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Tous droits réservés © Santé mentale au Québec, 1983 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 23 mai 2021 16:42 Santé mentale au Québec Traitement comportemental et discipline carcérale Behavioral treatment and prison discipline Pierre Tremblay Structures intermédiaires ou alternatives? Volume 8, numéro 1, juin 1983 URI : https://id.erudit.org/iderudit/030165ar DOI : https://doi.org/10.7202/030165ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Revue Santé mentale au Québec ISSN 0383-6320 (imprimé) 1708-3923 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Tremblay, P. (1983). Traitement comportemental et discipline carcérale. Santé mentale au Québec, 8(1), 67–79. https://doi.org/10.7202/030165ar Résumé de l'article L'article propose un bilan descriptif et systématique de ce que la technologie du conditionnement opérant - aux États-Unis surtout - a apporté à la criminologie clinique récente. L'examen porte sur la pertinence clinique des comportements choisis comme cibles, sur la validité méthodologique des expériences rapportées et sur les limites de leur efficacité. Un bref rappel historique souligne la position très particulière du traitement comportemental dans le projet de réhabilitation correctionnelle.

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Tous droits réservés © Santé mentale au Québec, 1983 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 23 mai 2021 16:42

Santé mentale au Québec

Traitement comportemental et discipline carcéraleBehavioral treatment and prison disciplinePierre Tremblay

Structures intermédiaires ou alternatives?Volume 8, numéro 1, juin 1983

URI : https://id.erudit.org/iderudit/030165arDOI : https://doi.org/10.7202/030165ar

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)Revue Santé mentale au Québec

ISSN0383-6320 (imprimé)1708-3923 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleTremblay, P. (1983). Traitement comportemental et discipline carcérale. Santémentale au Québec, 8(1), 67–79. https://doi.org/10.7202/030165ar

Résumé de l'articleL'article propose un bilan descriptif et systématique de ce que la technologiedu conditionnement opérant - aux États-Unis surtout - a apporté à lacriminologie clinique récente. L'examen porte sur la pertinence clinique descomportements choisis comme cibles, sur la validité méthodologique desexpériences rapportées et sur les limites de leur efficacité. Un bref rappelhistorique souligne la position très particulière du traitement comportementaldans le projet de réhabilitation correctionnelle.

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TRAITEMENT COMPORTEMENTAL ET DISCIPLINE CARCÉRALE

Pierre Tremblay*

L'article propose un bilan descriptif et systématique de ce que la technologie du conditionnement opérant- aux États-Unis surtout - a apporté à la criminologie clinique récente. L'examen porte sur la pertinenceclinique des comportements choisis comme cibles, sur la validité méthodologique des expériences rapportéeset sur les limites de leur efficacité. Un bref rappel historique souligne la position très particulière du traite-ment comportemental dans le projet de réhabilitation correctionnelle.

En 1979, Ayllon et Milan font paraître un livreintitulé Correctional and Rehabilitation Manage-ment, qui se révèle le pendant carcéral et l'exten-sion d'un système d'apprentissage par conditionne-ment opérant (l'économie de jetons ou «tokeneconomy») mis au point dans un pavillon psychia-trique à la fin des années soixante. Ayllon etAzrin font le récit de cette innovation cliniquedans Traitement comportemental en institutionpsychiatrique. L'article propose de faire le biland'une trentaine d'études, qui forment l'essentiel dela contribution de la technologie de l'apprentissageopérant à la criminologie clinique, américainesurtout. Il faut noter que cette contributionrelève beaucoup plus d'une importation horizontaleentre «institutions totales» que d'un transfertvertical, ou de l'application d'un paradigme théori-que d'apprentissage à une procédure cliniqueparticulière, comme ce fut le cas, dans une largemesure, pour la désensibilisation systématique.

L'intérêt de ces travaux, toutefois, réside ailleurs.Nous connaissons le nom, l'univers théorique deréférences et les effets, plus ou moins concluantsou évaluables, d'une respectable variété d'interven-tions cliniques auprès des détenus. Mais il est rareque nous sachions, dans les faits, en quoi consistentexactement et comment fonctionnent les procédésconcrets utilisés lors de ces réhabilitations. De plus,les variables pertinentes à cette clinique étant

souvent conceptualisées sous forme de disposi-tions générales et durables (attitudes, traits etdimensions de personnalité), l'observation systé-matique des contingences de situation et descomportements ou tactiques d'adaptation enmilieu carcéral est rarement développée. Laspécification de ces procédés et l'observationdétaillée de ces contingences de situation consti-tuent, par contre, la caractéristique principale(et stimulante) du «traitement comportemental».

Ces travaux, d'inspiration skinnérienne, offrentégalement un autre intérêt. Un lecteur, un peufamilier des controverses pénologiques du milieudu 19e siècle, ne peut s'empêcher de considérerce volume récent d'Ayllon et Milan comme uneversion contemporaine des opuscules d'AlexandreMaconochie (1850), un haut fonctionnaire de l'épo-que victorienne, dont la carrière mouvementéel'amena à réformer avec fracas (étant lui-mêmelimogé à chaque fois) la colonie pénitentiaireaustralienne de l'île de Norfolk et le réformatoirede Birmingham. Les limites de cet article nepermettent pas d'examiner en détail cette filiationtrès compliquée ; mais on pourra se demander, enconclusion, s'il ne convient pas de considérer cettevariété de traitements en milieu carcéral, malgrésa nouveauté apparente, comme la plus fidèleexpression du projet de réhabilitation qui caracté-rise, en partie, le régime pénal et l'idéologiecorrectionnelle moderne; et, notamment, si lestechniques de l'apprentissage opérant, décritesdans cette littérature clinique, ne constituentpas ce que l'on appelait, au 19e siècle, la nouvelle

* L'auteur est présentement en rédaction de Thèse (Ph. D.)à l'École de criminologie, Université de Montréal.

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discipline carcérale, conçue alors comme le noyauet la condition de tout projet de réhabilitation.

