tombes humaines,puisdevritablestombesdechiens. Toutescesdcouvertes,quidatentpourla plupartdelaprs-guerre,etprincipalementdestrentederniresannes,sontdenature renouvelerlaquestion.UnepremiresynthseatraliseparL.P.Daydansunarticle paru en 1984 (Day 1984), partir dune dcouverte faite en Crte. Ce travail constitue une rfrence oblige. Pour la premire fois, un auteur prenait la peine de rassembler les donnes disponiblesparlarchologieettaitenmesuredemettreenvidenceunchangement considrable dans lattitude que les Grecs avaient vis--vis de leurs chiens. Tandis que durant la prhistoire jusqu lge du fer inclus, on les sacrifait et les mangeait, lpoque historique, les Grecs montraient une attitude plus sentimentale. Prs de 25 ans aprs larticle de L. Day, le principe gnral de cette volution reste en partie valable.Larticle de Day marquait galement les dbuts des tudes archozoologiques en Grce. Peudtudeslavaientprcdes,ellessontmaintenantencoretroprares,maissesont multiplies.Ellesapportentunelumireneuvesurdeuxproblmesproposdesquelson 3Voir aussi Merlen, 1971 et S. Lilja, Dogs in Ancient Greek Poetry (1976).Pallas76-v6-CA.indd 234 8/04/08 14:58:20quelques Jalons pouR une HistoiRe du cHien en GRce antique 263manquait jusque-l de donnes fables : la consommation de viande canine et les pratiques sacrifcielles, non seulement dans les tombes, mais aussi dans les sanctuaires.Enfn, il convient galement dexploiter les sources pigraphiques qui nous renseignent sur le rle des chiens dans la guerre.On voit donc que le chien dans lAntiquit grecque est un champ dtude trs vaste et trs riche. Sans prtendre rassembler ici toute la matire, ce qui ncessiterait une tude de plus grande ampleur, je propose de mettre en vidence les grandes lignes de lhistoire du chien dans lAntiquit grecque, en synthtisant les diffrentes branches dans lesquelles la recherche sest engage jusqu prsent. Nous aurons ainsi loccasion de dgager les deux grandes tendances quitraversenttoutelhistoiredecetanimal :laperceptionduchiencommetrefamilier, membredeloikos,illustrantlanormalitdanssaversionquelquefoisaristocratique,etla violence dont il tait la victime, dans les sacrifces notamment, ou simplement pour en faire une viande de boucherie.1. Nolithique, ge du bronze et ge du fer1.1. Races4 de chiens La domestication du chien et sa dissociation progressive du loup5 sont luvre des chasseurs cueilleurs de la fn du Palolithique. Il est dj prsent dans les cultures magdalnienne en Europe et natoufenne au Proche-Orient, soit bien avant le dveloppement de llevage. On signale un maxillaire mis au jour dans une grotte irakienne occupe par lhomme il y a 14000 ans ;dautresattestationssontconnuesdansleSud-OuestdelaFrance,danslesAlpes,en AllemagneetenEspagne6.EnGrce,lesitedeLerneenArgolide7alivrdesossements dats du Nolithique moyen, mais il ne serait pas surprenant quon en dcouvre un jour des traces plus anciennes. La dernire publication de restes archozoologiques en Grce, celle de K. Triandalidou sur le matriel recueilli Oropos en Botie, rassemble quelques donnes sur la taille des animaux dcouverts en Grce, pour le Nolithique, lge du Bronze et lge du fer ancien. Il sagit danimaux moyens. Elle estime que plusieurs des individus dcouverts avaient une taille comparable au chien australien, le dingo. Nichoria, les restes recueillis pour lge du Bronze et du Fer permettent de restituer un animal un peu plus grand, mesurant environ 4Je continuerai pour ma part utiliser le mot race dans un sens large. Contre lutilisation de ce terme, voir V.ForrestetI.Relarbi,Gallia59(2002),p.276-277quiprfrentlerserverauxanimaux modernes et proposent celui de morphotypes pour les animaux anciens. Toutefois, cette nuance ne peut sappliquer aux chiens, cf. Vigne 2004, p. 69-70. Pour les races de l'poque historique, voir ci-dessous p. 2675Notons que le loup dEurope est un animal solitaire et non un animal sociable vivant en meute, comme lest son congnre dAmrique, cf. Fogle 2007, p. 16.6Bruce Fogle 2007, p. 20. Pour lhistoire de la domestication, voir Vigne 2004 donne une prsentation grandpubliquedesderniresavances.Lechienesttraitp.29-35.VoiraussiClutton-Brock, Domesticated animals (1984), p. 34-45 qui est paru avant les progrs de la gntique et les dbats quelle suscite.7N.G. Gejvall, Lerna. A Preclassical Site in the Argolid. The Fauna (1969), p. 69.Pallas76-v6-CA.indd 235 8/04/08 14:58:20Jean-Marc luce 26455 cm au garrot8. Dans son article sur les spultures de Mikri Doxipara (Zoni) (Triantalidou 2005), le mme auteur donne les indications suivantes : dans la tombe de Volos (Pevkakia), de lpoque mycnienne, le chien mesure 56,1 cm, dans la tombe 79 de Knossos, le chien mesurait56,8cm,danslatombehellnistiquedelairedupressoir,toujoursKnossos, 56,3cm.UnchientrouvArgos,delapriodegomtrique,quiestencoreindit,tait plusgrand,atteignant68,6cm,etceluideKoklataitparticulirementgrand,atteignant lhelladiqueancienIII,entre73et78cm.Latailleassezmodesteoumoyenne,dutype decelledulvrier,delaplupartdeschiensdumondegrecantique,trouveunecertaine confrmation dans liconographie. Les peintures sur vase et les reliefs du haut archasme o apparaissent des chiens montrent tous des btes de taille moyenne. Des grands chiens de la taille de nos bergers ont nanmoins exist prcocement.1.2. Sacrifce et viande canineIl est probable que lon a ds le dbut, en Grce comme ailleurs, eu de laffection pour leschiensquifontpartiedelafamille.Maislefaitestquelecomportementdeshommes vis--vis de ces btes ntait pas domin par la sensiblerie. cette poque, le chien nest pas encorelesimplecompagnondelhomme,ilresteuneproiecomestible.Ainsi,Lerne lpoque nolithique, de nombreux os de chiens recueillis portent des marques de dcoupe. On mangeait donc du chien. Toutefois, on ne recourait pas cette viande trs souvent, les 625osrecueillisnereprsentantque2,5%dutotal9.Sisaconsommationnefutquune utilisation secondaire, elle parat avoir t trop rgulire pour avoir t limite aux priodes de pnurie grave (famine, guerre etc.). lge du Bronze, les fouilles de Nichoria montrent quecetanimalfaisaittoujourspartiedelalimentationhumaine10.CestdurantleBronze Moyen I que la consommation de viande canine est la mieux atteste par des ossements brls portant des traces de dcoupe. Cest aussi dans les niveaux de cette priode que la frquence de cet animal est la plus grande, atteignant 8,6 % du total. Ce serait une pression accrue sur le gibier, et donc une pratique de la chasse plus active, qui expliqueraient, selon les auteurs de la publication, la baisse sensible que lon enregistre dans les niveaux de lge du fer. On peut aussi songer une volution gnrale des mentalits. Kastanas en Macdoine, 21 des 500 os de chiens mis au jour dans les couches de lge du Bronze portaient des marques de dcoupe, mais aussi des traces de feu indiquant que lon tirait des grillades de ces animaux.La consommation de viande canine semble tre devenue plus rare au cours de lge du Fer. Pourtant, elle tait loin davoir disparu des repas ; elle na fait que retrouver les chiffres du Nolithique. Les fouilles de Delphes que jai menes dans la rgion du char des Rhodiens ont livr un os de chien avec des traces de dcoupe dans une couche du ixe s. (identif par Fr.Poplin).Latrouvaillequiprovientduncontextedomestiqueetnondusanctuairene peutrsulterqueduneconsommationprive.EnCrteorientale,lessitesdeVrondaet KastroKavousi(pourlatombecontenantdeschiens,voirci-dessus)ontlivr,dansles couches de lHRIIIC comme dans celles de lpoque gomtrique, des os de chiens portant 8R.E. Sloan et M.A. Duncan, dans Nichoria I, p. 69.9N.G. Gejvall, Lerna : the Fauna (1969), p. 117-118.10R.E. Sloan et M. A. Duncan, dans Nichoria I, p. 69.Pallas76-v6-CA.indd 236 8/04/08 14:58:20quelques Jalons pouR une HistoiRe du cHien en GRce antique 265lesmmestypesdemarques11.SileCanisfamiliarisnereprsenteque1,3%dutotaldes ossementsrecueillisKastro,ilssontsurreprsentsparmiceuxquiprsententdestraces deboucherie.DaprsSnyderetKlippel,cesmarquesmontrentquecesanimauxontt corchs, dsarticuls et dcharns. On brisait les mandibules pour retirer la langue. Les os longs taient briss, sans doute pour adapter leur taille celle dune marmite. Labsence de traces de brlure suggre que la viande ntait pas grille, mais bouillie. On mangeait donc du chien et on le cuisinait Kavousi, mais on nen consommait pas rgulirement. lpoque classique et mme sous lempire romain, la consommation de viande canine sest maintenue, comme lont prouv les fouilles de Kassop et de Corinthe (voir ci-dessous).Si la consommation de viande canine semble perdre du terrain lge du fer o lon ne retrouve pas le pic du Bronze Moyen Nichoria, il nen est pas de mme pour les sacrifces dontnousavonsmaintexemple.Ontuaitcesanimauxloccasiondefunrailleseton dposaitleurscorpsdanslatombe,parfoisdansunefossespare.Onentrouveunrefet illustrechezHomre.LesfunraillesdePatroclesaccompagnent,danslelivreXXIIIde lIliade, dune srie de sacrifces dont Achille dpose les dpouilles corches sur le bcher. Il sagit dabord de moutons et de bufs qui fournissent la graisse dont le hros enduit le corps de Patrocle. Homre mentionne ensuite le dpt des jarres de miel et dhuile, puis le fls de Ple procde des sacrifces dun autre type : les quatre cavales altires de Patrocle, deux de ses neuf chiens, enfn le sacrifce humain, les douze Troyens de noble extraction. Pourquoi cette construction du texte ? Pourquoi avoir regroup les chevaux, les chiens et les hommes ? Contrairementauxautresbtes,ilsnontpastpasprparspourlebcher,maisjets violemment.IlsagitdanimauxquelonnesacrifepasdordinaireauxOlympiens. Tous appartenaient personnellement Patrocle. Les chiens dont il sagit taient des chiens de table, dont on se servait lors des banquets pour liminer les restes ou pour sessuyer. Mais il est un autre point. Chez les Grecs, les chevaux et les chiens sont, dune certaine faon, les doubles des hommes12. En effet, Xanthos, le cheval dAchille, peut parler et annoncer son matre sa mort prochaine sil reprend le combat.Le texte est le refet de pratiques relles (on ne sait en revanche si leur combinaison exacte ajamaisexisttellequelle).KavousienCrteorientale,lesfouillesamricainesontmis aujourunetombetholos delpoque protogomtriquedepetitetaille(1,30 x 1,60 m) etdeplancirculaire13.Letypeestassezbienconnu,bienquedanscettepartiedelle,les tombes de plan carr soient plus frquentes. Sous le sol de la tombe, on a dcouvert une fosse 11W.E. Klippel et L.M. Snyder, Dark-Age Fauna from Kavousi, Crete, Hesperia 60 (1991), p. 179-186. Lesmmesauteursontfaitunepublicationplusdtailles :FromLernatoKastro :Further ThoughtsonDogsasfood,inAncientGreece :perceptions,PrejudicesandeReinvestigations dansE.Kotjabopoulouetalii(d.),ZooarchaeologyinGreece.RecentAdvances.BritishSchoolat