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En Bretagne, le suicide n’est pas une fatalité CONFERENCE DE CONSENSUS : Comprendre ensemble pour agir ANNEXES BIBLIOGRAPHIQUES

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En Bretagne, le suicide n’est pas une fatalité

CONFERENCE DE CONSENSUS : Comprendre ensemble pour agir

ANNEXES BIBLIOGRAPHIQUES

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CONTRIBUTIONS BIBLIOGRAPHIQUES

************** Sommaire

I. DONNEES ET CONTEXTE REGIONAL

Page 1 A. FAYET : Perspectives historiques sur la perception du suicide Page 13 J. BONNEAU : Tentatives de suicide et décès par suicide, quelques points de repère sur la situation bretonne comparée à la situation nationale Page 22 O. PIQUET : Epidémiologie du suicide en Bretagne Page 35 D. Travers : Descriptif du système de soins psychiatriques prenant en charge les tentatives de suicide au CHU de Rennes II. LE SUICIDE DES JEUNES ET DES ADOLESCENTS

Page 37 V. MUNIGLIA : Texte de cadrage – Souffrance Psychique des jeunes en insertion Page 47 F. SANSELME : Données de cadrage sur le suicide des jeunes III. LE SUICIDE EN MILIEU DU TRAVAIL

Page 49 V. MUNIGLIA : Texte de cadrage – Suicide- Souffrance- Milieux Professionnels IV. LE SUICIDE DES PERSONNES AGEES

Page 63 A. CAMPEON : Le suicide du sujet âgé V. L’INFORMATION, LA COMMUNICATION ET LES DISPOSITIFS D’ECOUTE

Page 70 F. COLAS : Les réseaux ou dynamiques locales en prévention du suicide sur la Bretagne Page 89 R. CHARDAVOINE : Les dispositifs de prévention du suicide en Bretagne VI. GLOSSAIRE

Page 102 Quelques mots extraits …

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Agathe FAYET-

Perspective historique sur la perception du suicide en Occident -

« Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment

sérieux : c’est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécu, c’est répondre à la question fondamentale de la philosophie. Le reste, si le monde a trois dimensions, si l’esprit a neuf ou douze catégories, vient ensuite. Ce sont des jeux ; il faut d’abord répondre. […] Ce jeu mortel qui mène de la lucidité en face de l’existence à l’évasion hors de la lumière, il faut le suivre et le comprendre. »

A. CAMUS, Le Mythe de Sisyphe

Eléments de problématique De toute histoire du regard que la société occidentale a porté sur ceux qui ont mis fin volontairement à leur vie, le trait principal qu’il importe de garder à l’esprit tient dans les nuances de jugements et la distance des pratiques à l’égard de la cohérence, de la stabilité et de la rigueur des lois humaines et religieuses qui qualifiait et réglementait cet acte. L’histoire de l’Occident dans son rapport à la mort volontaire est avant tout celle d’une condamnation d’un acte perçu comme inhumain et celle d’un silence qui avait valeur de réprobation. L’Eglise comme l’Etat sous tout régime se sont le plus souvent retrouvés unis dans une même attitude répressive à l’égard du suicide, rejeté comme l’œuvre de Satan et affront au pouvoir en place et à la société dans son ensemble. Cependant, les pratiques réelles ont pu différer et les mœurs évoluer plus rapidement que les lois en vigueur. Le point essentiel qui distingue les époques les unes des autres tient davantage dans l’acuité avec laquelle la question de la légitimité et des motifs du suicide a été interrogée. Comme G. Minois a pu le mettre en évidence dans son Histoire du suicide1, la Renaissance et les Lumières sont à cet égard les époques les plus riches. D’une question occultée par un dogme religieux qui condamnait sans appel le « meurtre de soi-même », l’humanisme naissant et la philosophie des Lumières ont fait resurgir une véritable interrogation sur les raisons et la nature d’un acte qui ne devait plus faire l’objet d’un jugement mais qui posait la question fondamentale du sens de l’existence et de la liberté humaine. Ce faisant, la question du suicide sortait momentanément des strictes limites de la morale. C’est au cœur de ce changement crucial qui s’opère dans les mentalités des élites vis-à-vis de la mort volontaire que le terme de « suicide » fait son apparition (en 1700), remplaçant les termes accusateurs d’« homicide » ou de « meurtre de soi-même ». La présente synthèse aura pour objet principal de montrer que, longtemps enfermée dans les carcans de la morale, la pratique de la mort volontaire, appréhendée sous l’angle de ses motifs et de ses causes, restera, malgré le transfert de l’autorité cléricale et religieuse à celle médicale et séculaire, renvoyée à la question de la responsabilité du suicidé. Elle évacuera l’interrogation véritable de l’acte par le biais de l’irresponsabilité du suicidé. Possédé par le diable, atteint de frénésie ou de mélancolie, ou bien encore souffrant d’un excès de bile noire, celui qui attente à sa vie ne peut être en pleine possession de ses moyens ni de sa raison. Le suicide philosophique, la décision consciente de se retirer volontairement du monde n’existe ou n’est jamais véritablement envisagé ni accepté dans les moeurs. L’objection de la folie ou plus rarement de la maladie dispense de juger mais aussi de comprendre. Le suicide sera dépénalisé en France en 1791, mais sa condamnation persistera bien longtemps après.

1 G. Minois, Histoire du suicide, La société occidentale face à la mort volontaire, Fayard, Paris, 1995

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De la condamnation chrétienne et civile du suicide : le plus grand des pêchés Ni l’Ancien Testament ni le Nouveau n’établissent une doctrine ou une position définie sur le suicide. Pourtant, reléguant à l’arrière plan et condamnant parfois tout un pan de son histoire qu’ont constitué les martyrs volontaires, la religion catholique va imposer à la société médiévale un prisme qui marquera longtemps la société occidentale, prisme à travers lequel le suicide sera perçu comme un acte funeste et le pire pêché qui soit.

� Le dogme du pêché : la condamnation de Saint Augustin et de la scolastique thomasienne Les textes fondateurs du christianisme ne sont en la matière aucunement explicites. Aux commencement de l’Eglise, la croyance dans le caractère haïssable de la vie sur terre et l’aspiration à rejoindre Dieu et la vie éternelle par une mort anticipée tendait davantage à disculper le suicide qu’à le ranger au rang des interdits. Ce fut pourtant le cas et le suicide se retrouve parmi les plus graves dans l’échelle des pêchés. Du fait du silence relatif de la Bible, l’Eglise n’élaborera que peu à peu une position cohérente. C’est avec La Cité de Dieu de Saint Augustin que s’instaure véritablement la doctrine rigoriste condamnant le suicide, doctrine qui restera celle de l’Eglise durant des siècles. Ainsi, peut-on lire sous la plume de Saint Augustin que « ceux qui sont coupables de leur mort n’ont pas accès à cette vie meilleure » que constitue la vie éternelle. L’interdiction du suicide est fondée sur le cinquième commandement de Moïse qui impose : « Tu ne tueras point », commandement qui s’applique aussi bien à soi-même qu’à autrui en vertu du fait que nul autre que Dieu, son créateur, ne peut disposer de la vie selon son bon vouloir. La vie est un don sacré et seul Dieu peut décider de son terme. Les bases théologiques de l’interdiction du suicide et de sa qualification comme crime, au même titre que le meurtre d’un tiers, se trouvent confirmées dans la scolastique de Saint Thomas d’Aquin. Les principes en sont les suivants : le suicide est un crime contre la nature et contre la charité puisqu’il contrevient à la tendance naturelle à vivre et au devoir de s’aimer soi-même. Il est de plus un crime contre la société dans la mesure où notre appartenance à une collectivité implique que nous ayons un rôle à y jouer, rôle auquel nul motif ne saurait justifier que l’on s’y dérobe. Enfin, le suicide est un attentat contre Dieu, seul dépositaire de notre vie. L’homme n’est en aucun cas propriétaire de sa propre destinée. A une époque où la religion constitue la manière de penser propre à la collectivité, la mentalité médiévale est fortement imprégnée par la condamnation de Saint Augustin et de Saint Thomas et partage leur sentence : le suicide est un crime, le désespoir un pêché et le suicidé un damné.

� Entre superstition et damnation : de l’explication religieuse du suicide au Moyen Age

De cette interdiction religieuse va découler une explication du suicide qui emprunte à la rhétorique non seulement du pêché mais plus encore à celle des forces du mal. La mise en cause d’une intervention du malin trouvera un écho profond dans la mentalité superstitieuse du Moyen Age. Dans sa thèse sur les représentations de la pendaison de Judas Iscariote, Anne Lafran montre que le suicide de Judas s’inscrit dans une réflexion théologique et philosophique sur le libre arbitre. Autrement dit, est-on libre de se tuer ? Le dogme catholique après Saint Thomas répond sans ambiguïté par la négative. Mais plus encore, la question est la suivante : peut-on même penser cette liberté ? En aucune façon. Notre vie ne nous appartient pas, elle dans les mains de Dieu et c’est un crime que de croire que l’on est libre de choisir sa mort. L’impossibilité de penser le suicide dans les termes du libre arbitre se trouve scellée par un procédé puissant. L’Eglise a recours au concept d’emprise démoniaque pour expliquer l’acte de se donner la mort. Dès lors que le suicide s’apparente à un piège diabolique, il ne s’agit plus d’une mort volontaire. La volonté mise hors de cause, la question de la liberté se trouve évacuée à son tour. La cause désignée de la mort volontaire réside dans le désespoir, la desesperatio, qui n’est autre l’acte du diable. En un mot, celui qui se suicide est possédé par Satan, « tenté par l’ennemi ». Comme l’explique Georges Minois, « le désespoir n’est pas un état psychique, mais un pêché, dû à l’action du diable, qui persuade le pêcheur de sa damnation certaine et lui fait douter de sa miséricorde certaine ». Cette association entre le désespoir conduisant au suicide et l’influence des forces du mal sur l’esprit de celui qui se tue fait du suicide nous l’avons dit le pêché parmi les pêchés. La condamnation du suicide joue un rôle essentiel dans l’établissement du pouvoir de l’Eglise sur la communauté dans la mesure où elle s’inscrit dans une pédagogie de la confession et de la « bonne mort » dispensée par cette dernière. En effet, au-delà des pratiques d’exorcisme parfois pratiquées pour lutter contre la possession démoniaque, la confession constituait le remède imaginé par l’Eglise au désespoir. Ce dernier consistant en un remord qui faisait douter

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du pardon divin, il importait par la confession de le transformer en un repentir. Confesser ses fautes et ses pêchés donnant accès au pardon et à l’absolution, permet de prévenir le suicide par remords et par crainte de sa damnation. Surtout, le lien entre le suicide et l’emprise du malin implique la stigmatisation de ceux qui se sont désolidarisés du corps social et des valeurs chrétiennes. Parmi les sanctions infligées à ce dernier, la première est son rejet symbolique et physique hors de la communauté. Loin du cimetière des croyants, il se voit refusé la sépulture chrétienne. La condamnation du suicide s’incarne dans la punition du cadavre qui subit le châtiment uni des autorités religieuses et civiles dans un rituel qui emprunte largement aux croyances superstitieuses de l’époque, rituels présents dans d’autres cultures dites primitives. Avant de brosser rapidement les peines que l’on infligeait au cadavre, il importe donc de mettre en avant le sens de cette punition. En effet, au-delà de la valeur d’exemple que comportaient ces sanctions publiques sur le cadavre, toute une nébuleuse de croyances voulait que le corps du mort soit enterré en de telles dispositions et de telle façon qu’il ne puisse plus venir hanter les vivants. D’où le fait qu’on lui enfonçait un pieu dans la poitrine et qu’il devait être enterré sous une route, à des carrefours, afin qu’il ne puisse sortir de terre. Perçu comme une forme de mort maléfique, la « male mort », il importait que le suicidé ne puisse ressurgir parmi les vivants. Mais avant la procédure de la sépulture en elle-même, le suicide donnait lieu à toute une procédure judiciaire instruite par les autorités civiles. C’est à celles-ci qu’il appartenait de décider du sort du cadavre en prononçant un verdict de suicide ou non. G. Minois rapporte une description de la procédure suivie dans la plupart des provinces françaises « en cas de mort suspecte », description qui date du début du XVIIe siècle mais qui était déjà en vigueur au moyen âge : « Après le procès-verbal décrivant les circonstances dans lesquelles on a trouvé le corps, les chirurgiens font un rapport. Une enquête alors est menée sur la vie et les mœurs du défunt ainsi que sur les causes probables de l’acte ayant provoqué la mort. Après quoi, un avis est envoyé aux parents et, s’il y a bien eu suicide, un curateur est nommé pour prendre la défense de la victime. […] Une fois la condamnation prononcée, on va chercher le cadavre, on le traîne sur une claie, face contre terre, et le cortège est précédé d’un sergent qui proclame la raison de l’exécution. » 2. Puis le cadavre est pendu la tête en bas, le corps en position inversée et laissé là à l’exposition de tous. De ce verdict prononcé par la justice civile dépendait également le sort de la famille. En effet, le suicide faisait l’objet d’un autre type de sanction : la confiscation des biens du mort.

� Répression et droit civil : de la confiscation des biens

La pratique de la confiscation des biens apparaît dès les années 1205 en France et stipule que les biens meubles ou immeubles, parfois les deux, sont confisqués à la famille pour revenir de plein droit au roi ou au seigneur. Ces confiscations, tout comme le droit à la sépulture du mort et le traitement du cadavre, dépendent de la qualification de la mort comme suicide mais aussi du type de suicide que l’enquête avait révélé. En effet, l’enquête permettait aux autorités de faire une distinction entre les suicidés « felo de se » - félon de soi-même - qui étaient reconnus coupables de crime et donc punis dans leur corps comme dans leur lignée, et ceux reconnus irresponsables sous la mention « non compos mentis ». Dans ce dernier cas, la famille ne souffrait pas la confiscation des biens. Laissant la famille le plus souvent sans ressources, la pratique de la confiscation a pu constituer une source de revenu assez importante pour les autorités. Comme le montre G. Minois, les intérêts économique liés à l’application rigoureuse de la loi ont pu maintenir longtemps un contrôle vigilant de l’Etat sur les procédures judiciaires et les condamnations, et ce notamment en Angleterre. A l’inverse, la solidarité villageoise et l’intérêt des familles tendaient à essayer de faire passer le mort pour fou. Déjà la folie fait son entrée dans le champ de l’explication de la mort volontaire, aux côtés du désespoir : ou le diable ou la folie. Ces explications rejetteront de manière durable le suicide comme choix dans l’inhumain, dans l’impensable, et finalement dans le silence.

2 « Le corps est pendu par les pieds à un gibet et, après son exposition jeté à la voirie avec les cadavres pourrissants des chevaux », cité par G. Minois, op. cit., p.165

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Outre la distinction des qualifications du suicide entre désespoir menant à la pénalisation et folie exonérant la sanction, la pratique réelle révèle des différences dans le traitement des suicidés selon ses motifs, la personnalité et l’origine sociale du suicidé. Plus fondamentalement, la pratique reste plus souple et plus nuancée que les réglementations canoniques et civiles en vigueur au Moyen Age. La morale distingue très tôt les suicides « coupables » des suicides « excusables ». Cette dichotomie ne disparaîtra pas au cours de siècles.

Des variations de la condamnation du suicide : des motifs, des classes et des moyens La condamnation du suicide est loin d’être monolithique et l’hostilité au suicide, si elle est bien réelle, concerne avant tout un certain type suicide, celui du peuple.

� Des suicides coupables Le suicide méprisable semble en effet concerner presque exclusivement le paysan ou l’artisan qui met fin à ses jours pour échapper à la misère. Le suicide est alors perçu, outre comme le pêché de désespoir, comme un acte de lâcheté suprême, comme une désertion ou encore comme une faiblesse de tempérament. Celui qui n’est pas assez courageux pour supporter la vie et ses aléas est semblable au soldat qui déserte devant la bataille. Il est par nature méprisable : « le mauvais suicide, le suicide mesquin, égoïste, le suicide du lâche qui fuit les épreuves est toujours celui du vilain, du manuel, de l’homme de métier. Et cela contribue grandement à déconsidérer cet acte3 ». A l’origine sociale méprisée du suicidé, s’ajoute des motifs perçus comme prosaïques, et égoïstes. Nulle noblesse et nul altruisme dans le fait de mettre un terme à ses jours parce que l’on vit dans la misère ou parce que la famine nous réduit à mendier, ou parce que nos dettes sont trop élevées. Rien de grandiloquent et rien d’excusable. En outre, le suicide « égoïste » se caractérise par un moyen qui semble lui être propre et qui de ce fait sera particulièrement condamné. Le mode de perpétuation du suicide dans le peuple réside alors essentiellement dans la pendaison et de manière moins répandue dans la noyade. La pendaison devient le symbole du suicide coupable et méprisable quand le suicide à l’arme blanche, à l’épée, est réservé aux nobles. Le suicide du peuple n’est ni motivé par de grandes idées ni en adéquation avec les canons de l’héroïsme et il s’exécute de manière grossière. « La corde est un genre de mort dont l’infamie est si bien décidée qu’un homme qui le choisirait dans le désespoir, à moins qu’il fût de la lie du peuple, serait irrémissiblement déshonoré parmi les honnêtes gens. Il faut le poison, le fer ou le feu. L’eau est encore un désespoir roturier4 ».

� Des suicides excusables Parmi les suicides qui sont excusables aux dires de la morale de l’époque sinon de la législation qui, elle, maintient une condamnation de principe, les suicides des nobles prennent une place importante. Ici, si les motifs qui conduisent à l’acte de se tuer sont pris en compte, la personnalité et, surtout, l’appartenance sociale du suicidé sont déterminantes. La morale commune juge les raisons du suicide, ses circonstances et s’appuie même sur des critères esthétiques. Ainsi, le suicide à l’arme blanche incarne la noblesse du suicide par amour ou par bravoure, quand le suicide par noyade ou pendaison renvoyait aux affres personnels et égoïstes d’un individu impuissant à transformer son existence ou à trouver le courage de la supporter. Là où le paysan miséreux, la veuve ou encore l’artisan ruiné succombaient au désespoir, le noble qui se tue fait preuve d’un courage que la littérature assimilera à l’héroïsme. Là où le suicide du rustre s’apparentait à une désertion et à un abandon, le suicide du noble est au contraire le signe de sa liberté et de sa capacité à maîtriser le cours de son existence. Les raisons motivant l’acte de se tuer vont permettre d’établir une sorte de classification des suicides. Certains pourront être excusés par la beauté du geste, d’autres seront haïssables. Sans que l’on puisse ici rentrer dans les détails des argumentations en faveur ou contre le suicide qui se sont développées au long des siècles sous la plume de philosophes, de religieux et de juristes, il importe de souligner l’effort de recensement et de classification théoriques des suicides qu’ont entrepris les casuistes catholiques au XVIIe siècle. Dans le but d’édifier une morale concrète qui puisse répondre à tous les cas de figure, les casuistes ont tenté de classifier et d’envisager tous les types de suicides possibles afin de dire s’ils étaient permis dans 3G. Minois, op. cit., p. 54 4 Propos de Denesle en 1766, cité par G. Minois, op. cit., p. 321

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certains cas et si oui dans lesquels. Il est impossible de recenser ici tous ces débats, l’essentiel étant de retenir que de nombreuses classifications ont été élaborées afin de définir quels types de mort volontaire étaient acceptables et quels autres étaient interdits. Poser la question du suicide et de sa perception est donc une entreprise difficile dans la mesure où nulle part et de nul temps le suicide n’a fait l’objet d’une appréhension unique et claire. Toujours et partout il s’est trouvé des exceptions et des désaccords sur le jugement à porter. Au XVIIe siècle, un consensus s’installe parmi les juristes pour établir une distinction entre les suicides coupables et ceux qui doivent être excusés donc exonérés de sanction judiciaire. Ainsi, la confiscation des biens doit être évité aux familles lorsque celui qui se tue le fait à la suite d’une grande souffrance, d’un malheur ou encore d’une faiblesse d’esprit.

� Des inégalités face aux suicides Plus fondamentalement, là où la morale fait des distinctions, l’application du droit fait des exceptions. Les procès pour mort volontaire n’ont quasiment jamais lieu lorsque le mort est issu de l’aristocratie. Le verdict de folie et parfois de mort naturelle ou accidentelle est systématiquement prononcé, ce qui évite tout procès et toute sanction. De même, autre catégorie sociale qui échappe toujours à la justice et à la sanction, les suicidés membres du clergé ne sont pas traduit en justice. Les victimes sont enterrées chrétiennement. Le plus souvent, pour éviter tout scandale, les autorités religieuses dissimulaient tout simplement les suicides d’ecclésiastiques. G. Minois rapporte un extrait d’un article publié au XVIIIe siècle dans le Connoisseur, en Angleterre qui rend assez bien compte des inégalités de traitement des suicidés suivant leurs origine sociales : « Un pauvre gueux sans le sou peut être exclu du cimetière, mais le suicide avec un pistolet finement ciselé ou une épée à la garde parisienne mérite à l’élégant propriétaire un enterrement pompeux et un monument vantant ses vertus à Westminster Abbey »5. L’approche religieuse du suicide condamne sans appel ce qu’elle qualifie de crime et renvoie la question de la mort volontaire à l’action des puissances malines. L’approche morale du suicide distingue elle les motivations nobles qui sont le signe de l’héroïsme et de la liberté et les raisons méprisables des lâches. Peu à peu cependant une véritable réflexion sur le suicide va éclore, faisant passer le suicide du champ de la morale au champ de la médecine. Si la légitimité du suicide reste ininterrogée, le passage d’une explication religieuse à une explication causale est opéré et le suicide devient davantage du ressort des médecins et de la science que de l’Eglise. De la sécularisation du suicide : Esquisse de la psychologie suicidaire (P. 281) Dès le XVIe siècle, certains médecins et intellectuels se penchent sur le processus psychologique qui conduit au suicide. De l’explication religieuse du désespoir on passe à une notion qui n’est plus morale mais psychologique : la mélancolie.

� Explications physiologiques et médicales : la mélancolie La mélancolie est aux yeux de ces médecins une maladie, et elle pousse au suicide. Apparentée le plus souvent à un excès de bile noire, la mélancolie est réputée conduire à une rumination morbide qui conduit à désirer la mort. En 1621, dans Anatomy of Melancholy, Robert Burton décrit la mélancolie comme un mal physiologique et en fait un trait inné, acquis dès la naissance. Ce mal est cependant susceptible d’être soigné et il préconise un traitement qui doit s’appuyer sur l’environnement social et le comportement de la personne atteinte. Traitement psychosomatique qui recommande au malade qui souffre de mélancolie d’écouter de la musique, de respirer de l’air pur, de bonnes odeurs, et de diversifier ses activités. Il préconise comme certains de ses confrères de l’époque du vin et des mélanges d’herbes. La lecture et l’étude pratiquées de manière trop intense lui semblent être néfastes et favoriser au contraire le penchant mélancolique. Le principe du traitement réside essentiellement dans le fait de mener une vie équilibrée et de pratiquer des activités qui détournent de ce que l’on pourrait appeler aujourd’hui l’introspection. Si ce mal peut être soigné et le passage à l’acte évité, il peut à l’inverse s’aggraver du fait de certaines circonstances telles que la misère, la maladie physique, la perte d’un être aimé, ou encore l’éducation. Surtout, il existe deux facteurs particulièrement aggravant que sont la jalousie et la peur religieuse.

5 G. Minois, op. cit., p. 176

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Dans le même ordre d’idées, le médecin Thomas Willis repère un cycle « maniaco-dépressif » et montre que la mélancolie peut s’aggraver et se transformer en fureur et engendrer des crises suicidaires. Il définit la mélancolie comme « une folie sans fièvre ni fureur, accompagnée de crainte et de tristesse6 ». Ce type de folie trouve son origine dans un dérèglement des esprits animaux du cerveau. Descartes avance le même type d’explication, en mettant en cause le manque d’égalité dans l’agitation des esprits animaux. Les « thérapies antimélancoliques » varient d’une explication médicale à une autre. Ainsi, la dépression a pu être traitée par des transfusions sanguines pour lutter contre l’excès de bile noire présente dans le sang du malade réputé être la cause de sa mélancolie. Si les explications varient et si elles appartiennent à une conception de la médecine propre à une époque, ce courant a ceci de décisif que le suicide lui apparaît comme la résultante d’une maladie de l’esprit favorisée par des circonstances extérieures difficiles. Cette nouvelle appréhension du suicide a pour conséquence non seulement de le séculariser en désacralisant ses causes mais aussi de le déculpabiliser. Tout un courant de médecins et de philosophes du XVIIe et du XVIIIe siècles envisagera le suicide comme une conséquence de désordres physiologiques dus à la mélancolie. Fruit de lésions des fonctions ou déséquilibre du cerveau, le suicide relève désormais aux yeux de certains de la médecine plus que de la religion. La mélancolie est définie comme un type de folie. S’il ne s’agit plus du diable ni de causes surnaturelles, il reste que le suicide demeure impensable hors du cadre de la folie. La question du libre arbitre face à la mort n’est pas moins occultée par la médecine qu’elle ne l’avait été par la religion. Bien au contraire, l’âge classique redouble le silence qui pesait sur la rationalité et la légitimité du la mort volontaire, en témoigne le traitement réservé à ceux qui réchappaient de leur tentative.

� De l’objection de la folie : du « non compos mentis » à l’internement Ceux qui tentent de se suicider se retrouvent enfermés au même titre que les fous dans les maisons d’internement. Loin d’ouvrir la réflexion sur les motivations subjectives et sur la possibilité d’un choix éclairé en la matière, la médecine en faisant du suicide l’aboutissement possible de la folie a contribué à ranger les suicidés qui ont survécu aux bans de tous ceux que la société considérait comme en inadéquation avec elle-même. Au Moyen Age, on rejetait les suicidés hors de la communauté en refusant à leur cadavre la sépulture chrétienne. A l’âge classique, on fait de même avec ceux qui n’ont pas réussi à se tuer, on les exclu de la collectivité en les internant. Comme le décrit M. Foucault7, on retrouve dans les maisons d’internement toutes les catégories de la profanation et parmi elles, ceux qui ont « voulu se défaire ». Le traitement du suicide répond aux mêmes évolutions que les autres genres de blasphèmes : « jusqu’au milieu du XVIe siècle, les violences du verbe et du geste relèvent de vieilles peines religieuses : carcan, pilori, incision des lèvres au fer rouge […] ». De même, le suicide était puni dans la chair du cadavre. A partir de la seconde moitié du siècle, les maisons d’internement prendront le relais : « les maisons d’internement jusqu’à la fin du XVIIIe siècle sont pleines de « blasphémateurs », et de tous ceux qui ont fait acte de profanation. Le blasphème n’a pas disparu […] Il est devenu affaire de désordre : extravagance de la parole qui est à mi-chemin du trouble de l’esprit et de l’impiété de cœur ». M. Foucault souligne le caractère emblématique du suicide à cet égard : « Cette évolution dans le régime des blasphèmes et des profanations, on pourrait la retrouver assez exactement à propos du suicide, qui fut longtemps de l’ordre du crime et du sacrilège ; et à ce titre le suicide manqué devait être puni de mort. […] Mais, ici comme pour les profanations, comme pour les crimes sexuels, la rigueur de l’ordonnance [de 1670] semble autoriser toute une pratique extrajudiciaire dans laquelle le suicide n’a plus valeur de profanation. Sur les registres des maisons d’internement, on rencontre souvent la mention « a voulu se défaire » […]. En elle-même, la tentative de suicide indique un désordre de l’âme qu’il faut réduire par la contrainte. On ne condamne plus ceux qui ont cherché à se suicider, on les enferme, et on leur impose un régime qui est à la fois une punition et un moyen de prévenir toute nouvelle tentative. » Ce « régime » consistait à les soumettre à ce que M. Foucault appelle les « appareils de contrainte » utilisés plus tard comme thérapeutique par les scientifiques du XIXe. Ces appareils qui consistaient en une cage en osier, dont seule la tête pouvait sortir et dans laquelle on avait les mains liées, ont été pour la première fois appliqués à cette nouvelle catégorie de fous, les mélancoliques qui avaient tenté de se suicider.

� Du religieux à la morale : le XIXe siècle et la culpabilisation du suicide Le suicide reste donc hors du champ de la rationalité. Le passage du religieux à la science n’a pas fondamentalement changé les termes du problème. Il n‘est plus crime mais désordre, il n’est plus perçu sous

6 G. Minois, op. cit., p. 167 7 M. Foucault, Histoire de la folie à l’âge classique, Gallimard, collection Tel, Paris, 1972, pp. 106-116

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le prisme d’un attentat contre Dieu mais comme une insulte à la morale. « Il appartient sans doute à la culture occidentale, dans ses trois derniers siècles, d’avoir fondé une science de l’homme sur la moralisation de ce qui avait été autrefois, pour elle, le sacré8. » La médecine du XIXe siècle contribuera à son tour à faire du suicide « une maladie honteuse ». Comme le montre G. Minois9, le Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale ou la manie du docteur Pinel attribue la tendance suicidaire à une faiblesse d’esprit et préconise pour guérir le malade un choc violent. Surtout, il est d’avis que la répression est encore le meilleur moyen de prévenir les tendances suicidaires : « Des moyens énergétiques de répression et un appareil imposant de terreur doivent seconder les autres effets du traitement médical et du régime10 ». La médecine répond au désir de mort volontaire par un traitement davantage moral que proprement médical. On parle de « sédatifs moraux » tels que la douche froide, l’isolement, la faim et la soif et d’autres procédés du genre impliquant des instruments tels que des « fauteuils de répression ». Il est aussi question de traitements psychologiques consistant à porter atteinte à leur amour propre. Ainsi, on peut lire sous la plume d’un médecin de l’époque : « N’employez pas les consolations, car elles sont inutiles ; n’ayez pas recours aux raisonnements, ils ne persuadent pas. […] Beaucoup de sang-froid et, quand cela devient nécessaire, de la sévérité. Que votre raison soit leur règle de conduite. Une seule corde vibre encore chez eux, celle de la douleur ; ayez assez de force pour la toucher11 ». D’autres explications attribuent le comportement suicidaire à un excès de liberté ou encore à l’absence de foi. « Si l’homme n’a pas point fortifié son âme par les croyances religieuses, par les préceptes de la morale, par les habitudes d’ordre et de conduite régulière, s’il na pas appris à respecter les lois, à remplir ses devoirs envers la société, à supporter les vicissitudes de la vie, […], il sera plus disposé que tout autre à terminer volontairement son existence dès qu’il éprouvera quelques chagrins ou quelques revers. » C’est un véritable réquisitoire moral que l’on lit sous la plume du fondateur de la théorie psychiatrique qu’a été Esquirol, bien plus qu’une explication d’ordre psychique. Le XIXe siècle verra ainsi le glissement de la médecine à la morale et même à la moralisation en matière de suicide. Celui-ci sera perçu comme une atteinte aux valeurs de la société. Bien que dépénalisée depuis la Révolution française, la mort volontaire reste l’objet des condamnations. Le suicide ne fait plus désormais l’objet d’une procédure pénale ni de sanctions, mais il fait partie des interdits sociaux. La question de la liberté de l’homme face à la mort est plus que jamais taboue dans une société qui verra le suicide devenir un objet d’étude non plus seulement pour la médecine et la psychiatrie mais aussi pour la sociologie. La tentative d’explication sociologique du suicide débouchera à son tour et malgré elle sur une condamnation morale : la sociologie en s’emparant de l’objet de la médecine met en cause la société, ce qui a pour conséquence de cristalliser encore un peu plus la culpabilisation et le tabou qui entourent la mort volontaire.

Des causes sociologiques du suicide La révélation du rôle des facteurs socio-économiques parmi les causes possibles du suicide est antérieure à l’approche sociologique proprement dite. Ces premières mises en cause sociales tendaient davantage à déculpabiliser le suicide. Elles avaient en effet vocation à favoriser sa dépénalisation en faisant du suicidé une victime et non un criminel. Dès le XVIIIe siècle, il s’est trouvé des auteurs parmi lesquels Diderot pour souligner le rôle des conditions socioéconomiques. Cette première approche met l’accent sur les causes du suicide davantage que sur l’acte lui-même et insiste par conséquent sur la prévention du suicide, délégitimant sa pénalisation.

� Des causes socioéconomiques et de la question de la prévention (la misère) John Sym

Dès 1637, le Traité12 consacré entièrement à la question du suicide du pasteur anglican John Sym pose la question du suicide sous l’angle de sa prévention : « On empêche moins le meurtre de soi-même en

8 M. Foucault, op. cit., pp. 106-116 9 G. Minois, op. cit., pp. 366-367 10 Cité par G. Minois, op. cit., p. 367 11 Cité cité par G. Minois, op. cit., p. 367 12 John Sym, La préservation de la vie contre le meurtre de soi-même, ou Traité utile concernant la vie et le meurtre de soi-même.

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fournissant des arguments contre l’acte […] qu’en découvrant et en éliminant les motifs et les causes qui poussent à l’accomplir13 ». Outre la démence, J. Sym évoque parmi ces causes les gens de pauvre condition qui ont souffert de grands malheurs. Sans que les facteurs sociaux et économiques ne soient déjà directement mis en cause, l’idée que la misère puisse être un déterminant du passage à l’acte apparaît déjà en filigrane. Il faudra attendre le siècle des Lumières pour que les explications d’ordre sociologique fassent leur entière apparition dans le champ des causes du suicide. Diderot, bien qu’hostile au suicide, s’interroge hors de tout prisme moral sur les facteurs déclenchants et ce faisant, sur les moyens de prévenir ce phénomène. La lutte contre le suicide passe selon lui par l’instauration et la garantie de conditions sociales, politiques et culturelles à mêmes de détourner les hommes du pessimisme et du désespoir. C‘est en luttant contre les maux qui mènent à l’acte de se tuer et non par des discours moraux et des argumentaires théoriques que l’on peut agir contre le suicide : « Voici les causes principales du suicide. Si les opérations du gouvernement précipitent dans une misère subite un grand nombre de sujets, attendons-nous à des suicides […]14 ». La mise en cause des conditions de vie et du rôle du pouvoir civil ne saurait être plus explicite. La prévention des tendances suicidaires ne peut faire l’économie d’une lutte plus vaste qui dépasse le cadre strict du destin individuel et passe au contraire par la lutte contre la misère et l’injustice, contre la tyrannie et l’ignorance. En un mot, la clef ne réside plus dans une vie équilibrée et des mœurs saines mais dans un ordre social et politique juste qui garantisse à chacun des conditions de vie meilleures. A l’instar de Diderot, on peut lire sous la plume de Delisle de Sales la même indignation face à l’unique réponse du pouvoir au suicide que constitue la pénalisation : « Si on mettait la politique à prévenir les suicides plutôt qu’à les punir15 ! » La mise en évidence de l’impact des facteurs sociaux, économiques et politiques s’accompagne d’une mise en cause du rôle du pouvoir politique aussi bien du point de vue de sa réponse inadéquate, la répression, que de sa responsabilité dans l’instauration d’une société juste. Ces explications causales posent en effet la question de la capacité de l’Etat à garantir un ordre social équitable. Cette mise en cause du pouvoir, bien que déresponsabilisant le suicidé et plaidant pour la dépénalisation de la mort volontaire, aura des conséquences funestes. Le pouvoir, sur la défensive, verra dans le suicide une attaque contre sa légitimité et l’ouverture d’une brèche dans son autorité. Dès lors, le suicide apparaît comme « une accusation contre le corps social et ses responsables. […] Le suicide est un reproche, une accusation, voire une insulte aux vivants et, surtout, à ceux qui ont à charge le bonheur de la collectivité16 ». Surtout, celui qui se désolidarise volontairement du corps social témoigne de sa défiance envers les croyances et la morale établies. Le suicide s’apparente aux yeux du pouvoir à un déni de son idéologie et de sa compétence. D’autres tentatives explicatives empreintes de sociologie verront le jour sous la plume d’un Montesquieu ou d’une Madame de Staël, tantôt mettant l’accent sur l’influence du climat, tantôt distinguant les types de suicides, suicides d’amour, suicides philosophiques ou suicides criminels. Mais la première véritable étude proprement sociologique sur le sujet revient à E. Durkheim.

� Responsabilité gouvernementale : répression et tabou (Durkheim et autres explications sociologique (p. 337)

L’étude de Durkheim17 au XIXe attribuera au suicide des causes proprement sociologiques. Elles ne sont plus à chercher dans des motifs subjectifs mais dans l’environnement social structurel du suicidant ou du suicidé. Durkheim met en évidence des variations concomitantes fondées sur des statistiques dans lesquelles les taux de suicides sont mis en relation avec les autres grandeurs que sont le statut matrimonial, la religion et les indicateurs économiques. De là, son analyse conclut que le suicide est la résultante de forces qui ne dépendent pas de l’individu mais de réalités sociales qui le transcendent. Les causes sociales du suicide permettent d’identifier trois types distincts de mort volontaire : le suicide égoïste, le suicide altruiste et le suicide anomique. Le premier type de suicide concerne les individus les moins bien intégrés dans les structures sociales que sont le groupe familial, la communauté religieuse ou la collectivité politique. Le suicide altruiste touche lui les individus qui sont au contraire membres de sociétés très intégratrices et dans lesquelles il peut être légitime de se sacrifier pour les autres. Enfin, le suicide

13 Cité par G. Minois, op. cit., p. 162. 14 Diderot, cité par G. Minois, op. cit., p. 275 15 Delisle de Sales in Mémoires adressé aux législateurs par la veuve d’un citoyen puni pour crime de suicide, cité par G. Minois,op. cit., p. 277 16 G. Minois, op. cit.,p. 139.S 17 E ; Durkheim, Le suicide, Paris, 1897

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anomique est induit par les bouleversements de la société du XIXe siècle, par les effets désintégrateurs de l’industrialisation, société déréglée et anarchique qui laisse l’individu livré à lui-même. Si le suicide devient un objet d’étude légitime pour la psychiatrie et pour la sociologie au XIXe siècle, si les statistiques apportent la preuve du phénomène et permettent de lui chercher des causes, rien ne permet de conclure qu’objet d’étude le suicide devient compréhensible. Un abîme demeure entre l’explication du suicide et la tentative de compréhension de la mort volontaire et de son désir. Si l’étude de Durkheim met en lumière des facteurs sociaux, elle ne s’accompagne aucunement d’une remise en cause de la société par elle-même et le phénomène, bien que partiellement expliqué, doit rester dans l’ombre, dans le silence que l’on impose à ce qui accuse ou du moins qui dérange l’ordre établi. Taboue elle aussi est la question du droit de libre mort. La sociologie durkheimienne évacue d’un geste les motifs individuels et subjectifs désignés comme une forme de rationalisation ad hoc de la part de ceux qui ont été victimes de forces sociales qu’ils ne maîtrisent pas. Ces motifs individuels sont pourtant apparus sur la scène à travers la multiplication et la lente systématisation des lettres laissées par les suicidés pour expliquer et justifier leur acte. Déposséder le suicidé de sa subjectivité, lui ôter le sens qu’il donne à son acte, revient à nouveau à occulter le véritable questionnement que pose le suicide. La question existentielle est tue, choquante, inconvenante et du fait de l’explication sociologique inutile, voire farfelue.

� Halbwachs et la réhabilitation de la subjectivité au cœur des déterminismes sociaux Il y aura pourtant un auteur qui fera une place à la subjectivité des suicidés et des suicidants : Maurice Halbwachs réhabilitera l’importance des motifs individuels en tentant de concilier une approche sociologique et la prise en compte des propriétés individuelles des suicidés. Selon lui, la perte d’un emploi, les revers de fortune, la misère, les chagrins de famille ou encore l’amour et la jalousie sont parmi d’autres des causes à part entière du suicide. Si ces motifs subjectifs « dépendent de la structure du corps social », ils n’en constituent pas moins des causes explicatives pertinentes. Là où la sociologie d’Halbwachs constitue un apport décisif dans l’étude et l’appréhension scientifique du suicide, c’est dans sa capacité à rompre la frontière inébranlable qui sépare, d’un côté, la psychiatrie et, de l’autre, la sociologie. Il n’y a pas pour lui deux types distincts de suicide, dont un relèverait de la psychiatrie, le suicide dû à une déterminisme organique et à un désordre psychique, et un autre qui relèverait d’un déterminisme social et par conséquent de la sociologie. Il permet, contrairement à Durkheim pour qui aucun lien n’existait entre le suicide et la folie ou la névrose, une conception « plus complémentaire et pacifiée des relations entre psychiatrie et sociologie ». « Chaque suicide relève à la fois des deux points de vue. « Suivant qu’on se place à l’un ou à l’autre, on y verra l’effet d’un trouble nerveux, qui relève de causes organiques, ou d’une rupture de l’équilibre collectif qui résulte de causes sociales. » C’est le point de vue qui crée l’objet. 18 ». Dès lors le défi est de s’interroger sur l’interaction des motifs psychologiques et psychiques et des facteurs sociologiques. Autrement dit, quels sont les effets que produisent les déterminants sociologiques du suicide sur l’état de santé physique et psychique des individus ? Il ne nous est pas possible de rentrer plus en profondeur dans l’analyse d’Halbwachs, ni dans celles de ses successeurs. Sa contribution est cependant essentielle en ce qui concerne notre objet dans la mesure où il réintroduit la question de la subjectivité au cœur d’une explication scientifique de type causal. La question du suicide reste difficilement appréhendable hors d’un retour à l’individu lui-même. Historiquement, c’est peut-être au sein de la philosophie que l’on peut trouver les interrogations les plus nombreuses et les plus poussées sur la motivation et le caractère existentiel de l’acte suicidaire. La science ne répond pas au pourquoi, ni ne s’intéresse à un cas particulier mais tente davantage d’appréhender un phénomène dans lequel les différents suicides se fondent en un seul et unique objet d’étude.