Afin d'alléger et d'abréger, nous avons regroupéles expériences de manière à ce que ressorte lecaractère systématique et potentiellement cumula-tif des travaux menés de 1974 à 1980. Les deuxpremières sections sont préliminaires : quels ontété les comportements choisis comme ciblescliniques? quels sont les effets engendrés par leurrenforcement conditionnel? La section suivantesoulève les problèmes d'évaluation des performan-ces ; dans un contexte d'incarcération ces problè-mes ont un impact décisif sur la validité scientifiquedes résultats obtenus. La quatrième section précisela spécificité des divers processus composant leconditionnement opérant.

PERTINENCE DES COMPORTEMENTSCHOISIS COMME CIBLES

Un premier groupe d'expériences porte sur laperformance de tâches triviales dans des conditionsde harcèlement institutionnel quotidien : ramassagedes déchets qui jonchent les terrains extérieurs,rangement des vêtements personnels et nettoyagedes cellules; ponctualité; tâches diverses d'entre-tien; déplacements licites et participation aux«conférences du matin». Gambrill (1976) examineles effets d'une économie de jetons sur le tauxd'infractions disciplinaires, alors que Bassett etBlanchard (1977) examinent les effets imprévus,dus à l'absence temporaire du directeur d'uneéconomie de jetons, à la fois sur la fréquence descomportements mis à l'amende, le nombre d'in-fractions disciplinaires rapportées et le tauxd'abandons. Ces expériences, menées dans diversesinstitutions carcérales (pénitenciers, centres dedétention pour délinquants juvéniles, prisonsmilitaires), concernent soit des groupes de plus de50 détenus, soit des groupes de 10 à 15 ; leur duréevarie entre 25 et 420 jours, mais ces expériencess'étalent le plus souvent sur une période d'un oudeux mois.

Le second groupe d'interventions vise plutôt àencourager et maintenir les détenus dans unesituation d'apprentissage individuel. Il s'agit d'unlot d'expérimentations qui, à deux exceptions près,concernent uniquement des détenus adultesrépartis dans cinq pénitenciers : fréquence des

requêtes et utilisation de matériaux «éducatifs» —cf. livres, revues, cahiers, etc. - , taux d'assistanceaux programmes de rattrapage académique indivi-duel, qualité de la performance dans l'apprentissagede diverses matières scolaires, qualité de la perfor-mance des détenus inscrits en ateliers, taux d'assis-tance aux émissions de nouvelles télévisées, etdegré de participation à des exercices de culturephysique. Ces travaux portent soit sur des groupesde 2 ou 3 volontaires, soit sur des groupes de 13 à24 détenus, la durée des expériences variant entre30 et 240 jours.

À prendre ces travaux à la lettre, un criminelserait donc un individu rarement à l'heure, peuenclin à faire le ménage et possédant certaineslacunes en arithmétique. Aucune économie dejetons, en milieu correctionnel, n'a porté sur descomportements susceptibles d'être définis commedes crimes et punissables d'emprisonnement. Onadmet, à priori, qu'il existe des rapports d'incom-patibilité entre comportements-cibles et activitésdélinquantes. De plus l'évaluation des effetsproduits par les sanctions, communément utiliséesen milieu carcéral (ségrégation, transferts adminis-tratifs, retrait des réductions statutaires, etc.), n'apas été faite, alors même que ces effets contami-nent toute tentative d'isoler les résultats propresaux interventions expérimentales.

Ces critiques ne sont pas nécessairement décisi-ves. Considérons tout d'abord le premier grouped'expériences. Le fait que les comportementschoisis soient «en soi» triviaux, ou «en soi» sansrapport avec le comportement délinquant, ne signi-fie pas que la performance de tâches trivialesassujetties à des réglementations fluctuantes etharcelantes ne soit pas, précisément, un problèmerécurrent de la vie «ordinaire» en milieu carcéral.Même s'il est explicitement reconnu que la sélectionde ces comportements-cibles est faite par le per-sonnel correctionnel lui-même, cela ne signifie pasnécessairement non plus qu'il y ait manipulation.Deux aspects distincts doivent être considérés : d'unepart, le degré de trivialité des tâches à accomplir estsusceptible de varier, par exemple d'être minimisé,si l'on parvient à la rendre conditionnelle à l'obten-tion de privilèges ou de commodités supplémentai-res ; d'autre part, le degré de harcèlement disciplinai-re est également susceptible de varier, par exempled'être minimisé, si l'on parvient à greffer une

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structure d'échanges — une économie de jetons -dont on a pu montrer qu'elle fonctionne danscertains cas comme une économie de marché (voirFisher et coll., 1978). Il ne s'agit pas essentiellementde trouver ou de sélectionner un comportement-cible relié à la criminalité, mais de trouver desmanières de modifier des comportements qui, enprison, font problème : de modifier, en somme, lesconditions d'exercice de la discipline carcérale.

Le second groupe d'expériences ne porte plussur des comportements auxquels sont contraintsl'ensemble des détenus, mais concerne au contrairel'ensemble - restreint par définition — de leursactivités optionnelles. Dans le premier cas il s'agitde modifier la structure des interactions ordinaireset «triviales» entre détenus et personnel correc-tionnel. Dans le second cas il s'agit de modifier lastructure des rétroactions de chaque détenu parrapport à lui-même. Contrairement à d'autrespopulations institutionnelles, le pourcentage dedétenus «institutionnalisés» en milieu carcéral estnégligeable (Goodstein, 1979). Cohen et Taylor(1972) ont consacré une monographie à la descrip-tion des diverses tactiques de résistance active quipeuvent être adoptées en milieu correctionnel parles détenus. L'une d'entre elles — la plus indivi-dualiste et par conséquent celle qui laisse indiffé-rent le personnel correctionnel — est décrite de lamanière suivante :