Athens, Studies 9 (2003), p. 221-231. Pour la Crte, des os de chiens ont galement t dcouverts Khamalevri (HRIIIC) et Kommos (SM-PG), cf. O. Dickinson, The Aegean from Bronze Age toIronAge.ContinuityandChangebetweenthetwelfthandeighthCenturiesBC(2006),p.81, tableau 4.1 daprs Wallace, Case studies of settlement change in Early Iron Age Crete, Aegean Archaeology 4 (2000), p. 61-99 (non vidi).12Je dois la formule Fr. Poplin.13L.P. day, Dog Burials in Greek World , AJA 88 (1984), p. 21-32.Pallas76-v6-CA.indd 237 8/04/08 14:58:20Jean-Marc luce 266de 0,80 m de profondeur, qui a t creuse avant la construction de la partie en lvation. Sous un remplissage de pierres et de terre, on a exhum de nombreux squelettes de chiens enpositionhorizontaleouverticale.Lafossecontenaitgalementquelquesosderenard, de martes et dnes mlangs. Linventeur insiste sur le fait que les chiens ont t prcipits entiers, puisquon a retrouv leurs os en connexion, sans trace de dcoupe ni de boucherie. La superposition des plans de la fosse et de la tombe montre que lon a affaire un ensemble unique et cohrent.Dans sa publication de la tombe de Kavousi, L. Day a joint un catalogue de 28 occurrences detombesodeschiensaccompagnentdesmorts.Onytrouve4tombeschypriotes (Chypriote Ancien et surtout Moyen), 4 tombes en Crte (du MRIII [?] au Submycnien), 10occurrencessurlecontinentgrec(7casdatantdelHelladiquercentIII,deuxcasde lpoquegomtriqueetunexempleduvies.).Ellementionneencore4casdouteuxet quelques exemples o le chien est associ dautres animaux, notamment des quids (ne ouchevaux).cesexemplessajoutentencorelesnouvellesdcouvertesrassembles,pour lge du Bronze, dans lappendice cet article quAhmed Elkhelouane a ralis : la tombe de Koukounara (catalogue 2) o le chien a t trouv lintrieur de la tombe, en compagnie de son matre, dans une attitude qui voque ici davantage la tendresse ; la tombe 1 de La Cane en Crte (catalogue 8) o un chien occupait lentre, la tombe 2 du mme site o les ossements de chiens, moutons et chvres ctoyaient les restes humains. Il y a deux cas hypothtiques : ltrange dcouverte de Mida o, dans des niveaux de HR IIIB et du HR IIIC (catalogue 10), on a dcouvert un pithos contenant, entre autres choses, des fruits carboniss, le crne dun animal qui est peut-tre un chien, un os de mchoire humaine. Enfn le cimetire de Kallitha en Achae o lon a peut-tre trouv les restes dun sacrifce de chien (catalogue 3).Knossos,lapublicationdesfouillesducimetireNordpermetdavoirdemeilleures informations sur la tombe 79 qui correspond au n 25 dans le catalogue de L. Day14. Ce cas rappelle dassez prs celui de Kavousi, une poque plus rcente. Il sagit dune tombe fosse, aux contours arrondis sauf sur le ct N-NO qui est rectiligne. Dans la partie suprieure, on a mis au jour deux pithoi qui ont servi durnes cinraires. La premire est date de la transition GR-Orientalisant, soit vers 700, la seconde semble du dbut de lpoque orientalisante, soit du dbut du viie s. Les pithoi taient accompagns dun mobilier peu abondant (nocho, cruche,amphore).Souslesdptsdesspulturesetdeleurmobilier,setrouvaientles squelettes des animaux sacrifs, soit deux chevaux de petite taille et deux chiens. Nous avons ici lassociation des chevaux qui tiraient un bige avec un chien, une combinaison qui rappelle lpope.Pour lge du fer, notons la dcouverte rcente Drama (cf. catalogue 10) dun enchytrisme denfant accompagn dun squelette de chien.Les sacrifces danimaux destins accompagner le mort se rencontrent en dehors de la Grce, en Asie Mineure. L. Day (cat. 29) cite un exemple Sardes dat entre la fn du viie s. et le dbut du ve, peut-tre vers 575-525 av. J.-C. Ajoutons la dcouverte rcente de Seyotmer Huyuk (catalogue 15).14J.N. Coldstream et H.W. Catling d., Knossos North Cemetery. Early Greek Tombs, British School at Athens. Suppl. 28, tombe 79, description dans le volume I, p. 125-126.Pallas76-v6-CA.indd 238 8/04/08 14:58:20quelques Jalons pouR une HistoiRe du cHien en GRce antique 267Commelemontrentcesdiversesdcouvertes,lessacrifcesdechiendanslestombes sontunepratiquedelgeduBronzequiconnatquelquesprolongementslgedufer. lpoquearchaque,onnentrouveplusdetrace,lexceptionnotabledela Thraceo, au iiie-ier s. av. J.-C., ces funrailles dans la grande tradition hroque avaient toujours cours (Triantalidou 2005).2. De lpoque archaque lpoque romaine 2.1. Races de chienspartirduvies.,nousdisposonsdunedocumentationlittraireeticonographique plusimportante ;enrevanche,lesdonnesarchologiques,notammentlestrouvailles archozoologiques,serarfent.Lesdocumentsiconographiquessontdegrandevaleur.Ils ont t raliss une poque o les stylisations laissent peu peu la place un rendu plus naturaliste des anatomies, permettant les observations. Les caractres rcurrents de certains traitsmorphologiquesobservablessurcesreprsentations,dansdesstylesetdessicles diffrents, nous assurent dune certaine fdlit. En revanche, on ne peut savoir si les images sont reprsentatives des races qui existaient alors ou si lon ne trouve que celles qui, aux yeux des Grecs, mritaient quon les reprsente.On peut constater ds lpoque archaque une certaine diversit de races. En 1905 O. Keller en avait distingu quatre15 pour lesquelles il avait propos de vritables identifcations16. Pour ma part, je serais plus prudent. Lexercice est prilleux. En effet, la plupart des races actuelles nont mme pas deux cents ans. De plus, une ressemblance entre race moderne et une race ancienne peut savrer illusoire. Celles de lAntiquit ne se sont sans doute pas toutes maintenues jusqu aujourdhui et celles qui lont fait risquent fort de stre largement mtisses. Les progrs de la gntique historique apporteront bientt leurs lumires sur ces questions. Enfn, les distinctions que les auteurs ont faites, notamment Xnophon Cyn. (3, 1 3,3 et 4,1 4,8) et Pollux V57-59, nesontpasfondessurlesconceptsactuelsderace(lequelconnatdailleursunevolution, certainsspcialistesactuelsprfrantletermedemorphotype,voirnote4).Pluttquedes identifcations, je proposerai donc ici de simples rapprochements.Sur la clbre base de kouros du Cramique, vers 510 (Muse national dAthnes 3476)17, des citoyens athniens organisent un combat entre un chien et un chat. Avec son poil court, sa gueule triangulaire, sa queue assez longue et recourbe et ses petites oreilles triangulaires dresses, il ressemble notre lvrier qui nest pourtant quune reconstruction tardive, obtenue par croisements et slection18. Cest le type de chien que lon rencontre le plus frquemment sur ces reliefs, pendant toute lpoque classique et hellnistique. Nous ne citerons que quelques 15Keller 1905.16Par rapport larticle de Keller, louvrage de R.H.A. Merlen, De canibus (1971), p. 25-45 napporte riendeplusquequelqueshypothsestrsincertaines.Notonsquepourcechercheur,leschiens indiens dont il est question chez certains auteurs seraient des mastiffs. On trouvera en revanche des indications intressantes sur les techniques de chasse et les maladies des chiens.17Kaltsas 2001, 95 g.18Vigne 2004, p. 70.Pallas76-v6-CA.indd 239 8/04/08 14:58:20Jean-Marc luce 268exemples. Sur la fameuse stle de lIlissos (milieu du ive s.)19, la longue truffe et les oreilles assezcourtes,triangulaires,manifestementrigidesetpartantverslehautouverslarrire, permettentdescomparaisonsplusprcisesavecleslvriers.Ceschiensaccompagnentles chasseurs,maisnattrapentpaslesgrandesproiesseuls.Ilspeuventparticiperlattaque, courser les petits animaux, et les grands quand ils sont en meute20, mais peuvent aussi tre dresss rcuprer celles qui ont t abattues par les chasseurs utilisant des frondes ou des arcs. Sur une stle du Pire21, aujourdhui conserve au Muse national dAthnes (n 3460) etdatantgalementdumilieuduives.,onvoitdeschiensdummetype,maislimage reproduit plus nettement quailleurs leur corps svelte la queue recourbe. Ils sont engags dans une course rapide. Ces chiens apparaissent dj lpoque mycnienne sur une fresque du palais de Nestor derrire des porteurs de trpieds22. On les retrouve encore sur la fresque de la tombe dite de Philippe II de Macdoine Verghina, sur la mosaque de Gnosis Pella reprsentant la chasse au cerf (vers 300 av. J.-C.), et sur bien dautres documents.Ces animaux sont assez similaires ceux quon peut voir sur les monnaies de Kydonia en Crte. Comme il est parfois question, dans les textes, de chiens crtois trs rapides, Keller a pens pouvoir identifer ces derniers avec ce genre de lvrier. Mais en fait, il semble que cette race ait t la plus frquente, la plus rpandue dans le monde grec. Rien ne prouve quelle se soit diffuse spcifquement depuis la Crte. En revanche, il parat vraisemblable que les Grecs songeaient un animal proche du lvrier quand ils faisaient allusion au chien de Crte. Mais il faut prendre garde ne pas confondre une provenance atteste par des textes et des mythes avec une race de chien.Les chiens de Laconie ne semblent pas avoir t trs diffrents. On possde sur eux toute une srie de textes. Lun des plus anciens qui provient encore une fois dAthne 28a nest autre quune citation de Pindare. Le pote botien vante les chiens laconiens pour leur aptitude attraper leurs proies la chasse. Keller qui a rassembl les rfrences littraires sur ce chien montre quil est rest populaire jusquau dbut du ve s. de notre re au moins. Ces animaux ont joui dune extraordinaire rputation de chasseur. Pour Aristote (Hist. des Animaux 607a) et quelques auteurs tardifs, principalement des lexicographes et des scholiastes, ils taient ns du croisement du renard et du chien23, une ide que Xnophon, Cyngtique 3, 1 applique des chiens quil appelle Kastoriens ( cause du hros Kastor) et qui sont sans doute les mmes ou une variante proche. Ces comparaisons semblent indiquer une taille petite moyenne et surtout, pour Keller, une robe roux-jaune. Chez Horace, Epode VI, 5, lpithte fulvus doit en effet dsigner une couleur. Le mrite de Keller est davoir reconnu la diversit qui rgnait lintrieur du groupe des chiens laconiens, qui se refte dans la diversit du vocabulaire, puisque les auteurs distinguaient les chiens dAmycle, de Kynosurie, les chiens kastoriens et 19Kaltsas 2001, n 382.20Surlestechniquesdechasse,voirMerlen1971,p.31-34quiindiquequelespertesparmiles chiens pouvaient tre importantes lors des chasses au sanglier. Il souligne galement que les meutes peuvent se retourner contre leur matre, ce qui donne un caractre assez concret au mythe dActon dvor par ses propres chiens.21Kaltsas 2001, n 378.22Blegen, The Palace of Nestor II, p. 68-70, pl. 122.23Keller 1905, p. 252.Pallas76-v6-CA.indd 240 8/04/08 14:58:21quelques Jalons pouR une HistoiRe du cHien en GRce antique 269mme mnlaiens (de Mnlas, qui seraient les mmes que les chiens de Psyllia). Xnophon