18 BAUDELOT Christian, ESTABLET Roger (2006), « Suicide : changement de régime. Un observateur hors pair, Maurice Halbwachs », intervention au colloque « Dialogue avec Maurice Halbwachs », Paris, décembre 2005. Liens socio, janvier 2006 [http://www.lienssocio.org/article.php3?id_article=1116]

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Conclusion : de la morale des Anciens et du questionnement philosophique Dans ce panorama rapide de la perception et du traitement de la mort volontaire à travers l’histoire, nous avons passé sous silence l’effort des philosophes pour penser l’acte de se tuer. Pourtant si l’on cherche l’interrogation toujours occultée par les autorités religieuses et civiles sur le droit de libre mort ou du moins sur sa rationalité, c’est bien dans leurs ouvrages qu’il faut se plonger. Moore, Hume, Montaigne, Madame de Staël, Voltaire et bien d’autres se sont posés la question des raisons et de la légitimité qu’a un individu de choisir ou non de sa mort. Bien avant eux, les Grecs et les Romains ont écrit sur la question et nombreux sont les suicides célèbres de l’Antiquité. Faire un inventaire des différentes positions ou le tour des innombrables auteurs qui se sont penchés sur la question nous est impossible. Souligner le fait que le questionnement a bel et bien existé sous la plume des philosophes et insister sur l’absence de réponse définitive permet cependant de voir sous un autre jour la perception du suicide et son évolution à travers les siècles.

� Les Antiques et l’exception de la vieillesse et de la souffrance Le suicide provoqué par les souffrances physiques et la vieillesse a une place privilégiée dans la réflexion menée par les Anciens. C’est particulièrement vrai des philosophies de l’art de vivre que sont l’épicurisme et le stoïcisme. Dans une philosophie qui fixe le bonheur comme fin, but suprême de la vie, il n’est pas étonnant que la vieillesse et la souffrance apparaissent comme des motifs légitimes de la mort volontaire. En effet, tant qu’un homme jouit pleinement de ses facultés, de son corps comme de son esprit, tant qu’il est à même de mener une vie digne, le suicide apparaît illégitime et inutile. Mais dès lors que les maux de la vieillesse sont un obstacle à une vie décente et au bien vivre, il n’est plus aucune raison de prolonger ce mal : « Pour moi, je ne fausserai point compagnie à la vieillesse, pourvu qu’elle me laisse en mon entier, j’entends de la meilleure partie de moi-même. Mais si elle vient à ébranler mon esprit, à altérer ses fonctions, s’il ne me reste qu’une âme destituée de raison, je délogerai de cette maison, la voyant ruinée, prête à tomber. » Pour Sénèque une vie de souffrance, trop loin du bonheur, peut justifier que l’on choisisse de la quitter : « Si je sais que je doive souffrir perpétuellement, je me tirerai de la vie, non pas tant à cause de la douleur, mais à cause de l’incommodité qu’elle m’apporterait dans les actions de la vie. En effet, j’estime lâche celui qui meurt de peur de souffrir, et sot celui qui vit pour souffrir19 ». Mettre fin à une vie amoindrie par les souffrances de la vieillesse n’est nullement une preuve de lâcheté. Il n’est point question de se dérober mais de vivre une vie digne, autrement une vie qui vaille la peine d’être vécue. Le choix de la mort volontaire n’est autre que le choix de la vie que l’on veut mener, voire que l’on est en droit de mener. S’il nous faut poursuivre le bonheur, et qu’il ne nous est plus possible de l’atteindre au regard de nos capacités diminuées, quel propos y a-t-il à continuer une vie qui n’en est plus une ? Telle est la question que pose Sénèque et les stoïciens et qui retentira dans la Rome antique. La vieillesse en soi ne constitue nullement un motif valable. Le choix d’une vie heureuse oui. Diogène Laërce exprime parfaitement cette vision du suicide lorsqu’il fait parler son maître : « Quelqu’un lui disait : « Vivre est un mal. – Non, dit-il, mais mal vivre »20 ».

� Le suicide politique : la liberté suprême Aux yeux des hommes de l’Antiquité, nul Dieu, nul tribunal n’interdit le suicide. La vie n’est pas comprise comme un don divin ni comme un droit et de ce fait, il incombe au citoyen d’en décider pour lui-même. Le droit romain laisse chacun libre de décider de sa mort. Le suicide n’est pas perçu en soi comme un acte répréhensible, mais là encore les motifs de l’acte sont primordiaux. Ainsi, pour Cicéron, la valeur du suicide est d’abord affaire de motifs, il n’est en lui-même ni héroïque ni condamnable. Le suicide politique d’un Caton fait figure d’emblème, il est l’expression de la liberté de l’homme face à son destin. Suicide patriotique, suicide républicain, il honore celui qui préfère mourir plutôt que trahir ses idéaux. Nombreux sont les exemples de suicides illustres qui seront redécouverts à la Renaissance suscitant l’admiration des hommes de lettres et des humanistes. Lucrèce qui se tue après avoir été violée, Brutus après avoir tué César ou encore Cléopâtre, Sénèque et bien d’autres. Loin d’avoir porté un regard unique et un jugement monolithique sur le suicide, l’Antiquité portait un regard différencié sur les suicides en interrogeant ses motivations et en reconnaissant la liberté de l’homme face à sa mort. Elle ne fut pas exempte de condamnations, parmi lesquelles celle d’un Aristote pour qui aucun suicide ne saurait être excusé. C’est une injustice contre soi-même et contre la collectivité. Mais, si les points de vue étaient nuancés, du moins l’Antiquité a-t-elle eu le mérite de poser ouvertement la question du droit de libre mort et l’intuition de la diversité des suicides. 19 Sénèque, cité par G. Minois, op. cit., p. 68 20 Diogène Laërce, cité par G. Minois, op. cit., p. 58

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� Du sens de la vie au choix de la mort L’interrogation existentielle sur le sens de la vie et sur la légitimité du choix de se tuer est également posée. Le suicide « par dégoût de la vie » qui sera totalement refoulé hors des catégories de l’entendement par le Moyen Age n’est pas inconnu des Anciens qui, des siècles avant Hamlet se posent en quelque sorte la question d’« être ou ne pas être ? ». Ainsi le poète Lucrèce fait partie de ceux qui ont su exprimer ce que l’on appelait le Taedium Vitae, cette lassitude de vivre qui prend sa source dans un pessimisme né de l’observation de la destinée de l’humanité. La question existentielle du sens de la vie est au cœur des suicides de celui qui comme l’exprime le poète Lucrèce « cherche à se fuir soi-même, sans pouvoir, évidemment, s’évader, restant attaché à soi malgré soi et se prenant en haine21 ». A la question d’Hamlet, fait écho l’affirmation de Macbeth pour qui l’existence n’est qu’ « une ombre mouvante, un pauvre comédien, qui s’agite un moment sur la scène, et puis qu’on n’entend plus. C’est une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur et qui n’a pas de sens22 ». L’absurdité de l’existence, les maux que la vie inflige sont autant sinon de justifications du moins d’interrogations qui contraignent à un véritable questionnement le suicide comme choix. Le suicide réfléchi, rationnel et conscient n’est plus là rejeté aux bans des insanités, ni contré par l’objection de la folie. C’est définitivement au cœur de la littérature, du théâtre et de la philosophie que l’interrogation a droit de cité et ne s’en prive pas.

� L’incommunicabilité d’une morale en situation Montaigne, Hume, Voltaire, et bien d’autres, confrontés à des expériences concrètes de mort volontaire, arriveront à la même conclusion : l’acte suicidaire n’a pas de réponse simple ni théorique. On ne peut penser le suicide dans l’absolu. Il est avant tout une question de morale en situation avant que d’être un objet d’étude théorique. C’est en situation qu’il faut juger le suicide et non en soi. Mais peut-on même le juger ? Aucun suicide n’est le même et les raisons définitives de l’acte ne sont nullement appréhendables par autrui. Au-delà de la tentative pour saisir les causes du désir de mort, les clefs du passage à l’acte sont introuvables. La leçon des philosophes tient en un mot : l’incommunicabilité. Nous empruntons la conclusion de cette brève perspective historique à Henri de Montherlant23 : « Il n’y a rien de plus mystérieux qu’un suicide. Quand j’entends expliquer les raisons de tel suicide, j’ai toujours l’impression d’être sacrilège. Car il n’y a que le suicidé qui les ait connues, et qui ait été en mesure de les comprendre. Je ne dis pas de les faire comprendre ; elles sont le plus souvent multiples et inextricables, et hors de portée d’un tiers. » Si la leçon des penseurs est celle de l’incommunicabilité du passage à l’acte du suicide, elle n’est nullement celle de l’inaction. Tous ont tenté de réfléchir aux causes du suicide et à la façon de le prévenir. A bien des égards ils ont su préfigurer les explications sociologiques et médicales. Les mots d’Henri de Montherlant plaident non pour une résignation mais pour une approche du phénomène suicidaire qui sorte enfin du prisme moral. La leçon qu’il tire est d’abord celui du refus du jugement du suicidé ou du suicidant. S’il faut tenter d’expliquer et d’agir sur le phénomène suicidaire, il faut cesser de le juger à l’aune de principes moraux impuissants à le comprendre et stériles à le prévenir.

21 Lucrèce, cité par G. Minois, op. cit., p. 66 22Shakespeare, Macbeth 23 H. de Montherlant, in Le Treizième César, cité par G. Minois, op. cit., p. 374

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Jacques Bonneau, TMO Régions -

Tentatives de suicide et décès par suicide, quelques points de repère sur la situation bretonne

comparée à la situation nationale L’approche épidémiologique du phénomène du suicide est véritablement délicate. Les chiffres sont objectivement difficiles à collecter, à comparer. On fait ici le choix de ne pas entrer dans la description des difficultés méthodologiques en renvoyant au texte très documenté d’Odile Piquet. On a cherché à se focaliser sur les grandes tendances (les spécialistes voudront bien excuser des raccourcis (qu’ils pourraient parfois juger comme rapides) afin de faciliter l’introduction à la question du suicide en Bretagne. Il convient tout d’abord de souligner qu’on est conduit à raisonner sur 3 concepts qui doivent clairement être distingués comme vont le montrer les pages suivantes :

• les tentatives de suicide, • les suicidants : personnes ayant fait une ou plusieurs tentatives, • les décès par suicide (suicidés).

La littérature ne fait pas ou peu référence au nombre de suicidants (absence de données sur le nombre moyen de tentatives pour un suicidant). Pour les deux autres concepts, si les données sur les suicidés sont comparativement plus nombreuses que celles sur les tentatives de suicide, il semble important dans une logique de prévention de connaitre la situation bretonne au regard des deux phénomènes. Dans ce cadre, on peut résumer la situation de la manière suivante :

Tentatives de suicide et décès par suicide, données comparatives entre la Bretagne et la France Métropolitaine

Estimation pour l’année 2002

Population de 15 ans et plus

Estimation du nombre

de tentatives de suicide

(TS) (a)

Taux de TS pour 10

000 habitants de 15 ans et plus

Nombre de décès par suicide

Taux de décès par suicide pour

10 000 habitants de 15 ans et plus

Nombre de tentatives pour un décès

Bretagne 2 416 000 11 700 48 861 3,6 14

France Métropolitaine 48 193 500 195 000 40 10 632 2,2 15

Part de la Bretagne 5,0% 7,2% 8,1% Ecart relatif Bretagne / France

+43% +62% -8%

Les sources de ces données sont décrites lors des pages suivantes (a) prises en charges par les services d’urgences des établissements de santé et non pas par l’intégralité du système de soins, (on couvre au niveau national 83% des TS)

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1 LES TENTATIVES DE SUICIDE, DONNEES DE CADRAGE Comme mentionné en introduction, l’accès à des données statistiques sur les tentatives de suicide est difficile. Au niveau national, il n’existe pas de registre, on procède donc par enquête et estimation. En Bretagne, un registre a été mis en place depuis peu. Les données disponibles ne concernent pas toujours les mêmes années, alors qu’on pourrait observer des évolutions (à l’instar de ce qu’on observe sur les suicides). Rappelons enfin qu’on mesure ici des tentatives et non pas des suicidants, une personne ayant pu faire plusieurs tentatives lors d’une même année. 1.1 Au niveau national Estimation de 195 000 tentatives de suicide en France Métropolitaine en 2002 (estimation du nombre de TS prises en charge par l’ensemble du système de soins). Estimation 2002 population 15 ans et plus France Métropolitaine : 48 255 000 personnes Soit un taux de TS pour 10 000 personnes de 40 en 2002

Source : DREES, Ministère de la Santé et des Solidarités revue Etudes et Résultats, numéro 488, mai 2006, sous le titre « Suicides et tentatives de suicide en France », page 6 http://www.sante.gouv.fr/drees/etude-resultat/er488/er488.pdf

En ne prenant en compte que les TS prises en charges par les services d’urgences des établissements de santé, on dénombre 162 000 TS (soit 83% de l’ensemble des TS prises en charge par l’ensemble du système de soins). 1.2 Sélection de quelques régions

Estimation de la fréquence des tentatives de suicide accueillies en 1995 par les services d’urgence des hôpitaux non spécialisés

Taux de TS pour 10 000 habitants

de 15 ans et plus

Nombre de tentatives pour

un décès

Aquitaine 26,6 11,0 Bretagne 35,8 8,7 Midi Pyrénées 25,2 14,0 Nord-Pas-de-Calais 44,3 14,5 Rhône Alpes 33,0 14,5 Total 33,1 12,5

Source : FNORS PREMUTAM

Tableau tiré de : ORS Bretagne. Tentatives de suicide (pages 54-55) In : La santé de la population en Bretagne. Etat des lieux préparatoire à la mise en place du plan régional de santé publique. Décembre 2004 http://www.orsbretagne.fr/1_pages/sante04/pdf_sante/ORSB-TSuicide.pdf

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1.3 Au niveau de la Bretagne 1.3.1 Situation en 2000

Estimation du nombre de tentatives de suicide en Bretagne

Enquête 1990 Enquête 1995 Estimation

2000 Moyenne 2000

Nombre 5 958 8 010 9 000-10 230 9 600

Taux de TS pour 10 000 habitants de 15 ans et plus

26 36 [37,7 - 42,8] 40

Sources : ORS Bretagne, FNORS-PREMUTAM, DRASS

Tableau tiré de : ORS Bretagne. Tentatives de suicide (pages 54-55) In : La santé de la population en Bretagne. Etat des lieux préparatoire à la mise en place du plan régional de santé publique. Décembre 2004 http://www.orsbretagne.fr/1_pages/sante04/pdf_sante/ORSB-TSuicide.pdf

1.3.2 Situation moyenne entre 2000 et 2005 Estimation annuelle de 11 700 tentatives de suicide en moyenne (prises en charges par les services d’urgences des établissements de santé) Estimation 2002 de la population 15 ans et plus en Bretagne 2 421 000 personnes Soit un taux de TS pour 10 000 personnes de 48 en 2002 Ce résultat estimé est donc supérieur à celui des années 1990 à 2000, progression pouvant trouver plusieurs explications : orientation plus fréquente dans le cas d’une tentative, amélioration du système de décompte et croissance éventuelle du phénomène.

Source : Piquet Odile, Tréhony Alain, Suicide et tentative de suicide en Bretagne, ORS Bretagne, février 2007 (8 pages) http://www.orsbretagne.fr/99_up99load/2_docupload1/orsbd11239802004.pdf

Ainsi, le taux de tentative de suicide estimé en Bretagne serait supérieur de 20% au taux national. La Bretagne représente 5% de la population métropolitaine de 15 ans et plus, mais 7% des tentatives de suicide. Cet écart pourrait provenir d’un nombre moyen de tentatives par suicidant plus élevé en Bretagne qu’en France Métropolitaine. Il faudrait que ce nombre de tentatives par suicidant breton soit environ 40% plus élevé que la moyenne nationale pour que la part des suicidants bretons soit ramenée à 5% des suicidants du niveau national. Une telle hypothèse reviendrait à considérer que le taux de décès pour un suicidant serait 60% supérieur en Bretagne à ce qu’il est en France Métropolitaine, hypothèse peu probable. On en déduit que l’indicateur des tentatives de suicide supérieur en Bretagne est bien le reflet d’un nombre relatif supérieur de suicidants.

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2. LES DECES PAR SUICIDE, DONNEES DE CADRAGE Là encore, on est confronté à des difficultés de mesure, bien que le décès par suicide soit mieux mesuré que les tentatives. Cependant la DRESS estime pour 2003 qu’il y a eu 13 000 décès par suicide pour 10 700 recensés (soit une sous estimation d’un cinquième). Pour la suite, on ne traite que des décès par suicide recensés. 2.1 Au niveau national En France Métropolitaine, 10 632 décès par suicide ont été recensés en 2002, soit un taux de 2,2 pour 10 000 personnes de 15 ans et +. On décompte ainsi 18 tentatives de suicide pour un décès.

Source : Suicides et tentatives de suicide en France Etudes et résultats - Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques N° 488 – mai 2006, 8 pages http://www.sante.gouv.fr/drees/etude-resultat/er488/er488.pdf

2.2 Au niveau de la Bretagne 861 décès par suicide en Bretagne en 2002, soit une taux de 3,6 pour 10 000 personnes de 15 ans et plus. On décompte ainsi 14 tentatives de suicide pour un décès. La tentative de suicide se traduit plus souvent par le décès en Bretagne qu’au niveau national. 874 décès par suicide en Bretagne en 2003

Source : Piquet Odile, Tréhony Alain, Suicide et tentative de suicide en Bretagne, ORS Bretagne, février 2007 (8 pages) http://www.orsbretagne.fr/99_up99load/2_docupload1/orsbd11239802004.pdf

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3. DE LA TENTATIVE DE SUICIDE AU DECES, DONNEES DETAILLEES 3.1 Au niveau national

Tentatives de suicide et décès par suicide selon le sexe et l’âge données nationales 1999

Nombre de tentatives de suicide pour 10 000 hab Base 100 la moyenne Tranche âge Hommes Femmes Ensemble Hommes Femmes Ensemble 15 - 24 27,1 54,4 70,6 70 141 183 25 - 34 31,3 57,8 72,7 81 149 188 35 - 44 35,8 93,0 109,0 93 240 282 45 - 54 6,9 19,4 18,6 18 50 48 55 - 64 3,8 18,3 16,0 10 47 41 65 et + 5,5 4,8 6,5 14 12 17 Total 19,4 33,1 38,7 50 86 100 Nombre de tentatives de suicide pour un décès Base 100 la moyenne Tranche âge Hommes Femmes Ensemble Hommes Femmes Ensemble 15 - 24 22 160 89 122 890 497 25 - 34 12 75 43 67 417 239 35 - 44 10 83 47 56 462 259 45 - 54 2 13 8 11 72 42 55 - 64 1,2 13 7 7 72 40 65 et + 1,0 3 2 6 17 11 Total 6 29 18 33 161 100 Taux de décès par suicide pour 10 000 hab Base 100 la moyenne Tranche âge Hommes Femmes Ensemble Hommes Femmes Ensemble 15 - 24 1,2 0,3 0,8 57 16 37 25 - 34 2,6 0,8 1,7 121 36 79 35 - 44 3,6 1,1 2,3 166 52 109 45 - 54 3,4 1,5 2,5 159 69 114 55 - 64 3,1 1,4 2,3 145 66 105 65 et + 5,5 1,6 3,2 258 75 149 Total 3,2 1,1 2,2 151 53 100 Tranche âge détaillée Hommes Femmes Ensemble Hommes Femmes Ensemble 65 - 74 4,0 1,5 2,6 184 69 120 75 - 84 6,8 1,6 3,6 316 76 169 85 - 94 12,3 2,1 5,0 569 97 231 95 et + 9,8 0,4 2,1 455 20 98

Tableau tiré de : Source : Rhizome n°11, avril 2003 « La souffrance est-elle sexuée », Michel Debout, Thierry FAIC et Françoise FACY http://unafam38.free.fr/DOCS-TELECHARGER/ORSPERE/Rhizome11.pdf

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Si les données datent de 1999, elles donnent cependant un cadrage précis de phénomènes clairement sexués et fortement influencés par l’âge, avec même de forts effets croisés. Les femmes se caractérisent par un nombre important de tentatives (+70% par rapport aux hommes). Les hommes connaissent par contre un nombre plus important de décès par suicide, 3 fois plus que chez les femmes. Les femmes tentent plus souvent de se suicider, les hommes y parviennent plus souvent. Dans le même esprit, les moins de 45 ans tentent plus souvent de se suicider, les personnes plus âgées y parviennent plus souvent. 3.2 Au niveau de la Bretagne

Répartition en « volume » des tentatives de suicide prises en charge par les UMP en Bretagne en 2004 (dans 6 secteurs sanitaires sur 8)

0

100

200

300

400

500

600

700

800

< 15ans

15-24ans

25-34ans

35-44ans

45-54ans

55-64ans

65-74ans

75 anset +

Hommes

Femmes

Nom

bre

de T

S p

rises

en

char

ge

Source : ORS Bretagne - Enquête UMP 2004

Piquet Odile, Tréhony Alain, Suicide et tentative de suicide en Bretagne, ORS Bretagne, février 2007 (8 pages) http://www.orsbretagne.fr/99_up99load/2_docupload1/orsbd11239802004.pdf

Bien que les périodes soient différentes, que les données bretonnes soit en nombre et non pas en taux et que l’on soit toujours confronté à des difficultés de mesure, on peut émettre deux hypothèses :

• Les tentatives de suicide masculines en Bretagne sont certes moins nombreuses que les tentatives féminines, mais avec des écarts plus réduits qu’au niveau national. Les hommes bretons tentent plus souvent de se suicider.

• De même, au-delà de 45 ans, on observerait en Bretagne des taux de tentatives de suicide sensiblement supérieur à ce qu’ils sont en France Métropolitaine.

Ce résultat sexué s’observe également lors de l’analyse des décès par suicide. Si les taux de décès par suicide sont supérieurs chez les Bretonnes à ce qu’ils sont chez les Françaises, on note un écart bien plus important chez les hommes. Le taux de suicide des hommes est, jusqu’à 69 ans, bien plus important en Bretagne qu’en France Métropolitaine.

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Taux de suicide selon le sexe et l'âge, période 2001-2003 (par tranche d’âge quinquennale)

0

20

40

60

80

100

15-19

ans

20-24

ans

25-29

ans

30-34

ans

35-39

ans

40-44

ans

45-49

ans

50-54

ans

55-59

ans

60-64

ans

65-69

ans

70-74

ans

75-79

ans

80-84

ans

Hommes France métropolitaineHommes BretagneFemmes France métropolitaineFemmes Bretagne

Tau

x br

uts

pour

100

000

Source : INSERM CépiDc, INSEE, Score santé On peut alors faire l’hypothèse que la spécificité bretonne s’explique principalement par une spécificité masculine de 25 à 74 ans, avec auprès de cette population un niveau sensiblement plus élevé de tentatives de suicide. Les modes opératoires masculins conduisant plus souvent au décès, il en découle un phénomène de sur-suicidité masculine, se répercutant sur le taux global homme + femme.

Taux de suicide (ensemble hommes + femmes) par tranche d’âge 2003 comparaison de la Bretagne et de la France Métropolitaine

14,5

30,4

40,2

50,5

40 38

32

33,7

24,621,828,3

24,9

16,2

8,10

10

20

30

40

50

60

15 - 24ans

25 - 34ans

35 - 44ans

45 - 54ans

55 - 64ans

65 - 74ans

75 - 84ans

Bretagne

France Métropolitaine

Source Inserm Cépidc repris dans Piquet Odile, Tréhony Alain, Suicide et tentative de suicide en Bretagne, ORS Bretagne, février 2007 (8 pages) http://www.orsbretagne.fr/99_up99load/2_docupload1/orsbd11239802004.pdf

Tau

x br

uts

pour

100

000

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En reprenant le prisme d’analyse des tentatives de suicide (et non plus les décès par suicide), on observait en Bretagne (1990) des taux supérieurs en zone urbaine par rapport aux zones rurales, résultats allant quelque peu à l’encontre du discours habituel.

Taux de tentatives de suicide accueillies en services d’urgence, suivant l’âge dans les villes bretonnes et sur l’ensemble de la région - 1990

ORS Bretagne. Tentatives de suicide (pages 54-55) In : La santé de la population en Bretagne. Etat des lieux préparatoire à la mise en place du plan régional de santé publique. Décembre 2004 http://www.orsbretagne.fr/1_pages/sante04/pdf_sante/ORSB-TSuicide.pdf

Enfin, en France comme en Bretagne, le taux de décès par suicide serait orienté à la baisse.

Evolution des taux comparatifs de mortalité par suicide de 1981 à 2003, en Bretagne et en France

0

10

20

30

40

50

60

70

1981 1984 1987 1990 1993 1996 1999 2002

Hommes France métropolitaine hommes Bretagne Femmes France métropolitaine Femmes Bretagne

Tau

x st

anda

rdis

és p

our

100

000

Sources : INSERM CépiDc, INSEE, FNORS Score santé (2002 indique la période triennale 2001-2002-2003)

Ces résultats semblent cependant surprenants, tout du moins en ce qui concerne la Bretagne. On a vu précédemment que le nombre de décès par suicide semblait avoir sensiblement augmenté entre 1990 et 2005, pour partie en raison d’un effet d’amélioration de la collecte des données. La progression de la population bretonne dans son ensemble ne pourrait à elle seule expliquer la baisse du taux de décès.

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4 INTERROGATIONS Ces dernières analyses montrent bien les difficultés des approches épidémiologiques. En entrant dans le détail des résultats, on est régulièrement confronté à des incohérences, à des évolutions dont on ne peut dire si elles proviennent d’une amélioration de la collecte des informations ou d’une réelle évolution. Ces interrogations sont-elles de nature à remettre en cause l’analyse ici développée ? La mise en œuvre d’actions en Bretagne passe sans doute par une analyse fouillée et objective des spécificités bretonnes. Pour autant, ce peut être l’objet d’un débat. Faut-il connaitre avec précision pour agir ? L’analyste néophyte est surpris par le nombre de travaux sur la question, la multiplicité et l’hétérogénéité des sources (au plan national ou local). Peut-on véritablement tirer des enseignements des chiffres ? En outre, les analyses fines sur des populations très ciblées (par exemple les femmes de 25 à 34 ans au sein de la région) reposent sur des « volumes » réduits, donnant des variations peut-être aléatoires (on ne revient pas ici sur les études basées sur l’analyse de 42 personnes par exemple donnant des résultats en pourcentage). La prévention du suicide ne doit-elle pas passer par la prévention des tentatives de suicide et donc par une compréhension épidémiologique détaillée des suicidants (plutôt que des tentatives de suicide). L’expérience mise en place en Franche Comté (Observatoire Régional des Tentatives de Suicide en Franche Comté) semble en la matière exemplaire, intégrant le repérage du nombre de tentatives par suicidant. Une analyse complète intégrant les modes opératoires et les caractéristiques individuelles des suicidants pourrait alors éclairer plus objectivement sur les populations à risque et permettre d’optimiser une politique publique. Mais pour être pleinement opérationnelle du point de vue épidémiologique, une telle expérience ne mériterait-elle pas de dépasser le cadre de quelques régions pour être étendue au niveau national. Dans ce cadre, quelles sont les perspectives nationales ? Les mesures épidémiologiques détaillées sur la question du suicide doivent-elles être le fait de la prise de conscience et du dynamisme de quelques régions ou le relais ne doit-il pas être pris au plan national, permettant une collecte locale, une analyse nationale et des comparaisons régionales (et infra régionales) ?

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Odile PIQUET – Chargée d’études santé publique- épidémiologie, Observatoire régional de santé de Bretagne

Epidémiologie du suicide en Bretagne Tentative de suicide, décès par suicide, constituent deux faits distincts, concernant le sexe et l’âge des personnes qui y recourent, ainsi que la fréquence de ces actes. Les statistiques sur le suicide évoquent essentiellement les décès par suicide, alors que cette réalité des décès par suicide n’est que la partie émergée de l’iceberg : l’estimation du nombre de tentatives de suicide ayant donné lieu à un contact avec le système de soins est estimé à environ 195 000 en France en 2002. Le nombre de décès par suicide enregistrés en 2002, s’élève à 10632. Le nombre de tentatives de suicide représente donc, en France, 18 fois le nombre de décès par suicide. Le présent texte est structuré en trois parties : une rétrospective sur une vingtaine d’années, (période 1986-2007), pour situer les travaux fournissant des données statistiques sur le suicide afin de décrire sa répartition dans l’espace et dans le temps ; un état des lieux du suicide en Bretagne compte tenu des données statistiques disponibles en 2007 ; les perspectives de recueil de données. Rétrospective 1986-2007 : les études sur les tentatives de suicide et la mortalité par suicide

Une accumulation d’apports à la connaissance du phénomène suicidaire est visible au cours de cette période : elle a pour point de départ, en 1986, une approche des actes suicidaires de la part de l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) dans le contexte psychosocial des années quatre-vingt. En Bretagne, un enregistrement des tentatives de suicide est organisé sur l’année 1990, dans les services d’urgence des hôpitaux. En 1996 débute une série de Conférences régionales de santé : le suicide en Bretagne est qualifié de priorité de santé publique et des programmes régionaux de santé sur « souffrance psychique et phénomène suicidaire » sont mis en œuvre. Cependant, en 2001, en France, il n’existe pas de recueil de données systématique sur les tentatives de suicide, elles ne font l’objet que d’une estimation. Cette estimation est mise à jour en 2006. En Bretagne, avec la mise en place de 8 Unités médico-psychologiques dont les équipes médicales sont spécialisées dans la prise en charge des suicidants, une enquête annuelle, sur les tentatives de suicide, démarre en 2000. Les résultats de cette enquête réalisée dans les UMP de 2000 à 2005, conduisent à une estimation moyenne annuelle de 11700 tentatives de suicide prises en charge par les services d’urgence et la psychiatrie de liaison des hôpitaux bretons. Le nombre annuel moyen de décès par suicide en Bretagne sur les années 2000-2004 est de 863. Le nombre de tentatives de suicide estimé pour la Bretagne représente donc 13 fois le nombre de décès par suicide. 1986-1991 En France, 1986 est marquée par la publication d’une étude épidémiologique de l’INSERM « Suicide et tentatives de suicide aujourd’hui ». Des disparités régionales de mortalité par suicide y sont présentées : taux de suicide supérieurs à la moyenne nationale dans les régions du nord-ouest, en opposition à des taux de suicide inférieurs dans les régions méridionales et dans la région parisienne. L’approche épidémiologie des tentatives de suicide, réalisée par l’Unité de recherche INSERM sur les sociopathies, avec le concours d’équipes hospitalières, fournit des résultats détaillés. En Bretagne, une étude sur la mortalité par suicide est publiée par l’INSEE en 1986, et par l’Observatoire Régional de Santé en 1987. 1992-1996 En Bretagne, la première enquête sur les tentatives de suicide, est réalisée en 1990 sur l’année entière, dans les 26 services d’urgence des hôpitaux généraux bretons. Les résultats sont publiés en avril 1992. Le nombre de tentatives de suicide enregistrées s’élève à 5996 (dont 3671 femmes). Le taux standardisé est de 33 tentatives de suicide pour 10000 femmes, et de 20 pour 10000 hommes. Les taux sont supérieurs dans les populations urbaines. Les suicidants sont chômeurs dans une proportion de 2 à 3 fois supérieures selon les âges (par rapport au pourcentage de chômeurs en population générale). L’utilisation des médicaments est prépondérante : 8 tentatives sur 10. Plus de la moitié des tentatives sont des récidives. Les taux comparatifs

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de tentative de suicide sont présentés sur cartes à l’échelon cantonal. Une comparaison des résultats dans les départements bretons et les villes bretonnes, a pu être établie avec ceux de la publication de l’INSERM : trois départements de la région Midi-Pyrénées, les villes de Bordeaux et Pontoise. Cette enquête a pu être menée sur l’année 1990 grâce à la collaboration des équipes des services d’urgence. Le traitement des données et le rapport ont été effectués par l’ORS Bretagne. En Bretagne, la première étude cartographique de la mortalité par suicide est publiée en janvier 1993 avec résultats à l’échelon cantonal (étude réalisée par l’ORS Bretagne). En Europe, une participation à l’étude multicentrique menée par l’OMS région Europe sur les gestes suicidaires « Multicentre study on parsuicide », est assurée par Agnès Batt, chercheur INSERM, affectée au Département de Santé Publique, faculté de médecine, université de Rennes 1. Davidson F., Philippe A., Suicide et tentatives de suicide aujourd'hui. Etude épidémiologique. Editions INSERM ; Collection Grandes enquêtes. 1986 (173 pages) Grignon J.-M. Le suicide en Bretagne. INSEE - Octant N°86, mai 1986 (pages 18-20) Chaperon J., Tréhony A., La mortalité par suicide en Bretagne, ORS Bretagne, 1987 (32 pages) Trehony A., Batt A., Depoivre C., Tron-Pasquet I., Les tentatives de suicide en Bretagne, ORS Bretagne, 1992, (53 pages) Tron-Pasquet I., La mortalité par suicide en Bretagne de 1980 à 1990 : situation dans les départements bretons par rapport à la France. Etude cartographique à l’échelon cantonal, ORS Bretagne, 1992 (80 pages) Batt A., Depoivre C., Eudier F., TRON I., Tréhony A. The epidemiology of parasuicide in Brittany, France – 1990. In : Attempted suicide in Europe. Findings from the Multicentre Study on Parasuicide by the WHO Regional Office for Europe. Chapter XV pages 245-252, 1994

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1997-2000 En Bretagne, l’année 1996 est marquée par la 1ère Conférence régionale de santé, qui place le suicide parmi les priorités régionales de santé. En France, 1997 est l’année de la parution des tableaux de bord des Observatoires régionaux de la santé « La santé observée dans les régions de France », la cartographie de la mortalité par suicide montre la France coupée en deux de part et d’autre d’une ligne Bordeaux-Genève, avec une exception en Ile-de-France. En Ille-et-Vilaine, une enquête auprès des médecins généralistes est menée dans des cantons du nord du département : étude sur la compréhension du phénomène suicidaire (étude réalisée par INSERM, ICONES, ORS Bretagne). En Bretagne, l’ORS recense et analyse les actions de prévention du risque suicidaire, selon leur objectif principal : service d’écoute téléphonique, lieu d’écoute et d’accueil, actions d’information, formation de professionnels (c’est le volet Bretagne du bilan PREMUTAM). 5 ORS réalisent les bilans régionaux commandités par PREMUTAM : Epidémiologie des suicides et tentatives de suicide, prise en charge hospitalière des suicidants, prise en charge par les médecins de ville, actions de prévention. Les ORS retiennent le thème du suicide dans leur congrès à Nantes en 2000 et cinq ateliers se déroulent sur deux journées (La recherche : données récentes ; Soins aux suicidants : état des lieux ; La prévention par les actions de terrain ; Actions de terrain : premières évaluations ; Prévention du suicide : des pistes pour l'action). En Ille-et-Vilaine, en 1998, un guide intitulé « Souffance psychique et phénomène suicidaire » a été distribué aux professionnels, pour améliorer la prise en charge des personnes à risque. Une évaluation de l’utilisation de ce guide a été menée un an plus tard. 8 ORS mènent une évaluation d’actions de prévention du suicide : évaluation de guides et répertoires, d’actions de formation et d’informations, d’actions favorisant le travail interdisciplinaire. Fédération nationale des Observatoires régionaux de santé (FNORS) La santé observée dans les régions de France. Synthèse nationale des tableaux de bord régionaux sur la santé. Chapitre 8.5 Les suicides (8pages).1997 Batt A., Bohec C., Frattini M.-O., Les tentatives de suicide dans la clientèle des médecins généralistes : enquête dans des cantons du nord de l'Ille-et-Vilaine, ORS Bretagne, 1997 (58 pages) Bauchet M., Tréhony A., Prévention du risque suicidaire : repérage des actions réalisées en Bretagne, ORS Bretagne, mars 1997 (71 pages) ORS Aquitaine, Bretagne, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes Bilans régionaux. Prévention des suicides et tentatives de suicide. Etat des lieux 1995-1997. Paris : PREMUTAM, mars 1998, (317 pages) – Synthèse de 8 pages Suicide, dépression : la recherche ; Soins aux suicidants, état des lieux ; La prévention par les actions de terrain ; Actions de terrain, premières évaluations ; Prévention des suicides, des pistes pour l’action. Congrès des Observatoires régionaux de santé, 28-29 septembre 2000, Nantes Tréhony A., Alvestegui G., Souffrance psychique et phénomène suicidaire : évaluation du guide pour les professionnels en Ille-et-Vilaine - ORS Bretagne, mars 2000 (30 pages) Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales d’Ille-et-Vilaine, Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’Ille-et-Vilaine, Caisse régionale d’assurance maladie de Bretagne, Union des mutuelles d’Ille-et-Vilaine, Souffrance psychique et phénomène suicidaire. Un guide pour les professionnels en Ille-et-Vilaine – 1998 Fédération nationale des Observatoires régionaux de la santé (FNORS), ORS de Bourgogne, Bretagne, Champagne-Ardenne, Franche Comté, Basse-Normandie, Pays de la Loire, Poitou-Charentes, Rhône-Alpes, Evaluation de 8 actions de prévention du suicide. Août 2000 (55 pages) http://www.fnors.org/Fnors/Ors/Travaux/Suicide.pdf

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2001-2003 En France est donnée une première estimation du nombre de tentatives de suicide donnant lieu à un recours au système de soins. Cette estimation d’un nombre 160 000 tentatives de suicide vues par an, est effectuée à partir de trois sources : réseau sentinelles de médecins généralistes, diverses enquêtes menées auprès des services d’urgence des hôpitaux, PMSI. En Bretagne, l’évaluation dans le cadre du PRS (Programme régional de santé, Souffrance psychique et phénomène suicidaire) se fait auprès d’acteurs associatifs et professionnels et auprès des lieux d’écoute en Bretagne. En Bretagne, les données de surmortalité par suicide sont précisées par l’étude des décès par suicide selon la catégorie socioprofessionnelle, dans la population active de 25 à 59 ans : chacune des catégories socioprofessionnelles présente une surmortalité par rapport à la France, l’écart maximal entre la Bretagne et la France, se situe dans la catégorie " Ouvriers ", où la survenue des décès par suicide est multipliée par 2, chez les hommes et chez les femmes. En Bretagne, des indicateurs de mortalité à l’échelon des pays sont élaborés : carte de la mortalité par suicide par pays sur le regroupement des années 1994-1998 (hommes, femmes). Les 21 pays bretons sont comparés à la moyenne régionale. Des travaux pluridisciplinaires sont menés en Bretagne dans le cadre du programme intitulé « Sursuicidité en Bretagne, contribution à une explication socioculturelle » La Mutualité Française a lancé une étude sur le suicide en collaboration avec la DRASS de Bretagne. Le rapport de synthèse est accompagné des 7 annexes correspondant aux rapports intégraux des équipes qui ont participé à cette recherche Badeyan G., Parayre C., Mouquet M.-C., Tellier S., Dragos S., Ellenberg E. Suicides et tentatives de suicide en France, une tentative de cadrage statistique. Etudes et résultats DREES N°109 avril 2001 http://www.sante.gouv.fr/drees/etude-resultat/er-pdf/er109.pdf Clappier P., Tréhony A., Evaluation du programme régional de santé "souffrance psychique et phénomène suicidaire". Enquête auprès d’acteurs associatifs et professionnels. ORS Bretagne, 2001 (33 pages) http://www.orsbretagne.fr/PDF2003/Eval_PRSsuicide.pdf Dupuis-Belair N., Subileau B., Préfecture de la région, Direction régionale des affaires sanitaires et sociales. (DRASS), Les lieux d’accueil et d’écoute, les points santé en Bretagne http://bretagne.sante.gouv.fr/publications/rapports/2002/oct/eu54.pdf Observatoire Régional de Santé de Bretagne, Mortalité par suicide selon la catégorie socio-professionnelle en Bretagne – ORS Bretagne, 2002 (6 pages) http://www.orsbretagne.fr/Fiches2002-2003/F3mortalitesuicide.htm Observatoire Régional de Santé de Bretagne, La santé dans les 21 pays de Bretagne. Synthèse. 2003 (50 pages) http://www.orsbretagne.fr/PDF2003/ORSB_synthese_Pays.pdf La sursuicidité en Bretagne, contribution à une explication socio-culturelle. Recherche multidisciplinaire coordonnée par Yannick Barbançon, novembre 2002, document de synthèse (130 pages) http://bretagne.sante.gouv.fr/publications/rapports/2002/nov/ep20/ep20.pdf Résumé de la recherche : la sursuicidité en Bretagne, contribution à une explication socio-culturelle (45 pages)

