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toits végétaux-Terre Vivante- Les 4 saisons de septembre-octobre 2013

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Où en est le développement des toits végétaux en France ? Freins, perspectives et (r)évolutions à venir.

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À la traîne de l’Allemagne, qui a verdi ses toits dès les années 80, la France a connu l’essor des

toits verts au tournant du millénaire. Depuis, le rythme s’est accéléré : d’un demi-million de mètres carrés en 2008, on est passé à un million de m2 de nou-velles toitures végétalisées créées en 2012. Toujours moins qu’outre-Rhin (6 millions de m2 !) mais davantage qu’aux Etats-Unis (environ 600 000 m2). Et le potentiel est considérable : les toits verts ne représentent qu’1/25e environ des toitures construites chaque année en France. Parmi les freins : la crise économique et les habitudes. Anne-Marie Gandon, de l’Association des toitures végétales (Adivet), observe : « Le toit végétalisé sert malheureusement de fusible dans les budgets de construction. » « Il existe une double illusion : d’une part que le mieux est de faire comme on a toujours fait, d’autre part que la société souhaite que cela coûte le moins cher possible »,

déplore de son côté Frédéric Dellinger, paysagiste concepteur du cabinet Eran-this, à Lyon. Enfin, alors que les élus em-brassent volontiers un discours “vert”, leurs administrations ne suivent pas toujours. « Mais monsieur, chez nous on met des tuiles sur les toits ! », s’est ainsi entendu rétorquer un habitant du parc régional du Pilat qui voulait créer un toit vert. « Pas mal de communes refusent les toits végétalisés parce qu’ils ne sont pas conventionnels. Il faut prendre le temps de discuter avec les élus avant d’aller voir les services d’urbanisme », conseille Emmanuel Carcano, autoconstructeur et charpentier dans le Trièves. Ces situa-tions incongrues devraient disparaître : depuis janvier 2013 et une mise au point ministérielle, les règles locales d’urba-nisme (PLU) ne peuvent plus s’opposer à la construction de toits végétalisés en rai-son de leur rétention des eaux de pluie 1.

L’EXTENSIF, UN CLASSIQUEDes évolutions réglementaires récentes,

Confort thermique, isolation phonique, biodiversité… : les intérêts écologiques des toits végétalisés sont connus. Aiguillonné par de nouvelles règles et de nouvelles techniques, le secteur est en plein développement en France. Panorama. Texte : Sandrine Boucher ; photos : Pascal Greboval

Toits végétauxQuoi de neuf sous le soleil ?

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que se soit en matière d’écoconstruction ou de trames vertes, favorisent l’exten-sion des toits verts, en particulier sur les grandes surfaces. Ainsi, c’est un centre commercial, Beaugrenelle, qui détient depuis avril 2013 la palme du plus grand toit végétalisé de Paris, avec ses 7 000 m2. « La loi va faire bouger les lignes, en obli-geant les maîtres d’ouvrage à se poser des questions de bon sens », espère Frédéric Dellinger.Le développement de la construction en bois et l’émergence d’écoquartiers s’ac-

Une bonne étanchéité, une nappe assurant

filtration et drainage, une couche de

substrat adaptée et des sédums

en micromottes à planter, tel

est le mode de végétalisation

extensif le plus économique.

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base de pouzzolane, couche filtrante, drainage. Le système est éprouvé, glo-balement simple à mettre en place, léger, économique, exigeant peu d’entretien, et avec un résultat quasi-assuré tant que quelques règles de base sont respectées (voir 4 Saisons n°148 et n°171). Les contre-exemples ont surtout été donnés par des grands projets, publics ou pri-vés, où l’on a pu se contenter de jeter un tapis de sédum précultivé sans prendre en compte le climat ni prévoir l’entretien minimum : le joli toit bien vert le jour de l’inauguration se mue alors rapidement en moquette morte…

LES “TOUT-EN-UN”« Le taux de réussite des toits végétalisés est plus important chez les particuliers que chez les professionnels, ce qui peut paraître un comble », remarque Olivier Marconnot, de la pépinière du Chardon bleu, dans le Morvan, producteur de sé-dums en micromottes (Bio-sédum) qui a vu son activité augmenter de 50 % depuis 2007. « Cette technique traditionnelle, avec micro-mottes, est la plus adaptée

Les dalles prévégétalisées

sont le plus souvent posées par des

professionnels qui offrent une prestation

complète incluant l’étanchéisation de la réalisation.

Et pourquoi pas un toit potager ? Ce sont les “cousins” des toitures végétalisées : venus d’Amérique du Nord, dont les fermes urbaines de New York sont l’exemple le plus spectaculaire, les toits potagers se multiplient en France. Plus faciles à mettre en œuvre que les toitures-terrasses, les bacs potagers posés sur les toits (à condition que ceux-ci soient accessibles) permettent de créer des jardins éphémères de légumes et de fleurs annuelles que l’on peut tester et modifier à sa guise sans engager des frais importants. Ces toits potagers peuvent aussi contribuer à une certaine autonomie alimentaire.

compagnent souvent de toits végétalisés, comme à Seyssins, dans la périphérie de Grenoble, où un programme d’une cin-quantaine de logements va être doté d’une toiture-terrasse. Quant au secteur économique, marqué par la compétition entre des entreprises issues de l’étan-chéité et celles venant des espaces verts, il est aujourd’hui bien structuré à tous les niveaux de la filière, et tant sur l’offre que la demande, estiment les professionnels. Le toit extensif de 5 à 10 cm, inventé par les Allemands il y a trente ans, est devenu depuis un classique en France : sédums multicolores, substrat léger à