Cyn. 3, 1 faisait la diffrence entre les chiens du Renard (alopkides) et les chiens du Castor (Kastorides), sans doute cause de leurs couleurs.Kelleravaittoutelepeinedumondemettreunemorphologiesouscenomdechien de Laconie dont Xnophon Cyn., IV, 1-8 dresse le portrait idal. Il considrait que le terme recouvrait en fait au moins deux races. On pourrait galement se demander si ces chiens se distinguaient de leurs congnres de Crte par la race et non pas seulement par la provenance. Onlouaitentoutcaseneuxlesmmesqualits :rapidit,aptitudelachasse.Nous sommes maintenant mieux arms que Keller ne ltait, car nous disposons dun document iconographiquedepremiremain.Ilsagitdunestledelafnduves.laquelleBrigite Feyer-Schauenburg a consacr une tude dans Antike Kunst 13 (1970), p. 95-100, KTON AAKONOE-KTON AAKAINA24 . La stle, conserve Basel (inv. K 206), est en marbre et de forme rectangulaire. Le tiers suprieur est encadr en haut et en bas par une moulure, dont le centre est occup par un chien larrt. Elle se date assez bien des annes 440-420. La tte pointue, les oreilles courtes et dresses, le corps souple et allong, la queue qui, en raison de lattitude de lanimal et non de son anatomie, se redresse et senroule, nous ramnent limage de ces sortes de lvriers que nous voyons sur tant de monuments. La stle porte une inscription qui nomme les dfunts : AHOAAOAOPOE /AAKONOE /AAKON AAKONOE soit Apollodore fls de Lakon, Lakon fls de Lakon. Le pre Lakon a donc enterr ses deux fls, ApollodoreetLakon,cedernierportantlemmenomquelui.CommelexpliqueBrigite Feyer-Schauenburg,linscriptionetlimagesereftentlunedanslautre.Lakonsignifant Laconien,limageduclbrechienlaconiendevientlemblmedesflsdeLakon.Nous connaissonsdoncgrcecedocumentlafaondontlesGrecssereprsentaientleschiens laconiens,clbresparleurvitesse,etquonvoitsisouventpoursuivreleslivres,dansla cramique archaque, mais aussi, lpoque classique, sur les miroirs de bronze. Il apparat quilsnesedistinguentpasdeceuxquenousavonsdcritsci-dessus.Aussi,nefaut-ilpas voir en eux une race, mais plutt une provenance et une rputation. Ils constituent le type mme de ce que Zlotogorska appelle Prestigeobjekt 25. Cest la raison pour laquelle ils sont si prsents dans limagerie ds lpoque mycnienne. Il se peut que dautres races de chiens moins prises naient pas t juges dignes de fgurer dans les reprsentations.Tandis que ces formes de lvriers taient probablement trs rpandues en Grce, les chiens degrandetaillesemblentavoireuunehistoirediffrente,pluslocaliselorigine,etsans doutedediffusionplusrcente.Onenconnataumoinsdeuxgroupes :lesdoguesetles mastiffs.DanssonHistoiredesAnimaux,lespassagesquAristoteconsacreauchienconcernent principalementcesdeuxgroupes :leschiensdeLaconieetceuxdeMolossie.Maissagit-il de races au sens actuel du terme ? La description que le philosophe fait du Molosse indique une certaine varit lintrieur mme de ce groupe (HN, IX, 608a25) : Parmi les chiens de Molossie,lavaritquisertpourlachasseneprsenteaucunediffrenceaveclesautreschiens, 24VoiraussipourcettestleZlotogorska1997,p.56-61quivoitdanslanimalreprsentun Kastorhund. Elle refuse lidentifcation avec le lvrier, pour des raisons fort peu contraignantes. Elle le rapproche du Cirneco de lEtna.25Zlotogorska 1997, p. 17.Pallas76-v6-CA.indd 241 8/04/08 14:58:21Jean-Marc luce 270mais celle qui suit les moutons se distingue par sa taille et son courage attaquer les btes froces. Le croisement de ces deux races donne des chiens remarquables par leur courage et leur ardeur la tche, ceux qui viennent des chiens ns en Molossie et des chiennes de Laconie. Aristote distingue ici les chiens par leur provenance et leur fonction plus que par leur morphologie et mentionne les croisements dindividus venant des deux rgions. Il reste quen Laconie et en Molossie, on slectionnait soigneusement les individus, et quon nhsitait pas les croiser.Aristotevoquedeschiensdegrandetailleapprcispourlachasseetdautresservant dechiensdegarde.NousnavonspourcesMolosses26etchienslaconiensquederares tmoignages littraires pour les poques archaque et classique. Keller a russi retrouver sur les monnaies pirotes des chiens qui pourraient correspondre aux distinctions du Stagirite27. Les chiens de Molossie, plus encore que les chiens de Laconie, jouaient un rle dans lidentit decepeupledEpirequonappelaitlesMolosses.Iltaitdonctoutfaitjudicieuxden chercherdansleursmonnaiesdesreprsentations.Orlobservationdecesdocumentsmet en vidence lincohrence du groupe des molosses sur le plan zoologique. Keller a distingu, daprs ces missions, deux races diffrentes : une sorte de bouledogue et un chien qui nest pas trs loign des lvriers, mais qui sen distingue par ses proportions plus massives. Cest le second quil identifait avec le chien de chasse dcrit par Aristote. Dautres chiens apparaissent notamment sur les monnaies dArgos Amphilochikon partir du dbut du ive s. av. J.-C. Ce sont des dogues qui semblent avoir t plus adapts la garde du troupeau28 ou de la cour de la maison qu la chasse. Ils pourraient correspondre au premier type distingu par Aristote. Ce chien apparat aussi dans une statue trs naturaliste reprsentant le sige de la reine Olympia sous lequel lanimal est couch29. Il sagit dun chien qui est ici assez petit, mais sans doute nest-il pas adulte, avec les oreilles tombantes et la gueule au nez cras typique de cette race.DaprsKeller,loriginedecesmolossesdupremiertypeseraittrouverenAssyrie. Eneffet,desdoguestenusenlaisseapparaissentsurdesreliefsdupalaisdAssourbanipal aujourdhui conservs Londres au British Museum30. Reste savoir quand il a t introduit. Au vie s., comme on le verra ci-dessous, Polycrate ft venir ses molosses dEpire et non dOrient. Ces chiens auraient donc t imports en Epire date ancienne, do ils se seraient diffuss partir de lpoque archaque. La reconstitution est possible, mais incertaine.26Rappelons que le terme dsigne en franais un gros chien de berger, proche des dogues, et non une race particulire.27Pour les reprsentations de chiens sur les monnaies, voir aussi I. Blummer et O. Keller, Tier- und PlanzenbilderaufMnzenundGemmendesklassischenAltertums(1889),pl.I,n31-46,pourle Molosse, voir le n 31 (Epire) et le n 37 (Panamos en Sicile).28Remarquons que lon distingue normalement les chiens de garde qui dfendent les troupeaux des chiens de conduite qui, comme le nom lindique, mnent le troupeau. Ce ne sont pas les mmes btes. Les chiens de conduite sont plus petits. Voir sur ce point Chr. Chandezon, Llevage en Grce (fn Ve-fn Ier s. a. C.). Lapport des sources pigraphiques (2003), p. 53, note 49, avec les rfrences anthropologiques. Le mme Chr. Chandezon me suggre que le thme de la fdlit du chien jouait unrleimportantdansliconographiefunraire.Cesteneffetcequemontrelanecdoteconte par Elien, Caractre des animaux VII, 10, dun chien fdle mme aprs la mort de son matre. Ces images ont naturellement toute une paisseur polysmique et changeante.29Keller 1905, p. 262, fg. 64.30Briant 1996, p. 310, fg. 34, Merlen 1971, pl. 3-4.Pallas76-v6-CA.indd 242 8/04/08 14:58:21quelques Jalons pouR une HistoiRe du cHien en GRce antique 271Keller appelle pseudo-molosses un type de chien qui nous est connu par le rendu trs naturaliste dune sculpture de lpoque hellnistique dont on possde une srie de rpliques conservesRome,FlorenceetLondresauBritishMuseum(GR2001.10-10.1).On lappelle traditionnellement le chien Jenning, daprs le propritaire de lune dentre elles au xviiie s.31 La statue de Londres mesure 1,05 m, une taille qui pourrait convenir ce type de bte. Celle-ci rappelle nos mastiffs dont la taille au garrot peut dpasser les 70, voire 80 cm. KellerlerapprochaitduSaintBernarddenotretempsquipseadulteentre50et91kg. Toutefois,ilnenapasleslonguesoreillespendantes.Kellerrefusaittouteassimilationau molosseetletermedepseudo-molossenatchoisiquepourdnoncercetteattribution. Ce nest en effet ni un dogue ni un lvrier, mais comme le groupe des molosses na pas de cohrence sur le plan zoologique, on ne peut exclure quil ait eu un troisime sous-groupe.Entoutcas,cesbouledoguesetmastiffspouvaienttredegrandschienspuissants,trs grands dans le cas du chien Jenning. Les grands chiens peuvent servir la guerre, la chasse, pour garder les troupeaux. Moins rapides que les lvriers, ils peuvent nanmoins se rvler effcaces contre le grand gibier. J. Dumont, croisant les tmoignages de Grattius et de Claudien pour lpoque romaine, mentionne un chien capable de briser la nuque dun taureau, quil identife comme tant probablement un bouledogue32. Lidentifcation tait un peu aventureuse, mais il ny a pas de doute que nous avons ici un texte qui voque un grand chien.Les animaux que nous avons prsents sont connus depuis longtemps, tel nest pas le cas dun chien qui fgure sur une mosaque rcemment dcouverte Alexandrie lors des travaux deconstructiondelanouvellebibliothque(iers.av.J.-C.).Ilsagitdunanimaldetaille moyenne, aux oreilles dresses, hautes et creuses, au pelage blanc sur la poitrine, mais plus jauneavecdestchesnoiressurledos.Ilporteuncollierrouge33.Sesoreillespointueset dresses, et le flet de poils blancs qui traverse son museau en font un anctre des podengos que lon peut voir encore aujourdhui en Egypte34. Il tmoigne de la circulation des races cette poque.Dans lhistoire des chiens en Grce, lapparition, sans doute vers la fn de lpoque archaque, des petits animaux est un point essentiel pour comprendre lvolution du comportement lgard de lespce canine. Une statue en ronde-bosse provenant dun monument funraire du Pire reprsente un chien qui rappelle nos terriers, avec ses proportions plus ramasses, sans 31Notamment au Vatican, au Muse des Offces Florence. Richter 1930, p.33 fg. 174, G.M.A. Richter, The Sculpture and Sculptors of the Greeks (1930), p. 115, fg. 366. Photo en couleurs dans Burn2004,fg.82.VoiraussiKeller1905,fg.67 ;Keller,DieAntike Tierwelt1909,I,p.112. KelleretRichterdistinguentcetanimaldumastiffparsonmuseaupointu,sespoilsetsaqueue buissonnante.Richter1930,p.33citedautresreprsentationsdemastiffdutypedeceluide Londres : une statue funraire au Cramique dAthnes de la seconde moiti du ive s. (fg. 170), une attache en bronze du muse de Genve, copie romaine dun original grec (fg. 173) et la tte dun chien sur une intaille romaine reprenant un original grec Boston portant la signature de lartiste : Gaios (fg. 172).32Dumont 2001, p. 409.33Voir la photo par exemple dans L. Burn, Hellenistic Art. From Alexander the Great to Augustus, 2004, fg. 58.34Bruce Fogle 2007, p. 80.Pallas76-v6-CA.indd 243 8/04/08 14:58:21Jean-Marc luce 272doute sa taille plus petite, et des oreilles qui semblent se casser pour retomber35. Le Louvre conserve une statue en bronze assez semblable que lon date