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2004-2007 En Bretagne, en 2004, sont publiées pour la première fois des données sur les tentatives de suicide recensées dans les 8 Unités médico-psychologiques depuis l’année 2000 (une UMP par secteur sanitaire). Les données issues des UMP sont présentées dans le cadre des résultats antérieurs d’investigation sur les tentatives de suicide en Bretagne : l’enquête de 1990, l’enquête Prémutam de 1995, l’enquête sur la santé des jeunes de 2001.Cette enquête dans les UMP est actuellement la seule source d'information sur les tentatives de suicide prises en charge par les services d’urgence des hôpitaux bretons. Le plus récent rapport annuel de cette enquête a été publié en novembre 2006 sur les données de l’année 2005. En France, en 2006, l’estimation du nombre de tentatives de suicide ayant donné lieu à un contact avec le système de soins (195000 TS en 2002, une même personne pouvant être concernée par plusieurs de ces tentatives en cas de récidive dans l’année) est mise à jour. En décembre 2006, en Bretagne, première analyse des données du PMSI (base régionale PMSI 2004) décrivant les caractéristiques des séjours hospitaliers pour tentatives de suicide. Ce rapport ne fournit que des données bretonnes (région et départements), il n’y a pas de données françaises de référence. En février 2007, en Bretagne, une publication de 8 pages de l’ORS Bretagne, fait le point sur l’épidémiologie du suicide, à partir des données disponibles. En France, la Fédération nationale des Observatoires régionaux de santé (FNORS), rend compte des disparités régionales concernant la mortalité par suicide en France. Cette étude permet de signaler que la Bretagne est particulièrement touchée par la surmortalité par suicide mais les taux de décès par suicide dans la population bretonne de plus de 65 ans, ne sont pas les plus élevés de France : la Bretagne se situe au 6ème rang des régions françaises en surmortalité par suicide dans ce groupe d’âge, après Picardie, Poitou-Charentes, Centre, Pays-de-la-Loire, Limousin. A propos de gestes suicidaires en lien avec le milieu de travail :

o En France, suicide sur le lieu de travail : les médias en parlent (Le Monde du 17 mars 2007 Suicide au bureau ; L’Express du 14 mars 2007 Conditions de travail : un suicide par jour ; France 5 Ripostes édition 13 mars 2007 Le travail… à quel prix).

o Dans la région Basse-Normandie : enquête réalisée en 2003 auprès des médecins du travail « Etude sur les suicides liés au travail en Basse-Normandie »

ORS Bretagne. Tentatives de suicide (pages 54-55) In : La santé de la population en Bretagne. Etat des lieux préparatoire à la mise en place du plan régional de santé publique. Décembre 2004 http://www.orsbretagne.fr/1_pages/sante04/pdf_sante/ORSB-TSuicide.pdf Pennognon L., Tréhony A., ORS Bretagne Les tentatives de suicide prises en charge par les Unités Médico Psychologiques en Bretagne. Résultats de l’enquête pour l’année 2005 Novembre 2006 (30 pages) http://www.orsbretagne.fr/1_pages/PDF/rapportUMP2005.pdf Suicides et tentatives de suicide en France Etudes et résultats - Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques N° 488 – mai 2006, 8 pages http://www.sante.gouv.fr/drees/etude-resultat/er488/er488.pdf Piquet O., Tréhony A., Suicide et tentative de suicide en Bretagne, ORS Bretagne, février 2007 (8 pages) http://www.orsbretagne.fr/99_up99load/2_docupload1/orsbd11239802004.pdf Fédération Nationale des Observatoires Régionaux de Santé (FNORS) Le suicide dans les régions françaises Février 2007 (8 pages) http://www.orsbretagne.fr/99_up99load/2_docupload1/orsbd11239902004.pdf Dr M. GOURNAY Dr F. LANIECE Dr I. KRYVENAC Inspection médicale du travail et de la main-d'oeuvre de Basse-Normandie Étude des suicides liés au travail en Basse-Normandie Juin 2003 http://www.federationsantetravail.org/publications/m28SuicideTravail.html

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L’état des lieux en Bretagne aujourd’hui Les tentatives de suicide Depuis l’année 2000 en Bretagne, une enquête annuelle, demandée par la Direction des Affaires Sanitaires et Sociales et organisée par l’ORS Bretagne, est menée dans les Unités Médico-psychologiques (UMP) implantés à Brest, Quimper, Lorient, Vannes, Rennes, Saint-Malo, Saint-Brieuc, Pontivy. Les résultats de cette enquête annuelle portent sur les effectifs, leur répartition, les caractéristiques du séjour hospitalier :

Estimation du nombre de tentatives de suicide Le recueil d’information réalisé par les UMP, de 2000-2005, a conduit à une estimation moyenne annuelle de 11 700 tentatives de suicide prises en charge par les services d’urgence et la psychiatrie de liaison des hôpitaux bretons. Cette estimation est nettement supérieure au résultat de 1990 (6 000 tentatives) et de 1995 (8 000 tentatives). Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette augmentation : orientation plus fréquente vers les services d’urgence des hôpitaux, meilleur décompte, croissance épidémiologique du phénomène. Suivi de la tentative de suicide Les tentatives de suicide accédant aux services d’urgence des établissements enquêtés sont, en forte majorité (90%), prises en charge en unité d’hospitalisation de très courte durée (1 à 2 jours). Après cette prise en charge, une moitié d’entre elles est hospitalisée pour une longue durée, l’autre moitié retourne à domicile. Répartition selon le sexe et l’âge L’étude des tentatives de suicide par sexe et âge en Bretagne (graphique ci-dessous) fait ressortir: • La prédominance féminine : environ 3 tentatives de suicide féminines pour 2 tentatives masculines. • La prédominance des 25-54 ans :

o chez les femmes, les tranches d’âge 15-24 ans et 35-44 ans présentent les effectifs les plus élevés,

o chez les hommes, ces âges de risque maximal sont groupés de 25 à 44 ans. Répartition des tentatives de suicide prises en charge par les UMP en Bretagne en 2004 (dans 6 secteurs sanitaires sur 8)

0

100

200

300

400

500

600

700

800

< 15ans

15-24ans

25-34ans

35-44ans

45-54ans

55-64ans

65-74ans

75 anset +

Hommes

Femmes

Nom

bre

de T

S p

rises

en

char

ge

Source : ORS Bretagne - Enquête UMP 2004

Piquet O., Tréhony A., Suicide et tentative de suicide en Bretagne, ORS Bretagne, février 2007 (8 pages) http://www.orsbretagne.fr/99_up99load/2_docupload1/orsbd11239802004.pdf

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Les décès par suicide 876 décès par suicide en 2004 en Bretagne 876 décès par suicide ont été enregistrés en Bretagne en 2004. Ce nombre de décès est à peu près constant depuis 1998, alors qu’auparavant il dépassait généralement 900. Les classes d’âge les plus touchées : 35 à 54 ans Si l’on considère le nombre de décès par suicide, les classes d’âge les plus touchées sont celles de 35-44 ans et 45-54 ans Effectifs de décès par suicide en Bretagne, selon la tranche d’âge, en 2004

Sexe Total 15-24 25-34 35-44 45-54 55-64 65-74 75-84 85-94 95+

M 619 33 79 118 160 69 87 59 14 0

F 257 11 29 44 57 52 32 27 3 2

T 876 44 108 162 217 121 119 86 17 2 Source : INSERM CépiDc L’insuffisance des effectifs dans les tranches d’âges extrêmes (5-14 ans : aucun décès en 2004, au-delà de 85 ans : 19 décès), ne permet pas de les présenter dans les taux par âge. L’évolution des effectifs de décès par suicide des personnes de 85 ans et plus, en Bretagne, apporte deux constats importants :

o de 1994 à 2000, le nombre total dépasse 30 décès chaque année o depuis 2001, le nombre de décès a diminué, il est de 19 en 2004

Nombre de décès par suicide en Bretagne, concernant les personnes âgées de 85 ans ou plus 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Hommes 10 10 6 10 16 17 10 17 18 23 20 22 28 21 19 26 20 20 14 14

Femmes 5 7 9 9 11 8 16 9 6 19 13 9 8 11 16 12 8 6 4 5

Total 15 17 15 19 27 25 26 26 24 42 33 31 36 32 35 38 28 26 18 19Source : INSERM CépiDc, Score santé La Bretagne se distingue de la France dans les taux de suicide selon l’âge Les taux de mortalité par suicide, dans les tranches quinquennales de 15 à 84 ans, présentent des particularités liées aux âges, pour les hommes et les femmes en Bretagne :

o Chez les hommes, ils augmentent jusqu’à 40 ans et marquent un palier de 40 à 50 ans (74 décès pour 100 000 en Bretagne, 41 pour 100 000 en France) ; ils sont ensuite au-dessous de ce palier jusqu’à 80 ans en Bretagne, jusqu’à 70 ans en France.

o Chez les femmes, les taux augmentent jusqu’à 50-54ans en France (15 décès pour 100 000) et jusqu’à 55-59 ans en Bretagne (30 pour 100 000). Ils se maintiennent ensuite en dessous de 20 pour 100 000 en Bretagne (en-dessous de 17 pour 100 000 en France).

Taux de suicide selon le sexe et l'âge, période 2001-2003 (par tranche d’âge quinquennale)

0

20

40

60

80

100

15-19

ans

20-24

ans

25-29

ans

30-34

ans

35-39

ans

40-44

ans

45-49

ans

50-54

ans

55-59

ans

60-64

ans

65-69

ans

70-74

ans

75-79

ans

80-84

ans

Hommes France métropolitaineHommes BretagneFemmes France métropolitaineFemmes Bretagne

Tau

x br

uts

pour

100

000

Source : INSERM CépiDc, INSEE, Score santé

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Les taux de décès par suicide diminuent L’observation des taux comparatifs de suicide sur deux décennies, de 1981 à 2003, montre une croissance jusqu’en 1987, suivie d’une diminution de 1988 à 1990, puis d’une période de stabilité sur 1990-93. Le calcul de l’évolution des taux entre 1993 et 2003, montre une baisse générale, en Bretagne et en France mais la baisse observée en Bretagne est inférieure à celle observée en France métropolitaine:

- Chez les hommes, le taux est passé de 51 à 43 pour 100 000 habitants en Bretagne (de 33 à 27 en France)

- Chez les femmes, le taux est passé de 15 à 13 pour 100 000 habitants en Bretagne (de 11 à 9 en France)

Evolution des taux comparatifs de mortalité par su icide de 1981 à 2003, en Bretagne et en France

0

10

20

30

40

50

60

70

1981 1984 1987 1990 1993 1996 1999 2002

Hommes France métropolitaine hommes Bretagne Femmes France métropolitaine Femmes Bretagne

Tau

x st

anda

rdis

és p

our

100

000

Sources : INSERM CépiDc, INSEE, FNORS Score santé (2002 indique la période triennale 2001-2002-2003)

Pour l’ensemble de la population (hommes + femmes) l’évolution des taux par tranche d’âge, entre 1993 et 2003, pointe des disparités. En Bretagne, 3 tranches d’âge bénéficient nettement d’une diminution : 25-34 ans, 15-24 ans, 75-84 ans. La tranche d’âge 65-74 ans connaît une évolution irrégulière. Dans les tranches d’âge de 35 à 64 ans, l’évolution n’est pas favorable, en particulier pour les personnes de 45-54 ans.

Evolution des taux de décès par suicide, selon la tranche d’âge, en Bretagne (1993-2004)

0

20

40

60

80

93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04

35-44

45-54

55-64

Source : INSERM CépiDc

0

20

40

60

80

93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04

15-24

25-34

65-74

75-84

Source : INSERM CépiDc

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Perspectives : quels recueils de données ? Cette partie intitulée perspectives, est un recensement des sources de données existantes en Bretagne ou dans d’autres régions à titre d’exemples. Elle comprend, tout d’abord, les recueils de données directement liées au phénomène suicidaire (les statistiques sur les causes de décès, les hospitalisations pour tentatives de suicides), mais aussi, d’un point de vue plus large, les structures, services et professionnels aptes à répondre aux besoins des populations. Les données pour l’étude de la mortalité par suicide sont disponibles, celles qui concernent la morbidité (l’acte suicidaire et ses causes, les soins prodigués, le devenir de la personne ayant accompli cet acte) sont récentes. 1986, année de publication de l’étude épidémiologique de l’INSERM, peut être prise comme point de départ des travaux de recherche sur les gestes suicidaires. Suivi des données sur les décès par suicide La déclaration obligatoire du décès et de sa cause médicale permet de disposer de données exhaustives et de faire des études rétrospectives. Le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) de l’INSERM (Le Vésinet) diffuse les statistiques annuelles (effectifs et taux de décès, selon le sexe, l’âge, la cause du décès). La plus récente année disponible est 2004. http://www.cepidc.vesinet.inserm.fr/ L’interrogation, en ligne, comporte deux modes :

o Données détaillées : Effectifs et taux de décès par zone géographique (France, région, département ou grande ville), selon l'année, la cause de décès, le sexe et les tranches d'âge décennales

o Indicateurs de mortalité : périodes de 3 années regroupées (liste abrégée), taux standardisés par âge, disparités géographiques, part des décès, surmortalité masculine

Ces statistiques des causes médicales de décès permettent de présenter la mortalité par suicide par catégories sociales : un tableau a été dressé pour la France sur la période 1984-1994 par Nicolas Bourgoin, démographe à l’INED (Institut national d’études démographiques), sur la population de 20 à 49 ans. L’auteur y analyse aussi les relations entre chômage et suicide, et la liste des catégories socioprofessionnelles inclut une catégorie intitulée « inactifs (autres que retraités) » comprenant les chômeurs ayant, ou n’ayant jamais travaillé, les femmes au foyer, les anciens actifs, les handicapés et les bénéficiaires du RMI. Bourgoin N., Suicide et activité professionnelle, Population 1999 N°1, pages 73-102 (tableau présenté dans l’ouvrage de C. Baudelot, R. Establet, Suicide l’envers de notre monde, Editions du Seuil, 2006) Remarque : le bulletin de décès à propos de l’item concernant la profession, n’est pas spécialement renseigné avec toute la rigueur nécessaire à l’établissement de la statistique. Les études selon les catégories sociales sont particulièrement complexes et l’information concernant la profession indiquée au moment du décès, ne représente pas systématiquement tout le passé professionnel du sujet. Les Observatoire Régionaux de Santé ont développé avec leur fédération nationale (FNORS) une Base de données intitulée Score santé (http://www.fnors.org). Une série d’indicateurs sur la mortalité par suicide est disponible :

o Décès par suicide chez les hommes o Décès par suicide chez les femmes o Taux de mortalité par suicide chez les hommes o Taux de mortalité par suicide chez les femmes o Taux comparatif de mortalité par suicide o ICM par suicide

Suivi des données hospitalières sur les tentatives de suicide Le recueil de données concernant les tentatives de suicide est récent (par rapport à celui concernant les décès par suicide), et les données disponibles sont insuffisantes pour décrire précisément le phénomène selon des séries spatio-temporelles. Les gestes suicidaires orientés vers les établissements de santé peuvent être l’objet d’un enregistrement spécifique. En Bretagne, l’enquête UMP

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En Bretagne, depuis 2000, les tentatives de suicide prises en charge par les Unités médico-psychologiques, sont recueillies et traitées annuellement, mais ce recueil est partiel, car les 8 UMP ne couvrent pas tout le territoire breton. L’exploitation des résultats est limitée aux effectifs de tentatives de suicide, à leur répartition par sexe et âge, aux caractéristiques des séjours hospitaliers. Actuellement, les résultats de cette enquête ne sont pas comparés à ceux d’autres régions. Voir période 2004-2007 dans la partie Rétrospective, pour les références des rapports de cette enquête. A l’échelon national, l’estimation du nombre de tentatives de suicide, en 2002, la plus récente, est réalisée à partir de 3 sources de données :

o le réseau sentinelles auprès des médecins généralistes, o l’enquête réalisée par la DREES auprès de 150 services d’urgence des hôpitaux en 2002, o le Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information – PMSI (information exploitée sur 184

établissements de France métropolitaine ayant codé les tentatives de suicides). Le réseau de médecins sentinelles (http://rhone.b3e.jussieu.fr/senti/) organise, le recueil de données épidémiologiques issues de l'activité de médecins généralistes libéraux (1270 volontaires répartis sur l’ensemble du territoire). La collecte hebdomadaire concerne les pathologies transmissibles fréquentes en médecine de ville, ainsi que les tentatives de suicide. Une recherche, ayant pour objet l’acte suicidaire, est faite à partir des données de ce réseau sentinelles (période de mars 2005 à mai 2006) par Clément Turbelin, Le recours au médecin généraliste avant un acte suicidaire. Etude épidémiologique de type cas-croisé. Juin 2006 (Master de sciences et technologies, santé publique et management de la santé, spécialité épidémiologie) http://rhone.b3e.jussieu.fr/senti/docs/medecin/protocoles/RapportSUICIDE2005.4.pdf Les séjours hospitaliers pour tentatives de suicide en Bretagne (base régionale PMSI) La première analyse des données sur les tentatives de suicide, de la base régionale PMSI MCO 2004, par l’ORS Bretagne (décembre 2006) fournit des résultats pour la région et les quatre départements, mais ces données ne sont pas actuellement comparées à des données françaises de référence. Le PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d’information) est un outil conçu pour la gestion de l’activité hospitalière, utilisé par défaut, il ne peut remplacer un système d’information pertinent sur l’épidémiologie des gestes suicidaires, avec des équipes produisant des rapports de recherche. Les statistiques à partir de la base régionale PMSI portent sur les séjours hospitaliers ayant pour motif « tentative de suicide », selon le sexe, l’âge, les caractéristiques du séjour hospitalier, la zone géographique (lieu de domicile). Cette base régionale PMSI est constituée des séjours en soins de courte duré MCO (Médecine générale et spécialités médicales, spécialités chirurgicales et gynécologie-obstétrique) et n’inclut pas les tentatives de suicide accueillies dans les services d’urgence, main non suivies d’hospitalisation en MCO. L’issue de ces tentatives de suicide prises en charge par les services d’urgence est soit, un retour à domicile, soit une hospitalisation directe en psychiatrie. L’Observatoire Régional des Tentatives de Suicide en Franche Comté L’observatoire régional des tentatives de suicide (ORTS) a été mis en place en 1999 avec le soutien de la Caisse Régionale d’Assurance Maladie de Bourgogne Franche-Comté et de la Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales de Franche-Comté. Il résulte d’une collaboration entre l’équipe du département de santé publique du Centre Hospitalier et Universitaire de Besançon et l’Observatoire Régional de la Santé de Franche-Comté. L’observatoire recueille de façon exhaustive les données concernant les suicidants pris en charge dans les 11 hôpitaux court séjour de la région Franche-Comté et inclut le repérage des tentatives de suicide (TS) itératives d’une même personne (calcul du risque de récidive du geste suicidaire) Pour chaque patient, une fiche standardisée de 18 items . Le dispositif de recueil et de traitement des données a reçu l'autorisation de la CNIL. L’analyse des disparités infra-régionales est menée selon 4 départements, 13 zones d’emploi, la nature urbaine ou rurale du lieu de résidence (caractère urbain ou rural du canton d’après zonage INSEE)

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Hägi M., Crouzet J., Woronoff A. S., Monnet E., Mortalité et morbidité suicidaire en Franche Comté. Etude des variations géographiques infra-régionales. Premiers résultats. Observatoire hospitalier des tentatives de suicide en Franche-Comté. Septembre 2005 ((46 pages) Enquête permanente dans les services d’urgences des hôpitaux franc-comtois. Résultats 2003, évolution 2000-2003 Observatoire hospitalier des tentatives de suicide en Franche-Comté, Observatoire régional de la santé Franche-Comté (4 pages) Monnet E., Chatelain F., Jannin V. et le groupe franc-comtois pour l’analyse de la morbidité hospitalière par tentative de suicide Les suicidants âgés de moins de 25 ans en Franche-Comté. Six années d’enregistrement : 2000 à 2005. Enquête permanente dans les services d’accueil d’urgences des hôpitaux franc-comtois Observatoire régional des tentatives de suicide - ORSTS Franche-Comté (4 pages) Les suicides. Synthèse (Données 2003 de l’Observatoire Régional des tentatives de suicide en Franche-Comté) présentée par l’ORS de Franche-Comté http://ors-franchecomte.org/docs/SObs_Suicide_2006.pdf

Le Pôle épidémiologique et social du Suicide en Rhône-Alpes Une base d'Épidémiologie Régionale permettant le suivi de l'incidence des tentatives de suicide prises en charge par les services d'Urgences des établissements hospitaliers existe en région Rhône-Alpes, financée par la Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales et la Caisse Régionale d’Assurance Maladie. Le service de Santé Publique de l'Hôpital de Roanne a été chargé de la création de l'outil, de son déploiement et de son exploitation. De novembre 2002 à mai 2006, la base régionale suicide comporte 20 structures. L’incidence hebdomadaire moyenne pendant cette période a été de 43 événements. Les statistiques descriptives, faites à partir de la base de données, comprennent : Incidence hebdomadaire ; Distances entre domicile et centre de prise en charge ; Part relative des suicidants aux urgences ; Caractéristiques de la prise en charge des suicidants selon le centre hospitalier ; Age des événements ; Catégories sociales et professionnelles ; Ressources ; Modes de vie ; Affection psychiatrique contemporaine ; Evénements antérieurs ; Affections psychiatrique, somatique et addiction ; Provenance et sortie, contact précédent un événement ; Score de Beck (outil de dépistage de la tentative de suicide) ; Modes de sortie ; Age et délais de récidive ; Suivi des récurrences. Les données permettent aussi l’analyse des facteurs de risque, l’analyse des récidives, l’analyse chronologique du geste suicidaire. L’objectif du Pôle épidémiologique et social du Suicide en Rhône-Alpes est de mesurer l'incidence de l'acte suicidaire traité par les urgences hospitalières afin d'établir les caractéristiques de chaque département et d'évaluer les mesures de prévention et de formation organisées en Rhône-Alpes. Ces actions et les publications du Centre Régional de Prévention des Conduites à Risques (CRPCS) sont disponibles à l’adresse suivante : http://www.ersp.org/assoc/cndt/suicide.html Etude du geste suicidaire en lien avec le milieu de travail La recherche de dossiers par le mot « suicide » sur le site web de l’Institut national de recherche et sécurité http://www.inrs.fr/ donne quatre réponses :

o Le stress au travail (2005) o Travail et agressions. Etat des lieux et prévention des risques (2003) o Harcèlement moral : généralités (2003) o La violence au travail dans les pays de l'Union : une réalité à prendre au sérieux (1998)

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Des travaux sur possible corrélation entre milieu de travail et suicide sont menés et les références suivantes en témoignent :

Dr GOURNAY M., Dr LANIECE F., Dr KRYVENAC I. Inspection médicale du travail et de la main-d'oeuvre de Basse-Normandie Étude des suicides liés au travail en Basse-Normandie Juin 2003 http://www.federationsantetravail.org/publications/m28SuicideTravail.html

Résumé : Résultats d'une enquête par questionnaire adressé à tous les médecins du travail de la région Basse-Normandie, leur demandant s'ils ont eu connaissance d'un suicide ou d'une tentative de suicide lié au travail dans les entreprises qu'ils surveillaient au cours des 5 années qui venaient de s'écouler

Margraff A., Graser M., Manaouil C. Prise en charge du suicide au titre de la réglementation sur les accidents du travail - Archives des maladies professionnelles et de l’environnement, 2006, N°3, pages 513-520

A l’échelon national, le plan Santé au travail 2005-2009 est à l’origine de la transformation de l’Afsse en Afsset (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail) qui a conduit l’agence à une organisation nouvelle de ses missions, afin de pouvoir fournir une expertise scientifique indépendante sur l’évaluation des risques en milieu professionnel. En Bretagne, le Programme Régional de Prévention des risques pour la santé liés à l'environnement général et au travail de Bretagne – PRSE, est disponible sur : http://bretagne.sante.gouv.fr/pages/1sante/plan-sante-publique/prse/page-accueil.html D’un point de vue plus large, une contribution à la prévention des risques pour la santé liés au travail, est apportée par le rapport du Conseil Economique et Social de Bretagne « Conditions de travail en Bretagne – décembre 2004» sur saisine du Conseil régional. Ce rapport rend compte d’investigations menées sur deux thèmes en Bretagne : troubles musculo-squelettiques, stress au travail. Suivi des données du système de soins : offre de prise en charge et de prévention Une caractéristique du territoire breton en matière d’infrastructures concernant la santé de la population, est l’opposition entre le bord de mer et l’intérieur des terres. A l’exception de l’agglomération de Rennes, la population est concentrée autour des villes situées sur le littoral. L’implantation des établissements de santé et des cabinets de spécialistes médicaux est associée à la localisation de ces principales villes. Le littoral et l’agglomération de Rennes sont, par conséquent mieux desservis. L’offre de soins de proximité (médecins généralistes, pharmacies, services de soins à domicile pour personnes âgées), constitue un réseau couvrant néanmoins les zones où la population est moins dense. Les travaux menés dans le cadre du Schéma Régional d’Organisation Sanitaire (SROS), en Bretagne sont disponibles sur le site web de l’Agence Régionale de l’Hospitalisation (ARH) : http://www.arh-bretagne.fr/partenaires/sros3restructure/grandpublic.htm L’offre de soins est décrite dans des bilans rendant compte de la distribution selon le découpage géographique des 21 pays, ou des 8 secteurs sanitaires. L’offre de soins libérale en Bretagne. Données par pays. URCAM Bretagne (Février 2006 http://www.urcam.assurance-maladie.fr/fileadmin/BRETAGNE/SanteBretagne/Offre/Offre_de_soins_lib_rale_par_pays_bretons.pdf Tableaux de bord de l’ORS Bretagne des secteurs sanitaires http://www.arh-bretagne.fr/bretagne/tableaux%20de%20bords/tableauxbords.asp

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Santé mentale, psychiatrie, prise en charge des suicides, ont fait l’objet d’études et de bilans : Territoires et santé en Bretagne. Rapport remis à l’ARH, Alain Even, Laurent Tardif (2004) Voir pages 27-32 Réflexion sur la territorialisation : groupe de travail "Territoires en santé mentale" http://www.arh-bretagne.fr/partenaires/sros3restructure/assises/Territoires%20et%20santé%20en%20Bretagne.pdf Offre et consommation de soins : la psychiatrie libérale URCAM octobre 2000 http://www.urcam.assurance-maladie.fr/fileadmin/BRETAGNE/SanteBretagne/Etudes/PDF/Synthese_11.pdf Petitjean F., Bilan de la mise en œuvre du SROS 1999-2004. Prise en charge des suicides. Travaux préparatoires au SROS 3ème génération http://www.arh-bretagne.fr/partenaires/psychiatrie%20&%20sante%20mentale/Bilan%20SUICIDE_FP%20Version%20définitive.doc Etat des lieux de la prise en charge des suicidants dans le département du Morbihan Recommandations d’actions Etude pour la DDASS et la CPAM du Morbihan Contacts : Docteur TUAL-DENOEL F., Dr JAFFRE M Février 2003 Responsables de l’étude : Docteur SANNINO N. DONIO V., BONTE J. http://www.cpam56.fr/PDF/etudsuicid.pdf Les besoins en psychiatrie et santé mentale peuvent être mesurés, pour vérifier l’adéquation avec l’offre réelle. Un exemple de cette mesure est illustré par une enquête dans le département de la Mayenne : Observatoire Régional de la Santé des Pays de Loire. Nantes, Syndicat Inter Hospitalier en santé mentale de la Mayenne. (S.I.H.) Délais d'attente pour une consultation psychiatrique en Mayenne - 2005. (19 pages) http://www.sante-pays-de-la-loire.com/fileadmin/telechargements/autres/2006delaipsy53.pdf L'objectif de cette enquête est de mesurer le délai nécessaire à l'obtention d'un rendez-vous avec : - un psychiatre libéral, - une consultation en Centre médico-psychologique (CMP), - une consultation au Centre de cure ambulatoire en alcoologie et toxicomanie (CCAAT), - une consultation au Centre de thérapies familiales en santé mentale. Les questionnaires ont permis de préciser les délais moyens d'attente pour les nouveaux patients et pour les patients déjà suivis. Le point sur les données concernant les personnes adultes Au cours des deux décennies passées, les études concernant d’une part, les jeunes (15-24 ans) et d’autre part, les personnes âgées (au-delà de 65 ans ou de 75 ans), ont été plus nombreuses que celles concernant le groupe d’âge 25- 64 ans. Des études spécifiques par tranche d’âge décennales (25-34ans, 35-44 ans, 45-54 ans) sont possibles en ce qui concerne les décès par suicide et les tentatives de suicide. L’âge adulte évoque la période en activité professionnelle, mais il est indispensable de ne pas écarter des études, la population sans emploi, au chômage, les personnes isolées ou en situation de précarité. Conclusion Une dynamique de prévention du suicide passe par des capacités à synchroniser de nombreux acteurs et organismes, par des moyens d’assurer un suivi d’indicateurs montrant l’évolution du phénomène suicidaire selon différentes approches. Les pratiques professionnelles invoquent couramment les facteurs de risque, l’approche par les facteurs protecteurs argumente d’autres points de vue. C’est ainsi l’existence de conditions favorables pour maintenir les groupes de population en bon état de santé et en état de bien-être social, qui peut aussi être observé et décrit.

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Docteur David TRAVERS- Chef de clinique assistant Service Hospitalo-Universitaire du Professeur Bruno MILLET-C.H.U. de RENNES

DESCRIPTIF DU SYSTEME DE SOINS PSYCHIATRIQUES PRENANT EN CHARGE LES TENTATIVES DE SUICIDE AU C.H.U. DE RENNES

1- L’équipe psychiatrique : Au C.H.U. de Rennes, l’unité de psychiatrie est composée :

- D’un point de vue médical d’un Praticien Hospitalier temps-plein (Dr Francis EUDIER) et d’un Chef de Clinique Assistant à mi-temps pour le C.H.U. et à mi-temps pour la Faculté de Médecine (Dr David TRAVERS). Un interne de spécialité en psychiatrie travaille sous leur responsabilité dans l’équipe. Quatre vacations d’une demi-journée sont réalisées par trois psychiatres n’appartenant pas au C.H.U.

- D’un point de vue para-médical d’une équipe d’infirmiers sur la base de 8 ETP (Equivalent Temps-Plein).

Cette équipe assure deux missions :

- Les consultations psychiatriques au Service d’Accueil et d’Urgences (S.A.U.) - La psychiatrie de liaison dans les différents services du C.H.U.

L’activité en liaison est assurée du lundi au vendredi en journée. Au S.A.U., la prise en charge est continue 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. L’équipe infirmière fonctionne en autonome. L’équipe médicale est renforcée par l’ensemble des psychiatres travaillant au Centre Hospitalier Guillaume Régnier, l’ensemble assurant les gardes de nuit ainsi que les samedis après-midi, dimanches et jours fériés.

2- Principes généraux de prise en charge des Tentatives de suicide : Globalement, les suicidants (patients ayant fait une tentative de suicide, 1500 par an environ au C.H.U.) sont vus par un psychiatre :

- systématiquement lorsqu’ils sont hospitalisés au S.A.U. - en règle générale lorsqu’ils sont hospitalisés dans les services du C.H.U

La consultation a essentiellement deux buts :

- poser un diagnostic psychiatrique éventuel étant donné la forte association entre tentatives de suicide et pathologies psychiatriques.

- proposer une orientation pour le patient au sortir du C.H.U., cette question étant systématiquement à régler lors de cette consultation.

La consultation s’articule dans le parcours du patient :

- en amont du C.H.U. avec les médecins généralistes, le SAMU ou les psychiatres adressant le suicidant.

- En aval avec le réseau de soins existant : o Médecins généralistes, psychiatres, psychologues privés. o Centres Médico-Psychologiques des différents secteurs psychiatriques. o Hôpitaux Psychiatriques de la région, essentiellement le Centre Hospitalier Guillaume

Régnier de Rennes mais aussi l’Hôpital Saint-Jean de Dieu de Dinan, le Centre Hospitalier Spécialisé de Saint-Avé, les Hôpitaux de Redon , Saint-Malo et Saint-Brieuc.

o Cliniques Psychiatriques de Rennes (Saint-Laurent, Espérance), de Bruz (Moulin) essentiellement.

o Structures spécifiques intersectorielles (alcoologie, toxicomanie, adolescents et jeunes adultes, gériatrie).

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A l’issue de la consultation, le patient selon les cas :

- rentre à domicile (environ 60%), accompagné ou non, avec une proposition de suivi ou non. - est hospitalisé (environ 40%), en clinique ou à l’hôpital, avec ou sans son consentement (5% environ,

uniquement à l’hôpital).

3- Parcours systématisé du suicidant au S.A.U. de Rennes : Le patient rencontre en premier lieu l’infirmier de l’équipe psychiatrique. Celui-ci a un rôle particulier :

- D’accueil du patient (et de sa famille) avec information sur la prise en charge à venir. - D’évaluation initiale du patient, de son état psychiatrique. - De point de repère pour le patient (et la famille) au milieu des urgences. - De prise en charge spécifique psychiatrique (contact, apaisement, protection, communication).

D’un point de vue chronologique :

- Le patient est admis au S.A.U. - Il est rencontré par l’équipe médicale qui fait le point sur son état somatique. - Il est tout au long de cette prise en charge somatique rencontré par l’infirmier psychiatrique qui

collecte des informations nécessaires à la consultation psychiatrique qui suivra. - La consultation psychiatrique arrive à l’issue de la prise en charge médicale, après un certain délai

fixé au C.H.U. de Rennes à 12 heures minimum : o Pour permettre l’élimination des toxiques ingérés. o Pour obtenir le maximum d’informations par le patient mais aussi sa famille, son entourage,

son médecin traitant, son psychiatre. o Pour que l’évaluation ait lieu un minimum à distance de l’acte, tant pour le patient que pour

son entourage et ce afin d’évaluer au mieux l’hypothèse d’un retour à domicile dans la foulée de la tentative de suicide.

4- L’orientation du patient :

Les facteurs intervenant dans la décision de sortie sont multiples :

- Cliniques : état prémorbide (les semaines précédentes), morbide (pendant l’acte suicidaire) puis à distance de l’acte.

- Epidémiologiques : mode de tentative de suicide (moyen, chronologie, précautions prises…), sexe, âge, co-morbidité psychiatrique éventuelle.

- Divers : o Informations données par l’entourage, le médecin ayant adressé le patient. o L’étayage familial, amical, social. o La prise en charge antérieure existante.

Par ailleurs, interviennent dans la décision d’hospitalisation ou de sortie :

- l’avis du patient, - l’indication clinique à une hospitalisation en terme de risque de récidive suicidaire à court terme (et

de ce fait une éventuelle hospitalisation sous contrainte via l’Hospitalisation à la Demande d’un Tiers ou l’Hospitalisation d’Office).

- La prise en charge pré-existante. La famille est systématiquement rencontrée ; le suicidant ne quitte jamais seul l’hôpital. Quel que soit le cas, un soin psychiatrique est proposé au patient. Une sortie s’accompagne donc du renforcement positif du suivi antérieur, d’une orientation vers une structure ambulatoire en cas d’absence de suivi antérieur. Le réseau d’aval, qu’il soit hospitalier ou ambulatoire est informé de la décision de sortie, de sa modalité.

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Virginie MUNIGLIA-

Texte de cadrage : Souffrance psychique des jeunes en insertion

Quelques éléments de problématique

Depuis le début des années 1990, les problèmes de santé mentale, et plus particulièrement la souffrance psychique, ont été soulignés à la fois comme conséquences et comme handicaps majeurs des trajectoires les plus précaires. Ainsi, la loi de lutte contre les exclusions de 1998 met l’accent sur l’accès des plus démunis aux dispositifs de santé et insiste, notamment à travers la mise en place des Programmes Régionaux d’Accès à la Prévention et aux Soins (PRAPS), sur la nécessité d’engager une réflexion sur une meilleure prise en charge de la souffrance psychique chez les personnes en situation d’exclusion et de précarité. Les enquêtes relèvent d’ailleurs une « surreprésentation des problématiques psychoaffectives et des troubles mentaux d’une part et d’autre part de leur gravité »24 parmi cette population.

Souffrance psychique et jeunesse

Sur ce plan, les jeunes semblent faire l’objet de préoccupations spécifiques. Ils apparaissent, à travers les différents rapports25, comme particulièrement vulnérables en matière de souffrance psychique. Ainsi, selon Marie Choquet, parmi les problèmes de santé des 10-24 ans, les troubles liés à la santé mentale se révèlent prévalents26. Les plaintes psychosomatiques (céphalées, douleurs digestives, dorsalgies…), la fatigue et les perturbations du sommeil sont fréquentes à l’adolescence ; « 13% des garçons et 27% des filles cumulent plusieurs de ces plaintes ». Les troubles de l’humeur (inquiétude, nervosité, déprime, dépression) sont également très présents27 et « entre 5% et 7% des jeunes se sentent cliniquement déprimés ». Quant aux tentatives de suicide et aux idées suicidaires, elles concernent un pourcentage inquiétant des jeunes. En effet, « dans une population d’adolescents scolarisés, 6,5% (8% des filles, 5% des garçons) ont déjà fait une tentative de suicide. Parmi les non-scolaires, cette proportion atteint 15% (18% des filles et 12% des garçons) ». On peut d’ailleurs noter que, d’après l’enquête CFI-PAQUE28, les jeunes non scolarisés semblent les plus touchés par les problèmes de santé mentale.

« Un terme qui revient dans presque toutes les études qualitatives concernant les jeunes en difficulté, est celui de honte, avec tout ce que cela implique de perte d’estime de soi, de désengagement des relations avec les autres, de désintérêt pour la sphère publique, de perte d’énergie (« pourquoi me demander ce que je ferai dans un mois, alors que je ne sais pas ce que je ferai demain et même ce soir »). Il est difficile dans ces conditions de bâtir et de proposer une stratégie de soins. Pas de projet, donc pas de sens. Cette absence de sens explique que la souffrance psychique s’exprime davantage par l’angoisse, la dépression, voire par des violences éruptives que par des valeurs positives, telles que le combat politique ou la révolte raisonnée »29.

24 Rapport du groupe de travail « Souffrance psychique et exclusion sociale », sous la dir. de Philippe Jean Parquet, pour le Secrétariat d’Etat à la lutte contre la précarité et l’exclusion, Ministère des Affaires sociales, du travail et de la solidarité, septembre 2003. 25 Haut Comité de la Santé Publique, Rapport du groupe de travail sur « La souffrance psychique des adolescents et des jeunes adultes », Rennes : éditions E.N.S.P., février 2000. 26 M. CHOQUET, « Santé », in Les Jeunes de 1950 à 2000, un bilan des évolutions, INJEP, 2001, pp. 123-128. 27 34% se sentent souvent inquiets, 22% se disent souvent déprimés en pensant à l’avenir, 16% se disent souvent déprimés, 38% se sentent souvent nerveux. M. CHOQUET, op. cit., p. 125. 28 M. CHOQUET, citée dans le rapport du Haut Comité de la Santé Publique, La Progression de la précarité en France et ses effets sur la santé, Rennes : éditions E.N.S.P., février 1998, p. 197. 29 Haut Comité de la Santé Publique, La Progression de la précarité en France et ses effets sur la santé, op. cit., p. 197.

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La santé mentale des jeunes apparaît donc comme une préoccupation importante, particulièrement pour les jeunes en insertion. L’intérêt pour cette question semble d’ailleurs se manifester dès la fin des années quatre-vingt au sein de certaines Missions locales30 avant de devenir omniprésente au sein de l’ensemble des politiques d’insertion sociale, qu’elles concernent les jeunes ou les « exclus », à la fin des années quatre-vingt-dix.

Souffrance psychique et précarité

Depuis une dizaine d’années, la notion de souffrance, souvent qualifiée de psychique, s’est imposée comme une évidence pour appréhender la situation des personnes victimes de « la nouvelle question sociale » liée aux mutations de la société salariale et aux formes de précarisation du marché du travail. Ainsi, Le Haut Comité de la Santé Publique, dans son rapport de 1998, estime que :

« La souffrance psychique est actuellement, dans le domaine de la santé, le symptôme majeur de la précarité31 et que son ampleur ne peut être ignorée dans la mise en place de dispositifs de prise en charge médico-sociale »32.

La souffrance psychique désigne donc une manière particulière de « souffrir par le social, d’être affecté dans son être psychique par son être en société »33. Cette notion accrédite ainsi une lecture particulière de la précarité et l’exclusion qu’il serait sans doute nécessaire d’éclairer à travers une précision des contours de la définition de la souffrance psychique et des enjeux qu’elle soulève comme mode de qualification des problèmes sociaux.

Ce sont d’abord les intervenants, travailleurs sociaux dans les quartiers, animateurs locaux d’insertion, conseillers de Missions locales, enseignants dans les zones d’éducation prioritaire, qui, mis en difficulté sur le terrain dans leurs missions d’insertion, font remonter la plainte au début des années quatre-vingt-dix. Ils font part de problèmes ou de difficultés psychologiques chez certains usagers, qu’ils définissent essentiellement comme des freins à l’insertion et qui « grippent le fonctionnement normal des dispositifs sociaux »34. Face à la récurrence des échecs dans certains parcours d’insertion, que ce soit au niveau du travail, du logement ou de la vie sociale, les intervenants s’interrogent sur la possibilité même d’établir une relation d’aide. Ces troubles semblent atteindre le psychisme des individus sans toutefois relever de la maladie mentale. On parle ainsi de « mal-être », de souffrance « sociale », « psychosociale », « psychologique » pour tenter de qualifier un problème pour lequel les catégories habituelles cessent d’être opératoires et les savoirs et les savoir-faire se révèlent impuissants.