«II y a peu d'activités qui peuvent servir à mar-quer le passage du temps. Le détenu peut occu-per son esprit à lire ou étudier («mind-building»)ou occuper son corps à des exercices de culturephysique («body-building»)... mais assez rapide-ment le jour arrive où la progression s'inter-rompt, où moins de livres sont lus, moins d'essaisrédigés et moins d'haltères soulevées. Dans lavie normale nous pouvons toujours nous direque ces activités ne nous intéressent plus etréinvestir nos énergies ailleurs en voyageantou en jouant au golf. Mais pour ces prisonniersune telle perte d'intérêt indique plutôt le retourd'un horizon temporel non finalise et sansstructure.» (Cohen et Taylor, 1972 : 95-6)

Sous-jacente au choix de comportements classéspar les commentateurs comme des comportements«académiques», se trouve une série de problèmestels que : comment faire passer le temps plus vite?comment insérer - temporairement mais régulière-ment — dans l'écoulement, socialement indifféren-cié, du «temps à faire», une progression finalisée

et individuée? Si, dans le premier groupe d'expé-riences, les techniques opérantes visent à neutrali-ser (et pacifier) certaines propriétés des interactionsroutinières entre détenus et personnel correction-nel, dans le second groupe d'expérimentation ellessemblent plutôt inciter et maintenir une tactiquede résistance — individualiste — plus active.

Nous n'avons trouvé que trois institutions oùles techniques opérantes aient été partiellementcombinées aux politiques de libération condition-nelle ou de réductions statutaires de sentence (Jes-ness et de Risi, 1972 ; Smith et coll., 1972 ; Keltneret Gordon, 1976; Hobbs et HoIt, 1976). La seuleétude qui ait pris pour objet d'analyse une sanctionpunitive, typiquement utilisée en milieu correc-tionnel (le «transfert»), est précisément une quasi-expérience rétrospective (Schnelle et Lee, 1974).L'analyse expérimentale appliquée du comporte-ment criminel ne se fait pas, habituellement, enmilieu correctionnel, mais dans le cadre des métho-des de répression policière. La presque totalité desprogrammes opérants fonctionnent dans une partieseulement des institutions carcérales (cf. au deuxiè-me étage d'une des six ailes d'un pénitencier del'Alabama), et le taux de participation se fait surune base «volontaire». En d'autres termes, il estinexact de supposer que les techniques opérantessoient en mesure de modifier la structure profondedes institutions carcérales où elles ont été utilisées.

INSTALLATION DE RAPPORTS EXPLICITESDE DÉPENDANCE ENTRE LESCOMPORTEMENTS ET LEURS CONSÉQUENCES

On peut ranger sous cette rubrique deux sériesd'expériences : la première, consacrée à l'analysecomparée du renforcement inconditionnel et durenforcement conditionnel, et la seconde, consacréeaux effets respectifs sur le taux de performance,engendrés par un renforcement conditionnel établisur une base individuelle ou collective. Pourconclure, nous nous limitons, faute de données, àde brèves remarques concernant le fonctionnementd'une structure généralisée d'échanges condition-nels — l'économie de jetons.a) Davidson et Seidman (1974) rapportent uneexpérience menée auprès de 15 délinquantsjuvéniles incarcérés répartis au hasard en deuxgroupes. Pour un premier groupe, le nombre de

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réponses satisfaisantes, concernant le contenud'un programme d'actualités télévisées, fait l'objetd'un renforcement conditionnel, et, pour le secondgroupe, d'un renforcement inconditionnel. Lesrésultats indiquent, d'une part, l'efficacité supé-rieure de la procédure de renforcement condition-nel et, d'autre part, un maintien plus durable dutaux de performance, lorsque le renforcementconditionnel précède la phase de renforcementinconditionnel. Kendall et coll. (1975) observentles mêmes effets de contraste dans une expériencefaisant varier la durée (5 et 30 minutes) despériodes d'isolement, conditionnelles au taux deperformance de comportements récalcitrants, d'ungroupe de 30 délinquants juvéniles institutionnalisés.

Milan et McKee (1976) ont examiné égalementles effets respectifs exercés par un octroi condi-tionnel et inconditionnel de jetons. L'objectifde l'expérience est d'augmenter la qualité de laperformance de quatre activités de routine (selever à l'heure, faire le lit, ranger les effets person-nels, soigner «l'apparence personnelle»). Unedescription minutieuse de ces quatre activités estprésentée. L'expérience globale se déroule durant420 jours, le nombre moyen de détenus participantà l'économie de jetons est de 22, et la duréemoyenne de participation de trois à quatre mois.Les résultats indiquent qu'une première phase d'oc-troi inconditionnel de 60 jetons (c'est-à-dire indé-pendant de la qualité de la performance) étalée surune période de 35 jours permet d'obtenir un tauxde performance (mesuré en pourcentage d'itemssatisfaits) de 75%. Mais l'efficacité ne semble pasdurable, la fin de la période étant caractérisée parun taux de performance analogue à celui obtenudurant une phase précédente de 27 jours, au coursde laquelle seuls les ordres et pressions du person-nel correctionnel étaient en vigueur. Lorsque l'oc-troi de 60 puis de 90 jetons s'effectue conditionnel-lement au taux de performance (durant 60 jours),celui-ci s'élève et se maintient à 90% environ (va-riant entre 75 et 100%). Le retour aune phase d'oc-troi inconditionnel de 60 jetons, puis de zéro jeton,la réinstallation de l'octroi conditionnel et enfin leretour à la base initiale reproduisent, en sens inverse,les changements observés. On remarque en particu-lier que ni les variations de 60 à 90 jetons lorsquel'octroi s'effectue sur un mode conditionnel, ni lesvariations de 60 jetons et zéro jeton lorsque l'octroi

s'effectue sur un mode indépendant du taux deperformance, n'ont le moindre impact.b) Boren et Colman (1970) ont voulu comparerl'efficacité relative, pour des délinquants militaires,d'échanges conditionnels établis sur une base tantôtindividuelle tantôt collective. Durant onze semai-nes, douze détenus sont soumis à des conditionscollectives d'incitation, puis individuelles, puis denouveau collectives. Lorsque l'échange s'effectuesur la base de performance collective, un gainmaximal de jetons est conditionnel à la participa-tion égale des détenus à une activité donnée. Ladeuxième condition prévoit qu'un même gaintotal de jetons puisse être obtenu mais sur la basedes performances individuelles des participants.La première séquence de l'expérience montre unehausse du taux de participation de 65 à 90% etsuggère l'efficacité supérieure des échanges établissur une base individuelle. Durant la deuxièmeséquence le taux de participation redescend, maisen-deçà du niveau de base initial (40%). Uneanalyse rétrospective montre, en effet, que lesexpérimentateurs n'ont pas été en mesure de pré-voir l'existence d'un mécanisme incitant les détenusexposés aux contingences collectives à maximiser,à court terme, leurs gains en ne participant pas,même si, à long terme, le gain collectif tend àdécroître substantiellement.