de la fn du ve ou le dbut du ives36. Il sagit l de reprsentations assez isoles, mais tel nest pas les cas dune race sur laquelle noussommesassezbienrenseignsetquelesAnciensappelaientlespetitschiensmaltais, xuvioio ou xuvoio Mritoio, les Romains disaient catuli Melitaei. Le nom de cet animal apparat sur une amphore de Vulci du dbut du ve s. qui permet de lidentifer37. On peut le voir, parmi de nombreux exemples, sur une srie de stles conserves au Muse du Louvre Ma 805, 807, 813, 4557, 809 dont lune avait t trouve Rhodes (2e quart du ive s.) et sur quantitdautresmonuments38.Plusieursfgurinesenterrecuitedelpoquehellnistique en reproduisent galement laspect39. Ces reprsentations montrent toutes des petits chiens, pourvus dune fourrure poils longs, aux oreilles dresses et une petite queue senroulant sur elle-mme, bondissant prs de leurs matres. Ces animaux ont quelque chose du spitz italien, dont on date pourtant, peut-tre tort, la cration de la Renaissance italienne, et cest aussi ces animaux que songeait Keller. Sur la stle 805, le chien porte un collier. Le petit livre et les bottines du matre indiquent une rfrence la chasse. On ne doit pas croire que les petits chiens soient inaptes cette activit. Ils sont au contraire apprcis pour se glisser dans les terriers ou fouiller dans les fourrs, do le mot terrier par lequel on les dsigne. Ils sont particulirementadaptslachasseaulivre.Uneterrecuitereprsenteunchiendecette race portant un panier contenant des pommes (voir note 39). Peut-tre utilisait-on parfois cetanimalpourtransporterunpetitchargement,neserait-cequepourjouer.Maisilest probable que ces btes taient avant tout des animaux de compagnie et cest sans doute dans cette intention quils ont t introduits en Grce. Dans la fable du singe et du dauphin, Esope (305) en tmoigne clairement : cest la coutume, quand on voyage par mer, demmener avec soi de petits chiens de Malte et des singes pour se distraire pendant la traverse.Onpeutdonctenterlareconstitutionsuivante.Lechientraditionneldanslimagerie grecque est proche du lvrier. Dautres races ont peut-tre exist, mais nont pas t juges dignes de fgurer dans des reprsentations. Sans doute, y avait-il, lintrieur de ce groupe, uneassezgrandediversitdanslesrobes,lestailles,et,dansunemoindremesure,les morphologies. En Epire, on avait dvelopp des chiens dun autre type, peut-tre originaire dOrient,dontonseservaitdanslesmontagnespourconduirelestroupeaux.Cesontdes 35Kaltsos 2001, n 366.36G. Richter, Animals in Greek Sculpture. A survey (1930), et 76, fg. 167 (= de Ridder, Bronze antiques du Louvre I (1913), n 198.37Keller 1905, fg. 56. Sur ces chiens, voir aussi J. Busuttil, The Maltese dog, G & R 16 (1969), p. 205-208 et R.H.A. Merlen, De Canibus. Dog and Hound in Antiquity (1971), p. 44-45.38M. Hamiaux, n 150-151, 206-208. Woysch-Mautis 1984, cat. 305-334 donne un catalogue de 30 stles avec un personnage accompagn de ce chien quelle appelle un loulou et de 47 autres stles (n 153-210) o un enfant tend un oiseau au chien. Zlotogorska donne un catalogue de 259 petits chiens parmi lesquels beaucoup sont des chiens maltais. Il couvre toute lAntiquit grecque partir de lpoque archaque.39Pour ne citer que celles du Louvre, voir Mollard-Besques, Catalogue raisonn des fgurines et reliefs en terre cuite grecs, trusques et romains, III, E/D 2554, pl. 383b ; IV, D3786, pl. 78f (D3785, IIIe s. av. J.-C. de Campagnie (?) qui porte sur son dos deux paniers ronds remplis chacun de ce qui est peut-tre des pommes), et 79b (1er s. av. J.-C., peut-tre dApulie)0ooyjxmv,oPallas76-v6-CA.indd 244 8/04/08 14:58:21quelques Jalons pouR une HistoiRe du cHien en GRce antique 273dogues, anctres lointaines de nos bouledogues. Des mastiffs ont galement exist, sans que lon puisse les localiser.Ds le vie s., on slectionnait, on croisait et on changeait des chiens de race 40. Ainsi, selon Klitos lAristotlicien dont le tmoignage nous est transmis par Athne, Deipnosophistes 540d,letyranPolycratedeSamosfaisaitvenirdeschiensdEpire.Cestcequeconfrme galementunouvragedAlexis,auteurdannalessamiennes,quelonconnatencorepar Athne. Selon cet auteur, Polycrate se procurait des Molosses et des chiens laconiens41. Le texte dAristote que nous citions ci-dessus tmoigne galement des changes et des croisements concernant les chiens de Laconie et ceux de Molossie.Cestaussidanslasecondemoitiduvies.,semble-t-il,quelonintroduisitlespetits chiens aux poils longs. Les sources antiques hsitent les faire venir de lle de Malte ou dune ledelAdriatiquequiauraitportlemmenom42.KellerestenclinchoisirMaltedo viennent aujourdhui les chiens vestes Melitenses. En tout cas, ces petits chiens circulaient sur les mers. Leur importation rcente explique la cohrence du groupe et la forte diffrence avec lesautreschiensgrecs.Contrairementauxchienslaconiensetlesmolosses,riennindique lexistence de varits. Leur nom correspond une race prcise. Leur introduction marque un tournant dans lhistoire de cet animal. En effet, jusque-l, les fonctions normales du chien taientlagardeetlachasse.Dsormais,lesfoyersgrecsaccueillaientdesanimauxdontla fonction premire tait de tenir compagnie aux hommes.Durantlpoquehellnistiqueetromaine,ladiversitdesracessestlargementaccrue. On peut citer le tmoignage de Callixne dcrivant la procession dionysiaque organise par Ptolme Philadelphe : Aprs eux dflaient deux chasseurs avec des pieux dors. Ils taient suivis de deux mille quatre cents chiens, les uns indiens, les autres hyrcaniens et molosses et dautres races43. une poque o les changes et le commerce dans la Mditerrane prennent des proportions jusque-linconnues,ilnestpastonnantdapprendrequelesanimauxcirculaientencore davantage.Lidedeslection,sansdoutetrsancienne,taitfamilirePlutarque(Viede Lycurgue 15) qui attribue Lycurgue ce propos (trad. Flacelire) : Les gens, disait-il, amnent leurs chiennes et leurs juments aux meilleurs reproducteurs quils demandent aux propritaires de leur prter, par amiti ou moyennant fnance ; mais ils mettent leurs femmes sous clef Dans la seconde moiti du iie s., Oppien numre dix-sept races de chiens de chasse : Poniens, Ausoniens, Thraces, Ibres du Causase, Arcadiens, Argiens, Laconiens, Tgens, Sauromates, Celtes,Crtois,Amorgiens,Egyptiens,LocriensetlesMolosses44.TandisquePtolme regroupe des races qui sont surtout orientales, Oppien mentionne des chiens qui viennent du Caucase lEspagne. Sous lEmpire, le brassage et la diversifcation des races se sont donc encore renforcs.40Voir Dalby 2000.41Sur ces textes, voir L. M. Gnter, Alles berall Herr-Handel und Tryphe bei Polykrates von Samos, MBAH 18 (1999), p. 48-56. Voir aussi, plus rcemment, Chr. Chandezon, Pratiques zootechniques dans lAntiquit grecque, REA 106 (2004), p. 480-482.42Keller 1905, p. 244.43Sur cette procession, voir E.E. Rice, The Grand Procession of Ptolemy Philadelphus (1983)44Dumont 2001, p. 408.Pallas76-v6-CA.indd 245 8/04/08 14:58:21Jean-Marc luce 274Comme la bien montr L. Day, les sacrifces de chiens dans les tombes ont pratiquement disparuaveclgedufer,tandisquedesattitudesplussentimentalessefontjour.Les tmoignagesdecettenouvelleattitudeabondentdslpoquedHomre.Chacunconnat lmouvantrcitduretourdUlysseIthaqueosonchienlereconnutavanttoutautre. Lanimal manifesta sa joie en remuant la queue et mourut peu aprs. Jacques Dumont, dans ses Animaux dans lAntiquit grecque (2001)45, oppose lIliade et lOdysse. Pour lui, lhomme delIliadeauraitprouvdelindiffrenceenverslesanimaux,etdelantipathieenversle chien. Le tournant dcisif doit tre trouv entre les deux popes. Avec lOdysse, lhomme se sent diffrent des animaux, il sattribue une autre nature, une autre manire de penser et dagir. En reconnaissant cette diffrence, il devient capable daffectivit. Il faut tenir compte de lambivalence des sentiments et des attitudes. Le sacrifce de chiens de table dans lIliade suppose une certaine proximit avec des animaux qui accompagnent le banqueteur. Elle ne contredisait pas ncessairement, leurs yeux, une attitude violente. Malgr ces nuances, les analyses de nos deux auteurs se recoupent ici. Cest donc sans doute au dbut de lpoque archaqueentrelIliadeduviiies.etuneOdysseprobablementplusrcente,quelonpeut dater le point darticulation entre ces deux tendances. Point darticulation ne veut pas dire rupture. Ce genre dvolution peut tre lent et admettre des attitudes trs diffrentes chez des populations contemporaines.2.2. Tombes de chiens et attitudes anthropomorphiques Plutt quune attitude moins violente lgard des animaux, la disparition des chiens des tombes signife le retrait de ces animaux du systme de la rfrence hroque. En effet, si lon ignore le sens que pouvaient avoir ces sacrifces lge du Bronze, il ne fait gure de doute quau viie s., on ne pouvait plus placer des chevaux et des chiens dans une tombe sans penser lpope. Il est vrai que ce dtachement vis--vis des funrailles homriques correspond au dveloppement dune attitude plus sentimentale envers les animaux.Onpeutsuivreassezbienlaprogressiondecesentimentnouveauetdeplusenplus rpandu.Dansunetombede Volos,dateduvies.,lesquelettedunpetitchiensetenait dans la fosse aux pieds de son matre46. Plutt quun sacrifce, il semble quon ait plac aux pieds du dfunt son animal favori. Peut-tre est-il mort en mme temps que son matre ou peut-tresest-illaissmourirpourlaccompagner.Enlabsencedtudedesossements,on ne peut pas non plus exclure quon lait aid faire preuve de fdlit jusque dans lau-del, mais la disposition des choses semble indiquer une relation intime plutt quun sacrifce de nature hroque.Aux poques archaque, classique et hellnistique, nombreux sont ceux qui se font fgurer encompagniedeleurschiens.Lesstlesofgureunhommedeboutsappuyantsurun bton, accompagn dun chien du type du lvrier, apparaissent vers 530 et se maintiennent jusquau dbut du style svre47. La rfrence la chasse ne contredit nullement lintimit de la relation, mais au contraire lexplique. C. Schneider a bien montr la signifcation sociale decesmonuments.Lechienquiressembleicibeaucoupautypelaconienestunsymbole 45Voir p. 71.46Day, p. 24, n 18.47Zlotogorska 1997, p. 5-15 et 135-139.Pallas76-v6-CA.indd 246 8/04/08 14:58:22quelques Jalons pouR une HistoiRe du cHien en GRce antique 275dappartenance llite sociale. Un pome du corpus mis sous le nom de Thognis illustre de faon loquente comment la possession de chiens de chasse sintgre dans les symboles dits aristocratiques dont le plus vident est le cheval (Thognis 2, v 1253) :oio mi aoior tr ioi xoi mvur iaaoi0jrutoi tr xuvr xoi rvoi ooooaoiooti j aoioo tr iri xoi mvuo iaaouxoi xuvo, ouaotr oi 0uo rv ruoouvjiHeureux celui qui a des enfants, des chevaux longle unique, des chiens de chasse et des htes ltranger, celui qui