Ce désarroi des professionnels de terrain va trouver un écho dans l’espace public grâce à la diffusion du Rapport Strohl-Lazarus35 en 1995, rapport qui va devenir le document de référence pour les décideurs chargés de produire des politiques nouvelles et pour les professionnels chargés de les mettre en œuvre. Dans texte, la souffrance psychique marque, d’ailleurs, d’abord l’affect des professionnels confrontés à la grande misère des victimes de la crise avant de désigner l’affect des victimes elles-mêmes. Didier Fassin parle ainsi d’un « affect contagieux » qui toucherait à la fois « la victime de l’inégalité, de la violence, de la discrimination, de la précarisation », « le témoin, soit qu’il assiste à la souffrance, soit qu’il assiste la personne souffrante », mais aussi « celui qui commet la violence ou exerce la domination », le jeune agressif étant lui-même considéré comme victime de l’ordre social36. Outre cette hésitation sur la désignation du sujet de la souffrance, le rapport fait part de la difficulté à définir l’origine de cette souffrance qui constitue un problème large et diffus. En effet, il est impossible d’établir une relation de causalité directe et univoque entre condition de vie et santé mentale. La distinction entre des facteurs de souffrance liés à « une condition sociale (pauvreté, insécurité, dévalorisation statutaire) » et des

30 M.-C. FREIRE, La Santé et l’insertion des jeunes, contribution des missions locales, Ministère de l’emploi et de la solidarité, Délégation interministérielle à l’insertion des jeunes, 2001, p. 74. 31 Le Haut comité de la santé publique retient comme définition de la précarité « un processus de fragilisation conduisant à une plus grande vulnérabilité devant un certain nombre de handicaps sociaux, coûteux pour l’individu et susceptibles d’entraîner un glissement vers des situations plus durables et plus dramatiques, proches de la grande pauvreté et de l’exclusion ». (La Progression de la précarité en France et ses effets sur la santé, op. cit., p. 37). 32 Ibid, p. 10. 33 D. FASSIN, Des Maux indicibles, sociologie des lieux d’écoute, Paris : La Découverte (coll. « Alternatives sociales »), 2004, p. 9. 34 A. LAZARUS, H. STROHL, Pauvreté, précarité et pathologies mentales. Une souffrance que l’on ne peut plus cacher, Rapport du groupe de travail « Ville, santé mentale, précarité et exclusion sociale », Délégation interministérielle à la Ville et au développement social urbain, Délégation interministérielle au R.M.I., février 1995, p. 12. 35 A. LAZARUS, H. STROHL, op. cit. 36 D. FASSIN, Des Maux indicibles, sociologie des lieux d’écoute, op. cit., p. 64.

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facteurs qui relèveraient d’une « condition subjective (en rapport avec une transition générationnelle, une rupture biographique, des difficultés existentielles) » ou de fragilités pathologiques latentes37, s’avère périlleuse. Le rapport tente donc d’échapper à une vision strictement déterministe qui se contenterait d’affirmer que la précarité sociale induit une souffrance psychique. Ainsi, si les troubles présentés par les personnes en difficulté sociale n’entrent pas dans les catégories de la nosographie psychiatrique traditionnelle, elles ne peuvent pas non plus être rattachées aux seules conditions sociales. En fait, la souffrance psychosociale est surtout définie par des symptômes : la honte, la perte d’estime de soi, le désinvestissement de la relation à l’autre, la perte d’énergie, l’échec récurrent, la dénégation, l’absence de liens sociaux, l’agressivité…

« [La souffrance psychique] a un pied dans le symptôme mais elle génère des contours élastiques qui, débordant le symptôme, viennent redéfinir de manière plus exigeante ce qu’on entend par santé mentale. De même, on ne sait pas très bien jusqu’à quel point cette souffrance psychique croît et jusqu’à quel point ce qui s’étend n’est pas aussi la légitimité de son langage à dire l’éventail de toutes les formes de souffrance, toutes ces souffrances que portent les inégalités structurelles ou les nouvelles formes d’exclusion, par exemple »38.

La souffrance psychique reste donc une notion aux contours flous et c’est cette ambiguïté même qui révèle son caractère problématique à la fois dans la pratique des intervenants de terrain mais aussi dans la définition des politiques qui sont censées la prendre en compte.

Souffrance psychique et recomposition de l’articulation sanitaire/social

La caractérisation des conséquences de la « nouvelle question sociale » en terme de souffrance psychique implique alors de revoir les modes de prise en charge des populations en difficulté sociale notamment en accélérant l’articulation entre le secteur sanitaire et le secteur social et en assouplissant les limites de leur champ d’action.

« Il est donc nécessaire de dépasser la santé dans son acception classique de réparation et de prévention de la maladie et de considérer que certaines formes de mal être, qui ne sont pas de la maladie mentale, qui n’y conduisent pas forcément, peuvent entraîner un recours à des actes de soin ; parallèlement, il faut considérer que le volet santé d’un certain nombre de dispositifs sociaux mérite d’être renforcé, à condition que l’on entende par santé une amélioration du bien être physique et psychique voire social »39.

Sur le plan sanitaire, cette conception implique une recomposition de la psychiatrie ; elle s’inscrit dans une perspective de santé mentale, que l’on pourrait opposer schématiquement à une perspective psychopathologique, qui tente de faire le pont entre psychiatrie et santé publique. A l’opposé du modèle curatif, modèle de la « réparation », de la psychiatrie classique, qui repose sur le traitement des pathologies mentales fondé sur la relation patient - soignant, l’approche de santé mentale s’intéresse aux personnes en bonne santé mais ayant des problèmes ; elle vise le bien-être et déplace son intervention hors des murs de l’institution psychiatrique. Elle concerne donc un spectre de problèmes extrêmement large :

« A un extrême, elle désigne les psychoses adultes et infantiles, à un autre, le développement personnel (« la thérapie pour les normaux ») ou ce que la psychiatrie appelle la « santé mentale positive » »40.

D’autre part, cette approche des difficultés sociales en termes de souffrance psychique implique également une recomposition de l’action sociale à travers la promotion d’une approche psychologique au sein des dispositifs sociaux, auprès du public mais aussi auprès des intervenants.

37 Ibid., p. 64. 38 A. LOVELL, Travaux préparatoires à l’élaboration du Plan Violence et Santé en application de la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004, Commission « Violence et santé mentale », Mars 2005, p. 5. 39 A. LAZARUS, H. STROHL, op. cit., p. 17. 40 A. EHRENBERG, « Remarques pour éclaircir le concept de santé mentale », Revue française des affaires sociales, n° 1, 2004, p. 85.

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Prise en charge de la souffrance des jeunes : quels principes pour l’action publique ?

Les circulaires sur l’écoute

L’institutionnalisation de la souffrance psychique des jeunes comme problème public trouve sa première traduction à travers l’élaboration d’une politique nationale de l’écoute qui s’appuie sur deux circulaires. La circulaire Barrot41, datée du 14 juin 1996 et rédigée par le ministère du Travail et des Affaires sociales, concerne les « points d’accueil pour les jeunes âgés de 10 à 25 ans » (PAJ) et vise à « répondre au mal-être des adolescents ». La circulaire Gaudin42, datée du 10 avril 1997 est le fait du ministère de l’Aménagement du territoire, de la Ville et de l’Intégration. Elle porte sur les « points écoute pour les jeunes et/ou parents » (PEJ) et cherche à « répondre au besoin de pouvoir exprimer les problèmes ressentis ». La circulaire du 12 mars 200243, qui vise à assurer la mise en place d’un « réseau unifié des points d’accueil et d’écoute jeunes » (PAEJ), vient abroger les deux textes précédents, tout en conservant les principes. L’objectif réside dans la « prévention des conduites à risque des jeunes, qu’il s’agisse du risque de désocialisation ou de risque pour la santé » ; les méthodes valorisées sont « l’accueil, l’écoute, l’orientation et l’accompagnement parental ou la médiation parents enfants ». S’il semble bien que le Rapport Strohl-Lazarus ait servi de référence pour la rédaction de ces circulaires, on peut souligner le décentrement quant à ses préoccupations, au moment de la traduction de ses propos dans le registre de l’action publique. En effet, alors que le texte sur la souffrance mettait en avant le mal-être des intervenants, et donc les difficultés du travail social aujourd’hui, dans les circulaires sur l’écoute, il n’en est plus fait mention. Ce sont les affects des jeunes, et éventuellement leurs répercussions sur la sphère familiale, qui constituent le point d’ancrage de l’intervention publique. Ce déplacement des préoccupations conduit également à un déplacement de la logique politique à l’œuvre ; c’est la perception des problèmes des jeunes sur un mode individualisé qui prédomine. Leurs difficultés apparaissent moins liées aux conséquences des dérégulations socio-économiques qu’à une nature particulièrement vulnérable liée à la période de l’adolescence. Le registre d’interprétation de la souffrance des jeunes est essentiellement psychologique. La circulaire Barrot fait ainsi état des « difficultés relationnelles, conflits familiaux, fugues, mal de vivre, échec scolaire, conduites dépendantes » qui constituent « des symptômes qui appellent une réponse précoce à travers un travail d’écoute et de médiation ». La circulaire de 2002 souligne que les familles doivent être « soutenues dans leur fonction éducative » mais nulle part il n’est fait mention des questions d’insertion professionnelle ou d’accès à l’indépendance et au statut d’adulte. Didier Fassin44 analyse ainsi la réponse qu’offre la société, en écoutant la souffrance des victimes des inégalités qu’elle produit, comme relevant d’un souci de compassion, la formulation des problèmes sociaux en terme de souffrance psychique impliquant que les faits et gestes des usagers soient relus en terme affectif plutôt que comme le résultat de la dérégulation socio-économique. Il y voit également un souci de pacification, les questions d’ordre public étant au fondement des circulaires :

« La focalisation sur les jeunes en situation de marginalité ou de marginalisation, fugueurs ou toxicomanes, indique clairement un souci de contrôle social et d’ordre public »45.

En effet, ce qui semble inquiéter les pouvoirs publics apparaît au sein de la circulaire de 2002 ; les manifestations du mal-être des jeunes y sont qualifiées ainsi :

« Attitudes de repli sur soi, actes de violence sur soi ou sur les autres, conduites à risques, actes de délinquance de plus en plus précoces et graves, décrochages scolaires et ruptures familiales, errance et précarité ».

41 Circulaire n°96/378 du 14 juin 1996 relative à la mise en place de points d’accueil pour les jeunes âgés de 10 à 25 ans, ministère du Travail et des Affaires sociales et secrétariat d’Etat chargé de l’Action humanitaire. 42 Circulaire DAS/DSF1 n°97/280 du 10 avril 1997 relative à la mise en place de points écoute pour les jeunes et/ou parents, ministère de l’Aménagement du territoire, de la Ville et de l’Intégration et ministère délégué à la Ville et à l’Intégration. 43 Circulaire DGS-DGAS n°2002/145 du 12 mars 2002 relative à la mise en oeuvre d’un dispositif unifié des points d’accueil et d’écoute jeunes, Direction générale de l’action sociale, Sous-direction des politiques d’insertion et de lutte contre les exclusions, Direction générale de la santé et Sous-direction de la santé et de la société. Cf. Annexes. 44 D. FASSIN, Des Maux indicibles, sociologie des lieux d’écoute, op. cit. 45 Ibid., p. 38.

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C’est bien ici le souci de la jeunesse dangereuse et en danger qui justifie l’action publique mais dans un souci de réduction des risques plutôt que d’égalité sociale. Ces interventions s’inscrivent dans la continuité des politiques d’insertion, cependant, l’insertion sociale est désormais déconnectée de l’insertion professionnelle. Il n’est pas non plus question de proposer une prise en charge psychologique ou psychiatrique puisque ces structures doivent démédicaliser et déprofessionnaliser leur présentation. Il ne s’agit donc ni de soigner, ni de trouver un emploi mais plutôt de garantir un minimum de liens avec la société. Les PAEJ ont ainsi « vocation à accueillir notamment les jeunes qui adoptent une attitude de rejet ou de retrait »46. Cette façon d’aborder la question sociale, en étant attentif au mal-être des personnes, en difficulté n’est pas inédite ; l’écoute n’est pas une compétence nouvelle des professionnels du social. Ce qui constitue une évolution, cependant, dans la conception de l’action publique réside dans l’institutionnalisation de ces tendances au sein de ces circulaires. Selon Didier Fassin, la traduction des inégalités sociales dans le lexique de la souffrance et le choix d’y répondre par l’institution de lieux d’écoute ont de fortes répercussions quant au modèle de régulation politique :

« En se situant du point de vue des individus, le processus de psychologisation à l’œuvre, en particulier en ce qu’il rabat le social sur la psyché, leur impose une manière de se présenter devant les autres dans un double registre pathétique et individuel : d’une part les affects liés au malheur sont mis en avant ; d’autre part, les discours sont constitués sur le mode biographique. Il n’y a guère d’espace pour dire la violence des interactions dans lesquelles on se trouve pris (à l’école, dans son travail, avec la police, etc.) ou l’injustice des situations auxquelles on est confronté (en tant que jeune de milieu pauvre ou d’origine étrangère, en tant que demandeur d’emploi, etc.). Il n’y a pas beaucoup de place non plus pour des solutions d’ordre général (mettant précisément en cause l’ordre des choses), mais seulement pour des explications particulières renvoyant à des histoires singulières et à une capacité personnelle à faire face »47.

On est ici bien loin des préoccupations et des préconisations dont le groupe de travail « Ville, santé mentale, précarité et exclusion sociale » avait fait part au sein du rapport Une souffrance qu’on ne peut plus cacher. La dimension proprement sociale de la souffrance y était fortement soulignée ainsi que la nécessité de ne pas substituer un traitement psychologique à un traitement politique global de ces questions ; l’accent était mis sur les difficultés rencontrées par les intervenants sociaux dans le cadre de la relation d’aide en l’absence de perspective d’emploi pour une partie de la population particulièrement fragilisée par les dérégulations socio-économiques.

La conception de la souffrance psychique des jeunes au sein des programmes régionaux d’accès à la prévention et au soin

La souffrance psychique en rapport avec la précarité a également été identifiée comme un problème prioritaire au sein des Programmes Régionaux d’Accès à la Prévention et aux Soins (PRAPS)48, qui visent à améliorer l’accès des populations en situation précaire aux dispositifs de prévention et de soins, en faisant reculer les inégalités en matière de santé. En effet, la question de la souffrance psychique, se situant à cheval entre le médical et le social correspond parfaitement au champ de compétence de ces programmes. Cette préoccupation généralisée a d’ailleurs conduit à la rédaction d’une circulaire d’orientation relative aux actions conduites dans le champ de la santé mentale dans le cadre des PRAPS49. Ce texte propose une formulation institutionnelle de réflexions conduites dans le cadre des différents PRAPS et émanant directement des professionnels de terrain. Il s’agit donc d’une synthèse des différentes expériences, attentes et besoins locaux face à la vulnérabilité nouvelle d’une partie du public. Ici, ce sont les personnes en situation de précarité qui constituent la principale cible. Les jeunes sont bien sûr particulièrement concernés et semblent toujours constituer un public spécifique mais la référence à leur situation sociale est ici explicite. Les interrogations formulées à propos de la prise en charge de la souffrance psychique s’organisent autour de trois axes principaux :

46 Circulaire DGS-DGAS n°2002/145 du 12 mars 2002 relative à la mise en oeuvre d'un dispositif unifié des points d'accueil et d'écoute jeunes. 47 D. FASSIN, Des Maux indicibles, sociologie des lieux d’écoute, op. cit., p. 185. 48 Institués par le volet santé (article 71) de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions. 49 Circulaire DGS/6C/DHOS/O2/DGAS/DIV n° 2001/393 du 2 août 2001 d’orientation relative aux actions de santé conduites dans le cadre des programmes régionaux d’accès à la prévention et aux soins (PRAPS) dans le champ de la santé mentale. Cf. Annexe.

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Tout d’abord, l’action directe auprès des publics démunis doit permettre d’offrir aux personnes en situation de précarité, voire d’exclusion sociale, une opportunité d’écoute, de soutien psychologique, de prévention et d’accès au soin ; l’objectif n’étant pas de faire du soin sur les lieux de prise en charge sociale mais d’assurer un relais vers la psychiatrie ou la psychologie. Ce type de dispositif passe souvent par :

« la présence d’un professionnel de la psychiatrie ou d’une équipe pluridisciplinaire) dans les lieux de vie et de passage de ces populations (centres sociaux, missions locales, foyers de jeunes travailleurs, centres d’hébergement et de réinsertion sociale…) ou dans les lieux « banalisés » où sont intégrées les fonctions d’accueil, d’écoute et de soins afin d’animer un dispositif d’écoute et d’expression de la souffrance et apporter aux personnes en grande précarité ainsi qu’à leurs aidants, un soutien individuel ou collectif »50.

L’intervention d’un psychologue à la Mission locale Centre Bretagne.

Un psychologue, salarié du Centre de Cure Ambulatoire en Alcoologie (C.C.A.A.), est mis à disposition de la Mission locale. Il intervient à la demande des conseillers techniques. Il effectue alors des permanences et assure une prise en charge psychologique (accueil, écoute, réorientation) du public au sein même de la Mission locale. L’équipe a fixé à quatre le nombre maximum d’entretiens avec une personne afin d’éviter que la démarche de soin ne s’effectue à l’intérieur de la structure. Au-delà de ce nombre, le relais est passé au C.M.P. ou à l’hôpital de jour de Plouguernevel. La création d’un « point écoute jeune » est également en projet à la Mission locale ; il pourrait faire l’objet d’un financement DRASS - Conseil général.

Le soutien aux intervenants, en contact avec ces publics, constitue également une préoccupation centrale ; les attentes touchent à la nécessité d’une qualification accrue des acteurs de première ligne leur permettant d’identifier les problèmes rencontrés par les personnes en situation de précarité, de décoder et d’analyser les demandes, d’assurer les premiers stades d’écoute et de soutien pré-thérapeutique ainsi qu’un accompagnement adéquat vers le dispositif de soin lorsque c’est nécessaire. A cet égard, les PRAPS peuvent soutenir des actions « de formation des professionnels », « de supervision, d’analyse des pratiques institutionnelles et d’appui technique des professionnels sociaux dans leur pratique quotidienne (aider au dépistage d’un trouble psychique, orienter) » ainsi que « des démarches multi-partenariales, pluridisciplinaires, d’identification des possibilités mutuelles et des limites de chacun »51. Enfin, l’axe d’intervention principal, qui sous-tend les deux premiers, concerne la possibilité de dépasser les clivages entre la psychiatrie et le social. Il s’agit, en fait, de favoriser la coopération entre les équipes de psychiatrie et les travailleurs sociaux afin de mieux repérer la souffrance psychique et les troubles de la santé mentale et d’améliorer la cohérence des prises en charge sociale et sanitaire du public concerné :

« La demande de coopération des travailleurs sociaux et des professionnels des structures d’insertion sociale et professionnelle vis-à-vis de la psychiatrie est importante, du fait de la difficulté de l’accompagnement social des personnes en souffrance psychique vers la psychiatrie. Réciproquement, les services publics de psychiatrie auxquels font préférentiellement appel les personnes démunies ne peuvent construire de réponse adaptées qu’en s’appuyant sur le dispositif social et médico-social »52.

Contrairement aux circulaires sur l’écoute des jeunes, les grands axes d’intervention qui se dégagent des PRAPS s’apparentent donc clairement aux préoccupations formulées dans le Rapport Strohl-Lazarus. Dans les deux cas, en effet, le rapprochement entre les acteurs du secteur social et ceux de la santé mentale, l’atténuation des frontières entre ces secteurs, paraissent primordiaux ; la transversalité des initiatives est

50 Circulaire DGS/6C/DHOS/O2/DGAS/DIV n° 2001/393 du 2 août 2001 d’orientation relative aux actions de santé conduites dans le cadre des programmes régionaux d’accès à la prévention et aux soins (PRAPS) dans le champ de la santé mentale. 51 Ibid. 52 Circulaire DGS/6C/DHOS/O2/DGAS/DIV n° 2001/393 du 2 août 2001.

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valorisée. D’autre part, l’intérêt porté au soutien des professionnels de terrain met l’accent sur les questionnements quant à l’évolution de la relation d’aide :

« L’appui de l’équipe de psychiatrie dans un travail inter partenarial, conduit à la demande des professionnels sociaux et médico-sociaux, peut favoriser un travail d’évaluation clinique, une élaboration des prises en charge conduisant à l’aménagement de relations moins fusionnelles avec les usagers et permettant de prévenir les conduites de rupture, et le passage de relais en temps opportun vers une équipe de soin, que ce soit dans le cadre d’un avis ponctuel ou d’un suivi plus conséquent »53.

On observe même une certaine méfiance vis-à-vis des dispositifs d’écoute en direction des usagers du social ; le risque d’une psychiatrisation du social n’est pas négligé. Ainsi, les dernières orientations des PRAPS semblent privilégier les dispositifs offrant un appui aux professionnels, permettant un renforcement des compétences des travailleurs sociaux à répondre aux problématiques de la souffrance psychique, afin de prévenir un risque de médicalisation excessive des problèmes de précarité et d’exclusion54. De même, le rapport sur la souffrance précise bien que la fonction d’écoute doit être offerte comme « aide supplémentaire à des usagers en difficultés particulières, qu’elle ne doit pas être un préalable à l’offre d’insertion, qu’elle ne doit pas s’y substituer »55.

Le réseau RAMPES (Réseau d’Aide Médico-psychologique Et Sociale) à Janzé.

Le réseau RAMPES, créé en octobre 1997, consiste en un partenariat entre le CDAS de Janzé, l’équipe de secteur du C.H. Guillaume Régnier, l’association intermédiaire « le Relais » et l’APASE. Sa création s’est appuyée sur l’existence préalable du Comité de circonscription de Janzé, qui regroupait déjà les partenaires du secteur social sur le territoire et favorisait ainsi une dynamique locale incitant l’action concertée et le fonctionnement en réseau. Les objectifs de RAMPES sont de : créer une commission dans laquelle sont exposées des situations qui mettent en échec plusieurs intervenants, contribuer en croisant les regards à l’ouverture de situations de blocage, élaborer collectivement des pistes d’action dans le respect des rôles et places des intervenants, rechercher des modalités concrètes d’intervention. Le réseau est constitué de membres permanents (une assistante sociale du CDAS, trois personnes du C.H. Guillaume Régnier (psychologue, assistant social, infirmière), une éducatrice de l’APASE, une personne du Relais) et de membres non permanents (tout professionnel souhaitant exposer une situation et ou concerné par cette situation). Les réunions ont lieu une fois par trimestre au C.M.P. de la Guerche de Bretagne. Tout professionnel ou partenaire de l’action sociale (professionnels, bénévoles, élus, membres d’association…) peut saisir la commission RAMPES et convier l’ensemble des professionnels concernés par la situation dont il est question. Le secrétariat de RAMPES, situé au CDAS de Janzé, assure l’élaboration de l’ordre du jour de la réunion. Les commissions sont basées sur le principe de la confidentialité et de la confiance entre des partenaires qui se connaissent bien ; le secret partagé est reconnu par les membres du réseau. Les usagers dont il est question peuvent être prévenus si c’est opportun mais ils n’assistent jamais aux réunions.

53 « Prise en charge de la souffrance psychique et des troubles de la santé mentale dans les situations de précarité et d’exclusion », document de synthèse du groupe de travail ministériel, DGS - Bureau de la santé mentale (DGS/6C), décembre 2001, annexe 6 de la Circulaire DGS/SD6D n° 2002/100 du 19 février 2002 relative à l’élaboration des PRAPS de deuxième génération. Cf. Annexes. 54 Cf. V. MUNIGLIA, Souffrance psychique, précarité, exclusion, comment faire ? Analyse des modalités et dispositifs de prise en charge de la souffrance psychique et des troubles de la santé mentale dans les situations de précarité et d’exclusion en Bretagne : enseignements, recommandations, aide à la décision, DRASS Bretagne, novembre 2004, 29 p. 55 A. LAZARUS, H. STROHL, op. cit., p. 45.

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Ce que les jeunes en disent

Des entretiens menés auprès de jeunes fréquentant les Missions locales, portant sur leur itinéraire d’insertion et la façon dont ils l’avaient vécu, nous permettent de souligner quelques sentiments récurrents par rapport à leur expérience d’insertion56.

La fragilité induite par les parcours institutionnels

On peut tout d’abord relever que les logiques institutionnelles peuvent elles-mêmes être source de souffrance pour les jeunes en insertion. Les usagers ont ainsi fait part, à plusieurs reprises, des problèmes liés à une forme de parcellisation de leurs problèmes et de leur accompagnement. Ce phénomène semble particulièrement mal vécu ; ils ont l’impression d’être promenés d’un intervenant à l’autre, d’une structure à l’autre sans qu’il y ait de cohérence entre ce que peuvent proposer les uns et les autres. D’autre part, la multiplication des mesures conduit à une forme de complexité considérable et les jeunes ne parviennent plus à décoder les objectifs de chaque prestation. Les logiques de dispositifs, la rigidité des règles administratives, la nécessité de devoir répondre à des critères stricts pour pouvoir bénéficier des différentes aides et outils existants, suscitent, elles aussi, l’incompréhension du public, qui les interprète comme une impuissance des professionnels à maîtriser la relation d’aide ou comme une forme d’indifférence à leurs difficultés ou bien encore comme une preuve de mauvaise volonté, voire de défiance à leur égard.

Les attentes par rapport à une démarche en santé mentale

Il faut également noter que les jeunes rencontrés faisaient une distinction claire entre leurs attentes quant à une prise en compte de leurs problèmes matériels et un travail avec un spécialiste en santé mentale. En effet, s’ils pouvaient être favorables, voire demandeurs, quant à une prise en considération de la dimension psychique de leurs difficultés dans leur parcours d’insertion, ils s’adressaient, cependant, à la Mission locale avant tout pour être aidés par rapport à des problèmes concrets.

Conclusion

On peut donc dire que le traitement des difficultés psychiques des individus ne peut en rien pallier les problèmes propres au public de la Mission locale, ceux de l’insertion professionnelle. Les difficultés des jeunes résident, en effet, notamment dans la précarisation de leurs parcours d’insertion professionnelle qui les ont rendus fortement dépendant de la solidarité familiale puisqu’ils ne bénéficient que très faiblement de la solidarité publique : ils n’ont pas accès au R.M.I. avant vingt-cinq ans s’ils n’ont pas d’enfant. à charge et remplissent difficilement les critères nécessaires à l’indemnisation chômage puisqu’ils occupent souvent des formes d’emploi atypiques et de courte durée. On peut alors se demander si le développement d’outils tels que l’analyse de la pratique ne contribue pas à alimenter une lecture psychologique des difficultés des personnes, occultant par là même des lectures sociales attentives aux effets de structures socio-économiques ou politiques.

56 V. MUNIGLIA, Souffrance psychique et insertion des jeunes : formulation d’un problème public et recomposition des logiques d’action des professionnels de la Mission locale, mémoire présenté pour le Master 2 « Action et espaces publics en Europe », sous la direction de Patricia Loncle, IEP de Rennes, 2005.

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REPERES BIBLIOGRAPHIQUES

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MUNIGLIA V., Souffrance psychique et insertion des jeunes : formulation d’un problème public et recomposition des logiques d’action des professionnels de la Mission locale, mémoire présenté pour le Master 2 « Action et espaces publics en Europe », sous la direction de Patricia Loncle, IEP de Rennes, 2005.

MUNIGLIA V., Souffrance psychique, précarité, exclusion, comment faire ? Analyse des modalités et dispositifs de prise en charge de la souffrance psychique et des troubles de la santé mentale dans les situations de précarité et d’exclusion en Bretagne : enseignements, recommandations, aide à la décision, DRASS Bretagne, novembre 2004, 29 p.

PENNEC Etudes-Conseils, La prise en charge de la souffrance psychique dans les situations de précarité : analyse des dispositifs de coopération entre le secteur social et secteur psychiatrique, Rapport pour la DRASS Bretagne, décembre 2003.

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Rhizome – Bulletin national santé mentale et précarité, n° 5, juillet 2001.

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Travaux préparatoires à l’élaboration du Plan Violence et Santé en application de la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004, Commission « Violence et santé mentale », Mars 2005, 79 p.

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Franck SANSELME -

Chercheur associé au CESDIP

Données de cadrage sur le suicide des jeunes Résumé

Franck Sanselme propose une synthèse des données épidémiologiques mettant en lumière l’importance du phénomène suicidaire chez les jeunes Bretons. La surmortalité (aussi bien masculine que féminine) par suicide en Bretagne chez les 15-24 ans devance largement, avec 13,8 décès par suicide pour 100 000 jeunes, le taux national qui est de 8. Il souligne également que la Bretagne devance nettement ses régions limitrophes (Basse Normandie et Pays de la Loire) quant au taux de mortalité par suicides.

Les tentatives de suicide des jeunes âgés de 10 à 24 ans, soit un taux de 39,4 pour 10 000 habitants, arrivent (selon les chiffres de 1990) pour la Bretagne en deuxième position, derrière le taux de 45,5 des 25-35 ans. Rapportées au type d’établissement scolaire fréquenté, les tentatives de suicide chez les jeunes bretons sont supérieures chez les élèves inscrits dans les lycées agricoles et professionnels ; ces résultats sont à rapprocher des taux élevés mesurés au sein de deux CSP : ouvriers et agriculteurs.

Le sursuicide des jeunes bretons est historiquement daté. Le phénomène prend de l’amplitude à partir des années 70. Les statistiques enregistrent pour les 15-24 ans un doublement (pour les femmes) et un triplement (pour les hommes) des taux de suicide entre 1925 et 1982.

9% des jeunes interrogés déclarent avoir fait au moins une tentative de suicide au cours de leur vie. Une proportion en augmentation au regard du résultat de l’enquête INSERM de 1993 (6,5%) et de celui de l’enquête des Côtes-d’Armor de 1994 (7%). Dans la tranche d’âge des 14-15 ans, les tentatives de suicides sont proportionnellement plus nombreuses chez les filles. Parmi les 2% de jeunes ayant fait plusieurs tentatives de suicide, près de la moitié déclarent que personne ne s’en est rendu compte et seulement 1 sur 5 a été ou est pris en charge par un médecin et un psychologue. L’invisibilité sociale et la faible prise en charge médicale du phénomène sont ici frappantes.

Parmi les facteurs transgénérationnels recensés par Franck Sanselme, la surconsommation d’alcool chez les jeunes multiplie le risque de crise suicidaire, ceci d’autant plus que ces adolescents auraient été confrontés à des situations de maltraitance. A cela s’ajoutent d’autres facteurs aggravants comme l’atavisme (plutôt féminin) familial dépressif, la vie familiale difficile, la pauvreté et la fragilité du lien social, une estime de soi négative, un attachement fort à la mère et à la famille maternelle (« matricentrisme » ou matriarcat), le fond dépressif, le deuil pathologique, la prégnance et la fragilité de l’identité régionale collective. Tous ces facteurs sont ramenés à trois formes de violence au cœur du processus suicidaire : choc traumatique, rupture des liens sociaux, conflits identitaires.

D’autres approches mettent plutôt en évidence la particularité du suicide des jeunes en insistant sur le rapport spécifique qu’ils entretiennent à la vie et à la mort. Le suicide est ainsi compris comme une forme de protestation contre la vie, contre la banalité du quotidien, contre les frustrations qu’il induit et l’effet déceptif qu’il provoque. Ce serait ainsi la difficulté à accepter le décalage entre une vie rêvée, une vie idéale, absolue et une vie réelle qui serait à l’origine des tendances dépressives observées chez les jeunes et du risque suicidaire qui leurs est associé. En ce sens, le suicide s’affirmerait comme une forme dramatique de rébellion qui ne parviendrait pas à s’exprimer dans des formes plus ritualisées (pratiques à risque, pratiques festives, engagement, subculture…).

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Face à ce phénomène, l’académie de Rennes a engagé une démarche de sensibilisation auprès des établissements. Une plaquette d’information a notamment été réalisée. Elle met en perspective le phénomène notamment sous l’angle épidémiologique et offre un premier niveau d’information sur le repérage des situations à risque et sur les conduites à adopter. Des formations collectives en milieu scolaire ont également été initiées à la fois pour sensibiliser les équipes éducatives et pour améliorer la prévention du risque suicidaire en instaurant des dispositifs d’alerte. Ces formations ont visiblement donné de bons résultats mais ont été abandonnées en 2005. Dans la continuité des démarches engagées, la problématique du suicide a été reprise dans un certain nombre de projets d’établissement, affirmant ainsi le rôle de l’école en matière de prévention. Pour compléter le dispositif des commissions de suivi associant infirmier scolaire, CPE, médecin et assistante sociale ont été instaurées. Il s’agit de lieu de réflexion et de mise en commun des observations dont l’objectif est d’agir lorsqu’une situation de risque est repérée (notamment en rencontrant ou en alertant les familles). Enfin, un certain nombre de démarches ciblent directement les élèves en abordant les questions de prévention dans un registre beaucoup plus large. Il s’agit d’instaurer un dialogue avec les élèves sur les notions de bonheur à l’école, d’estime de soi en dehors de la réussite scolaire, d’initiative, de valorisation des élèves. Cette approche permet dans un second temps d’aborder plus directement la question du suicide avec les élèves.

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Virginie MUNIGLIA

Texte de cadrage : Suicide – souffrance – milieux professionnels

(à partir d’un travail effectué pour le Comité technique régional du Programme régional de santé « Prévenir le suicide en Bretagne » 2004-2008 - DRASS de Bretagne)

Quelques éléments de problématique De nombreuses investigations de terrain, notamment celles développées en psychodynamique du travail57, soulignent la centralité du travail par rapport à la construction de la santé mentale, sur laquelle il a des répercussions complexes : le rapport à cette activité joue un rôle déterminant dans la construction tout aussi bien que dans la dégradation de la santé. Le travail est, en effet, source de satisfaction et de réalisation personnelles, de contacts humains et de sécurité financière, conditions toutes indispensables à une bonne santé mentale. Cependant, lorsqu’il est mal organisé et que le collectif de travail est déficient, la santé mentale et le bien-être peuvent en être lourdement affectés. Ainsi, selon Christophe Dejours, « il n’y a pas de neutralité du travail vis-à-vis de la santé mentale » ; soit cette activité s’inscrit comme médiateur dans la construction de l’identité et de la santé, soit elle contribue à désorganiser l’identité, voire à la détruire, pouvant pousser l’individu vers la dépression, voire le suicide.

On comprend donc que lorsque l’on s’intéresse à la prévention du suicide, la question de la souffrance psychique au travail constitue une préoccupation importante.

Suicide et milieux professionnels : quels liens établir ?

Il semble tout d’abord important de souligner que les tentatives de suicide et les suicides aboutis, sur les lieux de travail, semblent augmenter en fréquence58. D’après les quelques cas qui ont pu faire l’objet d’une investigation clinique approfondie, il apparaît que ces conduites suicidaires se situent dans l’enchaînement : « injustice, absence de réaction de solidarité de la collectivité de travail, réaction violente qui s’achève par un retournement de la violence contre sa propre personne »59. Si, étant donné le faible nombre d’investigations cliniques exhaustives publiées à ce jour, il est difficile d’établir comme une vérité scientifique le fait de tenir toutes les tentatives de suicide et tous les suicides sur les lieux de travail pour des conséquences de rapports sociaux au travail,

« L’acte suicidaire commis sur le lieu de travail est de toute évidence un message adressé à la collectivité de travail. Le suicide doit être tenu a priori pour un équivalent de la violence comme conséquence des rapports sociaux de travail, jusqu’à ce que la preuve d’une autre étio-pathogénie puisse y être opposée de façon argumentée et crédible »60.

De plus, l’incidence de ces évènements sur la dégradation des rapports sociaux au travail est loin d’être négligeable puisque, « dans plusieurs cas rapportés, un suicide est, peu de temps plus tard, suivi par un puis par deux autres suicides, qui reproduisent presque à l’identique les données du premier drame de la série »61.

Mais la question de la prévention du suicide en lien avec le milieu professionnel ne concerne-t-elle que les suicides sur les lieux de travail ? Dans la plupart des cas, en effet, il semble impossible d’effectuer un lien direct entre un suicide ou une tentative de suicide et les conditions de travail. Les problèmes relevant de la sphère privée et ceux relevant de la sphère professionnelle sont profondément intriqués. Il est difficile de

57 Cf. les travaux de Christophe Dejours et de son équipe au Laboratoire de Psychologie du Travail du Conseil National des Arts et Métiers (CNAM). 58 Plusieurs centaines de suicides ont lieu chaque années sur les lieux de travail en France. Cf. M. GOURNAY, F. LANIECE, I. KRYVENAC, « Etude des suicides liés au travail en Basse-Normandie », Travailler, n 12, pp. 91-98. 59 C. DEJOURS, Commission « Violence, travail, emploi, santé », Travaux préparatoires à l’élaboration du Plan Violence et Santé en application de la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004, Mars 2005, p. 28. 60 Ibid., p. 29. 61 Ibid., p. 29.

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distinguer le rôle propre des facteurs professionnels de celui de la structure psychique et de la vulnérabilité préexistante de l’individu ; ils s’entretiennent souvent mutuellement.

Il reste toutefois que, depuis de nombreuses années, les salariés expriment, au travers d’enquêtes de la DARES ou de l’Agence européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, le sentiment d’une dégradation continue de leurs conditions de travail, source de mal-être. La plainte croissante en termes de stress, de déprime, de burn-out (épuisement professionnel) ou encore de harcèlement moral, traduit cette souffrance. Ainsi, « 29% des salariés européens, contre 20% il y a quinze ans, se plaignent du stress dans leur vie professionnelle »62.

D’autre part, en Bretagne, chacune des catégories professionnelles présente une surmortalité par rapport à la France, « l’écart maximal entre la Bretagne et la France, se situe dans la catégorie « ouvriers », où la survenue des décès par suicide est multipliée par deux, chez les hommes et chez les femmes ».63 Si rien n’indique que cette surmortalité soit effectivement liée à des facteurs professionnels, ces données nous permettent toutefois de mettre en évidence la fragilité particulière de certaines catégories de la population active dans cette région.

Il faut d’ailleurs souligner qu’en Bretagne « la population active paie un lourd tribut au suicide ».64 Ainsi, en 2000, les 25-54 ans représentent 54% des effectifs de décès par suicide dans cette région.65 Notons également que, d’après l’enquête U.M.P. initiée par la DRASS de Bretagne, la moitié des tentatives de suicide accueillies dans les unités médico-psychologiques bretonnes, en 2002, sont faites par des personnes entre 25 et 44 ans (54,1%), et 23,8% concernent les 45-64 ans.66 Bien qu’il faille, bien sûr, prendre un certain nombre de précautions quant à l’interprétation de ces chiffres67, les 25-54 ans constituent une cible importante en matière de prévention du suicide. Pourtant, la multiplication des politiques visant des catégories spécifiques (jeunes, population en milieu carcéral, personnes âgées) pourrait conduire à négliger la population dans sa globalité. L’approche de la prévention du suicide par le milieu professionnel pourrait alors permettre de considérer la population active dans son ensemble, indépendamment de facteurs plus spécifiques de vulnérabilité, et offrir ainsi une ouverture sur la promotion de la santé mentale adulte.

62 Selon l’enquête européenne sur les conditions de travail de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail de Dublin (2000), in Organisation du travail et nouveaux risques pour la santé des salariés, Rapport du Conseil Economique et Social présenté par Eliane Bressol, Les éditions des Journaux Officiels, 2004, p. 67. 63 « Mortalité par suicide selon la catégorie socioprofessionnelle en Bretagne », O.R.S. Bretagne, janvier 2002, p. 3. 64 Programme régional de santé, Prévenir le suicide en Bretagne, 2004-2008, Ministère des Affaires sociales, du travail et de la solidarité, Ministère de la santé et de la protection sociale, Direction régionale des affaires sanitaires et sociales de Bretagne, Préfecture de Bretagne, URCAM Bretagne, mars 2004, p. 15. 65 D’après des données de l’INSERM tenant compte du poids relatif de chaque tranche d’âge. Cf. le Programme régional de santé, Prévenir le suicide en Bretagne, 2004-2008, op. cit., p. 15. 66 La Santé de la population en Bretagne, O.R.S. Bretagne, p. 51. 67 Chez les personnes plus âgées, la tentative de suicide a plus de chance d’aboutir. De plus, l’adressage des suicidants aux unités médico-psychologiques n’est pas forcément systématique.

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Les facteurs de souffrance psychique au travail

Les facteurs de souffrance psychique au travail ont été beaucoup étudiés au plan national et européen depuis les années quatre-vingt-dix. Les notions de charge mentale, de stress, de santé mentale au travail appartiennent désormais au vocabulaire syndical, politique et scientifique. La médiatisation des notions de stress68 et de harcèlement moral69 a tout d’abord contribué à la dénonciation des mauvaises conditions de travail des salariés. Mais, renvoyant à une approche individuelle des sources de mal-être, elle n’engage pas, dans un premier temps, de réflexion quant à la façon d’agir sur les causes liées aux conditions de travail.