Toutefois, des expériences analogues aboutissentà des résultats divergents. Opérant dans le cadred'institutions de détention pour délinquants juvé-niles, Alexander et coll. (1976) concluent que lescontingences collectives sont beaucoup plus effi-caces que les contingences individuelles, alors queSmith et coll. (1972) démontrent que leurs effetssont similaires. Les différences de contexte institu-tionnel, de classes d'âge et de types de comporte-ment-cible ne permettent pas d'aboutir à desconclusions fermes. Dans certains cas les procédu-res comparées sont inégalement fiables ; lorsque lavariable dépendante désigne une classe hétérogèned'un grand nombre de comportements, l'interpré-tation des résultats est circonscrite à d'étroiteslimites; lorsque le comportement visé est spécifi-que mais complexe, la complication correspondantede la structure d'échange produit des effets impré-vus. Toutefois, l'état équivoque des résultats nediffère pas de celui des travaux menés dans d'autrestypes d'institutions et auprès d'autres sortes de

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populations (Kazdin, 1977); de plus, ici aussi lacomparaison se fait le plus souvent entre contin-gences individuelles et contingences collectivesstandardisées, et les effets de contraste amenés parla succession des conditions expérimentales sonttrès rarement contrôlés.c) Est-il possible d'envisager en milieu carcéral unestructure généralisée d'échanges conditionnelsbasés sur une économie de jetons? Le critère poursavoir si une économie de jetons est techniquementmise en place dépend de l'installation d'un systèmecapable de «produire un enregistrement automati-que des données touchant chaque transactionindividuelle» entre détenus et membres du person-nel, lors de tout transfert de jetons. Ce critère estsi strict que seuls les deux pénitenciers, décritsdans le volume d'Ayllon et Milan (1979), fournis-sent une telle garantie. Toutes les autres étudesne fournissent pas d'informations suffisantes ou seréfèrent à des documents internes difficilementaccessibles. Les principales caractéristiques techni-ques d'une économie de jetons sont les suivantes :le système prend la forme d'un système de cartesde crédit; lors de chaque transaction la carte estintroduite dans une machine qui inscrit sur le reçutoutes les coordonnées de la transaction. Un étatde compte individuel est distribué à chaque détenutoutes les deux semaines. Chaque carte de créditne peut être utilisée que par le détenu à qui elle aété fournie et des procédures de contrôle sont pré-vues en cas de perte ou de vol. Les articles de lacantine peuvent être achetés en points ou en argentordinaire, la valeur en points étant proportionnelleau prix courant. La liste totale des privilèges etitems supplémentaires dans un régime d'économiede jetons doit être indiquée parallèlement à la listedes privilèges et items déjà disponibles en régimeordinaire. Des mises à jour des tarifs et des listesdoivent être faites, et une analyse économiqueglobale des rapports entre revenus et dépenses, etautres, est souhaitable et même nécessaire. Lesprocédures de pénalisation (amendes) doivent êtreénumérées, de même que le taux d'intérêt imposéaux détenus ayant leur compte à découvert.

Dans l'état actuel des choses, seules les écono-mies de jetons, opérant dans un secteur restreint etdurant une période déterminée par jour, despénitenciers d'Elmore, en Alabama, et de Buford,en Géorgie, satisfont plusieurs de ces critères. Même

là, les trois dernières conditions mentionnéesci-dessus ne sont que très partiellement satisfaites.Les deux seules évaluations systématiques del'efficacité des thérapies comportementales, aptesà modifier le taux de récidive de détenus une foisleur incarcération achevée, portent sur des pro-grammes dont les auteurs reconnaissent eux-mêmesqu'ils ne constituent pas, au sens strict, des écono-mies de jetons. Mentionnons en passant que letaux de récidive est une mesure contaminée posantbien des difficultés. On ne trouve pas non plusd'analyse des rapports entre taux de performance,revenus, dépenses et épargnes, ni d'expérimentationentreprise à ce niveau global de la structuregénérale des échanges, comme cela a été fait dansd'autres types d'institutions, surtout psychiatriques(Kazdin, 1977). Burchard et Harrig (1976) suggè-rent d'examiner plus particulièrement si une por-tion, importante ou négligeable, de détenusconsacrent l'essentiel de leurs revenus à rembourserles dettes encourues par suite du système d'amendeet du taux d'intérêt.

PROBLÈMES RELATIFS ÀL'ÉVALUATION DES PERFORMANCES

L'évaluation même des performances dans cesexpériences cliniques pose des problèmes divers.Nous rapportons ici certains procédés utilisés pourminimiser la manipulation des mesures prises, puisle résultat d'une expérience rétrospective qui mérited'être considérée avec beaucoup de soin.a) II arrive que le critère choisi pour évaluer lerenforcement conditionnel soit manipulé. Hayeset coll. (1975), dans une prison fédérale de Virginie(d'une population moyenne de 350 détenus âgés de13 à 28 ans), examinent les effets, sur le taux deperformance d'un comportement-cible, d'un ren-forcement conditionnel dans lequel le critère d'éva-luation est indétectable, sauf pour l'expérimenta-teur lui-même. La procédure ne requiert pas nonplus qu'un membre du personnel correctionneladministre le paiement. Dans ce cas-ci, une lettrepar la poste a été utilisée. Le comportement-cibleest le ramassage des déchets qui jonchent les ter-rains adjacents aux pavillons de l'institutioncorrectionnelle. Ni l'installation de poubelles, nil'assignation de cette corvée à des détenus ne sem-blent avoir été efficaces. Comment inciter un