naime pas les enfants, ni les chevaux longle unique, ni les chiens, jamais son cur ne se trouve dans la joieLassociation du chien et du cheval se rencontre parfois sur les stles ds lpoque archaque48. Ilnefaudraitpascroirequelespropritairesdechiensdechassetaientncessairement chasseurs. Il sagit daffcher une rfrence un ensemble de valeurs plutt qu une activit effective. On dsirait galement indiquer une relation qui pouvait tre affective.Letypedelpoqueclassiqueleplusrpanduestceluiquimontrelemorttenantun strigile dans la main ou un autre instrument dont on se sert la palestre, avec son chien sespieds.Ilpeuttreaccompagndautrespersonnages.Lundesplusanciensexemplesa t dcouvert Delphes et date du style svre, vers 460, tandis que les plus rcents sont de la seconde moiti du ive s.49 On a voulu donner du dfunt limage dun personnage vivant, adepte du gymnase, avec son chien favori, quil emmenait peut-tre parfois la chasse. Parfois, on plaait une statue de chien en ronde-bosse sur le tombeau lui-mme, comme le montrent les exemples conservs au muse de Pella50 et dAthnes51, tous deux du milieu du ive s. Sur une srie de stles le chien fgure seul, sans aucun personnage ses cts comme sur la stle des fls de Lakon52.Dans toute cette srie, le chien est une des pices de lunivers idal masculin. Il y fgure en relation avec les thmes de la chasse et de la guerre lpoque archaque, celui du sport partir du ve s., et se maintient jusquau iiie s. de notre re au moins. Mais lanimal de compagnie devient de plus en plus prsent. Cest ce que montre la prsence du chien sur des stles de tombes fminines53. Les thmes de la fdlit et de lintimit affective entre ltre humain et lanimal passent alors au premier rang. Limportant groupe de stles avec des chiens maltais auquel nous avons fait allusion plus haut commence la fn du ve s. Le petit chien est souvent reprsent en train de bondir auprs de son matre, parfois il ne fait que sasseoir, ou se tient debout. Dans la plupart des cas, mais pas toujours, le dfunt est un enfant. Il serait inexact 48Voir le catalogue de D. Woysch-Mautis 1982, cat. n 8, p. 105.49Guide de Delphes, le Muse, 64-66, fg. 24. Ils sintgrent dans la catgorie des chasseurs-gymnastes, Jger-Palstriten-Motif de Zlotogorska 1997, p. 141-147 qui donne un catalogue de 30 stles, dontdeuxdelpoquehellnistique,danslequellexemplairedeDelphesmanquebizarrement, mais il fgure dans celui de Woysch-Mautis 1982, n 263.50La tombe se trouvait aussi Pella. Une photo est disponible dans le guide touristique I. Toratsoglou, La macdoine. Histoire, monuments, muses, p. 151, fg 183.51Kaltsos 2001, n 366.52Zlotogorska n 76-83.53ZlotogorskaPallas76-v6-CA.indd 247 8/04/08 14:58:22Jean-Marc luce 276daffrmer que ce chien est li au thme de lenfance, puisquil y a quelques occurrences o ledfuntestunadulte,maisilparattoutfaitclairquelethmedelenfancesexprime souvent, sur les stles, dans le choix de cet animal.Le chien est-il du ct de la bte ou du ct de lhomme ? Certains ont trait leur animal comme un tre humain. L. Day avait soulign lintrt dune tombe du ive s., trouve derrire la stoa dAttale Athnes, qui contenait un chien avec prs de sa gueule un os de buf54. Il est vident quon a enterr lanimal avec son os viande. La volont de tirer la bte du ct de lhumain va parfois jusqu rdiger des pomes sur sa mort et placer une stle inscrite sur sa tombe. LAnthologie palatine et diverses sources nous ont transmis quelques exemples que lpigraphie complte de faon trs clairante. Aprs Esope qui faisait parler les animaux, cestlapotesseAnitqueremontelamodedespomesconsacrslamortdanimaux, soit la fn du ive s. Ces pomes ne concernent pas que les chiens. Dans le recueil constitu par G. Herrlinger, les animaux qui inspirent le pote sont, outre le chien, le cheval, la cigale, le dauphin, le coq55. Le pome sur la chienne Maira (Herrlinger 1930, n 2, pome cit par Pollux dans Onom. V 48) mrite ici quon le cite in extenso :Oro oj aotr, [Moio], aouiov aoo 0ovov,Aoxi, io0oyymv mxutotj oxuoxmvToiov roiovti trm ryxot0rto xmm Iov oriixtov aoixioorio riCest ainsi que tu as pri, [Maira, chienne], auprs dun buisson aux nombreuses racines, toi la Locridienne, la plus rapide des chiennes la voix mille fois sonnante, car tel fut le venin sans remde quintroduisit dans ta cuisse lgre une vipre au cou bigarr.Cesvers,pleinsduregretdelabteperdue,exprimentununiverscampagnardqui convientunepotessequipassepouravoirtloriginedelaposieidyllique.Dansle style, les rminiscences homriques et hsiodiques, nombreuses, mettent lanimal au niveau de lhomme, voire du hros.On date du iiie s. une stle aujourdhui conserve Oslo et provenant de Pergame. Elle est dcore dun chien qui occupe tout le champ de la pierre et porte une pigramme de lanimal dcd56 :Ouvoo 4ioxuvjyo roitoio yo uaomvOjoiv rai oroi xoiavov r0jxo aoooMon nom est Philokyngos (amateur de chasse), car tant bien ainsi jai pos ma patte rapide sur de terribles btes.Cette fois, limage du chien ne dcore pas la stle de son matre, mais la sienne.Cestencoreauiiiesiclequonttrdigesdeuxversionsdelpitaphede Thron,le chien indien de Znon dEgypte, qui ont t retrouves sur un des papyrus de ce riche Grec installauFayoum.LetextesetrouvedanslerecueildHerrlinger,maisClaudeOrrieux enadonnunetraductionfranaisedansLespapyrusdeZnon.LhorizondunGrecen EgypteauiiiesicleavantJ.-C.(1983),p.135-136.Lesdeuxversionssontcritesdansdes mtres diffrents, la premire en distiques lgiaques, la seconde en trimtres iambiques. Les 54Day 1984.55Herrlinger 1930.56Herrlinger 1930, n 44 ; Zlotogorska n 78.Pallas76-v6-CA.indd 248 8/04/08 14:58:22quelques Jalons pouR une HistoiRe du cHien en GRce antique 277deux textes racontent la mort de Thron dans une chasse au sanglier. Le style comporte de nombreuses rminiscences homriques. La rfrence est ici lpisode de la chasse du sanglier de Calydon, comme le montre cet extrait de la premire version qui dcrit lanimal dont le pauvre Thron fut la victime : Monstre sauvage contempler face face, rejeton, coup sr, du sanglier de Calydon, il hantait les plaines fertiles dArsino, inbranlable, secouant la crinire qui lui hrissait lchine, et bavant lcume de ses mchoires.Danscestextes,lachasseoccupelapremireplace.Cestellequipermetlhrosation potique du chien. Remarquons avec Herrlinger que le thme de lamour entre le matre et son animal est entirement absent. Dans ltat actuel de la documentation, et ma connaissance, on ne le rencontre que dans les pigrammes du iie-iiie apr. J.-C., peut-tre dj le ier s. Ainsi, celuideThia,dcouvertRome,nousdonnelexempledecesposiesaucontenutrs sentimental57 :Xjo to aov Orio, oio xuvo, jio xru0ri,Euvoio, otoyj, (r)ioro oyoiovKouj ooov o0uo ao0ouorrrivo ooxuriTjv toijv, iio vjotiv rouo[o]trxj.Lavoir tout entier de Thia, lhumble chienne, son tertre le contient : cest la splendeur de la bienveillance, de laffection, de la beaut.Unejeunefllequifaitpiti,regrettantsondlicatamusement,pleurecellequellelevait, conservant le souvenir vritable de leur amour.Danscepome,lesrfrenceshomriquesontcdlaplaceunepureexpression sentimentale.Lethmedelaffectionrciproquequiunissaitlepetitanimaladorsa matresse occupe toute lpigramme. La rfrence aux circonstances de la mort, si frquente jusque-l, a entirement disparu. Herrlinger compare juste titre au clbre pome de Catulle (n III) sur la jeune flle qui pleure la mort de son moineau de Lesbie. Le thme semble avoir commenc plus tt dans la posie latine, puisque ce pote a vcu de 84 54 av. J.-C.Les exemples de tombes de chien cits par L. Day sont tous des spultures intra muros. Le stade suivant consistera enterrer les animaux avec les hommes. Pour lpoque impriale, les fouilles du mtro Athnes ont fait rcemment connatre un cas magnifque (=cat.5)58. Ilsagitdetroistombesdanimaux.Lesdeuxpremirescontenaientchacuneunchien,la troisime un chien et un cheval. La dcouverte a t faite dans un cimetire, situ sur la place du Soldat inconnu (boulevard Amalia), qui a livr plus de 300 tombes et qui fut utilis du dbut du ive s. jusquau dbut du iiie s. apr. J.-C. Les btes ont donc t enterres dans un cimetiredhommes,lafaondeshommes.Lecataloguedelexpositionorganisepour prsenterlesdcouvertesdumtronedtaillequelunedentreelles :cellequiportele numro 82. La tombe est une ciste bien construite dans les parois sont des murs de briques disposes en assises rgulires, spares par des lits de mortier. Le sol est dall de tuiles. Sur la partie antrieure du chien, on a trouv deux unguentaria en verre dats du ier ou iie s. apr. J.-C. Lanimal a t enterr avec une laisse de 50 cm de long au moins, magnifquement orne de boutons de bronze. Ici, lanimal a t trait comme un tre humain.57Herrlinger 1930, n 40 ; IG XIV 1647 ; W. Peek, Griechische Grabgedichte (1960), n 475.58PalarmaetStamboulidis(d.),Lavillesouslaville(2000engrec,uneversionenanglaisexiste), p. 157, mobilier, n 162-164.Pallas76-v6-CA.indd 249 8/04/08 14:58:22Jean-Marc luce 278Endehorsdesmodesfunraires,lamourpourleschienslpoqueromainesexprime parfoisdansledcordomestique.Unemosaqueimpriale,dcouverteChypredansdes bains, montre un chien au ct dune perdrix et porte linscription suivante : 4jio xoj. Lauteur de la publication avait cru que Phria tait un nouveau mot concernant la chasse, mais comme la expliqu L. Robert (Bulletin pigraphique 51, 236, n 25 p. 204), il sagit tout simplement du nom de la chienne. Depuis le vie s., il tait usuel dindiquer son admiration pour une belle personne, gnralement un garon, mais parfois une femme, en crivant un tel est beau. Cest ici bien videmment le modle qui a t suivi, mais pour une chienne, dont on fait lgale des beauts de lpoque.Lvolutionquenousretraonsici,enmettanttextesetdcouvertesarchologiquesen parallle,refteledveloppementdelanimaldecompagniequi,aprstreentrdansles murs,sansdoutedslpoquearchaque,estpeupeudevenuunthmelittrairevers la fn du ive s. Lvolution se poursuivit, et les pigrammes de lpoque impriale expriment parfois le pur amour du matre pour son chien. Mais on ne doit pas croire que lon avait cess dedemandercesanimauxlesservicesquilspouvaientrendre.sopeavaitfaitdialoguer dans une de ses fables un chien de chasse avec un chien de garde. Ce sont les deux fonctions traditionnelles. La chasse ntait sans doute pas trs rpandue et les collections dossements du classicisme ou de lpoque archaque qui ont t tudis contiennent peu de gibier. Cest nanmoins une activit fortement valorise, objet de traits comme celui que nous a laiss Xnophon. Dans la posie funraire, le thme est prsent du dbut la fn de la priode. La fonction de gardien devait sembler moins noble. On nen trouve pas de trace dans la posie. Pourtant, elle est bien atteste, non seulement la maison, mais aussi la guerre et dans les sanctuaires.2.3. Le chien de garde et chien