Pourtant, selon Christophe Dejours, même si la centralité du travail vis-à-vis de la santé relève d’une dynamique individuelle, la construction de l’identité et de la santé mentale par le travail sont fondamentalement tributaires de l’organisation collective du travail70. C’est donc à travers une approche collective de la souffrance au travail que l’on va pouvoir s’interroger réellement sur les facteurs et les répercussions d’affections psychiques apparemment liées aux modes d’organisation du travail ; on parle d’ailleurs de troubles psychosociaux, afin de faire le lien entre les ressentis individuels et les situations collectives71.

L’évolution de modes d’organisation du travail apparaît ainsi comme une source importante de mal-être. En effet, depuis ce qu’il est convenu d’appeler la crise des années soixante-dix, les économies ont connu des mutations structurelles qui se sont traduites, notamment, par un poids croissant de l’exigence de rentabilité financière et une concurrence accrue entre les entreprises. De nouvelles exigences (flux tendu, qualité, diversité des produits, flexibilité de la main d’œuvre) ont conduit à des remises en cause relatives des organisations tayloristes72 et fordistes73 du travail (mobilisation des compétences et du savoir être des salariés, nouvelles formes d’interdépendances dans le travail, de rapports aux clients/usagers et de modes de contrôle hiérarchique de l’activité). Les nouvelles formes d’organisation du travail, dans un contexte de compétitivité accrue, conduisent à un accroissement du poids relatif des facteurs mentaux et psychologiques dans les préoccupations de santé au travail.

68 Selon l’Agence Européenne pour la Santé et la Sécurité au Travail de Bilbao, un état de stress « survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face ». 69 L’ouvrage de Marie-France Hirigoyen, Le Harcèlement moral : la violence perverse au quotidien (1998), contribue largement à la médiatisation croissante de ce phénomène qui trouve un aboutissement juridique dans la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (articles L.122-49 à 51 du code du travail), qui institue cette pratique en délit : « Aucun salarié ne doit subir les agissement répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». 70 C. DEJOURS, Commission « Violence, travail, emploi, santé », op. cit., p. 13. 71 Travail et changement, Prévenir le stress d’origine professionnelle, Réseau ANACT, n°298, Octobre-novembre 2004, p. 2. 72 Le taylorisme s’appuie sur une « organisation scientifique du travail ». Il s’agit d’une division technique du travail, organisée par postes (et non par métiers), qui repose à la fois sur une division horizontale du travail, c'est-à-dire une fragmentation maximale des tâches entre les différents postes, et sur une division verticale du travail, qui implique une séparation complète de la conception technique du produit par les ingénieurs et de son exécution par les ouvriers. 73 Le fordisme s’appuie sur les principes du taylorisme et de l’organisation scientifique du travail. L’introduction de la chaîne de montage, et donc du travail à la chaîne, accentue le contrôle des cadences et la parcellisation des tâches tout en favorisant une standardisation des produits.

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Plusieurs facteurs, liés aux évolutions du monde du travail et susceptibles d’engendrer des troubles psychosociaux, peuvent être mis en évidence74 :

� L’intensification du rythme de travail : les nombreuses contraintes pour satisfaire la clientèle associées à la nécessité de réduire les coûts, à une exigence forte de qualité et d’une plus grande variété des produits rendent nécessaire un engagement plus intense des travailleurs au quotidien. Il faut également souligner qu’au sein de nombreuses entreprises, les organisations de type tayloriste persistent. Les salariés y connaissent une augmentation de charges, ils sont soumis à des contraintes articulaires dues à des gestes répétitifs, à des cadences élevées ou à des positions qui forcent une ou plusieurs articulations. Ils subissent une tension constante et élevée de nature à « déclencher chez les salariés des phénomènes anxieux à la perspective de ne pas pouvoir tenir les délais imposés »75.

� Les ambivalences de l’autonomie : les nouveaux types de management encouragent l’autonomie mais il s’agit, en fait, d’une indépendance sous contrainte d’objectifs, et donc de résultats, qui implique un coût en termes de responsabilité et qui impose une « auto-discipline génératrice de charge mentale et de stress »76.

� La décomposition de la communauté de travail : l’évaluation individualisée est couplée à une gestion par objectifs, ce qui conduit à une concurrence généralisée entre salariés contribue à l’isolement des salariés et à la destruction des solidarités au travail, alors que la collaboration entre opérateurs est de plus en plus requise par les nouvelles organisations du travail. D’autre part, la densité du travail ne laisse plus de place aux temps morts nécessaires à la constitution d’espaces de socialisation (pauses-café, échanges informels).

� Le défaut de reconnaissance : l’évaluation des performances tend également à négliger la complexité des activités et des compétences ; elle reste, bien souvent, purement quantitative.

� La précarisation du marché de l’emploi et le chômage : la brutalité d’un licenciement ou de sa perspective et l’angoisse face à l’avenir qui en résulte, sont source de fragilisation psychique.

Les conditions de travail en Bretagne

Le paysage de l’emploi en Bretagne présente certaines spécificités qu’il faut prendre en compte. En effet, si les médecins du travail bretons soulignent, comme sur le plan national, une augmentation des pathologies psychiques (anxiété, dépression, névroses graves…) qui reste difficile à mesurer, en revanche, certaines particularités régionales apparaissent clairement. Ainsi, en 2002, les troubles musculo-squelettiques (T.M.S.)77 représentent 91,9% des maladies professionnelles en Bretagne, soit une augmentation de 234% par rapport à 199678. Or, l’origine de ces affections semble plurifactorielle, résultant notamment d’interactions entre des éléments physiques, personnels et psychosociaux.

« Le stress, le sentiment d’une faible reconnaissance et de l’absence de sens du travail pratique entraînent, dans des cas de travail physique répétitif, intense, rapide, impliquant des positions articulaires extrêmes, l’apparition de cette forme de troubles »79.

L’explosion des T.M.S. ces dernières années en Bretagne constitue donc un révélateur de la souffrance au travail. Notons que ces affections sont particulièrement nombreuses dans l’agro-alimentaire (agriculture et industries agro-alimentaires, représentent respectivement 19 et 37%, soit 56%, des T.M.S.).

74 Cf. Organisation du travail et nouveaux risques pour la santé des salariés, op. cit., pp. 66-88. 75 Organisation du travail et nouveaux risques pour la santé des salariés, op. cit., p. 81. 76 Ibid. 77 Pathologies affectant les tissus (tendons, nerfs, muscles, gaines synoviales…) situées à la périphérie des articulations. 78 Conseil Economique et Social Régional de Bretagne, Les conditions de travail en Bretagne, p. 14. 79 Ibid., p. 19.

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Axes d’intervention autour de la souffrance psychique en milieu professionnel

Promouvoir le bien être au travail

SENSIBILISER AUX RISQUES PSYCHOSOCIAUX

Cette étape passe par une sensibilisation des entreprises à ces questions en les informant, notamment, sur les situations susceptibles d’engendrer des conditions de souffrance au travail (les conséquences de l’évaluation individualisée, la destruction des espaces collectifs ou des solidarités professionnelles, par exemple). Elle suppose, de plus, de renseigner les salariés sur les recours dont ils disposent, en précisant, notamment, le rôle du médecin du travail et la confiance qui peut lui être accordée.

LE ROLE DE PREVENTEUR DES SERVICES DE SANTE AU TRAVAIL

La promotion de la prévention fait partie des attributions du médecin du travail qui, à ce titre, apporte son concours à l’organisation de formations participant à la prévention des risques professionnels. Toutefois, lorsqu’il touche à la question délicate des risques psychosociaux dans une entreprise, le médecin du travail s’expose, bien souvent, à l’indifférence, voire à l’hostilité de la direction qui l’accuse de créer lui-même les problèmes et d’envenimer les situations.

LE ROLE DE PREVENTEUR DU COMITE D’HYGIENE, DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL (C.H.S.C.T.)

Le développement de la prévention, par des actions de sensibilisation et d’information, fait également partie des attributions des C.H.S.C.T. A ce titre, ils peuvent recourir à des experts extérieurs à l’entreprise.

L’INTERVENTION DE FORMATEURS EXTERIEURS

Le fait que les formations et actions de sensibilisation aux risques psychosociaux soient assurées par un tiers, extérieur à l’entreprise, peut permettre de désamorcer la méfiance et l’hostilité qui peuvent régner autour de ces questions.

� L’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ANACT) : L’ANACT repose sur une organisation paritaire qui lui fixe un objectif conjoint d’amélioration de la performance des entreprises au sens large (qu’il s’agisse de performance économique, de la manière de gérer les déchets ou d’anticiper la mobilité des salariés, par exemple) et de promotion de la qualité de vie au travail. L’ANACT peut donc être à même de gagner la confiance des directions et de faire valoir des arguments susceptibles de les intéresser.

� La Caisse régionale d’assurance maladie (CRAM) : Le service prévention de la CRAM joue un rôle d’accompagnement, de conseil, auprès des entreprises sur le plan de l’organisation du travail (intervention gratuite dans les entreprises sur des questions telles que la prévention du stress professionnel)

DEVELOPPER LES ETUDES EPIDEMIOLOGIQUES SUR LA SOUFFRANCE PSYCHIQUE ET LE SUICIDE EN LIEN AVEC LES MILIEUX

PROFESSIONNELS

La sensibilisation aux risques psychosociaux suppose de s’appuyer sur des données solides. Pourtant il est remarquable qu’aucune étude d’envergure n’ait été menée en France, jusqu’à fort récemment (Cf. l’encadré ci-dessous), sur les conséquences des risques psychosociaux sur la santé ou encore sur les tentatives de suicides et les suicides liés à des facteurs professionnels. Il existe bien quelques enquêtes locales80 mais leurs résultats ne sont pas généralisables et ne peuvent donner lieu à des comparaisons.

80 Cf. notamment P. BESSE, T. FOGLIA, I. MILLOT, « Connaissance et prise en charge des suicidés et suicidants en milieu de travail » (Enquête O.R.S. Bourgogne 1999-2000), Prévention du suicide et pratiques de réseaux, Atelier Suicide et milieu professionnel, pp. 3-6. GOURNAY M., LANIECE F., KRYVENAC I., « Etude des suicides liés au travail en Basse-Normandie », Travailler, n°12, pp. 91-98.

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Le programme Samotrace : mise en place d’un système de surveillance de la santé mentale au travail81

« Le programme Samotrace a pour objectif d’estimer la fréquence des troubles de santé mentale selon l’emploi et les expositions professionnelles associées ».

Le programme comporte trois volets indépendants : un volet de veille épidémiologique en entreprise (indicateurs de santé mentale selon la profession et le secteur d’activité), un volet de recueil monographique (analyse qualitative de situations de souffrance mentale au travail), un volet médico-administratif (recensement de tous les cas de salariés mis en invalidité pour des problèmes de santé mentale).

Chacun de ces volets est mis en place dans deux zones géographiques pilotes sur une période de deux années (2005-2007): la région Centre (et voisines) et la région Rhône-Alpes (uniquement les départements du Rhône et de l’Isère).

Le programme « s’appuie sur un partenariat local étroit, d’une part avec les médecins du travail et d’autre part avec les médecins conseils de l’Assurance maladie. Les données de cette phase pilote permettront d’établir un premier état des lieux des troubles de santé mentale selon l’emploi. À terme, un objectif d’extension nationale et de pérennisation est souhaité ».

VALORISER L’ENTRAIDE ET LA SOLIDARITE PROFESSIONNELLE

Il existe des démarches actives destinées à consolider les collectifs de travail.

81 C. COHIDON (Umrestte/InVS-DST, Lyon), G. LASFARGUES (Faculté de médecine, Université de Tours), B. ARNAUDO (DRTEFP Centre), F. BARDOT (Institut de médecine du travail du Val de Loire), J. ALBOUY (DRTEFP Centre), D. HUEZ (Société de médecine du travail du Val de Loire), J.-Y. DUBRE (DRTEFP Pays de la Loire), F. THEBAUD (DRTEFP Poitou-Charentes), J. GERMANAUD (DRSM Centre), M. GOLDBERG (Umrestte/InVS-DST, Lyon), E. IMBERNON (Umrestte/InVS-DST, Lyon) et les médecins du travail et conseils de Samotrace, 3ème Journée scientifique du Département santé travail – Risques professionnels : quelle veille sanitaire ?, Résumés des interventions, Ministère de la santé et des Solidarités, novembre 2006.

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Le soutien aux aidants naturels, au Québec82

Partant du principe que les employés qui prêtent une oreille attentive à leurs collègues contribuent à désamorcer la souffrance psychique professionnelle, et donc à prévenir le suicide, le Syndicat de l’enseignement de Champlain, au Québec, a développé un réseau destiné à encadrer et soutenir ces aidants.

Ceci suppose, tout d’abord, une reconnaissance de leur intervention par les principaux acteurs de l’entreprise (direction, représentants du personnel) se traduisant, notamment, par une collaboration financière et une souplesse supplémentaire vis-à-vis de ces salariés (particulièrement concernant le temps consacré à la discussion informelle avec les autres salariés).

Le renforcement de l’intervention des aidants naturels suppose également de leur dégager un temps de formation sur leur temps de travail. Le projet propose ainsi de sélectionner des aidants naturels dans chaque établissement : un aidant pour vingt employés, sachant qu’il peut être important qu’il y ait au moins deux aidants dans chaque collectif de travail afin de permettre les échanges et le soutien. Une formation de base de trois jours est ensuite offerte. Elle concerne les habiletés d’écoute, la relation d’aide, les limites du rôle d’aidant naturel, mais aussi la sensibilisation au lien entre détresse psychique et organisation du travail ou encore l’information sur les ressources existantes afin de pouvoir orienter correctement les salariés lorsque c’est nécessaire. D’autre part, un ressourcement et un suivi périodique sont proposés. Il s’agit d’offrir aux aidants la possibilité de s’informer sur de nouveaux thèmes d’intervention mais aussi d’aborder les difficultés qu’ils rencontrent.

ACCOMPAGNER LES CHANGEMENTS DANS LES ENTREPRISES

La plupart des spécialistes du monde du travail (médecins, chercheurs) font le lien entre l’augmentation des cas de souffrance professionnelle au sein d’une entreprise et la survenue de changements importants des conditions de travail, de l’effectif ou du mode de management. A ce titre, on peut noter que le Comité d’Hygiène, de sécurité et des conditions de travail (C.H.S.C.T.) peut recourir, aux frais de l’entreprise, à un expert agréé, en cas de risque grave constaté ou de projet important modifiant les conditions de travail.

FAIRE DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX UNE RESPONSABILITE DE L’ENTREPRISE

� Exploiter le Document Unique : les services de l’Inspection de travail, dont le rôle est de conseiller les entreprises quant à l’application du droit, doivent encourager les chefs d’entreprise à prendre en compte les risques psychosociaux dans le Document Unique83, en leur rappelant leur obligation légale.

� L’autoévaluation des conditions de travail : la mise en place, pour les entreprises, d’outils d’autoévaluation de leurs conditions de travail, établis avec la perspective d’améliorer leur performance, pourrait permettre aux entreprises de se rendre compte, par elles-mêmes, de la nécessité d’intervenir sur les conditions de travail. Dans cette perspective, l’ARACT d’Aquitaine a réalisé un Guide pour une démarche de prévention pluridisciplinaire et une analyse plurifactorielle des risques psychosociaux84.

82 A. PAQUETTE, J. POISSANT, « Les aidants naturels : un bouclier contre la détresse en milieu de travail », Prévention du suicide et pratiques de réseaux, Atelier Suicide et milieu professionnel, pp. 14-18. G. LOISELLE, A. PAQUETTE, « Actions préventives en santé mentale au travail », Revue le Vis-à-vie, vol. 14 nº 1, 2004. 83 Le Document Unique est un document juridique, rédigé par l’employeur, faisant suite à une évaluation et comportant un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l’entreprise. Article L 230-1 du Code du travail. 84 C.BRUN, Risques psychosociaux. Guide pour une démarche de prévention pluridisciplinaire, ARACT Aquitaine, décembre 2005. http://www.aquitaine.aract.fr/pdf/RiskPsycho_guide.pdf

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Intervenir sur les situations de souffrance au travail

L’APPROCHE COLLECTIVE DES SITUATIONS DE SOUFFRANCE PROFESSIONNELLE

Les facteurs de souffrance mis en évidence plus haut, et susceptibles de participer à l’émergence de la crise suicidaire, conduisent à valoriser une approche organisationnelle qui prend en compte les conditions de travail et une intervention sur les modes d’organisation du travail. L’intervention sur les situations de souffrance au travail nécessite donc un repérage des dysfonctionnements collectifs qui les génèrent. Les services de santé au travail ont, sans doute, un rôle central à jouer à ce niveau.

Le rôle des services de santé au travail

� recoupement des résultats des consultations gratuites et spontanées des salariés permettant de repérer des zones où des signes de souffrance chez les salariés se concentrent de façon anormale et annoncent le risque de crise violente.

� le médecin du travail dispose, en théorie, d’un tiers de son temps de travail pour des activités non cliniques (interventions en milieu de travail pour connaître les entreprises, leur environnement, leur production, les risques qu’elles génèrent, leur ambiance ou encore leur direction) Difficultés rencontrées

L’intervention d’un psychologue du travail auprès des services santé au travail

Dans les situations de souffrance professionnelle, il serait également intéressant que les médecins du travail puissent solliciter l’appui d’un psychologue ou d’un psychosociologue du travail. Il pourrait leur proposer une aide concernant l’analyse de la situation en entreprise et permettrait ainsi de passer plus facilement de l’individuel au collectif. Cet expert pourrait travailler pour plusieurs services santé/travail.

Le développement de l’approche pluridisciplinaire et de la collégialité au sein de l’entreprise

La difficulté de débrouiller le caractère subjectif, individuel, du caractère objectif, collectif de la souffrance au travail conduit à penser qu’il est nécessaire de dépasser les points de vue individuels sur ces situations et de valoriser la confrontation des points de vue et des approches au sein de l’entreprise. De plus, l’efficacité des mesures initiées dépend de la mobilisation des acteurs à tous les niveaux de l’entreprise. En effet, dans la mesure où il s’agit d’intervenir avant tout sur des facteurs organisationnels, sur un collectif de travail, la réticence, la méfiance d’une des parties risque d’engendrer une stérilité des interventions. La prévention des risques psychosociaux doit ainsi être avant tout collective et mobiliser l’ensemble des acteurs du milieu professionnel (médecins, du travail, inspecteurs du travail, direction, ressources humaines, représentants du personnel…).

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Un dispositif collectif de lutte contre la violence au travail au Centre Hospitalier psychiatrique Gourmelen, à Quimper

Au début des années 1990, les personnels du Centre Hospitalier Gourmelen sollicitent une réflexion collective sur la violence au travail. Cette question est inscrite dans le Projet social de l’établissement. L’intervention autour de la violence au travail va prendre différentes formes.

Tout d’abord, le souci de faire prendre conscience aux professionnels qu’une anticipation de la violence est possible conduit à la mise en place de formations annuelles à la prévention de la violence à partir de 2000.

D’autre part, la volonté de disposer, en interne, de ressources pour analyser et intervenir dans les situations de violence, conduit à la constitution d’un Observatoire de la violence en 2002. La procédure d’intervention de l’Observatoire est la suivante : tout incident ou situation à risque ayant un rapport avec des faits de violence est signalé auprès de l’Observatoire. En fonction de critères de criticité (fréquence, gravité) élaborés par l’observatoire, le directeur de l’établissement peut décider de missionner deux membres de l’Observatoire qui vont recueillir les faits auprès des déclarants, de la victime, de l’encadrement immédiat, des témoins… le plus tôt possible après le signalement (dans un délais maximum de huit jours, voire de quarante-huit heures en cas d’urgence). A la suite du recueil et de l’analyse des faits, les observateurs peuvent proposer directement des recommandations ou solliciter une réunion de l’observatoire qui permettra de formuler et de valider les recommandations. Un rapport est ensuite soumis au directeur qui transmet ces recommandations au service et prévoit une date d’évaluation.

METTRE FIN A LA SITUATION DE SOUFFRANCE PROFESSIONNELLE

Les services santé au travail

� L’intervention directe du médecin du travail auprès de la personne :

� le constat d’une inaptitude partielle au poste et la préconisation, par écrit, de l’aménagement ou la transformation du poste de travail85,

� le constat d’une inaptitude au poste ou à tout emploi dans l’entreprise, et la proposition, par écrit, de la mutation du salarié à un autre poste ou son licenciement86. L’inaptitude du salarié peut être déclarée dans l’urgence87 par le médecin du travail dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l’intéressé ou celles des tiers88.

Les médecins du travail peuvent s’appuyer sur la mobilisation des Centres de consultation en pathologies professionnelles afin d’obtenir un avis sur les étiologies et des aptitudes professionnelles. Il s’agit de structures d’expertise pluridisciplinaires qui utilisent le plateau technique de l’hôpital. Elles permettent, notamment, d’obtenir un avis psychiatrique.

85 Art. L 241-10-1 du Code du travail 86 Article L 122-24-4 du Code du travail. 87 Sans qu’une étude préalable du poste et des conditions de travail dans l’entreprise soit nécessaire. 88 Article R 241-51-1 du Code du travail.

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� L’intervention du médecin du travail en entreprise :

� une étude du poste de travail et une préconisation de l’aménagement ou de la transformation du poste de travail,

� une prise de contact avec la hiérarchie ou avec les ressources humaines,

� une prise de contact avec le C.H.S.C.T. ou avec les délégués du personnel.

Bien souvent, la volonté d’amélioration de la situation de travail du salarié est réduite au souci de mettre fin à la mise en danger du salarié. L’urgence de l’intervention constitue, en effet, la spécificité des cas de souffrance psychique. Le retrait du salarié de l’entreprise grâce à l’avis d’inaptitude apparaît alors comme le solution la plus simple et la plus immédiate.

Le rôle du C.H.S.C.T.

Le C.H.S.C.T. peut recourir, aux frais de l’entreprise, à un expert agréé en cas de risque grave constaté ou de projet important modifiant les conditions de travail.

Les expertises de l’ANACT

Les expertises réalisées par l’ANACT peuvent permettre de faciliter les changements envisagés et concertés des organisations de travail visant à améliorer les conditions de travail et l’efficacité des organisations.

L’intervention des services d’inspection du travail89

En matière de souffrance mentale professionnelle, les inspecteurs disposent de peu de textes juridiques sur lesquels s’appuyer. Les sources juridiques mobilisables sont, en effet, éparpillées (code du travail mais aussi code civil et code pénal), floues et limitées.

Prendre en charge les conséquences des situations de souffrance professionnelle

LA PRISE EN CHARGE DE LA PERSONNE EN SOUFFRANCE PSYCHIQUE

Le rôle des Services santé au travail

Les médecins du travail jouent un rôle central concernant l’écoute et la reconnaissance de la souffrance professionnelle. En effet, leur connaissance du monde de l’entreprise, de ses évolutions ainsi que de la modification des rapports sociaux qui s’y tissent, les rend plus prompts à comprendre la violence ressentie dans l’univers professionnel. De plus, les médecins du travail vont pouvoir jouer un rôle de relais dans l’orientation vers un soignant qui va pouvoir assurer le suivi thérapeutique. Toutefois, les médecins du travail ne sont pas à même d’assurer le suivi thérapeutique et les autres praticiens spécialisés dans le domaine du travail très peu accessibles. Or, les médecins traitants sont, de fait, moins enclins que les praticiens d’entreprise, médecins du travail et psychologues du travail, à rapporter l’étiologie des conduites et pathologies à la dégradation des rapports sociaux de travail, et faire ainsi porter leur traitement sur le milieu de travail pathogène. Ainsi, il semblerait important que le médecin du travail soit inscrit dans un réseau de soignants afin de mieux mobiliser son expertise des univers professionnels.

L’orientation du salarié vers une consultation spécialisée dans le domaine professionnel

Elle constitue une première étape de la reconnaissance possible d’une détresse liée au travail ; elle revêt une forte importance symbolique qui va favoriser l’initiation de la démarche thérapeutique en donnant la priorité à l’environnement professionnel.

89 Source : Institut National du Travail de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, « Souffrance mentale au travail, un repère pour l’action », op. cit.

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De plus, contrairement à une prise en charge psychologique classique, ce type de consultation offre une aide centrée sur la question du travail. Le professionnel de la consultation peut alors s’autoriser des interventions directes sous la forme de conseils concernant le monde du travail et les démarches à entamer. Ce type de consultation ne peut cependant pas assumer une analyse personnelle à long terme. Les structures psychothérapeutiques classiques prennent le relais lorsque les troubles générés par la situation professionnelle sont cernés.

� L’intervention d’un psychologue du travail au sein des Services santé au travail : Outre l’expertise qu’il pourrait offrir aux médecins du travail en matière d’analyse de l’origine de la souffrance d’un salarié, un psychologue du travail pourrait également apporter une aide individuelle au salarié.

� La mise en place d’une consultation pluridisciplinaire : offrirait le bénéfice d’expertises variées permettant de faire face au caractère pluridimensionnel des problèmes de souffrance au travail.

� L’établissement d’une liste de professionnels agréés (ANACT, consultations en psychopathologie du travail, ergonomes…) susceptibles d’intervenir au sein des entreprises présentant des problèmes de mal-être au travail et qui puissent appuyer une évolution de l’organisation et des relations au travail, serait sans aucun doute d’une aide considérable pour les services de santé au travail.

La consultation « Souffrance et travail » de l’hôpital Max Fourestié à Nanterre90

La première consultation hospitalière consacrée à la souffrance au travail a été ouverte en France, en 1995, à l’hôpital Max Fourestié de Nanterre, dans le cadre du service « Pathologies professionnelles »91. Marie Pezé, psychanalyste et psychologue, y reçoit, deux fois par semaine, les salariés présentant des pathologies liées au travail. La prise en charge est ensuite pluridisciplinaire et associe médecins de la douleur, kinésithérapeutes et chirurgiens. Le salarié est envoyé par le médecin du travail en vue d’un diagnostic de la situation, dans le cadre des examens complémentaires prévus par le Code du travail. L’examen est facturé à l’employeur.

La consultation permet d’analyser les facteurs de la souffrance psychique, l’évaluation de l’état clinique du salarié ainsi que les possibilités de reclassement ou de mutations. A partir de ce diagnostic, une stratégie médicale et administrative est élaborée. La consultation opère ensuite en réseau. Elle permet ainsi, lorsque c’est nécessaire, d’adresser le salarié au médecin inspecteur du travail, à un avocat spécialisé en droit du travail ou encore à un thérapeute formé aux pathologies du travail.

L’ANALYSE RETROSPECTIVE D’UNE SITUATION DE CRISE

Nous avons également vu que, bien souvent, les situations de crise (harcèlement, violence en direction du personnel ou des usagers…) étaient révélatrices de la dégradation des rapports professionnels. Sans doute devraient-elles, à ce titre, être suivies d’une analyse rétrospective dans l’après-coup. En effet, ces analyses peuvent, à la fois, servir de matériel de travail, de sensibilisation, d’information et de formation, en direction des salariés et permettre d’apporter des réponses ciblées aux conflits qui ont généré de la violence.

90 www.harcelement.org Y. LIEGEOIS, « Souffrances et maux au travail », Nouvelle Vie Ouvrière, 1er mars 2002. Cf. également le film documentaire de Sophie Bruneau et Marc-Antoine Roudil, Ils ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés. 91 Depuis, une seconde consultation « Souffrance et travail » s’est ouverte, sous la responsabilité du Docteur Soula, au service Pathologies professionnelles de l’hôpital Raymond Poincaré de Garches.

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Le rôle d’investigation et de commanditaire d’enquête du C.H.S.C.T.

Les prérogatives (investigation, enquête, recherche des causes ou de l’enchaînement causal), données aux C.H.S.C.T. par les textes réglementaires, sont particulièrement pertinentes pour intervenir dans le temps essentiel qui suit la crise. Toutefois, le manque de formation et de compétences des membres du C.H.S.C.T. constitue un obstacle important à leur intervention dans ce domaine.

Le recours à une ressource extérieure à l’entreprise

Le recours à l’aide d’une ressource extérieure à l’entreprise, telle que l’ANACT ou un professionnel agréé (psychologue, sociologue du travail), disposant des compétences techniques et des savoir-faire nécessaires, peut également être utile lorsque la violence est devenue manifeste. Il permet de mettre en jeu une personne tierce, complètement extérieure au conflit et aux enjeux de l’entreprise, et de suppléer aux compétences, forcément partielles, des membres du personnel dans ce domaine.

Le suicide en milieu professionnel

LA VICTIMOLOGIE

La victimologie est une des formes d’intervention actuellement développées. Il s’agit d’une « approche clinique qui se veut thérapeutique des troubles psychiques consécutifs aux traumatismes et préventifs vis-à-vis d’un certain nombre de conséquences psychopathologiques ou de la chronicisation des troubles aigus à distance du traumatisme »92. Toutefois, pratiquée par des cliniciens qui connaissent la psychopathologie mais pas les questions touchant à l’organisation et aux conditions de travail, elle ne permet pas de remonter à l’analyse de celles-ci ; elle reste centrée sur une approche individuelle.

Les cellules d’urgence médico-psychologiques93

Les cellules d’urgence médico-psychologiques (CUMP) sont intégrées au SAMU. Ce sont des structures créées sur tout le territoire national depuis 199794. Elles sont susceptibles d’être mobilisées dans le cas de catastrophes ou d’accidents collectifs générant un grand nombre de victimes et d’impliqués mais également lors d’évènements pouvant parfois ne toucher qu’une seule personne mais ayant un fort retentissement collectif, comme c’est le cas pour un suicide en milieu professionnel. Elles doivent permettre de prendre en charge, le plus précocement possible, les personnes ayant vécu un évènement potentiellement traumatique afin de les aider à mieux élaborer cette expérience. Les personnes prises en charge peuvent être les victimes directes, les familles, et les proches mais aussi les intervenants

L’ANALYSE POST-CRITIQUE

Une analyse « post-critique » semble, ici encore, une perspective qu’il ne faut pas négliger. L’absence d’investigation ou d’action menée dans l’après-coup de l’incident aggrave les risques de dégradation des rapports sociaux. Les questionnements par rapport aux modes d’intervention sont, en fait, les mêmes que pour la conduite à tenir après toute crise violente au sein du collectif de travail. Le recours à l’aide d’une ressource extérieure à l’entreprise et spécialisée dans ce type d’intervention, telle qu’un cabinet de psychopathologie du travail agréé, est sans doute nécessaire.

92 C. DEJOURS, Commission « Violence, travail, emploi, santé », op. cit., p. 44. 93 Commission « Violence, travail, emploi, santé », « Les cellules d’urgence médico-psychologiques et autres dispositifs », Travaux préparatoires à l’élaboration du Plan Violence et Santé en application de la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004, Mars 2005. 94 Depuis mai 2003, le dispositif prévoit la mise en place d’une cellule permanente par région et dans chaque département de plus d’un million d’habitants.

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CONCLUSION

La difficulté de sensibiliser l’entreprise à la question de la souffrance psychique

Le principal obstacle à l’intervention sur les questions de santé mentale dans les milieux professionnels réside dans la forte opposition des entreprises face à l’évocation de tout ce qui peut toucher à la souffrance psychique. Il est donc important de valoriser toute forme d’intervention prenant en compte cette difficulté et proposant des outils pour la dépasser. Ainsi, les démarches mettant en avant le caractère néfaste de la détresse professionnelle sur la productivité de l’entreprise, en s’appuyant sur des indicateurs objectifs, sont particulièrement intéressantes.

Le rôle central mais délicat des médecins du travail

D’autre part, l’analyse des différents axes d’intervention sur la souffrance psychique professionnelle a mis en évidence le rôle incontournable des services de santé au travail. Nous avons, toutefois, souligné que les médecins du travail rencontraient de fortes difficultés lorsqu’ils s’intéressaient aux questions de souffrance psychique en milieu professionnel. Il semble donc important de promouvoir les actions visant à soutenir les médecins du travail dans leurs démarches, qu’il s’agisse de formation, d’appui extérieur ou encore d’inscription dans un réseau pluridisciplinaire. La valorisation de l’expertise de ces professionnels est aussi primordiale. A ce titre, l’inscription du médecin du travail dans un réseau de soignants constitue sans doute un bon outil.

L’absence de C.H.S.C.T. dans les petites entreprises

Enfin, nous avons pu observer que les C.H.S.T. représentaient des acteurs importants de la lutte contre la souffrance psychique en milieu professionnel. Leurs prérogatives (développement de la prévention des risques ; possibilité de recourir à un expert agréé en cas de risque grave ou de projet important modifiant les conditions de travail ; investigation, enquête, recherche des causes ou de l’enchaînement causal en cas de crise) sont indispensables à la mise en œuvre d’interventions dans ce domaine. Or, comme nous l’avons déjà souligné, les C.H.S.C.T. sont absents dans les entreprises où le nombre de salariés est inférieur à cinquante (les entreprises qui comptent moins de dix salariés ne disposent même pas, quant à elles, de représentants du personnel). Il pourrait donc être intéressant, concernant les petites entreprises, d’étendre les prérogatives du médecin du travail et celles de l’inspecteur du travail afin qu’ils puissent constituer un dispositif solide de prévention, d’alerte, de prescripteur et d’investigation.

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A.CAMPEON-

Le suicide des personnes âgées

L’espérance de vie a fortement augmenté au cours des dernières décennies et il est probable, qu’à l’avenir, elle continuera de croître. Cette évolution n’est pas sans poser de nouvelles interrogations quant à la qualité des années de vie gagnées, en particulier aux âges les plus avancés. Autrement dit, vivre plus longtemps nécessite de se demander dans quelles conditions et pour quel accompagnement. Le drame causé par l’hécatombe de la canicule de l’été 2003 en est un témoignage, il a révélé, en creux, la vulnérabilité et l’isolement de nombreuses personnes âgées. De la même manière, les nombreux suicides dans cette tranche d’âge interpellent notre société et interrogent notre capacité collective à fournir les conditions matérielles et sociales propices à un vieillissement intégré et porteur de sens pour ceux qui le vivent.

I. Le suicide du sujet âgé : éléments de cadrage

→ Le suicide

Les chiffres de la mortalité par suicide de la population âgée sont aujourd’hui connus. Ils corroborent les premières intuitions faîtes par le sociologue Emile Durkheim (1897) à la fin du siècle dernier, lorsque celui-ci notait que les taux de suicide avaient tendance à progresser avec l’âge. Ce constat se vérifie puisque le taux de décès par suicide des personnes âgées en France arrive en première place par rapport au reste de la population (Figure 1).

Figure1 : Taux de suicide pour 100 000 habitants selon le sexe et l’âge en 2002.

Plus encore, ce taux progresse de manière spectaculaire chez les hommes de plus de 70 ans, alors qu’on observe une hausse plus légère chez les femmes. Dans tous les cas, l’âge le plus critique se situe entre quatre-vingt cinq ans et quatre vingt neuf ans. En 2000, en Bretagne, 30% des décès par suicide sont le fait des 65 ans et plus. Cette tendance est plus particulièrement prononcée chez les hommes : la surmortalité masculine par suicide après 60 ans est deux fois plus élevé chez les hommes que chez les femmes, tandis qu’après 85 ans, ces taux masculins sont 5 à 6 fois plus élevées que ceux des femmes95.

95 Notons qu’un certain nombre de chercheurs s’entendent pour dire que les taux officiels de décès par suicide chez les personnes âgées sont plus sous-estimés que par rapport aux autres classes d’âges.

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Le suicide en institution

Une récente étude démontre que les taux de suicide pour les hommes et pour les femmes qui résident en maison de retraite sont plus importants que les taux relevés chez les populations âgées vivant au sein de leur domicile : 1.4 fois plus fréquent pour les hommes et 1.2 fois plus souvent chez les femmes au-delà de 75 ans. Ces chiffres semblent toutefois moins prononcés en service médicalisé de long et moyen séjour qu’en maison de retraite96. En outre, il est utile de noter que selon l’enquête Paquid « la fréquence de la dépression dans la population générale âgée est de 13%, 30% chez les sujets âgées hospitalisés, et de 30 à 50% de ceux en institution »97. Cette progression constante du suicide avec l’avancée en âge n’est pas le fruit du simple hasard : au-delà de raisons psychologiques où encore médicales qui peuvent exister, elle s’explique aussi par les profonds remaniements identitaires que peut imposer le processus de vieillissement. En effet, comme pour le reste de la population, le suicide chez les personnes âgées doit être considéré dans un cadre multidimensionnel où le risque de suicide découle de l’interaction complexe de facteurs de risque, de vulnérabilités personnelles et d’éléments déclencheurs du comportement suicidaire. Ils sont nombreux : un passage douloureux en retraite qui fragilise l’identité, la survenue d’un handicap ou d’une maladie qui rend les déplacements et l’accès à la vie « du dehors » moins aisée, le décès d’un proche, un déménagement tardif et mal accepté parce qu’imposé, etc. La mort du conjoint(e) constitue bien souvent l’un des premiers chocs traumatiques de l’avancée en âge (plus traumatisant que le passage à la retraite) en ce sens que cet événement bouleverse la vie de celui, ou de celle, qui reste : « le décès du partenaire conjugal entraîne l’effondrement des « allant de soi » de la vie quotidienne, (qu’) il fait vaciller le sentiment de « sécurité ontologique » et conduit à une perte de signification de l’existence98 ». De nombreuses études ont ainsi démontré la forte surmortalité associée au choc du veuvage, notamment chez les veufs99. Tous ces événements, apparaissent à cet égard comme autant d’événements - ruptures susceptibles d’affecter considérablement la vie de la personne âgée (Batt et coll., 2007). Or à ce sujet, force est de constater que le bien-être relatif des 60-75 ans contraste avec la fragilité des plus de 80 ans, fragilité qui peut se lire à plusieurs niveaux. Jusqu’à 75 ans environ, les personnes vivent majoritairement en couple et disposent d’un revenu par unité de consommation relativement élevé. Au-delà de ces âges, leur situation peut se dégrader sous l’effet d’une part croissante de personnes âgées vivant seules, de l’augmentation de la prévalence d’incapacités et d’une certaine paupérisation qui peut se lire, entre autre, dans des conditions d’habitats précaires (Bickel et Cavalli, 2002). Il n’est alors pas rare que les sentiments d’ennui, d’inutilité où encore d’abandon se mêlent au sentiment de solitude, multipliant en conséquence les risques de repli sur soi et de repli chez soi. Autrement dit, au « grand âge », certaines personnes âgées se retrouvent en situation de « vulnérabilité », ce qui peut augmenter le risque de souffrance psychique et conduire au suicide, pour peu qu’elles n’aient pas les ressources ou les supports nécessaires.

→ La tentative de suicide et les équivalents suicidaires

La radicalité des moyens utilisés par les personnes âgées (pendaison majoritaire chez les hommes et chez les femmes) explique le taux élevé de décès par suicide au sein de cette population, à l’inverse des jeunes générations pour qui les tentatives de suicide sont prédominantes (tableau 1).

Tableau 1 : Relation entre tentative de suicide et décès selon le sexe et l’âge.

Femmes hommes

15- 25 ans 1 décès pour 160 TS 1 décès pour 22 TS

+ de 65 ans 1 décès pour 3 TS 1 décès pour 1 TS

Source : AMYOT J-J., Guide de l’action gérontologique, Dunod, 1997.

96 Voir à ce sujet Casadebaig F, Ruffin D, Philippe A, Le suicide des personnes âgées à domicile et en maison de retraite en France, Revue d’Epidémiologie et de Santé Publique, vol 51 n°1, février 2003. 97 Le Quotidien du médecin, « reconnaître la dépression du sujet âgé », n°7940, 13 avril 2006, p9. 98 Caradec V., Vieillir après la retraite. Approche sociologique du vieillissement », Paris : PUF, 2004, p. 59. 99 La surmortalité des veufs par rapport aux veuves témoigne que ces derniers adoptent des comportements à risques prononcés, notamment durant les premières années du deuil. Les veufs sont, par exemple, beaucoup plus nombreux à se suicider que les veuves, ou que leurs homologues célibataires et mariées. Voir Andrian J., « Le suicide des personnes âgées. Gérontologie et société, n°90, 1999.

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Cependant, les conséquences d’une tentative sont souvent plus graves chez le sujet âgé dans la mesure où l’acte est commis sur un corps « fragilisé » qui résiste généralement moins bien aux agressions. En outre, il ne faut pas oublier que la mesure des tentatives de suicide, tout âge confondu, est beaucoup plus difficile, d’une part parce qu’elles ne font pas l’objet d’un recensement systématique et d’autre part parce qu’il est parfois malaisé de savoir quelles intentions ont guidé une tentative. Une récente étude de l’Observatoire Régionale de la Santé en Bretagne (ORSB) montre qu’une faible proportion des tentatives de suicide prises en charge par les services d’urgences des hôpitaux concernent les personnes âgées (3% des TS prises en charge sont le fait des 65-74 ans et 2% celui des plus de 75 ans). Ceci est dû en partie à leur nombre absolu plus faible, mais l’on peut aussi s’interroger sur l’orientation de cette population en cas de suicide (Primault, 2006).