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ensemble d'individus à réduire le taux de pollutiond'un environnement donné — pas nécessairementcarcéral bien entendu? On a constaté, entre autres,que la quantité ou le poids de déchets rapportésétait un critère beaucoup moins efficace que lapropreté des surfaces expérimentales (Kazdin,1977). La procédure utilisée ici fait dépendrel'octroi d'une somme d'argent (réel) ou de pri-vilèges supplémentaires de la quantité d'itemsmarqués mais indétectables, sauf pour l'expéri-mentateur, distribués préalablement sur les zonesexpérimentales et mélangés aux autres items depollution. L'invisibilité des marques diminue laprobabilité de déchets artificiellement produits,puisque les chances pour qu'un item marqué soitsusceptible d'être rapporté sont plus minces.L'expérience dure 42 jours. Les résultats indiquentune réduction du taux de pollution de 55%, 88%et 71%, après 17, 22 et 36 jours, respectivement.Une quatrième zone servant de contrôle n'a pas vuson taux de pollution se modifier. Des 130 détenuspouvant participer à l'expérience, 25% d'entre euxl'ont fait.

Clements et McKee (1968) ont essayé de mon-trer, une fois un système d'incitation mis en place,qu'il est indifférent que le critère d'évaluation dutaux de performance soit fixé ou administré parl'expérimentateur ou les sujets de l'expérience.Celle-ci dure 9 semaines. Afin d'évaluer le rôle del'effet Hawthrone, au moins approximativement,le schéma évaluatif prévoit une phase initiale detrois semaines, servant de niveau de base et précé-dant l'exposition successive d'un groupe de 16 dé-tenus volontaires (incarcérés dans un pénitencierà sécurité maximum de l'Alabama) à chacune desdeux conditions expérimentales. Le comportement-cible concerne la rapidité avec laquelle on assimileles modules d'un enseignement programmé et indi-vidualisé. Durant la première condition de l'expé-rience, un contrat de performance est établi surune base individuelle, spécifiant notamment quele taux de performance quotidien doit être environde 20% supérieur au taux de performance atteintdurant la période de base ou la semaine précédente.Après quatre semaines, la seconde condition estintroduite. Chaque détenu spécifie lui-même sonniveau de performance, la condition étant que letaux de performance quotidien soit égal ou supé-rieur au taux atteint durant la période du niveau

de base, qui a précédé la première phase expéri-mentale. Les résultats indiquent que les deuxsystèmes d'incitation parviennent à doubler lenombre de modules maîtrisés, à augmenter lepourcentage de tests réussis et à diminuer le nom-bre d'heures d'étude par jour nécessaires.b) Cependant, d'autres travaux nous rendentbeaucoup plus sceptiques. Bassett et Blanchard(1977) ont examiné rétrospectivement, de manière«quasi expérimentale», l'effet induit par l'absencedu psychologue chargé de la direction d'uneéconomie de jetons ayant opéré, durant dix mois,dans un pénitencier à sécurité minimum duTennesse. Près de 40 détenus ont participé, pourdes durées diverses, au programme. Un entraîne-ment de 25 heures de sessions de formation a étédonné, pour les familiariser avec les «principes etapplications d'une analyse behaviorale appliquée».Au cours du troisième mois d'opération du pro-gramme, le directeur (J.E. Bassett) s'est absentépour une période de quatre mois. Un second psy-chologue (E.B. Blanchard) participe alors au projetdurant ces quatre mois à titre de «consultant», saprésence n'étant requise qu'une ou deux journéespar mois. Les effets de ces allées et venues sontindiquées dans le graphique 1. La valeur ou lemontant des amendes ont augmenté rapidement.Un comportement, susceptible d'être pénalisé de10 à 25 points un jour, coûtait 250 à 1 000 pointsle lendemain. La distribution des amendes n'estpas arbitraire, T des 9 officiers du personnelcorrectionnel ayant infligé 96% de celles-là. Parailleurs, un grand nombre de comportements,auparavant neutres, ont été progressivementincorporés dans la liste des catégories pénalisables.La fréquence des rapports disciplinaires calculésen jours-détenus (x 1 000) est passée de .66 à5.13 durant la première séquence A-B, pourredescendre à .46 durant la phase B-A. En consé-quence, le nombre de participants a baissé enmoyenne de 10 à 4.5 durant la première phaseA-B, pour remonter à 21.5 durant la secondeséquence B-A.

Ces résultats soulèvent plusieurs problèmes.La quasi-expérience rétrospective, de Bassett etBlanchard (1977), portant sur la durée totaled'opération de l'économie de jetons et d'autresexpérimentations menées simultanément (Bassettet coll., 1975) peuvent être réévaluées. On constate

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Graphique 1 : Fréquence et variété des amendes émises par le personnel correctionnel avant, après etdurant l'absence du directeur d'un programme d'économie de jetons.*

ainsi qu'elles font abstraction du fait que, mêmependant les phases du programme où le directeurest présent, le nombre de détenus quittant ouabandonnant le «secteur expérimental» du péni-tencier est équivalent au nombre de détenus admisou recrutés. Par conséquent, il ne s'agit plus d'unmême groupe de détenus soumis à des conditionsdifférentes et successives. Cette situation se présen-te fréquemment, mais n'est que rarement examinéecomme telle.

Il arrive aussi qu'on soutienne que le personnelcorrectionnel est en mesure d'«appliquer» ces pro-cédures opérantes qui ne demandent qu'une«consultation et supervision minimales» de la partdes psychologues. Mais la seule expérience qui aitprécisément fait varier, quoique involontairement,le degré de supervision, a abouti à des résultatscontraires. Le dilemme général est clair : ou bienles changements dans le comportement du person-nel ont exercé un effet sur le débit ou la fréquencedes comportements-cibles, et l'efficacité attribuéeaux procédures introduites est sinon trompeuse dumoins équivoque; ou bien, alors, ces changementsn'exercent aucun effet perceptible sur les expé-riences telles que mesurées, et, dans ce cas, lagrossièreté de la mesure devient sujette à critique.Dans les deux cas, l'identification de la source réelledes effets observés requiert un minimum de garan-

ties, sur le rapport de dépendance qui existe entrela procédure expérimentale introduite et l'ensemblede la situation globale dans laquelle l'expérienceelle-même s'insère.