de guerreLusage des chiens la guerre est sans doute trs ancien, du moins en Orient. Dumont cite ce propos Hrodote. Lhistorien nous livre le tmoignage suivant, o il voque la richesse prodigieuse du satrape de Babylonie dans lEmpire perse (I, 192, trad. Legrand) : On levait aussi des chiens de lInde en si grande quantit, que quatre gros bourgs parmi ceux de la plaine avaient,contreexemptiondesautresredevances,lachargedeleurfournirleurnourriture.Il semble que ces animaux aient servi la guerre, mais peut-tre faut-il songer aussi la chasse, si importante dans les maisons royales orientales59. Sils ont servi la guerre, ctait peut-tre surtout pour garder les forteresses.Tel est en tout cas lusage quon en faisait dans le monde grec. On se servait de ses btes pour donner lalerte. On ignore quand remonte cette pratique, mais elle apparat dans la documentation pigraphique ds le dbut de lpoque hellnistique60. Le texte le plus complet estungranddcretdatantdelaguerredeChrmonids.IldcritlerledEpicharsqui avait fait construire des tours de guet. On avait affect des chiens la garde de ces nouvelles constructionsstratgiquesetlebnfciairedudcretstaitchargdeleurnourriture : oioou outo tjv tojv, oam[] j uoxj arm y[iv]jtoi, donnant lui-mme [sans doute faut-il comprendre ses frais] la nourriture, afn que la garde en ft renforce. Dautres textes 59Voir sur ce point P. Briant, Histoire de lEmpire perse. De Cyrus Alexandre (1996), p. 948.60Deltion 22 (1967), p. 38-52 ; L. Robert, Bulletin pigraphique 68, n 247.Pallas76-v6-CA.indd 250 8/04/08 14:58:22quelques Jalons pouR une HistoiRe du cHien en GRce antique 279mentionnent des chiens dans les forteresses. Ainsi, J. et L. Robert ont publi une inscription duiiies.av.J.-C.conserveaumusedeSmyrne61.Letextetraitedessentinellespostes laforteressedeKyrbissos,unelocalitabsorbepar Thos,sansdouteloccasiondun syncisme. La cit a dcid que le phrourarque, le chef de la garnison, devra disposer dau moinsvingtcitoyensettroischiens.Ledcretindiqueencorequelachatdecesanimaux est la charge de la cit, mais que le phrourarque les nourrira ses frais. L. Robert, qui suit Roussel sur ce point (voir ci-dessous), cite dautres exemples. Plutarque, dans la Vie dAratos 24,expliquequelesSicyoniensavaientmisenfactionunchiendansleuracropolepour donnerlalerteencasdattaque :xumvryorouri0jotixo,oungrandchiende chasse faisait la garde. Une fois matre de lAcrocorinthe, les Achens y mirent 400 hoplites et50chiens,chaquebtetantaccompagnedesonkyngos.Toutcebeaumondetait nourri dans la forteresse. ne le Tacticien recommande galement daccrocher des chiens en dehors de la ville pour servir dalerte (Poliorctique XXII, 14). Kapikaya, une inscription, accompagnedunrelief,honoreunesclavenommPhilologos, :[4i]ooyovoixuv[jy[ov aiotrm xoi [ i]oaovio rvrxrv matre des chiens, en raison de sa loyaut et de son ardeur au travail62.Touscestextesmontrentqulpoquehellnistique,ondressait,oudumoinson entretenaitdeschienspourlaguerre. TelleestlafonctiondukyngosauquelP.Roussela consacrtouteunetude63.Cemotdsigneceluiqui,littralement,mnelechien.Ces animauxdontonseservaitlaguerrepermettaientsurtoutdalerterlessentinelles,mais Roussel cite le cas, daprs Elien (Nat. Hist, VII, 38), dun chien qui, lors de la bataille de Marathon, mrita assez de la cit pour quon le ft fgurer dans le tableau de la bataille dans la stoa poikil Athnes, aux cts de son matre. Lors du sige de Mantine, Agsipolis coupa, selon Polyen Strat. II, 25, la route aux assigs qui auraient voulu sortir de leur ville avec des chiens.Enfn,PhilippedeMacdoineseservaitdecesanimauxpourdpisterlesennemis rfugis dans les fourrs, toujours daprs Polyen, Strat. IV, 2, 16.Il arrivait sans doute rarement que les chiens participent directement au combat. Cest encore Elien qui pourtant nous en donne un tmoignage (Histoires varies XIV, 46) :Oi Moiovom aooixouvtr Moyvjtr Eroioi aorouvtr rxooto tmv iaarmv jyrvoutmouototimtjvxuvoxoioxovtiotjvoixrtjv,jvixoorroriouioi, rvtou0o oi rv xuvr aoajomvtr rtoottov tjv aorojv, oroi tr xoi oyioi xoi rvturiv oriixtoi ovtr, oi or oixrtoi aoajomvtr jxovtiov, jv or oo rai tj0ovouojoioxuvootoioxoitoaootmvoixrtmvomrvorvryj,ritorx titou rajroov outoi.Alors que les Magntes qui demeurent sur le Mandre taient en guerre contre les Ephsiens, chacundeleurscavaliersemmenaunchiencommeauxiliairedecombatsetunesclavecomme lanceurdejavelots.Quandilfallutentrerencontact,leschiensbondirentalorsverslavant, 61L.etJ.Robert,Uneinscriptiongrecquede TosenIonie,Lunionde TosetdeKyrbissos, Journal des savants 1976, p. 153-235, repris dans Opera Minora Selecta VII, p. 297-235, o les pages consacres aux chiens sont 350-352.62G.E.Bean,JourneysinNorthernLycia1965-1967,Denkschriftensterr.Akad. Wien,philos.-hist. Klasse 104 (1971), p. 25-26.63P. Roussel, Les kynagoi lpoque hellnistique et romaine, REG 1930, p. 361-371.Pallas76-v6-CA.indd 251 8/04/08 14:58:22Jean-Marc luce 280semantletroubledanslaformationadverse,carilstaientterribles,sauvagesetimpitoyables quand on se trouvait sur leur chemin. De leur ct, les esclaves bondissaient vers lavant, lanant leurs javelots. Au trouble que causaient les chiens, sajoutait donc laction des serviteurs, venait en troisime lattaque des cavaliers eux-mmes.Dans Steinepigramme aus des grieschischen Osten I, p. 197-199, R. Merkelbach et J. Stauber tablissent la liaison entre ce texte et lpitaphe de lanthologie palatine VII304, connue de Nicolas de Damas (Jacoby 90 F 140), et qui se trouvait sur la tombe dHippaimon Magnsie du Mandre. Le texte donne le nom du cheval, Podargos, du chien Lethargos et de lesclave Babs, et prcise que le dfunt a perdu la vie la guerre. Lpitaphe semble indiquer que le serviteuretlesdeuxbtesontperidanslesmmescirconstances.Ceparallledonneune certaine vraisemblance historique au texte dElien, moins quil ny ait une source commune, par exemple chez un historien local. Lpitaphe a t rdige par Pisandre de Rhodes, un pote pique du vie s. av. J.-C.Les chiens pouvaient sans doute aussi tre affects au gardiennage des lieux saints64. On en trouve dans le livre de C. Mainoldi bien des mentions. Il y avait des chiens sacrs dans lessanctuairesdHphastosEtna,dAdranosenSicile,dAthnaIliasenDaunie,dans lAsklpeion dAthnes et mme dans le sanctuaire de Zeus Olympie65. Ertrie comme Delphes, on a dcouvert des os rongs portant la marques des dents de chien. Malgr les interdits qui empchaient ces animaux dentrer dans de nombreux sanctuaires66, ils ont pu accompagnerleursmatreslorsdessacrifcesetbnfcierdesrestesdubanquet,ilsepeut aussi quils aient t les gardiens du hiron.Ontrouvemmedanslemytheunrefetdeceschiensquigardaientlessanctuaires. DaprsAntoninusLiberalis(Mtamorphoses36,1),lechiendorquisurlordredeRha gardait la chvre nourrissant le petit Zeus, aurait t charg, une fois le dieu devenu adulte, du gardiennage de son sanctuaire en Crte67. Pandaros laurait ensuite vol. Dans la partie desonouvrageconsacrelaCrte,StrabonX,478noustransmetlhistoirededeux amoureux :CestdeLbenquevenaientLeukokomasetsonamantEuxynthetosdanslercit que conte Thophraste dans son livre Sur lamour. Parmi les preuves que Leukokomas imposa Euxynthtos, lune consistait, selon cet auteur, dans le fait de ramener le chien de Prasos to v rv Hoomxuvo. Comme le gographe mentionne immdiatement aprs le sanctuaire de Zeus Diktaios qui se trouvait sur le territoire de cette cit, on peut penser, avec M. Guarducci (L. RobertBulletinpigraphique44,152),quecechiensetrouvaitdanslesanctuaire,cequi rappellerait la lgende du chien dor.2.4. La viande canine Tandis que lhomme et le chien se rapprochaient peu peu lun de lautre, surtout partir delpoquehellnistique,laconsommationdeviandecaninesestmaintenue.Lestextes nesontpasentirementmuetssurcesujet.Ondisposedetouteunesriedoccurrences 64Voir sur ce point L. et J. Robert, Bulletin pigraphique 44, 152.65Mainoldi 1984, p. 69.66Scholz 1937, p. 8-9.67Sur cette lgende, voir C. Mainoldi 1984, p. 69-70.Pallas76-v6-CA.indd 252 8/04/08 14:58:23quelques Jalons pouR une HistoiRe du cHien en GRce antique 281que C. Mainoldi a rassembles soigneusement pour les poques archaque et classique68. Le tmoignage le plus ancien se trouve chez Ananios, un pote de la seconde moiti du vie s. que je cite daprs Mainoldi (en changeant lgrement sa traduction)69 :jou oro0iriv ioij 0ivoamiomi xro,oroxo o , otov toarmoi xoi aotrmoiv, ro0iriv,xoi xuvmv ou tji totmji xoi oymv xomarxmv.Il est agrable en automne de manger de la viande de jeune chvre, et de porcelet, lorsquon foule le raisin, et dans la mme saison, de manger de la viande de chien, de livre et de renard.Les autres tmoignages ne se trouvent plus que dans les sources mdicales. Dans son trait Du rgime II, 46, Hippocrate crit : La viande de chien dessche, chauffe, et donne de la force, mais elle nest pas laxative. Celle des jeunes chiens humecte, elle est plus laxative et diurtique70. Y a-t-il eu une volution dans la suite des temps ? Cest ce que laisse penser un texte de Sextus Empiricus, III, 225 (trad. P. Pellegrin) : Nous estimons que goter la chair de chien est impie, alors quon rapporte que certains Thraces mangent du chien : sans doute cela tait-il aussi coutumier chezlesGrecs,etcestpourquoiDiocls,enpartantdesprceptesdAsclpiade,recommandede donner certains malades de la chair de chiot. Il semble donc quau iie ou iiie s. de notre re, poque laquelle vivait notre philosophe sceptique, on avait cess, au moins dans une partie de lEmpire, ou dans certains milieux, y compris chez les hellnophones, de manger du chien, mais qu lpoque de Diocls, qui vivait au ive s. av. J.-C.71, on continuait en consommer. Pourtant le tmoignage de Galien De la puissance des aliments est trs prcis :Hri or xuvmv ti ori xoi ryriv, m tou vrou tr xoi iaoou outmv, xoi oio0otov ruvouio0moi, xotrvio tmv r0vmv ro0iouoi aoaooi, xoi ao toutoi yr xoitotmvaov0jmvouxoiyoi,xo0oaryrxoitotmvovmv,otovrurxtouvtr tumoiv, moar oi oyioi. Touto rv yr ou ovov ro0iouoiv, oo xoi raoivouoiv rvioi tmv iotmv.Quantauxchiens,quepeut-onendire ?Quechezcertainspeuples,ceuxquienmangent abondent, quand il sagit danimaux jeunes et gras, particulirement sils sont chtrs. Ajoutons que ceux qui mangent de la panthre ne sont pas rares, pas plus que ceux qui mangent de lne lorsquil est vigoureux, comme les sauvages. Certains mdecins non seulement mangent de ces viandes, mais encore en font lloge.Lacombinaisondelaviandecanineaveccelledelapanthrenesuggrepasune consommation trs coutumire ! Galien avoue lui-mme navoir jamais got de cette viande (Sur le rgime amaigrissant 68). Pourtant, lvocation de chiens jeunes, gras et chtrs donne limpression dlevages spcialiss, mais, il est vrai, chez certains peuples seulement (pour les applications mdicales tires du chien, voir ci-dessous).68Mainoldi 1984, p. 169-17669Mainoldi 1984, p. 171. La lecture du texte est incertaine. M.L. West lit, avec plus de vraisemblance (Iambi et elegi graeci II 1992, Ananios 5,5 p. 36) : outj to0 mj au lieu de tji tot mji. Le sens serait donc : C'est alors la saison des chiens, des livres et des renards.70VoirJ.Dumontquijempruntelatraduction,LesanimauxdanslAntiquitgrecque(2001), p. 136.71Sur ce personnage, voir J. Jouanna, Hippocrate1992, p. 92.Pallas76-v6-CA.indd 253 8/04/08 14:58:23Jean-Marc luce 282Lesconsommateursseseraient-ilsrarfs,selimitantdesgroupesethniquesprcis, extrieurslEmpire,oudeslotsdesurvivance ?Cenestpascequelarchologienous apprend. Les analyses des ossements de chiens dcouverts Kassop en Epire ont montr quon enmangeaitencoreentreleiveetleiers.av.J.