Une autre manière d’aborder la tentative de suicide (avérée) est de parler d’équivalents suicidaires, bien que l’interprétation de ce terme soit beaucoup plus ambiguë100. Il n’y a d’ailleurs pas, en la matière, de données fiables et exploitables. En effet, l’équivalent suicidaire est une sorte de « suicide passif » ou « latent » qui n’est pas forcément guidé par une intention explicite de se donner la mort mais qui révèle néanmoins d’une prise de risque (conscience ou inconsciente) importante. Chez la population âgée, il semble que ces comportements soient significatifs bien que généralement discrets.

Ce rappel épidémiologique permet de constater que le suicide du sujet âgé représente non seulement un véritable problème de santé publique mais également un véritable enjeu social. En effet, compte tenu du vieillissement de la population on peut craindre une aggravation du phénomène suicidaire dans les années à venir. C’est, en tous cas, le constat que font de nombreux observateurs : « la tendance qui pourrait être observée, suite à l’entrée importante de la population dans cette tranche d’âge où le suicide est un phénomène plus fréquent, serait une hausse potentielle des taux de suicide chez la personne âgée »101 ; « les générations du « baby-boom » semblent avoir une plus forte propension au suicide, en particulier les hommes. La tendance spontanée pourrait donc être, hors des effets des politiques de prévention, à une hausse potentielle des taux de suicides avec le vieillissement des générations nées après-guerre »102.

II De la reconnaissance du suicide du sujet âgé

« C’est dans le regard que l’homme porte sur son propre vieillissement et dans le regard que la

société porte sur les vieillards qu’il faut rechercher la véritable cause des suicides des personnes âgées »103

En dépit de ces chiffres et de ces mises en garde, le suicide du sujet âgé ne semble pourtant pas faire l’objet de la même considération politique que le suicide des adolescents qui, pour sa part, a trouvé très tôt (dès les années 80) une légitimité institutionnelle et préventive (Campéon, 2005). Il y a deux raisons essentielles à cette indifférence relative du suicide des personnes âgées.

- la première tient sans doute au fait que si le suicide arrive en place importante selon l’âge, il demeure une cause de décès relativement marginale par rapport aux autres causes de mortalité à ce stade de la vie. Alors qu’il constitue la deuxième cause de décès en France chez les 15- 24 ans104, il ne représente que 1,2% des décès au-delà de 65 ans. Cette situation participe du peu d’intérêt accordé au suicide des personnes âgées au regard d’autres problèmes médicaux quantitativement plus meurtriers.

- la seconde raison s’origine dans la représentation négative qu’a notre société de la vieillesse et, plus fondamentalement encore, de la mort. En d’autres termes, si le suicide du sujet âgé bouleverse moins que le

100 Pour reprendre la formulation de F Davidson et ses collaborateurs (1974), « l’équivalent suicidaire n’est tel que parce qu’il y a quelqu’un pour le déclarer comme équivalent à un suicide ». 101 Rapport Violences et santé, Haut comité de la santé publique, mai 2004. 102 « La sursuicidité en Bretagne : Contribution a une explication socioculturelle », recherche multidisciplinaire, 2002. 103 André BOIFFIN, le suicide de l’âgée, 1982 cité par Primault A (2006). 104 Ce positionnement du suicide à l’adolescence est également très relatif compte tenu des probabilités de décéder de maladies graves durant cette période.

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suicide d’un adolescent c’est parce que le « vieux », et plus précisément le « très vieux », est considéré comme « inutile », encombrant. Son geste, au final, s’explique d’une manière presque rationnelle : le « vieux » n’a plus rien à attendre de la vie, sa mort est proche, son suicide ne fait qu’anticiper un événement qui est de toute manière inéluctable (Gonthier, 1997). A quoi bon tâcher de prévenir ce « petit reste à vivre »105? Bien qu’un peu caricatural, ces quelques phrases témoignent pourtant d’une réalité à prendre compte : le suicide de la personne âgée n’est pas reconnu pour ce qu’il est, à savoir un acte de désarroi et de désespoir qui est moins lié au vieillissement en lui-même qu’aux sentiment(s) d’inutilité, d’abandon, d’ennui, de dépréciation et de solitude, etc. que notre société génère en accompagnant mal ou insuffisamment ses aîné(e)s. C’est, du reste, ce que nous amène à penser certains sociologues à l’instar de Bernadette Veysset (1989) pour qui le drame de la vieillesse consiste moins à devenir dépendant qu’à voir au contraire, au fil des années, l’effritement de ces dépendances.

L’intérêt d’une réflexion sur le suicide des personnes âgées, et donc des formes de prévention à y apporter, nécessite de prendre en considération cette dernière assertion : les mécanismes déclencheurs d’une crise suicidaire chez le sujet âgé ne sont pas simplement à chercher du côté des personnes qui vieillissent mais également, et peut être surtout, du côté de leur environnement (matériel, relationnel et symbolique). C’est précisément là, dans la création d’un environnement plus favorable, plus riche en supports (Caradec, 2005), que la prévention du suicide du sujet âgé trouve sa pertinence et sa cohérence.

III Prévenir le suicide du sujet âgé (Drass, 2006)

La prévention du suicide des personnes âgées est aujourd’hui reconnue comme une priorité de santé publique bien que paradoxalement, pour les raisons évoquées ci-dessus, on dénombre encore peu d’initiatives spécialement orientées vers cette population. Le PRS suicide souligne, par exemple, que les spécificités de certains publics, comme les personnes âgées, ne sont pas suffisamment pris en compte. Un récent travail mené par Alice Primault (2006), stagiaire à la Drass, a permis de dresser un bilan des actions préventives menées en Bretagne sur cette population. Nous reprendrons donc ici les principaux éléments de ce rapport, tout en les complétant lorsque nécessaire.

Prévention primaire non spécifique :

LUTTER CONTRE L’ISOLEMENT ET LA SOLITUDE DES PERSONNES AGEES.

L’isolement et l’accroissement du sentiment de solitude des personnes âgées apparaissent, à bien des égards, comme l’un des principaux facteurs du risque suicidaire. Le maintien des liens sociaux et familiaux, mais aussi le maintien dans le cadre de vie contribuent de manière certaine à limiter le développement de tendances suicidaires ou de la dépression. De nombreuses actions peuvent favoriser ce lien social de proximité : actions intergénérationnelles, échanges de savoir-faire, valorisations d’activités artisanales disparues et à réactiver, expériences de collecte de mémoires ou d’histoires de vie …

- Le groupe « isolement / mobilité » du Codem de Rennes a lancé une réflexion collective entre professionnels et bénévoles pour mieux comprendre les phénomènes d’isolement et de solitude chez les personnes âgées. Ce groupe de permis de recenser les initiatives locales et de sensibiliser différents acteurs du champ gérontologique.

- L’OPAR (office des personnes âgées à la retraite), propose depuis 2005 un service nommé « Anim’à dom ». Ce service s’adresse en priorité aux personnes âgées isolées qui éprouvent des difficultés à se déplacer seules. Des bénévoles se rendent aux domiciles de ces personnes et partagent un moment convivial avec eux autour d’activités variées (conversation, activités culturelles, travaux manuels, sorties…). Des regroupements sont aussi organisés régulièrement pour les bénévoles (formations thématiques, échanges sur leur expérience, café mensuel). Notons que ce service est également proposé dans d’autres départements bretons, comme dans le Finistère avec l’Office Régional des Retraité de Brest, et que ces initiatives ont donné lieu à une journée d’étude commune organisée par la fédération UROPAR.

105 En 1930 déjà, devant la progression des taux de suicide, Halbwachs écrivait :« Considérons que parmi ces désespérés, il en est un grand nombre qui, malades ou âgés, n’ont devancé que de peu la date … Au reste combien d’entre eux étaient ou auraient été à la charge de la famille… Il n’y a rien d’anormal dans le fait… que ceux dont l’existence est pour (la société) une charge, une gêne, une cause de tristesse… s’en retranchent plus ou moins volontairement. », M. Halbwachs, Les causes du suicide, Paris, Le lien social, (réed.), 2002.

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- Des comités de quartiers se mobilisent également pour lutter contre l’isolement des Personnes âgées. Le comité de quartier Sud- Gare de Rennes a monté un groupe de travail sur ce sujet. La réflexion collective et la mutualisation des moyens engagés depuis deux ans dans cette instance (élus, membres du quartier, professionnels du soin à domicile, etc.) a permis de déboucher sur l’ouverture d’un accueil pour personnes âgées isolées tous les vendredi après-midi dans une maison de quartier. Il s’agit du point Rencontre Amicale du Vendredi (RAVe)

- Des citoyens âgés ont monté une association appelé « solidarité des aînés » destinés à recevoir, tous les jeudis, des habitants du quartier Colombier pour des après-midi détente (jeux, goûter…). Des animations ponctuelles sont parfois organisées (conférencier, repas le dimanche, etc.).

- Certaines caisses de retraite complémentaire, comme le groupe Mornaix, ont mis en place un réseau de bénévoles pour aller visiter les ressortissants isolés.

- L’association « Le Parisolidaire » (Rennes) propose une cohabitation intergénérationnelle entre une personne âgée et un étudiant.

SOUTIEN DES AIDANTS NATURELS :

Les aidants familiaux sont les premiers confrontés à la souffrance psychique des personnes âgées, mais aussi les premiers en capacité de la repérer et d’agir. Souvent démunis face à la complexité de l’accompagnement, il est important de les soutenir. Différentes initiatives sont organisés en ce sens, notamment sous la forme de réunions d’informations et de groupes de discussions autour de problématiques liées au vieillissement :

- Initiatives du « bistrot mémoire » qui organise chaque mercredi des rencontres autour de la maladie d’Alzheimer à Rennes.

Prévention primaire spécifique

LES DEBATS PUBLICS :

Les actions d’information et de sensibilisation ont pour objectif de renseigner le grand public sur les réalités du suicide des personnes âgées, tout en contribuant à le démystifier. Ces actions peuvent être réalisée sous de multiples formes (conférence grand public, débats, théâtre forum, …etc). Le suicide peut également être abordé lors d’actions de prévention sur des thématiques moins sensibles (malnutrition, chutes, etc.). → Plusieurs rencontres citoyennes ont été organisées en Bretagne dont certaines par le collectif JNPS. Il s’agit d’un type d’action spécifique participant à la fois d’un débat public, d’une sensibilisation du public, et de la construction de partenariats à travers la connaissance des acteurs intervenant dans le champ au sein d’un territoire. Ces initiatives ont lieu dans l’ensemble des départements bretons. En 2004 par exemple, le collectif JNPS d’Ile et vilaine a organisé une session sur le thème « Le suicide des personnes âgées : tabou ? ». → La troupe professionnelle du « théâtre du Chaos » propose la pièce Un si bel automne. L’objectif est de sensibiliser la population retraitée à la souffrance psychique et au phénomène suicidaire. Des comédiens jouent des scénettes abordant des thèmes tels que le passage à la retraite, la disparition d’un être cher, la vie affective, les liens entre générations, ou encore l’entrée en établissement, afin d’aborder la solitude, l’isolement et le risque suicidaire. Ces pièces ont été présentées fin 2005 dans le pays de Guingamp, à Tréguier, Paimpol et Lannion, devant plusieurs centaines de personnes, touchant aussi bien les personnes vivant en institutions qu’à domicile, des jeunes retraités comme des plus de 75 ans.

REPERAGE DE LA SOUFFRANCE PSYCHIQUE ET DE LA CRISE SUICIDAIRE

Le repérage du mal-être, de la détresse et de la crise suicidaire peut être réalisé par tous les acteurs intervenants auprès des personnes âgées à domicile ou en institution, professionnels de la santé ou non. De même, la dépression est le trouble le plus fréquemment retrouvé chez les sujets âgées suicidés ou suicidaires. Or, bien souvent, les signes de la dépression sont souvent masqués chez les personnes âgées, ou considérés comme de simples corollaires de la vieillesse. → Une fiche technique « bien-être et équilibre psychique des personnes âgées » destinée à tous les professionnels travaillant auprès des personnes âgées vient d’être élaborée dans le Morbihan. Créée par le Comité Départemental d'Éducation pour la Santé du Morbihan (Codes 56) en collaboration avec la DDASS 56 et la CPAM, elle rappelle les principes d’intervention et d’action auprès des personnes âgées, les attitudes

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professionnels à tenir, les facteurs de protection et de vulnérabilité de ce public, ainsi que la charte relative aux droits et libertés de la personne âgée. → Le service de psychiatrie de Quimperlé s’est spécialisé depuis peu dans la prise en charge des dépressions et des troubles bipolaires106. Cette unité, développée dans une optique multidisciplinaire et de travail en réseau, est également spécialisée en gérontopsychiatrie et peut donc aisément travailler sur le traitement de la dépression chez les personnes âgées.

UNE EXPERIENCE INNOVANTE…

→ L'association Psychologie & Vieillissement (Rennes) a réalisé une expérience avec le service de téléalarme CUSTOS : trois psychologues ont assuré une présence 365 jours par an pour pouvoir répondre aux appels de personnes âgées en souffrance psychique et former les écoutants de la centrale de téléalarme au dépistage de la souffrance psychique. Cette initiative a été prise à la suite de nombreux appels dits de « convivialité » qui laissaient penser un fort besoin de communiquer chez certaines personnes âgées, hors de tout besoin réel d’assistance et/ ou de prise en charge médicale.

L’expérience italienne107 : un service de télé-aide avait été mis en place pour les personnes âgées et consistait en un système d’alarme que le client pouvait activer pour demander de l’aide. Ce service était doublé d’un service de télé-contrôle contactant les clients deux fois par semaine pour vérifier s’ils ont besoin de quelque chose et pour leur apporter un soutien affectif. L’étude menée sur 12135 personnes âgées ayant bénéficiées de ces services pendant quatre ans a montré que seulement un suicide a eu lieu, alors que d’un point de vue statistique on aurait pu s’attendre à sept suicides. Cette expérience nous enseigne que le taux de suicide peut diminuer chez les personnes âgées si l’on va au-devant de leur demande, sans attendre qu’ils sollicitent eux-mêmes une aide.

La prise en charge

Le SROS III (Schéma Régional d’Organisation des Soins), qui a pour vocation de répondre aux besoins de santé physique et mentale de la population, décline deux volets en lien avec la prise en charge du suicide des personnes âgées : Le volet spécifique « prise en charge des personnes âgées » et le volet « psychiatrie et santé mentale ».

PRISE EN CHARGE SPECIFIQUE

→ Le service de psychiatrie de Quimperlé qui a crée récemment une Unité fonctionnelle Psychiatrie du sujet âgée qui s’est spécialisée dans la prise en charge géronto-psychiatrique. Elle assure des consultations spécifiques (incluant une Consultation Mémoire) et une prise en charge hospitalière. Dans le cadre du travail en réseau, les interventions délocalisées sont nombreuses, de même que les temps de coordination et de réflexion dédiés. La particularité de ce service de géronto-psychiatrie réside dans le fait d’être également spécialisé dans la prise en charge de la dépression.

PROTOCOLE DE PRISE EN CHARGE EN INSTITUTION

→ Le Centre Régional de Gériatrie travaille actuellement sur un protocole concernant la conduite à tenir en cas de risque suicidaire avéré. Cette procédure de prévention se déroule en deux étapes : la première consiste au repérage des facteurs de risque suicidaire (anamnèse, observation) par les professionnels de santé, afin que chacun puisse éventuellement déceler et remplir cette fiche qui est intégrée au dossier du patient. L’équipe pluridisciplinaire s’attache ensuite à la seconde étape qui intègre la fiche prévention et la fiche suivie du patient, l’ensemble définissant la trame de la conduite à tenir (objectifs de soins, environnement et activation du réseau social). Ce document sera effectif en février 2007.

106 Autrefois appelé maniaco-dépression, le trouble bipolaire fait partie des troubles de l'humeur, auxquels appartient également la dépression récurrente. 107 De Leo D, Carollo G, Dello Bueno M, Lower suicide rates associated with tele-help/ tele-check service for the elderly at home. American Journal of Psychiatry, 1995, 152 : 632-634

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La postvention

La postvention fait l’objet de certaines actions en Bretagne. Elles sont généralement tout public, et ne s’adresse pas spécifiquement aux personnes âgées. → Un groupe de travail, mis en place par la DDASS 22, élabore actuellement un référentiel sur la postvention prévu pour la fin de l’année 2006. Les acteurs pourront ainsi s’y référer pour plus d’informations sur les actions réalisées dans ce domaine.

PRISE EN CHARGE DES PROCHES ENDEUILLES PAR DES PROFESSIONNELS DE LA SANTE MENTALE :

Les professionnels peuvent intervenir sur la prise en charge, c’est à dire l’aide et l’accompagnement psychologique de la famille, des proches, et des professionnels venant de vivre le suicide d’une personne de l’entourage. → Le Centre hospitalier Charcot dans le Morbihan, spécialisé en psychiatrie, a par exemple créé une unité d’aide aux familles endeuillées par suicide (UAFE). L’unité propose des consultations avec un professionnel, des groupes de discussion, et une orientation vers des praticiens psychothérapeutes de ville. Les plus de 60 ans représentent environ 15% des personnes prises en charge par l’unité.

GROUPES DE PAROLES ET DE SOUTIEN DE FAMILLES ET DE PROCHES.

Il n’existe pas de groupes de parole spécifiques au deuil suite à un suicide. Cependant plusieurs groupes de parole liés au deuil ont vu le jour en Bretagne.

- Dans le collectif « Vivre son Deuil Bretagne », plusieurs associations108 proposent un accompagnement des personnes en deuil (dont les personnes âgées), aussi bien en groupe qu’individuellement.

- L’association « Echange et Partage Deuil » propose des groupes de paroles pour toute personne endeuillée, quelle que soit son histoire.

INFORMATION, DEBAT PUBLIC ET FORMATION :

Le collectif « Vivre son Deuil » propose des formations pour les bénévoles accompagnants et les professionnels en institution ou à domicile, ainsi que des formations dans les écoles de professionnels de la santé et de l’accompagnement. Des conférences et des soirées thématiques pour le grand public sont également réalisées.

Mise à disposition d’outils pour les acteurs

MISE EN RESEAU :

La souffrance psychique et le phénomène suicidaire chez la personne âgée doivent être appréhendés dans une optique de prise en charge transversale parce que commune à d’autres problématiques. Les CLIC (Centres Locaux d’Information et de Coordination gérontologiques) constituent un outil de prévention majeure. Ce sont des guichets d’accueil, d’information, de conseil et d’orientation destinés aux personnes âgées et à leur entourage, à un niveau local. Ils répondent à une triple logique de proximité, d’accès facilité aux droits, et de réseau. Ils évaluent les besoins des personnes, élabore avec elles un plan d’aide individualisé, coordonne sa mise en œuvre par une mise en réseau des professionnels de santé, d’accompagnement à domicile, de l’habitat. Ils développent également des actions de prévention du vieillissement, de soutien aux aidants naturels et de formation qui contribuent à la qualité de la vie à domicile des personnes âgées. Les réseaux de santé gérontologiques sont un autre exemple de fonctionnement décloisonné de proximité qui permet une prise en charge global des personnes âgées par les professionnels de santé assurant des soins primaires : médecins généralistes, spécialistes, autres professionnels libéraux, SSIAD. Ils permettent de

108 Associations Le Geste et le Regard, Jusqu'à La Mort Accompagner La Vie (JALMALV), et Deuil Espérance (pastorale de la santé)

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coordonner les interventions entre les différents secteurs sociaux, médico-sociaux et sanitaires autours de la personne âgée, et une meilleure transmission des informations. Il existe actuellement six réseaux gérontologique en Bretagne109.

Le Comité Permanent de la souffrance psychique et de la prévention des phénomènes suicidaires sur le bassin de Brest est un groupe de réflexion local et multidisciplinaire. Sa finalité est de prévenir les phénomènes suicidaires, autant au niveau du repérage et de l’orientation au système de soin des personnes en souffrance psychique, que de la prévention de la récidive. La lettre d’information « Réseau de vie » sur la prévention du suicide est éditée pour un large public dans le Morbihan (3500 correspondants) et permet une mise en réseau et une information régulière des professionnels.

- Le n°5 de septembre 2005 était entièrement consacré au phénomène suicidaire chez les sujets âgés. Une fiche technique sur le repérage de la dépression des personnes âgées y était jointe.

- Le n°7 de février 2007 fait un point sur le groupe de travail n° 6 (prévention du suicide des personnes âgées) et des actions engagées.

FORMATION DES PROFESSIONNELS :

La formation des professionnels de la santé est essentielle afin que le personnel médical ne soit pas démuni face à des personnes en crise suicidaire. On peut notamment citer :

- Le Centre Régional de Gériatrie de Chantepie (35) distribue à tous les résidants ainsi qu’à tous les soignants une plaquette d’information « en cas de souffrances psychiques » mentionnant les ressources disponibles pour se faire aider.

LA FORMATION DES PROFESSIONNELS DE L’ACCOMPAGNEMENT :

Les professionnels intervenant auprès des personnes âgées au quotidien (à domicile ou en institution) sont les plus à même de détecter les facteurs de risque de souffrance psychique. Leur formation au repérage et à la prise en compte de cette souffrance chez les personnes âgées est donc primordiale pour une prévention efficace et précoce. Pour autant, ces formations demeurent rares. Plusieurs formations ont eu lieu en Bretagne :

- Mise en place de formations pour les auxiliaires de vie sociale des différents CCAS, de l’ADMR et des associations du Morbihan, sur la souffrance psychique des personnes âgées. Quatre groupes de paroles ont été constitués, réunissant sur chaque site (Lorient, Ploërmel, Pontivy et Vannes), dix à douze professionnelles de chaque institutions/ associations. Chaque groupe a bénéficié de dix séances, selon un rythme mensuel, entre septembre 2004 et juillet 2005.

- Session de formation « prévention de la souffrance psychique et des phénomènes suicidaires chez la personne âgée » à destination des professionnels et bénévoles intervenant auprès de ce public (en institution ou à domicile). Elle a été organisée par le Comité Permanent de la souffrance psychique et de prévention des phénomènes suicidaires du bassin de Brest en avril 2006. Cette formation abordait le vieillissement, le suicide, les différentes modalités d’expressions de la souffrance psychique, ainsi que la prévention et les modalités d’accompagnement.

LES ACTES DE SEMINAIRES :

L’association Psychologie et Vieillissement a proposé en février 2003 un séminaire d’une journée sur le thème « suicide âgé, sujet tabou »110.

109 Réseau Géront’ouest Trégor, Réseau gérontologique brestois, Réseau gérontologique du canton de Port-Louis, réseau Harp.s@nté, Réseau Pol Aurélien, Réseau Géront’Emeraude. 110 Des actes ont été publiés à la suite et sont disponibles sur demande à l’association.

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Repères bibliographiques Ouvrages Amyot J-J., Guide de l’action gérontologique, Dunod, 1997 Caradec V., « Les ‘supports’ de l’individu vieillissant. Retour sur la notion de ‘déprise’ », dans Caradec V, Martuccelli D (eds), Matériaux pour une sociologie de l’individu. Perspectives et débats, Lille, Presses Universitaires du Septentrion, 2005 Caradec V., Vieillir après la retraite. Approche sociologique du vieillissement », Paris : PUF, 2004. Durkheim E. Le suicide. Paris: PUF (Coll. Quadrige), 1999. Halbwachs M. Les causes du suicide. Paris:PUF (Le Lien social); 2002. Veysset B., Dépendance et vieillissement, Paris, L’harmattan, 2000. Articles Andrian J., Le suicide des personnes âgées, Gérontologie et société, n°90, septembre 1999. Andrian J. Le suicide en pleine force de l’âge : quelques données récentes. Cahier de Sociologie et de Démographie Médicale, XXXVIème année: 1996. Batt A, Campéon A, Lecorps P, Leguay D, Etude épidémiologique des suicides et des tentatives de suicide : place de la prévention, Encyclopédie Médicochirurgicale, 37-397-A-10, 2007 (à paraître) Bickel J.F et Cavalli (S), De l'exclusion dans les dernières étapes du parcours de vie : un survol., Gérontologie et société, n°102, 2002. Campéon A, « Du faire vivre au laisser mourir » (pp. 47-64) dans Batt- Moillo A et Jourdain A, (dir.), Le suicide et sa prévention. Emergence du concept, actualité des programmes, Rennes : Ed. ENSP., 2005. Casadebaig F, Ruffin D, Philippe A, Le suicide des personnes âgées à domicile et en maison de retraite en France, Revue d’Epidémiologie et de Santé Publique, vol 51 n°1, février 2003. Davidson. F, Courtecuisse N., Taleghani N., Recherche sur le suicide des personnes âgées, Gérontologie, n°1, 1974. De Leo D, Carollo G, Dello Bueno M, Lower suicide rates associated with tele-help/ tele-check service for the elderly at home. American Journal of Psychiatry, 1995. Gonthier R. In: Andrian J. Suicide et grand âge. Bulletin de la Société de Thanatologie, XXIVème Congrès “Mort et grand âge” 1997. Guillemard AM. La production sociale de la maladie par l’isolement. Gérontologie, 1973. Le Quotidien du médecin, « reconnaître la dépression du sujet âgé », n°7940, 13 avril 2006 Nizard A. Suicide et mal-être social. Population et sociétés, 1998. Rapports Douguet F., Le suicide des personnes âgées. Recension de littérature (France- Canada), Université de Bretagne Occidentale, DDASS, 2001. Primault A, « La prévention du suicide des personnes âgées en Bretagne », PRS 2004-2008, 2006. Rapport Violences et santé, Haut comité de la santé publique, mai 2004. « La sursuicidité en Bretagne : Contribution a une explication socioculturelle », recherche multidisciplinaire, Mutualité Française, 2002.

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F.COLAS- Activité promotion de la santé, Mutualité Française Bretagne (29)

Les réseaux ou dynamiques locales

en prévention du suicide sur la Bretagne

La problématique de la souffrance psychique et des phénomènes suicidaires chez la population bretonne renforce le besoin de connaissance réciproque des intervenants et d’appréciation du champ d’intervention de chacun. Le travail en réseau des différents acteurs confrontés plus ou moins directement à la souffrance psychique de leurs publics respectifs semble alors une condition nécessaire à la réussite des actions de prévention du suicide.

I. ELEMENTS DE CADRAGE

1. La notion de réseau Nous avons retenu différentes définitions qui mettent l’accent tour à tour sur les différents attributs d’un réseau (cf. encadré 1 ci-après). Ces critères nous permettront de comparer les réseaux ou collectifs prévention du suicide repérés sur la Bretagne à cet « idéal type » du réseau. a. Les différents attributs d’un réseau

Il est fait référence à la composition d’un réseau et à la nécessaire pluridisciplinarité de ses membres. Un réseau : c’est la « mise en commun de plusieurs savoir-faire et de personnes ressources ». Il rassemble des « compétences différentes et complémentaires ». Il réunit « des acteurs des institutions sanitaires et sociales, des associations intervenant dans les champs médicaux et sociaux ainsi que les bénévoles intervenant dans le même domaine ». La charte des réseaux de santé accorde également une place aux usagers : « usagers, professionnels et bénévoles participent ensemble à la définition des priorités (…) ». L’inscription territoriale d’un réseau est pointée. Les acteurs sont « issus d’une même unité géographique » ou bien « dispersés dans une zone géographique donnée ». Le mode de participation au réseau est souligné. Il s’agit toujours d’une « coopération volontaire », le réseau démarrant avec « un petit noyau de volontaires ». Les acteurs « sont réputés accepter librement d’être parties prenantes d’un dispositif ouvert ». La qualité des échanges en découle ; les membres d’un réseau ont « le souci de se respecter et d’échanger autour des pratiques des uns et des autres ». Ils « entretiennent entre eux des rapports par définition égalitaires. » Pour que les échanges entre les acteurs hétérogènes s’organisent, le réseau doit se doter d’un dispositif de coordination occupé par une personne faisant office de point de référence. Le rôle du coordinateur est alors primordial dans la conduite des échanges : « Celui-ci n’est en aucun cas un « chef » ou un « leader » mais avant tout un facilitateur ». Le fonctionnement d’un réseau est explicité. Un réseau suppose « un minimum d’organisation » et une méthodologie propre à l’animation : détermination de « normes et valeurs partagées » mise en place d’une « évaluation réaliste des besoins et du contexte », « définition d’un projet et d’objectifs ». Il est rappelé le but d’un réseau , à savoir « une approche globale des besoins des individus pris en charge ». Le réseau s’appuie pour cela sur le décloisonnement des pratiques professionnelles. Il rejette ainsi les « approches étroitement sectorisées » ou la « juxtaposition de plusieurs approches distinctes ».

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b. La distinction entre partenariat et réseau Bien souvent, une distinction est faite entre le travail en partenariat et le travail en réseau. Le premier est vécu comme plus contraignant parce que le plus souvent imposé et contractualisé. Le deuxième suppose une participation volontaire des acteurs, une gestion non hiérarchisée, l’absence ou le dépassement d’enjeux institutionnels. Dans le fonctionnement d’un réseau, il s’agit bien souvent de réinventer les relations entre les acteurs, relations n’engageant a priori ni institutionnellement ni affectivement.

ENCADRE 1 : Définitions de la notion de réseau

« Le réseau : c’est la mise en commun de plusieurs savoir-faire et de personnes ressources, issus d’une même unité géographique, en vue d’apporter une réponse plus complète, plus ordonnée, plus adaptée à une problématique de santé exprimée par une population ». (…)

« Un objectif commun et partagé entre ses membres, du temps nécessaire pour consolider les relations interpersonnelles, un minimum d’organisation, ne serait-ce que pour la coordination et l’organisation des échanges, un souci de se respecter et d’échanger autour des pratiques des uns et des autres… sont autant de conditions de réussite qu’il nous faut garder à l’esprit pour entretenir un réseau dans la qualité et la durée. » (…) « Le réseau ne se décrète pas ; qu’il soit formel ou informel, il ne devrait pas être une fin en soi, mais plutôt un outil facilitant la prise en compte de points de vue ou de professions différentes. » (Luc Hincelin, consultant à LH Conseil Agence en promotion de la santé, article paru dans Pl’Aisne Santé, janvier 2001). « On n’y adhère pas, on n’y est pas recruté, on s’en sert. Ses membres, ou plutôt ses acteurs, quelles que soient leurs attaches ou leurs absences d’attaches institutionnelles, sont réputés accepter librement d’être parties prenantes d’un dispositif ouvert où chacun participe à la production, à la diffusion et à la mutualisation des informations qui y circulent comme des offres de services qui s’y échangent. (…) Chacun y apporte ce qu’il veut et en retire ce qu’il peut. (…) Tout projet se doit d’être utile pour chacun des acteurs qui s’y implique. » (M. JESU, chargé de mission enfance familles in actes de la 3ème journée départementale du Réseau d’Ecoute, d’Appui et d’Accompagnement des Parents du Finistère : La mise en réseau des acteurs professionnels et non professionnels du soutien à la parentalité : pourquoi ? comment ? p. 37) « Dans le domaine socio-sanitaire, le fonctionnement en réseau relève avant tout d’une approche globale des besoins des individus pris en charge. Celle-ci suppose tout spécialement un rejet des approches étroitement sectorisées, conduisant soit à favoriser un traitement à partir d’une démarche unique (que celle-ci soit médicale, psychologique, sociale, éducative…) à l’exclusion des autres, soit à la juxtaposition de plusieurs approches distinctes mais sans réelle communication les unes avec les autres. (…) Une autre caractéristique majeure du réseau est sa dimension horizontale. Les différents points de vue, démarches, acteurs, organismes… qu’il réunit entretiennent entre eux des rapports par définition égalitaires. Le réseau s’oppose diamétralement à l’idée d’une hiérarchie en ce qu’il envisage des partenaires disposant d’une égale légitimité à s’exprimer et à agir, et dont aucun ne peut se prévaloir d’un ascendant ou d’une autorité sur les autres. (…) Cette dimension égalitaire – opposée à la structure pyramidale de l’organisation – doit également faire l’objet d’une attention vigilante lorsqu’ est défini le rôle du coordinateur du réseau : celui-ci n’est en aucun cas un « chef » ou un « leader », mais avant tout un « facilitateur » dont la mission est de favoriser la communication entre les partenaires et de renforcer l’articulation de leurs actions, mais en aucun cas un rôle de direction ou de contrôle. »

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(Lilian MATHIEU, sociologue, rapport d’étude pour le CRAES, Conceptions et pratiques du travail en réseau, en prévention de la souffrance psychique des adolescents, 2000, p. 18 à 21) « On s’accorde pour définir un réseau comme un ensemble organisé d’individus, dits acteurs du réseau, dispersés dans une zone géographique donnée, de compétences différentes et complémentaires, qui agissent pour un objectif commun et selon des normes et des valeurs partagées, sur la base d’une coopération volontaire pour améliorer la prise en charge des malades. » (…) « A l’origine d’un réseau, on trouve souvent une bonne idée et un petit noyau de volontaires réunis autour d’un animateur. Voilà pour le démarrage. Mais dans la majorité des cas, le succès a un autre prix : une évaluation réaliste des besoins et du contexte, la définition d’un projet et d’objectifs, la constitution d’une équipe par une réflexion sur le réseau comme forme de coopération entre professionnels. Autrement dit, un travail aboutissant à un premier cahier des charges.» (Créer et piloter un réseau de santé, un outil de travail pour les équipes, ouvrage collectif, éd ENSP, 2004, p.37) Le travail d'un réseau de santé a pour but un accompagnement global et cohérent des personnes, en vue de l'amélioration de leur santé, réalisé par les différents intervenants médico-psycho-sociaux et les bénévoles. (…) Les acteurs du réseau construisent des pratiques coordonnées qui assurent la continuité et la cohérence de l'accompagnement sanitaire et social et favorisent la participation des personnes à cette démarche. Le travail en réseau réunit des acteurs des institutions sanitaires et sociales, des associations intervenant dans les champs médicaux et sociaux ainsi que les bénévoles intervenant dans le même domaine. Usagers, professionnels et bénévoles participent ensemble à la définition des priorités pour développer une démarche de promotion de la santé qui réponde aux besoins de la population et des individus. (Charte des réseaux de santé, Coordination nationale des réseaux) 2. Les réseaux : un principe clé d’organisation du secteur sanitaire et social L’apparition de nouvelles pathologies comme celles du SIDA ont nécessité la mise en œuvre de formes innovantes d’accompagnement et de suivi tant médical que social (réseaux ville-hôpital), les approches sanitaires et sociales marquées par la spécialisation se trouvant relativement inadaptées. Les pouvoirs publics ont encouragé ce type d’organisation et de fonctionnement au travers du Fonds d’aide à la qualité des soins de ville (FAQSV) géré par l’Union régionale des caisses d’assurance maladie (URCAM) et l’Union régionale des médecins libéraux (URML) ou la Dotation régionale des réseaux (DRDR) géré par l’URCAM et l’Agence régionale d’hospitalisation (ARH), le développement des réseaux devant permettre une maîtrise des coûts. Les réseaux de santé financés aujourd’hui en Bretagne concernent le cancer, les soins palliatifs, le diabète, la périnatalité, les maladies cardiaques, les maladies chroniques, la gérontologie, le handicap et les addictions. Les réseaux prévention du suicide repérés sur la Bretagne ne bénéficient pas des financements des réseaux de santé mais sont des réseaux de proximité financés par l’Etat sur les crédits d’intervention. 3. Les réseaux prévention du suicide : une inscription dans le Programme régional de santé

« prévenir le suicide en Bretagne 2004-2008 » Les réseaux prévention du suicide existant sur la Bretagne s’inscrivent dans le second programme régional de santé (PRS) 2004-2008. a. Le PRS et sa déclinaison dans le cadre des réseaux locaux

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Le second PRS privilégie une approche globale de santé et prévoit des interventions promotionnelles, préventives et curatives. Le constat est posé qu’il ne suffira pas, pour diminuer le taux de suicide, de mener un ou deux types d’actions isolées. Seule une chaîne de soins (de la promotion de la santé à la prévention, la prise en charge et à la postvention) peut permettre la mise en œuvre d’une dynamique et donner des réponses aux personnes en souffrance psychique. Le mot « soins » est entendu ici au sens large du mot anglais « care », soit « prendre soin ». Les réseaux illustrent bien cette stratégie du PRS, à savoir le déroulement d’une chaîne de soins. Les acteurs de prévention et du soin doivent se représenter comme participants de cette chaîne de soins et interagir avec les autres maillons. La mise en réseau des différents acteurs doit permettre de créer cette dynamique et cette interaction. Les réseaux mis en œuvre répondent alors à l’objectif du PRS à savoir : « mettre à disposition des acteurs de terrain les outils et méthodes pertinents pour une intervention efficace » . Ce dernier objectif prévoit de « poursuivre l’amélioration de la connaissance du phénomène pour l’action », d’ « améliorer le dispositif de formation-information des acteurs » et de « promouvoir le partenariat et le fonctionnement en réseau ». b. Le soutien des instances régionale et départementales chargées de la programmation Un comité technique régional est responsable de la programmation du second PRS et des instances départementales sont chargées de faire vivre le PRS localement. Le comité technique régional : Le comité technique régional est piloté par la DRASS. Onze groupes de travail thématiques ont été créé pour faciliter la déclinaison du PRS : Référentiel promotion de la santé ; Observation des tentatives de suicide ; Formations / stratégie régionale ; Formation milieu pénitentiaire ; Suicide et milieux professionnels ; Accès aux moyens les plus létaux ; Prévention du suicide des personnes âgées ; Réseaux ; Postvention ; Ethique ; SROS III. Les instances départementales alimentent la réflexion de ces groupes de travail. Le groupe de travail « Réseaux » est coordonné par la DDASS du Finistère. C’est dans le cadre de ce groupe de travail qu’une démarche régionale d’évaluation des réseaux prévention du suicide existants sur la Bretagne a été proposée puis validée et financée. Le comité technique régional a impulsé une dynamique et fédéré les acteurs départementaux lors du démarrage du second PRS. Il a défini un programme de travail ambitieux. Aujourd’hui, ce groupe semble moins activé. Actuellement, l’URCAM et les CPAM semblent moins s’investir sur le sujet alors qu’au départ elles co-pilotaient le programme aux côtés de la DRASS et des DDASS. Les instances départementales de suivi du PRS : � Groupe de pilotage départemental du PRS, piloté par la DDASS des Côtes d’Armor, � Comité départemental de suivi du PRS, piloté par la DDASS du Finistère, � Comité départemental de prévention du suicide et promotion de la santé mentale, piloté par la DDASS

d’Ille et vilaine, � Comité technique de suivi (CTS) du Morbihan, piloté par la DDASS du Morbihan et la CPAM du

Morbihan (jusqu’à fin 2006 ?). Le CTS du Morbihan est sans doute celui qui est le plus moteur au sens où il anime 14 groupes de travail chargés de produire des protocoles, des évaluations et de mettre en œuvre des actions de sensibilisation du grand public ou d’information des professionnels. Il a créé une revue d’information pour les acteurs de terrain intitulé « Réseau de vie ». Le CTS a envisagé, un temps, la régionalisation de la revue. Finalement, le CTS a fait le choix de conserver une revue départementale au contenu plus étoffé mais avec une parution moins fréquente. Le dernier numéro présente l’intérêt de donner une vue d’ensemble des initiatives menées sur le département du Morbihan (Numéro 7, février 2007). Le Comité du Finistère est celui qui accompagne le plus la mise en réseau des acteurs locaux : quatre réseaux fonctionnement sur le département. Les instances départementales sont inégalement animées. Cela peut avoir des répercussions sur les initiatives locales.

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4. Le volet psychiatrie et santé mentale du Schéma Régional d’Organisation des Soins 2006-2010

(SROS III) a. Un objectif général : développer une offre de soins de qualité, graduée et diversifiéé Pour la période 2006-2010, le SROS s’attache à poursuivre l’objectif de garantir à toute personne l’accès à des soins de qualité en réponse à ses besoins propres, au long d’un parcours de soins continu et cohérent, assurant une prise en charge globale dans toutes ses composantes : sanitaire, sociale et médico-sociale. Cet objectif suppose de : � développer les soins ambulatoires (accessibilité des Centres Médico-Psychologiques – CMP), � mieux gérer les situations d’urgence et de crise (travail de liaison dans les services de soins

somatiques, mise en place de lieux d’écoute en amont et suivi du patient en aval), � adapter l’hospitalisation complète (mise en place de structures relais), � répondre à des besoins spécifiques (prise en charge des adolescents difficiles au sein d’équipes pluri-

institutionnelles). b. L’implication des professionnels de santé hospitaliers dans les réseaux locaux de prévention du suicide Nous retrouvons dans les réseaux ou collectifs prévention du suicide des professionnels de santé issus du secteur hospitalier spécialisé : il s’agit principalement d’infirmiers psychiatriques, de psychologues et de cadres de santé. Ils représentent souvent les unités d’accueil médico-psychologiques (UAMP) des centres hospitaliers ou les centres médico-psychologiques (CMP). Ils ont à cœur de décloisonner les pratiques professionnelles pour un meilleur suivi des patients. A titre d’exemple, le Centre Hospitalier Etienne Gourmelen de Quimper met à disposition du réseau prévention du suicide des jeunes du pays de Cornouaille huit professionnels à hauteur de quarante heures par an et par professionnel (professionnels de l’UAMP, des CMP, de l’équipe de liaison, du Centre du couple et de la famille, du service Accueil Drogue Info, de la Maison thérapeutique du collégien et du lycéen.) II. LES PRATIQUES DE FONCTIONNEMENT EN RESEAU SUR LA BRETAGNE

1. Les réseaux ou dynamiques locales repérés sur la Bretagne Les réseaux, groupes et collectifs de prévention du suicide financés dans le cadre du PRS « Prévenir le suicide en Bretagne 2004-2008 » ont été invités à participer à une formation – action sur l’évaluation, menée par l’Atelier de l’évaluation en prévention et promotion de la santé. Financée par la DRASS de Bretagne et organisée par la Mutualité Française Bretagne, cette formation s’est effectuée en 6 rencontres entre septembre 2005 et octobre 2006. La formation avait pour objectif de permettre aux acteurs des réseaux, collectifs et groupes locaux de prévention du suicide, de mettre en place une méthodologie et des outils communs d’évaluation de leurs actions. 8 réseaux et comités ont répondu à la proposition de formation action sur l’évaluation : � Le comité permanent de prévention de la souffrance psychique et des phénomènes suicidaires du

Bassin de Brest, � Le réseau de prévention du suicide des jeunes du Pays de Landerneau, � Le réseau de prévention du suicide et promotion de la santé chez les enfants et les jeunes du Pays de

Cornouaille � Le collectif pour la prévention du suicide et de la souffrance psychique du Pays de Châteauneuf, � Le réseau de veille et de vigilance des secteurs de Pontivy et de Locminé, � Le collectif « Ensemble prévenons le suicide» Ille et Vilaine, (CoEPS 35) � Une dynamique pouvant déboucher sur un réseau dans le Pays de Guingamp, � Le réseau de psychiatrie de crise de Lorient.