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pour ceux qui ont un budget un peu serré mais peuvent mettre la main à la pâte », confirme Romain Guilmault, responsable formation d’Amaéva, spécialiste de la toi-ture et du mur végétalisé. À côté de ce système classique, la prin-cipale nouveauté technique de ces der-nières années est le “tout-en-un”, qui remporte un vif succès : il s’agit de cas-settes prêtes à poser, incluant drainage, substrat et plantes, voire réserve d’eau, qui se clipsent entre elles (voir schéma p. 74). « Ces modules précultivés se déve-loppent fortement dans notre pays. C’est d’ailleurs, vis-à-vis du reste de l’Europe, une particularité française », remarque Anne-Marie Gandon. Avantages : pas de problème de reprise des végétaux, un montage très rapide, pour un toit im-médiatement agréable à regarder et qui demandera moins d’entretien puisque la couverture déjà existante empêche les adventices de germer. Inconvénient de

la solution de facilité : le prix, qui peut doubler.

VERS DE NOUVEAUX SUBSTRATSD’autres évolutions pourraient renouve-ler la création et l’aspect des toitures vé-gétalisées dans les années à venir. Deux pistes, d’ailleurs complémentaires, sont en train d’être explorées : la recherche d’une plus grande diversité végétale, et la mise au point de substrats tout aussi légers mais plus nutritifs. Joseph Sarreil-Baron, pépiniériste à Saint-Vérand (Isère) et spécialiste des plantes de montagne va implanter ainsi différentes espèces “chameaux” parmi les achillées, linaires, panicauts, iris, campa-nules… qui devront se débrouiller sans arrosage sur le toit de l’écoquartier de Seyssins. « Nous verrons ce qui tient. Il faut se méfier : les plantes de terrains secs peuvent avoir un système racinaire pro-fond. Un toit végétalisé est un milieu plus

Outre leur plus-value esthétique, les toits végétaux améliorent le confort thermique des bâtiments – notamment en été. Ils retiennent les eaux pluviales et contribuent à améliorer le climat urbain.

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difficile qu’un dallage. » Il a constaté qu’il reste difficile de cultiver autre chose que des sédums en dessous d’une épaisseur de 10 cm de cette “terre” habituelle, très drainante, des toits végétalisés. D’où cette quête de substrats alternatifs, moins minéraux. Avec Amaéva, dont c’est l’un des principaux axes de recherche, Jean Briffaut, formateur en écologie, teste par exemple l’intérêt de l’utilisa-tion du BRF. La question des substrats est aussi au cœur de l’appel à projet “Végétalisation innovante” lancé par la ville de Paris au printemps 2013, qui va s’ouvrir sur une expérimentation de trois années, en situation réelle, des projets sélectionnés. Sable, terre de jardin, billes d’argile, laine de roche, voire paille, la recette miracle n’a pas été encore trou-vée. « Le développement de ces produits prend du temps, explique Anne-Marie Gandon, mais l’enjeu est essentiel en terme de variété des espèces végétales, qui exige jusqu’à présent des substrat très lourds ».

VÉGÉTALISER AUTREMENTPar ailleurs, nombreux sont ceux qui, à plus ou moins grande échelle, essayent, et souvent réussissent à varier le schéma

standard du toit extensif. Sur la cabane au toit en pente du centre Terre vivante, a été installé avec succès un système tout simple : une épaisseur de 10 cm de laine de roche (qui fonctionne très bien dans la culture hydroponique) est recouverte de dalles alvéolaires de 4 cm environ, rem-plies de terre, où poussent les sédums. Thierry Levaillant, paysagiste concep-teur à Lyon (Wabi-Sabi) a lui décidé de laisser les plantes évoluer spontanément sur une épaisseur de 8 cm de « très bon terreau. La clé, c’est d’expérimenter le plus grand nombre d’espèces possibles ». Il a testé fétuques, carex (qui n’ont pas tenu), lin bleu (qui ne s’est pas ressemé), mais aussi oponces et muscaris qui, eux, prospèrent. Des géraniums ‘Herbe à Ro-bert’ se sont invités tous seuls, la mousse a pris le dessus par endroits, des érables ont germé puis sont morts rapidement et le résultat est là : naturel, changeant au fil des saisons, agréable à regarder. « Il faut essayer, accepter le risque, reconnaître ses erreurs s’il le faut et avoir confiance dans ses projets », conclut Frédéric Del-linger.

1 questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-3140QE.htm

EN SAVOIR +- Adivet (Association

des toitures végétales),

Montrouge (92), www.adivet.net

- Amaéva (murs et toits végétalisés),

Andigne (49). Tél. 02 41 61 46 42,

www.amaeva.fr- Pépinière du Chardon

bleu (Bio-sedum), Saint-Prix (71).

Tél. 03 85 54 23 78, www.toiture-bio.com

- Pépinière Joseph Sarreil-Baron, à

Saint-Vérand (38) : Tél. 04 76 38 48 33

- Wabi-Sabi, Lyon (69).

Tél. 04 72-53 06 92, www.wabi-sabi.fr

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1. Végétation 2. Substrat 3. Anti-ravinement 4. Réserve d’eau 5. Ergot de fixation 6. Glissière de fixation

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Le système Covertiss Modulo, commercialisé par Amaéva, associe des dalles de 65 cm sur 55, et d’une hauteur de 12,5 cm, qui se clipsent les unes aux autres. Chacune d’elle pèse 115 kg/m2 une fois saturée d’eau.

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