Le problème, indissociable des schémas évalua-tifs utilisés, peut être formulé de la manièresuivante : comment interpréter les effets, observésau cours d'une période donnée, d'une procédureparticulière sur un comportement particulier, alorsque la situation globale dans laquelle l'expériencese déroule est présumée constante mais ne l'est pasréellement? Certains travaux examinent les condi-tions dans lesquelles s'effectue la «formation dupersonnel». On a comparé l'efficacité de troisméthodes d'apprentissage couramment utilisées en«sessions de formation» (instructions, rétroaction,imitation). Un autre moyen est de prendre périodi-quement la mesure du «climat social» en compa-rant la perception respective des détenus et dupersonnel, relativement à diverses facettes de la vieinstitutionnelle (Jesness, 1975). Les questionnairesfournis ont une fonction qui n'est pas sans rappelerla «règle de la requête verbale» de Ayllon et Azrin(1973). Mais celle-ci a pour objectif de découvrirdes sources supplémentaires de «renforcement»,alors que ceux-là ont plutôt pour fonction desuppléer à une absence de mesure globale directede la situation ou de l'état du programme.

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LA STRUCTURE DURENFORCEMENT CONDITIONNEL

Plusieurs composantes de cette structure ontété examinées : analyse comparée des programmesde renforcement à proportion et à intervalle fixeet variable; analyse des effets amenés par unemodification du taux d'échange entre performanceet conséquences; examen des effets engendréspar un prolongement du délai d'occurrence durenforcement.

a) La psychologie expérimentale a bien étudié lesprogrammes de renforcement à proportion et àintervalle (cf. salaire à la pièce comparé au salairepar taux horaire). Ayllon et Milan (1979, 180)ont examiné cette question dans le cadre d'unprojet-pilote d'économie de jetons dans un péni-tencier. Trois détenus ont participé à une expé-rience qui a duré 70 jours. Durant la premièrephase (35 jours), les détenus sont payés (en jetons)selon les heures de présence ou de participation auprogramme de rattrapage académique. Durant laseconde phase, les trois détenus ne sont plus payés12 jetons par heure de présence, mais 12 pointspar test de module d'enseignement. Les résultatsindiquent que le nombre total d'heures d'études(c'est-à-dire le temps standard estimé) de matièresacadémiques réussies par période a augmenté de75.5, durant la première phase, à 127.5, durant laseconde. L'importance du changement et sonoccurrence, au moment de l'introduction de lacondition expérimentale, suggère l'efficacité supé-rieure d'un octroi de jetons procédant à proportionfixe plutôt qu'à intervalle fixe, malgré «l'effortadditionnel que cela requiert pour le personnel».Par ailleurs, trois autres détenus, ayant égalementété payés sur une base «salariale» durant la premièrephase de l'expérience, ont continué à l'être durantla seconde phase de 35 jours. Les résultats mon-trent que le taux de performance initialementélevé durant les premiers 30 jours, a, par la suite,décru de 43% à la fin des 70 jours de l'expérience.Il est possible que ce déclin progressif sous un régimesalarial soit l'indice du caractère temporaire, outransitoire, de l'émulation réciproque des sujetsentre eux.

Une autre variation, examinée par Kandel etcoll. (1976), consiste à rendre l'octroi des jetonsconditionnel à l'intervalle de temps séparant la

réussite d'un test de la réussite du test suivant.L'expérience, qui dure près de 4 mois, se dérouledans un contexte analogue à celui de l'expérienceprécédente; elle concerne deux détenus dont lesscores, en termes de quotient intellectuel, sontplutôt faibles (65 et 91 respectivement). Durantune première phase de 3 mois, les premiers essaisde rattrapage académique des deux détenuss'effectuent dans le cadre d'échanges conditionnels,qui accordent un octroi de 20 points (jetons) partest et 120 points par palier ou grade réussi. Onintroduit ensuite un système d'incitation «enrichi»qui prévoit, par exemple, un paiement de 20pointspar test réussi en 4 jours ou plus, mais 50 points sile test est réussi en un jour, ou, à la limite, 700points pour six tests réussis par jour. L'expériencecouvre deux matières spécifiques, soient l'anglaiset les mathématiques. Les résultats indiquent quele détenu au quotient intellectuel le plus faible estparvenu, durant une même période de temps, àréussir 4 et 7 fois plus de tests. Le second détenua vu son score augmenter de 3 et 9 fois. L'applica-tion du California Test of Basic Skills avant etaprès l'expérience corrobore ces résultats.b) Quels sont les effets d'une variation du tauxd'échange entre performance et conséquences?Milan et coll. (1979b) ont examiné systématique-ment, durant une longue période (240 jours), leseffets exercés par une augmentation de la quantitéde jetons octroyée en échange d'une participationaccrue aux programmes d'actualités télévisées, surun groupe de détenus opérant dans un systèmed'économie de jetons (au pénitencier Elmore enAlabama). Durant la période initiale, le taux deperformance évolue autour de 20%. Cette périodedure 17 jours. Lorsqu'on introduit un octroi de60 jetons, le taux passe à 40%. Une augmentationà 120, puis à 240 points, provoque une diminutionprogressive des effets exercés. Bref, au-delà des120 points, toute augmentation est sans effet. Leretour à des conditions de 120, puis de 60 points,produit des changements analogues mais inverses.Les résultats montrent donc une grande variétéde seuils critiques individuels : pour certains, ceseuil au-delà duquel le taux de performance décroîtou augmente se situe à 60 points; pour d'autres, à120 points; d'autres enfin restent insensibles àl'ensemble des variations introduites. D'où :«l'importance d'un examen des courbes individuel-