-C.72Pourleiies.denotrere,lesfouillesde Corintheontlivrdautrestmoignages.AlEstduthtre,danslebtiment3,situsurle ct est de la rue du thtre, les pices sud-ouest et la pice 1 contenaient chacune des restes de chien73. Dans la pice Sud-Ouest, 0,2 kg dossements de chien provenant de 4 individus ont t identifs. Trois des os portaient des traces de boucherie. Parmi les chiens identifs, trois taient des animaux jeunes, (6-7 mois pour les deux premiers, 1,25 an pour le troisime), un seul avait dpass 1,5 an. La pice 1 a livr 0,3 kg dos de chien provenant de cinq individus. Lun des os le plus vieux porte des traces de dcoupe. Ces dpts contenaient par ailleurs de trs nombreux ossements. Selon Reese, il sagirait de dchets de boucherie. Daprs les valuations quil a faites, le chien reprsenterait 2 % de la dite Corinthe au iie s. de notre re, soit un chiffre trs proche de ceux que lon avait dj au Nolithique Lerne. La consommation de viande canine sest donc maintenue, mais elle est reste ce quelle tait : un appoint trs marginal.Commentcomprendrecesdonnesquisemblentsecontredire ?Toutdabord,onne peutnierquelechiensoitrestunalimentconsommduranttoutelAntiquitclassique, du temps d'Ananios (cf. note 69), comme de celui dHippocrate, comme de celui de Galien. Onpeutmmeadmirerlabellecontinuitdanslesproportions,duNolithiquejusquau HautEmpire.Toutefois,lechienestprsentauves.commeuneviandenormale.Cest encore limpression que donnent les traits dHippocrate. Il nen est pas de mme du temps de Galien et de Sextus Empiricus. On peut tenter une explication. Durant la prhistoire et lpoque archaque, voire classique, lalimentation obissait aux principes de lconomie de subsistance. Dans ce cadre, le chien reprsentait un appoint secondaire, mais dont on ne se privait pas. lpoque hellnistique et romaine, o les changes sintensifent, des aliments quientraientauparavantdansladitequotidienneensontprogressivementsortis.On observe une volution tout fait similaire dans le cas dune petite lgumineuse qui sappelle lers (Vicia ervilia). Tandis quelle tait consomme normalement jusqu lpoque classique aumoins,elleestpeupeusortiedelalimentationhumainepourdeveniruneplante rserve aux animaux laquelle lhomme ne recourait plus que dans les situations de pnurie grave74. On pourrait donc penser que la consommation de viande de chien sest maintenue dans les mmes proportions durant toute lAntiquit, mais en changeant de statut. Durant laprhistoire,jusqulpoqueclassique,ellefaisaitpartiedelalimentationnormale,dans laquelle elle ne constituait quun appoint secondaire. Au cours de lpoque hellnistique (?) et romaine o le chien tait devenu si proche de lhomme, elle ntait plus un aliment ordinaire. Elle tait rserve une consommation spciale, lie aux pratiques religieuses ou mdicales, et trs marginalement lalimentation quotidienne.72H. Friedl, Tierknochenfunde aus Kassope/Griechenland (4-1 Jh. v. Chr.) (1984), p. 133 et 224.73D.S.Reese,AboneassemblageatCorinthoftheSecondCenturyafterChrist,Hesperia56 (1987), p. 257 et 259.74Sur lers, voir J.-M. Luce, De lers ou du bonheur chez les dieux , dans Luce, J.-M. (d.), Paysage et alimentation dans le monde grec. Les innovations du premier millnaire av. J.-C., Pallas 52 (2000), p. 109-114.Pallas76-v6-CA.indd 254 8/04/08 14:58:23quelques Jalons pouR une HistoiRe du cHien en GRce antique 283Lesacrifcedeschiensetsonutilisationdanslamdecinesonteneffetassezbien documents,jusqulaprioderomaine.Pourlessacrifces,lamentionlaplusclairevient de Plutarque (Romulus XXI 10). Aprs avoir voqu le sacrifce des chiens Rome lors des Lupercales, lhistorien moraliste fait tat de pratiques similaires chez les Grecs :Quant au chien, on pourrait dire que, si le sacrifce est une purifcation, on limmole en vue de se purifer. Les Grecs aussi, en effet, dans les crmonies de purifcation, apportent des petits chiens et pratiquent en maint endroit ce quon appelle priskylakisme (sacrifce de jeunes chiens) (trad. R. Flacelire).On peut citer aussi Questions romaines III, 14, 975 : Les phbes sacrifent avant la bataille, dans le Phbe. Le Phbe est lextrieur de la ville, pas trs loin de Thrapn. L-bas chacun des deux groupes dphbes sacrife un jeune chien Enyalios, en estimant que pour le plus vaillant des dieux le plus vaillant des animaux domestiques est une victime indique.Les donnes littraires quavait rassembles Scholz et Mainoldi76 attestent galement les sacrifces de chien en lhonneur de certaines divinits, dans certains sanctuaires, notamment Hkate, mais aussi Ars/Enyalos Sparte et Eilioneia/Eileithyia, surtout Argos. Mainoldi a galement rassembl les textes qui dcrivent le rite qui voulait quon tut Argos les chiens traversant lagora pendant les jours des lagneaux77. Toutefois, il ne sagit pas dun sacrifce proprement parler. Enfn, on doit mentionner le rite de purifcation en usage en Macdoine o lon faisait passer entre les deux moitis dune carcasse de chien, dabord les armes du roi, puis le roi lui-mme avec sa famille, ses gardes du corps, enfn toute larme78.C. Mainoldi a trs logiquement conclu de son enqute textuelle que les sacrifces de chien ntaient pas suivis de la consommation de la viande. Elle crit (p.52), Entre le sacrifce alimentaire de type politique et le sacrifce o la victime est le chien il y a donc une diffrence fondamentale. Pourtant, elle note que le mot utilis pour dsigner lacte sacrifciel est thuo, qui est le verbe usuel pour tous les sacrifces de type alimentaire. On comprend la gne de cet auteur. Dans les sacrifces de purifcation tels quon les connat, on donne en effet toute la bte la divinit. Mais les dcouvertes archologiques orientent plutt vers des pratiques diversifes parmi lesquelles les sacrifces alimentaires ont manifestement exist.S.Huberafaitlepointsurlesdcouvertesarchologiquesquiattestentdelapratique du sacrifce en Grce ou en Italie79. Un canid a t dcouvert dans lArtmision dEphse. Des chiens ont t sacrifs Locres en lhonneur dAphrodite Kilias80. Plus rcemment, on a dcouvert dans le sanctuaire de Dmter Mytilne, aux cts des habituels ossements de 75Sur ces textes, voir Mainoldi 1984, p. 54-55.76Scholz 1937, p. 14-24 ; Mainoldi 1984, p. 51-59.77Mainoldi 1984, p. 72-73 dont je reprends la traduction.78Scholz 1937, p. 16-17. Voir aussi ibid. la lustration des Botiens fonde sur le mme principe. la mort dAlexandre, un rite trs proche a t accompli, o lon a jet les deux moitis prs des deux ailes de larme. 79Mainoldi 1984, p. 72-73.80E. Lissi, Gli scavi della Scuola Nazionale di Archeologia a Locri Epizefri, dans Atti del settimo CongressointernazionalediArcheologiaClassicaII,1958(1961),p.113 ;M. Torelli,Icultidi Locri, dans Locri Epizefrii. Atti del sedicessimo Convegno di studi sulla Magna Grecia, Taranto 3-8 ottobre 1976) (1977), p. 147-194, surtout p. 149.Pallas76-v6-CA.indd 255 8/04/08 14:58:23Jean-Marc luce 284cochons, des os de chien portant des traces de dcoupe (catalogue 12). LEleusinion dAthnes alivrgalementdesrestesdechien(catalogue6).Lecasleplusintressant,parcequil adonnlieuunetudefnedesossements,estceluidErtrie.Danslesfouillesdelaire sacrifcielle Nord, on a dcouvert les restes dau moins deux individus. Les os ont t traits comme ceux des autres animaux sacrifs, avec des pices fragmentes. Des traces de dcoupe ont t identifes sur une vertbre cervicale et un fragment dos coxal (bassin). Les auteurs delapublicationarchozoologiqueexpliquentquelesstriesreprescorrespondentla dcoupe de la peau 81. Dautres traces sont interprtes comme les tmoins de lviscration. Sur un os, on voit limpact dun coup donn lors du dtachement dune patte postrieure. On sait que maints rglements religieux attribuaient la peau au prtre dont elle constituait un quivalent du casuel de nos curs. Dans ce sanctuaire, les chiens semblent donc avoir t traits comme tous les autres animaux sacrifs. Des pratiques sacrifcielles ne prouvent pas formellementuneconsommationdelaviande,maislesuggrentfortement.Lasimilitude du traitement par rapport aux autres animaux trouvs dans les mmes contextes est un fait frappant qui soppose entirement aux sacrifces dans les tombes o la bte nest pas cuisine, nimmedmembre,maislaissetellequelle.Ilvautmieuxconsidrerquelessacrifces pouvaient donc tre de plusieurs types. Dans les sanctuaires, les rites devaient tre trs divers dun lieu lautre, dune circonstance lautre. Mais dans bien des cas, on devait manger la victime. Ces sacrifces pouvaient aussi alimenter le march, quand le rglement ne spcifait pas de consommation sur place.H.Scholz(p.10-24),C.Mainoldi(p.58)etD.Gourevitch82ontsoulignlerledes chiensdanslessanctuairesdAsklpiosetdanslamdecine.Deuxinscriptionsrelatent, Epidaure, des gurisons miraculeuses (IG IV2, 2, n 121 et 127) obtenues par les chiens du sanctuaire qui lchaient les parties malades. La premire voque le cas dun enfant aveugle soign par lun des chiens du sanctuaire. La seconde mrite quon la cite in extenso :Kumv ioooto aoioo Ai[yiv]otov. Outo uo rv tm[i to]omi rir o ixorvo[v] ooutov aoi t[ov] 0r[o]v xumv tmv iomv u[ao t]oi ymoooi r0roaruor xoi uyij raoj[o]rUnchienaguriunenfantginte.Celui-ciavaitunetumeuraucou.sonarriveau sanctuaire, le chien des prtres le soigna en tant de veille avec sa langue et lui rendit la sant.La prsence de chiens dans lasklpieion du Pire apparat galement dans un rglement sacr (Sokolowski, 21) qui spcife que lon devra donner, comme sacrifce prliminaire, des gteaux (popana) Malats, Apollon, Herms, Iasos, Adeso, Pakeia, aux chiens et aux cyngtes, littralement, des meneurs de chiens.Faut-il considrer ces btes comme des sortes de divinits comme le fait Mainoldi ? Pour elle,ceschiensetcesmeneursdechiensseraientenrapportaveclemondedesenfers. QuAsklpios ait eu un aspect chthonien parat trs probable, mais cela ne prouve rien pour les chiens. Javoue ne pas trs bien comprendre cette interprtation. Il est imprudent de reporter 81J. Struder et I. Chenal-Velarde, La part des dieux et celle des hommes : offrandes danimaux