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Le médecin de santé publique de la DDASS du Finistère a participé à l’ensemble des travaux du groupe. Nous nous appuyons sur ce groupe régional d’évaluation des réseaux pour alimenter la réflexion sur l’évolution des pratiques. Nous évoquerons très peu le réseau de psychiatrie de crise de Lorient ; il s’agit en fait d’un réseau ancien de prise en charge, organisé autour de l’unité d’urgence de l’hôpital général, peu investi dans la prévention primaire. Ce réseau n’a pas donné suite à la démarche régionale d’évaluation des réseaux. Nous rajoutons à la liste ci-dessus : � le réseau d’Ille et Vilaine intitulé « PEPPS » ou « Promouvoir ensemble une prévention primaire du

suicide ». Sur la thématique qui nous concerne, il est possible que d’autres dynamiques existent ou vont voir le jour à l’échelle des villes dans le cadre des Ateliers santé villes (ASV) ou à l’échelle des pays avec les projets territoriaux de santé. Les ateliers santé ville : Ils constituent l’axe santé des Contrats Urbains de Cohésion Sociale (CUCS), nouveau cadre de la Politique de la Ville. Ces ateliers sont des instances de coordination et d’animation d’un programme de santé local. Ils doivent permettre une articulation dynamique entre la politique de la ville et la politique de santé. Les ASV, ont alors pour objectif de faciliter la mobilisation et la coordination des différents intervenants par la création et le soutien à des réseaux médico-sociaux. Les projets territoriaux de santé : Depuis 2003, des projets territoriaux de santé sont expérimentés en Bretagne avec l’appui de l’Etat, de l’Assurance Maladie et du Conseil régional. Il s’agit, au travers de cette animation, de développer une approche communautaire à l’échelon de territoires locaux, d’améliorer la mise en cohérence des actions et des moyens et la coordination des acteurs. Six pays (Centre Ouest Bretagne, Trégor Goëlo, Plöermel, Guingamp, Saint-Malo, Vitré) sur les 21 que comptent la région Bretagne et une ville (Rennes) sont engagés dans la démarche et ont recruté des animateurs territoriaux de santé pour mettre en œuvre les projets. Pour l’heure, nous n’avons pas connaissance de réseaux prévention du suicide animés par ces instances. Sur le Morbihan, le réseau de veille et de vigilance de Pontivy réfléchit avec la DDASS à l’opportunité d’accoler le réseau à une animation territoriale de santé.

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2. Présentation synthétique des réseaux ou dynamiques locales repérées Dpt Territoire

d’intervention Appellation Public

visé Pilotage

Coordination

Date création

22 Lannion, Paimpol, Guingamp

Projet de mise en réseau entre la Fondation Bon Sauveur et Cap jeunes et projet de mise en réseau interhôpital

Tout public dont jeunes

Fondation Bon Sauveur de Bégard

projet

29 Bassin de Brest Comité permanent de prévention de la souffrance psychique et des phénomènes suicidaires.

Jeunes et personnes âgées

Ville de Brest, CHU de Brest, Mutualité Française Bretagne (29)

2001

29 Ville de Landerneau Réseau prévention du suicide des jeunes

Jeunes Mutualité Française Bretagne (29)

2000

29 Pays de Cornouaille Réseau prévention de la souffrance psychique et des conduites suicidaires des jeunes

Jeunes Mutualité Française Bretagne (29)

Septembre 2003

29 Pays de Châteauneuf Collectif pour la prévention du suicide et de la souffrance psychique du pays de Châteauneuf

Tout public Centre social ULAMIR

Mars 2003

35 Département d’Ille et Vilaine

Le Collectif « Ensemble Prévenons le Suicide» Ille et Vilaine, (CoEPS 35)

Tout public SOS Amitié 1996

35 Département d’Ille et Vilaine

PEPPS Promouvoir ensemble une prévention primaire du suicide

Tout public Mutualité Française Bretagne (35)

2003

56 Secteur de Pontivy et Locminé

Réseau de veille et de vigilance

Tout public Mutualité Française Bretagne (56)

Début 2003

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Dpt Territoire

d’intervention Appellation Objectifs

22 Lannion, Paimpol, Guingamp

Projet de mise en réseau entre la Fondation Bon Sauveur et Cap jeunes et projet de mise en réseau interhôpital

Mettre en réseau les hôpitaux de Guingamp, Lannion, Paimpol Développer les échanges avec les acteurs de la prévention Améliorer le suivi des patients à la sortie de l’Hôpital

29 Bassin de Brest Comité permanent de prévention de la souffrance psychique et des phénomènes suicidaires.

Mobiliser les acteurs de terrain Constituer un pôle ressource capable de conseiller les acteurs de terrain et d’élaborer des propositions pour les décideurs locaux

29 Ville de Landerneau

Réseau prévention du suicide des jeunes

Consolider le réseau d’acteurs locaux Favoriser la coopération entre acteurs et les échanges de pratiques Informer les parents sur le mal être à l’adolescence

29 Pays de Cornouaille

Réseau prévention de la souffrance psychique et des conduites suicidaires des jeunes

Mobiliser les acteurs locaux Permettre la connaissance et les échanges de pratiques Définir des actions de prévention Améliorer l’accueil et l’écoute des jeunes

29 Pays de Châteauneuf

Collectif pour la prévention du suicide et de la souffrance psychique du pays de Châteauneuf

Soutenir et former les professionnels et bénévoles dans un rôle de veille et de détection du niveau d’urgence. Partager des outils et des moyens communs Sensibiliser et informer la population

35 Département d’Ille et Vilaine

Le Collectif « Ensemble Prévenons le Suicide» Ille et Vilaine, (CoEPS 35)

Organiser sur le territoire des rencontres citoyennes Donner la parole à des non spécialistes Créer un espace où le tabou du suicide puisse être levé dans un échange d’expériences et d’informations Promouvoir la méthodologie des rencontres citoyennes Démultiplier les rencontres sur des thématiques proches.

35 Département d’Ille et Vilaine

PEPPS Promouvoir ensemble une prévention primaire du suicide

Sensibiliser les professionnels sur la thématique et développer leur information et leur connaissance Diffuser une plaquette de communication grand public

56 Secteur de Pontivy et Locminé

Réseau de veille et de vigilance Favoriser la connaissance mutuelle Assurer une information complète sur les ressources disponibles Affiner le diagnostic local Construire des partenariats Sensibiliser les professionnels Informer le grand public

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3. Les attributs des différents réseaux de prévention du suicide repérés a. Des réseaux pluridisciplinaires et pluri-institutionnels

Le travail en réseau correspond globalement à une démarche interdisciplinaire et inter-institutionnelle. Cette composition plurielle est considérée comme un atout par l’ensemble des réseaux.

Le groupe régional d’évaluation des réseaux recommande qu’un réseau de prévention du suicide, pour être efficace, doit « accueillir des membres des différents champs d’intervention : sanitaire et social, mais également socio-éducatif, judiciaire, insertion… ». « Certains réseaux ou collectifs sont nés « dans la ville », avec des acteurs sociaux désireux d’intervenir sur un sujet auquel ils sont confrontés, et sont peu reliés au secteur sanitaire. Ils auront à faire l’effort de s’articuler à un dispositif de soins. D’autres sont nés « à l’hôpital, à partir d’un service de psychiatrie ou d’une unité spécialisée dans la prise en charge des suicidants. Ils devront s’ouvrir aux intervenants extérieurs, éducateurs, enseignants, acteurs de prévention, travailleurs sociaux ou de l’insertion. » Il importe de réunir des acteurs différents pour illustrer la chaîne de soins et rendre ainsi cohérents les objectifs du PRS. Le groupe régional d’évaluation des réseaux souhaite voir « encourager le développement de réseaux de proximité réunissant des acteurs des secteurs de la santé, du social, de l’éducation, de l’insertion…, permettant une articulation entre la promotion de la santé mentale, la prévention de la souffrance psychique et du suicide et le soin spécialisé ». « Cette composition transversale permet : � une cohérence globale dans les discours des intervenants sur le mal être, la souffrance psychique et le

suicide, � à chaque membre du réseau de pouvoir faire appel à des relais en fonction des besoins, en toute

confiance, � de définir concrètement des parcours permettant un repérage précoce de la souffrance psychique et une

orientation adaptée ». Des catégories d’acteurs peuvent toutefois manquer ou être insuffisamment représentés selon les réseaux : les professionnels de santé sur Châteauneuf et Pontivy, les représentants associatifs sur Brest, les milieux socio-éducatifs sur Guingamp, les acteurs de la jeunesse (animateurs jeunesse, coordinateurs enfance jeunesse) sur le pays de Cornouaille. Les médecins généralistes sont absents de l’ensemble des réseaux prévention du suicide en Bretagne. D’aucuns ont suivi une formation animée par le CRES de Bretagne lors de la mise en œuvre du premier PRS. Cette formation avait pour objectif de sensibiliser les médecins généralistes sur la question du mal être et de la souffrance psychique des jeunes. A la préconisation énoncée ci-dessus, nous pourrions rajouter l’importance du travail en réseau avec les médecins généralistes. L’évaluation de la prise en charge des suicidants dans le département du Morbihan menée en février 2003 par le cabinet conseil CEMKA pour le compte de la DDASS et la CPAM du Morbihan pointe un problème de suivi des patients après hospitalisation et souligne le manque de liens formalisés avec les médecins généralistes pour imaginer un tel relais. L’enquête fait également ressortir une demande de renforcement des liens entre acteurs : « 75% des professionnels interrogés dans l’enquête considèrent comme utile la formalisation d’un réseau de prise en charge. Cette opinion est plus prononcée pour les médecins généralistes exerçant dans des zones rurales ». Nous pouvons regretter qu’il n’ait pas été préconisé un réseau de prévention plutôt qu’un réseau centré sur le soin. Toutefois, « concernant les formations, le thème du dépistage et de la prévention est demandé principalement par les professionnels de première ligne tels que les médecins généralistes, les travailleurs sociaux, l’Education nationale ». Ce sont principalement des réseaux de professionnels. Des bénévoles peuvent faire partie des réseaux ; ils sont toutefois toujours rattachés à une association (SOS amitié, Jonathan Pierres Vivantes, Sources…). Ils peuvent avoir du mal à trouver leur place dans les réseaux. Par exemple, les représentants des organisations de parents d’élèves associés sur le réseau de Landerneau ont exprimé des difficultés de positionnement face aux professionnels.

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Les usagers ne font pas partie des réseaux existants. Ils peuvent s’exprimer lors de temps forts qui leur sont destinés (conférences, rencontres citoyennes). Le collectif d’Ille et Vilaine qui souhaite donner la parole à des non spécialistes n’accueille pas en son sein des individualités : « Pour rejoindre le collectif, il faut entre autres, être missionné par une structure ou une association. » b. Des réseaux inscrits sur des territoires donnés Les différents réseaux s’inscrivent à l’échelle de ville, de pays, de bassin de vie, de circonscription d’action sociale, de département. Il semble difficile de définir quelle est la bonne superficie d’un réseau. Les contours d’un réseau sont par définition difficilement délimitables.

Ils peuvent donc répondre à des logiques urbaines ou à des logiques de pays dans les zones rurales. Sur le Finistère, quatre pays sont plus ou moins couverts par des réseaux prévention du suicide. Le pays de Morlaix tend à manquer à l’appel. Sur le Morbihan, le réseau de veille et de vigilance de Pontivy et Locminé prend appui sur deux circonscriptions d’action sociale du Conseil général qui vont au delà du pays de Pontivy.

Le territoire couvert par un réseau a toutefois des incidences sur sa composition. Un territoire très grand peut conduire à un nombre trop important de personnes dans le réseau ; ce qui peut nuire à son efficacité. Sur le pays de Cornouaille, la constitution de micro-réseaux par communauté de communes ou par territoire d’action sociale fait partie des propositions issues de l’évaluation.

« De même, l’augmentation du nombre des partenaires rend-elle plus lourdes et plus difficiles la circulation des informations, l’expression des opinions et avis, et nuit-elle à l’interconnaissance entre les membres ». (Lilian MATHIEU, sociologue, rapport d’étude pour le CRAES, Conceptions et pratiques du travail en réseau, en prévention de la souffrance psychique des adolescents, 2000, p.20)

A l’inverse, un réseau en milieu rural peut être confronté à la rareté des partenaires ou membres de réseaux potentiels du fait de la faiblesse de l’équipement sanitaire et social. Il faut alors « faire avec ce que l’on a ». Le collectif de Châteauneuf du Faou a ainsi pointé les problèmes importants de prise en charge psychiatrique dans le secteur et le manque de professionnels de santé associés. Depuis ce travail d’évaluation, ce dernier collectif a étendu son territoire d’intervention au pays du Centre Finistère (cantons de Châteauneuf du Faou, Pleyben, Huelgoat et Carhaix). Une nouvelle dynamique semble s’être créée avec la présence de professionnels issus de Carhaix.

La recommandation du groupe régional d’évaluation des réseaux est d’ « assurer une couverture territoriale en veillant à ce que chaque réseau soit relié à un service de psychiatrie pouvant accueillir et prendre en charge les personnes en souffrance psychique ».

c. Des réseaux source d’enrichissement pour ses membres

L’organisation en réseau favorise bien l’interconnaissance et est aussi source d’enrichissement des pratiques. Parmi les points positifs d’un réseau, les membres du groupe régional notent les mots clés suivants : « partage de la même culture, du même langage » ; « échanges nombreux sur des situations concrètes » ; « réalisation de projets » ; « formation pour les membres du réseau » ; « connaissance réciproque et début de partage de l’information ».

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A titre d’exemples :

L’évaluation du collectif du pays de Châteauneuf a permis de vérifier quatre hypothèses de recherche :

� La participation au collectif permet aux acteurs de se contacter plus facilement face à telle ou telle situation.

� La participation au collectif permet aux acteurs de repérer et recourir aux aides existantes en matière de prévention de la souffrance psychique et du suicide.

� La participation aux collectifs permet de parler plus librement de la problématique du suicide. � La participation au collectif incite à la vigilance, donc à la prévention.

L’évaluation des réseaux prévention du suicide des jeunes sur les pays de Landerneau et Cornouaille montre que les deux réseaux permettent à ses membres de :

� Mieux identifier les structures locales, � Se constituer un carnet d’adresses � Approfondir la problématique. � Mieux orienter les jeunes en souffrance � Se sentir moins isolé dans sa pratique professionnelle.

L’impact du groupe sur les participants à Pontivy Locminé se mesure à plusieurs niveaux :

� L’évolution du point de vue sur la problématique suicidaire. � L’apport de connaissances qui résulte avant tout des apports mutuels entre les participants. � Une plus grande aisance dans la capacité de parler de la souffrance psychique ou du suicide. � Une meilleure capacité pour agir.

d. Un mode de fonctionnement reposant sur une coopération volontaire L’ensemble des réseaux souligne la motivation forte de ses membres. Nous sommes là dans une démarche de type volontaire. Le motif de participation peut être uniquement professionnel. Il peut aussi être pluriel et s’expliquer également par des raisons personnelles. La présence dans le réseau répond moins souvent à des sollicitations institutionnelles. Les membres des réseaux semblent prendre plaisir à travailler ensemble et parlent de convivialité.

III. ENTRE RESEAU DE COOPERATION ET RESEAU D’ACTIONS

1. L’échange de ressources au cœur de la coopération

a. Des réunions régulières

Il n’existe pas une forme de coopération. Cependant la base de tous les processus coopératifs est bien l’échange de ressources, c’est-à-dire l’échange d’informations, de conseils, de compétences, de connexions avec d’autres réseaux existants. La communication interne au réseau joue un rôle essentiel. Pour favoriser l’interconnaissance et la personnalisation des liens, les réunions régulières sont indispensables. Elles sont d’ailleurs un moyen de vérifier l’implication de chacun des membres du réseau. Cette régularité de réunion est alors synonyme de fort investissement en temps. Les réunions permettent aux membres des réseaux de se mettre d’accord sur les actions à entreprendre sur la base d’un diagnostic partagé.

Ainsi, sur le pays de Cornouaille, un travail important a été mené pour expliciter les missions et rôles de chaque membre du réseau, décrire les atouts et limites de chaque professionnel, lister tous les besoins non couverts et enfin proposer des priorités d’action.

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Le travail de diagnostic peut conduire certains réseaux à améliorer l’offre sanitaire et sociale en proposant des formes abouties de structurations ( mise en place d’un Point Accueil Ecoute Jeunes (PAEJ) sur le pays de Cornouaille, proposition d’une Maison des adolescents sur le pays de Brest, création d’une écoute téléphonique dédiée aux jeunes sur le Finistère). A l’inverse, la création d’un PAEJ sur Paimpol, en dehors de l’existence d’un réseau, peut favoriser la mise en lien des acteurs de terrain.

b. Les annuaires, répertoires : des outils de référence

L’organisation en réseau suppose une connaissance fine de l’ensemble des acteurs intervenant aux différents niveaux de la chaîne de soins pour pouvoir orienter au mieux les personnes en souffrance et éviter l’isolement professionnel. La création d’annuaires, répertoires peut répondre à ce besoin de connaissance de l’environnement social et médical. Ce type d’outils appelle quelques commentaires. L’élaboration d’outils n’est pas systématique. Tous les réseaux repérés n’ont pas constitué d’annuaire ou répertoire.

Nous pouvons citer quelques annuaires, guides, répertoires repérés en Bretagne :

� « Guide des acteurs de prévention du suicide des jeunes sur le pays de Landerneau » (2001) (épuisé) � « Annuaire des acteurs de prévention du suicide sur le pays de Châteauneuf » (2004) � « Guide / répertoire des acteurs de prévention du suicide des jeunes sur le pays de Cornouaille » (2006)

(en cours de diffusion).

Certains réseaux s’appuient sur des documents déjà existants au niveau départemental :

� « Eléments de réseau pour la prise en charge médicale des suicidants par secteur dans le Morbihan ».

Ces outils sont variés : du simple carnet d’adresses au guide pédagogique. Des répertoires restent centrés sur les acteurs du soin. D’autres listent l’ensemble des maillons de la chaîne de soins. Ce qui sous-entend qu’un professionnel du soin pourra orienter une personne en souffrance vers un professionnel du champ social, éducatif. Chaque réseau a tendance à créer son propre outil. On peut y voir un moyen de favoriser la coopération à partir d’un exercice concret.

Sur l’Ille et Vilaine, le groupe de travail PEPPS a réalisé une plaquette pour présenter leur démarche aux acteurs de terrain et les inciter à être en veille et à trouver des relais. Ce document ne fait cependant pas office de répertoire ou annuaire.

L’utilité de ces outils n’a pas été évaluée. La pertinence des annuaires est d’ailleurs interrogée par le sociologue Lilian Mathieu à propos des réseaux intervenant sur la question de la santé mentale des jeunes en Rhône Alpes (voir encadré ci-après). Sur le pays de Cornouaille, le guide / répertoire semble fortement demandé par les professionnels les moins représentés dans le réseau. La diffusion du guide est accompagnée d’une fiche d’adhésion au réseau. Elle est pour l’instant peu remplie.

ENCADRE 2 : L’annuaire, une pertinence à questionner

« Tout se passe comme si, pour des intervenants se tenant (de façon volontaire ou non) quelque peu à l’écart des « réseaux » préexistants, l’annuaire devait permettre d’accéder au type d’intervention disponible grâce aux relations personnalisées qui se déploient à l’intérieur de ceux-ci. Dans cette perspective, l’annuaire présentant une telle précision d’information ne serait pas tant un outil permettant d’intégrer le réseau qu’un moyen pour ceux qui ne souhaitent pas pleinement s’engager dans un fonctionnement réticulaire de bénéficier de certains des avantages que propose celui-ci sans avoir à payer ce qui leur apparaît comme les principaux inconvénients. »

(Lilian MATHIEU, sociologue, rapport d’étude pour le CRAES, Conceptions et pratiques du travail en réseau, en prévention de la souffrance psychique des adolescents, 2000)

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2. L’organisation d’actions

Dans le but d’améliorer la prévention du suicide, les réseaux repérés sur la Bretagne ont défini la mise en œuvre de nombreuses actions en direction des professionnels et/ou du grand public. Nous distinguons les actions de sensibilisation qui visent à changer les opinions, les attitudes des actions de prévention qui visent à modifier les pratiques professionnelles.

a. Les actions de sensibilisation

Parmi les actions de sensibilisation, nous pouvons citer les forums, journées d’information destinées aux acteurs de terrain. Exposés en plénière et travail en atelier constituent l’armature de ces temps forts.

Ces journées cherchent à encourager les acteurs à se saisir de la question de la prévention de la souffrance psychique et des phénomènes suicidaires : elles aboutissent bien souvent à la mise en place d’actions nouvelles ; elles peuvent ainsi servir de levier.

A titre d’exemples :

Le comité brestois a organisé en novembre 2006 son quatrième forum à destination des professionnels. Le premier forum concernait la prévention du suicide des jeunes. Il a permis la création d’un groupe de travail sur l’amélioration de l’accueil et l’écoute des jeunes, la conduite d’une étude sociologique, la création d’une ligne téléphonique dédiée aux jeunes et enfin le montage d’un projet de type « Maison des adolescents ». Le troisième forum visait la sensibilisation des acteurs de terrain sur la prévention du suicide des personnes âgées. Là encore, un groupe de travail s’est constitué et a mis en œuvre des formations destinées aux aidants.

Sur le Morbihan, le travail en ateliers lors d’une journée d’information et d’échanges sur la Souffrance psychique et les conduites suicidaires en juin 2003 a facilité la mise en place d’actions. Ainsi un programme expérimental de promotion de la santé mentale a vu le jour en 2004 dans un établissement scolaire suite aux échanges dans un des ateliers consacrés à la prévention du suicide et la promotion de la santé.

D’autres actions concernent le grand public : de la conférence « classique » aux rencontres citoyennes (voir encadré 3 pour la présentation du concept de rencontres citoyennes).

Une sensibilisation des élus est en réflexion sur le pays de Cornouaille. Les élus locaux peuvent être un levier à la mobilisation des animateurs jeunes peu présents dans le réseau. En milieu rural, ils sont aussi bien souvent des acteurs de première ligne. Il convient de leur donner les outils nécessaires au passage de relais.

Des documents supports peuvent faciliter l’information du grand public et/ou des professionnels ; ils donnent des informations départementales ou présentent des personnes ressources sur un territoire donné : « Guide pour les parents d’adolescents sur Landerneau », « Adolescence à fleur de peau ou Précis de navigation à l’usage des parents » élaboré dans les Côtes d’Armor puis régionalisé, « Besoin d’être… écouté ? … aidé ? des structures, des associations… sur le pays de Redon ».

Une plaquette régionale a été créée à destination des jeunes : « Oser en parler ».

Le CTS du Morbihan a rédigé des fiches techniques pour les professionnels : « bien être et équilibre psychologique des jeunes », « bien être et équilibre des personnes âgées ».

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ENCADRE 3 : Rencontre citoyenne

Le Collectif « Ensemble, prévenons le suicide Ille et Vilaine » (COEPS 35) a créé en 1999 la méthode « Rencontre citoyenne – d’une parole taboue au débat public », persuadé que des citoyens non spécialistes peuvent apporter un regard neuf sur la question du mal être et du suicide.

La méthode est déclinée sur différentes thématiques : Identité sexuelle et suicide ; Suicide des personnes âgées ; Travail, études : échecs et réussites, des liens avec le suicide ? ; Ensemble, comprenons mieux les troubles du comportement et particulièrement : Ensemble, prévenons le suicide.

Ces rencontres sont destinées à échanger et à débattre. Des « porte-parole » expriment le fruit d’une réflexion commune et interrogent des « consultants » associatifs et professionnels. Le public présent participe lui aussi au débat. Elles permettent l’émergence d’idées simples, concrètes, humaines pour une prévention « citoyenne ».

La méthode a été formalisée et validée. Elle est retenue par le PRS comme méthode à démultiplier.

(D’après la plaquette du COEPS 35)

b. Les actions de prévention

Il s’agit principalement d’actions de formation au repérage des signes de mal être.

Un cahier des charges a été produit en mai 2006 par un groupe de travail issu du comité technique régional du PRS. Il présente des principes à respecter en termes d’objectifs, de pédagogie, d’éthique. La formation doit être intégrée dans un projet global de prévention du suicide et regrouper les différents acteurs qui auront à travailler ensemble à la prévention du suicide (pour plus de détails voir encadré : Formations à la prévention du suicide).

Dans cet esprit, nous pouvons citer les formations de sentinelles sur Brest qui rassemblent l’ensemble des professionnels intervenant auprès des jeunes sur un même quartier : du gardien HLM à l’animateur sportif en passant par le conseiller principal d’éducation. Ces formations insistent alors sur les compétences psychosociales à développer chez les jeunes. Elles peuvent aboutir à la mise en place d’actions de promotion de la santé.

Des formations s’adressent aussi aux professionnels intervenant auprès des personnes âgées - principalement les aides à domicile - sur le Morbihan, le pays de Brest.

Les formations peuvent aussi concerner directement les membres des réseaux prévention du suicide. Elles visent à favoriser le développement d’une culture commune. Pour les auteurs de l’ouvrage « Créer et piloter un réseau de santé », les formations professionnelles constituent une des clés de la longévité des réseaux avec la complémentarité des compétences et la motivation des membres.

Les actions de formation à destination des professionnels peuvent être complétées par des groupes de parole, des groupes de régulation des pratiques. Les conseillers des Missions locales sur le Finistère bénéficient de l’intervention d’un psychologue de l’unité de prévention « Anjela Duval » du CHU de Brest pour les aider à mieux accompagner les jeunes qu’ils accueillent. Les auxiliaires de vie du Morbihan ont participé à des groupes de parole animés par une psychologue et ont pu travailler sur l’analyse de situations.

Si on ajoute à l’ensemble de ces actions, la réalisation de diagnostics aboutissant à la mise en place de PAEJ ou MDA, on peut dire que les réseaux tendent à agir sur les comportements individuels, sur l’environnement social et sur le système sanitaire et social.

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IV. ENTRE RESEAU PRATIQUE ET RESEAU ORGANISÉ

Les réseaux repérés semblent osciller entre deux modèles dominants décrits par le sociologue Lilian Mathieu : le réseau pratique et le réseau organisé (voir encadré 4). En effet, s’ils sont plutôt informels, ils tendent à se rapprocher d’un mode d’organisation davantage formalisé.

ENCADRE 4 : réseau pratique et réseau organisé

« Le réseau pratique est le réseau que les acteurs évoquent spontanément pour désigner l’ensemble des organismes, structures, individus qu’ils peuvent être amenés à rencontrer, à solliciter ou avec qui ils peuvent travailler en partenariat, sans que ces relations soient formalisées. (…) Il est d’une certaine manière dépourvu de véritable identité, et le seul point commun qui unit ses membres est d’être tous connectés à un même autre organisme. (…) Le réseau se matérialise alors sous la forme d’un carnet d’adresse, regroupant l’ensemble des contacts ou partenaires que l’on est amené à rencontrer plus ou moins régulièrement et que l’on peut appeler au besoin. »

« Le réseau organisé vise dès sa conception à assurer une cohérence maximale au fonctionnement collectif. Cette visée passe par un travail préalable de repérage de l’environnement social et sanitaire, d’identification des dispositifs qui le composent, de leur champ d’activité, de leur démarche et de leurs capacités d’action. Elle passe également par la définition d’un objectif commun. (…) Ce socle minimal d’objectifs partagés est solidaire de ce qui constitue une autre caractéristique propre au réseau organisé, qui est son identité, laquelle le rend repérable dans le paysage sanitaire et social. (…) Cette assise identitaire du réseau peut s’appuyer sur des dispositifs ad hoc tels que les chartes. » (Lilian MATHIEU, sociologue, rapport d’étude pour le CRAES, Conceptions et pratiques du travail en réseau, en prévention de la souffrance psychique des adolescents, 2000, p.20)

a. Le réseau pratique

Les membres participent aux réseaux sur la base du volontariat. Ils cherchent avant tout à mieux se connaître pour mieux s’interpeller si besoin est. Se connaître et se reconnaître constituent d’ailleurs la première étape d’un travail en réseau. Cela passe par la réalisation de guides, répertoires pour les membres des réseaux. L’activité du réseau peut en rester là mais il n’est pas sûr que le réseau produise durablement du changement.

Cette forme de coopération peut se révéler fragile. Le renouvellement des membres peut être déstabilisant. Les nouveaux membres mettent du temps à trouver leurs marques. Parfois, le renouvellement des membres du réseau ne s’opère pas. Un professionnel d’une structure donnée, très investi dans le réseau, peut ne pas être remplacé par un collègue, s’il est amené à quitter le réseau, puisqu’il n’y a pas d’engagement de la structure à le faire.

Le manque de visibilité institutionnelle est pointé. L’absence de statut oblige les membres des réseaux à se rattacher à une structure porteuse pour bénéficier de subventions.

Les réseaux démarrent souvent avec un petit noyau de volontaires et peuvent vite s’étendre. Cela réclame alors une autre organisation, un autre investissement. Les réseaux sont vite chronophages.

b. Le réseau organisé

Trois réseaux travaillent actuellement à la rédaction de convention et charte pour préciser les points d’accord qui unissent les membres des réseaux, pour clarifier la place et le rôle de chacun, pour expliciter le mode de fonctionnement et surtout acter l’existence des réseaux auprès de l’ensemble des institutions concernées.

Une recommandation du groupe régional d’évaluation des réseaux est d’ « éviter l’épuisement des acteurs des réseaux de proximité ayant pris une certaine ampleur, en finançant leur animation et leur organisation (1/4 ETP par réseau) ».

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CONCLUSION

Il nous semble important de continuer à mobiliser tous les acteurs intervenant auprès des publics en souffrance psychique. Il s’agit alors de rassembler les acteurs des différents champs pour couvrir l’ensemble de la chaîne de soins et décloisonner les pratiques.

Il convient de rappeler que le suicide est l’affaire de tous. Ce postulat fait l’objet d’un consensus tant national qu’international. Le Québec parle de « sentinelles » pour inviter tout un chacun à jouer un rôle dans la prévention du suicide (cf. Suicide Action Montréal, Canada). Nos voisins des pays de Loire privilégient aussi une approche communautaire : « Le projet (de Loire Atlantique) est construit autour d’une idée motrice : faire de la prévention, surtout dans le domaine du suicide, c’est favoriser le renforcement de la solidarité entre les membres d’une communauté afin que chaque acteur puisse être potentiellement une ressource à l’égard d’un de ses membres en souffrance. Ainsi, il n’était guère possible d’écarter les aspects primaire (information, formation) et secondaire (repérage) de la prévention. » (Le suicide et sa prévention, ouvrage collectif, ENSP, 2005)

Les réseaux doivent essayer d’intervenir à tous les niveaux des déterminants de santé et agir sur tous les facteurs influençant ces déterminants. Les objectifs des réseaux de proximité doivent viser aussi bien l’optimisation du dispositif sanitaire et social de prise en charge que la mobilisation sociale et l’information de toutes les personnes concernées.

Pour mener à bien ces coopérations et pérenniser ces dynamiques, il est important de continuer à soutenir les réseaux dans le sens d’une reconnaissance de l’investissement en temps des professionnels. Il convient de réfléchir à la fonction animation des réseaux existants. Dans le Maine et Loire, la formalisation d’un réseau angevin « souffrance psychique et précarité », regroupant plus de 100 professionnels du social, de la santé et de la psychiatrie passe par « la création d’un poste de coordinateur de type « ingénieur réseau » habitué à formaliser les procédures et à piloter les concertations, des temps de rencontres et de formations communes, le développement et la diffusion d’outils d’information et de communication ». (Le suicide et sa prévention, ouvrage collectif, ENSP, 2005)

L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a étudié l’impact de onze stratégies recensées, au niveau des suicides, des tentatives de suicide, des idéations suicidaires ou au niveau des principaux facteurs de risque qui y sont associés. Les résultats de l’étude font l’objet d’une publication « Avis scientifique sur la prévention du suicide chez les jeunes ». Il y est souligné que la recension des écrits ne permet pas de conclure à l’existence de données probantes en ce qui a trait à l’efficacité des onze différentes stratégies de prévention. Toutefois, l’institut considère qu’aucune des onze stratégies analysées ne devrait être écartée, à l’exception des activités de sensibilisation qui s’adressent à des groupes de jeunes.

Nous avons retenu deux recommandations pour l’aide à l’action (voir encadré 5 ci-dessous pour le détail des deux recommandations choisies).

La septième recommandation de l’INSPQ vise à encourager le développement de réseaux de sentinelles dans les milieux de vie des jeunes à condition toutefois de clarifier la procédure (personnes concernées, contenu de la formation, réponses apportées…).

La onzième recommandation concerne directement les réseaux. Elle propose de soutenir les initiatives de mise en réseau des partenaires engagés en prévention du suicide.

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ENCADRE 5 : recommandations de l’INSPQ (extraits)

7. Encourager le développement de réseaux de sentinelles dans les milieux de vie des jeunes

« Les sentinelles sont des personnes qui, en raison de leur travail dans le milieu scolaire (enseignants, personnel de soutien) ou dans la communauté (entraîneurs, animateurs de maisons de jeunes) entretiennent des liens privilégiés avec les jeunes et sont susceptibles de recevoir leurs confidences et de les aider. ».

11. Soutenir les initiatives de mise en réseau des partenaires engagés en prévention du suicide

« Il n’y a pas d’évidences que des programmes qui visent à mettre en réseau différents partenaires impliqués dans la prévention du suicide soient susceptibles de prévenir les comportements suicidaires comme tels ou de modifier favorablement les comportements de recherche d’aide ou de demande d’aide, car aucune étude n’a tenté d’évaluer ces aspects. On sait toutefois que le succès des programmes repose toujours en partie sur la capacité de créer un climat de collaboration entre les différents partenaires. Cette condition s’applique autant dans le domaine de la prévention du suicide. Ces initiatives doivent donc être encouragées.

(Avis scientifique sur la prévention du suicide chez les jeunes, Institut national de santé publique du Québec, 2006)

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René CHARDAVOINE-

LES DISPOSITIFS DE PREVENTION

DU SUICIDE EN BRETAGNE

I- Le cadre actuel France entière, de la santé publique à la prévention du suicide

La mise en œuvre d’un Programme national de prévention du suicide a été décidée en 1998, par le secrétaire d’Etat à la santé et à l’action sociale (111), en lien avec les régions ayant élaboré un programme régional de prévention du suicide, « afin de passer en dessous de la barre symbolique de 10.000 morts par suicide par an ». Une priorité confirmée par la suite lors de la journée nationale de prévention du suicide, en février 2000 (112)

La ligne d'action régionale répond ainsi à celle développée France entière à travers les Conférences nationales de santé mises en place par les ordonnances de 1996. Notons que celle de 1997 approuvant le Plan 1996-2000, retenait ainsi déjà la prévention du suicide parmi ses dix priorités et se référait à ce propos, entre autres, déjà à l'expérience de la Bretagne

Encart 1 : La prévention du suicide, une priorité régionale de la Bretagne, confirmée France entière, dès les premières Conférences nationales de santé Aujourd’hui en France (en 2000), 160.000 personnes font une tentative de suicide par an et 12.000 personnes décèdent par suicide. Le suicide est un phénomène particulièrement préoccupant dans la population jeune. Il s’agit de la première cause de mortalité dans la classe d’âge des 25 à 34 ans et la 2ème cause de mortalité chez les jeunes de 15 à 24 ans.

La conférence nationale de santé a retenu en 1997 la prévention du suicide parmi les dix priorités de santé publique et quatorze régions ont reconnu cette problématique comme une priorité régionale.

Parmi elles, 10 régions ont mis en place un programme régional de prévention du suicide (Bretagne ; Bourgogne ; Champagne -Ardennes ; Franche-Comté ; Lorraine ; Basse-Normandie ; Haute-Normandie ; Pays de Loire ; Poitou-Charentes ; Rhône-Alpes). Et 2 régions ont mis en place un programme régional sur la santé des jeunes intégrant un volet phare concernant la prévention suicide : Nord-Pas-de-Calais ; Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

Les développements régionaux des dernières années prennent en retour appui sur de nombreuses actions désormais initiées par les pouvoirs publics France entière :

Les actions mises en œuvre dans la prévention du suicide à travers les PRSP, de 1ère génération :

Un temps fort de la prise en charge des personnes ayant fait une tentative de suicide est leur accueil à l’hôpital.

Dans le cadre du programme national de prévention du suicide et à la demande du directeur général de la santé,

- l’agence nationale de l’accréditation et de l’évaluation (ANAES) a élaboré des recommandations sur la « Prise en charge hospitalière des personnes après une tentative de suicide » [diffusées à l’ensemble des établissements de santé et des médecins généralistes].

111 Bernard KOUCHNER 112 Mme Dominique GILLOT

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- un audit clinique effectué par l’ANAES dans les différentes régions, afin d'aider les établissements de santé à poursuivre leurs efforts dans la qualité de ce suivi (1999-2000).

- conduite par la Fédération nationale des observatoires régionaux de santé (FNORS) d'une évaluation d’actions de prévention primaire mises en place dans les 10 régions ayant élaboré un programme de prévention du suicide, afin d’établir un cahier des charges permettant d’optimiser la qualité des actions concernées au regard de l’objectif de diminuer le nombre de suicide.

- ouverture en 1999 d'un site Internet du ministère sur la prévention du suicide (www.sante.gouv.fr) pour diffuser au fur et à mesure l’état d’avancement du programme national de prévention du suicide, les conclusions du travail du conseil scientifique, les différentes recommandations pour améliorer la qualité des actions diffusées et l’état des lieux sur la mise en œuvre des programmes régionaux de santé.

- organisation d'une conférence de consensus en 2000, afin de mieux cerner la crise suicidaire patente et/ou latente.

▪ Les derniers développements

Les orientations régionales actuelles paraissent de même être bien dans la ligne des prises de positions les plus récentes, lors de la dernière Conférence nationale de santé du 22 mars 2007 (cf. le communiqué). Encart 2 : la dernière Conférence nationale de santé : comment améliorer le système français de santé Site : www.sante.gouv.fr Communiqué du 5 avril 2007 "Les voies d'amélioration du système de santé français"

La santé est une préoccupation majeure pour nos concitoyens. Les enquêtes d’opinion la situent comme leur deuxième inquiétude après l’emploi. Malheureusement, il faut constater que cette préoccupation n’est pas traitée à cette hauteur dans le débat public ni dans le débat politique. Elle est notamment peu présente, ou apparue tardivement, dans les discours et les programmes des candidats à l’élection présidentielle.

La Conférence nationale de santé constatant ce déficit se propose de contribuer à rendre aux questions de santé la place prépondérante qu’elles devraient occuper sur la scène nationale.

La Conférence nationale de santé poursuit ainsi une triple ambition : promouvoir l’état de santé le plus optimal possible pour nos concitoyens, réduire les inégalités et augmenter la solidarité face au système de santé, tout en recherchant une plus grande efficience. Le présent avis, adopté le 22 mars, distingue les constats et le diagnostic sur la situation actuelle avant d'indiquer les thèmes et les enjeux prioritaires pour les cinq années à venir et de retenir quinze propositions pour un changement d'échelle dans les politiques de santé en France.

Le 1er avis de la Conférence Nationale de Santé (CNS 2006-2009) dans sa séance plénière du 22/3/07 (14p.)

Lien : http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/conf_nationale_sante/avis_22mars.pdf

Cet avis, sans traiter directement de la prévention du suicide, tente ainsi de privilégier une approche globale des processus - "privilégiant un continuum de la prévention aux soins" - du système de santé, faisant ressortir ses insuffisances, tout en soulignant ses insuffisances actuelles – le déploiement de "stratégies en amont des soins"… n'ont, entre autres, "pas été conduits avec la même vigueur vis à vis du suicide". Il souligne ainsi "l'intérêt d'une régulation nationale et régionale décloisonnant les trois grands modes d'exercice : ville, hôpital, médico-social, tous trois profondément solidaires, dans l'efficience comme dans la perte d'efficacité" (pp. 4 et 5).