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les, si des propositions'précises doivent être faitessur la manière dont les procédures influencent lesindividus». (Milan et coll., 1979b,)

L'augmentation du taux de performance d'uncomportement donné ne peut être suscitée par uneaugmentation correspondante du montant dejetons octroyés que dans le cadre de certaineslimites, lesquelles dépendent du degré de pauvretéou de richesse de l'ensemble des «agents de renfor-cement d'appui» («back-up reinforcers»);certainesprocédures complémentaires ont été étudiées à cesujet. Boren et Colman (1970) examinent l'effetproduit sur le taux d'assistance à une réunionmatinale, lorsque l'octroi conditionnel de 20pointsest combiné à une amende de 10 points, selon quele détenu s'y présente ou non. Un design du typeABA utilisé pour cette expérience montre quel'installation, durant cinq jours, de la combinaisonamende-octroi, fait baisser le taux originel d'assis-tance qui variait entre 70 et 100%, à 50%. Leretour à la condition première (l'octroi conditionnelde 20 points seulement) entraîne une réaugmenta-tion du taux d'assistance, qui demeure cependantinférieur à celui initialement observé. Par contre,une expérience analogue, décrite par Hoefler etBornstein (1975) et menée dans le plus connu descentres résidentiels «behavioristes» pour petitsgroupes de délinquants juvéniles {AchievementPlace, au Kansas), aboutit à des résultats contraires,suggérant, de nouveau la difficulté rencontrée parles thérapies de «modification comportementale»à généraliser ou même répéter des résultats déjàobtenus (Liberman et coll., 1975). Étant donnéla multiplicité des facteurs non contrôlés ounon contrôlables dans un contexte d'«expérimen-tations» appliquées, ce problème n'est guèreétonnant.

c) Les procédures utilisées pour prolonger ladurée des délais entre performances et consé-quences ont également pour fonction de suppléeraux limites des techniques, basées uniquement surune modification du montant de jetons accordésou exigés. Ayllon et Milan (1979, 194) ont ainsiexpérimenté une procédure ayant spécifiquementpour objectif de limiter l'impact de la relation dedépendance entre performance et conséquencefonctionnelle, en enchaînant deux activités dis-tinctes en une séquence, de façon à ce que la

performance de l'une ne soit pas conditionnelle àl'octroi d'une quantité de jetons, mais soit lacondition préalable à la performance subséquentede l'autre activité, qui, une fois accomplie, serapayée. L'expérience porte sur l'apprentissageacadémique de deux détenus. Durant une premièrephase de cinq jours, seule l'étude de l'anglais estconditionnelle à l'octroi de jetons supplémentaires.Durant la phase expérimentale (dix jours), on exigedes deux détenus de passer un test en mathé-matiques, puis de passer ou de réussir le testd'anglais pour que survienne un paiement équi-valent. Une «prime» est octroyée si la séquence estrépétée trois fois. Les résultats indiquent uneredistribution plus adéquate des efforts entredifférentes matières (accroissement du nombre detest réussis en mathématiques et baisse des testsréussis en anglais), et une augmentation mineureou substantielle du nombre total de tests maîtriséspar jour, selon le détenu.

Milan et coll. (1979a) ont utilisé égalementcette procédure pour inciter les détenus, parti-cipant à l'économie de jetons du pénitencierDraper, à consacrer un minimum de 8 à 10 heuresde leur temps libre à l'apprentissage académique etatteindre un niveau de performance de 500minutes d'étude, en termes de modules maîtrisés enmoyenne par chaque détenu. Plutôt que d'aug-menter la quantité de jetons (capable d'engendrerune «inflation» ou un surplus ayant pour effet dediminuer le taux de performance), la procédureintroduite demande que les détenus acquièrentd'abord une «licence». Cette licence devient lacondition à toute forme d'échanges effectuésdurant les sept heures par jour qu'opère l'économiede jetons. Par ailleurs, le tarif de «sortie» dusecteur «expérimental», pendant que l'économiede jetons est en vigueur, est doublé pour ceux quin'ont pas acheté de licence. Les résultats montrentque si le passage à une économie de jetons permetd'augmenter le taux de participation de 1 à 11 %,le passage d'une structure simple d'échangesconditionnels à une structure incorporant unenchaînement de «programmes de renforcement»,sous forme de licence (durant 63 jours), permetd'élever ce taux de performance de 11 à 39%.Corrélativement, le nombre moyen de minutes dematériel académique maîtrisé augmente de 309 à459.

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BILAN ET MISE EN PERSPECTIVE

Ce parcours assez détaillé de l'état de la situationpermet, dans une certaine mesure, d'évaluer, avecles nuances requises, la pertinence clinique, lavalidité scientifique et l'efficacité pratique du«traitement comportemental» en milieu carcéral.

Les thérapies behavioristes se sont souventvantées de la validité de leur méthode pour sesingulariser des autres formes de pratiques cliniques.Un canevas évaluatif strict est inséré le plus souventdans chaque «expérience». Notons cependantl'interaction assez lâche entre recherches expéri-mentales, elaborations théoriques et interventionscliniques. De plus, nous l'avons vu, les difficultésliées à l'évaluation des performances sont sicruciales, dans un établissement pénal, que desgaranties additionnelles à celles qui sont habituel-lement offertes seraient souhaitables.

Quelle sorte d'efficacité peut-on raisonnable-ment attribuer aux procédures d'apprentissageopérant? Il n'a pas été possible, faute de donnéeset de travaux pertinents, d'évaluer le fonctionne-ment d'une économie de jetons comme telle ; nousne savons rien, non plus, des effets du condition-nement opérant sur le comportement des détenustraités, une fois ceux-ci retournés à la sociétécivile. Si on limite notre étude à la sphère del'efficacité particulière de certains procédés deconditionnement opérant, plusieurs facteurs res-trictifs doivent être mentionnés : la durée desprogrammes est souvent brève et ne concernequ'une tranche de la vie quotidienne carcérale;Pauto-sélection des volontaires et le taux de mor-talité des participants ne sont guère contrôlés ; lesexpériences relatées ici ne sont pas, même méta-phoriquement, des expériences de laboratoire,d'où la difficulté à formuler des généralisations,même modestes.