et restes culinaires dans laire sacrifcielle Nord, dans S. Huber, Laire sacrifcielle au nord du sanctuaire dApollon Daphnphoros I (2003), p. 180, voir aussi le commentaire de S. Huber, ibid., p. 139.82Gourevitch 1969.Pallas76-v6-CA.indd 256 8/04/08 14:58:23quelques Jalons pouR une HistoiRe du cHien en GRce antique 285danslecontextedesasklpieiacequonobserveailleurs.LapositiondeD.Gourevitch83 quivoitenceschiensdevritablesanimauxmeparatbienplussoutenable.Lescyngtes rappellent des kyngoi des forteresses dont le nom apparat parfois en contexte religieux. Il me parat donc vraisemblable que les chiens en question taient simplement ceux du sanctuaire et les cyngtes les prtres qui en taient responsables.Sacrifces dans les sanctuaires et dans les tombes sopposent donc fortement, aussi bien par la forme quils prennent que par la chronologie. En ce qui concerne ce dernier point, nous avonsaffrmqueleschiensavaientdisparudestombesdslpoquearchaque.Celanest vrai que des sacrifces effectus sous la forme traditionnelle, hroque, que lon connat pour lge du fer ancien. Pour les poques plus rcentes, nous disposons dun cas trs particulier, lasignifcationsansdoutetrsdiffrentedespratiquesancestrales,dcouvertsurlAgora dAthnes.Ondatedelpoquehellnistique,vers150,lecomblementmacabredunpuitssitu prs du sanctuaire dAthna Ourania au Nord de lHphaiteion84. Les ossements qui en ont t tirs ont t examins par Angel qui a identif, aux cts de deux crnes complets, les fragments de 175 enfants dont la majorit tait des nouveau-ns ou des ftus prs du terme. A cet ensemble, taient mls les os dun homme dge moyen, un enfant denviron 11 ans et quelques ossements danimaux domestiques plus grands. Ltude de ces restes na pas apport dinformation sur les circonstances de ces nombreux dcs. Comme aucune trace de violence na t observe et que tous ces morts semblent avoir t jets dans le puits en mme temps, Angel songe une famine ou une pidmie, en tout cas une catastrophe ponctuelle. Le choixdupuitspourenterrertoutescesdpouilleshumaineslaisse,eneffet,penserdes circonstancesextrmes.Rcemment,unsecondpuitstrssimilaireatdcouvert,dans lemmesecteur,auNorddelHphaisteion,prsdusanctuairedAphroditeOurania.Il contenait445squelettesdenfantsetdenouveau-nsainsiquelesossementsdaumoins 150chiens(catalogue7).Lecomblementestdat,daprslanotice,entre175et150av. J.-C. Il parat vraisemblable que les deux puits ont t remplis dans les mmes circonstances dramatiques. Malgr lapressionde lancessit,on a prisle soin desparer lesenfantsdes adultes. De toute vidence, la rfrence nest pas ici de type hroque. Ces sacrifces ont un autresens.Onsaitquelinterditquiempchaitdenterrerlesmortsdanslaville,malgr quelques rares exceptions pour certains grands personnages, ne concernait pas, ou pas autant les enfants. Nanmoins, la mort est une impuret. Or, ces restes taient mls aux crnes peu prs complets de 100 chiens (Day donne le chiffre de 85). Les fouilleurs avaient pens, pour la date et les circonstances, la prise dAthnes par Sylla en 86 av. J.-C., mais ltude de la cramique oblige dater le comblement avant 150. Puisque les priskylakismes taient, au tmoignage de Plutarque, des sacrifces de purifcation, la suggestion de Harrisson qui voit dans ces restes danimaux des sacrifces effectus dans ce but est trs sduisante85. Le contenu du premier puits a livr une statuette reprsentant, de faon assez inusuelle, un hermes fminin en marbre que la proximit avec le sanctuaire dAphrodite conduit interprter comme une 83Gourevitch 1968, p. 275.84J. L. Angel, Skeletal Material from Attica, Hesperia 14 (1945), p. 311-312.85E.B. Harrison, Archaic and Archaistic Sculpture. The Athenian Agora XI 1965, p. 139 et 167-169 n 218, pl. 58.Pallas76-v6-CA.indd 257 8/04/08 14:58:24Jean-Marc luce 286reprsentation de la desse. Harrisson qui pense que sa prsence dans ce contexte nest pas accidentelle,bienquelobjetftinachev,prfreyvoirunereprsentationdArtmis, cause de son rle comme desse de la naissance, ou Artmis-Hkate, mais largument na rien dedcisif.H.ScholzetC.Mainoldionttrsjustementsoulignlimportancedesritesde purifcation utilisant le chien.Lusageduchiendanslamdecine,notammentdanslamdecinepopulaire,nestpas sans rapport avec ces pratiques religieuses. Le rle des chiens gurisseurs dans les sanctuaires dAsklpios met bien en lumire le lien entre la religion et la mdecine magique. Il revient ScholzetD.Gourevitch86lemritedavoirfaitconnatrelestonnantesqualits curatives que lon accordait aux chiens, principalement dans le monde romain. Chez Pline, cetanimalpassepourunremdecontrelangine,lesbrlureslabouche,lesdentsdes enfants qui poussent mal, les fches qui vous ont bless, la fvre quarte, la gale, la goutte, larage,lhydrophobie,lesdouleursauxoreilles,auxorganessexuels,larate,lanusou auxyeux.Onsenservaitencorepoursoignerlincontinenceurinaireoulesverrues.On nutilisaitpasquesaviande,maisaussisesos,sesdentsquelonrduisaitencendres,son sang, notamment son sang menstruel, sa salive, son fel, son lait et mme ses excrments et ses vomissements. Le miel est un adjuvant souvent utilis. Pour Gourevitch, il ny aurait pas de rapport ncessaire entre le choix du chien et la thrapeutique : Le chien dans tout cela na gure en lui-mme dimportance ; il est le fournisseur accessible de produits qui transmettent de plus hautes puissances. Pourtant, cest le chien que lon choisit, et non un autre animal. Pourquoi ce choix ? D. Gourevitch a bien soulign que les pratiques thrapeutiques puisaient particulirement dans le dgotant. Nous sommes l dans ce que jappellerais la logique du renversement. Le dgotant est thrapeutique, parce quil est dgotant et quil exige de la part du patient, comme le dit D. Gourevitch elle-mme, un certain esprit de sacrifce. Mais cela nexplique toujours pas le choix de lanimal. Je ne crois pas que celui qui administrait de tels remdes le faisait par calcul, afn que le patient qui sabstiendrait se sentt responsable de son mal. Lchec nexiste pas vraiment dans la pense magique. Un remde qui nagit pas doit aussi son ineffcacit des raisons magiques. Le rle du chien tient plutt ce double facteur de linversion transgressive. Le dgotant devient thrapeutique exactement comme le chien impur est instrument de purifcation, ou encore que lanimal familier, qui peut faire lobjet duneadoration,devientleremdeparexcellence. Toutecettemdicationestenquelque sorte la version plus ou moins lacise dune conception magique.ConclusionL.Dayavaitvudeuxpriodesdanslhistoireduchien,jenverraispourmaparttrois. Toutesontdonnlieudesrenversementsmagiques.Lorsdelapremirepriode,laplus longue, le chien est encore, dune certaine faon, une proie pour lhomme qui pourtant llve et se sert de ses facults. La pratique du sacrifce sexplique-t-elle, comme on la dit, par le besoin de se faire accompagner dans la mort par son chien pour sassurer de sa protection ? Pour lpoque dHomre, rien nest moins sr. La mort telle que lpope la dcrit ne rserve pasaudfuntdedangersparticuliersquildevraitaffronter.Lesanimauxtusnesontpas 86Scholz 1937 et Gourevitch 1969.Pallas76-v6-CA.indd 258 8/04/08 14:58:24quelques Jalons pouR une HistoiRe du cHien en GRce antique 287destins servir dans lAu-del. Leur fonction est plutt de dfnir la personne, den indiquer lessence et le statut social. Pour lge du Bronze, on ignore entirement le mode de pense. Ilnestpasimpossiblequuneconceptionrelevantdavantagedelapensemagiqueaiteu cours.LechienauraitalorspuservirdanslAu-del.Maisonsesouviendraquunetelle interprtation nest pas ncessaire pour expliquer les sacrifces de chien.Cettepratiquerelvedelambivalencedelapensegrecque.Cenestpaspardfaut daffectionquelonsacrifaitlabte(voirlatombedeKoukounaracataloguen2),mais plutt par excs. Dans le sacrifce des chiens Patrocle, Homre prcise bien que les btes gorgestaientdeschiensdetabledudfunt,cest--direceuxquelonvoitsisouvent dans les scnes de banquet, qui mangent les restes et servent aussi sans doute de serviettes. Cela suppose une relation familire et non les simples fonctions de chasseur et de gardien. C. Mainoldi a soulign le rle de la mort dans la perception du chien et a insist sur les chiens charognards dans lIliade. Mais ces derniers sont souvent des chiens errants. Il est essentiel de bien distinguer les chiens qui font partie de loikos, lieu de la familiarit et de la normalit, de ceux qui errent et se nourrissent de carcasses abandonnes. Ce ne sont pas ces charognards quAchillesacrifesurlebcherdePatrocle.Seulsleschiensdetable,ceuxdePatroclelui-mme, pouvaient subir ce sort, la fois glorieux et lamentable. Nous avons l une premire forme dambivalence.Dans lhistoire du chien, le vie sicle semble avoir t la priode charnire. Les animaux se mettent circuler sur les mers. Surtout, on introduit dans les maisons les petits chiens de compagnie que sont les chiens maltais. Ces animaux nappartiennent pas lunivers hroque et cest la fable qui nous en parle et non lpope. Leur dveloppement refte celui de lanimal familieretaimquitientcompagnieauxhommes.Ilnentretientplusaucunrapportavec les charognards et les fonctions traditionnelles du chasseur et du gardien passent, avec lui, au second plan. Il nentre pas dans la grande littrature, du moins pas avant le dbut de lpoque hellnistique,maisilapparatdansluniversdomestiquedelastlefunrairetelquonle conoit ds le vie s. Plutt que demmener son chien dans la mort, on prfrait dsormais se faire reprsenter avec lui.Pourtant,laviolencelendroitdeschiensestloindavoirdisparu,etcestlquese trouve la seconde ambivalence. Il faut ici bien considrer le tmoignage du Plutarque sur les sacrifces de purifcation. La notion de puret a sans doute une longue histoire remontant tout au long de lge du Fer, voire de lge du Bronze, mais cest au cours de lpoque archaque quelle devient structurante. lge du Fer ancien, les morts taient souvent enterrs entre les maisons. On lobserve partout o lon avait adopt les principes de lhabitat discontinu. Les maisons, distantes les unes des autres sparpillaient sur de grands espaces parsems de tombes. On lobserve particulirement bien dans des sites comme Athnes, Argos, Corinthe et Ertrie87. La sparation se ft plus tard, au cours de lpoque archaque, et particulirement au vie s. Cest cette poque que lon situe la premire purifcation de Dlos, lors de laquelle lesAthniens,souslautoritdePisistrate,avaienttentdedbarrasserlesanctuairedes tombes que lon y avait remarques.87Voir par exemple louvrage de Fr. Lang, Die archaische Siedlung (1996).Pallas76-v6-CA.indd 259 8/04/08 14:58:24Jean-Marc luce 288On peut donc tenter ici une explication. Il est possible que les traces de sacrifces de chien trouvesdanslresacrifciellenorddusanctuairedApollonDaphnphorosaienttlies unepurifcation.Notonstoutefoisquelesani