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▪ La Stratégie nationale d'actions face au suicide

Le Plan Psychiatrie et santé mentale 2005-2008 a prévu en particulier, dans son axe spécifique dépression et suicide, l'évaluation de la Stratégie nationale d'actions face au suicide 2000-2005. Un cabinet spécialisé dans l'évaluation des politiques publiques, Eureval, a remis son rapport final à la Direction générale de la santé, le 28 décembre 2006.

• Stratégie nationale d’actions face au suicide 2000/2005 • Rapport d'évaluation • Synthèse • Annexes

II- La programmation régionale en marche

1- Les instances régionales en charge des objectifs et des programmes d'actions

Les pouvoirs publics (pour mémoire)

Les services déconcentrés de l'Etat:

- les affaires sanitaires et sociales : DRASS/DDASS, mais aussi (en soulignant leurs "entrées spécifiques" ):

- le travail, l'emploi et la formation professionnelle : DRTEFP/DDTEFP (dont, la médecine du travail)

- l'éducation nationale : le rectorat, les facultés, l'inspection académique départementale (dont, la médecine scolaire, mais aussi les conseillers d'orientation psychologues des CIO)

- d'autres possibles : la jeunesse et les sports (DRJS / DDJS), les services pénitenciers (DRSP), etc..

Les collectivités territoriales en 1ère ligne :

- le Conseil Régional - les Conseils Généraux (x 4), - les Pays (x 21 en Bretagne)

Les organismes de gestion de la sécurité sociale

Les organismes de sécurité sociale

- l'Union Régionale des Caisses d'Assurance Maladie : URCAM - la Caisse Régionale d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés : CRAM (TS) - l'Echelon Régional des Services Médicaux : ERSM (les médecins conseils de la SS)

Les principales mutuelles engagées sur des objectifs de prévention

- la Mutualité Française (URSM, UDSM), - la MSA - la MGEN

Des coopérations bilatérales, éventuellement concernées entre certains de ces organismes :

- La mission régionale de santé (MRS), URCAM / ARH (instaurée par la loi du 13/8/2004)

La M.R.S., créée depuis le 12 avril 2005 en Bretagne, est dirigée alternativement, chaque année, par le directeur de l'ARH et le directeur de l'URCAM. Claude Humbert a pris le relais d'Annie Podeur en Janvier 2006.

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Lieu de concertation, le comité de coordination ville-hôpital mensuel permet aux deux directeurs de faire le point sur tous les sujets communs avec le concours des responsables de la DRASS, de la CRAM et de la Direction Régionale du Service Médical.

Au sein de la MRS Bretagne, l’URCAM et l’ARH ont ainsi élaboré un programme de travail qui comporte 12 projets. Entre autres : - Propositions d’organisation de la permanence des soins en articulation avec les

urgences - Communication sur le bon usage du système de soins en cas d’urgence - Installation des professionnels libéraux dans les zones démographiquement sensibles - Développement des réseaux de santé - Les échanges d’information entre les acteurs de santé, libéraux et hospitaliers : la plate-

forme régionale de télésanté a vu le jour en 2005. Elle met à la disposition des professionnels de santé, des établissements et des réseaux des outils facilitant les échanges informatisés, notamment la gestion des identifiants des professionnels et des patients. Son financement est assuré par la dotation de développement des réseaux.

- Prescriptions hospitalières délivrées en ville - Elaboration d’un diagnostic partagé ARH /URCAM (*) Ces actions s’inscrivent intégralement dans le programme régional commun de l’assurance maladie. L’ensemble des propositions et programmes de la M.R.S. seront soumis annuellement pour avis à la conférence régionale de santé.

(*) Dans le cadre de la préparation des SROS de troisième génération, la Direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des Soins (DHOS) et la Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS) ont sollicité conjointement les ARH et URCAM afin d'élaborer dans chaque région un diagnostic partagé sur l'organisation du système de santé. Ce diagnostic permet d’apprécier l’offre de soins libérale et le recours aux soins ambulatoires, hospitaliers et leur articulation avec le dispositif de prise en charge médico-sociale et propose des scénarios pour en améliorer l’adéquation.

- Le Programme Régional de l'Assurance Maladie (PRAM),

Associant étroitement et à chaque étape l'ensemble des composantes du réseau breton de l'assurance maladie : organismes des trois régimes, CRAM, services médicaux, ce programme à trois ans est la déclinaison des orientations communes en projets par axe d'intervention et par thématique prioritaire. De par la loi, il devient le programme unique de référence sur la régulation. A ce titre, il couvre l'ensemble des activités sur les champs ambulatoire, hospitalier et médico-social et des modes d'intervention (amélioration des pratiques, prévention, éducation pour la santé, contrôle mais aussi les activités pérennes, telles que les avis du service médical, le suivi conventionnel, la gestion des fonds d'intervention comme le FAQSV, la DRDR, le FNPEIS ...

- Le Programme Régional Commun (PRC 2005-2007), associant les 3 régimes, la CRAMTS et

l'ERSM, en charge, en particulier, de la cogestion des fonds d'intervention : le Fonds d'Aide à la Qualité des Soins de Ville (FAQSV), la Dotation Régionale de Développement des Réseaux (DRDR), le Fonds National de Prévention, d'Education et d'Information en Santé (FNPEIS), créé par la loi du 5 janvier 1988, …

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Des instances opérationnelles en charge de missions particulières

Des instances engagées, selon leurs compétences propres, France entière, comme en Bretagne, dans les programmes et actions de santé publique, de prévention du suicide et de promotion de la santé mentale.

Le Collège Régional d'Education pour la Santé de Bretagne (CRES) ainsi que les CODES, ses Comités Départementaux (en relation avec l'INPES),

L'Observatoire Régional de Santé de Bretagne (l'un des ORS, en relation avec la FNORS)

Les instances en charge de coopérations

La Conférence Régionale de Santé

▪ L'instance consultative régionale la plus large, introduite dès 1998 à travers laquelle les pouvoirs publics fondent leurs objectifs régionaux de santé publique ainsi que l’évaluation des programmes pluriannuels régionaux de santé publique qui constituent le plan régional de santé publique.

▪ L'axe du suicide et de sa prévention émerge progressivement à travers les Conférences Régionales de Santé successives tenues en Bretagne. Ainsi :

- Le 28 avril 1998 à Rennes, la CRS (I) retient la prévention mais non encore le thème 'Suicide', - Le 20 février 2001 à l'ENSP, la CRS (V) affirme 7 thèmes prioritaires, dont le suicide (113) et

développe une approche nouvelle de la "Souffrance psychique et phénomène suicidaire"

Encart 3 : Conférence Régionale de Santé, nouvelle configuration fin 2005

Le décret relatif aux Conférences Régionales de Santé paru au JO du 10 décembre 2005. (Décret n° 2005-1539)

Son rôle

La conférence régionale de santé contribue à la détermination des objectifs régionaux de santé publique et à l’évaluation des programmes pluriannuels régionaux de santé publique qui constituent le plan régional de santé publique.

Quelques dates (en Bretagne) : ▪ Décembre 2004 : Version 1 du PRSP réalisation d’un état des lieux des problèmes de santé spécifiquement bretons, des actions déjà existantes et des ressources mobilisables dans la région. ▪ 24/01/06: présentation de la version définitive du PRSP lors de l’installation de la CRS : des choix de priorités, et définition pour chacune de ces priorités, des actions à mettre en oeuvre. ▪ 13/04/06 : Vote du RI de la CRS et des PRSP/PRSE

Sa composition

La CRS de la région Bretagne est composée de 110 membres regroupés en 6 collèges. Sa Présidence est assurée par Madame J. POMMIER, enseignante-chercheure en santé publique (ENSP).

113 Cf. ses Actes, 105 pages, édités par l'ENSP

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2- Les programmes en place

Les suites des réformes de 1996

▪ Le Schéma Régional d'Organisation des Soins - SROS - en Santé mentale 2001-2005, élaboré sous la responsabilité de l'ARH de Bretagne, arrêté du 23 avril 2001,

Les grandes étapes, les composantes de la prévention du suicide en Bretagne

▪ Le déploiement de Programmes Régionaux de Santé (PRS), dont celui sur le SUICIDE

▪ Prévenir le suicide en Bretagne 2002-2003, PRS I, Préfecture de Région (DRASS), 2002,

▪ Prévenir le suicide en Bretagne 2004-2008, PRS II, Préfecture de Région & URCAM, mars 2004,

▪ Les Programmes Régionaux d'Accès à la Prévention et aux Soins (PRAPS) en faveur des personnes en situation de précarité, programme quinquennal

Chef de projet : Mme Nicole DUPUIS-BELAIR, DRASS (conseiller technique 'Travail social'),

- PRAPS 2001-2002 (I) - PRAPS 2003-2006 (II)

Le cadre mis en place en référence à la loi d'août 2004

▪ Elaboration d'un Diagnostic partagé sur l'organisation du système de santé (où en est-il ?)

▪ Le Plan Régional de Santé Publique 2006-2010, La Bretagne en santé, Préfecture de Région Bretagne,

- Tel qu'envisagé dans la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, le Plan régional de santé publique (PRSP) est un ensemble coordonné de programmes et d'actions pluriannuels, qui doit à la fois décliner les politiques de santé nationales et mettre en oeuvre les priorités de santé régionales, en organisant la cohérence entre les différentes stratégies de santé conçues et mises en oeuvre dans la région, quelle que soit l'autorité dont elles relèvent.

- Le Plan régional de santé publique de la région Bretagne, intitulé "La Bretagne en santé" a été élaboré en concertation entre tous les acteurs sous l'égide de la DRASS et présenté devant la Conférence régionale de santé le 13 avril 2006, qui a émis un avis détaillé.

- Le PRSP de la région Bretagne a été arrêté le 3 octobre 2006 par Monsieur le Préfet de région.

- Lien : http://www.santebretagne.com/Le-Plan-Regional-de-Sante-Publique.11406.0.html

- Mise en œuvre du Plan Régional de Santé Publique par le Groupement Régional de Santé Publique.

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3- Le pilotage des programmes

▪ Le Groupement Régional de Santé Publique,

- Instauré par décret du 1/10/2005, prenant appui sur un Conseil d'Administration très large - Etat, Assurance Maladie, Collectivités territoriales ("si elles le souhaitent"), personnalités qualifiées - tout en donnant le pouvoir de décision au Préfet,

- Missions : o conduite du PRSP et coordination de l'observation de la santé (suivi de l'ORS), o gestion des moyens (financements) et évaluation des actions

- Non encore en place en Bretagne : négociations en cours quant à la place faite et à l'implication des Collectivités Territoriales, en relation avec les engagements financiers et les responsabilités respectives de l'Etat et de la Région.

▪ La mise en place progressive d'Animateurs Territoriaux de Santé (7 à ce jour en Bretagne), dont la mission concerne la santé publique, pourrait à terme influer aussi sur les développements des réseaux concernant la prévention du suicide.

III- Les objectifs d'action : références, thèmes, lignes opérationnelles, développements

Préalable : les informations qui suivent sont reprises du texte officiel le plus récent, le Plan Régional de Santé Publique 2006-2010, La Bretagne en santé ( 114), essentiellement dans ses parties Prévenir le suicide en Bretagne (pp.87-89) et Santé mentale (pp. 105-107); complétées par un entretien récent avec la DRASS. Elles précisent ainsi le PRS, Programme Régional de Santé Prévenir le suicide en Bretagne 2004-2008, mars 2004, 107 pages [celui-ci parfaitement résumé dans le tiré à part de 4 pages très largement diffusé lors de son lancement].

Références ▪ France entière, la prévention du suicide a été identifiée comme priorité nationale par le Haut Comité de Santé Publique dès 1994. Un Plan 2001-2005 a ainsi défini une stratégie nationale d'actions contre le suicide et pour sa prévention. Ses axes étaient :

- l'amélioration de la prévention primaire, - la diminution de l'accès aux moyens létaux, - l'amélioration de la prise en charge des personnes suicidantes et de leurs familles, - le développement de la recherche.

Dans le cadre de la Conférence Nationale de Santé (cf. encart 1), la prévention du suicide est aussi inscrite, France entière, dans le Plan Psychiatrie et santé mentale 2005-2008 (115).

▪ En Bretagne, après un 1er PRS, Souffrance psychique et phénomène suicidaire (1997-2001), un 2ème PRS est en cours (2004-2008), ce dernier mis en œuvre en avril 2004.

114 Un PRSP 2006-2010 d'accès aisé - du survol à l'étude détaillée - de par les différents supports proposés par la DRASS 115 Lien : http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/sante_mentale/plan_2005-2008.pdf (ce document fait 98 pages)

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Les thèmes d'actions du PRS II

Ses thèmes et domaines d'actions sont : - l'engagement d'études pour une meilleure connaissance du phénomène, - le développement de réseaux, - l'information du public, - l'écoute des personnes suicidaires, - des formations pluridisciplinaires au repérage, - le développement de dispositifs spécialisés dans les services d'urgence et pour l'hospitalisation.

Complétés par des actions expérimentales dans : - la promotion de la santé mentale, - la postvention (accompagnement de l'entourage), - l'accès aux moyens létaux,

D'autres domaines encore à investir : - la prise en charge de la dépression (cf. le Plan Psychiatrie et santé mentale 2005-2008 pp.63-66), - les connaissances sur les tentatives de suicide (encore très parcellaires).

Plusieurs catégories de population font, dans le cadre du PRS II, déjà l'objet d'une approche spécifique : - les personnes âgées, - les personnes détenues, - les milieux professionnels. -

D'autres, n'y figurent pas encore en tant que tels : - jeunes, adolescents et jeunes adultes (18-25 ans), - adultes

Aussi, les territoires présentant les taux les plus élevés de mortalité par suicide comme de tentatives de suicide, n'auraient pas fait jusqu'à présent l'objet d'approches différenciées. Or, les programmes en place seront à adapter aux populations auxquelles ils s'adressent et intégrer les divers types d'interventions qui les concernent. Initiés au niveau régional, ils devraient être déclinés aux niveaux départementaux et par pays . Les lignes opérationnelles du PRS II

Les 5 objectifs opérationnels sont formulés ainsi :

1/- la promotion de la santé mentale :

- la servir par des projets adaptés aux différents acteurs locaux à l'aide du recensement récent d'actions opéré par le CRES (116)

- mettre en œuvre des projets de promotion de la santé mentale dans chaque département, 2/- la prévention primaire spécifique :

- élaborer et diffuser des informations sur les recours en cas de souffrance psychique - organiser des débats publics (117), - rendre disponible une écoute téléphonique adaptée sur toute la région, - développer les points d'accueil et d'écoute (118), en relation aussi avec le Plan Stratégique de l'Etat en

Région pour les Jeunes, Prévenir les risques chez les jeunes, ou, PASER - mettre en œuvre des actions de réduction de l'accès aux moyens les plus létaux (119) - développer des programmes de repérage (120) et prise en charge de la dépression (121),

116 La promotion de la santé mentale en pratique, Guide pour l'action, juin 2006, 24 pages, DRASS / CRES Bretagne 117 Rencontre citoyenne, d'une parole taboue au débat public - Méthode, Octobre 2004, 31 pages, Collectif JNPS 35 118 Les lieux d'accueil et d'écoute en Bretagne, fin 2004, note DRASS (Nicole Dupuis-Belair, CTR en travail social), 119 Suicides par arme à feux, projet en cours, PRS II GT56 (accès aux médicaments, lieux sensibles, autres aspects ?) 120 Offre de formations ciblées de médecins généralistes, scolaires du travail 121 Mise en place de consultations spécialisées (Volet Santé mentale du SROS)

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3/- le repérage et la prise en charge des personnes en crise suicidaire : - développer les formations au repérage et à la conduite à tenir face à une crise suicidaire (122), - organiser les services de soins pour la prise en charge de personnes en crise suicidaire ou ayant fait

une tentative de suicide (cf. le SROS III, en cours), 4/- la postvention :

- développer une offre d'accompagnement de l'entourage sur l'ensemble du territoire (123), - mettre en œuvre des interventions dans les communautés après suicide (124),

5/- les outils et méthodes pour les acteurs :

- mettre en place un système d'observation - ou registre - des tentatives de suicide (125), - organiser des débats - quant aux pratiques - pour les acteurs de la prévention du suicide - organiser les partenariats et le fonctionnement en réseau (126), - élaborer et diffuser des référentiels pour des populations spécifiques :

o les personnes âgées (127), o les personnes détenues, o les milieux professionnels (128).

Nota (xx) : Les quelques brèves références ci-dessous pointent les travaux les plus récents dont la Conférence de Consensus doit être informée. La plupart de ces travaux sont évoqués par ailleurs par les contributions thématiques réunies par le Groupe Bibliographique. Derniers développements annoncés ▪ Les travaux du CTR PRS Suicide Une liste provisoire, en relation avec le prochain CTR du PRS Suicide le 24/4/07 (source : DRASS )

- Le Bilan des formations au repérage de la crise suicidaire,

- Le suivi des travaux des groupes thématiques,

- Le suivi des tentatives de suicide à partir des données du PMSI (projet ORS).

▪ Les Appels à Projets de Prévention : - Des appels à projets annuels lancés par la DRASS, en coopération avec l'URCAM et le Conseil

Régional,

- l'un des 8 thèmes proposés fin 2006 concernait la promotion de la santé mentale et la prévention du suicide,

- notre demande : être en état de reconnaître et de valoriser dans le cadre de notre Conférence de Consensus les actions ainsi engagées depuis plusieurs années,

o un répertoire des actions des deux dernières années suffisamment explicite ?

o les résultats provisoires d'une analyse en cours tentée à l'aide de mots clés ?

122 Formation à la prévention du suicide Cahier des Charges, Cadrage de l'offre, Mai 2006, 10 pages 123 Des recommandations sont en cours d'élaboration par un PRS GT 22, préalablement au développement de l'offre. 124 Que sait-on des protocoles d'interventions que suivraient certaines communautés ? 125 Expérimentation d'observations territorialisées (AFRESC) : recueil des données des UMP des hôpitaux (ORS) 126 Evaluation des actions des réseaux existants, mars 2007, PRS GT 29 () 127 La prévention du suicide des personnes âgées en Bretagne, DRASS (Alice PRIMAULT), 32 pages, décembre 2006 128 Le suicide en milieu professionnel, V. MUNIGLIA

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IV- L'intervention de la société civile : premiers repères

De multiples instances associatives issues d'initiatives de la "société civile" interviennent et tiennent une place d'autant plus importante dans les dispositifs dédiés au suicide, à sa compréhension et à sa prévention que leurs modes d'approches à la fois diversifiés et concrets de l'enjeu a bien souvent précédé, guidé puis accompagné les développements opérés par les pouvoirs publics (pour mémoire)

S'agissant de la prise en considération du suicide et de sa prévention, tant des décès que des tentatives de suicide, ces instances ont donc une importance toute particulière :

- un rôle pionnier incontestable et ancien,

- une approche spécifique, construite autour de l'écoute (SOS Amitiés) et de l'accueil de personnes "en crise suicidaire", reposant le plus souvent sur le bénévolat tout en assurant de fait un service ayant toutes les caractéristiques d'un service professionnel,

- une fonction incontestable de 1ère ligne : fréquemment sollicités, parfois dans l'urgence d'un passage à l'acte déjà opéré ou plus ou moins décidé, incitant leurs interlocuteurs à envisager puis engager une forme de prise en charge professionnelle à travers les structures d'offres en place,

- en relation directe aussi, avec des personnes ayant eu à se confronter à un suicide d'un proche, de la famille, du voisinage ou collègue de travail, qu'ils soutiennent alors dans leurs démarches de deuil, puis, ensuite, tout aussi bien, qu'ils aident à se mobiliser en vue que "cela ne se reproduise plus".

Alors même que dresser un état des lieux de ces mouvements, des programmes qu'ils portent, des services qu'ils rendent et des résultats qu'ils obtiennent, ne nous est pas possible, un premier repérage nous paraît indispensable des acteurs qui s'y retrouvent et des instances qui les regroupent et/ou les représentent (à compléter) :

- le Collectif "Ensemble Prévenons le Suicide" (COEPS 35 d'Ile et Vilaine) (129),

- le Collectif Inter-associatif de Santé de Bretagne (CISS Bretagne), constitué depuis décembre 2005, interlocuteur des pouvoirs publics quant à la représentation des usagers dans différentes instances (dont la Conférence Régionale de Santé) (130),

- SOS Amitiés France, fédération d'associations départementales et/ou locales (131) [on notera les principes structurants de l'écoute pratiquée : l'anonymat, le non-jugement, la non-directivité, la différenciation entre un suicidaire, évoquant une intention, une mise en perspective possible d'un suicide, et un suicidant en cours de passage à l'acte]

- L'antenne Bretagne de l'association nationale Jonathan Pierres Vivantes (ANJPV), regroupant des parents ayant perdu un enfant quelle que soit la cause du décès et les convictions religieuses [partenaire de l'UNAF, l'antenne anime des rencontres et échanges spécifiques autour de suicides vécus par les gens qu'elle réunie…]

Ces mouvements, confrontés de longue date à des enjeux de promotion , de communication tant "politique" que "grand public", à des besoins de soutiens de tous ordres, se sont généralement organisés France entière, à travers des associations à l'origine d'initiatives collectives de grande envergure, jouant de plus en plus un rôle porteur déterminant quant aux développements d'actions touchant au suicide et à sa prévention.

Citons, entre autres :

129 Coordonné par Sylvie Galardon, le COEPS 35 mène depuis 2 ans une action locale expérimentale au Pays de Vitré-Portes de Bretagne et y a organisé ainsi ce 17/3 à RETIERS une "Rencontre citoyenne pour prévenir le suicide". 130 Né dès fin 2004, à travers un Comité Régional des Usagers, axé au départ sur les greffes et le don d'organe, regroupant "une trentaine d'associations issues des trois familles d'associations oeuvrant dans le domaine de la santé". A noter que, depuis, un CISS France entière s'est constitué… (CISS Infos, N°3, janvier-février 2007) 131 dont la pratique est organisée par une CHARTE DE SOS AMITIE, structurant l'offre - le Service d'aide par téléphone - les qualités et aptitudes de l'écoutant (y compris la formation continue exigée de chacun) et la mise en perspective d'une écoute mutuelle recherchée, dite, écoute et solidarité.

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- L'Union Nationale pour la Prévention du Suicide (UNPS) : à l'origine, une nouvelle association, la JNPS, fondée en 1996 par six associations en vue de promouvoir une Journée nationale pour la Prévention du Suicide, annuelle, le 5 février, en place depuis 1997; devenue l'UNPS en 2000 en vue de rassembler plus largement les mouvements concernés : aujourd'hui 33 associations, et un Conseil d'Administration de 17 membres que préside le prof. Michel Debout.

Les thèmes successifs des colloques annuels tenus à Paris illustrent bien les problématiques peu à peu développées ainsi, France entière (complétés, depuis peu, par des Journées régionales) :

"Le suicide, fléau social et sujet tabou" le 5 février 1997, à l'Assemblée Nationale

"Prévenir le suicide, c'est possible" le 5 février 1998 au Conseil Economique et Social

"Défi médical, défi social : je m'engage" le 5 février 1999, Maison des Agriculteurs

"Choisir la vie" le 4 février 2000, à l'UNESCO

"Politiques Locales, Politique Globale" le 5 février 2001, à l'UNESCO

"Suicide : La relation humaine en question" du 4 au 7 février 2002, à l'UNESCO

"Violence et Suicide au travail" le 5 février 2003, à la Maison de la RATP

"Droit, éthique, suicide : interdire, assister ou prévenir" du 2 au 6 février 2004, Maison de la RATP, La Sorbonne.

"Certitudes et incertitudes de la prévention" les 4 et 5 février 2005, au Centre Chaillot Galliera.

"Envie de la vie : Le suicide n'est pas une fatalité" du 2 au 4 février 2006 au Conseil Economique et Social.

- L'implication progressive des centres locaux d'information et de coordination (CLIC) dans

la prévention du suicide :

Objectifs affichés :

"Et puis il y a le suicide de personnes âgées qui existe mais c'est un phénomène sous évalué et banalisé. Vous dites à juste titre qu'il ne provoque que peu d'émoi médiatique.

C'est pourquoi, une de nos priorités réside également dans la nécessité de permettre à chacun de vieillir dignement, de faire que le dernier âge, soit celui des choix individuels et de la dignité de la personne. A cet effet, en sus de la mise en œuvre de l'Allocation Personnalisée Autonomie qui est entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2002, nous avons souhaité développer les centres locaux d'information et de coordination (CLIC). L'objectif de 320 CLIC en 2002 et de 1000 CLIC en 2005 devra être atteint pour que tout le territoire national soit maillé de ces centres d'information, d'accueil et d'écoute, formant ainsi des réseaux qui permettront de mieux prendre en compte les attentes des personnes âgées (vie quotidienne, soins, prévention, accompagnement, vie culturelle et citoyenne)."

- A signaler, aussi, une contribution très instructive en relation directe avec cette logique d'approche :

La contribution des usagers à la politique de santé mentale, Contrat de définition, Novembre 2001, 39 pages, Marcel Jaeger et Madeleine Monceau, sociologues, avec la collaboration de Marc Livet, cadre infirmier, ARSAAP, Association de Recherches Sociologiques et Anthropologiques Appliquées à la Psychiatrie, 5 rue du Pont St Jaime, 38000 Grenoble Tél. 04.76.51.74.40 / Fax. 04.76.54.42.45

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ANNEXE : LES PRINCIPAUX TEXTES DE REFERENCE EN BRETAGNE I/- Les documents officiels de la région (des plus récents aux plus anciens, en diffusion large)

▪ La Bretagne en santé - Plan Régional de Santé Publique 2006-2010, Préfecture de Région Bretagne,

- une (belle) plaquette de présentation en grand format à l'italienne, 24 pages, remarquablement structurée, assortie d'un CD Rom pour comprendre (ce PRSP) 132,

- le rapport de présentation broché, 188 pages, assorti des membres du Groupe-Projet et de deux annexes : La santé de la population en Bretagne, Synthèse, décembre 2004, ORS Bretagne, 23 pages, et l'Avis de la Conférence Régionale de Santé.

- une affiche grand format en présentant les grandes lignes : les finalités du PRSP 2006-2010 (cadre législatif innovant), l'état de santé des Bretons, les déterminants de santé (des données qui interpellent), les objectifs (x 3), les stratégies (x 4), les programmes (x 14), les approches populationnelles (x 4), ainsi que des programmes "supports" (x 3),

▪ Prévenir le suicide en Bretagne 2004-2008, Préfecture de Région DRASS & URCAM, mars 2004,

- le rapport de présentation (du PSP) 133, 107 pages,

- un "tiré à part", 4 pages imprimées - sa présentation en grande diffusion [une priorité de santé publique, les enseignements tirés du bilan du premier PRS 1999-2003, le contexte conceptuel, l'objectif commun (réduire l'incidence du suicide), les 5 stratégies transversales, ses 6 objectifs spécifiques et axes d'action],

▪ Différents documents thématiques, dans le cadre du Prévenir le suicide en Bretagne 2004-2008, venus préciser et/ou compléter les programmes projetés, Préfecture de Région / DRASS :

- La prévention du suicide des personnes âgées en Bretagne, Alice PRIMAULT, décembre 2006, 32 pages

- La promotion de la santé mentale en pratique, Guide pour l'action, 24 pages, Sonia VERGNIORY (CRES de Bretagne), juin 2006,

- Formation à la prévention du suicide : Cahier des charges 134, mai 2006, 10 pages,

II/- Documents de travail (en contrepoint des développements en cours)

132 Noter, en particulier, la partie concernant la prévention du suicide qui y intègre désormais la souffrance psychique

133 Produit près de deux ans avant le PRSP (d'où la nécessité de se reporter au PRSP, pour le PRS, des pages 87 à 89, la santé mentale, des pages 105 à 107, et, à quelques ajouts quant aux approches par population cible).

134 Dont les 9 membres du GT : Christelle COLAS (DDASS 29), Bertrand COLEMAN (DRASS), Charles COQUELIN (CH Bégard), Dr. Claire MAITROT (Rectorat), Anne-Marie PALICOT (CRES), Dr. F. PETITJEAN (DRASS), Colette PICOT (DDASS 35), Dr. Florence TUAL (DDASS 56) et Prof. Michel WALTER (CHRU Brest)

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II-1/- Quelques textes de référence (source François PETITJEAN, du plus récent aux plus anciens)

▪ SROS III / Prise en charge du suicide - Les recommandations du groupe de travail - Thèmes : Les urgences à l'hôpital, en amont et en aval, par population spécifique (enfants & adolescents, personnes âgées, détenus), approches qualité, postvention, observation/recherche, réseau & partenariats, 15 transparents repris en texte le 10/4/07,

▪ Rencontre citoyenne : d'une parole taboue au débat public – Méthode, Octobre 2004, Collectif "Journée Nationale pour la Prévention du Suicide d'Ile et Vilaine", 32 pages,

▪ Quatre initiatives locales pour un programme régional de santé, Yannick Barbançon, DSP MFB, 4 pages, reprises d'une communication du 13 octobre 2004 au Québec,

▪ Les lieux d'accueil et d'écoute en Bretagne, Nicole Dupuis-Belair, 4 pages, note non datée de la DRASS Thèmes : contexte, actions 2000-2001, étude CATALYS, projets 2005,

▪ Construction d'un système d'observation des tentatives de suicide, reprise des transparents de présentation de l'AFRESC, septembre 2006, 3 pages

▪ Le Dispositif d'évaluation "chemin faisant" du PRS 2004-2008, document de travail, juin 2004, 43 pages, Note introductive (4 pages), puis, Programmations régionale et interdépartementales, puis, départementales, annuelles (les types d'actions ciblées), le bilan départemental annuel, l'évaluation départementale "chemin faisant" enfin : l'offre est-elle complète ? Y-a-t-il une approche par population et territoire prioritaire ? Y-a-t-il une approche communautaire ? Y-a-t-il une démarche qualité ? le dispositif est-il performant ? puis - à l'identique - l'évaluation pays "chemin faisant" (assorties de grilles d'analyse détaillées),

▪ Prévenir le suicide en Bretagne - Bilan 2005 - Perspectives 2006, Dr. François PETITJEAN (DRASS / MIR adjt. 135), 20 slides 136, Présentation orale au CTR du 12 mai 2006,

▪ Santé publique : la Bretagne articule plan régional et projet territorial, Dr. François PETITJEAN (DRASS / MIR adjt), in Santé de l'homme, n°383 mai-juin 2006, pp. 23-24 (137),

▪ Le système de santé régional en Bretagne : mise en perspective, évolution, enjeux, Dr. François Petitjean, CCB le 12 juin 2006, présentation orale en 45 slides (8 pages)

II-2/- D'autres textes de référence (recherche bibliographique externe / à compléter)

▪ Les tentatives de suicide prises en charge par les Unités Médico Psychologiques en Bretagne : résultats de l'enquête pour l'année 2005. (2006), PENNOGNON (L.)

Mots-clés : Age; Bretagne; Centre santé mentale; Domicile; Donnée statistique; Estimation; Méthodologie; Prise charge médico-sociale; Profession santé; Recours soins; Sexe; Suivi malade; Tentative suicide; Urgence psychiatrique; 2000-2005; 2005

▪ Cinquième Conférence Régionale de Santé [Alcool, Tabac, Drogue, Précarité, Cancer, Suicide, Santé environnement], DRASS, le 20 février 2001 à l'ENSP, 105 pages Lien : http://bretagne.sante.gouv.fr/publications/rapports/2001/sept/crs2001.pdf Extraits : (1-3), les membres du jury (85), les expressions (104-105), les conclusions du jury (86-99), dont, sur "Souffrance psychique et phénomène suicidaire" (87-88)

▪ Propositions d'un corpus d'indicateurs répondant à l'objectif 3 du PRSP "Améliorer la qualité de vie", Eric Le Grand, consultant Santé Publique (138), 39 pages, 21 avril 2006 Lien : http://www.platoss-bretagne.fr/docs/etudes/Rapport_QDV.pdf

135 Le Dr. François PETITJEAN a été en fonction à la DRASS de 2002 à 2006 et a coordonné à ce titre tant la mise en place du PRS 2004-2008 (II), que celle du PRSP 2006-2010 (maintenant à l'ENSP). 136 Envoi du 27/2/07 - Messages repris en 3 pages puis commentés lors de notre rencontre le 5/4/07 137 A disposition, la version définitive de l'article extraite le 10/4 du site de l'INPES qu'en version intermédiaire (le 5/4) 138 4, rue de l'Echange, 35590 L'Hermitage, Tél. : 02 99 64 01 38 / port. 06 61 10 14 82 / mail [email protected]

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GLOSSAIRE Lien : http://w4-web143.nordnet.fr/guide/sommaire/index.htm Cheminement : W4-web143.nordnet.fr / Guide / Glossaire

Source : Infosuicide.org

QUELQUES MOTS EXTRAITS…

Autopsie psychologique : démarche qui consiste à tenter d’établir les causes d’un suicide. C’est la mise en œuvre d’un ensemble d’outils servant à l’analyse ; documents biographiques (souvenirs et témoignages et interviews des proches et de la famille), et autobiographiques (Correspondance, journal intime, notes, lettres d’adieu) afin de mieux saisir les raisons et les mobiles qui ont poussé une personne à sa mort.

Crise Suicidaire : Période, pendant laquelle une personne est en proie à une intense souffrance psychique dont elle ne sait comment en sortir.

On peut croire fréquemment qu’une crise se produit de manière spontanée. En fait, il est possible qu’un grand choc, comme une mortalité subite, un accident, précipite un état de crise. Cependant et d’une façon générale, on peut constater une progression qui évolue de l’état d’équilibre vers un état de vulnérabilité qui culminera par un état critique de crise.

Cette notion de crise suicidaire est fondamentale dans la prévention du suicide. CAPLAN en 1974, définit la crise en fonction de trois critères : un stress grave qui précipite ou déclenche l’état de crise, un déséquilibre émotif profond qui envahit la personne et l’accumulation de tentatives pressantes et répétées par la personnes pour résoudre le problème déclenché par le stress et pour rétablir l’équilibre. Généralement, ces réponses permettent de maintenir un équilibre satisfaisant. Toutefois, un évènement, des changements importants, peuvent rompre cet équilibre en venant éprouver ces mécanismes d’adaptations. Lorsqu’une personne perd ses capacités à faire face aux agents stressants elle peut se retrouver alors dans un état de fragilisation et de vulnérabilité. Elle a épuisé son répertoire de réponses habituelles, elle évalue sa situation de manière négative et tous ces sentiments continuent à accroître la tension, l’angoisse qui devient de plus en plus difficile à atténuer, et rentrer dans une crise émotionnelle qui embrouille de plus en plus sa réalité. Elle peut alors, se diriger rapidement vers une phase de désorganisation et de confusion KIRD, 1993). Au bout du compte, peut s’ensuivre une période de crise et de trouble intense qui selon Monique SEGUIN durera entre six et huit semaines.

L’état de crise est une phase de déséquilibre intense qui se caractérise par deux grandes étapes : la désorganisation suivie d’une période de récupération. Entre ces deux étapes, il peut, dans certaines occasions, y avoir une période de passage à l’acte qu’on appelle la phase aiguë. C’est dans cette phase aiguë qu’aura lieu la tentative de suicide.

Il est très important d’adapter un type d’accompagnement ou d’intervention en fonction d’une bonne évaluation de l’évolution d’une crise.

Processus suicidaire d’après Jean Louis TERRA : - Débute lorsque l’idéation du suicide devient une solution envisagée face à la souffrance, à l’angoisse. - La crise a des étapes identifiables qui définissent le degré d’urgence - Elle peuvent se développer plus rapidement chez des personnes attentes de troubles mentaux. - Les personnes font en général tout pour éviter d’en arriver jusqu’à l’exécution de leur intention. - De ce fait la crise est un équilibre métastable, réversible jusqu’au dernier instant, les personnes appelant souvent au secours quand leur geste n’est pas immédiatement mortel. - La très grande majorité des personnes en crise suicidaire ne font pas de tentative, mais le taux varie selon l’âge, le sexe, et la présence ou non de troubles psychiques. - Parmi les personnes qui font une tentative, l’immense majorité en réchappe, mais le taux des rescapés dépend très fortement du moyen de suicide employé. Conduite à risque : comportement dangereux par lequel une personne se trouve dans un état proche du suicide ou de la tentative, mais où la mort n’est pas consciemment recherchée.

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Conduite suicidaire : comportement par lequel une personne met délibérément sa vie, ou sa santé en danger. Cristallisation ou Planification : Dernière phase dans la description Canadienne de la période « pré suicidaire », la personne décide ou quand et comment. Droit au suicide : Droit, éthique et suicide, (renvoi sur prochain congrès) Echec : un des facteurs qui favorise le suicide est l’échec en général qui engendre l’humiliation ou la honte qui mène au découragement ou au désespoir (échec amoureux, perte d’emploi, d’un statut social, perte de la garde des enfants) Flash : première phase dans la description Canadienne de la période « pré suicidaire », première apparition de l’idée suicidaire Fuite : le suicide est très souvent un acte par lequel un individu ou un groupe tente d’échapper au malheur, qui peut prendre des formes multiples. Echapper à un fait, à un état ou un objet perçus ou éprouvés comme mauvais et intolérables. Idéation suicidaire ou pensées fréquentes : deuxième phase dans la description Canadienne de la période « pré suicidaire », l’idée du suicide devient très présente. Létal : (se dit du produit, d’une dose) qui provoque la mort. Pacte de suicide : Accord convenu entre particuliers pour mourir ensemble par mort volontaire (couples, collectifs, tout récemment nous trouvons des exemples de sites Internet proposant des rendez-vous pour mourir ensemble) Parasuicide : le mot désigne tout acte extrême et par lequel on risque la mort, de manière consciente ou confuse, mais dont les acteurs diffèrent des suicidaires, des suicidants, ou des suicidés dans le sens direct ou leur intention directe n’est pas de se tuer. Ainsi la médication massive, l’automutilation, l’usage excessif de drogues ou d’alcool, les conduites extrêmes et les sports à risque, la très grande vitesse au volant appartiennent à cette catégorie. Postvention : terme d’apparition récente et qui concerne tout ce qui est possible de tenter après un suicide. C’est aussi bien la prévention de la récidive après une tentative enrayée, que la prise en compte de l’entourage, etc... Prévention : Il s’agit de mettre en œuvre l’ensemble des moyens nécessaires pour éviter les suicides. Risque : Péril, danger. Il fait référence à deux réalités qui dans certains cas se rejoignent - L’une parle de catégorie de personnes qui dans la population globale, présentent plus de risque suicidaire (les détenus, alcooliques et toxicomanes, les jeunes et les personnes d’un certain âge, les homosexuels, etc. .) - L’autre est le facteur risque associé aux conduites extrêmes (automobile, glisse extrême, parapente, canyoning, saut à l’élastique, etc.) Rumination ou fixation : troisième phase dans la description Canadienne de la période « pré suicidaire », il ne semble plus y avoir d’autre solution. Suicide : « On appelle suicide tout cas de mort qui résulte directement ou indirectement d’un acte, positif ou négatif, accompli par la victime elle-même et quelle savait devoir produire ce résultat ». Telle était la définition de DURKHEIM en 1897 Suicidaire : Personne ayant le projet de se suicider ou de tenter de le faire. Suicidant(e) : Personne ayant tenté de se suicider.

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Suicide assisté : (Assistance au suicide) La notion de suicide assisté n’a que peu de rapport avec le phénomène général du suicide et ne s’applique qu’aux cas de personnes atteintes de maladies mortelles L’expression assistance (médicale) au suicide si l’on sous entend l’assistance à la personne sur sa demande, qui opte pour le suicide dans le cas d’une maladie grave, sans issue et accompagnée de douleurs, que l’on ne peut pas soulager adéquatement (L’euthanasie est accomplie par une personne autre que le malade). Suicidé(e) : Personne décédée par suicide. Suicidogène : Propre à induire un comportement suicidaire. Tentative de suicide : (TS en jargon médical) acte délibéré par lequel une personne se cause un préjudice physique dans l’intention de se donner la mort ou d’obtenir un changement d’état psychique et/ou physique, et dont l’issue n’a pas été fatale. Toute conduite par laquelle une personne tente délibérément de s’enlever la vie, geste à la suite duquel, ayant survécu, elle a nécessité des soins (sur les plans physique ou psychologique) Typologies du suicide : Il ne sert à rien de parler du suicide en général. Il n’y a pas un suicide mais des suicides. Le profil des personnes qui s’enlève la vie, leurs problèmes et les situations dans lesquelles elles sont engagées, le sens qu’elles veulent donner à leur acte, le but qu’elles poursuivent ainsi que les facteurs qui ont contribué à leur décision sont multiples et variés. On chercherait en vain une réponse unique à la question qu’est ce qui fait qu’un être humain en vient à attenter à ses jours ? Diverses théories manifestent avec une rare éloquence la complexité de la démarche suicidaire. Et d’autre part, il n’est pas aisé de dresser une typologie exacte, praticable et utile pour tout de ce phénomène toujours en évolution – étudier les typologies par les différentes approches ; sociologique, psychologique, médicale, etc.