La question de la pertinence clinique de cettesorte de traitement a souvent été soulevée etrésolue diversement et finalement de manièretrès personnelle. Des débats éthiques, voire poli-tiques, autour de cette question, semblent inévi-tables et même souhaitables. Une digression àcaractère historique et pénologique pourrait,peut-être, se révéler utile, quoiqu'il ne soit guèrepossible de l'élaborer comme il conviendrait. Nousavons déjà fait allusion au système de discipline

carcérale proposé et appliqué par Maconochie, aumilieu du 19e siècle. On peut retrouver, d'ailleurs,chez beaucoup de réformateurs de cette époque,des projets similaires au «mark system» (ou «socialsystem of convict management») de Maconochie.Ils ont été à l'origine et au cœur d'un cortège demesures (probation, libération conditionnelle,sentences indéterminées etc.) qui ont, selonJerome Hall, «presque complètement transforméla justice criminelle et pénale du l'9e siècle»{General Principles of Criminal Law, 1960, 55).

Cette nouvelle «discipline», qui présuppose lacondamnation officielle de l'usage des châtimentscorporels (et, de manière générale, de la terreur),a pour objectif principal de préparer le détenu àsa «restauration» dans la société civile. Le systèmede points de Maconochie est conçu comme unemachine («apparatus») remplissant les fonctionssuivantes :1. la durée de la sentence n'est pas fixée au départ,

mais devient conditionnelle à la quantité detravail et à la performance quotidienne globaledu détenu. Devant gagner sa liberté par soncomportement, le détenu subit une peineadministrée comme un programme de renfor-cement à proportion fixe ou variable, et nonpas à intervalle fixe. Au lieu d'être condamné à3 ans, le détenu serait condamné à gagner, parexemple, un montant de 3 000 à 5 000 points.

2. le travail et la performance du détenu sontexprimés et rémunérés en jetons ou points, etle désir de hâter sa libération amène le prison-nier à faire l'apprentissage de l'humilité («self-denial»), de la frugalité et autres habitudes«industrieuses». Les points servent à acheter,ou bien des vivres supplémentaires, ou bienune réduction (en jours) du temps à purger;la cantine offre des menus à des prix différents ;le travail supplémentaire et les corvées les plusdures sont payés à des taux supérieurs, etc.

3. l'application de la peine carcérale se structurecomme un itinéraire de formation ou commeune «carrière morale». Après une phase d'isole-ment où le détenu opère à l'écart du régime desystème de points, les échanges conditionnelssont ensuite octroyés sur une base individuellepuis, dans une troisième phase, sur une basecollective : chaque détenu s'associe à despartenaires (de son choix) pour former un petit

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groupe de 6 ou 7 individus, le groupe étantresponsable du comportement individuel dechacun de ses membres, jusqu'à concurrenced'un certain montant de points gagnés conjoin-tement ; un fonds commun des gains est égale-ment prévu. Cette phase de contingence collec-tive doit conduire à l'apprentissage des qualitésnécessaires à la réinsertion civile ; ' elle doitinciter également les prisonniers à collaborerau maintien de la discipline, tout en permettantd'éliminer du même coup, le système de sécuritérival (et honni) basé sur la délégation de pou-voirs policiers à un sous-groupe privilégié dedétenus, les «prévôts» ou les «capots». (Sol-jénitsyne, dans L'Archipel du Goulag (1973),donne une description récente de ce système dedélégation associée à l'usage officiel des châti-ments corporels et de la terreur).

4. la dernière phase ou étape réintroduit un régimede contingences individuelles; les détenusdoivent toujours gagner leur compte quotidiende points, mais certains droits de propriété leursont accordés, et les contraintes de vie sontprogressivement relâchées de manière à les«préparer à leur restauration sociale» et àrenforcer leur autonomie («power of self-governance»).Les historiens ne se sont guère intéressés à

faire l'analyse détaillée des archives encore dispo-nibles sur l'administration de ces systèmes de pointsou d'économies de jetons. On peut imaginer quede telles analyses pourraient (ou devraient) intéres-ser les cliniciens behavioristes cités dans cet article.Ces derniers tireraient profit des difficultés quedut surmonter Maconochie pour administrer lerégime de contingences collectives, et de la néces-sité qu'il eut de trouver des procédés spéciauxpour empêcher que l'évaluation de la performanceet du travail du détenu, par le personnel carcéral,ne soit systématiquement déformée ou manipulée.Voir à ce sujet et pour toute cette digression, labiographie précieuse de V. Barry (195S),AlexanderMaconochie of Norfolk Island : a study of apioneer in penal reform.

On peut donc revenir à la question de la perti-nence clinique du traitement comportemental enmilieu carcéral. Il est frappant de constater à quelpoint les procédés de conditionnement opérantspécifient et développent les mécanismes d'une

structure disciplinaire conçue comme la base detout projet de «réhabilitation correctionnelle». Dece point de vue, le traitement comportemental enmilieu carcéral demeure absolument fidèle à cequ'on entend généralement par «réhabilitation».Il est au moins aussi frappant de voir à quel pointla très grande majorité des expériences que nousvenons de relater se sont déroulées non seulementdans un contexte très limité, mais ont été égale-ment dissociées de toutes mesures de libérationanticipée. L'idée même de «restauration à lasociété civile» n'est presque jamais abordée, Cequi paraît absolument conforme à la nouvellediscipline carcérale moderne se trouve, en mêmetemps, coupé de sa raison d'être — la libérationdu détenu et la gestion globale du régime dedétention.

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SUMMARYThis paper offers a descriptive and systematic review

of behavior modification programs in penal settings. Thefollowing aspects are considered : the clinical relevance ofbehavior targetting, the problems related to the evaluativemethodology and the limits of the effectiveness of theseexperiments. A brief historical overview points out thevery special position of behavior modification programsin the field of prisoner rehabilitation.